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01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
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 TOME I. - LES CONTROVERSES.

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 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

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 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

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 Les Ministres n'ont Mission ni du Peuple, ni des Princes séculiers.

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 Article II. Les Ministres n'ont pas reçu Mission des Evêques Catholiques.

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 Article III. Les Ministres n'ont pas la Mission extraordinaire.

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 Article IV. Les contreraysons des adversaires et leurs responces.

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 Article VII. Les Ministres ont violé l'Authorité de l'Eglise.

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 Chapitre III. Les Marques de l'Eglise.

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 Les Règles de la foi 67.

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 Que les reformateurs prætendus ont violé la Sainte Escriture première Règle de nostre foi 71.

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 Article III. Quelz sont les Livres sacrés de la Parole de Dieu.

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 Article IV. Premiere violation des Saintes Escritures faitte par les reformateurs, retranchans plusieurs pieces d'icelles 76.

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 Article V. Seconde violation des Escritures par la regle que les reformeurs produisent pour discerner les Livres sacrés d'avec les autres, et de quelques menus retranchemens d'iceux qui s'en ensuivent.

  A001000062 

 Article IX. De la profanation des Psaumes en suivant la version de Marot et en les chantant partout indifféremment 86.

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 Chapitre II. Que l'Eglise des prætenduz a violé les Traditions Apostoliques, 2 e Règle de la foy chrestienne 91.

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 Chapitre III. Que les Ministres ont violé l'authorité de l'Eglise, 3 e Règle de nostre foy.

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 Chapitre IV. Que les Ministres ont violé l'authorité des Conciles, 4 e Règle de nostre foy.

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 Article III. Combien les Ministres ont mesprisé et violé l'authorité des Conciles.

  A001000075 

 Chapitre V. Les Ministres ont violé l'authorité des anciens peres de l'eglise, 5 e Règle de nostre foy.

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 Chapitre VI. Que les Ministres ont violé l'Autorité du Pape, 6 e Règle de notre Foi 106.

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 Article III. De la seconde promesse faicte a saint Pierre: Et je te donneray les clefz du royaume des cieux 110.

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 Article VI. Par l'ordre avec lequel les Evangelistes nomment les Apostres.

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 Article XIII. Confirmation de tout ce que dessus par les noms que l'ancienneté a donnés au Pape.

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 Article XV. Combien les Ministres ont violé ceste Authorité.

  A001000093 

 Chapitre VII. Que les Ministres ont violé l'Autorité des Miracles, 7 e Règle de notre Foi 145.

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 Combien les Miracles sont pregnans pour asseurer de la Foi 145.

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 Article II. Combien les Ministres ont violé la foy deüe au tesmoignage des Miracles.

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 Chapitre VIII. Que les Ministres ont violé la Raison naturelle, 8 e Règle de notre Foi 150.

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 Article II. Combien les Ministres ont combattu la Rayson et l'experience.

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 Les Règles de la foi sont observées dans l'Église Catholique.

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 Article V. De quelques autres lieux, par lesquelz la priere, l'aumosne et les saintes actions pour les trespassés sont authorisees.

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 J'eusse bien desiré d'estr'ouÿ, aussy bien que les accusateurs, car les parolles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La [1] vive voix, » dict saint Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est bien plus justement porté dans le cœur par la vive parolle que par l'escrit.

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 Elle contentera ceux qui, pour toute responce aux raysons que j'apporte, dient quilz les voudroyent bien voir devant quelque ministre, et leur semble que la seule presence de l'adversaire les feroit chanceler, paslir, transir, et leur osteroit toute contenance: car maintenant ilz les y pourront conduyre.

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 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, la contenance, baillent lustr'a la parole; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne peut pas reussir en cest exercice: aussy ni eusse pas pensé, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eust sommé et donné le courage, ce que despuys plusieurs de mes principaux amis ont trouvé bon, l'advis desquelz je prise tant, que le mien n'a du tout point de creance vers moy qu'a faute d'autre..

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 Or je les vous addresse et presente de bon cœur, esperant que les occasions [4] qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de lire cest escrit, vous asseurant, au reste, que vous ne lires jamais escrit qui vous soit donné par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys.

  A001000135 

 [5] Le tems est mauvais, l'Evangile de paix peut a grand peyn'estre receu parmi tant de soupçons de guerre: si, ne me pers je pas de courage; les fruictz un peu tardifz se conservent beaucoup mieux que les printaniers; j'espere que si une fois Nostre Seigneur crie a vos oreilles son saint Epheta, ceste tardiveté reussira en beaucoup plus de fermeté..

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 Mays sur tout je vous prie, que vous ne layssies jamais entrer en vos espritz autre passion que celle de nostre Sauveur et Maistre Jesuchrist, par laquelle nous avons estés tous rachetés, et serons sauvés s'il ne tient a nous, puysqu' il desire que tous les hommes soient sauvés, et viennent a cognoissance de la verité.

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 .. Je suys neantmoins tres content et trouve bon d'escrire quelques principales raysons que j'ay choysi entre les autres, par lesquelles je vous feray voir a descouvert que vous estes du tout hors du train que les Apostres ont suyvi pour se rendre a la Hierusalem cœleste.

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 Ayant deja continué quelques moys la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans me voir escouté des vostres que fort rarement, et par pieces, a la desrobbëe, affin de ne laisser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre par escrit une partie des remonstrances et traittés que j'ay faict a vive voix en chaire, pour la defence de la creance ancienne de l'Eglise contre les accusations qu'on vous a si souvent representëes cy devant contre icelle.

  A001000143 

 J'eusse bien desiré que mes raysons eussent esté ouÿes, aussy bien comme les allegations des accusateurs, câr les paroles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La vive voix, » dict [1] S t Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est tousjours plus justement assigné dans le cœur par la vive parolle que par l'escriture.

  A001000144 

 Dequoy j'ay encores besoin par ce que quelques uns des vostres, quand ilz voyent que je ne parle pas en chaire comm'on introduysoit les Catholiques, disans mille blasphemes contre Dieu, forcés d'advoüer la verité que je preche, pour se flatter disent que je ne parle pas a la papiste.

  A001000144 

 Elle contentera ceux qui, pour toute responce a mes raysons, dient quilz les voudroyent bien voir en la præsence de quelqu'un des ministres, pour voir si elles pourroyent y tenir contenance, si elles pasliroient ou s'esvanouyroyent point: car maintenant vous les y pourres conduire.

  A001000144 

 Il asseurera chacun que je ne dis rien a Tonon que je ne veuille bien qu'on sache, si besoin estoit, a Necy et a Rome; dequoy ont besoin d'estr'asseurés ceux qui ne me tiennent pas pour Catholique par ce que je dis: que nos œuvres ne sont pas meritoires sinon entant quelles sont taintes au sang de N. S.; que le cors de N. S. est substantiellement, reellement et veritablement sous les especes de pain et de vin au tres st S. de Sac. de l'Eucharistie, mays non pas charnellement; que les Saints ont un'excellence beaucoup plus grande et de plus eminent calibre que les mortelz mondains, mays quelle n'a point d'autre proportion avec l'excellence divine que de la creature au Createur, du finy a l'infini; et semblables verités: c'est adire, que je presche la doctrine Catholique.

  A001000145 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, l'affection et contenance baillent lustr'a l'enseignement; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne reussira pas en cest exercice: aussy ny pensois je pas, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eut sommé et donné courage, a quoy despuys plusieurs de mes principaux amis m'ont poussé; en telles occasions je prise tant le jugement de mes amis que je ne me crois jamais moy mesme qu'a faute d'autre..

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 .. Je ne m'amuse gueres sur les raysons que vous aves de ne me prester point l'oreille, car j'espere qu'un jour..... [5] Le tems, a ce qu'on dict, vous en empeche, l'Evangile de paix ne pouvant estre receu parmi tant de soupçons de guerre.

  A001000146 

 Et pour vray je croyois que, comme vous n'asujettisses a personne vostre creance, si non a l'interpretation de l'Escriture Sainte qui vous semble la meilleure, vous voudries encores ouÿr celle que j'y apporterois, c'est adire, celle de l'Eglise Cat. Ro., laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouïllëe et defigurëe par les ennemis; car si vous l'eussies veu en sa pureté jamais vous ne l'eussies abandonnëe.

  A001000146 

 Et puys que vous aves esté l'occasion de ceste mienne peyne, j'ay voulu vous l'adresser et præsenter, esperant que les [4] occasions qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de la lecture de ce discours.

  A001000146 

 J'ay donques escrit certaines raysons, et nompas toutes, qui monstrent clairement que tous ceux qui sont sortis de l'Eglise Catholique sont hors du train que les Apostres ont suyvi pour se rendre en Paradis.

  A001000146 

 Si, ne me pers je point de courage; les fruictz un peu tardifz se conservent beaucoup mieux que les printaniers; j'espere que si une fois N. S. crie a vos oreilles son saint Epheta, ceste tardiveté reussira en une plus grande fermeté..

  A001000160 

 Ceste grande facilité que les hommes ont de se scandaliser, fit dire, ce semble, a Nostre Seigneur, quil estoit impossible que scandale n'advint, ou, comme dict saint Mathieu, i l est necessaire quil arrive des scandales: car, si les hommes prenent occasion de leur mal du sauverain bien mesme, comme se pourroit il faire quil ni eut du scandale au monde ou il y a tant de maux?.

  A001000161 

 Les deux autres sortes de scandales s'appellent scandales passifz, mays les uns, scandales passifz ab extrinseco, les autres, ab intrinseco: car entre les personnes qui sont scandalizëes, les unes le sont par les mauvaises actions d'autruy, et sont celles qui reçoivent le scandale actif, mettans leur volonté en butte aux scandaleux; les autres le sont par leur propre malice, qui, n'ayans point d'occasion d'ailleurs, s'en bastissent et forgent en leur propre cerveau, et se scandalizent eux mesmes d'un scandale [8] qui est tout de leur creu.

  A001000163 

 .. Car l'Escriture quilz manient, le voysinage des vrays Chrestiens, les marques quilz voyent en la vraÿe Eglise, leur ostent tout'excuse de mise; de maniere que l'Eglise de laquelle ilz se sont separés leur peut mettre au devant les parolles de son Espoux: Recherches es Escritures esquelles vous penses avoir la vie eternelle, ce sont elles qui rendent tesmoignage de moy; et plus outre: Les œüvres que je fais au nom de mon Pere rendent aussy tesmoignage pour moy.

  A001000163 

 Cestuyci est le principal et sauverain scandale du monde, et qui en comparayson de tous les autres merite seul le nom de scandale; et semble que ce soit quasi tout un quand Nostre Seigneur dict: Il est necessaire que scandales adviennent, et quand saint Pol dict: Il faut quil y aÿe des heresies.

  A001000163 

 Ceux donques qui se scandalizent en elle ont tout le tort et toute la faute; leur scandale n'a point d'autre sujet que leur propre malice, qui les va chatouillant pour les faire rire en leurs iniquités..

  A001000163 

 Or ce scandale icy se va diversifiant avec le tems, et comme mouvement violent se va tousjours plus affaiblissant en sa mauvaisetie: car, en ceux qui commencent la division et ceste guerre civile entre les Chrestiens, l'heresie est un scandale purement pris, passif ab intrinseco, et ni a point de mal en l'heresiarque qui ne soit du tout puysé [en] sa volonté, personne ny a part que luy; le scandale des premiers quil desbauche tumbe desja en partage, mais inegalement, car l'heresiarque y a sa part a cause de sa sollicitation, les desbauchés y en ont une, d'autant plus grande quilz ont eu moins d'occasion de le suyvre; puys, l'heresie ayant pris pied, ceux qui naissent parmi les hæretiques de parens hæretiques ont tousjours [11] moins de part a la faute: mays il n'arrive jamais que aux uns et aux autres il ni ayt beaucoup de leur faute, et particulierement en ceux de nostr'aage, qui quasi tous sont en scandale presque purement passif [pris].

  A001000164 

 Ce que je feray en deux façons: premièrement, par certaines raysons generales; 2, en des exemples particuliers que je proposeray sur les principales [12] difficultés comme par maniere d'essay.

  A001000164 

 Je n'ay pas autre intention que de vous faire voir, Messieurs, que ceste Susanne est accusée a tort, et qu'elle a rayson de se lamenter de tous ceux qui se sont distancés de ses ordonnances, avec les parolles mesmes de son Espoux: Ilz m'ont hayé d'une hayne injuste.

  A001000164 

 Prenes neantmoins a gré je vous prie, Messieurs de Thonon, cest escrit, et quoy que vous en ayes veu plusieurs autres mieux faictz et plus riches, arrestes un peu vostr'entendement sur cestuy ci, que peut estre sera il plus sortable a vostre complexion que les autres; car son air est du tout Savoysien, et l'une des plus prouffitables receptes et derniers remedes c'est le retour a l'air naturel: si cestuyci ne prouffite, on vous en monstrera d'autres plus purs et subtilz.

  A001000164 

 Tout ce que tant de doctes hommes ont escrit tend la et y revient, mays non pas a droit fil, car chacun se propose un chemin particulier a tenir: je tascheray de reduyre toutes les lignes de mon discours a ce point, comm'au centre, le plus justement que je pourray; et la premiere Partie servira quasi egalement pour toutes sortes d'heretiques, la seconde s'addressera plus a ceux a la reunion desquels nous avons plus de devoir.

  A001000169 

 Ceste grande facilité de se scandaliser que N. S. connoissoit estr'au monde, luy fit, ce semble, dire ces deux saintes parolles: Il est impossible que scandale n'advienne, ou, comme dict S. Matt., Malheur au monde a cause des scandales, car il est nécessaire quil arrive des scandales; et cest'autre: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy: car, si les hommes se scandalisent et prennent occasion de leur mal du sauverain bien mesme, comme se pourroit il faire quil ni eut du scandale au monde ou il y a tant de maux?.

  A001000170 

 Car, quand a ceux qui les donnent, ilz ni ont point d'autre necessité que par la supposition et resolution quilz ont faict eux mesmes de vivre meschamment et vitieusement; ilz pourroyent silz vouloient, par la grâce de Dieu, n'infecter pas ny empunayser le monde des puantes exhalations de leurs pechés, mays estre bonn'odeur en Jesuchrist: le monde neantmoins est tant remply de pecheurs, qu'ores que plusieurs s'amendent et soyent remis en grace, il en demeure tousjours un nombre infiny qui rend tesmoignage qu' il est impossible que scandale n'advienne: malheur, au reste, par qui vient le scandale.

  A001000170 

 Ceste necessité, pourtant, quil y a au monde d'y voir des scandales, ne doit point servir d'excuse a qui par sa mauvayse vie les donne, ou qui les reçoit de la main du scandaleux, ni a celuy [7] qui de sa propre malice les va recherchant et procurant a soy mesme.

  A001000170 

 Et les uns et les autres, qui scandalize, qui se laysse scandalizer, et qui se scandalize, sont inexcusables et [8] mauvais, mays inégalement: car, qui se laysse scandalizer monstre plus d'infirmité, qui scandalize a de la malice, et qui se scandalize en a l'extremité.

  A001000170 

 Et quand a ceux qui se forgent eux mesmes les scandales, se chatouïllans pour se faire rire en leur iniquité, lesquelz, comme leur devancier Esau, pour la moindre incommodité quil y a pour leur entendement en la foy, ou pour leur volonté es saintz commandemens, se font accroire quilz mourront silz n'alienent la portion quilz ont en l'Eglise, puysqu'ilz ayment la malediction et quilz la cherchent, ce n'est merveille silz sont mauditz.

  A001000170 

 Le 2. empire sur le 1., mays le troysiesme empire d'autant plus sur le 2 d, que se massacrer et précipiter soymesme est une cruauté plus desnaturëe que de tuer les autres..

  A001000171 

 Le scandale pris et passif se voit si dru es Escritures quil ny a quasi chapitre ou on n'en puysse voir des marques:.. ce seroit monstrer le jour en plein mydi de s'amuser d'en produire les passages;.. ceux ci nous serviront pour tous.

  A001000171 

 Les Capharnaites [9] se scandalizent ilz pas a bon escient sur les paroles de Nostre Seigneur, au recit de S t Jan, qu'ilz appellent parolle dure et non recevable? Mays a quel propos? par ce que N. S. est si bon que de les vouloir nourrir de sa chair, par ce quil dict des parolles de vie æternelle; et contre cette douceur ilz se pugnent.

  A001000171 

 Or, combien aye esté en vogue ceste troysiesme façon de scandale jusques a present, le tesmoignage de toutes les histoires ecclesiastiques y est en mille lieux; nous ne trouverons quasi pas tant de traitz pour y remarquer tous les autres vices que pour celuyci seul.

  A001000174 

 N'est ce pas chose admirable de voir combien il y a eu de sortes d'heresies jusques a præsent, desquelles tous les autheurs se faysoyent fors d'en monstrer la source es Saintes Escritures?.

  A001000179 

 Il ny a rien dont la Saint'Escriture donne plus d'advertissemens, les histoires plus de tesmoignage, nostre sayson plus d'experience, que de la facilité avec laquelle l'homme se scandalise, et laquell'est si grande quil ny a chose, tant bonne soit elle, delaquelle il ne tire quelqu'occasion de sa ruyne: miserabl'a la verité quil est, puys que ayant en toutes choses moyen de retirer prouffit, il les tourne et les prend tout expres au biais de sa perte et malheur.

  A001000196 

 Je garde la place de prouver la foy par miracles, apres les Regles de la Foy, qui sera comme une sixiesme regle, mays non ordinaire ains extraordinaire; laquelle les adversaires n'ont point, quoy quilz en eussent besoin a faute des autres quilz mesprisent.

  A001000197 

 J'ay remis a monstrer les absurdités qui sont en la doctrine des adversaires au bout du traitté des Regles de la Foy, dont ce sera comme une consequence de ce quilz croyent sans regle et navigent sans bussole..

  A001000208 

 Il faut commencer le chapitre des Conciles par les paroles de S t Leon, Epist.

  A001000230 

 Les Ministres, n'ayant pas la Mission, n'ont pas l'autorité.

  A001000233 

 DE LA NOUVELLE PRÆTENDUE EGLISE, LES REND INEXCUSABLES,.

  A001000234 

 ET CEUX QUI LES ONT OUŸ..

  A001000242 

 Eux, donques, sont inexcusables de ce que sans l'authorité du magistrat spirituel ilz ont faicte ceste levëe de bouclier, et vous, de les avoir suyvis..

  A001000242 

 Mays comme pouvies vous croire ces nouvelles si tost, que sans leur faire monstrer leur charge et commission bien authentiquëe, vous commençates de premier abord a ne reconnoistre plus ceste Reyne pour vostre princesse, et a crier par tout que c'estoit un'adultere? Ilz couroyent ça et la semer ces nouvelles, mays qui les en avoit chargés? On ne se peut enrooler sous aucun [22] capitaine sans l'adveü du prince chez lequel on demeure: et comment fustes vous si promps a vous enrooler sous ces premiers ministres, sans sçavoir si vos pasteurs qui estoyent en estre l'advoüeroient? mesme que vous sçavies bien quil vous sortoit hors de l'estat dans lequel vous esties nés et nourry.

  A001000243 

 Saint Pol: Quomodo prædicabunt, nisi mittantur? Comme prœcheront ilz, s'ilz ne sont envoyés? Et Hieremie: Les prophetes prophetisent a faux, je ne les ay pas envoÿé; [23] et ailleurs: Non mittebam prophetas et ipsi currebant: Je ne les envoyois point, et ilz couroyent.

  A001000243 

 Vous voyes bien ou je vays battre; c'est sur la faute de mission et de vocation que Luther, Zuingle, Calvin et les autres avoyent: car c'est chose certayne que quicomque veut enseigner et tenir rang de pasteur en l'Eglise, il doit estr'envoÿé.

  A001000244 

 Mays je vous vois venir en trois esquadrons: car, les uns d'entre vous diront quilz ont eu vocation et mission du peuple et magistrat seculier et temporel; les autres de l'Eglise; comment cela? parce, disent ilz, que [24] Luther, Œcolampade, Bucer, Zuingle et autres estoyent prestres de l'Eglise comme les autres; les autres, enfin, qui sont les plus habiles, disent quilz ont estés envoyés de [Dieu] mais extraordinayrement.

  A001000245 

 .. Comme croyrons nous que le peuple, et les princes seculiers, aÿe appellés Calvin, Brence, Luther, pour enseigner la doctrine que jamais il n'avoyt ouÿe? et devant, quand ilz commencerent a prescher et semer ceste doctrine, qui les avoit chargés de ce faire?.. Vous dites que le peuple devot vous a appellés, mays quel peuple? Car, ou il estoit Catholique, ou il ne l'estoit pas: sil estoit Catholique, comme vous eut il appellé et envoÿé præcher ce quil ne croyoit pas? et ceste vocation de quelque bien petite partie du peuple lhors Catholique, comme pouvoit elle contrevenir a tout le reste qui sy opposa? et comme vous pouvoit une partie du peuple donner authorité sur l'autre partie, affin que vous allassies de peuple en peuple distraissant tant que vous pouvies les ames de l'ancienne obeissance? car un peuple ne peut donner l'authorité que sur soymesme.

  A001000245 

 Mays disons voir, quand Luther commença, qui l'appella? il ny avoit encor point de peuple qui pensast aux opinions quil a soustenües, comment [26] donques l'eut il appellé pour les prescher? Sil n'estoit pas Catholique, qu'estoit il donq? Lutherien? nompas, car je parle de la premiere fois; quoy donq? Qu'on responde donq, si l'on peut.

  A001000245 

 Qui a donné l'authorité aux premiers d'assembler les peuples, dresser des compaignies et bandes a part? Ce n'est pas le peuple, car ilz n'estoyent encor pas assemblés..

  A001000246 

 Il se faut renger a l'Escriture, en laquelle on ne trouvera jamais que les peuples ayent pouvoir de se donner des pasteurs et prædicateurs..

  A001000246 

 Mays, ne seroit ce pas tout brouiller, de permettr'a chacun de dire ce que bon luy sembleroit? a ce conte chacun seroit envoyé; car il ni a si fol qui ne trouve des compaignons, tesmoins les Tritheites, Anabaptistes, Libertins, Adamites.

  A001000250 

 Dites moy, quell'occasion eustes vous de les ouÿr et de les croire, sans avoir aucun'asseurance de leur commission et de l'adveu de N. S. dont ilz se disoyent legatz? C'est en un mot avoir abandonné a credit l'Eglise ancienne en laquelle vous aves esté baptizés, que d'avoir creu aux præcheurs qui n'avoient point de mission legitime du Maistre..

  A001000250 

 Et qu'est ce dire que tout le Christianisme a failly, toute l'Eglise erré, et par tout la verité s'estr'esvanouÿe, sinon dire que N. S. a abandonné son Eglise, a rompu le sacré lien de mariage quil avoit contracté avec elle? Et vouloir mettr'en avant un'Eglise nouvelle, n'est ce pas vouloir bailler a ce sacré et saint Espoux une seconde femme? C'est ce que les ministres prætenduz de l'Eglise ont entrepris, c'est ce dequoy ilz se sont vantés; ceste persuasion estoit le but de leurs presches, de leurs desseins et de leurs escritz.

  A001000250 

 Les affaires estoyent de [22] tres grand'importance, car c'estoit le remuement de toute l'Eglise: les personnes qui entreprenoyent, extraordinaires, de basse qualité et privëes; les ordinaires pasteurs, gens de marque et de tresancienne et authentique reputation, qui leur contredisoyent, et protestoyent que ces extraordinaires n'avoyent point charge ni commandement du Maistre.

  A001000250 

 Mays combien de tort aves vous eu de les croire? comme vous arrestastes vous ainsy simplement a leurs parolles? comme leur donnastes vous si legerement foy? Pour estre Legatz et Ambassadeurs ilz devoyent estr'envoÿés, ilz devoyent avoir des lettres de creance de celuy dont ilz se vantoyent estre avoüés.

  A001000250 

 Premierement donques, vos ministres n'avoient point les conditions requises pour le rang quilz vouloyent tenir et l'entreprise quilz faysoyent, dont ilz sont inexcusables; et vous autres, qui sçavies et sçaves encores, ou deves sçavoir, ce defaut en eux, aves [21] eu grand tort de les recevoir a telle qualité.

  A001000251 

 Car si N. S. les avoyt envoyés, ou c'eust esté mediatement ou immediatement: nous appelions mission faicte mediatement, quand nous sommes envoyés de qui en a le pouvoir de Dieu, selon l'ordre quil a mis en son Eglise, et telle fut la mission de S t Denis en France par Clement, et de Timothëe par S t Pol.

  A001000251 

 L'immediate mission se faict lhors que Dieu commande luymesme, et baille charge sans l'entremise de l'ordinayre authorité quil a mis es prælatz et pasteurs de l'Eglise, comme fut envoyé S t Pierre, et les Apostres, qui receurent de la [23] propre bouche de N. S. ce commandement: Alles par tout le monde, et præches l'Evangile a toute creature, et celle de Moyse vers Pharao et le peuple d'Israel.

  A001000252 

 Et premierement quand a la mission ordinaire et mediate, ilz nen ont du tout point; car ce quilz en sçavent avancer, c'est, ou bien quilz sont envoÿés par les peuples et princes seculiers, ou bien quilz sont envoÿés par l'imposition des mains des Evesques qui les firent prestres, dignité a laquelle il faut quen fin ilz aÿent recours, quoy quilz la mesprisent en tout et par tout..

  A001000253 

 Or, silz disent que les magistratz et peuples seculiers les ayent envoyés, ilz auront deux preuves a faire qu'ilz ne feront jamais: l'une que les seculiers l'ayent faict, l'autre quilz l'ayent peu faire; car nous nions et factum et jus faciendi.

  A001000254 

 Comme alleguent ilz donques la mission par les peuples et princes, qui n'a point de fondement en l'Escriture?.

  A001000254 

 Ilz trouveront peut estre bien que les peuples ont rendu tesmoignage et assisté aux ordinations, voir'encores que le choix luy a esté permis, comme fut celuy des Diacres, au rapport de S t Luc, que toute la trouppe des disciples fit, mays ilz ne monstreront jamais que les peuples ou princes seculiers ayent l'authorité des missions et de constituer des pasteurs.

  A001000254 

 Jamais ilz ne trouveront que les peuples et princes seculiers ayent pouvoir d'establir et constituer les pasteurs et Evesques en l'Eglise.

  A001000255 

 Ainsy fut ordonné Timothee, et mesmes les sept Diacres, quoy que proposés par le peuple Chrestien, furent ordonnés par l'imposition des mains des Apostres.

  A001000255 

 Ainsy l'ont ordonné les Apostres en leurs Constitutions, et le grand concile de Nicëe (quon ne desdaignera point, ce me semble), et celuy de Carthage, le 2., et tout de suite le 3., et quatriesme, auquel S t Augustin se trouva.

  A001000255 

 Au contraire nous produysons l'expresse prattique de toute [24] l'Eglise, qui a esté de tous tems d'ordonner les pasteurs avec l'imposition des mains des autres pasteurs et Evesques.

  A001000255 

 Si donques ilz ont estés envoyés par les seculiers, ilz ne sont pas envoyés a l'Apostolique ny legitimement, et leur mission est nulle..

  A001000256 

 Et de faict, les seculiers n'ont point de mission, et comme donq la donneront ilz? comme communiqueront ilz l'authorité quilz n'ont pas? Et partant S t Pol dict, parlant.de l'ordre de prestrise et pastoral: Nul ne s'attribue cest honneur sinon qui est appellé de Dieu, connu'Aaron.

  A001000256 

 Or Aaron fut consacré et ordonné par les mains de Moyse, qui fut prestre luy mesme, selon la sainte parole de David, Moyse et Aaron sont entre ses prestres, et Samuel entre ceux qui invoquoyent son nom, et quil est mesme touché en l'Exode, sous ces motz, Adjointz aussy avec toy Aaron pour m'exercer l'estat sacerdotal.

  A001000257 

 En fin, qui est moindre est beny par le plus grand, comme dict S t Pol: les peuples donques ne peuvent pas envoyer les pasteurs, car les pasteurs sont plus que les brebis, et la mission ne se faict pas sans benediction.

  A001000258 

 Il faut donques que les brebis reçoivent le berger d'ailleurs, nompas qu'elles se le donnent..

  A001000258 

 Je layss'a part le desordre qui adviendroit si les peuples envoyoyent, car ilz ne pourroyent envoyer les uns aux autres, n'ayans point d'authorité les uns sur les autres; et comme [25] ce seroit faire beau jeu a toutes sortes d'heresies et de fantasies.

  A001000259 

 Les peuples n'ont donques peu donner mission ou commission legitime a ces nouveaux Embassadeurs; mays je dis plus, qu'encor quilz eussent peu ilz ne l'ont pas faict.

  A001000259 

 Que si ilz disent quil n'estoit Catholique, qu'estoit il donques? Il n'estoit [26] pas Lutherien, car on sçait bien que quand Luther commença a precher en Alemaigne il ny avoit point de Lutheriens, et que c'est luy qui en est la source: il n'estoit donq pas de la vraye Eglise, et comme pouvoit il faire mission pour la vraÿe prædication? Ilz n'ont donq point de vocation de ce costé la, sinon quilz ayent recours a l'invisible mission receüe d es principautés, puyssances et gouverneurs du monde de ces tenebres mondaynes, et malices spirituelles, contre lesquelz les bons Catholiques ont tousjours eü la guerre.

  A001000259 

 ou ce peuple et magistrat estoit de la vraye Eglise ou non: s'il estoit de la vraye Eglise, pourquoy est ce que Luther les en leva? l'eussent ilz bien apellé pour estre levés de leur bonne place et de l'Eglise? et silz n'en estoyent pas, comme pouvoyent ilz avoir le droit de mission et de vocation? hors la vraye Eglise il ny peut avoir aucune tell'authorité.

  A001000265 

 Plusieurs, donques, de nostre aage, voyans leur chemin couppé de ce costé la, ilz se sont jettés d'autre de l'autre, et disent que les premiers maistres reformateurs, Luther, Bucer, Œcolampade, ont estés envoyés par les Evesques qui les firent prestres, puys ceux cy ont envoyés les autres suyvans, et vont ainsy enchainant leur mission a celle des Apostres.

  A001000266 

 On ne peut pas faire sauter ceste mission si haut, que des Apostres elle soit tumbëe entre les mains de prædicateurs de ce tems, sans avoir touché pas un des Anciens et de nos devanciers: il eut fallu une bien longue sarbacane en la bouche des premiers fondateurs de l'Eglise, pour avoir appellé Luther et les autres sans que ceux qui estoyent entre deùx s'en fussent apperceu, ou bien (comme dict Calvin a un'autre occasion et malapropos), que ceux cy eussent eu les oreilles bien grandes: il failloit bien qu'elle fut conservëe entiere, si ceux cy la devoient trouver.

  A001000267 

 Ilz prechent choses contraires a l'Eglise en laquelle ilz ont estés ordonnés prestres: ou, donq, ilz errent, ou l'Eglise qui les a envoyés, et, par consequent, ou leur eglise est fause ou celle de laquelle ilz ont pris la mission.

  A001000268 

 Outre cela, quoy quilz eussent eu mission en l'Eglise Romaine, ilz ne l'ont pas eu pour en sortir et distraire de son obeissance ses enfans: certes, le commissaire ne doit pas exceder les bornes de sa commission, ou c'est pour neant.

  A001000269 

 Luther, Œcolampade ou Calvin n'estoyent pas evesques; comme donques pouvoyent ilz communiquer aucune mission a leurs successeurs de la part de l'Eglise Romaine, qui proteste en tout et par tout quil ni a que les Evesques qui puyssent envoyer, et que cela n'appartient aucunement aux simples prestres? en quoy saint Hierosme mesme a mis la difference qui est entre le simple prestre et l'Evesque, en l'epistre ad Evagrium; et saint Augustin et Epiphane mettent Aerius en conte avec les hæretiques par ce quil tenoit le contraire..

  A001000273 

 Ces raysons sont si vives, que les plus asseurés des vostres ont pris party ailleurs qu'en la mission ordinayre, et ont dict quilz estoyent envoyés extraordinairement de Dieu, par ce que la mission ordinaire avoit esté gastëe et abolie, quand et quand la vraÿe Eglise,.. sous la tirannie de l'Antichrist.

  A001000274 

 La mission de saint Jan Baptiste, quoy qu'elle ne fut du tout extraordinaire, ne fut elle pas authentiquëe par sa conception, sa nativité, et mesme par sa vie tant miraculeuse, a laquelle Nostre Seigneur donna si bon tesmoignage? Mays quand aux Apostres, qui ne sçait les miracles quilz faysoyent et le grand nombre d'iceux? leurs mouchoirs, leur ombre servoit a la prompte guerison des malades et a chasser le diable: Par les mains des Apostres estoyent faitz beaucoup de signes et merveilles parmi le peuple: et que ce fut en confirmation de leur prædication, saint Marc le dict tout ouvertement, es dernieres paroles de son Evangile, et saint Pol, aux Hebreux.

  A001000274 

 Mays aussy, pour donner authorité a sa mission, il met en avant ses miracles, ains atteste que, sil n'eust faict des œuvres que nul autre n'a faict parmi les Juifz, ilz n'eussent point eu de peché de ne croire point en luy; et ailleurs il leur dict: Ne croyes vous pas que mon Pere est en moy et moy en mon Pere? au moins croyes le par les œuvres.

  A001000274 

 Si donques ilz alleguent la mission extraordinaire, quilz nous monstrent quelques œuvres extraordinaires, autrement nous ne sommes pas obligés de les croire.

  A001000275 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A001000275 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A001000275 

 Et quoy? Nostre Seigneur est il divisé, ou en luy mesme ou en son cors qui est l'Eglise? Non, pour vray, mays, au contraire, il ni a qu' un Seigneur; lequel a basti son cors mistique avec une belle varieté de membres tres bien agencés, assemblés et serrés comtement, par toutes les joinctures de la sousministration mutuelle; de façon que de vouloir mettr'en l'Eglise ceste division de troupes ordinayres et extraordinaires, c'est la ruyner et perdre.

  A001000275 

 La mission de saint Jan Baptiste ne se peut pas bien dire extraordinaire, parce quil n'enseignoit rien contre l'eglise Mosaique, et par ce quil estoit de la race sacerdotale: si est ce neanmoins que la rareté de sa doctrine fut avouëe par l'ordinayre magistrat de l'eglise Judaique, en la belle legation qui luy fut faicte par les prestres et levites, la teneur de laquelle præsuppose une grande estime et reputation en laquelle il estoit vers eux; et les Phariseens mesmes, qui estoyent assis sur la chaire de Moise, ne venoyent ilz pas communiquer a son baptesme tout ouvertement, [32] sans scrupule? c'estoit bien recevoir sa mission a bon escient.

  A001000275 

 Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A001000275 

 nous sommes obligés d'obeir a nos pasteurs ordinaires sous peyne d'estre publicains et payens; comment donques nous pourrions nous ranger sous autre discipline que la leur? les extraordinaires viendroyent pour neant, puysque nous serions obligés de ne les ouïr pas, en cas, comme j'ay dict, quilz fussent desavoüés des ordinaires.

  A001000275 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 Je dis, 3., que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruict jamais l'ordinaire, et n'est donnee jamais pour la renverser: tesmoins tous les Prophetes, qui jamais ne firent autel contr'autel, jamais ne renverserent la prestrise d'Aaron, jamais n'abolirent les constitutions sinagogiques; tesmoin Nostre Seigneur, qui asseure que tout royaume divisé en soymesme sera desolé, et l'une mayson tumbera sur l'autre; tesmoin le respect quil portoit a la chaire de Moyse, la doctrine de laquelle il vouloit estre gardëe.

  A001000276 

 Or la parole de Nostre Seigneur nous oste de toutes ces difficultés, qui a edifié son Eglise sur un si bon fondement, et avec une proportion si bien entendue, que les portes d'enfer ne prævaudront jamais contre elle.

  A001000276 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour monstrer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy.

  A001000276 

 [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000284 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneùe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A001000284 

 On pense que toutes les vocations des Prophetes ayent esté extraordinayres et immediates: chose fause; car il [y] avoit des colleges et congregations de Prophetes reconneuz et advoüés par la Sinagogue, comme on peut recueillir de plusieurs passages de l'Escriture.

  A001000285 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A001000286 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A001000287 

 Les Prophetes, combien de miracles ont ilz faictz en confirmation de la vocation prophetique? ce ne seroit jamais faict si j'entrais en ce denombrement.

  A001000287 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A001000289 

 Il a semblé par trois foys a vos ministres que Dieu les eust appellé: 1.

  A001000289 

 Je n'envoÿoys pas les prophetes et ilz couroyent; je ne parloys pas a eux et ilz prophetisoyent. J'ay ouÿ ce que les prophetes ont dict, prophetisans en mon nom le mensonge, et disans, j'ay songé, j'ay songé.

  A001000289 

 Mays non, que maintenant, enseignés de l'Eglise, ilz reconnoyssent que c'est une vocation de l'homme, et que les oreilles ont corné a leur viel Adam, et s'en remettent a celuy qui, comm'Heli, præside maintenant a l'Eglise..

  A001000289 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aÿe apellé en ces troys façons la.

  A001000289 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouÿs parler, [en] Hieremie: Ne veuilles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A001000289 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eüe pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A001000289 

 par les peuples et magistratz, 2.

  A001000290 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A001000298 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et tres chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A001000298 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A001000299 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A001000300 

 Ceste theologie est [tant] imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill'ans l'Eglise n'estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l'impieté et l'idolatrie..

  A001000300 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A001000301 

 Ou donques Daniel a mal deviné, ou les adversaires de l'Eglise Catholique, quand ilz disoyent l'Eglis'estre invisible, cachëe et abolie.

  A001000302 

 Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu, de la vigne et du banquet avec l'Eglise, les ouvriers de la vigne et les conviés aux noces il les nomme apellés et convoqués: Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.

  A001000302 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A001000302 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A001000302 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors.

  A001000304 

 J'entens parler de l'Eglise militante de laquelle l'Escriture nous a laissé tesmoignage, non de celle que proposent les hommes.

  A001000305 

 Comme se peut entendre tout cecy d'une Eglise invisible? ou la chercherait on pour luy faire les plaintes, pour converser en icelle, pour la regir? Quand ell'envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l'assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit? Je ne crois pas que chacun ne voye clerement que c'estoit effectz visibles et perceptibles de part et d'autre.

  A001000305 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A001000306 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A001000307 

 Esaïe, parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voÿe droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A001000307 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, affin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A001000308 

 En fin, Zuingle, Œcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appellés pasteurs par leurs sectateurs.

  A001000308 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A001000308 

 Je ne sçay s'il me faudra prouver que les pasteurs de l'Eglise soyent visibles; on nie bien des choses aussy claires.

  A001000308 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercaïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A001000308 

 On voyt donq les pasteurs, et par consequent les brebis..

  A001000308 

 Saint Pierre estoit pasteur, ce crois je, puysque Nostre Seigneur luy disoit: Repais mes brebis; aussy estoyent les Apostres, et neantmoins on les a veu.

  A001000310 

 Ne sçait on pas que les douze Patriarches, enfans du bon Jacob, furent la source vive de l'eglise d'Israel; et quand leur pere les eut assemblé devant soy pour les benir, on les voyoit, on s'entrevoyoit entr'eux.

  A001000311 

 Comme les Patriarches, peres de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair, faysoyent l'eglise [Judaïque] visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinagogue selon la chair, et, selon l'esprit, de Nostre Seigneur, donnerent le commencement a l'Eglise Catholique visiblement, selon le Psalmiste: Pour tes peres te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre: « pour douze Patriarches te sont nais douze » Apostres, dict Arnobe.

  A001000312 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A001000312 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A001000312 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A001000312 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A001000312 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A001000312 

 Les anciens quelle manducation religieuse et sacrëe avoyent ilz? de l'aigneau Paschal, de la manne, tout est visible; nous [46] autres, du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible.

  A001000314 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A001000315 

 2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique..

  A001000316 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venüe quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A001000318 

 Responce: Le royaume de Dieu, en ce lieu la, c'est Nostre Seigneur avec sa grace, ou, si vous voules, la compaignie de Nostre Seigneur pendant quil fut au monde, dont il s'ensuit: Car voicy le royaume de Dieu est parmi vous; et ce royaume icy ne comparut pas avec l'apparat et le fast d'une magnificence mondayne, comme les Juifz croyoyent; et puys, comm'on a dict, le plus beau joyau de ceste fille royale est caché au dedans, et ne se peut voir..

  A001000320 

 I a il rien de plus foible au monde que ce fantosme de rayson? Les Apostres n'ont ilz pas creu Nostre Seigneur estre ressuscité, et l'ont ilz pas veu? Par ce que tu m'as veu, dict il luymesme a saint Thomas, tu as creu; et pour [49] le rendre croyant il luy dict: Voys mes mains, et apporte ta main et la metz dans mon costé, et ne soys plus incredule mais fidele: voyes comme la veüe n'empesche pas la foy, mays la produict.

  A001000326 

 De vray, ceste ruse n'est pas petite, de destourner les yeux spirituelz des gens de l'Eglise militante a la prædestination eternelle, affin qu'esblouÿs a l'esclair de ce mistere inscrutable nous ne voyons pas ce qui est devant nous.

  A001000326 

 Que si on demande quell'est l'eglise visible, ilz respondent, que c'est l'assemblëe des personnes qui font profession de mesme foy et Sacremens, qui contient les bons et mauvais, et n'est eglise que de nom; et l'eglise invisible est celle qui contient les esleuz seulement, qui, n'estans en la connoissance des hommes, sont seulement reconneuz et veuz de Dieu..

  A001000327 

 Mays nous monstrerons clairement que la vraye Eglise contient les bons et les mauvais, les reprouvés et les esleuz, et voyci dequoy:.

  A001000329 

 Ceux ausquelz on les retient ne sont ilz pas mauvais et reprouvés? ains cela est propre aux reprouvés que leurs pechés soyent retenuz, et l'ordinaire des esleuz quilz leur soyent pardonnés: or, que ceux ausquelz saint Pierre avoit pouvoir de les retenir ou pardonner fussent en l'Eglise, il appert; car de ceux qui ne sont en l'Eglise il n'appartient qu'a Dieu seul d'en juger; ceux, donques, desquelz saint Pierre devoit juger n'estoyent pas hors de l'Eglise mays dedans, quoy quil en deut avoir de reprouvés..

  A001000329 

 N'est ce pas la vraÿe Eglise contre laquelle les portes d'enfer ne prævaudront point? et neantmoins en icelle il y a des hommes qui ont besoin qu'on deslie leurs pechés, et d'autres ausquelz il les faut retenir, comme Nostre Seigneur faict voir en la promesse et puyssance qu'il en donne a saint Pierre.

  A001000330 

 Les bons, donques, ne sont pas seulement de la vraye Eglise, mays les mauvais encores jusques a tant quilz en soyent chassés: sinon qu'on veuille dire que l'Eglise a laquelle Nostre Seigneur nous renvoÿe soit l'eglise errante, peccante et antichrestienne; ce seroit blasphemer trop a la descouverte..

  A001000332 

 v. 2: si on l'en chasse il y estoit, et sil y estoit, et que l'Eglise fut la compaignie des esleuz, comme l'en eut on peu lever? les esleuz ne peuvent estre reprouvés..

  A001000333 

 Mays pourquoy me niera-on que les reprouvés et mauvais soyent de la vraÿe Eglise, puysque mesmes ilz y peuvent estre pasteurs et evesques? la chose est certayne.

  A001000333 

 Nicolas Antiochien fut il pas diacre comme saint Estienne? et neantmoins plusieurs anciens Peres ne font point de difficulté pour tout cela de le tenir pour hæresiarque, comm'entr'autres Epiphane, Philastre, Hierosme; et de faict, les Nicolaites prirent occasion de luy de mettr'en avant leurs abominations, desquelz saint Jan en l'Apocalypse faict mention comme de vrais hæretiques.

  A001000333 

 Saint Pol atteste aux prestres Ephesiens que le Saint Esprit les avoit faictz evesques pour regir l'Eglise de Dieu, mays il asseur'aussy que quelques uns d'entr'eux s'esleveroyent disans des meschancetés, pour desbaucher et s'attirer des disciples: il parle a tous quand il dict que le Saint Esprit les a faict evesques, et parle de ceux la mesme quand il dict que d'entr'eux s'esleveroyent des schismatiques..

  A001000334 

 Et tout cecy est semblable a la sainte parole de Nostre Seigneur, qui tient les scribes et pharisiens estre vrais pasteurs de la vraÿe Eglise de ce tems la, puys quil commande qu'on leur obeisse, et neantmoins ne les tient pas pour esleuz ains plustost pour reprouvés.

  A001000334 

 Mays quand auroys je faict, si je voulois entasser icy les noms de tant d'Evesques et prælatz lesquelz, apres avoir estés legitimement colloqués en cest office et dignité, sont decheuz de leur premiere grace, et sont mortz hæretiques? Qui vit jamays rien de si saint pour un simple prestre qu'Origene, de si docte, si chaste, si charitable? Il ni a celuy qui puysse lire ce qu'en escrit Vincent le Lyrinois, l'un des plus polys et doctes escrivains ecclesiastiques, et fayre consideration de sa damnable viellesse apres une si admirable et sainte vie, qui ne soit tout esmeu de compassion, de voir ce grand et valoureux nocher, apres tant de tempestes passëes, apres tant et de si riches traffiques quil avoit faict avec les Hebreux, Arabes, Chaldeens, Grecz et Latins, revenant plein d'honneur et de richesses spirituelles, fayre naufrage et se perdre au port de sa propre sepulture.

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000335 

 Je conclus tout ce discours par les comparaisons Evangeliques qui monstrent clairement toute ceste verité.

  A001000335 

 Ne sont ce pas tout autant de suffisantes preuves que non seulement les esleuz mais encores les reprouvés sont en l'Eglise? Il faut donq fermer la porte de nostre propre jugement a toutes sortes d'opinions, et a ce propos encores, avec [54] ceste non jamais asses considerëe proposition: Il y en a beaucoup d'apellés, mais peu de choysis.

  A001000335 

 Saint Jan faict semblable l'Eglise a l'aire d'une grange, en laquelle est non seulement le grain pour le grenier, mays encores la paille pour estre bruslëe au feu eternel; ne sont ce pas les esleuz et les reprouvés? Nostre Seigneur l'apparie au filet jetté dans la mer, dans lequel on tire et les bons et les mauvais poissons; a la compaignie de dix vierges dont il y en a cinq folles et cinq sages; a trois valetz dont l'un est faineant et partant jetté es tenebres exterieures; et en fin a un festin de noces dans lequel sont entrés et bons et mauvais, et les mauvais n'ayans la robbe convenante sont jettés es tenebres exterieures.

  A001000337 

 Apporteront ilz donques ce qui est escrit aux Cantiques, de l'Espouse, que c'est un jardin fermé, une fontayne ou source cachetëe, un puys d'eau vivante, qu'elle est toute belle et sans aucune tache, ou, comme dict l'Apostre, glorieuse, sans ride, sainte, immaculëe? Je les prie de bon cœur quilz regardent ce quilz veulent conclure de cecy, car silz veulent conclure quil ni doive point avoir en l'Eglise que de saints immaculés, sans ride, glorieux, je leur feray voir avec ces mesmes passages quil ny a en l'Eglise ni esleu ni reprouvé: car, n'est ce pas « la voix humble mais veritable, » comme dict le grand Concile de Trente, « de tous les justes » et esleuz, « remettes nous nos debtes comme nous les remettons a nos debiteurs »? Je tiens saint Jaques pour esleu, et neantmoins il confesse: Nous offençons tous en plusieurs choses; saint Jan nous ferme la bouche et a tous les esleuz, affin que personne ne se vante d'estre sans peché, ains au contraire veut [que] chacun sache et confesse quil peche; je crois que David en son ravissement et extase sçavoit que c'estoit que des esleuz, et neantmoins il tenoit tout homme pour mensonger.

  A001000337 

 Si, donques, ces saintes qualités donnëes a l'espouse Eglise se doivent prendre risq a risq, quil ni ayt aucune tache ni ride, il faudra sortir hors de ce monde pour trouver la verification de ses beaux tiltres, les esleuz de ce monde n'en seront pas capables.

  A001000338 

 Ainsy l'Eglise militante est tousjours glorieuse et victorieuse sur les portes et puyssances infernales, quoy que plusieurs des siens, ou s'esgarant et mettant en desordre, comme vous aves faict, demeurent en pieces et perdus, ou par des autres accidens y sont blessés et y meurent.

  A001000338 

 Les meurs dependent de la volonté, la doctrine, de l'entendement: en l'entendement de l'Eglise jamais ny entra fauseté, ni en la volonté aucune meschanceté; elle peut par la grace de son Espoux dire comme luy: Qui d'entre vous, o conjurés ennemys, me reprendra de peché? Et ne s'ensuit pour tant pas qu'en l'Eglise il ni ayt des meschans; resouvenes vous de ce que j'ay dict ailleurs.

  A001000338 

 Prenes donques l'un'apres l'autre les belles louanges de l'Eglise qui sont semëes es Escritures, et luy en faites une couronne, car elles luy sont bien deües, comme plusieurs maledictions a ceux qui estans en un si beau chemin s'y perdent; c'est un' armëe bien ordonnëe, quoy que plusieurs s'y disbendent..

  A001000339 

 Mays qui ne sçait combien de fois on attribue a tout un cors ce qui n'appartient qu'a l'une des parties? L'Espouse apelle son Espoux blanc et vermeil, mays incontinent elle dict quil a les cheveux noirs; saint Mathieu dict que les larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur blasphemerent, et ce ne fut que l'un d'eux au rapport de saint Luc; on dict que le lis est blanc, mais il y a du jaune et du verd.

  A001000339 

 Or, a qui parle en terme d'amour use volontier de ceste façon de langage, et les Cantiques sont des repræsentations [56] chastes et amoureuses.

  A001000339 

 Toutes ces qualités donques sont justement attribuees a l'Eglise, a cause de tant de saintes ames qui y sont qui observent tres etroittement les saintz commandemens de Dieu, et sont parfaictes de la perfection qu'on peut avoir en ce pelerinage, non de celle que nous esperons en la bienheureuse Patrie..

  A001000341 

 Il ne seroit jamais faict qui voudroit s'amuser sur tous les pieds de mouches qu'on va considerant icy, et pour lesquelz on baille mille fauses alarmes au pauvre peuple.

  A001000341 

 On produict le passage de saint Jan: Je connois mes brebis, et personne ne les levera de mes mains; et que ces brebis la sont les prædestinés qui sont seulz du bercail du Seigneur, on produict ce que saint Pol dict a Timothee: Le Seigneur connoist ceux qui sont a luy, et ce que saint Jan a dict des apostatz: Ilz sont sortis d'entre nous, mais ilz n'estoyent pas d'entre nous..

  A001000342 

 Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race.

  A001000342 

 v. 6, accompare tous les hommes, tant reprouvés que esleuz, a des brebis: Omnes nos quasi oves erravimus, et v. 7.

  A001000343 

 Les premiers sont seulement conneuz a Dieu, les derniers sont conneuz a Dieu et aux hommes.

  A001000343 

 Semblablement, qui nie que Nostre Seigneur connoisse ceux qui sont a luy? Il sceut sans doute ce que Judas deviendroit, neantmoins Judas ne layssa pas d'estre de ses Apostres; il sceut ce que devoient devenir les disciples qui s'en retournerent en arriere pour la doctrine de la realité de la manducation de sa chair, et neantmoins il les receut pour ses disciples.

  A001000344 

 Et n'est pas a dire que les bons ne soyent avec les mauvais en l'Eglise, ains, au contrayre, comme pouvoient ilz sortir de la compaignie de l'Eglise silz ny estoyent? ilz estoyent sans doute de faict, mais de volonté ilz en estoyent deja dehors..

  A001000345 

 C'est donq chose certayne, que non seulement les esleuz mays les reprouvés encores peuvent estre et sont de l'Eglise, et qui, pour la rendre invisible, ny met que les esleuz, faict comme le mauvais disciple qui, pour ne secourir point son maistre, s'excuse de n'avoir rien apris de son cors mais de son ame.

  A001000345 

 En fin, voicy un argument qui sembl'estre assorti de forme et de figure: « Celuy n'a Dieu pour pere qui n'a l'Eglise pour mere », chose certayne; de mesme, qui n'a Dieu pour pere n'aura point l'Eglise pour mere, tres certain: or est il que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere; donques ilz n'ont point l'Eglise pour mere, et par consequent les reprouvés ne sont en l'Eglise.

  A001000345 

 On reçoit le premier fondement de ceste rayson, mays le second, que les reprouvés ne soyent enfans de Dieu, a besoin d'estre espluché.

  A001000345 

 Que si on veut dire que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere par ce quilz ne seront point heritiers, selon la parole de l'Apostre, S'il est filz il est hæritier, nous nierons la consequence; car non seulement les enfans sont en l'Eglise, mays encores les serviteurs, avec ceste difference, que les enfans y demeureront a jamais comm'heritiers, les serviteurs non, mays seront chassés quand bon semblera au Maistre.

  A001000345 

 Qui auroyt les yeux asses clair voyans pour voir l'issue de la course des hommes, verroit bien dans l'Eglise dequoy s'escrier: Plusieurs sont apellés et peu sont esleuz; c'est a dire, plusieurs sont en la militante qui ne seront jamais en la triomphante.

  A001000345 

 Tesmoin le Maistre mesme, en saint Jan, et le filz penitent, qui sçavoit bien reconnoistre que plusieurs mercenaires avoient des pains en abondance chez son pere, quoy que luy, vray et legitime filz, mourut de faim avec les porceaux: qui rend preuve de la foy Catholique pour ce sujet.

  A001000345 

 Tous les fideles baptizés peuvent estre apellés filz de Dieu pendant quilz sont fideles, sinon qu'on voulut oster au Baptesme le nom de regeneration ou nativité spirituelle que Nostre Seigneur luy a baillé; que si on l'entend ainsy, il y a plusieurs reprouvés enfans de Dieu, car combien y a il de gens fideles et baptizés qui seront damnés, lesquelz, comme dict la Verité, croyent pour un tems, et au tems de la tentation se retirent en arriere: de façon qu'on niera tout court ceste seconde proposition, que les reprouvés ne soyent enfans de Dieu; car estans en l'Eglise ilz peuvent estr'appellés enfans de Dieu par la creation, redemption, regeneration, [59] doctrine, profession de foy, quoy que Nostre Seigneur se lamente d'eux en ceste sorte par Isaie, J'ay nourry et eslevé des enfans et ilz m'ont mesprisé.

  A001000353 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur mesme: Si je suys une foys eslevé de terre j'attireray a moy toutes choses? a il pas esté eslevé en la Croix? a il pas souffert? et comme donques auroyt il layssé aller l'Eglise quil avoit attirëe, a vau de route? comm'auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le prince du monde, le diable, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans pour revenir maistriser mill'ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? estes vous arbitres de si bonne foy que de vouloir si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre desormays un'alternative entre sa divine bonté et la malice diabolique? Non, non, quand un fort et puyssant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despoüille.

  A001000354 

 Sa divine providence, des qu'ell'eust creë l'homme, le ciel, la terre, et ce qui est au ciel et a la terre, les conserva et conserve perpetuellement, en façon que la generation du moindre oysillion n'est pas encores estainte; que dirons nous donques de l'Eglise? Tout ce monde ne luy costa de premier marché qu'une simple parole: Il le dict et tout fut faict, et il le conserve avec une perpetuelle et infallible providence; comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang, tant de peynes et travaux? Il a tiré l'Israel de l'Egipte, des desers, de la mer Rouge, de tant de calamités et captivités, et nous croirons quil ayt layssé engolfé le Christianisme en l'incredulité? Il a tant eu de soin de son Agar, et il mesprisera Sara? il a tant favorisé la servante qui devoit estre chassëe hors de la mayson, et n'aura tenu conte de l'Espouse legitime? il aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le cors? O que ce [62] seroit bien pour neant que tant et tant de promesses auroyent estees faites de la perpetuité de cest'Eglise..

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000357 

 Saint Pol dict que tous doivent estre vivifiés chacun en son ordre; les premices ce sera Christ, puys ceux qui sont de Christ, puys la fin: entre Christ et les siens, c'est a sçavoir, l'Eglise, il ni a rien d'entredeux, car montant au ciel il les a layssés en terre, entre l'Eglise et la fin il ni a point d'entredeux, d'autant qu'elle devoit durer jusques a la fin.

  A001000358 

 Les Apostres n'ont pas remis l'Eglise a vie, mays la luy [ont] conservëe par leur ministere apres que Nostre Seigneur l'eust [64] establie; qui donques dict que l'ayant trouvé morte il l'a resuscitëe, a vostr'avis merite il pas d'estr'assis au trosne de temerité? Nostre Seigneur avoit mis le saint feu de sa charité au monde, les Apostres avec le souffle de leur prædication l'avoyent accreu et faict courir par tout le monde: on dict quil estoit estaint par mi les eaux d'ignorance et d'iniquité; qui le pourra rallumer? le souffler ni sert de rien, et quoy donques? il faudroit peut estre rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesuchrist, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu, ou s'il suffira que Calvin ou Luther soient au monde pour le rallumer? Ce seroit bien de vray estre des troysiesmes Helies, car ni Helie ni saint Jan Baptiste n'en firent onques tant; ce seroit bien laysser tous les Apostres en arriere, qui porterent bien ce feu par le monde, mays ilz ne l'allumerent pas.

  A001000358 

 « O voix impudente, » dict saint Augustin contre les Donatistes, « l'Eglise ne sera point par ce que tu ni es point? » Non, non, dict saint Bernard, « les torrens sont venus, les vens ont soufflé et l'ont combattue, elle n'est point tumbëe par ce qu'ell'estoit fondëe sur la pierre, et la pierre estoit Jesus Christ.

  A001000359 

 O quel contrechange on faict a ces bons peres qui ont tant souffert pour nous præserver l'heritage de l'Evangile, et maintenant, outrecuydés que sont les enfans, on se mocque d'eux, on les tient pour folz et insensés..

  A001000360 

 Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin, et parler a vos ministres: « Que nous apportes vous de nouveau? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson? Si vous dites estre par tout perdue celle que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons: lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premierement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence [65] qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons.

  A001000360 

 » La bonne semence ce sont les enfans du Royaume, la zizanie sont les mauvais, la moysson c'est la fin du monde.

  A001000367 

 Aaron, sauverain Prestre, n'adora il pas le veau d'or avec tout son peuple? Responce: Aaron n'estoit encores pas sauverain Prestre ni chef du peuple, ains le fut par apres; et n'est pas vray que tout le peuple idolatrast, car les enfans de Levi n'estoyent ilz pas gens de Dieu? et se joignirent ilz pas a Moyse?.

  A001000369 

 Responce: Ce sont des façons de parler, et de detester le vice d'un peuple avec vehemence; et encores que les prophetes, pasteurs et prædicateurs usent de ces generales façons de parler, il ne les faut pas verifier sur chaque particulier, mays seulement sur une grande partie, comm'il appert par l'exemple d'Helie, qui se plaignoit d'estre seul, et neantmoins il y avoit encores 7000 fideles.

  A001000370 

 Responce: Qui vous dict que sous prætexte de l'Eglise il faille se confier au mensonge? ains, au contraire, qui s'appuÿe au jugement de l'Eglise s'appuÿe sur la colonne et fermeté de verité, qui se fie a l'infallibilité de l'Eglise ne se fie pas au mensonge, si ce n'est mensonge ce qui est escrit: Les portes d'enfer ne prævaudront point contre elle.

  A001000371 

 Est il pas escrit quil faut que la discession et la separation vienne, et que le sacrifice cessera, et qu'a grand peyne le Filz de l'homme trouvera la foy en [67] terre a son second retour visible, quand il viendra juger? Responce: Tous ces passages s'entendent de l'affliction que fera l'Antichrist en l'Eglise les trois ans et demy quil y regnera puyssamment; non obstant cela, l'Eglise durant ces troys ans mesme ne manquera pas, ains sera nourrie et conservëe parmi les desers et solitudes ou elle se retirera, comme dict l'Escriture..

  A001000377 

 .. La passion humayne peut tant sur les hommes, qu'elle les pousse a dire ce qu'ilz desirent devant qu'en avoir aucune rayson, et quand ilz ont dict quelque chose, elle leur [fait] trouver des raysons ou il ni en a point.

  A001000378 

 Les Anciens avoyent sagement dict que bien sçavoir reconnoistre la difference des tems es Escritures estoyt une bonne regle pour bien les entendre, a faute dequoy les Juifz a tous coupz s'æquivoquent, attribuantz au premier advenement du Messie ce qui est proprement dict du second, et les adversaires de l'Eglise encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire jusqu'a cest aage qu'elle doit estre du tems de l'Antichrist.

  A001000379 

 La pierre taillëe du mont sans œuvre manuelle, n'est ce pas Jesus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage? et ceste pierre la ne fracassa elle tous les royaumes de la terre, c'est a dire, toutes les dominations des idoles et dæmons? ne s'accreut elle pas jusqu'a remplir tout l'univers? C'est donq de ce mont quil est dict, præparé sur la cime [des] mons; c'est un mont eslevé sur le sommet de tous les mons, et toutes gens se rendront vers en iceluy.

  A001000379 

 Les Donatistes (les Calvinistes) rencontrent le mont, et [69] quand on leur dict, montés, ce n'est pas une montaigne, ce disent ilz, et plus tost y donnent et l'heurtent du front que d'y chercher une demeure.

  A001000379 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a remply toute la face de la terre.

  A001000379 

 Qui se perd et s'esgare de cest mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas quil soit inconneu a ceux cy qui haissent les freres, qui haissent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent.

  A001000379 

 » Ce sont les paroles de saint Augustin contre les Donatistes, mays l'Eglise presente resemble si parfaittement a l'Eglise premiere, et les heretiques de nostr'aage aux anciens, que, sans changer autre que les noms, les raysons anciennes combattent autant collet a collet les Calvinistes, comm'elles faysoient ces anciens Donatistes..

  A001000379 

 » Et de faict, Nostre Seigneur, qui disoit que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy, comm'eust il mis tant de lumieres en l'Eglise pour les aller cacher en certains recoins inconneuz? Il poursuit: « Voyci le mont qui remplit l'universelle face de la terre, voyci la cité delaquelle il est dict: La cité ne se peut cacher qui est situëe sur le mont.

  A001000380 

 Hé, si Satan possede une fois l'Angleterre, la France, le Levant, les Indes, les nations barbares et tout le monde, comment auront esté ainsy accueilly et contraints les trophëes de la Croix en un coin de tout le monde? ».

  A001000380 

 Mays ja n'advienne que Dieu soit mort pour neant; le puyssant est lié et saccagé, la parole du Pere est accomplie: Demande moy, et je te donneray les gens pour hæritage, et pour ta possession les bornes de la terre.

  A001000380 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consommation des siecles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il l'a eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry.

  A001000380 

 Saint Hierosme entre en cest'escarmouche d'un autre costé, qui vous est bien aussy dangereux que l'autre, car il faict voir clairement que ceste dissipation prætendue, ceste retraitte et cachette, abolist la gloire [70] de la Croix de Nostre Seigneur; car, parlant a un schismatique reuni a l'Eglise, il dict ainsy: « Je me rejouys avec toy, et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon courage de l'ardeur de fauceté au goust et saveur de tout le monde; et ne dis pas comme quelquesuns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie evacue la Croix de Jesus Christ, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret que le Seigneur a proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000381 

 Et que diroit ce grand personnage de ceux qui non seulement nient qu'ell'aÿe esté generale et universelle, mays dient qu'elle n'estoit qu'en certaines personnes inconneües, sans vouloir determiner un seul petit vilage ou elle fut il y a quattre vingtz ans? n'est ce pas bien avilir les glorieux trophëes de Nostre Seigneur? Le Pere celeste, pour la grand'humiliation et aneantissement que Nostre Seigneur avoit subi en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tout genou se devoit plier en sa reverence, mays ceux cy [71] ne prisent pas tant la Croix ni les actions du Crucifix, ostant de ce conte toutes les generations de mill'ans.

  A001000381 

 Mays si au contrayre, o Luther, o Calvin, la vraye foy a tousjours esté publiëe et continuellement præchëe par tous nos devanciers, vous estes miserables vous mesmes, qui en aves une toute contraire, et qui pour trouver quelque excuse a vos volontés et fantasies, accuses tous les Peres ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000387 

 O combien d'Absalons se sont trouvés en nostr'aage, qui, pour seduyre et destruyre les peuples de l'obeissance de l'Eglise et des pasteurs, et solliciter les courages chrestiens a rebellion et revolte, ont crié par toutes les advenues d'Allemaigne et de France: il n'y a personne constitué de Dieu pour ouyr les doutes sur la foy et les resouvre; l'Eglise mesme, les magistratz ecclesiastiques, n'ont point de pouvoir de determiner ce quil faut tenir en la foy et ce que non; il faut chercher autres juges que les prælatz, l'Eglise peut errer en ses decretz et regles..

  A001000387 

 Quand Absalon voulut une fois faire faction et division contre son bon pere David, il s'assit pres de la porte au chemin, et disoit a tous ceux qui passoÿent: Il ni a personne constitué du Roy pour vous ouÿr, hé, qui me constituera juge sur terre, affin que tous ceux qui auront quelque negotiation viennent a moy et que je juge justement? ainsy solicitoit il les courages des Israelites.

  A001000388 

 .. Qui ouyt jamais deviser d'une academie ou chacun enseignat, personne ne fut auditeur? Telle seroit la republique Chrestienne si les particuliers... Car si l'Eglise mesme erre, qui n'errera? et si chacun y erre, ou peut errer, a qui m'addresseray je pour estre instruit? A Calvin? mays pourquoy plus tost qu'a Luther, ou a Brence, ou au Pacimontain? Nous ne sçaurions donques ou recourir en nos difficultés si l'Eglis'errait.

  A001000388 

 Mays quelle plus dommageable et temerayre persuasion pouvoyent ilz faire au Christianisme que cellela? Si donques l'Eglise peut errer, o Calvin, o Luther, a qui auray je recours en mes difficultés? a l'Escriture, disent ilz: mays que feray je, pauvr'homme? car c'est sur l'Escriture mesme ou j'ay difficulté; je ne suys pas en doute s'il faut adjouster foy a l'Escriture ou non, car qui ne sçait que c'est la parole de verité? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de cest'Escriture, ce [73] sont les consequences d'icelle, lesquelles estans sans nombre, diverses et contraires sur un mesme sujet, ou qu'un chacun prend parti qui en l'une qui en l'autre, et que de toutes il ny en a qu'une salutaire, ah, qui me fera connoistre la bonne d'entre tant de mauvaises? qui me fera voir la vraye verité au travers de tant d'apparentes et masquëes vanités? Chacun se voudroit embarquer sur le navire du Saint Esprit, il ny en a qu'un, et celuy la seul prendra port, tout le reste court au naufrage; ah, quel danger de mesprendre: l'egale ventance et asseurance des patrons en deçoit la plus part, car tous se ventent d'en estre les maistres.

  A001000389 

 Quand donques j'en verray quelqu'un qui dira que tous nos peres, ayeulz et bisayeulz ont idolatré, corrompu l'Evangile et prattiqué toutes les meschancetés qui s'ensuyvent de la cheute de Religion, je m'addresseray a l'Eglise, le jugement de laquelle chacun doit subir.

  A001000389 

 Que si elle peut errer, ce ne sera plus moy, ou l'homme, qui nourrira cest erreur au monde, ce sera nostre Dieu mesme qui l'authorisera et mettra en credit, puysqu'il nous commande d'aller a ce tribunal pour y ouyr et recevoir justice: ou il ne sçait pas ce que s'y faict, ou il nous veut decevoir, ou c'est a bon escient que la vraÿe justice s'y administre, et les sentences sont irrevocables.

  A001000390 

 Bref, les paroles de saint Pol ne peuvent souffrir ce sens qu'on leur veut bailler.

  A001000390 

 Ell'est bien tellement asseurëe et ferme que toutes les portes d'enfer, c'est a dire toutes les forces ennemies, ne sçauroient s'en rendre maistresses; et ne seroit ce pas place gaignëe pour l'ennemy si l'erreur y entrait, es choses qui sont pour l'honneur et le service du Maistre? Nostre Seigneur est le chef de l'Eglise; a on point d'honte d'oser dire que le cors d'un chef si saint soit adultere, prophane, corrompu? et qu'on ne die pas que ce soit de l'Eglise invisible, car s'il y a point: d'Eglise visible (comme je l'ay monstré cy dessus) [76] Nostre Seigneur en est le chef; oyes saint Pol: Et ipsum dedit caput supra omnem ecclesiam, non sur un'eglise de deux que vous imagines, mais sur tout'Eglise.

  A001000390 

 Et de faict, mettr'en ce sacré depositoire la lettre sans le sens, ce seroit y mettre la bourse sans l'argent, la coquille sans le noyau, la gayne sans l'espëe, la boete sans l'unguent, les feuilles sans le fruict, l'ombre sans le cors.

  A001000390 

 Mays dites moy, si l'Eglise a en garde les Escritures, pourquoy est ce que Luther les prit et les porta hors d'icelle? et pourquoy est ce que vous ne prenes de ses mains aussy bien les Macabbëes, l'Ecclesiastique et tout le reste comme l'Epistr'aux Hebrieux? car elle proteste d'avoir aussy cherement en garde les uns que les autres.

  A001000390 

 [75] Les Juifz gardent une partie des Escritures, et beaucoup d'heretiques encores, mays pour cela ilz ne sont pas colomnes et fermetés de la verité.

  A001000399 

 Mays n'est ce pas violer tout le respect et la reverence deüe a ceste Reyne espouse du Roy celeste, d'avoir ramené sur ses terres quasi toutes les troupes que cy devant, avec tant de sang, de sueurs et de travaux, ell'avoyt par solemnelle punition bannies et chassées de ses confins, comme rebelles et conjurées ennemyes de sa coronne, j'entens, d'avoir remis sus pied tant d'heresies et fauses opinions que l'Eglise avoit condamnees comme entreprenans la sauverayneté sur l'Eglise, absoulvans ceux qu'ell'a condamnés, condamnés ceux qu'ell'avoit absoutz? Voyci des exemples..

  A001000400 

 Quoy quilz nient le mot ilz suyvent la chose et le cors de cest'hæresie, si hæresie se doit appeller, non atheisme; de quoy tant de doctes hommes les convainquent par leurs propres paroles que je ne m'y amuseray pas..

  A001000401 

 Judas, dict saint Hierosme, pensoit que les miracles quil voyoit partir de la main de Nostre Seigneur fussent operations et illusions diaboliques; je ne sçay si vos ministres pensent ce quilz dient, mays que disent quand on produict les miracles sinon que ce sont sorceleries? les glorieux miracles que Nostre Seigneur faict au Mondevis, au lieu de vous, ouvrir les yeux, qu'en dites vous?.

  A001000402 

 Les Pepuziens, dict saint Augustin, (ou Montanistes [79] et Phriges comme les apelle le Code) admettoyent a la dignité de prestrise les femmes; qui ne sçait que les freres Anglois tiennent Elisabeth leur Reyne pour chef de leur eglise?.

  A001000403 

 Les Manicheens, dict saint Hierosme, nioient le liberal arbitre: Luther a faict un livre contre le liberal arbitre, quil apelle De servo arbitrio; de Calvin je m'en rapporte a vous.

  A001000404 

 Les Donatistes croyoient que l'Eglise s'estoit perdue en tout le monde, et qu'elle leur estoit demeurëe seulement a eux; vos ministres parlent ainsy.

  A001000404 

 Quand a leurs vies, voyci leurs vertus: ilz donnoient le tresprætieux Sacrement aux chiens, ilz jettoyent le saint Chresme a terre, ilz renversoyent les autelz, rompoyent les calices et les vendoyent, ilz rasoyent la teste aux prestres pour lever la sacrëe onction, ilz levoyent et arrachoyent le voyle aux nonains pour les prophaner..

  A001000405 

 Jovinien, au tesmoignage de saint Augustin (l. De hæresibus, ad quodvult Deus, c. 82.), vouloit qu'on mangeast en tout tems et contre toute prohibition toutes sortes de viandes, disoit que les jeusnes n'estoyent point meritoires devant Dieu, que les sauvés estoyent esgaux en gloire, que la virginité n'estoit rien plus que le mariage, et que tous les pechés estoyent egaux: chez vos maistres on enseigne le mesme..

  A001000406 

 Vigilance (comm'escrit saint Hierosme, 1. Adversus Vigilantium, et 2 epistolis adversus eundem ) nia qu'on deut avoir en honneur les reliques des Saints, que les prieres des Saints fussent profitables, que les prestres deussent vivr'en cælibat, la pauvreté volontaire: que ne nies vous pas de tout cecy?.

  A001000407 

 Eustathius mesprisa les jeusnes ordinaires de l'Eglise, les Traditions ecclesiastiques, les lieux des saints Martirs et les basiliques de devotion.

  A001000409 

 Aerius, au recit de saint Augustin, nioit la priere pour les mors, les jeunes ordinaires, et la superiorité de l'Evesque par dessus le simple prestre; vos ministres nient tout cela..

  A001000411 

 Les Pelagiens se tenoyent asseurés et certains de leur justice, promettoyent le salut aux enfans des fideles qui mouroyent sans Baptesme, ilz tenoyent tous pechés pour mortelz.

  A001000412 

 Les Manicheens rejettoyent les sacrifices de l'Eglise et les images; et qu'ont faict vos gens?.

  A001000413 

 Les Messaliens mesprisoyent les ordres sacrés, les eglises et les autelz, comme dict saint Damascene, Hær. 80; Ignatius (apud Theodoretum, Dialogo 3, qui dicitur Impatibilis ): Eucharistias et oblationes non admittunt, quod non confiteantur Eucharistiam esse carnem Servatoris nostri Jesu Christi, quæ pro peccatis nostris passa est, quam Pater benignitate suscitavit; contre lesquelz a escrit saint Martial, [81] Epistola ad Burdegalenses.

  A001000414 

 ; aussi faysoit Xenaïas, Niceph., l. 16. c. 27; les Mahumetains n'en font rien moins, Damascene, Hæresi centesima.

  A001000414 

 Voyes vous les moules sur lesquelz vos ministres ont jette et formé leur reformation?.

  A001000415 

 Imagines vous donques ceste [82] venerabl'antiquité, au ciel au tour du Maistre, qui regardent vos reformatoyres: ilz y sont allés combattans les opinions que les ministres adorent, ilz ont tenuz pour hæretiques ceux dont vous suyves les pas; penses vous que ce quilz ont jugé erreur, hæresie, blaspheme es Arriens, Manicheens, en Judas, ilz le trouvent maintenant sainteté, reformation, restauration? Qui ne voit que c'est icy le plus grand mespris qu'on peut fair'a la majesté de l'Eglise? Si vous voules venir a la succession de la vraye et sainte Eglise de ces premiers siecles, ne contrevenes donq pas a ce qu'ell'a si sollemnellement establi et constitué.

  A001000415 

 Les Peres que j'ay cité ne les eussent jamais mis au roole des hæretiques s'ilz n'eussent veu le cors de l'Eglise les tenir pour telz; c'estoyent des plus orthodoxes, et qui estoyent confederés a tous les autres Evesques et Docteurs catholiques de leur tems, qui monstre que ce quilz tenoyent pour hæretique l'estoyt a bon escient.

  A001000415 

 Or sus, ceste seul'alliance d'opinions, ou pour mieux dire, cest estroit parantage et consanguinité, que vos premiers maistres avoyent avec les plus cruelz, enviellis et conjurés ennemis de l'Eglise, vous devoyt elle pas destourner de les suyvre et vous renger sous leurs enseignes? Je n'ay cotté pas un'hæresie qui n'ait esté tenue pour telle en l'Eglise que Calvin et Beze confessent avoir esté vraÿe Eglise, a sçavoir, es premiers cinq cens du Christianisme.

  A001000415 

 Personne ne peut estre heritier en partie, et en partie non; acceptes l'heritage resolument: les charges ne sont pas si grandes qu'un peu d'humilité n'en face la rayson, dir'adieu a ses passions et opinions, et passer conte du different que vous aves [avec] l'Eglise; les honneurs sont infinis, d'estr' heritiers de Dieu, cohæritiers de Jesuchrist, en l'heureuse compaignie de tous les Bienheureux.

  A001000424 

 Combien de fois et en combien de lieux, l'Eglise, tant militante que triomphante, et au Viel et au Nouveau Testament, soit appellëe mayson et famille, il me semblerait tems perdu d'en vouloir faire recherche, puisque cela est tant commun es Escritures que ceux qui les ont leües n'en douteront jamais, et qui ne les a leües, incontinent quil les lira, il trouvera quasi par tout ceste façon de parler.

  A001000425 

 Jamais vous ne trouveres que toutes les parties de quelque notable et grande province se soient employëes a se gouverner soy mesme, mays falloit, faut et faudra que ou un homme seul, ou un seul cors d'hommes residens en quelque lieu, ou une seule ville, ou quelque petite portion d'une province, aye gouverné le reste de la province, si la province estoit grande.

  A001000425 

 Je vous demande, Messieurs les clair voians, qui ne voules pas qu'en l'Eglise il y ait un chef, me sçauries vous donner exemple de quelque gouvernement d'apparence auquel tous les gouvernemens particuliers ne se soyent rapportés a un? Il faut laisser a part les Macedoniens, Babiloniens, Juifz, Medes, Perses, Arabes, Siriens, François, Espagnolz, Anglois, et un'infinité des plus remarquables, esquelles la chose est claire.

  A001000425 

 Mays ce Maistre et Pere de famille, s'en allant a la dextre de Dieu son Pere, ayant laissé plusieurs serviteurs en sa mayson, il voulut en laisser un qui fust serviteur en chef, et auquel les autres se rapportassent; ainsy dict Nostre Seigneur: Quis putas est servus fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam? Et de vray, sil ni avoit un maistre valet en une boutique, penses comme le trafiq iroit, sil ni avoit un roy en un roiaume, un paron en un navire, et un pere de famille en une famille, et de vray ce ne seroit plus une famille; mays escoutes Nostre Seigneur, S t Mat.

  A001000425 

 Mays supposé, ce qui est tres faux, que quelque province particuliere se fust gouvernee d'elle mesme, comment est ce qu'on le pourroit dire de l'Eglise Chrestienne, laquelle est si universelle qu'elle comprend tout le monde? comment pourroit elle estre une si elle se gouvernoit d'elle mesme? autrement, il faudroit tousjours avoir un concile debout de toutes les eveschés, et qui l'advoera? il faudroit que tous les Evesques fussent tousjours absens, et comme se pourroit faire cela? Et si tous les Evesques estoient pareilz, qui les assembleroit? Mays quelle peyne serait ce, quand on aurait quelque doute en la foy, de fayre assembler un concile? Il ne se peut nullement donques fayre, que toute l'Eglise, et chasque partie d'icelle, se gouverne elle mesme sans se rapporter l'une a l'autre..

  A001000433 

 Quand on a quelque serviteur de race, a celluyla on se fie davantage, et luy baille on volontier les clefz de la maison; donques non sans cause j'introduis saint Pierre, disant, O Domine, etc., car il est serviteur bon et fidelle auquel, comme a serviteur de race, le Maistre a baillé les clefz: Tibi dabo claves regni cælorum.

  A001000433 

 sur saint Luc, dict que les premieres paroles, beati, s'entendent de tous, mais les secondes, quis putas, s'entendent des Evesques, et beaucoup plus proprement du sauverain.

  A001000434 

 De plus, Nostre Seigneur demande que ce serviteur soit prudent et fidele, et saint Pierre a bien ces deux conditions: car, la prudence comme luy peut elle manquer, puysque ni la chair ni le sang ne le gouverne poinct, mais le Pere celeste? et la fidelité comme luy pourroit elle fallir, puysque Nostre Seigneur [dit]: Rogavi pro te ut non deficeret fides tua? lequel il faut croire que exauditus est pro sua reverentia, de quoy il donne bien bon tesmoignage quand il adjouste, Et tu conversus confirma fratres tuos, comme s'il vouloit dire: j'ay prié pour toy, et partant sois confirmateur des [88] autres, car pour les autres je n'ay pas prié sinon quilz eussent un refuge asseuré en toy..

  A001000434 

 Et de vray, si nous voulons un peu espelucher ceste parabole, qui peut estre le serviteur qui doit donner le froment sinon saint Pierre, auquel la charge de nourrir les autres a estëe donnëe: Pasce oves meas? Quand le maistre de la maison va dehors, il donne les clefz au maistre valet et œconome, et n'est ce pas a saint Pierre auquel Nostre Seigneur a dict: Tibi dabo claves regni cælorum? Tout se rapporte au gouverneur, et le reste des officiers s'appuyent sur iceluy, quand a l'authorité, comme tout l'edifice sur le fondement.

  A001000440 

 Vous me dires, ouy, mais Nostre Seigneur n'est pas mort, et d'abondant il est toujours avec son Eglise, pourquoy donques luy bailles vous un vicaire? Je vous respons que n'estant pas mort il n'a poinct de successeur, mais seulement un vicaire, et d'abondant, quil assiste vrayement a son Eglise en tout et par tout de sa faveur invisible, mais, affin de ne faire pas un cors visible sans un chef visible, il luy a encores voulu assister en la personne d'un lieutenant visible, par le moyen duquel, outre les faveurs invisibles, il administre perpetuellement son Eglise en maniere et [forme] convenable a la suavité de sa disposition..

  A001000442 

 Il dict in fundamentis, a cause qu'encores les autres Apostres estoyent fondements de l'Eglise: Et murus civitatis, dict l'Apocalipse, habens fundamenta duodecim, et in ipsis duodecim, nomina duodecim Apostolorum Agni, et ailleurs, Fundati super fundamenta Prophetarum et Apostolorum, ipso summo lapide angulari Christo Jesu, et le Psalmiste, Fundamenta ejus in montibus sanctis; mais entre tous il y en a un lequel par excellence et superiorité est apellé pierre et fondement, et c'est celuy auquel Nostre Seigneur a dict: Tu es Cephas, id est, Lapis..

  A001000451 

 Les Anglois tiennent leur Reyne pour chef de leur eglise, contre la pure Parole de Dieu: si ne sont ilz pas si desesperés, que je sçache, qu'ilz veuillent qu'elle soit chef de l'Eglise Catholique, mais seulement de ces miserables pays.

  A001000451 

 Quant a vos evesques ou surveillans, vous ne vous estes pas contentés de les ravaler jusqu'aux rangs des ministres, mais les aves rendus inferieurs, affin de ne laisser rien en sa place.

  A001000451 

 Vous aves un supresme Consistoire, comme ceux de Berne, Geneve, Zurich et les autres, qui ne depend d'aucun autre.

  A001000451 

 Vous estes si esloignés de vouloir reconnoistre un chef universel, que mesme vous n'aves point de chef provincial; les ministres sont autant parmi vous l'un que l'autre, et n'ont aucune prerogative au Consistoire, ains sont inferieurs, et en science et en voix, au president qui n'est pas ministre.

  A001000458 

 Jesus Christ, est il divisé? Non, pour vray, car il est Dieu de paix non de dissention, comme saint Pol enseignoit par toutes les eglises.

  A001000458 

 L'Eglise n'est qu'un cors, duquel tous les fidelles sont membres, jointz et liés ensemble par toutes les jointures; il n'y a qu'une foy et un esprit qui anime ce cors.

  A001000464 

 Nos entendemens ne s'esgarent point les uns des autres en leurs creances, ains se maintiennent tres estroittement unis et serrés ensemble par le lien de l'authorité superieure de l'Eglise, a laquelle chacun se rapporte en toute humilité, et y appuie sa foy comme sur la colomne et fermeté de verité; nostre Eglise Catholique n'a qu'un langage et un mesme parler par toute la terre..

  A001000464 

 « Il faut, » ce dict saint Irenee, « que tous les fidelles s'assemblent et viennent joindre a l'Eglise Romaine, pour sa plus puissante principauté.

  A001000464 

 » Ce sont presque les paroles de cest ancien et saint Docteur.

  A001000464 

 » Le bon Optatus disoit ainsy aux Donatistes: « Tu ne peux nier que tu ne sçaches qu'en la ville de Rome la principale chaire a esté premierement conferee a saint Pierre, en laquelle a esté assis le chef de tous les Apostres, saint Pierre, dont il fut appellé Cephas, chaire en laquelle l'unité fut de tous gardee, affin que les autres Apostres ne voulussent pas se pretendre et defendre chacun la sienne, et que des ores celuy la fust schismatique et pecheur, qui voudroit se bastir une autre chaire contre ceste unique chaire.

  A001000465 

 Quelles contrarietés a produit la reformation de Luther: je n'aurois jamais faict si je les voulois mettre sur ce papier; qui les voudra voir qu'il lise le petit livre de Frederic Staphyl, De Concordia [94] discordi, Sander, livre 7 e de sa Visible monarchie, et Gabriel de Preau, en la Vie des heretiques.

  A001000466 

 Calvin tient estre contraire a l'Escriture qu'il [y] aye un chef en l'Eglise; les Anglois tiennent le contraire.

  A001000466 

 Il ne s'agit pas icy que les uns les fassent, les autres non, car ce ne seroit pas contrarieté de religion, mays ce que vous et quelques Suisses observes, les autres le condamnent comme contraire a la pureté de religion.

  A001000466 

 Les Puritains en Angleterre tiennent comme article de foy qu'il n'est pas loysible de precher, baptizer, prier, es eglises qui ont esté autrefois aux Catholiques, mais on n'est pas si despiteux de deça: mais notes que j'ay dict qu'ilz le tiennent pour article de foy, car ilz souffrent et les prisons et les bannissemens plustost que de s'en desdire.

  A001000466 

 Les huguenotz françois tiennent que selon la Parole de Dieu les prestres ne sont pas moindres que les Evesques; les Anglois ont des Evesques qui commandent aux prestres, et entre eux, deux Archevesques, dont l'un est appellé Primat, nom auquel Calvin veut si grand mal.

  A001000466 

 Ne sçaves pas qu'a Geneve l'on tient pour superstition de celebrer aucune feste des Saintz? et en Suisse on les fait, et vous en faites une de Nostre Dame.

  A001000466 

 Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cene que la terre du ciel »? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernierement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cene, et les autres la nient ilz pas? Me pourres vous nier, qu'au fait de la [95] justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous? tesmoin l' Anonyme disputateur.

  A001000467 

 Certes, la division qui est entre vous au nombre des Sacremens [est remarquable]: maintenant, communement, parmi vous on ne met que deux Sacremens; Calvin en a mis trois, adjoustant au baptesme et cene, l'ordre; Luther y met la penitence pour troisiesme puys dit qu'il n'y en a qu'un; en fin les protestans au colloque de Ratisbonne, auquel se trouva Calvin, tesmoin Beze en sa Vie, confesserent qu'il [y] avoit sept Sacremens.

  A001000467 

 En l'article de la toute puissance de Dieu, comment est ce que vous y estes divisés? pendant que les uns nient qu'un cors puisse estre, voire par la vertu divine, en deux lieux, les autres nient toute puissance absolue, les autres ne nient rien de tout cela.

  A001000467 

 Feu son Altesse de tres heureuse memoire, Emmanuel Philibert, raconta au docte Anthoyne Possevin qu'au colloque de Wormace, quand on demanda aux protestans leur confession de foy, tous, les uns apres les autres, sortirent hors de l'assemblee, pour ne se pouvoir accorder ensemble.

  A001000467 

 L'Escriture ne peut estre vostre arbitre, car c'est de l'Escriture mesme dequoy vous estes en proces, voulans les uns l'entendre d'une façon, les autres de l'autre.

  A001000467 

 Mays le pis est que vous ne vous sçauries accorder; car, ou prendres vous un arbitre asseuré? Vous n'aves point de chef en terre pour vous addresser a luy en vos difficultés; vous croyes que l'Eglise mesme peut s'abuser et abuser les autres; vous ne voudries mettre vostre ame en main si peu asseuree, ou vous n'en tenes pas grand conte.

  A001000467 

 Que si je voulois vous monstrer les grandes contrarietés qui sont en la doctrine de ceux que de Beze reconnoit tous pour glorieux reformateurs de l'Eglise, a sçavoir, Hierosme de Prague, Jehan Hus, Wiclef, Luther, Bucer, Œcolampade, Zuingle, Pomeran et les autres, je n'aurois [96] jamais faict: Luther seul vous instruira asses de la bonne concorde qui est entre eux, en la lamentation qu'il faict contre les Zuingliens et Sacramentaires, qu'il appelle Absalons, et Judas, et espritz svermeriques, l'an mil cinq cens vingt sept.

  A001000467 

 Toute ceste division a son fondement au mespris que vous faites d'un chef visible en terre, car, n'estans point liés pour l'interpretation de la Parole de Dieu a aucune superieure authorité, chacun prend le parti que bon luy semble: c'est ce que dit le Sage, que les superbes sont tousjours en dissention, qui est une marque de vraye heresie.

  A001000467 

 Vos discordes et disputes sont immortelles si vous ne vous ranges a l'authorité de l'Eglise: tesmoin les colloques de Lunebourg, de Mulbrun, de Mombeliard, et celuy de Berne dernierement; tesmoin Tilmann Heshusius et Eraste, tesmoin Brence et Bulinger.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000468 

 Mays quant a nous autres, nous avons tous un mesme canon des Escritures, et un mesme chef, et pareille regle pour les entendre; vous aves diversité de canon, et en l'intelligence vous aves autant de testes et de regles que vous estes de personnes.

  A001000474 

 La sainteté interieure ne se peut voir; l'exterieure ne peut servir de Marque, parce que toutes les sectes s'en vantent, et qu'il est mal aysé de reconnoistre la vraye priere, predication et administration des Sacremens.

  A001000474 

 Nostre Seigneur s'est donné pour elle, affin de la sanctifier; c'est un peuple saint, dict saint Pierre; l'Espoux est saint, et l'Espouse sainte; elle est sainte estant dediee a Dieu, ainsy que les aisnés en l'ancienne Sinagogue furent appellés saintz, pour ce seul respect.

  A001000480 

 Mays, parce que les sectes et heresies desguisent leurs vestemens en mesme façon sous une fause estoffe, outre cela elle a des parfums et odeurs qui luy sont propres, et ce sont certains signes et lustres de sa sainteté, qui luy sont tellement propres qu'aucune autre assemblee ne s'en peut vanter, particulierement en nostre aage: car, premierement, elle reluit en miracles, qui sont tres souëfves odeurs et parfums, signes expres de la presence de Dieu immortel; ainsy les appelle saint Augustin..

  A001000481 

 Et de faict, quand Nostre Seigneur partit de ce monde, il promit que l'Eglise seroit suivie de miracles: Ces marques, dict il, suivront les croyans: en mon nom ilz chasseront les diables, ilz parleront nouveaux langages, ilz osteront les serpens, le venin ne leur [99] nuira point, et par l'imposition des mains ilz gueriront les malades.

  A001000481 

 Il ne dict pas que ce fust seulement pour dix ans, ou vingt ans, mais simplement que ces miracles accompagneront les croyans.

  A001000481 

 Il ne dict pas que les seulz Apostres feroient ces miracles, mais simplement ceux qui croiront.

  A001000481 

 Il ne dict pas que tous les croyans en particulier feroient des miracles, mais que ceux qui croiront seront suivis de ces signes.

  A001000481 

 Laissons ces saintes paroles en l'estendue que Nostre Seigneur leur a donnee: les croyans sont en l'Eglise, les croyans sont suivis de miracles, donques en l'Eglise il y a des miracles; il y a des croyans de tous tems, les croyans sont suivis de miracles, donques en tous tems il y a des miracles..

  A001000481 

 Nostre Seigneur donques parle aux Apostres seulement, mais non pour les Apostres seulement; il parle des croyans en cors et en general, a sçavoir, de l'Eglise; il parle absolument, sans distinction de tems.

  A001000482 

 Dieu mit en main de Moyse ces instrumens affin qu'il fust creu, dont Nostre Seigneur dict que s'il n'eust faict des miracles les Juifz n'eussent pas esté obligés de le croire.

  A001000483 

 Au tems des Apostres [100] se firent infinis miracles, vous le sçaves bien; apres ce tems la, qui ne sçait le miracle recité par Marc Aurele Anthonin, faict par les prieres de la legion des soldatz Chrestiens qui estoyent en son armee, laquelle pour cela fut appellee Fulminante? Qui ne sçait les miracles de saint Gregoire Thaumaturge, saint Martin, saint Anthoyne, saint Nicolas, saint Hilarion, et les merveilles [qui arrivèrent] aux Theodose et Constantin? dequoy les autheurs sont irréprochables, Eusebe, Rufin, saint Hierosme, Basile, Sulpice, Athanase.

  A001000483 

 Que si Dieu rendoit si admirable et le Propitiatoire, et son Sinaï, et son buisson ardent, parce qu'il y vouloit parler avec les hommes, pourquoy n'a il rendu miraculeuse son Eglise, en laquelle il veut a jamais demeurer?.

  A001000491 

 Le devot Gaspard Berzee, es Indes, guerissoit les malades priant seulement Dieu pour eux a la Messe, et si soudainement qu'autre que la main de Dieu ne l'eust peu faire.

  A001000492 

 Ainsy se font les miracles es Indes ou la foy n'est encores du tout affermie; desquelz je laisse un monde, pour me tenir en la briefveté que je dois..

  A001000492 

 En Meliapor on a trouvé une croix, incise sur une pierre, laquelle on estime avoir esté enterree par les Chrestiens du tems de saint Thomas: chose admirable neantmoins veritable, presque toutes les annees, environ la feste de ce glorieux Apostre, ceste croix-la sue abondance de sang, ou liqueur semblable au sang, et change de couleur, se rendant blanche pasle, puys noire, et tantost de couleur bleue resplendissante et tres aggreable, en fin elle revient a sa couleur naturelle; ce que tout le peuple voit, et l'Evesque de Cocine en a envoyé une publique attestation, avec l'image de la croix, au saint Concile de Trente.

  A001000493 

 Entre autres, il produit la guerison que [102] les Roys de France catholiques ont faict, de nostre aage mesme, de l'incurable maladie des escrouelles, ne disant autre que ces paroles: « Dieu te guerit, le Roy te touche », n'y employant autre disposition que de se confesser et communier ce jour la..

  A001000494 

 Mays que m'arreste je faire a vous produire les miracles de nostre aage? saint Malachie, saint Bernard et saint François estoyent ilz pas de nostre Eglise? vous ne le sçauries nier; ceux qui ont escrit leurs vies sont tres saintz et doctes, car mesme saint Bernard a escrit celle de saint Malachie, et saint Bonaventure celle de saint François, auxquelz ni la suffisance ni la conscience ne manquoyent point, et neantmoins ilz y racontent plusieurs grans miracles: mays sur tout les merveilles qui se font maintenant, a nos portes, a la veüe de nos Princes et de toute nostre Savoye, pres de Mondevis, devroyent fermer la porte a toutes opiniastretés..

  A001000495 

 Alhors donq, par l'opposition de vrays miracles, les illusions de l'Antichrist seront descouvertes, et comme Moïse fit en fin confesser aux magiciens de Pharaon, Digitus Dei est hic, ainsy Helie et Enoch feront en fin que leurs ennemis dent gloriam Deo cœli.

  A001000495 

 Satan peut faire telz miracles, ains en a faict sans doute; mais Dieu laissera un prompt remede a son Eglise, car a ces miracles la les serviteurs de Dieu, Helie, Enoch, comme tesmoignent [103] l'Apocalipse et les interpretes, opposeront des autres miracles de bien autre estoffe, car, non seulement ilz se serviront du feu pour chastier miraculeusement leurs ennemis, mais auront pouvoir de fermer le ciel a fin qu'il ne pleuve point, de changer et convertir les eaux en sang, et de frapper la terre du chastiment que bon leur semblera; trois jours et demy apres leur mort ilz ressusciteront et monteront au ciel, la terre tremblera a leur montee.

  A001000496 

 Les merveilles de l'Antichrist ne seront qu'une bouttade de trois ans et demy, mais les miracles de l'Eglise luy sont tellement propres que des qu'elle est fondee elle a tousjours esté reluisante en miracles; en l'Antichrist les miracles seront forcement, et ne dureront pas, mais en l'Eglise ilz y sont naturellement en sa surnaturelle nature, et partant ilz sont tousjours, et tousjours l'accompagnent, pour verifier la parole, ces signes suivront ceux qui croiront..

  A001000496 

 que les miracles de l'Antichrist ne sont pas telz que ceux que nous produisons pour l'Eglise, et partant ne s'ensuit pas que, si ceux la ne sont pas Marque d'Eglise ceux cy ne le soyent pas aussi; ceux la seront monstrés faux et combattus par des plus grans et solides, ceux cy sont solides, et personne n'en peut opposer de plus asseurés.

  A001000497 

 Ainsy « Quelques merveilles se sont faictes », dict saint Augustin, « chez les payens »: non pas pour preuve du paganisme, mays de l'innocence, de la virginité et fidelité, laquelle, ou qu'elle soit, est aymee et prisee de Dieu son autheur.

  A001000497 

 Or ces merveilles ne se sont faites que rarement; donques on n'en peut rien conclure: les nuees jettent quelques fois des esclairs, mays ce n'est que le soleil qui a pour marque et pour proprieté d'esclairer..

  A001000497 

 Que si Vespasien a gueri un aveugle et un boiteux, les medecins mesmes, au recit de Tacitus, trouverent que c'estoit un aveuglement et une perclusion qui n'estoyent pas incurables; ce n'est donques pas merveille si le diable les sceut guerir.

  A001000497 

 Vous diries volontiers que les Donatistes ont faict miracles, au rapport de saint Augustin; mais ce n'estoyent que certaines visions et revelations, desquelles ilz se vantoyent sans aucun tesmoignage: certes, l'Eglise ne peut estre prouvee vraye par ces visions particulieres; au contraire, ces visions ne peuvent estre prouvees ou tenues pour vrayes sinon par le tesmoignage de l'Eglise, [104] dict le mesme saint Augustin.

  A001000499 

 Vous me confesseres que ce n'est pas de vostre mestier de faire des miracles, ni de chasser les diables; une fois il reussit mal a l'un de vos grans maistres qui s'en vouloit mesler, ce dict Bolsec: Illi de mortuis vivos suscitabant, ce dict Tertullien, [105] isti de vivis mortuos faciunt.

  A001000500 

 Aussi ne vous en demande je point; seulement je vous prie que vous confessies franchement que vous n'aves pas faict vostre apprentissage avec les Apostres, Disciples, Martyrs et Confesseurs, qui ont esté maistres du mestier..

  A001000501 

 Mays quand vous dites que vous n'aves besoin de miracles parce que vous ne voules establir une foy nouvelle, dites moy donq encores si saint Augustin, saint Hierosme, saint Gregoire, saint Ambroise et les autres preschoyent une nouvelle doctrine, et pourquoy donq se faisoit il tant de miracles et si signalés comme ilz produisent? Certes, l'Evangile estoit mieux receu au monde qu'il n'est maintenant, il y avoit de plus excellens pasteurs, plusieurs martyres et miracles avoyent precedé, mays l'Eglise ne laissoit pas d'avoir encores ce don des miracles, pour un plus grand lustre de la tres [106] sainte Religion.

  A001000501 

 Que si les miracles doivent cesser en l'Eglise, c'eust esté au tems de Constantin le Grand, apres que l'Empire fut faict Chrestien, que les persecutions cesserent, et que le Christianisme estoit bien asseuré, mais tant s'en faut qu'ilz cessassent alhors, qu'ilz multiplièrent de tous costés.

  A001000502 

 Mais ne nous arrestons pas icy: aves vous espuré ceste Eglise? aves vous nettoyé ceste monnoye? monstres nous, donques, les caracteres qu'elle avoit quand vous dites qu'elle cheut en terre, et qu'elle commença a se rouiller.

  A001000502 

 Ne dites plus cela, je vous prie, [que] vous aves le metail et calibre; la foy, les Sacremens, sont ce pas des ingrediens necessaires pour la composition de l'Eglise? et vous aves tout changé, et de l'un et de l'autre; vous estes donques faux monnoyeurs, si vous ne monstres le pouvoir que vous pretendes de battre sur le coin du Roy telz calibres.

  A001000502 

 Que si vous voulies dire qu'alhors elle estoit plus nouvelle que maintenant, je vous respondrois, qu'une si notable interruption comme est celle que vous pretendes, de 900 ou mille ans, rend ceste monnoye si estrange que si on n'y voit en grosses lettres les caracteres ordinaires, l'inscription et l'image, nous ne la recevrons jamais.

  A001000508 

 Donques, la prophetie doit tousjours estre en l'Eglise, ou sont les serviteurs et servantes de Dieu, et ou il respand tousjours son Saint Esprit..

  A001000509 

 Adjoustes, comme je disois des miracles, qu'en toutes les saisons l'Eglise a eu des prophetes; nous ne pouvons donques dire que ce ne soit une de ses proprietés et une bonne piece de son douaire.

  A001000509 

 Jesus Christ, montant aux cieux, il a mené la captivité captive, il a donné des dons aux hommes; car il a donné les uns pour apostres, les autres pour prophetes, les autres pour evangelistes, les autres pour pasteurs et docteurs: l'esprit apostolique, evangelique, pastoral et doctoral est tousjours en l'Eglise, et pourquoy luy levera on encores l'esprit prophetique? c'est un parfum de la robbe de ceste Espouse..

  A001000509 

 L'Ange dict, en l'Apocalipse, que le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie: or, ce tesmoignage de l'assistance de Nostre Seigneur n'est pas seulement donné pour les infidelles, mais principalement pour les fidelles, ce dict saint Pol; comme donques diries vous que Nostre Seigneur l'ayant donné une fois a son Eglise il le luy leva par apres? le principal sujet pour lequel il luy a esté concedé y est encores, donques la concession dure tousjours.

  A001000515 

 Je nommeray seulement ceux cy plus recens: saint Bernard, saint François, saint Dominique, [109] saint Anthoyne de Padoue, sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, qui furent tres asseurés Catholiques; les Saintz desquelz j'ay parlé cy dessus sont du nombre, et en nostre aage, Gaspard Berzee et François Xavier.

  A001000516 

 Nous sçavons que les Sybilles furent comme les prophetesses des Gentilz, desquelles parlent presque tous les Anciens; Balaam aussi prophetisa, mais c'estoit pour la vraye Eglise; et partant leur prophetie n'authorisoit pas l'eglise; en laquelle elle se faisoit, mais celle pour laquelle elle se faisoit: quoy que je ne nie pas qu'entre les Gentilz il n'y eust une vraye Eglise de peu de gens, ayans la foy d'un vray Dieu et l'observation des commandemens naturelz en recommandation, par la grace divine; tesmoin Job en l'ancienne Escriture, et le bon Cornelius, avec ces autres soldatz craignans Dieu, en la nouvelle.

  A001000516 

 Ores, ou sont vos prophetes? et si vous n'en aves point, croyes que vous n'estes pas du cors pour l'edification duquel Nostre Seigneur [les] a laissés, au dire de saint Pol; aussi, Le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie.

  A001000522 

 Le Filz de l'homme n'a pas lieu ou il puisse reposer sa teste; il a esté tout pauvre pour nous enrichir; il vivoit d'aumosnes, dict saint Luc: Mulieres aliquæ ministrabant ei de facultatibus suis; en deux Psalmes qui touchent proprement sa personne, comme interpretent saint Pierre et saint Pol, il est appellé mendiant; quand il envoye prescher ses Apostres, il les enseigne, Nequid tollerent in via nisi virgam tantum, et qu'ils ne portassent ni pochette, ni pain, ni argent a la ceinture, mays chaussés de sandales, et qu'ilz ne fussent affeublés [111] de deux robbes.

  A001000522 

 Saint Pierre nous invite avec son exemple et de ses compaignons: Voici, nous avons tout laissé et t'avons suivi; Nostre Seigneur recharge avec ceste solemnelle promesse: Vous qui m'aves suivi seres assis sur douze chaires, jugeans les douze tribus d'Israël, et quicomque laissera sa mayson, ou ses freres, ou ses sœurs, ou son pere, ou sa mere, ou sa femme, ou ses enfans, ou ses champs, pour mon nom, il en recevra le centuple, et possedera la vie eternelle.

  A001000522 

 Un jeune homme riche protestoit d'avoir observé les commandemens de Dieu des sa tendre jeunesse; Nostre Seigneur, qui voit tout, le regardant l'ayma, signe qu'il estoit tel qu'il avoit dict, et neanmoins il luy donne cest advis: Si tu veux estre parfaict, va, vens tout ce que tu as, et tu auras un tresor au ciel, et me suis.

  A001000522 

 Voyla les paroles, voicy l'exemple.

  A001000523 

 C'est cela mesmie qui avoit esté predict par Isaïe: Que l'eunuque ne dise point, voicy je suis un arbre sec, parce que le Seigneur dict ainsy aux eunuques: qui garderont mes Sabbatz, et choisiront ce que je veux, et tiendront mon alliance, je leur bailleray, en ma mayson et en mes murailles, une place et un nom meilleur que les enfans et les filles, je leur bailleray un nom sempiternel qui ne perira point. Qui ne voit icy que l'Evangile va justement joindre a la prophetie? Et en l'Apocalipse, ceux qui chantoyent un cantique nouveau, qu'autre qu'eux ne pouvoit dire, c'estoyent ceux qui ne s'estoyent point souillés avec les femmes, parce qu'ilz estoyent vierges; ceux la suivent l'Aigneau ou qu'il aille.

  A001000523 

 C'est icy ou se rapportent les exhortations de saint Pol: Il est bon a l'homme de ne toucher point la femme.

  A001000523 

 Il y a des eunuques qui sont ainsy nés du ventre de leur mere, il y a aussi des eunuques qui ont esté faitz par les hommes, et il y a des eunuques qui se sont chastrés eux mesmes pour le royaume des cieux; qui potest capere, capiat.

  A001000523 

 Voyla les instructions de Nostre Seigneur et des Apostres, et voicy l'exemple de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, de saint Jan Baptiste, de saint Pol, saint Jan et saint Jaques, qui tous ont vescu en virginité, et, en l'Ancien Testament, Helie, Helisee, comme ont remarqué les Anciens..

  A001000524 

 Ainsy les Rechabites sont loués magnifiquement, en Hieremie, parce qu'ilz obeirent a leur pere Jonadab en choses bien dures et estranges, auxquelles il n'avoit point d'authorité de les obliger; comme estoit de ne boire vin, ni eux ni les leurs quelconques, ne semer, ne planter ni avoir vignes, ne bastir.

  A001000524 

 Les peres, certes, ne peuvent pas si fort estreindre les mains de leur posterité si elle n'y consent volontairement; les Rechabites toutefois sont loüés et benis de Dieu, en approbation de ceste volontaire obeissance avec laquelle ilz avoient renoncé a eux mesmes d'une extraordinaire et plus parfaicte renonciation..

  A001000524 

 Ne sont ce pas des perpetuelles repliques et expositions de ceste tant douce leçon, Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de courage? et de ceste autre, Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy mesme, qu'il prenne sa croix tous les jours, et qu'il me suive? Qui garde les commandemens il renonce asses a soy mesme pour estre sauvé, c'est bien asses s'humilier pour estre exalté, mais d'ailleurs il reste une autre obeissance, humilité et renoncement de soy mesme, auquel l'exemple et les enseignemens de Nostre Seigneur nous invitent.

  A001000525 

 Et de faict, les Escritures et exemples qui sont en icelles ne sont que pour nostre utilité et instruction; l'Eglise donques devoit prattiquer et mettre en œuvre ces si saintz advis de son Espoux, autrement c'eust esté en vain et pour neant qu'on les luy eust laissés et proposés: aussi les a elle bien sceu prendre pour soy et en faire son prouffit, et voicy dequoy..

  A001000526 

 Nostre Seigneur ne fut pas plus tost monté au ciel, qu'entre les Chrestiens chacun vendoit son bien et apportoit le prix aux pieds des Apostres; et saint Pierre, pratiquant la premiere regle, disoit: Aurum et argentum non est mihi.

  A001000527 

 Eusebe de Cesaree raconte que les Apostres instituerent deux vies, l'une selon les commandemens, l'autre selon les conseilz; et qu'il soit ainsy il appert [115] evidemment, car, sur le modelle de la perfection de vie qu'ont tenue et conseillee les Apostres, une infinité de Chrestiens ont si bien formé la leur que les histoires en sont pleines.

  A001000527 

 Qui ne sçait combien sont admirables les rapportz que faict Philon le Juif de la vie des premiers Chrestiens en Alexandrie, au livre intitulé De vita supplicum, ou Traitté de saint Marc et ses disciples? comme tesmoignent Eusebe, Nicephore, saint Hierosme et, entre autres, Epiphane qui dict que Philon escrivant des Jesseens il parloit des Chrestiens, qui pour quelque tems apres l'Ascension de Nostre Seigneur, pendant que saint Marc preschoit en Egypte, furent ainsy appellés, ou a cause de Jessé, de la race duquel fut Nostre Seigneur, ou a cause du nom de Jesus, nom de leur Maistre et qu'ilz avoient tousjours en bouche: or, qui verra les livres de Philon, connoistra en ces Jesseens et therapeutes, guerisseurs ou serviteurs, une tres parfaicte renonciation de soy mesme, de sa chair et de ses biens.

  A001000527 

 Saint Denis, en son Ecclesiastique Hierarchie, raconte que les Apostres ses maistres appelloient les religieux de son tems therapeutes, c'est a dire, serviteurs ou adorateurs, pour le special service et culte qu'ilz faisoyent a Dieu, ou moynes, a cause de l'union a Dieu en laquelle ilz s'avançoyent.

  A001000528 

 Saint Paulin Evesque de Nole, tesmoin saint Ambroise, issu d'illustre famille en Guyenne, donna tout son bien aux pauvres, et, comme deschargé d'un pesant fardeau, dit adieu a son pays et a son parentage, pour servir plus attentivement son Dieu; de l'exemple duquel se servit saint Martin, pour quitter tout et pour inciter les autres a mesme perfection.

  A001000529 

 Nostre Seigneur a faict coucher en ses Escritures ces advertissemens et conseilz de chasteté, pauvreté et obeissance, il les a prattiqués et faict prattiquer en son Eglise naissante; toute l'Escriture et [117] toute la vie de Nostre Seigneur n'estoit qu'une instruction pour l'Eglise, l'Eglise donques devoit en faire son prouffit, ce devoit donques estre un des exercices de l'Eglise que ceste chasteté, pauvreté et obeissance ou renoncement de soy mesme; item, l'Eglise a tousjours faict cest exercice en tous tems et en toutes saisons, c'est donques une de ses proprietés: mays a quel propos tant d'exhortations si elles n'eussent deu estre prattiquees? La vraye Eglise donques doit reluire en la perfection de la vie Chrestienne; non ja que chacun en l'Eglise soit obligé de la suivre, il suffit qu'elle se trouve en quelques membres et parties signalees, affin que rien ne soit escrit ni conseillé en vain, et que l'Eglise se serve de toutes les pieces de la Sainte Escriture..

  A001000535 

 Je ne doute point que si vous avies hanté les congregations des Chartreux, Camaldulenses, Celestins, Minimes, Capucins, Jesuites, Theatins, et autres en grand nombre esquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussies en doute si vous les devries appeller anges terrestres ou hommes celestes, et ne sçauries quoy plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaicte chasteté, ou parmi tant de doctrine une si profonde humilité, ou entre tant de [118] diversité une si grande fraternité; et tous, comme celestes abeilles, menagent en l'Eglise et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du Christianisme, qui par predications, qui par compositions, qui par meditations et oraisons, qui par leçons et disputes, qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacremens sous l'authorité des pasteurs..

  A001000536 

 Je sçay, quelques ministres y ont esté, mais ilz sont allés avec appointement humain, lequel quand il leur a failli, ilz s'en sont revenus sans faire autre, parce qu'un singe est tousjours singe; mais les nostres y sont demeurés en perpetuelle continence, pour feconder l'Eglise de ces nouvelles plantes, en extreme pauvreté, pour enrichir ces peuples du traffiq evangelique, et y sont mortz en esclavage, pour mettre ce monde la en liberté chrestienne..

  A001000536 

 Qui obscurcira jamais la gloire de tant de religieux de tous Ordres et de tant de prestres seculiers qui, laissans volontairement leur patrie, ou pour mieux dire leur propre monde, se sont [exposés] au vent et a la maree pour accoster les gens du Nouveau Monde, a fin de les conduire a la vraye foy et les esclairer de la lumiere evangelique? qui, sans autre appointement que d'une vive confiance en la providence de Dieu, sans autre attente que de travaux, misere et martyre, sans autres pretentions que de l'honneur de Dieu et du salut des ames, ont couru parmi les cannibales, Canariens, negres, Bresiliens, Moluchiens, Japonnois et autres estrangeres nations, et s'y sont confinés, se bannissans eux mesmes de leurs propres pays terrestres, affin que ces pauvres peuples ne fussent bannis du Paradis celeste.

  A001000537 

 Que si, au lieu de faire vostre prouffit de ces exemples et conforter vos cerveaux a la suavité d'un si saint parfum, vous tournes les yeux devers certains lieux ou la discipline monastique est du tout abolie, et n'y a plus rien d'entier que l'habit, vous me contraindres de dire que vous cherches les cloaques et voiries, non les jardins et vergers.

  A001000537 

 Que voules vous? le Maistre y avoit semé la bonne semence, mais l'ennemy y a sursemé la zizanie; cependant l'Eglise, au Concile de Trente, y avoit mis bon ordre, mais il est mesprisé par ceux qui le devoient mettre en execution, et tant s'en faut que les docteurs Catholiques consentent a ce malheur, qu'ilz tiennent estre grand peché d'entrer en ces monasteres ainsy desbordés.

  A001000537 

 Tous les bons Catholiques regrettent le malheur de ces gens, et detestent la negligence des pasteurs [119] et l'ambition des aises de laides ames, qui, voulans tout manier, disposer et gouverner, empeschent l'election legitime et l'ordre de la discipline pour s'attribuer le bien temporel de l'Eglise.

  A001000538 

 Au moins, ne m'en sçauries vous monstrer aucun essay ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusques aux ministres chacun se marie, chacun trafique pour assembler des richesses, personne ne reconnoist autre superieur que celuy que la force luy faict advoüer; signe evident que ceste pretendue eglise n'est pas celle pour laquelle Nostre Seigneur a presché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples: car, si chacun se marie, que deviendra l'advis de saint Pol, Bonum est homini mulierem non tangere? si chacun court a l'argent et aux possessions, a qui s'addressera la parole de Nostre Seigneur, Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperibus? si chacun veut gouverner a son tour, ou se trouvera la prattique de ceste si solemnelle sentence, Qui [120] vult venire post me abneget semetipsum? Si donq vostre eglise se met en comparaison avec la nostre, la nostre sera la vraye Espouse, qui prattique toutes les paroles de son Espoux, et ne laisse pas un talent de l'Escriture inutile; la vostre sera fause, qui n'escoute pas la voix de l'Espoux, ains la mesprise: car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vostre en credit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Escriture, laquelle, ne s'addressant qu'a la vraye Eglise, seroit vaine et inutile si en la vraye Eglise on n'employoit toutes ses pieces..

  A001000545 

 comme les fourbeurs et chaudronniers, car le reste du monde nous appelle Catholiques; que si on y adj ouste Romaine, ce n'est sinon pour instruire les peuples du siege de l'Evesque qui est Pasteur general et visible de l'Eglise, et ja du tems de saint Ambroise, ce n'estoit autre chose estre Romains de communion qu'estre Catholiques..

  A001000546 

 Je sçai bien que parmi vous vos eglises s'appellent reformees, mais autant ont de droit sur ce nom les lutheriens, ubiquitistes, anabaptistes, trinitaires et autres engences de Luther, et ne le vous quitteront jamais.

  A001000546 

 Mais je ne puis que je ne vous die ce que de Beze, Luther et Pierre Martyr en entendent: Pierre Martyr appelle les lutheriens, lutheriens, et dict que vous estes freres avec eux, vous estes donques lutheriens; Luther vous appelle svermeriques et sacramentaires; de Beze appelle les lutheriens, consubstantiateurs et chimiques, et neantmoins les met au nombre des eglises reformees.

  A001000546 

 On peut reformer les peuples et particuliers, mais non l'Eglise ni la Religion, car, si elle estoit Eglise et Religion elle estoit bien formee, la difformation s'appelle heresie et irreligion; la teinture du sang de Nostre Seigneur est trop vive et fine pour avoir besoin de nouvelles couleurs: vostre eglise donques, s'appellant reformee, quitte sa part a la formation que le Sauveur y avoit faitte.

  A001000546 

 Voyla donques les noms nouveaux que ces reformateurs advoüent les uns pour les autres; vostre eglise, donques, n'ayant pas seulement le nom de Catholique, vous ne pouves dire en bonne conscience le Symbole des Apostres, ou vous vous juges vous mesmes, qui, confessans l'Eglise Catholique et universelle, persistes en la vostre qui ne l'est pas.

  A001000552 

 La bonne semence est semee devant l'ennemy, qui a sursemé la zizanie bien apres; Moyse devant Abiron, Datan et Coré; les Anges devant les diables; Lucifer fut debout au jour avant qu'il cheut es tenebres eternelles; la privation doit suivre la forme.

  A001000558 

 Car vostre obéissance a esté divulguee par tout le monde; lhors que saint Pol, en une prison libre, y semoit l'Evangile; lhors qu'en icelle saint Pierre gouvernoit l'Eglise ramassee en Babylone; lhors que Clement, si fort loué par l'Apostre, y estoit assis au timon; lhors que les Cesars prophanes, comme Neron, Domitien, Trajan, Anthonin, massacroyent les Evesques romains, et lhors mesme que Damasus, Siricius, Anastasius, Innocentius y tenoyent le gouvernail apostolique: mesme au tesmoignage de Calvin, car il confesse librement qu'en ce tems la ilz ne s'estoient encores point esgarés de la doctrine evangelique.

  A001000558 

 Toutes les eglises en Jesus Christ vous saluent.

  A001000559 

 Et certes, ce seroit grand cas si les historiens, qui ont esté si curieux de remarquer jusques aux moindres mutations des villes et peuples, eussent oublié la plus notable de toutes celles qui se peuvent faire, qui est de [124] la religion, en la ville et province la plus signalee du monde, qui est Rome et l'Italie.

  A001000560 

 L'an 1517 Luther commença sa tragedie, l'an 34 et 35 on en joua un acte par deça, Zuingle et Calvin furent les deux principaux personnages.

  A001000561 

 Or, si Tertullien, ja de son tems, atteste que les Catholiques debouttoyent les heretiques par leur posteriorité et nouveauté, quand l'Eglise mesme n'estoit qu'en son adolescence ( Solemus, disoit il, hæreticos, compendii gratia, de posterioritate præscribere ), combien plus d'occasion avons nous maintenant? Que si l'une de nos deux eglises doit estre la vraye, ce tiltre demeurera a la nostre qui est tres ancienne, et a vostre nouveauté, l'infame nom d'heresie.

  A001000568 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur: Si je suis une fois eslevè de terre j'attireray toutes choses a moy? a il pas esté levé en croix? et comme donques auroit il laissé aller l'Eglise qu'il avoit attiree, a vau de route? comme auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le diable, prince du monde, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans, pour par apres revenir maistriser mille ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? voules vous si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre une alternative entre luy et le diable? Pour vray, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despouille.

  A001000569 

 La consommation des saintz estoit elle ja faicte il y a onze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous appeller edificateurs, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevee, pourquoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu, que dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné? Les dons et graces de Dieu sont sans penitence, c'est a dire, il ne les donne pas pour oster.

  A001000570 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondee en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie) ser a comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles; Daniel l'appelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement; l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'aura point de fin; Isaïe dict de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peche il verra une longue race; et ailleurs: Je feray une alliance perpetuelle avec eux; ceux qui les verront les connoistront..

  A001000571 

 N'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, a dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, et qui promit a ses Apostres, pour eux et leurs successeurs, Voyci que je suis avec vous jusques [127] a la consommation du siecle? Si ce conseil, dict Gamaliel, ou ceste œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si elle est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre: l'Eglise est œuvre de Dieu, qui donques la dissipera? Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantee sera arrachee, mays l'Eglise a esté plantee de Dieu et ne peut estre arrachee..

  A001000572 

 Il falloit que Nostre Seigneur regnast au milieu de ses ennemis jusqu'a ce qu'il eust mis sous ses pieds et assujetti tous ses adversaires, et quand les assujettira il tous sinon au jour du jugement? mays ce pendant il faut qu'il regne parmi ses ennemis: ou sont ses ennemis sinon ça bas? et ou regne il sinon en son Eglise?.

  A001000572 

 Saint Pol dict que tous doivent estre vivifiés chacun a son tour; les premices ce sera Christ, puys ceux qui sont de Christ, puys la fin: il n'y a point d'entre deux entre ceux qui sont de Christ et la fin, d'autant que l'Eglise doit durer jusques a la fin.

  A001000573 

 Nostre Seigneur avoit mis le feu de sa charité au monde, les Apostres avec le souffle de leurs predications l'avoyent estendu et faict courir par l'univers: on dict qu'il estoit esteint par l'eau de l'ignorance et superstition; qui le pourra rallumer? le souffle n'y sert de rien; il faudroit donques peut estre [128] rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesus Christ, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu? sinon que l'on veuille mettre Luther et Calvin pour pierre angulaire du bastiment ecclesiastique.

  A001000573 

 Qui donques dict que l'Eglise estoit morte et perdue, il accuse la providence du Sauveur; qui s'en appelle reformateur ou restaurateur, comme Beze appelle Calvin, Luther et les autres, il s'attribue l'honneur deu a Jesus Christ, et se faict plus qu'apostre.

  A001000573 

 « O voix impudente, » dict saint Augustin contre les Donatistes, « que l'Eglise ne soit point parce que tu n'y es pas.

  A001000573 

 » « Non, non, » dict saint Bernard, « les torrens sont venus, les vens ont soufflé et l'ont combattue, elle n'est point tombee, parce qu'elle estoit fondee sur la pierre, et la pierre estoit Jesus Christ.

  A001000574 

 O quel contrechange; nos Anciens ont tant souffert pour nous conserver l'heritage de l'Evangile, et maintenant on se mocque d'eux et les tient on pour folz et insensés..

  A001000575 

 « Que nous dites vous de nouveau? » dict saint Augustin, « faudra il encores une fois semer la bonne semence, puysque des qu'elle est semee elle croist jusqu'a la moisson? Que si vous dites que celle que les Apostres avoyent semee est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semee au commencement croistroit jusqu'au tems de moissonner.

  A001000575 

 » La bonne semence ce sont les en fans du Royaume, la zizanie sont les mauvais, la moisson c'est la fin du monde.

  A001000585 

 Que si vous ne voules pas de premier abord abandonner les livres de vos maistres, et n'aves point [130] les yeux sillés d'une trop excessive passion, si vous regardes de pres les Centuries de Magdebourg, vous n'y verres autre par tout que les actions des Catholiques; car, dict tres bien un docte de nostre aage, « s'ilz ne les y eussent recueillies ilz eussent laissé mille et cinq cens ans sans histoire.

  A001000590 

 Les Anciens disoyent sagement que sçavoir bien la difference des tems estoit un bon moyen d'entendre bien les Escritures, a faute dequoy les Juifz [errent,] entendant du premier avenement du Messie ce qui est bien souvent dict du second, et les ministres encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire [131] en ça qu'elle doit estre au tems de l'Antichrist.

  A001000591 

 La pierre taillee du mont sans œuvre manuelle, n'est ce pas Jesus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage? et ceste pierre la ne fracassa elle pas tous les royaumes de la terre, c'est a dire, toutes les dominations des idoles et demons? ne s'accreut elle pas jusqu'a remplir le monde? C'est donq de ce mont qu'il est dit, preparé sur la cime des mons; c'est un mont eslevé sur le sommet des mons, et toutes gens se rendront vers iceluy.

  A001000591 

 Les Donatistes rencontrent le mont, et quand on leur dict, montés, ce n'est pas une montaigne, ce disent ilz, et plustost y choquent du front que d'y chercher une demeure.

  A001000591 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a rempli toute la face de la terre.

  A001000591 

 Qui se perd et s'esgare de ce mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas qu'il soit inconneu a ceux cy qui haïssent les freres, qui haïssent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent »: c'est saint Augustin qui a parlé..

  A001000591 

 » Et de faict, Nostre Seigneur, qui disoit que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy, comme eust il mis tant de lumieres qui sont en l'Eglise pour les couvrir et cacher en certains coins? « Voyci le mont qui remplit l'univers, voyci la cité qui ne se peut cacher.

  A001000592 

 Ha, si Satan possede une fois le monde, comment auront esté les trophees de la Croix ainsy accueillis et contraints en un coin de tout le monde? ».

  A001000592 

 Maintenant oyes saint Hierosme, parlant a un schismatique converti: « Je me resjouis avec toy, » ce dict il, « et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon cœur de l'ardeur de fausseté au goust de tout le monde; ne disant plus comme quelques uns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie vide et avilit la gloire de la Croix, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret qui a esté proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000592 

 Mays ja n'advienne que Dieu soit mort pour neant, le puissant est lié et saccagé, la parole du Pere est accomplie: Demande moy, et je te donneray les gens pour heritage, et les bornes de la terre pour ta possession.

  A001000592 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui [133] font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cités du diable, et les idoles comme seront ilz abattus? Si Nostre Seigneur n'a point eu d'Eglise, ou s'il l'a eue en la seule Sardigne, certes il est trop appauvri.

  A001000593 

 Et que diroit ce grand personnage s'il vivoit maintenant? N'est ce pas bien avilir le trophee de Nostre Seigneur? le Pere celeste, pour la grande humiliation et aneantissement que son Filz subit en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tous genoux se devoient plier en la reverence d'iceluy, et parce qu'il avoit livré sa vie a la mort, estant mis au rang des meschans et voleurs, il avoit en heritage beaucoup de gens; mays ceux cy ne prisent pas tant les passions du Crucifix, levans de sa portion les generations de mille annees, si que a peyne durant ce tems il ait eu quelques serviteurs secretz, qui en fin ne seront qu'hypocrites et meschans; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestiens, et qui aves esté en la vraye Eglise: ou vous avies la foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, que n'en laissies vous des memoires, que ne vous opposies vous a l'impieté? Ne sçavies vous que Dieu a recommandé le prochain a un chacun? et qu' on croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir salut il faut faire la confession de foy? et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et partant j'ay parlé? Vous estes encores miserables, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre.

  A001000593 

 Mays si, au contraire, o Calvin et Luther, la vraye foy a tousjours esté publiee par l'antiquité, vous estes miserables vous mesmes qui, pour trouver quelque excuse a vos fantasies, accuses tous les Anciens ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000599 

 Car l'Eglise sera comme le soleil, dict le Psalme, et le soleil n'esclaire pas tousjours egalement en toutes les contrees, il suffit qu'au bout de l'an nemo est qui se abscondat a calore ejus; ainsy suffira il qu'au bout du siecle la prediction de Nostre Seigneur soit verifiee, qu'il falloit que la penitence et remission des pechés fust preschee en toutes nations, commençant des Hierusalem..

  A001000599 

 L'universalité de l'Eglise ne requiert pas que toutes les provinces ou nations reçoivent tout a coup l'Evangile, il suffit que cela se fasse l'une apres l'autre; en telle sorte neantmoins que l'on voye tousjours l'Eglise, et qu'on connoisse que c'est celle la mesme qui a esté par tout le monde ou la plus grande partie, affin qu'on puisse dire: Venite ascendamus ad montem Domini.

  A001000607 

 Despuys, la mesme Eglise est venue a nostre aage, et tousjours Romaine et Papale, de façon qu'encores que nostre Eglise maintenant seroit beaucoup moindre qu'elle n'est, elle ne lairroit pas d'estre tres Catholique, parce que c'est la mesme Romaine qui a esté, et [qui a] possedé presque en toutes les provinces des nations et peuples innombrables.

  A001000607 

 Du tems de saint Gregoire il y avoit par tout des Catholiques, ainsy qu'on peut voir par les epistres qu'il escrit aux Evesques presque de toutes nations.

  A001000607 

 Mais elle est encores maintenant estendue sur toute la terre, en Transylvanie, Pologne, Hongrie, Bohesme et par toute l'Allemagne, en France, en Italie, en Sclavonie, en Candie, en Espagne, Portugal, Sicile, Malte, Corsique, en Grece, en Armenie, en Syrie, et tout par tout: mettray je icy en conte les Indes orientales et occidentales? Dequoy qui voudroit voir un abregé, il faudroit qu'il se trouvast en un Chapitre ou assemblee generale des religieux de saint François appellés Observantins: il verroit venir de tous les coins du monde, viel et nouveau, des religieux a l'obeissance d'un simple, vil et abject; si que ceux la seulz luy sembleroyent suffire pour verifier ceste partie de la prophetie de Malachie: In omni loco sacrificatur nomini meo..

  A001000608 

 Au contraire, Messieurs, les pretendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrenees du costé d'Espagne, la Grece ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouÿ parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes; en Allemagne, vos compaignons lutheriens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre portion, en Angleterre, les puritains, en France, les libertins: [136] comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes? Je vous diray, comme disoit saint Augustin a l'un de vos semblables, daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement.

  A001000608 

 Que si vous dites que vostre eglise a desja esté catholique au tems des Apostres, monstres donques qu'elle estoit en ce tems la, car toutes les sectes en diront de mesme; comme enteres vous ce petit bourgeon de religion pretendue sur ce saint et ancien tige? faites que vostre eglise touche par une continuation perpetuelle l'Eglise primitive, car si elles ne se touchent, comment tireront elles le suc l'une de l'autre? ce que vous ne feres jamais.

  A001000614 

 Mays ce seroit parler a l'adventure; car, si les Augustin, Chrysostome, Ambroise, Cyprien, Gregoire, et ceste grande trouppe d'excellens pasteurs, n'ont sceu si bien faire que l'Eglise n'ayt donné du nez en terre bien tost apres, comme [disent] Calvin, [137] Luther et les autres, quelle apparence y a il qu'elle se fortifie maintenant sous la charge de vos ministres, lesquelz ni en sainteté ni en doctrine ne sont comparables avec ceux la? Si l'Eglise en son printems, esté et automne n'a point fructifié, comme voules vous qu'en son hiver l'on en recueille des fruictz? si en son adolescence elle n'a cheminé, ou voules vous qu'elle coure maintenant en sa viellesse?.

  A001000615 

 Vostre eglise non seulement n'est pas catholique, mais encores ne le peut estre, n'ayant la force ni vertu de produire des enfans, mais seulement de desrobber les poussins d'autruy, comme faict la perdrix; et neantmoins c'est bien l'une des proprietés de l'Eglise d'estre feconde, c'est pour cela entre autres qu'elle est appellee colombe; et si son Espoux quand il veut benir un homme rend sa femme feconde, sicut vitis abundans in lateribus domus suæ, et faict habiter la sterile en une famille, mere joyeuse en plusieurs enfans, ne devoit il pas avoir luy mesme une Espouse qui fust feconde? Mesme que selon la sainte Parole, ceste deserte devoit avoir plusieurs enfans, ceste nouvelle Hierusalem devoit estre tres peuplee et avoir une grande generation: Ambulabunt gentes in lumine tuo, dict le Prophete, et reges in splendore ortus tui.

  A001000622 

 Au contraire, vos ministres n'ont encores converti aucune province du paganisme, ni aucune contree: diviser le Christianisme, y faire des factions, mettre en pieces la robbe de Nostre Seigneur, ce sont les effectz de leurs predications.

  A001000622 

 La doctrine Chrestienne Catholique est une douce pluie, qui fait germer la terre infructueuse; la leur ressemble plustost a une gresle qui rompt et terrasse les moissons, et met en friche les plus fructueuses campaignes.

  A001000640 

 Comme le vulgaire admire les cometes et feuz erratiques, et croit que ce soyent des vrays astres et vives planettes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se coulent en l'air le long de quelques vapeurs qui leur servent de pasture, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles que ceste grossiere clarté qui les rend visibles; ainsy le miserable peuple de nostre aage, voyant certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaines, esclairees de l'escorce de la Saint'Escriture, il a creu que c'estoyent des verités celestes et s'y est amusé, quoy que les gens de bien et judicieux tesmoignoient que ce n'estoyent que des inventions terrestres qui, se consumants peu a peu, ne laisseroyent autre memoyre d'elles que le ressentiment de beaucoup de malheurs qui suit ordinairement ces apparences..

  A001000641 

 Helas, il ne manquoit [142] pas de pierres de touche pour descouvrir le bas or de leurs happelourdes, car Celuy qui nous fait dire que nous esprouvions les espritz, ne l'eut pas fait s'il n'eut sçeu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le faint esprit.

  A001000641 

 Il importe donques infiniment de sçavoir quelles sont les vraÿes Regles de nostre creance, car on pourra aysement connoistre par la l'heresie d'avec la vraye Religion, et c'est ce que je pretens faire voir en ceste seconde Partie..

  A001000641 

 Nous en avons donques, et personne ne le nie, mays les seducteurs en produysent de telles quilz les puyssent faulser et plier a leurs intentions, affin qu'ayans les regles en main ilz se rendent recommandables, comme par un signe infallible de leur maistrise, sous pretexte duquel ilz puyssent former une foy et religion telle qu'ilz l'ont imaginee.

  A001000641 

 O combien estoit il necessaire de ne s'abbandonner pas a ces espritz, et premier que de les suivre, esprouver s'ilz estoyent de Dieu ou non.

  A001000644 

 Disons ainsy: Dieu est le peintre, nostre foy la peinture, les couleurs sont la Parole de Dieu, le pinceau c'est l'Eglise.

  A001000644 

 Or, comme Dieu revela sa Parole et parla pieça par la bouche des Peres et Prophetes, et finalement en son Filz, puys par les Apostres et Evangelistes, desquelz les langues ne furent que comme plumes de secretaires escrivans tres promptement, employant en ceste sorte les hommes pour parler aux hommes, ainsy, pour proposer, appliquer et declairer ceste sienne Parole, il emploÿe son Espouse visible comme son truchement et l'interprete de ses intentions.

  A001000646 

 L'Eglise, qui est la Regle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance generale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs; et en ceste derniere façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile general, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspondance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial: et ce sont quattre Regles explicantes et applicantes pour nostre foy, l'Eglise en cors, le Concile general, le consentement des Peres et le Pape; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans..

  A001000649 

 Les deux premieres ne sont qu'une Regle formelle, les quattre suivantes ne [146] sont qu'une Regle d'application, la septieme est extraordinaire, et la huittiesme, negative.

  A001000649 

 Voyla donques 8 Regles de la foy: l'Escriture, la Tradition, l'Eglise, le Concile, les Peres, le Pape, les Miracles, la Rayson naturelle.

  A001000650 

 Et me tiens tousjours sur une mesme posture, car je prouve premierement que les Regles que je produitz sont tres certaines et infallibles, puys je fais toucher au doigt que vos docteurs les ont violees.

  A001000650 

 Or, j'entreprens icy de monstrer, clair comme le beau jour, que vos reformateurs ont violé et forcé toutes ces Regles (et il suffiroit de monstrer quilz en ont violé l'une, puysqu'elles s'entretiennent tellement que qui en viole l'une viole toutes les autres); affin que, comme vous aves veu en la premiere Partie qu'ilz vous ont levés du giron de la vraye Eglise par schisme, vous connoissies en ceste seconde Partie quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foy par l'heresie, pour vous tirer a la suitte de leurs illusions.

  A001000655 

 Que les ministres de la religion pretendue ont violé toutes les loix de la foi catholique.

  A001000659 

 Par ce que, comm'on voit le vulgaire admirer les cometes et les feux erratiques, et croire fermement que ce soyent des vrays astres et vives planetes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se vont coulant en l'air le long de quelques vapeurs, pendant quil y a dequoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent toujours quelques mauvays effectz, et n'ont rien de commun avec ces astres incorruptibles que ceste grossiere clairté; ainsy les miserables peuples de nostr'aage, voyans certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaynes, par ce quilz y voyoient quelques lueurs de l'escorce de la Parole de Dieu, ilz ont creu que c'estoyent des verités cælestes et sy sont amusés, quoy que les gens de bien descouvroyent et tesmoignoyent que ce n'estoyent que des inventions terrestres, et qui bien tost se dissiperoyent, ne layssans autre memoyre d'elles que le ressentiment des malheurs qui les suyvent..

  A001000660 

 Helas, il ne manquoit pas de pierres de touche pour connoistre le bas or avec lequel ilz pipoyent le monde, car Celuy qui nous faict dire que nous esprouvions les espritz silz sont bons ou mauvais, ne l'eut pas faict sil n'eust sceu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le fainct esprit, le consolateur d'avec le desolateur.

  A001000660 

 Nous avons donques en l'Eglise des Regles tres certaines pour connoistre la doctrine fause d'avec la vraye, et pour establir nostre foi; et c'est icy ou je vous appelle et vous prie de juger justement: car je me prometz de vous monstrer tresclairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les Regles de la vraye foi et de la predication Chrestienne; affin que, comme vous aves veu quilz vous ont levé du giron de la vraÿe Eglise, vous voyes encores quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foi, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautés..

  A001000660 

 O combien donques estoit il necessaire de ne s'abandonner pas a ces espritz, et premier que de les suyvre, esprouver silz estoyent de [142] Dieu ou non.

  A001000662 

 Or, je me tiendray tousjours sur une mesme demarche, car je monstreray, pnt, que les Regles que je produis sont vraÿes Regles, puys, comme vos docteurs les ont violëes: et par ce que je ne pourrois pas aysement prouver que nous autres Catholiques les avons gardé tres étroittement, sans faire des grandes interruptions et digressions, je reserveray ceste preuve pour la troysiesme Partie, qui servira encores d'une tres solide confirmation pour toute la seconde Partie.

  A001000673 

 Je sçai bien, Dieu merci, que la Tradition a esté devant tout'Escriture, puysque mesm'une bonne partie de l'Escriture n'est que Tradition reduitte en escrit avec un'infallible assistence du Saint Esprit; mays parce que l'authorité de l'Escriture est plus aysement receüe par les reformateurs que celle de la Tradition, je commence par cest endroit, pour faire un'entree plus aysee a mon discours..

  A001000674 

 Nostre Seigneur y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy; les Sadduceens erroyent pour ignorer les Escritures: c'est donq un niveau tres asseuré, c'est un flambeau luysant es obscurités, comme parle saint Pierre, lequel ayant ouy luy mesme la voix du Pere en la Transfiguration du Filz, se tient neanmoins pour plus asseuré au tesmoignage des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000678 

 Que les ministres ont violé la S te Escriture.

  A001000683 

 L'Escriture Sainte est tellement Regle de la foi Chrestienne, que nous sommes obligés par toute sorte d'obligation de croire tresexactement [148] tout ce qu'elle contient, et de ne croire jamais ce qui luy est tant soit peu contraire; car, si Nostre S r mesme y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy, il faut que ce soit un niveau tresasseuré.

  A001000683 

 Les Sadducæens erroyent, par ce quilz ne sçavoyent pas les Escritures; ilz eussent mieux faict d'y estr'ententifz, comme a un flambleau esclairant es obscurités, selon l'advis de S t Pierre, lequel ayant luymesme ouy la voix du Pere en la Transfiguration, se tient neantmoins pour plus asseuré es tesmoignages des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000683 

 Mays je pers le tems; ceste dispute seroit propre contre les libertins, nous sommes a mon advis d'accord en ce point.

  A001000687 

 Certes, quand un notaire a expedié un contract ou autr'escriture, personne n'y peut remuer, oster, adjouster un seul mot sans estre tenu pour faulsaire: voicy l'Escriture des testamentz de [150] Dieu, expediee par les notaires a ce deputés; comme la peut on altérer tant soit peu sans impieté?.

  A001000688 

 Les Arriens corrompoyent ceste sentence de l'Evangile, In principio erat Mot, et Mot erat apud Deum, et Deus erat Mot.

  A001000688 

 Les promesses ont esté dittes a Abraham, dict saint Pol, et a sa semence; il n'est pas dict, et ses semences, comme en plusieurs, mais comm'en une, et a ta semence, qui est Christ: voyes, je vous prie, combien la variation du singulier au plurier eust gasté le sens misterieux de ceste parole.

  A001000688 

 Nostre Seigneur met en conte les iota, voire les seulz petitz pointz et accens de ces saintes paroles; combien donques est il jaloux de leur integrité? Les Ephrateens disoyent sibolleth, sans oublier pas une seule lettre, mais par ce quilz ne prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les esgorgeoyent sur le quay du Jordain.

  A001000696 

 Les Saintes Escritures ne sont ce pas le vray testament de Dieu æternel, bien scelé et signé en son sang, confirmé par la mort? que sil est ainsy, combien se faut il garder d'y remuer aucune chose? « Le testament, » dict ce grand Ulpien, « est une juste sentence de nostre volonté de ce que quelqu'un veut estre faict apres sa mort.

  A001000697 

 Les Arriens, comme raconte S t Aug., corrompoyent ceste sentence du p r chapitre de S t Jan, In principio erat Mot, et Mot erat apud Deum, et Deus erat Mot.

  A001000697 

 Nostre S r met en conte jusques au moindr'accent, au moindr'iota de l'Escriture, combien donques punira il ceux qui violeront leur integrité? Mes freres, dict S t Pol, je parle selon l'homme, mays personne ne mesprise le testament confirmé d'un homme, ni n'ordonne outre cela; et pour monstrer combien il importe de laisser l'Escritur'en sa naiveté, il met un exemple: Abrahæ dictæ sunt promissiones et semini ejus; non dicit, et seminibus, quasi in multis, sed quasi in uno, et semini tuo, qui est Christus: voyes vous, je vous prie, la variation du singulier au plurier combien ell'eust gasté le sens? Les Ephrateens disoyent sibollet, et n'oublioient pas une seule lettre, mays par ce quilz ne le prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les egorgeoyent sur le quai du Jordain.

  A001000703 

 Tous les Livres sacrés sont premierement divisés en deux, en ceux du Viel Testament et ceux du Nouveau: puys, autant les uns que les autres sont partagés en deux rangs; car il y a des Livres, tant du Viel que du Nouveau Testament, desquelz on n'a jamais douté quilz ne fussent sacrés et canoniques, il y en a desquelz l'on a douté pour un tems, mais en fin ont estés receuz avec ceux du premier rang..

  A001000704 

 Ceux du premier rang, de l'Ancien Testament, sont les cinq de Moyse, Josué, les Juges, Ruth, 4 des Rois, 2 de Paralipomenon, 2 d'Esdras et de Nehemie, Job, 150 Pseaumes, les Proverbes, l'Ecclesiaste, les Cantiques, les 4 Prophetes plus grans, les douze moindres.

  A001000704 

 Et quand a ceux ci il y [a] grand'apparence, au dire du mesme docteur Genebrard, qu'en l'assemblëe qui se fit en Hierusalem pour envoyer les 72 interpretes en Ægipte, ces Livres, qui n'estoyent encores en estre quand Esras fit le premier canon, furent alhors canonisés, au moins tacitement, puysqu'ilz furent envoyés avec les autres pour estre traduitz; hormis les Machabees, qui furent receuz en un'autr'assemblee par apres, en laquelle les præcedens furent derechef approuvés: mays comme que ce soit, par ce que ce second canon ne fut pas faict si authentiquement que le premier, ceste canonisation ne leur peut acquerir un'entiere et indubitabl'authorité parmi les Juifz, ni les esgaler aux Livres du premier rang..

  A001000704 

 Le second rang contient ceuxci: Hester, Baruch, une partie de Daniel, Tobie, Judith, la [153] Sapience, l'Ecclesiastique, les Macchabees, premier et second.

  A001000705 

 Ainsy dirai je des Livres du Nouveau Testament, qu'il y en a du premier rang, qui ont tousjours esté reconneuz et receuz pour sacrés et canoniques entre les Catholiques: telz sont les 4 Evangiles, selon saint Mathieu, saint Marc, saint Luc, saint Jan, [les Actes des Apôtres,] toutes les Epistres de saint Pol hormis celle aux Hebrieux, une de saint Pierre, une de saint Jan.

  A001000705 

 Voyla comm'on assembla les deux rangs en un, et furent renduz d'esgale authorité en l'Eglise de Dieu; mays avec progres et succession, comm'une bell'aube levante qui peu a peu esclaire nostr'hemisphere.

  A001000705 

 general, de Trulles, outre les Livres precedens du second rang, furent receuz au canon comme indubitables, Thobie, Judith, deux des Macchabees, la Sapience, l'Ecclesiastique et l'Apocalipse; mais avant tous ceux du second rang, le Livre de Judith fut receu et reconneu pour divin au premier general Concile de Nicee, ainsy que saint Hierosme en est tesmoin, en sa præface sur iceluy.

  A001000706 

 A peu que je n'ay oublié de dire, vous ne deves point entrer en scrupule sur ce que je viens de deduyre, encor que Baruch ne soyt pas nommément cotté au Concile de Carthage, mais seulement en celuy de Florence et de Trente; car, d'autant que Baruch estoit secretaire de Jeremie, on mettoit en conte parmi les [157] Anciens le Livre de Baruch comm'un accessoire ou appendice de Jeremie, le comprenant sous iceluy, ainsy que cest excellent theologien Belarmin le prouve en ses Controverses.

  A001000706 

 Somme, tous les Livres, tant du premier que du second rang, sont egalement certains, sacrés et canoniques..

  A001000710 

 Quelz sont les Livres Sacres des Saintes Escritures.

  A001000713 

 ; du Testament Nouveau, 4 Evangiles, selon S t Mathieu, S t Marc, S t Luc et S t Jan, les Actes des Apostres par S t Luc, 14 Epistres de S t Pol, aux Romains, deux aux Chorinthiens, aux Galathes, aux Ephesiens, aux Philip., aux Collos., deux aux Thessalo., deux a Timot., a Tit., [154] a Philem., aux Hebreux, deux de S t Pierre, 3 de S t Jan, une de S t Jaq., une de S t Jude et l'Apocalipse.

  A001000713 

 Le Concile de Florence, il y a environ 160 ans, proposa et receut tous les mesmes du consentement de toute l'Eglise, tant grecque que latine; mays long tems au paravant, il y a douze cens ans ou environ qu'au Concile 3 de Cartage, ou S t Augustin se trouva, tous les mesmes Livres furent receuz..

  A001000713 

 qui est appellé de Nehemie, Thobie, Judith, Hester, Job, cent cinquante Psalmes de David, les Paraboles, l'Ecclesiaste, le Cantique des Cantiques, la Sapience, l'Ecclesiastique, Isaïe, Hieremie avec Baruch, Ezechiel, Daniel, Ozëe, Joel, Amos, Abdias, Jonas, Micheas, Nahum, Abacuc, Sophonias, Aggæe, [153] Zacharie, Malachie, deux des Machabees, le 1. et 2.

  A001000714 

 Avant le tems du Concile de Chartage ilz ne furent pas tous proposés pour canoniques par aucun decret de l'Eglise generale, mays y en a quelques uns de l'authorité desquelz les Anciens Peres ont douté; a sçavoir, d'Hester, Baruc, Thobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes, l'Epistr'aux Hebrieux, celle de S t Jaques, la 2.

  A001000714 

 Mesme en quelques uns des autres Livres, de l'authorité desquelz jamais on ne douta parmi l'Eglise, il y a certaines parties lesquelles les Anciens n'ont pas tous tenu pour authentiques, comme l'histoire de Susanne en Daniel, le cantique des trois enfans et l'histoire de la mort du dragon au 14.

  A001000714 

 Voyla tant que nous pouvons sçavoir les Livres et les parties desquelz on aÿe douté anciennement, dont nous ayons quelqu'apparence, et neantmoins tous ces Livres, avec toutes leurs parties, sont receuz en l'Eglise Catholique..

  A001000715 

 Et ne faut pas douter que le S t Esprit n'assiste en ce jugement a l'Eglise, car vos ministres mesme confessent que Dieu luy a remis en garde les Saintes Escritures, et veulent dire que c'est a cest'intention que S t Pol l'apelle colomne et fermeté de verite; et comme les garderoit elle, si elle ne les sçait connoistre et tirer du meslange des autres livres?.

  A001000715 

 Mays l'Eglise mesme, comme se peut elle resoudre qu'un Livre soit canonique?.. car elle n'est plus conduite par nouvelles revelations, mays par les anciennes apostoliques, esquelles ell'a l'infallibilité d'interpretation; que si les Anciens n'ont pas eu revelation de l'authorité d'un Livre, comme donques la peut elle sçavoir?.. Elle considere le tesmoignage de l'antiquité, la conformité que ce Livre a avec les autres ja receuz, et le commun goust [156] que le peuple Chrestien y prend: car, comm'on peut connoistre quell'est la propre viande et prouffitable des animaux quand on les y voit prendre goust et s'y nourrir saynement, ainsy quand l'Eglise voit que le peuple Chrestien savoure volontiers un Livre pour canonique, et y faict son prouffit, elle peut connoistre que c'est une pasture propre et saine aux espritz chrestiens; et comme, quand on veut sçavoir si un vin est de mesme creu qu'un autre, l'on les apparie, regardant si la couleur, l'odeur et le goust est pareil en tous deux, ainsy quand l'Eglise a bien consideré un Livre avoir le goust, l'odeur et la couleur, la sainteté du stile, de la doctrine et des misteres, semblable aux autres canoniques, et que d'ailleurs ell'a le tesmoignage de plusieurs bons et irreprochables tesmoins de l'antiquité, elle peut declairer le Livre pour frere germain des autres canoniques.

  A001000716 

 Nous [sommes] en ce faict de pareille condition; car Calvin, et les bibles mesme de Geneve, et [157] les Lutheriens, reçoivent plusieurs Livres pour saintz, sacrés et canoniques qui n'ont pas esté advoüez par tous les Anciens pour telz, et desquelz on a esté en doute: si l'on en a douté ci devant, quelle rayson peuvent ilz avoir pour les tenir asseurés et certains maintenant? sinon celle qu'avoit S t Augustin, Ego vero Evangelia non crederem nisi me Catholicæ Ecclesiæ commoveret authoritas; ou comm'il dict ailleurs: Novum et Vetus Testamentum in illo Librorum numero recipimus quem sanctæ Ecclesiæ Catholicæ tradit authoritas..

  A001000716 

 Si donques Nostre S r defend son Eglise contre les portes d'enfer, si jamais le S t Esprit luy assista pour luy de si pres qu'elle peut dire, Visum est Spiritui S to et nobis, il faut fermement croire quil l'inspire en ces occasions de si grande consequence; car ce seroit bien la laisser au besoin, sil la laissoit en ce cas, duquel depend non seulement un article ou deux de nostre foi, mays le gros de nostre religion.

  A001000722 

 Voyla les Livres sacrés et canoniques, que l'Eglise a receu et reconneu unanimement des douze centz ans en ça: et avec quell'authorité ont osé ces nouveaux reformeurs biffer tout en un coup tant de nobles parties de [158] la Bible? Ilz ont raclé une partie d'Hester, Baruch, Thobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, les Maccabees; qui leur a dict que ces Livres ne sont pas legitimes et recevables? pourquoy desmembrent ilz ainsy ce sacré cors des Escritures?.

  A001000723 

 Le Droit Canon « en profere son jugement »; 6. et la Glose, « qui dict qu'on les lit mais non point en general, comme si elle vouloit dire que generalement par tout ne soyent point approuvés.

  A001000723 

 Voyci leurs principales raysons, ainsy que j'ay peu recueillir de la vielle præface, faicte devant les Livres prætenduz apocriphes imprimés a Neufchastel, de la traduction de Pierre Robert, autrement Olivetanus, parent et amy de Calvin, et encores de la plus nouvelle, faitte sur les mesmes Livres par les professeurs et pasteurs pretenduz de l'eglise de Geneve, l'an 1588.

  A001000723 

 « Ilz ne se trouvent ni en Ebreu ni en Caldee, esquelles langues jadis ont estés escritz (fors a l'adventure le Livre de Sapience), dont grande difficulté seroit de les restituer.

  A001000723 

 « notamment les Macchabees, » 9. et specialement le second, que saint Hierosme dict « n'avoir trouvé en Ebreu.

  A001000723 

 » Voyla les raysons d'Olivetanus.

  A001000724 

 Ainsy vous diray je de l'Ecclesiastique, que saint Hierosme a eu et trouvé en Hebreu, comme il dict en sa preface sur les Livres de Salomon.

  A001000724 

 Mays parlons maintenant pour les autres Livres, qui sont escritz en autre langage que celuy que vous voules.

  A001000724 

 Ou trouves vous que la regle de bien recevoir les Saintes Escritures soyt, qu'elles soyent escrittes en ces langages la plustost qu'en Grec ou Latin? vous dittes quil ne faut rien recevoir en matiere de religion que ce qui est escrit, et apportes en vostre belle prefacé le dire des jurisconsultes: Erubescimus sine lege loqui; vous semble il pas que la dispute qui se faict sur la validité ou invalidité des Escritures soyt une des plus importantes en matiere de religion? sus donques, ou demeurés honteux, ou produises la Sainte Escriture pour la negative que vous soustenés: certes, le Saint Esprit se declaire aussi bien en Grec qu'en Caldee..

  A001000724 

 Puys donques que vous rejettes esgalement ces Livres escritz en Hebreu et Caldee avec les autres qui ne sont pas escritz en mesme langage, il vous faut chercher un autre prætexte que celuy que vous aves allegué, pour racler ces Livres du canon: quand vous dittes que vous les rejettes par ce quilz ne sont escritz ni en Hebreu ni en Caldee, ce n'est pas cela, car vous ne rejetteries pas, [160] a ce conte, Tobie, Judith, le premier des Machabees, l'Ecclesiastique, qui sont escritz ou en Hebreu ou en Caldee.

  A001000725 

 Est ce cela qui vous fasche? Mais pour Dieu, dittes moy, qui vous a dict quilz sont perduz, corrompuz ou alterés, pour avoir besoin de restitution? Vous præsupposes peut estre que ceux qui les auront traduitz sur l'originaire auront mal traduit, et vous voudries avoir l'original pour les collationner et les juger.

  A001000725 

 On auroit, dittes vous, « grande difficulté de les restituer », puys qu'on ne les a pas en leur langue originaire.

  A001000725 

 Plus, estes vous bien asseuré d'avoir les textes hebreux des Livres du premier rang ainsy purs et netz comm'ilz estoyent au tems des Apostres et des 70? Gardes de mesprendre; certes, vous ne les suives pas tousjours, et ne sçauries en bonne conscience: monstres moy encor cecy en la Saint'Escriture.

  A001000726 

 Quand a ce que vous dittes que ces Livres que vous appelles apocriphes ne sont point receuz par les Hebreux, vous ne dittes rien de nouveau ni d'important; saint Augustin proteste bien haut: « Libros Machabeorum non Judæi sed Ecclesia Catholica pro canonicis habet: Non les Juifz, mais l'Eglise Catholique tient les Livres des Machabees pour canoniques.

  A001000726 

 » Dieu merci, nous ne sommes pas Juifz, nous sommes Catholiques: monstres moy par l'Escriture que l'Eglise Chrestienne [162] n'aye pas autant de pouvoir pour authoriser les Livres sacrés qu'en avoit la Mosaïque: il ni a en cela ni Escriture ni raison qui le monstre..

  A001000727 

 Et de quell'eglise entendes vous? certes, l'Eglise Catholique, qui est la seule vraye, les reçoit, comme saint [Augustin] vient de vous attester maintenant, et le repete encores [ailleurs]; le Concile de Carthage, celuy de Trulles, 6.

  A001000727 

 L'Eglise donques, ayant pour un tems laissés ces Livres en doute, en fin les a receu en resolution authentique; et vous voules que de ceste resolution elle retourne au doute.

  A001000727 

 Oüy, mais toute l'Eglise mesme ne les reçoit pas, dites vous.

  A001000727 

 Peut estre voules vous dire qu'anciennement quelques Catholiques douterent de leur authorité; c'est selon la division que j'ay faitte ci dessus: mais quoy pour cela? le doute de ceux la a il peu empecher la resolution de leurs successeurs? est ce a dire que si on n'est pas tout au premier coup resolu, il faille tousjours demeurer en bransle, incertain et irresolu? A l'on pas esté pour un tems incertain de l'Apocalipse et d'Ester? vous ne l'oseries nier, j'ay de trop bons [163] tesmoins; d'Ester, saint Athanase et saint Gregoire Nazianzene, de l'Apocalipse, le Concile de Laodicee: et néanmoins vous les receves; ou receves-les tous, puysqu'ilz sont d'esgale condition, ou n'en receves point, par mesme rayson.

  A001000729 

 Et le canon Sancta Romana, qui est de Gelaise premier, je crois que vous l'aves rencontré a tastons, car il est tout contre vous; puysque, censurant les Livres apocriphes, il n'en nomme pas un de ceux que nous recevons, ains au contraire atteste que Tobie et les Maccabees estoyent receuz publiquement en l'Eglise..

  A001000731 

 Certes, tous les Livres de la Saint'Escriture ont esté corrompuz par les anciens ennemis de l'Eglise, mais, par la providence de Dieu, ilz sont demeurés francz et netz en la main de l'Eglise comm'un sacré depost, et jamais on n'a peu gaster tant d'exemplaires quil n'en soit asses demeuré pour restaurer les autres..

  A001000731 

 Et ces falsifications que vous allegues ne sont en point de façon suffisantes pour abolir l'authorité de ces Livres, par ce qu'ilz ont esté justifiés et espurés de toute corruption avant que l'Eglise les receut.

  A001000732 

 Mays vous voules sur tout que les Maccabees nous tumbe des mains, quand vous dittes qu'ilz ont estés corrompuz; or, puysque vous n'avances qu'une simple affirmation, je n'y pareray que par une simple negation..

  A001000733 

 en Hebreu; et bien, que [le premier y soit;] le second n'est que comme une epistre que [les Anciens] d'Israel envoyerent aux freres Juifz qui estoyent hors la Judee, et si ell'est escritte au langage le plus cohneu et commun de ce tems-la, s'ensuit il qu'elle ne soit pas recevable? Les Ægiptiens avoyent en usage le langage grec beaucoup plus que l'hebreu, comme monstra bien Ptolomee quand il procura la version des 72; voyla pourquoy ce 2.

  A001000734 

 Prenes garde, pour Dieu, que vostre jugement ne vous trompe; pourquoy, je vous prie, apelles vous faucetés ce que toute l'antiquité a tenu pour articles de foy? que ne censures vous plus tost vos fantasies, qui ne veulent embrasser la doctrine de ces Livres, que de censurer ces Livres, receuz de si long tems, par ce quilz ne secondent pas a vos humeurs? parce que vous ne voules pas croire ce que ces Livres enseignent, vous les condamnes; et que ne condamnes vous plustost vostre temerité, qui se rend incredule a leurs enseignemens?.

  A001000734 

 Reste que les nouveaux præfaceurs monstrent ces fausetés desquelles ilz accusent ces Livres, ce qu'a [165] la verité ilz ne feront jamais; mays je les voys venir: ilz produiront l'intercession des Saintz, la priere pour les trepassés, le franc arbitre, l'honneur des reliques et semblables pointz, qui sont expressement confirmés es Livres des Maccabees, en l'Ecclesiastique et autres Livres quilz prætendent apocriphes.

  A001000739 

 Combien les ministres ont viole l'integrite des escritures.

  A001000742 

 Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture.

  A001000743 

 Je veux mettre le faict sur les Livres qui vous fachent le plus.

  A001000743 

 de Cartage, Gelasius, in decreto de Libris canonicis quil fit avec le conseil de septante Evesques, Innocent I r, en l'epistre ad Exuperium, S t Augustin, ont vescu avant S t Gregoire, avant lequel Calvin confesse que l'Eglise estoit encores en sa pureté; et neantmoins ceux la font foi que tous les Livres que nous avions pour canoniques quand Luther comparut, estoyentja telz en ce tems la.

  A001000743 

 pro canonicis habet. Que dires vous a cela? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues? S t Augustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens? et si vous voules estre appellés Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chrestienne les reçoive: la lumiere du S t Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces tres anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en [162] eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de prophanation et sacrilege ces tant sts et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne.

  A001000747 

 Le marchand rusé tient en monstre les moindres pieces de sa boutique, et les offre les premieres aux acheteurs, pour essayer s'il les pourra deduire et vendre a quelque niais.

  A001000747 

 Les raysons que les reformeurs ont avancees au chapitre precedent ne sont que biffes, comme nous avons veu, desquelles on se sert comme d'amusement, pour voir si quelque simple et foible cervelle s'en voudroit contenter: et de faict, quand on vient au joindre, ilz confessent que ni l'authorité de l'Eglise, ni de saint Hierosme, ni de la Glosse, ni du Caldee, ni de l'Hebreu, n'est pas cause suffisante pour recevoir ou rejetter quelque Escriture.

  A001000747 

 Voicy leur protestation en la Confession de foy presentee au Roy de France par les François pretendus reformés: apres qu'ilz ont mis en liste, en l'Article troisiesme, les Livres qu'ilz veulent recevoir, ilz escrivent ainsy en l'Article quatriesme: « Nous connoissons ces Livres estre canoniques et regle tres certaine de nostre foy, non tant par le commun accord et consentement de l'Eglise, que par le tesmoignage et persuasion interieure du Saint Esprit, qui les nous faict discerner [167] d'avec les autres livres ecclesiastiques.

  A001000748 

 Car, je vous prie, s'ilz deferoient tant soit peu a l'authorité ecclesiastique, pourquoy recevroient ilz plustost l'Apocalipse que Judith ou les Machabees, desquelz saint Augustin et saint Hierosme nous sont fideles tesmoins qu'ilz ont esté receuz unanimement de toute l'Eglise Catholique? et les Conciles de Carthage, Trulles, de Florence, nous en asseurent.

  A001000748 

 Or, a la verité, c'est bien procedé a eux de ne vouloir s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise; puysque ce commun accord a canonisé l'Ecclesiastique, les [Livres des] Machabees, tout autant et aussitost que l'Apocalipse, et neantmoins ilz veulent recevoir [celuy ci] et rejetter ceux la: Judith, authorisé par le grand premier et irreprochable Concile de Nicee, est biffé par les reformeurs; ilz ont donques rayson de confesser qu'en la reception des Livres canoniques, ilz ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise, qui ne fut onques plus grand ni plus solemnel qu'en ce premier Concile.

  A001000748 

 Pourquoy disent ilz donques, qu'ilz ne reçoivent pas les Livres sacrés « tant par le commun accord de l'Eglise que par l'interieure persuasion »? puysque le commun accord de l'Eglise n'y a ni rang ni lieu.

  A001000748 

 « Nous connoissons, » disent ilz, « ces Livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise: » a les ouÿr parler, ne diries vous pas qu'au moins en quelque façon ilz se laissent guider a l'Eglise? Leur parler n'est pas franc: il semble qu'ilz ne refusent pas du tout credit au commun accord des Chrestiens, mais que seulement ilz ne le reçoivent pas a mesme degré que leur persuasion interieure, et neantmoins ilz n'en tiennent aucun conte; mais ilz vont ainsy retenus en leur langage pour ne paroistre pas du tout incivilz et desraysonnables.

  A001000749 

 Maintenant, voyons quelle regle ilz ont pour discerner les Livres canoniques d'avec les autres ecclesiastiques: « Le tesmoignage, » disent ilz, « et persuasion interieure du Saint Esprit.

  A001000749 

 » O Dieu, quelle cachette, quel brouillait, quelle nuict; ne nous voyla pas bien esclaircis en un si important et grave different? On demande comme l'on peut connoistre les Livres canoniques, on voudroit bien avoir quelque regle pour les discerner, et l'on nous produit ce qui se passe en l'interieur de l'ame, que personne ne voit, personne ne connoit, sinon l'ame mesme et son Createur..

  A001000751 

 Vous dites que vous sentes ceste persuasion en vous, mais pourquoy suis je obligé de vous croire? vostre parole est elle si puissante, que je sois forcé sous son authorité de croire que vous penses et sentes ce que vous dites? je vous veux tenir pour gens de bien, mais quand il s'agit des fondemens de ma foy, comme est de recevoir ou rejetter les Escritures ecclesiastiques, je ne trouve ni vos pensees ni vos paroles asses fermes pour me servir de base..

  A001000752 

 Cest esprit faict il ses persuasions indifferemment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz, ni tant de femmes, laboureurs et autres parmi vous? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes? Me faudra il croire au [169] premier qui dira d'en estre? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des seducteurs: monstres moy donques quelque regle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés, ou me permettes que je n'en croye pas un..

  A001000753 

 Mays en conscience, vous semble il que l'interieure persuasion soit un moyen suffisant pour discerner les Saintes Escritures, et mettre les peuples hors de doute? Que veut donq dire que Luther racle l'Epistre de saint Jaques, laquelle Calvin reçoit? accordes un peu, je vous prie, cest esprit et sa persuasion, qui persuade a l'un de rejetter ce qu'il persuade a l'autre de recevoir.

  A001000754 

 En un mot, c'est a l'Eglise generale que le Saint Esprit addresse immediatement ses inspirations et persuasions, puys, par la prædication de l'Eglise, il les communique aux particuliers; c'est l'Espouse en laquelle le laict est engendré, puys les enfans le succent [170] de ses mammelles: mays vous voules, au rebours, que Dieu inspire aux particuliers, et par leur moyen a l'Eglise, que les enfans reçoivent le laict, et que la mere soit nourrie a leurs tetins; chose absurde..

  A001000754 

 Puys, quelle rayson y a il que le Saint Esprit aille inspirant ce que chacun doit croire a des je ne sçay qui, a Luther, a Calvin, ayant abandonné sans aucune telle inspiration les Conciles et l'Eglise tout entiere? Nous ne nions pas, pour parler clairement, que la connoissance des vrays Livres sacrés ne soit un don du Saint Esprit, mays nous disons que le Saint Esprit la donne aux particuliers par l'entremise de l'Eglise.

  A001000755 

 Hé de grace, pourquoy permettra on plus tost a Calvin de racler la Sapience ou les Maccabees, qu'a Luther de lever l'Epistre de saint Jaques ou l'Apocalipse, ou a Castalio, le Cantique des Cantiques, ou aux Anabaptistes, l'Evangile de saint Marc, ou a un autre, le Genese et l'Exode? si tous protestent de l'interieure revelation, pourquoy croira l'on plustost l'un que l'autre? Ainsy ceste Regle sacree, sous prætexte du Saint Esprit demeurera des reglee, par la temerité de chaque seducteur..

  A001000756 

 Calvin oste et racle du canon, Baruch, Tobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, les Maccabees: Luther leve l'Epistre de saint Jaques, de saint Jude, la 2.

  A001000756 

 De Beze met en doute l'histoire de l'adultere, en l'Evangile de saint Jan (saint Augustin advise que [172] pieça les ennemis du Christianisme l'avoyent rayé de leurs livres, mais non pas de tous, comme dict saint Hierosme).

  A001000756 

 En l'Exode on a levé, a Geneve et ailleurs parmi ces reformeurs, le 22 verset du 2 d chapitre, lequel est de telle substance que ni les 70 ni les autres traducteurs ne l'auroyent jamais escrit sil n'eut esté es originaux.

  A001000756 

 Qui est le couteau avec lequel on a faict tant de retranchemens? l'opinion de ces inspirations particulieres; qu'est ce qui faict si hardis vos reformeurs a racler, l'un ceste piece, l'autre celle la, et l'autre un'autre? le pretexte de ces interieures persuasions de l'esprit, qui les rend sauverains, chacun chez soy, au jugement de la validité ou invalidité des Escrittures.

  A001000757 

 Pour vray, nous serions tres mal asseurés si nous appuyions nostre foy sur ces particulieres inspirations interieures, que nous ne sçavons si elles sont ou furent jamais que par le tesmoignage de certains particuliers; [174] et supposé qu'elles soyent ou ayent esté, nous ne sçavons si elles sont du vray ou faux esprit; et supposé qu'elles soyent du vray esprit, nous ne sçavons si ceux qui les recitent les recitent fidellement ou non, puys qu'ilz n'ont aucune marque d'infallibilité.

  A001000757 

 Que si jamais nostre Redempteur defend son Eglise contre les portes d'enfer, si jamais le Saint Esprit l'inspire et conduit, c'est en ceste occasion; car ce seroit bien la laisser du tout et au besoin, sil la laissoit en ce cas duquel depend le gros de nostre religion.

  A001000757 

 » Le Saint Esprit peut inspirer que bon luy semble, mays quand a l'establissement de la foy publique et generale des fideles, il ne nous addresse qu'a l'Eglise; c'est a elle de proposer quelles sont les vrayes Escritures, et quelles non: non qu'elle puysse donner verité ou certitude a l'Escriture, mays elle peut bien nous faire certains et asseurés de la certitude d'icelle.

  A001000758 

 Vous ne l'aves pas pris des Juifz, car les Livres Evangeliques n'y seroyent pas, ni du Concile de Laodicee, car l'Apocalipse n'y seroit pas, ni du Concile de Cartage ou de Florence, car l'Ecclesiastique et les Maccabees y seroyent; ou l'aves vous donq pris? Pour vray, jamais il ne fut parlé de semblable canon avant vous; l'Eglise ne vit onques canon des Escritures ou il n'y eut ou plus ou moins qu'au vostre: quelle apparence i a il que le Saint Esprit se soit recelé a toute l'antiquité, et qu'appres 1500 il ait descouvert a certains particuliers le roolle des vrayes Escritures? Pour nous, nous suyvons exactement la liste du Concile Laodicean, avec l'addition faitte au Concile [175] de Cartage et de Florence; jamais homme de jugement ne laissera ces Conciles, pour suivre les persuasions des particuliers..

  A001000764 

 Affin que les religionnaires de ce tems desreglassent du tout ceste premiere et tressainte Regle de nostre foy, ilz ne se sont pas contentés de raccourcir et defaire de tant de belles pieces, mays l'ont contournee et détournee chacun a sa poste, et [au lieu] d'adjuster leur sçavoir a ceste regle, ilz l'ont reglëe elle mesme a l'esquerre de leur propre suffisance, ou petite ou grande.

  A001000764 

 L'Eglise avoit generalement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart [176] de l'esprit de tournoyement, lequel a tellement esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, que chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrëe Escriture de Dieu: en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le precieux basme de la doctrine Evangelique? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu'un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la demonter toute et depecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque apparence d'Arche? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accommoder chacun selon sa suffisance? Et neanmoins, des lors qu'on asseure que l'edition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la temerité: car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon? pourquoy non Henricus [177] Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hebreu, au pres de quelques bons Tresors de l'une et l'autre langue.

  A001000765 

 Mays quoy? qu'aves vous faict de mieux? chacun a prisé la sienne, chacun a mesprisé celle d'autruy; on a [178] tournaïllé tant qu'on a voulu, mays personne ne se conte de la version de son compaignon: qu'est ce autre chose que renverser la majesté de l'Escriture, et la mettre en mespris vers les peuples, qui pensent que ceste diversité d'editions vienne plustost de l'incertitude de l'Escriture que de la bigarrure des traducteurs? bigarrure laquelle seule nous doit mettre en asseurance de l'ancienne traduction, laquelle, comme dict le Concile, l'Eglise a si longuement, si constamment et si unanimement approuvëe..

  A001000765 

 Que dites vous? que l'edition ordinaire est corrompue? Nous avoüons que les transcriveurs et les imprimeurs y ont layssé couler certains æquivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le Concile de Trente commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus correctement quil sera possible; au reste, il n'y a rien qui ny soit tres sortable au sens du Saint Esprit qui en est l'autheur: comme ont monstré ci devant tant de doctes gens des nostres, qui se sont opposés a la temerité de ces nouveaux formateurs de religion, que ce seroit perdre tems d'en vouloir parler davantage; outre ce que ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire avec les pointz en l'une des langues necessaires a ceste connoissance, et ne suys guere plus sçavant en l'autre.

  A001000771 

 Que sil en va ainsy des versions latines, combien est grand le mespris et prophanation qui s'est faict es versions françoises, alemandes, polonnoises et autres langues: et neanmoins voicy un des plus pregnans artifices que l'ennemi du Christianisme et d'unité ait employé en nostr'aage pour attirer les peuples a ses cordelles; il connoissoit la curiosité des hommes, et combien chacun prise son jugement propre, et partant il a induict tous les sectaires a traduire les Saintes Escritures, chacun en la langue de la province ou il se cantonne, et a maintenir ceste non jamais ouÿe opinion, que chacun estoit capable d'entendre les Escritures, que tous les devoyent lire, et que les offices publiques se devoyent celebrer et chanter en la langue vulgaire de chaque province..

  A001000773 

 Ces peuples, donques, avoyent accoustumé de dire les Psalmes en Hebrieu, et neanmoins l'Hebreu n'estoit plus leur langue vulgaire, ainsy qu'on peut connoistre de plusieurs paroles dites en l'Evangile par Nostre Seigneur, qui estoyent siriacques, que les Evangelistes ont gardees, comme Abba, Haceldema, Golgotha, Pascha et autres, que les doctes tiennent n'estre pas hebraiques pures mais siriaques, quoy qu'elles soient appellees hebraiques par ce que c'estoit le langage vulgaire des Hebreux des la captivité de Babiloyne.

  A001000773 

 Mays disons candidement; ne sçavons nous pas que les Apostres parloyent toutes langues? et que veut dire quilz n'escrivirent leurs Evangiles et Epistres qu'en Hebrieu, comme saint Hierosme atteste de l'Evangile de saint Matthieu, en Latin, comme quelques uns pensent de celuy de saint Marc, et en Grec, comm'on tient des autres Evangiles; qui furent les trois langues choysies, des la Croix mesme de Nostre Seigneur, pour la prædication du Crucifix? Ne porterent ilz pas l'Evangile par tout le monde, et au monde ny avoit il point d'autre langage que ces trois la? si avoit a la verité, et neanmoins ilz ne jugerent pas estre expedient de diversifier en tant de langues leurs escritz: qui mesprisera donques la coustume de nostre Eglise, qui a pour son garand l'imitation des Apostres?.. Dequoy nous avons une notable trace et piste en l'Evangile: car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloyent criant, Osanna filio David; benedictus qui venit in nomine Domini; osanna in excelsis; et ceste parole, Osanna, a estëe laissëe en son entier parmi les textes grecz de saint Marc et saint Jan, signe [180] que c'estoit la mesme parole du peuple: or est il que Osanna, ou bien Osianna (et l'un vaut l'autre, disent les doctes en la langue), est une parole hebraique, non siriacque, prise, avec le reste de ceste louange la qui fut donnëe a Nostre Seigneur, du Psalme 117.

  A001000773 

 Qu'on prenne en main les Memoyres du sire de Joinville, ou encores celles de Philippe de Commines; on verra que nous avons du tout changé leur langage: qui neantmoins devoient [être] des plus politz de leur tems, estans tous deux nourris en court.

  A001000773 

 Si donques il nous failloit avoir (sur tout pour les services publiqs) des bibles chacun en son langage, de cinquant'ans en cinquante il faudroit remuer mesnage, et tousjours en adjoustant, levant ou changeant une bonne partie de la naifveté sainte de l'Escriture, qui ne se peut faire sans grande perte.

  A001000774 

 Mays je vous advise que le saint Concile de Trente ne rejette pas les traductions vulgaires imprimëes par l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on [181] n'entreprene pas de les lire sans congé des superieurs; ce qui est tres raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, tant affilé et tranchant a deux costés, en la main de qui s'en pourrait esgorger soymesme, dequoy nous parlerons cy apres; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa temerité, manie ce sacré memorial.

  A001000774 

 « Ni n'est certes rayson, » me souviens je avoir leu en un essay du S r de Montaigne, « de voir tracasser, » entre les mains de toutes personnes, « par une salle et par une cuysine, le saint Livre des sacrés misteres de nostre creance; ce n'est pas en passant et tumultuairement quil faut manier un estude si serieux et venerable; ce doit estre un'action destinee et rassise, alaquelle on doit tousjours adjouster ceste præface de nostr'office, Sursum corda, et y apporter le cors mesme, disposé en contenance qui tesmoigne une particuliere attention et reverence.

  A001000780 

 Ce desvit prend en partie ses raysons de ce que j'ay ja dict; car, sil n'est pas expedient de traduire ainsy a tous propos de province en province le [182] texte sacré de l'Escriture, la plus grande partie, et quasi tout ce qui est es offices, estant pris de la Sainte Escriture, il n'est pas convenable de le mettre nomplus en françois: sinon quil y a d'autant plus de danger de reciter es services publiqs la Saint'Escriture en vulgaire, que non seulement les vieux mays les jeunes enfans, non seulement les sages mais les folz, non seulement les hommes mais les femmes, et, en somme, qui sçait et qui ne sçait lire, pourroyent tous y prendre occasion d'errer, chacun a son goust.

  A001000780 

 Le Concile defend aussy que les services publiqs de l'Eglise ne se facent pas en vulgaire, mays en langue reglëe, chacun selon les anciens formulaires approuvés par l'Eglise.

  A001000780 

 Lises les passages de David ou il semble quil murmure contre Dieu de la prosperité des mauvais; vous verres l'indiscret vulgaire s'en flatter en ses impatiences: lises la ou il semble demander vengeance sur ses ennemis; et l'esprit de vengeance s'en affleublera: lises voir ces celestes et tresdivines amours es Cantiques des Cantiques; qui ne sçaura les bien spiritualizer n'y prouffitera qu'en mal: et ce mot d'Osëe, Vade et fac tibi filios fornicationum, et ces actes des anciens Patriarches, ne donneroyent ilz pas licence aux idiotz?.

  A001000781 

 Il y a 4 sortes de personnes: les ecclesiastiques, les nobles, ceux de roubbe longue et le populas ou 38 estat; les trois premiers entendent le Latin ou le doivent entendre, silz ne le font, leur damp.

  A001000781 

 Mays qui est celuy, tant houppé soit il et ferré, qui entende sans estude les Propheties d'Ezechiel et autres, et les Psalmes? et que servira donques aux peuples de les ouir, sinon pour les prophaner et mettre en doute? et quand au reste, nous autres Catholiques ne devons en aucune façon reduire nos offices sacrés aux langages particuliers, ains plus tost, comme nostr'Eglise est universelle en tems et en lieux, elle doit aussi faire ses services publicqs en un langage qui soit de mesme universel en tems et en lieux, tel qu'est le Latin en Occident, le Grec en [183] Orient; autrement nos præstres ne sçauroyent dire Messe, ni les autres l'entendre, hors de leurs contrëes.

  A001000781 

 Mays sachons un peu, de grace, pourquoy on veut avoir les Escritures et services divins en vulgaire.

  A001000787 

 Certes, nous ne refusons pas a personne de chanter avec le chœur, modestement et decemment; mays il semble plus convenable que les ecclesiastiques et deputés chantent pour l'ordinaire, comm'il fut faict a la dedicace du Temple de Salomon, 2 Parai.

  A001000787 

 La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un ignorant, la lasciveté de laquelle il tesmoigne par ses escritz, sa vie tes prophane et qui n'avoit rien moins que du Chrestien, meritoit qu'on luy refusast la frequentation de l'eglise; et neanmoins son nom et ses psalmes sont comme sacrés en vos eglises, et les chante l'on parmi vous autres comme s'ilz estoyent de David: la ou, qui ne voit combien est violëe la sacrëe Parole? car le vers, sa mesure, sa contrainte ne permet pas qu'on suyve la proprieté des motz de l'Escriture, mais y mesle l'on du sien pour rendre le sens parfaict et comble, et a esté necessaire a cest ignorant rimeur de choisir un sens la ou il y en pouvoyt avoir plusieurs.

  A001000787 

 Mays entre toutes les prophanations, il me semble que cellecy se faict voir a travers des autres, qu'es temples, publiquement et tout par tout, aux champs, aux boutiques, on chante la rimaillerie de Marot comme Psalmes de David.

  A001000787 

 Toutefois, on sçait bien quil ni a rien qui ayt tant chatouillé ces curieux, et surtout les femmes, que ceste authorité de [185] chanter en l'eglise et assemblëe.

  A001000788 

 Et quand a ceste façon de faire chanter indifferemment, en tous lieux et en toutes occupations, les Psalmes, qui ne voit que c'est un mespris de religion? N'est ce pas offencer la Majesté divine, de luy parler avec des paroles tant exquises comme celles des Psalmes sans aucune reverence ni attention? dire des prieres par voye d'entretien, n'est ce pas se mocquer de Celuy a qui on parle? Quand on voit, ou a Geneve ou ailleurs, un garçon de boutique se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une tres belle priere pour dire, Monsieur, que vous plaict il? ne connoist on pas bien qu'il faict un accessoire du principal, et que ce n'est sinon pour passetems quil chante ceste divine chanson, quil croit neantmoins estre du Saint Esprit? Ne faict il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Pœnitence de David, et demander a chasque verset le lart, le chapon, la perdrix? « Ceste voix, » dict des Montaignes, « est trop divine pour n'avoir autre usage que d'exercer les poulmons et plaire aux oreilles.

  A001000788 

 » Je confesse qu'en particulier tous lieux sont bons a prier et toute contenance qui n'est pas peché, pourveu qu'on prie d'esprit, par ce que Dieu voit l'interieur, auquel gist la principale substance de l'orayson; mays je crois que qui prie en publiq doit faire demonstration exterieure de la reverence que les paroles propres quil profere demandent; autrement il scandalize le prochain, qui n'est pas tenu de penser quil ayt [186] de la religion en l'interieur, voyant le mespris en l'exterieur..

  A001000789 

 Je tiens, donques, que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot, que pour le chanter irreveremment et sans respect, on peche tressouvent, en vostre tant reformëe eglise, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare: car, outre ce qu'en ces psalmes vous attribues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la verité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain; et, comme dict Isaïe, vous vous eslances de bouche vers Dieu, et le glorifies de vos levres, mays vostre cœur est bien loin de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes.

  A001000789 

 Pour vray, cest inconvenient de prier sans devotion arrive bien souvent aux Catholiques, mais ce n'est pas par l'adveu de l'Eglise, et je ne reprens pas maintenant les particuliers de vostre parti, mais le cors de vostre [église,] laquelle par ses traductions et libertés met en usage prophane ce qui devroit estre en tres grande reverence..

  A001000796 

 Epistre, que és Epistres de saint Pol il y a certains traictz difficiles, que les ignorans et remuans depravent, comme le reste de l'Escriture, a leur propre malheur.

  A001000796 

 L'eunuche tresorier general d'Ethiopie estoyt bien fidele, puysqu'il estoit venu adorer au Temple de Hierusalem; il lisoyt Isaïe, il entendoit bien les paroles, puys quil demandoit de quel Prophete s'entendoit ce quil avoit leu; neantmoins il n'en avoit pas l'intelligence ni l'esprit, comme luy mesme confessoit: Et quomodo possum si non aliquis ostenderit mihi? Non seulement il n'entend pas, mays confesse de ne le pouvoir sil n'est enseigné; et nous verrons une lavandiere se vanter d'entendre aussy bien l'Escriture que saint Bernard.

  A001000796 

 L'imagination doit avoir grande force sur les entendemens huguenotz, puys qu'elle vous persuade si fermement ceste grande absurdité, que les Escritures sont aysëes a chacun, et que chacun les peut entendre: et de vray, affin de produire les traductions vulgaires avec honneur, il failloit bien parler ainsy.

  A001000796 

 Mays dites la verité; penses vous que la chose aille ainsy? les trouves vous si aysëes? les entendes vous bien? si vous le penses, j'admire vostre creance, qui est non seulement sur l'experience, mays contre ce que vous voyes et sentes.

  A001000796 

 Mays ou est ceste Parole de Dieu? en l'Escriture; et l'Escriture est ce quelque chose de secret? non pas, ce dit on, aux fideles: a quoy faire donq ces interpreteurs, ces prædicans? si vous estes fideles, vous y entendres autant qu'eux; renvoyes les aux infideles, et gardes seulement quelques diacres pour vous donner le morceau de pain et verser le vin de vostre souper; si vous pouves vous repaistre vous mesmes au champ de l'Escriture, qu'aves vous a faire de pasteurs? quelque jeun'innocent et pur enfant qui sçaura lire en fera bien la rayson.

  A001000796 

 Origene et saint Hierosme, celluyla en sa præface sur les Cantiques, celluyci en la sienne sur Ezechiel, recitent quil n'estoit pas permis aux Juifz devant l'aage de 30 ans, lire les 3 premiers chapitres de Genese, le commencement et la fin d'Ezechiel ni les Cantiques des Cantiques, pour la profondité de leur difficulté, en laquelle peu de gens peuvent nager sans s'y perdre; et maintenant chacun en parle, chacun en juge, chacun s'en faict accroire..

  A001000806 

 Il veut donques que les louanges qui se faysoyent en Corinthe se fissent en Grec, car, puys quilz se faysoyent non ja comme services ordinaires, mays comme cantiques extraordinaires de ceux qui avoyent ce don, pour consoler le peuple, il estoyt raysonnable quilz se fissent en langue intelligible, ou que on les eust interpreté sur le champ; ce quil semble monstrer quand plus bas il dict: Si ergo conveniat universa ecclesia in unum, et omnes linguis loquantur, intrent autem idiotæ aut infideles, nonne dicent quod insanitis? et plus bas: [191] Sive lingua quis loquitur, secundum duos aut ut multum tres, et per partes, et unus interpretetur; si autem non fuerit interpres, taceat in ecclesia, sibi autem loquatur et Deo.

  A001000806 

 Vous verres que pour cela il ne veut pas qu'on diversifie le service en toutes sortes de langages, mais seulement que les exhortations et cantiques qui se faysoyent par le don des langues soyent interpretés, affin que l'eglise ou on se trouve sache que l'on dict: Et ideo, qui loquitur lingua, oret ut interpretetur.

  A001000809 

 Au Deuteronome est il pas dict que les commandemens de Dieu ne sont pas secretz ni celés? et le Psalmiste dict il pas: Præceptum Domini lucidum; Lucerna pedibus meis Mot tuum? Tout cela va bien, mays il s'entend estant prechëe et expliquëe et bien entendue, car, Quomodo credent sine prædicante? et tout ce que David grand prophete a dict, ne doit estre tiré en consequence sur un chacun..

  A001000810 

 Certes, saint Augustin trouva que saint Anthoyne, homme indocte, ne layssoit pas de sçavoir le chemin de Paradis, et luy avec sa doctrine en estoit bien loin alhors, parmi les erreurs des Manicheens..

  A001000810 

 Croyes qu'encores selon l'esprit il est veritable ce que disoit le Sage: Melior est pauper ambulans in simplicitate sua quam dives in pravis itineribus; et ailleurs: Simplicitas justorum diriget eos; et: Qui ambulat simpliciter ambulat confidenter. Ou je ne voudrois pas dire quil ne faille prendre peyne d'entendre, mays seulement qu'on ne se doit pas penser de trouver de soymesme son salut ni son pasturage, sans la conduicte de qui Dieu a constitué pour cest effect, selon le mesme Sage: Ne innitaris prudentiæ tuæ; et, Ne sis sapiens apud temetipsum: ce que ne font pas ceux qui pensent en leur seule suffisance connoistre toute sorte de misteres, sans observer l'ordre que Dieu a establi, qui en a faict entre nous les uns docteurs et pasteurs, non tous, et un chacun pour soymesme.

  A001000810 

 Mays on m'objecte a tous propos: ne dois je pas chercher la viande de mon ame et mon salut? pauvre homme, qui le nie? mays si chacun va aux pasturages comme les vielles oÿes, a quoy faire les bergers? cherche les pastiz, mays avec ton pasteur.

  A001000810 

 Quoy? si personne ne trouve son salut que qui sçait lire les Escritures, que deviendront tant de pauvres idiotz? certes, ilz trouvent et cherchent leur salut asses suffisamment, quand ilz apprennent de la bouche du pasteur le sommaire de ce qu'il faut croire, esperer, aymer, faire et demander a Dieu.

  A001000810 

 Se mocqueroit [192] on pas du malade qui voudroit chercher sa santé en Hipocrate sans l'ayde du medecin? ou de celuy qui voudroit chercher son droit en Justinien sans s'addresser au juge? Cherchez, luy diroit on, vostre santé, mais par le moyen des medecins; et vous, cherchez vostre droit et le procurez, mais par les mains du magistrat.

  A001000813 

 Jamais peuple ne fut mieux instruict, selon la malice du tems, que le peuple de Milan sous le cardinal Borromëe; mays l'instruction du peuple ne vient pas a force de tracasser les saintes Bibles, et lisotter ceste divin'Escriture, ni chanter ça et la en forme de fantasies les Psalmes, ains de les manier, lire, ouyr, chanter et prier avec apprehension vive de la majesté de Dieu a qui on parle, de qui on lit ou escoute on la Parole, tousjours avec ceste præface de l'ancienn'Eglise, Sursum corda..

  A001000813 

 Mays qui veut voir le conte que les Catholiques font de la Sainte Escriture et le respect quilz luy portent, quilz admirent le grand cardinal Borromëe, lequel n'estudioit jamais sur les Saintes Escritures sinon a genoux, luy semblant quil oyoyt parler Dieu en icelles, et que telle reverence estoit deüe a une si divine audience.

  A001000825 

 Voicy les paroles du saint Concile de Trente, parlant de la verité et discipline Chrestienne Evangelique: Perspiciens (sancta Sinodus) hanc veritatem et disciplinant contineri in Libris scriptis et sine scripto Traditionibus, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, aut ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt; orthodoxorum Patrum exempla secuta, omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, cum utriusque unus Deus sit auctor, nec non Traditiones ipsas, tum ad fidem tum ad mores pertinentes, tanquam vel oretenus a Christo vel a Spiritu Sancto dictatas, et continua successione in Ecclesia Catholica servatas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur. Voyla, a la verité, un decret digne d'une assemblëe qui puysse dire, [196] Visum est Spiritui Sancto et nobis; car il ny a presque mot qui ne porte coup sur les adversaires et ne leur leve tous armes du poingt..

  A001000826 

 En quoy vous verres arrester quasi tous vos ministres, faysans des grandes harangues pour monstrer quil ne faut mettre en comparayson la tradition humayne avec l'Escriture; mays a quel propos tout cela, sinon pour enjoler les pauvres auditeurs? car jamais nous ne dismes cela..

  A001000826 

 Redempti estis de vana vestra conversatione paternæ traditionis? Tout cecy n'est point a propos; puysque le Concile proteste clairement que les Traditions quil reçoit ne sont ni traditions ni doctrines des hommes, ains, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, vel ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt: ce sont donques Parole de Dieu, doctrine du Saint Esprit, non des hommes.

  A001000827 

 Belle façon de raysonner: la foy proufite, donques les oeuvres ne proufitent de rien..

  A001000827 

 Qui nie la tres excellente utilité de l'Escriture, sinon les huguenotz qui en levent des plus belles pieces comme vaynes? Elles sont tres utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persecutions: mays l'utilité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile; [197] dont le Concile dict: Omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.

  A001000828 

 De mesme: Multa quidem et alia signa fecit Jesus quæ non sunt scripta in libro hoc; hæc autem scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius [Dei], et ut credentes vitam habeatis in nomine ejus: donques il ny a rien autre a croire que cela; belle consequence! Nous sçavons bien que Quæcumque scripta sunt ad nostram doctrinam scripta sunt; mays cela empechera il que les Apostres præchent? Hæc scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius Dei; mays cela ne suffit pas, car, quomodo credent sine prædicante? Les Escritures sont donnees pour nostre salut, mays nompas les Escritures seules, les Traditions y ont encor place: les oyseaux ont l'aisle droite pour voler; donques l'aysle gauche ny sert de rien? ains l'une ne va pas sans l'autre.

  A001000828 

 Je laysse a part les responces particulieres, car saint Jan ne parle que des miracles quil avoyt a escrire, quil tient suffire pour prouver la divinité du Filz de Dieu..

  A001000829 

 L'Escriture donques est Evangile, mais nom pas tout l'Evangile, car les Traditions sont l'autre partie: qui enseignera donques outre ce qu'ont enseigné les Apostres, maudict soit il; mays les Apostres ont enseigné par escrit et par Tradition, et tout est Evangile.

  A001000829 

 Que si vous consideres de pres comme le Concile apparie les Traditions aux Escritures, vous verres quil ne reçoit point de Tradition contraire a l'Escriture; car il reçoit la Tradition et l'Escriture avec [198] pareil honneur, parce que l'une et l'autre sont ruysseauz tres doux et purs, qui sont partis d'une mesme bouche de Nostre Seigneur, comme d'une vive fontayne de sapience, et partant ne peuvent estre contraires, ains sont de mesme goust et qualité, et se joignans ensemble arrousent gayement cest arbre du Christianisme, quod fructum suum dabit in tempore suo..

  A001000836 

 L'Escriture est utile pour enseigner; apprenes donques de l'Escriture mesme quil faut recevoir avec honneur et creance les saintes Traditions.

  A001000836 

 Nous confessons que la tressainte Escriture est tres excellente et tres utile; elle est escrite affin que nous croyons; rien ne luy peut estre contraire que le mensonge et l'impieté: mays pour establir ces verités il ne faut pas rejetter cellecy, a sçavoir, que les Traditions [199] sont tres utiles; donnees affin que nous croyons; rien ne leur est contraire que l'impieté et le mensonge; car pour establir une verité il ne faut jamais destruire l'autre.

  A001000836 

 Que si Nostre Seigneur ni ses Apostres ne l'ont jamais escrit, pourquoy nous evangelises vous ces choses cy? au contraire, il est defendu de lever rien de l'Escriture, pourquoy voules [vous] lever les Traditions, qui y sont si expressement authentiquëes?.

  A001000836 

 S'il ne faut rien adjouster a ce que Nostre Seigneur a commandé, ou est ce quil a commandé qu'on condamnast les Traditions Apostoliques? pourquoy adjoustes vous cecy a ses paroles? ou est ce que Nostre Seigneur l'a jamais enseigné? que tant s'en faut quil ait jamais commandé le mespris des Traditions Apostoliques, que jamais il ne mesprisa aucune tradition du moindre prophete du monde: coures tout l'Evangile, et vous n'y verres censurëes que les traditions humaynes et contraires a l'Escriture.

  A001000837 

 Ce que saint Jan mesme confirme: Multa habens scribere vobis, nolui per chartam et atramentum; spero enim me futurum apud vos, et os ad os loqui; c'estoyent choses dignes d'estre escrites, neanmoins il ne l'a pas faict, mays les a dites, et au lieu d'Escriture en a faict Tradition..

  A001000838 

 Qu'y a il de plus clair pour la Tradition? Voyla la forme: l'Apostre parle, les tesmoins le rapportent, saint Timothëe le doit enseigner a d'autres, et ceux la aux autres; voyla pas une sainte substitution et fidecommis spirituel?.

  A001000839 

 Le mesm'Apostre loue il pas les Corinthiens de l'observation des Traditions? Quod per omnia, dict, mei memores estis, et sicut tradidi vobis præcepta mea servatis.

  A001000840 

 Je vous demande, quand leur dict il ces choses quil avoit a leur dire? pour vray, ou ce fut apres sa resurrection les 40 jours quil fut avec eux, ou par la venue du Saint Esprit; mais que sçavons nous que c'est quil comprenoit sous ceste parole, Multa habeo, et si tout est escrit? il est bien dict quil fut 40 jours avec eux, les enseignant du royaume des cieux, mays nous n'avons ni toutes ses apparitions ni ce quil leur disoit en icelles.

  A001000852 

 Mays combien d'Absalons se sont trouvez en nostre aage, qui, pour seduyre et distraire les peuples de l'obeissance de l'Eglise, et solliciter les Chrestiens a revolte, ont crié sur les advenues d'Allemaigne et de France: il ny a personne qui soit establi du Seigneur pour ouyr et resouvre des differens sur la foy et religion; l'Eglise n'y a point de pouvoir.

  A001000853 

 » A la marge il met cest advertissement, quil a mis quasi par tout le texte: « L'interpretation de l'Escritture ne se doit puyser d'ailleurs que de l'Escritture mesme, en conferant les passages les uns avec les autres, et les rapportant a l'analogie de la foy; » et en l'Epistre au Roy de France: « Nous demandons qu'on s'en rapporte aux Saintes Escrittures canoniques, et que, sil y a doute sur l'interpretation d'icelles, la convenance et le rapport qui doit estre tant entre les passages de l'Escriture qu'entre les articles de la foy en soyent juges.

  A001000853 

 » Il y reçoit « les Peres, avec tout autant d'authorité quilz se trouveront de fondement es Escrittures; » il poursuit: « Quand au point de la doctrine, nous ne sçaurions appeller a aucun juge non reprochable qu'au Seigneur mesme, qui a declaré tout son conseil touchant nostre salut par les [Apostres] et [203] Prophetes.

  A001000854 

 Amen, amen, disons nous; mais nous ne demandons pas comment on doit interpreter l'Escriture, mays qui sera le juge: car, apres avoir conferé les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt; et tibi dabo claves regni cælorum, saint Pierre a esté chef ministerial et supreme œconome en l'Eglise de Dieu; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic, ou cest autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo potest aliud fundamentum ponere, etc., conferé avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict detester un chef ministerial: nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la verité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire general de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la negative; qui jugera plus de nostre different?.. Certes, qui s'addressera a Theodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble ainsy, selon le præjugé quil en a faict il y a si long tems? et [204] quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy?...

  A001000855 

 Je ne suys pas en doute sil faut adjouster foy a la sainte Parole; qui ne sçait qu'elle est au supreme grade de certitude? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de ceste Escriture, ce sont les consequences et conclusions qu'on y attache, lesquelles estans diverses, sans nombre et contraires bien souvent sur un mesme sujet, ou chacun prend parti, qui d'un costé qui d'autre, qui me fera voir la verité au travers de tant de vanités? qui me fera voir ceste Escriture en sa naifve couleur? car le col de ceste colombe change autant d'apparences que ceux qui le regardent changent de postures et distances.

  A001000855 

 Mays il la faut bien entendre, adjustant les passages aux passages, le tout au Simbole; nous sommes en ce train il y a quinze centz ans et passent.

  A001000856 

 Saint Hilaire dict tresbien: De intelligentia hæresis est, non de Scriptura, et sensus, non sermo, fit crimen; et saint Augustin: Non aliunde natæ sunt hæreses nisi dum Scripturæ bonæ intelliguntur non bene, et quod in eis non bene intelligitur etiam temere et audacter asseritur. C'est le vray jeu de Michol, de couvrir une statue faitte a poste dans le lict, des habitz de David; qui regarde cela pense avoir veu David, mays il s'abuse, David ny est pas: l'heresie couvre au lict de son cerveau la statue de sa propre opinion des habitz de la Sainte Escritture; qui voit ceste doctrine pense avoir veu la sainte Parole de Dieu, mays il se trompe, elle ny est point, les motz y sont mays non l'intelligence.

  A001000856 

 Scripturæ, dict saint Hierosme, non in legendo sed in intelligendo consistunt; sçavoir la loy n'est pas sçavoir les paroles, mays le sens..

  A001000859 

 Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester.

  A001000865 

 Je soustiens que ce [209] juge n'est autre que l'Eglise Catholique, laquelle ne peut aucunement errer es interpretations et consequences qu'elle tire de la Sainte Escriture, ni es jugemens qu'elle faict sur les difficultés qui s'y presentent.

  A001000865 

 S'il faut courir fortune d'errer, qui n'aymera mieux la courir a la suite de sa propre fantasie, que de s'esclaver a celle de Calvin ou Luther? chacun donnera liberté a sa cervelle de courir a l'abandon ça et la, par les opinions tant diverses soyent elles, et de vray, peut estre rencontrera il aussy tost la verité qu'un autre.

  A001000872 

 Ceux donques qui voudroyent que l'Empereur eust ceste authorité, n'ont point de fondement en l'Escriture ni en la rayson; [211] car, quelles sont les causes principales pour lesquelles on assemble les Conciles generaux, sinon pour reprimer et repouser l'heretique, le schismatique, le scandaleux, comme loups de la bergerie? ainsy fut faicte ceste premiere assemblëe en Hierusalem pour resister a certains de l'heresie des Pharisæens: et qui a charge de repouser le loup sinon le berger? et qui est berger que celuy a qui Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas? trouves que semblable charge fut donnée a Tibere? Qui a l'authorité de repaistre le troupeau a l'authorité d'assembler les bergers, pour cognoistre quelle pasture et quelles eaux sont saines aux ouaïlles; cela est proprement assembler les pasteurs in nomine Christi, c'est a dire, par l'authorité de Nostre Seigneur, car qu'est ce autre chose assembler les estatz au nom du prince que les convoquer par authorité du prince? et qui a cest'authorité que celuy qui comme lieutenant a receu les clefz du royaume des cieux? Qui fit dire au bon pere Lucentius, Evesque vicaire du Saint Siege apostolique, que Dioscorus avoit eu tresgrand tort d'avoir assemblé un Concile sans l'authorité Apostolique: Sinodum, dict il, ausus est facere sine authoritate Sedis Apostolicæ, quod nunquam rite factum est, nec fieri licuit; et dict ces paroles en la pleyne assemblee du grand Concile de Calcedoyne.

  A001000872 

 Et de vray, ce sont les pasteurs qui ont charge d'instruire le peuple, et de prouvoir a son salut par les resolutions des doutes qui surviennent touchant la doctrine Chrestienne; les empereurs et les princes y doivent avoir zele, mais selon leur ministere, qui est par voÿe de justice, de police et de l'espëe, qu' ilz ne portent pas sans cause.

  A001000872 

 Il est neanmoins necessaire que si la ville ou l'assemblëe se faict est sujette a l'Empereur, ou a quelque prince, et qu'on veuille faire quelque cueillette publique pour les frais d'un Concile, que le prince chez lequel on s'assemble ayt donné licence et authorisé l'assemblëe, et les cueillettes doivent estre avouëes par les princes riere les estatz desquelz elles se font: et quand l'Empereur voudroit assembler un Concile, pourveu que le Saint Siege y consentit pour rendre la convocation legitime... Telles ont esté les assemblëes de quelques Conciles [212] tres authentiques, et celle qu'Herodes commanda en Hierusalem, pour sçavoir ubi Christus nasceretur, a laquelle les prestres et scribes consentirent; mays qui la voudroit tirer en consequence, pour attribuer l'authorité aux princes de commander les convocations, auroit autant de rayson que de tirer en consequence sa cruauté sur saint Jan Baptiste et le meurtre sur les petitz enfans..

  A001000872 

 On ne sçauroit mieux projetter un vray et saint Concile que sur le patron de celuy que les Apostres firent en Hierusalem.

  A001000873 

 C'est donques aux Ecclesiastiques d'y estre convoqués, quoy que les princes, l'Empereur, les roys et autres y ayent lieu comme protecteurs de l'Eglise..

  A001000873 

 Il succede que nous remarquions, en ce premier Concile chrestien qui fut faict par les Apostres, qui y fut apellé Convenerunt, dict le texte, Apostoli et presbiteri videre de verbo hoc; les Apostres et les prestres, en un mot, les gens d'Eglise: la rayson le vouloit, car le vieux proverbe est par tout bon, Ne sutor ultra crepidam, et le mot du bon pere Hosius, rapporté par saint Athanase, quil escrivit a l'empereur Constantius, Tibi Deus imperium commisit, nobis quæ sunt Ecclesiæ concredidit.

  A001000874 

 Pendant qu'on deliberoit, les senieurs ou prestres parlerent, comm'il est probable selon ces paroles, cum autem magna conquisitio fieret, qui monstrent qu'on debatit bien fort ceste question; mays quand il vint a resoudre et porter sentence, il ne se trouve personne qui parle qui ne soit Apostre: aussy ne trouve l'on pas es anciens Conciles et canoniques qu'autre que les Evesques ayt signé et defini; qui fut la cause que les Peres du Concile de Calcedoyne, y voyans entrer les religieux et laicz, crierent plusieurs foys: Mitte foras superfluos, Concilium episcoporum est.

  A001000875 

 Au Concile d'Ephese, saint Cyrille y præsida comme legat et lieutenant de Cælestin, Pape: voyci les paroles de saint Prosper d'Aquitayne: Per hunc virum (il parle du Pape Cælestin) etiam orientales Ecclesiæ gemina peste purgatæ sunt, quando Cyrillo, Alexandrinæ urbis Antistiti, gloriosissimo fidei Catholicæ defensori, [214] ad exsecandam nestorianam impietatem apostolico auxiliatus est gladio; ce que le mesme Prosper dict encores in Chronico: Nestorianæ impietati præcipua Cyrilli Alexandrini Episcopi industria et Papæ Cælestini repugnat authoritas.

  A001000875 

 Au Concile de Calcedoyne, il ny a rien qui ne crie tout par tout que les legatz du Saint Siege Romain ny aient præsidé, Pascasinus et Lucentius; il ny a que d'en lire les actes..

  A001000875 

 Au Concile de Constantinople, quoy quil ny fut pas ni aucun legat pour luy, par ce quil traittoit la mesme cause avec les Evesques occidentaux a Rome qui estoit traittëe a Constantinople par les orientaux, qui ne s'estoyent peu joindre qu'en esprit et deliberation, si est ce que par les lettres que les Peres de part et d'autre s'envoyerent, Damase, Evesque de Rome, est reconneu pour legitime chef et præsident.

  A001000875 

 Au Concile de Nicëe, les premiers qui souscrivent ce sont Hosius, evesque, Vitus et Modestus, prestres, envoÿés par le Saint Siege: et de vray, quelle occasion pouvoit faire que deux prestres souscrivissent devant les Patriarches, si ce n'eust esté quilz estoyent en lieutenance du supreme Patriarche? Que quand a saint Athanase, tant s'en faut quil y præsidast, quil ny fut pas assis ni ne souscrivit point, comme n'estant que diacre pour l'heure; et le grand Constantin non seulement ny præsida pas, ains s'assit au bas des Evesques, et ny voulut point estre comme pasteur mays comme brebis.

  A001000876 

 Voyla donques l'Escriture, la rayson, la prattique des 4 plus purs Conciles qui furent onques, ou saint Pierre præside et ses successeurs quand ilz s'y sont trouvés; j'en pourrois tout autant monstrer de tous les autres qui ont estés receuz en l'Eglise universelle comme legitimes, mays cecy suffira bien..

  A001000883 

 Nous parlons donq icy d'un Concile tel que celuy la, ou se trouve l'authorité de saint Pierre, tant au commencement qu'a la conclusion, et des autres Apostres et pasteurs qui s'y voudront trouver, sinon de tous au moins d'une notable partie; ou la discussion soit libre, c'est a sçavoir, que qui voudra y propose ses raysons sur la difficulté qui y est proposëe; ou les pasteurs ayent voix judiciaire; telz en fin qu'ont esté ces quatre premiers, desquelz saint Gregoire faisoit tant de conte, quil en fit ceste protestation: Sicut sancti Evangelii 4 Libros, sic 4 Concilia suscipere et venerari me fateor..

  A001000884 

 C'est la mesm'Eglise, aussy chere au celest'Espoux qu'elle fut alhors, en plus de necessité qu'elle n'estoit alhors; quelle rayson y a il quil ne luy fist la mesme assistence quil luy fit alhors en pareille occasion? Consideres, je vous prie, l'importance de ces motz Evangeliques, Si quis Ecclesiam non audierit, sit tibi tanquam etnicus et publicanus; [216] et quand peut on jamais ouyr plus distinctement l'Eglise que par la voix d'un Concile general, ou les chefz de l'Eglise se trouvent tous ensemble pour dire et deduyre les difficultés? le cors ne parle pas par ses jambes ni par ses mains, mays seulement par son chef; ainsy, comme peut l'Eglise mieux prononcer sa sentence que par ses chefz? Mays Nostre Seigneur s'explique: Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super terram de omni re quamcumque petierint, fiet illis a Patre meo qui in cælis est; ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum.

  A001000884 

 L'authorité donques des Conciles doit estre reverëe comme appuyëe sur la conduitte du Saint Esprit; car, si contre ceste heresie pharisaique, le Saint Esprit, docteur et conducteur de son Eglise, assista l'assemblëe, il faut croire encores qu'en toutes semblables occasions il assistera encores les assemblees des pasteurs, pour, par leur bouche, regler et nos actions et nos creances.

  A001000884 

 Or sus, voyons un peu combien grande doit estre leur authorité sur l'entendement des Chrestiens; et voicy comme les Apostres en parlent: Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A001000884 

 Si deux ou troys, quand besoin en est, estans assemblés au nom de Nostre Seigneur, ont son assistence si particuliere quil est au milieu d'eux comm'un general emmy l'armee, comm'un docteur et regent au milieu de ses disciples, si le Pere les exauce infalliblement en ce quilz luy demandent, comme refuserait il son Saint Esprit a la generale assemblëe des pasteurs de l'Eglise?.

  A001000885 

 Puys, si l'assemblëe legitime des pasteurs et chefz de l'Eglise pouvoit estre une fois saisie d'erreur, comme se verifierait la sentence du Maistre, Portæ inferi non prævalebunt adversus eam? comme pourrait l'erreur et la force infernale s'emparer de l'Eglise a meilleures enseignes que d'avoir asservi les docteurs, pasteurs et cappitaines avec leur general? Et ceste parole, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, que deviendroit elle? Et l'Eglise comme sera elle colomne et pilier de verité, si ses bases et fondementz soustiennent l'erreur et fauseté? les docteurs et pasteurs sont les visibles fondementz de l'Eglise, sur l'administration desquelz le reste s'appuÿe..

  A001000886 

 En fin, quel plus estroit commandement avons nous que de prendre la pasture de la main de nos pasteurs? saint Pol ne dict il pas que le Saint Esprit les a colloqués au bercail pour nous regir, et que Nostre Seigneur les nous a donnés affin que nous ne soyons point flottans et emportés a tout vent de doctrine? quel respect donques devons nous porter aux ordonances [217] et canons qui partent de leur assemblëe generale? Certes, pris a part l'un de l'autre, leurs doctrines sont encores sujettes a l'espreuve, mays quand ilz sont ensemble, et que toute l'authorité ecclesiastique est ramassëe en un, qui peut conteroller l'arrest qui en sort? Si le sel s'esvanouÿt, en quoy le conservera-on? si les chefz sont aveugles, qui conduira le reste? si les colomnes tumbent, qui les soutiendra?.

  A001000887 

 Athanase dit que Mot Domini per æcumenicam Niceæ Sinodum manet in æternum; saint Gregoire Nazianzene, parlant des Apollinaristes, qui se ventoyent d'avoyr estés avoüés par un Concile Catholique, Quod si vel nunc, dict il, vel ante suscepti sunt, hoc ostendant et nos acquiescemus; perspicuum enim erit eos rectæ doctrinæ assentiri, nec enim aliter se res habere potest; saint Augustin dict que la celebre question du Baptesme, meüe par les Donatistes, fit douter plusieurs Evesques, donec, plenario totius orbis Concilio, quod saluberrime sentiebatur etiam remotis dubitationibus firmaretur; Defertur, dict Ruffin, ad Constantinum [218] sacerdotalis Concilii (Nicæni) sententia; ille tanquam a Deo prolatam veneratur, cui si quis tentasset obniti, velut contra divina statuta venientem in exilium se protestatur acturum. Que si quelqu'un pensoit, pour produire des analogies, des sentences de l'Escriture, des motz grecz et hebreux, quil luy fust permis de remettre en doute ce qui a desja esté determiné par les Conciles generaux, il faut quil produise des patentes du ciel bien signëes et scelees, ou quil die que chacun en peut autant faire que luy, et que tout est a la merci de nos subtiles temerités, que tout est incertain et sujet a la diversité des jugemens et considerations des hommes.

  A001000887 

 En un mot, l'Eglise de Dieu qu'a elle de plus grand, de plus asseuré et solide pour renverser l'hæresie que les arrestz des Conciles generaux? L'Escriture, dira de Beze.

  A001000887 

 Que si l'on leve la souveraineté aux Concilés des decisions et declarations necessaires sur l'intelligence de la sainte Parole, la sainte Parole sera autant prophanëe que les textes d'Aristote, et nos articles de Religion seront sujetz a revision immortelle, et de Chrestiens resouluz et asseurés deviendrons miserables academiques.

  A001000887 

 Qui ne sçait combien de passages l'Arrien produict? que luy peut on opposer sinon qu'il les entend mal? mays il a pleyne liberté de croire que c'est vous qui interpretes mal, non luy, que vous vous trompes, non luy, que son rapport a l'analogie de la foy est mieux cousu que le vostre, pendant quil ni a que les particuliers qui s'opposent a ses nouveautés.

  A001000893 

 Luther, au livre quil a faict Des Conciles,.. ne se contente pas d'esbranler les pierres descouvertes, mays va mettre la sappe jusques aux pierres fondamentales de l'Eglise.

  A001000894 

 Nous ne sommes pas en doute sil faut recevoir une doctrine a la volee, ou sil en faut faire l'espreuve a la touche de la Parole de Dieu; mays nous disons que quand un Concile general en a faict l'espreuve, nos cerveaux n'y ont plus rien a revoir, mays seulement a croire: que si une fois on remet les canons des Conciles a l'espreuve des particuliers, [220] autant de particuliers autant d'espreuves, autant d'espreuves autant d'opinions.

  A001000894 

 » Mays, mon Dieu, quand cessera on de brouiller? les Conciles, apres toute consultation, espreuve faite a la sainte pierre de touche de la Parole de Dieu, jugent et determinent d'un article; si apres tout cela il faut un'autre espreuve avant qu'on reçoive ceste determination,.. n'en faudra il encores une autre? qui ne voudra espreuver? et quand finira on jamais? apres l'espreuve faite par le Concile, de Beze et ses disciples veulent encores espreuver; et qui gardera a un autre d'en demander autant?.. pour sçavoir si l'espreuve du Concile a esté bien faite, pourquoy n'en faudra il une troysiesme pour sçavoir si la seconde est fidelle? et puys une quatriesme pour la troysiesme? tout sera a refaire, et la posterité ne se fiera jamais a l'antiquité, mays ira roulant et mettant ores dessus ores dessous les plus saintz articles de la foy en la roüe de l'entendement.

  A001000895 

 Des plus doctes ministres de Losanne, ces annëes passëes, l'Escriture et l'analogie de la foy en main, s'opposent a la doctrine de Calvin touchant la justification; de soustenir l'effort de leurs raysons point de nouvelles, quoy qu'on face trotter certains petitz livretz morfonduz, sans goust ni pointe de doctrine: comme les traitte l'on? on les persecute, on les faict absenter, on les faict menasser; a quel propos cela? par ce quilz enseignent une doctrine contrayre a la profession de foy de nostr'eglise.

  A001000895 

 Que ne laissoit on a chacun faire son espreuve? [221] si celle de Nicee n'a pas peu arrester vos cerveaux, pourquoy voules vous par vos discours mettre un arrest aux cerveaux de vos compaignons, aussi gens de bien que vous, aussi doctes et pertinentz? Connoisses l'iniquité de ces juges: pour donner liberté a leurs opinions ilz avilissent les anciens Conciles, et veulent par les leurs brider celles des autres; ilz cherchent leur gloire, connoisses-le bien, et tout autant quilz en levent aux Anciens, ilz s'en attribuent..

  A001000896 

 Jamais Luther ni Pierre Martir ou Ochin n'eussent estés de vos ministres silz eussent eu en memoyre les actions du grand Concile de Calcedoyne; car il y est defendu tres expres que les religieux et religieuses ne se marient point.

  A001000896 

 Mays i a il article auquel nous ayons different avec vous qui n'ait esté plusieurs fois condamné es saintz Conciles generaux ou particuliers generalement receus? et neantmoins vos ministres les ont reveillés sans honte, sans scrupule, nom plus que si c'eussent estés quelques saintz depostz et tresors cachés a l'antiquité, ou que l'antiquité eust serrés bien curieusement affin que nous en eussions la jouissance en cest aage..

  A001000896 

 Que veut dire que vous ne tenes conte de la realité du Cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement, que vous appelles superstition le tres saint Sacrifice qui se faict par les prestres, du mesme precieux Cors du Sauveur, et que vous ne voules point mettre difference entre l'Evesque et le prestre? puysqu'en ce grand Concile tout y est si expressement non ja defini mays presupposé comme chose toute notoire en l'Eglise.

  A001000896 

 de ne toucher aucunement aux biens ecclesiastiques, a un chacun de ne faire aucune conjuration [222] contre les Evesques, et de ne calomnier en faitz ni en paroles les gens d'Eglise.

  A001000897 

 Il ne faut donq plus mettre en conte les privileges de la Sinagogue, qui estoient fondés sur un testament viel, et abrogé quand ilz disoyent ces cruelles paroles, Crucifige, ou ces autres, Blasphemavit, quid adhuc egemus testibus? car ce n'estoyt autre qu'heurter a la pierre de choppement, selon les anciennes prædictions..

  A001000897 

 Je sçai qu'es Conciles il y a des articles pour l'ordre et police ecclesiastique, qui peuvent estre changés et ne sont que temporelz, mays ce n'est pas aux particuliers d'y mettre la main: la mesm'authorité qui les a dressés les doit abroger, si quelqu'autre s'en mesle c'est pour neant; et ce n'est pas la mesm'authorité si ce n'est un Concile, ou le chef general, ou la coustume de toute l'Eglise.

  A001000897 

 Mays tout cecy s'entend des vrays Conciles, ou generaux, ou provinciaux advoüés par les generaux ou par le Siege Apostolique: tel que ne fut pas celuy des 400 prophetes assemblés par Achab; car il ne fut ni general, car ceux de Juda n'y furent point apellés, ni bien congregé, car il n'y eut point d'authorité sacerdotale, et ces prophetes n'estoyent pas legitimes et pour telz reconneuz par le roy de Juda, Josaphat, quand il dict: Non est hic propheta Domini, ut interrogemus per eum? comme sil eust voulu dire que les autres n'estoyent pas prophetes du Seigneur.

  A001000897 

 Quand aux decretz de la doctrine de la foi, ilz sont invariables; ce qui est une fois vray, l'est en eternité; aussi les Conciles appellent Canons ce quilz en determinent, par ce que ce sont Regles inviolables a nostre creance.

  A001000897 

 Tel ne fut pas nomplus l'assemblëe des prestres contre Nostre Seigneur, qui ne tint aucune [223] forme de Concile, mays fut une conspiration tumultuaire et sans aucune procedure requise,.. et laquelle tant s'en faut qu'elle eust asseurance en l'Escriture de l'assistence du Saint Esprit, qu'au contrayre elle en avoit esté declairëe privëe par les Prophetes; et de vray, la rayson vouloit que le Roy estant præsent les lieutenans perdissent l'authorité, et le grand Prestre præsent, la majesté du vicayre fut ravalëe a la condition des autres.

  A001000898 

 J'ay voulu lever occasion a ces deux objections qu'on faict contre l'infallible authorité des Conciles et de l'Eglise; les autres s'iront resoulvant cy apres, es essays particuliers que nous ferons de la doctrine Catholique: il n'y [a] chose si certayne qui n'ait des oppositions, mays la verité demeure ferme et glorieuse par les assautz de ses contraires.

  A001000912 

 Il ny a point de meilleur expedient au monde: ja que Calvin et Beze confessent que l'Eglise demeura pure les six premieres centeynes d'annees, [226] que nous regardions si vostre eglise est en mesme foy et doctrine que cellela; et qui nous pourra mieux tesmoigner la foy que l'Eglise suyvoit en ces anciens tems, que ceux qui vivoyent alhors avec elle et en sa table? qui pourra mieux desduire les deportemens de ceste celest'Espouse, en la fleur de son aage, que ceux qui ont eu cest honneur d'avoir les principaux offices chez Elle? Et de ce costé, les Peres meritent qu'on leur ajouste foy non pour l'exquise doctrine dont ilz estoyent pourveuz, mays pour la realité de leurs consciences, et la fidelité avec laquelle ilz ont marché en besoigne..

  A001000912 

 Theodose le Viel ne trouva poinct de meilleur moyen de reprimer les contentions survenues de son tems au faict de la religion que, suyvant le conseil de Sisinnius, de faire venir les chefz des sectes, et leur demander silz tenoyent les anciens Peres, qui avoyent eu charge en l'Eglise avant toutes ces disputes, pour gens de bien, saintz, bons Catholiques et apostoliques; a quoy les sectaires respondans qu'ouy, il leur repliqua: examinons donques vostre doctrine a la leur, et [si] elle se trouve conforme, retenons la, si moins, qu'on l'abolisse.

  A001000913 

 Nous ne les voulons pas icy pour autheurs de nostre foy, mays seulement pour tesmoins de la creance en laquelle vivoyt l'Eglise de ce tems la; personne n'en peut deposer plus pertinemment qu'eux qui y commandoyent, ilz sont irreprochables de tous costés; qui veut sçavoir le chemin que l'Eglise a tenu en ce tems la, quil le demande a ceux qui l'ont tres fidelement accompagnee: Sapientiam omnium antiquorum exquiret sapiens, et in prophetis vacabit; narrationem virorum nominatorum conservabit.

  A001000913 

 Nous ne sommes pas en doute si les Peres anciens doivent estre tenuz pour autheurs de nostre foy, nous sçavons mieux que tous vos ministres que non; ni ne sommes pas en dispute s'il faut recevoir pour certain ce qu'un ou deux Peres auront eu en opinion.

  A001000913 

 Outre cela, vous dites que vostre eglise a estëe taillëe.. a la regle et compas de l'Escriture; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste regle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'accomoder a vostre cerveau, et..... et reformëe selon la vraye intelligence de l'Escriture; nous le nions, et disons que les anciens Peres ont eu plus de suffisance et d'erudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes; n'est ce pas une preuve tres certaine? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe; tous les anciens Peres le nient: a qui croirons nous, ou a ceste troupe d'Evesques et Martirs anciens, ou a ceste bande de nouveaux venuz? voyla ou nous en sommes.

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000921 

 » Quand Isaïe veult exhorter les Juifz par l'exemple d'Abraham leur tige, il apelle Abraham, pierre: Attendite ad petram unde excisi estis, attendite ad Abraham patrem vestrum; ou il faict voir que ce nom de Pierre rapporte fort bien a l'authorité paternelle..

  A001000922 

 Ce nom est l'un de ceux de Nostre Seigneur; car, quel autre nom trouvons nous attribué plus frequemment au Messie que celuy de pierre? Ce changement donques, et ceste imposition de nom, est tres considerable, car les noms que Dieu donne sont moelleux et massifz: il communique son nom a saint Pierre, il luy a donques communiqué quelque qualité sortable au nom.

  A001000924 

 Qu'est ce qu'il [Notre-Seigneur] dict? Trois choses; mays il les faut considerer l'une apres l'autre: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt adversus eam;.. Et tibi dabo claves regni cælorum; quodcumque, etc... que il estoit pierre ou rocher, et sur ce rocher ou ceste pierre il edifieroit son Eglise.

  A001000926 

 En fin, pour vous monstrer que c'est bien de saint Pierre duquel il dict, et super hanc petram, je produis les paroles suivantes; car c'est tout un de luy promettre l es clefz du royaume des cieux, et de luy dire, super hanc petram; et neantmoins nous ne pouvons pas douter que ce ne soit saint Pierre auquel il promet les [233] clefz du royaume des cieux, puys quil dict clairement, et tibi dabo claves regni cælorum: si donques nous ne voulons descoudre ceste piece de l'Evangile d'avec les paroles præcedentes et les suivantes, pour la joindre ailleurs a nostre poste, nous ne pouvons croire que tout cecy ne soit dict a saint Pierre et de saint Pierre, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; ce que la vraÿe et pure Eglise Catholique, mesme selon la confession des ministres, a avoüé haut et cler en l'assemblëe de 630 Evesques au Concile de Calcedoyne..

  A001000927 

 .. La pierre sur laquelle on releve l'edifice c'est la premiere, les autres s'affermissent sur elle, celles qu'elle ne soustient ne sont pas de l'edifice; on peut bien remuer les autres pierres sans que le bastiment tumbe, mays qui leve la fondamentale, renverse la mayson.

  A001000927 

 .. Les François appellent, mayson, l'edifice et la famille encores; par ceste proportion que, comme une mayson n'est autre qu'un assemblage de pierres et autres materieux faict avec ordre, dependance et mesure, ainsy une famille n'est autre qu'un assemblage de gens, avec ordre et dependance les uns des autres.

  A001000928 

 La pierre sur laquelle on releve l'edifice c'est la premiere, les autres s'affermissent sur elle; on peut bien remuer les autres pierres sans ruyner l'edifice, mays qui leve la fondamentale, renverse la mayson: si donques les portes [234] d'enfer ne peuvent rien contre l'Eglise, elles ne peuvent rien contre son fondement et chef, lequel elles ne sçauroyent lever et renverser qu'elles ne mettent sans dessus dessous tout le bastiment.

  A001000929 

 Par ces parolles, Nostre Seigneur monstre que les pierres qui ne sont posëes et arrestëes sur ce fondement ne sont point de l'Eglise, ni [n'appartiennent] a cest edifice..

  A001000935 

 En ce cas donques, puysque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il ni a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que saint Pierre l'est encores, et plus outre encores que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le second, ni le second pour le troysiesme, ains les laysser tous troys en leur entier; ce qui se fera aysement si nous considerons ces passages a la bonne foy et franchement..

  A001000935 

 Si donques, disent ilz, tous les douze Apostres sont fondemens de l'Eglise, comment attribues vous ce tiltre a saint Pierre en particulier? et si saint Pol dict que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comme oses vous dire que par ces paroles, Tu es Pierre, et [235] sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, saint Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise? que ne dites vous plustost, dict Calvin, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe n'est autre que Nostre Seigneur? que ne dites vous plustost, dict Luther, que c'est la confession de foy que saint Pierre avoit faict? Mays a la verité, ce n'est pas une bonne façon d'interpreter l'Escriture, que de renverser l'un des passages par l'autre, ou l'etirer par une intelligence forcëe a un sens estrange et mal advenant; il faut y laisser tant qu'on peut la naifveté et suavité du sens qui s'y presente.

  A001000936 

 Et puys, aves vous bien consideré les paroles de saint Pol? Il ne veut pas qu'on reconnoisse aucun fondement outre Nostre Seigneur, mays ni saint Pierre ni les autres Apostres ne sont pas fondemens outre Nostre Seigneur, ains sous Nostre Seigneur; leur doctrine [n'est] pas outre celle de leur Maistre, mays celle la mesme de leur Maistre.

  A001000936 

 Saint Pol vous semble il pas se fayre asses entendre quand il dict: Vous estes suredifiés sur les fondemens des Prophetes et Apostres? mays affin qu'on sceut que ces fondemens n'estoient pas outre celuy quil præchoit, il adjouste: Ipso summo angulari lapide, Christo Jesu..

  A001000938 

 Tout de mesme, ce n'est pas bien philosopher de dire, tous les Apostres en general sont appellés fondemens de l'Eglise, donques saint Pierre ne l'est que comme les autres.

  A001000938 

 Toute l'Eglise a esté fondëe sur tous les Apostres, et toute sur saint Pierre en particulier; c'est donq saint Pierre qui en est le fondement, pris a part, ce que les autres ne sont pas, car a qui a il jamays esté dict en particulier, Tu es Pierre, etc.? Ce seroit violer l'Escriture, qui diroit que tous les Apostres en general n'ont pas esté fondement de l'Eglise; ce seroit aussy la violer, qui nieroit que saint Pierre ne l'eust esté particulierement: il faut que la parole generale sortisse son effect general, et la particuliere, le particulier, affin que rien ne demeure inutile et sans mistere en des si misterieuses Escritures..

  A001000939 

 Ainsy furent ilz fondemens de l'Eglise avec luy egalement, quand a la conversion des ames et par doctrine, mays quand a l'authorité et gouvernement ilz le furent inegalement, puysque saint Pierre estoit le chef ordinaire non seulement du reste de toute l'Eglise mays des Apostres encores; car Nostre Seigneur avoit edifié sur luy toute son Eglise, de laquelle ilz estoyent non seulement parties, mays les principales et nobles parties.

  A001000939 

 Et c'est ainsy que s'entend le lieu de l'Apocalipse; car les douze Apostres sont apellés fondemens de la celeste Hierusalem, par ce que ce ont esté les premiers qui ont converty le monde a la religion Chrestienne, qui a esté comme jetter les fondements de la gloire des hommes et la semence de leur bienheureuse immortalité.

  A001000939 

 Et en cest endroit, tous les Apostres semblent aller a pair, si saint Jan et saint Pol ne precedent pour l'excellence de leur theologie; c'est donq de ce costé que tous les Apostres sont fondemens de l'Eglise.

  A001000939 

 Mays en l'authorité et gouvernement saint Pierre a devancé tous les autres, d'autant que le chef surpasse les membres; car il a esté constitué Pasteur ordinaire et supreme Chef de l'Eglise, les autres ont estés pasteurs delegués et commis, avec autant pleyn pouvoir et authorité sur tout le reste de l'Eglise que saint Pierre, sauf que saint Pierre estoit leur chef de tous, et leur pasteur comme de tout le Christianisme.

  A001000939 

 Mays le lieu de saint Pol semble ne s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine; car il n'est pas dict que nous soyons suredifiés sur les Apostres, mays, sur le fondement des Apostres, c'est a dire, sur la doctrine quilz ont annoncëe: ce qui est aysé a reconnoistre, puysqu'il ne dict pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres, mays encores des Prophetes, et nous sçavons bien que les Prophetes n'ont pas autrement estés fondemens de l'Eglise Evangelique que par leur doctrine.

  A001000939 

 Voyons seulement a quelle rayson generale tous les Apostres sont apellés fondemens de l'Eglise: et c'est par ce que ce sont eux qui par leur prædication ont planté la foy et doctrine Chrestienne; en quoy sil faut donner prærogative a quelqu'un des Apostres, ce sera a celuy la qui disoit: Abundantius illis omnibus [238] laboravi.

  A001000945 

 .. Il fache tant aux adversaires qu'on leur propose le siege de saint Pierre comme une sainte pierre de touche, a laquelle il faille faire l'espreuve des intelligences, imaginations et fantasies quilz font es Escrittures, quilz renversent le ciel et la terre pour nous oster des mains les expresses parolles de Nostre Seigneur par les......

  A001000946 

 Et bien que saint Pierre ne fut pas encor chef et prince de l'Eglise, ce qui luy fut seulement conferé apres la resurrection du Maistre, il suffit quil estoit desja choisy pour tel et quil en avoit les erres; comme aussi les Apostres n'avoyent pas encores le pouvoir Apostolique, cheminans toute ceste benite compaignie plus comme disciples avec leur regent, pour apprendre les profondes leçons quilz ont par apres enseignëes aux autres, que comme Apostres ou envoyés, ce quilz firent despuys, lorsque le son de leur voix retentit par tout le monde.

  A001000946 

 Et ne nie pas nom plus que le reste des prælatz de l'Eglise n'ayent eu part [241] a l'usage des clefz; et quand aux Apostres, je confesse quilz y ont eu tout'authorité: je dis seulement que la collation des clefz est icy promise principalement a la personne de saint Pierre, et a l'utilité de toute l'Eglise; car encor que ce soit luy qui les ayt recettes, si est ce que ce n'est pas pour son prouffit particulier, mays pour celuy de l'Eglise.

  A001000946 

 Mays les ministres tachent tant quilz peuvent de troubler si bien la clere fontayne de l'Evangile, que saint Pierre n'y puysse plus trouver ses clefz, et a nous degouster d'y boire l'eau de la sainte obeissance qu'on doit au Vicaire de Nostre Seigneur; et partant ilz se sont avisés de dire que saint Pierre avoit receu ceste promesse de Nostre Seigneur au nom de toute l'Eglise, [240] sans quil y ait receu aucun privilege particulier en sa personne.

  A001000946 

 Mays si cecy n'est violer l'Escriture, jamays homme ne la viola; car n'estoit ce pas a saint Pierre a qui il parloit? et comme pouvoit il mieux exprimer son intention que de dire, Et ego dico tibi; Dabo tibi? et puysque immediatement il venoit de parler de l'Eglise, ayant dict, portæ inferi non prævalebunt adversus eam, qui l'eust gardé de dire, et dabo illi claves regni, sil les eust voulu donner a toute l'Eglise immediatement? or il ne dict pas illi, mays, dabo tibi.

  A001000946 

 Que sil est permis d'aller ainsy devinant sur des paroles si claires, il ny aura rien en l'Escriture qui ne se puysse plier a tous sens: quoy que je ne nie pas que saint Pierre en cest endroit ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession; non ja comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la revelation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite a luy seul, sinon que tout le college des Apostres eut nom Simon Barjona), mays comme bouche, prince et chef des autres, selon saint Chrysostome et saint Cyrille, et « pour la primauté de son apostolat, » comme dict saint Augustin.

  A001000947 

 Mays on me demandera quelle difference il y a entre la promesse que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre de luy donner les clefz, et celle quil fit aux Apostres par apres; car, a la verité, il semble que ce n'estoit que la mesme, par ce que Nostre Seigneur explicant ce quil entendoit par les clefz, il dict: Et quodcumque ligaveris super terram erit ligatum et in cælis, et quodcumque solveris, qui n'est autre que ce quil dict aux Apostres en general, quæcumque alligaveritis.

  A001000949 

 Et quand a la promesse, je confesse que par ces parolles, et quodcumque solveris, Nostre Seigneur n'a rien plus promis a saint Pierre quil fit aux autres par apres, quæcumque alligaveritis super terram, etc.; car les paroles sont de mesme substance et signification en tous deux les passages.

  A001000949 

 Je confesse aussy que par ces paroles, et quœcumque solveris, dites a saint Pierre, il explique les præcedentes, tibi dabo claves; mays je nie que ce soit [242] tout un de promettre les clefz et de dire quodcumque solveris..

  A001000950 

 A la verité, quand l'Escriture veut ailleurs declairer une sauveraine authorité, elle a usé de semblables termes: en l'Apocalipse, quand Nostre Seigneur se veut faire connoistre a son serviteur, il luy dict: Ego sum primus et novissimus, et vivus et fui mortuus, et ecce sum vivens in secula seculorum; et habeo claves mortis et inferni; qu'entend il par les clefz de la mort et de l'enfer, sinon la supreme puyssance et sur l'un et sur l'autre? et la mesme quand il est dict de Nostre Seigneur, Hæc dicit sanctus et verus, qui habet clavem David, qui aperit et nemo claudit, claudit et nemo aperit, que pouvons nous entendre que la supreme authorité en l'Eglise? et ce que l'Ange dict a Nostre Dame, Dabit illi Dominus sedem David patris ejus et regnabit in domo Jacob in æternum? le Saint Esprit nous faysant connoistre la royauté de Nostre Seigneur ores par le siege ou trosne, ores par les clefz..

  A001000950 

 Et qui ne sçait qu'un maistre partant de sa mayson, sil laisse les clefz a quelqu'un, que ce n'est sinon luy en laysser la charge et le gouvernement? Quand les princes font leurs entrëes es villes, on leur presente les clefz, comme leur deferans la sauveraine authorité; c'est donq la supreme authorité que Nostre Seigneur promet icy a saint Pierre.

  A001000950 

 Voyons voir donques que c'est que de promettre les clefz du royaume des cieux.

  A001000951 

 L'un est Eliakim, filz d'Helcias, l'autre Simon, filz de Jonas; l'un est revestu de la robbe pontificale, l'autre, de la revelation cæleste; l'un a la puyssance en sa main, l'autre est un fort rocher; l'un est comme pere en Hierusalem, l'autre est comme fondement en l'Eglise; l'un a les clefz du Temple de David, l'autre, celles de l'Eglise Evangelique; quand l'un ferme personne n'ouvre, quand l'un lie personne ne deslie; quand l'un ouvre personne ne ferme, quand l'un deslie personne ne lie.

  A001000952 

 Ainsy Nostre Seigneur promettant les clefz a saint Pierre, luy remet l'authorité ordinaire, et luy donne cest office en proprieté, duquel il declaire l'usage quand il dict, Quodcumque, etc.; or, par apres, quand il faict la promesse aux Apostres, il ne leur donne pas les clefz ou l'authorité ordinaire, mays seulement les authorise en l'usage quilz feront, et en l'exercice des clefz.

  A001000952 

 Et a la verité, il fut convenable que les Apostres, qui devoyent par tout planter l'Eglise, eussent tous plein pouvoir et entiere authorité d'user des clefz et pour l'exercice d'icelles; et fut tres necessaire [245] encores que l'un d'entr'eux en eust la garde par office et dignité, ut Ecclesia quæ una est, comme dict saint Cyprien, super unum, qui claves ejus accepit, voce Domini fundaretur..

  A001000952 

 Voyla combien est differente la promesse que Nostre Seigneur fit a saint Pierre, de celle quil fit aux autres Apostres; les Apostres ont tous mesme pouvoir avec saint Pierre, mays nom pas en mesme grade, d'autant quilz l'ont comme deleguez et commis, et saint Pierre, comme chef ordinaire et officier permanent.

  A001000952 

 Voyla que c'est qu'importe ceste promesse de donner les clefz a saint Pierre, promesse qui ne fut onques faitte aux autres Apostres: mays je dis que ce n'est pas tout un de promettre les clefz du Royaume, et de dire, quodcumque solveris, quoy que l'un soit explication de l'autre.

  A001000955 

 Mays les paroles suivantes rendent tout cecy tres evident; car quelque Protestant pourroit dire quil a prié pour saint Pierre en particulier pour quelque autre respect que l'on peut imaginer (car l'imagination fournit tousjours asses d'appuy a l'opiniastreté), non par ce quil fut chef des autres, et que la foy des autres fut maintenue en leur pasteur: au contraire, Messieurs, c'est affin que, aliquando conversus confirmet fratres suos; il prie pour saint Pierre comme pour le confirmateur et l'appuy des autres, et cecy qu'est ce, que le declairer chef des autres? On ne sçauroit, a la verité, donner commandement a saint Pierre de confirmer les Apostres, qu'on ne le chargeast d'avoir soin d'eux; car, comme pourroit mettre ce commandement en faict, sans prendre garde a la foiblesse ou fermeté des autres pour les affermir et rasseurer? N'est ce pas le redire encor une fois fondement de l'Eglise? sil appuÿe, rasseure, affermit ou confirme les pierres mesme fondamentales, comme n'affermira il tout le reste? sil a charge de soutenir les colomnes de l'Eglise, comme ne soustiendra il tout le reste du bastiment? sil a charge de repaistre les pasteurs, ne sera il pas sauverain pasteur luy mesme? Le jardinier qui voit les ardeurs du soleil continuelles sur une jeune plante, pour la præserver de l'assechement qui la menace, ne porte de l'eau sur chasque branche, mais ayant bien trempé la racine croit que tout le reste est en asseurance, par ce [247] que la racine va dispersant l'humeur a tout le reste de la plante: ainsy Nostre Seigneur ayant planté ceste saint'assemblëe de Disciples, pria pour le chef et la racine, affin que l'eau de la foy ne manquast point a celuy qui devoit en assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du chef, la foi fust tousjours conservëe en l'Eglise; il prie donques pour saint Pierre en particulier, mays au prouffit et utilité generale de toute l'Eglise..

  A001000955 

 Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef: car, quelle rayson penserions nous en ceste prærogative, Expetivit vos, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention? Regardons ce qui precede, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit declaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui præcessor; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast.

  A001000963 

 Mesme, que Nostre Seigneur en ceste parole met saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson: diligis me, voyla saint Pierre d'un costé, plus his? voyla les Apostres de l'autre; et quoy que tous les Apostres ny fussent pas, si est ce que les principaux y estoyent, saint Jaques, saint Jan, saint Thomas et autres.

  A001000964 

 En l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comm'il [est] aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois; et es Psalmes en plusieurs endroitz, la ou, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, comme au Psalme second, Reges eos in virga ferrea, et de faict, entre regir et paistre les brebis avec une holette de fer il ny a pas difference; au Psalme 22, Dominus regit me, c'est a sçavoir, me gouverne comme pasteur; et quand il est dict que David avoit esté esleu pascere Jacob servum suum, et Israel hæreditatem suam; et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que sil disoit, regere, gubernare, præesse; et c'est avec la mesme façon de parler que les peuples sont appellés brebis de la [251] pasture de Nostre Seigneur, si que avoir commandement de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que d'en estre le regent et pasteur..

  A001000964 

 Or, que repaistre les brebis soit avoir la charge d'icelles, il appert clairement; car qu'est ce qu'avoir la charge de paistre les brebis que d'en estre pasteur et berger? et les bergers ont pleyne charge des brebis, non seulement ilz les conduysent aux pasturages, mays les rameynent, les establent, les conduisent, les gouvernent, les tiennent en crainte, chastient et defendent.

  A001000965 

 C'est que par trois fois Nostre Seigneur luy recharge de faire office de pasteur, luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays pour monstrer quil luy donnoit en charge non seulement les peuples, mays les pasteurs et Apostres mesme, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000965 

 Mays sil luy a dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes, ou quelques unes seulement: si il n'en recommandoit que quelques unes, et quelles? je vous prie; n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, de luy en recommander seulement quelques unes sans luy dire lesquelles, et luy donner en charge des brebis meconneües? si toutes, comme la parole le porte, donques il a esté le general pasteur de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy sans doute, c'est l'interpretation ordinayre des Anciens, c'est l'execution de ses promesses.

  A001000965 

 la charge, si generale qu'elle comprent tous les fideles, de quelle condition quilz soyent.

  A001000966 

 Et ne faict rien contre ceste verité que saint Pol et les autres Apostres ayent repeu beaucoup de peuples de la doctrine Evangelique; car estans tous sous la charge de saint Pierre, ce quilz ont faict luy revient encores, comme la victoire au general, quoy que les cappitaines ayent combatu..

  A001000967 

 Ni ce que saint Pol receut la main d'association de saint Pierre; car ilz estoyent compaignons en la predication, mays saint Pierre estoit plus grand en l'office pastoral, et les chefz appellent les soldatz et cappitaines compaignons..

  A001000968 

 Ni ce que saint Pol est apellé l'Apostre des Gentilz, et saint Pierre, des Juifz; par ce que ce n'estoit pas pour diviser le gouvernement de l'Eglise, ni pour empecher l'un ou l'autre de convertir et les Gentilz et les Juifz indifferemment, mays pour leur assigner les quartiers ou ilz devoyent principalement travailler a la [254] predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost rempli du son de l'Evangile..

  A001000969 

 Ni ce quil semble quil ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de Nostre Seigneur, qui luy estoit commise; car ce quil dict au bon Cornelius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce quil avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prædiction quil avoit expliquëe, In semine tuo benedicentur omnes familiæ terræ; mays il n'estoit pas asseuré du tems auquel il failloit commencer la reduction des Gentilz, suyvant la sainte parole du Maistre, Eritis mihi testes in Hierusalem, et in omni Judæa, et Samaria, et usque ad ultimum terræ, et celle de saint Pol, Vobis quidem oportebat primum loqui Mot Dei, sed quoniam repellitis, ecce convertimur ad Gentes: [255] mesme que Nostre Seigneur avoit desja ouvert le sens des Apostres a l'intelligence de l'Escriture, quand il leur dict que oportebat prædicari in nomine ejus pænitentiam et remissionem peccatorum in omnes gentes, incipientibus a Hierosolima..

  A001000970 

 Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le commandement de saint Pierre, es Actes des Apostres; car saint Pierre y estant authorisoit asses cest acte: outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pleyne administration en l'Eglise, sous l'authorité pastorale de saint Pierre..

  A001000971 

 Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie; car le peuple envoya bien Phinëes, grand Præstre et superieur, aux enfans de Ruben et Gad, et le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz quil estimoit plus que luy mesme; et saint Pierre se trouvant au conseil luy mesme, il y consentit et authorisa sa mission propre..

  A001000980 

 Mesme, que N. S r met icy saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson: M'aymes tu, voyla S t Pierre d'un costé, plus que les autres? voyla les Apostres de l'autre; et quoy que tous n'y fussent pas, les principaux y estoyent, S t Jaques, S t Jan, S t Thomas.

  A001000981 

 Au Psalme 22, Dominus regit me, c'est a dire, me gouverne comme berger; et quand il est dict que David avoit esté choisi pascere Jacob servum suum, et Israel hæreditatem suam; et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que s'il y avoit regere, gubernare, prœesse; ainsy les peuples sont appellés brebis de la pasture du Seigneur, [251] si que avoir commandement de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que de les gouverner et regir..

  A001000981 

 Au Psalme second, la ou, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, Reges eos in virga ferrea; aussi ny a il pas grande difference entre regir et paistre les brebis avec une holette de fer.

  A001000981 

 Or, que repaistre les brebis soit en avoir la charge, il appert de ce que les bergers non seulement conduisent le troupeau aux pasturages, mays le ramenent, gouvernent, defendent, chastient et establent; et de faict, en l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comme il est aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois, et es Psalmes en plusieurs endroitz.

  A001000982 

 Et de faict, quand il luy dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes ou quelques unes seulement; si quelques unes, n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, puysqu'il ne luy specifioit pas lesquelles luy estoyent commises, et luy donner charge de brebis inconneues? Il les luy a donques recommandees toutes, le faisant pasteur general de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy, c'est l'interpretation ordinaire des Anciens, c'est l'execution des promesses.

  A001000982 

 Mais, sur tout, l'authorité qui est donnee a S t Pierre par ces paroles, Pasce oves meas, est si generale qu'elle s'estend sur tous les fideles mortelz, et le commandement y est si particulier quil ne s'addresse qu'a S t Pierre.

  A001000982 

 Mays nostre S t Bernard ne me permet pas que j'oublie que N. S r fit trois repetitions ou recharges a S t Pierre; luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt, oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays encores pour monstrer qu'il luy donnoit en charge non seulement les peuples, qui sont comme agneaux et brebiettes, mays encores les pasteurs et Apostres, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000983 

 Et ne faict rien contre ceste verité que saint Pol et les autres Apostres ayent repeu le troupeau chrestien du saint Evangile; car S t Pierre estant leur chef, ce qu'ilz ont faict luy revient encores, comme la victoire au general, quoy que les cappitaines ayent combattu..

  A001000985 

 Ni ce que S t Pol estoit l'Apostre des Gentilz, et S t Pierre, des Juifz; car ce ne fut pas une division du gouvernement de l'Eglise, mays une assignation des quartiers ou ilz devoyent principalement travailler [254] en la predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost reduit a l'obeissance du Sauveur: et cela n'empechoit point que l'un et l'autre ne peust prescher parmi les Gentilz et les Juifz indifferemment, et que l'un ne fust chef en authorité..

  A001000986 

 Ni ce quil semble que S t Pierre ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de N. S r; car ce qu'il dict au bon capitaine Cornelius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce qu'il avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prediction qu'il avoit expliquee, In semine tuo benedicentur omnes familæ terræ.

  A001000987 

 Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le commandement de S t Pierre; car S t Pierre y estant authorisoit asses cest acte: outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pas pleine administration en l'Eglise, sous l'authorité pastorale de S t Pierre; et nos Evesques, en l'union du Saint Siege de Rome, ordonnent et des diacres et des prestres sans autre particulier commandement..

  A001000988 

 Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie: car le peuple envoya bien Phinees, grand Prestre et superieur, aux enfans de Ruben et de Gad; le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz pour parler a Nostre Seigneur, et toutefois il les estimoit plus que soy mesme; et S t Pierre se trouvant au conseil y consentit, et authorisa sa mission propre..

  A001000995 

 Il C'est chose bien digne de consideration en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment les Apostres ensemble avec saint Pierre, quilz ne le mettent tousjours au haut bout, tousjours en teste de la troupe: ce qui ne peut estre faict a cas et fortune; tant par ce que c'est une observation perpetuelle es Evangiles, et que ce ne sont pas quatre ou cinq fois quilz sont nommés ensemble, mays tres souvent ou tous ou une partie, qu'aussi qu'es autres Apostres, les Evangelistes [257] n'observent point d'ordre: Duodecim Apostolorum nomina sunt hæc, dict saint Mathieu: primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andreas frater ejus, Jacobus Zebedæi et Joannes frater ejus, Philip pus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacobus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus, et Judas Iscariotes qui tradidit eum. Saint Marc met saint Jaques second, saint Luc le met troysiesme; saint Mathieu met......

  A001000996 

 C'est chose bien digne de consideration en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment ou tous les Apostres ou une partie d'iceux ensemble, quilz ne mettent tousjours saint Pierre au haut bout, tousjours en teste de la trouppe: ce qu'on ne sçauroit penser estre faict a cas fortuit, car c'est une observation perpetuelle entre les Evangelistes, et ce ne sont pas quattre ou cinq fois quilz sont nommés ainsy ensemble, mays tressouvent, et d'ailleurs, es autres Apostres, ilz n'observent point d'ordre: Duodecim Apostolorum nomina hœc sunt, dict saint Mathieu: primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andreas frater ejus, Jacobus Zebedæi et Joannes frater ejus, Philippus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacobus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus et Judas Iscariotes.

  A001000996 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblëes, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray [est] il encor plus certain que si nous l'avions veu; quand nous verrions par tout saint Pierre le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et saint Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001000996 

 Quand les Evangelistes [258] nomment tous les Apostres ensemble, ailleurs, il ni a du tout point d'observation, sinon en saint Pierre qui va devant par tout.

  A001000997 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie Apostolique, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001000997 

 Vous sçaves bien que nommer une personne et mettre les autres en un bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001000998 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cæteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, Dicite discipulis ejus, et Petro? Pierre estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins ou plus que les autres, ou il estoit esgal: jamais homme, sil n'est du tout desesperé, ne dira quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Andreæ, ou Joanni? Certes, il faut que ce soit quelque particuliere qualité qui soit en luy plus qu'es autres, et quil ne fut pas simple Apostre; de maniere qu'ayant dict, Dicite discipulis, ou, Sicut cæteri discipuli, on peut encor demeurer en doute de saint Pierre, comme plus qu'Apostre et disciple..

  A001000999 

 Mays saint Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, c'est a sçavoir, quil y en avoit un premier, tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que saint Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et qu'entr'eux il ni avoit point de præseance.

  A001001000 

 Et quand aux autres privileges, qu'on me les cotte par ordre, on n'en trouvera point de particuliers en saint Pierre que ceux qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001000 

 Mais qu'est cecy, je vous prie? dire que saint Pierre fut le plus viel de la troupe, c'est chercher a credit une excuse a l'opiniastreté: on voit les raysons toutes cleres en l'Escriture, mays par ce qu'on est resolu de maintenir le contrayre, on en va chercher avec l'imagination ça et la.

  A001001000 

 On respond a cecy que si les Evangelistes ont nommé saint Pierre le premier, ç'a esté par ce quil estoit le plus avancé en aage entre les Apostres, ou pour quelques privileges qui estoyent en luy.

  A001001000 

 Pourquoy dict on que saint Pierre fut le plus viel, puysque c'est une pure fantasie, qui n'a point de fondement en l'Escriture et est contraire aux Anciens? que ne dict on plus tost quil estoit celuy sur lequel Nostre Seigneur fondoit son Eglise, auquel il avoyt baillé les clefz du royaume des cieux, qui estoit le confirmateur des freres? car tout cecy est de l'Escriture: ce qu'on veut soustenir est soustenu, sil a fondement en l'Escriture ou non, il n'importe.

  A001001001 

 Preuve sixiesme: Par l'ordre avec lequel les evangelistes nomment les apostres.

  A001001004 

 C'est chose bien digne de consideration a ce propos, que jamais les Evangelistes ne nomment ou tous les Apostres ou une partie d'iceux, quilz ne mettent tousjours S t Pierre au haut bout, tousjours [257] en teste de la compaignie: ce qu'on ne sçauroit penser estre faict sans mistere, car c'est une observation perpetuelle entre les Evangelistes, et ce ne sont pas quattre ou cinq fois quilz sont ainsy nommés, mays tres souvent, et d'ailleurs, es autres Apostres, ilz [258] n'observent point d'ordre.

  A001001004 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblees, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray il est encor plus certain; quand nous verrions par tout et en toutes occasions S t Pierre marcher le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et S t Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001001005 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie des Apostres, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001001005 

 Vous sçaves bien que nommer une personne a part et mettre les autres en bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001001006 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cœteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, je vous prie, Dites aux disciples, et a Pierre, Pierre et les Apostres respondirent? comment? Pierre n'estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins, ou esgal, ou plus que les autres; jamais homme ne dira, sil n'est du tout desesperé, quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Jacobo, ou Joanni?.

  A001001007 

 Au reste, S t Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, a sçavoir, quil y en avoit un premier et tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que S t Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et ny avoit plus de precedence.

  A001001008 

 Dignité laquelle on ne peut rejetter sur la viellesse de S t Pierre, car ce seroit une pure fantasie, et une trop grosse excuse a l'opiniastreté, qui n'a point de fondement en l'Escriture, et est contraire a la tradition des Anciens; et qu'il ne fut pas le plus ancien Apostre, l'Escriture le monstre ouvertement qui tesmoigne que S t André l'amena a N. S r; et quand aux autres qualités et conditions de S t Pierre, on n'en trouvera point de particulieres qui le puissent avancer plus que les autres, sinon celles qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001019 

 Si a une pesche, saint Pierre y est le premier, les vrays disciples de Nostre Seigneur ne peschent qu'avec luy..

  A001001020 

 Si aux retz et filetz, c'est saint Pierre qui les jette en mer, c'est saint Pierre qui les tire, les autres disciples y sont coadjuteurs; c'est saint Pierre qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seigneur..

  A001001023 

 Aimes vous mieux que ce soit un royaume? saint Pierre en porte les clefz..

  A001001026 

 C'est luy qui le premier proposa de faire un Apostre; qui n'estoit pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays saint Pierre, enseignant l'Eglise, monstre, et que Judas avoit perdu son apostolat, [265] et quil en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de cest'authorité, qui continue es autres apres la mort, et delaquelle ilz feront encor exercice au jour du jugement, lhors quilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001027 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le Saint Esprit, que saint Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onse compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salut aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la pœnitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays saint Pierre seul respond pour tous, comme chef de tous..

  A001001029 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel de l'Eglise, pour chastier le mensonge? c'est saint Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que tous les menteurs [266] portent a son Saint Siege, par ce que, comme dict saint Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001031 

 C'est le premier qui resuscita les morts, quand il prie pour la devote Tabite..

  A001001032 

 C'est le premier qui commande qu'on baptise les payens..

  A001001032 

 Est il tems de mettre la main a la moyson du paganisme? c'est saint Pierre a qui s'en addresse la revelation, comm'au chef de tous les ouvriers et l'œconome de la metairie.

  A001001034 

 Qu'est ce a dire cecy? que n'alloit il aussi bien pour voir le grand apostre et si signalé saint Jaques, que saint Pierre? par ce qu'on regarde les gens en teste et en face, et saint Pierre estoit le chef de tous les Apostres..

  A001001036 

 Si cecy n'est pas estre le premier et chef des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, les pasteurs, pasteurs, ni les docteurs, docteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre un pasteur, un docteur, un Apostre, que celles que le Saint Esprit a mis es Escritures pour faire reconnoistre saint Pierre pour chef de l'Eglise? [268].

  A001001043 

 Qui lira attentivement les Escritures verra par tout ceste primauté de S t Pierre..

  A001001047 

 Aimes vous mieux que ce soit une pesche? S t Pierre y est le premier et guide, les vrays disciples de Nostre S r ne peschent qu'avec luy..

  A001001048 

 Si vous l'accompares aux retz et filetz, c'est S t Pierre qui les jette en mer, c'est S t Pierre qui les tire, qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seig r; les autres disciples n'y sont que coadjuteurs..

  A001001051 

 Si c'est un royaume, S t Pierre en a les clefz..

  A001001054 

 Il a le premier soin de la restauration et creüe de la compaignie Apostolique, comme chef et general: c'est luy qui le premier propose de faire un nouvel Apostre; qui ne fut pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays S t Pierre, enseignant l'Eglise, monstra, et que Judas avoit perdu son apostolat [265] et qu'il en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de ceste authorité, qui continue es autres apres la mort, et de laquelle ilz feront exercice au jour du jugement, lhors qu'ilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001055 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le S t Esprit, que S t Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onze compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salvation aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la penitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays S t Pierre seul respond pour tous, comme chef de la troupe..

  A001001057 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel pour chastier le mensonge? c'est S t Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que les faux [266] docteurs portent a son Saint Siege et succession, par ce que, comme dict S4 Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001058 

 C'est le premier qui reconnoit l'erreur et refute l'heresie, en Simon le Magicien; et c'est pourquoy les heretiques ont inimitié irreconciliable avec son Siege..

  A001001059 

 C'est le premier qui resuscita les morts, priant pour la devote Tabite..

  A001001060 

 C'est le premier qui commande qu'on baptise les payens..

  A001001060 

 Est il tems de recueillir la moysson du paganisme? c'est a saint Pierre auquel s'addresse la revelation, comme au chef de tous les ouvriers et l'econome de la metairie: ainsy, quand le bon cappitaine italien Cornelius fut prest a recevoir la grace de l'Evangile, on le renvoya a S t Pierre, affin que par ses mains le Gentilisme fust consacré et dedié.

  A001001062 

 Que n'alloit il aussi bien voir les autres Apostres? parce, a la verité, qu'on regarde les gens a la teste et a la face, et S t Pierre estoit le chef et teste de tous les Apostres..

  A001001064 

 Si tout cecy mis ensemble ne nous faict reconnoistre S t Pierre pour chef de l'Eglise et des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, ni les pasteurs, pasteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre l'authorité d'un Apostre et pasteur sur le peuple, que celles que le S t Esprit a mis es Escritures pour faire paroistre S t Pierre au dessus des Apostres, des pasteurs et de toute l'Eglise? [268].

  A001001071 

 Par la preseance et preeminence de ces trois sieges, l'Eglise ancienne a asses tesmoigné qu'elle tenoit saint Pierre pour son chef, qui les avoit fondés; autrement, que ne mettoit elle encor en semblable rang le siege d'Ephese, fondé par saint Pol, confirmé et affermi par saint Jan, ou le siege de Hierusalem, auquel saint Jaques avoit conversé et præsidé?.

  A001001071 

 Que quand a celuy de Constantinople et de Hierusalem, qui lira ces Conciles verra la difference en laquelle on les tient d'avec ces trois autres, fondés par saint Pierre; non que le Concile de Nicëe parle du siege de Constantinople, car Constantinople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevëe que par le grand Constantin, qui la dedia et nomma l'an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicëe traitte du siege de Hierusalem, et celuy de Calcedoine, de celuy de Constantinople.

  A001001071 

 Que veut dire que l'Eglise ancienne n'a jamais tenu pour sieges patriarchaux sinon ceux de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche? on peut faire mille fantasies, mays il ni a point d'autre rayson que celle que produit saint Leon, par ce que saint Pierre a fondé ces trois sieges ilz ont estés appellés et tenus pour patriarchaux; comme tesmoignent le Concile de Nicëe et celuy de [269] Calcedoyne, ou on faict grande difference entre ces trois sieges et les autres.

  A001001073 

 Quand au consentement des Peres sur ce faict, Sanderus a levé tout'occasion a la posterité d'en douter; je produiray seulement les noms avec lesquelz les Peres l'ont appellé, qui monstrent asses leur creance..

  A001001100 

 Et partant le Concile de Nicee et celuy de [269] Calcedoyne ont faict une grande difference entre ces trois sieges et les autres, et quand a celuy de Constantinople et Hierusalem, qui lira ces Conciles verra bien qu'il n'y a point de comparaison; non que le Concile de Nicee parle du Siege de Constantinople, car Constantinople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevee que par le grand Constantin, qui la dedia et nomma l'an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicee traitte du siege de Hierusalem, et le Concile de Calcedoine, de celuy de Constantinople.

  A001001101 

 Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et patentes qu'on appelloit anciennement formees, apres les premieres lettres du Pere, Filz, et S t Esprit, on y mettoit la premiere [270] lettre de Petrus, sinon qu'apres Dieu tout puissant, les bons Chrestiens honnorent son Vicaire?.

  A001001102 

 Quand au consentement des Peres sur ce faict, Sanderus et mille autres ont levé toute occasion a la posterité d'en douter; mais je produiray seulement les noms avec lesquelz les Peres ont appellé S t Pierre, qui monstrent asses leur creance touchant son authorité..

  A001001117 

 Et de vray, toutes les raysons pour lesquelles Nostre Seigneur mit un chef en ce cors, ne demandent pas tant quil y fust en ce commencement, ou les Apostres qui gouvernoyent l'Eglise estoyent saints, humbles, charitables, amateurs d'unité et concorde, qu'au progres et suite d'icelle, quand la charité rafredie chacun s'ayme soymesme, personne ne veut se tenir au dire d'autruy ni subir la discipline.

  A001001117 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le Saint Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puyssans, avoient besoin de confirmateur et de pasteur pour la forme de leur union, combien plus maintenant l'Eglise en a necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? la rayson de saint Hierosme a bien autrement lieu maintenant qu'au tems des Apostres, Inter omnes unus eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio.

  A001001125 

 Et toutes les raysons pour lesquelles N. S. mit un chef en ce cors, demandent quil y soit non seulement pour un tems, mais en tout le progres et succession de l'Eglise.

  A001001125 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le S t Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise, combien plus maintenant en avons nous necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? et si les volontés des Apostres, si fermement liees par la charité, eurent besoin d'une liaison exterieure de l'authorité d'un chef, combien plus par apres, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S t Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il necessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise? La bergerie Chrestienne doit durer en unité visible jusqu'a la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement exterieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise: dont il s'ensuit notoirement que S t Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'a la fin du siecle.

  A001001129 

 Je ne fais pas ici profession de traitter les difficultés a fons de cuve, il me suffit d'avancer quelques principales raysons, et mettre au net nostre creance; que si je voulois m'amuser aux objections qu'on faict sur ce point, j'aurois plus d'ennuy que de peyne, et la pluspart sont si legeres qu'elles ne meritent pas qu'on y perde le tems.

  A001001132 

 Et d'un costé, personne ne doute que saint Pierre n'ait continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de Nostre Seigneur, Pasce oves meas, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cest autre, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001132 

 Pendant donques que saint Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n'eut point de successeur, et ne deposa point sa charge, ni n'en fut point deposé; car il ne le pouvoit estre sinon par l'heresie, qui n'eut jamais acces chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l'en eust levé, ce que non..

  A001001133 

 Il eut bien, a la verité, un siege en Antioche, mays celuy qui l'eut apres luy n'eut pas le vicariat general, par ce que saint Pierre vesquit long tems apres, et n'avoit pas deposé ceste charge; mays ayant choisi Rome pour son siege, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succeda, luy succeda simplement, et s'assit en son siege qui estoit siege general de tout le monde et de l'evesché de Rome en particulier, si que l'Evesque de Rome demeura general lieutenant en l'Eglise et successeur de saint Pierre: ce que je vais prouver maintenant si solidement qu'autre que les opiniastres n'en pourra douter.

  A001001143 

 Et d'un costé, c'est chose certaine que S t Pierre a continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de N. S r, Repais mes brebis, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cestuy la, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001143 

 Pendant donques que S t Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n'eut point de successeur, et ne ceda ou quitta point sa charge, ni n'en fut point deposé; car il ne le pouvoit estre que par l'heresie, laquelle n'eut jamais acces chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l'en eust levé, ce que non..

  A001001150 

 J'ay præsupposé que saint Pierre ayt esté Evesque de Rome et soit mort tel; ce que tous les adversaires nient, mesme que plusieurs d'entr'eux nient quil ayt jamais esté a Rome, les autres, que sil y a esté, quil y soit mort.

  A001001151 

 Et quand a l'authorité de cest'epistre, Damasus, in Pontificali, en la vie de Clement, en parle ainsy: In epistola quæ ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a beato Petro Ecclesia reperies; et Rufin, en la præface sur les Livres Des Reconnaissances de saint Clement, en parle fort honorablement, et dict quil l'avoit mise en Latin, et que saint Clement y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit successorem Cathedræ.

  A001001161 

 3, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnæ et senioris Romæ Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno beato Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiæ Catholicæ, nudavit eum tam episcopatus dignitate quam etiam ab sacerdotali alienavit ministerio. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome le prive par ses legatz et par le Concile, que ilz joignent l'Evesque de Rome avec saint Pierre; car ilz monstrent que l'Evesque de Rome tient le lieu de saint Pierre..

  A001001162 

 Le Sinode d'Alexandrie, ou estoit Athanase, en sa lettre a Fcelix 2 d, dict merveilles a ce propos, et entr'autres choses raconte, qu'au Concile de Nicëe on avoit determiné quil n'estoit loisible de celebrer aucun Concile sans l'authorité du Saint Siege de Rome, mays que les canons qui avoyent estés faictz a ce propos avoyent estés bruslés par les hæretiques arriens.

  A001001162 

 a esté cité par Gratien il y a 400 [ans], et par Isidore il y en a 900, et le grand Pere Vincent Lirinois en faict mention il y a environ mill'ans: ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicëe ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que vingt; mays tant de graves autheurs en citent tant d'autres outre les vingt que nous avons, que nous avons a croire ce que disent ces bons Peres Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart..

  A001001163 

 Bref, jamays il ne fut dict ni douté d'aucun Evesque, es premiers cinq cens ans, quil fut chef ou superieur aux autres, que de celuy de Rome, duquel on ne douta voirement jamais, mays a on tenu pour tout resolu quil estoit tel: a quel propos donques, apres quinze cens ans passés, veut [on] mettre cest'ancienne tradition en compromis? Je n'aurois jamais faict si je voulois apporter sur table toutes les asseurances et recharges que nous avons de ceste verité es escritz des Anciens; cecy cependant suffira, de ce costé, pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre, et que saint Pierre a esté et est mort Evesque a Rome.

  A001001170 

 Voici mon premier tesmoin: S t Clement, disciple de S t Pierre, en l'epistre premiere quil a escrit ad Jacobum fratrem Domini, laquelle est si authentique que Ruffin en a esté traducteur il y [280] a environ douze cens ans, dict ces paroles: Simon Petrus, Apostolus primus, Regem seculorum usque ad Romance urbis notitiam, ut etiam ipsa salvaretur, invexit; hic pro pietate pati volens, apprehensa manu mea in conventu fratrum, dixit: Clementem hunc Episcopum vobis ordino, cui soli meœ prædicationis et doctrinæ Cathedram trado; et peu apres: Ipsi trado a Domino mihi traditam potestatem ligandi et solvendi. De quoy parlant Damasus, in Pontificali, en la vie de Clement, In epistola, dict il, quæ ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a B. Petro Ecclesia reperies; et Rufin, en la preface sur les Livres Des Reconnaissances de S t Clement, en parle fort honorablement, et dict quil l'avoit traduitte en Latin, et que S t Clement y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit Petrus successorem Cathedræ.

  A001001179 

 Au grand Concile de Calcedoine, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnce et senioris Romœ Episcopus Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno B. Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiœ Catholicœ, nudavit eum tam episcopatus dignitate, etc. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome prive Dioscorus de son evesché, qu'il le prive par ses legatz et par le Concile, qu'ilz joignent l'Evesque de Rome avec S t Pierre; car ilz monstrent par la que l'Evesque de Rome tient le lieu de S t Pierre..

  A001001180 

 Le Sinode d'Alexandrie, avec son Athanase, en la lettre a Fælix 2d, dict merveilles a ce propos, et entre autres raconte qu'au Concile de Nicee il n'estoit pas loisible de celebrer aucun Concile sans l'authorité du Siege de Rome, mays que les canons qui avoyent esté faictz a ce propos avoyent esté bruslés par les Arriens.

  A001001180 

 a esté cité par Gratien il y a 400 ans, et par Isidore il y en a 900, de quoy le grand Pere Vincent Lirinois faict mention il y a environ mille ans: ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicee ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que 20, mays tant de graves autheurs en citent plusieurs autres outre les 20 que nous avons, que nous devons croire ce que disent ces bons Peres Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart.

  A001001187 

 Il ny a point de question ou les ministres s'exercent si fort pour combattre l'antiquité qu'en cellecy, car ilz taschent, a force de conjectures, præsomptions, dilemmes, explications et par tous moyens, de monstrer que saint Pierre ne fut onques a Rome; sauf Calvin, qui voyant que c'estoit dementir toute l'antiquité, et que cela n'estoit pas requis pour son opinion, se contente de dire qu'au moins saint Pierre ne fut pas long tems Evesque a Rome: Propter scriptorum consensum, non pugno quin illic mortuus fuerit, sed Episcopum fuisse, præsertim longo tempore, persuaderi nequeo.

  A001001188 

 Les discours que l'on faict au contraire sont plus ennuyeux que difficiles, et par ce que qui aura le vray discours de la vie de saint Pierre devant les yeux, aura asses dequoy respondre a toutes ces objections, j'en diray briefvement ce que j'en crois estre plus probable; en quoy je suyvray l'opinion de ces excellents theologiens, Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, en sa Chronologie, et Robert Belarmin, Jesuite, en ses Controverses, qui suivent de pres saint Hierosme et Eusebe, in Chronico..

  A001001189 

 Nostre Seigneur donques monta au ciel l'annëe 18 de Tibere, et commanda a ses Apostres quilz arrestassent en Hierusalem douze ans, selon l'ancienne tradition de Thraseas martir, nom pas certes tous mais quelques uns, pour verifier la parole ditte par Isaïe et comme semble vouloir inferer saint Pol, et saint Barnabas, car saint Pierre fut en Lydde et Joppé avant que les [288] douze ans fussent escoulés, si que il suffisoit que quelques Apostres demeurassent en Hierusalem pour tesmoignage aux Juifz.

  A001001189 

 Puys, Claudius estant mort, saint Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Neron le poursuivant a mort avec son compaignon saint Pol, pour s'eschapper, selon les saintes importunations des fideles, il voulut sortir de nuict de la ville, et rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict: Domine, quo vadis? Seigneur, ou alles vous? Jesus Christ respondit: Je viens a Rome, pour y estre derechef crucifié; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix: de façon qu'apres avoir esté cinq ans environ en Judëe, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annëe 14 de l'empire de Neron il fut [290] crucifié les pieds contremont, et au mesme jour saint Pol eut la teste tranchee..

  A001001190 

 Parce donques que saint Clement avoit esté choisy par saint Pierre, comme luy [291] mesmé tesmoigne, et que neanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en consideration de l'election faite par saint Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l'exercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4 e.

  A001001192 

 En fin, pour adjuster le tems de la vie de saint Pierre aux empires de Tiberius, Caius Caligula, Claudius et Nero, on pourra les desduire a peu pres de ce qui en est, en ceste façon: au dixhuictiesme de Tibere, Nostre Seigneur monta au ciel; cinq ans apres, qui fut en la derniere annëe de l'empire de Tibere, saint Pierre vint en Antioche, ou ayant demeuré environ sept ans, c'est a sçavoir, ce qui resta du tems de Tibere, 4 ans de Caius Caligula et 2 de Claudius, sur la fin du 2 d de Claudius il vint a Rome, ou il demeura environ 7 ans, a sçavoir jusqu'au 9.

  A001001192 

 de Claudius, auquel les Juifz furent chassés de Rome, qui fit retirer saint Pierre en Judëe; environ cinq ans apres, Claudius estant mort, l'an 14 de son empire, Neron luy estant succedé, saint Pierre revint a Rome, ou il demeura jusqu'au martire, lequel il subit l'an 14 et dernier de Néron.

  A001001199 

 Les ministres s'exercent infiniment en ceste question pour combattre l'antiquité, et taschent, a force de conjectures, presomptions, dilemmes, explications et par tous autres moyens, de monstrer que S t Pierre ne fut onques a Rome.

  A001001200 

 Toutes les fantasies que l'on faict au contraire peuvent estre rejettees par le vray discours de la vie de S t Pierre; j'en diray donques icy ce qu'il me semble de plus probable, suivant l'advis de Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, et de Robert Belarmin..

  A001001201 

 Donques N. S r monta aux cieux l'an 18 de Tibere, et commanda a ses Apostres quilz arrestassent en Hierusalem 12 ans, selon l'ancienne tradition de Thraseas martir, nom pas certes tous mais quelques uns, pour verifier la parole ditte par Isaïe comme semble vouloir inferer S t Pol, et S t Barnabas, dont S t Pierre fut en Lydde et Joppé [288] avant que les 12 ans fussent escoulés, si que il suffisoit que quelques Apostres demeurassent en Hierusalem pour tesmoignage aux Juifz.

  A001001201 

 Puys, Claudius estant mort, S t Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Neron le poursuivant a mort avec son compaignon S t Pol, incité par les fideles de s'eschapper, il voulut sortir de nuict de la ville, mays rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict: Domine, quo vadis? Seigneur, ou alles vous? a quoy Nostre Seig r respondit: Je vais a Rome, pour y estre l'autre fois crucifié: Vado Romam iterum crucifigi; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix: de façon qu'apres avoir esté environ 5 ans en Judee, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annee 14 de l'empire de Neron il [290] fut crucifié les pieds contremont, et le mesme jour S t Pol eut la teste tranchee..

  A001001202 

 Or, avant que mourir, il empoigna par la main son disciple S t Clement, et le constitua son successeur; a quoy S t Clement ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu'apres la mort de Linus et Cletus, qui avoyent estés coadjuteurs de S t Pierre en l'administration de l'Eglise Romaine; partant, qui veut sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent en rang S t Clement apres S t Pierre, et quelques autres, S t Linus, je luy feray respondre par S t Epiphane: Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum assumpserunt, cum sub Apostolis hic fuerit contemporaneus Petro et Paulo, nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impositionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolorum successionem a Cleto Episcopo hic constituitur, non ita clare scimus. Parce donques que S t Clement avoit esté choisi par [291] S t Pierre, et que neanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en consideration de l'election faite par S t Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l'exercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4 e.

  A001001209 

 Oyes en peu de paroles ce que les Anciens pensoyent sur ce faict, et en quel rang ilz tenoyent l'Evesque de Rome.

  A001001269 

 Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze continue a dire, apres son maistre Calvin, en son traitté Des Marques de l'Eglise, ou il dict que Phocas a esté le premier qui a donné authorité a l'Evesque de Rome sur les autres et l'a mis en primauté.

  A001001269 

 Je n'aurois jamais faict, si je voulois entasser les tiltres que les Anciens ont donné au Saint Siege de Rome et a son Evesque.

  A001001269 

 Mays a quoy faire, dire un si gros mensonge? Phocas vivoyt au tems de saint Gregoire le Grand, et tout tant que j'ay allegué d'autheurs sont plus anciens que saint Gregoire, hormis saint Bernard, lequel j'ay allegué aux Livres [299] De Consideratione, par ce que Calvin les a pour si veritables quil luy semble que la verité mesme y ait parlé..

  A001001270 

 On objecte que saint Gregoire ne vouloit estre appellé Evesque universel: mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'univers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et Evesques, non lieutenantz du Pape mais de Nostre Seigneur, dont il les apelle freres; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans en particulier, sont inferieurs voirement mays non pas vicaires ni substitués, et c'est ainsy que les Anciens l'ont appellé Evesque universel..

  A001001271 

 On produict le Concile de Carthage, qui defend que pas un ne s'appelle Princeps sacerdotum; mays c'est faute d'avoir autre entretien qu'on allegue cecy, car qui ne sçait que c'estoit un Concile provincial qui touche les Evesques de ceste province la, de laquelle l'Evesque de Rome n'estoit pas, la mer Mediterranëe est entredeux.

  A001001277 

 Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Gregoire se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001277 

 Certes, ilz ne se sont jamais appellés de la façon sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens de Dieu, selon le pouvoir concedé iis qui credunt in nomine ejus; bien s'appellent, autant vaut il, enfans du diable, ceux qui mentent si puamment comme font vos ministres.

  A001001277 

 Et affin que vous sachies combien est ancien ce nom parmi les gens de bien, saint Ignace, disciple des Apostres, Epistola ad Mariam Zarbensem, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam Linum; ja de ce [301] tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Nous l'appelions Sa Sainteté; et nous trouvons que saint Hierosme l'appelloit desja en ceste façon: Obtestor Beatitudinem tuam per Crucem, etc., Ego nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001281 

 Confirmation de tout ce qui a esté dict cy dessus par les noms que les anciens ont donnés au Pape.

  A001001284 

 Oyes en peu de paroles ce que les Anciens pensoyent sur ce faict, et en quel rang ilz tenoyent l'Evesque de Rome.

  A001001321 

 A quoy faire, je vous prie, un si gros mensonge? Phocas vivoit au tems de S t Gregoire le Grand, et tous les autheurs que j'ay allegués sont plus anciens que S t Gregoire, hormis S t Bernard, lequel [299] j'ay allegué aux Livres De Consideratione, par ce que Calvin les reçoit en credit..

  A001001321 

 Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze dict, apres son maistre Calvin, quand il asseure que Phocas a esté le premier qui a mis en credit et primauté l'Evesque de Rome.

  A001001321 

 Je n'aurois jamais faict, si je voulois entasser les tiltres que les Anciens ont donné au Siege de Rome et a son Evesque.

  A001001322 

 On objecte que S t Gregoire ne vouloit estre appellé Evesque universel: mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'univers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et pasteurs, non lieutenans du Pape mais de Nostre Seig r, dont le Pape les apelle freres; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans particuliers, sont inferieurs, mays non vicaires ni substitués; et c'est ainsy que les Anciens ont appellé le Pape Evesque universel, et S t Gregoire le nie en l'autre façon..

  A001001323 

 On produict le Concile de Carthage, qui defend que pas un ne s'appelle « Prince des prestres; » mays c'est faute d'autre entretien qu'on allegue cecy, car le Concile de Carthage estoit provincial, qui ne touche que les Evesques de ceste province la, de laquelle Rome n'est pas, la mer Mediterranee est entredeux.

  A001001324 

 Ce nom estoit commun a tous les Evesques, tesmoin S t Hierosme, qui appelle ainsy S t Augustin en une epistre: Incolumem, dict il au bout, tueatur te Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de la generalité de sa charge, dont il est appellé au Concile de Calcedoine, « Pape universel, » et « Pape » simplement, tout court, sans addition ni limitation; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand pere:.

  A001001329 

 Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien, S t Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam [301] Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puamment; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S t Gregoire ilz se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001329 

 Pour vray, nous ne les appelions jamais filz de Dieu sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens, selon le pouvoir concedé iis qui credunt in nomine ejus.

  A001001335 

 Et de vray, si le confirmateur fut tumbé, tout le reste fut il pas tumbé? si le confirmateur tumbe ou chancele, qui le confirmera? si le confirmateur n'est [303] pas ferme et stable quand les autres s'affoybliront, qui les affermira? car il est escrit: Si l'aveugle conduict l'aveugle, tumberont tous deux en la fosse; si l'instable et le foible veut soustenir et rasseurer le foible, ilz donneront tous deux en terre.

  A001001335 

 Ne voyes vous pas qu'en l'election de saint Matthias c'est luy seul qui parle et determine? Les Juifz demanderent a tous les Apostres: Quid faciemus viri fratres? saint Pierre seul respond pour tous: Pænitentiam agite, etc. Et c'est a ceste rayson que saint Chyrsostome et Origene l'ont appellé Os et verticem Apostolorum, comme nous avons veu cy dessus, par ce quil souloit parler pour tous les Apostres; et le mesme saint Chrysostome l'appelle Os Christi, par ce que ce quil dict pour toute l'Eglise et a toute l'Eglise, comme chef et pasteur, ce n'est pas tant parole humaine que de Nostre Seigneur: Amen, dico vobis, qui accipit si quem misero, me accipit; dont ce quil disoit et determinoit ne pouvoit estre faux.

  A001001335 

 Or, les moyens necessaires pour confirmer les autres, de rasseurer les foibles, c'est de n'estre point sujet a la foiblesse soymesme, mays d'estre solide et ferme, comme une vraye pierre et un roch: tel estoit saint Pierre, entant que pasteur general et gouverneur de l'Eglise..

  A001001335 

 Si que Nostre Seigneur donnant l'authorité et commandant a saint Pierre de confirmer les autres, il luy a quand et quand donné le pouvoir et les moyens de ce faire, autrement pour neant luy eut il commandé chose impossible.

  A001001336 

 Ainsy quand saint Pierre fut mis au fondement de l'Eglise, et que l'Eglise fut asseurëe que les portes d'enfer ne prævaudroyent point contre elle, ne fut ce pas asses dire que saint Pierre, comme pierre fondamentale du gouvernement et administration ecclesiastique, ne pouvoit se froisser et rompre par l'infidelité ou erreur, qui est la principale porte d'enfer? car, qui ne sçait que si le fondement renverse, si l'on y peut porter la sappe, que tout l'edifice renversera?.. Et quoy? si le pasteur mettoit ses brebis es pasturages venimeux, le parc se perdroit il pas incontinent? Les brebis vont suyvant le pasteur; s'il erre, tout se perd.

  A001001336 

 Et n'est pas raysonnable que les brebis..... De mesme, si le pasteur supreme ministerial peut conduire ses brebis es pasturages veneneux, on voit clairement que le parc est pour estre bien tost perdu; car, si le supreme pasteur ministerial conduit a mal, qui le redressera? sil s'egare, qui le ramenera? a la verité, il faut que nous ayons a le suivre simplement, non a le guider, autrement les brebis seroyent pasteurs.

  A001001337 

 l'Eglise ne peut pas tousjours estre ramassëe en un Concile general, et les trois premieres centeynes d'annëes il ne s'en fit point; es difficultés donques qui surviennent journellement, a qui se pourroit on mieux adresser, de qui pourroit on prendre loy plus asseurëe, regle plus certaine que du chef general et du Vicaire de Nostre Seigneur?.

  A001001338 

 Or tout cecy n'a pas eu lieu seulement en saint Pierre, mais en ses successeurs, car la cause demeurant l'effect demeure encores; l'Eglise a tousjours besoin d'un confirmateur infallible auquel on puysse s'addreser, d'un fondement que les portes d'enfer, et principalement l'erreur, ne puysse renverser, et que son pasteur ne puysse conduire a l'erreur ses enfans: les successeurs donques de saint Pierre ont tous ces mesmes privileges, qui ne suivent pas la personne, mays la dignité et la charge publique..

  A001001339 

 Saint Bernard apelle le Pape un autre « Moise en authorité »: or, combien grande fut l'authorité de Moise il ni a personne qui l'ignore, car il s'assit et jugea de tous les differens qui estoyent parmi le peuple, et de toutes les difficultés qui survenoyent au service de Dieu; il constitua des juges pour les affaires de peu d'importance, mays les grans doutes estoyent reservés a sa connoissance; si Dieu veut parler au peuple, c'est par sa bouche et par son entremise.

  A001001340 

 Au Deuteronome: Facies quodcumque dixerint qui præsunt loco quem elegerit Dominus, et docuerint te juxta legem ejus; sequerisque sententiam eorum, nec declinabis ad dextram nec ad sinistram: qui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur. Que dira on icy? Il falloit subir le jugement du sauverain Pontife; qu'on estoit obligé de suivre le jugement qui estoit jouxte la loy, non l'autre? ouy, mays en cela il failloit suivre la sentence du præstre, autrement si on ne l'eust pas suivie, ains examinee, c'eust esté pour neant qu'on fut allé a luy, et la difficulté et ambiguité n'eust jamais esté resolue parmi les opiniastres; dont il est dict simplement, q ui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur; et en Malachie: Labia sacerdotis custodiunt scientiam, et legem requirent ex ore ejus; dont il s'ensuit que chacun ne pouvoit pas se resouvre es poins de la religion, ni produire la loy a sa fantasie, mais selon la proposition du Pontife.

  A001001340 

 Que si Dieu a eu une si grande prouvoyance a la religion et tranquillité de conscience des Juifz, que de leur establir un juge sauverain a la sentence duquel ilz devoyent acquiescer, il ne faut pas douter quil ne nous aÿe prouveu, au Christianisme, d'un pasteur qui ayt ceste mesm'authorité, pour nous lever les doutes et scrupules qui pourroyent survenir sur les declarations des Escritures..

  A001001341 

 Que si le grand Præstre portoit le Rational du jugement en la poitrine, ou estoyt le Urim et Thummim, doctrine et verité comme interpretent les uns, ou les illuminations et perfections comme disent les autres, qui n'est presque qu'une mesme chose, puysque la perfection consiste en verité et la doctrine n'est qu'illumination, penserons nous que le grand Præstre de la Loy nouvelle n'en ayt pas encores les effectz? a la verité, tout ce qui fut concedé de bon a l'ancienne Eglise et a la chambriere Agar, aura esté donné en beaucoup meilleure façon a Sara et a [306] l'Espouse: nostre grand Præstre donques a encores le Urim et Thummim en sa poitrine. Or, soit que ceste doctrine et verité ne fust autre que ces deux motz escritz au Rational, comme semble croire saint Augustin, et Hugues de saint Victor l'asseure, ou que ce fust le nom de Dieu, comme veut Rabbi Salomon, au récit de Vatable et Augustin Evesque d'Eugubbium, ou que ce fussent les seules pierres du Rational par lesquelles Dieu tout puyssant reveloit ses volontés au Prestre, comme veut ce docte homme François Ribera, la rayson pour laquelle le grand Præstre avoyt au Rational sur sa poitrine la doctrine et la verité, estoit sans doute par ce que judicabat judicii veritatem; mesme que par le Urim et Thummim les prestres estoyent instruitz du bon plaisir de Dieu, et leurs entendemens esclairés et perfectionnés par la revelation divine, comme le bon de Lyra l'a entendu, et Ribera l'a asses suffisamment prouvé, a mon advis: dont quand David voulut sçavoir sil devoit poursuivre les Amalecites, il dict au Præstre Abiathar, Applica ad me ephod, ou, le superhumeraire; ce quil fit sans doute pour reconnoistre la volonté de Dieu au Rational qui y estoit joint, comme va deduysant doctement ce docteur Ribera.

  A001001342 

 C'est a ce propos que saint Hierosme dict au Pape Damase: Qui tecum non colligit, spargit; hoc est, qui Christi non est, Antichristi est; et saint Bernard dict quil faut rapporter les scandales qui se font, « principalement en la foy, » au Siege de Rome: Dignum namque arbitror ibi potissimum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire defectum: cui enim alteri sedi dictum est aliquando, Ego pro te rogavi, ut non deficiat fides tua? Saint Cyprien: Navigare audent ad Cathedram Petri, atque ad Ecclesiam principalem; nec cogitare eos esse Romanos, ad quos perfidia habere non possit accessum. Ne voyes vous pas quil parle des Romains a cause de la Chaire de saint Pierre, et dict que l'erreur n'y peut rien?.

  A001001342 

 C'est sur ce sujet que saint Bernard a appellé le Pape, Dignitate Aaron et « Hæritier des Apostres », et saint Hierosme, le Saint Siege, Tutissimum communionis Catholicæ portum; car il porte le Rational pour en esclairer tout le Christianisme, comme les Apostres et Aaron, de doctrine et verité.

  A001001343 

 Les Peres du Concile Milevitain, avec le bienheureux saint Augustin, demandent secours et implorent l'authorité du Siege Romain contre l'hæresie pelagienne, escrivans au Pape Innocent en ceste sorte: Magnis periculis infirmorum membrorum Christi, pastoralem diligentiam, quæsumus, adhibere digneris; nova quippe hæresis, et nimium perniciosa tempestas, surgere inimicorum gratiæ Christi cæpit.

  A001001343 

 Quid etiam actione firmastis, nisi scientes quod per omnes provincias de Apostolico fonte petentibus responsa semper emanent? Præsertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres et coepiscopos nostros non nisi ad Petrum, id est, sui nominis et honoris authorem, referre debere, velut nunc retulit vestra dilectio, quod per totum mundum possit omnibus ecclesiis in commune prodesse. Voyes vous l'honneur et le credit auquel estoit le Siege Apostolique vers les Anciens les plus doctes et saints, voire mesme vers les Conciles entiers? on y alloit comme au vray Ephod et Rational de la nouvelle Loy: ainsy y alla saint Hierosme, du tems de Damasus, auquel, apres avoir dict que l'Orient rompoit et mettoit en pieces la roubbe, entiere et tissue par dessus, de Nostre Seigneur, et que les renardeaux gastoyent la vigne du Maistre, Ut inter lacus contritos, dict il, qui aquam non habent, difficile ubi fons signatus et hortus ille conclusus sit possit intelligi, ideo mihi Cathedram Petri et fidem Apostolico ore laudatam censui consulendam, etc..

  A001001344 

 En fin, qui mesprisera l'authorité du Pape, remettra sus les Pelagiens, Priscilliens et autres, qui n'ont estés condamnés que par les Conciles provinciaux avec l'authorité du Saint Siege de Rome..

  A001001344 

 Je n'aurois jamais faict si je voulois produire les belles sentences que les Anciens ont dictes sur ce faict; qui voudra, les lise fidellement cottëes au grand Catechisme de Pierre Canisius, ou elles ont estëes estendues au long par Busæus.

  A001001344 

 Les Eusebiens y portent les accusations contre saint Athanase; saint Athanase qui estoit en Alexandrie, siege principal et patriarchal, vint respondre a Rome, y estant appellé et cité; les adversaires n'y voulurent pas comparoistre, sachans, dict Theodoret, mendacia sua manifesto fore detecta: les Eusebiens confessent l'authorité du Siege de Rome quand ilz y appellent saint Athanase, et saint Athanase quand il s'y præsente; mays sur tout les Eusebiens, hæretiques arriens, confessent asses combien son jugement est infallible, quand ilz n'y osent comparoistre de peur d'y estre condamnés.

  A001001344 

 Mays qui ne sçait que tous les anciens hæretiques taschoyent a se faire avouer par le Pape; tesmoins les Montanistes ou Cataphryges, qui deceurent tellement le Pape Zephyrin (sil faut croire a Tertullien, nomplus celuy d'autrefois mays devenu hæretique en son faict propre) quil lascha des lettres de reunion en leur faveur, lesquelles neantmoins il revoca promptement par l'advis de Praxeas.

  A001001344 

 Saint Cyprien rapporte toutes les hæresies et schismes au mespris qu'on faict de ce chef ministerial, aussi faict bien saint Hierosme.

  A001001345 

 La 6 e, par ce que tous les fidelles le croyent ainsy, entre lesquelz il est impossible que Nostre Seigneur ne soit: or il faut arrester avec Nostre Seigneur et les Chrestiens en tout et par tout.

  A001001346 

 Calvin vient a ce point, quoy quil aille embrouillant la matiere tant quil peut; car, parlant du Siege de Rome, il confesse que les Anciens l'ont tous honnorëe et reverëe, qu'elle a esté le refuge des Evesques, et plus constante en la foy que les autres sieges; ce quil attribue a faute de vivacité d'entendement.

  A001001353 

 Et comment est ce que le Saint Esprit conduict l'Eglise, sinon par le ministere et office de prædicateurs et pasteurs? mays si les pasteurs ont des pasteurs encores, ilz les doivent suivre; ainsy tous doivent suivre celuy qui est le supreme pasteur, par le ministere duquel nostre Dieu veut conduire, non les aigneaux seulement et brebiettes, mays les brebis et meres des aigneaux, c'est a dire, non les peuples seulement, mays les autres pasteurs encores, celuy qui succede a saint Pierre qui eut ceste charge, Pasce oves meas.

  A001001353 

 Les theologiens ont dict tout en un mot, quil peut errer in quæstionibus facti, non juris, quil peut errer extra Cathedram, hors la chaire de saint Pierre, c'est a dire, comme homme particulier, par escritz et mauvais exemples, mays non pas quand il est in Cathedra, c'est a dire, quand il veut faire une instruction et decret pour enseigner toute l'Eglise, quand il veut confirmer les freres comme supreme pasteur, et les veut conduyre es pasturages de la foy: car alhors ce n'est pas tant l'homme qui determine, resoult et definit, que c'est le benit Saint Esprit par l'homme, lequel, selon la promesse faicte par Nostre Seigneur a ses Apostres, enseigne toute verité a l'Eglise, ou, comme dict le Grec et semble que l'Eglise l'entende en une collecte de Pentecoste, conduict et meyne son Eglise en toute verité: Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem, ou, deducet vos in omnem veritatem.

  A001001354 

 Ainsy est conduit le troupeau Chrestien par le Saint Esprit, mays sous la charge et conduite de son pasteur; lequel, neanmoins, ne court pas a la volëe, mays selon la necessité convoque les autres pasteurs, ou en partie ou generalement, regarde soigneusement la piste des devanciers, considere le Urim et Thummim de la Parole de Dieu, entre devant son Dieu par ses prieres et invocations, et s'estant ainsy diligemment enquesté du vray chemin, se met en campaigne hardiment et faict voile de bon cœur: heureux qui le suit et se range a la discipline de sa houlette, heureux qui s'embarque en son navire; car il repaistra de verité, il surgira au port de la sainte doctrine..

  A001001354 

 Mays le grand Cardinal Toletus remarque tresbien a propos sur ce lieu, quil n'est pas dict, portabit Ecclesiam in omnem veritatem, mays, deducet, pour monstrer que quoy que le Saint Esprit esclaire a l'Eglise, si veut il qu'elle use de la diligence requise a tenir le bon chemin; comme firent les Apostres, qui ayans a respondre sur une question d'importance, debattirent de part et d'autre, conferant les Escritures ensemble, ce qu'ayans faict diligemment, ilz conclurent par le Visum est Spiritui Sancto et nobis, c'est a dire, le Saint Esprit nous a esclairé, et nous avons marché, il nous a guidé, nous l'avons suivi jusques a ceste verité; il faut employer les moyens ordinaires pour la recherche de la verité, et neanmoins reconnoistre la treuve et l'abord en icelle de l'assistence du Saint Esprit.

  A001001355 

 Ainsy ne faict il jamais commandement general a toute l'Eglise es choses necessaires, qu'avec l'assistence du Saint Esprit, lequel ne manquant mesme pas aux especes des animaux es choses necessaires, par ce quil [314] les a establies, ne manquera pas aussi au Christianisme en ce qui luy est necessaire pour sa vie spirituelle.

  A001001355 

 Et comment seroit l'Eglise une et sainte, telle que les Escritures et simboles la descrivent? car, si elle suivoit un pasteur et que le pasteur errast, comme seroit elle sainte? si elle ne le suivoit pas, comme seroit elle une? et quelle desbauche verroit on parmi le Christianisme, pendant que les uns trouveroient et jugeroient une loy mauvayse, les autres, bonne, et que les brebis, au lieu de paistre et s'engraisser es pasturages de l'Escriture et sainte Parole, s'amuseroyent a conteroller les jugemens du superieur? Reste donq que selon la divine providence nous tenions pour fermé ce que saint Pierre fermera avec ses clefz, et pour ouvert ce quil ouvrira, estant assis en la chaire instruisant toute l'Eglise..

  A001001356 

 Et quand, escrivant contre le Roy d'Angleterre, Vivens, dict il, papatus hostis ero, exustus tuus hostis ero. Que dites vous de ce grand pere? sont ce pas des paroles dignes d'un tel reformateur? j'ay honte de lire, et ma main se fache de præsenter ces vilaynies; mays qui les vous cachera vous ne croires jamais quil soit tel quil est.

  A001001356 

 Mays remplir l'air et la terre d'injures, invectives, outrages, calomnier le Pape, et non seulement en sa personne, ce qui ne se doit jamais faire, mays en sa dignité, attaquer le Siege que toute l'antiquité a honnoré, le vouloir juger contre le conseil de toute l'Eglise, apeller la dignité mesme antichristianisme, qui sera celuy qui le pourra trouver bon? Le grand Concile de Calcedoine trouva si estrange que Dioscorus, Patriarche, excommuniast le Pape Leon; et qui pourra souffrir l'insolence de [315] Luther, qui fit une bulle ou il excommunie et le Pape, et les Evesques, et toute l'Eglise? Toute l'Eglise luy donne des tiltres honnorables, luy parle avec reverence: que dirons nous de ce beau commencement de livre que Luther addressa au Saint Siege? Martinus Lutherus, Sanctissimæ Sedi Apostolicæ et toti ejus parlamento, meam gratiam et salutem.

  A001001356 

 Que si les ministres eussent tansé les vices, remonstré l'inutilité de quelques censures et decretz, emprunté quelques saints advis des livres moraux de saint Gregoire, et de ceux de saint Bernard, De Consideratione, produit quelque bon moyen de lever les abuz qui sont survenuz en la prattique beneficiaire pour la malice du tems et des hommes, et se fussent adressés a Sa Sainteté avec humilité et reconnoissance, tous les bons les eussent honnorés, et caressé leurs desseins: les bons Cardinaux Contareno, Theatino, Sadolet et Polus, avec ces autres grans personnages qui præsenterent le Conseil de reformer les abus en ceste sorte, en ont merité une immortelle recommandation de la posterité.

  A001001357 

 On dict mille folies sur cecy, c'est le rendes vous de tous vos ministres; silz composent des livres, a tous propos, comme las et recreuz du travail, ilz s'arrestent sur les vices des Papes, disans bien souvent ce quilz sçavent bien n'estre [316] point.

  A001001357 

 Vous lises les escritz de Calvin, de Zuingle, Luther; je vous supplie, tries en les injures, calomnies, opprobres, mesdisances, risëes, bouffonneries qui y sont contre le Pape et le Saint Siege de Rome, et vous verres quil ny demeurera rien: vous oÿes vos ministres; imposes leur silence quand aux injures, mocqueries, mesdisances, calomnies contre le Saint Siege, et vous aures vos preches la moitié plus cours.

  A001001370 

 Affin que Moyse fust creu, il [Dieu] luy donna le pouvoir des miracles; Nostre Seigneur, dict saint Marc, confirmoit ainsy la prædication Apostolique; si Nostre Seigneur n'eust faict tant de miracles, on n'eust pas peché de ne le croire pas, dict le mesme Seigneur; saint Pol tesmoigne que Dieu confirmoit la foy par miracles: donques le miracle est une juste rayson de croire, une juste preuve de la foy, et un argument pregnant pour persuader les hommes a creance; car si ainsy n'estoit, nostre Dieu ne s'en fut pas servi.

  A001001370 

 Car, ou le miracle est une juste persuasion et confirmation, ou non: si non, donques Nostre Seigneur ne confirmoit pas justement sa doctrine; si c'est une juste persuasion, donques en quel tems quilz se facent ilz nous obligent a les prendre pour une tres ferme rayson, aussy le sont ilz.

  A001001370 

 Et ne sert de rien de respondre que les miracles ne sont pas necessaires apres la foy semëe, car, outre ce que j'ay monstré le contraire cy devant, je ne dis pas maintenant quilz soyent necessaires, mays [318] seulement que la ou il plaict a la bonté de Dieu d'en fayre pour confirmation de quelqu'article, nous sommes obligés de le croire.

  A001001371 

 Et affin de couper chemin a toutes fantasies, je confesse quil y a des faux miracles et des vrais miracles, et qu'entre les vrays miracles il y en a qui font argument evident que la puyssance de Dieu y est, les autres, non, sinon par leurs circonstances.

  A001001371 

 Les miracles que l'Antichrist fera seront tous faux, tant par ce que son intention sera de decevoir, que par ce que une partie ne seront qu'illusions et vaynes apparences magiques, l'autre partie ne seront pas miracles en nature mays seulement miracles devant les hommes, c'est a dire, ne surpasseront pas les forces de nature, mays pour estre extraordinaires sembleront miracles aux simples.

  A001001371 

 Or plusieurs playes sont mortelles en presence de quelques medecins, et incurables, qui [319] ne le seront pas en præsence des autres qui sont plus suffisans et ont quelque remede plus exquis; ainsy la plaïe sera mortelle selon le cours ordinaire de la medecine, mays le diable, qui a plus de suffisance en la connoissance des vertus des herbes, odeurs, minerales et autres drogues, que les hommes, fera ceste cure la par l'application secrette des medicamens inconneuz aux hommes: et semblera miracle a qui ne sçaura discerner entre la science humayne et diabolique, entre la diabolique et divine, en ce que la diabolique devance l'humayne de grande traitte, et la divine surpasse la diabolique d'une infinité; l'humayne ne sçait qu'une petite partie de la vertu qui est en nature, la diabolique sçait beaucoup davantage mays dans les confins de nature, la divine n'a point d'autre limite que son infinité.

  A001001372 

 Ainsy pourrois je dire, si Nostre Seigneur n'eust jamays faict autre miracle que de dire a la Samaritayne que l'homme qui habitoit avec elle n'estoit pas son mari, et que de convertir l'eau en vin, on eust peu penser quil y avoit de l'illusion et magie; mays ces merveilles partant de la mesme main qui faysoit voir les aveugles, parler les muetz, ouir les sourds, vivre les mortz, il ny eschoit plus aucun scrupule.

  A001001372 

 Car, ramener la privation en son habitude, le non estre a l'estre, et donner les operations vitales aux hommes, sont choses impossibles a toutes les puyssances humaynes, ce sont des coups du sauverain [320] Maistre; lequel quand puys apres il luy plaict faire des cures par sa toute puyssance, ou des mutations es choses, ne laysse pas de les faire reconnoistre pour miraculeuses, quoy que la nature secrette en peut faire tout autant, parce qu'ayant faict ce qui surpasse nature, il nous a ja rendus asseurés de sa qualité et de la valeur de la [merveille]: ainsy que quand un homme a faict un chef d'ceuvre, quoy quil face puys apres plusieurs ouvrages communs, on ne laisse pas de le tenir pour maistre..

  A001001372 

 Cela apert par ce que j'ay dict; et par exemple, les merveilles que firent les magiciens d'Egipte estoyent, quand a l'apparence exterieure, toutes semblables aux miracles que faysoit Moise, mays qui considerera les circonstances, connoistra bien ayseement que les uns estoyent vrays miracles, les autres faux, comme le confesserent les magiciens quand ilz dirent: Digitus Dei est hic.

  A001001372 

 Je disoys qu'entre les vrays miracles il y en a qui font une certaine science et rayson que le bras de Dieu y opere, les autres non, sans la consideration et secours des circonstances.

  A001001373 

 Il semble que les miracles ne soyent pas necessaires, mays ilz le sont a la verité; et n'est pas sans cause que la suavité de la divine providence en fournit a son Eglise en toutes les saysons, car en toutes saysons il y a des heresies, lesquelles bien qu'elles soyent suffisamment rabbatues, voire a la capacité des moindres, par l'antiquité, majesté, unité, catholicisme, sainteté de l'Eglise, si est ce que chacun ne sçait pas priser ces « doüaires, » comme parle Optatus, a leur vraye [321] valeur, chacun n'entend pas et ne penetre pas ce langage: mays quand Dieu parle par œuvres, chacun l'entend, c'est une parole commune a toutes nations; comme l'escriture d'une sauvegarde n'est conneüe d'un chacun, mays si on y voit la croix blanche, les armes du Prince, chacun connoit que le tesmoignage et l'authorité sauveraine y court..

  A001001373 

 Or, semble il que les miracles soyent tesmoignages generaux pour les simples et plus rudes: car chacun ne peut pas sonder l'admirable convenance quil y a entre les Propheties et l'Evangile, la grande sapience de l'Escriture, et semblables marques illustres qui sont en la Religion Chrestienne, c'est un examen a faire aux doctes; mays il ni a celuy qui n'apprehende le tesmoignage d'un vray miracle, chacun entend ce langage entre les Chrestiens.

  A001001379 

 Les miracles qui se font en l'Eglise, monstrans ou est la vraye Eglise, font suffisante preuve de toute la creance de l'Eglise; car Dieu ne porteroit jamays tesmoignage a une eglise qui n'eust la vraÿe foy et fust errante, idolatre, trompeuse: mays ceste bonté supreme ne s'arreste pas la; elle a confirmé presque tous les pointz de la foy Catholique par tres illustres miracles, et, par une speciale providence de Dieu, nous trouvons que quasi sur tous les articles esquelz nous sommes en different avec les ministres, Nostre Seigneur a rendu tres illustre tesmoignage de la verité que nous prechons, par miracles irreprochables.

  A001001380 

 .. Que dites vous? si vous me demandes qui a faict ce miracle, je vous respondray par les propres paroles de Nostre Seigneur: Cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur... Quelle foy l'a demandé? la foy que le Pape est successeur de saint Pierre, et en a l'eminente authorité.

  A001001380 

 Dum Agapitus, sanctæ Romanæ Ecclesiæ Pontifex, dict saint Gregoire, ad Justinianum principem proficisceretur in Græciarum partibus, [322] propinqui cujusdam muti et claudi obtulerunt eum Agapito curandum, dicentes se, in virtute Dei, ex auctoritate Petri, fixam salutis illius spem habere. Voila la creance de ces bonnes gens; ilz tenoyent le Pape pour successeur en l'authorité de saint Pierre, et partant quil avoyt quelque eminente authorité: un de vos ministres les eust tenuz pour superstitieux, l'Eglise Catholique eust tousjours dict, comm'elle faict maintenant, que leur creance estoit juste.

  A001001380 

 Mirati omnes, flere præ gaudio cæperunt, eorumque gentes illico metus et reverentia invasit, cum videlicet cernerent quid Agapitus facere in virtute Domini ex adjutorio Petri potuisset: ce sont les paroles de saint Gregoire.

  A001001380 

 Que peut donques conclure sinon que, Digitus Dei est, que Dieu a signé et scellé la creance en laquelle [323] nous sommes pour l'article de la succession du Pape en l'authorité de saint Pierre, et pour l'article de la tressainte Messe? qu'opposera on? En quel tems s'est faict ce miracle? en la plus pure et sainte Eglise, car, et Calvin et les Lutheriens confessent que la pureté de l'Eglise a duré jusqu'apres saint Gregoire.

  A001001383 

 Nous prechons la Transsubstantiation: et les experiences que j'ay rapportees de saint Amphilochius et de Paulus Diaconus en font foy..

  A001001385 

 Nous prechons la sainte communion des Saintz, en la priere quilz font pour nous et en l'honneur que nous leur deferons: mays quand aurois je faict a vous produire les miracles qui se sont faict sur ceste creance? Theodoret, De curandis Græc.

  A001001388 

 En nos eglises nous avons des vases sacrés: et saint Chrysostome raconte que Julien, oncle de Julien empereur, avec un certain tresorier, les desroba et prophana, mays Julien mourut incontinent, rongé par les vers, le tresorier creva sur la place..

  A001001389 

 Nous faysons conte du saint Chresme dont on oint les baptisés pour la sainte Confirmation: et saint Optatus Milevitain raconte que la phiole ou ampoulle du saint Chresme estant jettëe par les Donatistes sur des pierres, non defuit manus angelica quæ ampullam spiritali subvectione deduceret; projecta casum sentire non potuit..

  A001001390 

 Nous confessons humblement nos pechés aux superieurs ecclesiastiques: et saint Jan Climacus raconte que comme une personne tres vicieuse confessoit ses fautes, on vit un grand et terrible, qui rayoit d'un livre de contes les pechés, a mesure que cestuy ci les confessoit; par ce, dict le mesme Climacus, que la confession bien delivre de l'eternelle confusion..

  A001001391 

 Nous avons des images en nos eglises: mays qui ne sçait les grans miracles qui furent faitz au crucifiement d'une image de Nostre Seigneur, que les Juifz firent en Syrie en la ville de Berite? non seulement le sang en sortit, mays ce sang guerit quicomque en fut touché, de toutes sortes de maladies; c'est le grand saint Athanase qui le raconte..

  A001001392 

 Nous y avons de l'eau beniste et du pain benit: mays saint Hierosme raconte que plusieurs pour guerir les malades prenoyent du pain benit par saint Hilarion; et saint Gregoire dict que saint Fortunat guerit un homme qui en une cheute de cheval s'estoit rompu la jambe, par la seule aspersion de l'eau benite.

  A001001393 

 Et plus bas il dict: Neque aliter Martirum operibus inviderent, nisi fidem in iis fuisse eam quam isti non habent judicarent, fidem illam Majorum traditione firmatam, quam dæmones ipsi negare non possunt, sed Arriani negant: non accipio a diabolo testimonium sed confessionem. Quelles circonstances ne rendent ces miracles irreprochables? une partie sont restitutions des operations vitales, qui ne se peut faire par autre puyssance que la divine; le tems auquel ilz se sont faitz estoit tout voysin a celuy de Nostre Seigneur, l'Eglise toute pure et sainte; il ni avoit point d'Antichrist au monde, comme dient les ministres; [327] les personnes par la priere desquelles ilz se faysoyent, tres saintes; la foy qui en estoit confirmëe estoit generale et tres Catholique; les autheurs qui les recitent, tres asseurés..

  A001001393 

 Les Arriens nioyent [le miracle sur] l'aveugle qui fut gueri par l'atouchement du bord du drap qui couvroit les reliques de saint Gervais et Protais, et disoyent quil n'avoyt pas esté gueri; saint Ambroise respond: Negant cæcum illuminatum, sed ille non negat se sanatum.

  A001001393 

 Qu'est ce que vous respondres? Quand a moy, j'ay escrit icy les premiers miracles qui me sont venus en main; que j'ay pris neanmoins des autheurs qui ont estés en la pure Eglise, car si je vous eusse apporté les miracles faictz au tems de saint Bernard, de saint Malachie, de Bede, de saint François, vos ministres eussent incontinent crié que c'estoyent des prodiges de l'Antichrist, mays puysque tous tant quilz sont confessent que l'Antichrist n'a point comparu sinon quelque tems apres saint Gregoire, et que ce que je produis a tout esté faict auparavant, ou au tems de saint Gregoire, il n'y eschoit point de difficulté.

  A001001394 

 Ce grand saint Augustin tesmoigne avoir veu, sur les reliques saint Gervais et Protais a Milan, un homme aveugle recouvrer la veüe; une femme a Carthage avoir esté guerie d'un cancer par le signe de la Croix qu'une femme nouvellement baptizëe luy fit; Hesperius, un sien familier, avoir chassé les espritz qui infestoyent sa mayson, avec un peu de terre du Sepulchre de Nostre Seigneur, et ceste terre despuys transportëe a l'eglise, un paralitique y estant apporté avoir esté soudain gueri; une femme en une procession ayant touché a la chasse saint Estienne d'un bouquet, et de ce bouquet s'estant frottëe les yeux, avoir recouvré la veüe qu'elle avoit pieça perdue; et plusieurs autres miracles ou il dict luy mesme avoir assisté.

  A001001394 

 Je veux icy mettre une piece empruntëe: « Quand nous lisons dans Bouchet les miracles des reliques de saint Hilaire, passe; son credit n'est pas asses grand pour nous oster la licence d'y contredire: mais de condamner d'un train toutes pareilles histoires me semble singuliere impudence.

  A001001410 

 .. Item, nos sens ne se trompent pas sur leur propre object quand l'application est bien faitte, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne peut estre deceüe: ce sont propositions de la philosophie, qui ont ceste rayson bien asseurëe, c'est que Dieu est autheur de nos sens, et les dresse, comme saint ouvrier et infallible, a leur propre fin et but; ce sont certes premiers principes, que ceux qui les leveroyent nous leveroyent tout discours et rayson.

  A001001410 

 Mon œil se peut tromper, jugeant une chose plus grande qu'elle n'est; mays la grandeur n'est pas le propre object de mon œil, car il est commun au toucher et a la main: et se peut tromper, estimant le mouvement estre ou il n'est point, comme ceux qui navigent le long de la rive voient, ce leur semble, les arbres et tours se remuer; mays le mouvement n'est pas propre object de la veüe, le toucher y a part encores: il se peut encores tromper si l'application n'est pas pure; car, sil y a du verre vert ou rouge en l'entredeux, il pensera vert ou rouge ce qui ne le sera pas..

  A001001411 

 Ainsy les yeux ni l'experience ne trompoyent pas ceux qui [331] voyoient et experimentoyent en Nostre Seigneur la forme et maniere humayne, car tout cela y estoit, mays quand ilz tiroient de la, consequence quil n'estoit pas Dieu, ilz se trompoyent.

  A001001411 

 Le sens qui juge qu'a l'autel il y a la rondeur, la blancheur, le goust et saveur du pain, juge bien, mays le discours qui deduit de la que la substance du pain y est encores, tire une tres mauvaise et fause conclusion; delaquelle le sens ne peut mais, qui ne prend point de connoissance sur la substance des choses, mais sur les accidens.

  A001001412 

 L'experience donques et la connoissance des sens est tres veritable, mays les discours que nous en tirons nous trahissent: hors de la, qui combat la connoissance des sens et la propre experience, combat la rayson et la renverse, car le fondement de tout discours depend de la connoissance des sens et de l'experience.

  A001001418 

 Quand Luther, en la præface de l' Assertion des articles condamnés par Leon, dict que « l'Escriture est tres aysëe, intelligible et claire a chacun », et que chacun y peut connoistre la verité, et discerner entre les sectes et opinions quelle est la vraye, quelle est la fausse, dites, je vous prie, combat il pas la propre experience de tout le monde? et quand vous aves creu ceste sottise, connoisses vous pas tout ouvertement le contraire? Je ne sache homme si versé qui osast jurer, sil a point de conscience, quil sçait le vray sens, je ne dis pas de toute l'Escriture, mays de quelque partie d'icelle; et si, n'ay je jamais veu homme entre vous qui entende le sens d'un chapitre tout entier..

  A001001419 

 Quand Calvin et Bucer nient que nous ayons aucune liberté en nostre volonté, non seulement pour les actions surnaturelles, mays encores pour les naturelles et es commerces purement humains, n'attaque il pas la rayson naturelle et toute la philosophie, comme luy mesme confesse, et tout d'un train l'experience, et de vous, si vous parles franchement, et de tout le reste des hommes?.

  A001001420 

 Et quand Luther dict que le croire, esperer, aymer ne sont pas operations et actions de nostre volonté, mais pures passions sans aucune activité de nostre volonté, ne perd il pas tout en un coup le croire, l'esperer, l'aymer, et les change en estre creu, esperé et aymé, et combat le cœur de l'homme, qui connoist [333] bien que c'est luy qui croit, ayme, espere, par la grace de Dieu?.

  A001001421 

 Item, quand Luther dict que les enfans au Baptesme ont l'usage de l'entendement et rayson, et quand le sinode de Wittemberg dict que les enfans au Baptesme ont des mouvemens et inclinations semblables aux mouvemens de la foy et charité, et ce sans entendre, n'est ce pas se mocquer de Dieu, de nature, et de l'experience?.

  A001001423 

 « La loy de Dieu est impossible, » selon Calvin et les autres: que s'ensuit il de la, sinon que Nostre Seigneur soit tiran, qui commande chose impossible? si ell'est impossible, pourquoy la commande on?.

  A001001424 

 « A considerer exactement, les œuvres pour bonnes qu'elles soyent meritent plus l'enfer que le Paradis: » la justice donques de Dieu, qui donnera a chacun selon ses œuvres, donnera a chacun l'enfer? [334].

  A001001425 

 Mays l'absurdité des absurdités, et la plus horrible deraison de toutes, c'est celle la, que, tenans que l'Eglise tout'entiere aÿe erré mill'ans durant en l'intelligence de la Parole de Dieu, Luther, Zuingle, Calvin puyssent s'asseurer de la bien entendre; bien plus, qu'un simple ministrot, prechant comme parole de Dieu que toute l'Eglise visible a erré, que Calvin et tous les hommes peuvent errer, ose trier et choysir entre les interpretations de l'Escriture celle qui luy plaict, et l'asseurer et maintenir comme parole de Dieu; encores plus, que vous autres qui oyans dire que chacun peut errer au faict de la religion, et toute l'Eglise mesme, sans vouloir vous en chercher d'autre parmi mille sectes qui toutes se vantent de bien entendre la Parole de Dieu et la bien precher, croÿes si opiniastrément a un ministre qui vous preche, que vous ne voules rien ouir autre.

  A001001426 

 L'Evangile vole bien haut sur toutes les plus eslevees raysons de nature; jamais il ne les combat, jamais ne les gaste ni défaict: mays ces fantasies de vos evangelistes ruynent et obscurcissent la lumiere naturelle.

  A001001432 

 C'est une voix pleyne de fast et d'ambition entre vos ministres, et qui leur est ordinaire, quil faut interpreter l'Escriture et esprouver les expositions par l'analogie de la foy.

  A001001432 

 Disons, je vous prie: vous dites que l'Escriture est aysëe d'entendre, pourveu qu'on l'adjuste a la regle et proportion ou analogie de la foy; mays quelle regle de la foy peuvent avoir ceux [qui] n'ont point d'Escriture que toute glossee, toute estirëe et contournee d'interpretations, metaphores, metonimies? si la regle est sujette au desreglement, qui la reglera? et quelle analogie ou proportion de foy y peut il avoir, si on proportionne les articles de foy aux conceptions les plus esloignëes de leur naïfveté? Voules vous que la proportion des articles de foy vous serve pour vous resoudre sur la doctrine et religion? laysses les articles de foy en leur naturelle taille, ne leur bailles point d'autre forme que celle quilz ont receüe des Apostres.

  A001001432 

 Ilz ont rayson, pour vray, quand ilz disent quil faut interpreter l'Escriture et esprouver les expositions d'icelle par l'analogie de la foy, mays ilz ont tort quand ilz ne font point ce quilz disent.

  A001001432 

 Le pauvre peuple n'entend autre ventance que de ceste analogie de la foi, et les ministres n'ont faict autre que la corrompre, violer, forcer et mettre en pieces.

  A001001434 

 C'est icy la parfaite Communion des Saintz, car c'est la viande commune des Anges et saintes ames du Paradis et de nous autres, c'est le vray pain duquel tous les Chrestiens participent.

  A001001434 

 L'Eglise, qui estant sainte ne peut induire a l'erreur, estant catholique n'est pas astreinte a ce miserable siecle, mays doit avoir son estendue en long des les Apostres, en large par tout le monde, en profondité jusqu'au Purgatoire, en hauteur jusqu'au ciel, a sçavoir, toutes nations, tous les siecles passés, les Saints canonizés et nos ayeulz desquelz nous avons esperance, les Prelatz, les Conciles recens et anciens, tout par tout chantent Amen, amen, a ceste sainte creance.

  A001001434 

 Son ascension me faict monter a ceste foy; car si son cors penetre, s'esleve par sa seule volonté, et se place sans place a la dextre du Pere, pourquoy ne sera il encor ça bas ou bon luy semble, sans y occuper autre place qu'a sa volonté? Ce qu' il sied a la dextre du Pere, me monstre que tout luy est sousmis, le ciel, la terre, les distances, les lieux et les dimensions: ce que de la il viendra juger les vivans et les morts, me pousse a la creance de l'illimitation de sa gloire, et que partant sa gloire n'est pas attachëe au lieu, mays ou quil soit il la porte avec soy; dont au tressaint Sacrement il y est sans laysser sa gloire ni ses perfections.

  A001001435 

 O saint et parfaict memorial de l'Evangile, o admirable recueil de nostre foy: qui croit, o Seigneur, vostre præsence en ce tressaint Sacrement, comme preche vostre sainte Eglise, a recueilly et suce le doux miel de toutes les fleurs de vostre sainte Religion, a grand peyne quil puysse jamais mescroire..

  A001001436 

 Quand il dict, Si ergo videritis Filium hominis ascendentem ubi erat prius, s'ensuit il quil ny soit monté qu'en figure? et toutes elles sont comprises avec les autres, dont il dict, spiritus et vita sunt.

  A001001436 

 Que dires vous? que les paroles de Nostre Seigneur sont esprit et vie? qui le nie, sinon vous qui dites que ce ne sont que tropes et figures? Mays a quel propos ceste consequence: les paroles de Nostre Seigneur sont esprit et vie, donques elles ne se doivent pas entendre de son cors? Et quand il dict, Filius hominis tradetur ad illudendum et flagellandum, etc. (car je metz pour exemple les premieres venues), ses paroles n'estoyent ce pas esprit et vie? dites donques qu'il a esté crucifié en figure.

  A001001437 

 A tout rompre vous monstreres que qui voudroit un peu estirer ces paroles, il trouveroit quelques semblables phrases en l'Escriture que celle que vous pretendes estre icy, mays ad esse a posse c'est une lourde consequence; je nie que vous le puyssies faire joindre, je dis que si chacun les manie a sa main, la pluspart les prendront a gauche.

  A001001437 

 Ah, ce dites vous, Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les morts des la dextre.

  A001001437 

 Vous produises pour vostre creance: Parole quæ ego loquor spiritus et vita sunt, et y joignes, Quotiescumque manducabitis panem hunc; vous y adjoustes, Hoc facite in meam commemorationem; vous y apportes, Mortem Domini annunciabitis donec veniat; Me autem semper non habebitis; mays consideres un peu quel rapport ont ces paroles les unes aux autres.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001456 

 Ces deux fautes fondamentales esquelles vos ministres vous ont conduit, d'avoir abandonné l'Eglise et d'avoir violé toutes les vrayes Regles de la Religion Chrestienne, vous rendent du tout inexcusables, Messieurs: car elles sont si grosses que vous ne pouvies pas les mesconnoistre, et sont si importantes que l'une des deux suffit pour vous faire perdre le vray Christianisme; puysque la foy hors de l'Eglise, ni l'Eglise sans la foy, ne vous sçauroit sauver, nomplus que l'œil hors la teste, ni la teste sans l'œil, ne sçauroit voir la lumiere.

  A001001456 

 Quicomque vous vouloit separer de l'union de l'Eglise vous devoit estre suspect, et qui mesprisoit si fort les saintes Regles de la foy devoit estre fuy et mesprisé, quelle contenance quil tint, quoy quil allegast.

  A001001458 

 Car, par supposition, faysons que jamais il ny eust Eglise, ni Concile, ni Pasteurs, ni Docteurs, des les Apostres, et que l'Escriture Sainte ne contient que les Livres quil plaict a Calvin, Beze et Martyr d'avouer, quil ny a point de Regle infallible pour la bien entendre, mays qu'elle est a la merci des conceptions de quicomque voudra maintenir quil interprete l'Escriture par l'Escriture et par l'analogie de la foy, comme on veut entendre Aristote par l'Aristote et par l'analogie de la philosophie; confessons seulement que ceste Escriture est divine, et je maintiens devant tous juges equitables que, si non tous, au moins ceux d'entre vous qui avoyent quelque connoissance et suffisance sont inexcusables, et ne sçauroyent garentir leur religion de legereté et temerité.

  A001001458 

 Les ministres ne veulent combattre qu'avec l'Escriture, je le veux; ilz ne veulent de l'Escriture que les parties qu'il leur plaict, je m'y accorde: au bout de tout cela, je dis que la creance de l'Eglise Catholique l'emporte de tous pris, qu'elle a plus de passages pour soy que l'opinion contraire, et ceux qu'elle a, plus clairs, purs et simples, plus raysonnablement interpretés, mieux [346] concluans et sortables.

  A001001459 

 C'est donques ce que je pretens faire en ceste troysiesme Partie, ou j'attaqueray vos ministres sur les Sacremens en general, et en particulier sur celuy de l'Eucharistie, de la Confession et Mariage, sur l'honneur et invocation des Saintz, sur la convenance des ceremonies en general, puys en particulier, sur la puyssance de l'Eglise, sur le merite des bonnes œuvres et la justification, et sur les indulgences; ou je n'employeray que la pure et simple Parole de Dieu, avec laquelle seule je vous feray voir, comme par essay, vostre faute si a descouvert, que vous aures occasion de vous en repentir.

  A001001459 

 En l'assemblëe des princes qui se fit a Spire l'an 1526, les ministres protestans portoyent ces lettres en la manche droitte [347] de leurs vestemens: V. D. M. I. Æ.

  A001001459 

 Et a ceste occasion j'adjusteray tousjours le sens et la consequence que je produiray des Escritures, aux Regles que j'ay produites en la seconde Partie; quoy que mon dessein principal ne soit que de vous faire essayer la vanité de vos ministres, qui ne faysans que crier, la Sainte Escriture, la Sainte Escriture, ne font rien plus que d'en violer les plus asseurëes sentences.

  A001001459 

 Lises les opuscules de Paulus Samosatenus, de Priscillien, d'Eunomius, Jovinien, et de ces autres pestes; vous verres un grand amas d'exemples, et presque pas une pagëe qui ne soit fardëe et colorëe de quelques sentences du Viel et Nouveau Testament.

  A001001459 

 « O Dieu, » dict le mesme Lirinensis, « que fera il a l'endroit des miserables hommes, puysqu'il ose attaquer avec l'Escriture le Seigneur mesme de majesté? Pensons de pres a la doctrine de ce passage; car, comm'alors le chef d'un parti parla au chef de l'autre, ainsy maintenant les membres parlent aux membres, a sçavoir, les membres du diable aux membres de Jesus Christ, les perfides aux fideles, les sacrileges aux religieux, en fin les hæretiques aux Catholiques.

  A001001459 

 » Mays comme le chef respondit au chef, ainsy pouvons nous faire, nous autres membres, aux membres: nostre Chef repousa leur chef avec les passages mesme de l'Escriture; repousons les en semblable façon, et par des consequences solides et naifves, deduites de la Sainte Escriture, monstrons la vanité et piperie avec laquelle ilz veulent couvrir leurs conceptions des paroles de l'Escriture..

  A001001460 

 C'est ce que je pretens icy, mays briefvement; et [348] proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons neanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par maniere d'illusion; ainsy que non seulement Moise et Aaron, mays encores les magiciens animerent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d'Aaron devora les verges des autres.

  A001001469 

 Mays nous [allons] voir cecy cy apres; il suffit maintenant, contre l'insolence de Zuingle et autres qui ont voulu rejetter ce nom, que toute l'Eglise ancienne en aÿe usé: car ce n'est pas avec une plus grand'authorité que le mot de Trinité, Consubstantiel, Personne, et cent autres sont demeurés en l'Eglise comme saints et legitimes; et c'est une tres inutile et sotte temerité de vouloir changer les motz ecclesiastiques que l'antiquité nous a laissé, outre le danger quil y auroit, qu'apres le changement des motz on n'allast au change de l'intelligence et creance, comme on voit ordinayrement que c'est l'intention de ces novateurs de paroles.

  A001001469 

 Or, puysque les prætendus reformateurs, pour la plus part, quoy que ce ne soit sans gronder, layssent ce mot en usage par mi leurs livres, [350] amusons nous aux difficultés que nous avons avec eux sur les causes et les effetz des Sacremens, et voyons comm'ilz y mesprisent l'Escriture et les autres Regles de la foy..

  A001001475 

 Commençons par ici: l'Eglise Catholique tient pour forme des Sacremens, des paroles consecratoires; les ministres pretendus ont voulu reformer ceste forme, disans que les paroles consecratoires sont charmes, et que la vraye forme des Sacremens estoit la prædication.

  A001001475 

 Qu'apportent les ministres, de la Sainte Escriture, pour l'establissement de ceste reformation? deux passages seulement, que [je] sache, l'un de saint Pol, l'autre de saint Mathieu.

  A001001475 

 Que si saint Hierosme, suyvant le sens mistique, veut que la prædication soit une sorte d'eau purifiante, il ne s'oppose pourtant pas aux autres [351] Peres, qui ont entendu le lavoir d'eau estre le Baptesme precisement, et la parole de vie, l'invocation de la tressainte Trinité, affin d'interpreter le passage de saint Pol par l'autre de saint Mathieu: Enseignes toutes gens, les baptisans au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A001001475 

 Voyla [pas des] passages bien clairs pour monstrer que la prædication [est] la vraye forme des Sacremens? Mays qui leur a dict quil ni a point d'autre Mot vitæ que la predication? je soustiens, au contraire, que ceste sainte invocation, Je te baptise au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, est encores un Mot vitæ, comme l'ont dict saint Chrysostome et Theodoret; aussi sont bien les autres saintes prieres et invocations du nom de Dieu, qui ne sont pourtant pas prædications.

  A001001476 

 Et quand a la tressainte Eucharistie, qui est l'autre Sacrement que les ministres font semblant de recevoir, ou trouveront ilz jamais que Nostre Seigneur y aÿe usé de prædication? Saint Pol enseigne aux Corinthiens comm'il faut celebrer la cene, mays on ny trouve point qu'il y soit commandé de precher; et affin que personne ne doutast que le rite quil proposoit fut legitime, il dict quil l'avoit ainsy apris de Nostre Seigneur: Ego enim accepi a Domino, quod et tradidi vobis.

  A001001476 

 Les voyci: Qui crediderit et baptizatus fuerit; voyes vous la creance qui nait en nous par la prædication, separëe du Baptesme? ce sont donq deux choses distinctes, la prædication et le Baptesme.

  A001001476 

 Or toutefois, vos pretensions seroient en certaine façon plus tolerables, si nous n'avions en l'Escriture des raysons contraires, plus expresses que les vostres ne sont, hors de toute comparayson.

  A001001476 

 Que si en l'institution de ces divins misteres, et en la prattique mesme des Apostres, nous trouvons de la distinction entre la predication et les Sacremens, a quelles enseignes les confondrons nous? ce que Dieu a separé, pourquoy le conjoindrons nous? En ce point donques, selon l'Escriture, nous l'emportons tout quitte, et les ministres sont convaincus de violation de l'Escriture, qui veulent changer l'essence des Sacremens contre leur institution..

  A001001477 

 Ilz violent encores la Tradition, l'authorité de l'Eglise, des Conciles, des Papes et des Peres, qui tous ont creu et croyent que le Baptesme des petitz enfans est vray et legitime: mays comme veut on que la predication y soit employëe? les enfans n'entendent pas ce qu'on dict, ilz ne sont pas capables de l'usage de rayson, a quoy faire les instruire? on peut bien precher devant eux, mays ce seroit pour neant, car leur entendement n'est pas encor ouvert pour recevoir l'instruction, comme instruction; elle ne les touche point, ni ne leur peut estre appliquëe, quel effect donq peut elle faire en eux? [leur] Baptesme donq seroit vain, puysqu'il seroit sans forme et [signification]: la forme donq du Baptesme n'est pas la prædication.

  A001001477 

 Luther respond que les enfans ressentent [des] mouvemens actuelz de la foy par la prædication: c'est violer et dementir l'experience et le sentiment mesme.

  A001001478 

 Justin le Martyr, descrivant l'office ancien que les Chrestiens faysoyent le Dimanche, entr'autres choses il dict qu'apres les prieres generales « on offroit pain, vin et eaüe, et alhors le prælat faysoit de tout son effort prieres et actions de graces a Dieu, le peuple benissoit, disant: Amen.

  A001001478 

 Or sus, voyla, selon les Regles de la foy, et principalement selon l'Escriture Sainte, comme vos ministres errent quand ilz vous enseignent que la prædication est forme des Sacremens: mays voyons si ce que nous en croyons est plus conforme a la sainte Parole.

  A001001478 

 Saint Denis, disciple de saint Pol, les appelle « consecratoires, » et en sa description de la Liturgie ou Messe, il ny met point la prædication, tant s'en faut quil la tint pour forme de l'Eucharistie.

  A001001479 

 Mays je veux finir par ceste signalëe sentence de saint Augustin: Potuit Paulus significando prædicare Dominum Jesum Christum, aliter per linguam suam, aliter per epistolam, aliter per Sacramentum Corporis et Sanguinis ejus: nec linguam quippe ejus, nec membranas, nec atramentum, nec significantes sonos lingua editos, nec signa litterarum conscripta pelliculis, Corpus Christi et Sanguinem dicimus; sed illud tantum quod ex fructibus terræ acceptum, et prece mistica consecratum, rite sumimus. Que si saint Augustin dict, Unde tanta vis aquæ ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo? non quia dicitur, sed quia creditur, nous ne disons rien au contraire: car, a la verité, les paroles de benediction et sanctification avec lesquelles on forme et parfaict les Sacremens, n'ont poinct de vertu sinon estant proferëes sous la generale intention et creance de l'Eglise; car si quelqu'un les disoit sans cette intention, elles seroient dites voirement, mais pour neant, par ce que, non quia dicitur, sed quia creditur.

  A001001485 

 Au contraire, le Concile de Florence et celuy de Trente declairent que « si quelqu'un dict que l'intention au moins de faire ce que faict l'Eglise n'est pas requise es ministres quand ilz conferent les Sacremens, il est anatheme »: ce sont les termes du Concile de Trente.

  A001001485 

 Item, n'est pas requis que nous ayons ceste intention actuellement quand nous conferons le Sacrement, mays suffit qu'on puysse dire avec verité que nous faysons telle et telle ceremonie et disons telle et telle parole, comme jetter l'eau, disans, Je te baptise au nom du Pere, etc., en intention de faire ce que les vrays Chrestiens font et que Nostre Seigneur a commandé, quoy que pour lhors nous ne soyons pas en attention, et ny pensions pas precisement.

  A001001485 

 Le Concile ne dict pas quil soit requis d'avoir l'intention particuliere de l'Eglise, car autrement les Calvinistes, qui n'ont pas intention au Baptesme de lever le peché originel, ne baptiseroyent pas bien, puysque l'Eglise a ceste intention la, mays seulement de faire en general ce que l'Eglise faict quand elle baptise, sans particulariser ni determiner quoy ni comment.

  A001001486 

 On ne peut raysonnablement douter que pour faire la Cene de Nostre Seigneur, ou le Baptesme, il ne faille faire ce que Nostre Seigneur a commandé pour cest effect, et non seulement quil le faille faire, mays quil le faille faire en vertu de ce commandement et institution: car on peut bien faire ces actions en vertu d'autre que du commandement de Nostre Seigneur, comme fairoit un [358] homme qui, dormant, songeroit et baptiseroit, ou bien estant ivre; pour vray les paroles y seroyent et l'element, mays elles n'auroyent point de force, ne procedans pas du commandement de qui les peut rendre vigoureuses et efficaces; ainsy que tout ce qu'un juge dict et escrit ne sont pas sentences judiciaires, mays seulement ce quil dict en qualité [de juge].

  A001001486 

 Or, comme pourroit on mettre difference entre les actions sacramentelles estant faites en vertu du commandement qui les rend pregnantes, et ces mesmes actions faites a autre fin? Certes, la difference n'y peut estre que par l'intention avec laquelle on les emploÿe; il faut donq que non seulement les paroles soyent proferëes, mays proferëes avec intention de faire le commandement de Nostre Seigneur, en la Cene, Hoc facite, au Baptesme, Baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti..

  A001001487 

 Or, n'est il pas dict simplement, Hoc facite, mays, facite in meam commemorationem; et comme peut on faire ceste sacrëe action en commemoration de Nostre Seigneur, sans avoir l'intention d'y faire ce que Nostre Seigneur a commandé, ou du moins ce que les Chrestiens, disciples de Nostre Seigneur, font? affin que, sinon immediatement, au moins par l'entremise de l'intention des Chrestiens ou de l'Eglise, on face ceste action en commemoration de Nostre Seigneur.

  A001001488 

 Et c'est a ce propos que saint Augustin: Unde tanta vis aquæ, ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo? non quia dicitur, sed quia creditur; c'est a dire, les paroles de soy, estant proferees sans aucune intention ou creance, n'ont point de vertu, mays estans dites en vertu et creance, et selon l'intention generale [360] de l'Eglise, elles font cest effect salutaire.

  A001001488 

 Or, comme peut estre faicte une action au nom de Dieu, qui se faict pour se mocquer de Dieu? Pour vray, l'action du Baptesme ne depend pas tellement des parolles, qu'elle ne se puysse faire en vertu et en authorité toute contraire aux parolles, si le cœur, qui est le moteur des paroles et de l'action, les dresse a une contraire fin et intention.

  A001001488 

 Si donques Nostre Seigneur ne commande pas simplement qu'on face l'action du Baptesme ni qu'on die les paroles, mays l'action se face et les paroles se dient au nom du Pere, etc., il faut avoir au moins l'intention generale de faire le Baptesme en vertu du commandement de Nostre Seigneur, en son nom et de sa part; et quand a l'absolution, que l'intention y soit requise, il est plus qu'expres: Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis, il laysse cela a leur deliberation.

  A001001501 

 L'Eglise Catholique a esté accusee, en nostre aage, de superstition en la priere qu'elle faict pour les fideles trespassés, d'autant qu'en icelle elle suppose deux verités que l'on pretend n'estre point, a sçavoir, que les trespassés soient en peyne et indigence, et qu'on les puisse secourir: or les trespassés, ou ilz sont damnés ou sauvés; les damnés sont en peyne, mais irremediable, et les sauvés sont comblés de tout playsir; de façon qu'aux uns manque l'indigence, aux autres le moyen de recevoir secours, et par ce n'y a lieu de prier Dieu pour les trespassés..

  A001001502 

 Mais certes, il deut suffire a tout le monde pour faire juste jugement sur ceste accusation, que les accusateurs estoyent des personnes particulieres, et l'accusé estoit le cors de l'Eglise universelle: et neanmoins, parce que l'humeur de nostre siecle a porté de sousmettre au contreroole et censure d'un chacun toutes choses, tant sacrees, religieuses et authentiques puissent elles estre, plusieurs personnes d'honneur et de marque ont prins le droit de l'Eglise en main pour la defendre; estimans [362] ne pouvoir mieux employer leur pieté et sçavoir, qu'a la defense de celle-la par les mains de laquelle ilz avoyent receu tout leur bien spirituel, le Baptesme, la doctrine Chrestienne et les Escritures mesme.

  A001001508 

 Donques par le Purgatoire nous entendons un lieu ou les ames, pour un tems, sont purgees des taches et imperfections qu'elles emportent de ceste vie mortelle..

  A001001508 

 Nous sommes d'accord que le sang de nostre Redempteur est le vray purgatoire des ames, car en iceluy sont nettoyees toutes les ames du monde; dont saint Pol l'appelle, aux Hebreux, premier, purgationem peccatorum facientem: les tribulations aussi sont certains purgatoires, par lesquelz nos ames sont rendues pures comme l'or est affiné en la fournaise; Ecclesiastici 27, Vasa figuli probat fornax, justos autem tentatio tribulationis: la penitence et contrition est encores un certain purgatoire; dont David dict, au Psal. 50, Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor: on sçait bien aussi que le Baptesme, auquel nos pechés sont lavés, peut estre appellé purgatoire, et tout ce qui sert a la purgation de nos offenses; mays icy nous appelions Purgatoire, un lieu auquel, apres ceste vie, les ames lesquelles partent de ce monde avant qu'estre parfaictement espurees des souilleures qu'elles ont contractees, ne pouvant rien entrer en Paradis qui ne soit pur et net, sont arrestees pour y estre nettoyees et purifiees.

  A001001508 

 Nous soustenons donques que l'on peut prier pour les fideles trespassés, et que les prieres et bonnes actions des vivans les soulagent beaucoup et leur sont prouffitables; parce que tous ceux qui meurent en la grace de Dieu, et par consequent du nombre des esleus, ne vont pas tous de premier abord en Paradis, mays plusieurs vont au Purgatoire, ou ilz souffrent [363] une peyne temporelle, a la delivrance de laquelle nos prieres et bonnes actions peuvent ayder et servir.

  A001001508 

 Que si on veut sçavoir pourquoy ce lieu est plustost appellé simplement Purgatoire que les autres moyens de purgation cy dessus apportés, on respondra que c'est parce qu'en ce lieu la on n'y faict autre que la purgation des taches qui sont demeurees au partir de ce monde, et qu'au Baptesme, penitence, tribulations et autres, non seulement l'ame s'espure de ses imperfections, mays s'enrichit encores de plusieurs graces et perfections; qui a faict laisser le nom de Purgatoire a ce lieu de l'autre siecle, lequel, a proprement parler, n'est pour autre que pour la purification des ames.

  A001001514 

 Apres, vindrent certaines gens qui s'appelloyent Apostoliques, du tems de saint Bernard; puys les Petrobusiens, il y a environ cinq cens ans, qui nioyent encores ce mesme article, comme escrit saint Bernard, Sermone 65 et 66 in Cantica Cant., et en l'epistre 241, et Pierre de Cluny, epistre 1 et 2, et ailleurs.

  A001001514 

 Ceste mesme opinion des Petrobusiens fut suivie par les Vaudois, sur l'annee 1170, comme recite Guidon en sa Somme; et quelques Grecz furent soupçonnés en cest endroit, de quoy ilz se justifierent au Concile de Florence, et en leur apologie presentee au Concile de Basle.

  A001001514 

 En fin, c'est l'ordinaire de toutes les factions de nostre aage de se moquer du Purgatoire et mespriser les prieres pour les trespassés, mays l'Eglise Catholique s'est opposee vivement a tous ceux cy, a chacun en son tems, avec l'Escriture Sainte en main, de laquelle nos devanciers ont tiré plusieurs belles raysons..

  A001001515 

 elle a prouvé les aumosnes, prieres et autres saintes actions pouvoir soulager les trespassés; dont il s'ensuit qu'il y a un purgatoire, car: ceux d'enfer ne peuvent avoir aucun secours en leurs peynes; en Paradis, tout bien y estant, nous n'y pouvons rien porter du nostre pour ceux qui y sont desja; donques c'est pour ceux qui sont en un troisiesme lieu, que nous appelions Purgatoire..

  A001001518 

 Prouvant que les ames sous terre rendoient honneur et reverence a Nostre Seigneur, elle a prouvé quant et quant le Purgatoire, puysque cela ne se peut penser de ces pauvres miserables qui sont en enfer..

  A001001519 

 Par plusieurs autres passages, avec diversité de consequences toutes neanmoins bien a propos; en quoy l'on doit d'autant plus deferer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz alleguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Peres anciens, sans que pour defendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interpretations: qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons [366] en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consequences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensees cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise..

  A001001520 

 Restera que le liseur laisse a part les bericles de sa propre passion, pense attentivement au merite de nos probations, et se jette aux pieds de la divine Bonté, criant en toute humilité avec David, Da mihi intellectum et scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo, et lhors je ne doute point qu'il ne revienne au giron de sa grande Mere, l'Eglise Catholique..

  A001001520 

 de toutes sortes d'autheurs; apres, nous apporterons des raysons, et en fin, nous amenerons les argumens de partie contraire, lesquelz nous monstrerons n'estre pas de mise: ainsy conclurons pour la creance de l'Eglise Catholique.

  A001001520 

 nous cotterons les passages de l'Escriture; puys, des Conciles; 3.

  A001001526 

 Ce premier argument est invincible: il y a un tems et un lieu de purgation pour les ames apres ceste vie mortelle; donques il y a un Purgatoire, puysque l'enfer ne peut apporter aucune purgation, et le Paradis ne peut recevoir aucune chose qui ayt besoin de purgation.

  A001001528 

 Et de faict, les paroles precedentes favorisent ceste interpretation, esquelles il est parlé de la salvation des hommes; et puys a la fin du chapitre, ou il est parlé du repos des heureux, dont ce qui est dict, purgavit Dominus sordes, se doit entendre de la purgation necessaire pour ceste salvation; et parce que ceste purgation est dicte se devoir faire en esprit d'ardeur et de bruslement, elle ne se peut bonnement interpreter que du Purgatoire et du feu d'iceluy..

  A001001529 

 Ce lieu estoit desja en train pour prouver le Purgatoire parmi les Catholiques, du tems de saint Hierosme, il y a environ 1200 ans, ainsy que le mesme saint Hierosme tesmoigne sur le dernier chapitre d'Isaïe; la ou ce qui est dict, cum sedero in tenebris; iram Domini portabo, donec causam meam judicet, ne se peut entendre d'aucune peyne si proprement comme de celle de Purgatoire..

  A001001530 

 En Zacharie, 9: Tu autem, in sanguine testamenti tui, eduxisti vinctos tuos de lacu in quo non est aqua. Le lac duquel sont tirés ces prisonniers n'est que le Purgatoire, duquel Nostre Seigneur les [368] delivra en sa descente aux enfers; ne se pouvant entendre du Limbo, ou estoient les Peres avant la resurrection de Nostre Seigneur, dans le sein d'Abraham, par ce que la il y avoit de l'eau de consolation, comme l'on peut voir en saint Luc, 16; dont saint Augustin, en l'epistre 99, ad Evodium, dict que Nostre Seigneur visita ceux qui estoient aux tourmens des enfers, c'est a dire, au Purgatoire, et quil les en delivra: dont il s'ensuit quil y a un lieu ou les fideles sont tenus prisonniers, et duquel ilz peuvent estre delivrés..

  A001001531 

 Nous sçavons bien qu'ilz l'entendent de la purgation qui se fera a la fin du monde par le feu et conflagration generale, la ou seront purgés les reliquatz des pechés de ceux qui se trouveront vivans; mais nous ne laissons pas d'en tirer un bon argument pour nostre Purgatoire, car, si les personnes de ce tems la ont besoin de purgation avant que de ressentir l'effect de la benediction du Juge supreme, pourquoy est ce que ceux qui meurent avant ce tems n'en auront encores besoin? puysqu'il s'en peut trouver qui auront a la mort quelque reliquat de leurs imperfections.

  A001001531 

 Pour vray, si le Paradis ne peut recevoir aucune tache en ce tems la, il ne les recevra pas encores maintenant.

  A001001531 

 Saint Irenee a ce propos, au chap. 29. livre 5, dict que parce que l'Eglise militante devra monter alhors au celeste palais de son Espoux, et qu'il n'y aura plus tems de purgation, les fautes et dechets d'icelle seront incontinent purgés par ce feu qui precedera le jugement..

  A001001538 

 Imaginons maintenant que le feu se mette en l'une et en l'autre maison: celle qui est de matiere solide sera hors de fortune, et l'autre sera reduicte en cendres; que si l'architecte est dans la premiere, il y demeurera sain et sauve, que s'il est dans la seconde, s'il se veut eschapper il faudra qu'il se rue a travers le feu et la flamme, et se sauvera tellement qu'il portera les marques d'avoir esté au feu: Ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem..

  A001001539 

 Le jour du Seigneur duquel il est parlé, s'entend le jour du jugement, lequel en l'Escriture a accoustumé d'estre appellé jour du Seigneur; en Joël, 2, Veniet dies Domini, en Sophonie, 1, Juxta est dies Domini: puys, par ce qu'y est adjousté, dies Domini declarabit, car c'est a ceste journee la que se declareront toutes les actions du monde: en fin, quand l'Apostre dict, quia in igne revelatur, il monstre asses que c'est le dernier jour du jugement; en la seconde des Thessaloniciens, 1, I n revelatione Domini nostri Jesu Christi de cælo, cum Angelis virtutis ejus, in flamma ignis, au Ps.

  A001001539 

 Les architectes sont les predicateurs et docteurs de l'Evangile; comme l'on peut connoistre considerant attentivement les paroles de tout ce chapitre, et comme l'interpretent saint Ambroise et Sedule sur ce lieu.

  A001001540 

 37, saint Gregoire, Rupert et les autres y sont tout expres; et des Grecz, Origene, en l'homelie 6 sur Exode, Œcumene sur ce passage, ou il allegue saint Basile, et Theodoret rapporté par saint Thomas en l'opuscule premier, Contre les Grecz..

  A001001540 

 Toute ceste interpretation, outre ce qu'elle s'apparie tres bien avec le texte, est encores tres authentique pour avoir esté suivie, d'un commun consentement, par les anciens Peres.

  A001001541 

 On respond que c'est une elegante façon de parler par la confrontation de ces deux feux, car voicy le sens de la sentence: le jour du Seigneur sera esclairé par le feu qui le precedera, et comme ce jour la sera esclairé par le feu, ainsy ce mesme jour par le jugement esclaircira le merite et le defaut de chaque œuvre; et comme chaque œuvre sera esclaircie, ainsy les ouvriers qui auront ouvré avec imperfections seront sauvés par le feu du Purgatoire.

  A001001542 

 Je respons qu'il y a de la similitude en ce passage, car l'Apostre veut dire que celuy duquel les œuvres ne sont pas du tout solides, sera sauvé comme l'architecte qui s'eschappe du feu ne laissant pas pour cela de [372] passer par le feu, mays un feu d'autre calibre que n'est le feu qui brusle en ce monde.

  A001001549 

 des Machabees, au chap. 12; la ou l'Escriture raconte que Judas Machabee envoya en Hierusalem douze mille dragmes d'argent pour faire des sacrifices pour les morts, et apres elle adjouste: Sancta ergo et salubris est cogitatio pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur; car, voicy nostre discours: c'est chose sainte et prouffitable de prier pour les morts affin qu'ilz soient delivrés de leurs pechés, donques apres la mort il y a encores tems et lieu pour la remission des pechés; or ce lieu icy ne peut estre ni l'enfer ni le Paradis, donques c'est le Purgatoire..

  A001001550 

 Cest argument est si bien faict, que pour y respondre nos adversaires nient l'authorité du Livre des [373] Machabees, et le tiennent pour apocriphe: mays a la verité ce n'est qu'a faute d'autre response; car ce Livre icy a esté tenu pour authentique et sacré par le Concile de Carthage 3, au canon 47, et par Innocent 1, en l'epistre ad Exuperium, et par saint Augustin, l. 18 de la Cité de Dieu, chap. 36, duquel voicy les paroles: Libros Machabæorum non Judæi sed Ecclesia pro canonicis habet, et le mesme saint Augustin, au l. 2 De doctrina Christiana, chap. 8, et Gelase, au decret des Livres canoniques qu'il fit en un Concile de 70 Evesques, et plusieurs autres Peres qu'il seroit long a citer.

  A001001552 

 La premiere, c'est qu'ilz disent la priere avoir esté faicte pour monstrer la bonne affection qu'ilz avoyent a l'endroit des defuncts, non pas qu'ilz pensassent les defuncts en avoir besoin; mays l'Escriture y contredict par ces paroles, ut a peccatis solvantur..

  A001001553 

 Ilz objectent que c'est un manifeste erreur de prier pour la resurrection des morts avant le jugement, car c'est presupposer, ou que les ames resuscitent et par consequent meurent, ou que les cors ne resuscitent pas si ce n'est par l'entremise des prieres et bonnes actions des vivans, qui seroit contre l'article, Credo resurrectionem mortuorum: or, que ces erreurs soyent presupposés en ce lieu des Machabees, il appert par ces paroles: nisi enim eos qui ceciderant resurrecturos speraret, superfluum videretur et vanum pro defunctis orare. On respond que en cest endroit ilz ne prient pas pour la resurrection ni de [374] l'ame ni du cors, mays seulement pour la delivrance des ames; en quoy ilz presupposoyent l'immortalité de l'ame, car, s'ilz eussent creu que l'ame fust morte avec le cors, ilz n'eussent point pris de soin de leur delivrance; et par ce que, parmi les Juifz, la creance de l'immortalité de l'ame et de la resurrection des cors estoient tellement jointes ensemble que qui nioit l'une nioit l'autre, pour monstrer que Judas Machabeus croyoit l'immortalité de l'ame il dict qu'il croyoit la resurrection des cors.

  A001001554 

 Il n'y a donques point de lieu de refuser le tesmoignage des Machabees en preuve d'une juste creance: que si, a tout rompre, nous le voulons prendre comme tesmoignage d'un simple mays grave historiographe, ce qu'on ne nous peut refuser, au moins faudra il confesser que la Sinagogue ancienne croyoit un Purgatoire, puysque toute ceste armee la fut si prompte a prier pour les defuncts..

  A001001555 

 Peut estre qu'ilz diront que ce Livre est apocriphe, mays toute l'antiquité l'a tousjours tenu en credit; et pour vray, la coustume de mettre la viande pour les pauvres es sepultures est tres ancienne, mesme en l'Eglise Catholique, car saint Chrysostome, qui vivoit il y a plus de 1200 ans, en l'homelie 32, sur le 9.

  A001001555 

 chap.: Panem tuum et vinum tuum super sepulturam justi constitue, et noli ex eo manducare et bibere cum peccatoribus; certes, ce vin et ce pain ne se mettoyent pour autre sur la sepulture sinon pour les pauvres, affin que l'ame [375] du defunct en fust aydee, comme disent communement les interpretes sur ce passage.

  A001001556 

 De maniere qu'en l'ancienne Eglise la coustume estoit desja entre les saintes personnes, d'ayder par prieres et saintes actions les ames des trespassés, qui suppose clairement la foy d'un Purgatoire..

  A001001556 

 Mays que penserions nous des jeusnes et austerités que faisoyent les Anciens apres la mort de leurs amis? Ceux de Jabes Galaad, apres la mort de Saul, jeusnerent sept jours sur iceluy; autant en fit David et les siens sur le mesme Saül, Jonathan et ceux de sa suite, au 1.

  A001001556 

 des Roys, dernier chapitre, et au 2., chap. 1: on ne pourroit penser que ce ne fust pour secourir les ames des defuncts, car a quel autre propos peut on rapporter le jeusne de sept jours? Aussi David, qui au 2.

  A001001557 

 Il appert donques par ces paroles de saint Pol, que la priere, jeusne et autres saintes afflictions se faisoyent louablement pour les defuncts; or, ce [377] n'estoit pour ceux de Paradis, qui n'en avoyent besoin, ni pour ceux d'enfer, qui n'en pouvoyent recevoir le fruict, c'est donques pour ceux de Purgatoire: ainsy l'a exposé, il y a 1200 ans, saint Ephrem en son Testament, et les Peres qui ont disputé contre les Petrobusiens..

  A001001557 

 Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prieres et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit tres mauvaise: il veut conclure que si les morts ne resuscitent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s'afflige l'on pour les morts; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute esperance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les ames estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus, que l'article de la resurrection des morts et celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la creance des Juifz, que qui advouoit l'un, advouoit l'autre, et que qui nioit l'un, nioit l'autre.

  A001001557 

 Voicy donques le sens de ceste Escriture: si les morts ne resuscitent point, a quoy faire prend on peyne et affliction, priant et jeusnant pour les morts? et certes, ceste sentence de saint Pol ressemble a celle des Machabees cottee cy dessus: Superfluum est et vanum orare pro mortuis, si mortui non resurgunt. Qu'on me tourne et transfigure ce texte en tant d'interpretations que l'on voudra, qu'il n'y en aura pas une qui joigne bien a la sainte Lettre que celle cy.

  A001001557 

 chap., l'alleguant comme louable et bonne: Quid facient, dict il, qui baptizantur pro mortuis, si mortui non resurgunt ut quid et baptizantur pro illis? Ce lieu bien entendu monstre tres clairement la coustume de la primitive Eglise de jeusner, prier, veiller pour les ames des trespassés; car, premierement, es Escritures, [376] estre baptizé se prend fort souvent pour les afflictions et penitences, comme en saint Luc, 12.

  A001001558 

 Autant en peut on deduire de ce que disoit le bon larron, en saint Luc, 23, lhors que, s'addressant a Nostre Seigneur, il luy dict: Memento mei dum veneris in regnum tuum; car pourquoy se fust il recommandé, luy qui s'en alloit mourir, s'il n'eust creu que les ames apres la mort pouvoyent estre secourues et aydees? Saint Augustin, l. 6 contre Julien, chap. 5, prouve de ce passage que quelques pechés sont pardonnés en l'autre monde..

  A001001564 

 Je sçay bien que nos adversaires taschent par diverses interpretations de parer a ce coup icy, mays il est si bien porté qu'ilz ne s'en peuvent eschapper; et de vray il vaut bien mieux avec les Peres anciens entendre proprement, et avec toute la reverence que l'on [379] peut, les paroles de Nostre Seigneur, que pour fonder une nouvelle doctrine les rendre grossieres et mal agencees.

  A001001564 

 de saint Marc, saint Bernard, en l'homelie 66 sur les Cantiques, et ceux qui ont escrit contre les Petrobusiens se sont servis de ce passage pour nostre intention, avec tant d'asseurance, que saint Bernard pour declarer ceste verité n'en apporte point d'autre, tant il faict estat d'iceluy..

  A001001565 

 Le juge est sans doute Nostre Seigneur, en saint Jan, 5: Pater omne judicium dedit Filio. La prison pareillement, l'enfer, ou le lieu des peynes de l'autre monde, auquel, comme en une grande gëole, il y a plusieurs demeures, l'une pour ceux qui sont damnés, qui est comme pour les criminelz, l'autre qui est pour ceux qui sont en Purgatoire, qui est comme pour debtes.

  A001001565 

 Le quatrain duquel il est dict, non exies inde donec reddas novissimum quadrantem, sont les petitz pechés et d'infirmité, comme le quatrain est la moindre monnoye qu'on peut devoir.

  A001001566 

 On peut dire que ces peynes se souffriront en ce monde, mays saint Augustin et les autres Peres l'entendent pour l'autre monde; et puys, ne se peut il pas faire qu'un homme meure sur la premiere ou seconde offense de laquelle il est parlé icy, et celuy la, ou payera il les peynes deües a son offense? ou si vous voules qu'il ne les paye point, quel lieu luy donneres vous pour sa retraite apres ce monde? vous ne luy bailleres pas l'enfer, sinon que vous voulies adjouster a la sentence de Nostre Seigneur, qui ne baille l'enfer pour peyne qu'a ceux qui auront faict la troisiesme offense; le loger en Paradis vous ne le deves faire, parce que la nature de ce lieu celeste rejette toute sorte d'imperfection; n'allegues pas icy la misericorde du Juge, car il declare en cest endroit qu'il veut encores user de justice: faites donques comme les anciens Peres, et dites qu'il y a un lieu ou elles seront purgees, et puys s'en iront la haut en Paradis..

  A001001566 

 Tout cecy semble avoir esté dict par Nostre Seigneur mesme en saint Mathieu, 5, quand il dict: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio, qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio, qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Icy il s'agit de la peyne qu'on doit recevoir par le jugement de Dieu, comme il appert par ces paroles, reus erit gehennæ [381] ignis; et neanmoins il n'y a que la troisiesme sorte d'offense qui soit punie par l'enfer; donques au jugement de Dieu, apres ceste vie, il y a des autres peynes, qui ne sont pas eternelles ni infernales; ce sont les peynes de Purgatoire.

  A001001567 

 Defaillir, qu'est ce autre que mourir? et les amis, que sont ilz autre que les Saints? les interpretes l'entendent tous ainsy; dont il s'ensuit deux choses, et que les Saints peuvent ayder les hommes trespassés, et que les trespassés peuvent estre aydés des Saints: car a quel autre propos peut on entendre ces paroles, facite amicos qui recipiant? il ne se peut entendre de l'aumosne, car souventefois l'aumosne est bonne et sainte, et toutefois ne nous acquiert pas des amis qui nous puissent recevoir en eternelz tabernacles, comme quand elle est faicte a des personnes mauvaises avec sainte et droitte intention.

  A001001577 

 1, can. Visum est, au Concile d'Orleans 2, c. 14; en Allemagne, au Concile Wormatiense, c. 80; en [384] Italie, au Concile 6 sous Symmachus; en Grece, comme on peut voir en leurs Sinodes recueillies par Martin Bracarense, c. 69: et par tous ces Conciles vous verres que l'Eglise tient pour authentique la priere pour les trespassés, et par consequent le Purgatoire.

  A001001577 

 Aerius, comme j'ay dict cy devant, commença a precher contre les Catholiques, disant les prieres qu'ilz faisoyent pour les morts estre superstitieuses; il a encores des sectateurs en nostre aage quand a ce chef.

  A001001578 

 Mays quelle plus sainte resolution de l'Eglise voudroit on avoir que celle qui est couchëe en toutes les Messes d'icelle? Regardes les liturgies de saint Jaques, saint Basile, saint Chrysostome, de saint Ambroise, desquelles se servent encores a present tous les Chrestiens orientaux, vous y verres la commemoration pour les morts comm'elle se voit en la nostre a peu pres.

  A001001584 

 Mays comment est ce que les Peres n'ont pas creu a bon escient le Purgatoire, puysqu'Aerius, comme j'ay dict cy devant, a esté tenu pour hæretique par ce qu'il le nioyt? C'est pitié de voir l'audace avec laquelle Calvin traitte saint Augustin par ce quil pria et fit prier pour sa mere, sainte Monique, et pour tout prætexte apporte que saint Augustin, l. 21 Civit., c. 26, semble douter du feu de Purgatoire.

  A001001584 

 Quelle apparence y a [386] il qu'un seul Calvin soit infallible, et que toute l'antiquité aye bronché? On dict que les anciens Peres ont creu le Purgatoire pour s'accommoder au vulgaire: belle excuse; n'estoit ce pas aux Peres d'oster d'erreur le peuple s'ilz l'y voyoient entrer, nom pas l'y entretenir et y condescendre? ceste excuse donques ne faict qu'accuser les Anciens.

  A001001584 

 Tous les anciens Peres l'ont creu, et attesté que c'estoit la foy Apostolique; voicy les autheurs que nous en avons: entre les disciples des Apostres, saint Clement et saint Denis; apres, saint Athanase, saint Basile, saint Gregoire Nazianzene, Ephrem, Cyrille, Epiphane, Chrysostome, Gregoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Ambroise, Hierosme, Augustin, Origene, Boece, Hilaire, c'est a dire, toute l'antiquité, mesme devant douze centz ans que tous ces Peres ont vescu: desquelz il m'eust esté tres aysé d'apporter les tesmoignages, qui sont recueillis exactement es livres de nos Catholiques, au livre de Canisius, en son Catechisme, de Sanderus, De visibili Monarchia, de Genebrard, en sa Chronologie, de Bellarmin, en sa Controversie du Purgatoire, de Stapleton, en son Promptuaire; mays sur tous qui voudra voir au long et fidellement cités les passages des Peres anciens, quil prenne en main l'œuvre de Canisius reveu par Busæus.

  A001001584 

 § 10, ou il dict ainsy: Ante 1300 annos usu receptum fuit ut precationes fierent pro defunctis, et par apres adjouste: sed omnes, fateor, in errorem abrepti fuerunt; nous n'avons donq que faire de chercher le nom et le lieu des anciens Peres pour prouver le Purgatoire, puysque, pour se mettre en conte, Calvin les met en zero.

  A001001590 

 12, de laquelle Nostre Seigneur dict que les hommes reddent rationem in die judicii; il en faut rendre conte; l'autre merite le conseil, c'est a dire merite qu'on delibere s'il sera condamné ou non (car Nostre Seigneur s'accommode a la façon de parler des hommes); le 3 me seul est celluyla qui sans doute infalliblement sera damné: donques le p r et le 2 d sont pechés qui ne rendent [388] pas l'homme coulpable de la mort æternelle, mais d'une correction temporelle; et partant si l'homme meurt avec iceux, par accident ou autrement, il faut quil subisse le jugement d'une peyne temporelle, moyennant laquelle son ame estant purgëe il ira au Ciel avec les Heureux.

  A001001590 

 De ces pechés parle le Sage, Proverb., 24, Septies in die cadit justus: car le juste ne peut pecher, pendant quil est juste, de peché qui merite la damnation; il s'entend donq quil chet en des pechés ausquelz la damnation n'est pas deüe, que les Catholiques appellent venielz, lesquelz se peuvent purger en l'autre monde, au Purgatoire..

  A001001602 

 Les personnes qui ont reconnu ces escris sont: Monsieur le Marquis de Lulin, gouverneur de la province de Chablays, laquelle province est une des provinces converties par le grand François de Sales, le R. P. Prieur des Chartreux de Ripaielle, Monsieur Serafin, channoinne de S t Pierre de Genaive, agé de 80 annés, Monsieur Jannus, Prieur de Brans en Chablays, Monsieur Gard, channoinne de Notre Dame de l'eglisse Collegialle d'Annessi, Monsieur François Favre, qui a servi de cambrier 20 annés le dit Serviteur de Dieu.

  A001001602 

 Tous les sus nomez assurent estre de la propre main ou de la composition de ce grand Evesque de Genaive, et mesme ils assurent luy en avoir ouy prescher une partie lors quil convertit le pais de Gex et de Chablays..

  A001001648 

 Nous, François Delapesse Viallon, Seigneur dudit lieu, des Serrieres et de Sainct Marcel, prestre, Docteur es Droictz, Conseiller de S. A. R. et Maistre ordinaire en la Souveraine Chambre des Comptes de Savoye, Declarons avec serment, avoir veu soigneusement le traicté de la Primauté de sainct Pierre et des Marques de la vraye Esglise, contenant quinze cayers en feuillies; les douze premiers desquels sont tous escriptz de la main du Venerable Evesque de Geneve, François De Sales, que nous estimons Bienheureux, sauf le respect que nous devons au Sainct Siege, et les trois derniers sont escriptz par un sien secretaire dont nous ne recognoissons pas l'escriture, mais seulement qu'en divers endroitz il y a de la main dudit Venerable Prelat, par continuation ou correction.

  A001001667 

 Nous, Pierre François Jaÿ, Docteur en Theologie, Chantre et Chanoine de l'eglise Cathedrale de S t Pierre de Geneve, Vicaire general et Official de Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Charles Auguste de Sales, Evesque et Prince de Geneve, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douze cayers, tant gros que petits, avoir bien recogneu iceux avoir esté escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François de Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, de tres heureuse et louable memoire; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poinctz de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainçt Pere le Pape, comme [394] Vicaire de Nostre Sauveur et successeur de sainct Pierre.

  A001001677 

 Nous, Jean Claude Jarsellat Bébin, Docteur es Droicts, Chanoine de l'église Cathedrale S t Pierre de Geneve, Officiai a la partie de France de l'Evesché, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petits, et avoir bien recogneu iceux avoir estés escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poincts de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainct Pere le Pape.

  A001001687 

 Attestons encor avoir veu trois autres cayers escritz par autre main que la siene, a la reserve de trois pages par nous reconues avoir esté escriptes par la propre main du dict François De Sales, lesquelz cayers traictent aussy de semblables controverses contre les heretiques.

  A001001687 

 Nous, Don Charles François Chastenoux, Docteur en Theologie, Prevost des Reverends Peres Barnabittes fondés en la ville de Thonon dans la Duché de Chablais, Attestons, a tous qu'il appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petitz, et avoir bien reconuz iceux avoir estés escritz de la propre main et caractere de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, dans lesquelz cayers est traicté de [395] plusieurs poinctz de controverse contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'auctorité de nostre Sainct Pere le Pape.

  A001001714 

 Je reconnois que le 4 e cayet est tout entier escrit de sa main, qui contient 16 feuillets, c'est a dire, 32 pages; je reconnois que les 5 feuilles detacheez qui suivent apres ledit 4 me caiet sont toutes escrittes de la propre main du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Les deux premieres feuilles separeez, et tout le premier caiet et contenant 11 feuilles ou 22 feuilletz, et pareillement le second caiet contenant 6 feuilles ou 12 feuilletz, sont de la propre main du Serviteur de Dieu: comm'aussy les huict premiers feuillets du 3 e caiet, c'est a dire, les 16 premieres pages dudit caiet; mais la 17 e, 18 e, 19 e et 20 e page du mesme cayet sont d'une main estrangere, mais en quelques endroits ils sont corrigés de la propre main dudit Serviteur de Dieu, ce qui fait connoistre qu'il les a dicté; la 21 e, 22 e et 23 e, et 4 lignes et demies de la 24 e page, sont encor de la propre main du Serviteur de Dieu.

  A001001722 

 Je sous signé, Atteste, qu'en l'année 1658, feu Monsieur l'Evesque de Genéve, Charles Auguste de Sales, mon frere, faisant sa visite dans la parroisse de la Thuille, trouva dans nostre chasteau dudit lieu, sous les ruines d'une vieille archive, un petit coffre de sappin fort simple, dans lequel Saint François de Sales, mon oncle, avoit mis les Lettres et autres papiers du Pape, des Nonces et des Princes, concernant sa Mission Apostolique pour la conversion du Chablais, et entr'autres plusieurs cayers écrits de la main du Saint, des matieres de controverses et refutation des erreurs de Calvin, et que le Bien-heureux faisoit imprimer en feüilles volantes, et les distribuoit toutes les semaines secretement dans les familles, pour les instruire des veritez de nostre sainte Foy, d'autant qu'il estoit deffendu par les ministres et Seigneurs heretiques, à tout le peuple, d'aller oüyr le predicateur Apostolique-Romain.

  A001001722 

 L'Escrit susdit fut reconnu et attesté par les anciens parents et amis du B. Saint François de Sales, qui connoissent tres bien son caractere, et moy mesme l'ay tenu et reconnu; l'original en fut envoyé, par plus grand respect et témoignage de verité, à nostre Saint Pere Alexandre VII, et luy fut presenté par le Reverend Pere André de Chaugy, Religieux Minime, Procureur de la Cause de la Canonisation de Saint François de Sales, apres neantmoins en avoir fait tirer une coppie deuëment et fidellement collationnée sur l'original, pour la faire [398] imprimer aprés avoir pris le soin requis en tel cas pour la distinction des chapitres et autres choses.

  A001001733 

 En effet, entre autres papiers tres-authentiques, il s'y rencontra quelques cahiers, petit in folio, tous escrits de la propre main dudit Saint François de Sales, et d'autres de main estrangere, mais corrigez et annotez par luy, par lesquels cayers il fut reconnu que c'estoit des traittez de controverse, composés par ce grand Saint au temps de sa Mission dans le Chablais, et qu'il distribuoit par feuilles aux peuples, apres que les magistrats heretiques leur eurent fait deffence d'aller aux predications du Papiste Romain; lequel traitté fut inseré entre les Actes dudit procez et produit dans ladite partie de la compulsation, pour que la Cour de Rome y eust tel égard que de raison, comme un ouvrage tres-excellant pour la deffense de la Sainte Eglise Romaine.

  A001001733 

 La compulsation et production en estant faite, il fut jugé à propos d'en envoyer l'original à nostre Saint Pere le Pape Alexandre VII, aprés toutes fois en avoir fait attester et reconnoistre la verité du caractere, par personnes celebres, et contemporains dudit Saint François de Sales, qui furent: le sieur de Blancheville, Premier President du Senat de Chambery, ledit Seigneur Charles Auguste de Sales, son neveu, les sieurs Jay et Bébin, Officiaux et Grands Vicaires de [399] l'Evesché de Genéve, et autres; et il est tres-vray qu'il fut reconnu estre de la composition et propre écriture dudit Saint François de Sales.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A002000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A002000026 

 Chapitre IX. De la vertu de la Croix tesmoignee par les Anciens: preuve huitiesme.

  A002000027 

 Chapitre X. De l'honneur de la Croix tesmoigné par les Anciens: preuve neufviesme.

  A002000042 

 Chapitre XIV. De la punition de ceux qui ont injurié l'image de la Croix, et combien elle est haïe par les ennemis de Jesus Christ.

  A002000053 

 Chapitre X. Force du signe de la Croix contre les diables et leurs effortz.

  A002000056 

 Accusation du traitteur contre les Catholiques.

  A002000063 

 Chapitre VIII. Autre division des adorations: selon la difference des manieres avec laquelle les excellences sont participees.

  A002000064 

 Chapitre IX. D'ou se prend la différence de la grandeur ou petitesse entre les honneurs relatifz, et de la façon de les nommer.

  A002000073 

 I. Les Placards; la These sur la Croix.

  A002000086 

 Contre les Heretiques.

  A002000098 

 C'est la premiere besoigne que j'estale, elle est deuë au Seigneur du lieu; les confrairies de Savoye, pour lesquelles je l'ay dressee, la recevront de meilleur cœur, quand elles verront sur son front le glorieux nom de leur protecteur.

  A002000098 

 L'enfer qui n'a pas asses de charbon ni de fumee pour la noircir, produit neanmoins par fois quelques uns de ses barbouillés, qui, voilés du beau manteau de l'Escriture, jettent devant les yeux des simples gens certains brouïllartz de divers discours, pour faire paroistre au travers d'iceux ceste sainte Croix aussi noire et souille qu'elle fut onques.

  A002000098 

 Lhors les noires marques de son infamie furent du tout effacees par le sang sacré de l'Aigneau, [1] auquel ayant trempé la premiere elle en est demeuree pour jamais claire et blanche: comme font les estoles des Bienheureux, qui n'ont tiré leur blancheur que de ce — mesme vermeil.

  A002000098 

 Or, entre plusieurs de la compaignie de la sainte Croix d'Annessi, qui pouvoyent et se sentoyent obligés de respondre a cest escrit, j'en pris fort librement la charge, et fus (a mon advis) advoué de sa divine bonté: car je n'eus pas si tost commencé a dresser cest advertissement, que, pour ne me laisser escrire de sa Croix en clerc d'armes, elle me mit sur les espaules la croix d'une aspre et longue maladie; au relever de laquelle je me [2] trouvay distrait a tant d'occupations, et l'imprimerie tant incommode, que je n'ay peu le produire jusques a ceste heure, qu'en fin il sort, et ne peut sortir sinon a l'abri de la faveur de Vostre Altesse.

  A002000098 

 Son desseinest de combattre pour l'honneur de la Croix blanche, qui est l'enseigne que Dieu a pieça confiee a la serenissime mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chrestienne des devanciers n'eust acquis ce bon heur, il luy seroit meshuy tres justement deu, pour le saint zele que Vostre Altesse a tous-jours eu a la sainte foy et a la memoire de la Croix: mays particulierement quand elle a procuré si vivement, quoy que tres doucement, le restablissement de la Religion Catholique en ses balliages de Thonon et Ternier, se baignant dans un saint ayse d'y voir par tout replanter les saintz Estendartz de salut.

  A002000116 

 A Messieurs les Confreres des compaignies de penitens de la sainte Croix,.

  A002000117 

 des Estatz de Savoye deça les montz.

  A002000124 

 C'est ce que font eternellement les Bienheureux la haut, jettans leurs couronnes aux piedz de Celuy qui est assis au throsne, avec ceste reconnoissance: O Seigneur, nostre Dieu, vous estes digne de prendre la gloire, l'honneur et la vertu; car vous aves tout créé, et tout est et a esté créé par vostre volonté.

  A002000124 

 Et de fait, puysque la creature raysonnable tire le reste de cest univers a son usage, la rayson veut qu'elle l'acquitte de ce devoir qu'il a, et qu'il ne peut rendre luy mesme; a faute dequoy tout se mutinera contre les insensés au jour du jugement, parce qu'ilz n'auront honnoré et glorifié sa divine Majesté.

  A002000124 

 L'honneur et gloire ne logent pas parmi les creatures pour y sejourner et vivre, mays seulement par maniere de passage: leur propre domicile c'est la divinité, comme aussi c'est le lieu de leur naissance.

  A002000124 

 L'univers et chaque piece d'iceluy, pour petite qu'elle soit, a ce commun devoir d'honnorer son Createur, dequoy les Saintz les somment et sollicitent si souvent et si chaudement par tant d'exhortations et cantiques, que leurs livres en sont pleins; mais la façon de faire cest hommage est differente.

  A002000124 

 Les creatures intelligentes le font en leur propre personne; tout le reste le fait par l'entremise des intelligences, comme par leurs procureurs.

  A002000124 

 Les eaux, qui toutes sortent de la mer, ne cessent de ruisseller et flotter jusques a tant qu'elles [5] s'aillent abismer dans leur propre origine.

  A002000124 

 Repetant presque tous les jours, apres saint Paul: Au Roy des siecles, immortel, invisible, au seul Dieu soit honneur et gloire..

  A002000125 

 L'ennemy de la Croix avec lequel j'entreprens de combattre dit ainsy son advis sur ce sujet (et les autres de son parti ne disent pas mieux): «... nous croyons de cœur et confessons de bouche que Dieu seul doit estre servi et honoré... De faict, combien que nous puissions honorer les uns les autres civilement, suivant ce qui est commandé aux [7] inferieurs d'honorer leurs superieurs, si est-ce que quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur à un seul Dieu et à son Fils, et en departir une portion à aucun homme, ou à la croix materielle, ou à creature qui soit.

  A002000126 

 Et c'est a ceste occasion que les magistratz sont appellés dieux.

  A002000126 

 Mais je remarque au contraire: que c'est trop retrancher de l'honneur deu a Dieu, d'en lever le civil et politique; car si la rayson avancee par les Bienheureux est raysonnable, pour vray, non seulement tout honneur religieux, mays aussi tout honneur politique doit estre rendu a Dieu seul.

  A002000126 

 Or, je vous prie, Dieu est-il pas l'autheur et principe de l'ordre politique? Les roys regnent par luy... et par luy les princes maistrisent.

  A002000127 

 Il y va donques de la conscience a honnorer les superieurs, et l'honneur qu'on leur porte est conscientieux..

  A002000128 

 Amarias, disoit Josaphat, presidera es choses qui appartiennent a Dieu; Zabadias, filz d'Ismaël, qui est duc en la mayson de Juda, sera sur les œuvres qui appartiennent a l'office du Roy. Ce sont donques deux choses.

  A002000128 

 Car, comme les magistratz politiques president es choses civiles, aussi font les pasteurs es ecclesiastiques; et le mot de pasteur porte aussi bien son respect que celuy de roy, quoy que ce ne soit par l'ordre politique..

  A002000128 

 Nous devons honneur et respect aux superieurs ecclesiastiques, quelz qu'ilz soyent; et quel honneur peut-ce estre sinon religieux et conscientieux, puysque la qualité pour laquelle on les honnore n'a autre [9] cause ni sujet que la religion et conscience? Les offices et maistrises ecclesiastiques sont toutes autres que les politiques; elles tendent a diverses fins et par divers moyens.

  A002000128 

 Selon l'ordre politique, les roys et souverains ne devroyent aucun honneur de soubmission a personne, et neanmoins ilz doivent honnorer les pasteurs et prelatz de l'Eglise.

  A002000129 

 Disons un mot de l'honneur deu aux Saintz: quelle condition defaut-il aux habitans de ceste heureuse Hierusalem pour ne devoir estre honnorés par nous autres mortelz? Pour vray, le moindre d'eux excelle de beaucoup le premier d'entre nous (comme Nostre Seigneur dit de saint Jean); ilz sont nos superieurs couronnés de gloire, constitués sur tous les biens de leur Seigneur, amis indubitables et plus proches courtisans d'iceluy, qui partant nous doivent estre tres honnorés aussi bien qu'a David.

  A002000129 

 Quelle rayson donques y [10] peut-il avoir pour ne les honnorer pas? Certes, quand nous n'aurions autre communion avec eux que la seule charité, puysqu'ilz nous devancent en tant de perfections, ce seroit asses pour les nous rendre honnorables.

  A002000133 

 Ainsy n'est-il pas dit que les Bienheureux mettent leurs couronnes sur la teste de Celuy qui est assis au throsne, car a la verité elles seroyent trop petites et de ridicule proportion pour ceste grande majesté; mais ilz les jettent aux piedz d'Iceluy, en reconnoissance que c'est de luy et de sa volonté qu'ilz les tiennent.

  A002000142 

 Aussi appelle-on les plus honnorables, excellens, illustres et tres clairs; car, comme la lueur, splendeur et clairté s'espand et communique a tout ce qui l'approche, et plus elle est grande plus elle s'espand et plus loin, ainsy plus l'honneur d'une chose est grand et plus il rend honnorables ses appartenances, selon le plus et le moins qu'elles l'attouchent.

  A002000142 

 Je ne suis pas digne, disoit-il, de porter ses soliers, ou d'en deslier les attaches. D'ou peut venir cest honneur des soliers sinon de l'esclat de la personne a qui ilz estoyent, qui rend saint Jean respectueux et reverend jusques a l'endroit de si peu de chose? Ainsy l'honnorable opinion que ces premiers Chrestiens avoyent de saint Pierre et saint Paul les rendoit honnorables jusques aux ombres et mouchoirs d'iceux, qu'ilz estimoyent moyens sortables a leurs guerisons..

  A002000142 

 L'honneur doit estre mesuré par son objet qui est la perfection et excellence; mays plus une excellence est parfaitte, ou une perfection excellente, plus elle se communique a tout ce qui luy appartient ou depend d'elle; plus donques un honneur est excellent, plus s'estend-il et communique a toutes les appartenances de son objet.

  A002000142 

 Mays le plus excellent honneur est celuy par lequel on honnore tant une chose, que pour son respect on honnore encor toutes ses appartenances et dependances, selon les degrés qu'elles tiennent en ce rang.

  A002000142 

 Or, que le plus excellent honneur soit celuy qui s'estend a toutes les appartenances de la chose honnoree, je ne sçai qui le peut nier, sinon celuy qui [13] aura juré inimitié a la rayson et nature.

  A002000142 

 Partant, l'honneur deu a Dieu doit estre tel, que non seulement il en soit honnoré premierement et principalement, mais aussi consequemment toutes les appartenances d'iceluy.

  A002000143 

 Mais le trait de l'Escriture est sur tout remarquable pour nostre intention, quand il est dit que le nombre des croyans croissoit en sorte qu'ilz portoyent les malades en des places, sur les lictz, a fin qu'au moins l'ombre de saint Pierre les couvrist.

  A002000143 

 Voyes-vous comme l'accroissement de la foy et de l'honneur de Jesus Christ fait croistre l'honneur et [14] estime de ses Saintz et de ce qui depend d'eux? Ainsy saint Gregoire de Tours voulant raconter un miracle que je reciteray ci apres, il y fait ceste preface: « En ce tems ci Jesus Christ est aymé d'une si grande dilection par une entiere foy, que de celuy, la loy duquel les peuples fidelles retiennent es tables de leur cœur, ilz en affigent aussi par les eglises et maysons l'image, peinte en des tableaux visibles, pour une remembrance de vertu.

  A002000144 

 C'est bien une autre philosophie que celle des novateurs qui, pour mieux honnorer Jesus Christ, selon leur advis, rejettent les croix, images, reliques et autres appartenances d'iceluy, ne voulans qu'aucun honneur leur soit donné, par ce, disent-ilz, que Dieu est jaloux.

  A002000144 

 Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus pres? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités? Aussi, tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sainteté, et par consequent quelque honneur, aux creatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales proprietés de sa bonté, qui est la communication.

  A002000144 

 Or Dieu, quoy qu'extremement jaloux, non seulement permet, mais commande que nous aymions les creatures, avec ceste seule condition que ce soit pour l'amour de luy.

  A002000144 

 Or, seroit-ce refuser a Dieu l'honneur et l'amour qui luy est deu, si on ne l'aymoit et honnoroit si parfaitement, que par la l'on n'aymast et honnorast encores toutes les choses qui luy appartiennent, chacune en son rang et degré.

  A002000144 

 Pourquoy seroit-il jaloux de nous voir honnorer les mesmes creatures a mesme condition, puysqu'il n'est jaloux de son honneur que comme d'une dependance de son amour? Au contraire, comme la jalousie de Dieu requiert que nous l'aymions tant et si parfaitement que pour l'amour de luy nous aymions [15] encor les creatures, aussi veut-il que nous l'honnorions tant que pour son honneur nous honnorions encor les creatures.

  A002000145 

 Les payens et idolatres offensent la jalousie de Dieu en la seconde sorte; car ilz donnent pareil et semblable honneur aux creatures que celuy qui est deu a Dieu seul, puysque multiplians les divinités ilz multiplient encor la gloire qui est incommunicable.

  A002000145 

 Les schismatiques de nostre aage offensent la jalousie de Dieu en la premiere façon, luy baillans un honneur si sterile et chetif qu'il n'en produise aucun autre pour les choses qui appartiennent a sa divine grandeur.

  A002000145 

 Mais l'Eglise cheminant par le droit milieu de la vente, sans pencher ni a l'une ni a l'autre des extremités, donne a Dieu un honneur supreme, souverain et unique; fertile neanmoins et fecond, et qui en produit plusieurs autres pour les choses saintes et sacrees, qui est contre les schismatiques et contre les payens et idolatres.

  A002000146 

 J'ay voulu prendre l'air de mon discours de si loin pour bien descouvrir l'estat et le vray point du different que j'ay avec l'autheur du petit traitté contre lequel je fais ceste Defense, lequel a mon advis est cestuy cy: Si ainsy est que la Croix soit une appartenance religieuse de Jesus Christ, luy doit-on attribuer quelque honneur [17] ou vertu dependante et subalterne? Et par les fondemens generaux que j'ay jettés cy devant il appert asses de la verité de la foy Catholique touchant ce point; et neanmoins, toute ceste Defense n'est employee a autre qu'a la confirmer et faire des preuves particulieres de cest article: Qu'il faut attribuer honneur et vertu a la Croix..

  A002000154 

 II. Je proteste aussi que si j'eusse jugé les simples gens qui sont deceuz ou nourris en leurs abus par le traitté de mon adversaire et autres semblables, autant.

  A002000156 

 Il peut bien mettre cent mille millions de mondes en estre, empescher les scandales et blasphemes, et toutefois il ne le fait pas; et sans avoir declairé de le vouloir faire il ne laisse pas de le pouvoir faire.

  A002000156 

 » Pour Dieu, quel blaspheme, que Dieu ne puisse sinon ce qu'il a declairé vouloir; mays au contraire, Dieu n'a onques declairé qu'il voulust qu'un chameau entrast par le trou d'une aiguille, ou que les enfans d'Abraham fussent suscités des pierres, et toutefois il le peut faire, ainsy que l'Escriture temoigne.

  A002000160 

 Je sçay qu'un bon excusant pourroit tirer toutes ces propositions a quelque sens moins inepte que celuy qu'elles portent de prime face, mais il feroit tort au traitteur qui l'entend comme il le dit; et n'est pas raysonnable que l'on reçoive a aucune sorte d'excuse celuy, lequel va pinçant par le menu tous les motz des hymnes et oraisons ecclesiastiques, pour les contourner a mauvais sens, contre la manifeste intention de l'Eglise.

  A002000161 

 Les Anciens, dit-il, faisoyent la Croix de peur d'estre descouvertz; et tout incontinent apres, il dit qu'ilz « faisoient ouvertement ce signe pour monstrer qu'ils n'en avoient point honte... » Ou l'un, ou l'autre est mensonge.

  A002000162 

 « Sainct Hierosme, » dit-il, parlant du Thau mentionné au IX e chapitre d'Ezechiel, « laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains... » C'est un mensonge; car au contraire, saint Hierosme n'allegue le Thau des Samaritains que pour rechercher celuy dont le Prophete et les anciens Hebreux usoyent..

  A002000168 

 Il dit que saint « Athanase, és questions à Antiochus, atteste que les Chrestiens n'adoroient la Croix », la ou ce docteur dit tout le contraire.

  A002000170 

 Estans arrivés au lieu destiné, et le saint Estendart arboré, le Reverend Pere Esprit de Baumes (lequel avec le Pere Cherubin de Maurienne et le Pere Antoyne de Tournon, Capucins, faisoyent les predications des Quarante Heures), estant monté pres de la croix, fit une bonne et courte remonstrance touchant l'honneur et erection des croix, après laquelle l'on distribua plusieurs feuilles imprimees, sur le mesme sujet, dressees par quelque bon religieux.

  A002000170 

 Nous estimons que ceux qui ont ici apporté et divulgué les deux escrits qu'ils font voler en forme de plaquars, ont voulu faire plorer et gemir plusieurs bons Chrestiens d'entre nous.

  A002000170 

 Or il la propose luy mesme en ceste sorte: « Necessité nous est imposee de parler de l'abus insupportable commis touchant la Croix, afin que tous apprennent comment il se faut munir contre le poison de l'idolatrie que le diable vient à vomir derechef en ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage de certains siens instrumens qui, et par paroles et par escrits, taschent à rebastir l'idolatrie, comme les murs de Jericho qui par la voix des trompettes de Dieu sont tombez, dés bon nombre d'annees en ces quartiers.

  A002000170 

 Or, sur le soir, les Confreres d'Annessi revenans devotement en l'oratoire chargerent sur leurs espaules la croix, laquelle des le matin avoit esté apprestee et benie, et s'acheminerent avec icelle asses loin de la au lieu ou elle devoit estre plantee, chantans sous ce doux fardeau, avec une voix pleine de pieté, l'hymne Vexilla regis prodeunt, ayans tous-jours aupres d'eux Monseigneur le Reverendissime suivi d'une tres grande trouppe de peuple.

  A002000170 

 Puys tous les Confreres, ayans receu la benediction de Monseigneur l'Evesque et a son imitation baysé devotement la croix, prirent en bon ordre et silence le chemin de leur retour a Annessi.

  A002000170 

 Saint et devot spectacle, et qui tira les larmes des yeux des plus secz qui le virent..

  A002000170 

 » Il parle de l'Oraison des Quarante Heures qui se fit au village d'Annemasse, l'annee MDXCVII, ou accourut un nombre incroyable de personnes, et entre autres la Confrerie des penitens d'Annessi, aisnee de toutes les autres de Savoye; laquelle, quoy qu'esloignee d'une journee, sçachant que l'on avoit a dresser une grande croix sur le haut d'un grand chemin tirant vers Geneve, pres d'Annemasse, se trouva a fort bonne heure en l'eglise, ou les Confreres ayans communié de la main de Monseigneur le Reverendissime Evesque, elle le suivit aussi a la procession pour faire la [25] premiere heure de l'Oraison, avec la procession de Chablais, en laquelle il y avoit desja grand nombre de nouveaux convertis, qui furent comme les primices de la grande moisson que l'on a recueillie de ce mesme païs et du païs de Ternier.

  A002000171 

 C'est cela qui l'eschauffa a faire ce beau traitté, voyant que non seulement les paroles et les escritz, mays aussi ces grans exemples de pieté dissipoyent les nuages et brouillas que ceux de son parti avoyent opposés a la blanche clairté de la Croix pour en empescher la vraye veuë, et a cuydé pouvoir encor troubler l'air et offusquer les yeux des simples gens par son traitté.

  A002000171 

 Cependant c'est une imposture ce que dit le traitteur, l'honneur et reverence de la Croix (qu'il nomme faussement idolatrie) avoir esté abattue au lieu ou ces Quarante Heures furent celebrees et ces placquars divulgués, car l'exercice Catholique y a tousjours esté maintenu a la barbe de l'heresie, avec un aussi grand miracle comme est celuy par lequel Dieu contient le vaste et fluide element de l'eau dedans les bornes et limites qu'il luy a assignees, qui ne se peuvent outrepasser.

  A002000173 

 Et affin que les armes vous fussent plus a commodité, je vous en ay appresté autant qu'il m'a esté [28] possible en ces quattre livres: lesquelles, si elles ne sont ni dorees ni riches d'aucune belle graveure, je vous prieray de l'attribuer plustost a ma pauvreté que non pas a chicheté.

  A002000173 

 Et puysque vous estes tous liés en une sainte societé, et que les devotes actions des Confreres d'Annessi ont baillé en partie sujet a l'escarmouche que je soustiens, les loix de nos alliances spirituelles requierent qu'un chacun de vous contribue a mon secours.

  A002000174 

 Voulant donq employer ces vers anciens, ne sçachant ou rencontrer un plus chrestien et sortable traducteur pour des autheurs si saintz et graves comme sont ceux que je produis, je le priay de les faire françois; ce qu'il fit volontiers, et pour le service qu'il a voué a la Croix, et pour l'amitié fraternelle que la divine Bonté comme maistresse de la nature a mise si vive et parfaitte entre luy et moy, nonobstant la diversité de nos naissances et vacations, et l'inegalité en tant de dons et graces que je n'ay ni possede sinon en luy..

  A002000175 

 Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la tres [29] sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons heretiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine, mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences: affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu, lhors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem celeste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposees au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.

  A002000185 

 Donques le mot de croix, selon l'usage des Chrestiens, signifie par fois les peynes et travaux necessaires pour obtenir le salut, comme au lieu que je viens de citer; par fois aussi, il signifie une certaine sorte de supplice duquel on chastioit jadis les plus infames malfaiteurs; et autres fois, l'instrument ou gibbet sur lequel ou par lequel on exerçoit ce tourment.

  A002000185 

 La croix et son nom estoit horrible et funeste, jusqu'à ce que le Filz de Dieu, voulant mettre en honneur les peynes et travaux et le crucifiement, sanctifia premierement le nom de croix, si que en l'Evangile il se trouve presque par tout en une signification honnorable et religieuse: Qui ne prend sa croix, disoit-il, et ne vient apres moy, n'est pas digne de moy.

  A002000186 

 Je laisse ce qu'en dient les doctes Bellarmin, lib. II. de Imag., cap. XXIV, ad. 3, et Justus Lipsius, lib. I. de Cruce; mais le seul Calepin en fait la rayson.

  A002000186 

 Or est-il certain que deux pieces de bois, de pierre, ou de quelqu'autre matiere, traversantes l'une a l'autre font une croix, mays elles ne font pas pour cela la Croix de Jesus Christ, de laquelle seule, et non d'aucune autre, les Chrestiens font estat..

  A002000186 

 Si que, voulant monstrer que les passages des anciens Peres cités es placquars ne sont pas bien entenduz, il parle en ceste sorte: « Quelques passages des Anciens y sont alleguez, mais hors et bien loin du sens des autheurs; car, quand les Anciens ont parlé de la Croix, ils n'ont pas entendu de deux pieces traversantes l'une sur l'autre, ains du mystere de nostre redemption, dont le vray sommaire et accomplissement a esté en la Croix, mort et passion de Jesus Christ; et cest equivoque ou double signification de croix, n'estant apperceuë par les sophistes, fait qu'ils errent et font errer.

  A002000187 

 Les Peres donq parlent bien souvent du tourment et de la crucifixion de Nostre Seigneur, mays ilz parlent bien souvent aussi de la vertu et de l'honneur de la Croix, sur laquelle ceste crucifixion a esté faitte.

  A002000188 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne. Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A002000188 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A002000188 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A002000188 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Je dis, 3., que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruict jamais l'ordinaire, et n'est donnee jamais pour la renverser: tesmoins tous les Prophetes, qui jamais ne firent autel contr'autel, jamais ne renverserent la prestrise d'Aaron, jamais n'abolirent les constitutions sinagogiques; tesmoin Nostre Seigneur, qui asseure que tout royaume divisé en soymesme sera désolé, et l'une mayson tumbera sur l'autre; tesmoin le respect quil portait a la chaire de Moyse, la doctrine de laquelle il vouloit estre gardëe.

  A002000189 

 Or la parole de Nostre Seigneur nous oste de toutes ces difficultés, qui a edifié son Eglise sur un si bon fondement, et avec une proportion si bien entendue, que les portes d'enfer ne prævaudront jamais contre elle.

  A002000189 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000197 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneüe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A002000197 

 On pense que toutes les vocations des Prophetes ayent esté extraordinayres et immediates: chose fause; car il [y] avoit des colleges et congregations de Prophetes reconneuz et advoüés par la Sinagogue, comme on peut recueillir de plusieurs passages de l'Escriture.

  A002000198 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A002000199 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A002000200 

 Les Prophetes, combien de miracles ont ilz faictz en confirmation de la vocation prophetique? ce ne seroit jamais faict si j'entrois en ce denombrement.

  A002000200 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A002000202 

 Il a semblé par trois foys a vos ministres que Dieu les eust appellé: 1.

  A002000202 

 Je n'envoÿoys pas les prophetes et ilz couroyent; je ne parloys pas a eux et ilz prophetisoyent. J'ay ouÿ ce que les prophetes ont dict, prophetisans en mon nom le mensonge, et disans, j'ay songé, j'ay songé.

  A002000202 

 Mays non, que maintenant, enseignés de l'Eglise, ilz reconnoyssent que c'est une vocation de l'homme, et que les oreilles ont corné a leur viel Adam, et s'en remettent a celuy qui, comm'Heli, præside maintenant a l'Eglise..

  A002000202 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aye apellé en ces troys façons la.

  A002000202 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouys parler, [en] Hieremie: Ne veuïlles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A002000202 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eue pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A002000202 

 par les peuples et magistratz, 2.

  A002000203 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A002000213 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et très chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A002000213 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A002000214 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A002000215 

 Ceste theologie est [tant] imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill'ans l'Eglise n'estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l'impieté et l'idolatrie..

  A002000215 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A002000216 

 Ou donques Daniel a mal deviné, ou les adversaires de l'Eglise Catholique, quand ilz disoyent l'Eglis'estre invisible, cachëe et abolie.

  A002000217 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A002000217 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A002000217 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors. Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu, de la vigne et du banquet avec l'Eglise, les ouvriers de la vigne et les convies aux noces il les nomme apellés et convoqués: Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.

  A002000219 

 J'entens parler de l'Eglise militante de laquelle l'Escriture nous a laissé tesmoignage, non de celle que proposent les hommes.

  A002000220 

 Comme se peut entendre tout cecy d'une Eglise invisible? ou la chercheroit on pour luy faire les plaintes, pour converser en icelle, pour la regir? Quand ell'envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l'assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit? Je ne crois pas que chacun ne voye clerement que c'estoit effectz visibles et perceptibles de part et d'autre.

  A002000220 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A002000221 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A002000222 

 Esaïe parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voye droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A002000222 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, ajfin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A002000223 

 En fin, Zuingle, Œcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appellés pasteurs par leurs sectateurs.

  A002000223 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A002000223 

 Je ne sçay s'il me faudra prouver que les pasteurs de l'Eglise soyent visibles; on nie bien des choses aussy claires.

  A002000223 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A002000223 

 On voyt donq les pasteurs, et par consequent les brebis..

  A002000223 

 Saint Pierre estoit pasteur, ce crois je, puysque Nostre Seigneur luy disoit: Repais mes brebis; aussy estoyent les Apostres, et neantmoins on les a veu.

  A002000225 

 Ne sçait on pas que les douze Patriarches, enfans du bon Jacob, furent la source vive de l'eglise d'Israel; et quand leur pere les eut assemblé devant soy pour les benir, on les voyoit, on s'entrevoyoit entr'eux.

  A002000226 

 Comme les Patriarches, peres de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair, faysoyent l'eglise [Judaïque] visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinagogue selon la chair, et, selon l'esprit, de Nostre Seigneur, donnerent le commencement a l'Eglise Catholique visiblement, selon le Psalmiste: Pour tes peres te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre: « pour douze Patriarches te sont nais douze » Apostres, dict Arnobe.

  A002000227 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A002000227 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A002000227 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A002000227 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A002000227 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A002000227 

 Les anciens quelle manducation religieuse et sacrëe avoyent ilz? de l'aigneau Paschal, de la manne, tout est visible; nous [46] autres, du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible.

  A002000229 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A002000230 

 2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique..

  A002000231 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venue quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A002000232 

 Mays jamais Catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la Croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante qui n'est autre que Dieu mesme, qui, par la Croix, fait les miracles quand bon luy semble en tems et lieu, ainsy qu'il le declaira luy mesme de sa robbe quand il guerit ceste pauvre femme; car il ne dit pas: j'ay senti une vertu sortie de ma robbe, mays, j'ay apperceu une vertu sortir de moy; et tout de mesme n'avoit-il pas dit: qui est-ce qui a touché ma robbe? mays plustost, qui est-ce qui m'a touché? Comme donq il advoüa que toucher sa robbe par devotion c'est le toucher luy mesme, aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire a ceux qui touchent sa robbe.

  A002000232 

 Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre Seigneur qui est la vertu, non inherente a la Croix, mays bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle mesme, car estant vertu de Dieu et Dieu mesme elle est invariable, tous-jours une et esgale, mays elle n'est pas tous-jours esgale en l'exercice et selon les effectz; car en quelques endroitz, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles et plus grandes et plus frequentes que non pas aux autres.

  A002000238 

 Ce que j'ay deduit jusques ici monstre asses combien est honnorable le bois que Nostre Seigneur porta, comme un autre Isaac, sur le mont destiné, pour estre immolé sur iceluy en divin Aigneau qui lave les pechés du monde; mais voyci des raysons particulieres inevitables.

  A002000239 

 Le sepulchre du Sauveur n'a rien eu plus que la Croix; il receut le cors mort que la Croix porta vivant et mourant, mais il ne fut point l'exaltation de Nostre Seigneur, ni instrument de nostre redemption, et neanmoins voyla le prophete Esaye qui proteste que ce sepulchre sera glorieux: Et erit sepulchrum ejus gloriosum. C'est un texte tres expres, et saint Hierosme, en l'epistre a Marcelle, rapporte ce trait d'Esaye a l'honneur que les Chrestiens rendent a ce sepulchre, y accourans de toutes partz en pelerinage..

  A002000240 

 Jacob ayant veu Dieu et les Anges en Bethel, combien tient-il ce lieu pour honnorable? L'Ange qui apparut a Josué, es campaignes de Hiericho, luy commanda de tenir ce lieu-la pour saint, et d'y marcher a piedz nudz par reverence.

  A002000243 

 Qui ne sçait que la Croix a esté le sceptre de Jésus Christ, dont il est escrit en Esaye, Duquel la principauté est sur son espaule? car tout ainsy que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim filz d'Elcias, pour le mettre en possession de son Pontificat, Nostre Seigneur aussi print sa Croix sur son espaule, lhors que chassant le prince du monde, prenant possession de son Pontificat et de sa Royauté, il attira toutes choses a soy: comme interpretent saint Cyprien au Livre second contre les Juifz, et saint Hierosme au Commentaire, et Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le tems de Constantin le Grand, au livre De mysteriis profanarum religionum, cap. XXII, et plusieurs autres des Anciens; quoy que Calvin sur ce passage, sans authorité ni rayson, se moque de cette interpretation, l'appellant frivole.

  A002000244 

 Le bois de la Croix a eu des qualités qui le rendent bien venerable; c'est qu'il a esté le siege de la Royauté de Nostre Seigneur, comme dit le Psalmiste: Dites es nations que le Seigneur a regné par le bois, ainsy que lisent les Septante, saint Augustin, saint Justin le Martyr, et saint Cyprien qui remarque que l'escriteau qui fut mis sur le bout de la Croix, en Hebreu, Grec et Latin, declaira que alhors se verifioit le mistere [53] predit par David; dont les Juifz, en haine des Chrestiens, avoyent raclé le mot a ligno, comme dit Justin.

  A002000245 

 Mays quand il n'y auroit autre que ce qu'elle est la vraye enseigne, le vray ordre et vrayes armoiries de nostre Roy, seroit-ce pas asses pour la rendre venerable? Les coquilles, toysons et jarretiers sont en honneur quand il plait aux princes les prendre pour enseigne de leur ordre: combien sera plus respectable la Croix du Roy des roys, qu'il a prise pour son enseigne? Dequoy voicy la preuve tiree de l'Escriture, que le traitteur a laissee par non sçavance.

  A002000245 

 Quelle ineptie d'apparier les autres instrumentz de sa Passion a celuy ci: car ou trouvera-on que le Sauveur soit appellé fouetté, lié et garotté? et vous voyes qu'il prend a nom Crucifié ou Crucifix.

  A002000246 

 Et la Croix qui au paravant estoit une verge seche et infructueuse, des qu'elle fut dediee au Filz de Dieu et que son nom y fut attaché, elle fleurit et fleurira a jamais a la veuë de tous les rebelles.

  A002000246 

 Pour vray le traitteur seroit bien desesperé, s'il vouloit meshui se servir de cest argument, tant chanté parmi les Reformeurs, qu'il faut rejetter la Croix comme gibbet de nostre bon Pere, et que le filz doit avoir en horreur l'instrument de la mort de son pere.

  A002000246 

 on l'enferreroit par son dire propre, quand il loue infiniment la mort, les passions et les souffrances de Nostre Seigneur, et a rayson; mays si les propres douleurs et afflictions sont aymables et louables, pourquoy rejettera-on les instrumentz d'icelles, s'il n'y a autre mal en eux que d'avoir esté instrumentz? Le filz ne peut avoir en horreur le gibbet de son pere, s'il a en honneur la mort et souffrance d'iceluy; pourquoy rejetteroit-il les outilz de ce qu'il honnore? 2.

  A002000247 

 Je vous prie, en fin, de vous resouvenir de l'honneur que saint Jean portoit aux soliers mesmes de Nostre Seigneur, il les prisoit tant qu'il s'estimoit indigne de les toucher; qu'eust-il fait s'il eust rencontré la Croix? Le parfait honneur s'estend jusques aux moindres appartenances de celuy que l'on ayme. [57].

  A002000253 

 Ce traitteur, oubliant ce qu'il a dit icy, ailleurs parle en ceste sorte: « Nous ne nions pas que, pour authorizer la predication de l'Evangile rejettee alors par les payens ayans la vogue presque par tout le monde, Dieu n'ait fait des miracles au nom de Jesus Christ crucifié.

  A002000253 

 Et c'est ce que Athanase declare au commencement de son livre contre les idoles, qu'apres la venue de la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, et que par ceste marque toutes deceptions des diables sont chassees.

  A002000253 

 J'ay monstré cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirees a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions negatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tres impertinent.

  A002000253 

 Mays, laquelle sera vraye, sinon celle que non seulement saint Athanase a proferee, ains est enseignee par Jesus Christ et les Prophetes, et creüe par toute l'ancienneté? [59].

  A002000253 

 [58] « Il semble, » dit-il, « que Dieu a voulu prevenir « l'idolatrie, laquelle neantmoins Satan a introduite au monde; car, comme il n'a point voulu que le sepulchre de Moyse ait esté cogneu, aussi n'y a-il point de tesmoignage que Dieu ait voulu la Croix de son Fils venir en notice entre les hommes.

  A002000254 

 Pour vray tous les Prophetes ont predit qu'a la venue de Nostre Seigneur, par sa Croix et passion, les idoles seroyent abolies: Et non memorabuntur ultra, il n'en sera plus memoire, dit Zacharie.

  A002000255 

 Et quant a l'exemple que vous apportes du sepulchre de Moyse, je ne sçai comme il ne vous a ouvert les yeux; car laissant a part la deshonneste comparaison que vous faites entre les Juifz et les Chrestiens, quant au danger de tomber en idolatrie, ne devies-vous pas raysonner en ceste sorte: Dieu qui n'a pas voulu que le sepulchre de Moyse ait esté conneu, pour prevenir l'idolatrie, a toutefois voulu que le sepulchre de Nostre Seigneur ait esté conneu et reconneu en l'Eglise Chrestienne, comme tout le monde sçait et personne ne le nie.

  A002000256 

 Or, voyons maintenant comme nostre traitteur enfile les raysons qu'il a pour sa negative..

  A002000257 

 « Car de dire, » ce sont ses paroles, « que la Croix a esté conservee et enterree au lieu où elle avoit esté erigee, qui estoit comme on devine le lieu où estoit enterré Adam, cela n'a vray-semblance aucune; car, si on croit les Anciens, Adam a esté enterré en Hebron et non pres de Jerusalem.

  A002000257 

 » Si donq on croid les Anciens, Adam aura esté enterré au mont Calvaire.

  A002000258 

 « Item, » dit-il, « veu que les disciples et Apostres de Jesus Christ ont esté espars durant la mort d'icelui, et qu'apres son ascension ils ont esté prohibez de parler au nom de Jesus Christ, que Jerusalem peu apres a esté reduite à totale extremité et ruine, quelle apparence y a-il qu'elle ait esté adonc serree et honoree par ceux qui ont adheré à Jesus Christ? » Un enfant verroit cette ineptie: l'Eglise a esté persecutee, donq elle n'a pas serré la Croix.

  A002000259 

 Mais ce n'est que pour embrouiller que ce traitteur dit ceci, car nous ne disons pas que ce soyent les amis de la Croix qui l'ont ainsy enterree, ains plustost les ennemis d'icelle, affin d'en abolir la memoire, l'ont ainsy cachee.

  A002000260 

 Le seul saint Hierosme devroit suffire pour faire mieux appris ce traitteur; voyci ses paroles en l'epistre a Paulinus: « Des le tems d'Adrian jusques au regne de Constantin, l'idole de Jupiter a esté reveree par l'espace de presque cent quattre-vingtz ans sur le lieu de la resurrection de nostre Sauveur, par les Gentilz; et de mesme en ont-ilz fait a celle de Venus qui estoit eslevee en marbre sur la montaigne de la Croix, les autheurs de la persecution se persuadans que par ce moyen ilz enleveroyent de nostre estomac la foy de la resurrection et de la Croix, s'ilz venoyent a polluer les lieux saintz par leurs idoles.

  A002000260 

 Or sur tout, le traitteur se fasche de ce qu'on dit que sur le mont de la Croix on adjousta les idoles de Venus et d'Adonis.

  A002000260 

 « Qui est-ce, » dit-il, « qui ne rejettera [63] ceste fable, s'il considere la haine que portoyent les Juifs à toutes sortes d'images? » Mais je diray: qui est-ce qui ne rejettera l'ineptie de ce petit traitteur, s'il considere qu'on ne dit pas que ce soyent les Juifz, mais les Gentilz, qui ayent fait cela? et que ce n'est pas Esope qui raconte ce fait, mais une infinité de tres graves et anciens autheurs comme Eusebe, Ruffin, Paulin, Sulpice, Theodoret, Sozomene, Socrates.

  A002000260 

 » Voyes-vous a quel propos ce traitteur allegue la jalousie des Juifz, puysque on ne dit pas que ce fussent les Juifz, mais les Gentilz? et a quel propos il allegue le tems de la ville de Hierusalem, puysque ce fut apres son extermination?.

  A002000261 

 Qui sera donq si desesperé que de mettre en doute ceste histoire tesmoignee par tant de graves autheurs, et tous voysins des tems dont ilz ont parlé, pour bailler credit a ce contrediseur qui, sans rayson, apres douze [64] cens ans, les vient impudemment desmentir? Mais, ce dit le traitteur, « tels contes ne servent sinon à aneantir la Croix de Christ.

  A002000262 

 « La saincte histoire, » replique le traitteur, « nous enseigne bien une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, en ce qu'ils ont rejetté la predication de l'Evangile... » Voyla pas une belle rayson? Je confesse que celle-la est une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, mais il ne s'ensuit pas qu'ilz n'ayent tenu encor celle qui est recitee par ces anciens Peres; car l'une n'est pas contraire a l'autre, mays s'entresuivent..

  A002000263 

 Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions qu'il a escrittes a Antiochus, dit par expres ces paroles: « Certes, nous adorons la figure de la Croix composee de deux bois »? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et [65] image n'est qu'une mesme chose; mais certes, c'est une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appellé disertement image de Dieu en l'Escriture.

  A002000263 

 Il fait dire a saint Athanase, au commencement du livre Contre les idoles, « qu'apres la venue de la Croix toute l'adoration des images a esté ostee... » Voyla une fauseté bien expresse, car saint Athanase ne parle point la des images, mays des idoles.

  A002000264 

 L'absurdité est toute pareille quand il dit que « les noms des idoles ont esté changez, mais les choses sont demeurees au Christianisme »; car, a ce conte-la, ce que nous appelions Jesus Christ ne sera autre que le Jupiter des payens, et le baptesme de Calvin, Beze et telz autres qui furent baptizés parmi les Catholiques sous le nom de la sainte Trinité, ne sera fait en realité qu'au nom et en la vertu de quelques idoles.

  A002000264 

 La vehemence du mal-talent que ces reformeurs ont contre l'Eglise Catholique les offusque tellement, que pour nous courir sus ilz vont fondre dans ces precipices.

  A002000264 

 Mais tout revient a ce point de faire les Chrestiens idolatres et Jesus Christ idole.

  A002000265 

 Ce sont donques les parolles de saint Paulin: « Donques, » dit-il, « la Croix du Seigneur si long tems couverte, cachee aux Juifz au tems de la Passion, et qui ne fut point descouverte aux Gentilz, qui sans doute creuserent et tirerent beaucoup de terre pour l'edification du temple qu'ilz avoyent dressé sur le Mont de Calvaire, n'a-elle pas esté cachee par la main de Dieu, a ce que maintenant elle fust trouvee quand elle a esté religieusement cherchee? ».

  A002000265 

 Et cependant ce n'est pas un petit argument pour la vertu et honneur de la sainte Croix, que Dieu l'ayt ainsy conservee pres de trois cens et trente ans sous terre, sans que pourtant elle soit aucunement pourrie, et que les ennemis du Christianisme ayans fait tout leur possible pour en abolir la memoire, elle leur ait esté cachee pour estre revelee en un tems auquel elle fust saintement reveree; et pour tant plus rendre le miracle de l'invention et conservation de ceste sainte Croix illustre, avoir conservé deux autres croix qui donnassent occasion a la preuve miraculeuse que l'on eut de la vertu de la troisiesme.

  A002000273 

 Aussi ne s'accorde sainct Ambroise avec les autres historiens, car il dit que ceste Croix fut cognue au titre d'icelle, et les autres disent que ce fut par la [69] « guerison miraculeuse d'une femme.

  A002000274 

 Et quant a Panvinius, voyant Platine dire que ceste invention fut faite sous Eusebe, il se resoult, et dignement, a l'opinion contraire, ne laissant pas la chose indecise, comme presuppose le traitteur, qui s'enferre luy mesme quand, laissant les autheurs d'accord en l'invention de la Croix, il allegue seulement leur discorde en l'aage et tems d'icelle; car c'est purement confesser ce qu'il avoit premierement nié, a sçavoir, qu'il y a bon tesmoignage que Dieu a voulu que la Croix de son Filz vint a notice.

  A002000274 

 Mais il y a plus, car tous les plus graves autheurs qui ont escrit de l'invention de la sainte Croix, comme saint Ambroise, saint Paulin, Eusebe, Ruffin, Sozomene, Socrates asseurent qu'Heleine fut inspiree d'aller a la recherche de ce bois sacré.

  A002000276 

 Et saint Ambroise ne se trouvera point contraire en cest endroit aux autres, car ce qu'il dit, les autres le disent, quoy qu'il ne die pas tout ce que les autres disent.

  A002000276 

 On commença donques a la [72] connoistre par le lieu de l'affixion du tiltre; c'est ce que rapporte saint Ambroise: puys on la reconneut encores mieux, et plus parfaitement, par les miracles que Dieu fit a l'attouchement de ce saint bois; car Heleine ayant trouvé trois croix aupres du sepulchre, et ne pouvant reconnoistre a plein laquelle estoit la sainte et sacree, Macaire, Evesque de Hierusalem, fit une fort belle priere a Dieu, recitee par Ruffin, pour obtenir un signe par lequel on peust discerner la Croix de Jesus Christ.

  A002000276 

 Or y avoit-il, la pres, une dame presque morte d'une maladie longue et incurable, a laquelle on appliqua les deux croix des larrons; mais pour neant, car la mort ne les craignoit point; on la toucha donques du bois de la Croix sainte, et tout aussi tost la mort se retira bien loin, ne pouvant porter l'effort de la Croix sur laquelle elle avoit esté pieça vaincue et morte, lhors qu'elle osa entreprendre d'y faire mourir la vie: ainsy ceste femme, toute guerie sur le champ, se leve cheminant et louant le Crucifié.

  A002000277 

 Crucis, qui ne fait rien contre nous, puysque les Catholiques ne tiennent pas ce disciple pour maistre de leur foy; et ne disons pas que quelque particulier Catholique ne puisse avancer quelque chose mal asseuree, mais cela ne prejudicie point a la foy publique de l'Eglise. Cependant Discipulus ne baille pas ce conte-la pour chose asseuree, mais proteste de l'avoir pris du livre apocriphe de Nicodeme, ce que le traitteur a dissimulé.

  A002000277 

 Enfin ce traitteur dit plusieurs choses en cest endroit sans alleguer autres autheurs, sinon quelqu'un et quelques uns, a quoy je ne suis obligé de respondre jusques a ce qu'il les me nomme.

  A002000281 

 Car les Anciens s'en sont servis: 1.

  A002000281 

 L'on trouve que le saint bois de la Croix a eu plusieurs usages parmi les Chrestiens, des son invention, mays parlant generalement on les peut reduire a trois.

  A002000281 

 Or le traitteur fait semblant d'ignorer tout cecy; et quant au premier usage, qui est de representer la Passion, il en parle en ceste sorte: « Si par le mot de croix nous entendons les souffrances que le Fils de Dieu a portees en son corps et en son ame, ayant esté rempli de douleurs, comme dit Esaye, chap. 53, et ayant esté contristé en son ame jusques à la mort, voire ayant beu la coupe de l'ire de Dieu, à cause dequoy il a crié: mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? il est certain que telles souffrances [75] ne se peuvent representer, car nos sens ne les sauroyent comprendre; mais par la foy nous entendons qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons en nostre symbole que nous croyons que Jesus Christ a souffert, qu'il a esté crucifié, mort et enseveli, et est descendu aux enfers: que si cela est indicible, il est aussi irrepresentable.

  A002000282 

 Les choses invisibles de Dieu se voyent de la creature du monde par les choses faites.

  A002000282 

 Puys encor dit-il mal, car quoy que ceste valeur et ce merite de la Passion soyent infinis, et que nos sens ne les puissent comprendre, ilz sont neanmoins representables, autrement ilz ne seroyent pas croyables: rien n'est creu qui ne soit premier representé a nostre ouÿe, qui est un de nos sens.

  A002000282 

 Si par les souffrances de Nostre Seigneur, il entend la valeur et merite d'icelles, il dit vray qu'elles sont infinies; mais il s'explique mal les appellant souffrances, douleurs, tristesses, couppe de l'ire de Dieu et abandonnement d'iceluy: il faudroit plustost les appeller consolation et douce eau salutaire, de laquelle les abbreuvés n'auront jamais plus soif.

  A002000282 

 [76] Ainsy les cieux nous representent et annoncent la gloire de Dieu; ainsy les Cherubins, quoy qu'invisibles et surmontans de bien loin la capacité de nos sens, n'ont pas laissé d'estre representés en l'ancienne Loy..

  A002000283 

 Qui est-ce qui, voyant la Croix de Nostre Seigneur, ne se represente sa mort et passion? « J'ay veu bien souvent, » dit saint Gregoire Nissene, « la figure de la Passion, et n'ay peu passer les yeux sur ceste peinture sans larmes, lhors que je voyois l'ouvrage de l'artifice estre demonstré en la personne signifiee.

  A002000283 

 S'il entend les propres peynes, souffrances et passions de Nostre Seigneur, il est inepte de dire qu'elles sont irrepresentables; car, qu'est-ce que representoyent tant de sacrifices sanglans de l'ancienne Loy? Et qu'est-ce que represente maintenant l'Eucharistie, sinon la passion et mort du Sauveur? Jacob n'eut pas plus tost veu la robbe de son filz Joseph ensanglantee, que tout a coup il se representa tant vivement la mort presupposee d'iceluy, qu'il ne pouvoit estre consolé.

  A002000283 

 » C'estoit lhors qu'il voyoit l'image d'Abraham sacrifiant son filz, tant elle lui representoit piteusement les martires de ces deux personnages, et la passion de Nostre Seigneur qui y estoit figuree..

  A002000284 

 Et est encores inepte, ce traitteur, s'il veut dire que les souffrances mesmes sont infinies, par ce que boire l'ire de Dieu et estre abandonné d'iceluy est un mal infini; il semble neanmoins que ce soit son intention, [77] quand il dit que le Sauveur a beu la couppe de l'ire de Dieu, et met entre les articles de la Passion la descente aux enfers, ce que sans doute il rapporte a la crainte que Calvin attribue a Jesus Christ, disant qu' « il eut peur et crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu.

  A002000284 

 Le traitteur donq ne peut pas dire que les souffrances de Nostre Seigneur sont irreprensentables pour estre infinies, et moins encor pour estre indicibles; car Dieu, qui est infini, ne laisse pas de nous estre representé en plusieurs sortes, et sa gloire mesme, quoy qu'elle soit indicible quant a la grandeur de ses perfections.

  A002000285 

 Les choses sont representees par leurs effectz, par leurs ressemblances, par leurs causes, et en fin, par tout ce qui en resveille en nous la souvenance; car tout cela nous rend les choses absentes comme presentes..

  A002000285 

 Or, ces inepties sont mises en avant par le traitteur, d'autant qu'il pense que pour representer une chose il la faille ressembler de toutes pieces, ce qui est sot et ignorant; car les plus parfaittes images ne representent [78] que les lineamens et couleurs exterieures, et neanmoins on dit, et il est vray, qu'elles representent vivement.

  A002000286 

 Je confesse tout cela, mays je dis aussi que cest article est representable, non pas certes parfaitement (car, qui representeroit jamais la valeur et le prix de ce sang divin, et la grandeur des travaux inteneurs du Sauveur?) mays il est representable comme les hommes et les maysons, dont on ne represente que les visages et façades exterieures.

  A002000286 

 » Ainsy Constantin le Grand, en l'epistre a Macaire, appelle les lieux du sepulchre et Croix de Nostre Seigneur: « Significationem Passionis sanctissimæ: Signe de la tres sainte Passion.

  A002000286 

 » Et plus bas, parlant de l'invention de la Croix, il dit « que les Juifz l'eussent abolie s'ilz l'eussent trouvee, et n'eussent peu souffrir, » ce sont ses paroles, « qu'en la Croix [79] demeurant en estre, la Passion de celuy-la fust honnoree, duquel ilz ne peuvent supporter la resurrection estre reveree, laquelle a esté prouvee par le sepulchre vuide, les sceaux en estans levés.

  A002000287 

 Mays, s'il m'est permis de parler par experience, quelle devotion vit-on s'allumer parmi les deux Confrairies d'Annessi et de Chambery, lhors qu'estans allees en procession a Aix, elles eurent ce bien d'y voir la sainte piece du bois de la Croix, laquelle y est conservee; personne ne se peut tenir de pleurer et souspirer vers le ciel a la veuë de ce pretieux gage.

  A002000290 

 Les Anciens, ayans consideré les raysons que nous avons tirees cy devant de l'Escriture Sainte pour l'honneur et vertu du bois de la sainte Croix, et ayans esté asseurés de grand nombre de miracles que Dieu avoit fait en iceluy et par iceluy, ilz l'ont employé comme une defense et rempart contre toutes sortes d'adversités..

  A002000292 

 II. Ilz avoyent veu les miracles de son invention: 1.

  A002000293 

 Cela fut cause qu'ilz la mirent en usage comme un grand remede et preservatif; et partant, Heleine envoya un des clouz de la Croix pour mettre en la couronne de Constantin son filz, « a fin qu'il fust en ayde et secours pour la teste de son filz, et en repoussast les fiesches des ennemis: Qui præsidio esset capiti filii sut, et hostium tela repelleret.

  A002000293 

 » Ce sont les paroles de Theodoret.

  A002000295 

 Et pour tout cela elle n'en amoindrit point et n'en sent point de perte, et demeure comme si on n'y avoit point touché, les hommes prenans tous les jours d'icelle partagee et divisee, l'honnorans tous-jours neanmoins toute entiere.

  A002000295 

 Tout ceci se rapporte a ce que saint Paulin en dit plus expressement escrivant a Severe, la ou ayant dit qu'on ne pouvoit voir la piece de la vraye Croix qui estoit en Hierusalem sinon par le congé de l'Evesque, il continue en ceste sorte: « Par la seule faveur duquel on a ce bien, d'avoir des petites piecettes et particules de ce bois sacré pour une grande grace de foy et benediction, laquelle Croix mesme, ayant une vive vigueur en une matiere insensible, elle preste des ce tems la et fournit de son bois aux desirs presque tous les jours infinis des hommes.

  A002000331 

 Ce sont presque les parolles d'Evagrius qui recite cecy comme tesmoin oculaire.

  A002000331 

 Evagrius recite que la ville d'Apamee estant reduitte a l'extremité par le siege de Cosroës, les habitans prierent leur Evesque, nommé Thomas, de leur monstrer une piece de la Croix qui estoit la.

  A002000332 

 Ce n'est donq pas merveille si saint Ambroise, parlant du clou de la Croix, dit que « c'est un remede pour le salut, et que par une puissance invisible il tourmente les diables »; et saint Cyrille, que jusques a son tems le bois de la Croix qui estoit en Hierusalem guerissoit les maladies, chassoit les diables et les charmes.

  A002000333 

 Qu'est-ce que respondra a tout cecy le traitteur? dira-il que les tesmoins que je produis sont reprochables? mays certes, ce sont tous autheurs graves.

  A002000339 

 J'ay dit cy dessus que les Anciens avoyent en usage le bois de la sainte Croix pour honnorer en iceluy Jesus Christ crucifié, d'autant que l'honneur de la Croix se rapporte tout au Crucifix.

  A002000340 

 Saint Chrysostome nous a tesmoigné qu'on enchassoit les autres en or, et les pendoit-on au col par honneur; saint Gregoire Nissene nous a dit que sainte Macrine en portoit une dans une croix d'argent.

  A002000340 

 Theodoret, Ruffin, saint Paulin et les autres racontent qu'Heleine fit dresser un magnifique temple, sur le mont de la Croix, tout lambrissé en or, dans la sacristie duquel estoit pretieusement gardee une piece de la Croix.

  A002000340 

 par les lieux honnorables dans lesquelz ilz logeoyent les pieces de la Croix.

  A002000340 

 » Et le mesme Paulin mit par honneur, en une belle eglise de Nole, une piece de la Croix avec les reliques des Saintz, dans le maistre autel, avec ces vers:.

  A002000358 

 Les cors de saintz Martyrs que pour siens ell'honnore;.

  A002000369 

 Ayans avec la Croix les cendres glorieuses.

  A002000372 

 Cy la Croix, la les os des serviteurs de Dieu,.

  A002000377 

 Et saint Paulin dit que ceste piece-la n'estoit monstree sinon les festes de Pasques, « hormis a la requeste de quelques devotes personnes, qui alloyent seulement en pelerinage en Hierusalem pour voir ceste sainte relique, en recompense de leur long voyage.

  A002000377 

 Par les pelerinages que l'on faisoit en Hierusalem pour visiter la sainte Croix.

  A002000377 

 » Ce sont les paroles de Socrates.

  A002000378 

 Par l'adoration solemnelle de ceste mesme Croix qui estoit en Hierusalem; « laquelle, » et ce sont les paroles de saint Paulin, « l'Evesque de ceste ville la produit [90] toutes les annees a Pasques pour estre adoree du peuple, luy estant le premier a l'honnorer: Episcopus urbis ejus quotannis, cum Pascha Domini agitur, adorandam populo princeps ipse venerantium promit.

  A002000378 

 » Et ceux que Eviratus raconte y avoir fait pelerinage, y alloyent pour adorer la sainte Croix et les lieux venerables, comme dit expressement l'histoire..

  A002000379 

 Mays il y a bien plus, car, auparavant mesme que la Croix fust trouvee par Heleine, les Chrestiens monstroyent en quel honneur ilz avoyent la Croix, honnorans mesme le lieu ou elle avoit esté plantee; ce qui est touché par tous les autheurs, mays beaucoup plus expressement par Sozomene qui dit « que les ennemis de la Croix avoyent dressé un temple a Venus, dans lequel ilz avoyent mis l'idole d'icelle a ceste intention, que ceux qui adoreroyent Jesus Christ en ce lieu-la semblassent adorer Venus, et que, par longueur de tems, la vraye cause vint en oubli pour laquelle les hommes venerent ce lieu-la.

  A002000379 

 » Donques les Gentilz virent que les Chrestiens veneroyent ce saint lieu auquel Nostre Seigneur avoit esté crucifié; combien plus eussent-ilz veneré la sainte Croix?.

  A002000386 

 Et Sozomene, apres avoir raconté l'histoire de l'invention [91] de la Croix et les merveilles qui s'y firent: « Ni cela, » dit-il, « n'est pas tant esmerveillable, principalement puysque les Gentilz mesme confessent que cecy est un vers de la Sibile:.

  A002000393 

 Parce que les Anciens estimoyent de beaucoup s'entre honnorer quand ilz se donnoyent les uns aux autres des pieces de la Croix par present, comme nous avons veu d'Heleine et de Constantin, de sainte Meleine et de Paulin et de Sulpice.

  A002000394 

 Les Anciens ont honnoré la Croix luy attribuans plusieurs noms honnorables: comme Heleine et saint Ambroise l'ont appellee « Estendart de salut, Triomphe de Jesus Christ, Palme de la vie eternelle, Redemption du monde, Espee par laquelle le diable a esté tué, Remede de l'immortalité, Sacrement de salut, Bois de verité; » saint Paulin l'appelle « Defense de la vie presente, gage de l'eternelle, chose de tres grande benediction; » Macaire, Evesque de Hierusalem, l'appelle « Bois bien heureux, Croix qui a esté pour la gloire du Seigneur; » Justinien l'Empereur, « sacrum Christianorum Signum: Signe sacré des Chrestiens; » et le grand saint Cyrille, au recit du traitteur mesme, l'appelle « Bois salutaire », et ailleurs, « Trophee du Roy Jesus; » Eusebe, « Bois tres heureux; » Lactance, « Bois venerable.

  A002000406 

 Et la rayson y est bien apparente, parce que, entre toutes les croix, la vraye Croix est le plus proprement signe et Estendart de Jesus Christ..

  A002000407 

 Saint Chrysostome proteste « que si quelqu'un luy donnoit les sandales et robbes de saint Pierre, il les embrasseroit a bras ouvertz et les mettroit comme un celeste don dans le plus creux [94] de son cœur »; combien eust-il plus honnoré la Croix de son Redempteur? Et saint Augustin, lequel recite que plusieurs miracles s'estoyent faitz avec un peu de la terre du Mont de Calvaire apportee par Hesperius l'un de ses familiers, et entre autres qu'un paralytique y estant apporté avoit esté soudain gueri, et qu'il avoit mis ceste terre-la honnorablement en l'Eglise: quel respect eust-il porté a la Croix de Nostre Seigneur? Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la memoire des miracles que Dieu fait en icelle, et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur, tout au long de son escrit..

  A002000419 

 Les autres, estimans que les deux bois de la vraye Croix se traversoyent en telle sorte que l'un surpassoit l'autre, ont fait l'image de la Croix en mesme maneire, affigeans l'escriteau a la partie plus haute.

  A002000419 

 Or, l'on a fait les images de la Croix en diverses sortes, selon la diversité des opinions qui ont esté de la forme et figure de la vraye Croix: car les uns l'ont peinte comme un grand T latin ou grec, comme aussi se faisoit le Thau ancien des Hebreux, duquel saint Hierosme dit qu'il estoit fait en maniere de croix.

  A002000420 

 Les autres mettoyent sur la Croix une couronne esmaillee, qui de pierres pretieuses, comme [98] Constantin fit en son Labare; qui de fleurs, comme fit saint Paulin en une belle eglise de Nole, sur l'entree de laquelle ayant fait peindre en ceste sorte une croix, il y fit mettre ces vers:.

  A002000420 

 Outre cela, les Anciens ont quelquefois peint ou façonné sur la Croix d'autres choses, pour remarquer quelques misteres et moralités: car les uns courboyent le bout de la Croix en forme d'une crosse, pour representer la lettre P des Grecz, un peu plus bas ilz y mettoyent deux pieces en forme de la lettre X, qui sont les deux premieres lettres du nom de Christ, et un peu plus bas estoit le traversier de la Croix auquel pendoit un voyle, comme on fait maintenant en nos gonfanons, pour monstrer que c'estoit l'Estendart de Jesus Christ.

  A002000430 

 Prens donq avec sa Croix tous les maux qu'il te donne,.

  A002000433 

 Et sur trois autres portes de la mesme eglise estoyent peintes deux croix, deça et dela, sur lesquelles, outre les couronnes de fleurs, estoyent branchees des colombes, avec ceste devise:.

  A002000459 

 Espure de nos coeurs les cachotz plus infectz:.

  A002000463 

 C'estoit une tres honnorable persuasion que les Anciens avoyent de la sainte Croix, qui les faisoit ainsy saintement philosopher sur icelle; par ou l'on peut voir que, quand le traitteur dit que les Anciens ne faisoyent autre honneur a la Croix que de la couronner simplement de fleurs, ce n'est que faute d'en sçavoir davantage.

  A002000463 

 Mays c'est une temerité trop excessive, qu'il mesure les choses par son sçavoir.

  A002000463 

 Par les palmes et par le sang il figuroit la Royauté de Nostre Seigneur; par l'aigneau qu'il mettoit sous la Croix il representoit Nostre Seigneur, qui, estant immolé [100] sur l'autel de la Croix, a levé les pechés du monde.

  A002000463 

 Saint Paulin mettant la couronne de fleurs sur la Croix vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la Croix nous obtenons la couronne de gloire; par les colombes il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la Croix, n'estoit que pour les simples et debonnaires; autres fois, par la trouppe de colombes il entendoit la trouppe des Apostres, qui en leur simplicité ont annoncé par tout la parole de la Croix.

  A002000468 

 Et saint Justin le Martyr traittant avec Triphon, Tertullien avec Marcion, et saint Cyprien avec tous les Juifz, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisans les figures de l'Ancien Testament pour l'honneur et reverence de la Croix: pourquoy ne pourrois-je raysonner sur un mesme sujet, par pareilles raysons, avec un traitteur qui se dit estre Chrestien? Or, la briefveté a laquelle je me suis lié, ne me permet pas de prendre le loysir qu'il faudroit pour faire un si grand amas; aussi lira-on avec plus de fruit ce que j'en pourrois dire es autheurs que j'ay des-ja cités, et en Jonas d'Orleans, en saint Gaudence sur l'Exode, et en la Theogonie de Cosme Hierosolymitain.

  A002000468 

 J'aurois une belle campaigne, pour monstrer l'antiquité de l'image de la Croix, si je voulois m'estendre sus un monde de figures de l'Ancien Testament, lesquelles n'ont esté autres que les images de la Croix, et ne penserois pas que ce fust une petite preuve; car, quelle rayson y pourroit-il avoir que cest ancien peuple, outre la parole de Dieu, eust encor plusieurs signes pour se rafraischir coup sur coup l'apprehension de la Croix future, et qu'il ne nous fust pas loysible d'en avoir en nostre Eglise pour nous rafraischir la memoire de la crucifixion passee? Certes, il n'y auroit si bon traitteur qui ne s'eblouist quand je luy produirois les saintes observations qu'en a fait toute l'antiquité.

  A002000468 

 Je me contenteray seulement de mettre en avant celle que tous les [102] Anciens, d'un commun accord, appliquent a la Croix: c'est le Serpent d'airain, qui fut dressé pour la guerison de ceux qui estoyent morduz de serpens; duquel parlant le traitteur, il remarque qu'il ne fut pas mis ou « dressé sur un bois traversier, comme on le peint communement, car il estoit eslevé sur un estendard, » dit-il, « ou sur une perche, comme le texte le dit.

  A002000468 

 Je remarque que le traitteur a tort de contredire en ceci a la commune opinion, qui porte que le Serpent estoit eslevé sur un bois traversier, sans avoir ni rayson ni authorité pour soy; et qu'au contraire, il est raysonnable que saint Justin le Martyr soit preferé en cest endroit, lequel, en l'Apologie pour les Chrestiens, recitant ceste histoire, tesmoigne que Moyse eslevant le Serpent le dressa en forme de croix.

  A002000468 

 Je remarque que les estendartz et enseignes se faisoyent jadis en forme de croix, en sorte que le bois auquel pendoit le drapeau traversoit sur l'autre, comme l'on voit aujourd'huy en nos gonfanons; tesmoin le Labare des Romains, et Tertullien en son Apologetique; si que le Serpent, estant mis sur un estendart, estoit par conséquent sur un bois traversier.

  A002000469 

 Mais, pour m'accommoder au traitteur, il me suffira de parler des croix qui ont esté faittes en l'ancienne Eglise, dequoy il parle ainsy: « Les signes que lon faisoit au commencement n'estoient sinon avec le mouvement de la main appliquee au front ou remuee en l'air, n'ayant subsistance en matiere corporelle, de bois, pierre, argent, or, ou autres semblables.

  A002000469 

 » Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois qui estoyent peu differentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ilz adoroyent les victoires, et que le dedans de leurs trophees (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portait les trophees) estoyent en forme de croix; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant: « Je loue ceste diligence; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement.

  A002000469 

 » J'admire ceste ignorance tant hardie: qui est celuy, tant soit-il peu versé en l'antiquité, qui ne sçache que tout au fin commencement de l'Eglise, les Gentilz reprochoyent de tous costés aux Chrestiens l'usage et veneration de la Croix? ce qu'ilz n'eussent jamais fait s'ilz n'eussent veu les Chrestiens avoir des croix.

  A002000469 

 » La ou cest autheur si clair voyant ne nie pas, mays confesse plustost, [104] que les Chrestiens adoroyent la Croix; ne mettant point autre difference entre les croix des Gentilz et les nostres, sinon en ce que les nostres estoyent nues et sans enrichissemens, et les leurs estoyent vestues de divers paremens..

  A002000470 

 Autant en dit, et beaucoup plus clairement, Justin le Martyr en sa seconde Apologie, la ou ayant monstré que sans la figure de la Croix l'on ne peut rien faire, et d'avantage, que les trophees et masses que l'on portait devant les magistratz avoyent quelque ressemblance de la Croix, et que les Gentilz consacroyent les images de leurs empereurs defunctz par la figure de la Croix, il conclud en fin en ceste sorte: « Puys donques, que par bonnes raysons tirees mesmes de la figure, nous faisons tant que nous pouvons ces choses avec vous, nous serons desormais sans coulpe.

  A002000470 

 » Justin donques confesse qu'en matiere de faire des croix, nous ne faisions rien moins que les Gentilz, quoy que ce fust avec diversité d'intentions, ce qu'il va déduisant par apres fort doctement et au long.

  A002000471 

 La ou je ne me puis tenir de remarquer l'imposture du traitteur, lequel citant ce passage de saint Athanase, luy fait dire en ceste sorte: « Les Chrestiens monstroient qu'ils n'adoroient pas la Croix quand ils desassembloient ordinairement les deux principales pieces d'icelle, recognoissans que ce n'estoit que bois.

  A002000471 

 » A quoy il respond: « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix, la composans de deux bois; que si quelqu'un des infidelles nous accuse que nous adorons le bois, nous pouvons aysement separer les deux pieces de bois, et gastans la forme de la Croix, tenans ces deux bois ainsy separés pour neant, persuader a cest infidelle que nous n'honnorons pas le bois, mais la figure de la Croix: ce que nous ne pouvons faire de la lance, du roseau et de l'esponge.

  A002000471 

 » Car au contraire, saint Athanase dit expressement que tous les fidelles adoroyent la Croix, mais non pas le bois.

  A002000471 

 » Quelle apparence, donques, y a-il que Constantin ayt esté le premier qui a fait la Croix en matiere permanente? puysque saint Athanase confesse que tous les fidelles de ce tems la faisoyent des croix de bois et les [105] honnoroyent, et en parle comme de chose toute vulgaire et accoustumee.

  A002000472 

 Et de vray, au moins ce traitteur devoit considerer que si Constantin dressa son Labare en forme de croix, pour la vision qu'il avoit eue d'une Croix a la façon de laquelle il fit dresser les autres (comme le traitteur mesme confesse que cela s'est peu faire), ce ne sera pas Constantin qui aura fait la Croix le premier en matiere subsistante, mais plustost Dieu, qui luy en fit le premier patron sur lequel les autres furent dressees.

  A002000473 

 Constantin pour se rendre amy des Chrestiens fit dresser plusieurs croix; donques les Chrestiens de ce tems la aymoyent que l'on dressast des croix.

  A002000473 

 Et qui les avoit gardés d'en dresser jusques a ceste heure la, au moins dedans leurs maysons et oratoires? et comme pouvoit sçavoir Constantin que la maniere de flatter les [106] Chrestiens estoit de dresser des croix, s'il n'eust conneu qu'ilz en avoyent dressé auparavant et les honnoroyent? Pour vray, les Reformeurs n'eussent pas esté amis de ces anciens fideles, ni leur doctrine jugee Chrestienne, puysqu'ilz abattent leurs croix, et taschent de persuader que c'est une « corruption » d'en avoir introduit l'usage et que « c'est encor plus mal fait de le retenir; » ce sont les parolles mesmes du traitteur.

  A002000473 

 Et s'il est vray, comme sans doute il est, ce qu'il dit ailleurs, rapporté de saint Gregoire Nazianzene, que « la verité n'est point verité si elle ne l'est du tout, et qu'une pierre precieuse perd son prix à cause d'une seule tare ou d'une seule paille, » la doctrine Chrestienne n'aura plus esté pure du tems de Constantin, selon l'opinion de cest homme, puysque les Chrestiens desiroyent et se plaisoyent que l'on plantast des croix, qui est une corruption, « levain et doctrine erronee, » a son dire.

  A002000474 

 Ce n'est pas peu, a mon advis, d'avoir gaigné ceste confession sur les ennemis des croix, que les Chrestiens il y a treize cens ans aymoyent et desiroyent que l'on dressast des croix; et ne sçai comme on pourra appointer ce traitteur avec Calvin et les autres novateurs, car luy dit d'un costé que du tems de Constantin il y avoit corruption en l'Eglise, et Calvin avec les autres tiennent que l'Eglise a esté pure jusques presque au tems de Gregoire le Grand.

  A002000475 

 Aussi les habitans de Socotore, isle de la mer Erithree, qui ont esté et sont Chrestiens des le tems que saint Thomas y precha, entre les autres ceremonies catholiques ilz ont celle-ci, de porter ordinairement une croix pendue au col et luy porter grand honneur.

  A002000475 

 Ceci est une chose toute conneuë et qui se fait a la veuë de tout le peuple, dont l'Evesque de Cocine en envoya une ample et authentique attestation, avec le portrait de ceste croix-la, au commencement [108] du saint Concile de Trente: qui est une marque bien expresse que les Apostres mesmes ont eu en honneur la sainte Croix.

  A002000475 

 Ceste croix, ayant esté mise en une chapelle que les Portugois edifierent en ce mesme lieu, toutes les annees environ la feste de saint Thomas, ainsy que l'on commence a lire l'Evangile de la sainte Messe, elle commence a suer le sang a grosses gouttes, et change de couleur, paslissant, puys noircissant, et apres se rendant bleuë celeste et tres aggreable a voir, revient en fin a sa naturelle couleur, a mesme que l'on a achevé le saint Office.

  A002000475 

 Elle estoit enfermee dedans un cercueil de pierre, sur lequel il y avoit certaine ancienne escriture gravee, laquelle, au rapport des plus expertz Brachmanes, contenoit le martyre du saint Apostre, et entre autres qu'il mourut baysant ceste croix-la, ce que mesme les gouttes de sang tesmoignent.

  A002000475 

 Encor diray-je, que de la memoire de nos peres, environ l'an 1546, l'on trouva pres de Meliapor, en une petite colline sur laquelle l'on dit que les Barbares tuerent saint Thomas l'Apostre, une croix tres ancienne incise sur une pierre carree, arrousee de gouttes de sang, sur le sommet de laquelle il y avoit une colombe.

  A002000475 

 J'ay donq prouvé, non seulement que ce traitteur est ignorant d'avoir dit que Constantin estoit le premier qui avoit dressé des croix en matiere subsistante, mays encor, que l'erection des croix a esté prattiquee entre les plus anciens Chrestiens, car nous n'avons pas de gueres plus anciens autheurs que Justin et Tertullien.

  A002000475 

 Que s'il est arrivé en quelques annees que ce miracle ne se soit point fait, les habitans de ces contrees, enseignés par l'experience, se tiennent pour menacés de quelque grand inconvenient.

  A002000481 

 Le traitteur, qui confesse le moins qu'il peut de ce qui establit la coustume ecclesiastique, apres avoir nié qu'avant le tems de Constantin il y eust des croix parmi les Chrestiens, en un autre endroit dit qu'au commencement, et mesme du tems de Theodose, « la Croix n'estoit « sinon deux bois traversans l'un l'autre, et n'y avoit « point de crucifix, et moins encores de vierge Marie, « comme depuis en quelques croix l'image du crucifix « est d'un costé, et celle de sa mere de l'autre.

  A002000482 

 Ce n'est donq pas ce que le traitteur disoit, que les images de la Croix furent seulement faittes du tems de Constantin, et qu'encores de ce tems la et long [111] tems apres on n'y adjoustoit point de Crucifix, car je ne vois pas qu'il puisse opposer a ceste authorité pour garantir la negative de fauseté et temerité..

  A002000482 

 Chose admirable; a ce coup le sang et l'eau commencerent a sortir et couler en tres grande abondance, si que les Juifz en ayans porté une cruche pleine en leur synagogue, tous les malades qui en furent arrousés ou mouillés furent tout soudainement gueris.

  A002000482 

 Du despuys, un Juif print logis la dedans, et, sans avoir pris garde a ceste image, ayant invité un autre Juif a manger, il en fut extremement tancé, et quoy qu'il s'excusast de ne l'avoir pas veuë, il fut accusé et deferé comme mauvais Juif, ayant une image de Jesus de Nazareth; dont les principaux des Juifz, entrans dans la mayson ou estoit l'image, l'arracherent et la mirent en terre, puys exercerent sur elle toutes les semblables actions qui furent exercees sur Jesus Christ quand on le crucifia, jusques a luy bailler un coup de lance sur l'endroit du flanc.

  A002000482 

 Or ceste image, comme il apparut par la relation qu'en fit le Chrestien auquel elle estoit, en presence de l'Evesque du lieu, avoit esté faitte de la main propre de Nicodeme qui la laissa a Gamaliel, Gamaliel a saint Jacques, saint Jacques a saint Simeon, Simeon a Zachee, et ainsy de main a main elle demeura en Hierusalem jusques au tems de la destruction de ladite ville, qu'elle fut transportee au royaume d'Agrippa, ou se retirerent les Chrestiens de Hierusalem par ce qu'Agrippa estoit sous la protection des Romains.

  A002000482 

 Voyla le recit qu'en fait saint Athanase, par lequel l'on peut connoistre que ceste image la estoit l'image du Crucifix, tant parce qu'il eust esté mal aysé au Juif qui accusa celuy qui l'avoit en sa mayson, de reconnoistre si soudainement que c'estoit l'image de Jesus Christ si ce n'eust esté qu'il estoit peint en crucifié, qu'aussi parce que les Juifz n'eussent sceu representer la crucifixion de Nostre Seigneur tant par le menu, comme ilz firent, sinon sur l'image d'un crucifix.

  A002000483 

 Dedans la Liturgie de saint Chrysostome, selon la version d'Erasme, le prestre est commandé, se retournant vers l'image de Jesus Christ, de faire la reverence; ce que, non sans cause, les plus judicieux rapportent a l'image du Crucifix; car, quelle representation de Jesus Christ peut-on mettre plus a propos dedans l'eglise, et mesme vers l'autel, que celle du Crucifix? Qui verra de bon œil le carme que Lactance a fait de la Passion de Nostre Seigneur, connoistra qu'il a esté desseigné sur le rencontre que l'on fait de l'image du Crucifix qui est ordinairement au milieu de l'eglise, en laquelle il fait parler Nostre Seigneur, par un style poetique, a ceux qui entrent dedans l'eglise.

  A002000483 

 « Par ce, » dit-il, « que chacun ne connoist pas les lettres ni ne s'addonne a la lecture, nos Peres ont advisé ensemble que ces choses, c'est a dire les misteres de nostre foy, nous fussent representés comme certains trophees es images pour soulager et ayder nostre memoire; car bien souvent, ne tenans pas par negligence la Passion de Jesus Christ en nostre pensee, voyans l'image de la crucifixion de Nostre Seigneur nous revenons a souvenance de la Passion du Sauveur, et nous prosternans nous adorons, non la matiere, mays Celuy qui est representé par l'image.

  A002000485 

 Ou bien il parle de quelques croix ou peut estre il aura veu au dos du Crucifix quelque image de Nostre Dame, et lhors il aura grand tort de [113] vouloir tirer en consequence contre nous la diversité des volontés des graveurs et peintres, ou de ceux qui font faire les croix; car, a la verité, ceste façon de crucifix n'est gueres usitee en l'Eglise; si ne veux-je pas dire pourtant qu'il y ayt aucun mal en cela.

  A002000485 

 Ou bien il reprend les croix esquelles nous mettons deça et dela du Crucifix les images de Nostre Dame et de saint Jean l'Evangeliste; mays en cecy la censure seroit tres injuste, car, comme il est loysible et convenable que nous ayons l'image du Crucifix, selon la coustume mesme des plus anciens Chrestiens, il est loysible aussi d'avoir des images de Nostre Dame et des Apostres, dequoy saint Lucas sera nostre garant, qui le premier, au recit de Nicephore Calixte, fit l'image du Sauveur, de sa Mere, de saint Pierre et de saint Paul: que s'il est ainsy, ou peut-on mieux mettre les images de Nostre Dame et de saint Jean qu'aupres de la remembrance du Crucifix? quand ce ne seroit que pour representer tant mieux l'histoire de la Passion, en laquelle l'on sçait que Nostre Seigneur vit ces deux singuliers personnages pres de sa Croix et recommanda l'un a l'autre.

  A002000486 

 Au demeurant, ce que le traitteur adjouste que l'on y met l'image de Nostre Dame « comme si elle avoit esté « compagne des souffrances de nostre Sauveur et qu'elle « eust fait en partie la redemption du genre humain, » cela, dis-je, vient de son goust qui est corrompu par la defluxion d'un'humeur aigre et chagrine, avec laquelle ces reformeurs ont accoustumé de juger les actions des Catholiques; car, qui fut jamais le Catholique qui ne sceut que nous n'avons autre Sauveur ni Redempteur qu'un seul Jesus Christ? Nous mettons tres souvent la Magdeleine embrassant la Croix; que n'a-il dit que par la nous la croyons estre nostre redemptrice? Ces gens ont l'estomac et la cervelle gastés, ilz convertissent tout en venin.

  A002000486 

 Ç'a donq esté la rage que le traitteur a contre les Catholiques, qui l'a empesché de prendre garde a tant de bonnes et religieuses raysons qui peuvent estre en ce fait, pour faire une si maligne conjecture contre nos intentions.

  A002000492 

 C'est une noble preuve de l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu tout puissant l'a fait comparoistre miraculeusement en plusieurs grandes et signalees occasions, et s'en est servi comme de son Estendart, tantost pour asseurer les fidelles, tantost pour espouvanter les mescreans..

  A002000493 

 Aussi appert-il que les histoires Ecclesiastiques en parlent diversement, car Eusebe dit que ceste vision advint en plein midi, et Sozomene [116] escrit qu'elle apparut de nuict à Constantin dormant.

  A002000493 

 Ce que appercevant le traitteur, affin de rendre douteuse l'histoire de ceste grande apparition, il devise en ceste sorte: « Combien que les historiens Chrestiens parlent d'une apparition de croix en l'air avec ces mots: Surmonte par ceci, si est-ce que Zosimus, historien Payen, qui vivoit de ce temps-la et qui a esté tres-exact recercheur des faits de Constantin, n'en a fait mention aucune.

  A002000493 

 Mais pour vray, l'apparition faitte a Constantin le Grand a esté, non sans cause, la plus celebree et fameuse parmi les Chrestiens, d'autant que par icelle Dieu toucha le cœur de ce grand Empereur pour luy faire embrasser le parti Chrestien, et fut comme un saint signe de la cessation du deluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste heure-la toute la terre regorgeoit; et qu'au demeurant, ceste croix monstree a Constantin fut le patron d'un monde de croix, qui du despuys ont esté dressees par les empereurs et princes chrestiens.

  A002000493 

 » Voyla son dire, par lequel il çuyde effacer l'apparition de la sainte Croix faitte a Constantin, et ce par deux moyens: l'un, opposant aux histoires chrestiennes l'authorité de Zosimus payen; l'autre, monstrant qu'il y a contrarieté sur ce fait entre les autheurs chrestiens.

  A002000494 

 Or, quant a Zosimus, je ne sçai comme il l'ose produire en ceste cause ici contre tous les autheurs chrestiens; car premièrement, Zosimus est tout seul et ne peut point faire de pleine preuve; secondement, il ne nie pas ceste apparition mays seulement il s'en tait; tiercement, il est suspect, car il estoit ennemy de la Croix; quartement, encor qu'il fust exact rechercheur des faitz de Constantin, il ne l'estoit pas toutefois des merveilles de Dieu.

  A002000494 

 Pourquoy est-ce que Zosimus sera meilleur que les autres? Mais quant a ce que le traitteur veut qu'Eusebe soit contraire a Sozomene en l'histoire de ceste apparition, en ce que l'un dit qu'elle advint en plein midi et [117] l'autre de nuit a Constantin dormant, je crois que c'est une contradiction qu'il aura veuë en songe et en dormant; et de fait Sozomene, en cest endroit ici, fait expresse profession de suivre Eusebe.

  A002000494 

 Qui ne sçait les sottises que les historiens payens, apres Tacitus et autres, ont imposees aux Chrestiens avec leur teste d'asne? Je vous laisse a penser s'ilz se sont espargnés a se taire en nos advantages et prerogatives, puysqu'ilz ne se sont pas espargnés a dire des fables et faire des contes pour honnir et vituperer le Christianisme.

  A002000495 

 Car, dressant la guerre contre Maxence, il commença (comme il est vraysemblable) a douter a part soy quel evenement auroit ceste guerre, et quel secours il pourroit appeller, dont estant en ce souci il regarda par vision le signe resplendissant de la Croix au ciel; et les Anges assistans pres de luy, ja tout esbloui de la vision, luy dirent: En ceci, o Constantin, tu vaincras.

  A002000495 

 Laquelle chose Eusebe, surnommé Pamphile, asseure avoir ouÿe de la bouche propre de l'Empereur qui l'affirmoit par serment, a sçavoir, qu'environ midi, le soleil commençant un peu a decliner, tant l'Empereur mesme que les gens d'armes qui estoyent avec luy avoyent veu le signe de la Croix resplendissant au ciel, formé de la splendeur d'une lumiere, auquel estoit ceste inscription: Surmonte par ceci.

  A002000495 

 » Ce sont, certes, presque les propres motz, non seulement de Sozomene, mays encores d'Eusebe son autheur, tant ilz sont d'accord en ce point.

  A002000496 

 Constantin, tant loué par nos devanciers, autheur du repos de l'Eglise, « Prince des princes chrestiens, » comme l'appelle saint Paulin, « tres grande lumiere de tous les empereurs qui furent onques, tres illustre precheur de la vraye pieté, » comme l'appelle Eusebe, subira en fin finale (si Dieu le permet) les censures et reproches de ces Chrestiens reformés, lesquelz, pires que des chiens, cherchent de souiller les plus pures et blanches vies des Peres du Christianisme.

  A002000496 

 » S'il eust cotté les autheurs et les defautz, quoy que c'eust esté sortir hors du chemin de mon affaire, je me fusse essayé d'affranchir ce grand Empereur de ses iniques accusations; et certes, je sçay bien en partie ce qui se pourrait dire pour charger Constantin de quelques imperfections, mais je ne veux pas faire accroire au traitteur qu'il soit plus sçavant que je le vois, ni presupposer qu'il en sçache plus que ce qu'il en dit, car je [119] le vois si passionné en cest endroit, que s'il eust sceu quelque chose en particulier il l'eust bien fait sonner..

  A002000497 

 Mays outre ces deux fois recitees par Eusebe, Nicephore tesmoigne que deux autres fois la mesme Croix apparut a Constantin; une fois, a la guerre contre les Bisantins, avec ceste inscription: Tu vaincras tous tes ennemis en ce mesme signe; l'autre fois, en la guerre contre les Scythes.

  A002000498 

 « Ces saintz jours, » dit-il, « de la sainte Pentecoste, environ l'heure de tierce, une tres grande croix formee de lumiere apparut au ciel sur la tres sainte montaigne de Golgotha, estendue jusques au saint mont d'Olivet, veuë non par une ou deux personnes, mais monstree tres clairement a tout le peuple de la cité; et non, comme peut estre quelqu'un penseroit, courant hastivement selon la fantasie, mais tout ouvertement reconneuë par plusieurs heures sur terre, avec des splendeurs brillantes surpassans les rayons du soleil, [120] car si elle eust esté surpassee par iceux, certes elle eust esté offusquee et cachee.

  A002000498 

 » Puys, poursuivant, il dit « qu'a cest aspect, tant les Chrestiens que les payens commencerent a louer Jesus Christ, et reconnoistre que la tres religieuse doctrine des Chrestiens estoit divinement tesmoignee du ciel par ce signe celeste, duquel, lhorsqu'il fut monstré aux hommes, le ciel s'en resjouissoit et glorifioit beaucoup.

  A002000498 

 » Sozomene en dit de mesme, et tesmoigne que la nouvelle fut incontinent espanchee par tout, par le rapport des pelerins qui, de tous les coins du monde, abordoyent en Hierusalem pour y faire leurs devotions..

  A002000499 

 Un jour, Julien l'apostat regardant les entrailles d'un animal pour faire quelque devination en icelles, luy apparut une croix environnee d'une couronne; dont partie des devins tout espouvantés disoyent que, par la, l'on devoit entendre l'accroissement de la religion Chrestienne et son eternité, d'autant que la Croix estoit le signe du Christianisme, et la couronne estoit signe de victoire et d'eternité; encores parce que la figure ronde n'a ni commencement ni fin, mais est par tout conjointe en elle mesme.

  A002000500 

 L'horreur d'un si terrible accident s'espancha par toute la ville, de façon que de tous costés plusieurs vindrent sur le lieu voir que c'estoit; et voicy que les merveilles redoublans, un grand feu sortit de la terre, lequel s'attachant aux preparatives faites pour le Temple et aux outilz des ouvriers, ne cessa point qu'il ne les eust consommés a la veuë de tout le peuple.

  A002000500 

 Si survint un troisiesme miracle; car la nuit ensuivant apparurent des croix de rayons lumineux sur les vestemens de tous les Juifz, lesquelz, tant ilz estoyent obstinés, voulans effacer le lendemain ces saintes images de leurs habitz par lavement et autres moyens, il ne leur fut onques possible, et par la plusieurs se firent Chrestiens; mays outre tout cela, un grand cercle apparut au ciel, dedans lequel estoit une croix tres resplendissante.

  A002000500 

 Une autre fois, le mesme Julien voulant que les Juifz sacrifiassent, ce qu'ilz ne vouloyent faire sinon au lieu du Temple ancien de Hierusalem, il se delibera de le leur faire dresser, contribuant des grandes sommes du thresor imperial; et ja les materiaux estoyent apprestés pour rebastir, quand saint Cyrille, Evesque de Hierusalem, predit que l'heure estoit arrivee en laquelle seroit verifiee la prophetie de Daniel, repetee par Nostre Seigneur en son Evangile, a sçavoir, que pierre sur pierre ne demeureroit au temple de Hierusalem: dont la nuit ensuivant, la terre trembla si fort en ce lieu-la, [121] que toutes les pierres de l'ancien fondement du Temple furent dissipees ça et la; et les materiaux ja preparés, avec les edifices prochains, tous fracassés.

  A002000501 

 Je pourrois produire les autres apparitions que le docte Bellarmin apporte, comme celle qui se fit en l'air quand l'empereur Arcadius combattoit contre les Perses pour la foy Catholique, en quoy il fut aydé divinement; comme aussi celle des croix qui apparurent sur les vestemens au tems de Leon Iconomache, lhors que les heretiques exerçoyent leur rage sur les images; et quelques autres semblables desquelles les autheurs font mention: mays ce que j'en ay dit jusques a present suffit pour ce qui touche l'antiquité; qui en voudra voir davantage, qu'il lise le livret d'Alphonse Ciacone De signis sanctæ Crucis.

  A002000503 

 En la sedition que Pansus Aquitinus esmeut contre Alphonse roy de Congi, son frere aisné, un peu apres que la foy Catholique fut semee par les Portugois en ces pays la, l'on vit une grande multitude de soldatz rebelles fuir devant une petite poignee de personnes qui accompagnoyent le Roy; dequoy le general de l'armee de Pansus rendant rayson, il asseura qu'au commencement de l'escarmouche apparurent, autour du Roy, des hommes d'une façon plus auguste que l'ordinaire, marqués du signe de la Croix et environnés d'une tres claire lueur, combattans tres asprement; dont les soldatz de Pansus estans espouvantés, avoyent pris tout aussi tost la fuite, et que par la reconnoissant qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que celuy des Chrestiens, il prioit qu'on le baptizast avant qu'on le fist mourir (comme il pensoit que l'on feroit), ayant esté pris prisonnier.

  A002000504 

 Or certes, les Portugois n'avoyent point de capitaine ainsy paré, qui leur fit connoistre que c'estoit une vision divine par laquelle Dieu les avoit voulu secourir, et quant et quant espouvanter et rompre leurs ennemis..

  A002000504 

 Quand Albuquerque reprit la ville de Goa, les infideles [123] demandoyent tres curieusement aux Portugois, qui pouvoit estre ce brave capitaine qui portoit une belle croix doree et des armes resplendissantes, lequel avoit fait un si grand massacre que les grandes trouppes des Mahometains avoyent esté contraintes de ceder a la petitesse des Chrestiens.

  A002000505 

 Au demeurant, apres tant d'apparitions de l'image et figure de la Croix que Dieu a faites, et fera jusqu'a la consommation du monde, pour consoler les amis de la Croix et effrayer les ennemis d'icelle, au grand jour du jugement, quand le Crucifié sera assis au throsne de sa majesté en l'assistance de tous les Bienheureux, il fera paroistre de rechef ce grand Estendart et signe de la Croix, lequel paroistra lhors que le soleil et la lune se cacheront dedans une bien grande obscurité.

  A002000505 

 C'est ce que dit Nostre Seigneur, en saint Matthieu, en termes tant expres, qu'il n'est possible de douter de ceste verité, sinon a ceux qui ont juré le parti de l'opiniastreté; tous les Peres anciens, d'un commun consentement, l'ont presque ainsy entendu.

  A002000505 

 Et certes, le Sauveur met trop evidemment a part l'apparition de son signe d'un costé, et de l'autre sa venue: Alhors, dit-il, paroistra le signe du Filz de l'homme au ciel, et alhors pleureront toutes les tribus de la terre; et alhors verront le Filz de l'homme venant es nuees du ciel avec une grande vertu et majesté..

  A002000505 

 L'interpretation qu'on y veut apporter, de dire que lhors apparoistra le signe du Filz de l'homme, c'est a dire le Filz de l'homme mesme, qui par sa majesté se fera regarder de toutes partz comme une enseigne, est trop forcee et estiree; on voit a l'œil qu'elle ne sort pas ni ne coule des motz et paroles de l'Escriture, mais d'un prejugé auquel on veut accommoder les saintes paroles; c'est une conception qui ne suit pas l'Escriture, mais qui la veut tirer apres soy.

  A002000506 

 Or combien soit grand l'honneur qui revient de ceci [124] a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter; tant parce qu'elle est appellee signe du Filz de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont tres honnorables et respectables, comme tesmoigne Sozomene, et avant luy Tertullien, et l'experience mesme nous le monstre; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d'un roy vainqueur lhors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophee du Roy celeste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse lhors que la lumiere mesme s'obscurcira en sa propre source; comme tesmoignent saint Cyrille, Hypolite le Martyr, et saint Ephrem qui dit qu'elle paroistra et sera produitte devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté..

  A002000507 

 Or, quel advantage est-ce pour l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu s'en soit servi et servira si souvent pour consoler les siens, effrayer ses ennemis, pour donner les victoires aux empereurs, et pour tesmoigner la sienne derniere, lhors qu'estant assis au throsne de sa majesté il foulera aux piedz tous ses ennemis.

  A002000513 

 A ceste cause ils apposoient la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honorable, par laquelle ils monstroient en effect qu'ils vouloient avoir part à l'opprobre de Christ dont ils se glorifioient; et pourtant Chrysostome dit que telle enseigne honoroit plus que toutes les coronnes et diademes ne pouvoient faire.

  A002000513 

 De faict, les Empereurs et Rois l'ont appliquee à leurs coronnes et sceptres pour tant plus confondre et honnir les Juifs et Payens... A ceste mesme occasion ils ont dit que la Croix estoit l'arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres; et Theodoret, au 3.

  A002000513 

 En ceste maniere peuvent les Chrestiens honorer la Croix.

  A002000513 

 Le traitteur n'ose pas nier que l'image de la Croix n'ayt esté en ordinaire usage parmi les anciens Chrestiens.

  A002000513 

 Mais cependant ils n'attribuoient rien à la seule Croix ou au seul signe d'icelle, car Constantin faisoit recognoissance de la victoire à lui advenue, non à la [126] Croix, ains à Christ; car aussi il fit escrire sur les croix, par lui erigees, ces trois mots: Jesus Christ surmonte; tant s'en faut qu'il ait fait des prieres à la Croix: et Helene adora le Roy et non le bois; car c'eust esté un erreur Payen et vanité meschante, dit sainct Ambroise.

  A002000513 

 « Il se faut souvenir, » dit-il, « que ce que les anciens Chrestiens ont usé de la Croix en ce qu'ils manioient, cela se faisoit pour prattiquer principalement ce que saint Paul disoit: Je n'ay point honte de l'Evangile de Christ; car, d'autant que tous tant Juifs que Payens se moquoient de Christ, et que la Croix estoit scandale aux uns et folie aux autres, tant plus ils se sont efforcez de la diffamer, tant plus les Chrestiens se sont estudiez à la decorer.

  A002000514 

 Que pourroit-on mieux dire a la Catholique? et que disons-nous autre sinon qu'il faut honnorer la Croix pour la protestation de nostre foy, qu'il la faut decorer d'autant plus que ses ennemis la mesprisent, qu'il la faut apposer en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, qu'elle honnore plus et, par consequent, est plus honnorable que tous les diademes et couronnes, qu'il la faut mettre sur les couronnes et sceptres, que c'est un arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres? Et qu'ay-je protesté cy devant sinon qu'il ne faut rien attribuer a la seule Croix et au seul signe d'icelle, qu'elle ne vaut sinon comme outil sacré et saint instrument de la vertu miraculeuse de Dieu, que la Croix n'est rien si elle n'est Croix de Jesus Christ, que sa vertu ne luy est pas adherente mais assistante, c'est a sçavoir, Dieu mesme? Si Constantin a surmonté en la Croix, suivant la divine inscription, In hoc signo vinces, ç'a esté par Jesus Christ agent principal et premier; s'il a surmonté par la Croix, ç'a esté en Jésus Christ comme en la vertu assistante de la Croix.

  A002000520 

 Si donques le traitteur tenoit parolle, et demeuroit ferme a confesser qu'en ceste maniere peuvent les Chrestiens honnorer la Croix, et sur tout que par tout on portast la Croix pour tesmoigner du triomphe de Christ, comme il confesse que l'on faisoit anciennement au recit de Theodoret, et qu'on l'apposast en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, je confesserois de mon costé, avec tous les Catholiques, qu'il auroit bien entendu la vertu de la Croix et la maniere de l'honnorer, et que, comme il s'est vanté, il auroit preché Jesus Christ crucifié.

  A002000521 

 Ainsi jadis fut ordonné que les instrumens des contracts qui se passoient devant notaires publics devoient avoir le signe de la Croix, comme il en est parlé au livre du Code; et en pareilles choses politiques nous ne rejettons pas l'usage de la Croix materielle.

  A002000521 

 Il avoit dit qu'en tous lieux et toutes choses on pouvoit apposer la Croix comme une marque honnorable; maintenant, pour se desdire honnestement, il partage toutes les choses en deux, en politiques et non politiques, et puys limite la generale proposition que la Croix doit seulement estre apposee es choses politiques: « S'il est question, » dit-il, « que nous conversions parmi les Juifs ou Mahumetistes, nous pouvons porter nos enseignes et armes croisees pour monstrer ouvertement aux infideles que nous sommes Chrestiens, et que nos adversaires sont infideles et mescreans; ainsi peut-on graver la Croix en la monnoye, pour monstrer qu'elle est battue au coin d'un Prince Chrestien; ainsi la Croix peut estre mise és portes des villes, chasteaux et maisons pour monstrer haut et clair que les habitans de tels lieux font profession de Chrestienté.

  A002000522 

 La seconde est qu'elle ne soit mise es temples: «... en [128] fin, » dit-il, « les choses sont allees si avant que la Croix a esté mise és temples.

  A002000524 

 Il avoit dit que les Anciens apposoyent la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, et qu'on la portoit par tout pour testifier du triomphe de Christ, et bien tost apres il fait dire aux mesmes Anciens, par la bouche d'Arnobe, ces paroles: « Nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000525 

 Cependant, il me laisse a prouver par ordre que la Croix peut et doit estre apposee aux choses sacrees et notamment au temple, qu'elle est honnorable d'un honneur religieux, que les Anciens l'ont desiree et honnoree, et qu'elle est un remede salutaire au genre humain, ce qu'il trouve encores mauvais.

  A002000526 

 Chacun ne peut pas lire les livres sacrés, ni avoir tousjours le predicateur aux aureilles; ce donq que fait l'Escriture et le predicateur en tems et lieu, la Croix le fait en toutes sortes d'occasions, en la mayson, au chemin, en l'eglise, sur le pont, en la montaigne; ce nous est un familier et perpetuel record de la Passion du Sauveur.

  A002000526 

 Julien l'apostat reprochoit aux Chrestiens que rejettans les armes de Jupiter, sa selle et ses boucliers, ilz adoroyent le bois de la Croix et peignoyent la Croix sur leurs frontz et devant leurs maysons.

  A002000526 

 Or saint Cyrille, pour luy faire response, fait un beau denombrement des principaux articles de nostre foy, et puys adjouste: « Le Bois salutaire nous fait souvenir de toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme dit saint Paul, ainsy qu' un est mort pour tous, ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, confessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jesus Christ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable..

  A002000526 

 « Paula, » comme parle saint Hierosme, « visita tous les lieux saintz avec telle ardeur qu'elle [129] ne pouvoit estre retiree des premiers, n'eust esté le desir qu'elle avoit de voir le reste; prosternee donq devant la Croix, elle adoroit la comme si elle y eust veu le Seigneur attaché et pendant; entree dedans le sepulchre, elle baysoit la pierre de la resurrection laquelle l'Ange avoit roulee arriere de l'huis, elle lechoit d'une bouche fidelle, comme des eaux infiniment desirees, la place du cors, en laquelle gisoit le Seigneur; » tesmoignage certain que la Croix luy representoit le Crucifié.

  A002000526 

 » C'est pourquoy tous les Anciens, apres Jesus Christ mesme, l'ont appellee l'enseigne du Filz de Dieu.

  A002000527 

 Et du viel tems, lhors que l'on renversa en Alexandrie les idoles de Seraphis plantees par toutes les portes, fenestres, posteaux et murailles, on mit en leur place le signe de la Croix, au recit de Ruffin, et lhors fut verifié ce qu'Esaye predit: En ce jour-la, l'autel du Seigneur sera au milieu de la terre d'Egypte, et le tiltre du Seigneur pres le terme d'icelle, et sera en signe et en tesmoignage au Seigneur Dieu des armees en la terre d'Egypte.

  A002000532 

 « On peut, » dit-il, « graver la Croix en la monnoye, la planter devant les villes, chasteaux et maisons.

  A002000532 

 » Mays cela, n'est-ce pas un usage religieux? La confession et protestation de la foy n'est-ce pas une action purement Chrestienne? Et de fait, qui prendroit la croix politiquement, elle ne representeroit que mal heur et malediction; si donques l'usage de la Croix n'est que religieux, pour estre bon ou peut-il estre mieux employé qu'es choses sacrees? Si la Croix est bien seante devant les villes et maysons pour monstrer que les habitans de telz lieux font profession de Chrestienté, ne sera-elle pas mieux a propos es eglises et temples pour monstrer que ceux qui s'y assemblent font profession de Chrestienté, que ce sont lieux chrestiens et non mosquees turquesques?.

  A002000533 

 Au demeurant, les Anciens mettoyent la Croix es eglises, tesmoin ce que j'ay recité cy devant de saint Paulin qui en tesmoigne tout ouvertement, et de Lactance Firmien, de l'intention duquel on ne sçauroit douter si l'on considere comme il parle:.

  A002000562 

 Le bon pere Nylus, en une epistre qui est recitee au II Concile de Nicee, conseilloit a Olimpiodorus de faire mettre la Croix en l'eglise du costé du levant, et deça et dela es murailles les histoires du Viel et Nouveau Testament.

  A002000563 

 Aussi peu en ont-ilz es rondeaux et assemblees des mondains, et moins parmi les rangz des moynes..

  A002000563 

 Constantin, dit le traitteur, faisant eriger une croix de bronze, « il ne la mit pas en un temple, car alors les temples de Rome servoient encores aux idoles payennes.

  A002000563 

 Mais des-lhors que l'Eglise fut delivree des tyrannies, on vit la Croix par tout celebree « es maysons, es places, es solitudes, [134] es chemins, es montaignes, es vallees, en la mer, es navires, es isles, es lictz, es vestemens, es armes, aux chambres et couches nuptiales, es banquetz, es vases d'argent et d'or, es margarites, es peintures des murailles, es cors des animaux malades, es cors possedés par les diables, es guerres, en paix, es jours, es nuitz, es assemblees des delicatz mondains, es rangz des moynes, tant chacun va a l'envy d'avoir ce don admirable pour soy.

  A002000563 

 Que sert-il donq de dire qu'en semblables choses politiques ilz ne rejettent point la Croix materielle? Beaucoup moins en mettent-ilz sur les [135] animaux malades ou sur les cors possedés du malin, car ce seroit confesser la vertu de la Croix et l'employer a usage sacré.

  A002000563 

 » C'est le dire du grand saint Chrysostome qui, pour vray, n'eust pas eu a faire un si grand denombrement des lieux et choses esquelles la Croix estoit employee, si de son tems l'Eglise eust esté formee sur le patron de la reformation des huguenotz. Pourroit-on bien dire de Geneve, la Rochelle et autres telles villes ce que saint Chrysostome dit de l'Eglise de son tems? Nous n'y voyons aucune croix erigee ni aux portes de ville, ni devant les maysons, chasteaux, forteresses, contratz, testamentz: au contraire, on les a renversees, effacees autant que l'on a peu.

  A002000563 

 » Il est tousjours sur son impie distinction d'idole payen et idole chrestien; cependant il est vray qu'en ce tems de persecution, les Chrestiens, ayans peu d'eglises dediees, faisoyent leurs assemblees ou ilz pouvoyent.

  A002000564 

 Ce n'est pas donq de nostre aage ni des hier que les choses sont allees si avant que la Croix a esté mise es temples, comme semble vouloir dire le traitteur.

  A002000570 

 Je crois qu'il entend parler des processions des seculiers, et des moynes, tant parce que la proprieté des motz dont il use m'invite a ceste intelligence, qu'aussi parce qu'anciennement et notamment de son tems, on portoit les croix aux processions.

  A002000570 

 Les Ariens avoyent composé des himnes et chansons pour leur secte, et les faisoyent chanter alternativement en leurs processions, sur tout aux solemnités, Dimanche et Samedi; saint Chrysostome douta que, par ce moyen, quelques uns de son peuple ne fussent attirés (plusieurs se laissent aller a ces delicatesses exterieures sans sonder le merite et le fonds de l'affaire, tesmoins les pseaumes de Marot), et partant il dressa son peuple a semblable [137] maniere de chanter, et dans peu de tems les Catholiques surpasserent en ceci les heretiques, non seulement en nombre, mais en appareil; car les images et enseignes de la Croix, faites d'argent, precedoyent avec des flambeaux allumés, et l'eunuque de l'Imperatrice avoit charge de fournir aux despens et faire dresser des psalmes et himnes: c'est Sozomene qui fait ce recit ici.

  A002000571 

 Ainsy les Empereurs ont mis ordre par leurs loys, que la Croix fust portee es processions par les deputés a ce faire, et puys rapportee en un lieu decent et honneste; cela me fait bailler aux parolles de saint Chrysostome le sens que j'ay dit.

  A002000571 

 Qu'advint-il? La contagion environne de toutes pars la cité, mais arrivant justement jusques au lieu ou la procession avoit esté, comme si elle eust veu la les bornes et limites de son pouvoir, non seulement elle n'osa pas entrer dedans, mais encor ce qui estoit des-ja d'infection fut par ce moyen repoussé: saint Gregoire de Tours, qui vivoit il y a pres de mill'ans, en est mon autheur.

  A002000571 

 Une grande peste pressoit un jour l'Allemaigne, tout le voysinage en estoit espouvanté; les habitans de Reims en Champagne recourent a Dieu avec l'intercession de saint Remy, prennent un parement du sepulchre d'iceluy, allument force cierges et flambeaux, avec des croix font une procession solemnelle et generale par tous les coins de la ville, chantans des himnes et cantiques sacrés.

  A002000572 

 Ce signe est un rempart pour les amis et une defense contre les ennemis; par le mistere de ceste Croix les ignorans sont catechisés, par le mesme mistere la fontaine de la regeneration est consacree, par le mesme signe de la Croix les baptisés reçoivent les dons de grace; par l'imposition des mains avec le caractere de la mesme Croix on dedie les basiliques, on consacre les autelz, on parfait les Sacremens de l'autel; avec l'entremise des parolles du Seigneur, les prestres et levites sont par ce mesme promeuz aux Ordres sacrés, et generalement tous les Sacremens ecclesiastiques sont parfaitz en la vertu d'iceluy.

  A002000572 

 Comment donq ne sera-il rien signifié de bon par ce que les mauvais font, puysque par la Croix de Christ que les mauvais ont faite, tout bien nous est marqué et signé en la celebration de ses Sacremens.

  A002000572 

 Mais saint Augustin remarque particulierement que la Croix estoit necessaire au Sacrement de l'Autel, qu'il nomme Sacrifice duquel sont nourris les Chrestiens; autant en dit saint Chrysostome: l'enseigne de la Croix, dit-il, nous assiste « lhors que nous sommes nourris de la tres sacree viande, » et elle « reluit en la sacree Table, et de rechef en la Cene mistique avec le Cors de Jesus Christ.

  A002000572 

 Or non seulement les Anciens portoyent les croix aux eglises et processions, mais consacroyent les eglises avec icelles et les mettoyent sur les autelz.

  A002000572 

 Saint Chrysostome en avoit dit au paravant tout de mesme en ceste sorte: « Portons d'un cœur joyeux la Croix de Jesus Christ comme une couronne, car toutes les choses qui profitent a nostre salut sont consumees par icelle; car, quand nous sommes regenerés la Croix de Jesus Christ y est, quand nous sommes repeuz de la tres sacree viande, quand nous sommes colloqués pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tous-jours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000572 

 » Il repete le mesme ailleurs, disant: « Ceste maudite et abominable marque de dernier supplice, a sçavoir la Croix, a esté faite plus illustre que les couronnes et diademes, car le chef n'est point tant aorné par une couronne royale comme par la Croix, qui est plus digne que tout honneur; et de celle qu'au paravant on aborrissoit, on en [140] herche si curieusement la figure si que l'on la trouve par tout, vers les princes, sujetz, hommes, femmes, vierges, mariees, serfz, libres; a tout coup chacun se signe d'icelle, la formant en nostre tres noble membre, car on la figure tous les jours en nostre front comme en une colomne.

  A002000573 

 Aussi es preparatoires de la Liturgie ou Messe de saint Chrysostome, traduitte par Leo Tuscus, le diacre doit, avec une lancette, faire le signe de la Croix sur le pain a consacrer, et quand ce vient a la celebration il est ordonné que l'on mette les pains sur l'autel en forme de croix; ce que mesme Nicolas Cabasile espluche par le menu en l'exposition de la Liturgie.

  A002000573 

 Je sçay qu'il y a plusieurs pointz en ce que j'ay dit qui se rapportent au simple signe de la Croix, mays il y en a beaucoup qui ne peuvent estre entenduz que de la croix faitte en matiere subsistante, comme quand il est dit que on mettoit la Croix es maysons, murailles, fenestres, en la Table sacree, et qu'avec le caractere d'icelle on dedioit les basiliques: or je n'ay pas osé separer ce que mes autheurs avoyent conjoint..

  A002000574 

 Cependant, il appert qu'on ne doit point mettre de barriere entre la Croix et les choses religieuses, selon la creance de l'antiquité.

  A002000574 

 Or, je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres eussent privé a leur escient l'Eglise d'une chose qu'ilz eussent conneu luy estre utile et salutaire? » Les pauvres huguenotz avoyent esté apprins comme cela par le pere de leur reformation; on leur a monstré mille fois que c'estoit une fauseté, et que es cinq cens, voire es trois cens premieres annees, il y avoit des images es eglises: ilz dient neanmoins, autant impudemment que jamais, que l'ancienneté ne mettoit point des images aux eglises.

  A002000574 

 [142] Calvin avoit dit que « si l'authorité de l'Eglise ancienne a quelque vigueur entre nous, nous notons que par l'espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la Chrestienté estoit en sa vigueur et qu'il y avoit plus grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont esté netz et exemptz de telle souilleure »; il parle ainsy des images de Jesus Christ et des Saintz, et peu apres il dit que « si on compare un aage avec l'autre, l'integrité de ceux qui se sont passés d'images, merite bien d'estre prisee au pris de la corruption qui est survenue despuys.

  A002000575 

 Je responds qu'en ceste piece-la il est dit que l'image peinte sur le voyle estoit d'un homme pendu, comme de Jesus Christ ou de quelqu'autre, contre les Escritures; il se pouvoit donques faire que ceste image fust dressee contre la verité de l'histoire de la [144] Passion de Nostre Seigneur, avec quelque indecence, dont saint Epiphane ne se pouvoit asseurer que c'estoit qu'elle representoit, et partant eut rayson de la dechirer.

  A002000575 

 Le traitteur, pour ne sembler estre du tout muet, nous oppose qu'Epiphanius « passant par un village nommé Anablatha, estant entré en un temple ou pendoit un voile teint et peint ayant une image comme de Jesus Christ ou de quelque sainct, il mit en piece ce voile, d'autant que cela estoit contre les Escritures; comme cela se lit plus au long en son epistre translatee par sainct Hierosme.

  A002000575 

 Mais que peut tout cela contre les images de la Croix et du Crucifix qui representent au vray la Passion de Nostre Seigneur, ainsy qu'elle est descritte en l'Evangile? Si un evesque trouvoit dans quelque eglise de sa charge l'image d'un Crucifix qui representast Nostre Seigneur non cloué mais attaché avec des cordes sur la croix, comme l'on voit par la faute des peintres, en plusieurs images, le bon et le mauvais larron penduz en ceste sorte, feroit-il pas son devoir de dechirer et rompre telle image? et faudroit-il dire pourtant qu'il rejettast l'usage des images propres et bien faittes?.

  A002000575 

 Que ceste derniere piece d'epistre, citee par le traitteur, n'est aucunement de saint Epiphane, ains un agencement estranger; comme il appert en ce que le sens de l'epistre estoit du tout bien achevé sans ceste piece-la, que ceste piece est hors de propos, qu'elle ne ressent aucunement la phrase de saint Epiphane ou de saint Hierosme, et que les Iconoclastes, citans tous les tesmoignages qu'ilz peurent des anciens Peres, et nommement de saint Epiphane, ainsy qu'il est deduit au second Concile de Nicee, ne produisirent jamais ceste piece de l'epistre traduitte par saint Hierosme.

  A002000576 

 Je dis secondement, que la defense du Concile Elibertin, selon la portee de la rayson laquelle y est alleguee, ne s'estend pas aux images mobiles, mays a celles seulement qui sont peintes en et sur les murailles, et ne serait a l'adventure pas mal que telle defense fust observee parce que telles images sont sujettes a se gaster, desfaire et effacer, non sans quelque mespris de leur saint et sacré usage, qui est la rayson du Concile disant: « Ne quod colitur aut adoratur in parietibus depingatur: Affin que ce qui est honnoré ou adoré ne soit peint es murailles.

  A002000576 

 » Car je dis premierement, que telle occasion peut naistre en quelque province par laquelle on devra defendre que les images ne soyent point es eglises, comme si les infidelles, Maures, Turcz et heretiques ravageoyent les temples, brisoyent les images et les outrageoyent en mespris de ce qu'elles representent, il ne serait que bon de leur en lever toute commodité et occasion.

  A002000576 

 » Troisiesmement, je dis que puysqu'on ne peut pas sçavoir le propre et particulier motif de ce Concile, et qu'il n'estoit que provincial et de dix-neuf evesques seulement, il n'est raysonnable de le vouloir rendre [145] opposant au general consentement et a la coustume de l'Eglise ancienne qui recevoit les images aux eglises, comme j'ay prouvé cy devant.

  A002000581 

 Constantin, comme dit Sozomene, dressa son Labare en forme de croix parce que la coustume estoit que les soldatz fissent reverence a cest estendart, a fin que, par la, peu a peu ilz fussent accoustumés, par la continuelle veuë et veneration de la Croix, a rejetter le paganisme et embrasser la foy de Jesus Christ.

  A002000581 

 Et saint Basile, beaucoup plus ancien, parlant de Jesus Christ, de sa Mere, de ses Apostres, Prophetes et Martyrs, il dit qu'il « honnore les histoires de leurs images et qu'il les adore tout ouvertement, car, » dit-il, « cecy estant baillé par les saintz Apostres, il ne le faut pas defendre, mays en toutes nos [148] eglises, nous dressons leurs histoires.

  A002000581 

 L'Eglise estoit pure, selon la confession des Reformateurs, les cinq cens premieres annees, et, s'il faut croire le traitteur, les yeux des Chrestiens commencerent seulement « à se ternir et à ne voir plus guere clair au service de Dieu » au tems de saint Gregoire Pape.

  A002000581 

 Or ces grans personnages vivoyent en la fleur de l'Eglise, dont saint Thomas et saint Bonaventure ont dit l'honneur de la Croix et des autres images estre une tradition Apostolique; car, voyans qu'il a commencé tout aussi tost que le Christianisme, et que si l'on remonte d'aage en aage dans le tems des Apostres on en trouvera une observation perpetuelle, ilz se sont tenuz en la regle de saint Augustin qui porte, que « l'on croit tres justement que ce que l'Eglise universelle tient, et n'est institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, n'a point esté baillé sinon par l'authorité Apostolique.

  A002000581 

 Or, qui ne sçait qu'anciennement les Chrestiens adoroyent vers le levant? Ce Pere donq vouloit que la Croix fust mise au lieu vers lequel se faisoit l'adoration.

  A002000581 

 Voyons comme on se gouvernoit [147] alhors touchant l'honneur de la Croix, et nous trouverons que les payens appelloyent les Chrestiens, par injure, « religieux et devotz de la Croix: religiosos Crucis.

  A002000581 

 « Quand il est question de reformer les desordres, il faut ensuivre le dire de Jesus Christ en sainct Matthieu, chap. 19: Il n'estoit pas ainsi au commencement.

  A002000582 

 Saint Augustin tesmoigne, que combien qu'anciennement on crucifiast les mal-faiteurs, de son tems toutefois on n'en crucifioit point.

  A002000582 

 Sozomene, d'autre part, escrit que ce grand Empereur avoit fait faire un pavillon ou tabernacle en guise d'une eglise ou chapelle qu'il portoit tous-jours avec soy quand il alloit a la guerre, affin que tant luy que l'armee eust un lieu sacré auquel on loüast Dieu, on le priast et on peust recevoir les sacrés misteres, car les prestres (sacerdotes) et diacres suivoyent tous-jours ce tabernacle a ceste intention.

  A002000582 

 » Aussi le traitteur confesse que les meschans eussent esté « honorez par tel supplice, » dont le bienheureux Prince des Apostres, saint Pierre, devant estre crucifié, pria que ce fust les piedz contre-mont s'estimant indigne d'estre crucifié en mesme maniere que son Maistre, comme [149] dit saint Hierosme, et saint Dorothee le touche.

  A002000583 

 A mesme intention les empereurs Theodose et Valentin ont fait ceste loy: « Ayans sur tout un grand soin de conserver la religion de la supreme Divinité, qu'il ne soit loysible a personne de graver ou peindre le signe du Sauveur Jesus Christ, ou en terre, ou en pierre ou en marbre qui soit mis a terre.

  A002000598 

 Bienheurant les tormens dont il souffrit la peyne..

  A002000606 

 Prudence, encor plus ancien, tesmoigne que les empereurs Chrestiens honnoroyent la Croix:.

  A002000627 

 Baisse le col et les yeux,.

  A002000631 

 C'est qu'il le veut rendre capable du Christianisme, [152] qui fait brusler les idoles et honnorer la Croix.

  A002000631 

 Mays a quoy, je vous prie, visoit la bravade que les payens faisoyent aux Chrestiens, recitee par Minutius Felix au huitiesme Livre joint a ceux d'Arnobe: « Voicy des supplices pour vous, et des tormens et des croix, non plus pour adorer mays pour souffrir »? n'estoit-ce pas une presupposition de l'honneur que les Chrestiens faisoyent a la Croix qui leur faisoit avancer ces parolles: Ecce vobis supplicia, tormenta, et jam non adorandæ sed subeundæ cruces? En voyla bien asses pour convaincre le traitteur, qui a bien osé dire que du tems de la pure et primitive Eglise on n'a dressé ni veneré la Croix, ou bien, qui revient tout en un, qu'il ne luy faut porter aucun honneur religieux; car, a quel autre honneur se peut rapporter ce que j'ay produit jusques icy? [153].

  A002000638 

 De mesme estoffe est la priere Françoise qui se lit presques en toutes les Heures, qu'on appelle; au moins l'ay-je leuë en celles que Michel Jove a imprimees à Lyon, l'an 1568, qui sont à l'usage de Rome; en voici les termes:.

  A002000638 

 Et afin qu'il ne semble qu'on leur face tort par tels propos, voici les mots [154] dont ils usent quand ils benissent le bois de la Croix: Seigneur, que tu daignes benir ce bois de la Croix, à ce qu'il soit remede salutaire au genre humain, fermeté de foy, avancement de bonnes œuvres, redemption des ames, defense contre les cruels traicts des ennemis; item: Nous adorons ta Croix; item: O Croix qui dois estre adoree, o Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as merité de porter le talent du monde, doux bois, doux cloux, portans doux faix, sauve la presente compagnie assemblee en tes louanges; item: Croix fidele, arbre seule noble entre toutes, nulle forest n'en porte de telle en rameaux, en fleur et en germe; le bois doux soustient des doux cloux et un faix doux.

  A002000638 

 Les choses sont allees si avant que la Croix a esté ise és temples; a esté saluee par ces mots: O Crux ave, c'est à dire, Croix bien te soit, qui sont propos ineptes; 2. et incontinent invoquee en disant: Auge piis justitiam reisque dona veniam, c'est à dire, augmente la justice aux bons et donne pardon aux coulpables; 3.

  A002000649 

 Pareilles inepties et blasphemes se commettent autour de la lance, de laquelle saincte lance la feste se celebre le Vendredi apres les octaves de Pasques, et lui est addressee la priere suivante: Bien te soit fer triumphal, qui entrant en la [155] poictrine vitale ouvre les huis du ciel; heureuse lance, navre-nous de l'amour de celui qui a esté percé par toi.

  A002000650 

 Je responds donques au traitteur, a de Beze, et a leurs semblables, cottant par ordre les griefz qu'ilz ont peu pretendre en cest endroit et les raysons pour lesquelles ilz ne sont recevables..

  A002000650 

 Voyla les subtiles recerches que fait ce playsant traitteur pour convaincre les Catholiques d'estre « foret cenez, rendus punais par l'idolatrie et plus stupides que le bois », car c'est ainsy qu'il nous traitte.

  A002000651 

 Ilz trouvent mauvais que l'on parle a la Croix, qu'on la salue, et beaucoup plus qu'on l'invoque, puysqu'elle n'a ni sentiment ni entendement; mais a ce conte il se faudroit moquer des saintz Prophetes, qui en mille endroitz ont addressé leurs paroles aux choses insensibles: O Cieux jettes la rosee d'en haut, et que les [156] nues pleuvent le Juste, que la terre s'ouvre et qu'elle germe le Sauveur; O cieux, oyes ce que je dis; J'invoque a tesmoins le ciel et la terre; Benisses, soleil et lune, le Seigneur; Loues-le, soleil et lune; Qu'as-tu, o mer, qui te fasse fuir, et toy, o Jordain, que tu sois retourné arriere? Saint André ne vit pas si tost la croix en laquelle il devoit estre crucifié qu'il s'escrie saintement: « O bonne Croix qui as receu ton ornement des membres de mon Seigneur, long tems desiree, soigneusement aymee, cerchee sans relasche, et en fin preparee a mon esprit desireux, reçois-moy d'entre les hommes et me rends a mon Maistre, affin que celuy-la me reçoive par toy, qui par toy m'a racheté.

  A002000651 

 Qui ne sçait combien les apostrophes et prosopopees sont en commun usage a toute sorte de gens? Et quelle plus grande ineptie que de faire le fin a reprendre semblables termes? Et quel danger peut-il avoir en ce langage:.

  A002000657 

 Or, quoy qu'en toutes ces manieres de dire les parolles soyent addressees a la Croix, au ciel, a la neige et semblables choses inanimees, si est-ce que l'invocation passe plus outre et se rapporte a Dieu et au Crucifix.

  A002000657 

 Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pecheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont neanmoins redressees par l'intention de ceux qui les proferent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familieres et bien entendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affectionnés..

  A002000657 

 Voicy un exemple signalé: Josué desire que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carriere; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'effect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu: Tunc locuutus est Josue Domino, in die qua tradidit Amorrhæum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journee que Dieu livra l'Amorrheen a la veuë des enfans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune: Dixitque coram eis: Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon: Et dit devant iceux: O soleil, n'avance point contre Gabaon, et toy, o lune, contre la vallee d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressees au soleil et a la lune, et voicy [158] l'effect qui ne part que de la main de Dieu: Stetit itaque sol in medio cæli, et non festinavit occumbere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa dies, obediente Deo voci hominis: Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par l'espace d'un jour; onques auparavant ni apres, jour ne fut si grand, Dieu obeissant ou secondant a la voix de l'homme.

  A002000658 

 Or veut-il faire passer ceste calomnie sous corde, parce que bien souvent les libraires joignent avec les Heures en un mesme volume plusieurs traittés et oraisons, bien souvent mal a propos, sans congé ni rayson; mays luy qui ose bien censurer les œuvres de saint Augustin, et en rejetter plusieurs pieces comme n'ayans le style et la gravité assortissante aux autres, quoy qu'elles soyent comprises sous le mesme tiltre, n'a-il pas conneu que ces rimes françoises et autres telles oraisons ne sont pas des appartenances de l'office et des Heures de Rome? Il est sot s'il ne l'a consideré, il est imposteur s'il l'a consideré.

  A002000658 

 » J'admire seulement ceste delicate ame, laquelle ayant dit que ceste rime se trouve « presques en toutes les Heures, » interprete tout a coup son « presques » de celles seules de Michel Jove, imprimees l'an 1568; et, pour estre encor plus inepte, veut mettre en usage une vielle rime platte françoise es offices de Rome.

  A002000659 

 Autant en dis-je de la devotion dont se servent aucuns la Semaine Sainte, et les vendredis blancz, que le traitteur avance et tasche de noircir; ce sont observations dignes de luy, et ne touchent aucunement l'Eglise Catholique, car ces devotions n'ont aucune authorité publique, ni ne sont jointes aux Heures comme [160] parties d'icelles; nos calendriers approuvés ne font mention ni des vendredis blancz ni des vendredis noirs.

  A002000665 

 Je dis qu'on bayse asses par honneur le prince et le roy quand on bayse le bout de [162] son manteau ou de son sceptre, ains on ne bayse pas autrement les mains aux souverains que baysant leurs manteaux; l'honneur fait a telles appartenances se rapporte a ceux de qui elles sont.

  A002000666 

 Ilz nous reprochent la benediction de la Croix; mais, ou ilz trouvent mauvais qu'on la benie, et je leur oppose saint Paul, qui dit que toute creature est sanctifiee par la parole de Dieu et par l'oraison; ou ilz trouvent mauvais les tiltres que l'on baille a la Croix en ceste benediction et en plusieurs autres parties de nos offices, et lhors je leur oppose toute l'antiquité.

  A002000666 

 Quelz tiltres veulent-ilz lever a la Croix? Je crois que voici ceux qui les faschent le plus: Remede salutaire du genre humain, redemption des ames, tres adorable, plus sainte que tout, nostre unique esperance.

  A002000666 

 Qui ne sçait que les plus saintz et anciens Peres de l'Eglise l'ont ainsy appellee? Saint Chrysostome, en une seule [163] homelie, luy baille passé cinquante tiltres d'honneur, et entre autres il l'appelle « esperance des Chrestiens, resurrection des mortz, chemin des desesperés, triomphe contre les diables, pere des orphelins, defenseur des vefves, fondement de l'Eglise, medecin des malades.

  A002000666 

 » En la premiere homelie de la Croix et du larron, il l'appelle « substance de toute joye spirituelle et eslargissement abondant de tous biens; » en la seconde, il l'appelle « nostre soleil de justice, » et ailleurs, « espee par laquelle Jesus Christ a rompu et anéanti les forces du diable.

  A002000667 

 Au demeurant, les motz n'ont autre valeur que celle qu'on leur baille.

  A002000667 

 C'est une sotte subtilité de tant disputer des motz quand il appert de la bonté de l'intention; la regle est generale qu'il les faut entendre selon la capacité du sujet dont il est question, secundum subjectam materiam: il est force que les choses s'entreprestent leurs noms les unes aux autres, car il y a plus de choses que de motz, mays c'est a la charge qu'ilz ne soyent appliqués que selon l'estendue et valeur des choses pour lesquelles on les employe.

  A002000667 

 Ces espritz clair voyans qui adorent Dieu au second ordre des Anges sont appellés Cherubins, et leurs images sont appellees Cherubins; voyla un mesme mot, mays les choses sont differentes.

  A002000667 

 Je dirois volontiers qu'ilz sont comme les chiffres zero, qui ne valent sinon a mesure des nombres qui les precedent; les noms aussi n'ont leur signification qu'a proportion de l'intention avec laquelle on les produit, comme les robbes plissees qui sont larges et estroittes selon le cors sur lequel elles sont mises.

  A002000667 

 La Croix est un remede salutaire, redemption des ames, tres adorable, nostre unique esperance, plus sainte que tout; cela s'entend selon le rang qu'elle tient entre les instrumens de la Passion et de nostre salut; qui l'entendroit comme du Redempteur mesme seroit inepte et sot, car le sujet en est du tout, sans difficulté, inepte et incapable..

  A002000667 

 Les paroles des gens de bien et sages sont tousjours prises sagement et en bonne part, par les gens de bien: qu'y a-il de meilleur et de plus sage que l'Eglise? c'est une malice expresse de tirer a un sens blasphematoire ses paroles, qui peuvent avoir un sens bienseant et sortable sans forcer la commune et ordinaire maniere d'entendre.

  A002000667 

 Y a-il mot de plus grande signification que le mot de Dieu, qui signifie le souverain Estre et l'Infini? neanmoins par fois le Saint Esprit l'accourcit tant qu'il le fait joindre aux creatures: J'ay dit, vous estes dieux; Dieu se trouve en l'assemblee des dieux, or au milieu il juge les dieux; Je t'ay constitué Dieu de Pharao.

  A002000668 

 Et a ce propos, quand j'ay veu Illyricus ou Simon Goulart, au Catalogue des tesmoins de leur verité pretendue, apres avoir cité saint Chrysostome attribuant a la Croix plusieurs beaux tiltres, adjouster par forme de commentaire: Encomia Crucis Chrysostomus suo more canit, signo quod signatæ rei convenit tribuens; ista vero postea pontificii non sine blasphemia et idolatria ad signum ipsum retulerunt; [166] c'est a dire: « Chrysostome, a sa façon, chante les louanges de la Croix attribuant au signe ce qui convient a la chose signifiee, mais par apres les papaux ont rapporté ces choses au signe mesme, non sans blaspheme et idolatrie; » quand j'ay veu cela, dis-je, j'ay admiré la vehemence de ceste passion qui ne permet aux novateurs de prendre en bonne part de l'Eglise Catholique les mesmes motz et les mesmes parolles qu'ilz prennent bien en bonne part de la bouche de saint Chrysostome.

  A002000670 

 Que c'est un nom bien appliqué, car en cest endroit adoré ne veut dire autre que veneré et honnoré; or qui ne sçait que les jours [167] esquelz se sont faites quelques saintes actions, ou bien ceux esquelz on en fait memoire, sont par tout en l'Escriture appellés tres saintz, tres celebres et venerables? Le Dimanche est appellé jour du Seigneur pour ce qu'il est dedié a Dieu; saint Augustin l'appelle venerable, comme Lactance et saint Chrysostome appellent de mesme le jour de Pasques; pourquoy ne sera venerable le Vendredi dedié a Dieu en honneur de la Passion? 3.

  A002000671 

 Or combien soit ancienne la celebration du Vendredi, et sur tout du Vendredi Saint, a l'honneur de la Croix, saint Chrysostome en tesmoignera: « Commençons aujourd'huy, mes tres chers, » dit-il, « a precher du trophee de la Croix; honnorons ceste journee, ains soyons plustost couronnés en celebrant ce jour, car la Croix n'est point honnoree par nos paroles, mays nous meriterons les couronnes de la Croix par nostre fidelle confession; aujourd'huy la Croix a esté fichee et le monde a esté sanctifié.

  A002000671 

 « Le jour anniversaire revient qui represente la trois fois heureuse et vitale Croix de Nostre Seigneur, et la nous propose pour estre veneree, et nous fait chastes et nous rend plus robustes et promptz a la course de la carriere des saintes abstinences; nous, dis-je, qui d'un cœur sincere et avec levres chastes la venerons: nos qui sincero corde eam castisque labris veneramur. » Or sus donques, quel danger y a-il d'honnorer la Croix, la bayser, et de nommer le Vendredi aoré ou adoré, voire quand on le nommeroit ainsy pour l'adoration de la Croix qu'on fait ce jour-la? Pourquoy appelloit-on le jour de Pasque, Pasque, sinon parce qu'en iceluy se fit le passage du Seigneur, et de ce passage prit son nom et le jour et l'immolation laquelle s'y faisoit? Les jours prennent leur nom bien souvent de quelque action faite en [169] iceux; aussi le Vendredi peut estre dit aoré a l'occasion de l'adoration de la Croix faite en iceluy; mays comme on n'appelloit pas les tables, couteaux, nappes et autres appartenances de l'immolation de la Pasque du nom de Pasque, ainsy n'appelle-on pas aoré ni le lieu, ni l'estui, ni les doigtz, ni la main qui touchent la Croix, comme veut inferer le traitteur: la rayson est ouverte, parce que tout cela n'est pas dedié a la celebration de ceste action ou adoration comme le jour; mais le traitteur n'a ni regle ni mesure a faire des conséquences, pourveu qu'elles soyent contraires a l'antiquité ce luy est tout un..

  A002000671 

 » Sozomene tesmoigne que Constantin le Grand, long tems avant saint Chrysostome, « a veneré le jour du Dimanche comme celuy auquel Jesus Christ ressuscita des mortz, et le Vendredi comme celuy auquel il fut crucifié; car il porta beaucoup d'honneur a la sainte Croix, tant pour le secours receu par la vertu d'icelle en la guerre contre les ennemis, qu'aussi pour la divine vision qu'il eut d'icelle.

  A002000673 

 Il n'y a rien de si grave et bienseant dequoy Democrite ne rie, rien de si ferme dequoy Pyrrho ne doute; la temerité de l'heretique, qui n'a ni front ni respect mays tient ses conceptions pour des divinités, se rit et mocque de toutes choses: qui des ceremonies, qui des paroles, qui du Purgatoire, qui de la Trinité, qui de l'Incarnation, qui du Baptesme, qui de l'Eucharistie, qui de l'Epistre de saint Jaques, qui des Machabees, et tous avec une esgale asseurance; ilz sont assis sur la chaire pestilente de mocquerie, leurs mocqueries empestent beaucoup plus les simples que leurs discours..

  A002000679 

 Encor desplait-il au traitteur que nous appellions la Croix remede salutaire: les Anciens l'ont ainsy appellee, et Dieu, par mille experiences, en a rendu tesmoignage.

  A002000687 

 Au [173] contraire, celuy qui print la croix au lieu de cestuy-ci, quoy qu'on luy greslast dessus une infinité de dars, ne peut onques estre offensé, les fiesches venans toutes se ramasser et ficher dans l'arbre ou lance de l'estendart.

  A002000687 

 Ce ne sont pas des contes de quelque vieille; Constantin asseura Eusebe de tout ceci, et Eusebe l'a despuys escrit, duquel j'ay presque suivi les propres paroles.

  A002000687 

 Ce qu'ayant entendu l'Empereur, s'il voyoit quelque partie de son armee s'affoiblir et allanguir en quelque endroit, il commandoit que l'on y logeast ceste enseigne salutaire comme un secours asseuré pour obtenir victoire, par l'ayde de laquelle la victoire fut soudainement acquise, d'autant que les forces des combattans, par une certaine vertu divine, estoyent beaucoup affermies.

  A002000687 

 De mesme, les Scythes et Sauromates qui avoyent rendu tributaires les empereurs precedens, furent reduitz sous l'Empire par Constantin, qui dressa contre eux ceste mesme enseigne triomphante, se confiant en l'ayde de son Sauveur; et partant il vouloit que sur les armes on gravast le signe du Trophee salutaire, et qu'on le portast en teste de son armee: c'est encor un recit d'Eusebe..

  A002000687 

 Une autre fois, combattant contre Licinius, ayant au front de son armee l'estendart de la Croix, il multiplioit tousjours les trophees de sa victoire, car par tout ou ceste enseigne fut veuë, les ennemis prenoient la fuite et les vainqueurs les chassoyent.

  A002000688 

 Combien de merveilles furent faittes par l'image du Crucifix en la ville de Berite au rapport de saint Athanase? Apres la mort de Julien l'apostat, se fit un si grand tremblement de terre que la mer sortant de ses propres bornes, il sembloit que Dieu menaçast le monde d'un deluge universel; les citoyens d'Epidaure, estonnés de cela, accoururent a saint Hilarion, qui pour lhors estoit en ce païs la, et le mirent au rivage, ou, tout, aussi tost qu'il eut fait trois signes de Croix au sable, la mer qui s'estoit tant enflee, demeura ferme devant luy, et apres avoir fait grand bruit se retira petit a petit en elle mesme: saint Hierosme en est le tesmoin..

  A002000688 

 Le roy Oswald, devant que combattre contre les barbares, dressa une grande croix de bois, et s'estant mis a genoux avec toute son armee, obtint de Dieu la victoire qu'il eut sur le champ; despuys, grand nombre de miracles se firent en ce lieu la, plusieurs mesme venoyent prendre des petites buches du bois de ceste croix, lesquelles ilz plongeoyent dans l'eau qu'ilz faisoyent boire aux hommes et animaux malades, et soudain ilz estoyent gueris; Bothelmus, religieux [174] d'Hagulstadt, s'estant brisé et rompu le bras, appliqua sur soy certaine racleure de ce bois et tout incontinent il fut gueri: Bede le Venerable est mon autheur.

  A002000689 

 Ainsy saint Chrysostome raconte que de son tems on marquoit de la Croix les maysons, les navires, les chemins, les lictz, les cors des animaux malades, et ceux qui estoyent possedés du diable, « tant chacun tire a soy, » dit-il, « ce don admirable.

  A002000689 

 Les habitans d'une certaine ville du Japon, ayans apprins par l'experience et par les Portugois qui y estoyent que la Croix servoit de grand remede contre les diables, firent dresser des croix en presque toutes leurs maysons, avant mesme qu'ilz fussent Chrestiens, au rapport du grand François Xavier.

  A002000689 

 » La rayson de leur retraitte est parce que, comme dit saint Cyrille, « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon; » « et si la veuë seule d'un gibbet, » dit saint Chrysostome, « nous fait horreur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel »? Je ne veux pas oublier a dire que parmi les barbares des Indes, long tems avant nostre aage, on trouva ceste marque de l'Evangile; nos croix y estoyent en diverses façons en credit, on en honnoroit les sepultures, on les appliquoit a se defendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens..

  A002000689 

 » « Peignons la Croix en nos portes, » disoit [175] saint Ephrem, « armons-nous de ceste armeure invincible des Chrestiens, car a la veuë de ceste enseigne les puissances contraires estans espouvantees se retirent.

  A002000690 

 Or le traitteur, produisant fort froidement ce que Sozomene dit de la vertu de la Croix portee en l'armee de Constantin, parle en ceste sorte: « Il reste un tesmoignage du premier livre de Sozomene, chap. 4, où il est dit que les soldats de Constantin ont grandement honoré son estendard fait en forme de croix, et que quelques miracles ont esté faits parmi eux.

  A002000690 

 Quel pouvoir aves-vous de juger si rigoureusement ces vieux Chrestiens et les autheurs qui les louent?.

  A002000691 

 Ainsy, a qui demanderoit pourquoy les Genazareens desiroyent si ardemment de toucher le seul bord ou frange de la robbe de Nostre Seigneur, on respondroit que c'est d'autant qu'ilz tenoyent ceste robbe comme instrument de miracles et guerisons.

  A002000691 

 Les prelatz qui font leur devoir sont dignes de double honneur; et, je vous prie, ceux qui ne font leur devoir doivent-ilz estre mesprisés? Au contraire saint Paul tesmoigne qu'on leur doit, ce nonobstant, honneur et reverence; la rayson est parce que leur bonne vie n'est pas la totale cause du devoir que l'on a de ces honneurs, mays la dignité du grade qu'ilz tiennent sur nous..

  A002000691 

 Or est-il certain que de cent mille croix il ne s'en trouvera trois qui facent miracle, quand bien on advouëra les contes qu'on en fait, comme l'effect le monstre et les histoires des exorcistes le conferment.

  A002000691 

 » Voyla pas une ignorance lourde? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la representation de Jesus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'autre; mays outre cela il y a des autres particulieres et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et desirable que l'autre: si non seulement elle represente Nostre Seigneur, mays a esté touchee par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté employee a quelque [177] œuvre miraculeuse, certes elle en sera d'autant plus honnorable, mays quand ni l'un ni l'autre ne se rencontreroit, l'image de la Croix ne laisseroit pourtant d'estre sainte a cause de sa representation.

  A002000692 

 Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy.

  A002000692 

 Pline et Mathiole nous descrivent une herbe propre contre la peste, la colique, la gravelle, nous voyla a la cultiver pretieusement en nos jardins; peut estre neanmoins que de mille millions de plantes de ceste espece la, il n'y en aura pas trois qui ayent fait les operations que ces autheurs nous en promettent: nous les prisons donq toutes parce qu'estans de mesme sorte et espece que les trois ou quattre qui ont fait operation, elles sont aussi de mesme valeur ou qualité.

  A002000693 

 Au demeurant, quand le traitteur allegue les histoires des exorcistes, je ne sçay ou il a l'esprit; car puysque ainsy est, que de chasser les diables est une marque qui suit les croyans et l'Eglise, et que parmi les Reformeurs il ne se voit ni exorciste ni aucune guerison de demoniaques, il devroit meshui reconnoistre ou est la vraye Eglise: or cela est hors de nostre sujet.

  A002000693 

 C'est grand cas que cest homme trouve estrange que nos exorcistes ne chassent pas tous-jours les diables des cors, et ne voudroit pas qu'on [181] trouvast estrange que les ministres n'en chasserent jamais un seul.

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000693 

 Et quoy? si le cors est tormenté par le demon affin que l'esprit du possedé soit sauvé (comme parle l'Apostre), voudries-vous que l'exorcisme ou la priere empeschast cest effect? Vous erres, n'entendans ni les Escritures ni la vertu de Dieu.

  A002000693 

 Les Peres se sont contentés, pour prouver la vertu de la Croix, de tesmoigner que les diables la craignent et en sont tormentés, et cest homme veut qu'infalliblement elle les chasse.

  A002000693 

 Mais quant aux exorcismes « du tant sainct et renommé docteur Picard et autres Sorbonistes » ou du « moine de sainct Benoist mené à Rome par le cardinal Gondy » qui ne peurent sortir leur effect, ainsy que dit le traitteur, ce n'est pas grand' merveille; l'oraison de saint Paul ne valut rien moins pour n'avoir obtenu le bannissement de cest esprit charnel; l'oraison obtient les miracles, mais non pas tousjours ni infalliblement, et ne faut pour cela mespriser sa vertu.

  A002000699 

 C'est une estrange grace, personne ne se confond, personne ne se donne honte pensant que ç'a esté l'enseigne d'une mort maudite; au contraire, chacun s'en tient pour mieux paré que par les couronnes, joyaux et carquans, et non seulement elle n'est point fuie, mais elle est desiree et aymee, et chacun est soigneux d'icelle et par tout elle resplendit.

  A002000699 

 La vertu que les Anciens ont remarquee en la Croix, outre la chere et pretieuse memoire de la Passion, la leur a rendue extremement desirable et, comme parle saint Chrysostome, « de celle que chacun avoit en horreur, on en cherche si ardemment la figure.

  A002000699 

 » Icy joignent les exhortations que l'ancien Origene et saint Ephrem, avec plusieurs autres, font pour recommander l'usage de la Croix; et partant, dit le premier: « Levons joyeux ce signe sur nos espaules, portons ces estendars des victoires; les diables les voyans, trembleront.

  A002000700 

 Est-il raysonnable que ce traitteur qui, a plusieurs passages de saint Augustin, ne respond autre sinon que les livres allegués ne sont pas de saint Augustin, sans autre rayson sinon qu'Erasme et les docteurs de Louvain l'ont ainsy jugé, est-il raysonnable, dis-je, qu'il soit receu a produire un huitiesme livre d'Arnobe Contre les Gentilz, puysque c'est chose asseuree qu'Arnobe n'en a escrit que sept? A l'adventure que le traitteur ne sçavoit pas ceci; mais un homme si aigre et chagrin a censurer les autres, ne peut estre excusé par l'ignorance, laquelle ne sert qu'aux humbles.

  A002000700 

 Si est-ce, dit le petit traitteur, que « ces mots expres se lisent au huictieme livre d'Arnobe, respondant à l'objection des Payens qui blasmoient les Chrestiens comme s'ils eussent honoré la Croix: nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000700 

 Voyci les paroles de saint Hierosme, qui estoit tout voysin d'Arnobe: « Arnobe, » dit-il, « a basti sept livres contre les Gentilz, et autant son disciple Lactance.

  A002000700 

 « Arnobe, » dit-il, « qui vivoit l'an 330, livre VIII Contre les Gentilz, refutant ceste calomnie comme si les Chrestiens eussent adoré les croix (lesquelles ilz faisoyent en l'air a fin d'estre reconneuz par ceste profession exterieure d'avec les payens), respond en ceste sorte: Nous n'honnorons ni desirons les croix, vous voirement qui consacres des dieux de bois, adores par fortune des croix de bois comme parties de vos dieux.

  A002000700 

 » Or je remarque que ces deux livres reformés ont ceste contrarieté, que ce que le petit traitteur applique aux croix [185] materielles, le Catalogue l'assigne au signe fait en l'air, mays ilz n'ont qu'une intention, de contredire a l'Eglise: l'un ne veut confesser ce qui est presupposé en l'objection des payens, a sçavoir, que les Chrestiens eussent si anciennement des croix en matiere subsistante, et l'autre, le confessant, veut monstrer par la qu'il ne les faut point honnorer.

  A002000701 

 Ma rayson est claire; on ne sçauroit nier que tout a l'environ du tems d'Arnobe les Chrestiens dressoyent, honnoroyent et desiroyent les croix.

  A002000701 

 Mais je dis en second lieu, que quand ce huitiesme Livre seroit d'Arnobe, si ne faudroit-il pas l'entendre si cruement et dire que les Chrestiens de ce tems-la ne desirassent ni n'honnorassent les croix en aucune façon.

  A002000701 

 Ne les mettons pas en ces dissentions, baillons a leur dire un sens commode par lequel ilz ne s'offensent point les uns les autres, accommodons-les ensemble s'il se peut faire, et demeurons avec eux; c'est la vraye regle de bien lire les Anciens..

  A002000701 

 « Arnobe, » dit Illyricus, « vivoit environ l'an 330 »: environ ce tems-la vivoyent Constantin le Grand, saint Athanase, saint Anthoine, saint Hilarion, Lactance Firmien; un peu auparavant vivoyent Origene, Tertullien, Justin le Martyr; un peu apres, saint Chrysostome, saint Hierosme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Ephrem: Constantin fait dresser des croix pour se rendre aggreable aux Chrestiens, et les rend adorables a ses soldatz; saint Athanase proteste que les Chrestiens adorent la Croix, et que c'est un pregnant remede contre les diables; saint Hilarion l'employe contre les desbordemens de la mer; Lactance, disciple d'Arnobe, fait un chapitre tout entier de la vertu de la Croix; Origene exhorte qu'on s'arme de la sainte Croix; Tertullien confesse que les Chrestiens sont religieux de la Croix, autant en fait Justin le Martyr; saint Chrysostome en parle comme nous avons veu, et saint Ephrem aussi; saint Ambroise asseure qu'en [187] ce signe de Jesus Christ gist le bon heur et prosperité de tous nos affaires; saint Hierosme loüe Paula prosternee devant la Croix; saint Augustin tesmoigne que ceste Croix est employee en tout ce qui concerne nostre salut: n'ay-je pas donq rayson de dire ce que saint Augustin dit a Julien, qui alleguoit saint Chrysostome contre la croyance des Catholiques: Itane, dit-il, ista verba sancti Joannis Episcopi audes tanquam e contrario tot taliumque sententiis collegarum ejus opponere, eumque ab illorum concordissima societate sejungere et eis adversarium constituere? Sera-il donq dit, petit traitteur, qu'il faille apposer ces paroles d'Arnobe « comme contraires a tant et de telles sentences de ses collegues, et le separer de leur tres accordante compaignie, et le leur constituer ennemy et adversaire »? Pour vray, si Arnobe vouloit que la Croix ne fust aucunement ni desiree ni honnoree, il desmentiroit tous les autres; si au contraire les autres Peres vouloyent que la Croix fust desiree et honnoree de toute sorte d'honneur et en toute façon, ilz desmentiroyent Arnobe, ou l'autheur du Livre que le traitteur luy attribue.

  A002000702 

 Arnobe, visant a l'intention des accusateurs plus qu'a leurs paroles, nie tout a fait leur dire: « Nous ne desirons pas, » dit-il, « les croix ni ne les honnorons; » cela s'entend en la sorte et qualité que vous cuides et selon le sens de vostre accusation.

  A002000702 

 Au rebours, la Croix n'a pas esté desiree ni honnoree comme une divinité ou comme les idoles, ce qui n'est point contraire a ce qu'ont dit les Anciens.

  A002000702 

 Les Gentilz donques qui voyoyent la Croix estre en honneur parmi les Chrestiens, croyoyent qu'elle fust tenue pour Dieu comme leurs idoles, et le reprochoyent aux Chrestiens.

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000704 

 Arnobe donques luy mesme, sur le Pseaume LXXXV, interpretant ces parolles, Fac mecum signum in bonum, il introduit les Apostres parlans ainsy: « Car iceluy Seigneur ressuscitant et montant au ciel, nous autres ses Apostres et [190] Disciples aurons le signe de sa Croix a bien avec tous les fidelles, si que les ennemis visibles et invisibles voyent en nos frontz ton saint signe et soyent confonduz, car en ce signe-la tu nous aydes, et en iceluy tu nous consoles, o Seigneur, qui regnes es siecles des siecles.

  A002000708 

 Il faut croire aux Escritures ainsy que l'Eglise les nous baille, il faut croire a l'Eglise ainsy que l'Escriture le commande.

  A002000708 

 Je trouve en l'Escriture qu'il faut ouïr l'Eglise, qu'elle est colomne et fermeté de verité, que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, mais je ne trouve point en l'Escriture qu'il faille abattre ce qu'elle dresse, honnir ce qu'elle honnore.

  A002000708 

 L'Eglise me dit que j'honnore la Croix, il n'y a huguenot si affilé qui peut monstrer que l'Escriture le defende; mais l'Escriture, qui recommande tant l'Eglise, recommande asses les croix dressees en l'Eglise et par l'Eglise..

  A002000708 

 L'eschappatoire ordinaire des huguenotz, de demander quelque passage expres en l'Escriture pour recevoir quelque article de creance, semble demeurer encor en main au traitteur, car il me dira: Ou est-il dit qu'il faille honnorer les images de la Croix et qu'elle ait les vertus que vous luy attribues? J'ay des-ja respondu au commencement du premier Livre, mays maintenant je dis, premierement, qu'on n'est pas obligé de faire voir expres en l'Escriture commandement de tout ce que l'on fait.

  A002000708 

 Me sçauroit-on monstrer qu'il faille avoir en honneur et respect le Dimanche et le tenir pour saint plus que le Jeudi? Item l'Eucharistie, si elle n'est autre qu'une simple commemoration de la Passion, comme presupposent les Reformés: on trouvera bien qu'il faut [192] s'esprouver soy mesme et ne la manger pas indignement, mais qu'il y faille aucun honneur exterieur, ou me le monstrera-on? Et pourquoy, je vous prie, aura-on plus de credit a brusler et briser les croix, les appeller idoles et sieges du diable, qu'a les dresser, honnorer et appeller saintes, pretieuses, triomphantes? car si cecy n'est escrit cela l'est encor moins.

  A002000709 

 » La verge de Moyse, d'Aaron, l'Arche de l'alliance et mille telles choses, ne furent-elles pas tenues pour saintes et sacrees et par consequent pour honnorables? ce n'estoyent toutefois que figures de la Croix; pourquoy donq ne nous sera honnorable l'image de la Croix? Disons ainsy: n'est-ce pas avoir en honneur une chose, de la tenir pour remede salutaire et miraculeux en nos maux? mais quel plus grand honneur peut-on faire aux choses que de les avoir en telle estime et recourir a elles pour telz effectz? or, les premiers et plus affectionnés Chrestiens avoyent ceste honnorable croyance de l'ombre de saint Pierre, neanmoins leur foy est loüee et ratifiee par le succes et par l'Escriture mesme, et cependant l'ombre n'est autre qu'une obscurité confuse et tres imparfaitte image et marque du cors, causee non d'aucune reelle application, mais d'une pure privation de lumiere.

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000710 

 En fin je produis l'honnorable rang que le Serpent d'airain, figure de la Croix, tenoit parmi les Israëlites, [194] pour monstrer qu'autant en est-il deu aux autres images de la Croix qui sont parmi le Christianisme.

  A002000710 

 La rayson est considerable, comme je vay faire voir par les repliques que j'opposeray a ce qu'en dit le traitteur, lequel, avec un grand appareil, produit ce mesme Serpent d'airain contre nous affin qu'il nous morde, en ceste sorte: « Mais ce qui est allegué du 21.

  A002000711 

 I. Vous dites, o traitteur, que le Serpent d'airain a esté fait par le commandement de Dieu qui l'a dit a Moyse; mays je dis que les croix se font par le commandement de Dieu qui le suggere a l'Eglise et le luy a enseigné par la tradition apostolique: vous me monstreres que Dieu a parlé a Moyse, je vous monstreray qu'il enseigne et assiste perpetuellement l'Eglise en façon qu'elle ne peut errer..

  A002000712 

 II. Vous dites que le commandement de faire ce Serpent d'airain a esté une dispense du commandement prohibitif de faire images; donques, de faire des images n'est pas idolatrie, ni les images ne sont pas idoles, car l'idolatrie est mauvaise en toute façon et est impossible qu'elle puisse estre loysible, « d'autant qu'en quelque sorte qu'on prenne l'idole, elle ne vaut rien.

  A002000713 

 Donq, avoir des images hors et outre l'Escriture n'est ni idolatrie ni superstition; et ne soyes pas si effronté de dire que la conservation et garde du Serpent d'airain fut superstition, car vous accuseres de connivence, lascheté et irreligion les plus saintz et fervens serviteurs que Dieu ayt eu en Israël, Moyse, Josué, Gedeon, Samuel, David, sous l'authorité et regne desquelz ceste image a esté transportee et conservee tant d'annees outre le tems pour lequel Dieu l'avoit commandee.

  A002000713 

 » Que n'aves-vous aussi bien remarqué, pour vostre edification, que quoy qu'il n'en soit parlé en l'Escriture, si ne laissoit-ilz pas d'estre gardé et conservé pretieusement, mais qu'ayant esté fait hors et bien loin de la terre de promission il ne fut pas laissé ou il fut fait, mais fut transporté avec les autres meubles sacrés.

  A002000714 

 Apres que l'on a offert et dedié l'encens a Dieu, on le jette vers le peuple, non pour le luy offrir, mays pour luy faire part de la chose sanctifiee; on en jette vers les autelz, mays c'est a Dieu, comme a celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoires des Martyrs, mays c'est a Dieu, en action de graces de la victoire qu'ilz ont obtenue par sa bonté; on en jette es temples et lieux de prieres pour exprimer le désir que l'on a que l'oraison des fideles monte a Dieu comme l'encens: en quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures; ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grans, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A002000714 

 Ceux qui nous reprochent les idolatries ne sont pas des Ezechias, ce sont les racleures du peuple et des monasteres, gens passionnés qui osent accuser d'adultere la Susanne que le vray Daniel a mille fois prononcee innocente [200] en la Sainte Escriture.

  A002000714 

 Dont nous concluons au rebours de ce que vous aves fait, petit traitteur: si les saintes images en general, et specialement celle de la Croix, sont dressees par l'ordonnance de l'Eglise et par consequent de Dieu, quoy que vituperees par l'outrecuidance et defiance des hommes (qui ont cuidé que Dieu ne les pouvoit ni voir ni ouÿr sinon qu'ilz eussent renversé telles images), voire des images receües despuys un tems immemorable, combien doivent-elles estre retenues et conservees? Ezechias fit bien d'abattre le Serpent d'airain parce que le peuple idolatroit en iceluy; Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir pendant que le peuple n'en abusoit pas: or l'Eglise, ni les Catholiques par son consentement, n'abusa onques de la Croix ni autres images; il les faut donques retenir.

  A002000714 

 En ce qu'anciennement l'encensement estoit tant conditionné qu'il [199] falloit qu'il fust offert par les Prestres et Levites, et qu'il fust bruslé sur le feu de l'autel au seul Temple de Hierusalem, ou estoit l'autel du parfum destiné a cest usage; ailleurs il n'estoit pas loysible, comme vous confesses vous mesme: Nadab et Abiu se trouverent mal d'avoir fait autrement.

  A002000714 

 IV. Mays que n'aves-vous consideré que celuy qui abattit le Serpent d'airain estoit establi roy sur Israël, et luy touchoit de faire ceste execution, et qu'au contraire les brise-croix de nostre aage ont seditieusement commencé leur ravage sans authorité ni pouvoir legitime.

  A002000714 

 Ni ne faut mettre en conte l'abus qui peut arriver chez quelque particulier; cela ne touche point a la cause publique, il n'est raysonnable d'y avoir esgard au prejudice du reste: le moyen de redresser l'usage de la Croix ne git pas a la renverser, mais a bien dresser et instruire les peuples.

  A002000714 

 en ce que l'encens est une offrande propre a Dieu, comme il est aysé a deduire de l'Escriture, et toute l'ancienneté l'a noté sur l'offrande faitte par les roys a Nostre Seigneur, d'or, d'encens et de myrrhe; l'encens, disent-ilz tous, est a Dieu.

  A002000721 

 Cependant les [202] Chrestiens, qui ne trouvent point l'image en sa place, vont suivans la trace du sang respandu des l'Eglise jusques dans la mayson ou elle estoit cachee; elle fut rapportee en son lieu, et le larron lapidé.

  A002000721 

 Consalve Fernand escrit en une sienne lettre que les Chrestiens avoyent dressé une croix sur un mont du Japon; trois des principaux Japonois la vont coupper; ilz n'ont pas plus tost achevé que, commençans a s'entrebattre, deux demeurent mortz sur la place et ne sçeut-on onques que devint le troisiesme..

  A002000722 

 Ces gourmans commencent a gausser et railler, a la reformee, disans qu'aucun ne les voyoit; puys se retournans vers l'image du Crucifix, « Peut estre, » disoyent-ilz, « marmozet, que tu nous accuseras, garde d'en dire mot, marmozet », et jettoyent des pierres contre icelle, avec un monde de telles parolles injurieuses.

  A002000722 

 Quand Dieu, pour faire connoistre a ces belistres qu'il faut porter honneur a l'image pour l'honneur de celuy qu'elle represente, prenant l'injure a soy, la vengeance s'en ensuivit quant et quant: ilz sont tout a coup espris [203] de rage et se ruent les uns sur les autres pour se deschirer, dont l'un meurt sur la place, les autres sont menés sur le Rhosne vers Lyon pour chercher remede a ceste fureur qui les brusloit et desfaisoit en eux mesmes.

  A002000722 

 Quelques trouppes françoises vindrent ces annees passees sur les frontieres de nostre Savoye, en un village nommé Loëtte, et y avoit en ces compagnies quelques huguenotz meslés, selon le malheur de nostre aage; quelques uns d'entre eux entrent dans l'eglise un Vendredi pour y bauffrer certaine fricassee, quelques autres de leurs compagnons, mays Catholiques, leur remonstroyent qu'ilz les scandalisoyent et que leur capitaine ne l'entendoit pas ainsy.

  A002000723 

 Ainsy les Juifz, Turcz, apostatz et semblables canailles, ne pouvans offenser Nostre Seigneur en sa personne (car, comme dit nostre proverbe, la lune est bien gardee des loupz), ilz se sont ordinairement addressés a ses images.

  A002000723 

 En ce tems-la, les payens briserent ceste image du Sauveur, et les Chrestiens en ayans ramassé les pieces, les mirent en l'eglise..

  A002000723 

 Julien l'Apostat leva du Labare ou estendart des Romains la croix que Constantin y avoit fait former, a fin d'attirer les gens au paganisme; ceste mesme haine qu'il portoit a nostre Sauveur le poussa a cest autre dessein: Eusebe escrit que la femme qui fut guerie au toucher de la robbe de Nostre Seigneur, fit peu apres dresser, en memoire de ce benefice, une tres belle statue de bronze devant la porte [204] de sa mayson, en la ville de Cesaree de Philippe, autrement ditte Paneade, ou Nostre Seigneur estoit representé d'un costé avec sa robbe frangee, et de l'autre ceste femme a genoux, tendant la main vers iceluy; Julien sçachant ceci, comme raconte Sozemene, fit renverser ceste statue et mettre la sienne au lieu d'icelle; mays cela fait, un feu descend du ciel qui terrasse et met en pieces la statue de Julien, laquelle demeura toute noircie et comme bruslee jusques au tems de Sozomene.

  A002000723 

 Le vilain Persan Xenaïas avec tous les Mahometains ont par tout renversé les croix.

  A002000723 

 Les empereurs Honorius et Theodose tesmoignent que les Juifz de leur tems, en leurs festes plus solemnelles, avoyent accoustumé de brusler des images de la crucifixion de Nostre Seigneur en mespris de nostre religion, dont ilz commandent aux presidens des provinces de tenir main a ce que telles insolences ne fussent plus commises, et qu'il ne fust permis aux Juifz d'avoir le signe de nostre foy en leurs synagogues.

  A002000724 

 Ainsy les pieces des statues anciennes sont gardees pour memoire d'antiquité; et de mesme le moindre brin [206] de la robbe ou autre meuble des Saintz et des instrumentz de Dieu.

  A002000724 

 Donques les images, ayans perdu leur forme et par consequent la representation, elles ne sont plus venerables, mais cela s'entend quand elles n'ont point d'autre qualité honnorable sinon la representation et le rapport a leur modelle, comme il arrive ordinairement.

  A002000724 

 L'autre est celle que dit saint Athanase, d'autant que si quelques payens, ou huguenotz, nous reprochoyent l'idolatrie comme si nous adorions le bois, nous separerions aysement les pieces de la Croix, et ne les honnorans plus on connoistroit que ce n'est pas pour la matiere que nous honnorons la Croix, mays pour la representation et remembrance; ce qu'on ne peut faire de la creche, lance et sepulchre, et autres telles choses, lesquelles neanmoins, estans employees expressement a la representation des saintz misteres, ne doivent pas estre privees d'honneur.

  A002000724 

 L'une est que des lhors que Constantin eut aboli le supplice de la croix, la Croix n'a autre usage parmi les Chrestiens sinon de representer la sainte Passion, la ou les creches, sepulchres et autres choses semblables, ont plusieurs [205] autres usages ordinaires et naturelz.

  A002000724 

 Or je finiray ce second Livre disant qu'il y a deux raysons principales pour lesquelles on honnore plustost les croix que les lances, creches et sepulchres, quoy que, comme la Croix a esté annoblie pour avoir esté employee au service de nostre redemption, aussi ont bien la lance, la creche et le sepulchre.

  A002000724 

 Or un grand miracle avoit esté fait a ceste statue: elle estoit colloquee sur une haute colomne de pierre sur laquelle croissoit une herbe inconneuë, laquelle, venant a joindre aux franges de la robbe de l'image, guerissoit de toutes maladies; en quoy la robbe de Nostre Seigneur est d'autant plus comparable a sa Croix, car si la robbe fit miracle estant touchee, aussi fit bien sa Croix; si non seulement sa robbe, mais encor l'image de sa robbe a fait miracles, je viens aussi de prouver que les images de la Croix ont eu ceste grace excellente d'estre bien souvent instrumentz miraculeux de sa divine Majesté.

  A002000735 

 Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu; elle se sert de la foy, constance, temperance, par le bien croire, le martyre, le jeusne: c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particuliere intention qui est d'en honnorer Dieu.

  A002000735 

 Ce droit d'annoblir les actions lesquelles d'elles-mesmes seroyent roturieres et indifferentes, appartient a la religion comme a la princesse des vertus; c'est une marque de sa souveraineté, dont elle s'y plait tant que jamais il n'y eut religion qui ne se servit de telles actions, lesquelles sont et s'appellent proprement ceremonies des lhors qu'elles entrent au service de la religion.

  A002000735 

 Les actions indifferentes demeureroyent inutiles si la religion ne les employoit; estans employees par icelle, elles deviennent nobles, utiles et saintes, et partant capables de recompense et du denier journalier.

  A002000735 

 Un habile homme rend utiles et met en œuvre tous ses gens, non seulement ceux qui sont de nature active et vigoureuse, mais encor les plus molz.

  A002000736 

 Considerons le monde en sa naissance: Abel et Caïn font des offrandes; quelle autre vertu les a sollicités [212] a ce faire sinon la religion? Peu apres, le monde sort de l'arche, comme de son berceau, et tout incontinent un autel est dressé, et plusieurs bestes consommees sur iceluy en holocauste dont Dieu reçoit la fumee pour odeur de suavité.

  A002000736 

 Venons a l'Evangile: combien y voit-on de ceremonies en nos Sacremens, en la guerison des aveugles, ressuscitation des mortz, au lavement des piedz des Apostres? L'huguenot dira qu'en cela Dieu a fait ce qu'il luy a pleu, qui ne doit estre tiré en consequence par nous autres; mais voicy saint Jean qui baptise, saint Paul qui se tond en Cenchree selon son vœu, il prie les genoux en terre avec l'Eglise Miletaine: toutes ces actions estoyent d'elles mesmes steriles et infructueuses, mays estans employees au dessein de la religion, elles ont esté ceremonies honnorables et de grand poids..

  A002000737 

 Or je dis ainsy: que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui merite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opere point par seules figures ou characteres, » comme dit le traitteur, et qu' « és choses naturelles la vertu procede [213] de l'essence et qualité d'icelles, és supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ou figure; » mays je sçai aussi que Dieu, employant sa vertu miraculeuse, se sert bien souvent des signes, ceremonies, figures et caracteres, sans pourtant attacher son pouvoir a ces choses la. Moyse touchant la pierre avec sa verge, Helisee frappant sur l'eau avec le manteau d'Helie, les malades s'appliquans l'ombre de saint Pierre, les mouchoirs de saint Paul ou la robbe de Nostre Seigneur, les Apostres oignans d'huile plusieurs malades (choses qui n'estoyent aucunement commandees), que faisoyent-ilz autre que des pures ceremonies, lesquelles n'avoyent aucune naturelle vigueur et neanmoins estoyent employees pour des effectz admirables? Faudroit-il dire pour cela que la vertu de Dieu fut clouee et attachee a ces ceremonies? Au contraire, la vertu de Dieu, qui employe tant de sortes de signes et ceremonies, monstre par la qu'elle n'est attachee a aucun signe ni ceremonie..

  A002000738 

 Combien est-ce qu'en font les tisserans, peintres, tailleurs et autres, que personne n'honnore ni ne prise? parce que ces croix (autant en dis-je des caracteres et figures croisees que nous voyons es images profanes, fenestres, bastimens), ces croix, dis-je, ne sont pas destinees a l'honneur de Dieu ni a aucun usage religieux; mais quand ce signe est employé au service [214] de l'honneur de Dieu, d'indifferent qu'il estoit il devient une ceremonie sacrosainte, de laquelle Dieu se sert a plusieurs grans effectz.

  A002000738 

 J'ay dit en fin que tout cela se faisoit par un simple mouvement, pour forclore les signes permanens, engravés et tracés en matieres subsistantes, desquelles j'ay parlé au Livre precedent..

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie estoit Chrestienne; d'autant que la Croix et tout ce qui la represente est folie aux payens, et scandale aux Juifz, lesquelz, comme a remarqué le docte Genebrard alleguant le Rabby Kimhi, l'ont en telle abomination, que mesme ilz ne la veulent pas nommer par son nom, mays l'appellent stamen et subtegmen, estaim et trame, qui sont les filetz que les tisserans croisent en faisant leur toile.

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie representoit la Passion; et a la verité c'est son premier et principal usage duquel [215] tous les autres dependent, qui l'a fait differer de plusieurs autres ceremonies Chrestiennes qui servent a representer des autres misteres.

  A002000738 

 Je sçai qu'en l'ancienne Loy, voire en celle de nature, plusieurs choses se sont passees pour représenter la mort du Messie, mais ce n'ont esté que des ombres et marques obscures et confuses au pris de ce qui se fait maintenant; ce n'estoyent pas ceremonies ordinaires a ceste Loy, mais comme des eloyses qui les esclairoyent en passant.

  A002000738 

 Les payens et autres infideles ont quelquefois usé de ce signe, mais par emprunt, non comme d'une ceremonie de leur religion ains de la nostre; et d'effect le traitteur confesse que le signe de la Croix est une marque de Chrestienté.

  A002000739 

 Et bien que de soy il importe peu que l'on face la croix avec plus ou moins de doigtz, si se doit-on ranger a la façon commune des Catholiques, pour ne sembler condescendre a certains heretiques Jacobites et Armeniens, dont les [216] premiers, protestans ne croire la Trinité, et les secondz, ne croire qu'une seule nature en Jesus Christ, font le signe de la Croix avec un seul doigt.

  A002000739 

 Qu'on y employe ou trois doigtz, pour signifier la sainte Trinité, ou cinq, pour signifier les cinq playes du Sauveur.

  A002000743 

 A ce tesmoignage nous adjoindrons, à cause de briefveté, tous les autres suivans, qui sont jusques au nombre de dix, pource qu'ils se rapportent presque tous à ce qui est dit que les Chrestiens se signoient au front.

  A002000743 

 Car d'autant que les persecutions estoient grandes et aspres, les Chrestiens, ne se voulans descouvrir sinon à leurs freres Chrestiens, s'entrecognoissoient à ce signe quand les uns et les autres faisoient la croix, car c'estoit un tesmoignage qu'ils estoient de mesme religion Chrestienne.

  A002000743 

 D'autre part, d'autant que les Payens se moquoient de la Croix de Jesus Christ, et disoient que c'estoit folie et honte de croire et esperer en un qui avoit esté crucifié et mort, tout au contraire les Chrestiens, sçachans que toute nostre gloire ne gist qu'en la Croix de Jesus Christ, et qu'icelle est la grande puissance et sagesse de Dieu en salut à tous croyans, ont voulu monstrer qu'ils n'avoient point honte d'icelle, et faisoient ouvertement ce signe pour dire qu'ils estoient des chevaliers croisez, c'est à dire des disciples de Jesus Christ.

  A002000743 

 Sermon des paroles de l'Apostre, chap. 3: Les sages de ce monde, dit-il, nous assaillent touchant la Croix de Christ, et disent, quel entendement avez-vous d'adorer un Dieu crucifié? Nous leur respondons: nous n'avons pas vostre entendement, nous n'avons point de honte de Jesus Christ ni de sa Croix, nous la fichons sur le front auquel lieu est le siege de pudeur; nous la mettons là, voire là, assavoir en la partie où la honte apparoist, afin que ce y soit fiché dont on n'aye point de honte.

  A002000743 

 sur l'Epistre aux [218] Romains: Si tu ois quelqu'un disant, adores-tu un crucifié? n'en ayes point de honte et n'en baisse point les yeux vers terre, et glorifie-t'en, et t'en resjouy en toi-mesme, advouë ceste confession à yeux francs et à face eslevee.

  A002000743 

 » Et plus bas: « Il a esté declaré ci-dessus qu'entendoient les Anciens par ce signe, assavoir le tesmoignage exterieur de la foy Chrestienne.

  A002000743 

 » Voyla, certes, bien asses de confession de mon adversaire pour me lever l'occasion de rien prouver touchant ce point; mays d'autant qu'il a escrittes [219] ces verités a contre-cœur, il les a estirees et amaigries tant qu'il a peu..

  A002000745 

 Il dit qu'ilz n'en ont pas parlé en l'intention qu'on pretend aujourd'huy: mais s'il entend de l'intention des Catholiques, je luy feray voir le contraire clair comme le soleil; s'il entend de l'intention que les ministres huguenotz imposent aux Catholiques, comme seroit ce que dit le traitteur d'attribuer au seul signe ce qui est propre au Crucifié, je confesse que les Anciens n'y ont pas pensé, c'est une imposture trop malicieuse..

  A002000746 

 Accordes un peu ces deux raysons du traitteur: les Chrestiens faisoyent la Croix pour ne se descouvrir sinon a leurs freres Chrestiens; les Chrestiens faisoyent la Croix ouvertement pour monstrer qu'ilz n'avoyent point honte [220] d'icelle.

  A002000746 

 Certes, Tertullien, Justin le Martyr, Minutius Felix, tesmoignent asses que le signe de la Croix n'estoit pas une si secrette profession de foy que tous les payens ne le conneussent bien..

  A002000746 

 Il dit que les Anciens faisoyent ce signe pour ne se descouvrir sinon a leurs freres Chrestiens.

  A002000746 

 Pour vray, je ne le puis croire, car quelle commodité y avoit-il a faire le signe de la Croix pour se tenir couvert aux ennemis? puysque au contraire, ainsy qu'il confesse un peu apres, les payens se mocquoyent de la Croix et en faisoyent leurs ordinaires reproches aux Chrestiens, et que les Chrestiens monstroyent n'avoir point honte d'icelle, faisans ouvertement ce signe.

  A002000747 

 Notes qu'il parle du tems de saint Augustin, auquel Calvin dit estre tout notoire et sans doute qu'il ne s'estoit fait nul changement de doctrine ni a Rome, ni aux autres villes; et le traitteur mesme confesse que ç'a esté seulement du tems de saint Gregoire que les yeux des Chrestiens ont commencé a ne voir plus gueres clair au service de Dieu; dont je discours ainsy: nul changement ne s'estoit fait en la doctrine, du tems de saint Augustin; or, du tems de saint Augustin on faisoit generalement le signe de la Croix; la doctrine donques de faire le signe de la Croix est pure et apostolique..

  A002000748 

 Il dit fort gentilement qu'on ne sçait « par qui ni comment » ceste coustume de se signer a esté anciennement introduitte: la ou je luy replique, avec saint Augustin, que « Ce que l'Eglise universelle tient, et n'a point esté institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, est tres bien creu n'avoir esté baillé sinon par l'authorité apostolique »; et avec saint Leon, qu' « Il ne faut pas douter que tout ce qui est receu en l'Eglise pour coustume de devotion, ne provienne de la tradition apostolique et de la doctrine du Saint Esprit.

  A002000748 

 » Voyla la regle avec laquelle les Anciens [221] jugeoyent des coustumes ecclesiastiques, selon laquelle le signe de la Croix, qui a tousjours esté observé en l'Eglise, et ne sçait-on par qui ni comment il a esté institué, doit estre rapporté a l'institution apostolique.

  A002000754 

 C'est ici une grande defense, laquelle a cause des pauvres est donnee gratis, et sans peyne pour les foibles, ceste grace estant de Dieu, le signe des fidelles et la crainte des diables.

  A002000754 

 » Et ailleurs: « N'ayons donq point honte de confesser le Crucifix; mays imprimons asseurement le signe de la Croix avec les doigtz sur nostre front, et que la Croix se fasse en toute autre chose, mangeant, beuvant, entrant, sortant, avant le sommeil, s'asseiant, se levant, allant et choumant.

  A002000754 

 » Saint Ephrem: « Soit que tu dormes, ou que tu voyages, ou que tu t'esveilles, ou que tu fasses quelque besoigne, ou que tu manges, ou que tu boives, ou que tu naviges en mer, ou que tu passes les rivieres, couvre-toy de ceste cuirasse, pare et environne tous tes membres du signe salutaire, et les maux ne te joindront point.

  A002000755 

 Or, quoy que les Anciens ayent rendu si general le signe de la Croix pour tous les rencontres et actions de nostre vie, comme une briefve et vive oraison exterieure par laquelle on invoque Dieu, si est-ce que je diray seulement comme elle a esté employee aux benedictions, consecrations, Sacremens, aux exorcismes, tentations, et aux miracles.

  A002000761 

 Jesus Christ, priant pour le Lazare, pour sa clarification et pour la multiplication des pains, leva les yeux au ciel; et David pour dire qu'il a prié, il dit qu'il a levé les yeux au ciel.

  A002000761 

 Le Sauveur mesme pria son Pere les genoux en terre, comme ont fait les Saintz tres souvent; dont saint Paul, voulant dire qu'il a prié Dieu, dit seulement qu'il a flechi les genoux en terre, tant ceste ceremonie appartient a l'oraison.

  A002000769 

 Ainsy Moyse disoit a Pharao: Estant sorti de la ville j'estendray mes mains au Seigneur, et les tonnerres cesseront.

  A002000769 

 Dont le Psalmiste met pour une mesme chose prier et lever les mains: O Seigneur, j'ay crié vers toy tout le jour, j'ay estendu mes mains vers toy; L'eslevation de mes mains soit sacrifice vespertin; Leves emmi la nuict les mains vers les saintes choses.

  A002000769 

 L'ame ne se contente pas de prier si tout son [227] homme ne prie; elle fait prier quant et elle les yeux, les mains, les genoux.

  A002000769 

 Ne voit-on pas la diversité des affections en la contenance du Publicain et Pharisien? Par ou sont mises a neant les parolles produittes par le traitteur contre les saintes ceremonies:.

  A002000769 

 Pour vray, l'essence de la priere est en l'ame, mais la voix, les actions et les autres signes exterieurs, par lesquelz on explique l'interieur, sont des nobles appartenances et tres utiles proprietés de l'oraison; ce sont ses effectz et operations.

  A002000769 

 Saint Antoyne, estant entré dans la grotte de saint Paul premier hermite, « vit le cors de ce Saint, sans ame, les genoux pliés, la teste levee ét les mains estendues en haut; et de prime face estimant qu'il fust encor vivant et qu'il priast, il se mit a faire le mesme; mais n'appercevant point les souspirs que le saint Pere souloit faire en priant, il se jette a le bayser avec larmes, et conneut que mesme ce cors mort du saint homme, par ce devot maintien et religieuse posture, prioit Dieu auquel toutes choses vivent et respirent.

  A002000769 

 » L'ame prosternee devant Dieu tire aysement a son pli tout le cors; elle leve les yeux ou elle leve le cœur, et les mains, la d'ou elle attend son secours.

  A002000770 

 Et pourtant, non seulement nous rejettons les ceremonies Judaiques anciennes, mais aussi toutes autres avancees outre et sans la Parole de Dieu en l'Eglise Chrestienne.

  A002000770 

 Voulant rendre rayson de ce que l'Escriture ne tesmoigne point expressement des miracles faitz par le bois de la Croix, au lieu de [228] dire que c'est parce que ces miracles-la ont esté faitz long teins apres que le Nouveau Testament fut escrit, qui est la vraye et claire rayson, il se met a dire en ceste sorte: « Certes, il semble qu'il n'y ait eu autre raison sinon que Dieu n'a pas voulu arrester les hommes à telles choses terriennes; comme aussi sainct Paul nous enseigne par son exemple que nous ne devons point cognoistre Jesus Christ selon la chair, 2.

  A002000770 

 » Voyons les nullités de ce discours..

  A002000771 

 J'ay monstré, au commencement du premier Livre, que ces reformés observent plusieurs ceremonies et coustumes outre et sans l'Escriture; ce n'est donq pas faute de trouver nos ceremonies en l'Escriture qu'ilz les blasment..

  A002000772 

 Et saint Paul, enseignant que les hommes doivent prier a teste nue et les femmes a teste couverte, qui n'est qu'une pure ceremonie, [229] il ne presse ceux qui voudroient chicaner au contraire, sinon de ceste parole: Nous n'avons point telle coustume, ni l'Eglise de Dieu.

  A002000773 

 Mays si leur exemple a quelque pouvoir sur vous, que ne laves-vous les piedz avant la cene, comme Nostre Seigneur en a non seulement monstré l'exemple mais invité a iceluy? que n'oignes-vous vos malades d'huile, comme faisoyent les Apostres? que ne laisses-vous toutes vos possessions et commodités a leur exemple? que ne faites-vous la cene a la cene, c'est a dire au souper, et non au matin et des-jeuner? [230].

  A002000773 

 Si pour honnorer et servir Dieu en esprit et verité il faut rejetter les ceremonies qui ne sont commandees en termes expres dans l'Escriture, donques saint Paul ne devoit pas ordonner aux hommes de prier descouvertz et les femmes affeublees, puysqu'il n'en avoit aucun commandement, ni les Apostres defendre le sang et suffoqué.

  A002000774 

 Les ceremonies sont-elles contraires a l'esprit et verité, pour bannir l'un par l'establissement de l'autre? Qui chargea Abraham, Aaron, Moyse, David, saint Paul, saint Pierre et mille autres, de prier les mains levees et les genoux en terre? et cela les empeschoit-il de prier en esprit et verité, ou d'estre vrays adorateurs? C'est une ignorance effrontee de tirer les Escritures a des sens tant ineptes; c'est une impieté formee, non pas une pieté reformee.

  A002000774 

 Tant s'en faut que prier en esprit et verité soit prier sans ceremonies, qu'a peyne se peut-il faire que celuy qui prie en esprit et verité ne face des actions et gestes exterieurs assortissans aux affections interieures, tant les mouvemens interieurs de l'ame ont de prise sur les mouvemens du cors.

  A002000775 

 Si vous entendes selon la chair de Jesus Christ mesme, comme c'est le sens plus sortable, il ne faudra pas dire qu'absolument il ne faille connoistre et reconnoistre Jesus Christ selon [232] la chair; car n'est-il pas né de la Vierge selon la chair? n'est-il pas mort, resuscité et monté au ciel, selon la chair? n'a-il pas sa vraye chair a la dextre du Pere? n'est-ce pas sa chair reelle selon la verité, ou au moins le signe de sa chair selon la vanité de vos fantasies, qu'il nous a donnee en viande? faudroit-il donques oublier tout cela, avec le Mot caro factum est? Quand donques saint Paul dit qu'il ne connoit Jesus Christ selon la chair, c'est selon la chair de laquelle il parle ailleurs, disant que Jesus Christ es jour de sa chair a offert des prier es et supplications a son Pere; ou le mot de chair se prend pour mortalité, infirmité et passibilité, comme s'il eust dit que Jesus Christ, pendant les jours de sa chair mortelle, infirme et passible, a offert prieres et supplications a son Pere.

  A002000776 

 Autant hors de rayson allegue-il saint Paul au III des Colossiens; car, outre ce que les parolles qu'il dit y estre n'y sont point, quand elles y seroyent elles ne nous seroyent point contraires, puysque nous confessons [233] qu'il faut servir Dieu en esprit, se glorifier en Jesus Christ, et ne se point confier en nostre chair; mais tout cela ne met point le cors ni ses actions exterieures hors de la contribution qu'il doit au service de son Dieu.

  A002000776 

 Or peut estre vouloit-il alleguer ce qui est dit en ce chap. III aux Colossiens, et qui joindroit bien mieux a son propos: Si vous estes resuscités avec Jesus Christ, cherches les choses qui sont en haut, la ou Jesus Christ est seant a la dextre du Pere; savoures les choses qui sont la sus, non celles qui sont sur la terre. Car, s'ensuivroit-il point de ces paroles qu'il ne faut tenir aucun conte de la Croix, de la Creche, du Sepulchre, et autres reliques de Nostre Seigneur qui sont ici bas en terre? A la verité cela seroit bien employé contre ceux qui arresteroyent leurs intentions et termineroyent leurs desirs aux choses qui sont icy bas; Cherches, leur diroit-on, ce qui est en haut: Sursum corda; mais nous ne tenons point arrestees nos affections ni a la Croix ni aux autres reliques, nous les portons au royaume des cieux, employans a la recherche d'iceluy toutes les choses qui nous peuvent ayder a relever nos cœurs vers Celuy auquel elles se rapportent: il faut monter au ciel, c'est la nostre visee et dernier sejour, les choses saintes d'icy bas nous servent d'eschellons pour y atteindre.

  A002000777 

 Les fumees et traces ne retirent pas le bon chien de la queste, mais l'y eschauffent et animent; ainsy esventant en la Croix, en la Creche, au Sepulchre, les passees et alleures de mon Sauveur, tant plus suis-je esmeu et affectionné a ceste benite recherche, il me tire par la apres soy comme par l'odeur de ses onguens.

  A002000777 

 Les mariniers, qui voguent a l'aspect et conduitte des estoilles, ne vont pas au ciel pour cela mais en terre, aussi ne visent-ilz pas au ciel sinon pour chercher la terre; au contraire, les Chrestiens, ne respirans qu'au ciel ou est leur thresor et le port asseuré de leurs esperances, regardent bien souvent aux choses d'icy bas, mais ce n'est pas pour aller a la terre, ains pour aller au ciel.

  A002000783 

 Puysqu'on peut prier par les saintes et legitimes ceremonies, pourquoy ne priera-on pas par le signe de la Croix, sainte et Chrestienne ceremonie? Mays parlons pour ce coup de la benediction des creatures qui a accoustumé d'estre faitte en l'Eglise, laquelle n'est autre qu'une priere et bon souhait par lequel on demande a Dieu quelque grace et bienfait pour la creature sur laquelle on a quelque advantage ou superiorité, car c'est sans contradiction que ce qui est moindre est beni par le meilleur.

  A002000784 

 En l'ancienne Loy, ou tout se faisoit en ombre et figure, la benediction ordinaire que les prestres faisoyent avoit entre autres ces deux parties exterieures: l'une estoit que le prestre y employoit ces paroles determinees: Le Seigneur te benie et garde; le [236] Seigneur te monstre sa face et aye misericorde de toy; le Seigneur retourne son visage vers toy, et te baille la paix.

  A002000784 

 Et de fait, saint Marc tesmoigne en termes expres que Jesus Christ, ayant prins ces petitz en ses bras, mettant ses mains sur eux il les benit..

  A002000784 

 L'autre estoit que le prestre eslevoit la main, comme tesmoignent les Rabbins, au rapport du bon et docte Genebrard, et qu'il est aysé a recueillir de la prattique qu'on voit en l'Escriture: Aaron, dit-elle, eslevant sa main vers le peuple, le benit; coustume laquelle prit son origine de la loy de nature, ainsy qu'il appert en la benediction que Jacob donna a ses petitz enfans, et a duré encores au tems de Nostre Seigneur, dont saint Matthieu dit que les Juifz luy amenoyent les petitz enfans a ce qu'il leur imposast les mains, c'est a dire a ce qu'il les benist.

  A002000785 

 Au lieu qu'anciennement on levoit ou imposoit simplement les mains, maintenant on exprime le signe de la Croix pour protester que toute benediction a son merite et valeur de la Passion de Jesus Christ, laquelle est encores appellee exaltation.

  A002000785 

 Jacob toucha des-ja ceste forme quand il croisa ses mains, benissant les enfans de Joseph, pour preferer le moindre a l'aisné, presageant que Nostre Seigneur, ayant les bras en croix, beniroit le monde en sorte que les Gentilz demeureroyent en effect preferés aux Juifz.

  A002000785 

 Or on observe encor en toutes les benedictions ecclesiastiques ces deux choses, mais avec une plus claire manifestation des misteres qui y sont contenuz.

  A002000785 

 Qu'estoyent ces trouz et pertuis qu'il avoit en ses mains, mesme apres sa resurrection, sinon des marques et signes expres de sa Croix? qu'estoit-il donq mestier qu'il en fist aucuns autres? Mays les Chrestiens, eslevans les mains pour benir, ont toute rayson de former le signe de la Croix, pour monstrer qu'ilz ne pretendent aucune benediction qu'au moyen de l'exaltation de Nostre Seigneur faitte sur la Croix..

  A002000785 

 Que dira l'huguenot? Si on leve la main pour benir, c'est a l'imitation du Sauveur qui, montant au ciel, benit les Disciples eslevant les mains; si on fait le signe de la Croix, c'est pour monstrer d'ou nos benedictions ont leur vigueur et force.

  A002000786 

 Or combien ceste coustume aye esté prattiquee en l'ancienne Eglise, en voici des preuves certaines: « Toutes choses qui profitent a nostre salut sont consommees par la Croix, » dit saint Chrysostome; saint Denis, parlant de ceux qu'on consacroit: « Or, » dit-il, « l'evesque benissant imprime en chacun d'iceux le signe de la Croix; » saint Cyprien atteste que « sans ce signe il n'y a rien de saint; » ainsy saint Hilarion benit avec la main ceux qui luy amenerent un gentilhomme françois de la cour de l'Empereur pour estre delivré du malin esprit; et Ruffin nomme une douzaine d'hermites « par les mains, » dit-il, « desquelz il eut cest honneur d'estre beni; » saint Augustin, ayant visité un malade chez lequel il trouva l'Evesque du lieu, « ayant, » dit-il, « receu la benediction de l'Evesque, nous nous retirasmes; » ce fut sans doute par le signe de la Croix, « sans lequel il n'y a rien de saint.

  A002000786 

 Un bon personnage, nommé Joseph, voulant bastir une eglise [240] en la ville de Tiberias, a quoy il avoit besoin d'une grande quantité de chaux, fit faire environ sept fourneaux; les Juifz empeschent par sorceleries que le feu ne se puisse allumer ni ne brusle, ce qu'appercevant Joseph, il prend un vase plein d'eau, et devant tous (car une grande trouppe de Juifz estoyent la a voir ce que feroit ce bon homme), criant fort haut, il fait de sa propre main la Croix sur icelle, et invoquant le nom de Jesus, il dit: « Au nom de Jesus de Nazareth, que mes peres ont crucifié, que vertu soit faitte en ceste eau pour rejetter tout charme et enchantement fait par ces gens.

  A002000786 

 Un certain simple homme print charge de le faire, et creusant sous les principales colomnes l'une apres l'autre mettoit du bois dessous pour les appuyer, puys y voulut mettre le feu affin que les colomnes tombassent, mays le diable, en forme horrible et noire, venoit empescher la force et prise du feu; ce qui fut soudain rapporté a Marcel Evesque du lieu, lequel courant en l'eglise, fit apporter de l'eau, laquelle ayant mise a l'autel, prosterné en terre il prioit nostre doux Seigneur qu'il ne laissast pas faire plus grand progres a l'impieté, et faisant le signe de la Croix sur l'eau, il commande a Equitius, son diacre, qu'il coure et aille arrouser le feu, de ceste eau benite, ce qu'il fit; et soudain le diable, qui ne pouvoit souffrir la force de ceste eau, s'enfuit, et le feu allumé par l'eau son contraire comme si c'eust esté huile, s'attache au bois et en peu de tems le consomme, si que les colomnes n'ayans plus leur appuy cheurent et tirerent a ruyne apres elles toutes les autres avec ce qu'elles portoyent.

  A002000786 

 » Ainsy prend-il de l'eau en sa main en arrousant tous les fourneaux, et tout aussi tost les charmes furent aneantis et le feu sortit devant tous, dont le peuple present s'en retourna jettant ce grand cri: « Il n'y a qu'un Dieu, qui ayde aux Chrestiens.

  A002000786 

 » Ce recit est de saint Epiphane, qui met le signe de la Croix en usage pour les benedictions.

  A002000787 

 Cependant l'Empereur, taschant tousjours plus a l'advancement de ce dessein, le tems estant venu de faire monstre aux soldatz et les payer, il fit apporter pres de soy et de ces idoles du feu et de l'encens, et faisoit commander aux soldatz qui recevoyent leur paye de jetter de l'encens sur le feu, comme si c'eust esté une ordinaire ceremonie [242] militaire entre les Romains.

  A002000787 

 Eux, ayans descouvert la tromperie qu'on leur avoit faitte, sortans aux places et rues crioyent par tout lamentablement qu'on les avoit trahis, qu'ilz n'avoyent commis le paganisme qu'avec les mains et que leur cœur en avoit tous-jours esté tres esloigné, et venans a l'Empereur jettent a ses piedz l'argent qu'il leur avoit donné, luy demandans la mort en punition du crime qu'ilz avoyent commis, quoy qu'ignoramment.

  A002000787 

 Julien l'Apostat fit peindre aupres de sa statue (laquelle estoit en la place publique selon la coustume) l'image de Jupiter, comme venant du ciel, luy apportant la couronne et pourpre qui sont les habitz imperiaux; item, Mars et Mercure vis a vis de luy, le regardans comme pour tesmoigner qu'il estoit homme et vaillant et bien disant; affin que par la, sous pretexte de l'honneur qu'on avoit decreté aux Empereurs, il forçast tacitement les sujetz a honnorer les idoles peintes avec l'image d'iceluy.

  A002000787 

 Or, aucuns de ceux qui avoyent fait cest acte par ignorance et inconsideration se trouvans le soir a table, beuvans les uns aux autres selon la coustume, invoquoyent Jesus Christ sur leur breuvage et faisoyent le signe de la Croix; un de ceux qui estoyent assis leur dit, comme ilz osoyent invoquer Jesus Christ et faire son signe, veu qu'ilz l'avoyent renié peu au paravant.

  A002000787 

 Quelques uns, descouvrans la ruse, refuserent tout a fait de commettre ceste impieté; les autres, plus simples, firent ce qu'on leur commandoit, sans autre malice; les autres, ou par avarice ou par crainte, se laisserent aller a ce peché.

  A002000787 

 Sur quoy l'Empereur, bien qu'extremement despité, ne les voulut faire mourir de peur qu'ilz ne fussent tenuz pour martyrs, mais les fit simplement casser.

  A002000788 

 Ainsy saint Chrysostome atteste qu'on faisoit la Croix in Symposiis et Thalamis, c'est a dire, aux festins et litz nuptiaux; Tertullien, « aux bains, aux tables, aux chandelles »; Ephrem, « soit qu'on beust, soit qu'on mangeast »; Cyrille, « mangeant les pains, beuvant les couppes ».

  A002000788 

 Tesmoin saint Gregoire de Tours, en la gracieuse histoire qu'il escrit d'un prestre heretique qui voulant prévenir, non seulement a benir mais encor a manger, un bon prestre Catholique Romain (car le mot y est) qui estoit en mesme table, et l'ayant en effect prevenu au premier, second et troisiesme plat qu'on apporta sur table, au quatriesme en fin, l'ayant signé (l'humeur de son heresie ne portoit pas de rejetter le signe de la Croix comme fait celle des reformeurs), mettant le premier morceau en bouche il le trouva si chaud qu'il en creva, faisant un grand bruit, qui bailla occasion au nostre de dire, Periit memoria hujus cum sonitu, et a celuy qui les avoit chez soy, tous deux, de se faire Catholique sur le champ.

  A002000788 

 » Il a tort, car ces recitz n'ont rien d'impossible, rien d'inepte, et partent d'une bouche honnorable; c'est de saint Gregoire le Grand qui vaut mieux que tous ces reformés, en doctrine et authorité: sera-il donq permis au premier venu de desmentir ainsy les Anciens? Au demeurant, le dire de saint Paul, que les viandes sont sanctifiees par la priere, confirme ce que nous avons dit; car, parce que le signe de la Croix est une priere briefve, aysee, vigoureuse et ordinaire es benedictions des viandes, dire qu'a faute de faire la Croix le diable saisit un religieux et une religieuse, c'est a dire que ce fut a faute de faire ceste priere la, qui estoit la plus aysee et familiere, et a plus forte rayson autre quelcomque; bien qu'encores soit-il vray que le signe de la Croix a une particulière force contre les diables, outre celle qui est commune a toute priere, comme nous verrons cy apres.

  A002000794 

 Le costé du Sauveur, percé par la lance sur la Croix, fut la vive source de toutes les graces dont les ames sont arrousees par les saintz Sacremens; nos Anciens l'ont ainsy remarqué.

  A002000794 

 Ou est-ce donques que le signe de la Croix est plus sortable qu'aux Sacremens, quand ce ne seroit que pour protester que la Passion est la fontaine des eaux salutaires qu'ilz nous communiquent? Les consecrations sont les plus excellentes invocations qui se fassent en l'Eglise: le saint signe, estant un si propre moyen de prier, ne peut estre mieux employé qu'a cest effect; aussi a ce esté une forme ordinaire a l'ancienne Eglise de consacrer avec le signe de la Croix.

  A002000794 

 Oyons les tesmoins..

  A002000795 

 Es Liturgies de saint Jaques et de saint Chrysostome il est fort souvent commandé au prestre de faire le signe de la Croix; en celle de saint Basile, non seulement le prestre fait le signe de la Croix sur les offrandes, mais en fait encor trois sur le peuple, en forme de nos benedictions episcopales.

  A002000795 

 Saint Cyprien: « Nous nous glorifions en la Croix du Seigneur, de laquelle la vertu parfait tous les Sacremens, sans lequel signe il n'y a rien de saint, ni aucune consecration est reduitte a son effect »; et ailleurs: « En fin, quicomque soyent les administrateurs des Sacremens, quelles que soyent les mains avec lesquelles on baigne ou oigne ceux qui viennent au Baptesme, quelle poitrine que ce soit de laquelle les motz sacrés sortent, l'authorité ou vigueur de l'operation donne l'effect a tous les Sacremens en la figure de la Croix.

  A002000795 

 » Saint Augustin touche la coustume de signer les enfans au Baptesme, quand il dit que des le ventre de sa mere il estoit ja signé du signe de la Croix et assaisonné de son sel; voulant dire que sa mere le destinoit au Baptesme, auquel on signoit et donnoit-on le sel, comme on fait de ce tems.

  A002000795 

 » Saint Clement dit que les premiers prelatz du Christianisme, venans a l'autel, se signoyent de la Croix: « Donques l'evesque priant a part soy avec les prestres, mettant une robbe splendide ou reluisante, et demeurant debout vers l'autel, se signant au front du trophee de la Croix, qu'il die: La grace de Dieu tout puissant, et la charité de Nostre Seigneur Jesus Christ, et la communication du Saint Esprit soit avec tous vous.

  A002000799 

 On faisoit anciennement le signe de la Croix sur tous les membres generalement: « Peignons ceste enseigne vivifiante en nos portes, » dit saint Ephrem, « en nos frontz, en la bouche, en la poitrine et en tous nos membres »; neanmoins pour l'ordinaire on se signoit sur le front, comme on peut asses recueillir de ce que j'ay dit jusques icy, mays en voicy quelques raysons:.

  A002000800 

 Or, parce qu'on a la honte au front, Celuy qui a dit: De celuy qui a honte de moy devant les hommes, j'auray honte de luy devant mon Pere qui est es cieux, il a mis sur le lieu de la honte et [249] pudeur la mesme ignominie que les payens mesprisent.

  A002000800 

 » Voyla a la verité une belle rayson produitte par les propres motz de saint Augustin.

  A002000801 

 II. Voicy la seconde rayson: « Les posteaux des maysons d'Israël estoyent ointz et enduitz de sang pour chasser le mal encontre; les peuples Chrestiens sont signés du signe de la Passion du Sauveur pour un preservatif de salut.

  A002000801 

 Le traitteur reconnoist ceste rayson comme partie de saint Augustin et de Lactance, et tout aussi tost y joint ceste censure: « Quoi que ce soit, ç'a esté une façon introduite par imitation et exemple Judaique, et non par commandement: or, jamais on ne se doit fonder sur le seul exemple des hommes, ains sur les reigles [250] generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000801 

 Les Israelites avoient commandement de Dieu de faire ce qu'ils ont fait sur leurs surseuils, mais les Chrestiens n'ont point esté commandez de se signer sur le front; aussi en est procedé un erreur tres-pernicieux, né premierement de simplicité, accreu depuis par ignorance, et à present debattu par opiniastreté, d'attribuer au bois de la Croix ce qui est propre au seul Crucifié.

  A002000801 

 » Ce sont encor paroles de saint Augustin, par lesquelles il monstre que, comme les enfans d'Israël marquoyent du sang de l'aigneau Pascal les posteaux et sursueilz de leur domicile pour estre garantis de l'extermination, ainsy les Chrestiens sont signés au front, comme au sursueil de tout l'homme, du signe du sang et de la Passion de l'Aigneau qui leve les pechés du monde, pour estre en asseurance contre tous les ennemis de leur salut.

  A002000802 

 I. Que ce traitteur voulant censurer les Anciens de ce qu'ilz approuvent une ceremonie non escritte, il ne met en avant aucune authorité escritte pour prouver sa censure: n'ayant point de commandement escrit de faire le signe de la Croix, il ne le veut pas faire; n'ayant aucune prohibition escritte de le faire, je ne cesseray aucunement de le faire..

  A002000803 

 Et quoy? ne seroit-ce pas honnestement et par ordre d'estre assis, debout, ou du tout prosterné en terre? Pourquoy n'est-ce pas honnestement fait de se signer au front? Quel commandement avoyent Isaac et Jacob de benir leurs enfans? saint Jean de porter des habitz si grossiers, habiter es desertz et non en la mayson de son pere, ne boire ni vin ni cervoise, ne manger que locustes et miel sauvage, et porter ceste ceinture de peau? quant a sa ceinture il imitoit son Helie, mays sans commandement; et cependant ce sont choses que les Evangelistes ont estimees remarquables, aussi les ont-ilz remarquees.

  A002000803 

 II. Que c'est une expresse ignorance ou bestise de dire que jamais on ne se doit fonder sur l'exemple des hommes, ains sur les regles generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000803 

 Quand Helisee frappoit sur les eaux avec le manteau de son maistre, quel commandement en avoit-il? n'estoit-ce pas pour imiter ce que son maistre avoit fait peu auparavant? Lever et imposer les mains pour benir, comme nous avons ja remarqué cy dessus, ou fut-il commandé? et neanmoins la prattique en est tesmoignee par toute l'Escriture..

  A002000804 

 Car si nous taschons de rejetter les coustumes non escrittes comme n'estans guere importantes, [254] nous condamnerons aussi imprudemment les choses necessaires a salut qui sont en l'Evangile; ains plustost nous ravallerons la predication mesme de la foy, a une parole nuë et vaine.

  A002000804 

 III. Que c'est une fauseté de dire que les Chrestiens n'ont point esté commandés de se signer sur le front; car, 1.

  A002000804 

 Je le confesse, mais je dis qu'on peut aussi prier en celle ci, aussi bien que levant les mains et les yeux; et puysque aux generaux commandemens de prier [252] Dieu, confesser la foy et faire profession de sa religion, le signe de la Croix n'est point forclos, pourquoy est-ce qu'on l'en forclorra? Calvin, confessant qu'on ne sçauroit monstrer par aucun texte expres que jamais enfant fut baptisé par les Apostres, dit neanmoins tout hardiment que « toutefois ce n'est pas a dire qu'ilz ne les ayent baptisés, veu que jamais n'en sont exclus quand il est fait mention que quelque famille a esté baptisee.

  A002000804 

 La circoncision, figure du Baptesme, fut commandee pour les petitz enfans en l'ancienne Loy; Calvin ne fait point de difficulté de fonder, sur ce commandement fait en la figure, une certaine preuve de l'article du baptesme des petitz enfans contre l'Anabaptiste: [253] pourquoy ne sera-il loysible a saint Augustin, et aux autres Peres, de tirer en consequence la marque du sang de l'aigneau imprimee sur l'entree des maisons, pour monstrer le devoir que nous avons de marquer nos frontz, comme le sursueil de ceste habitation terrestre, du signe de la sainte Passion? Voyla bien asses de commandement.

  A002000804 

 Mais, parce qu'il n'est pas du tout expres en l'Escriture, les Apostres le laisserent expressement en l'autre partie de la doctrine Chrestienne et Evangelique, appellee Tradition: « Quelle que soit la conversation et action qui nous exerce, nous touchons nostre front du signe de la Croix.

  A002000804 

 Si donques la figure en fut commandee aux Juifz, les Chrestiens ont asses de fondement pour tenir la chose figuree pour toute commandee.

  A002000804 

 » Ce sont les paroles de l'ancien Tertullien; et saint Basile disoit peu apres: « Nous avons quelques articles qui sont prechés en l'Eglise de la doctrine baillee en escrit, nous en recevons aussi quelques autres de la tradition des Apostres laissee en mistere, » c'est a dire en secret, « lesquelz tous deux ont pareille force pour la pieté, et personne n'y contredit pour peu qu'il sçache quelz sont les droitz ecclesiastiques.

  A002000805 

 » Car par la il attribue a nostre aage la science et connoissance avec opiniastreté, aux predecesseurs une simple ignorance, et aux plus anciens Chrestiens une simplicité ignorante, puysqu'autre simplicité ne peut causer l'erreur: la ou, au contraire, ces Anciens si clairvoyans seroyent bien plus inexcusables d'avoir donné commencement a l'erreur, s'il y en avoit, que nous qui en serions les sectateurs beaucoup moins entenduz et sçavans; ce seroit nous qui errerions par simplicité et ignorance a la suite des Anciens.

  A002000806 

 » Pour monstrer donq que les Chrestiens, estans un royal sacerdoce, sont saintz au Seigneur par le sang du Sauveur, au lieu de la lame d'or ilz portent le signe de la Croix sur le front..

  A002000807 

 Il y en a mille semblables chez les Anciens..

  A002000813 

 Dieu appella l'homme qui estoit vestu de lin, dit le prophete Ezechiel, et qui avoit l'escritoire de l'escriveur sur ses reins, et le Seigneur luy dit: Passe par le milieu de la cité au milieu de Hierusalem, et marque de Thau les frons des hommes qui gemissent et souspirent pour toutes les abominations qui se font au milieu d'icelle.

  A002000813 

 Et tout incontinent apres il commande a six personnes qui portoyent les vases de la mort en leurs mains, de massacrer tout ce qui se trouveroit dans la cité.

  A002000814 

 I. Ayant recité le texte d'Ezechiel en ceste sorte, « Marque de la marque les fronts des hommes », il poursuit ainsy: « En ce sens et en pareils mots l'a traduit le translateur Grec, comme aussi sainct Hierosme remarque que les Septante interpretes et Aquila et Symmachus ont dit de mesme, assavoir, mets le signe ou la marque sur les fronts.

  A002000814 

 Mays quelle consequence en peut-on tirer contre nous? Faisons que ceste traduction fust la meilleure, n'y aurons-nous pas tousjours cest advantage, que le signe de la Croix, estant le plus excellent des purs et simples signes, et le grand signe du Filz de l'homme, il peut et doit estre entendu, plus proprement [259] qu'autre quelconque, sous le nom et mot absolu de marque ou signe? Car ainsy, quoy qu'il y peut avoir plusieurs signes du Filz de l'homme, quand toutefois il est parlé absolument du signe du Filz de l'homme, les Anciens l'ont entendu du signe de la Croix; et saint Hierosme, en l'epistre a Fabiole, prenant le signe d'Ezechiel, non pour la lettre Thau simplement, mays pour signe et marque en general, ne laisse pas pourtant de l'appliquer a la Croix: « Alhors, » dit-il, « selon la parole d'Ezechiel, le signe estoit fiché sur le front des gemissans; maintenant, portans la Croix nous disons, Seigneur, la lumiere de ta face est signee sur nous.

  A002000814 

 » Ainsy, quand il est dit en l'Apocalipse: Ne nuises point a la terre, ni a la mer, ni aux arbres, jusques a ce que nous ayons marqué les serviteurs de nostre Dieu en leurs frons, la marque dont il est question n'est autre que la Croix, comme sont d'advis Œcumene, Rupert, Anselme et plusieurs autres devanciers, avec grande rayson; car, quelle autre marque peut-on porter sur le front, plus honnorable devant Dieu le Pere, que celle de son Filz? et a quelle sorte de marque peut-on mieux déterminer toutes ces saintes paroles, qu'a celle de laquelle nous sçavons tous les plus grans serviteurs de Dieu avoir esté marqués et en avoir fait tant d'estat?.

  A002000815 

 II. Apres que le traitteur a ainsy colloqué son opinion touchant la version de ce lieu, il poursuit ainsy: « Vrai est que Theodotion et l'interpretation Vulgaire ont retenu le mot de Thau, le prenant materiellement comme on parle aux escholes, sur quoi plusieurs ont [260] philosophé à leur plaisir: car, comme le mesme sainct Hierosme escrit, les uns ont dit que par la lettre Thau, qui est la derniere de l'alphabet Hebrieu, estoient signifiez ceux qui avoient une science parfaite; les autres ont dit que par la mesme lettre estoit entendue la Loy, qui en Hebrieu est appelee Thorah, duquel mot la premiere lettre est Thau; et finalement le mesme sainct Hierosme, laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains, et dit que Thau, entre les Samaritains, a la ressemblance d'une croix, mais il ne peint point la figure de ce Thau des Samaritains; et pourtant icelui, sentant que ce sien dire estoit recerché de trop loin, adjouste, incontinent apres, une autre exposition, c'est assavoir, que comme la lettre Thau est la derniere en l'alphabet, ainsi par icelle estoient representés les gens de bien estans de reste de la multitude des mal vivans.

  A002000817 

 C'est tres mal parlé de dire que plusieurs ont philosophé sur cela « à leur plaisir », entendant des anciennes considerations faittes sur ceste Prophetie; car ces anciens et graves espritz n'ont pas manié les Escritures a leur playsir, mais leur playsir par l'Escriture.

  A002000819 

 Il proteste ouvertement que c'est son opinion, car, apres avoir allegué les deux premieres, il produit la troisiesme ainsy: « Mais affin que nous venions a nos affaires, par les anciennes lettres des Hebreux, desquelles jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent, la derniere lettre Thau a la ressemblance de la Croix, laquelle est peinte au front des Chrestiens et signee par la frequente inscription faite avec la main.

  A002000820 

 Ni saint Hierosme ne recherche pas le caractere des Samaritains, comme dit le traitteur, mais plustost celuy des Hebreux anciens, « duquel, » dit-il, « jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent », sçachant que c'estoit de cest ancien caractere duquel Ezechiel avoit indubitablement usé, puysque le changement n'estoit encor pas fait quand il fit et prononça sa Prophetie..

  A002000820 

 Qui ne sçait qu'Esdras a esté le dernier en la continuelle succession des Prophetes? Or, ce fut Esdras qui changea les anciennes lettres des Hebreux en celles que nous avons maintenant, mais les Samaritains les retindrent.

  A002000820 

 Tant s'en faut donques que saint Hierosme ait laissé le caractere dont usa le Prophete, qu'au contraire il l'est allé rechercher dans l'antiquité des lettres hebraïques, qui estoit demeuree parmi les Samaritains.

  A002000824 

 Cela crois-je bien, que s'il eust eu plus de forme de croix qu'il n'a, les Juifz et Rabbins l'eussent changé en haine de la Croix, laquelle ilz detestent tant qu'ilz ne la veulent pas mesme nommer, comme a remarqué le docte Genebrard, et je l'ay dit ailleurs..

  A002000827 

 V. « Mais, » ce dit le traitteur, « apres les mots il faut venir au sens..

  A002000829 

 « En second lieu, c'est chose claire, » dit le traitteur, « que ceste Prophetie estoit proprement et particulierement dressee contre la ville de Jerusalem, et l'execution d'icelle s'est veuë alors que les Babyloniens ont prins et rasé la ville de Jerusalem et emmené quelques restes du peuple en captivité.

  A002000830 

 Je pourrois en alleguer plusieurs autres, mais voyla [270] presque la fleur des Anciens, mesmement Origene, saint Chrysostome et saint Hierosme pour les langues et proprietés des motz de l'Escriture: comme est-ce donques que le traitteur a osé si mal traitter nostre rayson tiree d'Ezechiel, laquelle a esté si bien traittee par ces doctes et anciens maistres?.

  A002000830 

 Mays, quand ce n'eust esté que pour la reverence des Anciens qui ont rapporté le Thau d'Ezechiel a la Croix, le traitteur devoit plustost passer les annees a en rechercher les raysons, que de dire ainsy insolemment que c'estoit chose hors de rayson, que ce texte estoit destourné, et que ce n'avoit jamais esté l'intention du Saint Esprit qu'il fust ainsy entendu.

  A002000830 

 Pour ne voir la raison qui a esmeu nos Peres a dire [269] quelque chose, on ne doit pour cela les juger des-raisonnables; il seroit mieux de dire comme cest autre: ce que j'en entens est beau, et aussi, crois-je, ce que je n'entens pas.

  A002000830 

 » Saint Hierosme y est tout expres, des-ja cité ci dessus. Saint Augustin, es Questions sur les Juges, traittant du nombre de trois cens, rapporte aussi la lettre T au mistere de la Croix.

  A002000831 

 Aussi quand les Apostres appliquent les propheties et figures a nostre Sauveur ou a l'Eglise, ilz usent ordinairement de ces termes: Affin que ce qui est escrit fust accompli.

  A002000831 

 Puys donq que les Juifz ne furent point marqués de Thau, comme veut le traitteur, je conclus que pour bien verifier ceste vision, il faut que les Chrestiens, Israëlites spirituelz, en soyent marqués, c'est a dire, de la Croix, signifiee par le Thau..

  A002000831 

 VI. Passons au reste du dire du traitteur sur ce point: « Il ne se trouvera jamais, » dit-il, « que les « Juifs ayent esté marquez au front de quelque marque que ce soit, et moins encor de la croix, qui estoit une chose odieuse et ignominieuse adonc parmi toutes les nations.

  A002000831 

 » Ici je vous arreste, o traitteur, et vous somme de me dire si les termes d'Ezechiel ne portent pas que les gemissans seroyent marqués au front? vous ne le sçauries nier: ou donques ilz furent marqués, et lhors vous parles mal disant qu'ilz ne furent onques marqués, ou ilz ne furent point marqués, et lhors je vous demande quand c'est que la Prophetie fut verifiee ainsy exactement comme ses termes portent? Ce n'a pas esté en la Hierusalem temporelle, ce sera donq en la Hierusalem spirituelle, qui est l'Eglise.

  A002000832 

 VII. Neanmoins, le traitteur poursuit ainsy: « Or donc, le vrai sens du passage d'Ezechiel est, que Dieu declare que lors que ce grand jugement seroit exercé sur la ville de Jerusalem, ceux seulement en seroient exemptez qui seroient marquez par l'Esprit de Dieu; et ceste façon de dire est prinse de ce qui se lit au chap. XI. d'Exode, où... il est commandé aux Israelites de mettre du sang de l'Agneau sur le surseuil de leurs habitations, afin que l'Ange voye la marque de ce sang et passe outre sans offenser les Israelites.

  A002000832 

 de l'Apocalypse est fait mention de ceux qui sont marquez, qui sont ceux qui sont appelez ailleurs esleus de Dieu, ou ceux que le Seigneur advouë pour siens pource qu'il les a comme cachettés de son seel, et, comme l'Escriture parle, a escrit leurs noms au livre de vie.

  A002000833 

 Que si ceste façon de dire du Prophete est prinse de la marque du sang de l'aigneau faitte sur les posteaux des Israëlites, elle se doit donq rapporter a une marque reelle et exterieure, car les sursueilz et posteaux furent reellement marqués et signés..

  A002000835 

 Que les marqués de l'Apocalipse nous asseurent de plus fort, car ce sont ceux qui, pour protestation de leur foi et invocation du Sauveur, auront esté signés du signe de la Croix, comme ont dit les anciens interpretes; autres ne sont esleuz que ceux qui auront confessé de bouche, de cœur, par signes et par œuvres, autant qu'ilz pourront, avec l'Apostre, qu'ilz n'ont autre gloire qu'en la Croix de Jesus Christ.

  A002000841 

 Apres que le traitteur a tasché d'establir sa marque invisible d'Ezechiel par les marques des esleuz dont il est parlé en l'Apocalipse, il allegue en fin pour son intention la marque de la beste.

  A002000841 

 Les novateurs dient que non, et qu'estre signé de la marque de la beste n'est autre sinon estre serviteur de l'Antechrist, recevant et approuvant ses abominations.

  A002000841 

 Voyci ses motz: « En sens contraire est-il dit au XVI. de l'Apocalypse, que l'Ange verse sa phiole pour navrer de playe mauvaise ceux qui ont la marque de la beste, c'est à dire les serviteurs de l'Antechrist.

  A002000841 

 » Mais certes, tout ceci fortifie encor davantage l'intelligence des Anciens touchant le dire d'Ezechiel; et voyci la dixiesme rayson pour laquelle les Chrestiens reçoivent et font volontiers le signe de la Croix au front.

  A002000842 

 L'Antechrist sera extremement superbe, a quoy se rapporte tres bien qu'il face porter une marque aux siens, comme les grans baillent leurs livrees a leurs gens.

  A002000842 

 Les motz de l'Apocalipse signifient proprement une marque reelle et exterieure, et n'y a point d'inconvenient a les entendre comme cela: pourquoy leur baillerois-je un sens estranger, puysque leur naturel est sortable? 2.

  A002000842 

 Que si l'Antechrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe, pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obeirons a l'Antechrist? Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclesiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque [278] d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne clericale ne laissent pas de trafiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interpretation, que la marque de la beste devoit estre invisible: c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer..

  A002000842 

 Saint Hippolite cest ancien martyr, Primasius, Bede, Rupert ont ainsy entendu; voyci les paroles du premier, parlant de l'Antechrist: « Tout incontinent, chacun estant pressé de famine viendra a luy et l'adorera, et a ceux-la il donnera le caractere en la main droitte et au front, affin qu'aucun ne peigne de sa main la pretieuse Croix en son front »; et peu apres: « Ainsy ce seducteur leur baillera quelque peu de vivres, et ce pour son seau et cachet infame »; item: « Et il marquera ceux qui luy obeiront, de son seau ».

  A002000843 

 Les folz vont tousjours par les extremités.

  A002000843 

 » Coustume, laquelle, comme elle est du tout mesprisee par les huguenotz, aussi estoit-elle superstitieusement observee par les Isins, heretiques Indois, qui non contens de faire simplement le signe de la Croix au baptesme de leurs enfans, le leur impriment sur le front avec un fer chaud.

  A002000849 

 Lactance: « Comme iceluy, » (Jesus Christ) « vivant entre les hommes, chassoit tous les diables par sa parole, ainsy maintenant ses sectateurs chassent ces mesmes espritz infectz, et par le nom de leur Maistre et par le signe de la Passion.

  A002000849 

 Origene: « Resjouissons-nous, mes Freres tres aymés, et levons les mains saintes au ciel, en forme de croix; quand les demons nous verront armés en ceste sorte, ilz seront opprimés.

  A002000849 

 Saint Anthoine bravoit ainsy les diables: « Si vous aves quelque vigueur, si le Seigneur vous a baillé quelque pouvoir sur moy, venes, me voicy, devores celuy qui vous est accordé; que si vous ne pouves, pourquoy le tasches-vous en vain? car le signe de la Croix et la foy au Seigneur nous est un mur inexpugnable.

  A002000849 

 Saint Ephrem: « Orne et environne tous tes membres de ce signe salutaire, et les malheurs ne t'approcheront point; car a la veuë de ce signe les puissances adversaires espouvantees et tremblantes s'enfuient.

  A002000849 

 Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur: « Ayes tous-jours en esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan, heaume defendant la teste, cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques de la meschante puissance s'approchent d'elle; par ce seul signe la victoire celeste nous a esté donnee, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié.

  A002000849 

 » Ainsy disoit-il a ses disciples: « Les diables viennent la nuit feignans estre anges de Dieu; les voyans, armes-vous et vos maysons du signe de la Croix, et aussi tost ilz seront reduitz a neant, car ilz craignent ce trophee, auquel le Sauveur, despouillant les puissances de l'air, il les mit en risee.

  A002000849 

 » Et bien tost apres: « Vienne qui cherche l'experience de ces choses, a sçavoir, de la pompe des demons, de la tromperie des devinemens et merveilles de la magie, qu'il use du signe de la Croix (qu'ilz pensent estre ridicule) nommant seulement Jesus Christ: il verra par iceluy chasser les diables, les devins se taire, et toute magie et enchantement se destruire.

  A002000851 

 Lactance raconte que quelques Chrestiens, assistans a leurs maistres qui sacrifioyent aux idoles, faisans le signe de la Croix chasserent leurs dieux, si qu'ilz ne peurent figurer leurs devinations dans les entrailles de leurs victimes; ce qu'entendans les devins, ilz irritoyent ces seigneurs, a la sollicitation des demons, contre la Religion Chrestienne, et les induisoyent a faire mille outrages aux eglises: dont Lactance ayant conclud contre le paganisme pour la Religion Chrestienne, il dit en ceste sorte: « Mais les payens disent que ces dieux ne fuyent pas devant la Croix par crainte, mais par haine.

  A002000851 

 Ouy, comme si quelqu'un pouvoit haïr sinon celuy qui nuit ou peut nuire; ains [284] il estoit seant a la majesté de ces dieux de punir et tourmenter ceux qu'ilz haïssoyent, plustost que de fuir; mays d'autant qu'ilz ne peuvent s'approcher de ceux esquelz ilz voyent la marque celeste, ni nuire a ceux que l'Estendart immortel contregarde comme un rempart inexpugnable, ilz les faschent et affligent par les hommes, et les persecutent par les mains d'autruy; ce qu'a la verité, s'ilz confessent, nous avons gain de cause.

  A002000852 

 Julien, apprentif en ce mestier, demeure tout esbahi » de voir les diables vaincus par la Croix; le maistre sorcier le tance, et, contournant le fait a son advantage, luy dit: Ne penses pas, je vous prie, qu'ilz ayent eu peur; « ilz ont prins en abomination ce signe, non pas qu'ilz en ayent esté espouvantés.

  A002000852 

 Qu'advint-il de plus? Le mal reprend haleyne; il poursuit outre, il est animé a son entreprise, et les frayeurs le pressent de plus fort, il recourt l'autre fois au signe de la Croix et les diables sont domptés.

  A002000852 

 » Chose admirable: « ce signe eut vertu, les diables sont surmontés et les frayeurs cessent.

  A002000854 

 Mays que peut-il [286] cotter d'absurde en ce recit pour le rejetter, partant de si bon lieu comme est le tesmoignage de saint Gregoire? Sera-ce que les diables tiennent des assemblees et conseilz? mays l'Escriture y est expresse, et saint Jean Cassian raconte un pareil exemple.

  A002000854 

 Sera-ce que le signe de la Croix empesche les effortz du diable? mays tous les anciens et plus purs Chrestiens l'ont creu et enseigné, et mille experiences en ont fait foy.

  A002000855 

 Il s'est peu faire que pour engraver au cœur des hommes une plus profonde pensee de la mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, sur les commencemens de la predication Evangelique Dieu quelquesfois a voulu qu'il se soit fait des choses extraordinaires; et pourtant, si alors il a pleu à Dieu monstrer quelques fois sa debonnaireté aux siens, il le faut recognoistre pour le remercier de son support.

  A002000855 

 » 3. Que si ces effectz sont faitz « par la force de Jesus Christ, ç'a esté moyennant l'invocation du Nom d'icelui et non par un signe; que si ç'a esté par mauvais moyen, un charme aura esté chassé par un contre-charme... Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes; lequel Satan, se voyant deschassé de son fort par Jesus Christ, a basti un autre fort contre le mesme Jesus Christ, en employant à tel effect la simplicité des Chrestiens... et en fuyant devant la Croix il a fait comme ceux qui reculent pour plus avancer.

  A002000855 

 » Voyla en somme les responses du traitteur..

  A002000856 

 Et quant a ce que le traitteur dit, que le diable a employé a cest effect la simplicité des Chrestiens, il y auroit de l'apparence si on luy produisoit le tesmoignage de quelques idiotz; mais quand on luy produit les Martial, Ignace, Origene, Chrysostome, Augustin, comme ose-il les accuser d'une simplicité folle, ou plustost de niaiserie? Y a-il homme qui vive qui leur soit comparable, nomplus en suffisance qu'en sainteté, parlant de la plus part?.

  A002000856 

 J'oppose que, puysqu'il s'est peu faire que les merveilles faittes a la Croix ayent esté faittes par la force de Dieu, pour engraver la pensee de la mort et passion de nostre Sauveur au cœur des hommes, comme le traitteur confesse, il a eu tort et s'est monstré trop passionné d'aller rechercher une autre cause de ces miracles, car celle ci est plus a l'honneur de Dieu et au salut des hommes que non pas de dire que le diable en a esté l'autheur, comme le mesme traitteur dit par apres.

  A002000856 

 J'oppose, que c'est ouvrir la porte a la mescreance, laquelle, a tous les miracles des exorcismes, tant de Nostre Seigneur que de ses disciples, respondra que le [290] diable fait semblant de reculer pour mieux avancer.

  A002000856 

 J'oppose, que ces responses ressentent puamment l'heretique et desesperé; ç'a esté le train ordinaire aux anciens rebelles d'attribuer les miracles aux charmes et a l'operation des diables: tesmoins les Scribes et Pharisiens qui attribuoyent les œuvres de [289] Jesus Christ a Beelzebub, les Vigilantiens, au rapport de saint Hierosme, et les Ariens selon saint Ambroise.

  A002000856 

 J'oppose, que la consequence de telz effectz a tousjours esté a la gloire de Dieu, et tendoit au salut des hommes; tous les Peres l'ont ainsy remarqué.

  A002000856 

 N'est-ce pas la gloire de Dieu et le bien des hommes que le diable soit dompté et rejetté? Certes, entre les grans effectz de la crucifixion du Filz de Dieu, il y conte luy-mesme celuy ci: Maintenant le prince de ce monde sera mis dehors; et c'est cela qui fait que le diable fuit devant la Croix comme devant la vive representation de ceste crucifixion.

  A002000856 

 leur contrarieté, incertitude et doute; il ne sçait a qui bailler l'honneur de ces evenemens: « Si c'est par la force de Jesus Christ... si c'est [288] par mauvais moyens... Il s'est peu faire que pour engraver une plus profonde pensee de la mort et passion de Jesus Christ... Que si ç'a esté Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes... » Quelz embarrassemens: monstre-il pas, avec ces irresolutions, qu'il est bien empesché, et qu'il va sondant le guay pour essayer s'il pourra trouver quelque response? 2.

  A002000857 

 Et quant au fait de Julien l'Apostat, lequel le traitteur dit ne devoir estre suivi, ains plustost rejetté, je remonstre que c'est un trait de mauvaise foy au traitteur de gauchir ainsy a la rayson vive; car, qui produit onques ce fait comme de Julien l'Apostat? On l'avance pour monstrer que le signe de la Croix a tant de vertu contre les malins, que non seulement ilz le craignent en bonnes mains, mais encor es mains de qui que ce soit, dequoy le cas advenu a Julien fait une claire preuve.

  A002000857 

 Pour vray, saint Gregoire Nazianzene et Theodoret tiennent resolument que les diables fuirent pour la crainte qu'ilz eurent voyans la Croix: permettes-nous, traitteur, que nous soyons de leur opinion plustost que de la vostre ou de celle du maistre charmeur.

  A002000857 

 Vincit quod deterius est, dit saint Gregoire Nazianzene, « le pis l'emporte; » mais s'il eust veu le traitteur attribuer la fuite des malins a ruse et stratageme, comme s'ilz faisoyent les fins, feignans de fuir pour surprendre leur homme, je crois qu'il eust dit, Vincit quod pessimum est: le pis du pire l'emporte.

  A002000858 

 Et tant de Saintz qui ont employé ce signe a œuvres miraculeuses, les osera-on bien infamer du nom de faux prophetes? [293].

  A002000858 

 Quelle finesse seroit-ce au diable de fuir devant la Croix? puysque par ceste fuite les siens entrent en defiance de son pouvoir, et les bons en sont consolés, comme font foy tant de Peres, qui tous reprochent au malin et a ceux de son parti ceste sienne fuite, et Julien qui en fut tout esbranlé, et le Juif converti.

  A002000859 

 Les merveilles advenues par le Serpent d'airain furent divines, quoy que le peuple en print occasion d'idolatrer: il faudroit donq corriger l'abus et retenir l'usage, comme on fait non seulement des choses bonnes et saines, telles que la Croix, mais des nuisibles et venimeuses, 11.

  A002000865 

 Or, quelle occasion peut-on penser ou la priere ne soit utile? soit pour chasser les venins, rendre la veuë aux aveugles, guerir les maladies, estre garanti de ses ennemis: tel est l'usage du saint signe..

  A002000866 

 Ce pauvre abusé se met en posture et joue son personnage; Cyrola cuyde jouer le sien, se retire, met la main sur ce feint aveugle et, avec certaines paroles, luy commande d'ouvrir les yeux et voir.

  A002000866 

 Il accuse sa feinte et simulation, et son seducteur tout ensemble, avec la somme d'argent qu'il avoit receuë pour ce jeu auquel il perdit la veuë, et demande ayde et remede a nos Evesques Catholiques, lesquelz ayans sondé sa foy eurent pitié de luy, « et se prevenans l'un l'autre d'un mutuel honneur, » (ce sont les propres paroles de saint Gregoire de Tours, qui est mon autheur) « une sainte contention s'esmeut entre eux qui seroit celuy-la qui feroit le signe de la bienheureuse Croix sur ses yeux: Vindimialis et Longinus prioyent Eugene, Eugene au contraire les prioit qu'ilz luy imposent les mains; ce qu'ayans fait et luy tenans les mains sur la teste, saint Eugene, faisant le signe de la Croix sur les yeux de l'aveugle, dit: Au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, vray Dieu, lequel nous confessons trine en une egalité et toute puissance, que tes yeux soyent ouvertz; et tout aussi tost, la douleur ostee, il revint a sa premiere santé.

  A002000866 

 Mais ce fut un vray miracle heretique: car ce pauvre homme qui feignoit d'estre aveugle se trouva reellement aveugle, avec une si vehemente douleur d'yeux qu'il luy sembloit qu'on les luy crevast.

  A002000866 

 » Aves-vous veu, traitteur, le signe de la Croix employé a la restitution de la veuë de ce miserable, et les saintz Evesques s'entre presenter l'honneur de le faire? Dires-vous que le diable fit ce [296] jeu en faveur des Catholiques contre les Ariens? quelle eschappatoire pourres-vous trouver?.

  A002000867 

 Cependant elle s'execute: les Ariens prient trois jours et trois nuitz, viennent aux portes de l'eglise (extremement bien fermees, car et l'un et l'autre parti en avoit esté fort curieux), y arrestent des le matin jusques a Sexte, crians leurs Kyrie eleison, mays pour neant; si qu'en fin, ennuyés de l'attente, ilz s'en vont.

  A002000867 

 Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes gueri despuys vostre traitté: les eglises des Saintz, ou l'on va prier Dieu; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions; la benediction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit saint Amphilochius, qui est mon autheur); le signe de la Croix employé pour faire ce miracle; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit divinum mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la priere, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit, ni au sermon, car precher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cene, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et preparé.

  A002000867 

 Je ne vois pas que vous puissies respondre a ce tesmoignage de la vertu de la Croix; car si vous dites que le diable fit cela pour faire le matois, saint Amphiloche vous remonstre que, par ce miracle, les Catholiques furent consolés et plusieurs Ariens se convertirent: quel advantage donques eust recerché le diable en cest affaire? et je vous remonstre que vous n'aves pas asses d'honneur pour rendre suspect saint Basile de magie ou sorcelage, ni saint Amphiloche de mensonge ou fadaise.

  A002000867 

 Les Ariens de Nicee obtindrent de Valens, empereur heretique, l'eglise des Catholiques: saint Basile, adverti de cela, recourt a l'Empereur mesme, et luy remonstre si vivement le tort qu'il faisoit aux Catholiques, que l'Empereur en fin laissa au pouvoir de saint Basile de decider ce different, avec ceste seule condition, qu'il ne se laisseroit point transporter au zele de son parti, c'est a dire, des Catholiques, au prejudice des Ariens.

  A002000867 

 Les Ariens eurent la sentence pour aggreable, mays les Catholiques murmuroyent qu'elle estoit trop favorable aux Ariens, et qu'elle avoit esté proferee par crainte de l'Empereur.

  A002000867 

 Saint Basile reçoit ceste charge, et fit ceste ordonnance inspiré sans doute du ciel, que l'eglise fust bien fermee, et cachetee ou seellee tant par les Ariens que par les Catholiques; puys, que les Ariens employent trois jours et trois nuitz en prieres, et viennent par apres a l'eglise, que si elle s'ouvroit pour eux ilz en demeureroyent maistres pour jamais; si moins, les Catholiques veilleroyent une nuit, apres laquelle ilz iroyent a l'eglise, psalmodians avec la Litanie, et si elle s'ouvroit pour eux ilz en demeureroyent possesseurs perpetuelz, si elle ne s'ouvroit, qu'elle fust aux Ariens.

  A002000867 

 Si vous dites que saint Amphiloche attribue le miracle [298] a la vertu de l'oraison, c'est ce que je veux: car le signe de la Croix est une partie de l'oraison que fit saint Basile, tant sur le peuple le benissant, que sur les portes les signant; et a quel autre effect l'eust-il employé?.

  A002000867 

 » Ce que faisant le peuple, saint Basile [297] les signant et benissant, il commande que l'on face silence, et signant par trois fois les portes de l'eglise, dit: « Beni soit le Dieu des Chrestiens es siecles des siecles, Amen.

  A002000867 

 » Le peuple repliquant, « Amen », en vertu de l'oraison les verroux et serrures se desfont, et les portes, comme poussees par quelque vent impetueux, s'ouvrent soudainement.

  A002000867 

 » Puys, arrivé au parvis du temple ou les Ariens s'estoyent arrestés precedemment, il dit au peuple: « Dresses les mains en haut, au ciel vers le Seigneur, et cries Kyrie eleison.

  A002000868 

 C'est estre insensé, car qui dit jamais qu'aucune guerison ou miracle, fait ou par le signe de la Croix ou autrement, doive estre rapporté a autre qu'a Dieu seul, qui est le Dieu de toute consolation? Nostre different gist a sçavoir si Dieu employe le signe de la Croix a faire des miracles par les hommes, puysque c'est chose hors de doute qu'il employe bien souvent plusieurs choses aux effectz surnaturelz.

  A002000868 

 Le traitteur dit que non, et ne sçait pourquoy nous disons qu'ouy et le prouvons par experience; est-ce pas ineptie de repliquer que c'est Dieu qui fait ces miracles, puysqu'on ne demande pas qui les fait, mais comment et [299] par quelz instrumens et moyens? C'est Dieu qui la guerit, et pouvoit la guerir sans la renvoyer a l'autre femme qui la signa; il ne veut pas, mais la renvoye a ces moyens desquelz il se veut servir.

  A002000868 

 Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est autheur de ce recit, et l'estime tellement propre a la louange de Dieu, qu'il dit tout suivant qu'il avoit fort tancé ceste dame guerie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle.

  A002000869 

 Jusques a quand trompera-on ainsy les peuples? Certes, les tesmoignages que j'ay cités au chapitre precedent sont pris dans saint [300] Athanase, et celuy-ci dans saint Hierosme.

  A002000869 

 Or, j'ay dit qu'en ces occasions la Croix avoit vertu comme une oraison fort vigoureuse, dont il s'ensuit que les choses signees ont une particuliere sainteté, comme benites et sanctifiees par ce saint signe et par ceste celebre oraison, extremement pregnante, pour estre instituee, approuvee et confirmee par Jesus Christ et par toute son Eglise.

  A002000869 

 Saint Martin protestoit de percer toutes les esquadres des ennemis et les outrepasser, pourveu qu'il fust armé du signe de la Croix; saint Laurent guerissoit les aveugles par iceluy; Paula mourant, se signa la bouche de la Croix; saint Gordius martyr, devant aller au tourment en la ville de Cesaree, il y alla joyeusement s'estant muni du signe de la Croix, dit saint Basile.

  A002000869 

 Si que les Anciens faisoyent grande profession de prier Dieu levans les bras haut en forme de croix, comme il appert de mille tesmoignages, mays sur tout de celuy que j'ay produit de l'ancien Origene, cy dessus: par ou, non seulement ilz faisoyent comme un perpetuel signe de Croix, mays mortifioyent encores la chair, imitans Moyse qui surmonta Amalech lhors qu'il prioit Dieu en ceste sorte, figurant et presageant la Croix de Nostre Seigneur qui est la source de toutes les faveurs que peuvent recevoir nos prieres.

  A002000882 

 Apres que le traitteur a mis en campaigne sa solemnelle distinction entre l'honneur civil et l'honneur conscientieux, que j'ay suffisamment renversee en mon Avant-Propos, il fait de sursaut ceste desgainee: « Vray est que les questionnaires ne se sont pas teus là dessus, car on a demandé de quelle sorte d'honneur elle devoit estre adoree.

  A002000882 

 Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au corps de Jesus Christ, devoit estre adoree de latrie, ou pour le moins de hyperdulie, mais que les autres devoient estre servies de l'honneur de dulie; c'est à dire, que la vraye [303] Croix devoit estre reveree de l'honneur deu à Christ, et les autres croix devoient estre honorees de l'honneur que les serviteurs doivent à leurs maistres: et c'est la belle resolution du present second plaquard.

  A002000883 

 Voicy purement sa conclusion: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoire du benefïce de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002000884 

 Et remarque ce pendant que les questionnaires, qui espluchent si menuement les differences d'honneur qu'on doit a la Croix, monstrent asses qu'ilz sont saisis de la sainte et pure jalousie de laquelle j'ay traitté en l'Avant-Propos: car, comme ilz veulent attribuer a la Croix l'honneur qui luy est deu, selon le rang qu'elle tient entre les dependances de nostre Sauveur, aussi prennent-ilz soigneusement garde de ne luy en bailler que ce qu'il faut, et sur tout de n'alterer en rien l'honneur de Dieu, ni baillant moins de respect a sa Croix, ni plus aussi, qu'il ne veut et requiert.

  A002000884 

 Si est-ce que, parce que ce traitteur produit les questions des scholastiques avec supercherie, je veux en peu de paroles descouvrir en ce Livre, le plus naïfvement que je sçauray, la doctrine Catholique touchant la qualité de l'honneur deu a la Croix.

  A002000891 

 Faire des reverences et demonstrations exterieures a quelqu'un n'est pas aussi l'honnorer; les flatteurs et affronteurs en font a ceux qu'ilz tiennent les plus indignes du monde.

  A002000891 

 L'amour produit ses demonstrations exterieures et les offices qu'on fait au bien de celuy qu'on ayme; l'honneur produit aussi les signes et protestations exterieures: mays comme l'amour, a proprement parler, n'a son domicile qu'au cœur de l'amant, aussi l'honneur reside dans la volonté de l'honnorant.

  A002000891 

 On appelle amitié les bons offices exterieurs, on appelle honneur les demonstrations exterieures, mays ces noms n'appartiennent a l'exterieur que pour l'alliance qu'on presuppose d'iceluy avec l'interieur.

  A002000891 

 Si donq je dis que l'honneur est une protestation ou reconnoissance, je l'entends, non de celle qui se fait par les apparences exterieures, autrement les Anges et espritz ne sçauroyent honnorer, mays de celle qui se passe en la volonté qui se resoult d'estimer une personne selon son merite, car ceste resolution est la vraye et essentielle forme de l'honneur..

  A002000893 

 Ce discours forclost de pouvoir honnorer, ni estre honnoré, toute chose insensible, brute ou insensee, les diables et damnés; car tout cela n'a, ni peut avoir, aucune bonté d'honnesteté pour estre honnoré, ni n'a aucune volonté ou bonne affection a l'endroit de la vertu pour l'honnorer.

  A002000893 

 Non que la vertu ne merite une autre recompense inherente, utile et delectable, mais parce que l'honneur purement et simplement n'a point d'autre objet que la vertu et le vertueux; si qu'estant poussé ailleurs, comme sur les choses inanimees, il n'y fait aucun sejour, mais y passe seulement entant qu'elles appartiennent en quelque sorte a quelque sujet vertueux, ou a la vertu mesme ou en fin il se rend comme dans son propre et naturel domicile.

  A002000893 

 Parlons des choses sacrees: l'honneur des [307] eglises et vases sacrés va et vise a la Religion, de laquelle ilz sont instrumens; l'honneur des images et Croix se rapporte a la bonté de Dieu, de laquelle elles sont des memoires; l'honneur des personnes Ecclesiastiques, a Celuy duquel ilz sont les officiers.

  A002000893 

 Que s'il est dit quelquefois que les choses inanimees et les diables donnent honneur a Dieu, ce n'est pas que cest honneur-la sorte de ces choses comme de la cause, mais seulement comme d'un'occasion que les hommes en prennent d'honnorer Dieu; ou c'est parce que telles choses font les exterieures demonstrations d'honneur, lesquelles, quoy que privees de leur ame, qui est l'intention interieure, ne laissent pas de retenir devant les peuples le nom d'honneur, ainsy que l'homme mort est appellé homme.

  A002000897 

 Son opinion est en un mot: « Adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux.

  A002000900 

 Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration? Ce n'est pas en la premiere, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul, qui, connoissans Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ains secoüans le joug ont dit, nous ne servirons point, ilz l'ont conneu, mays non pas reconneu.

  A002000901 

 Sera-ce point donques la troisiesme action, du tout exterieure et corporelle, en laquelle gist la vraye essence de l'adoration? Le traitteur le dit, comme vous aves veu: « Adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux.

  A002000902 

 Je ne crois pas qu'aucun entende que les encensemens qu'ilz jettent [310] a Dieu soyent materielz, car saint Jean declaire, au contraire, que ce sont les oraisons des Saintz.

  A002000902 

 Si l'adoration gist en ces actions exterieures, les Anges et bien heureux espritz ne pourroyent pas adorer, car ilz n'ont ni genoux ni teste pour les ployer et incliner; neanmoins ilz ont commandement d'adorer: Adores-le, o tous vous, Anges d'Iceluy.

  A002000903 

 2. Mais, pour Dieu, les paralytiques et percluz qui n'ont aucun encens, ni genoux, ni mouvement a leur disposition, peuvent-ilz pas adorer Dieu? ou s'ilz sont exemps de la loy qui dit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu?.

  A002000904 

 O Chrestiens de genoux, et materielz, vous sçaves si bien alleguer hors de propos et saison, quand vous combattes les sacrees ceremonies, que les vrays adorateurs adorent en esprit et en verité: certes, ces saintes paroles ne bannissent point les actions exterieures quand elles procedent de l'esprit et verité, mais ne voyes-vous pas tout ouvertement qu'elles decernent contre vous que la vraye et essentielle adoration gist en la volonté et action interieure?.

  A002000905 

 Et de fait, qui diroit jamais que les actions exterieures des hypocrites, voire les genuflexions de ceux qui baffoüoyent nostre Sauveur au jour de sa Passion, luy mettans la couronne d'espines en teste et le roseau en main, plians les genoux devant luy, fussent des vrayes adorations et non pas plustost des vrays vituperes et affrons? L'Escriture appelle bien cela adorer et saluer, mais elle declaire tout sur le champ qu'elle l'entend, non selon la realité et substance, mais selon l'exterieure apparence et feinte, disant qu'ilz se mocquoyent de luy.

  A002000905 

 Qui oseroit appeller ces malheureux vrays adorateurs, et non pas plustost vrays mocqueurs? Les choses portent aucunes fois le nom de ce dont elles ont les apparences, sans pour cela laisser d'estre indignes de le porter; comme quand les enfans de ce monde sont appellés prudens, et leur ruse ou finesse, [311] sagesse, quoy que ce ne soit que folie devant Dieu et en realité; ainsy appelle les impertinences du traitteur, raysons, quoy qu'elles soyent indignes de ce nom..

  A002000906 

 Aussi use l'Escriture de ces mots pour descrire les idolatres, que ils se sont courbez, qu'ils ont fait encensemens, ont baisé la main ou les levres; ce que font ceux de l'Eglise Romaine à leurs images, reliques et Croix: dont la conclusion est manifeste, que s'ils ne sont idolatres, si font-ils ce que font les idolatres.

  A002000906 

 Considerons donq un peu quelles raysons le traitteur produit pour monstrer qu' « adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux.

  A002000906 

 Le tyran et le prince font mourir, a l'un c'est crime, a l'autre justice; le brigand et chirurgien couppent les membres et tirent du sang, l'un pour tuer, l'autre pour guerir.

  A002000906 

 Les idolatres plient les genoux, font des encensemens, des temples, des autelz, des festes, des sacrifices: autant en font les Catholiques, donques ilz sont idolatres.

  A002000906 

 Nous faisons quelque chose de ce que font les idolatres, mais nous ne faisons rien comme eux: l'objet de nostre Religion est Dieu vivant, qui la rend toute sainte et sacree..

  A002000906 

 Quand donq le traitteur dit que les Catholiques font ces actions exterieures aux reliques, images et Croix, il dit vray en certaine façon; mais, pour conclure par la que les Catholiques sont idolatres, il luy reste a prouver que les images, reliques et Croix sont des idoles, ce qu'il ne sçauroit faire ni luy ni ses partisans, je les en desfie.

  A002000906 

 Qui est affectionné aux idoles, quand il n'auroit [312] ni genouïl ni jambe et seroit plus immobile qu'une pierre, il est neanmoins vray idolatre; et, au contraire, qui auroit tous-jours les genoux plantés en terre ne seroit pour tout cela idolatre sans ces deux conditions, l'une, qu'il fust ainsy volontairement, l'autre, que ce fust a l'honneur d'un idole.

  A002000906 

 Rois, chap. 19, où les vrais serviteurs de Dieu, opposez aux idolatres, sont designez parce qu'ils n'avoient point ployé le genou devant Baal ni baisé en la bouche d'icelui.

  A002000913 

 L'honneur part d'une volonté bien ordonnee, qui fait profession et reconnoissance de quelque excellence: [315] les damnés ont leur volonté toute desordonnee et gastee, qui ne fait profession que de mal; s'ilz reconnoissent quelque superieurité, ce n'est jamais que forcement et ne peut estre adoration.

  A002000913 

 La supreme excellence est adorable de tous et ne peut adorer aucun: si elle est supreme, comme pourra-elle en reconnoistre aucune autre pour superieure? Les advantages que l'excellence divine tient sur tout autre sont infinis, et d'infinie eminence, tout est bas ou rien en comparaison.

  A002000913 

 Les diables et damnés ne peuvent adorer, j'en ay dit la rayson n'agueres; ilz connoissent la bonté, mais ilz la detestent et blasphement, leur volonté la hait et abomine: Qui te confessera en enfer, o Seigneur Dieu? disoit David.

  A002000913 

 Par contraire rayson, les choses irraysonnables ne peuvent adorer, a cause de leur extreme bassesse, car elles sont privees de connoissance, et par consequent de volonté et reconnoissance.

  A002000914 

 L'honneur presuppose bonne affection a l'endroit de celuy qu'on honnore: or, les malins nous sont irreconciliables, et ne devons les avoir en aucun commerce d'affection, ains a une totale alienation et abomination.

  A002000914 

 Mays quant a la passive, les seulz damnés en sont du tout et simplement privés, par ces raysons: l'excellence de leur nature ne tend a aucune bonté, ains est irrevocablement contournee au mal; or, tout honneur tend a la vertu et honnesteté; leur excellence est accablee et estouffee par l'extreme misere et vileté.

  A002000920 

 Abraham adore le peuple de la terre, c'est a dire les enfans de Heth, c'estoyent des creatures; de mesme son parent Loth, Josué, Balaam adorent les Anges; Saül adore l'ame de Samuel; Isaac, benissant son filz Jacob, luy souhaitte que les peuples le servent, et que les enfans de sa mere l'adorent; Joseph songe que ses pere, mere et freres l'adorent; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint.

  A002000921 

 Les Anciens ont suivi ce chemin, si que saint Augustin dit, que nous n'avons aucune simple parole latine pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons destiné a cest usage le mot grec de latrie, faute [317] d'autre plus commode.

  A002000921 

 Neanmoins, encor que le mot d'adoration signifie non seulement la reverence deuë a Dieu, mais encor celle qu'on doit aux creatures, si est-ce qu'il panche un peu plus et est plus sortable a signifier la reverence deuë a Dieu; c'est pourquoy les Anciens ont par fois dit sans difficulté qu'on pouvoit adorer les creatures, et par fois ilz ont fait scrupule de l'advouer, principalement lhors qu'ilz ont eu affaire avec les chicaneurs et heretiques.

  A002000921 

 » Neanmoins le mesme nie en autres occasions qu'on puisse adorer ni servir par devotion aucune creature: « Nous ne servons ni adorons les Seraphins, ni aucune chose qu'on puisse nommer en ce siecle ou en l'autre.

  A002000921 

 » « Qui adora jamais les Martyrs, qui cuyda jamais un homme estre Dieu?» Il prend la le mot d'adorer pour l'honneur qui se fait a Dieu..

  A002000922 

 Les roys s'inclinent au fer de ses piedz, les empereurs preferent le clou de sa Croix a leurs couronnes et diademes.

  A002000922 

 » Aves-vous ouÿ, reformés, les plaintes de ceste canaille retaillee? ilz regrettent [318] l'honneur et la vertu de la Croix: Seigneur Dieu, que voules-vous devenir, vous autres, qui en faites de mesme?.

  A002000922 

 » Et plus bas il introduit les Juifz, se lamentans de l'honneur qu'on fait a Nostre Seigneur, en ceste sorte: « Nous avons crucifié Celuy que les roys adorent *, voyla que mesme le clou d'iceluy est en honneur, et ce que nous luy avons planté pour sa mort est un remede salutaire, et, par une certaine vigueur invisible, tourmente les demons.

  A002000923 

 » Mais contre les Gentilz il change de termes, disant: « Jesus Christ seul est adoré.

  A002000923 

 » Mais traittant contre les heretiques: « La creature, » dit-il, « n'adore point la creature.

  A002000924 

 Saint Epiphane, traittant avec les devotz des louanges de sainte Marie Mere de Dieu (car le sermon est ainsy intitulé): « Je vois, » dit-il, « qu'elle est adoree par les Anges.

  A002000924 

 » Mais réfutant les heretiques: « Marie, » dit-il, « soit en honneur, le Seigneur soit adoré.

  A002000925 

 Ainsy saint Cyrille dit, contre Julien, que « nous n'adorons pas les Saintz comme dieux, mays nous les honnorons comme personnes principales.

  A002000925 

 Et que toutefois ce mesme mot panche un peu plus et est plus duisant a signifier l'honneur deu a Dieu seul, consideration qui a meu les Anciens d'employer a l'ordinaire autres paroles que celle d'adoration pour signifier la reverence deuë aux Saintz et autres creatures, ou s'ilz n'y ont employé d'autres motz ilz ont limité celuy d'adoration par quelque moderation.

  A002000925 

 que le mot d'adorer s'applique non seulement a l'hommage deu a Dieu, mais aussi a l'honneur deu aux creatures; l'Escriture citee et les passages des Peres en font foy.

  A002000925 

 » Et le Concile de Trente suivant ce train, « Adorons, » dit-il, « Jesus Christ, et venerons les Saintz par les images que nous baysons »; il employe [319] pour Nostre Seigneur le mot d'adorer, et pour les Saintz celuy de venerer..

  A002000926 

 Bref, l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité; celle qui est deuë a Dieu est si excellente en comparaison de tout autre faitte aux creatures, que n'y ayant presque aucune proportion, les autres adorations ne sont presque pas adoration au prix de celle qui appartient a Dieu.

  A002000926 

 Le second principe est, qu'entre toutes les adorations celle qui appartient a Dieu est incomparablement la plus grande et pretieuse; elle est le suc de toute adoration, ou, comme Anastase, Evesque de Theopolis, dit, l'emphase et excellence de tout l'honneur.

  A002000926 

 Or ce discours depend de deux principes: le premier, qu'entre toutes les especes d'honneur l'adoration est la plus digne, dont saint Augustin dit, que « les hommes sont appellés servables et venerables, que si on y veut joindre beaucoup, ilz seront encores ditz adorables »; il faut une grande qualité pour rendre une chose adorable.

  A002000927 

 J'ay dit ceci, tant parce qu'en cest aage si fascheux et chicaneur il est expedient qu'on sçache parfaittement ce que valent les motz, qu'aussi pour respondre au traitteur qui, nous reprochant que nous adorons la Croix et les images, se baillant beau jeu sur nous, dit que « la replique est frivole de dire qu'on ne les adore pas puis qu'on ne met pas sa fiance en elles »; car je dis, au contraire, que le traitteur est extremement frivole de s'imaginer ceste replique pour nous, laquelle nous n'advouons pas ainsy crue comme elle est couchee, ains, nous tenans sur la demarche de l'Escriture Sainte et de nos devanciers, nous confessons qu'on peut loysiblement adorer les saintes creatures, notamment la Croix, et disons tout haut avec saint Athanase: « Nous adorons la figure de la Croix », et avec Lactance: « Flechisses le genou, et adores le bois venerable de la Croix.

  A002000928 

 Vray est que le Catholique discret, sçachant que le mot d'adorer panche plus a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des creatures, et que le simple vulgaire le prend ordinairement a cest usage, le discret Catholique, dis-je, n'employera pas ce mot sans y joindre une bonne declairation; ni parmi les schismatiques, heretiques, reformeurs et bigearres, pour leur lever tout sujet de calomnier; ni devant les menus et debiles espritz, pour ne leur donner aucune occasion de mesprendre, car les Anciens ont fait ainsy.

  A002000934 

 Et n'y a, a l'adventure, aucune action exterieure, pour humble qu'elle soit, qui ne puisse estre employee a l'honneur des creatures, estant produitte avec une intention bien reglee, sinon le seul sacrifice, avec ses principales et necessaires appartenances, lequel ne se peut dresser qu'a Dieu seul en reconnoissance de sa souveraine seigneurie; car, a qui ouÿt-on jamais dire: je t'offre ce sacrifice, o Pierre, o Paul? Hors de la, tout l'exterieur est sortable a la reverence des creatures, n'entendant toutefois y comprendre les parolles, entre lesquelles il y en a beaucoup qui ne peuvent estre appliquees qu'a Dieu seul.

  A002000934 

 Et parce que l'adoration n'est pas encor du tout propre et particuliere pour l'honneur de Dieu, mays peut encor estre employee pour les creatures, il [325] adjouste a l'adoration le mot de latrie, disant: tu serviras a iceluy seul. « Aussi ne dit-il pas, tu adoreras le seul Seigneur ton Dieu, mays ouy bien, tu serviras a iceluy seul, la ou au grec le mot de latrie est employé »; ceste observation est expressement du grand saint Augustin, es Questions sur le Genese.

  A002000934 

 Il faut bien cela pour engeoler le menu peuple; mays, que me respondra-il a ceste demande? la Magdeleine est aux piedz de Nostre Seigneur et les lave, Nostre Seigneur est aux piedz de saint Pierre et les lave; l'action de la Magdeleine est une tres humble adoration: dites-moy, traitteur mon amy, l'action de Nostre Seigneur que fut-elle? Si ce ne fut pas une adoration, comme il est vray, donq s'incliner, faire les reverences et plier les genoux n'est pas adorer comme vous avies dit.

  A002000934 

 Le patriarche Jacob, panché et prosterné a terre, adora sept fois son frere aisné Esaü; les freres de Joseph l'adorerent prosternés a terre; la [323] Thecuitaine cheut en terre devant David, l'adorant; les enfans des Prophetes, venans au rencontre d'Helisee, l'adorerent prosternés en terre; la Sunamite se jetta aux piedz d'Helisee; Judith, se prosternant en terre, adore Holofernes: ces saintes ames que pouvoyent-elles faire plus que cela, quant a l'exterieur, pour l'adoration de Dieu? L'adoration, donques, ne doit pas estre jugee selon les actions et demonstrations exterieures.

  A002000934 

 Nostre cors n'a pas tant de plis ni de postures que nostre ame, il n'a point de plus humble sousmission que de se jetter a terre devant quelqu'un; mais l'ame en a une infinité de plus grandes, de maniere que nous sommes contraintz d'employer les genuflexions, reverences et prostrations corporelles indifferemment, ores a l'honneur souverain de Dieu, ores a l'honneur inferieur des creatures; nous nous en servons comme des jettons, ores pour dix, ores pour cent, ores pour mille, laissans a la volonté de bailler diverse valeur a ces signes et maintiens exterieurs, par la diversité des intentions avec lesquelles elle les commande a son cors.

  A002000934 

 On peut adorer autre que Dieu, mays non pas servir autre que Dieu du service appellé, selon les Grecz, latrie.

  A002000934 

 Puysque la propre et vraye essence de l'adoration reside en la volonté et non en l'exterieure demonstration, la grandeur et petitesse des adorations, et leurs propres differences, se doit estimer selon l'action de la volonté purement et simplement, et non selon l'action de l'entendement, ni selon les reverences exterieures.

  A002000934 

 Si l'action de Nostre Seigneur fut adoration aussi bien que celle de la Magdeleine (vous estes asses bon pour le vouloir soustenir, principalement si vous esties un peu surpris de colere), donq il adora les creatures: pourquoy donq ne voules-vous pas que nous en faisions de mesme? Pour vray, establir l'essence et les differences des adorations es actions exterieures, c'est la prendre sur Nostre Seigneur qui l'establit dans l'esprit; et sur le diable mesme, lequel ne se contente pas de demander a Jesus Christ qu'il s'incline, mays veut que, s'inclinant, il l'adore: Si te prosternant, dit-il, tu m'adores, je te donneray toutes ces choses; il ne se soucie point de l'inclination et prostration, si l'adoration ne l'accompagne.

  A002000934 

 [324] Le traitteur, qui met l'essence de l'adoration en la genuflexion et autres actions externes, comme font tous les schismatiques de nostre aage, est obligé par consequent de dire, que, la ou il y a pareille prostration ou reverence exterieure il y a aussi pareille adoration.

  A002000938 

 Il touche donq a la volonté de donner et l'essence et les differences aux adorations; mais quelz moyens tient-elle a les leur donner? Deux principalement: le premier est par la diversité des excellences pour lesquelles elle adore les choses, a diverses excellences il faut divers honneurs; le second est par la diversité des façons avec lesquelles les excellences pour lesquelles on adore sont participees et possedees par les objetz adorables, car, comme il y a diverses excellences, aussi peut-on participer diversement et en plusieurs manieres une mesme excellence..

  A002000939 

 Partageons maintenant toutes les adorations selon les plus generales divisions des excellences.

  A002000939 

 Si elle est infinie et divine, l'adoration qui luy est deuë est supreme, absolue et souveraine, et s'appelle latrie, d'autant que, comme dit saint Augustin, « selon l'usage avec lequel ont parlé ceux qui nous ont basti les divines paroles, le service qui appartient a adorer Dieu, ou tousjours ou au moins si souvent que c'est presque tousjours, est appellé latrie: Latria, secundum consuetudinem qua locuti sunt qui nobis divina eloquia condiderunt, aut semper aut tam frequenter [327] ut pæne semper, ea dicitur servitus quæ pertinet ad colendum Deum; » autre mot n'y a-il en la langue latine qui signifie simplement l'adoration deuë a Dieu seul.

  A002000940 

 L'excellence creée, ou elle est naturelle ou surnaturelle: si elle est naturelle, il luy faut une adoration civile, humaine et simplement morale, ainsy honnore-on les sages et vaillans.

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000943 

 En ceste sorte nous ne partageons pas les adorations ou honneurs selon les excellences, mais selon les differentes manieres de participer aux excellences; je dis donq ainsy:.

  A002000943 

 La seconde difference des adorations depend de la difference des façons ou manieres avec laquelle les choses qu'on adore participent les excellences pour lesquelles on les adore; car il ne suffit pas de participer a une grande excellence pour estre beaucoup honnorable, si on n'y participe excellemment.

  A002000943 

 On honnore toute sorte de magistratz pour l'excellence du prince duquel ilz sont les serviteurs et ministres; l'excellence pour laquelle on les honnore n'est qu'une, mais on ne les honnore pas egalement, parce que tous ne participent pas egalement a ceste excellence.

  A002000943 

 Un mesme soleil rend inegalement claires les choses, selon le plus et le moins qu'elles luy sont proches, ou qu'elles reçoivent ses rayons.

  A002000944 

 Ou elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont plusieurs hommes et les Anges, qui ont reellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grace de Dieu; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la verité absolu, mays non pas supreme ni independant, ains subalterne et dependant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu: de ceste sorte d'adoration n'est capable que la creature intelligente et vertueuse, car autre que celle-la ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on honnore.

  A002000944 

 Ou la chose adorable n'aura reellement, ni de soy ni en soy, l'excellence pour laquelle on adore, mays seulement par une certaine imputation et relation, a cause de l'alliance, appartenance, ressemblance, proportion et rapport qu'elle a avec la chose qui en soy mesme a l'excellence et bonté; et lhors l'adoration deuë aux choses pour ce respect est appellee respective, rapportee ou relative: de laquelle sont capables toutes les creatures, tant raysonnables qu'autres, hormis les miserables damnés, qui n'ont autre rapport qu'a la misere, laquelle offusque en eux tout ce qui y peut estre demeuré de leurs naturelles facultés.

  A002000945 

 Et neanmoins, les creatures intelligentes sont encor capables de cest honneur relatif aussi bien que de l'absolu subalterne; ainsy puis-je considerer saint Jean, ou comme tres saint personnage, et par la je l'honnore d'honneur absolu quoy que subalterne, ou comme proche parent de Nostre Seigneur, et par la je l'honnore d'un honneur relatif et rapporté.

  A002000945 

 L'honneur absolu subalterne n'est que pour les creatures intelligentes, lesquelles seules ont en soy la vertu [330] qui requiert l'honneur absolu, mais elles ne l'ont pas de soy, et partant il est subalterne.

  A002000945 

 L'honneur relatif ou rapporté est, en certaine façon, propre et particulier pour les creatures irraysonnables, d'autant qu'elles ne sont capables d'autre honneur, n'estans vertueuses ni d'elles mesmes ni en elles mesmes.

  A002000951 

 La difference de leur adoration ne se prend pas du sujet auquel elles appartiennent, mais de la façon en laquelle elles luy appartiennent; elles appartiennent a un mesme sujet, mais non pas en mesme façon ains diversement, c'est ce qui en diversifie et rend differentes les venerations..

  A002000951 

 Par exemple, je veux mettre en comparaison l'image du prince avec le filz d'un amy: si je considere la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et l'un et l'autre, j'honnoreray plus l'image du prince que le filz de l'amy (je suppose que ce filz ne me soit respectable que pour l'amour du pere), parce que l'image du prince appartient a une personne qui m'est plus honnorable; mais si je considere le rang et degré d'appartenance que chacune de ces choses tient a l'endroit des excellences pour lesquelles on les honnore, j'honnoreray beaucoup plus le filz de mon amy que l'image du prince, car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'image appartient incomparablement moins au prince que le filz a l'amy.

  A002000953 

 Pour vray, il ne les faut jamais appeller adorations simplement et sans bonnes limitations, car, si le mot d'adoration panche plus a signifier l'honneur deu a Dieu seul que le subalterne, et que partant il ne doit pas estre employé a signifier le subalterne sinon qu'il soit borné par quelque addition, combien moins le faut-il mettre en usage pour signifier les adorations relatives et imparfaittes, sinon qu'on aye limité la course de sa signification a la mesure de l'honneur qu'on veut nommer..

  A002000955 

 Ainsy faut-il parler des reliques, images ou instrumens des Saintz, laissant chaque chose en son grade; car, a la verité, les reliques, comme les clouz, la vraye Croix, le saint Suaire, mentent plus d'honneur relatif de latrie que ne font les images ou simples Croix de Nostre Seigneur, d'autant qu'elles appartiennent a Nostre Seigneur par une relation plus vive et estroitte que les simples remembrances..

  A002000956 

 Et n'y a celuy qui doive trouver estrange que ces menus honneurs imparfaitz et relatifz portent les noms des honneurs absolus et parfaitz de latrie, superdulie et dulie, car, comme pourroit-on mieux nommer les feuilles que du nom de l'arbre qui les produit et duquel elles dependent? Les choses que nous honnorons d'honneur relatif sont appartenances et dependances des excellences absolues; les honneurs que nous leur faisons sont aussi des appartenances et dependances des honneurs [334] absolus que nous portons aux excellences absolues.

  A002000957 

 En voyla bien asses, ce me semble, pour les bons entendeurs.

  A002000957 

 Le docte Bellarmin le prouve suffisamment, quand il ne produiroit autre que le Concile septiesme general, qui determine clairement qu'il faut honnorer les images mais non pas de latrie, car ce qui se dit a ce propos des images appartient a toutes autres appartenances exterieures de Dieu; et certes, puysque l'honneur de latrie est le souverain, il n'est deu qu'a la souveraine excellence.

  A002000957 

 Pour vray, le mot equivoque se prend tousjours en sa principale signification quand il est mis seul et sans limitation, et non jamais pour les significations accidentaires et moins principales.

  A002000957 

 Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les creatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'autant qu'il panche plus a l'honneur de Dieu qu'a celuy des creatures, combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul, puysque ce mot de latrie a esté particulierement choisi et destiné a ceste seule signification, et ne peut meshuy avoir autre usage sinon par proportion et extension.

  A002000964 

 La reverence que saint Jean portoit aux soliers de Nostre Seigneur, s'estimant indigne de les porter, estoit une sainte affection de latrie, mais de latrie relative, par laquelle il adoroit son Maistre, non en sa propre personne, mais en ceste basse et abjecte appartenance.

  A002000964 

 Les honneurs subalternes se rapportent a Dieu en deux façons: ou comme a leur premier principe et derniere fin, ou comme a leur objet et sujet.

  A002000964 

 Les honneurs, donq, qui visent a Jesus Christ comme a leur principe et fin finale seulement, ne se peuvent ni doivent nommer en aucune façon latrie; mays ceux qui se rapportent a Jesus Christ comme a leur objet se peuvent et doivent appeller latrie, mays relative et imparfaitte.

  A002000970 

 Combien de fois et en combien de façons les anciens Peres firent-ilz honneur et adoration au Messie futur? Et pour vray, a bien considerer l'essence de l'honneur et adoration, elle ne requiert point la presence de son objet, et peut avoir lieu pour les choses passees et futures.

  A002000970 

 On peut honnorer les choses absentes, voire passees et futures, au moins conditionnellement, aussi les peut-on priser et louer.

  A002000970 

 » Or la mort et Passion est passee, Jesus Christ ne meurt plus, il ne souffre plus; on peut donq honnorer les choses absentes et qui ne sont point.

  A002000971 

 Or, comme toutes ces qualités sont relatives et du tout rapportees a Jesus Christ, aussi l'honneur qu'on fait a la Croix en vertu d'icelles est tout relatif au mesme Seigneur, et partant, comme appartenant au Sauveur, c'est un honneur de latrie; comme ne luy appartenant pas directement mais relativement, c'est une latrie imparfaitte et relative, et laquelle ne doit pas simplement [339] estre ditte latrie, ni mesme adoration, selon saint Bonaventure, Livre III Sur les Sentences, comme j'ay deduit ci devant.

  A002000971 

 Tel fut l'honneur que l'antiquité rendoit a la Croix, souhaittant d'en avoir les petites pieces qui en furent esparses par tout le monde, au rapport de saint Chrysostome et saint Cyrille; pareil a celuy que saint Jean portoit aux soliers de Nostre Seigneur, qu'il s'estimoit indigne de manier, pareil a celuy qu'Helisee deferoit au manteau d'Helie, qu'il gardoit si cherement, et saint Athanase a celuy de saint Anthoine, et egal a celuy que tous les Chrestiens portent au tres saint Sepulchre de Nostre Seigneur, predit par le prophete Esaye en termes expres..

  A002000972 

 A ceste façon d'adorer et considerer la Croix, se rapportent presque toutes les plus solemnelles parolles, louanges et ceremonies qui se prattiquent en l'Eglise Catholique a l'endroit de la Croix; mais entre autres, tout le saint et devot hymne composé par le bon Theodulphe, ancien Evesque d'Orleans; voyons-le en toutes ses pieces, latin et françois:.

  A002001043 

 Si la Croix sauve les coulpables,.

  A002001046 

 Mays pourquoy la salue-on, pourquoy luy parle-on comme l'on feroit au Crucifix mesme? certes, c'est parce que les motz vont a la Croix mays l'intention est dressee au Crucifix; on parle du Crucifix sous le nom de la Croix.

  A002001046 

 Ne disons-nous pas ordinairement: il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquetz, cent chevaux? n'appellons-nous pas, l'Enseigne d'une compaignie, celuy qui porte l'enseigne? Si parlans des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquetz, [342] lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquetz, lances et cuirasses, pourquoy par la Croix n'entendrons-nous bien le Crucifix? Ne parlons-nous pas souvent du Roy de France et du Duc de Savoye sous les noms de Fleur de lis et Croix blanche, parce que ce sont les armes de ces souverains Princes? pourquoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la Croix, qui est sa vraye enseigne? C'est donq en ce sens qu'on s'addresse a la Croix, qu'on la salue et invoque; comme aussi nous nous addressons au siege et y appelions, pour dire qu'on appelle a celuy qui sied au siege.

  A002001050 

 D'autre part, il y a des signes qui ne representent ni signifient aucune chose naturellement, mays par l'institution et volonté des personnes, comme quand anciennement les commissaires de guerre ou contrerolleurs mettoyent le Thita, Θ, pour signe de mort, et le Thau, T, pour signe de vie:.

  A002001050 

 Il y a deux sortes de signes: car les uns representent et signifient naturellement, par la dependance, appartenance, rapport ou proportion qu'ilz ont a l'endroit des choses representees par iceux; ainsy les fumees et lesses des cerfz et sangliers, ou leurs foyes et traces, sont signes naturelz des bestes qui les ont jettees et faittes, par la dependance et rapport qu'elles ont avec icelles; ainsy la fumee est signe du feu, et l'ombre du cors.

  A002001054 

 ou quand Raab mit une cordelle rouge pendue a sa [344] fenestre, pour marque de la sauvegarde que les Israëlites devoyent a sa mayson: car quelle convenance ou proportion y a-il entre les choses signifiees et telz signes, qui se puisse dire naturelle? Je ne dis pas que ces signes ayent esté institués sans rayson ni mistere, mays je dis que de leur nature ilz n'avoyent aucun rapport a ce qu'ilz signifioyent, et qu'il a esté besoin que, par l'institution humaine, ilz ayent esté assignés et contournés a cest usage; la ou les signes naturelz, sans l'entremise d'aucune institution, par la naturelle liaison et proportion qu'ilz ont avec leurs objetz, ilz les signifient et representent..

  A002001055 

 Certes, la Croix a une naturelle convenance et proportion avec le Crucifix et la crucifixion, les motz mesmes le monstrent, et partant elle represente et signifie naturellement le Crucifix.

  A002001056 

 Je maintiens donq que les Croix des Chrestiens n'ont autre naturelle signification que de la Passion de Jesus Christ, puysque les Chrestiens ne prisent autre image ou figure de croix, sinon celle en particulier qui est image de la Croix de leur Sauveur..

  A002001056 

 Voyla l'honneur deu a la Croix comme signe naturel de nostre Sauveur souffrant et patissant pour nous, [345] auquel, pour l'affranchir de tous reproches, il a esté expedient de faire entrevenir l'institution du peuple Chrestien; car puysque la figure de la croix, selon sa nature, n'a nomplus de proportion a la Croix du Sauveur qu'a celle des larrons qui furent crucifiés pres de luy, ou de tant et tant de milliers de crucifix qu'on a fait mourir ailleurs et a autres occasions, pourquoy prend-on ainsy indistinctement les croix pour remembrances et signes naturelz de la seule Passion du Sauveur, plustost que des autres? Certes, je l'ay des-ja dit, il a esté besoin que l'institution du peuple Chrestien ait eu lieu en cest endroit, pour retrancher et accourcir la signification et representation que la figure de la croix pouvoit avoir naturellement, a ce qu'elle ne fust en usage pour autre que pour representer et signifier la sainte crucifixion du Redempteur; ce qui a esté observé des le tems de Constantin le Grand.

  A002001057 

 Autres fois on honnore l'ambassadeur en guise du roy, de l'honneur propre au roy, et lhors, a proprement parler, c'est le roy qui est honnoré en son ambassadeur, et non pas l'ambassadeur mesme, parce que proprement l'ambassadeur n'est pas le roy, il tient seulement lieu pour le roy, et le represente par la fiction et supposition que les hommes en font.

  A002001057 

 Car, qui ne voit en ceste celebrité le triomphe deferé non a l'image, mays a Nostre Dame representee par l'image? et de plus, ceste image representer la Vierge, non d'une simple representation selon sa portee naturelle, mays d'une representation instituee [347] par la fiction et estimation arbitraire des hommes? Ainsy voit-on ordinairement les effigies et images deshonnorees pour les malfaiteurs qu'on ne peut attrapper: on pend et brusle leurs representations en leur place, comme si c'estoit eux, et lhors le deshonneur ne se fait pas a l'image proprement, mays au malfaiteur au lieu duquel elle est supposee; aussi ne dit-on pas, on a pendu l'image de tel ou tel malfaiteur, mays plustost, on a pendu tel et tel en effigie, d'autant que telles executions ne se font sur les images sinon entant qu'en icelles on tient, par la fiction du droit, les malfaiteurs estre chastiés, desfaitz et punis..

  A002001057 

 Il y en a d'autres non moins a propos; comme celuy qui est recité par Nicetas Choniates, au Livre cinquiesme des gestes de l'empereur Manuel Comnenus, de l'image de Nostre Dame assise sur un char triomphal d'argent doré, et menee parmi la ville de Constantinople, en reconnoissance de la victoire obtenue sur les Pannoniens par l'Empereur, a la faveur de l'intercession de la glorieuse Vierge.

  A002001057 

 Item, quand on fait a l'endroit des statues des princes trespassés tous les honneurs et ceremonies qu'on feroit a l'endroit du roy vivant, comme quand, selon le tesmoignage de Sextus Aurelius Victor, Trajan, ja decedé, triompha a Rome, et sa statue fut assise pour luy au char triomphal.

  A002001057 

 La volonté des hommes n'a pas ce pouvoir de bailler aucune reelle valeur aux choses outre celle qu'elles ont de leur nature, mays elle peut bien leur bailler un prix imaginaire et une estimation [346] supposee ou feinte, selon laquelle on les honnore ou deshonnore plus ou moins.

  A002001057 

 On ne sçauroit dire que telz honneurs soyent proprement portés aux statues, ains aux princes representés par les statues, non d'une representation naturelle, mays d'une representation arbitraire, feinte, et imaginee par l'institution des hommes.

  A002001058 

 Et c'est ainsy, pour revenir au point, que l'image de la Croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de representer Jesus Christ crucifié, qui la rend honnorable d'un honneur de latrie imparfaitte, outre cela, dis-je, elle peut estre destinee et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes a tenir le lieu et la place du Crucifix, ou plustost de la vraye Croix entant que jointe au Crucifix: et consideree en ceste sorte, l'honneur et reverence qu'on luy fait ne vise proprement qu'au Crucifix, ou a la Croix jointe au Sauveur, et non a l'image de la Croix, qui n'a autre usage, en ce cas, que de prester son exterieure presence pour recevoir les actions exterieures deuës au Crucifix, au lieu et place d'iceluy qu'elle represente et signifie, et cela sert a l'exterieure protestation de l'adoration que nous faisons au Crucifix..

  A002001058 

 Les images, donques, outre leur faculté naturelle qu'elles ont de representer les choses desquelles elles sont images, par la convenance et proportion qu'elles ont avec icelles, peuvent estre employees a une autre representation et lieutenance par la fiction et institution des hommes.

  A002001059 

 Certes, il est mal aysé de contourner a autre sens les exterieurs honneurs faitz anciennement a l'Arche de l'alliance; et les Anglois honnorent, a mesme consideration, le siege vuide de leur Reyne.

  A002001059 

 Et de fait, comme on attribue tous les honneurs des jours de la Nativité, Passion et Resurrection de Nostre Seigneur aux jours qui les representent [349] et tiennent leur place, selon l'institution des anniversaires et commemorations qu'on en fait, aussi fait-on pareilz honneurs a l'image de la Croix, quant a l'exterieur, qu'au Crucifix, mais ce n'est que pour commemoration, et en vertu de la supposition que l'on fait que l'image represente le Crucifix et soit en son lieu a la reception de ces ceremonies exterieures.

  A002001059 

 Et l'autre Apostre, aisné de saint Pierre: « Je te salue, o Croix, qui as esté dediee au cors de Jesus Christ, et ornee par les perles de son cors; o bonne Croix, qui as pris ta beauté et ton lustre des membres du Seigneur », et ce qui suit, au recit des prestres d'Achaïe.

  A002001059 

 Or, comme que ce soit, quand on honnore ou la Croix en guise du Crucifix, ou autre chose quelle que ce soit au lieu de ce qu'elle represente, on les honnore aussi improprement qu'elles sont improprement ce qu'elles representent.

  A002001059 

 Qui ne void que les croix ni de l'un ni de l'autre des freres n'estoyent pas la vraye Croix du Sauveur? et neanmoins ilz s'addressent a icelles ne plus ne moins comme si c'eust esté la mesme Croix de salut.

  A002001061 

 Au demeurant, les pieces du vray bois de la Croix, telles que nous les avons aujourd'huy, estans mises en forme de croix (comme est la sainte Croix d'Aix en Savoye), outre les sortes d'honneur qu'elles meritent par maniere de reliques, peuvent avoir tous les usages de l'image de la Croix.

  A002001061 

 De mesme, le signe de la Croix fait par le mouvement a tous les usages des images de la Croix, et par consequent part a tous les honneurs; et outre cela il a encor pour son particulier et ordinaire honneur d'estre une briefve et puissante oraison, a rayson dequoy il est tres venerable.

  A002001067 

 Il est donq defendu d'avoir les images de la Croix et autres quelconques.

  A002001067 

 Les schismatiques et autres adversaires de l'Eglise font profession de puiser en ce commandement toutes les injures execrables qu'ilz vomissent contre les Catholiques, comme quand ilz les appellent idolatres, superstitieux, punais, forcenés, insensibles, ainsy que fait le petit traitteur en plusieurs endroitz.

  A002001067 

 Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque des choses qui sont au ciel en haut, ni en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux.

  A002001068 

 Ceste interpretation, donq, combat l'Escriture, l'Eglise, la nature, et n'est aucunement sortable aux paroles precedentes, qui defendent pluralité de dieux, a quoy la defense des images ne sert a rien, ni aux paroles suivantes, qui defendent l'adoration des similitudes, car a quoy faire defendre l'adoration, s'il n'est loysible de les avoir ni faire? si on defend d'avoir simplement aucune similitude, qu'est-il besoin d'en defendre l'adoration?.

  A002001068 

 I. Les Juifz prennent tant a la rigueur les motz de ceste defense, qu'ilz rejettent toutes images de quelle sorte qu'elles soyent, et leur portent une grande haine, [352] comme le petit traitteur dit.

  A002001068 

 Les images des Cherubins, lions, vaches, pommes-graines, palmes, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la semblance de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Jesus Christ l'image de Cesar, et il ne la rejette point; l'Eglise a eu de tous tems l'image de la Croix, ainsy que j'ay monstré au second Livre; par nature, on fait la similitude de soy mesme aux yeux des regardans, en l'air, en l'eau, au verre, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001069 

 Ceste opinion est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente: car les Juifz et Mahometains ont au moins pretexte es motz du commandement, qui portent tout net qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de ceste autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin de l'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images es eglises qu'ailleurs.

  A002001069 

 Dieu proposa l'ornement des images en ce vieux Temple, a la veuë d'un peuple si enclin a l'idolatrie; qui gardera l'Eglise d'orner les siens des remembrances de la Croix et des glorieux soldatz qui, sous cest Estendart, ont abattu toute l'idolatrie? Aussi, certes, l'a-elle fait de tous tems; jamais elle n'eut temple (qu'on sçache) sans Croix, comme j'ay prouvé ci dessus.

  A002001069 

 II. Un tas de schismatiques et chicaneurs confesse qu'il n'est pas defendu, au commandement dont il est question, d'avoir et faire des similitudes et images, mais seulement de les mettre et faire es eglises et temples.

  A002001069 

 Les Juifz ont au moins quelque escorce de l'Escriture a leur advantage en ce point, mais ceux ci, qui ne font que crier l'Escriture, n'en ont ni suc ni escorce, et neanmoins, qui ne les croira a leur parole ilz le proclameront [353] idolatre et antechrist.

  A002001069 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, vaches, lions, grenades et palmes estoyent anciennement, sinon au Temple? et quant aux Cherubins, au lieu le plus sacré.

  A002001069 

 Que si les eglises sont maysons du Roy des roys, les ornemens y sont fort convenables; le temple est image du Paradis, pourquoy n'y logera-on les portraitz de ce qui est en Paradis? quelles plus saintes tapisseries y peut-on attacher? Et outre tout cela, ceste interpratation, tant prisee par les novateurs, ne joint aucunement a l'intention de la loy qui veut rejetter toute idolatrie; car, ne peut-on pas avoir des idoles et idolatrer hors les temples aussi bien que dans iceux? Certes, l'idole de Laban ne laissoit pas d'estre idole, encor qu'elle ne fust en l'eglise ou Temple, ni le veau d'or aussi.

  A002001070 

 Et ceux ci ont dit la verité quant a ce point, que les images de Dieu, a proprement parler, sont defendues; mais ilz ont mal entendu le commandement, estimans qu'autres similitudes n'y soyent defendues sinon celles de Dieu..

  A002001070 

 III. Autres ont dit que par ceste defense les autres ressemblances ne sont rejettees, sinon celles qui sont faittes pour representer immediatement et formellement Dieu selon l'essence et nature divine.

  A002001071 

 Ainsy le buisson ardent et semblables apparences n'estoyent pas images de Dieu, mais signes d'iceluy; et tous les portraitz des choses spirituelles ne sont pas tant portraitz de ces choses-la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001071 

 On ne rejette pas nomplus les images ou figures mistiques, comme d'un aigneau pour representer le Sauveur, ou de colombes pour signifier les Apostres, car ce ne sont pas images des choses qu'elles signifient, nomplus que les motz, ou les lettres, des choses qu'elles denotent; elles representent seulement, aux sens exterieurs, des choses lesquelles, par voye de discours, remettent en memoire les choses mistiquement signifiees par quelque secrette convenance.

  A002001071 

 Or telles images, a proprement [354] parler, doivent representer aux sens exterieurs la forme et figure des choses dont elles sont images, par la similitude qu'elles ont avec icelles: mais le sens exterieur n'est pas capable d'apprehender par aucune connoissance la nature de Dieu, infinie et invisible; et quelle forme ou figure peut avoir similitude avec une nature qui n'a ni forme ni figure, et qui est nompareille? Ce qui soit dit sans rejetter les images esquelles on represente Dieu le Pere en forme d'un viellard, et le Saint Esprit en forme de colombe ou de langues de feu; car elles ne sont pas images de Dieu le Pere, ou du Saint Esprit, a proprement parler, mais sont images des apparences et figures par lesquelles Dieu s'est manifesté, selon l'Escriture, lesquelles apparences et figures ne representoyent pas Dieu par maniere d'images, mais par maniere de simples signes.

  A002001072 

 Mays au bout de la, je dis que le commandement de Dieu a beaucoup plus d'estendue que ne porte ceste consideration; car, si ce commandement ne defend que les images de la Divinité, a quoy faire sera-il particularisé de ne faire similitude quelconque des choses qui [355] sont au ciel, en terre et es eaux? Item, qui adoreroit l'idole d'une chose creée, ne seroit-il pas idolatre, contre ce commandement? Donques, ceste interpretation n'est pas legitime ni sortable a la loy..

  A002001074 

 L'idolatrie gist en deux sortes d'actions: les unes sont interieures, par lesquelles on croit et reconnoit pour Dieu ce qui n'est pas Dieu; les autres sont exterieures, par lesquelles on proteste de l'interieur par les inclinations et sousmissions exterieures.

  A002001074 

 Les premieres actions peuvent estre sans les secondes, et semblablement les secondes sans les premieres; car celuy qui est affectionné aux idoles, quoy qu'il n'en face aucune demonstration, il est idolatre, et celuy qui volontairement adore ou honnore les idoles exterieurement, quoy qu'il ne leur aye aucune affection, il est idolatre exterieurement, et tant l'un que l'autre offense l'honneur deu a Dieu.

  A002001074 

 Or, les actions interieures d'idolatrie sont defendues par ces paroles: Tu n'auras point d'autres dieux devant moy; les exterieures sont rejettees par les suivantes: Tu ne te feras point d'idole, ni similitude quelconque, tu ne les adoreras point ni serviras; lesquelles deux prohibitions, ne visans qu'a un mesme but de rejetter toute idolatrie, ne font qu'un seul commandement constitué de deux parties.

  A002001074 

 Que s'il est ainsy, comme je n'en doute point, ceste prohibition de ne faire aucune similitude se doit entendre non absolument et simplement, mais selon la fin et intention du commandement, comme s'il estoit dit: Tu n'auras point d'autres dieux que moy; tu ne te feras aucune idole, ni aucune similitude, a sçavoir, pour l'avoir en qualité de Dieu, ni les adoreras point ni serviras en ceste qualité-la; en maniere que tout ce qui est porté en ce commandement soit entierement rapporté a ce seul point, de n'avoir autre Dieu que le vray Dieu, de ne donner a chose quelconque l'honneur deu a sa divine Majesté, et en somme de n'estre point idolatre.

  A002001075 

 Car, si ce n'est qu'un seul commandement qui defende de ne faire semblance quelconque et de ne les adorer, il faut que l'une ou l'autre des deux parties qu'il contient soit la principale et fondamentale, et que l'autre se rapporte a elle, comme a son but et projet: que si l'une ne se rapportoit a l'autre et n'en dependoit, ce seroyent deux commandemens et non un seul.

  A002001075 

 Donques, la principale partie de ce commandement, qui est toute sa substance, son intention et projet, est la prohibition de n'adorer ni servir aux idoles et similitudes des choses creées; et l'autre prohibition, de ne les faire point, se rapporte a ne les adorer point ni servir, comme s'il estoit dit: Tu ne te feras aucune [357] idole ni semblance quelconque, pour les adorer et servir..

  A002001075 

 Et d'ailleurs, comme pourroit-on reduire la prohibition de n'adorer les similitudes a celle-la de ne les faire point? S'il est defendu de ne les faire, a quel propos defendre de ne les adorer? Puysque sans les faire on ne les peut adorer, il y auroit une trop grande superfluité en ce commandement, de plus qu'aux autres.

  A002001075 

 Mais si quelqu'un veut debattre que la prohibition de n'avoir autre que le seul vray Dieu soit un commandement separé de l'autre defense, Tu ne te feras aucune idole ou semblance quelconque, pour ne m'amuser a le convaincre par vives raysons que je pourrois produire a ce propos, je me contenteray qu'il m'accorde, que la prohibition de ne faire aucune similitude et de les adorer n'est qu'un mesme et seul commandement (ce que, certes, on ne peut nier en aucune façon, sinon que, contre la pure et expresse Escriture, on veuille faire plus de dix commandemens en la Loy, et qu'on veuille lever a ces loys le nom de Decalogue).

  A002001075 

 Or, je vous prie, quelle jugera-on estre la principale partie de ce second commandement (je parle ainsy pour eviter debat), ou ceste-ci: Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque, ou celle-ci: Tu ne les adoreras ni serviras? Pour vray, on ne peut dire que la prohibition de ne faire aucune similitude soit le projet et but de tout le commandement, car a ce conte-la il ne faudroit avoir ni faire image quelconque, qui est une rage trop expresse.

  A002001076 

 Voyla le vray suc de ce commandement, ce qui se peut connoistre evidemment par les grans advantages que ceste interpretation tient sur toutes les autres, car:.

  A002001077 

 Et en l'Exode, Dieu inculquant son premier commandement, Vous ne vous feres point des dieux d'argent ni d'or, dit-il, monstrant asses que s'il a defendu de ne faire aucune similitude, ce n'est sinon a fin qu'on ne les face pour idolatrer..

  A002001077 

 Or, ce qui est dit ici par reduplication de negative, Tu ne feras aucune idole, ni semblance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte: Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer.

  A002001078 

 Ceste interpretation joint tres bien a toutes les autres pieces non seulement du premier commandement, mays de toute la premiere Table, lesquelles ne visent qu'a l'establissement du vray honneur de Dieu; car elle leve toute occasion a l'idolatrie et a toute superstition qui peut offenser la jalousie de Dieu, sans neanmoins lever le droit usage des images, ni imposer a Dieu une jalousie desreglee et excessive, selon ce que j'ay dit en l'Avant-Propos..

  A002001079 

 Et comme ceste interpretation ne rejette aucunement le vray usage des images, en quoy les Juifz et Turcz errent, aussi rejette-elle et abolit tout usage des images, statues et similitudes qui est contraire a l'honneur de Dieu, non seulement es temples et eglises, ce qui ne suffit pas, comme pensent follement plusieurs novateurs, ni seulement des similitudes faittes pour representer la Divinité, qui ne suffit pas nomplus, comme estiment plusieurs autres, mais absolument [358] tout usage idolatrique: qui est le vray et unique projet de ce premier commandement..

  A002001080 

 L'idolatrie [intérieure] ne consiste pas a se representer en l'ame les creatures par les especes et images intelligibles, mais seulement a se les representer comme divinités; tout de mesme, l'idolatrie exterieure ne consiste pas a se representer les creatures par les ressemblances et images sensibles, mais seulement a se les representer comme divinités: si que, comme le commandement, Tu n'auras autres dieux devant moy, ne defend point de se representer interieurement les creatures, aussi la prohibition, Tu ne te feras similitude quelconque, ne defend pas de se representer exterieurement les creatures, mais de les representer pour Dieu en les adorant et servant; c'est cela seul qui est defendu, tant pour l'interieur que pour l'exterieur..

  A002001082 

 Car la Croix, prinse en la façon que la prennent les Catholiques, ne peut estre ni idole ni sujet d'idolatrie, tant s'en faut qu'elle le soit, idole n'estant autre que la representation d'une chose qui n'est point de la condition qu'on la represente, et une image fause, comme dit le prophete Habacuch, et l'apostre saint Paul: or, la Croix represente une chose tres veritable, c'est a sçavoir, la mort et Passion du Sauveur; et ne la fait-on pas pour l'adorer et servir, mais pour adorer et servir en icelle et par icelle le Crucifix, suivant le vray mot de saint Athanase: Qui adorat imaginem, in illa adorat ipsum Regem.

  A002001082 

 De mesme, que l'on honnore la Croix en tout et par tout, puysqu'on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu; que toute la veneration qu'on luy porte est relative et dependante, ou accessoire, a l'endroit de la supreme adoration deuë a sa divine Majesté; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre: cela n'est en façon quelconque defendu, puysque ceste semblance et figure n'est pas employee a l'action pour laquelle les similitudes sont prohibees, qui est l'idolatrie.

  A002001082 

 Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux champs, es villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autelz; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstré tout au long de ces Livres, il ne sçauroit [359] estre defendu en la premiere Table, qui ne vise qu'a l'establissement du vray service de Dieu et abolissement de l'idolatrie.

  A002001085 

 Entre tous les novateurs et reformeurs, il n'en a point esté, a mon advis, de si aspre, hargneux et implacable que Jean Calvin.

  A002001085 

 Il n'y en a point qui ayt contredit a la sainte Eglise avec tant de vehemence et chagrin que celuy-la, ni qui en ayt recherché plus curieusement les occasions, et sur tout touchant le point des images.

  A002001086 

 A quoy les deux tribus et demy firent response qu'ilz craignoyent qu'a l'advenir la posterité des autres tribus ne voulust forclorre leurs enfans de l'acces du vray autel qui estoit en Canaan, sous pretexte de la separation que le Jordain faisoit entre l'habitation des uns et des autres, d'autant que l'une estoit deça et l'autre dela laditte riviere.

  A002001086 

 Dequoy pour sçavoir la vraye verité, ilz leur envoyerent en ambassade Phinees, filz du grand sacrificateur Eleazar, lequel, presupposant une mauvaise intention en l'edification de cest autel, tança bien asprement de prime face les bastisseurs d'iceluy, comme s'ilz eussent voulu innover en matiere de religion, et dresser autel contre autel.

  A002001086 

 Estans donques congediees les deux tribus et demy [361] pour se retirer au lieu de leurs partages en la terre de Galaad, arrivees qu'elles furent es confins et limites du Jordain, elles y dresserent un autel d'infinie grandeur.

  A002001086 

 Les Israëlites qui estoyent demeurés en Canaan eurent nouvelles de l'edification de cest autel, et douterent que les Rubenites, Gadites et ceux de la my-tribu de Manassé ne voulussent faire schisme et division en la religion, d'avec le reste du peuple de Dieu, au moyen de cest autel.

  A002001086 

 Les enfans d'Israël estoyent des-ja saisis de la terre de promission, les lotz et portions avoyent esté assignés a une chacune des tribus, si que le grand Josué estima de devoir congedier les Rubenites, Gadites, et la moitié des Manasseens, lesquelz, ayans des-ja prins et receu le lot de leur partage au dela du Jordain, avoyent neanmoins assisté en tout et par tout au reste des enfans d'Israël, pour les rendre paisibles possesseurs de la part du païs que Dieu leur avoit promis, comme se rendans evictionnaires les uns pour les autres.

  A002001094 

 Donques, les deux tribus et demy, d'une part, furent recherchees comme suspectes de schisme, a cause de la remembrance de l'autel qu'elles avoyent erigee, et nous, de l'autre costé, sommes chargés d'idolatrie et accusés de superstitions pour les images de l'autel de la Croix, que nous dressons et eslevons par tout.

  A002001094 

 Les accusations sont presque semblables, mais:.

  A002001095 

 I. Les accusés et accusateurs de part et d'autre sont extremement differens; car les accusateurs des deux tribus et demy ce furent les dix tribus d'Israël, lesquelles, a l'esgard des deux et demy, 1.

  A002001095 

 estoyent le gros et le cors de l'Eglise, les deux et demy n'en estoyent qu'un membre et portion; 2.

  A002001095 

 les dix estoyent en possession du vray tabernacle et autel, les deux et demy n'en avoyent que la communication; 3.

  A002001095 

 les dix tribus avoyent en elles et de leur costé la chaire de Moyse, la dignité sacerdotale, l'authorité pastorale et succession Aaronique, les deux et demy n'estoyent qu'un simple peuple et parcelle de la bergerie.

  A002001096 

 Ce sont des pointz qui rendent suspecte, ains convaincue d'attentat, toute la procedure des censures que les reformeurs font contre nous qui sommes Catholiques, auxquelz ilz sont inferieurs en tant et tant de façons, et si notoirement..

  A002001096 

 Les Catholiques ont en eux et a leur faveur la chaire de saint Pierre, la dignité sacerdotale, l'authorité pastorale, la succession Apostolique; leurs accusateurs sont nouveaux venuz, sans autre chaire que celles qu'ilz se sont faittes eux mesmes, sans aucune dignité sacerdotale, sans authorité pastorale, sans aucun droit de succession, ambassadeurs sans estre envoyés, delegués sans delegation, messagers sans mission, enfans sans pere, executeurs sans commission.

  A002001096 

 Les Catholiques sont en une ferme et indubitable possession du tiltre de vraye Eglise, tabernacle de Dieu avec les hommes, autel sur lequel seul l'odeur de suavité est aggreable a Dieu; les novateurs qui ne font que naistre de la terre, comme potirons, n'en ont qu'une vaine et fade usurpation.

  A002001096 

 Les Catholiques, qui sont les accusés, sont le tige et cors de l'Eglise; les novateurs ne sont que branches taillees et membres retranchés, 2.

  A002001097 

 II. Il y a encor une autre difference, entre le sujet de l'accusation faitte contre les deux tribus et demy par le reste d'Israël, et de celle que les novateurs font contre nous, laquelle est bien remarquable.

  A002001098 

 III. De plus, il y eut encor une grande difference en la maniere de proceder a l'accusation; les dix tribus, quoy que superieures aux deux et demy, ne se ruent pas de premiere volee a la guerre, mais: 1.

  A002001098 

 ne demandans pas absolument que l'autel dont il estoit question fust rasé et renversé, mais simplement que les deux tribus et demy, en edifiant un autre autel, ne facent aucun schisme ou division en la religion; 4. et n'alleguent point d'autre autheur de leur correction que l'Eglise: Voici que dit toute la congregation de l'Eternel.

  A002001099 

 Tout au contraire, les reformeurs qui sont nos accusateurs, quoy que notoirement inferieurs, 1.

  A002001099 

 renversans, brisans et rompans, de leur propre authorité, les Croix dressees, sans autre examen de la droitte pretention ni du droit pretendu de ceux qui les avoyent eslevees; 4.

  A002001099 

 se sont de plein saut jettés aux foudres, tempestes et gresles de calomnies, injures, reproches, diffamations, et ont armé leurs langues et leurs plumes de tous les plus poignans traitz qu'ilz ont sçeu rencontrer entre les despouïlles de tous les anciens ennemis de l'Eglise, et tout aussi tost les ont dardés avec telle furie, que nous serions des-ja perduz, si la verité divine ne nous eust tenuz a couvert sous son impenetrable escu (je laisse a part la guerre temporelle suscitee par ces evangelistes empistolés par tout ou ilz ont eu acces); 2. et a leur pretendue reformation n'ont employé que la prophane audace des brebis contre leurs pasteurs, des sujetz contre leurs superieurs, et le mespris de l'authorité du Grand Prestre evangelique, lieutenant de Jesus Christ; 3.

  A002001100 

 Ces si grandes differences entre nos accusateurs, leur sujet et maniere de proceder, d'une part, et les accusateurs, ou plustost correcteurs, des deux tribus et demy, leur sujet et maniere de proceder, de l'autre part, presupposent une autre quatriesme difference, et en produisent une cinquiesme..

  A002001101 

 Les dix tribus n'avoyent autre projet que d'empescher le schisme et division, ce fut la charité qui les poussa a cest office de correction.

  A002001102 

 Au contraire, toutes les poursuites des reformeurs contre nous ne respirent que sedition, haine et division; leurs offres ne sont que de leur quitter le gouvernement de l'Eglise, les laisser regenter et maistriser, passer sous le bon playsir de leurs constitutions.

  A002001103 

 La charité les pousse egalement a se formaliser sur l'erection de l'autel nouveau et a recevoir l'excuse de ceux qui l'avoyent erigé; le cas neanmoins estoit extremement chatouilleux en cas de religion, la separation des habitations rendroit le soupçon du schisme fort juste: mais, charité est toute patiente, ell'est benigne, elle ne pense point mal, elle ne se plaist point sur l'iniquité, mais se complaist a la verité, elle croit tout, elle espere tout..

  A002001103 

 Les dix tribus, lesquelles, par tant de prerogatives et raysons, avoyent le droit de [367] correction, n'eurent pas si tost ouÿe la declairation de l'intention des deux tribus et demy, qu'ilz la reçoivent amiablement et, sans presser d'aucune replique ni recharge la response et excuse des accusés, se reposent tout entierement sur leur parole.

  A002001104 

 Il n'y a excuse qu'ilz n'accusent, il n'y a rayson qui les paye.

  A002001104 

 On ne peut vivre avec eux, sinon les pieds et mains liés pour se laisser traisner a tous les precipices de leurs opinions.

  A002001111 

 A Calvin, auquel ces occasions semblent legitimes pour dresser des representations (nonobstant la rigueur des motz de la Loy), quand il s'agit d'excuser les deux tribus et demy, a Calvin, dis-je, et aux autres reformeurs, ce ne sont qu'hipocrisies, abus et abomination en nous.

  A002001111 

 Ce sont ennemis implacables; leur cœur est de bouë, la clairté l'endurcit; il n'y a satisfaction qui les contente; si on ne se rend a la merci de leur impiteuse correction, la rage de leur mal-talent ne reçoit aucun [369] remede.

  A002001111 

 Pour deduire la drogue de leur reformation, ilz taschent a difformer et rendre suspectes les mieux formees intentions.

  A002001111 

 Que ferons-nous donq avec eux? cesserons-nous de nous employer a leur salut, puysqu'ilz n'en veulent pas seulement voir la marque? Mais comme pourrions-nous desesperer du salut d'aucun, emmi la consideration de la vertu et honneur de la Croix? arbre seul de toute nostre esperance, duquel l'honneur plus reconneu et certain gist en la vertu qu'il a de guerir non seulement les playes incurables et mortelles, mais aussi de guerir la mort mesme, et la rendre plus pretieuse et saine sous son ombre que la vie ne fut onques ailleurs..

  A002001112 

 Plantés donq sur nos genoux, liés avec les bras de la sainte meditation, liés, dis-je, et noués au pied de cest arbre, o Catholiques mes Freres, plus les paroles, les escritz, les deportemens de nos accusateurs respireront une haine irreconciliable a l'endroit de la Croix et de ses devotz, plus de nostre costé devons-nous souspirer chaudement pour eux, et crier de tout nostre cœur a Celuy qui pend aux branches, pour feuille, fleur et fruit, Seigneur, pardonnes-leur, car ilz ne sçavent ce qu'ils font:.

  A002001119 

 C'est ce que j'ay desiré faire en cest escrit pour les simples qui en ont plus de besoin, aussi leur cœur plus tendre et humide pourra peut estre bien recevoir l'impression du signe de la Croix d'une si foible main comme est la mienne, la ou les cœurs de pierre et de bronze de ceux qui pensent estre quelque chose ne presteroyent jamais sinon au ciseau et burin de quelque plus ferme ouvrier.

  A002001120 

 Des lhors, par une suite perpetuelle, les Talmudistes, Samaritains, Mahometains, Wiclefistes, et semblables pestes du monde, ont continué ceste contradiction a l'endroit du saint Estendart, quoy que sous divers pretextes.

  A002001120 

 Les Apostres, Disciples et premiers Chrestiens, voyans les heretiques estimer la croix indigne de Jesus Christ, mirent en tout et par tout l'usage du signe de la Croix, pour s'honnorer eux mesmes en Jesus Christ, et Jesus Christ en la Croix.

  A002001120 

 Les attaques semblent redoubler en nostre aage; l'Antechrist approche tousjours plus, ce n'est merveille si ses trouppes s'avancent plus dru.

  A002001137 

 Car une partie d'entr'eux, mal gré bon gré le propre tesmoignage que nous avons de nostre conscience, nous veut persuader que nous tenons les Croix pour des divinités et les adorons de lhonneur deu a Dieu tout puyssant.

  A002001137 

 Encor quil sache que les placquars quil veut combattre, ne demandent autr'honneur pour la Croix que a cause de la representation quelle fait de Nostre Seigneur, et par consequent un honneur respectif et qui se rapporte ailleurs, si ne laisse-il pas de dire, pag 5 et 6, que ces placquars contiennent choses idolatriques, que nos precheurs prechent l'idolatrie..

  A002001138 

 En la pag. 27 et 28, il establit deux idolatries: « Quand l'idolatrie paienne a commencé a decliner de jour a autre, au prix que croissoit la lumiere de la doctrine Chrestienne, le Diable a dressé un'idolatrie autant ou plus dangereuse au milieu de la Chrestienté, tellement que les noms des anciennes idoles ont esté changés, mais les choses sont demeurees.

  A002001140 

 Mais il poursuit: « Vray est que les questionnaires ne se sont pas teuz la dessus, car on a demandé de quelle sorte d'honneur elle devoit estr'adoree.

  A002001140 

 Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au cors de Jesuschrist, devoit estr'adoree de latrie ou pour le moins d'hiperdulie, mais que les autres croix devoyent estre servies de lhonneur de dulie; cest a dire, que la vraye Croix devoit estre reveree de lhonneur deu a Christ, et les autres croix devoyent estr'honnorees de lhonneur que les serviteurs doivent a leurs maistres: et c'est la belle resolution du present second placquart.

  A002001141 

 Car voicy la resolution du placquart: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoyre du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002001143 

 28; les enfans des prophetes adorent Helisee, 4.

  A002001143 

 2; Abraham adora le peuple de la terre, c'est a dire, les enfans de Heth, Gen.

  A002001144 

 C'est pourquoy, adorer, simplement pris et absolument, signifie en l'Escriture adorer Dieu, Jo. 4; et par mesme rayson les Anciens ont quelquefois fait difficulté de l'appliquer a lhonneur des creatures, quoy quilz sceussent que cela se pouvoit faire.

  A002001145 

 Et peu après il introduit les Juifz disans: Nos crucifiximus quem reges adorant.

  A002001149 

 Et c'est a ceste consideration que bien souvent les Anciens ont employé d'autres motz plus generaux pour signifier la reverence dette aux Saintz et autres creatures, ou s'il ny ont pas employé d'autres motz ilz ont limité le mot d'adoration par quelque addition.

  A002001149 

 On voit donq ce que je viens de dire, que les anciens Peres rapportent le mot d'adorer a lhonneur deu aux creatures, et que neanmoins ilz ont estimé quil estoit un peu plus duysant et sortable a signifier particulierement lhonneur deu a Dieu tout puyssant.

  A002001149 

 Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-la qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4 a 7 æ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu excellentia honoris ), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration.

  A002001151 

 Or cest'excellence peut estre de deux sortes: car, ou c'est un'excellence qui ne rend celuy qui la possede advantageux ou superieur sur celuy qui le veut honnorer, et lhors il ni a lieu que pour le simpl'honneur et ne se peut former aucun'adoration; tel est l'honneur que s'entreportent les gens de bien les uns aux autres, comme, par exemple, S t Basile a S t Gregoire Naz., tesmoin Eustratius sur le p r chapitre du 9 des Ethiques, selon le dire de l'Apostre: Honore invicem prævenientes, Ro.

  A002001151 

 de Civit., dit que les hommes sont appellés colendi et venerandi, si autem multum addideris, et adorandi, cité par S t Thomas, 2 2.

  A002001152 

 Or, selon que les excellences de ceux que nous adorons sont advantageuses sur nous plus ou moins, les adorations sont aussi differentes, comme remarquent doctement S t Aug., l. 10.

  A002001152 

 a. 1, S t Bonav. et les autres scholastiques.

  A002001153 

 Et pour mettre encores quelque difference en lhonneur fait aux creatures selon la diversité des excellences, ilz ont dict que les plus excellentes s'honnoroyent d'hiperdulie..

  A002001153 

 Si l'excellence est cree, comme celle des Anges et des hommes saintz ou superieurs, l'adoration est limitee et bornee a la mesure de l'excellence pour laquell'on adore, et s'apelle dulie parmi les Theologiens.

  A002001154 

 Il faut sçavoir qu'en l'adoration parfaitte, 3 actions se rencontrent: l'une de l'entendement, par laquelle l'on connoit l'excellence de la personne qu'on adore; l'autre de la volonté, par laquelle on se sousmet et fait on reverence a la personne qu'on adore; et la troysiesme par les signes exterieurs du cors.

  A002001155 

 Il s'ensuit que l'adoration ne se peut faire qu'a la nature intelligente; car, puysque l'adoration se fait en reconnoissance de quelqu'excellence superieure, les advantages que la natur'intelligente tient sur tout'autre sont si grans, qu'elle ne se doit sousmettre a aucun autre, tout le reste luy est inferieur et dedié a son usage et service..

  A002001156 

 L'excellence pour laquelle on honnore, principalement, les creatures, c'est la vertu, comme monstre S t Thomas, le tirant d'Aristote (l. 4 Eth. c, 3. et l. 1. c. 5.), q. 145.

  A002001156 

 Mays la vertu pour laquell'on reçoit honneur n'est pas tousjours nostre, ains bien souvent d'autruy: comm'on honore les superieurs quoy que mauvais, pour la vertu de Dieu et de la republique de laquell'ilz tiennent le lieu; ainsy les peres et maistres sont honnorables pour la participation quilz ont de la dignité de Dieu qui est supreme Pere, principe, recteur et Seig r; ainsy les vieux, parce que la viellesse est un signe de sagesse, comme tesmoignant de l'experience; ainsy les riches, comm'ayans un bon instrument pour ayder et conserver la republique.

  A002001156 

 Puys on honnore encor les autres excellences qui sont ou comm'instrumens, ou comme des acheminemens a la vertu.

  A002001157 

 Item, que lhonneur præsuppos'amitié, et nous avons les Diables pour ennemis irreconciliables, avec lesquelz nous n'avons ni devons avoir aucun commerce ni amitié, ains les devons avoir en execration et abomination..

  A002001157 

 Or de tout cecy s'ensuit que quoy que les Diables sont plus excellens que nous, nous ne leur devons aucun honneur, parce que leur excellence ne tend point a bien, mays l'ont du tout destournee a mal, et ce irrevocablement; joint quell'est accablee de la supreme misere.

  A002001158 

 On honnore la viellesse par ce qu'elle tesmoigne l'experience, et l'experience apporte la prudence; on honnore les riches par ce que la richesse est signe d'industrie et est instrument de beaucoup de vertuz, comme de la liberalité et magnificence; on honnore les magistratz par ce quilz representent Dieu et la republique; on honnore les moindres officiers des princes, et leurs couronnes, sieges, sceptres, par ce que ce sont signes et appartenances de leur authorité; on honnore la science par ce qu'ell'est instrument de beaucoup de bien, signe de diligence et acheminement de bien faire, comm'on deteste l'ignorance par contraires raysons.

  A002001158 

 Parlons des choses sacrees: on honnore les eglises, les vases sacrés, par ce quilz sont instrumens de la religion et service de Dieu; on honnore les images, comme le Serpent d'airain et le Coffre de l'alliance, par ce quilz representent N. S. et quilz sont des acheminemens..

  A002001160 

 Ainsy la chaire, l'espee, les armes du pere seront comme certains messagers qui remettront le pere en la memoyre du filz, et cependant le filz laissera-la toutes ces choses, et ne pensant plus qu'au pere, l'honnorera de tout son cœur, [et] luy reservera toutes les caresses.

  A002001160 

 Et lhors ces choses seront comme les fourriers, qui ayans conduitz les autres au logis en sortent eus mesme et ni arrestent plus..

  A002001162 

 est interrompue; les deux passages suivants sont des citations détachées.].

  A002001172 

 Elle se fait ainsy: il est defendu tresexpressement de faire les statues et similitudes de chose aucune quelle qu'elle soit, beaucoup plus de les venerer et adorer; il ne faut donq pas seulement avoir les images de la Croix, combien moins les adorer? Pour desfaire cest argument il faut seulement bien entendre comme les statues et similitudes sont prohibees, car en mesme façon ne faudra-il point avoir les images de la Croix, ni les venerer.

  A002001172 

 Mettons donq au net la prohibition divine en ses termes: Tu ne te feras aucune statue, ni toute similitude qui est au ciel en haut, et en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux, et ce qui suit.

  A002001172 

 Que s'il ne faut avoir aucune similitude pour aucun usage que ce soit, il ne sera pas loysible nomplus d'avoir des Croix; mais s'il est permis de faire et avoir quelque similitude pour quelque particuliere occasion, il sera loysible d'avoir des Croix et les honnorer.

  A002001173 

 Premierement, je ne doute point que ceste prohibition ne soit une piece et appartenance du premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy, et partant je ne conte pas ceste prohibition pour second commandement, mais pour une partie du premier, auquel est [379] defendue l'idolatrie tout entiere: car l'idolatrie parfaitte git en deux sortes d'actions, interieures et exterieures; les interieures sont defendues par la premiere partie de ce premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy; les exterieures sont rejettees par les paroles suyvantes: Tu ne te feras aucun idole ou statue, et ce qui s'ensuit.

  A002001174 

 Que si neanmoins quelqu'un veut opiniastrement debattre que la seconde defense proposee en ce premier chef des commandemens, Tu ne te feras aucune statue, et ce qui suit, soit un commandement a part et separé, qui face non une seconde partie du premier commandement, mais un second commandement de la premiere Table, pour ne m'entretenir hors de mon dessein a le convaincre par rayson, je diray seulement qu'au moins ne sçauroit on nier que la defense de ne faire aucune similitude ou statue ne soit un mesme commandement avec ce qui s'ensuit: Tu ne les adoreras ni serviras, et n'aÿe rapport a ce premier point: Tu n'auras aucuns dieux estrangers devant moy.

  A002001176 

 Bref, ceste intelligence n'a aucune convenance avec les paroles præcedentes ou suivantes, puysqu'avoir et faire des images ne tend en aucune façon a l'idolatrie..

  A002001176 

 Les Turcz et Juifz Talmudistes, prenans ceste defense a la rigueur des motz, estiment qu'il ne soit loysible d'avoir ou faire aucune sorte d'image en façon quelcomque: quand aux Juifz, le petit traitteur le confesse ouvertement, et pour les Turcz il ni a aucune difficulté.

  A002001176 

 Les images des Cherubins, des lions, vaches, pommes graines, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la similitude de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Nostre Seigneur l'image de Cæsar et il ne la rejette point, ains l'approuve.

  A002001177 

 Car, quand a l'Escriture, les Talmudistes et semblable canaille se couvrent au moins des motz d'icelle, qui portent tout a plat qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de cest'autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin d'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images aux temples ou eglises qu'ailleurs.

  A002001177 

 Et pour vray, la rayson naturelle monstre que si les eglises sont maysons du Roi des roix, les ornemens y sont tres convenables, et si elles sont maysons du Saint des Saintz, les ornemens y doivent estre les plus saintz; or plus saintz ornemens n'y peut on mettre que les representations des choses saintes; le temple est image du ciel, pourquoy ni logera-on les images de ce qui est au ciel?.

  A002001177 

 Les Juifz n'ont nomplus le suc de l'Escriture que ceux ci, mais ilz ont pour le moins l'escorce touchant ce point; et ceux ci, qui ne font que crier l'Escriture, n'en produisent ni suc ni escorce, mais avancent leur volonté comme parole de Dieu, et qui ne les croira ilz le proclameront antichrist.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001177 

 Si Dieu voulut ainsyn orner ce vieux Temple a la veuë d'un peuple si sujet a l'idolatrie, qui gardera l'Eglise d'orner les siens des images de la Croix et de ceux qui sous ce saint Estendart ont renversé toute l'idolatrie? Aussi certes l'a-elle fait de tous tems, et ne sçauroit on monstrer que les Chrestiens ayent eu jamais des eglises ou temples qu'elle ny aye eu des Croix et autres images, comme j'ay suffisamment prouvé ci dessus.

  A002001178 

 Il y en a d'autres qui ont dit que, par ceste prohibition, autres images ou similitudes n'estoyent defendues sinon celles qui servent de representer Dieu selon la nature de sa Divinité: et je m'y accorde simplement et purement, s'ilz rejettent les images qu'on feroit pour representer la propre forme et essence Divine immediatement; car Dieu estant infini et invisible il ne sçauroit estre representé par les choses visibles immediatement et formellement.

  A002001178 

 Les images donq qu'on fait de Dieu, des Cherubins et Anges, ou des ames, ne sont pas tant images de ces choses la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001178 

 Or, tout ce qui est signe n'est pas image, quoy que ce qui est image soit signe: ainsin la colombe et les feux descendans estoyent signes, non image du Saint Esprit; ainsi quand les Anges parloyent en forme d'homme, ceste forme la estoit signe, non image de l'Ange.

  A002001178 

 Que si on parle des images et figures mistiques, comme d'un aigneau pour représenter Nostre Seigneur, de colombes pour representer les Apostres, ce ne sont non plus images des choses qu'elles représentent mistiquement que les motz sont images des choses quilz signifient, et les lettres des motz quelles denotent; car elles ne représentent pas ces choses la aux sens, comme font les images, mais des objetz tout differents par lesquels, avec beaucoup de discours, on se représente les choses mistiquement signifiees.

  A002001178 

 Quelle forme peut avoir aucune convenance avec Celuy qui n'a aucune forme? Et toutes les images que l'on fait de Dieu le Pere et du Saint Esprit ne servent a autre qu'a representer les figures et formes sous lesquelles et par lesquelles il s'est manifesté selon l'Escriture, lesquelles formes et figures ne représentoyent pas Dieu selon sa Divinité par maniere d'images et statues de Dieu, mais par maniere de simples signes.

  A002001178 

 Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour représenter au sens exterieur la Divinité, comme c'est le propre des images de représenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant neanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque proprieté de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification.

  A002001188 

 Ce commandement divin est une figure qui represente la vertu du signe de la Croix: car Thau se peint en ceste sorte, T. Pour monstrer la vertu de ce signe, S. Athanase dit, au livre de l' Incarnation, que le signe de la Croix chasse tous enchantemens et sorceleries et les rend de nulle valleur.

  A002001188 

 II] c. 3, dit que les Chrestiens ont l'image de la Croix de nostre Seigneur, qu'il juge digne de toute la veneration, et y fait une belle oraison.

  A002001188 

 Le signe de Thau, en Ezechiel, c. 9, et en l'Apocalypse, c. 7, qui estoit escrit au front des gemissans pour les garder de mal, signifie la Croix et benediction que l'on met au front des croyans; ainsi que tesmoignent S. Cyprien fort voysin des Apostres, livre 1.

  A002001188 

 Les mesme ennemys des Chrestiens ont esté contraincts s'en servir pour chasser les diables, ainsi qu'attestent Epiphanius en l' Heresie 30, et S. Gregoire, liv. 3.

  A002001188 

 S. Basile le Grand qui vivoit il y a plus de douze cens ans, au liv. du S. Esprit, c. 27, monstre que les Apostres ont apprins à faire le signe de la Croix et qu'eux le faisoient.

  A002001188 

 contre Julien l'Apostat, dit que ce meschant, effrayé de la vision des diables, fut contrainct de se servir du signe de la Croix, comme il avoit veu faire aux Chrestiens; d'autant que Dieu a [405] donné à ce signe une vertu particuliere contre les malins esprits, selon qu'afferme S. Augustin au liv. des 83 qq., question 79, où il dit que Dieu a commandé aux diables de ceder à la Croix, comme au Sceptre du souverain Roy.

  A002001188 

 in diversos, Tertulien, contre Marcion, liv. 3, lequel en son Apologetique dit que les Payens reprochoient aux premiers Chrestiens qu'ils faisoient honneur à la Croix.

  A002001188 

 » Contre Fauste Manicheen, liv. 12. c. 30, il dit que pour la garde de salut, les peuples sont signez de ce signe; et au liv. de l' Altercation de la Synagogue et de l'Eglise (tom. 6), il exalte les prerogatives de ce signe de la Croix; et au sermon 19.

  A002001194 

 C'estoit, dit Tertullien, Contre les Juifs, chap. 10, parce que cela tendoit à la Croix du Seigneur; dont en sainct Jean, chap. 3, nostre Seigneur applicqua ceste histoire à sa Croix.

  A002001194 

 Concile de Nicene, action 4: « Pendant que les deux bois sont conjoincts, nous adorons la representation à cause de Jesus Christ qui y a esté crucifié, mais les deux bois separez, nous les rejettons, voire bruslons.

  A002001194 

 Et anciennement les soldats adoraient l'estendard de leur Empereur, ainsi que dit Sozomene, livre 1.

  A002001194 

 Et ce grand Monarque Chrestien, comme disent les historiens susdits, eut de belles revelations et visions du signe de la saincte Croix, et fit dresser des croix avec grande magnificence, pieté et religion.

  A002001194 

 Il est bien vray que mourant pour Dieu ou la patrie, la mort en est glorieuse; en memoire de laquelle on pourroit en honnorer les instruments: sur tout si cela avoit causé quelque grand bien, comme a faict la Croix, vray autel du souverain sacrifice qui est Jesus Christ, selon sainct Paul, Heb. c. 7, et Colloss.

  A002001194 

 Les gibets des malfaicteurs n'ont point ceste honnorable condition, et les suppliciez ne peuvent tirer d'iceux de [407] l'honneur et profit, comme a fait nostre Seigneur de sa Croix; aussi ne l'endurent ils pas volontairement.

  A002001194 

 On ne venere pas les colonnes, creches et sepulchres pour ressembler à ceux de Jesus Christ: car cela n'est pas son image et ne le represente point Crucifié, auquel on dresse l'esprit en honnorant la Croix; laquelle, depuis l'Edict imperial de Constantin de n'y attacher plus les hommes, n'a plus aucun autre usage au monde que d'estre image representant Jesus Christ crucifié.

  A002001194 

 Par laquelle nous devons estre poussez à venerer l'image de la Croix, et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir à la memoire du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire.

  A002001194 

 Pource religieusement les enfans de ce tresdoux Seigneur honnorent ce sainct Estendard de la Croix, que les adversaires appellent gibet, grandement different des autres par excellence.

  A002001194 

 » Les anciens Empereurs Chrestiens le recognoissent, l. « Decernimus, » De episc. et cler., l'appellant « Venerable [408] Croix, » et, Nouv. v. § 1, « Symbole de nostre foy, Croix vrayement pretieuse et venerable.

  A002001194 

 à Antioche: « Nous pouvons soudain monstrer que nous n'adorons pas le bois ou la matiere, mais la representation, en separant les deux bois de la Croix et ne leur faisant plus honneur; » comme dit le 2.

  A002001216 

 contre l'Empereur Julien l'Apostat lequel se moquoit des Chrestiens qui adoroient la Croix, les soustient, et dit: « Le bois de salut nous remet en memoire et souvient des benefices receus de Jesus Christ, et nous incite a penser que, comme saint Paul dit, Luy seul est mort pour tous et est resuscité.

  A002001217 

 a Antioche, dit: « Nous pouvons monstrer que nous n'adorons pas le bois, mais la representation, si nous separons les deux bois qui font la Croix, et alhors n'y ferons plus honneur.

  A002001223 

 Il contiendra environ 24 feuilles in 12, de la lettre de Cicero que nous appelions, qui est celle dont les Extraits de la dispute du P. Cherubin sont imprimez; et l'impression en coustera pour le moins 68 fl. S'il vous plaist donc, vous m'en escrirez, et si j'ay moyens, je le pourroy mettre sur la presse à la prochaine feste de Toussaincts.

  A002001223 

 J'ay receu par les mains de Monsieur le President Favre vostre livre de la Croix, mais sans aucune lettre, dont j'ay esté esbâhy pource que je pensoy avoir response à celle que je vous escrivis sur l'impression de vostre livre.

  A002001223 

 Mais bien vous asseureray-je que je ne suys point advancé despuis au recouvrement d'argent, et en ay moins que jamais en employant tous les jours en verité plus que je ne peux.

  A002001234 

 L'Apostre se plaignoit et, baigné de larmes, disoit que plusieurs cheminoyent et conversoyent entre les Chrestiens desreglement, et se rendoyent ennemis de la Croix de Jesus Christ; desquels la fin est perdition, le dieu desquels est le ventre, et leur gloire est en leur confusion.

  A002001234 

 Mais s'il estoit en terre humainement conversant en la cité de ce monde terrestre, tesmoin et auditeur des sacrileges, blasphemes, impietés et horribles discours que les obstinez adversaires de Dieu et de son Eglise unique, Catholique, Apostolique et Romaine, vomissent et desgorgent verballement en leurs synagogues et par escrit en leurs livrets diffamatoires contre l'adoration de la saincte Croix, ce grand Docteur des Gentils se transformeroit volontiers au flebile et pleureux Heraclite pour la compassion qu'il prendrait de ces blasphemateurs..

  A002001235 

 Ce livret, disent les peres Picard, Mathurin et Vigor, celebres predicateurs de ce siecle, anima les Lutheriens, Calvinistes et autres heretiques aux grands troubles d'Allemagne et de France, de rompre, perdre et renverser les eglises, abbattre, fouler aux pieds, brusler et destruire les croix et reliques..

  A002001236 

 Et une chose miraculeuse est advenue contre ces brise-croix, que tous ceux qui premiers mirent leurs mains sacrileges sur les bois, pierres et autres matieres, tant dedans que hors les eglises, veuillant faire perdre la memoire de la mort et Passion de nostre Sauveur, en moins de trois ans, et aux mesmes jours qu'ils commirent cest execrable crime de leze majesté Divine, se sont trouvez morts et estouffez, privez de toute sepulture, ayde et consolation, soit de leurs confreres ou autres, et n'est demeuré et resté en terre aucun de leur race et progenie: Vultus autem Domini super facientes mala, ut perdat de terra memoriam eorum.

  A002001236 

 Si ceux de Geneve vouloyent confesser la verité, ils trouveroyent, aux cayers et registres de leur maison de ville, les noms, surnoms, d'aages, qualitez et demeurances de ceux qui firent la revolte et defection et forfaits; [et les] supputateurs du temps que les autheurs et instruments de l'apostasie ont vescu apres, [verraient qu'] ils ne furent triennaux possesseurs de leurs impietés et meschancetez; la memoire desquels et de tous les leurs, ascendants, descendants et collateraux, dans les trois ans fut esteincte et faillie, et justo Dei judicio; et si l'on pouvoit recouvrer un livret qui en a esté fait par le feu Cardinal Sadolet, intitulé: Prodigiosissima portenta civitatis Genevæ, post repudiationem et abdicationem Catholicæ et Orthodoxæ religionis, l'on y liroit des choses tres espouvantables et tres-veritables..

  A002001237 

 Imo, sans la continuelle memoire que les Chrestiens doivent avoir de la mort et Passion de Nostre Seigneur (tesmoin nostre Symbole: Et incarnatus est de Spiritu Sancto, ex Maria virgine, et homo factus est ), et sic de son humanité, nul ne seroit capable de la vie eternelle, Jean 17.

  A002001237 

 Nunc igitur causari præclarum esse aliquod habere monumentum, tum Christi, tum sanctorum ejus, quid aliud est quam inane tegumentum, fucandæ stultæ nostræ cupiditatis causa, quærere, quæ nullum in ratione fundamentum habet? Calvin par ces [413] meschantes parolles dit, que les Chrestiens ne se doivent souvenir et faire aucun compte de la chair et de toute l'humanité de Jesus Christ; contre infinis textes du nouveau Testament: Jean 6, Amen, dico vobis, nisi manducaveritis carnem filii hominis et biberitis ejus sanguinem non habebitis vitam in vobis, et quæ sequuntur.

  A002001239 

 L'imposteur et trompeur a voulu dire que si tous les morceaux de la saincte Croix estoyent amassez et reduicts en un gros monceau, il y auroit la charge et voyage d'un navire; et encores que ladicte Croix pouvoit estre portee par un seul homme, que trois cents ne seroyent forts et puissants pour la porter; que les superstitieux [414] ont prins ce pretexte de controuver que les pieces qui en sont esté levees n'ont partant diminué ni amoindri le poids et gros corps de ladicte Croix..

  A002001240 

 Or, Calvin, s'il se faut arrester à la seule escorce et superficie de la lettre Evangelique, les Catholiques et heretiques conviennent au texte de l'Evangile: Qui vult venire post me, abneget semetipsum, tollat crucem Christi et sequatur eum.

  A002001240 

 Que quelques pieces que l'on prenne et ayent prins, retroactis seculis, de la saincte Croix, elle n'est point diminuee ni amoindrie, c'est une tres-veritable verité receuë de l'Eglise et approuvee des saincts Peres et Docteurs, et n'a oncques esté contredicte et par les heretiques.

  A002001240 

 Tous ceux qui suyvent Nostre Seigneur et ont porté et portent sa Croix, tant vifs que morts, sont plus de milliers et millions qu'il n'y a de vingtaines en trois cents; une seule navire, voire tous les vaisseaux des mers, ni les basteaux de toutes les rivieres du monde ne les pourroyent comprendre et contenir: il s'ensuit donques qu'il n'y a reliquiaire plus copieux et abundant que la saincte Croix; ce que ledict Calvin allegue commentum.

  A002001241 

 Car raisonnablement les bons et vrays Catholiques adorent Jesus Christ pendu en la Croix, non pas le bois, or, ou autre matiere comme matiere et chose inanimee: car nous sommes tous d'accord que, in quantum est res insensibilis, puta lignum sculptum aut pictum, tunc nulla reverentia debetur ei, neque aliquis honor est exhibendus: mais considerants la Croix, in quantum est quædam res Christi, tunc adoranda est nobis adoratione Hyperduliæ.

  A002001241 

 Combien que le Chrestien ne devroit estre reputé ni idolatre ni superstitieux, s'il adore les cloux et autres instruments de la Passion: car, comme dit sainct Jean Damascene, [De Fide orthod.] lib. 4: Etiam omnia prædicta ex contactu sancti corporis et sanguinis Christi decenter adoramus.

  A002001241 

 Mais les pauvres abusez ne veulent pas entendre comme nous adorons la Croix.

  A002001241 

 Mais quand aux autres croix, comme elles sont faictes en matieres de bois, or, fer, ou autres semblables, nous ne les adorons point sinon comme image de Jesus Christ, aussi que nous enseigne nostre Mere Eglise le jour du Vendredi sainct: Ecce lignum Crucis.

  A002001241 

 Quand aux autres choses qui sont esté instruments de sa mort et Passion, comme les cloux, couronne, lance et autres, nous ne les adorons aucunement de l'adoration de Latrie comme la Croix, pource que ces choses ne representent point l'image de Jesus-Christ comme la Croix, quæ est signum filii hominis quod apparebit in cælo; et partant l'Ange dict aux femmes: Jesum quæritis crucifixum; non, lanceatum aut spinea corona coronatum, et hujusmodi.

  A002001241 

 Quæ Viret, Pharel, et post eos le successeur de Calvin ont traduits en langue vulgaire, et ont intitulé leur livre: De l'idolatre et superstitieuse adoration, et des deux festes de la Croix; où ils disent que les Catholiques pretendus sont pour ce regard de pire condition que les enfans d'Israël adorans le Veau d'or.

  A002001242 

 Quant aux deux festes instituees par l'Eglise au culte et devotion de la Croix, il n'y a abus, erreur ou superstition; pource que les trois choses pour lesquelles toutes les festes sont instituees et celebrees y concurrent.

  A002001286 

 Corinth. 14, l'eau vive que Nostre Seigneur promettoit à la Samaritaine; non seulement les miettes [417] de pain que la Chananee demandoit à Nostre Seigneur, mais les cinq pains d'orge et les deux poissons avec lesquels il rassassia la tourbe famelique.

  A002001286 

 L'amour, honneur et respect que je porte à la saincte Croix, mesmes en ceste saincte sepmaine de Passione, m'ont conduit à ceste prolixité; pour tesmoigner à tous les fidelles Catholiques, que quiconque voudra veoir la Panthologie de la saincte Croix devroit avoir, lire et faire son proffit de ce livre sainctement et doctement composé par le R. P. François de Sales, Prevost de l'Eglise catholique et Cathedralle de Geneve.

  A002001286 

 Vous y trouverez, amy lecteur, non seulement les douze fruicts susdicts, mais les cinq pierres avec lesquelles David renversa ce grand geant Goliat, les cinq paroles que voulut parler l'Apostre, 1.

  A002001297 

 Les oyseaux empennez qui sont dans les bocages.

  A002001303 

 S'eslevent sur les flots pour voir ses sacrez yeux:.

  A002001308 

 Pour ramer seurement sur les flots escumeux:.

  A002001309 

 Nous yrons sous les feux de sa saincte lumiere,.

  A002001314 

 Tes traits sont les beaux faicts de ta doctrine apprise.

  A002001319 

 Tu repousses les dars, l'estoc et coups de taille.

  A002001325 

 Et les sacrez Cayers sont tes acerez dards..

  A002001343 

 Qu'il ne te reste plus que les palais des cieux:.

  A002001353 

 Animoit les rochers, et tiroit apres soy.

  A002001354 

 Les troupeaux porte-laine et la troupe sauvage,.

  A002001363 

 Les jardins Savoyars, en la syncere foy,.

  A002001378 

 Ore en bas, ore en haut tirant devers les cieux,.


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A003000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A003000013 

 Premiere partie de l'Introduction contenant les advis et exercices requis pour conduire l'ame des son premier desir de la vie devote jusques a une entiere resolution de l'embrasser.

  A003000069 

 Chapitre XX. Protestation authentique pour graver en l'ame la resolution de servir Dieu et conclure les actes de penitence.

  A003000074 

 Seconde partie de l'Introduction contenant divers advis pour l'eslevation de l'ame a Dieu par l'orayson et les sacremens 39.

  A003000083 

 Chapitre IX. Pour les secheresses qui arrivent en la meditation.

  A003000090 

 Chapitre XVI. Qu'il faut honnorer et invoquer les Saintz.

  A003000092 

 Chapitre XVIII. Comme il faut recevoir les inspirations.

  A003000110 

 Chapitre XIV. De la pauvreté d'esprit observee entre les richesses.

  A003000117 

 Chapitre XXI. Advis et remedes contre les mauvaises amitiés.

  A003000134 

 Chapitre XXXVIII. Advis pour les gens mariés.

  A003000136 

 Chapitre XL. Advis pour les vefves.

  A003000138 

 Quatriesme partie de l'Introduction contenant les advis necessaires contre les tentations plus ordinaires 115.

  A003000148 

 Chapitre X. Comme il faut fortifier son cœur contre les tentations.

  A003000155 

 Qu'il faut chaque annee renouveller les bons propos par les exercices suivans.

  A003000161 

 Chapitre VII. Examen sur les affections de nostre ame.

  A003000169 

 Chapitre XV. Affections generales sur les considerations precedentes, et conclusion de l'exercice.

  A003000178 

 Premiere partie de l'Introduction contenant les advis et exercices requis pour conduire l'ame dés son premier desir de la vie devote jusques a une entiere resolution de l'embrasser ou entreprendre.

  A003000241 

 Briefve methode, de bien faire les meditations precedentes, et toutes autres, et premierement du premier poinct de la preparation de la presence de Dieu - Chap.

  A003000249 

 Advis touchant les secheresses qui arrivent en la meditation - Chap.

  A003000251 

 Protestation authentique pour graver en l'ame la resolution de servir Dieu et conclurre les actes de penitence - Chap.

  A003000263 

 Qu'il faut tous les jours ouir la saincte messe, et comment - Chap.

  A003000265 

 Qu'il faut invoquer et honnorer les saincts - Chap.

  A003000299 

 Des inspirations, et comme il faut les recevoir - Chap.

  A003000306 

 Comme il faut fortifier son cœur contre les tentations - Chap.

  A003000329 

 Affections generalles qu'il faut faire apres les considerations precedentes - Chap.

  A003000330 

 Comme il se faut comporter les jours suivans la prattique de l'exercice precedent - Chap.

  A003000331 

 Response a deux objections qui peuvent estre faites sur tous les advis et exercices des trois parties de cette Introduction - Chap.

  A003000341 

 Je ne puis, certes, ni veux, ni dois escrire en cette Introduction que ce [5] qui a des-ja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet; ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur, mais le bouquet que j'en ay fait sera different des leurs, a rayson de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003000341 

 La bouquetiere Glycera sçavoit si proprement diversifier la disposition et le meslange des fleurs, qu'avec les mesmes fleurs elle faisoit une grande varieté de bouquetz, de sorte que le peintre Pausias demeura court, voulant contrefaire a l'envi cette diversité d'ouvrage, car il ne sceut changer sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquetz: ainsy le Saint Esprit dispose et arrange avec tant de varieté les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues et les plumes de ses serviteurs, que la doctrine estant tous-jours une mesme, les discours neanmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ilz sont composés.

  A003000342 

 Et je leur monstre que comme les meres perles vivent emmi la mer sans prendre aucune goutte d'eau marine, et que vers les isles Chelidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans brusler leurs aisles, ainsy peut une ame vigoureuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, treuver des sources d'une douce pieté au milieu des ondes ameres de ce siecle, et voler entre les flammes des convoitises terrestres sans brusler les aisles des sacrés desirs de la vie devote.

  A003000343 

 Elle, despuis, les communiqua a un grand, docte et devot Religieux, lequel estimant que plusieurs en pourroyent tirer du prouffit, m'exhorta fort de les faire publier: ce qui luy fut aysé de me persuader, parce que son amitié avoit beaucoup de pouvoir sur ma volonté, et son jugement, une grande authorité sur le mien..

  A003000343 

 Mais ce n'a toutefois pas esté par mon election ou inclination que cette Introduction sort en public: une ame vrayement pleine d'honneur et de vertu ayant, il y a quelque tems, receu de Dieu la grace de vouloir aspirer a la vie devote, desira ma particuliere assistance pour ce regard; et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long tems auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour ce dessein, je me rendis fort soigneux de la bien instruire, et l'ayant conduitte par tous les exercices convenables a son desir et sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, affin qu'elle y eust recours a son besoin.

  A003000347 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoyent pour le moins autant affectionnés a leurs charges que nous, et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroyent a leur assistance, comme il appert par leurs epistres; imitans en cela les Apostres qui, emmi la moisson generale de l'univers, recueilloyent neanmoins certains espis plus remarquables avec une speciale et particuliere affection.

  A003000347 

 Mais moy, mon cher Lecteur, je te dis avec le grand saint Denis, qu'il appartient principalement aux Evesques de perfectionner les ames, d'autant que leur ordre est le supreme entre les hommes, comme celuy des Seraphins entre les Anges, si que leur loysir ne peut estre mieux destiné qu'a cela.

  A003000347 

 Qui ne sçait que Timothee, Tite, Philemon, Onesime, sainte Thecle, Appia estoyent les chers enfans du grand saint Paul, comme saint Marc et sainte Petronille de saint Pierre? sainte Petronille, dis-je, laquelle, comme preuvent [9] doctement Baronius et Galonius, ne fut pas fille charnelle, mais seulement spirituelle, de saint Pierre.

  A003000348 

 C'est une peyne, je le confesse, de conduire les ames en particulier, mais une peyne qui soulage, pareille a celle des moissonneurs et vendangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesoignés et chargés; c'est un travail qui delasse et avive le cœur par la suavité qui en revient a ceux qui l'entreprennent, comme fait le cinamome ceux qui le portent parmi l'Arabie heureuse.

  A003000348 

 Mais il faut sans doute que ce soit un cœur paternel; et c'est pourquoy les Apostres et hommes apostoliques appellent leurs disciples non seulement leurs enfans, mais encor plus tendrement leurs petitz enfans..

  A003000350 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere, par la main de l'unique Apelles; Apelles, forcé de considerer longuement Campaspé, a mesure qu'il en exprimoit les traitz sur le tableau en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant reconneu et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eust au monde: « En quoy, » dit Pline, « il monstra la grandeur de son cœur, autant qu il eust fait par une bien grande victoire.

  A003000350 

 La belle et chaste Rebecca, abbreuvant les chameaux d'Isaac, fut destinee pour estre son espouse, recevant de sa part des pendans d'oreilles et des brasseletz d'or; ainsy je me prometz de l'immense bonté de mon Dieu que, conduisant ses cheres brebis aux eaux salutaires de la devotion, il rendra mon ame son espouse, mettant en mes oreilles les paroles dorees de son saint amour, et en mes bras la force de les [11] bien executer, en quoy gist l'essence de la vraye devotion, que je supplie sa Majesté me vouloir octroyer et a tous les enfans de son Eglise; Eglise a laquelle je veux a jamais sousmettre mes escritz, mes actions, mes paroles, mes volontés et mes pensees..

  A003000350 

 » Or, il m'est advis, mon Lecteur mon ami, qu'estant Evesque, Dieu veut que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encores sa treschere et bien aymee devotion; et moy je l'entreprens volontier, tant pour obeir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay qu'en la gravant dans l'esprit des autres, le mien a l'adventure en deviendra saintement amoureux.

  A003000358 

 Vous aspires a la devotion, treschere Philothee, parce qu'estant Chrestienne vous sçaves que c'est une vertu extremement aggreable a la divine Majesté: mais, d'autant que les petites fautes que l'on commet au commencement de quelque affaire s'aggrandissent infiniment au progres et sont presque irreparables a la fin, il faut avant toutes choses que vous sçachies que c'est que la vertu de devotion; car, d'autant qu'il n'y [14] en a qu'une vraye, et qu'il y en a une grande quantité de fauses et vaynes, si vous ne connoissies quelle est la vraye, vous pourries vous tromper et vous amuser a suivre quelque devotion impertinente et superstitieuse..

  A003000359 

 Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faisoit a l'air et ressemblance des femmes qu'il aymoit, et chacun peint la dévotion selon sa passion et fantaisie.

  A003000359 

 Les gens de Saül cherchoyent David en sa mayson; Michol ayant mis une statue dedans un lict et l'ayant couverte des habillemens de David, leur fit accroire que c'estoit David mesme qui dormoit malade: ainsy beaucoup de personnes se couvrent de certaines actions exterieures appartenantes a la sainte devotion, et le monde croit que ce soyent gens vrayement devotz et spirituelz; mais en verité ce ne sont que des statues et fantosmes de devotion..

  A003000359 

 Un autre s'estimera devot parce qu'il dit une grande multitude d'oraysons tous les jours, quoy qu'apres cela sa langue se fonde toute en paroles fascheuses, arrogantes et injurieuses parmi ses domestiques et voysins.

  A003000360 

 Ainsy les pecheurs ne volent point en Dieu, ains font toutes leurs courses en la terre et pour la terre; les gens de bien qui n'ont pas encor atteint la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions, mais rarement, lentement et pesamment; les personnes devotes volent en Dieu frequemment, promptement et hautement.

  A003000360 

 Bref, la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous par elle, promptement et affectionnement; et comme il appartient a la charité de nous faire generalement et universellement pratiquer tous les commandemens de Dieu, il appartient aussi a la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003000360 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu ne peut estre estimé ni bon ni devot, puisque pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir, outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003000360 

 Les austruches ne volent jamais; les poules volent, pesamment toutefois, bassement et rarement; mais les aigles, les colombes et les arondelles volent souvent, vistement et hautement.

  A003000361 

 Car tout ainsy qu'un homme qui est nouvellement gueri de quelque maladie chemine autant qu'il luy est nécessaire, mais lentement et pesamment, de mesme le pecheur estant gueri de son iniquité, il chemine autant què Dieu luy commande, pesamment neanmoins et lentement jusques a tant qu'il ayt atteint a la devotion; car alhors, comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voÿe des commandemens de Dieu, et, de plus, il passe et court dans les sentiers des conseilz et inspirations celestes.

  A003000361 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend promptz et actifz et diligens a l'observation de tous les commandemens de Dieu; mais outre cela, elle nous provoque a faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encores qu'elles ne soyent aucunement commandees, ains [15] seulement conseillees ou inspirees.

  A003000365 

 Ceux qui descourageoyent les Israëlites d'aller en la terre de promission leur disoyent que c'estoit un païs qui devoroit les habitans, c'est a dire, que l'air y estoit si malin qu'on n'y pouvoit vivre longuement, et que reciproquement les habitans estoyent des gens si prodigieux qu'ilz mangeoyent les autres hommes comme [16] des locustes: ainsy le monde, ma chere Philothee, diffame tant qu'il peut la sainte devotion, depeignant les personnes devotes avec un visage fascheux, triste et chagrin, et publiant que la devotion donne des humeurs melancholiques et insupportables.

  A003000365 

 Mais comme Josué et Caleb protestoyent que non seulement la terre promise estoit bonne et belle, ains aussi que la possession en seroit douce et aggreable, de mesme le Saint Esprit, par la bouche de tous les Saintz, et Nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse et amiable..

  A003000366 

 Le monde voit que les devotz jeusnent, prient et souffrent les injures, servent les malades, donnent aux pauvres, veillent, contraignent leur cholere, suffoquent et estouffent leurs passions, se privent des playsirs sensuelz et font telles et autres sortes d'actions, lesquelles en elles mesmes et de leur propre substance et qualité sont aspres et rigoureuses; mais le monde ne voit pas la devotion interieure et cordiale laquelle rend toutes ces actions aggreables, douces et faciles.

  A003000366 

 Les feux, les flammes, les roues et les espees sembloyent des fleurs et des parfums aux Martyrs, parce qu'ilz estoyent devotz; que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruelz tourmens et a la mort mesme, qu'est-ce qu'elle fera pour les actions de la vertu?.

  A003000366 

 O mondains, les ames devotes treuvent beaucoup d'amertume en leurs exercices de mortification, il est vray, mais en les faisant elles les convertissent en douceur et suavité.

  A003000366 

 Regardés les abeilles sur le thim: elles y treuvent un suc fort amer, mais en le sucçant elles le convertissent en miel, parce que telle est leur proprieté.

  A003000367 

 Le sucre adoucit les fruitz mal meurs et corrige [17] la crudité et nuisance de ceux qui sont bien meurs; or, la devotion est le vray sucre spirituel, qui oste l'amertume aux mortifications et la nuisance aux consolations: elle oste le chagrin aux pauvres et l'empressement aux riches, la desolation a l'oppressé et l'insolence au favorisé, la tristesse aux solitaires et la dissolution a celuy qui est en compaignie; elle sert de feu en hiver et de rosee en esté, elle sçait abonder et souffrir pauvreté, elle rend esgalement utile l'honneur et le mespris, elle reçoit le playsir et la douleur avec un cœur presque tous-jours semblable, et nous remplit d'une suavité merveilleuse..

  A003000368 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costés entre les-quelz on monte, et ausquelz les eschellons se tiennent, representent l'orayson qui impetre l'amour de Dieu et les Sacremens qui le conferent; les eschellons ne sont autre chose que les divers degrés de charité par lesquelz l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et support du prochain, ou montant par la contemplation a l'union amoureuse de Dieu.

  A003000368 

 Le reste de [18] leurs cors est couvert, mais d'une belle et legere robbe, parce qu'ilz usent voyrement de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenans que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes..

  A003000368 

 Or voyes, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle: ce sont des hommes qui ont des cœurs angeliques, ou des Anges qui ont des cors humains; ilz ne sont pas jeunes, mais ilz le semblent estre, parce qu'ilz sont pleins de vigueur et agilité spirituelle; ilz ont des aisles pour voler, et s'eslancent en Dieu par la sainte orayson, mais ilz ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une sainte et amiable conversation; leurs visages sont beaux et gais, d'autant qu'ilz reçoivent toutes choses avec douceur et suavité; leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont tout a descouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et leurs actions n'ont aucun dessein ni motif que de plaire a Dieu.

  A003000369 

 Si la charité est un lait, la dévotion en est la cresme; si elle est une plante, la devotion en est la fleur; si elle est une pierre pretieuse, la devotion en est l'esclat; si elle est un baume pretieux, la devotion en est l'odeur, et l'odeur de suavité qui conforte les hommes et resjouit les Anges..

  A003000374 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruitz, chacune selon son genre: ainsy commande-il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ilz produisent des fruitz de devotion, un chacun selon sa qualité et vacation.

  A003000374 

 Je vous prie, Philothee, seroit il a propos que l'Evesque voulust estre solitaire comme les Chartreux? Et si les mariés ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour a l'eglise comme le religieux, et le religieux tous-jours exposé a toutes sortes de rencontres pour le service du prochain, comme l'Evesque, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglee et insupportable? Cette faute neanmoins arrive bien souvent, et le monde qui ne discerne pas, ou ne veut pas discerner, entre la devotion et l'indiscretion de ceux qui pensent estre devotz, murmure et blasme la devotion, laquelle ne peut mais de ces desordres..

  A003000375 

 « L'abeille, » dit Aristote, « tire son miel des fleures sans les intéresser, » les laissant entieres et fraisches comme elle les a treuvees; mais la vraye devotion fait encor mieux, car non seulement elle ne gaste nulle sorte de vocation ni d'affaires, ains au contraire elle les orne et embellit.Toutes sortes de pierreries jettees dedans le miel en deviennent plus esclatantes, chacune selon sa couleur, et chacun devient plus aggreable en sa vocation la conjoignant a la devotion: le soin de la famille en est rendu paisible, l'amour du mari et de la femme plus sincere, le service du prince plus fidelle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et amiables..

  A003000376 

 Abraham, Isaac et Jacob, David, Job, Tobie, Sara, Rebecca et Judith en font foy pour l'Ancien Testament; et quant au Nouveau, saint Joseph, Lydia et saint Crespin furent parfaittement devotz en leurs boutiques; sainte Anne, sainte Marthe, sainte Monique, Aquila, Priscilla, en leurs mesnages; Cornelius, saint Sebastien, saint Maurice, parmi les armes; Constantin, Helene, saint Louys, le bienheureux Amé, saint Edouard, en leurs throsnes.

  A003000380 

 Quoy que vous cherchies, dit le devot Avila, « vous ne treuveres jamais si asseurement la volonté de Dieu que par le chemin de cette humble obeissance, tant recommandee et prattiquee par tous les anciens devotz.».

  A003000381 

 La devote Princesse sainte Elisabeth se sousmit avec une extreme obeissance au docteur Maistre Conrad; et voyci l'un des advis que le grand saint Louys fit a son filz avant que mourir: « Confesse-toy souvent, eslis un confesseur » idoine, qui soit « preud'homme et qui te puisse seurement enseigner » a faire les choses qui te sont necessaires..

  A003000383 

 Mais qui treuvera cet ami? Le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu; c'est a dire, les humbles qui desirent fort leur avancement spirituel.

  A003000389 

 Les fleurs, dit l'Espoux sacré, apparoissent en nostre terre, le tems d'esmonder et tailler est venu. Qui sont les fleurs de nos cœurs, o Philothee, sinon les bons desirs? Or, aussi tost qu'ilz paroissent, il faut mettre la main a la serpe, pour retrancher de nostre conscience toutes les œuvres mortes et superflues.

  A003000390 

 L'ame qui monte du peché a la devotion est comparee a l'aube, laquelle s'eslevant ne chasse pas les tenebres en un instant, mais petit a petit.

  A003000390 

 La guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tous-jours plus asseuree; les maladies du cœur, aussi bien que celles du cors, viennent a cheval et en poste, mais elles s'en revont a pied et au petit pas..

  A003000390 

 Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ilz ne volent pas, ains montent et descendent par ordre, d'eschellon en eschellon.

  A003000391 

 Mais aussi, de l'autre costé, n'est-ce pas un extreme danger aux ames lesquelles, par une tentation contraire, se font accroire d'estre purgees de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenans pour parfaittes avant presque d'estre faittes, en se mettant au vol sans aisles? O Philothee, qu'elles sont en grand peril de recheoir, pour s'estre trop tost ostees d'entre les mains du medecin! Ha, ne vous levés pas avant que la lumiere soit arrivee, dit le Prophete; levés vous apres que vous aurès esté assis: et luy mesme pratiquant cette leçon et ayant esté des-ja lavé et nettoyé, demande de l'estre derechef..

  A003000392 

 L'exercice de la purgation de l'ame ne se peut ni doit finir qu'avec nostre vie: ne nous troublons donq point de nos imperfections, car nostre perfection consiste a les combattre, et nous ne sçaurions les combattre sans les voir, ni les vaincre sans les rencontrer.

  A003000392 

 Nostre victoire ne gist pas a ne les sentir point, mais a ne point leur consentir; mais ce n'est pas leur consentir que d'en estre incommodé.

  A003000392 

 Or, les imperfections et pechés venielz ne nous sçauroyent oster la vie spirituelle, car elle ne se perd que par le peché mortel; il reste donques seulement qu'elles ne nous facent point perdre le courage: Delivre-moy, Seigneur, disoit David, de la coüardise et descouragement.

  A003000396 

 Cherches le plus digne confesseur que vous pourres; prenes en main quelqu'un des petitz livres qui ont esté faitz pour ayder les consciences a se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger; lises les bien, et remarques de point en point en quoy vous aves offencé, a prendre despuis que vous eustes l'usage de rayson jusques a l'heure presente; et si vous vous defies de vostre memoire, mettes en escrit ce que vous aurés remarqué.

  A003000396 

 Et ayant ainsy preparé et ramassé les humeurs peccantes de vostre conscience, detestes-les et les rejettes par une contrition et desplaysir aussi grand que vostre cœur pourra souffrir, considerant ces quatre choses: que par le [28] peché vous aves perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peynes eternelles de l'enfer et renoncé a l'amour eternel de Dieu..

  A003000397 

 Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent d'une vie commune et vulgaire sont pleines de grans defautz: car souvent on ne se prepare point ou fort peu, on n'a point la contrition requise, ains il advient maintes fois que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas eviter l'occasion du peché, ni prendre les expediens necessaires a l'amendement de la vie; et en tous ces cas ici la confession generale est requise pour asseurer l'ame.

  A003000402 

 Car ainsy ces foibles et lasches penitens s'abstiennent pour quelque tems du peché, mais c'est a regret; ilz voudraient bien pouvoir pecher sans estre damnés, ilz parlent avec ressentiment et goust du peché et estiment contens ceux qui les font.

  A003000402 

 Ilz s'abstiennent du peché comme les malades font des melons, lesquelz ilz ne mangent pas parce que le medecin les menace de mort s'ilz en mangent; mais ilz s'inquietent de s'en abstenir, ilz en parlent et marchandent s'il se pourrait faire, ilz les veulent au moins sentir, et estiment bien heureux ceux qui en peuvent manger.

  A003000402 

 Tous les Israëlites sortirent en effect de la terre d'Egypte, mays ilz n'en sortirent pas tous d'affection; c'est pourquoy emmi le desert plusieurs d'entre eux regrettoyent de n'avoir pas les oignons et les chairs d'Egypte.

  A003000402 

 Un homme resolu de se venger changera de volonté en la [30] confession, mais tost apres on le treuvera parmi ses amis qui prend playsir a parler de sa querelle, disant que si ce n'eust esté la crainte de Dieu, il eust fait ceci et cela, et que la loy divine en cet article de pardonner est difficile; que pleust a Dieu qu'il fust permis de se venger! Ha, qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neanmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect, il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger! comme fait cette femme qui, ayant detesté ses mauvaises amours, se plaist neanmoins d'estre muguettee et environnee.

  A003000403 

 Les ames lesquelles sorties de l'estat du peché ont encor ces affections et allanguissemens, ressemblent a mon advis aux filles qui ont les pasles couleurs, lesquelles ne sont pas malades, mais toutes leurs actions sont malades: elles mangent sans goust, dorment sans repos, rient sans joye, et se traisnent plustost que de cheminer; car de mesme, ces ames font le bien avec des lassitudes spirituelles si grandes, qu'elles ostent toute la grace a leurs bons exercices, qui sont peu en nombre et petitz en effect.

  A003000403 

 O Philothee, puisque vous voulés entreprendre la vie devote, il ne vous faut pas seulement quitter le peché, mais il faut tout a fait esmonder vostre cœur de toutes les affections qui dependent du peché; car, outre le danger qu'il y auroit de faire recheute, ces miserables affections allanguiroyent perpetuellement vostre esprit, et l'appesentiroyent en telle sorte qu'il ne pourroit pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment et frequemment, en quoy gist neanmoins la vraye essence de la devotion.

  A003000407 

 Ainsy Magdeleine en sa conversion perdit tellement le [32] goust des pechés et des playsirs qu'elle y avoit prins, que jamais plus elle n'y pensa; et David protestoit de non seulement haïr le peché, mais aussi toutes les voyes et sentiers d'iceluy: en ce point consiste le rajeunissement de l'ame, que ce mesme Prophete compare au renouvellement de l'aigle..

  A003000407 

 Ainsy, quand le penitent ne hait le peché que par une legere, quoy que vraye contrition, il se resoult voyrement bien de ne plus pecher, mais quand il le hait d'une contrition puissante et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances et acheminemens du peché.

  A003000407 

 Or, le premier motif pour parvenir a cette seconde purgation, c'est la vive et forte apprehension du grand mal que le peché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et vehemente contrition; car tout ainsy que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soit, et sur tout estant jointe a la vertu des Sacremens, nous purge suffisamment du peché, de mesme quand elle est grande et vehemente, elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003000408 

 Or, pour parvenir a cette apprehension et contrition, il faut que vous vous exercies soigneusement aux meditations suivantes, lesquelles estans bien prattiquees desracineront de vostre cœur, moyennant la grace de Dieu, le peché et les principales affections du peché; aussi les ay-je dressees tout a fait pour cet usage.

  A003000408 

 Vous les feres l'une apres l'autre selon que je les ay marquees, n'en prenant qu'une pour chaque jour, laquelle vous feres le matin, s'il est possible, qui est le tems le plus propre pour toutes les actions de l'esprit, et la ruminerés le reste de la journee.

  A003000426 

 Je veux changer de vie et suivre des-ormais mon Createur, et m'honnorer de la condition de l'estre qu'il m'a donné, l'employant tout entierement a l'obeissance de sa volonté par les moyens qui me seront enseignés, et desquelz je m'enquerray vers mon pere spirituel..

  A003000432 

 O Dieu, fortifies moy en ces affections et resolutions; o Sainte Vierge, recommandes les a la misericorde de vostre Filz, avec tous ceux pour qui je dois prier, etc..

  A003000442 

 Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le connoistre, la memoire pour vous souvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses bienfaitz, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, et ainsy des autres facultés.

  A003000449 

 Et vous, o mon Dieu, mon Sauveur, vous seres doresnavant le seul objet de mes pensees; non, jamais je n'appliqueray mon esprit a des cogitations qui vous soient desaggreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie, de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercee en mon endroit; vous seres les delices de mon cœur et la suavité de mes affections.

  A003000454 

 Je vous supplie, o Dieu, d'avoir aggreables mes souhaitz et mes vœux, et de donner vostre sainte benediction a mon ame, a celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Filz respandu sur la Croix, etc..

  A003000464 

 Consideres les graces corporelles que Dieu vous a donnees: quel cors, quelles commodités de l'entretenir, quelle santé, quelles consolations loysibles [38] pour iceluy, quelz amis, quelles assistances.

  A003000464 

 Mais cela consideres-le avec une comparayson de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastés de cors, de santé, de membres; les autres abandonnés a la merci des opprobres, et du mespris et deshonneur; les autres accablés de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussies si miserable..

  A003000465 

 Consideres les dons de l'esprit: combien y a-il au monde de gens hebetés, enragés, insensés; et pourquoy n'estes-vous pas du nombre? Dieu vous a favorisee.

  A003000466 

 Consideres les graces spirituelles: o Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise; Dieu vous a enseignee sa connoissance des vostre jeunesse.

  A003000470 

 Mais que suis-je, Seigneur, que vous ayes eu memoire de moy? O que mon [39] indignité est grande! Helas, j'ay foulé au pied vos benefices; j'ay deshonnoré vos graces, les convertissant en abus et mespris de vostre souveraine bonté; j'ay opposé l'abisme de mon ingratitude a l'abisme de vostre grace et faveur..

  A003000472 

 Ha donq, Philothee, retires vostre cors de telles et telles voluptés, rendes-le sujet au service de Dieu qui a tant fait pour luy; appliques vostre ame a le connoistre et reconnoistre, par telz et telz exercices qui sont requis pour cela; employés soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu.

  A003000472 

 Ouy, je frequenteray l'orayson, les Sacremens, j'escouteray la sainte parole, je prattiqueray les inspirations et conseilz..

  A003000475 

 Remercies Dieu de la connoissance qu'il vous a donnee maintenant de vostre devoir, et de tous les bienfaitz cy devant receus..

  A003000477 

 Pries-le qu'il vous fortifie, pour les prattiquer fidellement par le merite de la mort de son Filz; implorés l'intercession de la Vierge et des Saintz..

  A003000488 

 Penses combien il y a que vous commencés a pecher, et voyes combien des ce premier commencement les pechés se sont multipliés en vostre cœur; comme tous les jours vous les aves accreus contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parole, par desir et pensee..

  A003000489 

 Consideres vos mauvaises inclinations, et combien vous les avés suivies.

  A003000489 

 Et par ces deux pointz vous verrés que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voyre que le sable de la mer..

  A003000490 

 Avec quelle preparation les aves-vous receus? Pensés a cette ingratitude, que Dieu vous ayant tant couru apres pour vous sauver, vous aves tous-jours fui devant luy pour vous perdre..

  A003000490 

 Consideres a part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general lequel s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyes donq combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous, vous aves abusé contre le Donateur; singulierement, combien d'inspirations mesprisees, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003000490 

 Et encor plus que tout, combien de fois aves-vous receu les Sacremens, [41] et ou en sont les fruitz? que sont devenus ces pretieux joyaux dont vostre cher Espoux vous avoit ornee? tout cela a esté couvert sous vos iniquités.

  A003000493 

 Est il possible que j'aye esté si desloyale, que je n'aye laissé pas un seul de mes sens, pas une des puissances de mon ame, que je n'aye gasté, violé et souillé, et que pas un jour de ma vie ne soit escoulé auquel je n'aye produit de si mauvais effectz? Est-ce ainsy que je devois contrechanger les benefices de mon Createur et le sang de mon Redempteur?.

  A003000496 

 Pour effacer les pechés passés, je m'en accuseray courageusement, et n'en laisseray pas un que je ne pousse dehors..

  A003000497 

 Je feray tout ce que je pourra y pour en deraciner entierement les plantes de mon cœur, particulierement de telz et de telz qui me sont plus ennuyeux.

  A003000498 

 Et pour ce faire, j'embrasseray constamment les moyens qui me seront conseillés, ne me semblant d'avoir jamais asses fait pour reparer de si grandes fautes..

  A003000502 

 Faites-luy offrande de vostre cœur pour les effectuer..

  A003000514 

 Au contraire, la devotion et les bonnes œuvres vous sembleront alhors si desirables et douces: et pourquoy n'ay je suivi ce beau et gracieux chemin? Alhors les pechés qui sembloyent bien petitz, paroistront gros comme des montagnes, et vostre devotion, bien petite..

  A003000514 

 Ouy, car alhors les playsirs, les vanités, les joyes mondaines, les affections vaynes nous apparoistront comme des fantosmes et nuages.

  A003000515 

 Consideres les grans et langoureux adieux que vostre ame dira a ce bas monde: elle dira adieu aux richesses, aux vanités et vaynes compaignies, aux playsirs, aux passetems, aux amis et voysins, aux parens, aux enfans, au mari, a la femme, bref, a toute creature; et, en fin finale, a son cors, qu'elle delaissera pasle, have, desfait, hideux et puant..

  A003000516 

 Consideres les empressemens qu'on aura pour lever ce cors-la et le cacher en terre, et que, cela fait, le monde ne pensera plus gueres en vous, ni n'en sera plus memoire, non plus que vous n'avés gueres pensé aux autres: Dieu luy face paix, dira-on, et puis, c'est tout.

  A003000520 

 Las! Seigneur, receves-moy en vostre protection pour ce jour effroyable; rendés-moy cette heure heureuse et favorable, et que plustost toutes les autres de ma vie me soyent tristes et d'affliction..

  A003000525 

 Remercies Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees; offres les a sa Majesté; supplies la derechef qu'elle vous rende vostre mort heureuse par le merite de celle de son Filz.

  A003000536 

 En fin, apres le tems que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes et presages horribles pour lesquelz les hommes secheront d'effroi et de crainte, le feu venant comme un deluge bruslera et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003000537 

 Apres ce deluge de flammes et de foudres, tous les hommes ressusciteront de la terre, excepté ceux qui sont des-ja ressuscités, et a la voix de l'Archange comparoistront en la vallee de Josaphat.

  A003000537 

 Mais helas, avec quelle difference! car les uns y seront en cors glorieux et resplendissans, et les autres en cors hideux et horribles..

  A003000538 

 Consideres la majesté avec laquelle le souverain Juge comparoistra, environné de tous les Anges et Saintz, ayant devant soy sa Croix plus reluisante que le soleil, enseigne de grace pour les bons, et de rigueur pour les mauvais..

  A003000539 

 Ce souverain Juge, par son commandement redoutable et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns a sa droite, les autres a sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003000540 

 La separation faite et les livres des consciences ouvertz, on verra clairement la malice des mauvais et le mespris dont ilz ont usé contre Dieu; et d'ailleurs, la penitence des bons et les effectz de la grace de Dieu qu'ilz ont receuë, et rien ne sera caché.

  A003000540 

 O Dieu, quelle confusion pour les uns, quelle consolation pour les autres!.

  A003000541 

 Alles, dit il: c'est un mot d'abandonnement perpetuel que Dieu fait de telz malheureux, les bannissant pour jamais de sa face.

  A003000541 

 Il les appelle mauditz: o mon ame, quelle malediction! malediction generale, qui comprend tous les maux; malediction irrevocable, qui comprend tous les tems et l'eternité.

  A003000545 

 O Dieu, qui me peut asseurer pour cette journee, en laquelle les colomnes du ciel trembleront de frayeur?.

  A003000547 

 Ah, je me veux juger moy-mesme maintenant, affin [47] que je ne sois pas jugee; je veux examiner ma conscience et me condamner, m'accuser et me corriger, affin que le Juge ne me condamne en ce jour redoutable: je me confesseray donq, j'accepteray les advis necessaires, etc..

  A003000564 

 Les damnés sont dedans l'abisme infernal comme dedans cette ville infortunee, en laquelle ilz souffrent des tourmens indicibles en tous leurs sens et en tous leurs membres, parce que, comme ilz ont employé tous leurs sens et leurs membres pour pecher, ainsy souffriront ilz en tous leurs membres et en tous leurs sens les peynes deuës au peché: les yeux, pour leurs [48] faux et mauvais regards, souffriront l'horrible vision des diables et de l'enfer; les oreilles, pour avoir prins playsir aux discours vicieux, n'ouïront jamais que pleurs, lamentations et desespoirs; et ainsy des autres..

  A003000566 

 Helas, si une puce en nostre oreille, si la chaleur d'une petite fievre nous rend une courte nuit si longue et ennuyeuse, combien sera espouvantable la nuit de l'eternité avec tant de tourmens! De cette eternité, naissent le desespoir eternel, les blasphemes et rages infinies..

  A003000569 

 Espouvantés vostre ame par les paroles d'Isaïe:O mon ame, pourrois-tu bien vivre eternellement avec ces ardeurs perdurables et emmi ce feu devorant? veux-tu bien quitter ton Dieu pour jamais?.

  A003000582 

 O que cette compaignie est heureuse! Le moindre de tous est plus beau a voir que tout le monde; que sera-ce de les voir tous? Mais, mon Dieu, qu'ilz sont heureux: tous-jours ilz chantent le doux cantique de l'amour eternel; tous-jours ilz jouissent d'une constante [50] allegresse; ilz s'entredonnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse et indissoluble societé..

  A003000583 

 Consideres en fin quel bien ilz ont tous de jouir de Dieu qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respand dedans leurs cœurs un abisme de delices.

  A003000583 

 Quel bien d'estre a jamais uni a son Principe! Ilz sont la comme des heureux oyseaux, qui volent et chantent a jamais dedans l'air de la Divinité qui les environne de toutes parts de playsirs incroyables; la, chacun a qui mieux mieux, et sans envie, chante les louanges du Createur.

  A003000600 

 Imaginés vous d'estre en une rase campagne, toute seule avec vostre bon Ange, comme estoit le jeune Tobie allant en Rages, et qu'il vous fait voir en haut le Paradis ouvert, avec les playsirs representés en la meditation du Paradis que vous aves faitte; puis, du costé d'en bas, il vous fait voir l'enfer ouvert, avec tous les tourmens descritz en la meditation de l'enfer.

  A003000604 

 Jesus Christ, du haut du Ciel, vous regarde en sa debonnaireté et vous invite doucement: Viens, o ma chere ame, au repos eternel entre les bras de ma bonté, qui t'a preparé les delices immortelles en l'abondance de son amour.

  A003000604 

 Voyes de vos yeux interieurs la Sainte Vierge qui vous convie maternellement: Courage, ma fille, ne veuille pas mespriser les desirs de mon Filz, ni tant de souspirs que je jette pour toy, respirant avec luy ton salut eternel.

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000608 

 Acceptes les faveurs que la Vierge et les Saintz vous presentent; promettes leur que vous vous achemineres a eux; tendes la main a vostre bon Ange affin qu'il vous y conduise; encourages vostre ame a ce choix..

  A003000617 

 Imagines-vous d'estre derechef en une rase campagne, avec vostre bon Ange toute seule, et a costé gauche, vous voyes le diable assis sur un grand throsne haut eslevé, avec plusieurs des espritz infernaux aupres de [54] luy, et tout autour de luy, une grande troupe de mondains qui tous a teste nuë le reconnoissent et luy font hommage, les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003000617 

 Voyes comme ilz sont tous sans repos, sans ordre et sans contenance; voyes comme ilz se mesprisent les uns les autres et comme ilz ne s'ayment que par des faux semblans.

  A003000617 

 Voyes la contenance de tous les infortunés courtisans de cet abominable roy: regardés les uns furieux de haine, d'envie et de cholere; les autres qui s'entretuent; les autres haves, pensifz et empressés a faire des richesses; les autres attentifz a la vanité, sans aucune sorte de playsir qui ne soit inutile et vain; les autres vilains, perdus, pourris en leurs brutales affections.

  A003000618 

 Bref, voyes les yeux du Sauveur qui les console, et que tous ensemblement aspirent a luy..

  A003000618 

 Du costé droit, voyes Jesus Christ crucifié, qui, avec un amour cordial, prie pour ces pauvres endiablés, aflin qu'ilz sortent de cette tyrannie, et qui les appelle a soy; voyes une grande troupe de devotz qui sont autour de luy avec leurs Anges.

  A003000618 

 Regardes generalement par tout, vous les verres tous en une contenance sainte, douce, amiable, qu'ilz escoutent Nostre Seigneur, et tous le voudroyent planter au milieu de leur cœur.

  A003000619 

 Vous aves meshui quitté Satan avec sa triste et malheureuse troupe, par les bonnes affections que vous aves conceuës, et neanmoins vous n'estes pas encor arrivee au Roy Jesus, ni jointe a son heureuse et sainte compaignie de devotz, ains vous aves esté tous-jours entre l'un et l'autre..

  A003000625 

 Et me convertissant a vous, mon doux Jesus, Roy de bonheur et de gloire eternelle, je vous embrasse de toutes les forces de mon ame, je vous adore de tout mon cœur, je vous choisis, maintenant et pour jamais, pour mon Roy, et par mon inviolable fidelité je vous fais un hommage irrevocable; je me sousmetz a l'obeissance de vos saintes lois et ordonnances..

  A003000630 

 Ouvrés donq bien vostre cœur pour en faire sortir les pechés par la confession; car a mesure qu'ilz en sortiront, le pretieux merite de la Passion divine y entrera pour le remplir de benediction..

  A003000630 

 Quand vous les aures faites, alles courageusement en esprit d'humilité faire vostre confession generale; mais, je vous prie, ne vous laisses point troubler par aucune sorte d'apprehension.

  A003000630 

 Quand vous seres arrivee devant vostre pere spirituel, imaginés-vous d'estre en la montagne de Calvaire sous [57] les pieds de Jesus Christ crucifié, duquel le sang pretieux distille de toutes partz pour vous laver de vos iniquités; car, bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neanmoins le merite de son sang respandu qui arrouse abondamment les penitens autour des confessionnaux.

  A003000630 

 Voyla donq, ma chere Philothee, les meditations requises a nostre intention.

  A003000631 

 Et cela fait, escoutes l'advertissement et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dites en vostre cœur: Parles, Seigneur, car vostre servante vous escoute.

  A003000636 

 Mais me retournant devers le throsne de l'infinie misericorde de ce mesme Dieu eternel, apres avoir detesté de tout mon cœur et de toutes mes forces les iniquités de ma vie passee, je demande et requiers humblement grace et pardon et merci, avec entiere absolution de mon crime, en vertu de la Mort et Passion de ce mesme Seigneur et Redempteur de mon ame, sur laquelle m'appuyant comme sur l'unique fondement [59] de mon esperance, j'advouë derechef et renouvelle la sacree profession de la fidelité faitte de ma part a mon Dieu en mon Baptesme, renonçant au diable, au monde et a la chair, detestant leurs malheureuses suggestions, vanités et concupiscences, pour tout le tems de ma vie presente et de toute l'eternité.

  A003000641 

 Cette protestation faite, soyes attentive et ouvrés les oreilles de vostre cœur pour ouïr en esprit la parole de vostre absolution, que le Sauveur mesme de vostre ame, assis sur le throsne de sa misericorde, prononcera la haut au Ciel devant tous les Anges et les Saintz, a mesme tems qu'en son nom le prestre vous absout ici bas en terre.

  A003000642 

 En cette sorte, ce me semble, Philothee, vostre ame sera purgee de peché et de toutes les affections du peché..

  A003000643 

 Et d'autant que les mesmes advis servent encor pour une purification plus parfaitte, avant que de les vous donner, je vous veux dire quelque chose de cette plus absolue pureté a laquelle je desire vous conduire..

  A003000643 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, a rayson de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiee mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray des advis lesquelz estans bien prattiqués vous preserveront des-ormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, affin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003000647 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le mirouër les taches et souïlleures de nostre visage; ainsy, a mesure que la lumiere interieure du Saint Esprit esclaire nos consciences, nous voyons [62] plus distinctement et plus clairement les pechés, inclinations et imperfections qui nous peuvent empescher d'atteindre a la vraye devotion; et la mesme lumiere qui nous fait voir ces tares et deschetz, nous eschauffe au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003000648 

 Vous descouvrirés donq, ma chere Philothee, qu'outre les pechés mortelz et affections des pechés mortelz, dont vous aves esté purgee par les exercices marqués ci devant, vous aves encores en vostre ame plusieurs inclinations et affections aux pechés venielz.

  A003000649 

 Et je dis maintenant qu'il faut purger son ame de toutes les affections qu'elle a aux pechés venielz, c'est a dire qu'il ne faut point nourrir volontairement la volonté de continuer et perseverer en aucune sorte de peché veniel; car aussi seroit-ce une lascheté trop grande de vouloir, tout a nostre escient, garder en nostre conscience une chose si desplaisante a Dieu comme est la volonté de luy vouloir desplaire.

  A003000650 

 Ces affections, Philothee, sont directement contraires a la devotion, comme les affections au peché mortel le sont a la charité: elles allanguissent les forces de l'esprit, empeschent les consolations divines, ouvrent la porte aux tentations; et bien qu'elles ne tuent pas l'ame, elles la rendent extremement malade.

  A003000650 

 Et de mesme, les pechés venielz, arrivans en une ame devote et ne s'y arrestans pas long tems, ne l'endommagent pas beaucoup; mais si ces mesmes pechés demeurent dans l'ame pour l'affection qu'elle y met, ilz luy font perdre sans doute la suavité de l'onguent, c'est a dire la sainte devotion..

  A003000650 

 Les mouches mourantes, dit le Sage, perdent et gastent la suavité de l'onguent: il veut dire que les mouches, ne s'arrestans gueres sur l'onguent, mais le mangeans en passant, ne gastent que ce qu'elles prennent, le reste demeurant en son entier; mais quand elles meurent emmi l'onguent, elles luy ostent son prix et le mettent a desdain.

  A003000651 

 Ainsy le peché veniel ne tue pas nostre ame, mais il gaste pourtant la devotion, et embarrasse si fort de mauvaises habitudes et inclinations les puissances de l'ame, qu'elle ne peut plus exercer la promptitude de la charité, en laquelle gist la devotion; mais cela s'entend quand le peché veniel sejourne en nostre conscience par l'affection que nous y mettons.

  A003000651 

 Ce n'est rien, Philothee, de dire quelque petit mensonge, de se desregler un peu en paroles, en actions, en regards, en habitz, en jolietés, en jeux, en danses, pourveu que tout aussi tost que ces araignes spirituelles sont entrees en nostre conscience, nous les en rechassions et bannissions, comme les mouches a miel font les araignes corporelles.

  A003000651 

 Les araignes ne tuent pas les abeilles, mais elles gastent et corrompent leur miel, et embarrassent leurs rayons des toiles qu'elles y font, en sorte que les abeilles ne peuvent plus faire leur mesnage; et cela s'entend quand elles y font du sejour.

  A003000651 

 Mais si nous leur permettons d'arrester dans nos cœurs, et non seulement cela, mais que nous nous affectionnions a les y retenir et multiplier, bien tost nous verrons nostre miel perdu, [64] et la ruche de nostre conscience empestee et desfaitte.

  A003000655 

 Les jeux, les balz, les festins, les pompes, les comedies, en leur substance ne sont nullement choses mauvaises ains indifferentes, pouvans estre bien et mal exercees; tous-jours neanmoins ces choses-la sont dangereuses, et de s'y affectionner, cela est encor plus dangereux.

  A003000656 

 Ainsy les anciens Nazariens s'abstenoyent non seulement de tout ce qui pouvoit enivrer, mais aussi des raisins et du verjus; non point que le raisin et le verjus enivre, mais parce qu'il y avoit danger en [65] mangeant du verjus d'exciter le desir de manger des raisins, et en mangeant des raisins, de provoquer l'appetit a boire du moust et du vin.

  A003000656 

 Les cerfz ayans prins trop de venaison s'escartent et retirent dedans leurs buissons, connoissans que leur graisse les charge en sorte qu'ilz ne sont pas habiles a courir, si d'adventure ilz estoyent attaqués: le cœur de l'homme se chargeant de ces affections inutiles, superflues et dangereuses, ne peut sans doute promptement, aysement et facilement courir apres son Dieu, qui est le vray point de la devotion.

  A003000656 

 Les petitz enfans s'affectionnent et s'eschauffent apres les papillons; nul ne le treuve mauvais, parce qu'ilz sont enfans.

  A003000656 

 Mais n'est-ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faitz s'empresser et s'affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommees, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous desregler et desordonner a leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections; et, bien que les actes ne soient pas tous-jours contraires a la devotion, les affections neanmoins luy sont tous-jours dommageables.

  A003000661 

 Dieu vous face la grace de les bien prattiquer.

  A003000661 

 Il y en a qui de leurs naturelz sont legers, les autres rebarbatifz, les autres durs a recevoir les opinions d'autruy, les autres sont inclinés a l'indignation, les autres a la cholere, les autres a l'amour; et en somme, il se treuve peu de personnes esquelles on ne puisse remarquer quelques sortes de telles imperfections.

  A003000661 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amandiers amers en amandiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le [67] suc; pourquoy est-ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses; il n'y a point aussi de naturel si revesche qui, par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence, ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003000661 

 Or, quoy qu'elles soyent comme propres et naturelles a un chacun, si est-ce que par le soin et affection contraire on les peut corriger et moderer, et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003000666 

 L'orayson mettant nostre entendement en la clarté et lumiere divine, et exposant nostre volonté a la chaleur de l'amour celeste, il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravees: c'est l'eau de benediction qui, par son arrousement, fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nos ames de leurs imperfections et desaltere nos cœurs de leurs passions.

  A003000667 

 En fin, les enfans a force d'ouïr leurs meres et de begayer avec elles, apprennent a parler leur langage; et nous, demeurans pres du Sauveur par la meditation, et observans ses paroles, ses actions et ses affections, nous apprendrons, moyennant sa grace, a parler, faire et vouloir comme luy..

  A003000672 

 Si vous me croyes, vous dires vostre Pater, vostre Ave Maria et le Credo en latin; mais vous apprendrés aussi a bien entendre les paroles qui y sont, en vostre langage, affin que, les disant au langage commun de l'Eglise, vous puissies neanmoins savourer le sens admirable et delicieux de ces saintes oraysons, lesquelles il faut dire fichant profondement vostre pensee et excitant vos affections sur le sens d'icelles, et ne vous hastant nullement pour en dire beaucoup, mais vous estudiant de dire ce que vous dires cordialement; car un seul Pater dit avec sentiment vaut mieux que plusieurs recités vistement et couramment..

  A003000673 

 Il est bon aussi de dire les litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saintz, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuelz et Heures appreuvees, a la charge neanmoins que si vous aves le don de l'orayson mentale, vous luy gardies tous-jours la principale place; en sorte que si apres icelle, ou pour la multitude des affaires ou pour quelque autre rayson, vous ne pouves point faire de priere vocale, vous ne vous en metties point en peyne pour cela, vous contentant de dire simplement, devant ou apres la meditation, l'Orayson Dominicale, la Salutation Angelique et le Symbole des Apostres..

  A003000674 

 Si faisant l'orayson vocale, vous sentés vostre cœur tiré et convié a l'orayson interieure ou mentale, ne refuses point d'y aller, mais laissés tout doucement couler vostre esprit de ce costé la, et ne vous soucies point de n'avoir pas achevé les oraysons vocales que vous vous esties proposees; car la mentale que vous aures faitte en leur place est plus aggreable a Dieu et plus utile a vostre ame.

  A003000675 

 Que si en toute la journee vous ne pouves la faire, il faut reparer cette perte, multipliant les oraysons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empesche la suite de ce defaut; et, avec cela, faites une forte resolution de vous remettre en train le jour suivant..

  A003000680 

 Le premier gist en une vive et attentive apprehension de la toute presence de Dieu, c'est a dire que Dieu est en tout et par tout, et qu'il n'y a lieu ni chose en ce monde ou il ne soit d'une tres veritable presence; de sorte que, comme les oyseaux, ou qu'ilz volent, rencontrent tous-jours l'air, ainsy, ou que nous allions, ou que nous soyons, nous treuvons Dieu present.

  A003000680 

 Les aveugles ne voyans pas un prince qui leur est present, ne laissent pas de se tenir en respect s'ilz sont advertis de sa presence; mais la verité est que, d'autant qu'ilz ne le voyent pas, ilz s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliés, ilz perdent encor plus aysement le respect et la reverence.

  A003000681 

 Le second moyen de se mettre en cette sacree presence, c'est de penser que non seulement Dieu est au lieu ou vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie et anime de sa divine presence, estant la comme le cœur de vostre cœur et l'esprit de vostre esprit; car, comme l'ame estant respandue par tout le cors se treuve presente en toutes les parties d'iceluy, et reside neanmoins au cœur d'une speciale residence, de mesme Dieu estant tres present a toutes choses, assiste toutefois d'une speciale façon a nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et saint Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons et sommes en Dieu.

  A003000682 

 Le troisiesme moyen, c'est de considerer nostre Sauveur, lequel en son humanité regarde des le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement [75] ceux qui sont en priere, desquelz il remarque les actions et deportemens.

  A003000682 

 Si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voyla qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003000683 

 Mais si le tressaint Sacrement de l'autel estoit present, alhors cette presence seroit reelle et non purement imaginaire; car les especes et apparences du pain seroient comme une tapisserie, derriere laquelle Nostre Seigneur reellement present nous voit et considere, quoy que nous ne le voyons pas en sa propre forme..

  A003000684 

 Vous userés donq de l'un de ces quatre moyens, pour mettre vostre ame en la presence de Dieu avant l'orayson; et ne faut pas les vouloir employer tous ensemblement, mays seulement un a la fois, et cela briefvement et simplement.

  A003000688 

 Il vous servira encor d'adjouster l'invocation de vostre bon Ange et des sacrees personnes qui se treuveront au mystere que vous medités: comme en celuy de la mort de Nostre Seigneur, vous pourres invoquer Nostre Dame, saint Jean, la Magdeleine, le bon larron, affin que les sentimens et mouvemens interieurs qu'ilz y receurent vous soyent communiqués; et en la meditation de vostre [77] mort, vous pourres invoquer vostre bon Ange, qui se treuvera present, affin qu'il vous inspire des considerations convenables; et ainsy des autres mysteres..

  A003000692 

 Apres ces deux pointz ordinaires de la meditation, il y en a un troisiesme qui n'est pas commun a toutes sortes de meditations: c'est celuy que les uns appellent fabrication du lieu, et les autres, leçon interieure.

  A003000692 

 Par exemple, si vous voules mediter Nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerés d'estre au mont de Calvaire et que vous voyes tout ce qui se fit et se dit au jour de la Passion; ou, si vous voules, car c'est tout un, vous vous imaginerés qu'au lieu mesme ou vous estes se fait le crucifiement de Nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003000693 

 Quelques uns vous diront neanmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale et spirituelle, en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit; mais cela est trop subtil pour le commencement, et jusques a ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, Philothee, de vous retenir en la basse vallee que je vous monstre..

  A003000697 

 Que si vostre esprit treuve asses de goust, de lumiere et de fruit sur l'une des considerations, vous vous y arresteres sans passer plus outre, faysant comme les abeilles qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel a recueillir.

  A003000702 

 Il ne faut pas pourtant, Philothee, s'arrester tant a ces affections generales que vous ne les convertissies en des resolutions speciales et particulieres pour vostre correction et amendement.

  A003000702 

 Par ce moyen, Philothee, vous corrigerés vos fautes en peu de tems, la ou par les seules affections vous le feres tard et malaysement.

  A003000702 

 Par exemple, la premiere parole que Nostre Seigneur dit sur la Croix respandra sans doute une bonne affection d'imitation en vostre ame, a sçavoir, le desir de pardonner a vos ennemis et de les aymer.

  A003000706 

 En fin j'ay remarqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria, qui est la generale et necessaire priere de tous les fidelles..

  A003000706 

 La seconde, c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons a Dieu sa mesme bonté et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Filz, et, conjointement avec icelles, nos affections et resolutions.

  A003000706 

 La troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons a Dieu et le conjurons de nous communiquer les graces et vertus de son Filz, et de donner la benediction a nos affections et resolutions, affin que nous les puissions fidellement executer; puis nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis et autres, employans a cela l'intercession de Nostre Dame, des Anges, des Saintz.

  A003000707 

 [82] Ceux qui se sont promenés en un beau jardin n'en sortent pas volontier sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et tenir le long de la journee: ainsy nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir un ou deux ou trois pointz que nous aurons treuvés plus a nostre goust, et plus propres a nostre avancement, pour nous en resouvenir le reste de la journee et les odorer spirituellement.

  A003000709 

 C'est le grand fruit de la meditation, sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile, mais nuisible, parce que les vertus meditees et non prattiquees enflent quelquefois l'esprit et le courage, nous estant bien advis que nous sommes telz que nous avons resolu et delibvré d'estre, ce qui est sans doute veritable si les resolutions sont vives et solides; mais elles ne sont pas telles, ains vaines et dangereuses, si [83] elles ne sont prattiquees.

  A003000709 

 Il faut donq par tous moyens s'essayer de les prattiquer, et en chercher les occasions petites ou grandes: par exemple, si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour la de les rencontrer pour les saluer amiablement; et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003000709 

 Il faut sur tout, Philothee, qu'au sortir de vostre meditation vous retenies les resolutions et deliberations que vous aurés prinses, pour les prattiquer soigneusement ce jour-la.

  A003000710 

 Au sortir de cette orayson cordiale, il vous faut prendre garde de ne point donner de secousse a vostre cœur, car vous espancheriés le baume que vous aves receu par le moyen de l'orayson; je veux dire qu'il faut garder, s'il est possible, un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur, de l'orayson aux affaires, retenant le plus long tems qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aures conceuës.

  A003000712 

 Bref, tous-jours quand les affections se presenteront a vous, il les faut recevoir et leur faire place, soit qu'elles arrivent avant ou apres toutes les considerations.

  A003000712 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mays aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere qui se peuvent faire parmi les considerations; car il ne les faut non plus retenir que les autres affections, bien que, par apres, pour la conclusion de la meditation, il faille les repeter et reprendre.

  A003000712 

 Et quoy que j'aye mis les affections apres toutes les considerations, je ne l'ay fait que pour mieux distinguer les parties de l'orayson; car au demeurant, c'est une regle generale qu'il ne faut jamais retenir les affections, ains les laisser tous-jours sortir quand elles se presentent.

  A003000712 

 Il vous arrivera quelquefois qu'incontinent apres la preparation, vostre affection se treuvera toute esmeuë en Dieu: alhors, Philothee, il luy faut lascher la bride, sans vouloir suivre la methode que je vous ay donnee; car bien que pour l'ordinaire, la consideration doit preceder les affections et resolutions, si est-ce que le Saint Esprit vous donnant les affections avant la consideration, vous ne deves pas rechercher la consideration, puisqu'elle ne se fait que pour esmouvoir l'affection.

  A003000712 

 Mais quant aux resolutions, il les faut faire apres les affections et sur la fin de toute la meditation, avant la conclusion, d'autant qu'ayans a nous representer des objectz particuliers et [85] familiers, elles nous mettroyent en danger, si nous les faysions parmi les affections, d'entrer en des distractions..

  A003000713 

 Emmi les affections et resolutions, il est bon d'user de colloque, et parler tantost a Nostre Seigneur, tantost aux Anges et aux personnes representees aux mysteres, aux Saintz et a soy-mesme, a son cœur, aux pecheurs et mesme aux creatures insensibles, comme l'on voit que David fait en ses Pseaumes, et les autres Saintz, en leurs meditations et oraysons..

  A003000717 

 S'il vous arrive, Philothee, de n'avoir point de goust ni de consolation en la meditation, je vous conjure de ne vous point troubler, mais quelquefois ouvrés la porte aux paroles vocales: lamentes-vous de vous mesme a Nostre Seigneur, confesses vostre indignité, priés-le qu'il vous soit en ayde, baysés son image si vous l'aves, dites-luy ces paroles de Jacob: Si ne vous laisseray-je point, Seigneur, que vous ne m'ayes donné vostre benediction; ou celles de la Chananee: Ouy, Seigneur, je suis une chienne, mais les chiens mangent des miettes de la table de leur maistre. Autres fois, prenes un livre en main, et le lises avec attention jusques a ce que vostre esprit soit resveillé et remis en vous; piqués quelquefois vostre cœur par quelque contenance et mouvement de devotion exterieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur l'estomach, embrassant un crucifix: cela s'entend si vous estes en quelque lieu retiré..

  A003000722 

 Outre cette orayson mentale entiere et formee, et les autres oraysons vocales que vous deves faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraysons plus courtes, et qui sont comme ageancemens et surjeons de l'autre grande orayson, entre lesquelles, la premiere est celle qui se fait le matin, comme une preparation generale a toutes les œuvres de la journee.

  A003000725 

 Et ne suffit pas [88] de faire cette resolution, mais il faut preparer les moyens pour la bien executer.

  A003000725 

 Prevoyes quelz affaires, quelz commerces et quelles occasions vous pouves rencontrer cette journee-la pour servir Dieu, et quelles tentations vous pourront survenir de l'offenser, ou par cholere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement; et, par une sainte resolution, preparés-vous a bien employer les moyens qui se doivent offrir a vous de servir Dieu et avancer vostre devotion; comme au contraire, disposes-vous a bien eviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003000725 

 Si je prevoy de pouvoir visiter un malade, je disposeray l'heure et les consolations et secours que j'ay a luy faire; et ainsy des autres..

  A003000726 

 Invoques Nostre Dame, vostre bon Ange et les Saintz, affin qu'ilz vous assistent a cet effect..

  A003000731 

 Gaignes donq quelque loysir un peu devant l'heure du souper, et, prosternee devant Dieu, ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerés par une simple consideration et œillade interieure), rallumés le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations et eslancemens amoureux que vous ferés sur ce divin Sauveur de vostre ame; ou bien en repetant les pointz que vous aures plus savourés en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymeres mieux..

  A003000734 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour; et pour faire cela plus aysement, on considerera ou, avec qui, et en quelle occupation on a esté.

  A003000736 

 Apres cela, on recommande a la Providence divine son cors, son ame, l'Eglise, les parens, les amis; on prie Nostre Dame, le bon Ange et les Saintz de veiller sur nous et pour nous; et avec la benediction de Dieu, on va prendre le repos qu'il a voulu nous estre requis..

  A003000737 

 Cet exercice ici ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin; car par celuy du matin vous ouvres les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir, vous les fermes aux tenebres de l'enfer..

  A003000743 

 Comme les oyseaux ont des nids sur les arbres pour faire leur retraitte quand ilz en ont besoin, et les cerfz ont leurs buissons et leurs fortz dans lesquelz ilz se recelent et mettent a couvert, prenans la fraischeur de l'ombre en esté; ainsy, Philothee, nos cœurs doivent prendre et choisir quelque place chaque jour, ou sur le mont de Calvaire, ou es playes de Nostre Seigneur, ou en quelque autre lieu proche de luy, pour y faire leur retraitte a toutes sortes d'occasions, et la s'alleger et recreer entre les affaires exterieures, et pour y estre comme dans un fort, affin de se defendre des tentations.

  A003000744 

 Et aussi, les conversations ne sont pas ordinairement si serieuses qu'on ne puisse de tems en tems en retirer le cœur pour le remettre en cette divine solitude..

  A003000744 

 Resouvenés vous donq, Philothee, de faire tous-jours plusieurs retraittes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmi les conversations et affaires; et cette solitude mentale ne peut nullement estre empeschee par la multitude de ceux qui vous sont autour, car ilz ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre cors, si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003000745 

 Les pere et mere de sainte Catherine de Sienne luy ayans osté toute commodité du lieu et de loysir pour prier et mediter, Nostre Seigneur l'inspira de faire un petit oratoire interieur en son esprit, dedans lequel se retirant mentalement, elle peust parmi les affaires exterieures vaquer a cette sainte solitude cordiale.

  A003000746 

 Retirés donques quelquefois vostre esprit dedans vostre cœur, ou, separee de tous les hommes, vous puissies traitter cœur a cœur de vostre ame avec son Dieu, pour dire avec David: J'ay veillé et ay esté semblable au pelican de la solitude; j'ay esté fait comme le chat-huant ou le hibou dans les masures, et comme le passereau solitaire au toit.

  A003000752 

 On fait ainsy les oraysons jaculatoires, que le grand saint Augustin conseille si soigneusement a la devote dame Proba.

  A003000752 

 Philothee, nostre esprit s'addonnant a la hantise, privauté et familiarité de son Dieu, se parfumera tout de ses perfections; et si, cet exercice n'est point malaysé, car il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations, sans aucunement les incommoder, d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit en ces eslancemens interieurs, on ne fait que des petitz et courtz divertissemens qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup a la poursuite de ce que nous faysons.

  A003000753 

 Il est vray qu'il y a certains motz qui ont une force particuliere pour contenter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semés si dru dedans les Pseaumes de David, les invocations diverses du nom de Jesus, et les traitz d'amour qui sont imprimés au Cantique des Cantiques.

  A003000753 

 Les chansons spirituelles servent encor a mesme intention, pourveu qu'elles soyent chantees avec attention..

  A003000754 

 A quoy mesme toutes choses les invitent, et n'y a creature qui ne leur annonce la louange de leur Bienaymé; et, comme dit saint Augustin apres saint Anthoine, tout ce qui est au monde leur parle d'un langage muet mais fort intelligible en faveur de leur amour; toutes choses les provoquent a des bonnes pensees, desquelles par apres naissent force saillies et aspirations en Dieu.

  A003000754 

 En fin, comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel ont presque tous-jours leurs pensees tournees du costé de la chose aymee, leur cœur plein d'affection envers elle, leur bouche remplie de ses louanges, et qu'en son absence ilz ne perdent point [95] d'occasion de tesmoigner leurs passions par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ilz n'escrivent le nom de ce qu'ilz ayment; ainsy ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser en luy, respirer pour luy, aspirer a luy et parler de luy, et voudroyent, s'il estoit possible, graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le saint et sacré nom de Jesus.

  A003000754 

 Et voyci quelques exemples: Saint Gregoire, Evesque de Nazianze, ainsy que luy mesme racontoit a son peuple, se promenant sur le rivage de la mer, consideroit comme les ondes s'avançans sur la greve laissoyent des coquilles et petitz cornetz, tiges d'herbes, petites huistres et semblables brouilleries que la mer rejettoit, et par maniere de dire crachoit dessus le bord; puis, revenant par des autres vagues, elle reprenoit et engloutissoit derechef une partie de cela, tandis que les rochers des environs demeuroyent fermes et immobiles, quoy que les eaux vinssent rudement battre contre iceux.

  A003000754 

 Or sur cela, il fit cette belle pensee: que les foibles, comme coquilles, cornetz et tiges d'herbes, se laissent emporter tantost a l'affliction, tantost a la consolation, a la merci des ondes et vagues de la fortune, mais que les grans courages demeurent fermes et immobiles a toutes sortes d'orages; et de cette pensee, il fit naistre ces eslancemens de David: O Seigneur, sauves-moy, car les eaux ont penetré jusques a mon ame; O Seigneur, [96] delivres-moy du profond des eaux; Je suis porté au profond de la mer et la tempeste m'a submergé.

  A003000756 

 Un levreau pressé des chiens accourut sous le cheval de ce saint Prelat, qui pour lhors voyageoit, comme a un refuge que le peril eminent de la mort luy suggeroit; et les chiens clabaudans tout autour n'osoyent entreprendre de violer l'immunité a laquelle leur proye avoit eu recours; spectacle certes extraordinaire, qui faisoit rire tout le train, tandis que le grand Anselme, pleurant et gemissant: Ha, vous ries, disoit-il, mais la pauvre beste ne rit pas; les ennemis de l'ame, poursuivie et mal menee par divers destours en toutes sortes de pechés, l'attendent au destroit de la mort pour la ravir et devorer, et elle, toute effrayee, cherche par tout secours et refuge; que si elle n'en treuve point, ses [97] ennemis s'en moquent et s'en rient.

  A003000757 

 Constantin le Grand escrivit honnorablement a saint Anthoine, dequoy les religieux qui estoyent autour de luy furent fort estonnés, et il leur dit: « Comme admires-vous qu'un Roy escrive a un homme? Admires plustost dequoy Dieu eternel a escrit sa loy aux mortelz, ains leur a parlé bouche a bouche en la personne de son Filz.

  A003000757 

 » Saint François voyant une brebis toute seule emmi un troupeau de boucz: « Regardes, » dit il a son compaignon, « comme cette pauvre petite brebis est douce parmi ces chevres; Nostre Seigneur alloit ainsy doux et humble entre les Pharisiens.

  A003000758 

 C'est une belle fleur, » dit ce saint personnage, « que la rose; mais elle me donne une grande tristesse, m'advertissant de mon peché, pour lequel la terre a esté condamnee de porter les espines.

  A003000758 

 Ce grand personnage de nostre aage, François Borgia, pour lhors encores duc de Gandie, allant a la chasse faisoit mille devotes conceptions: « J'admirois, » disoit il luy mesme par apres, « comme les faucons reviennent sur le poing, se laissent couvrir les yeux et attacher a la perche, et que les hommes se rendent si revesches a la voix de Dieu.

  A003000758 

 » Le grand saint Basile dit que la rose emmi les espines fait cette remonstrance aux hommes: « Ce qui est de plus aggreable en ce monde, o mortelz, est meslé de tristesse; rien n'y est pur: le regret est tous-jours collé a l'allegresse, la viduité au mariage, le soin a la fertilité, l'ignominie a la gloire, la despense aux honneurs, le degoust aux delices et la maladie a la santé.

  A003000759 

 L'autre, voyant le tourne-soleil dit: Quand sera ce, mon Dieu, que mon ame suivra les attraitz de vostre bonté? Et voyant des pensees de jardin, belles a la veuë mais sans odeur: Hé, dit il, telles sont mes cogitations, belles a dire, mais sans effect ni production..

  A003000759 

 Une ame devote regardant un ruysseau, et y voyant le ciel representé avec les estoiles en une nuit bien sereine: O mon Dieu, dit elle, ces mesmes estoiles [98] seront dessous mes pieds quand vous m'aures logee dans vos saintz tabernacles; et comme les estoiles du ciel sont representees en la terre, ainsy les hommes de la terre sont representés au ciel en la vive fontaine de la charité divine.

  A003000759 

 » Un autre voyant les arbres fleuris souspiroit: Pourquoy suis-je seul defleuri au jardin de l'Eglise? Un autre voyant des petitz poussins ramassés sous leur mere: O Seigneur, dit il, conservés nous sous l'ombre de vos aisles.

  A003000760 

 Malheureux sont ceux qui destournent les creatures de leur Createur pour les contourner au peché; bienheureux sont ceux qui contournent les creatures a la gloire de leur Createur, et employent leur vanité a l'honneur de la verité.

  A003000760 

 Voyla, ma Philothee, comme l'on tire les bonnes pensees et saintes aspirations de ce qui se presente en la varieté de cette vie mortelle.

  A003000761 

 Or, en cet exercice de la retraitte spirituelle et des oraysons jaculatoires gist la grande œuvre de la devotion: il peut suppleer au defaut de toutes les autres oraysons, mais le manquement d'iceluy ne peut presque point estre reparé par aucun autre moyen.

  A003000766 

 L'orayson faitte en l'union de ce divin Sacrifice a une force indicible, de sorte, Philothee, que par iceluy, l'ame abonde en celestes faveurs comme appuyee sur son Bienaymè, qui la rend si pleine d'odeurs et suavités spirituelles, qu'elle ressemble a une colomne de fumee de bois aromatique, de la myrrhe, de Vencens et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dit es Cantiques.

  A003000767 

 Faites donques toutes sortes d'effortz pour assister tous les jours a la sainte Messe, affin d'offrir avec le prestre le sacrifice de vostre Redempteur a Dieu son Pere, pour vous et pour toute l'Eglise.

  A003000767 

 Les chœurs de l'Eglise triomphante et ceux de l'Eglise militante se viennent attacher et joindre a Nostre Seigneur en cette divine action, pour, avec luy, en luy et par luy ravir le cœur de Dieu le Pere et rendre sa misericorde toute nostre.

  A003000767 

 Tous-jours les Anges en grand nombre s'y treuvent presens, comme dit saint Jean Chrysostome, pour honnorer ce saint mystere; et nous y treuvans avec eux et avec une mesme intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences propices par une telle societé.

  A003000768 

 A quelque heure donq du matin, allés en esprit, si vous ne pouves autrement, en l'eglise; unisses vostre intention a celle de tous les Chrestiens, et faites les mesmes actions interieures au lieu ou vous estes, que vous feries si vous esties reellement presente a l'office de la sainte Messe en quelque eglise..

  A003000770 

 Mais si vous voules pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous ailes suivant de jour en jour, il ne sera pas requis que vous vous divertissies a faire ces particulieres actions; ains suffira qu'au commencement vous dressies vostre intention a vouloir adorer et offrir ce saint Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et orayson, puisqu'en toute meditation se treuvent les actions susdites, ou expressement ou tacitement et virtuellement.

  A003000774 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister a l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours-la sont dediés a Dieu, et faut bien faire plus d'actions a son honneur et gloire en iceux que non pas es autres jours.

  A003000774 

 Vous sentirés mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit saint Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions que oyant les divins Offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux, en larmes de pieté.

  A003000775 

 Entres volontier aux confrairies du lieu ou vous estes, et particulierement en celles desquelles les exercices apportent plus de fruit et d'edification; car en cela vous ferés une sorte d'obeissance fort aggreable a Dieu, d'autant qu'encor que les confrairies ne soient pas commandees, elles sont neanmoins recommandees par l'Eglise, laquelle, pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enroolent, donne des indulgences et autres privileges aux confreres.

  A003000775 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices a part soy comme l'on fait aux confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire [103] en particulier, si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bienfaitz avec nos freres et prochains..

  A003000780 

 Les saintes ames des trespassés qui sont en Paradis avec les Anges et, comme dit Nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office, d'inspirer en nous et d'aspirer pour nous par leurs saintes oraysons.

  A003000780 

 Ma Philothee, joignons nos cœurs a ces celestes espritz et ames bienheureuses; comme les petitz rossignolz apprennent a chanter avec les grans, ainsy, par le sacré commerce que nous ferons avec les Saintz, nous sçaurons bien mieux prier et chanter les louanges divines: Je psalmodieray, disoit David, a la veuë des Anges..

  A003000780 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003000782 

 Rendes-vous fort familiere avec les Anges; voyes-les souvent invisiblement presens a vostre vie, et sur tout aymes et reveres celuy du diocese auquel vous estes, ceux des personnes avec lesquelles vous vives, et specialement le vostre; supplies-les souvent, loües-les ordinairement, et employes leur ayde et secours en toutes vos affaires, soit spirituelles soit temporelles, affin qu'ilz cooperent a vos intentions..

  A003000783 

 Le grand Pierre Favre, premier prestre, premier predicateur, premier lecteur de Theologie de la sainte Compaignie du nom de Jesus, et premier compaignon du bienheureux Ignace, fondateur d'icelle, venant un jour d'Allemagne, ou il avoit fait des grans services a la gloire de Nostre Seigneur, et passant en ce diocese, lieu de sa naissance, racontoit qu'ayant traversé plusieurs lieux heretiques, il avoit receu mille consolations d'avoir salué en abordant chaque paroisse les Anges protecteurs d'icelles, lesquelz il avoit conneu sensiblement luy avoir esté propices, soit pour le garantir des embusches des heretiques, soit pour luy rendre plusieurs ames douces et dociles a recevoir la doctrine de salut.

  A003000788 

 Et souvenés-vous que Nostre Seigneur recueille les paroles que nous luy disons en nos prieres, a mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003000788 

 Soyes devote a la parole de Dieu: soit que vous l'escouties en devis familiers avec vos amis spirituelz, soit que vous l'escouties au sermon, oyes-la tous-jours avec attention et reverence; faites en bien vostre prouffit et ne permettes pas qu'elle tombe a terre, ains receves-la comme un pretieux baume dans vostre cœur, a l'imitation de la Tressainte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans le sien toutes les paroles que l'on disoit a la louange de son Enfant.

  A003000789 

 Ayes tous-jours aupres de vous quelque beau livre de devotion, comme sont ceux de saint Bonaventure, de [106] Gersont, de Denis le Chartreux, de Louys Blosius, de Grenade, de Stella, d'Arias, de Pinelli, de Du Pont, d'Avila, le Combat spirituel, les Confessions de saint Augustin, les Epistres de saint Hierosme, et semblables; et lises en tous les jours un peu avec grande devotion, comme si vous lisies des lettres missives que les Saintz vous eussent envoyees du Ciel, pour vous monstrer le chemin et vous donner le courage d'y aller..

  A003000790 

 Car bien que beaucoup des actions des Saintz ne soyent pas absolument imitables par ceux qui vivent emmi le monde, si est-ce que toutes peuvent estre suivies ou de pres ou de loin: la solitude de saint Paul premier ermite est imitee en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous parlerons, et avons parlé ci dessus; l'extreme [107] pauvreté de saint François, par les prattiques de la pauvreté telles que nous les marquerons, et ainsy des autres.

  A003000790 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres, comme la Vie de la bienheureuse Mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les Vies des premiers Jesuites, celle de saint Charles Borromee, Archevesque de Milan, de saint Louys, de saint Bernard, les Chroniques de saint François et autres pareilles.

  A003000790 

 Lises aussi les histoires et Vies des Saintz, esquelles, comme dans un mirouër, vous verres le pourtrait de la vie chrestienne, et accommodes leurs actions a vostre prouffit selon vostre vacation.

  A003000794 

 Nous appelions inspirations tous les attraitz, mouvemens, reproches et remords interieurs, lumieres et connoissances que Dieu fait en nous, prevenant nostre cœur en ses benedictions par son soin et amour paternel, affin de nous resveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, a l'amour celeste, aux bonnes resolutions, bref, a tout ce qui nous achemine a nostre [108] bien eternel.

  A003000796 

 Quand l'inspiration dureroit tout le tems de nostre vie, nous ne serions pourtant nullement aggreables a Dieu si nous n'y prenions playsir; au contraire, sa divine Majesté en seroit offencee, comme il le fut contre les Israëlites aupres desquelz il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant a se convertir, sans que jamais ilz y voulussent entendre, dont il jura contre eux en son ire qu'onques ilz n'entreroyent en son repos.

  A003000799 

 Resolvés-vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plaira a Dieu de vous faire; et quand elles arriveront, receves-les comme les ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003000800 

 Le consentement estant donné, il faut avec un grand soin procurer les effectz, et venir a l'execution de l'inspiration, qui est le comble de la vraye vertu; car d'avoir le consentement dedans le cœur sans venir a l'effect d'iceluy, ce seroit comme de planter une vigne sans vouloir qu'elle fructifiast..

  A003000801 

 Or, a tout cecy sert merveilleusement de bien prattiquer l'exercice du matin et les retraittes spirituelles que j'ay marquees cy dessus; car par ce moyen, nous nous preparons a faire le bien, d'une preparation non seulement generale, mais aussi particuliere..

  A003000806 

 Confesses vous humblement et devotement tous les huit jours, et tous-jours s'il se peut quand vous communieres, encor que vous ne senties point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la Confession vous ne recevres pas seulement l'absolution des pechés venielz que vous confesserés, mays aussi une grande force pour les eviter a l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour reparer toute la perte qu'ilz vous avoient apportee.

  A003000808 

 Ne faites pas seulement ces accusations superflues que plusieurs font par routine: je n'ay pas aymé Dieu tant que je devois; je n'ay pas prié avec tant de devotion que je devois; je n'ay pas cheri le prochain comme je devois; je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables: la rayson est, parce qu'en disant cela vous ne dires rien de particulier qui puisse faire entendre au confesseur l'estat de vostre conscience, d'autant que tous les Saintz de Paradis et tous les hommes de la terre pourroyent dire les mesmes choses s'ilz se confessoyent.

  A003000809 

 Il faut donq dire le fait, le motif et la duree de nos pechés; car encores que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointilleux en la declaration des pechés venielz, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre a la sainte devotion, doivent estre soigneux de bien faire connoistre au medecin spirituel le mal, pour petit qu'il soit, duquel ilz veulent estre gueris..

  A003000809 

 Ne vous contentes pas de dire vos pechés venielz quant au fait, mais accuses-vous du motif qui vous a [113] induit a les commettre.

  A003000810 

 Et s'il est encor besoin de particulariser les paroles pour vous [114] bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire; car s'accusant ainsy naifvement, on ne descouvre pas seulement les pechés qu'on a fait, mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes et autres racines du peché, au moyen dequoy le pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte et des remedes qui luy sont propres.

  A003000811 

 Prenes garde a une quantité de pechés qui vivent et regnent bien souvent insensiblement dedans la conscience, affin que vous les confessies et que vous puissies vous en purger; et a cet effect, lises diligemment les chapitres VI, XXVII, XXVIII, XXIX, XXXV et XXXVI de la troisiesme Partie et le chapitre viii de la quatriesme Partie..

  A003000812 

 Ne changes pas aysement de confesseur, mais en ayant choisi un, continues a luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinés pour cela, luy disant naifvement et franchement les pechés que vous aures commis; et de tems en tems, comme seroit de mois en mois ou de deux mois en deux mois, dites-luy encor l'estat de vos inclinations, quoy que par icelles vous n'ayes pas peché, comme si vous esties tourmentee de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portee a la joye, aux desirs d'acquerir des biens, et semblables inclinations.

  A003000815 

 O Philothee, les Chrestiens qui seront damnés demeureront sans replique lhors que le juste Juge leur fera voir le tort qu'ilz ont eu de mourir spirituellement, puisqu'il leur estoit si aysé de se [116] maintenir en vie et en santé par la manducation de son Cors qu'il leur avoit laissé a cette intention.

  A003000815 

 On ne peut estre nourri de cette chair de vie et vivre des affections de mort; si que comme les hommes demeurans au paradis terrestre pouvoyent ne mourir point selon le cors, par la force de ce fruit vital que Dieu y avoit mis, ainsy peuvent ilz ne point mourir spirituellement, par la vertu de ce Sacrement de vie.

  A003000815 

 Que si les fruitz les plus tendres et sujetz a corruption, comme sont les cerises, les abricotz et les fraises, se conservent aysement toute l'annee estans confitz au sucre ou au miel, ce n'est pas merveille si nos cœurs, quoy que fresles et imbecilles, sont preservés de la corruption du peché lhors qu'ilz sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptible du Filz de Dieu.

  A003000816 

 La response de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand luy estant opposé, a rayson de sa [117] frequente Communion, que saint Augustin ne loüoit ni ne vituperoit de communier tous les jours: Et bien, dit-elle, « puisque saint Augustin ne le vitupere pas, je vous prie que vous ne le vituperies pas non plus, » et je me contenteray..

  A003000816 

 « De recevoir la Communion de l'Eucharistie tous les jours, ni je ne le loüe ni je ne le vitupere; mais de communier tous les jours de Dimanche, je le suade et en exhorte un chacun, pourveu que l'esprit soit sans aucune affection de pecher.

  A003000816 

 » Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere ni loüe absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela a la discretion du pere spirituel de celuy qui se voudra resouldre sur ce point; car la disposition requise pour une si frequente Communion devant estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generalement; et parce que cette disposition la, quoy qu'exquise, se peut treuver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generalement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003000817 

 Mais, Philothee, vous voyés que saint Augustin exhorte et conseille bien fort que l'on communie tous les Dimanches; faites le donques tant qu'il vous sera possible.

  A003000817 

 Puisque, comme je presuppose, vous n'aves nulle sorte d'affection du peché mortel, ni aucune affection au peché veniel, vous estes en la vraye disposition que saint Augustin requiert, et encores plus excellente, parce que non seulement vous n'aves pas l'affection de pecher, mais vous n'aves pas mesme l'affection du peché; si que, quand vostre pere spirituel le treuveroit bon, vous pourries utilement communier encores plus souvent que tous les Dimanches..

  A003000820 

 Certes, en la primitive Eglise, les Chrestiens communioient tous les jours, quoy qu'ilz fussent mariés et benis de la generation des enfans; c'est pourquoy j'ay dit que la frequente Communion ne donnoit nulle sorte d'incommodité ni aux peres, ni aux femmes, ni aux maris, pourveu que l'ame qui communie soit prudente et discrete..

  A003000820 

 Il faut que je die ce mot pour les gens mariés: Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit es jours des festes, mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs a ceux qui les exigeoient.

  A003000822 

 Pour communier tous les huit jours, il est requis [119] de n'avoir ni peché mortel ni aucune affection au peché veniel, et d'avoir un grand desir de se communier; mais pour communier tous les jours, il faut, outre cela, avoir surmonté la pluspart des mauvaises inclinations, et que ce soit par advis du pere spirituel..

  A003000826 

 Et apres que vous aures dit les paroles sacrees: Seigneur, je ne suis pas digne, ne remues plus vostre teste ni vos levres, soit pour prier soit pour souspirer, mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au prestre de voir ce qu'il fait, receves pleine de foy, d'esperance et de charité Celuy lequel, auquel, par [120] lequel et pour lequel vous croyes, esperes et aymes.

  A003000826 

 O Philothee, imaginés-vous que comme l'abeille ayant recueilli sur les fleurs la rosee du ciel et le suc plus exquis de la terre, et l'ayant reduit en miel, le porte dans sa ruche, ainsy le prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Filz de Dieu, qui comme une rosee est descendu du Ciel, et vray Filz de la Vierge, qui comme fleur est sorti de la terre de nostre humanité, il le met en viande de suavité dedans vostre bouche et dedans vostre cors.

  A003000826 

 Que si la nuit vous vous resveilles, remplisses soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques paroles odorantes, par le moyen desquelles vostre ame soit parfumee pour recevoir l'Espoux, lequel, veillant pendant que vous dormes, se prepare a vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposee a les recevoir.

  A003000829 

 Dites leur que ceux qui n'ont pas beaucoup d'affaires mondaines doivent souvent communier parce qu'ilz en ont la commodité, et ceux qui ont beaucoup d'affaires mondaines, parce qu'ilz en ont necessité, et que celuy qui travaille beaucoup et qui est chargé de peynes doit aussi manger les viandes solides et souventesfois.

  A003000829 

 Dites leur que deux sortes de gens doivent souvent communier: les parfaitz, parce qu'estans bien disposés, ilz auroyent grand tort de ne point s'approcher de la source et fontaine de perfection, et les imparfaitz, affin de pouvoir justement pretendre a la perfection; les fortz affin qu'ilz ne deviennent foibles, et les foibles affin qu'ilz deviennent fortz; les malades affin d'estre guéris, les sains affin qu'ilz ne tombent en maladie; et que pour vous, comme imparfaitte, foible et malade, vous aves besoin de souvent communiquer avec vostre perfection, vostre force et vostre medecin.

  A003000829 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communies si souvent, dites leur que c'est pour apprendre a aymer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en [121] vos foiblesses.

  A003000830 

 Communies souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrés, avec l'advis de vostre pere spirituel; et croyes-moy, les lievres deviennent blancz parmi nos montagnes en hiver parce qu'ilz ne voyent ni mangent que la neige, et a force d'adorer et manger beauté, la bonté et la pureté mesme en ce divin Sacrement, vous deviendres toute belle, toute bonne et toute pure.

  A003000835 

 Il se faut res-jouir avec les joyeux et pleurer avec les pleurans, dit l'Apostre; et la charité est patiente, benigne, liberale, prudente, condescendante..

  A003000835 

 Le juste est comme l'arbre qui est planté sur le cours des eaux, qui porte son fruit en son tems, parce que la charité arrousant une ame, produit en elle les œuvres vertueuses chacune en sa saison.

  A003000835 

 Le roy des abeilles ne se met point aux champs qu'il ne soit environné de tout son petit peuple, et la charité n'entre jamais dans un cœur qu'elle n'y loge avec soy tout le train des autres vertus, les exerçant et mettant en besoigne ainsy qu'un capitaine fait ses soldatz; mais elle ne les met pas en œuvre ni tout a coup, ni egalement, ni en tous tems, ni en tous lieux.

  A003000836 

 Il ne se presente pas souvent des occasions de prattiquer la force, la magnanimité, la magnificence; mais la douceur, la temperance, l'honnesteté et l'humilité sont des certaines vertus desquelles toutes les actions de nostre vie doivent estre teintes.

  A003000836 

 Il y a neanmoins des vertus lesquelles ont leur usage presque universel, et qui ne doivent pas seulement faire leurs actions a part, ains doivent encor respandre leurs qualités es actions de toutes les autres vertus.

  A003000837 

 Chaque vacation a besoin de prattiquer quelque speciale vertu: autres sont les vertus d'un prelat, autres celles d'un prince, autres celles d'un soldat, autres celles d'une femme mariee, autres celles d'une vefve; et bien que tous doivent avoir toutes les vertus, tous neanmoins ne les doivent pas egalement prattiquer, mais un chacun se doit particulierement addonner a celles qui sont requises au genre de vie auquel il est appellé..

  A003000837 

 Entre les exercices des vertus, nous devons preferer celuy qui est plus conforme a nostre devoir, et non pas celuy qui est plus conforme a nostre goust.

  A003000837 

 Les Apostres au contraire, commis pour prescher l'Evangile et distribuer le pain celeste aux ames, jugerent extremement bien qu'ilz eussent eu [124] tort de s'incommoder en ce saint exercice pour prattiquer la vertu du soin des pauvres, quoy que tres excellente.

  A003000838 

 Choisissés donq, Philothee, les meilleures vertus et non pas les plus estimees, les [125] plus excellentes et non pas les plus apparentes, les meilleures et non pas les plus braves.

  A003000838 

 Entre les vertus qui ne regardent pas nostre devoir particulier, il faut preferer les plus excellentes et non pas les plus apparentes.

  A003000838 

 Il y a de mesme certaines vertus lesquelles, pour estre proches de nous, sensibles et, s'il faut ainsy dire, materielles, sont grandement estimees et tous-jours preferees par le vulgaire: ainsy prefere-il communement l'aumosne temporelle a la spirituelle, la haire, le jeusne, la nudité, la discipline et les mortifications du cors a la douceur, a la debonnaireté, a la modestie et autres mortifications du cœur, qui neanmoins sont bien plus excellentes.

  A003000838 

 Les cometes paraissent pour l'ordinaire plus grandes que les estoiles et tiennent beaucoup plus de place a nos yeux; elles ne sont pas neanmoins comparables ni en grandeur ni en qualité aux estoiles, et ne semblent grandes sinon parce qu'elles sont proches de nous et en un sujet plus grossier au prix des estoiles.

  A003000839 

 Il est utile qu'un chacun choisisse un exercice particulier de quelque vertu, non point pour abandonner les autres, mais pour tenir plus justement son esprit rangé et occupé.

  A003000839 

 » Il conneut que c'estoit la misericorde envers les pauvres que Dieu luy recommandoit, si que, par apres, il s'addonna tellement a l'exercice d'icelle, que pour cela il est par tout appellé saint Jean l'Aumosnier.

  A003000840 

 Le roy saint Louys visitoit, comme par un prix fait, les hospitaux et servoit les malades de ses propres mains.

  A003000840 

 Saint Gregoire le Grand se plaisoit a caresser les pelerins a l'exemple du grand Abraham, et comme iceluy receut le Roy de gloire sous la forme d'un pelerin.

  A003000840 

 Tobie s'exerçoit en la charité d'ensevelir les defunctz; sainte Elizabeth, toute grande princesse qu'elle estoit, aymoit sur tout l'abjection de soy mesme; sainte Catherine de Gennes, estant devenue vefve, se dedia au service de l'hospital.

  A003000841 

 Ainsy entre les serviteurs de Dieu, le uns s'addonnent a servir les malades, les autres a secourir les pauvres, les autres a procurer l'avancement de la doctrine chrestienne entre les petitz enfans, les autres a ramasser les ames perdues et esgarees, les autres a parer les eglises et orner les autelz, et les autres a moyenner la paix et concorde entre les hommes.

  A003000841 

 En quoy ilz imitent les brodeurs qui, sur divers fonds, couchent en belle varieté les soyes, l'or et l'argent pour en faire toutes sortes de fleurs; car ainsy ces ames pieuses qui entreprennent quelque particulier exercice de devotion, se servent d'iceluy comme d'un fonds pour leur broderie spirituelle, sur lequel elles prattiquent la varieté de toutes les autres vertus, tenans en cette sorte leurs actions et affections mieux unies et rangees par le rapport qu'elles en font a leur exercice principal, et font ainsy paroistre leur esprit.

  A003000846 

 Car, comme les sangliers pour aiguiser leurs defenses les frottent et fourbissent avec leurs autres dens, lesquelles reciproquement en demeurent toutes fort affilees et tranchantes, ainsy l'homme vertueux ayant entreprins de se perfectionner en la vertu de laquelle il a plus de besoin pour sa defense, il la doit limer et affiler par l'exercice des autres vertus, lesquelles en affinant celle la, en deviennent toutes plus excellentes et mieux polies; comme il advint a Job, qui s'exerçant particulierement en la patience, contre tant de tentations desquelles il fut agité, devint parfaittement saint et vertueux en toutes sortes de vertus.

  A003000846 

 Quand nous sommes combattus de quelque vice, il faut, tant qu'il nous est possible, embrasser la prattique de la vertu contraire, rapportant les autres a icelle; car par ce moyen nous vaincrons nostre ennemi et ne laisserons pas de nous avancer en toutes les vertus.

  A003000846 

 Si je suis combattu par l'orgueil ou par la cholere, il faut qu'en toute chose je me panche et plie du costé de l'humilité et de la douceur, et qu'a cela je face servir les autres exercices de l'orayson, des Sacremens, de la prudence, de la constance, de la sobrieté.

  A003000850 

 Cette basse et grossiere crainte qui engendre les scrupules excessifz es ames de ceux qui sortent nouvellement du train des pechés, est une vertu recommandable en ce commencement, et presage certain d'une future pureté de conscience; mais cette mesme crainte seroit blasmable en ceux qui sont fort avancés, dedans le cœur desquelz doit regner l'amour, qui petit a petit chasse cette sorte de crainte servile..

  A003000851 

 Aussi Dieu mesme, par une sacree apparition, l'en corrigea, respandant en son ame un esprit doux, suave, amiable et tendre, par le moyen duquel s'estant rendu tout autre, il s'accusa grandement d'avoir esté si exacte et severe, et devint tellement gracieux et condescendant avec un chacun qu'il se fit tout a tous pour les gaigner tous..

  A003000851 

 Oyant leurs confessions, il detestoit avec une severité extraordinaire toutes sortes de defautz, pour petitz qu'ilz fussent, et sollicitoit tellement ces pauvres apprentifz a la perfection, qu'a force de les y pousser il les en retiroit; car ilz perdoyent cœur et haleyne de se voir si instamment pressés en une montee si droitte et relevee.

  A003000852 

 C'est bon signe en un malade quand au sortir de sa maladie les jambes luy enflent, car cela denote que la nature des-ja renforcee rejette les humeurs superflues; mays ce mesme signe seroit mauvais en celuy qui ne seroit pas malade, car il [130] feroit connoistre que la nature n'a pas asses de force pour dissiper et resouldre les humeurs.

  A003000852 

 J'atteste Jesus auquel elle a servi et auquel je desire servir, que je ne mens ni d'un costé ni d'autre, ains produis naifvement ce qui est d'elle, comme Chrestien d'une Chrestienne; c'est a dire, j'en escris l'histoire, non pas un panegyrique, et que ses vices sont les vertus des autres.

  A003000852 

 Ma Philothee, il faut avoir bonne opinion de ceux esquelz nous voyons la prattique des vertus, quoy qu'avec imperfection, puisque les Saintz mesmes les ont souvent prattiquees en cette sorte; mays quant a nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidellement, mais prudemment, et a cet effect observer estroittement l'advis du Sage, de ne point nous appuyer sur nostre propre prudence, ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs..

  A003000852 

 » Il veut dire que les deschetz et defautz de sainte Paule eussent tenu lieu de vertu en une ame moins parfaitte, comme a la verité il y a des actions qui sont estimees imperfections en ceux qui sont parfaitz, lesquelles seroyent neanmoins tenues pour grandes perfections en ceux qui sont imparfaitz.

  A003000853 

 Il y a certaines choses que plusieurs estiment vertus et qui ne le sont aucunement, desquelles il faut que je vous die un mot: ce sont les extases ou ravissemens, les insensibilités, impassibilités, unions deifiques, eslevations, transformations, et autres telles perfections desquelles certains livres traittent, qui promettent d'eslever l'ame jusqu'à la contemplation purement intellectuelle, a l'application essentielle de l'esprit et vie supereminente.

  A003000853 

 Voyés-vous, Philothee, ces perfections ne sont pas vertus; ce sont plustost des recompenses que Dieu donne pour les vertus, ou bien encor plustost des eschantillons des felicités de la vie future, qui quelquefois sont presentés aux hommes pour leur faire desirer les pieces toutes entieres qui sont la haut en Paradis.

  A003000854 

 Certes, les pretentions si hautes et eslevees des choses extraordinaires sont grandement sujettes aux illusions, tromperies et fausetés; et arrive quelquefois que ceux qui pensent estre des anges ne sont pas seulement bons hommes, et qu'en leur fait il y a plus de grandeur es paroles et termes dont ilz usent, qu'au sentiment et en l'œuvre.

  A003000854 

 Laissons volontier les sureminences aux ames sur-eslevees: nous ne meritons pas un rang si haut au service de Dieu; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d'estre des laquais, portefaix, garçons de chambre; c'est a luy par apres, si bon luy semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé.

  A003000854 

 Ouy, Philothee, car ce Roy de gloire ne recompense pas ses serviteurs selon la dignité des offices qu'ilz exercent, mais selon l'amour et humilité avec laquelle ilz les exercent.

  A003000854 

 Saül, cherchant les asnes de son pere, treuva le royaume d'Israël; Rebecca, abbreuvant les chameaux d'Abraham, devint espouse de son [132] filz; Ruth, glanant apres les moissonneurs de Boos et se couchant a ses pieds, fut tiree a son costé et rendue son espouse.

  A003000858 

 [133] Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur nous a sauvés en souffrant et endurant, et que de mesme, nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurans les injures, contradictions et desplaysirs avec le plus de douceur qu'il nous sera possible..

  A003000859 

 Car tout ainsy que les piqueures des abeilles sont plus cuisantes que celles des mouches, ainsy le mal que l'on reçoit des gens de bien et les contradictions qu'ilz font sont bien plus insupportables que les autres; et cela neanmoins arrive fort souvent, que deux hommes de bien, ayans tous deux bonne intention, sur la diversité de leurs opinions, se font des grandes persecutions et contradictions l'un a l'autre.

  A003000859 

 D'estre mesprisé, reprins et accusé par les meschans, ce n'est que douceur a un homme de courage; mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est la ou il y va du bon.

  A003000859 

 Il y en a qui ne veulent souffrir sinon les tribulations qui sont honnorables, comme par exemple, d'estre blessés a la guerre, d'estre prisonniers de guerre, d'estre mal traittés pour la religion, de s'estre appauvris par quelque querelle en laquelle ilz soyent demeurés maistres; et ceux-ci n'ayment pas la tribulation, mais l'honneur qu'elle apporte.

  A003000859 

 J'estime plus la douceur avec laquelle le grand saint Charles Borromee souffrit longuement les reprehensions publiques qu'un grand predicateur d'un Ordre extremement reformé faisoit contre lluy en chaire, que toutes les attaques qu'il receut des autres.

  A003000859 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte egalement les tribulations conjointes a l'ignominie et celles qui sont honnorables.

  A003000860 

 Or je dis, Philothee, qu'il faut avoir patience, non seulement d'estre malade, mais de l'estre de la maladie que Dieu veut, au lieu ou il veut, et entre les personnes qu'il veut, et avec les incommodités qu'il veut; et ainsy des autres tribulations..

  A003000860 

 Soyes patiente, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encores pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003000861 

 Quand il vous arrivera du mal, opposés a iceluy les remedes qui seront possibles et selon Dieu, car de faire autrement, ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendes avec une entiere resignation l'effect que Dieu aggreera.

  A003000861 

 S'il luy plaist que les remedes vainquent le mal, vous le remercieres avec humilité; mais s'il luy plaist que le mal surmonte les remedes, benisses-le avec patience..

  A003000863 

 Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser.

  A003000864 

 Plusieurs estans malades, affligés, et offensés de quelqu'un s'empeschent bien de se plaindre et monstrer de la delicatesse, car cela, a leur advis (et il est vray), tesmoigneroit evidemment une grande defaillance de force et de generosité; mais ilz desirent extremement, et par plusieurs artifices recherchent que chacun les plaigne, qu'on ait grande compassion d'eux, et qu'on les estime non seulement affligés, mais patiens et [136] courageux.

  A003000865 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas), resouvenes-vous de la parolle de Nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant né elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est né au monde; car vous aves conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressenties du travail; mais ayés bon courage, car, ces douleurs passees, la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003000866 

 Obeisses au medecin, prenes les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous.

  A003000866 

 Quand vous seres malade, offres toutes vos douleurs, peynes et langueurs au service de Nostre Seigneur, et le supplies de les joindre aux tourmens qu'il a receuz pour vous.

  A003000866 

 Resouvenes-vous que les abeilles au tems qu'elles font le miel, vivent et mangent d'une munition fort amere, et qu'ainsy nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ni mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume et vivons parmi les angoisses.

  A003000867 

 Consideres les peynes que les Martyrs souffrirent jadis, et celles que tant de personnes endurent, plus griefves, sans aucune proportion, que celles esquelles vous estes, et dites: helas, mes travaux sont des consolations et mes espines des roses, en comparayson de ceux qui, sans secours, sans assistence, sans allegement, vivent en une mort continuelle, accablés d'afflictions infiniment plus grandes.

  A003000871 

 La cresserelle criant et regardant les oyseaux de proye, les espouvante par une proprieté et vertu secrette; c'est pourquoy les colombes l'ayment sur tous les autres oyseaux, et vivent en asseurance aupres d'icelle: ainsy l'humilité repousse Satan, et conserve en nous les graces et dons du Saint Esprit, et pour cela tous les Saintz, mais particulerement le Roy des Saintz et sa Mere, ont tous-jours honnoré et cheri cette digne vertu plus qu'aucune autre entre toutes les morales.

  A003000871 

 Pour recevoir la grace de Dieu en nos coeurs, il les faut avoir vuides de nostre propre gloire.

  A003000872 

 Il y en a qui se rendent fiers et morgans pour estre sur un bon cheval, pour avoir un pennache en leur chapeau, pour estre habillés somptueusement; mais qui ne void cette folie? car s'il y a de la gloire pour cela, elle est [140] pour l'oyseau et pour le tailleur; et quelle lascheté de courage est ce d'emprunter son estime d'un cheval, d'une plume, d'un goderon? Les autres se prisent et regardent pour des moustaches relevees, pour une barbe bien peignee, pour des cheveux crespés, pour des mains douillettes, pour sçavoir danser, joüer, chanter; mais ne sont ilz pas lasches de courage, de vouloir encherir leur valeur et donner du surcroist a leur reputation par des choses si frivoles et folastres? Les autres, pour un peu de science, veulent estre honnorés et respectés du monde, comme si chacun devoit aller a l'escole chez eux et les tenir pour maistres: c'est pourquoy on les appelle pedans.

  A003000872 

 Les autres se pavonnent sur la consideration de leur beauté, et croyent que tout le monde les muguette.

  A003000873 

 Les perles qui sont conceuës ou nourries au vent et au bruit des tonnerres n'ont que l'escorce de perle, et sont vuides de substance; et ainsy les vertus et belles qualités des hommes qui sont receuës et nourries en l'orgueil, en la vantance et en la vanité, n'ont qu'une simple apparence du bien, sans suc, sans moelle et sans solidité.

  A003000874 

 Et comme ceux qui odorent la mandragore de loin et en passant reçoivent beaucoup de suavité, mais ceux qui la sentent de pres et longuement en deviennent assoupis et malades, ainsy les honneurs rendent une douce consolation a celuy qui les odore de loin et legerement, sans s'y amuser ou s'en empresser; mais a qui s'y affectionne et s'en repaist, ilz sont extremement blasmables et vituperables..

  A003000874 

 Les honneurs, les rangs, les dignités sont comme le saffran, qui se porte mieux et vient plus abondamment d'estre foulé aux pieds.

  A003000874 

 Quand le paon fait sa roue pour se voir, en levant ses belles plumes il se herisse de tout le reste, et monstre de part et d'autre ce qu'il a d'infame; les fleurs qui sont belles plantees en terre, flestrissent estans maniees.

  A003000874 

 Si nous sommes pointilleux pour les rangs, pour les [143] seances, pour les tiltres, outre que nous exposons nos qualités a l'examen, a l'enqueste et a la contradiction, nous les rendons viles et abjectes; car l'honneur qui est beau estant receu en don, devient vilain quand il est exigé, recherché et demandé.

  A003000876 

 Car, comme ceux qui viennent du Peru, outre l'or et l'argent qu'ilz en tirent, apportent encor des singes et perroquetz, parce qu'ilz ne leur coustent gueres et ne chargent pas aussi beaucoup leur navire; ainsy ceux qui pretendent a la vertu ne laissent pas de prendre leurs rangs et les honneurs qui leur sont deus, pourveu toutefois que cela ne leur couste pas beaucoup de soin et d'attention, et que ce soit sans en estre chargés de trouble, d'inquietude, de disputes et contentions.

  A003000876 

 Les espritz bien nés ne s'amusent pas a ces menus fatras de rangs, d'honneurs, de salutations; ilz ont d'autres choses a faire: c'est le propre des espritz faineans.

  A003000876 

 Qui peut avoir des perles ne se charge pas de coquilles; et ceux qui pretendent a la vertu ne s'empressent point pour les honneurs.

  A003000880 

 Plusieurs ne veulent ni n'osent penser et considerer les graces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoy certes ilz se trompent; car puisque, [145] comme dit le grand Docteur Angelique, le vray d'atteindre a l'amour de Dieu, c'est la consideration de ses bienfaitz, plus nous les connoistrons plus nous l'aymerons; et comme les benefices particuliers esmeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ilz estre considerés plus attentivement..

  A003000881 

 Helas, les muletz laissent ilz d'estre lourdes et puantes bestes, pour estre chargés des meubles pretieux et parfumés du prince? Qu'avons nous de bon que nous n'ayons receu? et si nous l'avons receu, pourquoy nous en voulons nous enorgueillir? Au contraire, la vive consideration des graces receuës nous rend humbles; car la connoissance engendre la reconnoissance.

  A003000881 

 Mais si voyans les graces que Dieu nous a faites, quelque sorte de vanité nous venoit chatouiller, le remede infallible sera de recourir a la consideration de nos ingratitudes, de nos imperfections, de nos miseres: si nous considerons ce que nous avons fait quand Dieu n'a pas esté avec nous, nous connoistrons bien que ce que nous faisons quand il est avec nous n'est pas de nostre façon ni de nostre creu; nous en jouirons voyrement et nous en resjouirons parce que nous l'avons, mais nous en glorifierons Dieu seul parce qu'il en est l'autheur.

  A003000882 

 Au contraire, nous faisons semblant de fuir et de nous cacher, affin qu'on nous coure apres et qu'on nous cherche; nous faisons contenance de vouloir estre les derniers et assis au bas bout de la table, mays c'est affin de passer plus avantageusement au haut bout.

  A003000882 

 La vraye humilité ne fait pas semblant de l'estre et ne dit gueres de paroles d'humilité, car elle ne desire pas seulement de cacher les autres vertus, mais encor et principalement elle souhaitte de se cacher soy mesme; et s'il luy estoit loysible de mentir, de feindre, ou de scandaliser le prochain, elle produiroit des actions d'arrogance et de fierté, affin de se receler sous icelles et y vivre du tout inconneuë et a couvert..

  A003000883 

 Il est vray qu'encor voudrois-je que les paroles fussent adjustees a nos affections au plus pres qu'il nous seroit possible, pour suivre en tout et par tout la simplicité et candeur cordiale.

  A003000883 

 J'en dis de mesme de quelques paroles [147] d'honneur ou de respect qui, a la rigueur, ne semblent pas veritables; car elles le sont neanmoins asses, pourveu que le cœur de celuy qui les prononce ait une vraye intention d'honnorer et respecter celuy pour lequel il les dit; car encor que les motz signifient avec quelque exces ce que nous disons, nous ne faisons pas mal de les employer quand l'usage commun le requiert.

  A003000883 

 Voyci donq mon ad vis, Philothee: ou ne disons point de paroles d'humilité, ou disons les avec un vray sentiment interieur, conforme a ce que nous prononçons exterieurement; n'abbaissons jamais les yeux qu'en humiliant nos cœurs; ne faisons pas semblant de vouloir estre des derniers, que de bon cœur nous ne voulussions l'estre.

  A003000884 

 Mais ne voit il pas que quand Dieu nous veut gratifier, c'est orgueil de refuser? que les dons de Dieu nous obligent a les recevoir, et que c'est humilité d'obeir et suivre au plus pres que nous pouvons ses desirs? Or, le desir de Dieu est que nous soyons parfaitz, nous unissans a luy et l'imitans au plus presque nous pouvons.

  A003000884 

 Plusieurs disent qu'ilz laissent l'orayson mentale pour les parfaitz, et qu'eux ne sont pas dignes de la faire; les autres protestent qu'ilz n'osent pas souvent communier, parce qu'ilz ne se sentent pas asses purs; les autres, qu'ilz craignent de faire honte a la devotion s'ilz s'en meslent, a cause de leur grande misere et fragilité; et les autres refusent d'employer leur talent au service de Dieu et du prochain parce, disent ilz, qu'ilz connoissent leur foiblesse et qu'ilz ont peur de s'enorgueillir s'ilz sont instrumens de quelque bien, et qu'en esclairant les autres ilz se consument.

  A003000884 

 Tout cela n'est qu'artifice et une sorte d'humilité non seulement fause, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blasmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d'un pretexte d'humilité l'amour propre de son opinion, de son humeur et de sa paresse.

  A003000885 

 Car ainsy l'humilité couvre et cache toutes nos vertus et perfections humaines, et ne les fait jamais paroistre que [149] pour la charité, qui estant une vertu non point humaine mais celeste, non point morale mais divine, elle est le vray soleil des vertus, sur lesquelles elle doit tous-jours dominer: si que les humilités qui prejudicient a la charité sont indubitablement fauses..

  A003000885 

 En quoy elle ressemble a cet arbre des isles de Tylos, lequel la nuit resserre et tient closes ses belles fleurs incarnates et ne les ouvre qu'au soleil levant, de sorte que les habitans du païs disent que ces fleurs dorment de nuit.

  A003000885 

 Quand la charité le requiert, il faut communiquer rondement et doucement avec le prochain, non seulement ce qui luy est necessaire pour son instruction, mais aussi ce qui luy est utile pour sa consolation; car l'humilité qui cache et couvre les vertus pour les conserver, les fait neanmoins paroistre quand la charité le commande, pour les accroistre, aggrandir et perfectionner.

  A003000886 

 En suite dequoy je vous diray que si pour les actions d'une vraye et naifve devotion, on vous estime vile, abjecte ou folle, l'humilité vous fera res-jouir de ce bienheureux opprobre, duquel la cause n'est pas en vous, mais en ceux qui le font.

  A003000886 

 Que si quelques grans serviteurs de Dieu ont fait semblant d'estre folz pour se rendre plus abjectz devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter; car ilz ont eu des motifz pour passer a cet exces qui leur ont esté si particuliers et extraordinaires, que personne n'en doit tirer aucune consequence pour soy.

  A003000890 

 Et c'est cela a quoy je vous exhorte, et que pour mieux entendre, sçaches qu'entre les maux que nous souffrons les uns sont abjectz et les autres honnorables; plusieurs s'accommodent aux honnorables, mais presque nul ne veut [151] s'accommoder aux abjectz.

  A003000890 

 Mais, ce me dires-vous, que veut dire cela: aymés vostre propre abjection? En latin abjection veut dire humilité, et humilité veut dire abjection; si que, quand Nostre Dame en son sacré Cantique dit que, parce que Nostre Seigneur a veu l'humilité de sa servante toutes les generations la diront bienheureuse, elle veut dire que Nostre Seigneur a regardé de bon cœur son abjection, vileté et bassesse, pour la combler de graces et faveurs.

  A003000891 

 De plus, il y a des vertus abjectes et des vertus honnorables: la patience, la douceur, la simplicité et l'humilité mesme sont des vertus que les mondains tiennent pour viles et abjectes; au contraire, ilz estiment beaucoup la prudence, la vaillance et la liberalité.

  A003000891 

 En voyci d'une autre sorte: nous allons visiter les malades; si on m'envoye au plus miserable, ce me sera une abjection selon le monde, c'est pourquoy je l'aymeray; si on m'envoye [152] a ceux de qualité, c'est une abjection selon l'esprit, car il n'y a pas tant de vertu ni de merite, et j'aymeray donques cette abjection.

  A003000891 

 Il y a encores des actions d'une mesme vertu, dont les unes sont mesprisees et les autres honnorees; donner l'aumosne et pardonner les offenses sont deux actions de charité: la premiere est honnoree d'un chacun, et l'autre mesprisee aux yeux du monde.

  A003000891 

 Un jeune gentilhomme ou une jeune dame qui ne s'abandonnera pas au desreglement d'une troupe desbauchee, a parler, jouer, danser, boire, vestir, sera brocardé et censuré par les autres, et sa modestie sera nommee ou bigoterie ou affaiterie: aymer cela, c'est aymer son abjection.

  A003000892 

 Il y a mesme des fautes esquelles il n'y a aucun mal que la seule abjection; et l'humilité ne requiert pas qu'on les face expressement, mais elle requiert bien qu'on ne s'inquiete point quand on les aura commises: telles sont certaines sottises, incivilités et inadvertances, lesquelles comme il faut eviter avant qu'elles soyent faittes, pour obeir a la civilité et prudence, aussi faut il quand elles sont faittes, acquiescer a l'abjection qui nous en revient, et l'accepter de bon cœur pour suivre la sainte humilité.

  A003000893 

 Au demeurant, il arrive quelquefois que la charité requiert que nous remedions a l'abjection pour le bien du prochain, auquel nostre reputation est necessaire; mais en ce cas la, ostant nostre abjection de devant les yeux du prochain pour empescher son scandale, il la faut serrer et cacher dedans nostre cœur affin qu'il s'en edifie..

  A003000894 

 Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre.

  A003000894 

 Que s'il en falloit choisir, les plus grandes sont les meilleures; et celles la sont estimees les plus grandes qui sont plus contraires a nos inclinations, pourveu qu'elles soyent conformes a nostre vacation; car, pour le dire une fois pour toutes, nostre choix et election gaste et amoindrit presque toutes nos vertus.

  A003000895 

 Je vous ay dit beaucoup de choses qui vous sembleront dures quand vous les considererés; mais croyes-moy, elles seront plus douces que le sucre et le miel quand vous les prattiquerés.[154].

  A003000899 

 Car par la loüange nous voulons persuader aux autres d'estimer l'excellence de quelqu'un; par l'honneur nous protestons que nous l'estimons nous mesmes; et la gloire n'est autre chose, a mon advis, qu'un certain esclat de reputation qui rejaillit de l'assemblage de plusieurs louanges et honneurs: si que les honneurs et loüanges sont comme des pierres pretieuses, de l'amas desquelles reussit la gloire comme un esmail.

  A003000900 

 Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela..

  A003000900 

 Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d'elles mesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neanmoins de beaucoup, non seulement pour les embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu'ilz sont encor tendres; ainsy la bonne renommee, qui de soy mesme n'est pas une chose fort desirable, ne laisse pas d'estre tres utile, non seulement pour l'ornement de nostre vie, mais aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des vertus encor tendres et foibles: l'obligation de maintenir nostre reputation et d'estre telz que l'on nous estime, force un courage genereux, d'une puissante et douce violence.

  A003000901 

 Certes, Philothee, qui veut avoir reputation envers tous, la perd envers tous; et celuy merite de perdre l'honneur, qui le veut prendre de ceux que les vices rendent vrayement infames et deshonnorés..

  A003000901 

 La dissimulation et mespris de l'injure et calomnie est pour l'ordinaire un remede beaucoup plus salutaire que le ressentiment, la conteste et la vengeance: le mespris les fait esvanouir; si on s'en courrouce il semble qu'on les advoüe.

  A003000901 

 Les crocodiles n'endommagent que ceux qui les craignent, ni certes la mesdisance sinon ceux qui s'en mettent en peyne.

  A003000901 

 Les villes qui ont des pontz de bois sur des grans fleuves craignent qu'ilz ne soyent emportés a toutes sortes de debordemens; mais celles qui les ont de pierre n'en sont en peyne que pour des inondations extraordinaires: ainsy ceux qui ont une ame solidement chrestienne mesprisent ordinairement les debordemens des langues injurieuses; mais ceux qui se sentent foibles s'inquietent a tout propos.

  A003000902 

 Car, outre que telz jugemens se font par des niaises et sottes gens, quand on devroit perdre la renommee, si ne faudroit-il pas quitter la vertu ni se destourner du chemin d'icelle, d'autant qu'il faut preferer le fruit aux feuilles, c'est a dire le bien interieur et spirituel a tous les biens exterieurs.

  A003000902 

 La barbe est un ornement au visage de l'homme, et les cheveux a celuy de la femme: si on arrache du tout le poil du menton et les cheveux de la teste, malaysement pourra-il jamais revenir; mais si on le coupe seulement, voire, qu'on le rase, il recroistra bien tost apres et reviendra plus fort et touffu.

  A003000903 

 Il faut quitter cette vaine conversation, cette inutile prattique, cette amitié frivole, cette hantise folastre, si cela nuit a la renommee, car la renommee vaut mieux que toutes sortes de vains contentemens; mais si pour l'exercice de pieté, pour l'avancement en la devotion et acheminement au bien eternel on murmure, on gronde, on calomnie, laissons abbayer les matins contre la lune; car s'ilz peuvent exciter quelque mauvaise opinion contre nostre reputation, et par ainsy couper et raser les cheveux et la barbe de nostre renommee, bien tost elle renaistra, et le rasoir de la mesdisance servira a nostre honneur, comme la serpe a la vigne, qu'elle fait abonder et multiplier en fruitz..

  A003000904 

 Ayons tous-jours les yeux sur Jesus Christ crucifié; marchons en son service avec confiance et simplicité, mais sagement et discretement: il sera le protecteur de nostre renommee, et s'il permet qu'elle nous soit ostee, ce sera pour nous en rendre une meilleure, ou pour nous faire prouffiter en la sainte humilité, de laquelle une seule once vaut mieux que mille livres d'honneur.

  A003000908 

 Le baume (qui, comme j'ay dit cy dessus, prend tous-jours le dessous parmi toutes les liqueurs) represente l'humilité, et l'huyle d'olive, qui prend tous-jours le dessus, represente la douceur et debonnaireté, laquelle surmonte toutes choses et excelle entre les vertus comme estant la fleur de la charité laquelle, selon saint Bernard, est en sa perfection quand non seulement elle est patiente, mais quand outre cela elle est douce et debonnaire.

  A003000908 

 Le saint chresme, duquel par tradition apostolique on use en l'Eglise de Dieu pour les confirmations et benedictions, est composé d'huyle d'olive meslee avec le baume, qui represente entre autres choses les deux cheres et bienaymees vertus qui reluisoient en la sacree Personne de Nostre Seigneur, lesquelles il nous a singulierement recommandees, comme si par icelles nostre cœur devoit estre specialement consacré a son service et appliqué a son imitation: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A003000909 

 On dit que ceux qui ont prins le preservatif que l'on appelle communement la grace de saint Paul, n'enflent point estans morduz et piqués de la vipere, pourveu que la grace soit de la fine: de mesme, quand l'humilité et la douceur sont bonnes et vrayes, elles nous garantissent de l'enflure et ardeur que les injures ont accoustumé de provoquer en nos cœurs.

  A003000909 

 Que si estans piqués et morduz par les mesdisans et ennemis nous devenons fiers, enflés et despités, c'est signe que nos humilités et douceurs ne sont pas veritables et franches, mais artificieuses et apparentes..

  A003000910 

 Je vous en dis de mesme, Philothee: cette miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ne nous courrouçons donq point en chemin les uns avec les autres, marchons avec la trouppe de nos freres et compaignons doucement, paisiblement et amiablement.

  A003000911 

 Ainsy, tandis que la rayson regne et exerce paisiblement les chastimens, corrections et reprehensions, quoy que ce soit rigoureusement et exactement, chacun l'ayme et l'appreuve; mais quand elle conduit avec soy l'ire, la cholere et le courroux, qui sont, dit saint Augustin, ses soldatz, elle se rend plus effroyable qu'amiable et son propre cœur en demeure tous-jours foulé et maltraitté.

  A003000911 

 Il faut voyrement resister au mal et reprimer les vices de ceux que nous avons en charge, constamment et vaillamment, mais doucement et paisiblement.

  A003000911 

 Les princes honnorent et consolent infiniment les peuples quand ilz les visitent avec un train de paix; mais quand ilz conduisent des armees, quoy que ce soit pour le bien public, leurs venues sont tous-jours desaggreables et dommageables, parce qu'encor qu'ilz facent exactement observer la discipline militaire entre les soldatz, si ne peuvent-ilz jamais tant faire qu'il n'arrive tous-jours quelque desordre, par lequel le bon homme est foulé.

  A003000912 

 Mais comment la repousseray je, me dires vous? Il faut, ma Philothee, qu'au premier ressentiment que vous en aures, vous ramassies promptement vos forces, non point brusquement ni impetueusement, mais doucement et neanmoins serieusement; car, comme on void es audiences de plusieurs senatz et parlemens, que les huissiers crians: Paix la, font plus de bruit que ceux qu'ilz veulent faire taire, aussi il arrive maintesfois que voulans avec impetuosité reprimer nostre cholere, nous excitons plus de trouble en nostre cœur qu'elle n'avoit pas fait, et le cœur estant ainsy troublé ne peut plus estre maistre de soy mesme..

  A003000913 

 Car tout ainsy que c'est un souverain remede contre le mensonge que de s'en desdire sur le champ, aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit, ainsy est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur; car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003000913 

 Mais tous-jours je vous advertis que l'orayson qui se fait contre la cholere presente et pressante doit estre prattiquee doucement, tranquillement, et non point violemment; ce qu'il faut observer en tous les remedes qu'on use contre ce mal.

  A003000913 

 » [164] Je veux dire, qu'il faut invoquer le secours de Dieu quand nous nous voyons agités de cholere, a l'imitation des Apostres tourmentés du vent et de l'orage emmi les eaux; car il commandera a nos passions qu'elles cessent, et la tranquillité se fera grande.

  A003000914 

 Et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromatique et odorant, c'est a dire la suavité de la [165] conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du lait entre les domestiques et proches voysins: en quoy manquent grandement ceux qui en rue semblent des anges, et en la mayson, des diables..

  A003000919 

 Il faut donq avoir un desplaysir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car comme un juge chastie bien mieux les meschans faysant ses sentences [166] par rayson et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion, d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsy nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressees et choleres, d'autant que ces repentances faittes avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003000920 

 Croyes moy, Philothee, comme les remonstrances d'un pere faittes doucement et cordialement, ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsy, quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageans a l'amendement, la repentance qu'il en concevra entrera bien plus avant et le penetrera mieux que ne feroit pas une repentance despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003000921 

 Et voudrois sur cette reprehension bastir une solide et ferme resolution de ne plus tomber en la faute, prenant les moyens convenables a cela, et mesmement l'advis de mon directeur..

  A003000921 

 Pour moy, si j'avois par exemple grande affection de ne point tomber au vice de la vanité, et que j'y fusse neanmoins tombé d'une grande cheute, je ne voudrais pas reprendre mon cœur en cette sorte: N'es-tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter a la vanité? meurs de honte, ne leve plus les yeux au ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal a ton Dieu, et semblables choses; mais je voudrois le corriger raysonnablement et par voye de compassion: Or sus, mon pauvre cœur, nous voyla [167] tombés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschapper; ah, relevons-nous et quittons-la pour jamais, reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour des-ormais estre plus fermes, et remettons-nous au chemin de l'humilité; courage, soyons meshui sur nos gardes, Dieu nous aydera, nous ferons prou.

  A003000927 

 Les Anges ont soin pour nostre salut et le procurent avec diligence, mais ilz n'en ont point pour cela de sollicitude, souci, ni d'empressement; car le soin et la diligence appartiennent a leur charité, mais aussi la sollicitude, le souci et l'empressement seroyent totalement contraires a leur felicité, puisque le soin et la diligence peuvent estre accompagnés de la tranquillité et paix d'esprit, mais non pas la sollicitude ni le souci, et beaucoup moins l'empressement.

  A003000927 

 Soyes donq soigneuse et diligente en tous les affaires que vous aurés en charge, ma Philothee, car Dieu vous les ayant confiés veut que vous en ayes un grand soin; mais s'il est possible n'en soyes pas en sollicitude et souci, c'est a dire, ne les entreprenes pas avec inquietude, anxieté et ardeur.

  A003000928 

 Les bourdons font bien plus de bruit et sont bien plus empressés que les abeilles, mais ilz ne font sinon la cire et non point de miel: ainsy ceux qui s'empressent d'un souci cuisant et d'une sollicitude bruyante, ne font jamais ni beaucoup ni bien.

  A003000928 

 Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine portent les grans bateaux et riches marchandises, et les pluyes qui tombent doucement en la campagne la fecondent d'herbes et de graines; mais les torrens et rivieres qui a grans flotz courent sur la terre, ruinent leurs voysinages et sont inutiles au traffic, comme les pluyes vehementes et tempestueuses ravagent les champs et les prairies.

  A003000928 

 Les mouches ne nous inquietent pas par leur effort, mais par la multitude: ainsy les grans affaires ne nous troublent pas tant comme les menus, quand ilz sont en grand nombre.

  A003000928 

 Recevés donq les affaires qui vous arriveront en paix, et taschés de les faire par ordre, l'un apres l'autre; car si vous les voules faire tout a coup ou en desordre, vous feres des effortz qui vous fouleront et allanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés accablee sous la presse, et sans effect..

  A003000929 

 Faites comme les petitz enfans qui de l'une des mains se tiennent a leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des haies; car de mesme, amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains, tenes tous-jours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de tems en tems a luy, pour voir s'il a aggreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003000929 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous seres parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si pressante, vous regardies plus Dieu que les affaires; et quand les affaires sont de si grande importance qu'ilz requierent toute vostre attention pour estre bien faitz, de tems en tems vous regarderés a Dieu, comme font ceux qui navigent en mer lesquelz, pour aller a la terre qu'ilz desirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas ou ilz voguent.

  A003000933 

 Car bien qu'estans voüees, et sur tout solemnellement, elles mettent l'homme en l'estat de perfection, si est ce que pour le mettre en la perfection il suffit qu'elles soyent observees, y ayant bien de la difference entre l'estat de perfection et la perfection, puysque tous les evesques et religieux sont en l'estat de perfection, et tous neanmoins ne sont pas en la perfection, comme il ne se voit que trop.

  A003000933 

 Je ne diray rien de ces trois vertus entant qu'elles sont voiiees solemnellement, parce que cela ne regarde que les religieux; ni mesme entant qu'elles sont voiiees simplement, d'autant qu'encor que le vœu donne tous-jours beaucoup de graces et de merite a toutes les vertus, si est ce que pour nous rendre parfaitz il n'est pas necessaire qu'elles soyent voiiees, pourveu qu'elles soyent observees.

  A003000933 

 L'obeissance consacre nostre cœur, la chasteté nostre cors et la pauvreté nos moyens a l'amour et service de Dieu: ce sont les trois branches de la croix spirituelle, toutes trois neanmoins fondees sur la quatriesme qui est l'humilité.

  A003000933 

 La seule charité nous met en la perfection; mais l'obeissance, la chasteté et la pauvreté sont les trois grans moyens pour l'acquerir.

  A003000933 

 Taschons donques, Philothee, de bien prattiquer ces trois vertus, un chacun selon sa vocation; car encor qu'elles ne nous mettent pas en l'estat de perfection, elles nous donneront neanmoins la [172] perfection mesme; aussi nous sommes tous obligés a la prattique de ces trois vertus, quoy que non pas tous a les prattiquer de mesme façon..

  A003000934 

 Or cette obeissance s'appelle necessaire, parce que nul ne se peut exempter du devoir d'obeir a ces superieurs la, Dieu les ayant mis en authorité de commander et gouverner, chacun en ce qu'ilz ont en charge sur nous.

  A003000937 

 Il faut obeir a tous les superieurs, a chacun neanmoins en ce dequoy il a charge sur nous: comme, en ce qui regarde la police et les choses publiques, il faut obeir aux princes; aux prelatz, en ce qui regarde la police ecclesiastique; es choses domestiques, au pere, au maistre, au mari; quant a la conduite particuliere de l'ame, au directeur et confesseur particulier..

  A003000938 

 Bienheureux sont les obeissans, car Dieu ne permettra jamais qu'ilz s'esgarent..

  A003000938 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés observer par vostre pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures et auront double grace et bonté: [174] l'une, d'elles mesmes, puisqu'elles sont pieuses, et l'autre, de l'obeissance qui les aura ordonnees et en vertu de laquelle elles seront faittes.

  A003000942 

 La chasteté est le lys des vertus, elle rend les hommes presque egaux aux Anges; rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des hommes c'est la chasteté.

  A003000944 

 Pour le troisiesme, n'attaches point vostre affection aux playsirs et voluptés qui sont commandees et ordonnees; car bien qu'il faille prattiquer les delectations necessaires, c'est a dire celles qui regardent la fin et institution du saint mariage, si ne faut-il pas pourtant y jamais attacher le cœur et l'esprit..

  A003000945 

 Ceux qui sont en viduité doivent avoir une chasteté courageuse qui ne mesprise pas seulement les objetz presens et futurs, mais qui resiste aux imaginations que.

  A003000945 

 Et de vray, tandis que les fruitz sont bien entiers ilz peuvent estre conservés, les uns sur la paille, les autres dedans le sable, et les autres en leur propre feuillage; mais estans une fois entamés, il est presque impossible de les garder que par le miel et le sucre, en confiture: ainsy la chasteté qui n'est point encor blessee ni violee peut estre gardee en plusieurs sortes, mais estant une fois entamee, rien ne la peut conserver [177] qu'une excellente devotion, laquelle, comme j'ay souvent dit, est le vray miel et sucre des espritz..

  A003000945 

 Pour ce sujet, saint Augustin admire la pureté de son cher Alipius qui avoit totalement oublié et mesprisé les voluptés charnelles, lesquelles il avoit neanmoins quelquefois experimentees en sa jeunesse.

  A003000945 

 les playsirs loysiblement reçeuz au mariage peuvent produire en leurs espritz, qui pour cela sont plus tendres aux amorces deshonnestes.

  A003000946 

 Les vierges ont besoin d'une chasteté extremement simple et douillette, pour bannir de leur cœur toutes sortes de curieuses pensees et mespriser d'un mespris absolu toutes sortes de playsirs immondes, qui, a la verité, ne meritent pas d'estre desirés par les hommes, puisque les asnes et pourceaux en sont plus capables qu'eux.

  A003000946 

 Que donques ces ames pures se gardent bien de jamais revoquer en doute que la chasteté ne soit incomparablement meilleure que tout ce qui luy est [178] incompatible, car, comme dit le grand saint Hierosme, l'ennemi presse violemment les vierges au desir de l'essay des voluptés, les leur representant infiniment plus plaisantes et delicieuses qu'elles ne sont, ce qui souvent les trouble bien fort, « tandis, » dit ce saint Pere, « qu'elles estiment plus doux ce qu'elles ignorent.

  A003000946 

 » Car, comme le petit papillon voyant la flamme va curieusement voletant autour d'icelle pour essayer si elle est aussi douce que belle, et pressé de cette fantasie ne cesse point qu'il ne se perde au premier essay, ainsy les jeunes gens bien souvent se laissent tellement saisir de la fause et sotte estime qu'ilz ont du playsir des flammes voluptueuses, qu'apres plusieurs curieuses pensees ilz s'y vont en fin finale ruiner et perdre; plus sotz en cela que les papillons, d'autant que ceux-ci ont quelque occasion de cuider que le feu soit delicieux puisqu'il est si beau, ou ceux-la sçachans que ce qu'ilz recherchent est extremement deshonneste ne laissent pas pour cela d'en surestimer la folle et brutale delectation..

  A003000947 

 Mais quant a ceux qui sont mariés, c'est chose veritable, et que neanmoins le vulgaire ne peut penser, que la chasteté leur est fort necessaire, parce qu'en eux elle ne consiste pas a s'abstenir absolument des playsirs charnelz, mais a se contenir entre les playsirs.

  A003000948 

 Certes, sainte Catherine de Sienne vit entre les damnés plusieurs ames grandement tourmentees pour avoir violé la sainteté du mariage: [180] ce qui estoit arrivé, disoit-elle, non pas pour la grandeur du peché, car les meurtres et les blasphemes sont plus enormes, mais « d'autant que ceux qui le commettent n'en font point de conscience », et par consequent continuent longuement en iceluy..

  A003000948 

 J'adjouste que la varieté des affaires humains, outre les longues maladies, separe souvent les maris d'avec leurs femmes, c'est pourquoy les mariés ont besoin de deux sortes de chasteté: l'une, pour l'abstinence absolue quand ilz sont separés, es occasions que je viens de dire; l'autre, pour la moderation quand ilz sont ensemble en leur train ordinaire.

  A003000949 

 Non, Philothee, Nul ne verra Dieu sans la chasteté, nul n'habitera en son saint tabernacle qui ne soit net de cœur; et, comme dit le Sauveur mesme, Les chiens et impudiques en seront bannis, et Bienheureux sont les netz de cœur, car ilz verront Dieu..

  A003000953 

 Soyés extremement prompte a vous destourner de tous les acheminemens et de toutes les amorces de la lubricité, car ce mal agit insensiblement, et par des petitz commencemens fait progres a des grans accidens: il est tous-jours plus aysé a fuir qu'a guerir..

  A003000954 

 Les cors humains ressemblent a des verres, qui ne peuvent estre portés les uns avec les autres en se touchant sans courir fortune de se rompre, et aux fruitz, lesquelz, quoy qu'entiers et bien assaisonnés, reçoivent [181] de la tare s'entretouchans les uns les autres.

  A003000955 

 L'Espouse sacree, au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la myrrhe, liqueur preservative de la corruption; ses levres sont bandees d'un ruban vermeil, marque de la pudeur des paroles; ses yeux sont de colombe, a rayson de leur netteté; ses oreilles ont des pendans d'or, enseigne de pureté; son nés est parmi les cedres du Liban, bois incorruptible.

  A003000955 

 La chasteté depend du cœur comme de son origine, mais elle regarde le cors comme sa matiere; c'est pourquoy elle se perd par tous les sens exterieurs du cors et par les cogitations et desirs du cœur.

  A003000955 

 Les abeilles non seulement ne veulent pas toucher les charognes, mais fuient et haïssent extremement toutes sortes de puanteurs qui en proviennent.

  A003000956 

 Je dis: pour le moins, parce qu'elle en meurt et perit du tout quand les sottises et lascivetés donnent a la chair le dernier effect du playsir voluptueux, ains alhors la chasteté perit plus indignement, meschamment et malheureusement, que quand elle se perd par la fornication, voire par l'adultere et l'inceste; car ces dernieres especes de vilenies ne sont que des pechés, mais les autres, comme dit Tertullien, au livre De la Pudicité, sont des «monstres» d'iniquité et de peché.

  A003000956 

 Or Cassianus ne croit pas, ni moy non plus, que saint Basile eust esgard a tel desreglement quand il s'accuse de n'estre pas vierge, car je pense qu'il ne disoit cela que pour les mauvaises et voluptueuses pensees, lesquelles, bien qu'elles n'eussent pas souillé son cors, avoient neanmoins contaminé le cœur, de la chasteté duquel les ames genereuses sont extremement jalouses..

  A003000956 

 » Certes, la chasteté se peut perdre en autant de façons qu'il y a d'impudicités et lascivetés, lesquelles, selon qu'elles sont grandes ou petites, les unes l'affoiblissent, les autres la blessent et les autres la font tout a fait mourir.

  A003000957 

 Au contraire, hantés les gens chastes et vertueux, pensés et lises souvent aux choses sacrees, car la parole de Dieu est chaste et rend ceux qui s'y plaisent chastes, qui fait que David la compare au topase, pierre pretieuse, laquelle par sa proprieté amortit l'ardeur de la concupiscence..

  A003000957 

 Ne hantés nullement les personnes impudiques, principalement si elles sont encor impudentes, comme elles sont presque tous-jours; car, comme les boucz touchans [183] de la langue les amandiers doux les font devenir amers, ainsy ces ames puantes et cœurs infectz ne parlent guere a personne, ni de mesme sexe ni de divers sexe, qu'elles ne le facent aucunement deschoir de la pudicité: elles ont le venin aux yeux et en l'haleyne comme les basilicz.

  A003000962 

 Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est a eux; malheureux donq sont les riches d'esprit, car la misere d'enfer est pour eux.

  A003000962 

 Celuy est riche d'esprit lequel a ses richesses dedans son esprit, ou son esprit dedans les richesses; celuy est pauvre d'esprit qui n'a nulles richesses dans son esprit, ni son esprit dedans les richesses.

  A003000962 

 Les alcions [184] font leurs nid comme une paume, et ne laissent en iceux qu'une petite ouverture du costé d'en haut; ilz les mettent sur le bord de la mer, et au demeurant les font si fermes et impenetrables que les ondes les surprenans, jamais l'eau n'y peut entrer; ains tenans tous-jours le dessus, ilz demeurent emmi la mer, sur la mer et maistres de la mer.

  A003000962 

 Vostre cœur, chere Philothee, doit estre comme cela, ouvert seulement au ciel, et impenetrable aux richesses et choses caduques: si vous en aves, tenes vostre cœur exempt de leurs affections; qu'il tienne tous-jours le dessus, et qu'emmi les richesses.

  A003000963 

 Non, ne mettes pas cet esprit celeste dedans les biens terrestres; faites qu'il leur soit tous-jours superieur, sur eux, non pas en eux..

  A003000964 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection c'est le grand bonheur du Chrestien; car il a par ce moyen les commodités des richesses pour ce monde et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003000964 

 Il y a difference entre avoir du poison et estre empoisonné: les apothicaires ont presque tous des poisons pour s'en servir en diverses occurences, mais ilz ne sont pas pour cela empoisonnés, parce qu'ilz n'ont pas le poison dedans le cors, mais dedans leurs boutiques; ainsy pouves-vous avoir des richesses sans estre empoisonnee par icelles: ce sera si vous les aves en vostre mayson ou en vostre bourse, et non pas en vostre cœur.

  A003000965 

 On s'excuse sur la charge des enfans qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'establisse en moyens: jamais on n'en a trop, il se treuve tous-jours certaines necessités d'en avoir davantage; et mesme les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'estre, mays ilz ne [185] pensent pas en leur conscience de l'estre; non, car l'avarice est une fievre prodigieuse, qui se rend d'autant plus insensible qu'elle est plus violente et ardente.

  A003000966 

 Si vous desirés longuement, ardemment et avec inquietude les biens que vous n'aves pas, vous aves beau dire que vous ne les voules pas avoir injustement, car pour cela vous ne laisseres pas d'estre vrayement avare.

  A003000968 

 Si vous affectionnes fort les biens que vous aves, si vous en estes fort embesoignee, mettant vostre cœur en iceux, y attachant vos pensees et craignant d'une crainte vive et empressee de les perdre, croyes-moy, vous aves encor quelque sorte de fievre; car les febricitans boivent l'eau qu'on leur donne avec un certain empressement, avec une sorte d'attention et d'ayse que ceux qui sont sains n'ont point accoustumé d'avoir: il n'est pas possible de se plaire beaucoup en une chose, que l'on n'y mette beaucoup d'affection.

  A003000974 

 Ayes beaucoup plus de soin de rendre vos biens utiles et fructueux que les mondains n'en ont pas.

  A003000974 

 Dites moy, les jardiniers des grans princes ne sont-ilz pas plus curieux et diligens a cultiver et embellir les jardins qu'ilz ont en charge, que s'ilz leur appartenoyent en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ilz considerent ces jardins la comme jardins des princes et des rois, ausquelz ilz desirent de se rendre aggreables par ces services la.

  A003000974 

 Ma Philothee, les possessions que nous avons ne sont pas nostres: Dieu les nous a donnees a cultiver et veut que nous les rendions fructueuses et utiles, et partant nous luy faisons service aggreable d'en avoir soin.

  A003000974 

 Mais prenés garde que l'amour propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on diroit que c'est luy: or, pour empescher qu'il ne vous deçoive, et que ce soin des biens temporelz ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ay dit au chapitre precedent, il nous faut prattiquer bien souvent la pauvreté reelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a donnees..

  A003000974 

 Mays il faut donq que ce soit un soin plus grand et solide que celuy que les mondains ont de leurs biens, car ilz ne s'embesoignent [188] que pour l'amour d'eux mesmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soy mesme est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour luy est plein de trouble, de chagrin, d'inquietude; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procede, quoy que ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

  A003000975 

 Quittes donq tous-jours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur; car donner ce qu'on a c'est s'appauvrir d'autant, et plus vous donneres plus vous vous appauvrirés.

  A003000976 

 Aymes les pauvres et la pauvreté, car par cet amour vous deviendres vrayement pauvre, puisque, comme dit l'Escriture, nous sommes faitz comme les choses que nous aymons.

  A003000976 

 L'amour egale les amans: Qui est infirme avec lequel je ne sois infirme? dit saint Paul.

  A003000976 

 Or, si vous aymes les pauvres, mettes-vous souvent parmi eux: prenes playsir a les voir chez vous et a les visiter chez eux; conversés volontier avec eux; soyes bien ayse qu'ilz vous approchent aux eglises, aux rües et ailleurs.

  A003000976 

 Si donques vous aymes les pauvres, vous seres vrayement participante de leur pauvreté, et pauvre comme eux.

  A003000977 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre: rendés-vous donq servante des pauvres; alles les servir dans leurs lictz quand ilz sont malades, je dis de vos propres mains; soyes leur cuisiniere, et a vos propres despens; soyes leur lingere et blanchisseuse.

  A003000977 

 Voules-vous faire encores davantage, ma Philothee? ne vous contentes pas d'estre pauvre comme les pauvres, mais soyes plus pauvre que les pauvres.

  A003000978 

 Il servoit fort souvent a la table des pauvres qu'il nourrissoit, et en faisoit venir presque tous les jours trois a la sienne, et souvent il mangeoit les restes de leur potage avec un amour nompareil.

  A003000978 

 Quand il visitoit les hospitaux des malades (ce qu'il faisoit fort souvent), il se mettoit ordinairement a servir ceux qui avoient les maux les plus horribles, comme ladres, chancreux et autres semblables, et leur faisoit tout son service a teste nue et les genoux a terre, [190] respectant en leur personne le Sauveur du monde, et les cherissant d'un amour aussi tendre qu'une douce mere eust sceu faire son enfant.

  A003000978 

 Sainte Elizabeth, fille du Roy d'Hongrie, se mesloit ordinairement avec les pauvres, et pour se recreer s'habilloit quelquefois en pauvre femme parmi ses dames, leur disant: Si j'estois pauvre je m'habillerois ainsy.

  A003000980 

 Il arrive quelque-fois chez nous un hoste que nous voudrions et devrions bien traitter, il n'y a pas moyen pour l'heure; on a ses beaux habitz en un lieu, on en auroit besoin en un autre ou il seroit requis de paroistre; il arrive que tous les vins de la cave se poussent et tournent, il n'en reste plus que les mauvais et verds; on se treuve aux champs dans quelque bicoque ou tout manque: on n'a lict, ni chambre, ni table, ni service.

  A003000980 

 Philothee, soyes bien ayse de ces rencontres, acceptes-les de bon cœur, souffres-les gayement..

  A003000981 

 C'est la difference des bestes et des hommes quant a leurs robbes: car les robbes des bestes tiennent a leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquees, en sorte qu'ilz puissent les mettre et oster quand ilz veulent..

  A003000981 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilités, les larcins, les proces, o c'est alhors la vraye saison de pratiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions [191] de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment a cet appauvrissement.

  A003000981 

 Quand nos moyens nous tiennent au cœur, si la tempeste, si le larron, si le chicaneur nous en arrache quelque partie, quelles plaintes, quelz troubles, quelles impatiences en avons-nous! mais quand nos biens ne tiennent qu'au soin que Dieu veut que nous en ayons et non pas a nostre cœur, si on nous les arrache, nous n'en perdrons pourtant pas le sens ni la tranquillité.

  A003000985 

 Ayes patience, vous estes en bonne compaignie: Nostre Seigneur, Nostre Dame, les Apostres, tant de Saintz et de Saintes ont esté pauvres, et pouvans estre riches ilz ont mesprisé de l'estre.

  A003000985 

 Combien y a-il de grans mondains qui, avec beaucoup de contradictions, sont allés rechercher avec un soin nompareil la sainte pauvreté dedans les cloistres et les hospitaux? Ilz ont pris beaucoup de peyne pour la treuver, tesmoin saint Alexis, sainte Paule, saint Paulin, sainte Angele et tant d'autres; et voyla, Philothee, que, plus gracieuse en vostre endroit, elle se vient presenter chez vous; vous l'aves rencontree sans la chercher et sans peyne: embrasses-la donq comme la chere amie de Jesus Christ, qui naquit, vesquit et mourut avec la pauvreté, qui fut sa nourrice toute sa vie..

  A003000993 

 L'amour tient le premier rang entre les passions de l'ame: c'est le roy de tous les mouvemens du cœur, il convertit tout le reste a soy et nous rend telz que ce qu'il ayme.

  A003000993 

 Or l'amitié est le plus dangereux amour de tous, parce que les autres amours peuvent estre sans communication, mays l'amitié estant totalement fondee sur icelle, on ne peut presque l'avoir avec une personne sans participer a ses qualités..

  A003000994 

 Et ne suffit pas qu'il soit mutuel, mais il faut que les parties qui s'entr'ayment sçachent leur reciproque affection, car si elles l'ignorent elles auront de l'amour, mais non pas de l'amitié.

  A003000995 

 Selon la diversité des communications l'amitié est aussi diverse, et les communications sont differentes selon la difference des biens qu'on s'entrecommunique: si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fause et vaine, si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye; et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié.

  A003000996 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutale, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes que celles des asnes et chevaux pour semblables effectz; et s'il n'y avoit nulle autre communication au mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié; mais, parce qu'outre celle-la il y a en iceluy la communication de la vie, de l'industrie, des biens, des affections et d'une indissoluble [195] fidelité, c'est pourquoy l'amitié du mariage est une vraÿe amitié et sainte..

  A003000997 

 Ce sont ordinairement les amitiés des jeunes gens, qui se tiennent aux moustaches, aux cheveux, aux œillades, aux habitz, a la morgue, a la babillerie: amitiés dignes de l'aage des amans qui n'ont encor aucune vertu qu'en bourre ni nul jugement qu'en bouton; aussi telles amitiés ne sont que passageres et fondent comme la neige au soleil.

  A003000997 

 J'appelle vertus frivoles certaines habilités et qualités vaines que les foibles espritz appellent vertus et perfections.

  A003000997 

 Or, comme tout cela regarde les sens, aussi les amitiés qui en proviennent s'appellent sensuelles, vaines et frivoles, et meritent plustost le nom de folastrerie que d'amitié.

  A003000997 

 Oyes parler la pluspart des filles, des femmes et des jeunes gens, ilz ne se feindront nullement de dire: un tel gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfections, car il danse bien, il joue bien a toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans tiennent pour les plus vertueux d'entre eux ceux qui sont les plus grans bouffons.

  A003001001 

 Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s'abismer en des charnalités et lascivetés fort vilaines, si est ce que ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les exercent; autrement ce ne seroyent plus amourettes, ains impudicités manifestes.

  A003001001 

 Or, par icelles, les cœurs des hommes et des femmes demeurent pris et engagés et entrelacés les uns avec les autres en vaines et folles affections, fondees sur ces frivoles communications et chetifz aggreemens desquelz je viens de parler.

  A003001002 

 Les autres se laissent aller a cela par vanité, leur estant advis que ce ne soit pas peu de gloire de prendre et lier les cœurs par amour; et ceux ci, faysant leur election pour la gloire, dressent leurs pieges et tendent leurs toyles en des lieux specieux, relevés, rares et illustres.

  A003001002 

 Les autres sont portés et par leur inclination amoureuse et par la vanité tout ensemble, car encores qu'ilz ayent le cœur contourné a l'amour, si ne veulent-ilz pourtant pas en prendre qu'avec quelque advantage de gloire.

  A003001002 

 Les uns n'ont d'autre dessein que d'assouvir leurs cœurs a donner et recevoir de l'amour, suivans en cela leur inclination amoureuse, et ceux ci ne regardent a rien pour le choix de leurs amours sinon a leur goust et instinct, si qu'a la rencontre d'un sujet aggreable, sans examiner l'interieur ni les deportemens d'iceluy, ilz commenceront cette communication d'amourettes et se fourreront dedans les miserables filetz desquelz par apres ilz auront peyne de sortir.

  A003001004 

 Garde bien, o ma langue parleuse, de dire ce qui arrivera par apres; si diray-je neanmoins encor cette verité: rien de tout ce que les jeunes gens et les femmes disent ou font ensemble en ces [199] folles complaisances n'est exempt de grans esguillons.

  A003001004 

 Saint Gregoire Nazianzene, escrivant contre les femmes vaynes, dit merveilles sur ce sujet; en voyci une petite piece qu'il addresse voyrement aux femmes, mais bonne encores pour les hommes: «Ta naturelle beauté suffit pour ton mari; que si elle est pour plusieurs hommes, comme un filet tendu pour une troupe d'oyseaux, qu'en arrivera-il? celuy la te plaira qui se plaira en ta beauté, tu rendras œillade pour œillade, regard pour regard; soudain suivront les sousris et petitz motz d'amour, laschés a la desrobee pour le commencement, mais bien tost on s'apprivoisera et passera-on a la cajolerie manifeste.

  A003001004 

 Tous les fatras d'amourettes se tiennent l'un a l'autre et s'entresuivent tous, ne plus ne moins qu'un fer tiré par l'aymant en tire plusieurs autres consecutivement.».

  A003001007 

 Ces amourettes font les mesmes nuysances a l'ame, car elles l'occupent tellement et tirent si puissamment ses mouvemens qu'elle ne peut pas apres suffire a aucune bonne œuvre; les feuilles, c'est a dire les entretiens, amusemens et muguetteries sont si frequentes qu'elles dissipent tout le loysir; et en fin elles attirent tant de tentations, distractions, soupçons et autres consequences, que tout le cœur en est foulé et gasté.

  A003001007 

 Le noyer nuit grandement aux vignes et aux champs esquelz il est planté, parce qu'estant si grand, il attire tout le suc de la terre, qui ne peut par apres suffire a nourrir le reste des plantes; ses feuillages sont si touffus qu'ilz font un ombrage grand et espais, et en fin il attire les passans a soy, qui, pour abattre son fruit, gastent et foulent tout autour.

  A003001011 

 O Philothee, aymés un chacun d'un grand amour charitable, mais n'ayes point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettres en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaitte.

  A003001012 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle ci, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparayson de ce grand lien de la sainte devotion qui est tout d'or.

  A003001012 

 Je ne parle pas ici de l'amour simple de charité, car il doit estre porté a tous les hommes; mais je parle de l'amitié spirituelle, par laquelle deux ou trois ou plusieurs ames se communiquent leur devotion, leurs affections spirituelles, et se rendent un seul esprit entre elles.

  A003001012 

 Ne faites point d'amitié d'autre sorte, je veux dire des amitiés que vous faites; car il ne faut pas ni quitter ni mespriser pour cela les amitiés que la nature et les precedens devoirs vous obligent de cultiver, des parens, des alliés, des bienfaiteurs, des voysins et autres; je parle de celles que vous choisissés vous mesme..

  A003001012 

 Qu'a bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voyci combien il est bon et aggreable que les freres habitent ensemble! Ouy, car le baume delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre par une continuelle participation, si qu'on peut dire que Dieu a respandu sur cette amitié sa benediction et la vie jusques aux siecles des siecles.

  A003001013 

 Car attendu qu'en un monastere bien reglé le dessein commun de tous tend a la vraye devotion, il n'est pas requis d'y faire ces particulieres communications, de peur que cherchant en particulier ce qui est commun, on ne passe des particularités aux partialités; mais quant a ceux qui sont entre les mondains et qui embrassent la vraÿe vertu, il leur est necessaire de s'allier les uns aux autres par une sainte et sacree amitié; car par le moyen d'icelle ilz s'animent, ilz s'aydent, ilz s'entreportent au bien.

  A003001013 

 Et comme ceux qui cheminent en la plaine n'ont pas besoin de se prester la main, mais ceux qui sont es chemins scabreux et glissans s'entretiennent l'un l'autre pour cheminer plus seurement, ainsy ceux qui sont es Religions n'ont pas besoin des amitiés particulieres, mais ceux qui sont au monde en ont necessité pour s'asseurer et secourir les uns les autres, parmi tant de mauvais passages qu'il leur faut franchir.

  A003001013 

 Plusieurs vous diront peut estre qu'il ne faut avoir aucune sorte de particuliere affection et amitié, d'autant que cela occupe le cœur, distrait l'esprit, engendre les [203] envies: mais ilz se trompent en leurs conseilz; car ilz ont veu es escritz de plusieurs saintz et devotz autheurs que les amitiés particulieres et affections extraordinaires nuisent infiniment aux religieux; ilz cuydent que c'en soit de mesme du reste du monde, mais il y a bien a dire.

  A003001014 

 Que s'il ne faut pas croire ceux qui disent que toutes choses sont en toutes choses, si nous faut-il pourtant adjouster foy que nous estions tous deux en l'un de nous, et l'un en l'autre; une seule pretention avions-nous tous deux, de cultiver la vertu et accommoder les desseins de nostre vie aux esperances futures, sortans ainsy hors de la terre mortelle avant que d'y mourir.

  A003001014 

 » Saint Augustin tesmoigne que saint Ambroise aymoit uniquement sainte Monique, pour les rares vertus qu'il voyoit en elle, et qu'elle reciproquement le cherissoit comme un Ange de Dieu..

  A003001015 

 Et saint Thomas, comme tous les bons philosophes, confesse que l'amitié est une vertu: or, il parle de l'amitié particuliere, puisque, comme il dit, la parfaitte amitié ne peut s'estendre a beaucoup de personnes.

  A003001015 

 Saint Hierosme, saint Augustin, saint Gregoire, saint Bernard et tous les plus grans serviteurs de Dieu ont eu de tres particulieres amitiés sans interest de leur perfection.

  A003001015 

 Saint Paul reprochant le detraquement des Gentilz, les accuse d'avoir esté gens sans affection, c'est a dire qui n'avoient aucune amitié.

  A003001019 

 Le miel d'Heraclee, qui est si veneneux, ressemble a l'autre qui est si salutaire: il y a grand danger de prendre l'un pour l'autre ou de les prendre meslés, car la bonté de l'un n'empescheroit pas la nuysance de l'autre.

  A003001019 

 On commence par l'amour vertueux, mais si on n'est fort sage l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme il y a danger en l'amour spirituel si on n'est fort sur sa garde, bien qu'en celuy cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus connoissables les souïlleures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy quand il l'entreprend il fait cela plus finement, et essaye de glisser les impuretés presque insensiblement..

  A003001020 

 En fin le miel d'Heraclee donne une grande amertume en la bouche: ainsy les fauses amitiés se convertissent et terminent en paroles et demandes charnelles et puantes, ou, en cas de refus, a des injures, calomnies, impostures, tristesses, confusions et jalousies qui aboutissent bien souvent en abrutissement et forcenerie; mais la chaste amitié est tous-jours egalement honneste, civile et [207] amiable, et jamais ne se convertit qu'en une plus parfaitte et pure union d'espritz, image vive de l'amitié bienheureuse que l'on exerce au Ciel..

  A003001020 

 Le miel d'Heraclee trouble la veuë, et cette amitié mondaine trouble le jugement, en sorte que ceux qui en sont atteins pensent bien faire en mal faisant, et cuydent que leurs excuses, pretextes et paroles soyent des vrayes raysons; ilz craignent la lumiere et ayment les tenebres, mais l'amitié sainte a les yeux clairvoyans et ne se cache point, ains paroist volontier devant les gens de bien.

  A003001021 

 Saint Gregoire Nazianzene dit que le paon faisant son cri lhors qu'il fait sa rouë et pavonnade excite grandement les femelles qui l'escoutent a la lubricité: quand on voit un homme pavonner, se parer et venir comme cela cajoler, chuchoter et barguigner aux oreilles d'une femme ou d'une fille, sans pretention d'un juste mariage, ha! sans doute ce n'est que pour la provoquer a quelque impudicité; et la femme d'honneur bouchera ses oreilles pour ne point ouïr le cri de ce paon et la voix de l'enchanteur qui la veut enchanter finement: que si elle escoute, o Dieu, quel mauvais augure de la future perte de son cœur!.

  A003001022 

 Les jeunes gens qui font des contenances, grimaces et caresses, ou disent des parolles esquelles ilz ne voudroient pas estre surprins par leurs peres, meres, maris, femmes ou confesseurs tesmoignent en cela qu'ilz traittent d'autre chose que de l'honneur et de la conscience.

  A003001026 

 Les chevres, selon Alcmeon, haleynent par les oreilles et non par les naseaux: il est vray qu'Aristote le nie or ne sçay-je ce que c'en est, mais je sçay bien pourtant [209] que nostre cœur haleyne par l'oreille, et que comme il aspire et exhale ses pensees par la langue, il respire aussi par l'oreille, par laquelle il reçoit les pensees des autres.

  A003001026 

 Mais quelz remedes contre cette engeance et formiliere de folles amours, folastreries, impuretés? Soudain que vous en aures les premiers ressentimens, tournes vous court de l'autre costé, et, avec une detestation absolue de cette vanité, coures a la Croix du Sauveur et prenes sa couronne d'espines pour en environner vostre cœur, affin que ces petitz renardeaux n'en approchent.

  A003001026 

 O ma Philothee, pour Dieu, soyes rigoureuse en telles occasions: le cœur et les oreilles s'entretiennent l'un a l'autre, et comme il est impossible d'empescher un torrent qui a pris sa descente par le pendant d'une montaigne, aussi est-il difficile d'empescher que l'amour qui est tombé en l'oreille ne face soudain sa cheute dans le cœur.

  A003001028 

 Que si vous estes des-ja prinse dans les filetz de ces folles amours, o Dieu, quelle difficulté de vous en desprendre! Mettés vous devant sa divine Majesté, connoissés en sa presence la grandeur de vostre misere, vostre foiblesse et vanité; puys, avec le plus grand effort de cœur qu'il vous sera possible, detestés ces amours commencees, abjurés la vayne profession que vous en aves faitte, renoncés a toutes les promesses receuës, et d'une grande et tres absolue volonté, arrestés en vostre cœur et vous resoulvés de ne jamais plus rentrer en ces jeux et entretiens d'amour..

  A003001029 

 Le changement de lieu sert extremement pour apaiser les ardeurs et inquietudes, soit de la douleur soit de l'amour.

  A003001030 

 Je crie tout haut a quicomque est tombé dans ces pieges d'amourettes: taillés, tranchés, rompés; il ne faut pas s'amuser a descoudre ces folles amitiés, il les faut deschirer, il n'en faut pas desnouer les liaysons, il les faut rompre ou couper; aussi bien les cordons et liens n'en valent rien.

  A003001031 

 Mais apres que j'auray ainsy rompu les chaynes de [211] cet infame esclavage, encor m'en restera-il quelque ressentiment, et les marques et traces des fers en demeureront encor imprimees en mes pieds, c'est a dire en mes affections.

  A003001031 

 Mais si, pour l'imperfection de vostre repentir, il vous reste encor quelques mauvaises inclinations, procurés pour vostre ame une solitude mentale, selon ce que je vous ay enseigné ci devant, et retirés vous y le plus que vous pourres, et par mille reiterés eslancemens d'esprit renoncés a toutes vos inclinations, reniés les de toutes vos forces; lisés plus que l'ordinaire des saintz livres, confessés vous plus souvent que de coustume et vous communiés, conferés humblement et naifvement de toutes les suggestions et tentations qui vous arriveront pour ce regard avec vostre directeur, si vous pouves, ou au moins avec quelque ame fidele et prudente; et ne doutés point que Dieu ne vous affranchisse de toutes passions, pourveu que vous continuies fidelement en ces exercices..

  A003001032 

 Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom..

  A003001036 

 Certes, les abeilles qui amassent le miel d'Heraclee ne cherchent que le miel, mais avec le miel elles succent insensiblement les qualités veneneuses de l'aconit sur lequel elles font leur cueillette.

  A003001036 

 Et quelle rayson y a-il de recevoir pesle mesle les tares et imperfections de l'ami avec son amitié? Il le faut certes aymer nonobstant son imperfection, mais il ne faut ni aymer ni recevoir son imperfection; car l'amitié requiert la communication du bien et non pas du mal.

  A003001036 

 Il faut [214]sans doute supporter doucement l'ami en ses imperfections, mais non pas le porter en icelles, et beaucoup moins les transporter en nous..

  A003001036 

 L'amitié requiert une grande communication entre les amans, autrement elle ne peut ni naistre ni subsister.

  A003001036 

 Or donq, Philothee, il faut bien prattiquer en ce sujet la parolle que le Sauveur de nos ames souloit dire, ainsy que les [213] Anciens nous ont appris: «Soyes bons changeurs» et monnoyeurs, c'est a dire, ne recevés pas la fause monnoye avec la bonne, ni le bas or avec le fin or; separés le pretieux d'avec le chetif: ouy, car il n'y a presque celuy qui n'ait quelque imperfection.

  A003001037 

 La vraye et vivante amitié ne peut durer entre les pechés.

  A003001037 

 Mays je ne parle que des imperfections; car quant aux pechés il ne faut ni les porter ni les supporter en l'ami.

  A003001038 

 La societé faitte pour le prouffit temporel entre les marchans n'a que l'image de la vraye amitié; car elle se fait non pour l'amour des personnes mais pour l'amour du gain..

  A003001043 

 Pour moy, Philothee, je n'ay jamais peu appreuver la methode de ceux qui pour reformer l'homme commencent par l'exterieur, par les [216] contenances, par les habitz, par les cheveux.

  A003001045 

 Si vous pouves supporter le jeusne, vous feres bien de jeusner quelques jours, outre les jeusnes que l'Eglise nous commande; car outre l'effect ordinaire du jeusne, d'eslever l'esprit, reprimer la chair, prattiquer la vertu et acquerir plus grande recompense au Ciel, c'est un grand bien de se maintenir en la possession de gourmander la gourmandise mesme, et tenir l'appetit sensuel et le cors sujet a la loy de l'esprit; et bien qu'on ne jeusne pas beaucoup, l'ennemi neanmoins nous craint davantage quand il connoist que nous sçavons jeusner.

  A003001045 

 [217] Les mercredi, vendredi et samedi sont les jours esquelz les anciens Chrestiens s'exerçoient le plus a l'abstinence: prenes en donq de ceux la pour jeusner, autant que vostre devotion et la discretion de vostre directeur vous le conseilleront..

  A003001046 

 J'ay appris par experience que le petit asnon estant las en chemin cherche de s'escarter;» c'est a dire, les jeunes gens portés a des infirmités par l'exces des jeusnes, se convertissent aysement aux delicatesses.

  A003001046 

 Je dirois volontier comme saint Hierosme dit a la bonne dame Leta: «Les jeusnes longs et immoderés me desplaisent bien fort, sur tout en ceux qui sont en aage encor tendre.

  A003001046 

 Le defaut de cette moderation es jeusnes, disciplines, haires et aspretés rend inutiles au service de la charité les meilleures annees de plusieurs, comme il fit mesme a saint Bernard qui se repentit d'avoir usé de trop d'austerité; et d'autant qu'ilz l'ont maltraitté au commencement, ilz sont contrains de le flatter a la fin.

  A003001046 

 Les cerfz courent mal en deux tems: quand ilz sont trop chargés de venaison et quand ilz sont trop maigres.

  A003001046 

 N'eussent-ilz pas mieux fait de luy faire un traittement egal, et proportionné aux offices et travaux ausquelz leurs conditions les obligeoyent?.

  A003001047 

 Et partant, generalement, il est mieux de garder plus de forces corporelles qu'il n'est requis, que d'en ruiner plus qu'il ne faut; car on peut tous-jours les abbattre quand on veut, mays on ne les peut pas reparer tous-jours quand on veut..

  A003001047 

 L'un a de la peyne [218] a jeusner, l'autre en a a servir les malades, visiter les prisonniers, confesser, prescher, assister les desolés, prier et semblables exercices: cette peyne vaut mieux que celle la; car outre qu'elle matte egalement, elle a des fruitz beaucoup plus desirables.

  A003001047 

 Si le travail que vous feres vous est necessaire, ou fort utile a la gloire de Dieu, j'ayme mieux que vous souffries la peyne du travail que celle du jeusne: c'est le sentiment de l'Eglise, laquelle, pour les travaux utiles au service de Dieu et du prochain, descharge ceux qui les font du jeusne mesme commandé.

  A003001048 

 Et en cette nonchalance de ce qu'on doit manger et qu'on boit gist la perfection de la prattique de ce mot sacré: Manges ce qui [219] vous sera mis devant. J'excepte neanmoins les viandes qui nuisent a la santé ou qui mesme incommodent l'esprit, comme font a plusieurs les viandes chaudes et espicees, fumeuses, venteuses; et certaines occasions esquelles la nature a besoin d'estre recreée et aydee, pour pouvoir soustenir quelque travail a la gloire de Dieu.

  A003001048 

 Une continuelle et moderee sobrieté est meilleure que les abstinences violentes faittes a diverses reprises et entremeslees de grans relaschemens..

  A003001050 

 Certes, ce tems la est le plus gracieux, le plus doux et le moins embarrassé; les oyseaux mesmes nous provoquent en iceluy au resveil et aux louanges de Dieu: si que le lever matin sert a la santé et a la sainteté..

  A003001050 

 Et parce que l'Escriture Sainte, en cent façons, l'exemple des Saintz et les raysons naturelles nous recommandent grandement les matinees, comme les meilleures et plus fructueuses pieces de nos jours, et que Nostre Seigneur mesme est nommé Soleil levant et Nostre Dame, Aube du jour, je pense que c'est un soin vertueux de prendre son sommeil devers le soir a bonne heure, pour pouvoir prendre son resveil et faire son lever de bon matin.

  A003001051 

 L'asnesse, qui voyoit l'Ange, s'arresta par trois diverses fois comme restive; Balaam cependant la frappoit cruellement de son baston pour la faire avancer, jusques a la troisiesme fois qu'elle, estant couchee tout [220] a fait sous Balaam, luy parla par un grand miracle, disant: Que t'ay-je fait? pourquoy tu m'as battue des-ja par trois fois? Et tost apres, les yeux de Balaam furent ouvertz, et il vit l'Ange qui luy dit: Pourquoy as-tu battu ton asnesse? si elle ne se fust destoumee de devant moy je t'eusse tué et l'eusse reservee.

  A003001052 

 O pauvre ame, si ta chair pouvoit parler comme l'asnesse de Balaam, elle te diroit: pourquoy me frappes-tu, miserable? c'est contre toy, o mon ame, que Dieu arme sa vengeance, c'est toy qui es la criminelle; pourquoy me conduis-tu aux mauvaises conversations? pourquoy appliques-tu mes yeux, mes mains, mes levres aux lascivetés? pourquoy me troubles-tu par des mauvaises imaginations? Fay des bonnes pensees, et je n'auray pas de mauvais mouvemens; hante les gens pudiques, et je ne seray point agitee de ma concupiscence.

  A003001057 

 Rechercher les conversations et les fuir, ce sont deux extremités blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003001058 

 Car, comme ceux qui ont esté mordus des chiens enragés ont la sueur, l'haleyne et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion, ainsy ces vicieux et desbordés ne peuvent estre frequentés qu'avec hazard et peril, sur tout par ceux qui sont de devotion encores tendre et delicate..

  A003001058 

 On appelle mauvaises conversations celles qui se font pour quelque mauvaise intention, ou bien quand ceux qui entreviennent en icelles sont vicieux, indiscretz et dissolus; et pour celles la, il s'en faut destourner, comme les abeilles se destournent de l'amas des taons et freslons.

  A003001060 

 Les autres conversations ont pour leur fin l'honnesteté, comme sont les visites mutuelles et certaines assemblees qui se font pour honnorer le prochain; et quant a celles la, comme il ne faut pas estre superstitieuse a les prattiquer, aussi ne faut-il pas estre du tout incivile a les mespriser, mais satisfaire avec modestie au devoir que l'on y a, affin d'eviter egalement la rusticité et la legereté..

  A003001061 

 La vigne plantee parmi les oliviers porte des raisins onctueux et qui ont le goust des olives: une ame qui se treuve souvent parmi les gens de vertu ne peut qu'elle ne participe a leurs qualités.

  A003001061 

 Les bourdons seulz ne peuvent point faire du miel, mais avec les abeilles ilz s'aydent a le faire: c'est un [223] converser avec les ames devotes..

  A003001061 

 Reste les conversations utiles, comme sont celles des personnes devotes et vertueuses: o Philothee, ce vous sera tous-jours un grand bien d'en rencontrer souvent de telles.

  A003001062 

 Resjouisses vous avec les joyeux; je vous dis encor une fois avec l'Apostre: Soyés tous-jours joyeuse, mais en Nostre Seigneur, et que vostre modestie paroisse a tous les hommes.

  A003001062 

 Saint Romuald et saint Anthoine sont extremement loués dequoy, nonobstant toutes les austerités, ilz avoient la face et les paroles ornees de joye, gayeté et civilité.

  A003001063 

 Aussi, apres que les Apostres eurent un jour raconté a Nostre Seigneur comme ilz avoyent presché et beaucoup fait: Venés, leur dit-il, en la solitude, et vous y reposés un peu.

  A003001063 

 Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs.

  A003001067 

 Saint Paul veut que les femmes devotes (il en faut autant dire des hommes) soyent revestues d'habitz bien-seans, se par ans avec pudicité et sobrieté.

  A003001068 

 Mais quant aux vrayes vefves, qui le sont non seulement de cors mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l'humilité, la modestie et la devotion; car si elles veulent donner de l'amour aux hommes elles ne sont pas vrayes vefves, et si elles n'en veulent pas donner, pourquoy en portent-elles les outilz? Qui ne veut recevoir les hostes, il faut qu'il oste l'enseigne de son logis.

  A003001068 

 On ne treuve pas non plus mauvais que les vefves a marier se parent aucunement, pourveu qu'elles ne facent point paroistre de folastrerie, d'autant qu'ayans des-ja esté meres de famille, et passé par les regretz du vefvage, on tient leur esprit pour meur et attrempé.

  A003001068 

 On se moque tous-jours des vielles gens quand ilz veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'a la jeunesse..

  A003001068 

 On se pare ordinairement mieux es jours de feste, selon la grandeur du jour qui se celebre; en tems de penitence, comme en Caresme, on se demet bien fort; aux noces on porte les robbes nuptiales, et aux assemblees funebres, les robbes de deuil; aupres des princes on rehausse l'estat, lequel on doit abaisser entre les domestiques.

  A003001069 

 Les hommes qui sont si lasches que de s'amuser a ces muguetteries sont par tout descriés comme hermaphrodites, et les femmes vaines sont tenues pour imbecilles en chasteté; au moins si elles en ont, elle n'est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles.

  A003001069 

 Pour moy, je voudrois que mon devot et ma devote fussent tous-jours les mieux habillés de la trouppe, mais les moins pompeux et affaités, et, comme il est dit au proverbe, qu'ilz fussent parés de grace, [227] bien-seance et dismité.

  A003001069 

 Saint Louys dit en un mot que «l'on se doit vestir selon son estat, en sorte que les sages et bons ne puissent dire: vous en faites trop, ni les jeunes gens: vous en faites trop peu.

  A003001069 

 Saint Pierre advertit principalement les jeunes femmes de ne porter point leurs cheveux tant crespés, frisés, annellés et serpentes.

  A003001069 

 » Mais en cas que les jeunes ne se veuillent pas contenter de la bien-seance, il se faut arrester a l'advis des sages..

  A003001073 

 Et comme les abeilles ne demeslent autre chose que le miel avec leur petite bouchette, ainsy vostre langue sera tous-jours emmiellee de son Dieu, et n'aura point de plus grande suavité que de sentir couler entre vos levres des louanges et benedictions de son nom, ainsy qu'on dit de saint François, qui prononçant le saint nom [228] du Seigneur, sucçoit et lechoit ses levres, comme pour en tirer la plus grande douceur du monde..

  A003001073 

 Les medecins prennent une grande connoissance de la santé ou maladie d'un homme par l'inspection de sa langue; et nos parolles sont les vrays indices des qualités de nos ames: Par tes parolles, dit le Sauveur, tu seras justifié, et par tes parolles tu seras condamné. Nous portons soudain la main sur la douleur que nous sentons, et la langue sur l'amour que nous avons.

  A003001074 

 Sur tout il faut faire cet office angelique doucement et souëfvement, non point par maniere de correction, mais par maniere d'inspiration, car c'est merveille combien la suavité et amiable proposition de quelque bonne chose est une puissante amorce pour attirer les cœurs..

  A003001075 

 Ne parles donq jamais de Dieu ni de la devotion par maniere d'acquit et d'entretien, mais tous-jours avec attention et devotion: ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs qui font profession de devotion, lesquelz a tous propos disent des parolles saintes et ferventes par maniere d'entregent et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est advis qu'ilz sont telz que les parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003001079 

 Car, comme le poison du cors entre par la bouche, aussi celuy du cœur entre par l'oreille, et la langue qui le produit est meurtriere, d'autant qu'encor qu'a l'adventure le venin qu'elle a jetté n'ait pas fait son effect, pour avoir treuvé les cœurs des auditeurs munis de quelque contrepoison, si est ce qu'il n'a pas tenu a sa malice qu'elle ne les ait fait mourir.

  A003001079 

 Et que personne ne me die qu'il n'y pense pas, car Nostre Seigneur qui connoist les pensees a dit que la bouche parle de l'abondance du cœur; et si nous n'y pensions pas mal, le malin neanmoins en pense beaucoup, et se sert tous-jours secrettement de ces mauvais motz pour en transpercer le cœur de quelqu'un.

  A003001079 

 Gardes vous soigneusement de lascher aucune parole deshonneste; car encor que vous ne les disies pas avec mauvaise intention, si est ce que ceux qui les oyent, les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003001079 

 Quant aux choses indecentes et folles, l'Apostre ne veut pas que seulement on les nomme, nous asseurant que rien ne corrompt tant les bonnes mœurs que les mauvais devis..

  A003001080 

 Et ceux qui pensent estre galans hommes a dire de telles parolles en conversation ne sçavent pas pourquoy les conversations sont faittes; car elles doivent estre comme essaims d'abeilles assemblees pour faire le miel de quelque doux et vertueux entretien, et non pas comme un tas de guespes qui se joignent pour succer quelque pourriture.

  A003001081 

 Or, la derision et moquerie ne se fait jamais sans ce mespris; c'est pourquoy elle est un fort grand peché, en sorte que les docteurs ont rayson de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offence que l'on puisse faire au prochain par les paroles, parce que les autres offences se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle-ci se fait avec mespris et contemnement..

  A003001082 

 Mays quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres avec une modeste gayeté et joyeuseté, ilz appartiennent a la vertu nommee eutrapelie par les Grecz, que nous pouvons appeller bonne conversation; [231] et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles que les imperfections humaines fournissent.

  A003001082 

 Saint Louys, quand les religieux vouloyent luy parler des choses relevees apres disner: Il n'est pas tems d'alleguer, disoit-il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibetz: que chacun die ce qu'il voudra honnestement; ce qu'il disoit favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003001086 

 C'est chose egalement necessaire pour n'estre point jugés, de ne point juger les autres et de se juger soy mesme; car, comme Nostre Seigneur nous defend l'un, l'Apostre nous ordonne l'autre disant: Si nous nous jugions nous mesmes, nous ne serions point jugés. Mais, o Dieu, nous faysons tout au contraire; car ce qui nous est defendu nous ne cessons de le faire, jugeans a tout propos le prochain, et ce qui nous est commandé, qui est de nous juger nous mesmes, nous ne le faysons jamais..

  A003001086 

 Non, dit le saint Apostre, ne juges pas avant le tems, jusques a ce que le Seigneur vienne, qui revelera le secret des tenebres et manifestera les conseilz des cœurs.

  A003001086 

 O que les jugemens temeraires sont desaggreables a Dieu! Les jugemens des enfans des hommes sont temeraires parce qu'ilz ne sont pas juges les uns des autres, et jugeans [232] ilz usurpent l'office de Nostre Seigneur; ilz sont temeraires parce que la principale malice du peché depend de l'intention et conseil du cœur, qui est le secret des tenebres pour nous; ilz sont temeraires parce qu'un chacun a asses a faire a se juger soy mesme, sans entreprendre de juger son prochain.

  A003001087 

 Il y a des cœurs aigres, amers et aspres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu'ilz reçoivent et convertissent, comme dit le Prophete, le jugement en absynthe, ne jugeans jamais du prochain qu'avec toute rigueur et aspreté: ceux ci ont grandement besoin de tomber entre les mains d'un bon medecin spirituel, car cette amertume de cœur leur estant naturelle, elle est malaysee a vaincre; et bien qu'en soy elle ne soit pas peché, ains seulement une imperfection, elle est neanmoins dangereuse, parce qu'elle introduit et fait regner en l'ame le jugement temeraire et la mesdisance.

  A003001087 

 Selon les causes des jugemens temeraires, il y faut remedier.

  A003001088 

 Les autres jugent par passion, et pensent tous-jours bien de ce qu'ilz ayment et tous-jours mal de ce qu'ilz haïssent, sinon en un cas admirable et neanmoins veritable, auquel l'exces de l'amour provoque a faire mauvais jugement de ce qu'on ayme: effect monstrueux, mais aussi provenant d'un amour impur, imparfait, troublé et malade, qui est la jalousie, laquelle, comme chacun sçait, sur un simple regard, sur le moindre sousris du monde condamne les personnes de perfidie et d'adultere.

  A003001088 

 Les autres, pour se flatter et excuser envers eux mesmes et pour adoucir les remors de leurs consciences, jugent fort volontier que les autres sont vicieux du vice auquel ilz se sont voilés, ou de quelque autre aussi grand, leur estant advis que la multitude des criminelz rend leur peché moins blasmable.

  A003001088 

 Plusieurs s'addonnent au jugement temeraire pour le seul playsir qu'ilz prennent a philosopher et deviner des mœurs et humeurs des personnes, par maniere d'exercice d'esprit; que si par malheur ilz rencontrent quelquefois la verité en leurs jugemens, l'audace et l'appetit de continuer s'accroist tellement en eux, que l'on a peyne de les en destourner.

  A003001089 

 Certes, ce peché de jugement temeraire est une jaunisse spirituelle, qui fait paroistre toutes choses mauvaises aux yeux de ceux qui en sont atteins; mais qui en veut guerir il faut qu'il mette les remedes non aux yeux, non a l'entendement, mais aux affections qui sont les pieds de l'ame: si vos affections sont douces, vostre jugement sera doux; si elles sont charitables, vostre jugement le sera de mesme..

  A003001089 

 Toutes choses paroissent jaunes aux yeux des icteriques et qui ont la grande jaunisse; l'on dit que pour les guerir de ce mal, il leur faut faire porter de l'esclere sous la plante de leur pied.

  A003001091 

 Il est vray qu'il se sert de la voix des magistratz pour se rendre intelligible a nos oreilles: ilz sont ses truchemens et interpretes et ne doivent rien [236] prononcer que ce qu'ilz ont appris de luy, comme estans ses oracles; que s'ilz font autrement, suivans leurs propres passions, alhors c'est vrayement eux qui jugent et qui par consequent seront jugés, car il est defendu aux hommes, en qualité d'hommes, de juger les autres..

  A003001091 

 Mais ne peut-on donq jamais juger le prochain? Non certes, jamais; c'est Dieu, Philothee, qui juge les criminelz en justice.

  A003001092 

 Ce n'est donq pas mal fait de douter du prochain, non, car il n'est pas defendu de douter, ains de juger; mais il n'est pourtant pas permis ni de douter ni de soupçonner sinon rie a rie, tout autant que les raysons et argumens nous contraignent de douter; autrement les doutes et soupçons sont temeraires.

  A003001093 

 En fin, ceux qui ont bien soin de leurs consciences ne sont gueres sujetz au jugement temeraire; car comme les abeilles voyans le brouïllart ou tems nubileux se [237] retirent en leurs ruches a mesnager le miel, ainsy les cogitations des bonnes ames ne sortent pas sur des objetz embrouillés ni parmi les actions nubileuses des prochains: ains, pour en eviter le rencontre, se ramassent dedans le cœur pour y mesnager les bonnes resolutions de leur amendement propre.

  A003001098 

 O que n'ay-je un des charbons du saint autel pour toucher les levres des hommes, affin que leur iniquité fust ostee et leur peché nettoyé, a l'imitation du Seraphin qui purifia la bouche d'Isaye! Qui osteroit la mesdisance du monde, en osteroit une grande partie des pechés et de l' iniquité..

  A003001099 

 Quicomque oste injustement la bonne renommee a son prochain, outre le peché qu'il commet, il est obligé a faire la reparation, quoy que diversement selon la diversité des mesdisances; car nul ne peut entrer au Ciel avec le bien d'autruy, et entre tous les biens exterieurs la renommee est le meilleur.

  A003001101 

 Ceux qui pour mesdire font des prefaces d'honneur, ou qui disent de petites gentillesses et gausseries entre deux, sont les plus fins et veneneux mesdisans de tous.

  A003001101 

 L'aspic fait sa piqueure presque imperceptible, et son venin d'abord rend une demangeaison delectable, au moyen dequoy le cœur et les entrailles se dilatent et reçoivent le poison, contre lequel par apres il n'y a plus de remede..

  A003001101 

 Ne voyes-vous pas l'artifice? Celuy qui veut tirer a l'arc tire tant qu'il peut la fleche a soy, mais ce n'est que pour la darder plus puissamment: il semble que ceux ci retirent leur mesdisance a eux, mais ce n'est que pour la descocher plus fermement, affin qu'elle penetre plus avant dedans les cœurs des escoutans.

  A003001103 

 Helas, puisque la bonté de Dieu est si grande qu'un seul moment suffit pour impetrer et recevoir sa grace, quelle asseurance pouvons-nous avoir qu'un homme qui estoit hier pecheur le soit aujourd'huy? Le jour precedent ne doit pas juger le jour present, ni le jour present ne doit pas juger le jour precedent: il n'y a que le dernier qui les juge tous.

  A003001104 

 Non, chere Philothee, il ne faut pas, pensant fuir le vice de la mesdisance, favoriser, flatter ou nourrir les autres, ains faut dire rondement et franchement mal du mal et blasmer les choses blasmables: ce que faisant, nous glorifions Dieu, moyennant que ce soit avec les conditions suivantes..

  A003001104 

 S'il se treuve une personne vrayement mesdisante, ne dites pas pour l'excuser qu'elle est libre et franche; une personne manifestement vaine, ne dites pas qu'elle est genereuse et propre; et les privautés dangereuses, ne les appellés [241] pas simplicités ou naifvetés; ne fardes pas la desobeissance du nom de zele, ni l'arrogance du nom de franchise, ni la lasciveté du nom d'amitié.

  A003001105 

 Ma langue, tandis que je parle du prochain, est en ma bouche comme un rasoir en la main du chirurgien qui veut trancher entre les nerfz et les tendons: il faut que le coup que je donneray soit si juste, que je ne die ni plus ni moins que ce qui en est.

  A003001105 

 On recite devant des filles les privautés indiscretes de telz et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle en paroles ou en contenances qui sont manifestement lubriques: si je ne blasme librement ce mal et que je le veuille excuser, ces tendres ames qui escoutent prendront occasion de se relascher a quelque chose pareille; leur utilité donq requiert que tout franchement je blasme ces choses-la sur le champ, sinon que je puisse reserver a faire ce bon office plus a propos et avec moins d'interest de ceux de qui on parle, en une autre occasion.

  A003001105 

 Pour loüablement blasmer les vices d'autruy, il faut que l'utilité ou de celuy duquel on parle ou de ceux a qui l'on parle le requiere.

  A003001106 

 J'excepte entre tous, les ennemis declarés de Dieu et de son Eglise; car ceux-la, il les faut descrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des heretiques et schismatiques et les chefz d'icelles: c'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voyre ou qu'il soit..

  A003001107 

 Chacun se donne liberté de juger et censurer les princes et de mesdire des nations toutes entieres, selon la diversité des affections que l'on a en leur endroit: Philothee, ne faites pas cette faute; car outre l'offense de Dieu, elle vous pourroit susciter mille sortes de querelles..

  A003001112 

 Si vous en dites par mesgarde et vous pouves les corriger sur le champ par quelque explication ou reparation, corrigés les: une excuse veritable a bien plus de grace et de force pour excuser, que le mensonge..

  A003001113 

 Bien que quelquefois on puisse discretement et prudemment desguiser et couvrir la verité par quelque artifice de parolle, si ne faut-il pas prattiquer cela sinon en chose d'importance, quand la gloire et service de Dieu le requierent manifestement: hors de la, les artifices sont dangereux, car, comme dit la sacree Parolle, le Saint Esprit n'habite point en un esprit feint et double.

  A003001113 

 Les prudences mondaines et artifices charnelz appartiennent aux enfans de ce siecle; mais les enfans de Dieu cheminent sans destour et ont le cœur sans replis.

  A003001114 

 Ces parolles luy semblerent par apres trop artificieuses et affectees, si qu'il les revoque au livre de ses Retractations et les appelle une ineptie.

  A003001115 

 Et me semble qu'il faut fuir les deux extremités: car de faire trop l'entendu et le severe, refusant de contribuer aux devis familiers qui se font es conversations, il semble qu'il y ait ou manquement de confiance, ou quelque sorte [245] de desdain; de babiller aussi et cajoler tous-jours, sans donner ni loysir ni commodité aux autres de parler a souhait, cela tient de l'esventé et du leger..

  A003001115 

 Le parler peu, tant recommandé par les anciens sages, ne s'entend pas qu'il faille dire peu de paroles, mais de n'en dire pas beaucoup d'inutiles; car en matiere de parler, on ne regarde pas a la quantité, mais a la qualité.

  A003001115 

 Or, quand il importe de contredire a quelqu'un et d'opposer son opinion a celle d'un autre, il faut user de grande douceur et dexterité, sans vouloir violenter l'esprit d'autruy; car aussi bien ne gaigne-on rien prenant les choses asprement.

  A003001122 

 Les jeux esquelz le gain sert de prix et recompense a l'habilité et industrie du cors ou de l'esprit, comme les jeux de la paume, ballon, paillemaille, les courses a la bague, les eschecz, les tables, ce sont recreations de soy mesme bonnes et loysibles.

  A003001122 

 Or, si le prix, c'est a dire ce qu'on joue est trop grand, les affections des joueurs se desreglent, et outre cela, c'est chose injuste de mettre de grans prix a des habilités et industries de si peu d'im portance et si inutiles, comme sont les habilités des jeux..

  A003001127 

 Les jeux des dés, des cartes et semblables, esquelz le gain depend principalement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables; c'est pourquoy elles sont defendues par les lois tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003001128 

 Car, n'est-ce pas occupation de tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre et melancholique que celle [248] des joueurs? c'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voyla a despiter..

  A003001129 

 La sainte et chaste damoiselle Sara parlant a Dieu de son innocence: Vous sçaves, dit-elle, o Seigneur, que jamais je n'ay conversé entre les joüeurs..

  A003001129 

 Le grand roy saint Louys sçachant que le comte d'Anjou son frere et messire Gautier de Nemours joüoyent, il se leva, malade qu'il estoit, et alla tout chancelant en leur chambre, et la, print les tables, les dés et une partie de l'argent, et les jetta par les fenestres dans la mer, se courrouçant fort a eux.

  A003001129 

 Pour ces trois raysons les jeux sont defendus.

  A003001133 

 Les danses et balz sont choses indifferentes de leur nature; mais selon l'ordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort penchant et incliné du costé du mal, et par consequent plein de danger et de peril.

  A003001133 

 On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, apres [249] lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres a des folastreries.

  A003001134 

 Je vous dis des danses, Philothee, comme les medecins disent des potirons et champignons: les meilleurs n'en valent rien, disent-ilz; et je vous dis que les meilleurs balz ne sont gueres bons.

  A003001134 

 Manges-en peu et peu souvent, disent les medecins parlans des champignons, car, pour bien apprestés qu'ilz soyent, la quantité leur sert de venin: dansés peu et peu souvent, Philothee, car faisant autrement vous vous mettres en danger de vous y affectionner..

  A003001135 

 Les balz, les danses et telles assemblees tenebreuses attirent ordinairement les vices et pechés qui regnent en un lieu: les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours; et comme ces exercices ouvrent les pores du cors de ceux qui les font, aussi ouvrent-ilz les pores du cœur, au moyen dequoy, si quelque serpent sur cela vient souffler aux oreilles quelque parole lascive, quelque muguetterie, quelque cajolerie, ou que quelque basilic vienne jetter des regards impudiques, des œillades d'amour, les cœurs sont [250] fort aysés a se laisser saisir et empoisonner.

  A003001135 

 Les champignons, selon Pline, estans spongieux et poreux comme ilz sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour, si que estans pres des serpens ilz en reçoivent le venin.

  A003001135 

 O Philothee, ces impertinentes recreations sont ordinairement dangereuses: elles dissipent l'esprit de devotion, allanguissent les forces, refroidissent la charité et resveillent en l'ame mille sortes de mauvaises affections; c'est pourquoy il en faut user avec une grande prudence..

  A003001136 

 Mais sur tout on dit qu'apres les champignons il faut boire du vin pretieux; et je dis qu'apres les danses il faut user de quelques saintes et bonnes considerations, qui empeschent les dangereuses impressions que le vain playsir qu'on a receu pourroit donner a nos espritz.

  A003001137 

 A mesme tems que vous esties au bal, plusieurs ames brusloyent au feu d'enfer pour les pechés commis a la danse ou a cause de la danse.

  A003001137 

 Helas, tandis que vous esties la, le tems s'est passé, la mort s'est approchee; voyes qu'elle se moque de vous et qu'elle vous appelle a sa danse, en laquelle les gemissemens de vos proches serviront de violon, et ou vous ne ferés qu'un seul passage de la vie a la mort.

  A003001137 

 Nostre Seigneur, Nostre Dame, les Anges et les Saintz vous ont veu au bal: ah, que vous leur aves fait grande pitié, voyans vostre cœur amusé a une si grande niayserie, et attentif a cette fadayse.

  A003001137 

 Tandis que vous aves dansé, plusieurs ames sont decedees en grande angoisse; mille milliers d'hommes et femmes ont souffert des grans travaux, en leurs lictz, dans les hospitaux et es rües: la goutte, la gravelle, la fievre ardente.

  A003001142 

 Elle oste mesme la malice a celles qui sont aucunement mauvaises: c'est pourquoy les jeux de hazard qui autrement seroient blasmables, ne le sont pas, si quelquefois la juste condescendance nous y porte..

  A003001142 

 Mais en quelle occasion peut-on joüer et danser? Les justes occasions de la danse et du jeu indifferent sont plus frequentes; celles des jeux defendus sont plus rares, comme aussi telz jeux sont beaucoup plus blasmables et perilleux.

  A003001142 

 Mais, en un mot, dansés et joüés selon les conditions que je vous ay marquees, quand pour condescendre et complaire a l'honneste conversation en laquelle vous seres, la prudence et discretion vous le conseilleront; car la condescendance, comme surgeon de la charité, rend les choses indifferentes bonnes, et les dangereuses, permises.

  A003001143 

 J'ay esté consolé d'avoir leu en la vie de saint Charles Borromee qu'il condescendoit avec les Suisses en certaines choses esquelles d'ailleurs il estoit fort severe, et que le bienheureux Ignace de Loyola estant invité a joüer l'accepta.

  A003001143 

 Quant a sainte Elizabeth d'Hongrie, elle joüoit et dansoit parfois se treuvant es assemblees de passetems, sans interest de sa devotion, laquelle estoit si bien enracinee dedans son ame que, comme les rochers qui sont autour du lac de Riette croissent estans battus des vagues, ainsy sa devotion croissoit emmi les pompes et vanités ausquelles sa condition l'exposoit; ce sont les grans feux qui s'enflamment au vent, mays les petitz s'esteignent si on ne les y porte a couvert.

  A003001147 

 Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l' œil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son cœur par amour..

  A003001148 

 Ces petites charités quotidiennes, ce mal de teste, ce mal de dens, cette defluxion, cette bigearrerie du mari ou de la femme, ce cassement d'un verre, ce mespris ou cette moue, cette perte de gans, d'une bague, d'un mouchoir, cette petite incommodité que l'on se fait d'aller coucher de bonne heure et de se lever matin pour prier, pour se communier, cette petite honte que l'on a de faire certaines actions de devotion publiquement: bref, toutes ces petites souffrances estans prinses et embrassees avec amour contentent extremement la Bonté divine, laquelle pour un seul verre d'eau a promis la mer de toute felicité a ses fideles; et parce que ces occasions se presentent a tout moment, c'est un grand moyen pour assembler beaucoup de richesses spirituelles que de les bien employer..

  A003001148 

 Mais tandis que la divine Providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnes-luy pour le moins vos cheveux: je veux dire, supportes tout doucement les menues injures, ces petites incommodités, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalieres; car par le moyen de ces petites occasions, employees avec amour et dilection, vous gaigneres entierement [254] son cœur et le rendres tout vostre.

  A003001149 

 Et n'estime pas moins la petite et basse meditation qu'elle faisoit parmi les offices vilz et abjectz, que les extases et ravissemens qu'elle eut si souvent, qui ne luy furent peut estre donnés qu'en recompense de cette humilité et abjection.

  A003001149 

 Quand j'ay veu en la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de paroles de sapience, et mesme des prédications faites par elle, je n'ay point douté qu'avec cet œil de contemplation elle n'eust ravi le cœur de son Espoux celeste; mais j'ay esté egalement consolé quand je l'ay veuë en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, apprester la viande, petrir le pain et faire tous les plus bas offices de la mayson, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu.

  A003001150 

 Mettes la main a chose forte, vous exerçant a l'orayson et meditation, a l'usage des Sacremens, a donner de l'amour de Dieu aux ames, a respandre de bonnes inspirations dedans les cœurs, et en fin a faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vacation; mais n'oublies pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille, c'est a dire, prattiqués ces petites et humbles vertus lesquelles comme fleurs croissent au pied de la Croix: le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oysive; et parmi toutes ces choses-la, entrejettés des pareilles considerations a celles que je viens de dire de sainte Catherine..

  A003001151 

 Les grandes occasions de servir Dieu se presentent rarement, mais les petites sont ordinaires: or, qui sera fidelle en peu de chose, dit le Sauveur mesme, on l'establira sur beaucoup.

  A003001151 

 Soit que vous mangies, soit que vous beuvies, soit que vous dormies, soit que vous vous recreiés, soit que vous tournies la broche, pourveu que vous sçachies bien mesnager vos affaires, vous prouffiterés beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les facies.

  A003001155 

 Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques, demolissent les vignes; car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003001156 

 Il y a des enfans vertueux que leurs peres et meres ne peuvent presque voir, pour quelque imperfection corporelle; il y en a des vicieux qui sont les favoris, pour quelque grace corporelle..

  A003001157 

 Bref, nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie qui ont deux cœurs; car nous avons un cœur doux, gracieux et courtois en nostre endroit, et un cœur dur, severe, rigoureux envers le prochain.

  A003001157 

 En tout nous preferons les riches aux pauvres, quoy qu'ilz ne soyent ni de meilleure condition, ni si vertueux; nous preferons mesmes les mieux vestus.

  A003001157 

 Nous avons deux poids: l'un pour peser nos commodités avec le plus d'advantage que nous pouvons, l'autre pour peser celles du prochain avec le plus de desadvantage qu'il se peut; or, comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est a dire elles ont deux cœurs; et d'avoir deux [258] poids, l'un fort pour recevoir et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003001157 

 Nous voulons nos droitz exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs; nous gardons nostre rang pointilleusement, et voulons que les autres soyent humbles et condescendans; nous nous plaignons aysement du prochain, et ne voulons qu'aucun se plaigne de nous; ce que nous faisons pour autruy nous semble tous-jours beaucoup, ce qu'il fait pour nous n'est rien, ce nous semble.

  A003001158 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas a restitution, d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger a nous en amender, car ce sont des grans defautz de rayson et de charité; et, au bout de la, ce ne sont que tricheries, car on ne perd rien a vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, egal et raysonnable.

  A003001162 

 Mais je vous dis de plus, ma Philothee: ne desires point les choses qui sont dangereuses a l'ame, comme sont les balz, les jeux et telz autres passetems; ni les honneurs et charges, ni les visions et extases, car il y a beaucoup de peril, de vanité et de tromperie en telles choses.

  A003001162 

 Ne desires pas les choses fort esloignees, c'est a dire qui ne peuvent arriver de long tems, comme font plusieurs qui par ce moyen lassent et dissipent leurs coeurs inutilement, et se mettent en danger de grande inquietude.

  A003001162 

 Si un jeune homme desire fort d'estre pourveu de quelque office avant que le tems soit venu, dequoy, je vous prie, luy sert ce desir? Si une femme mariee desire d'estre religieuse, a quel propos? Si je desire d'acheter le bien de mon voysin avant qu'il soit prest a le vendre, ne perds-je pas mon tems en ce desir? Si estant malade, je desire prescher ou dire la sainte Messe, visiter les autres malades et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces desirs ne sont-ilz pas vains, puysqu'en ce tems-la il n'est pas en mon pouvoir [260] de les effectuer? Et ce pendant ces desirs inutiles occupent la place des autres que je devrois avoir, d'estre bien patient, bien resigné, bien mortifié, bien obeissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je prattique pour lhors.

  A003001163 

 Non, je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement, car ces desirs sont frivoles et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est; ni que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or, cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaitz, ilz ne font nulle nuysance, pourveu qu'ilz ne soyent pas frequens..

  A003001164 

 Ne desirés pas les croix, sinon a mesure que vous aures bien supporté celles qui se seront presentees; car c'est un abus de desirer le martyre et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003001164 

 Ne desirés point les tentations, car ce seroit temerité; mais employés vostre cœur a les attendre courageusement, et a vous en defendre quand elles arriveront..

  A003001164 

 Nous combattons les monstres d'Afrique en imagination, et nous [261] nous laissons tuer en effect aux menus serpens qui sont en nostre chemin, a faute d'attention.

  A003001165 

 Choisisses donq, par l'advis de vostre pere spirituel, entre tant de desirs ceux qui peuvent estre prattiqués et executés maintenant; ceux-la, faites les bien valoir: cela fait, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquelz aussi en leurs saisons vous prattiqueres, et ainsy vous ne perdres pas le tems en desirs inutiles.

  A003001165 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectués presentement, il les faut serrer en quelque coin du cœur jusques a ce que leur tems soit venu, et ce pendant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituelz, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement.

  A003001169 

 A tous, car les vierges.

  A003001170 

 mesmes le doivent honnorer avec humilité; en tous, car il est egalement saint entre les pauvres comme entre les riches; en tout, car son origine, sa fin, ses utilités, sa forme et sa matiere sont saintes.

  A003001171 

 Pleust a Dieu que son Filz bienaymé fust appellé a toutes les noces comme il fut a celles de Cana: le vin des consolations et benedictions n'y manqueroit jamais, car ce qu'il n'y en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, c'est d'autant qu'en lieu de Nostre Seigneur on y fait venir Adonis, et Venus en lieu de Nostre Dame.

  A003001171 

 Qui veut avoir des aigneletz beaux et mouchetés, comme Jacob, il faut comme luy presenter aux brebis quand elles s'assemblent pour parier, des belles baguettes de diverses couleurs; et qui veut avoir un heureux succes au mariage, devroit en ses noces se representer la sainteté et dignité de ce Sacrement; mais en lieu de cela il y arrive mille desreglemens en passe-tems, festins et paroles: ce n'est donq pas merveille si les effectz en sont desreglés..

  A003001172 

 J'exhorte sur tout les mariés a l'amour mutuel que le Saint Esprit leur recommande tant en l'Escriture.

  A003001172 

 O mariés, ce n'est rien de dire: aymes vous l'un l'autre de l'amour naturel, car les pairs de tourterelles font bien cela; ni de dire, aymes vous d'un amour humain, car les payens ont bien prattiqué cet amour la; mais je vous dis, apres le grand Apostre: Maris, aymes vos femmes comme Jesus Christ ayme son Eglise; o femmes, aymes vos maris comme l'Eglise ayme son [264].

  A003001173 

 Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna a femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le nœud du sacré lien de vostre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres; pourquoy ne vous cherisses vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin?.

  A003001174 

 Si on colle deux pieces de sapin ensemble, pourveu que la colle soit fine, l'union en sera si forte qu'on fendroit beaucoup plus tost les pieces es autres endroitz, qu'en l'endroit de leur conjonction; mais Dieu conjoint le mari a la femme en son propre sang, c'est pourquoy cette union est si forte que plustost l'ame se doit separer du cors de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme.

  A003001175 

 Les cachetz estoyent anciennement gravés es anneaux que l'on portoit aux doigtz, comme mesme l'Escriture Sainte tesmoigne; voyci [265] donq le secret de la ceremonie que l'on fait es noces: l'Eglise, par la main du prestre, benit un anneau, et le donnant premierement a l'homme, tesmoigne qu'elle seelle et cachette son cœur par ce Sacrement, affin que jamais plus ni le nom ni l'amour d'aucune autre femme ne puisse entrer en iceluy, tandis que celle la vivra laquelle luy a esté donnee; puys, l'espoux remet l'anneau en la main de la mesme espouse, affin que reciproquement elle sache que jamais son cœur ne doit recevoir de l'affection pour aucun autre homme, tandis que celuy vivra sur terre que Nostre Seigneur vient de luy donner.

  A003001176 

 Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors..

  A003001177 

 Et vous, o femmes, aymes tendrement, cordialement, mays d'un amour respectueux et plein de reverence, les maris que Dieu vous a donnés; car vrayement Dieu pour cela les a creés [267] d'un sexe plus vigoureux et predominant, et a voulu que la femme fust une dependance de l'homme, un os de ses os, une chair de sa chair, et qu'elle fust produite d'une coste d'iceluy, tiree de dessous ses bras, pour monstrer qu'elle doit estre sous la main et conduite du mari; et toute l'Escriture Sainte vous recommande estroittement cette subjection, laquelle neanmoins la mesme Escriture vous rend douce, non seulement voulant que vous vous y accommodiés avec amour, mais ordonnant a vos maris qu'ilz l'exercent avec grande dilection, tendreté et suavité: Maris, dit saint Pierre, portes vous discretement avec vos femmes, comme avec un vaisseau plus fragile, leur portant honneur. Mais tandis que je vous exhorte d'aggrandir de plus en plus ce reciproque amour que vous vous deves, prenes garde qu'il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie; car il arrive souvent que comme le ver s'engendre de la pomme la plus delicate et la plus meure, aussi la jalousie naist en l'amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel neanmoins il gaste et corrompt la substance, car petit a petit il engendre les noises, dissensions et divorces.

  A003001177 

 Les imbecillités et infirmités, soit du cors soit de l'esprit de vos femmes ne vous doivent provoquer a nulle sorte de desdain, ains plustost a une douce et amoureuse compassion, puisque Dieu les a creées telles affin que, dependant de vous, vous en receussies plus d'honneur et de respect, et que vous les eussies tellement pour compaignes que vous en fussies neanmoins les chefz et superieurs.

  A003001178 

 «Avec quel front,» dit saint Gregoire Nazianzene,« voules vous exiger la pudicité de vos femmes, si vous mesmes vives en impudicité? comme leur demandes vous ce que vous ne leur donnes pas?» Voules vous qu'elles soyent chastes? comportes vous chastement envers elles, et, comme dit saint Paul, Qu'un chacun sçache posseder son vaisseau en sanctification. Que si au contraire vous mesmes leur apprenés les fripponneries, ce n'est pas merveille que vous ayes du deshonneur en leur perte..

  A003001179 

 Les dames tant anciennes que modernes ont accoustumé de pendre des perles en nombre a leurs oreilles pour le playsir, dit Pline, qu'elles ont a les sentir grilloter, s'entretouchant l'une l'autre.

  A003001179 

 Mais quant a moy, qui sçay que le grand ami de Dieu Isaac envoya des pendans d'oreilles pour les premieres arres de ses amours a la chaste Rebecca, je croy que cet [269] ornement mystique signifie que la premiere chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme luy doit fidelement garder, c'est l'oreille, affin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile: car il se faut tous-jours resouvenir, que l'on empoisonne les ames par l'oreille, comme le cors par la bouche..

  A003001180 

 L'amour et la fidelité jointes ensemble engendrent tous-jours la privauté et confiance; c'est pourquoy les Saintz et Saintes ont usé de beaucoup de reciproques caresses en leur mariage, caresses vrayement amoureuses mais chastes, tendres mais sinceres.

  A003001180 

 Le grand saint Louys, egalement rigoureux a sa chair et tendre en l'amour de sa femme, fut presque blasmé d'estre abondant en telles caresses, bien qu'en verité il meritast plustost louange de sçavoir demettre son esprit martial et courageux a ces menus offices requis a la conservation de l'amour conjugal; car bien que ces petites demonstrations de pure et franche amitié ne lient pas les cœurs, elles les approchent neanmoins, et servent d'un ageancement aggreable a la mutuelle conversation..

  A003001181 

 La mere de saint Bernard, digne mere d'un tel filz, prenant ses enfans en ses bras incontinent qu'ilz estoyent nais, lies offroit a Jesus Christ, et des lhors les aymoit avec respect comme chose sacree et que Dieu luy avoit confiee; ce qui luy reussit si heureusement qu'en fin ilz furent tous sept tressaintz..

  A003001181 

 Sainte Monique estant grosse du grand saint Augustin, le dedia par plusieurs offres a la religion Chrestienne et au service de la gloire de Dieu, ainsy que luy mesme [270] le tesmoigne disant que des-ja il avoit gousté «le sel de Dieu dans le ventre de sa mere.» C'est un grand enseignement pour les femmes chrestiennes d'offrir a la divine Majesté les fruitz de leurs ventres, mesme avant qu'ilz en soyent sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un cœur humble et volontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des meres en ce tems la: tesmoin Samuel, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiesole et plusieurs autres.

  A003001182 

 Ainsy sainte Monique combattit avec tant de ferveur et de constance les mauvaises inclinations de saint Augustin, que l'ayant suivi par mer et par terre elle le rendit plus heureusement enfant de ses larmes, par la conversion de son ame, qu'il n'avoit esté enfant de son sang par la generation de son cors..

  A003001182 

 Certes, les races et generations sont appellees en nostre langage, maysons, et les Hebreux mesme appellent la generation des enfans, edification de mayson, car c'est en ce sens qu'il est dit que Dieu edifia des maysons aux sages femmes d'Egypte.

  A003001182 

 Mays les enfans estans venus au monde et commençans a se servir de la rayson, les peres et meres doivent avoir un grand soin de leur imprimer la crainte de Dieu au cœur.

  A003001182 

 Or c'est pour [271] monstrer que ce n'est pas faire une bonne mayson de fourrer beaucoup de biens mondains en icelle, mais de bien eslever les enfans en la crainte de Dieu et en la vertu: en quoy on ne doit espargner aucune sorte de peyne ni de travaux, puisque les enfans sont la couronne du pere et de la mere.

  A003001183 

 Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la mayson, c'est pourquoy plusieurs ont cette veritable opinion, que leur devotion est plus fructueuse a la famille que celle des maris qui, ne faisans pas une si ordinaire residence entre les domestiques, ne peuvent pas par consequent les addresser si aysement a la vertu.

  A003001184 

 Ainsy les femmes doivent [272] souhaitter que leurs maris soyent confitz au sucre de la devotion, car l'homme sans devotion est un animal severe, aspre et rude; et les maris doivent souhaitter que leurs femmes soyent devotes, car sans la devotion la femme est grandement fragile et sujette a deschoir ou ternir en la vertu.

  A003001184 

 Il est dit au Genese qu'Isaac, voyant sa femme Rebecca sterile, pria le Seigneur pour elle, ou, selon les Hebreux, il pria le Seigneur vis a vis d'elle, parce que l'un prioit d'un costé de l'oratoire et l'autre de l'autre: aussi l'orayson du mari faitte en cette façon fut exaucee.

  A003001184 

 Il y a des fruitz, comme le coing, qui pour l'aspreté de leur suc ne sont gueres aggreables qu'en confiture; il y en a d'autres qui pour leur tendreté et delicatesse ne peuvent durer, s'ilz ne sont aussi confitz, comme les cerises et abricotz.

  A003001185 

 Les mouches a miel ne peuvent s'arrester en lieu ou les echos et retentissemens et redoublemens de voix se font, ni le Saint Esprit certes en une mayson en laquelle il y ait du desbat, des repliques et redoublemens de crieries et altercations..

  A003001186 

 Certes, j'appreuverois que cette coustume s'introduisist, pourveu que ce ne fust point avec des appareilz de recreations mondaines et sensuelles, mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour la, recommandassent a Dieu plus fervemment que l'ordinaire le progres de leur mariage, renouvellans les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une reciproque amitié et fidelité, et reprenans haleyne en Nostre Seigneur pour le support des charges de leur vacation.

  A003001186 

 Saint Gregoire Nazianzene tesmoigne que de son tems les mariés faisoyent feste au jour anniversaire de leurs mariages.

  A003001191 

 Il y a quelque ressemblance entre les voluptés honteuses et celles du manger, car toutes deux regardent la chair, bien que les premieres, a rayson de leur vehemence brutale, s'appellent simplement charnelles.

  A003001192 

 Le manger est ordonné pour conserver les personnes: or, comme manger simplement pour nourrir et conserver la personne est une bonne chose, sainte et commandee, aussi ce qui est requis au mariage pour la production des enfans et la multiplication des personnes est une bonne chose et tressainte, car c'est la fin principale des noces..

  A003001193 

 Manger, non point pour conserver la vie mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honneste: et de mesme, la reciproque et legitime satisfaction des parties au saint Mariage est appellee par saint Paul devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties [274] s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas mesme pour les exercices de la devotion, qui m'a fait dire le mot que j'ay mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard; combien moins donq peut-on s'en exempter pour des capricieuses pretentions de vertu ou pour les choleres et desdains..

  A003001195 

 Manger non point pour les deux premieres raysons, mais simplement pour contenter l'appetit, c'est chose supportable mais non pas pourtant louable; car le simple playsir de l'appetit sensuel ne peut estre un objet suffisant pour rendre une action louable, il suffit bien si elle est supportable..

  A003001197 

 C'est grand cas, chere Philothee, que le miel si propre et salutaire aux abeilles leur puisse neanmoins estre si nuisible que quelquefois il les rend malades, comme quand elles en mangent trop au printems, car cela leur donne le flux de ventre, et quelquefois il les fait mourir inevitablement, comme quand elles sont emmiellees par le devant de leur teste et de leurs aislerons.

  A003001198 

 A la verité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile a la republique, est neanmoins en certain cas dangereux a ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de peché veniel, comme il arrive par les simples exces, et quelquefois il les fait mourir par le peché mortel, comme il arrive lhors que l'ordre establi pour la production des enfans est violé et perverti, auquel cas, selon qu'on s'esgare plus ou moins de cet ordre, les pechés se treuvent plus ou moins execrables, mais tous-jours mortelz.

  A003001198 

 Car d'autant que la procreation des enfans est la premiere et principale fin du mariage, jamais on ne peut loysiblement se departir de l'ordre qu'elle requiert, quoy que pour quelque autre accident elle ne puisse pas pour lhors estre effectuee, comme il arrive quand la sterilité ou la grossesse des-ja survenue empesche la production et generation; car en ces occurrences le commerce corporel ne laisse pas de pouvoir estre juste et saint, moyennant que les regles de la generation soyent suivies, aucun accident ne pouvant jamais prejudicier a la loy que la fin principale du mariage a imposee.

  A003001198 

 Certes, l'infame et execrable action que Onan faisoit en son mariage estoit detestable devant Dieu, ainsy que dit le sacré Texte du trente huitiesme chapitre de Genese; et bien que quelques heretiques de nostre aage, cent fois plus blasmables que les Cyniques desquelz parle saint Hierosme sur l'Epistre aux Ephesiens, ayent voulu dire que c'estoit la perverse intention de ce meschant qui desplaisoit a Dieu, l'Escriture toutefois parle autrement, et asseure en particulier que la chose mesme qu'il faisoit estoit detestable et abominable devant Dieu.

  A003001199 

 C'est une vraye marque d'un esprit truant, vilain, abject et infame de penser aux viandes et a la mangeaille avant le tems du repas, et encores plus quand apres iceluy on s'amuse au playsir que l'on a pris a manger, s'y entretenant par parolles et pensees, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a eue en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant disner tiennent leur esprit en broche et apres disner dans les platz; gens dignes d'estre souillars de cuisine, qui font, comme dit saint Paul, un dieu de leur ventre.

  A003001199 

 Les gens d'honneur ne pensent a la table qu'en s'asseant, et apres le repas se lavent les mains et la bouche pour n'avoir plus ni le goust ni l'odeur de ce qu'ilz ont mangé.

  A003001199 

 Ne sont-ce pas de belles et honnestes humeurs d'un tel animal, par lesquelles il invite les mariés a ne point demeurer engagés d'affection aux sensualités et voluptés que selon leur vocation ilz auront exercees, mais icelles passees de s'en laver le cœur et l'affection, et de s'en purifier au plus tost, pour par apres avec toute liberté d'esprit prattiquer les autres actions plus pures et relevees..

  A003001200 

 Car, selon saint Gregoire, celuy a une femme comme n'en ayant point qui prend tellement les consolations corporelles avec elle que pour cela il n'est point destourné des pretentions spirituelles; or, ce qui se dit du mari s'entend reciproquement de la femme.

  A003001205 

 Saint Paul instruit tous les prelatz, en la personne de son Timothee, disant: Honnore les vefves qui sont vrayement vefves.

  A003001206 

 Que non seulement la vefve soit vefve de cors, mais aussi de cœur, c'est a dire qu'elle soit resolue d'une resolution inviolable de se conserver en l'estat d'une chaste viduité; car les vefves qui ne le sont qu'en attendant l'occasion de se remarier ne sont separees des hommes que selon la volupté du cors, mais elles sont des-ja conjointes avec eux selon la volonté du cœur.

  A003001207 

 Certes, saint Augustin conseille extremement ce vœu a la vefve chrestienne; et l'ancien et docte Origene passe bien plus avant, car il conseille aux femmes mariees de se vouer et destiner a la chasteté viduale en cas que leurs maris viennent a trespasser devant elles, affin qu'entre les playsirs sensuelz qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puissent neanmoins jouir du merite d'une chaste viduité par le moyen de cette promesse anticipee.

  A003001207 

 Le vœu rend les œuvres faittes en suite d'iceluy plus aggreables a Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement a Dieu les œuvres, qui sont comme les fruitz de nostre bonne volonté, mais luy dedie encores la volonté mesme, qui est comme l'arbre de nos actions.

  A003001207 

 Or, comme j'appreuve infiniment les advis de ces deux grans personnages, aussi desirerois-je que les ames qui seront si heureuses que de les vouloir employer le facent prudemment, saintement et solidement, ayans bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration celeste et prins le conseil de quelque sage et devot directeur, car ainsy tout se fera plus fructueusement.

  A003001208 

 Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se face purement et simplement pour, avec plus de pureté, contourner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes pars son cœur avec celuy de sa divine Majesté; car si le desir de laisser les enfans riches ou quelqu'autre sorte de pretention mondaine arreste la vefve en viduité, elle en aura peut estre la loüange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable louange que ce qui est fait pour Dieu..

  A003001209 

 La vefve ayant fait essay de la façon avec laquelle les femmes peuvent plaire aux hommes, jette de plus dangereuses amorces dedans leurs espritz.

  A003001210 

 Quand Noëmi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoyent conneuë au commencement de son mariage s'entredisoyent l'une a l'autre: N'est-ce point ici Noëmi? Mais elle respondit: Ne m'appelles point, je vous prie, Noëmi, car Noëmi veut dire gracieuse et belle, ains appelles moy Mara, car le Seigneur a rempli mon ame d'amertume: ce qu'elle disoit d'autant que son mari luy estoit mort.

  A003001211 

 D'aymer le mari tandis qu'il est en vie, c'est chose asses triviale entre les femmes; mais l'aymer tant qu'apres la mort d'iceluy on n'en veuille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vrayes vefves.

  A003001211 

 Les lampes desquelles l'huyle est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flammes: ainsy les vefves desquelles l'amour a esté pur en leur [282] mariage respandent un plus grand parfum de vertu de chasteté quand leur lumiere, c'est a dire leur mari, est esteinte par la mort.

  A003001212 

 La vefve laquelle a des enfans qui ont besoin de son addresse et conduitte, et principalement en ce qui regarde leur ame et l'establissement de leur vie, ne peut ni doit en façon quelconque les abandonner; car l'apostre saint Paul dit clairement qu'elles sont obligees a ce soin la, pour rendre la pareille a leurs peres et meres, et d'autant encores que si quelqu'un n'a soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidelle.

  A003001212 

 Mais si les enfans sont en estat de n'avoir pas besoin d'estre conduitz, la vefve alhors doit ramasser toutes ses affections et cogitations pour les appliquer plus purement a son avancement en l'amour de Dieu..

  A003001213 

 Car il faut que les fruitz du tracas soyent bien grans, pour estre comparables au bien d'une sainte tranquillité; laissant a part que les proces et telles brouilleries dissipent le cœur et ouvrent souventefois la porte aux ennemis de la chasteté, tandis que, pour complaire a ceux de la faveur [284] desquelz on a besoin, on se met en des contenances indevotes et desaggreables a Dieu..

  A003001213 

 Si quelque force forcee n'oblige la conscience de la vraye vefve aux embarrassemens exterieurs, telz que sont les procès, je luy conseille de s'en abstenir du tout, et suivre la methode de conduire ses affaires qui sera plus paisible et tranquille, quoy qu'il ne semblast pas que ce fust la plus fructueuse.

  A003001214 

 Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens..

  A003001215 

 La netteté et la simplicité sont les deux ornemens de leurs habitz, l'humilité et la charité les deux ornemens de leurs actions, l'honnesteté et debonnaireté les deux ornemens de leur langage, la modestie et la pudicité l'ornement de leurs yeux, et Jésus Christ crucifié, l'unique amour de leur cœur..

  A003001216 

 Bref, la vraye vefve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nompareille par l'odeur de sa devotion, et se tient presque tous-jours cachee sous les larges feuilles de son abjection, et par sa couleur moins esclatante tesmoigne la mortification; elle vient es lieux frais et non cultivés, ne voulant estre pressee de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraischeur de son cœur contre toutes les chaleurs que le desir des biens, des honneurs ou mesme des amours luy pourrait apporter.

  A003001217 

 Et faut tous-jours avoir devant les yeux cette doctrine des Anciens, que ni la viduité ni la virginité n'ont point de rang au Ciel que celuy qui leur est assigné par l'humilité..

  A003001217 

 J'aurois beaucoup d'autres choses a dire sur ce sujet; mais j'auray tout dit quand j'auray dit que la vefve jalouse de l'honneur de sa condition lise attentivement les belles epistres que le grand saint Hierosme escrit a Furia et a Salvia, et a toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'estre filles spirituelles d'un si grand Pere, car il ne se peut rien adjouster a ce qu'il leur dit, sinon cet advertissement: que la vraye vefve ne doit jamais ni blasmer ni censurer celles qui passent aux secondes ou mesme troisiesmes et quatriesmes noces; car en certains cas Dieu en dispose ainsy pour sa plus grande gloire.

  A003001221 

 Les epistres de saint Hierosme vous fourniront tous les advis qui vous sont necessaires; et puisque vostre condition vous oblige a l'obeissance, choisisses une guide, sous la conduitte de laquelle vous puissies plus saintement dedier vostre cœur et vostre cors a sa divine Majesté.

  A003001221 

 Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'a jamais vous veuilles [286] conserver vostre virginité, o Dieu, conservés vostre amour le plus delicatement que vous pourres pour cet Espoux divin qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté, et a qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour.

  A003001225 

 Tout aussi tost que les mondains s'appercevront que vous voulés suivre la vie devote, ilz descocheront sur vous mille traitz de leur cajolerie et mesdisance: les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigotterie et artifices; ilz diront que le monde vous a fait mauvais visage et qu'a son refus vous recourés a Dieu; vos amis s'empresseront a vous faire un monde de remonstrances, fort prudentes et charitables a leur advis: Vous tomberes, diront-ilz, en quelque humeur melancholique, vous perdres credit au monde, vous vous rendres insupportable, vous enviellires devant [288] le tems, vos affaires domestiques en patiront; il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mysteres; et mille telles bagatelles..

  A003001226 

 Y a-il une attention plus chagrine, plus melancholique et plus sombre que celle la? les mondains neanmoins ne disoyent mot, les amis ne se mettoyent point en peyne; et pour la meditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'a l'ordinaire pour nous preparer a la Communion, chacun court au medecin pour nous faire guerir de l'humeur hypocondriaque et de la jaunisse.

  A003001227 

 Il aggrandit nos imperfections et publie que ce sont des pechés, de nos pechés venielz il en fait des mortelz, et nos pechés d'infirmité il les convertit en pechés de malice..

  A003001228 

 Il espiera tous nos mouvemens, et pour une seule petite parolle de cholere il protestera que nous sommes insupportables; le soin de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur, niaiserie; et quant aux enfans du monde, leurs choleres sont generosités, leurs avarices, mesnages, leurs privautés, entretiens honnorables: les araignes gastent tous-jours l'ouvrage des abeilles..

  A003001228 

 Soit que les moutons ayent des cornes ou qu'ilz n'en ayent point, qu'ilz soyent blancz ou qu'ilz soyent noirs, le loup ne laissera pas de les manger s'il peut.

  A003001229 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous evitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël le jour mesme de leur naissance.

  A003001229 

 Laissons cet aveugle, Philothee: qu'il crie tant qu'il voudra, comme un chat huant, pour inquieter les oyseaux du jour.

  A003001229 

 Les cometes et les planetes [291] sont presque egalement lumineuses en apparence; mais les cometes disparoissent en peu de teins, n'estans que de certains feux passagers, et les planetes ont une clarté perpetuelle: ainsy l'hypocrisie et la vraye vertu ont beaucoup de ressemblance en l'exterieur; mais on reconnoist aysement l'une d'avec l'autre, parce que l'hypocrisie n'a point de duree et se dissipe comme la fumee en montant, mais la vraye vertu est tous-jours ferme et constante.

  A003001233 

 Il vous faschera peut estre d'abord de quitter la gloire que les folz et moqueurs vous donnoyent en vos vanités; mais o Dieu, voudries vous bien perdre l'eternelle que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetems esquelz vous aves employé les annees passees se representeront encor a vostre cœur pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auries vous bien le courage de renoncer a cette heureuse eternité pour des si trompeuses legeretés? Croyes-moy, si vous perseveres vous ne tarderes pas de recevoir des douceurs cordiales si delicieuses et aggreables, que vous confesseres que le monde n'a que du fiel en comparayson de ce miel, et qu'un seul jour de devotion vaut mieux que mille annees de la vie mondaine..

  A003001233 

 La lumiere, quoy que belle et desirable a nos yeux, les esblouit neanmoins apres qu'ilz ont esté en des longues tenebres; et devant que l'on se voye apprivoisé avec les habitans de quelque païs, pour courtois et gracieux qu'ilz soyent, on s'y treuve aucunement estonné.

  A003001234 

 Il est vray, nous sommes encor de petitz mouchons en la devotion, nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre a la cime de la perfection chrestienne; mais si commençons-nous a prendre forme [293] par nos desirs et resolutions, les aisles nous commencent a sortir, il faut donq esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devotz nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, affin que non seulement nous puissions voler au tems de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future..

  A003001234 

 Mays vous voyes que la montagne de la perfection chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites-vous, comment pourray-je monter? Courage, Philothee; quand les petitz mouchons des abeilles commencent a prendre forme on les appelle nymphes, et lhors ilz ne sçauroyent encor voler sur les fleurs, ni sur les montz, ni sur les collines voysines pour amasser le miel; mais petit a petit, se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petitz nymphes prennent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ilz volent a la queste par tout le païsage.

  A003001238 

 en fin elle consent ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrés pour [294] descendre a l'iniquité: la tentation, la delectation et le consentement.

  A003001239 

 Saint Paul souffrit longuement les tentations de la chair, et tant s'en faut que pour cela il fust desaggreable a Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles; la bienheureuse Angele de Foligny sentoit des tentations charnelles si cruelles qu'elle fait pitié quand elle les raconte; grandes furent aussi les tentations que souffrit saint François et saint Benoist, lhors que l'un se jetta dans les espines et l'autre dans la neige pour les mitiger, et neanmoins ilz ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmenterent de beaucoup..

  A003001240 

 Il faut donq estre fort courageuse, Philothee, emmi les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincue pendant qu'elles vous desplairont, en bien observant cette difference qu'il y a entre sentir et consentir, qui est qu'on les peut sentir encor qu'elles nous desplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puisque le playsir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003001240 

 Que donq les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ilz voudront d'amorces et d'appastz, qu'ilz demeurent tous-jours a la porte de nostre cœur pour entrer, qu'ilz nous facent tant de propositions qu'ilz voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, [295] il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le prince espoux de la princesse que j'ay representee ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de playsir.

  A003001242 

 Aves-vous jamais veu, Philothee, un grand brasier de feu couvert de cendres? quand on vient dix ou douze heures apres pour y chercher du feu, on n'en treuve qu'un peu au milieu du foyer, et encor on a peyne de le treuver; il y estoit neanmoins puysqu'on l'y treuve, et avec iceluy on peut rallumer tous les autres charbons des-ja esteintz.

  A003001242 

 C'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmi les grandes et violentes tentations: car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre, ce semble, toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroist plus en nulle part sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit; encores semble-il qu'il n'y soit pas, et a-on peyne de le treuver.

  A003001246 

 Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, qui couché et attaché avec des escharpes de soye bien delicatement sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraitz d'une impudique femme, qui estoit couchee avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit-il pas sentir d'estranges accidens? ses sens ne devoyent-ilz pas estre saisis de la delectation, et son imagination extrêmement occupee de cette presence des objetz voluptueux? Sans doute, et neanmoins parmi tant de troubles, emmi un si terrible orage de tentations et entre tant de voluptés qui sont tout autour de luy, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu et que sa volonté n'y consent nullement, puisque son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son cors a son commandement sinon la langue, il se la coupa avec les [297] dens et la cracha sur le visage de cette vilaine ame qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens; aussi, le tyran qui se defioit de la vaincre par les douleurs, pensoit la surmonter par ces playsirs..

  A003001252 

 Ce que je dis affin que, s'il vous arrive jamais d'estre affligee de si grande tentation, vous sçachies que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il vous veut aggrandir devant sa face, et que neanmoins vous soyes tous-jours humble et craintive, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menues tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidelité a l'endroit de sa Majesté.

  A003001252 

 Ma Philothee, ces grans assautz et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames lesquelles il veut eslever a son pur et excellent amour; mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soyent asseurees d'y parvenir, car il est arrivé [299] maintesfois que ceux qui avoyent esté constans en des si violentes attaques, ne correspondans pas par apres fidelement a la faveur divine, se sont treuvés vaincus en des bien petites tentations.

  A003001257 

 De mesme, si je sçay que quelque conversation m'apporte de la tentation et de la cheute, et j'y vay volontairement, je suis indubitablement coulpable de toutes les tentations que j'y recevray..

  A003001257 

 Par exemple, je sçay que jouant j'entre volontier en rage et blaspheme, et que le jeu me sert de tentation a cela: je peche toutes fois et quantes que je joüeray, et suis coulpable de toutes les tentations qui m'arriveront au jeu.

  A003001264 

 Si tost que vous sentes en vous quelques tentations, faites comme les petitz enfans quand ilz voyent le loup ou l'ours en la campaigne; car tout aussi tost ilz courent entre les bras de leur pere et de leur mere, ou pour le moins les appellent a leur ayde et secours.

  A003001266 

 Divertisses vostre esprit par quelques occupations bonnes et louables; car ces occupations entrans dedans vostre cœur et prenans place, elles chasseront les tentations et suggestions malignes.

  A003001267 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de desployer son cœur et de communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons a nostre directeur; car notés que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes et les filles, qui de prime abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ni aux maris: ou au contraire Dieu, en ses inspirations, demande sur toutes choses que nous les fassions reconnoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003001268 

 Que si, apres tout cela, la tentation s'opiniastre a nous travailler et persecuter, nous n'avons rien a faire sinon a nous opiniastrer de nostre costé en la protestation de ne vouloir point consentir; car, comme les filles ne peuvent estre mariees pendant qu'elles disent que non, ainsy l'ame quoy que troublee, ne peut jamais estre offensee pendant qu'elle dit que non..

  A003001273 

 C'est chose bien aysee que de s'empescher du meurtre, mais c'est chose difficile d'eviter les menues choleres, desquelles les occasions se presentent a tout moment.

  A003001273 

 Les loups et les ours sont sans doute plus dangereux que les mouches, mais si ne nous font-ilz pas tant d'importunité et d'ennui, ni n'exercent pas tant nostre patience.

  A003001273 

 Quoy qu'il faille combattre les grandes tentations avec un courage invincible et que la victoire que nous en rapportons nous soit extremement utile, si est-ce neanmoins qu'a l'adventure on fait plus de prouffit a bien combattre les petites; car, comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable a celle des plus grandes.

  A003001274 

 Bref, ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuelz exercices de ceux mesmes qui sont plus devotz et resolus: c'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions a ce combat; et soyes asseuree qu'autant de victoires que nous rapportons contre ces petitz ennemis, autant de pierres pretieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis.

  A003001274 

 C'est pourquoy je dis, qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations si elles viennent, il nous faut bien et diligemment defendre de ces menues et foibles attaques..

  A003001279 

 Car si vous me croyes, vous ne vous opiniastreres pas a vouloir opposer la vertu contraire a la tentation que vous sentes, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle; mais apres avoir fait une action de cette vertu directement contraire, si vous aves eu le loysir de reconnoistre la qualité de la tentation, vous feres un simple retour de vostre cœur du costé de Jesus Christ crucifié, et par une action d'amour en son endroit vous luy bayseres les sacrés pieds..

  A003001279 

 Mesprises donques ces menues attaques et ne daignes pas seulement penser a ce qu'elles veulent dire, mais laisses les bourdonner autour de vos oreilles tant qu'elles voudront, et courir ça et la autour de vous, comme l'on fait des mouches; et quand elles viendront vous piquer et que vous les verres aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles ni leur respondant, mais faisant des actions contraires, quelles qu'elles soyent, et specialement de l'amour de Dieu.

  A003001280 

 C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire..

  A003001285 

 Considerés de tems en tems quelles passions dominent le plus en vostre ame; les ayant descouvertes, prenés une façon de vivre qui leur soit toute contraire, en pensees, en parolles et en œuvres.

  A003001286 

 Si vous estes inclinee a l'avarice, penses souvent a la folie de ce peché qui nous rend esclaves de ce qui n'est creé que pour nous servir; qu'a la mort aussi bien [309] audra-il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensees.

  A003001287 

 Si vous estes sujette a vouloir donner ou recevoir de l'amour, penses souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres; combien c'est une chose indigne de prophaner et employer a passetems la plus noble affection qui soit en nostre ame; combien cela est sujet au blasme d'une extreme legereté d'esprit.

  A003001288 

 En somme, en tems de paix, c'est a dire lhors que les tentations du peché auquel vous estes sujette ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire, et si les occasions ne se presentent, alles au devant d'elles pour les rencontrer; car par ce moyen vous renforcerés vostre cœur contre la tentation future..

  A003001292 

 Quand donq l'ame sent qu'elle a [310] quelque mal, elle se desplait de l'avoir, et voyla la tristesse; et tout incontinent, elle desire d'en estre quitte et d'avoir les moyens de s'en desfaire; et jusques ici elle a rayson, car naturellement chacun desire le bien et fuit ce qu'il pense estre mal..

  A003001293 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre delivree de son mal pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité, attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peyne, industrie ou diligence; si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera a la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mays je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit.

  A003001294 

 L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché; car, comme les seditions et troubles interieurs d'une republique la ruinent entierement et l'empeschent qu'elle ne puisse resister a l'estranger, ainsy nostre cœur estant troublé et inquieté en soy mesme perd la force de maintenir les vertus qu'il avoit acquises, et quant et quant le moyen de resister aux tentations de l'ennemi, lequel fait alhors toutes sortes d'effortz pour pescher, comme l'on dit, en eau trouble..

  A003001295 

 Les oyseaux demeurent prins dedans les filetz et laqs parce que s'y treuvans engagés ilz se desbattent et remuent desreglement pour en sortir, ce que faisans ilz s'enveloppent tous-jours tant plus.

  A003001295 

 Quand donq vous serés pressee du desir d'estre delivree de quelque mal ou de parvenir a quelque bien, avant toute chose mettes vostre esprit en repos et tranquillité, faites rasseoir vostre jugement et vostre volonté, et puys, tout bellement et doucement, pourchasses l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire negligemment, mays sans empressement, trouble et inquietude; autrement en lieu d'avoir l'effect de vostre desir vous gasteres tout et vous embarrasseres plus fort..

  A003001297 

 Ne permettes pas a vos desirs, pour petitz qu'ilz soyent et de petite importance, qu'ilz vous inquietent; car apres les petitz, les grans et plus importans treuveroyent vostre cœur plus disposé au trouble et desreglement.

  A003001302 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit saint Paul, opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde opere la mort. La tristesse donques peut estre bonne et mauvaise, selon les diverses productions qu'elle fait en nous.

  A003001303 

 L'ennemi se sert de la tristesse pour exercer ses tentations a l'endroit des bons; car, comme il tasche de faire resjouir les mauvais en leur peché, aussi tasche-il d'attrister les bons en leurs bonnes œuvres; et comme il ne peut procurer le mal qu'en le faysant treuver aggreable, aussi ne peut-il destourner du bien qu'en le faysant treuver desaggreable.

  A003001304 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglees, desgouste de l'orayson, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution, de jugement et de courage, et abat les forces: bref, elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et engourdit tous les animaux; car elle oste toute suavité de l'ame et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultés..

  A003001305 

 Si jamais il vous arrivoit, Philothee, d'estre atteinte de cette mauvaise tristesse, prattiqués les remedes suivans.

  A003001306 

 Contraries vivement aux inclinations de la tristesse; et bien qu'il semble que tout ce que vous feres en ce tems la se face froidement, tristement et laschement, ne [314] laisses pourtant pas de le faire; car l'ennemi, qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estans faittes avec resistance elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger.

  A003001307 

 Il est bon de s'employer aux œuvres exterieures et les diversifier le plus que l'on peut, pour divertir l'ame de l'objet triste, purifier et eschauffer les espritz, la tristesse estant une passion de la complexion froide et seche..

  A003001308 

 Faites des actions exterieures de ferveur, quoy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baysant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles ci: Mon Bienaymè a moy, et moy a luy.

  A003001310 

 Descouvres tous les ressentimens, affections et suggestions qui proviennent de vostre tristesse a vostre conducteur et confesseur, humblement et fidellement; [315] cherches les conversations des personnes spirituelles et les hantes le plus que vous pourres pendant ce tems-la.

  A003001310 

 Et en fin finale, resignes vous entre les mains de Dieu, vous preparant a souffrir cette ennuyeuse tristesse patiemment, comme juste punition de vos vaines allegresses; et ne doutes nullement que Dieu, apres vous avoir esprouvee, ne vous delivre de ce mal..

  A003001314 

 Il en est de mesme de l'homme, qui est, selon le dire des Anciens, un « abregé du monde; » car jamais il n'est en un mesme estat, et sa vie escoule sur cette terre comme les eaux, flottant et ondoyant en une perpetuelle diversité de mouvemens, qui tantost l'eslevent aux esperances, tantost l'abaissent par la crainte, tantost le plient a droite par la consolation, tantost a gauche par l'affliction, et jamais une seule de ses journees, ni mesme une de ses heures, n'est entierement pareille a l'autre.

  A003001315 

 Qui nous separera de l'amour et charité de Dieu? Non, jamais rien ne nous separera de cet amour: ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la mort, ni la vie, ni la douleur presente, ni la crainte des accidens futurs, ni les artifices des malins espritz, ni la hauteur des consolations, ni la profondité des afflictions, ni la tendreté, ni la secheresse ne nous doit jamais separer de cette sainte charité qui est fondee en Jesus Christ..

  A003001316 

 Car, comme les avettes se voyans surprises du vent en la campaigne, embrassent des pierres pour se pouvoir balancer en l'air et n'estre pas si aysement transportees a la merci de l'orage, ainsy nostre ame ayant vivement embrassé par resolution le pretieux amour de son Dieu, demeure constante parmi l'inconstance et vicissitude des consolations et afflictions, tant spirituelles que temporelles, tant exterieures qu'interieures.

  A003001316 

 Cette resolution si absolue de ne jamais abandonner Dieu ni quitter son doux amour, sert de contrepoids a nos ames pour les tenir en la sainte egalité parmi l'inegalité de divers mouvemens que la condition de [317] cette vie luy apporte.

  A003001318 

 Mais quand ce vient a l'essay, on treuve que comme les pluyes passageres d'un esté bien chaud, qui tombans en grosses gouttes sur la terre ne la penetrent point et ne servent qu'a la production des champignons, ainsy ces larmes et tendretés tombans sur un cœur vicieux et ne le penetrans point, luy sont tout a fait inutiles: car pour tout cela, les pauvres gens ne quitteroyent pas un seul liard du bien mal acquis qu'ilz possedent, ne renonceroyent pas une [319] seule de leurs perverses affections, et ne voudroyent pas avoir pris la moindre incommodité du monde pour le service du Sauveur sur lequel ilz ont pleuré; en sorte que les bons mouvemens qu'ilz ont eus, ne sont que des certains champignons spirituelz, qui non seulement ne sont pas la vraye devotion, mais bien souvent sont des grandes ruses de l'ennemi, qui, amusant les ames a ces menues consolations, les fait demeurer contentes et satisfaittes en cela, a ce qu'elles ne cherchent plus la vraye et solide devotion, qui consiste en une volonté constante, resolue, prompte et active d'executer ce que l'on sçait estre aggreable a Dieu..

  A003001320 

 Ce sont des petitz avant-goustz des suavités immortelles que Dieu donne aux ames qui le cherchent; ce sont des grains sucrés qu'il donne a ses petitz enfans pour les amorcer; ce sont des eaux cordiales qu'il leur presente pour les conforter, et ce sont aussi quelquefois des arres des recompenses eternelles.

  A003001320 

 Et certes, la moindre petite consolation de la devotion que nous recevons vaut mieux de toute façon que les plus excellentes recreations du monde.

  A003001320 

 Et comme ceux qui ont l'herbe scitique en la bouche en reçoivent une si extreme douceur qu'ilz ne sentent ni faim ni soif, ainsy ceux a qui Dieu a donné cette manne celeste des suavités et consolations interieures ne peuvent desirer ni recevoir les consolations du monde, pour au moins y prendre goust et y amuser leurs affections.

  A003001320 

 Les mammelles [321] et le laict, c'est a dire les faveurs du divin Espoux, sont meilleures a l'ame que le vin le plus pretieux des playsirs de la terre: qui en a gousté tient tout le reste des autres consolations pour du fiel et de l'absynthe.

  A003001320 

 On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit premierement l'Arabie heureuse par le sentiment qu'il eut des suaves odeurs que le vent luy donnoit; et sur cela, se donna du courage et a tous ses compaignons: ainsy nous recevons souvent des douceurs et suavités en cette mer de la vie mortelle, qui sans doute nous font pressentir les delices de cette Patrie celeste a laquelle nous tendons et aspirons..

  A003001321 

 Le cœur est bon qui a de bonnes affections, et les affections et passions sont bonnes qui produisent en nous des bons effectz et saintes actions.

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001321 

 Nos cœurs sont des arbres, les affections et passions sont leurs [322] branches, et leurs œuvres ou actions sont les fruitz.

  A003001321 

 Si les douceurs, tendretés et consolations nous rendent plus humbles, patiens, traittables, charitables et compatissans a l'endroit du prochain, plus fervens a mortifier nos concupiscences et mauvaises inclinations, plus constans en nos exercices, plus maniables et souples a ceux que nous devons obeir, plus simples en nostre vie, sans doute, Philothee, qu'elles sont de Dieu; mais si ces douceurs n'ont de la douceur que pour nous, qu'elles nous rendent curieux, aigres, pointilleux, impatiens, opiniastres, fiers, presomptueux, durs a l'endroit du prochain, et que pensans des-ja estre des petitz saintz nous ne voulons plus estre sujetz a la direction ni a la correction, indubitablement ce sont des consolations fauses et pernicieuses: Un bon arbre ne produit que des bons fruitz..

  A003001322 

 Et ainsy, c'est beaucoup, Philothee, d'avoir les douceurs; mais c'est la douceur des douceurs de considerer que Dieu de sa main amoureuse et maternelle les nous met en la bouche, au cœur, en l'ame, en l'esprit.

  A003001322 

 Il faut, outre tout cela, renoncer de tems en tems a telles douceurs, tendretés et consolations, separans nostre cœur d'icelles et protestans qu'encor que nous les acceptions humblement et les aymions, parce que Dieu nous les envoye et qu'elles nous provoquent a son amour, ce ne sont neanmoins pas elles que nous cherchons, mais Dieu et son saint amour: non la consolation, mais le Consolateur; non la douceur, mais le doux Sauveur; non la tendreté, mais [324] Celuy qui est la suavité du ciel et de la terre; et en cette affection nous nous devons disposer a demeurer fermes au saint amour de Dieu, quoy que de nostre vie nous ne deussions jamais avoir aucune consolation, et de vouloir dire egalement sur le mont de Calvaire, comme sur celuy de Thabor: O Seigneur, il m'est bon d'estre avec vous, ou que vous soyes en croix, ou que vous soyes en gloire.

  A003001322 

 Les ayans receuës ainsy humblement, employons les soigneusement selon l'intention de Celuy qui les nous donne.

  A003001322 

 Mais apres cela, parlant generalement et pour l'ordinaire, recevons humblement ces graces et faveurs et les estimons extremement grandes, non tant parce qu'elles le sont en elles mesmes, comme parce que c'est la main de Dieu qui nous les met au cœur; comme feroit une mere qui pour amadouer son enfant, luy mettroit elle mesme les grains de dragee en bouche, l'un apres l'autre, car si l'enfant avoit de l'esprit, il priseroit plus la douceur de la mignardise et caresse que sa mere luy fait, que la douceur de la dragee mesme.

  A003001328 

 Comme une mere refuse le sucre a son enfant qui est sujet aux vers, ainsy Dieu nous oste les consolations quand nous y prenons quelque vayne complaisance et que nous sommes sujetz aux vers de l'outrecuidance: Il m'est bon, o mon Dieu, que vous m'humilies; ouy, car avant que je fusse humilié je vous avois offensé..

  A003001329 

 Quand nous negligeons de recueillir les suavités et delices de l'amour de Dieu lhors qu'il en est tems, il les escarte de nous en punition de nostre paresse: l'Israëlite qui n'amassoit la manne de bon matin ne le pouvoit plus faire apres le soleil levé, car elle se treuvoit toute fondue..

  A003001330 

 Les abeilles haïssent [326] toutes les odeurs artificielles; et les suavités du Saint Esprit sont incompatibles avec les delices artificieuses du monde..

  A003001331 

 La duplicité et finesse d'esprit exercee es confessions et communications spirituelles que l'on fait avec son conducteur, attire les secheresses et sterilités: car puisque vous mentés au Saint Esprit, ce n'est pas merveille s'il vous refuse sa consolation; vous ne voules pas estre simple et naif comme un petit enfant, vous n'aures donq pas la dragee des petitz enfans..

  A003001332 

 Il a rempli de biens, dit Nostre Dame, les affamés, et les riches il les a laissé vuides: ceux qui sont riches des playsirs mondains ne sont pas capables des spirituelz..

  A003001332 

 Vous vous estes bien saoulee des contentemens mondains, ce n'est pas merveille si les delices spirituelles vous sont a desgoust: les colombes ja saoules, dit l'ancien proverbe, treuvent ameres les cerises.

  A003001333 

 Aves-vous bien conservé les fruitz des consolations receuës? vous en aures donq des nouvelles, car a celuy qui a, on luy en donnera davantage; et a celuy qui n'a pas ce qu'on luy a donné, mais qui l'a perdu par sa faute, on luy ostera mesme ce qu'il n'a pas; c'est a dire on le privera des graces qui luy estoient preparees.

  A003001333 

 Il est vray, la pluye vivifie les plantes qui ont de la verdeur; mais a celles qui ne l'ont point elle leur oste encor la vie qu'elles n'ont point, car elles en pourrissent tout a fait..

  A003001334 

 Pour plusieurs telles causes nous perdons les consolations devotieuses et tombons en secheresse et sterilité d'esprit: examinons donq nostre conscience si nous remarquerons en nous quelques semblables defautz.

  A003001337 

 Alles a vostre confesseur, ouvres-luy bien vostre cœur, faites-luy bien voir tous les replis de vostre ame, prenes les advis qu'il vous donnera, avec grande simplicité et humilité: car Dieu qui ayme infiniment l'obeissance, rend souvent utiles les conseilz que l'on prend d'autruy, et sur tout des conducteurs des ames, encor que d'ailleurs il n'y eust pas grande apparence; comme il rendit prouffitables a Naaman les eaux du Jourdain, desquelles Helisee, sans aucune apparence de rayson humaine, luy avoit ordonné l'usage..

  A003001338 

 Nous devons donq en toutes sortes d'afflictions, tant corporelles que spirituelles, et es distractions ou soustractions de la devotion sensible qui nous arrivent, dire de tout nostre cœur et avec une profonde sousmission: Le Seigneur m'a donné des consolations, le Seigneur me les a ostees, son saint Nom soit beni; car perseverans en cette humilité, il nous rendra ses delicieuses faveurs, comme il fit a Job qui usa constamment de pareilles paroles en toutes ses desolations..

  A003001339 

 Finalement, Philothee, entre toutes nos secheresses et sterilités ne perdons point courage, mais attendans en patience le retour des consolations, suivons tous-jours nostre train; ne laissons point pour cela aucun exercice de devotion, ains, s'il est possible, multiplions nos bonnes œuvres, et ne pouvans presenter a nostre cher Espoux des confitures liquides, presentons-luy en des seches, car ce luy est tout un, pourveu que le cœur qui les luy offre soit parfaittement resolu de le vouloir aymer.

  A003001339 

 Il [329] arrive maintesfois, ma Philothee, que l'ame se voyant au beau printems des consolations spirituelles s'amuse tant a les amasser et succer, qu'en l'abondance de ces douces delices elle fait beaucoup moins de bonnes œuvres, et qu'au contraire, parmi les aspretés et sterilités spirituelles, a mesure qu'elle se void privee des sentimens aggreables de devotion, elle en multiplie d'autant plus les œuvres solides, et abonde en la generation interieure des vrayes vertus, de patience, humilité, abjection de soy mesme, resignation, et abnegation de son amour propre..

  A003001339 

 Quand le printems est beau les abeilles font plus de miel et moins de mouchons, parce qu'a la faveur du beau tems elles s'amusent tant a faire leur cueillette sur les fleurs qu'elles en oublient la production de leurs nymphes; mays quand le printems est aspre et nubileux elles font plus de nymphes et moins de miel, car ne pouvans pas sortir pour faire la cueillette du miel, elles s'employent a se peupler et multiplier leur race.

  A003001340 

 C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu.

  A003001340 

 Ce n'est pas si grand cas de servir un prince en la douceur d'un tems paisible et parmi les delices de la cour, mais de le servir en l'aspreté de la guerre, parmi les troubles et persecutions, c'est une vraye marque de constance et fidelité..

  A003001341 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de bonnes œuvres, car plus nous avons des contradictions, soit exterieures soit interieures, [331] a les faire, plus elles sont estimees et prisees devant Dieu.

  A003001341 

 La bienheureuse Angele de Foligny dit que «l'orayson la plus aggreable a Dieu est celle qui se fait par force et contrainte,» c'est a dire celle a laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goust que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire a Dieu, a quoy nostre volonté nous porte comme a contrecœur, forçant et violentant les secheresses et repugnances qui s'opposent a cela.

  A003001346 

 C'est chose ordinaire a presque tous ceux qui commencent a servir Dieu et qui ne sont encor point experimentés es soustractions de la grace ni es vicissitudes spirituelles, que leur venant a manquer ce goust de la devotion sensible, et cette aggreable lumiere qui les invite a se haster au chemin de Dieu, ilz perdent tout a coup l'haleyne et tombent en pusillanimité et tristesse de cœur.

  A003001346 

 Les gens bien entendus en rendent cette rayson, que la nature raysonnable ne peut longuement durer affamee et sans quelque delectation, ou celeste ou terrestre.

  A003001346 

 Or, comme les ames relevees au dessus d'elles mesmes par l'essay des playsirs superieurs, renoncent facilement aux objetz visibles, ainsy quand par la disposition divine la joye spirituelle leur est ostee, se treuvans aussi d'ailleurs privees des consolations corporelles, et n'estans point encor accoustumees d'attendre en patience les retours du vray soleil, il leur semble qu'elles ne sont ni au ciel ni en la terre, et qu'elles demeureront ensevelies en une nuit perpetuelle: si que, [333] comme petitz enfançons qu'on sevre, ayans perdu leurs mammelles, elles languissent et gemissent, et deviennent ennuyeuses et importunes, principalement a elles mesmes..

  A003001348 

 Il faut esperer entre les travaux et craindre entre les prosperités, et tant en l'une des occasions qu'en l'autre il se faut tous-jours humilier.

  A003001348 

 Que Dieu donne ordinairement quelque avant-goust [334] des delices celestes a ceux qui entrent a son service, pour les retirer des voluptés terrestres et les encourager a la poursuite du divin amour, comme une mere qui pour amorcer et attirer son petit enfant a la mammelle met du miel sur le bout de son tetin.

  A003001348 

 Que nous ne devons jamais perdre courage entre les ennuis interieurs, ni dire comme le bon Geoffroy, « Jamais je ne seray joyeux, » car emmi la nuit nous devons attendre la lumiere; et reciproquement, au plus beau tems spirituel que nous puissions avoir, il ne faut pas dire, je ne seray jamais ennuyé: non, car, comme dit le Sage, es jours heureux, il se faut resouvenir du malheur.

  A003001348 

 Que quelquefois des bien grans orages s'eslevent parmi les secheresses et sterilités, et lhors il faut constamment combattre les tentations, car elles ne sont pas de Dieu; mais il faut souffrir patiemment les secheresses, puisque Dieu les a ordonnees pour nostre exercice.

  A003001349 

 Mais si vous observés les enseignemens que je vous ay donnés, vous accroistres grandement vostre perfection en l'exercice que vous feres entre ces afflictions interieures, desquelles je ne veux pas finir le propos que je ne vous die encor ce mot..

  A003001350 

 Or, en telles occasions, il faut tous-jours se resouvenir de faire plusieurs actes de vertu avec la pointe de nostre esprit et volonté superieure; car encor que toute nostre ame semble dormir et estre accablee d'assoupissement et lassitude, si est-ce que les actions de nostre esprit ne laissent pas d'estre fort aggreables a Dieu, et pouvons dire en ce tems la, comme l'Espouse sacree: Je dors, mais mon cœur veille; et comme j'ay dit ci dessus, s'il y a moins de goust a travailler de la sorte, il y a pourtant plus de merite et de vertu.

  A003001350 

 Quelquefois les desgoustz, les sterilités et secheresses proviennent de l'indisposition du cors, comme quand par l'exces des veilles, des travaux et des jeusnes on se treuve accablé de lassitudes, d'assoupissemens, de pesanteurs et d'autres telles infirmités, lesquelles bien qu'elles dependent du cors ne laissent pas d'incommoder l'esprit, pour l'estroitte liaison qui est entre eux.

  A003001351 

 C'est pour dire que les plus grans serviteurs de Dieu sont sujetz a ces secousses, et que les moindres ne doivent s'estonner s'il leur en arrive quelques unes..

  A003001357 

 Nostre nature humaine deschoit aysement de ses bonnes affections, a cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous-jours contrebas si elle ne s'esleve souvent en haut a vive force de resolution, ainsy que les oyseaux retombent soudain en terre s'ilz ne multiplient les eslancemens et traitz d'aisles pour se maintenir au vol. Pour cela, chere Philothee, vous aves besoin de reiterer et repeter fort souvent les bons propos que vous aves fait de servir Dieu, de peur que, ne le faysant pas, vous ne retombiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire car les cheutes spirituelles ont cela de propre, qu'elles nous precipitent tous-jours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut a la devotion..

  A003001358 

 Ainsy celuy qui a un vray soin de son cher cœur doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus; et outre cela, il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin, au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est a dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defautz qui y peuvent estre.

  A003001358 

 Cet exercice reparera vos forces abattues par le tems, eschauffera vostre cœur, fera reverdir vos bons propos et refleurir les vertus de vostre esprit.

  A003001358 

 Et comme l'horloger oint avec quelque huyle delicate les roues, les ressortz et tous les mouvans de son horloge, affin que les mouvemens se facent plus doucement et qu'il soit moins sujet a la rouïlleure, ainsy la personne devote, apres la prattique de ce demontement de son cœur, pour le bien renouveller, le doit oindre par les Sacremens de Confession et de l'Eucharistie.

  A003001358 

 Il n'y a point d'horloge, pour bon qu'il soit, qu'il ne faille remonter ou bander deux fois le jour, au matin et au soir, et puys, outre cela, il faut qu'au moins une fois l'annee l'on le demonte de toutes pieces, pour oster les rouïlleures qu'il aura contractees, redresser les pieces forcees et reparer celles qui sont usees.

  A003001358 

 Les anciens Chrestiens le prattiquoient soigneusement au jour anniversaire du Baptesme de Nostre Seigneur, auquel, comme dit saint Gregoire Evesque de Nazianze, ilz renouvelloient la profession et les protestations qui se font en ce Sacrement: faisons-en de mesme, ma chere Philothee, nous y disposans tres volontier, et nous y employans fort serieusement..

  A003001359 

 Ayant donques choisi le tems convenable, selon l'advis de vostre pere spirituel, et vous estant un peu plus retiree en la solitude, et spirituelle et reelle, que l'ordinaire, vous ferés une ou deux ou trois meditations sur les pointz suivans, selon la methode que je vous ay donnee en la seconde Partie.

  A003001364 

 Consideres les pointz de vostre protestation.

  A003001365 

 Si les paroles raysonnables donnees aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons donnees a Dieu: Ha, Seigneur, disoit David, c'est a vous a qui mon cœur l'a dit; mon cœur a projette cette bonne parole; non, jamais je ne l'oublieray..

  A003001367 

 Mais dites en verité, fustes-vous pas conviee par des doux attraitz du Saint Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque a ce port salutaire, furent-elles pas d'amour et charité? Comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'orayson? Helas, chere Philothee, vous dormies, et Dieu veilloit sur vous et pensoit sur vostre cœur des pensees de paix, il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003001369 

 Consideres les effectz de cette vocation: vous treuveres, je pense, en vous de bons changemens, comparant [342] ce que vous estes avec ce que vous esties.

  A003001369 

 Ha, je ne mourray pas mais je vivray, et raconteray de cœur, de bouche et par œuvres les merveilles de sa bonté..

  A003001369 

 Ne prenes-vous point a bonheur de sçavoir parler a Dieu par l'orayson, d'avoir affection a le vouloir aymer, d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoyent, d'avoir evité plusieurs pechés et embarrassemens de conscience, et en fin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussies pas fait, vous unissant a cette souveraine source de graces eternelles? Ha, que ces graces sont grandes! il faut, ma Philothee, les peser au poids du sanctuaire.

  A003001374 

 Il est neanmoins requis de faire tout ce second point en trois jours et deux nuitz pour le plus, prenant de chaque jour et de chaque nuit quelque heure, je veux dire quelque tems, selon que vous pourres; car si cet exercice ne se faisoit qu'en des tems fort distans les uns des autres, il perdroit sa force et donneroit des impressions trop lasches.

  A003001374 

 Il n'est pas requis ni expedient que vous facies a genoux, sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003001374 

 Les autres pointz de l'examen vous les pouves faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouves estre quelque tems sans assoupissement et bien esveillee; mais pour ce faire il les faut avoir bien leus auparavant.

  A003001375 

 Bien qu'es jours que vous feres cet exercice et les autres il ne soit pas requis de faire une absolue retraitte des conversations, si faut-il en faire un peu, sur tout devers le soir, affin que vous puissies gaigner le lict de meilleure heure et prendre le repos de cors et d'esprit, necessaire a la consideration.

  A003001382 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des commandemens de Dieu? Les treuves-vous bons, doux, aggreables? Ha, ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il ayme les bonnes viandes et rejette les mauvaises..

  A003001384 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des exercices spirituelz? Les aymes-vous? les estimes-vous? vous faschent-ilz point? en estes-vous point desgoustee? auquel vous sentes-vous moins ou plus inclinee? Ouïr la parolle de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituelz, s'apprester a la Communion, se communier, restreindre ses affections: qu'y a-il en cela qui repugne a vostre cœur? Et si vous treuves quelque chose a quoy ce cœur aye moins d'inclination, examines d'ou vient ce desgoust, qu'est-ce qui en est la cause..

  A003001385 

 Sentes-vous en vostre cœur une certaine facilité a l'aymer et un goust particulier a savourer cet amour? Vostre cœur se recree-il point a penser a l'immensité de Dieu, a sa bonté, a sa suavité? Si le souvenir de Dieu vous arrive emmi les occupations du monde et les vanités, se fait-il point faire place, saisit-il point vostre cœur? vous semble-il point que vostre cœur se tourne de son costé et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela.

  A003001385 

 Si le mari d'une femme revient de loin, tout aussi tost que cette femme s'apperçoit de son retour et qu'elle sent sa voix, quoy qu'elle soit embarrassee d'affaires et retenue par quelque violente consideration emmi la presse, si est-ce que son cœur n'est pas retenu, mais abandonne les autres pensees pour penser a ce mari venu.

  A003001386 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? Vous plaises-vous autour de luy? Les mouches a miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs: ainsy les bonnes ames prennent leur contentement autour de Jesus Christ et ont une extreme tendreté d'amour en son endroit; mais les mauvais se plaisent autour des vanités..

  A003001387 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Nostre Dame, des Saintz, de vostre bon Ange? Les aymes-vous fort? aves-vous une speciale confiance en leur bienveillance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent-elles?.

  A003001388 

 Quant a vostre langue, comme parles-vous de Dieu? Vous plaises-vous d'en dire du bien selon vostre condition et suffisance? aymes-vous a chanter les cantiques?.

  A003001395 

 Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soy mesme: que diront les Anges si je pense a telle chose? que non pas: que diront les hommes?.

  A003001395 

 Or, l'amour ordonné veut que nous aymions plus l'ame que le cors, que nous ayons plus de soin d'acquerir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de conte de l'honneur celeste que de l'honneur bas et caduque.

  A003001397 

 Or, il n'y a pas grande humilité en une mouche de ne s'estimer rien au prix d'une montaigne, ni en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparayson de la mer, ni a une bluette ou estincelle de feu de se tenir pour rien au prix du soleil; mais l'humilité gist a ne [348] point nous surestimer aux autres et a ne vouloir pas estre surestimé par les autres: a quoy en estes-vous pour ce regard?.

  A003001404 

 Examines bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous aves grande contradiction a les aymer.

  A003001409 

 J'ay estendu ainsy au long ces pointz, en l'examen desquelz gist la connoissance de l'avancement spirituel qu'on a fait; car quant a l'examen des pechés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point a s'avancer.

  A003001413 

 En nos desirs, touchant les biens, touchant les playsirs, touchant les honneurs..

  A003001418 

 Quelles affections en fin tiennent nostre cœur empesché? quelles passions le possedent? en quoy s'est-il principalement detraqué? Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: d'autant que, comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les accorde, ou les tirant ou les laschant, ainsy, apres avoir tasté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes a l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace et le conseil de nostre pere spirituel.

  A003001427 

 Invoques les Saintz, la Sainte Vierge, vostre Ange, vostre Patron, saint Joseph, et ainsy des autres.

  A003001431 

 Apres avoir fait l'examen, et avoir bien conferé avec quelque digne conducteur sur les defautz et sur les remedes d'iceux, vous prendres les considerations suivantes, en faisant une chaque jour par maniere de meditation, y employant le tems de vostre orayson, et ce tous-jours avec la mesme methode, pour la preparation et les affections, de laquelle vous aves usé es meditations de la premiere Partie, vous mettant avant toutes choses en la presence de Dieu, implorant sa grace pour vous bien establir en son saint amour et service..

  A003001436 

 Voyes vostre cœur comme il est genereux, et que, comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, ains s'arrestent seulement sur les fleurs, ainsy vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003001437 

 Helas, nostre cœur courant aux creatures, il y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrees, il void que c'est a refaire et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu sur lequel il puisse reposer, non plus que la colombe sortie de l'arche de Noé, affin qu'il retourne a son Dieu duquel il est sorti.

  A003001442 

 Consideres que les vertus et la devotion peuvent seules rendre vostre ame contente en ce monde; voyes combien elles sont belles.

  A003001442 

 Mettes en comparayson les vertus, et les vices qui leur sont contraires: quelle suavité en la patience au prix de la vengeance; de la douceur au prix de l'ire et du chagrin; de l'humilité au prix de l'arrogance et ambition; de la liberalité au prix de l'avarice; de la charité au prix de l'envie de la sobrieté au prix des desordres! Les vertus ont cela d'admirable, qu'elles delectent l'ame d'une douceur et suavité nompareille apres qu'on les a exercees, ou les vices la laissent infiniment recreuë et mal menee.

  A003001443 

 O vie devote, que vous estes belle, douce, aggreable et souëfve: vous adoucisses les tribulations, et rendes souëfves les consolations; sans vous le bien est mal, et les playsirs pleins d'inquietude, troubles et defaillances.

  A003001447 

 Consideres l'exemple des Saintz de toutes sortes: qu'est-ce qu'ilz n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devotz? Voyes ces Martyrs invincibles en leurs resolutions, quelz tourmens n'ont-ilz pas souffert pour les maintenir? Mais sur tout, ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes a douze, les autres a treize, quinze, vingt et vingt cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer a leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourans plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligés, et consoler les tourmentés, et ensevelir les trespassés.

  A003001448 

 Mon Dieu, qu'est ce que dit saint Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a-elle poursuivi son entreprinse de [356] servir Dieu en son mariage, en son vefvage! Et saint Hierosme, de sa chere fille Paula? parmi combien de traverses, parmi combien de varietés d'accidens! Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur des si excellens patrons? Ilz estoyent ce que nous sommes, ilz le faisoyent pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus: pourquoy n'en ferons nous autant, en nostre condition et selon nostre vocation, pour nostre chere resolution et sainte protestation?.

  A003001448 

 Regardes tant de saintz Confesseurs: avec quelle force ont-ilz mesprisé le monde, comme se sont-ilz rendus invincibles en leurs resolutions; rien ne les en a peu faire desprendre, ilz les ont embrassees sans reserve et les ont maintenues sans exception.

  A003001452 

 Helas, o Sauveur de mon ame, vous mourustes pour m'acquerir mes resolutions, hé faites-moy la grace que je meure plustost que de les perdre.

  A003001453 

 Ce sont tous les moyens, tous les attraitz, toutes les graces avec lesquelles il conduit vostre ame et la veut tirer a sa perfection..

  A003001453 

 Ouy sans doute; comme une femme enceinte prepare le berceau, les linges et bandelettes, et mesme une nourrice pour l'enfant qu'elle espere faire, encor qu'il ne soit pas au monde, ainsy Nostre Seigneur ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, pretendant de vous enfanter au salut et vous rendre sa fille, prepara sur l'arbre de la Croix tout ce qu'il falloit pour vous: vostre berceau spirituel, vos linges et bandelettes, vostre nourrice et tout ce qui estoit convenable pour vostre bonheur.

  A003001453 

 Voyes-vous, ma Philothee, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre des Farbre de la Croix et l'aymoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens que vous aurés jamais, et entre autres nos resolutions; ouy, chere Philothee, nous pouvons tous dire comme Hieremie: O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardies et m'appellies par mon nom, d'autant que vrayement sa divine Bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003001458 

 Et quand commença-il a estre Dieu? Jamais, car il l'a tous-jours esté sans commencement et sans fin, et aussi il vous a tous-jours aymee des l'eternité, c'est pourquoy il vous preparoit les graces et faveurs qu'il vous a faittes.

  A003001463 

 Non, ni la vanité, ni les delices, ni les richesses, ni les tribulations ne m'arracheront jamais mon dessein.

  A003001464 

 Apres ces affections il faut que vous particularisies les moyens requis pour maintenir ces cheres resolutions, et que vous protesties de vous en vouloir fidellement servir: la frequence de l'orayson, des Sacremens, des bonnes œuvres, l'amendement de vos fautes reconneuës [360] au second point, le retranchement des mauvaises occasions, la suite des advis qui vous seront donnés pour ce regard.

  A003001469 

 Ce jour que vous aures fait ce renouvellement et les autres suivans, vous deves fort souvent redire de cœur et de bouche ces ardentes paroles de saint Paul, de saint Augustin, de sainte Catherine de Gennes et autres: Non, je ne suis plus mienne, ou que je vive ou que je meure, je suis a mon Sauveur; je n'ay plus de moy ni de mien: mon moy, c'est Jesus, mon mien, c'est d'estre sienne; o monde, vous estes tous-jours vous mesme, et moy j'ay tous-jours esté moy mesme, mais doresnavant je ne seray plus moy mesme.

  A003001470 

 Il faut que tous ces exercices reposent dans le cœur, et que nous ostans de la consideration et meditation nous allions tout bellement entre les affaires et conversations, de peur que la liqueur de nos resolutions ne s'espanche soudainement, car il faut qu'elle detrempe et penetre bien par toutes les parties de l'ame, le tout neanmoins sans effort ni d'esprit ni de cors.

  A003001474 

 Combien y a-il de lois civiles aux Digestes et au Code, lesquelles doivent estre observees; mais cela s'entend selon les occurrences, et non pas qu'il les faille toutes prattiquer tous les jours.

  A003001474 

 Faites donq hardiment ces exercices selon que je vous les ay marqués, et Dieu vous donnera asses de loysir et de force de faire tout le reste de vos affaires; ouy, quand il devroit arrester le soleil comme il fit du tems de Josué.

  A003001474 

 Le monde vous dira, ma Philothee, que ces exercices et ces advis sont en si grand nombre que qui voudra les observer il ne faudra pas qu'il vaque a autre chose.

  A003001474 

 Mais ne voyes vous pas la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, a la verité ilz nous occuperoyent du tout, mais il n'est pas requis de les faire sinon en tems et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003001474 

 Saint Louys, Roy admirable et pour la guerre et pour la paix, et qui avec un soin nompareil administrait justice et manioit les affaires, oyoit tous les jours deux Messes, disoit l'espres et Complies avec son chapelain, faisoit sa meditation, visitoit les hospitaux, tous les vendredis se confessoit et prenoit la discipline, entendoit tres souvent les predications, [363] faisoit fort souvent des conferences spirituelles, et avec tout cela ne perdoit pas une seule occasion du bien public exterieur qu'il ne fist et n'executast diligemment, et sa cour estoit plus belle et plus florissante qu'elle n'avoit jamais esté du tems de ses predecesseurs.

  A003001475 

 Et s'il s'en treuve qui n'ayent pas ce don en aucune sorte de degré (ce que je ne pense pas pouvoir arriver que fort rarement), le sage pere spirituel leur fera aysement suppleer le defaut par l'attention qu'il leur enseignera d'avoir, ou a lire ou a ouïr lire les mesmes considerations qui sont mises es meditations.

  A003001475 

 Il est vray, sans doute, j'ay presupposé cela, et est vray encor que chacun n'a pas le don de l'orayson mentale; mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voyre les plus grossiers, pourveu qu'ilz ayent des bons conducteurs et qu'ilz veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003001479 

 Refaites tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation, et a tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oublieray vos justifications, o mon Dieu, car en icelles vous m'aves vivifiee. Et quand vous sentirés quelque detraquement en vostre ame, prenes vostre protestation en main, et prosternee en esprit d'humilité proferes-la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003001480 

 Advoues hardiment que vous vous essayes de mediter, que vous aymeries mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voules frequenter les Sacremens et suivre les conseilz de vostre directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raysons).

  A003001480 

 Les philosophes se publioient pour philosophes, affin qu'on les laissast vivre philosophiquement, et nous devons nous faire connoistre pour desireux de la devotion, affin qu'on nous laisse vivre devotement.

  A003001480 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement [365] sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niés pas, mais respondés amiablement que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'ayde et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..

  A003001481 

 En fin, treschere Philothee, je vous conjure par tout ce qui est de sacré au Ciel et en la terre, par le Baptesme que vous avés receu, par les mammelles que Jesus Christ sucça, par le cœur charitable duquel il vous ayma et par les entrailles de la misericorde en laquelle vous esperés, continues et perseveres en cette bienheureuse entreprise de la vie devote.

  A003001481 

 Nos jours s'escoulent, la mort est a la porte: «La trompette,» dit saint Gregoire Nazianzene, «sonne la retraitte, qu'un chacun se prepare, car le jugement est proche.» La mere de saint Simphorien voyant qu'on le conduisoit au martyre crioit apres luy: «Mon filz, mon filz, souvienne-toy de la vie eternelle, regarde le Ciel et considere Celuy lequel y regne; la fin prochaine terminera bien tost la briefve course de cette vie.» Ma Philothee, vous diray-je de mesme, regardes le Ciel et ne le quittes pas pour la terre; regardes l'enfer, ne vous y jettes pas pour les momens; regardes Jesus Christ, ne le renies pas pour le monde; et quand la peyne de la vie devote vous semblera dure, chantés avec saint François:.

  A003001483 

 Les travaux me sont passetems.».

  A003001494 

 Animés les paroles qui y sont de vostre benediction, à ce que les ames, pour lesquelles je l'ay fait en puissent recevoir les inspirations sacrées que je leur desire, et particulierement celle d'implorer sur moy vostre immense misericorde, affin que monstrant aux autres le chemin de la devotion en ce monde, je ne sois pas repreuvé et confondu eternellement en l'autre: ains qu'avec eux je chante à jamais, pour cantique de triomphe, le mot que de tout mon cœur je prononce, pour tesmoignage de fidelité, entre les hasards de cette vie mortelle, VIVE JESUS, VIVE JESUS..

  A003001498 

 Je ne puis, ny veux, ny dois escrire en cette Introduction que ce qui a desja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet: ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur: mais le bouquet, que j'en ay fait sera differant des leurs, à raison de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003001498 

 La bouquetiere Glycera changeoit en tant de sortes la disposition et le meslange des fleurs, qu'elle mettoit en ses bouquets, que le peintre Pausias voulant contrefaire à l'envy cette varieté d'ouvrage demeura court, ne pouvant pas diversifier sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquets: ainsi le Sainct Esprit dispose et arrange les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues, et les plumes de ses serviteurs, avec tant de varieté, que la doctrine estant tousjours une mesme, les discours neantmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ils sont composez.

  A003001499 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent és villes, és mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligez de faire une vie commune quant à l'exterieur, lesquels bien souvent sous le pretexte d'une pretendue impossibilité ne veulent seulement pas penser à l'entreprinse de la vie devote, leur estant advis, que comme nul animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommée Palma Christi, qu'aussi nul ne doit pretendre à la palme de pieté, et devotion, tandis qu'il vit emmy la presse des affaires temporelles: et je leur monstre que comme les meres perles vivent emmy la mer, sans prendre nulle goutte d'eau marine, et que vers les isles Chelidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans [7*] brusler leurs aisles; ainsi peut une ame genereuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, treuver des sources d'une douce pieté au milieu des ondes ameres de ce siecle, et voler entre les flammes de tant de convoitises que le monde allume de toutes parts, sans, brusler les aisles des sacrez desirs et sainctes affections de la vie devote.

  A003001500 

 Elle depuis les communiqua à un grand, docte, et devot Religieux, lequel estimant que plusieurs en pourroient tirer du proffit, il m'exhorta fort de les faire publier: ce qui luy fut aysé de me persuader, parce que son amitié avoit beaucoup de pouvoir sur ma volonté, et son jugement une grande authorité sur le mien..

  A003001500 

 Une ame pleine d'honneur et de vertu, ayant il y a quelque temps receu la grace de Dieu de vouloir aspirer à la vie devote desira ma particuliere assistence pour ce regard: et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long temps auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour cette entreprinse, je me rendis fort soigneux de la bien instruire; et l'ayant conduicte par tous les exercices convenables à son dessein, et à sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, afin qu'elle y eut recours à son besoin.

  A003001504 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoient pour le moins autant affectionnez à leur charge que nous: et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroient à leur assistence: comme il appert par leurs epistres, imitans les Apostres, qui emmy la moisson generale de l'univers recueilloient neantmoins certains espics plus remarquables, avec une speciale et particuliere affection.

  A003001504 

 Mais moy, mon cher Lecteur, je te dis avec le grand sainct Denys qu'il appartient principalement aux Evesques de perfectionner les ames, d'autant que leur ordre est le supreme entre les hommes, comme celuy des Seraphins entre les Anges: si que leur loisir ne peut estre mieux destiné qu'à cela.

  A003001504 

 Qui ne sçait que Thimothee, Tite, Philemon, Onesime, saincte Thecle, Appia estoient les chers enfans du grand sainct Paul, comme sainct Marc, et saincte Petronille de sainct Pierre: saincte Petronille, dis-je, laquelle, comme preuvent doctement Baronius, et Galonius, ne fut pas fille charnelle, mais seulement spirituelle de sainct Pierre: et sainct Jean n'escrit il pas une de ses Epistres canoniques à la devote dame Electa?.

  A003001505 

 C'est une peine, je le confesse, que de conduire les ames, en particulier; mais une peine qui soulage, pareille à celle des moissonneurs et vandangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesongnés et chargés.

  A003001506 

 Mais il faut sans doute que ce soit un cœur paternel: et c'est pourquoy les Apostres et hommes apostoliques appellent leurs disciples non seulement leurs enfans, mais encor plus tendrement leurs petits enfans.

  A003001508 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere par la main de l'unique Apelles; Apelles forcé de considerer longuement Campaspé, à mesure qu'il en exprimoit les traits sur le tableau, il en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant recogneu, et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eut au monde.

  A003001508 

 Et comme la belle et chaste Rebecca abbrevant les chameaux de son Isaac, fut destinée pour estre son espouse, recevant de sa part des pendans d'aureille, et des brasselets d'or; ainsi je me promets de l'immense bonté de mon Dieu, que conduisant ses cheres brebis aux eaux salutaires de la devotion, il rendra mon ame son espouse, mettant en mes aureilles les paroles dorées de son sainct amour, et en mes bras la force de les bien exercer, en quoy gist l'essence de la vraye devotion; que je suplie sa souveraine Majesté me voulloir octroyer, et à tous les enfans de son Eglise, à laquelle je veux à jamais sousmetre mes escrits, mes actions, mes paroles, mes volontés, et mes pensées..

  A003001508 

 Or il m'est advis, mon Lecteur mon amy, qu'estant Evesque, Dieu veut, que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encore sa tres-chere et bien aymée devotion: et moy je l'entreprens volontiers, tant pour obéir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay que la gravant dans l'esprit des autres, le mien à l'adventure en deviendra saintement amoureux: et si jamais sa divine Majesté me voit vivement espris de ce sainct amour, elle me la donnera en mariage eternel.

  A003001515 

 Et vous, ô Ames devotes, qui doucement goustez les souefves fruicts que produit l'arbre de pieté et devotion, lisez ce livre, et vous y treuverez que vous contentera, et verrez qu'en iceluy brille le zelle et l'affection du Reverendissime sieur Autheur, au salut des ames, duquel en tant d'instances la saincte Foy paroist, et le livre ne propose rien qui ne soit conforme, et à la Foy et à la saincte Eglise Chrestienne, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A003001528 

 Veu les precedentes Attestations, Nous avons permis d'imprimer le present livre, dans lequel l'Autheur sera trouvé semblable à ce qu'il est en sa vie; ses actions ordinaires estans pleines d'aussi profonde pieté, qu'il l'enseigne en ce livre à autruy.

  A003001535 

 Vous aspirés à la devotion, ma chere Philothee, parce qu'estant Chrestienne vous sçavez que c'est une vertu extremement agreable à la divine Majesté: mais d'autant que les petites fautes que l'on commet au commencement de quelque affaire, s'agrandissent infiniment au progrez, et sont presque irreparables à la fin; il faut avant toute chose que vous sçachiez que c'est que la vertu de devotion: car parce que il n'y en a qu'une vraye, et qu'il y en a une grande quantité de fausses, et vaines, si vous ne cognoissiez quelle est la vraye, vous pourriez vous tromper, et vous amuser à suivre quelque devotion impertinente et superstitieuse..

  A003001536 

 Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faisoit à l'air et ressemblance des femmes qu'il aymoit, et chacun peint la devotion selon sa passion et fantesie: celuy qui est adonné au jeusne, pourveu qu'il jeusne, il se tiendra pour bien devot, quoy [13*] que son cœur soit plein de rancune; et n'osant pas tremper sa langue dedans le vin ny mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la medisance et calomnie; un autre s'estimera devot parce que il dit une grande multitude d'oraisons tous les jours; quoy qu'apres cela sa langue se fonde toute en parolles facheuses, arrogantes et injurieuses parmy ses domestiques et voisins: l'autre tire fort volontiers l'aumosne de sa bourse, pour la donner aux pauvres: mais il ne peut tirer la douceur de son cœur, pour pardonner à ses ennemis: l'autre pardonnera à ses ennemis, mais de tenir raison à ses creanciers, jamais qu'à vive force de justice.

  A003001536 

 Les gents de Saul cherchoient David en sa maison: Michol ayant mis une statue dedans un lict, et l'ayant couverte des habillemens de David, leur fist acroire que c'estoit David mesme qui dormoit malade.

  A003001537 

 Bref la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle: par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous pour elle, promptement et affectionnement: et comme il appartient à la charité de nous faire faire generallement et universellement [14*] tous les commandemens de Dieu: il apartient aussi à la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003001537 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu, ne peut estre estimé ny bon ny devot, puis que pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003001537 

 Les austruches ne volent jamais: les poules volent, mais pesemment, bassement et rarement; les aigles, les colombes, et les arondelles volent souvent, vistement, et hautement.

  A003001537 

 Les pecheurs ne volent point en Dieu; mais font toutes leurs courses en la terre et pour la terre: les gents de bien qui n'ont pas encore attaint à la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions; mais rarement, lentement, et negligemment.

  A003001537 

 Les personnes devotes volent en Dieu frequemment, promptement, et hautement.

  A003001538 

 Car alors comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voye des commandemens de Dieu, et de plus par les sentiers des conseils et inspirations celestes.

  A003001538 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend prompts, actifs et diligents à l'observation de tous les commandemens de Dieu, mais outre cela elle nous provoque à faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encor qu'elles ne soyent nullement commandees, ains seulement conseillees ou inspirees.

  A003001542 

 Ceux qui décourageoient les Israëlites d'aller en la terre de promission, leur disoient qu'elle estoit toute pleine de gens qui mangeoient les hommes.

  A003001542 

 Et le monde, ma chere Philothee, difame tant qu'il peut la saincte devotion, depeignant les personnes devotes avec un visage facheux, triste et chagrin, et publiant que la devotion donne des humeurs melancoliques et insupportables.

  A003001542 

 Mais comme Josue et Caleb protestoient que la terre promise estoit, [15*] non seulement bonne et belle, mais aussi que la possession en seroit douce et agreable: de mesme le Saint Esprit par la bouche de tous les Saints, et nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse, et amyable..

  A003001543 

 Le monde voit que les devots jeusnent, prient, soufrent les injures, servent les malades, donnent aux pauvres, veillent, contreignent leur colere, suffoquent et estouffent leurs passions, se privent des plaisirs sensuels, et font telles et autres sortes d'actions, lesquelles en elles mesmes et de leur propre substance et qualité sont aspres et rigoureuses.

  A003001543 

 Les feux, les flammes, les roües, et les espees sembloient des fleurs et des parfuns aux Martyrs, parce que ils estoient devots: que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruels tourmens et à la mort mesme, qu'est ce qu'elle fera pour les actions de vertu?.

  A003001543 

 Regardez les abeilles sur le thin, elles y treuvent un suc fort amer: mais en le sussant elles le convertissent en miel, parce que telle est leur proprieté: ô mondains, les ames devotes treuvent beaucoup d'amertume en leur exercice de mortification: il est vray, mais en les faisant elles les convertissent en douceur et suavité.

  A003001544 

 Le sucre adoucit les fruits mal meurs, et corrige la crudité et nuisance de ceux qui sont bien meurs.

  A003001545 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costez entre lesquels on monte, et ausquels les eschellons se tiennent, representent l'oraison qui impetre l'amour de Dieu, et les Sacremens qui le conferent: les eschellons ne sont autre chose que les divers degrez de charité, par lesquels l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et suport du prochain, ou montant par la contemplation en l'union amoureuse de Dieu.

  A003001545 

 Ils ne sont pas jeunes, mais ils le semblent estre, parce qu'ils sont plains de vigueur et agilité spirituelle: ils ont des aisles pour voler, et s'eslancer en Dieu par la [16*] sainte oraison: mais ils ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une saincte et amiable conversation: leurs visages sont beaux et guays, d'autant qu'ils reçoivent toutes choses avec douceur et suavité: leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont toutes à decouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et actions n'ont nul dessein ny motif, que de plaire à Dieu: le reste de leurs corps est couvert, mais d'une belle et legere robe, parce qu'ils usent de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenant que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes.

  A003001545 

 Si la charité est un laict, la devotion en est la cresme: si elle est une plante, la devotion en est la fleur: si elle est une pierre precieuse, la devotion en est l'esclat: si elle est un baume precieux, la devotion en est l'odeur, et odeur de suavité, qui conforte les hommes, et resjouyt les Anges..

  A003001549 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruits, chacun selon son genre; ainsi commende il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ils produisent des fruicts de devotion, un chacun selon sa qualité et vocation.

  A003001549 

 Je vous prie, Philothee, seroit il à propos que l'Evesque voulut estre solitaire comme le Chartreux; et si les mariez ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour à l'Eglise comme les religieux, et si le religieux estoit tousjours au tracas des affaires comme un advocat, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglée et insuportable? Cette faute neantmoins arrive bien souvent: et le monde qui ne [17*] discerne pas, ou ne veut pas discerner entre la devotion et indiscretion de ceux qui pensent estre devots, murmure et blasme la devotion, laquelle neantmoins ne peut mays de ces desordres..

  A003001550 

 L'abeille, dit Aristote, tire son miel des fleurs sans les interesser, les laissant entieres et fraiches comme elle les a treuvees.

  A003001550 

 Mais la vraye devotion fait encore mieux: car non seulement elle ne gaste nulle sorte de vocation ny d'affaires, ains au contraire elle les orne et embellit.

  A003001551 

 Abraham et Ysaac, Jacob, David, Job, Tobie, Sarra, Rebecca, et Judith en font foy par l'ancien Testament: et quant au nouveau, sainct Joseph, Lidya, et S. Crespin furent parfaitement devots en leurs boutiques: sainte Anne, sainte Marthe, S. Monique, Aquila, Priscilla en leurs mesnages: Cornélius, S. Sebastien, S. Mauris parmy les armes: Constantin, Helene, S. Louys, S. Edouard, en leurs trosnes royaux.

  A003001555 

 C'est icy l'advertissement des advertissemens; quoy que vous cherchiez, dit le devot Avila, vous ne trouverés jamais si asseurement la volonté de Dieu, que par le chemin de cette humble obeïssance tant recommandée et pratiquée par tous les anciens devots..

  A003001557 

 Mais qui treuvera cest amy? le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu: c'est à dire les humbles, qui desirent fort leur advencement spirituel.

  A003001563 

 Les fleurs, dit l'Espoux sacré, apparoissent en nostre terre: le temps d'emonder et tailler est venu.

  A003001563 

 Qui sont les fleurs de nos cœurs, ô Philothee, sinon les bons desirs? Or tout aussi tost qu'ils paroissent il faut mettre la main à la sarpe, pour retrancher de nostre conscience toutes les œuvres mortes, et superflues: la fille estrangere, pour espouser l'Israëlite, devoit oster la robe de sa captivité, rongner ses ongles, et raser ses cheveux: et l'ame qui aspire à l'honneur d'estre espouse du Fils de Dieu, se doit despouïller du vieil homme, et se revestir du nouveau, quittant le peché, et rongner et raser toutes sortes d'empeschemens qui nous destournent de l'amour de Dieu.

  A003001564 

 L'ame qui remonte du peché à la devotion est comparée à l'aube laquelle s'eslevant ne chasse pas les tenebres en mesme instant, mais petit à petit: la guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tousjours la plus asseurée: les maladies du cœur aussi bien que celles du corps viennent à cheval et en poste, mais elles s'en revont à pied et au petit pas.

  A003001564 

 Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ils ne volent pourtant pas, ains montent et descendent par ordre d'eschelon en eschelon.

  A003001565 

 L'exercice de la purgation de l'ame ne se peut ny doit finir qu'avec nostre vie: ne nous troublons donc point de nos imperfections, car nostre perfection consiste à les combatre, et nous ne sçaurions les combatre sans les voir, ny les vaincre sans les rencontrer: nostre victoire ne gist pas à ne les pas sentir, mais à ne point leur consentir.

  A003001565 

 O Philothee, qu'elles sont en grand peril de recheoir, pour s'estre trop tost ostées d'entre les mains du medecin! Ha ne vous levez pas avant que la lumiere soit arrivée, dit le Prophete: levez vous apres que vous aurez esté assis; et luy mesme pratiquant cette leçon, ayant esté desja lavé et nettoyé demande de l'estre derechef.

  A003001565 

 Or les imperfections et pechez veniels ne nous sçauroient oster la vie spirituelle, car elle ne se perd que par le peché mortel.

  A003001569 

 Cerches le plus digne Confesseur que pourrez: prenez en main quelqu'un des petits livrets qui ont esté faits pour ayder les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger: lisez les bien, et remarqués de poinct en poinct en quoy vous aurez offencé, à prendre depuis que vous eustes l'usage de raison, jusques à l'heure [22*] presente.

  A003001569 

 Et si vous vous defiez de vostre memoire, mettez en escript ce que vous aurez remarqué: et ayant ainsi preparé et ramassé les humeurs peccantes de vostre conscience, detestez les, et rejettés les, par une contrition et deplaisir aussi grand que vostre cœur le pourra souffrir, considerant ces quatres choses.

  A003001569 

 Que par le peché vous avez perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peines eternelles de l'Enfer, et renoncé à la vision et à l'amour eternel de Dieu..

  A003001570 

 Ains il advient maintefois que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas esviter l'occasion du peché, ny prendre les expedients necessaires à l'amandement de la vie: et en tous ces cas icy la confession generalle est fort requise pour asseurer l'ame.

  A003001570 

 Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent une vie commune et vulgaire sont pleines de grands deffauts: car souvent on ne se prepare point, ou fort peu, on n'a point la contrition requise.

  A003001574 

 Ils s'abstiennent du peché, comme les malades font des melons: lesquels ils ne mangent pas, parce que le medecin les menasse de mort s'ils en mangent: mais ils s'inquietent de s'en abstenir: ils en parlent, et marchandent s'il se pourroit faire: ils les veulent au moins sentir, et estiment bien heureux ceux qui en peuvent manger.

  A003001574 

 Tous les Israëlites sortirent en effect de la terre d'Egipte, mais ils n'en sortirent pas tous d'affection: c'est pourquoy emmy le desert plusieurs d'entre eux regrettoient de n'avoir pas les oignons et les chairs d'Egypte.

  A003001574 

 Un homme resolu de se venger, changera de volonté en la confession; mais tost apres on le treuvera parmy ses amis qu'il prend plaisir à parler de sa querelle, disant que si ce n'eut esté la crainte de Dieu, il eut fait cecy et cela, que la loy divine en cet article de pardonner est difficile: que pleust à Dieu, qu'il fut permis de se venger! Ha qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neantmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger: comme fait cette femme, qui ayant detesté ses mauvaises amours se plaist neantmoins d'estre muguettée et environnée.

  A003001575 

 Les ames lesquelles sorties de l'estet du peché ont encor ces affections, et alanguissemens, ressemblent à mon advis à ces filles qui ont les pasles couleurs; lesquelles ne sont pas malades, mais toutes leurs actions sont malades: elles mangent sans goust, dorment sans repos, rient sans joye, et se trainent plustost que de cheminer.

  A003001575 

 O Philothee, puis que vous voulez entreprendre la vie devote, il ne vous faut pas seulement quitter le peché, mais il faut tout [24*] à fait emonder vostre cœur et retrancher de vostre ame toutes les affections qui dependent du peché: car outre le danger, qu'il y auroit de faire recheute, toutes ces affections alanguiroient perpetuellement vostre esprit, et l'apesantiroient en telle sorte, qu'il ne pourroit pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment, et frequemment, en quoy gist neantmoins la vraye essence de la devotion.

  A003001579 

 Ainsi Magdaleine en sa conversion perdit tellement le goust des pechez, et des plaisirs qu'elle y avoit prins, que jamais plus elle n'y pensa: et David protestoit de non seulement haïr le peché, mais aussi toutes les voyes et sentiers d'iceluy: en ce poinct consiste le rajeunissement de l'ame, que ce mesme Prophete compare au renouvellement de l'aigle..

  A003001579 

 Car tout ainsi que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soyt estant joincte à la vertu des Sacremens, nous purge suffisemment du peché; de mesme quand elle est grande, et vehemente elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003001579 

 Mais si c'est une haine mortelle, et violente, non seulement nous fuyons, et aborrons celuy à qui nous la portons, ains nous avons à degoust, et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliez, parens et amis, non pas mesme son image ny chose qui luy apartient: ainsi quand le penitent ne hayt le péché que par une legere quoy que vraye contrition, il se resoult voirement bien de ne plus pecher: mais quand il le hayt d'une contrition puissante, et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances, et acheminemens [25*] du peché.

  A003001580 

 Or pour parvenir à cette apprehension, et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux meditations suyvantes, lesquelles estant bien pratiquées deracineront de vostre cœur moyennant la grace de Dieu, le peché, et les principalles affections du peché: aussi les ay je dressées tout à fait pour cest usage: vous les ferez l'une apres l'autre, selon que je les ay marquées, n'en prenant qu'une pour chasque jour, laquelle vous ferez le matin s'il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l'esprit..

  A003001601 

 Je veux changer de vie, et suyvre desormais mon Createur, et m'honnorer de la condition de l'estre qu'il m'a donnée, l'employant tout entierement à l'obéissance de sa volonté par les moyens qui me seront enseignez..

  A003001606 

 O Dieu, fortifiez moy en ces affections, et resolutions: ô sainte Vierge recommandez les à la misericorde de vostre Fils, avec tous ceux pour qui je dois prier, etc. Pater noster, Ave..

  A003001615 

 Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le cognoistre, la memoire pour vous resouvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses biens-faits, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, ainsi des autres sens..

  A003001622 

 Et vous, ô mon Dieu, mon Seigneur, vous serez d'oresnavant le seul objet de mes pensees: non, jamais je n'appliqueray mon esprit à des cogitations qui vous soient desagreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercée en mon endroit: vous serez les delices de mon cœur, et la suavité de mes affections..

  A003001630 

 Je vous supplie, ô Dieu, d'avoir agreable mes souhaits et mes vœuz, et de donner vostre sainte benediction à mon ame, à celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Fils respandu sur la Croix etc..

  A003001638 

 Considerés les graces corporelles, que Dieu vous a donnees, quel corps, quelles commoditez de l'entretenir; quelle santé, quelles consolations loisibles pour iceluy, quels amis, quelles assistances.

  A003001638 

 Mais cela considerez le avec une comparaison de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastez de corps, de santé, de membres: les autres abandonnez à la mercy des opprobres, du mespris et deshonneur: les autres accablez de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussiez si miserable..

  A003001639 

 Considerez les dons de l'esprit, combien y a il au monde de gens hebetez, enragez, insensez; et pourquoy n'estes vous pas du nombre? Dieu vous a favorisée.

  A003001640 

 Considerez les graces spirituelles: ô Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise, Dieu vous a enseignee sa cognoissance dés vostre jeunesse.

  A003001648 

 Ah doncques retirez, Philothee, vostre corps de telles et telles voluptés: rendez le subject au service de Dieu, qui a tant fait pour luy: appliquez vostre ame à le cognoistre, et recognoistre par tels et tels exercices qui sont requis pour cela: employez soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu; ouy, je frequenteray l'oraison, les Sacremens, j'escouteray la sainte parolle, je pratiqueray les inspirations..

  A003001652 

 Remerciez Dieu de la cognoissance qu'il vous a donnée maintenant de vostre devoir, et de tous les bien faits cy devant receuz..

  A003001653 

 Priez le qu'il vous fortifie pour les pratiquer fidellement par le merite de la mort de son Fils, implorez l'intercession de la Vierge et des Saincts.

  A003001662 

 Considerez vos mauvaises inclinations, et combien vous les avez suivies: et par ces deux poincts vous verrez que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voire, que le sable de la mer..

  A003001662 

 Pensez combien il y a que vous commencez à pecher, et voyez combien dés ce premier commancement là, les pechez se sont multipliez en vostre cœur: comme tous les jours vous les avez acreu contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parolle, par desir et pensee.

  A003001663 

 Avec quelle preparation les avez vous receuz? pensez à cette ingratitude, que Dieu vous ayant tant couru apres, pour vous sauver, vous avez tousjours fuy devant luy pour vous perdre..

  A003001663 

 Considerez à part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general qui s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyez donques combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous vous avez abusé contre le donateur; singulierement combien d'inspirations mesprisées, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003001663 

 Et encor plus que tout, combien de fois avez vous receu les Sacremens et où en sont les fruits? que sont devenus ces precieux joyaux dont vostre cher Espoux vous avoit ornee? tout cela a esté couvert sous vos iniquitez.

  A003001666 

 Est il possible que j'aye esté si desloyalle que je n'aye laissé pas un seul de mes sens, pas une des puissances de mon ame que je n'aye gasté, violé et souillé? et que pas un jour de ma vie ne se soit escoulé auquel je n'aye produit de si mauvais effects? est ce ainsi que je devois contrechanger les benefices de mon Createur, et le sang de mon Redempteur? [32*].

  A003001671 

 Pour effacer les pechez passez je m'en accuseray courageusement, et n'en laisseray pas un que je ne pousse dehors..

  A003001672 

 Je feray tout ce que je pourray pour en desraciner entierement les plantes de mon cœur, particulierement de tels et de tels qui me sont plus ennuyeux..

  A003001673 

 Et pour ce faire j'embrasseray constamment les moyens qui me sont conseillez, ne me semblant d'avoir jamais assez fait pour reparer de si grandes fautes..

  A003001678 

 Remerciez Dieu, qui vous a attendu jusques à cette heure, et vous a donné ces bonnes affections: faites luy offrande de vostre cœur pour les effectuer.

  A003001687 

 Ah chetifve pour quelles bagatelles et chimeres ay je offencé mon Dieu! Vous verrez que nous avons quitté Dieu pour neant: au contraire la devotion, les bonnes œuvres vous sembleront alors si desirables, et douces.

  A003001687 

 Considerez, qu'alors le monde finira pour ce qui vous regarde: il n'y en aura plus pour vous: il renversera s'en dessus dessous devant vos yeux; ouy, car alors les plaisirs, les vanitez, les joyes mondaines, les affections vaines, vous aparoistront comme des fantosmes, et nuages.

  A003001687 

 O pourquoy n'ay je suivy ce beau et gracieux chemin? alors les pechez qui sembloient bien petits paroistront gros comme des montaignes, et vostre devotion paroistra alors d'avoir esté bien petite..

  A003001688 

 Considerez les grands et langoureux à Dieu que vostre ame dira à ce bas monde.

  A003001689 

 Considerez les empressemens qu'on aura pour lever ledit corps, et le cacher en terre, et que cela fait, le monde ne pensera plus guere en vous, ny n'en fera plus memoire, non plus que vous n'avez guere pensé aux autres.

  A003001693 

 Las Seigneur, recevez moy en vostre protection pour ce jour effroyable: rendez moy cette heure heureuse et favorable, et que plustost toutes les autres de ma vie me soient tristes et d'affliction..

  A003001699 

 Remerciez Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees: offres les à sa Majesté: suppliez la derechef, qu'elle vous rende vostre mort heureuse, par le merite de celle de son Fils: implorez l'ayde de la Vierge, des Saincts.

  A003001708 

 En fin, apres le temps que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes, et presages horribles pour lesquels les hommes secheront d'effroy, et de crainte; le feu venant comm' un deluge bruslera, et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003001709 

 Apres ce deluge de flammes, et de foudres, tous les hommes ressusciteront de la terre (excepté ceux qui sont desja ressuscitez), et à la voix de l'Archange comparoistront en la vallee de Josaphat.

  A003001709 

 Mais helas avec quelle difference? car les uns y seront en corps glorieux, et resplendissans, et les autres en corps hideux et horribles..

  A003001710 

 Considerez la majesté avec laquelle le souverain Juge comparoistra, environné de tous les Anges et Saincts, ayant devant soy sa Croix plus reluisante que le Soleil, enseigne de grace pour les bons, et de rigueur pour les mauvais..

  A003001711 

 Ce souverain Juge par son commandement redoutable, et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns à sa droitte, les autres à sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003001712 

 La separation faite, et les livres des consciences ouvers on verra clairement la malice des mauvais, et le mespris dont ils ont usé contre Dieu: et d'ailleurs la penitence des bons, et les effects de la grace de Dieu qu'ils ont receue: et rien ne sera caché: ô Dieu, quelle confusion pour les uns, quelle consolation des autres!.

  A003001713 

 Allez, dit-il (c'est un mot d'abandonnement perpetuel, que Dieu faict de tels mal heureux, les bannissant pour jamais de sa face).

  A003001713 

 Il les appelle maudits; O mon ame quelle malediction? malediction generalle, qui comprend tous les maux: malediction irrevocable, qui comprend tous les temps et l'eternité.

  A003001717 

 Tremble, ô mon ame, à ce souvenir: ô Dieu, qui me peut asseurer pour cette journee, en laquelle les colomnes du Ciel trembleront de frayeur?.

  A003001721 

 Je veux examiner ma conscience, et me condamner, m'accuser, et me corriger, afin que le Juge ne me condamne en ce jour redoutable: je me confesseray donc, j'accepteray les advis necessaires, etc..

  A003001735 

 Les damnez sont dedans l'abisme infernal comme dedans cette ville infortunee, en laquelle ils souffrent des tourments indicibles en tous leurs sens, et en tous leurs membres: parce que comme ils ont employé tous leurs sens, et leurs membres pour pecher, ainsi souffriront ils en tous leurs membres, et en tous leurs sens, les peines deües au peché.

  A003001735 

 Les yeux pour leurs faux et mauvais regards, souffriront l'horrible vision des diables, et de l'enfer: les oreilles pour avoir pris plaisir aux discours vicieux n'ouïront jamais que pleurs, lamentations, et desespoirs, et ainsi des autres..

  A003001737 

 Helas si une puce en nostre oreille, si la chaleur d'une petite fievre nous rend une courte nuict si longue, et ennuyeuse, combien sera espouventable la nuict de l'eternité avec tant de tourments? De cette eternité naissent le desespoir eternel, les blasphemes et rages infinies..

  A003001740 

 Espouvantez vostre ame par les parolles de Job.

  A003001753 

 O que cette compagnie est heureuse! le moindre de tous est plus beau à voir que tout ce monde, que sera-ce de les voir tous? Mais mon Dieu, qu'ils sont heureux! Tousjours ils chantent le doux cantique de l'amour eternel, tousjours ils jouissent d'une constante allegresse: ils s'entre-donnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse, et indissoluble societé..

  A003001754 

 Considerez en fin, quel bien ils ont tous de jouïr de Dieu, qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respend dedans leur cœur un abisme de delices.

  A003001754 

 Quel bien d'estre à jamais [38*] uny à son principe? Ils sont là comme des heureux oyseaux qui volent, et chantent à jamais dedans l'air de la Divinité, qui les environne de toutes parts de plaisirs incroyables; là chacun à qui mieux mieux, et sans envie, chante les louanges du Createur.

  A003001774 

 Imaginez vous d'estre en une raze campagne toute seule avec vostre bon Ange, comme estoit le jeune Tobie allant en Rages, et qu'il vous fait voir en haut le Paradis ouvert avec les plaisirs representés en la meditation du Paradis que vous avez faite: puis du costé d'embas il vous fait voir l'enfer ouvert avec tous les tourments descrits en la meditation de l'enfer.

  A003001778 

 Courage, ma fille, ne vueille pas mespriser les desirs de mon Fils, ny tant de souspirs que je jette pour toy, respirant avec luy ton salut eternel.

  A003001778 

 Jesus Christ, du haut du Ciel vous regarde en sa debonnaireté, et vous invite doucement; Vien, ô ma chere ame, vien au repos eternel entre les bras de ma bonté qui t'a preparé les delices immortelles en l'abondance de son amour.

  A003001782 

 Acceptez les faveurs que la Vierge, et les Saincts vous presentent: promettez leur que vous vous acheminerez à eux: tendez la main à vostre bon Ange, affin qu'il vous y conduise, encouragez vostre ame à ce choix..

  A003001793 

 Imaginez vous d'estre derechef en une raze campagne avec vostre bon Ange toute seule, et à costé gauche vous voyez le diable assis sur un grand trosne haut eslevé avec plusieurs des [41*] esprits infernaux au pres de luy, et tout autour de luy une grande troupe de mondains, qui tous à teste nue le reconnoissent, et luy font hommage: les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003001793 

 Voyez comme ils sont tous sans repos, sans ordre, et sans contenance, voyez comme ils se mesprisent les uns les autres, comme ils ne s'aiment les uns les autres que par des faux semblans.

  A003001793 

 Voyez la contenance de tous ces infortunez courtisans de ce Roy abominable: regardez les uns furieux de haine, d'envie, et de colere: les autres qui s'entretüent; les autres haves, pensifs et empressez à faire des richesses; les autres attentifs à la vanité, sans aucune sorte de plaisir qui ne soit inutile et vain; les autres vilains, perdus, pourris en leurs brutalles affections.

  A003001794 

 Ceux qui ont des afflictions en ce peuple devot, ne se tourmentent pas beaucoup, et n'en perdent point contenance; bref, voyez les yeux du Sauveur qui les console, et que tous ensemblement ils aspirent à ce Sauveur..

  A003001794 

 Du costé droit voyez Jesus Christ crucifié, qui avec un amour cordial prie pour ces pauvres endiablez, affin qu'ils sortent de cette tirannie, et qui les appelle à soy.

  A003001794 

 Mais sur tout voyez le rang de plusieurs personnes mariées qui vivent si doucement ensemble avec un respect mutuel, qui ne peut estre sans une grande charité: voyez comme ces devotes ames marient le soing de leur maison exterieure avec le soing de l'interieure: l'amour du mary avec celuy de l'Espoux celeste: regardez generallement par tout: vous les verrez tous avec une contenance douce, devote, amiable, qu'ils escoutent nostre Seigneur, et tous le voudroient planter au milieu de leur cœur.

  A003001795 

 Vous avez meshuy quitté le premier Roy avec sa triste, et mal heureuse troupe, par les bonnes affections que vous avez conceues, et neantmoins vous n'estes pas encore arrivee au second Roy, ny jointe à son heureuse, et sainte compagnie de devots: mais vous estes entre l'un et l'autre..

  A003001801 

 Et me convertissant à vous, mon doux Jesus, Roy de bonheur, et de gloire eternelle, je vous embrasse de toutes les forces de mon ame: je vous adore de tout mon cœur, je vous choisis maintenant et pour jamais pour mon Roy, et pour mon unique Prince: je vous offre mon inviolable fidelité, je vous fais un hommage irrevocable, je me soubmets à l'obeïssance de vos saintes loix, et ordonnances..

  A003001811 

 Le premier gist en une vive, et attentive aprehension de la toute-puissance de Dieu; c'est à dire que Dieu est en tout, et par tout, et qu'il n'y a lieu ny chose au monde où il ne soit, d'une tres veritable presence: de sorte que comme les oyseaux où qu'ils volent rencontrent tousjours l'air, ainsi où que nous allions, où que nous soyons nous trouvons Dieu present: chacun sçait cette verité, mais chacun n'est pas attentif à l'apprehender.

  A003001811 

 Les aveugles ne voyant pas un Prince qui leur est present, ne laissent pas de se maintenir en respect, s'ils sont advertis de sa presence: mais la verité est que parce que ils ne le voyent pas, ils s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliez ils perdent encore plus aysement le respect, et la reverence.

  A003001812 

 Le second moyen de se mettre en cette sacrée presence, c'est de penser, que non seulement Dieu est au lieu où vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur, et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie, et anime de sa divine presence, estant là comme le cœur de vostre cœur, et l'esprit de vostre esprit: car comme l'ame est respandue par tout le corps, se trouvant presente [44*] en toutes les parties d'iceluy, et reside neantmoins au cœur d'une specialle residence: de mesme Dieu estant tres present à toutes choses, assiste toutefois d'une specialle façon à nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et sainct Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons, et sommes en Dieu.

  A003001813 

 Le troisiesme moyen c'est de considerer nostre Sauveur lequel en son humanité regarde dés le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement ceux qui sont en priere, desquels il remarque les actions et deportemens: or cecy n'est pas une simple imagination, mais une vraye verité.

  A003001813 

 S. Estienne le vist ainsi au temps de son martyre: si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voilà qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003001814 

 Mais si le tressaint Sacrement de l'autel estoit present, allors cette presence seroit reelle, et non purement imaginaire: car les especes et aparences du pain seroient comme une tapisserie dessous laquelle nostre Seigneur estant reellement present, il nous voit, et considere, quoy que nous ne le voyons pas en sa propre forme.

  A003001814 

 Vous userez donques, ô Philothee," de l'un de ces quatre moyens pour mettre vostre ame en la presence de Dieu avant l'oraison, et ne faut pas les vouloir employer tous ensemblement, mais seulement un à la fois, et cela briefvement, et simplement.

  A003001818 

 Vous servira encore adjouster l'invocation de vostre bon Ange, et des sacrées personnes qui se trouverent ou qui se treuveront au mystere que vous meditez; comme en celuy de la mort de nostre Seigneur, vous pourrez invoquer nostre Dame, S. Jean, Magdelene, le bon larron, afin que les sentimens, et mouvemens interieurs qu'ils y receurent vous soyent communiquez: et en la meditation de vostre mort, vous pourrez invoquer vostre bon Ange, qui se trouvera presant, afin qu'il vous inspire des considerations convenables, et ainsi des autres mysteres.

  A003001821 

 C'est celuy que les uns appellent fabrication du lieu, et les autres leçon interieure.

  A003001821 

 Ou si vous voulez (car c'est tout un) vous vous imaginerez qu'au lieu mesme où vous estes se fait le crucifiement de nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003001821 

 Quelques uns vous diront neantmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale, et spirituelle en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en nostre propre esprit.

  A003001825 

 Que si vostre esprit treuve assez de goust, de lumiere, et de fruict sur l'une des considerations, vous vous y arresterez sans passer plus outre, faisant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel à receuillir.

  A003001829 

 Les principales sont l'amour de Dieu, et du prochain, le desir du Paradis, et de la gloire: le zelle du salut des ames: l'imitation de la vie de nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la resjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, et du Jugement et de l'enfer, la hayne du peché, la confiance en la bonté, et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passee: et en ces affections nostre esprit se doit espancher, et estendre le plus qu'il luy sera possible.

  A003001833 

 Il ne faut pas pourtant, Philothee, s'arrester tant à ces affections generalles que vous ne les convertissiez en des resolutions specialles, et particulieres pour vostre correction, et amendement.

  A003001833 

 Par ce moyen, Philothee, vous corrigerez vos fautes en peu de temps, là où par les seules affections vous le ferez tard, et malaisement..

  A003001833 

 Par exemple la premiere parolle que nostre Seigneur dit sur la Croix respendra sans doute une bonne affection en vostre ame de pardonner à vos ennemis, et de les aimer.

  A003001837 

 En fin il faut conclure la meditation par ces trois actions qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut: dont la premiere c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections, et resolutions qu'il nous a données, et de sa bonté, et misericorde que nous aurons decouvertes au mystere de la meditation; la seconde c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa mesme bonté, et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Fils: et conjointement nos affections, et resolutions: et la troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces, et vertus de son Fils, et de donner sa benediction à nos affections et resolutions, afin que nous les puissions bien fidellement executer: nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis, et autres, employans à mesme intention l'intercession de nostre Dame, des Anges, des Saincts: en fin j'ay marqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria..

  A003001838 

 Ceux qui se sont promenez en un beau jardin n'en sortent pas volontiers, sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et sentir le long de la journée: ainsi nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir, un, ou deux, ou trois poincts que nous aurons treuvez plus à nostre goust, et plus propres à nostre amendement, pour nous en resouvenir le reste de la journee, et les odorer spirituellement.

  A003001842 

 C'est le grand fruit de la meditation sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile mais nuisible, parce que les vertus meditées, et non pratiquées enflent bien souvent l'esprit, et le courage: nous estant bien advis que nous sommes tels que nous avons resolu, et deliberé d'estre: ce qui est sans doute veritable, quand les resolutions sont vives, et solides, mais elles ne sont pas telles, si elles ne sont pratiquees, ains sont vaines, et dangereuses.

  A003001842 

 II faut sur tout, Philothee, qu'au sortir de vostre meditation vous reteniez les resolutions, et deliberations que vous aurez prinses, pour les pratiquer soigneusement ce jour là.

  A003001842 

 Il faut donc par tous moyens s'essayer de les pratiquer, et en chercher les occasions petites ou grandes.

  A003001842 

 Par exemple si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour là de les rencontrer pour les salüer amiablement: et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003001844 

 Bref tousjours quand les affections se presenteront à vous, il les faut recevoir, et leur faire faire place, soit qu'elles arrivent avant ou apres toutes les considerations.

  A003001844 

 Car bien que pour l'ordinaire la consideration doit preceder les affections et resolutions, si est ce que le Sainct Esprit vous donnant les affections avant la consideration, vous ne devez pas rechercher la consideration, puis qu'elle ne se fait que pour esmouvoir l'affection.

  A003001844 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mais aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere, qui se peuvent faire parmy les considerations: et ne les faut non plus retenir que les autres affections; bien que par apres pour la conclusion de la meditation il faille les repeter, et reprendre.

  A003001844 

 Et quoy que j'aye mis les affections apres toutes les considerations, je ne l'ay fait que pour mieux distinguer les parties de l'Oraison: car au demeurant c'est une regle generalle qu'il ne faut jamais retenir les affections, ains les laisser tousjours sortir quant elles se presentent.

  A003001844 

 Mais quant aux resolutions il les faut faire apres les affections, et sur la fin de toute la meditation avant la conclusion: d'autant qu'ayans à nous representer des objets particuliers, et familiers, elles nous mettroient en danger si nous les faisions parmi les affections d'entrer en des distractions..

  A003001845 

 Emmy les affections et resolutions, il est bon d'user de colloque, et parler tantost à nostre Seigneur, tantost aux Anges, et aux personnes representees au mystere, aux Saints, à soy mesme, à son cœur, aux pecheurs, et mesmes aux creatures insensibles, comme l'on void que David fait en ses Pseaumes, et les autres Saincts en leurs meditations, et oraisons..

  A003001849 

 Autre fois prenez un livre en main, et le lisez avec attention, jusques à ce que vostre esprit soit reveillé, et remis en vous; piqués quelque fois vostre cœur par quelque contenance, et mouvement de devotion exterieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur l'estomach, embrassant un crucifix: cela s'entend si vous estes en quelque lieu retiré.

  A003001849 

 S'il vous arrive, Philothee, de n'avoir point de goust ny de consolation en la meditation, je vous conjure de ne vous point troubler: mais quelque fois ouvrez la porte aux parolles vocales: lamentez vous de vous mesme à [52*] nostre Seigneur, confessez vostre indignité, priez le qu'il vous soit en ayde, baisez son image si vous l'avez, dittes luy ces parolles de Jacob: Si ne vous laisseray je point Seigneur, que vous ne m'ayez donné vostre benediction: ou celles de la Chananee, Ouy Seigneur, je suis une chienne, mais les chiens mangent des miettes de la table de leur maistre.

  A003001853 

 Voyla doncq, ma chere Philothee, les meditations requises à nostre intention, et quant et quant la façon, et methode avec laquelle vous les devez faire; quand vous les aurez faittes, allez alors courageusement en esprit d'humilité faire vostre confession generalle: mais je vous prie ne vous laissez point troubler par aucune sorte d'apprehension.

  A003001854 

 Ouvrez donques bien vostre cœur pour en faire sortir les pechez parla confession.

  A003001854 

 Quand vous serez arrivée devant vostre Pere spirituel, imaginez vous que vous estes en la montagne de Calvaire sous les pieds de Jesus-Christ crucifié, duquel le sang precieux distille de toutes parts pour vous laver de vos iniquitez: car bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neantmoins le merite de ce sang respandu, qui arrouse abondamment les penitens au tour des confessionnaux.

  A003001855 

 Et cela fait, escoutez l'advertissement, et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dittes en vostre cœur: Parlez, Seigneur, car vostre servante vous escoute: c'est Dieu, Philothee, que vous escoutez, puis qu'il a dit à ses [54*] Vicaires: Celuy qui vous escoute m'escoute.

  A003001860 

 Mais me retournant devers le trosne de l'infinie misericorde de [55*] ce mesme Dieu eternel, apres avoir detesté de tout mon cœur, et de toutes mes forces, les iniquitez de ma vie passée, je demande, en toute humilité, grace, pardon et mercy, avec entiere absolution de mon crime, en vertu de la mort et passion de ce mesme Sauveur, et Redempteur de mon ame, sur laquelle m'appuyant comme sur l'unique fondement de mon esperance, j'advouë derechef, et renouvelle la sacrée profession de fidelité, faicte de ma part à mon Dieu en mon baptesme, renonçant au Diable, au monde, et à la chair; detestant leurs malheureuses suggestions, vanitez, et concupiscences pour tout le temps de ma vie presente, et de toute l'eternité: et me convertissant à mon Dieu debonnaire, et pitoyable, je desire, propose, delibere, et me resous irrevocablement de le servir, et aimer maintenant et eternellement, luy donnant à ces fins, dediant et consacrant mon esprit avec toutes ses facultez, mon ame avec toutes ses puissances, mon cœur avec toutes ses affections, mon corps avec tous ses sens, protestant de ne jamais plus abuser d'aucune partie de mon estre, contre sa divine volonté, et souveraine majesté, à laquelle je me sacrifie et immole en esprit pour luy estre à jamais loyalle, obeïssante, et fidelle creature, sans que je vueille oncques m'en dedire ny repentir..

  A003001864 

 Ceste protestation faite, soyez attentive et ouvrez les oreilles de vostre cœur pour ouïr en esprit la parolle de vostre absolution, que le Sauveur mesme de vostre ame assis sur le throsne de sa misericorde, prononcera là haut au Ciel devant tous les Anges, et les Saincts, à mesme temps qu'en son nom le Prestre vous absout icy bas en terre: si que toute ceste troupe des bien-heureux se resjoüissant sur vostre bonheur chantera le cantique spirituel d'une allegresse nompareille, et tous donneront en esprit le baiser de paix et de societé à vostre cœur, remis en grace et sanctifié..

  A003001865 

 En cette sorte, ce me semble Philothee, vostre ame sera purgee du peché et de toutes les affections du peché.

  A003001865 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, à raison de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiée, mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray les advis suivans, lesquelz estant bien pratiquez, vous preserveront desormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, afin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003001870 

 Les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigoterie, et artifice: ils diront que le monde vous a fait mauvais visage, et qu'à son refus vous recourez à Dieu: vos amis s'empresseront à vous faire un monde de remonstrances fort prudentes et charitables à leur advis: vous tomberez, diront ils, en quelque humeur melancholique, vous perdrez credit au monde, vous vous rendrez insupportable, vous envieillirez devant le temps, vos affaires domestiques en patiront, il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mystere, et mille telles bagatelles..

  A003001870 

 Tout aussi tost que les mondains s'appercevront que vous voulez suivre la vie devote, ils decocheront sur vous mille traicts de leur cajollerie et mesdisance.

  A003001871 

 Y a il une attention plus chagrine, plus melancholique, et plus sombre que celle là? Les mondains neantmoins n'en disoient mot, les amis ne se mettoient point en peine, et pour la meditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'à l'ordinaire, pour nous preparer à la Communion, chacun court au medecin pour nous faire guerir de l'humeur hipocondriaque et de la jaunisse.

  A003001872 

 Il aggrandit nos imperfections, et publie que ce sont des pechez: de nos pechez veniels, il en fait des mortelz, et nos pechez d'infirmité, il les convertit en pechez de malice: en lieu que, comme dit S. Paul, la charité est benigne, au contraire le monde est malin: en lieu que la charité ne pense point de mal, au contraire le monde pense tousjours mal: et quand il ne peut accuser nos actions, il accuse nos intentions.

  A003001872 

 Soit que les moutons ayent des cornes, ou qu'ils n'en ayent point, qu'ils soient blancs, ou qu'ils soient noirs, le loup ne laissera pas de les manger s'il peut..

  A003001873 

 Si nous sommes longuement devant le Confesseur, il admirera que c'est que nous pouvons tant dire: si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout: il espiera tous nos mouvemens, et pour une petite parolle de cholere, il protestera que nous sommes insupportables: le soing de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur privauté: et quant aux enfans du monde, leurs coleres sont generositez, leurs avarices mesnages, leurs privautez [60*] entretiens honnorables: les haragnes gastent tousjours l'ouvrage des abeilles..

  A003001874 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous esvitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël, le jour mesme de leur naissance.

  A003001874 

 Les cometes, et les planettes sont presque esgalement lumineuses en apparence, mais les cornettes disparoissent en peu de temps, n'estans que de certains feux passagers, et les planettes ont une clairté perpetuelle.

  A003001874 

 Qu'il crie tant qu'il voudra comme un chat-huan pour inquieter les oyseaux du jour: soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions: la perseverance fera bien voir si c'est à certes et tout de bon que nous sommes crucifiez à Dieu, et rengez à la vie devote.

  A003001878 

 Il vous faschera peut estre d'abord [61*] de quitter la gloire que les fols et mocqueurs vous donnoient en vos vanitez: mais ô Dieu! voudriez vous bien perdre l'eternelle, que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetemps, esquels vous avez employé les annees passées se representeront encore en vostre cœur, pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auriez vous bien le courage de renoncer à ceste heureuse eternité pour des si trompeuses legeretez? Croyez moy, si vous perseverez vous ne tarderez pas de recevoir des douceurs cordiales, si delicieuses et agreables, que vous confesserez que le monde n'a que du fiel en comparaison de ce miel.

  A003001878 

 La lumiere quoy que belle et desirable à nos yeux, les esbloüit neantmoins apres qu'ils ont estez en des longues tenebres: et devant que l'on se soit apprivoisé avec les habitans de quelque pays, pour courtois et gracieux qu'ils soyent on s'y treuve aucunement estonné.

  A003001879 

 Mais si commençons nous à prendre forme par nos desirs et resolutions: les aisles nous commencent à sortir: il faut doncque esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles, et que nous volerons.

  A003001879 

 Mais tandis vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devots nous ont laissez, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, afin que non seulement nous puissions voiler au temps de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future.

  A003001879 

 Mais vous voyez que la montagne de la perfection Chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites vous, comme y pourray-je monter? Courage, Philothee, quand les petits mouchons des abeilles commencent à prendre forme on les appelle nymphes: et lors ils ne sçauroient encor voler sur les fleurs, ny sur les monts, ny sur les collines voisines, pour amasser le miel: mais petit à petit se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petits nymphes prenent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ils volent à la queste par tout le paysage.

  A003001883 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le miroüer les tasches et soüillures de nostre visage: ainsi à mesure que la lumiere interieure du S. Esprit esclaire en nos consciences, nous voyons plus distinctement et plus clairement les pechez, inclinations, et imperfections, qui nous peuvent empescher d'atteindre à la vraye devotion: et la mesme lumiere, qui nous fait voir ces tares et dechets, nous eschauffe aussi au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003001884 

 Vous descouvrirez donc, ma chere Philothee, qu'outre les pechez mortels, et les affections des pechez mortels, dont vous avez esté purgée par les exercices marquez en la premiere Partie, vous avez encore en vostre ame plusieurs inclinations, et affections aux pechez veniels.

  A003001885 

 Et je dis maintenant qu'il faut purger son ame de toutes les affections qu'elle a aux pechez veniels: c'est à dire qu'il ne faut point nourrir volontairement la volonté de continuer et perseverer en aucune sorte de peché veniel.

  A003001886 

 Ces affections, Philothee, sont directement contraires à la devotion, comme les affections au peché mortel le sont à la charité.

  A003001886 

 Elles alanguissent les forces de l'esprit, empeschent les consolations divines, ouvrent la porte aux tentations; et bien qu'elles ne tuent pas l'ame, elles la rendent extremement malade.

  A003001886 

 Et de mesme les pechez veniels arrivans en une ame devote, et n'y arrestans pas long temps, ne l'endommagent pas beaucoup.

  A003001886 

 Il veut dire que les mouches qui ne s'arrestent guere sur l'onguent, mais le mangent en passant ne gastent que ce qu'elles prenent, le reste demeurant en son entier: quand elles meurent emmy l'onguent, elles luy ostent son pris, et le mettent à dédain.

  A003001886 

 Les mouches mourantes, dit le Sage, perdent et gastent la suavité de l'onguent.

  A003001887 

 Ainsi le peché veniel ne tue pas nostre ame, mais il gaste pourtant la devotion, et embarrasse si fort de mauvaises habitudes, et inclinations les puissances de l'ame, qu'elle ne peut plus exercer la promptitude de la charité en laquelle gist la devotion.

  A003001887 

 Ce n'est rien, Philothee, que de dire quelque petit mensonge, de se deregler un peu en parolles, en actions, en regards, en habits, en jolietez, en jeux, en dances: pourveu que tout aussi tost que ces haragnes spirituelles sont entrées en nostre conscience nous les en rechassions, et bannissions, comme les mouches à miel font les haragnes corporelles.

  A003001887 

 Les haragnes ne tuent pas les abeilles, mais elles gastent, et corrompent leur miel, et embarrassent leurs rayons des toiles qu'elles y font, en sorte que les abeilles ne peuvent plus faire leur mesnage: cela s'entend quand elles y font du sejour.

  A003001887 

 Mais si nous leur permettons d'arrester dans nos cœurs, et non seulement cela, mais que nous affectionnons à les y retenir et multiplier, bien tost nous verrons nostre miel perdu, et la ruche de nostre conscience empestee, et defaite.

  A003001891 

 Les jeux, les bals, les festins, les pompes, les comedies, en leur substance ne sont nullement choses mauvaises, ains indifferentes, pouvant estre bien, et mal exercées.

  A003001892 

 Ainsi les anciens Nazariens s'abstenoient non seulement de tout ce qui pouvoit enyvrer, mais aussi des raisins, et du verjus: non point que les raisins ny le verjus enyvre, mais parce qu'il y avoit danger en mangeant du verjus d'exciter le desir de manger des raisins, et en mangeant des raisins de provoquer l'appetit à boire du moust, et du vin.

  A003001892 

 Les cerfs ayans pris trop de venaison s'escartent, et retirent dedans leurs buissons, cognoissans que leur graisse les charge en sorte qu'ils ne sont pas habiles à courir, si d'avanture ils estoient attaqués.

  A003001892 

 Les petits enfans s'affectionnent et eschauffent apres les papillons: nul ne le treuve mauvais, parce que ils sont enfans.

  A003001892 

 Mais n'est ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faits s'empresser et affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommées, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous [65*] deresgler et desordonner à leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections: et bien que les actes ne soient pas tousjours contraires à la devotion, les affections neantmoins luy sont tousjours dommageables..

  A003001896 

 Dieu vous face la grace de les bien pratiquer.

  A003001896 

 Il y en a qui de leurs natures sont legers, les autres rebarbatifs, les autres durs a recevoir les opinions d'autruy, les autres sont inclinez à l'indignation, les autres à la colere, les autres à l'amour: et en somme il se treuve peu de personnes esquelles on ne puisse remarquer quelques sortes de telles imperfections.

  A003001896 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amendiers amers en amendiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le suc; pourquoy est ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses.

  A003001896 

 Or quoy qu'elles soient comme propres et naturelles à un chacun, si est ce que par le soing et affection contraire on les peut corriger et moderer: et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003001900 

 Il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravées, c'est l'eau de benediction qui par son arrousement fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nostre ame de ses imperfections, et desaltere nos cœurs de leurs passions..

  A003001901 

 En fin les enfans a force d'ouïr parler leurs meres, et de begayer avec elles apprennent à parler leur langage: et nous demeurans prés du Sauveur par la meditation, observant ses parolles, ses actions, et ses affections, nous apprendrons moyennant sa grace à parler, faire, et vouloir comme luy.

  A003001904 

 Je veux dire qu'il faut garder s'il est possible un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur de l'oraison aux affaires, retenant le plus long temps qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aurez conceuës.

  A003001906 

 Si vous me croyez, vous direz vostre Pater, vostre Ave Maria, et le Credo en latin: mais vous apprendrez aussi à bien entendre les parolles qui y sont en vostre langage, afin que le disant au langage commun de l'Eglise, vous puissiez neantmoins savourer le sens admirable et delicieux de ces saintes oraisons, lesquelles il faut dire, fichant profondement vostre pensee, et excitant vos affections sur le sens d'icelles, et ne vous hastant nullement pour en dire beaucoup: mais vous estudiant de dire ce que vous direz cordialement: car un seul Pater dit avec ce sentiment vaut mieux que plusieurs recitez vistement et couramment.

  A003001907 

 Il est bon aussi de dire les Letanies de nostre Seigneur, de nostre Dame, et des Saincts, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuels et Heures approuvées; à la charge neantmoins que si vous avez le don de l'oraison mentale, vous luy gardiez tousjours la principale place.

  A003001908 

 Si faisant l'oraison vocale, vous sentez vostre cœur tiré et convié à l'oraison interieure ou mentale, ne refusez point d'y aller; mais laissez tout doucement couler vostre esprit de ce costé là, et [69*] ne vous souciez point de n'avoir pas achevé les oraisons vocales que vous vous estiez proposées; car la mentale que vous aurez faite en leur place est plus agreable à Dieu, et plus utile à vostre ame.

  A003001910 

 Que si toute la journée vous ne pouvies la faire, il faut reparer ceste perte, multipliant les oraisons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empeschast la suytte de cette negligence, et avec cela faire une forte resolution de se remettre en train le jour suyvant..

  A003001914 

 Outre ceste oraison mentale entiere et formée, et les autres oraisons vocales que vous devez faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraisons plus courtes, et qui sont comme adjancements et surjons de l'autre grande oraison: entre lesquelles la premiere est celle qui se fait le matin comme une preparation à toutes les œuvres de la journée: or vous la ferez en ceste sorte.

  A003001917 

 Et ne suffit pas de faire ceste resolution; mais il faut preparer les moyens pour la bien executer.

  A003001917 

 Prevoyez quelles affaires, quels commerces, et quelles occasions vous pouvez rencontrer ceste journee là pour servir Dieu: et quelles tentations vous pourront survenir de l'offencer, ou par colere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement: et par une saincte resolution preparez vous à bien employer les moyens qui se doivent offrir à vous de servir Dieu, et advancer vostre devotion: comme au contraire disposez vous à bien esviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003001917 

 Si je prevoy de pouvoir visiter un malade, je disposeray l'heure, les consolations et secours que j'ay à luy faire, ainsi des autres..

  A003001918 

 Invoquez nostre Dame, vostre bon Ange et les Saincts, afin qu'ils vous assistent..

  A003001923 

 Gaignez donques un peu devant l'heure du souper quelque loisir, auquel vous prosternant devant Dieu, et ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerez par une simple considération, et œillade interieure) r'allumez le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations, et eslancemens amoureux que vous ferez sur ce divin Sauveur de vostre ame: ou bien en repetant les poincts que vous aurez plus savourez en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymerez mieux..

  A003001924 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour: et pour faire cela plus aysement on considere, où, avec qui, et en quelles occupations on a esté: si l'on treuve d'avoir fait quelque bien on en fait action de graces à Dieu: si au contraire l'on a fait quelque mal en pensees, en parolles, ou en œuvres on en demande pardon à sa divine Majesté, avec resolution de s'en confessera la premiere occasion, et de s'en amender soigneusement: apres cela on recommande à la providence divine, son corps, son [72*] ame, l'Eglise, les parens, les amis.

  A003001924 

 Pour le repos de la nuit suyvante on prie nostre Dame, le bon Ange, et les Saincts de veiller sur nous et pour nous, et avec la benediction de Dieu on se couche..

  A003001925 

 Cest exercice icy ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin: car par celuy du matin vous ouvrez les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir vous les fermez aux tenebres de l'enfer..

  A003001930 

 Comme les oyseaux ont des nids sur les arbres pour faire leur retraicte, quand ils en ont besoing, et les cerfs ont leurs buissons, et leurs forts dans lesquels ils se recelent, et mettent à couvert, prenans la fraicheur de l'ombre en esté; ainsi, Philothee, nos cœurs doivent prendre et choisir quelque place chasque jour, ou sur le mont de Calvaire, ou és playes de nostre Seigneur, ou en quelque autre lieu proche de luy, pour y faire leur retraitte à toutes sortes d'occasions, et s'alleger et recreer entre les affaires exterieurs, et [73*] pour y estre comme dans un fort affin de se deffendre des tentations.

  A003001931 

 Ce sont les oraisons jaculatoires, que le grand sainct Augustin conseille si soigneusement à la devote dame Proba.

  A003001931 

 O Philothee, nostre esprit, s'adonnant à la hantise, privauté, et familiarité de son Dieu, il se parfumera tout de ses perfections: et si cest exercice n'est point malaisé; car il se peut entrelasser à toutes nos affaires et occupations, sans nullement les incommoder: d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit aux eslancemens interieurs on ne fait que des petites, et courtes diversions, qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup à la poursuitte de ce que nous faisons.

  A003001932 

 Il est vray qu'il y a de [74*] certains mots qui ont une force particuliere pour contanter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semez si dru dedans les Pseaumes de David, et les invocations diverses du nom de Jesus, avec les traits d'amour qui sont imprimez au Cantique des Cantiques.

  A003001932 

 Les chansons spirituelles servent encore à mesme intention, estans chantées avec un peu d'attention..

  A003001933 

 En fin comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel, ont presque tousjours leurs pensees tournées du costè de la chose aimée, leur cœur plein d'affection à icelle, et leur bouche pleine de ses louanges: et qu'en absence ils ne perdent point d'occasion de representer leurs affections par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ils n'escrivent le nom de ce qu'ils aiment; ainsi ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser, et aspirer en luy, de parler de luy: et voudroient s'il estoit possible graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le sainct, et sacré nom de Jesus..

  A003001934 

 A quoy mesme toutes choses les invitent.

  A003001934 

 C'est une belle fleur, dit ce sainct personnage, que la rose, mais elle me donne une [75*] grande tristesse m'advertissant de mon peché pour lequel la terre a esté condamnée de porter les espines.

  A003001934 

 Je ne puis me contenir de dire la pensee du grand sainct Basile, lequel considerant la rose emmy les espines, dit qu'elle parle aux hommes, leur faisant cette remonstrance: Ce qui est de plus agreable en ce monde, ô mortels, est meslé de tristesse: rien n'y est pur, le regret est tousjours collé à l'alegresse, la viduité au mariage, le soing à la fertilité, l'ignominie à la gloire, la despance aux honneurs, le degoust aux delices, et la maladie à la santé.

  A003001934 

 L'autre voyant tous les arbres fleuris: et pourquoy, dit il, suis je seul defleury au jardin de l'Eglise? L'autre voyant les petits poussins ramassez sous leur mere, Ah Seigneur, dit il, conservez nous sous l'ombre de vos aisles.

  A003001934 

 L'un regardant dans un ruisseau, et y voyant le Ciel representé avec une quantité de belles estoilles en une nuict bien sereine: ô Dieu, dit il, ainsi seront ces mesmes estoilles sous mes pieds quand vous m'aurez logé dans vos saincts tabernacles; ainsi les hommes de la terre sont representez au Ciel dedans la poitrine de Dieu.

  A003001935 

 Il peut suppleer au defaut de toutes les autres oraisons: mais le manquement d'iceluy ne peut presque point estre reparé par aucun autre moyen.

  A003001940 

 L'oraison faite en l'union de ce divin Sacrifice a une force [76*] indicible: de sorte, Philothee, que l'ame par iceluy abonde en celestes faveurs, comme appuyée sur son Bien-aymé, qui la rend si pleine d'odeurs et suavitez spirituelles qu'elle ressemble à une colonne de fumee de bois aromatiques, de la mirrhe, de l'encens, et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dict és Cantiques..

  A003001941 

 Faites doncques toutes sortes d'effort, pour assister tous les jours à la saincte Messe, affin d'offrir avec le Prestre en icelle vostre Redempteur à Dieu son Pere, pour vous, et pour toute l'Eglise.

  A003001941 

 Tousjours les Anges en grand nombre s'y treuvent presens, comme dit sainct Jean Chrisostome, pour honnorer ce sainct mistere: et nous y treuvans avec eux, et avec mesme intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences propices, par une telle societé, Les cœurs de l'Eglise triumphante, et de l'Eglise militante se viennent attacher et joindre à nostre Sauveur en ce mystere, pour avec luy, en luy et par luy ravir le cœur de Dieu le Pere, et rendre sa misericorde toute nostre.

  A003001942 

 A quelque heure doncques du [77*] matin allez de cœur à l'Eglise, unissez vostre intention à celle de tous les Chrestiens, et faictes les mesmes actions interieures au lieu où vous estes, que vous feriez si vous estiez reellement presente à l'office de la saincte Messe..

  A003001944 

 Mais si vous voulez pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous allez suivant de jour en jour, il ne sera nullement requis que vous vous divertissiez à faire les particulieres actions que je viens de marquer, ains suffira qu'au commencement vous dressiez vostre intention à vouloir adorer et offrir ce sainct Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et oraison, puis qu'en toute meditation se treuvent les actions susdictes, ou expressement, ou tacitement et virtuellement.

  A003001948 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister à l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours là sont dediez à Dieu, et faut bien faire plus d'actions à son honneur et gloire en iceux, que non pas aux autres jours.

  A003001948 

 Vous sentirez mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit sainct Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions, que oyant les divins offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux en larmes de pieté.

  A003001949 

 Entrez volontiers aux Confrairies du lieu où vous estes, et particulierement en celles, desquelles les exercices apportent plus de fruict et d'edification: car en cela vous ferez une sorte d'obéissance fort agreable à Dieu: d'autant qu'encor que les Confrairies ne soyent pas commandées, elles sont neantmoins recommandées par l'Eglise: laquelle pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enrollent, donne des Indulgences et autres privileges aux Confraires.

  A003001949 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices à part soy, comme l'on fait aux Confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire en particulier; si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bien-faits avec nos freres et prochains..

  A003001954 

 Les sainctes ames des Trespassez qui sont en Paradis avec les Anges, et comme dit nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office d'inspirer en nous, et d'aspirer pour nous par leurs sainctes oraisons..

  A003001954 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003001955 

 Ma Philothee, joignons nos cœurs à ces celestes esprits et ames bien heureuses: car comme les petits rossignols apprennent à chanter avec les grands, ainsi par le sainct commerce que nous ferons avec les Saincts, nous sçaurons bien mieux prier et chanter les louanges divines.

  A003001957 

 Rendez vous fort familiere avec les Anges, voyez les souvent invisiblement presens à vostre vie: et sur tout aymez et reverez celuy du Diœcese auquel vous estes, ceux des personnes avec lesquelles vous vivez, et specialement le vostre: suppliez les souvent, louez les ordinairement, et requerez leur ayde et secours en toutes vos affaires, soit spirituelles, soit temporelles, afin qu'ils cooperent à vos sainctes intentions..

  A003001958 

 Le grand Pierre Favre, premier compagnon du B. Ignace de Loyole, premier Prestre, premier Predicateur, premier lecteur de Theologie, de la saincte Compagnie du nom de Jesus, venant un jour d'Allemaigne, où il avoit fait de grands services à la gloire de [80*] nostre Seigneur; et passant en ce Diœcese lieu de sa naissance, racontoit qu'ayant traversé plusieurs lieux pleins d'heretiques, il avoit receu mille consolations d'avoir salué en abordant chasque Parroisse les Anges protecteurs d'icelles, lesquels il avoit cogneu sensiblement luy avoir esté propices: soit pour le garentir des embusches des heretiques, soit pour luy rendre plusieurs ames douces et dociles à recevoir la doctrine de salut.

  A003001964 

 Ne laissez pas de vous confesser humblement et devotement tous les huict jours: et tousjours quand vous communierez, encor que vous ne sentiez point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la confession vous ne recevez pas seulement l'absolution des pechez veniels que vous confesserez: mais aussi une [81*] grande force pour les esviter à l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour effacer toute la perte qu'ils vous avoyent apportée.

  A003001967 

 Je n'ay pas tant aimé Dieu que je devois, je n'ay pas prié avec tant de devotion comme je devois, je n'ay pas cheri le prochain comme je devois, je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables.

  A003001967 

 La raison est, parce qu'en disant cela vous ne dites rien de particulier qui puisse faire entendre au Confesseur l'estat de vostre conscience: d'autant que tous les Saincts de Paradis, et tous les hommes de la terre pourroient dire les mesmes choses s'ils se confessoient.

  A003001968 

 Car s'accusant ainsi nayvement on ne decouvre pas seulement les pechés qu'on a fait; mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes, et autres racines du peché.

  A003001968 

 Je n'espargneray donc point de dire: je me suis relachée de dire des parolles de courroux, contre une personne ayant prins de luy en mauvaise part quelque parolle qu'il m'a dit, non point pour la qualité des parolles, mais parce que celuy là m'estoit desagreable: et s'il est encore besoing de particulariser les parolles pour vous bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire.

  A003001968 

 Ne vous contentez pas de dire vos pechez veniels quant au fait, mais accusez vous du motif qui vous a induit à les commettre.

  A003001968 

 Si vous avez peché à jouer, expliquez si ç'a esté pour le desir du gain, ou pour le plaisir de la conversation, ainsi des autres: car encore que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointileux en la declaration des pechez veniels, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser; si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre à la saincte devotion, ils doivent estre soigneux de bien faire cognoistre au medecin spirituel, le mal pour petit qu'il soit, duquel ils veulent estre gueris.

  A003001969 

 Ne changez pas aysement de Confesseur; mais en ayant choisi un, continuez à luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinez pour cela, luy disant nayvement les pechez que vous aurez commis, et de temps en temps, comme seroit de mois en mois, ou de deux mois en deux mois dittes luy encore l'estat de vos inclinations quoy que par icelles vous n'ayez pas peché.

  A003001969 

 Prenez garde à une quantité de pechez qui vivent et regnent bien souvant insensiblement dedans la conscience, affin que vous les confessiez, et que vous puissiez vous en purger: et à cest effet lisez diligemment le chapitre 39. et 45.

  A003001973 

 O Philothee, les Chrestiens qui seront damnés demeureront sans replique lors que le juste Juge leur fera veoir le tort qu'ils ont eu de mourir spirituellement, puis qu'il leur estoit aysé de se maintenir en vie, et en santé par la manducation de son corps qu'il leur avoit laissé à cette intention.

  A003001973 

 Que si les fruits les plus tendres et sujets à la corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises, se conservent aisement toute l'annee estans confits au sucre ou au miel; ce n'est pas merveille si nos cœurs quoy que fraisles et imbecilles sont preservez de la corruption du peché, lors qu'ils sont sucrés et emmielés de la chair et du sang incorruptible du Fils de Dieu.

  A003001973 

 Si que, comme les hommes demeurans au Paradis terrestre pouvoient ne mourir point, selon le corps par la force de ce fruict vital, que Dieu y avoit mis; ainsi peuvent ils ne point mourir spirituellement par la vertu de ce Sacrement de vie.

  A003001974 

 Ce seroit imprudence de conseiller indistinctement à un chacun cet usage si frequent: mais ce seroit aussi une impudence de blasmer aucun pour iceluy, et sur tout quand il le feroit par l'advis de quelque digne Pere spirituel, La responce de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand luy estant opposé à raison de sa frequente Communion que sainct Augustin ne loüoit ny ne vituperoit de communier tous les jours: Et bien, dit elle, puis que S. Augustin ne le vitupere pas, je vous prie que vous ne le vituperiés pas aussi, et je me contante..

  A003001974 

 Ce sont les propres parolles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere, ny ne loue absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela à la discretion du Pere spirituel de celuy qui se voudra resoudre sur ce poinct.

  A003001974 

 De recevoir la communion de l'Eucharistie tous les jours, ny je ne le loue, ny je ne le vitupere; mais de communier tous les jours de Dimanche, je le suade et en exhorte un chacun, pourveu que l'esprit soit sans aucune affection de pecher.

  A003001975 

 Mais, Philothee, vous voyez que sainct Augustin exhorte etconseille bien fort que l'on communie tous les Dimanches, faites le donc tant qu'il vous sera possible: puis que, comme je presuppose, vous n'avez nulle sorte d'affection du peché mortel, ny aucune affection au peché veniel.

  A003001975 

 Vous estes en la vraye disposition que S. Augustin requiert, et encore plus excellente: parce que non seulement vous n'avez pas l'affection de pecher, mais vous n'avez pas mesme l'affection du peché: si que quand vostre Pere spirituel le treuveroit bon, vous pourriez utilement encore communier plus souvent que tous les Dimanches..

  A003001978 

 Certes en la primitive Eglise les Chrestiens communioient tous les jours, quoy qu'ils fussent mariez et benis de la generation des enfans.

  A003001978 

 Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit és jours des Festes; mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs à ceux qui les exigeoient.

  A003001978 

 Il faut que je die ce mot pour les gens mariez.

  A003001983 

 Mais pour communier tous les jours, il faut outre cela avoir surmonté la pluspart des mauvaises inclinations, et recevoir tousjours sur cela l'advis du Pere spirituel..

  A003001983 

 Pour communier tous les huict jours, il est requis de n'avoir ny peché mortel, ny aucune affection au peché veniel, et d'avoir un grand desir de communier.

  A003001984 

 Et apres que vous aurez dit les parolles sacrées, (Seigneur je ne suis pas digne) ne remuez plus vostre teste, ny vos levres, soit pour prier, soit pour souspirer: mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au Prestre pour voir ce qu'il faict, recevez pleine de foy, d'esperance et de charité, Celuy, lequel, auquel, par lequel, et pour lequel vous croyez, esperez et aymez.

  A003001984 

 O Philothee, imaginez vous que comme l'abeille ayant recueilly sur les fleurs la rosee du ciel, et le suc plus exquis de la terre, elle le porte dans la ruche, ainsi le Prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Fils de Dieu, qui est descendu du Ciel, et vray Fils de la Vierge, qui comme fleur est sorty de la terre de nostre humanité, il le met comme un miel de suavité dedans vostre bouche, et dedans vostre corps.

  A003001984 

 Que si la nuict vous vous resveillez, remplissez soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques parolles odorantes, par le [88*] moyen desquelles vostre ame soit parfumee pour recevoir l'Espoux, lequel veillant pendant que vous dormez se prepare à vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposee à les recevoir: le matin levez vous avec grande joye pour le bon-heur que vous esperez: et vous estant confessée allez avec grande confiance, mais aussi avec grande humilité prendre ceste viande celeste qui vous nourrit à l'immortalité.

  A003001987 

 Dites leur que deux sortes de gens doivent souvent communier; les parfaits, parce qu'estans bien disposez ils auroient grand tort de ne point s'approcher de la source et fontaine de perfection; et les imparfaits, afin de pouvoir justement pretendre à la perfection; les forts, afin qu'ils ne deviennent foibles, et les foibles, afin qu'ils deviennent forts: les malades, afin d'estre gueris, et les sains, afin qu'ils ne tombent en maladie: et que pour vous, comme imparfaite, foible, et malade, vous croyez de devoir souvent communiquer avec vostre perfection, vostre force, et vostre medecin.

  A003001987 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communiez si souvent, dites leur que c'est pour apprendre à aimer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en vos foiblesses.

  A003001988 

 Communiez souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrez avec l'advis de vostre Pere spirituel: et croyez moy, les lievres deviennent blancs parmy nos montagnes en hyver, par ce que ils ne voyent ny ne mangent que de la neige.

  A003001992 

 Ce sont les trois branches de la croix spirituelle: toutes trois neantmoins fondées sur la quatriesme qui est l'humilité..

  A003001992 

 L'obeissance, la chasteté, et la pauvreté sont les trois grands moyens pour acquerir la parfaicte devotion: l'obeissance consacre nostre cœur, la chasteté nostre corps, et la pauvreté nos moyens à [90*] l'amour et service de Dieu.

  A003001993 

 Car bien qu'estant vouées, et sur tout solemnellement elles mettent l'homme en l'estat de perfection; si est-ce que elles ne le mettent pas en la perfection, sinon entant qu'elles sont observées: y ayant bien de la difference entre l'estat de perfection, et la perfection, puis que tous les Evesques et Religieux sont en l'estat de perfection, et tous [91*] neantmoins ne sont pas en la perfection, comme il ne se voit que trop.

  A003001993 

 Car encores que hors la Religion elles ne puissent pas nous mettre en l'estat de perfection, elles nous donneront neantmoins la perfection mesme: et nous sommes tous obligez à la pratique d'icelles, quoy que non pas tous à les pratiquer de mesme façon..

  A003001993 

 Je ne diray rien de ces trois vertus, entant qu'elles sont vouées solemnellement, parce que cela ne regarde que les Religieux: ny mesme entant qu'elles sont voüées simplement: d'autant qu'encor que le vœu donne tousjours beaucoup de graces et de merite à toutes les vertus, si est-ce qu'il n'importe pas qu'elles soient voüées ou non voüées, pourveu qu'elles soient observées.

  A003001997 

 Or ceste obeissance s'appelle necessaire, parce que nul ne se peut exempter du devoir d'obeir à ces superieurs là, Dieu les ayant mis en authorité de commander et gouverner, chacun en ce [92*] qu'ils ont en charge sur nous.

  A003002001 

 Il faut obeïr à tous les superieurs, à chacun neantmoins en ce dequoy il a charge de nous, comme en ce qui regarde la police, et les choses publiques, il faut obeir aux Princes et Magistrats, aux Prelatz en ce qui regarde la police ecclesiastique, és choses domestiques au pere, au maistre, au mary: et quant à la conduite particuliere de l'ame au directeur et Confesseur particulier.

  A003002002 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés exercer par vostre Pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures, et auront double grace et bonté: l'une d'elles mesmes, puis qu'elles sont pieuses, et l'autre de l'obeissance qui les aura ordonnées, et en vertu de laquelle elles seront faites..

  A003002006 

 La chasteté est le lys des vertus: elle rend les hommes presque esgaux aux Anges.

  A003002009 

 Car bien qu'il faille pratiquer les delectations necessaires, c'est à dire celles qui dependent du sainct Mariage, si ne faut il pas pourtant jamais y attacher le cœur et l'esprit..

  A003002009 

 Pour le second, retranchés, tant qu'il vous sera possible les delectations inutiles et superflues, quoy que loisibles et non defendues: pour le troisiesme n'attachés point vostre affection aux plaisirs et voluptés, qui vous sont commandées et ordonnées.

  A003002010 

 Il y a quelque similitude entre les voluptés impudiques, et celles du boire et manger: car toutes deux regardent la chair, bien que les premieres à raison de leur vehemence brutalle, s'appellent simplement charnelles.

  A003002010 

 Or les mesmes considerations doivent estre faittes pour les voluptés charnelles entre les maryez, qui seuls en peuvent user, je dis user sans en abuser.

  A003002010 

 Pour conserver la personne, le manger est ordonné; et l'on fait les mariages pour multiplier les personnes, et conserver le genre humain.

  A003002014 

 Les corps humains ressemblent aux verres, qui ne peuvent estre portés les uns avec les autres en se touchant, sans courir fortune de se rompre.

  A003002014 

 Les fruits mesmes pour entiers qu'ils soyent reçoivent de la tare s'entre-touchans les uns avec les autres; et l'eau pour fraiche qu'elle soit dedans quelque vase, estant touchée de quelque animal terrestre ne peut longuement conserver sa fraicheur.

  A003002015 

 C'est pourquoy elle se perd par tous les sens exterieurs du corps, et par les cogitations et desirs du cœur.

  A003002015 

 Les abeilles non seulement ne veulent pas toucher les charongnes, mais fuyent et hayssent extremement toutes sortes de puanteurs qui en proviennent.

  A003002015 

 Ses yeux sont de colombe, à raison de leur netteté: ses aureilles ont des pendans d'or, enseigne de pureté: son nés est parmy les cedres du Lyban, bois incorruptible.

  A003002016 

 Car comme les boucs touchans de la langue les amandiers doux, les font devenir amers; ainsi ces ames puantes et cœurs infects, ne parlent guiere à personne, ny de mesme sexe, ny de divers sexe, qu'ils ne le fassent aucunement descheoir de la pudicité.

  A003002016 

 Ils ont le venin aux yeux et en l'haleine, comme les basiliques..

  A003002016 

 Ne hantez nullement les personnes impudiques, principallement si elles sont encor impudentes, comme elles le sont presque tous-jours.

  A003002017 

 Au contraire hantez les gens chastes et vertueux, pensez et lisez souvent aux choses sacrées: car la parolle de Dieu est chaste, et rend ceux qui s'y plaisent chastes.

  A003002022 

 Bien-heureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des Cieux est à eux.

  A003002022 

 Celuy est riche d'esprit, lequel a les richesses dedans son esprit, ou son esprit dedans les richesses.

  A003002022 

 Les alcions font leurs nids ronds comme une paume, et ne laissent en iceux qu'une petite ouverture du costé d'enhaut: ils les mettent sur le bord de la mer; et au demeurant les font si fermes et impenetrables, que les ondes les surprenans, jamais l'eau n'y peut entrer: mais tousjours prenant le dessus, ils demeurent emmi la mer, sans mer, et maistres de la mer.

  A003002022 

 Malheureux doncques sont les riches d'esprit, car la misere d'enfer est pour eux.

  A003002022 

 Non, ne mettez pas cet esprit celeste dedans les biens terrestres: faites qu'il leur soit tousjours superieur, sur eux, et non pas en eux.

  A003002022 

 Vostre cœur, ma chere Philothee, doit estre comme cela, ouvert seulement au Ciel, et impenetrable aux richesses, et choses caduques: si vous en avez tenez tousjours vostre cœur exempt de leurs affections; qu'il tienne tousjours le dessus: et qu'emmy les richesses il soit sans richesses, et maistre des richesses.

  A003002022 

 [98*] Celuy est pauvre d'esprit, qui n'a nulles richesses dans son esprit, ny son esprit dedans les richesses.

  A003002023 

 Ce sera, Philothee, si vous les avez en vostre maison, en vostre coffre, en vostre bourse, et non pas en vostre cœur.

  A003002023 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection, c'est le grand bon-heur du Chrestien: car il a par ce moyen les commoditez des richesses pour ce monde, et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003002023 

 Les apothicaires ont presque tous des poisons, pour s'en servir en diverses occurrences: mais ils ne sont pas pour cela empoisonnez, parce qu'ils n'ont pas le poison dedans le corps, mais dans leurs boutiques; ainsi pouvez vous avoir des richesses sans estre empoisonnée par icelles.

  A003002024 

 Jamais on n'en a trop: il se treuve tousjours certaines necessitez d'en avoir d'avantage: et mesme les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'estre, mais ils ne pensent pas en leur conscience de l'estre..

  A003002025 

 Si vous desirez longuement, ardemment, et avec inquietude les biens que vous n'avez pas, vous avez beau dire que vous ne les voulez pas avoir injustement; car pour cela vous ne laisserez pas d'estre vrayement avare.

  A003002028 

 Car les febricitans boivent l'eau qu'on leur donne, avec un certain empressement, avec une sorte d'attention et d'aise, que ceux qui sont sains n'ont point accoustumé d'avoir.

  A003002028 

 Si vous affectionnez fort les biens que vous avez: si vous en estes fort embesoignée, y mettant vostre cœur, y attachant vos pensées, et craignant d'une crainte vive et empressée de les perdre, croyez moy, vous avez encore quelque sorte de fievre.

  A003002035 

 Dites moy, les jardiniers des Roys et des Princes, ne sont ils pas plus curieux et diligens à cultiver et agencer les jardins qu'ils ont en charge, que s'ils leur appartenoient en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ils considerent ces jardins là, comme jardins du Roy, ou du Prince, auquel ils desirent de se rendre agreables par ce service là.

  A003002035 

 Je veux que vous ayez beaucoup plus de soing de rendre vos biens utiles et fructueux, que les mondains n'ont pas.

  A003002035 

 Ma Philothee, les possessions que nous avons ne sont pas nostres: Dieu les nous a données à cultiver, et veut que nous les rendions fructueuses et utiles: et partant nous luy faisons service agreable d'en avoir soin..

  A003002036 

 C'est pourquoy nous le devons avoir plus grand que les mondains n'ont pas des leurs; car ils ne font pas leurs travaux sur une si excellente consideration, puis qu'ils ne les font que pour l'amour d'eux-mesmes, et nous les faisons pour l'amour de Dieu.

  A003002036 

 Or afin qu'il ne vous deçoive, prattiquez la pauvreté; je ne dis pas celle d'esprit, mais je dis la pauvreté d'effect, emmy toutes les facultez et richesses que Dieu nous a données..

  A003002037 

 Quittez tousjours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur: car donner ce qu'on a, c'est s'appauvrir d'autant: et plus vous donnerez, plus vous vous appauvrirez.

  A003002038 

 Aymez les pauvres et la pauvreté; car par cet amour vous deviendrez vrayement pauvre: puis que, comme dit l'Escriture, nous sommes faicts comme les choses que nous aymons.

  A003002038 

 L'amour esgale les amans: Qui est infirme avec lequel je ne sois infirme? dit sainct Paul.

  A003002038 

 Si doncques vous aymez les pauvres, vous serez vrayement participante de leur pauvreté, et pauvre comme eux..

  A003002039 

 Or si vous aymez les pauvres, mettez vous souvent parmi eux; prenez plaisir à les voir chez vous, et à les visiter chez eux.

  A003002040 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre; rendez vous doncques servante des pauvres: allez les servir dans leurs licts quand ils sont malades; je dis de vos propres mains: soyez leur cuisiniere, et à vos propres despens: soyez leur lingiere et blanchisseuse; ô ma Philothee, ce service est plus triomphant qu'une Royauté! Sainct Louys tout grand Roy qu'il estoit, le pratiquoit avec un zele et perseverance nompareille..

  A003002040 

 Voulez vous faire encore d'avantage, ma chere Philothee? Ne vous contentez pas d'estre pauvre comme les pauvres, mais soyez plus pauvre que les pauvres.

  A003002042 

 Il arrive que tous les vins d'une cave se poussent et tournent, il n'en reste plus que les plus mauvais et verds.

  A003002042 

 Philothee, soyez bien ayse de ces rencontres: acceptez les de bon cœur, souffrez les gayement..

  A003002043 

 C'est la difference des bestes et des hommes, quant à leurs robbes; car les robbes des bestes tiennent à leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquées, en sorte qu'ils puissent les mettre et oster quand ils veulent..

  A003002043 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilitez, les larcins, les proces, ô c'est allors la vraye saison de prattiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment à cet appauvrissement.

  A003002043 

 Quand nos moyens nous tiennent au cœur, si la tempeste, si le larron, si le chiquaneur nous [105*] en arrache quelque partie, quelles plaintes, quels troubles, quelles impatiences en avons nous? Mais quand nos biens ne tiennent qu'au soin que Dieu veut que nous en ayons, et non pas à nostre cœur, si on nous les arrache, nous n'en perdons pourtant pas le sens, ny la tranquillité.

  A003002048 

 Combien y a il de grands mondains qui avec beaucoup de contradictions sont allés rechercher, avec un soin nompareil la sainte pauvreté, dedans les cloistres, et les hospitaux? Ils ont pris beaucoup de peine pour la treuver.

  A003002048 

 Nostre Seigneur, nostre Dame, les Apostres, tant de Saincts et de Sainctes ont esté pauvres, et pouvans estre riches ils ont mesprisé de l'estre.

  A003002053 

 N'ayez point de honte d'estre pauvre, ny de demander l'aumosne en charité: recevés celle qui vous sera donnée avec humilité, et acceptés les refus avec douceur.

  A003002057 

 Saint Paul veut que les femmes devotes (il en faut autant dire des hommes) soyent revestus d'habits bien-seants, se parants avec pudicité et sobrieté.

  A003002058 

 En temps de penitence, comme en Caresme, on se demet bien fort; aux nopces on porte les robes nuptialles, et aux assemblees funebres les robes de deuïl: au pres des Princes on rehausse l'estat, lequel on doit abbaisser entre les domestiques.

  A003002058 

 Mais quant aux vrayes vefves, qui le sont, non seulement de corps, mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l'humilité, la modestie et la devotion: car si elles veulent donner de l'amour aux [108*] hommes, elles ne sont pas vrayes vefves; et si elles n'en veulent pas donner, pourquoy en portent elles les outils? Qui ne veut recevoir les hostes, il faut qu'il oste l'enseigne de son logis.

  A003002058 

 On ne treuve pas non plus mauvais que les vefves à marier se parent aucunement, pourveu qu'elles ne fassent point paroistre de folastrerie; d'autant qu'ayant desja esté meres de famille, et passé par les regrets du vefvage, on tient leur esprit pour meur et attrempé.

  A003002058 

 On se moque tousjours des vieilles gens quand ils veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'à la jeunesse..

  A003002059 

 Et les femmes vaines sont tenues pour imbecilles en chasteté: au moins si elles en ont, elle n'est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles.

  A003002059 

 Les hommes qui sont si lasches que de s'amuser à ces mugueteries sont par tout descriez comme hermaphrodites.

  A003002059 

 Pour moy, je voudrois que mon devot et ma devote fussent tousjours les mieux habillez de la troupe, mais les moins pompeux et les moins affaitez.

  A003002059 

 S. Louys dit en un mot que l'on se doit vestir selon son estat: en sorte que les sages et bons ne puissent dire; vous en faictes trop, ny les jeunes gens, vous en faites trop peu..

  A003002059 

 Sainct Pierre advertit principalement les jeunes femmes de ne porter point leurs cheveux tant crespez, frisez, annellez, et serpentez.

  A003002063 

 Recercher les conversations, et les fuïr, ce sont deux extremitez blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003002064 

 Car comme ceux qui ont estez mordus des chiens enragez ont la sueur, l'haleine et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion; ainsi ces vicieux et debordez ne peuvent estre frequentez qu'avec hazard et peril: sur tout par ceux qui sont de devotion encore tendre et delicate..

  A003002064 

 On appelle mauvaises conversations celles qui se font pour quelque mauvaise intention, ou bien quand ceux qui entreviennent en icelles sont vicieux, indiscrets et dissolus; et pour celles là, il s'en faut destourner, Philothee, comme les abeilles se destournent de l'amas des taons et frelons.

  A003002066 

 Et quant à celles-là, comme il ne faut pas estre superstitieuse à les prattiquer, aussi ne faut il pas estre du tout incivile à les mespriser, mais satisfaire avec modestie au devoir que l'on y a, afin d'esviter esgalement la rusticité et la legereté..

  A003002066 

 Les autres conversations ont pour leur fin l'honnesteté, comme sont les visites mutuelles, et certaines assemblées qui se font pour honnorer le prochain.

  A003002067 

 C'est un grand advantage pour nous bien exercer à la devotion, de converser avec les ames devotes.

  A003002067 

 La vigne plantée parmi les oliviers porte des raisins unctueux, et qui ont le goust des olives; une ame qui se treuve souvent parmi les gens de vertu, ne peut qu'elle ne participe à leurs qualitez.

  A003002067 

 Les bourdons seuls ne peuvent point faire de miel, mais avec les abeilles ils s'aydent à le faire.

  A003002067 

 Reste les conversations utiles, comme sont celles des personnes devotes et vertueuses.

  A003002068 

 Je vous dis encore une fois avec l'Apostre: Soyez tousjours joyeuse; mais en nostre Seigneur, et que vostre modestie paroisse à tous les hommes.

  A003002068 

 Riez avec les rians, resjoüissez vous avec les joyeux.

  A003002072 

 Et aussi les conversations ne sont pas ordinairement si serieuses qu'on ne puisse de temps en temps en retirer le cœur pour le remettre en ceste divine solitude..

  A003002072 

 Resouvenez vous cependant, ô Philothee, de faire tousjours plusieurs retraictes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmy les conversations, ainsi que j'ay marqué cy dessus; et ceste solitude mentale ne peut nullement estre empeschée par la multitude de ceux qui vous sont autour, parce qu'ils ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre corps: si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003002073 

 Les pere et mere de S. Catherine de Sienne, luy ayant osté toute commodité du lieu et de loisir, pour prier et mediter, nostre Seigneur l'inspira de faire un petit oratoire interieur en son esprit, dedans lequel se retirant mentalement elle peut parmi les affaires exterieures vaquer à cette saincte solitude cordiale; et depuis, quand le monde l'attaquoit, elle n'en recevoit nulle incommodité: parce, disoit elle, qu'elle s'enfermoit dans son cabinet interieur, où elle se consoloit avec son celeste Espoux.

  A003002074 

 Outre la solitude mentale, vous devés aimer la solitude locale et reelle, non pas pour vous retirer dans les deserts, comme saincte Marie Egiptienne, sainct Paul premier hermite, et les autres Peres solitaires; mais pour vous retirer dedans vostre chambre ou en quelque autre lieu, auquel separée de tous les hommes, vous puissiés traitter cœur à cœur de vostre ame avec son Dieu, pour dire avec David: J'ay veillé et ay esté semblable au pelican de la solitude: J'ay esté fait comme le chat-huan ou le hyboux, dans les mazures et comme le passereau solitaire au toict.

  A003002078 

 Gardez vous soigneusement de lascher aucune parolle deshonneste: car encore que vous ne les dissiez pas avec mauvaise intention, si est-ce que ceux qui les oyent les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003002078 

 La parolle deshonneste tombant dans un cœur foible, s'estend et se dilatte comme une goutte d'huile tombant sur le drap; et quelquefois elle saisit tellement le cœur, qu'elle le remplit de mille pensées et tentations lubriques: et ceux qui pensent estre galants hommes à dire de telles parolles en conversation, ne sçavent pas pourquoy les conversations sont faictes; car elles doivent estre comme esseins d'abeilles, assemblées pour faire le miel de quelque doux et vertueux entretien, et non pas comme un tas de guespes qui se joignent pour succer quelque pourriture.

  A003002079 

 Dont les Docteurs ont raison de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offense que l'on puisse faire au prochain par les parolles; parce que les autres offenses se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle cy se fait avec mespris et contemnement.

  A003002083 

 Il est permis de corriger les inferieurs avec des parolles aspres et dures, en leur reprochant leur vie et leurs vices, comme l'Apostre S. Paul ne fait nulle difficulté d'apeller les Galates insensés; et S. Jean Baptiste les Juifs engeance de viperes, et lors ces parolles aspres ne tiennent pas lieu d'injure, ains de correction: et n'ont pas leur origine de l'ire, mais de la charité et du zele.

  A003002083 

 Or on en peut user ainsi avec les inferieurs: mais si vous me croyez, Philothée, ce sera si peu souvent, que l'on connoisse bien que ce n'est pas d'un esprit injurieux que ces parolles sortent de vostre bouche.

  A003002088 

 Bref ma langue pendant que je juge le prochain, est en ma bouche comme un rasoir en la main du Chirurgien, lequel veut trancher entre les nerfs et les tendons.

  A003002088 

 Les privautés dangereuses ne les appellés pas simplicités ny nayvetés: ne fardés pas la desobeïssance du nom de zele, ny la lasciveté du nom d'amitié: il faut blasmer les choses blasmables, selon qu'elles le sont, et rien plus.

  A003002088 

 Par exemple, si je blasme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce qu'elle est trop grande et indiscrette; ô Dieu, Philothee, il faut que je tienne la balance bien droitte: et que puis que je les veux juger, que je ne die pas un seul mot de trop.

  A003002089 

 Par exemple on recite devant des filles les privautés de telles et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle, en paroles, ou en gestes, qui sont manifestement lubriques.

  A003002091 

 C'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voyre où qu'il soit..

  A003002091 

 J'excepte entre tous les ennemis declarez de Dieu et de son Eglise: car ceux là il les faut décrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des heretiques et schismatiques, et les chefs d'icelles.

  A003002092 

 Chacun se donne liberté de juger et censurer les Princes, et de mesdire des nations toutes entieres, selon la diversité des affections que l'on a en leur endroit.

  A003002098 

 Bien que quelquefois on puisse discretement et prudemment desguiser et couvrir la verité par quelque artifice de parolle, si ne faut-il pas prattiquer cela sinon en choses d'importance, quand la gloire et service de Dieu le requierent manifestement: hors de là les artifices sont dangereux; car, comme dit la saincte parolle, le Sainct Esprit n'habite pas en un esprit feint et double.

  A003002098 

 Ces prudences mondaines, et artifices charnels appartiennent aux enfans de ce siecle: mais les enfans de Dieu cheminent sans destour, et ont le cœur sans replis.

  A003002098 

 Or quand il importe de contredire à quelqu'un, et d'opposer son opinion à celle d'un autre, il faut user de grande douceur et dexterité, sans vouloir violanter l'esprit d'autruy: car aussi bien ne gaigne-on rien en prenant les choses asprement..

  A003002099 

 Le parler peu, tant recommandé par les anciens Sages, ne s'entend pas qu'il faille dire peu de parolles, mais de n'en dire pas beaucoup d'inutiles: car en matiere de parler, on ne regarde pas à la quantité, mais à la qualité; et me semble qu'il faut fuir les deux extremitez.

  A003002106 

 Et si le prix, c'est à dire ce que l'on joüe est trop grand, les affections des joueurs se dereglent; et outre cela, c'est chose injuste de mettre des grands prix à des habilités, et industries de si peu d'importance, et si inutiles comme sont les habilités des jeux.

  A003002106 

 Je ne dis pas, qu'il ne faille prendre plaisir à joüer, pendant qu'on joüe: car autrement on ne se recréeroit pas; mais je dis qu'il ne faut pas y mettre son affection, pour les desirer, pour s'y amuser et s'en empresser..

  A003002106 

 Les jeux, esquels le gain sert de prix et recompense à l'habilité et [118*] industrie du corps ou de l'esprit, comme les jeux de la paume, balon, palemaille: les courses a la bague, les eschets, les tables, ce sont recreations de soy-mesme bonnes et loysibles.

  A003002110 

 En un mot c'est tousjours folie de changer le jour à la nuict, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres à des folatreries.

  A003002110 

 Les danses et bals sont choses indifferentes de leur nature: mais selon l'ordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort panchant, et incliné du costé du mal, et par consequent plein de danger et de peril.

  A003002110 

 On les fait de nuict, et parmi les tenebres et obscurités.

  A003002110 

 On y fait de grandes veillées, apres lesquelles on perd les matinées des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles.

  A003002111 

 Apres les champignons il faut boire du vin precieux; apres les danses il faut mettre dans son cœur quelques bonnes pensées, qui empeschent le plaisir vain que l'on a pris, de faire des mauvaises impressions.

  A003002111 

 Au moyen dequoy si quelque serpent sur cela vient souffler aux oreilles quelque parolle lascive, quelque mugueterie, quelque cajolerie: ou que quelque basilic vienne jetter des regards impudiques, des œillades d'amour, les cœurs sont fort aysés à se laisser saisir et empoisonner..

  A003002111 

 Et comme ces exercices ouvrent les pores du corps de ceux qui les font, aussi ouvrent-ils les pores du cœur.

  A003002111 

 Je vous dis des danses, ma Philothee, comme les medecins disent des potirons et champignons.

  A003002111 

 Les champignons selon Pline estans spongieux et poreux, comme ils sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour; si que les serpens les approchans ils en reçoivent le venin; les bals, les danses, et telles assemblées tenebreuses, attirent ordinairement les vices et pechez, qui regnent en un lieu, les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours.

  A003002111 

 Les meilleurs n'en valent rien, disent ils; et je vous dis que les meilleurs bals ne sont guere bons.

  A003002111 

 Mangez en peu, et peu souvent (disent les medecins parlans des champignons) car pour bien apprestez qu'ils soient la quantité leur sert de venin.

  A003002112 

 O Philothée, ces impertinentes recreations sont ordinairement dangereuses: elles dissipent l'esprit de devotion, allanguissent les forces, refroidissent la charité, et reveillent en l'ame mille sortes de mauvaises affections: c'est pourquoy il en faut user avec une grande prudence.

  A003002116 

 Les jeux des dez, des cartes, et semblables esquels le gain depend principallement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables: c'est pourquoy elles sont defendues par les loix, tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003002117 

 Car comme peut estre recreation un exercice auquel il faut tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions, et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre, et melancolique que celle des joüeurs? C'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voila à despiter.

  A003002118 

 La saincte et chaste damoiselle Sara parlant à Dieu de son innocence; Vous sçavez, dit elle, ô Seigneur, que jamais je n'ay conversé entre les joueurs..

  A003002118 

 Le grand Roy S. Louys sçachant que le Comte d'Anjou son frere, et Messire Gautier de Nemours joüoyent, il se leva, malade qu'il estoit, et alla tout chancelant en leur chambre, et là print les tables, les dez, et une partie de l'argent, et les jetta par les fenestres dans la mer, se courrouçant fort à eux.

  A003002118 

 Pour ces trois raisons les jeux sont defendus.

  A003002123 

 J'ay esté consolé d'avoir leu en la vie du B. Charles Boromee qu'il usoit de beaucoup de condescendence avec les Soüisses en des choses esquelles d'ailleurs il estoit fort severe, et que le B. Ignace de Loyole estant invité à joüer, l'accepta..

  A003002123 

 Mais en quelles occasions peut on bien danser, et joüer? Les justes [122*] occasions de la danse sont plus frequentes: celles du jeu sont beaucoup plus rares, comme aussi le jeu est beaucoup plus blasmable, parlant du jeu de hazard.

  A003002123 

 Mais en un mot, dansés et joüés, Philothee, quand pour condescendre et complaire à la conversation en laquelle vous estes, la prudence et discretion vous le conseilleront; car la condescendence comme dependante de la charité, rend les choses indifferentes bonnes, et les dangereuses permises: elle oste mesme la malice à celles qui ne sont qu'un peu mauvaises.

  A003002127 

 Mais quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres, avec une modeste gayeté et joyeuseté, ils appartiennent à la vertu nommée Eutrapelie par les Grecs, et que nous pouvons appeller bonne conversation; et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles, que les imperfections humaines fournissent: il se faut seulement garder de passer de cette honneste joyeuseté à la moquerie.

  A003002131 

 L'amour tient le premier rang entre les passions de l'ame, et est dans le cœur comme le Roy de tous les mouvemens d'iceluy.

  A003002131 

 Or l'amitié est le plus dangereux amour de tous, parce que les autres amours peuvent estre sans communication: mais l'amitié estant totalement fondée sur icelle, on ne peut l'avoir avec une personne sans participer à ses qualitez..

  A003002132 

 L'amitié est un amour mutuel: et si il n'est pas mutuel, ce n'est pas une amitié: et ne suffit pas qu'il soit mutuel, il faut encor que les parties qui s'entreaiment le sçachent: et qu'avec cela il y ayt entre elles quelque sorte de communication, qui soit le fondement de l'amitié.

  A003002133 

 Selon la diversité des communications, l'amitié est aussi diverse: et les communications sont differentes, selon la difference des biens qu'on s'entrecommunique.

  A003002133 

 Si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fausse et vaine: si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye: et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié: car comme le miel est plus excellent quand il se cueille és fleurons des fleurs plus exquises; ainsi l'amitié fondée sur une plus exquise communication est la plus excellente.

  A003002134 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutalle, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes, que celles des asnes et chevaux pour semblables effets: et s'il n'y avoit nulle autre communication au Mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié.

  A003002135 

 Ce sont ordinairement les amitiés des jeunes gens, qui se tiennent aux moustaches, aux cheveux, aux œillades, aux habits, à la morgue, à la [125*] babillerie; amitiés dignes de l'aage des amans, qui n'ont encor aucune vertu qu'en bourre, ny nul jugement qu'en boutton: aussi telles amitiés ne sont que passageres, et fondent comme la neige au soleil.

  A003002135 

 J'apelle vertus frivoles, certaines habilités et qualités vaines, que les foibles esprits appellent vertus et perfections.

  A003002135 

 La societé faite pour le proffit temporel entre les marchands n'a que l'image de la vraye amitié: car ces associations se font, non pour l'amour des personnes, mais pour l'amour du gain..

  A003002135 

 Or comme tout cela regarde les sens, aussi les amitiés qui en proviennent s'apellent sensuelles, vaines, frivoles: et meritent plustost le nom de folastrerie que d'amitié.

  A003002135 

 Oyés parler la pluspart des filles, des femmes, et des jeunes gens; ils ne se feindront nullement de dire: un tel Gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfection: car il danse bien, il joüe bien à toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans s'apellent vertueux l'un l'autre, quand ils sont bons bouffons.

  A003002139 

 O Philothee, aymez un chacun d'un grand amour charitable: mais n'ayez point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettez en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaicte.

  A003002139 

 O qu'il fait bon aimer en terre comme l'on aime au Ciel, et apprendre à s'entrecherir en ce monde, comme nous ferons eternellement en l'autre! Je ne parle pas icy de l'amour simple de charité, car il doit estre porté à tous les hommes: mais je parle de l'amitié spirituelle, par laquelle deux, ou trois, ou plusieurs ames se communiquent leur devotion, leurs affections spirituelles, et se rendent un seul esprit entre elles.

  A003002139 

 Qu'à bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voicy combien il est bon et agreable que les freres habitent ensemble; ouy, car le baume [126*] delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre, par une continuelle participation: si qu'on peut dire que Dieu a respendu sur ceste amitié sa benediction, et la vie jusques au siecle des siecles..

  A003002140 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle-cy, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparaison de ce grand lien de la sainte devotion, qui est tout d'or..

  A003002141 

 Ne faites point d'amitié d'autre sorte, je veux dire des amitiés que vous faites: car il ne faut pas ny quitter, ny mespriser pour cela les amitiés que la nature et les precedens devoirs vous obligent de cultiver, des parens, des alliez, des bien-facteurs, des voisins et autres: je parle de celles que vous choisissez vous-mesme..

  A003002142 

 S. Hierosme, S. Augustin, S. Bernard et tous les plus parfaicts du monde ont eu des particulieres amitiez; et S. Paul reprochant le detraquement des Gentils, les accuse qu'ils estoient gens sans affection: c'est à dire qui n'affectionnoient personne, ny n'avoient nulle sorte d'amitié.

  A003002146 

 Il faut prendre garde de n'estre point trompée en ces amitiés, notamment quand elles se contractent entre les personnes de divers sexe, sous quel pretexte que ce soit: car bien souvent Satan donne le change à ceux qui aiment.

  A003002146 

 On commence par l'amour vertueux: mais si on n'est fort sage, l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme, il y a danger en l'amour spirituel, si on n'y prend garde, bien qu'en celuy-cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus cognoissables les soüillures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy il fait cela plus finement et y glisse les impuretez presque insensiblement..

  A003002148 

 Soyez fidelle, constante, et impliable aux vrayes amitiés: fuïez les fausses et frivoles, et vous resouvenez tousjours de ce que dit S. Jaques, L'amitié de ce monde est ennemie de Dieu.

  A003002152 

 Comme par exemple, si un jeune homme desire fort d'estre prouveu de quelque office avant que le temps soit venu, dequoy je vous prie luy sert ce desir? si une femme mariée desire d'estre religieuse, à quel propos? si je desire d'avoir le bien d'autruy justement, avant qu'il soit prest à le vendre, ne perds je pas mon temps en ce desir? Si estant malade je desire de faire les offices de ceux qui sont en santé, cela ce sont des desirs des femmes grosses, qui desirent les cerises fraisches en hyver, et la neige en esté.

  A003002152 

 Ne desirez jamais aucune chose mauvaise: car le seul desir vous rendroit mauvaise: et ne desirez point les choses dangereuses, comme sont les jeux, les bals, les autres passetemps perilleux, ny les honneurs, les charges, ny les visions: ne desirez point les choses fort esloignées, comme font plusieurs, qui desirent les choses qui ne peuvent arriver de long temps: en quoy ils lassent leur cœur inutilement, et se mettent en danger d'inquietude.

  A003002153 

 Non je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit, ny meilleur jugement: car ces desirs sont frivoles, et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est: ny que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaits ils ne font nulle nuysance, pourveu qu'ils ne soyent pas frequens..

  A003002154 

 Ne [129*] desirez point les tentations, mais employez vostre cœur à les attendre courageusement, et à vous en deffendre quand elles arriveront..

  A003002154 

 Ne desirez pas les croix, sinon à mesure que vous aurez bien supportées celles qui se seront presentées: car c'est un abus de desirer le martyre, et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003002155 

 Choisissez par l'advis de vostre Pere spirituel entre tant de desirs, ceux qui peuvent estre prattiquez et executez maintenant, et ceux-là faites les bien valoir.

  A003002155 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectuez presentement, il les faut serrer en quelque coing du cœur, jusques à ce que leur temps soit venu: et cependant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituels, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement..

  A003002159 

 Nous ne sommes hommes que par la raison: et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raisonnables: d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites mais dangereuses injustices et iniquitez, qui sont comme les petits renardeaux, desquels il est parlé aux Cantiques, qui demolissent les vignes: parce qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, mais parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003002161 

 Bref nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie, qui ont deux cœurs: car nous avons un cœur doux, gracieux et courtois en nostre endroit: et un cœur dur, severe, rigoureux envers le prochain.

  A003002161 

 En tout nous preferons les riches aux pauvres, quoy qu'ils ne soyent ny de meilleure condition, ny si vertueux: nous preferons mesmes les mieux vestus: nous voulons nos droits exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs: nous gardons nostre rang pontilleusement, et voulons que les autres soient humbles et condescendans.

  A003002161 

 Il y a des enfans vertueux que leurs peres et meres ne peuvent presque voir pour quelque imperfection corporelle: il y en a des vicieux qui sont les favorys pour quelque grace corporelle.

  A003002161 

 Or comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est à dire, elles ont deux cœurs: et d'avoir deux poids, l'un fort pour recevoir, et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003002162 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas à restitution: d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger à nous en amander, car ce sont des grands defauts de raison et de charité; et au bout de là ne sont que tricheries: car on ne perd [131*] rien à vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur esgal et raisonnable.

  A003002166 

 Quand doncques l'ame sent qu'elle a quelque mal, elle se desplait de l'avoir, et voyla la tristesse; et tout incontinent elle desire d'en estre quitte, et d'avoir les moyens de s'en desfaire: et jusques icy elle a raison, car naturellement chacun desire le bien, et fuit ce qu'il pense estre mal..

  A003002167 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre deslivrée de son mal, pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité; attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peine, industrie ou diligence: si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera à la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mais je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit..

  A003002169 

 Car comme les seditions, et troubles interieurs d'une Republique la ruynent entierement, et l'empeschent qu'elle ne puisse resister à l'estranger; ainsi nostre cœur, estant troublé, et inquieté en soy-mesme, perd la force de maintenir les vertus qu'il avoit acquises, et quant et quant le moyen de resister aux tentations de l'ennemy, lequel fait alors toutes sortes d'effort pour pescher, comme l'on dit, en eau trouble..

  A003002170 

 Les oyseaux demeurent prins dans les filets et lacz, parce que s'y treuvans engagés ils se debattent et remuent dereglement pour en sortir, ce que faisant ils s'enveloppent tousjours tant plus.

  A003002170 

 Quand donques, ma Philothee, vous serés pressée de quelque desir d'estre delivrée de quelque mal, ou de parvenir à quelque bien, avant toute chose mettés vostre esprit en repos et tranquillité: faittes rasseoir vostre jugement et vostre volonté: et puis tout bellement et tout doucement pourchassés l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables: et quand je dis tout bellement je ne veux pas dire negligemment, mais sans empressement, trouble et inquietude: autrement en lieu d'avoir l'effet de vostre desir, vous gasterés tout, et vous embarrasserez plus fort..

  A003002172 

 Ne permettés pas à vos desirs, pour petits qu'ils soient, et de petite importance, qu'ils vous inquietent: car apres les petits les grands et plus importans treuveroient vostre cœur plus disposé au trouble et dereglement.

  A003002177 

 La tristesse doncques peut estre bonne et mauvaise, selon les diverses productions qu'elle fait en nous.

  A003002178 

 L'ennemy se sert de la tristesse pour exercer ses tentations à l'endroit des bons: car comme il tasche de faire resjoüir les mauvais en leur peché, aussi tasche il d'attrister les bons en leurs bonnes œuvres: et comme il ne peut procurer le mal qu'en le faisant treuver agreable, aussi ne peut il destourner du bien qu'en le faisant treuver desagreable.

  A003002179 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglées, degouste de l'oraison, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution et de jugement, décourage et abbat les forces; et bref elle est comme un dur hyver, qui fauche toute la beauté de la terre, et engourdit tous les animaux: car elle oste toute la suavité de l'ame, et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultez..

  A003002180 

 Si jamais il vous arrivoit, ma Philothee, d'estre atteinte de ceste mauvaise tristesse, prattiquez les remedes suyvans.

  A003002181 

 Contrariez vivement aux inclinations de la tristesse: et bien qu'il semble que tout ce que vous ferez en ce temps-là se face froidement, tristement, et laschement, ne laissez pourtant pas de le faire: car l'ennemy qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estant faictes avec resistence elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger..

  A003002183 

 Il est bon de s'employer aux œuvres exterieures, et les diversifier le plus que l'on peut, pour divertir l'ame de l'object triste, purifier et eschauffer les esprits, la tristesse estant une passion de la complexion froide et seiche..

  A003002184 

 Faictes des actions exterieures de ferveur, quôy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baisant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au Ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles-cy, Mon Bien-aymé est à moy, et moy à luy: mon Bien-aimé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles; Mes yeux se fondent sur vous, ô mon Dieu, disans, Quand me consolerez vous? O Jesus soyez moy Jesus; Vive Jesus, et mon ame vivra; Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et Semblables..

  A003002186 

 Decouvrez tous les ressentimens, affections, et suggestions qui proviennent de vostre tristesse à vostre conducteur et Confesseur, humblement et fidellement: cerchez les conversations de personnes spirituelles, et les hantez le plus que vous pourrez pendant ce temps là.

  A003002186 

 Et en fin finale resignez vous entre les mains de Dieu, vous preparant à souffrir ceste ennuyeuse tristesse patiemment, comme juste punition de vos vaines allegresses: et ne doutez nullement que Dieu apres vous avoir esprouvée ne vous delivre de ce mal.

  A003002190 

 Soyez devote à la parolle de Dieu; et soit que vous l'escoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'escoutiez au sermon, oyez la tousjours avec attention et reverence, faictes en bien vostre proffit, et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez la comme un precieux baume dans vostre cœur, à l'imitation de la tres-saincte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans son cœur toutes les parolles que l'on disoit à la louange de son enfant; et resouvenez vous que nostre Seigneur recueille les parolles que nous luy disons en nos prieres, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003002191 

 Ayez tousjours aupres de vous quelque beau livre de devotion, comme sont ceux de S. Bonaventure, de S. Bernard, de Gerson, de Denys le Chartreux, de Louys Blosius, de Grenade, de Stella, d'Arias, de Pinelli, d'Avilla, le Combat spirituel, les Confessions de S. Augustin, les Epistres de sainct Hierosme, et semblables; et lisez-en tous les jours un peu avec grande devotion, comme si vous lisiez des lettres et missives que les Saincts vous eussent envoyées du Ciel, pour vous monstrer le chemin, et vous donner le courage d'y aller.

  A003002191 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres; comme la vie de la B. H. mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les vies des premiers Jesuistes, celle du B. H.Cardinal [136*] Boromee, de S. Louys, de S. Bernard; les Croniques de S. François, et autres pareilles.

  A003002191 

 La solitude de S. Paul premier hermite est imitée en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous avons parlé cy dessus: l'extreme pauvreté de S. François par les prattiques de la pauvreté, telles que nous avons marquées, ainsi des autres.

  A003002191 

 Lisez aussi les histoires et vies des Saincts, esquelles comme dans un miroûer vous verrez le pourtrait de la vie Chrestienne: et accommodez leurs actions à vostre proffit selon vostre vocation: car bien que beaucoup des actions des Saincts ne soyent pas imitables par ceux qui vivent emmy le monde; si est ce neantmoins que toutes peuvent estre suyvies ou de prés ou de loing.

  A003002196 

 Mais, comme j'ay dit, il faut faire cet office Angelique doucement et souëfvement, non point par maniere de correction, mais par maniere d'inspiration: car c'est merveille combien la suavité et amiable proposition de quelque bonne chose est une puissante amorce pour attirer les cœurs..

  A003002197 

 Ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs personnes qui font profession de devotion, lesquelles à tout propos disent des parolles sainctes et ferventes par maniere d'entregent, et sans y penser nullement: et apres les avoir dittes, il leur est advis qu'ils sont tels que leurs parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003002201 

 C'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement agreables les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus petites: et que pour le servir à son goust, il faut avoir grand soing de le bien servir aux choses grandes et hautes, et aux choses basses et abjettes, puis que nous pouvons esgallement et par les unes et par les autres luy desrober son cœur par amour..

  A003002201 

 Or entre toutes les parties exterieures du corps humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice, soit pour l'activeté que l'œil: ny point de plus vile que les cheveux.

  A003002202 

 Ces petites charitez quotidiennes, ce mal de teste, ce mal de dents, cette defluxion, cette bigearrierie du mary ou de la femme, ce cassement d'un verre, ce mespris ou cette moue, cette perte de gans, d'une bague, d'un mouchoir, cette [138*] petite incommodité que l'on se fait d'aller coucher de bonne heure, de se lever matin pour prier, pour se communier, ceste petite honte que l'on a de faire certaines actions de devotion publiquement: bref toutes ces petites souffrances estant prinses et embrassées avec amour contentent extremement la bonté divine; laquelle pour un seul verre d'eau a promis la mer de toute felicité à ses fidelles: et parce que ces occasions se presentent à tout moment, c'est un grand moyen d'assembler beaucoup de richesses spirituelles que de les bien employer..

  A003002202 

 Mais tandis que la divine providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles, et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnez luy pour le moins vos cheveux: je veux dire supportez tout doucement les menues injures, ces petites incommoditez, ces pertes de peu d'importance, qui vous sont journalieres: car par le moyen de ces petites occasions, employées avec amour, et dilection, vous gaignerez entierement son cœur, et le rendrez tout vostre.

  A003002203 

 Je n'estime pas moins, dis je, cette oraison, que les ravissemens et extases qu'elle eust, qui ne luy furent peut estre donnés que pour recompense de cette humilité et abjection.

  A003002203 

 Mais j'ay esté égallement consolé quand je l'ay veüe en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, aprester la viande, paistrir le pain, et faire tous les plus bas offices de la maison, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu; et n'estime pas moins la petite et basse meditation qu'elle faisoit parmy ces offices vils et abjets, s'imaginant qu'aprestant pour son pere, elle aprestoit pour nostre Seigneur: et que sa mere tenoit la place de nostre Dame, ses freres des Apostres; s'excitant en cette sorte de servir toute la cour celeste, et s'employant à ces chetifs services avec une grande suavité, parce qu'elle sçavoit telle estre la volonté de Dieu.

  A003002204 

 Mettez la main à chose forte, vous exerçant à l'oraison et meditation, à l'usage des Sacremens, à donner de l'amour de Dieu aux ames, à respendre des bonnes inspirations dedans les cœurs: et en fin à faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vocation: mais n'obliés pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille: c'est à dire prattiqués ces petites et humbles vertus, lesquelles comme fleurs [139*] croissent au pied de la croix; le service des pauvres, la Visitation des malades, le soin de la famille, et toutes les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui provoque à ne point demeurer oisive, ny de cœur, ny de corps; et parmi toutes ces choses là entre-jettez des pareilles considerations que celles que je viens de dire de saincte Catherine..

  A003002205 

 Faites donq toutes choses au nom de Dieu, et toutes choses seront bien faites; soit que vous mangiés, soit que vous beuviez, soit que vous dormiés, soit que vous vous recrées, soit que vous tourniés la broche, pourveu que vous sçachiés bien mesnager vos affaires vous profiterés beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les faciès..

  A003002205 

 Les grandes occasions de servir Dieu se presentent rarement, mais les petites sont ordinaires: or qui sera fidelle en peu de chose, dit le Sauveur mesme, on l'establira sur beaucoup.

  A003002209 

 Bref ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuels exercices de ceux mesmes qui sont plus devots et resolus.

  A003002209 

 C'est chose bien aysée que de s'empescher du meurtre, mais c'est chose difficile d'esviter les menues choleres, desquelles les occasions se presentent à tout moment.

  A003002209 

 C'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions à ce combat: et soyés asseurée qu'autant de victoires que nous rapporterons contre ces petits ennemis, autant de pierres precieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis: c'est pourquoy je dis qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations, si elles viennent, il nous faut bien, et diligemment nous defendre de ces menues, et foibles attaques..

  A003002209 

 Car comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable à celle des plus grandes.

  A003002209 

 J'en dis de mesme touchant les tentations, lesquelles il faut combattre avec un courage esgal, ou petites qu'elles soient, ou grandes: si est ce neantmoins qu'à l'adventure on fait plus de proffit à bien combattre les petites que les grandes.

  A003002209 

 Les loups et les ours sont sans doute plus dangereux que les mouches: mais si ne nous font ils pas tant d'importunité et d'ennuy, ny n'exercent pas tant nostrê patience.

  A003002214 

 Quand l'inspiration dureroit tout le temps de nostre vie, nous ne serions pourtant nullement agreables à Dieu si nous n'y prenons plaisir: au contraire sa divine Majesté en seroit offencée, comme il le fut contre les Israëlites, aupres desquels il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant à se convertir, sans que jamais ils y voulussent entendre: dont il jura contre eux en son ire, que jamais ils n'entreroient en son repos.

  A003002216 

 Resolvez vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plairra à Dieu de vous faire: et quand elles arriveront, recevez les comme les Ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003002218 

 Le consentement estant donné, il faut avec un grand soin en procurer les effets, et venir à l'execution de l'inspiration, qui est le comble de la vraye vertu: car d'avoir le consentement dedans le cœur, sans venir à l'effet d'iceluy, ce seroit comme de planter une vigne sans vouloir qu'elle fructifiast..

  A003002219 

 Or à tout cecy sert merveilleusement de bien prattiquer l'exercice du matin, et les retraites spirituelles, que j'ay marquées cy dessus: car par ce moyen nous nous preparons à faire le bien d'une preparation non seulement generalle, mais aussi particuliere..

  A003002223 

 Ainsi Satan, le monde, et la chair, voyant une ame espousée au Fils de Dieu luy envoye des tentations et suggestions, par lesquelles le peché luy est proposé, sur lesquelles elle se plait, ou elle se deplait: en fin elle [143*] consent, ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrez pour descendre à l'iniquité, la tentation, la delectation, et le consentement.

  A003002224 

 Grandes furent aussi les tentations que souffrit S. François et S. Benoist, lors que l'un se jetta dans les espines, et l'autre dans la neige pour les mitiger: et neantmoins ils ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmentarent de beaucoup..

  A003002224 

 La B. H. Angele de Foligny sentoit des tentations charnelles si cruelles qu'elle fait pitié quand elle les raconte.

  A003002224 

 S. Paul souffrit longuement les tentations de la chair: et tant s'en faut que pour cela il fut desagreable à Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles.

  A003002225 

 Il faut donc estre fort courageuse, Philothee, emmy les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincuë pendant qu'elles vous deplairont, en bien observant ceste difference qu'il y a entre sentir et consentir; c'est qu'on les peut sentir encore qu'elles nous deplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puis que le plaisir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003002225 

 Que doncques les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ils voudront d'amorces et d'apasts: qu'ils demeurent tousjours à la porte de nostre cœur pour entrer: qu'ils nous facent tant de propositions qu'ils voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le Prince espoux de la Princesse que j'ay representé, ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de plaisir.

  A003002227 

 Il y estoit neantmoins puis qu'on l'y treuve; et avec iceluy on peut rallumer tous les autres charbons desja esteints: c'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmy les grandes et violentes tentations.

  A003002231 

 Le jeune homme duquel parle S. Hierosme, qui couché et attaché sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraits des impudiques femmes qui s'estoient couchées avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit il pas sentir d'estranges esmotions charnelles? ses sens ne devoient ils pas estre saisis de la delectation, et son imagination extremement occupée de ceste presence des objets voluptueux? sans doute; et neantmoins parmi tant de troubles, emmy un si terrible orage de tentations, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu, que sa volonté qui sent tout autour de soy tant de voluptez n'y consent toutefois nullement: puis que son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement, sinon la langue, il se la coupa avec les dents, et la cracha sur le visage de ces vilaines ames qui tourmentoient la sienne plus cruellement par la volupté, que les borreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens..

  A003002237 

 Ce que je dis affin que s'il vous arrivoit jamais d'estre affligée de si grandes tentations vous sçachiés que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il veut vous agrandir devant sa face: et que neantmoins vous soyés tous-jours humble et craintifve, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menuës tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidellité à l'endroit de sa divine Majesté..

  A003002237 

 Ma Philothee, ces grands assauts et ces tentations si puissantes, ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames, lesquelles il veut eslever à son pur et excellent amour: mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soient asseurées d'y parvenir: car il est [147*] arrivé maintefois que ceux qui avoient esté constans en des si violentes attaques, ne correspondant pas par apres fidellement à la faveur divine se sont treuvés vaincus en des biens petites tentations.

  A003002242 

 De mesme si je sçay que quelque conversation m'aporte de la tentation et de la cheute, et j'y vais volontairement, je suis indubitablement coulpable de toutes les tentations que j'y recevray..

  A003002242 

 Par exemple, je sçay que pendant que je me mets à joüer j'entre volontiers en rage et blaspheme, et que le jeu me sert de tentation à cela: je peche toutefois et quantes que je joueray, et suis coulpable de toutes les tentations qui m'arriveront au jeu.

  A003002250 

 Si tost que vous sentirez en vous quelques tentations, faites comme les petits enfans, quand ils voyent ou le loup ou l'ours en la campagne: car tout aussi tost ils courent entre les bras de leur pere et de leur mere, ou pour le moins les appellent à leur ayde et secours.

  A003002253 

 Divertissez vostre esprit par quelques occupations bonnes et louables: car ces occupations entrans dans vostre cœur, et y prenant place, elles chasseront les tentations et suggestions malignes..

  A003002254 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de deployer son cœur et communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons à nostre directeur; car notez que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire, c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes [151*] et les filles, qui de prim'abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ny aux marys: ou au contraire Dieu en ses inspirations demande sur toutes choses que nous les fassions recognoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003002255 

 Que si apres tout cela la tentation s'opiniastre à nous travailler et persecuter, nous n'avons rien à faire, sinon à nous opiniastrer de nostre costé en la protestation de ne vouloir point consentir: car comme les filles ne peuvent estre mariées pendant qu'elles disent que non; ainsi l'ame, quoy que troublée ne peut jamais estre offencée pendant qu'elle dit que non..

  A003002261 

 Mesprisez doncques ces menues attaques, et ne daignez pas seulement penser à ce qu'elles veulent dire, mais laissez les bourdonner autour de vos aureilles, tant qu'elles voudront, et courir ça et là autour de vous, comme l'on fait des mousches; et quand elles viendront vous picquer, et que vous les verrez aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles, ny leur respondant, mais faisant des actions contraires quelles qu'elles soyent, et speciallement de l'amour de Dieu.

  A003002261 

 Que si vous me croyez, vous ne vous opiniastrerez pas à faire des actions de la vertu contraire à la tentation que vous sentez, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle: mais apres en avoir fait une, si vous avez eu le loisir de recognoistre la tentation, avec un simple retour de vostre cœur, et mouvement de vostre esprit, comme par maniere de diversion, vous ferez une action d'amour à l'endroit de Dieu, et irez baiser en esprit Jesus Christ crucifié: car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, il est aussi un souverain remede contre tous vices: et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a, mais simplement se sentant troublé il s'acoisera en ce grand remede..

  A003002266 

 Considerez de temps en temps quelles passions dominent le plus en vostre ame: et les ayant decouvertes prenez une façon de vivre qui leur soit toute contraire, en pensées, en parolles, et en œuvres.

  A003002266 

 Si vous estes inclinée à l'avarice, pensez souvent à la folie de ce peché, qui nous rend esclaves de ce qui n'est crée que pour nous servir: qu'à la mort aussi bien faudra il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera, ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensées: parlez fort contre l'avarice, et louez fort le mespris du monde: violentez vous à faire souvent des aumosnes et des charitez, et à laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003002267 

 Si vous estes subjette à vouloir donner ou recevoir de l'amour, pensez souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres: combien c'est une chose indigne de prophaner et employer à passetemps la plus noble affection qui soit [154*] en nostre ame, combien cela est subjet au blasme d'une extreme legereté d'esprit: parlez souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi, le plus qu'il vous sera possible, des actions conformes à cela, evitant toutes affaiteries, et mugueteries..

  A003002268 

 En somme, en temps de paix, c'est à dire lors que les tentations du peché auquel vous estes subjete ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire: et si les occasions ne se presentent pas, allez au devant d'elles pour les rencontrer: car par ce moyen vous renforcerez vostre cœur contre la tentation future..

  A003002272 

 Entre toutes les vertus, je vous recommande les deux bien-aimées de nostre Seigneur et lesquelles seules il a ordonné que nous aprinssions de luy, l'humilité et la douceur de cœur: mais prenés garde que ce soit de cœur: car c'est un des grands artifices de l'ennemy de faire que plusieurs s'amusent à dire des paroles et faire des gestes exterieures de ces deux vertus, lesquels n'examinant pas leurs affections interieures pensent estre humbles et doux, et ne le sont neantmoins nullement en effet: ce que l'on reconnoit, parce que nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, à la moindre parolle qu'on leur dit de travers, ou la moindre petite injure qu'ils reçoivent, ils s'eslevent avec une arrogance non-pareille..

  A003002275 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques n'a pas seulement le miel en ses levres, et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est à dire dans la poitrine: et n'y a pas seulement du miel, mais encor du laict: aussi ne faut il pas seulement avoir la parolle douce à l'endroit du prochain, mais aussi toute la poitrine, c'est à dire tout l'interieur de nostre ame; et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromathique et odorant, c'est à dire la suavité de la conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du laict entre les domestiques et proches voisins: en quoy manquent grandement ceux qui en ruë semblent des Anges, et en la maison des diables..

  A003002279 

 Il faut donques avoir un deplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car tout [156*] ainsi qu'un Juge chastie bien mieux les meschans faisant ses sentences par raison, et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion: d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsi nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentences tranquilles et constantes, que non pas par des repentences aigres, empressées et choleres, d'autant que ces repentances faites avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003002280 

 Et croyés moy, Philothee, tout ainsi que les remonstrances d'un pere, faites doucement, et cordiallement ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsi quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageant à l'amandement, la repentence qu'il en concevra entrera bien plus avant, et elle penetrera mieux que ne feroit pas une repentence despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003002281 

 Pour moy si j'avois, par exemple, grande affection de ne point tumber au vice de la vanité, et que j'y fusse neantmoins tumbé d'une grande cheute, je ne voudrois pas reprendre mon cœur en cette sorte; N'es tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter à cette vanité: meurs de honte, ne leve plus les yeux au Ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal à ton Dieu, et semblables choses: mais je voudrois le corriger raisonnablement et par voye de compassion; Or sus mon pauvre cœur, nous voila tumbés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschaper, ah relevons nous, et quittons la pour jamais: reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour desormais estre plus fermes, et remettons nous au chemin de l'humilité: courage, soyons sur nos gardes, Dieu nous aydera, et desormais nous ferons prou..

  A003002283 

 Quand vous vous serez mise en cholere, au premier ressentiment que vous aurez de vostre faute, repàrez la par un acte de douceur, exercée promptément à l'endroit de la mesttie personne contre laquelle vous vous serez irritée: car tout ainsi que c'est un souverain remede contre la mensonge que de s'en dedire sur le champ, tout aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit; aussi est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003002287 

 Resouvenez vous souvent que nostre Seigneur nous a sauvez en souffrant et endurant, et que de mesme nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurant les injures, contradictions et desplaisirs, avec le plus de douceur et de patience qu'il nous sera possible..

  A003002288 

 Il y en a qui ne veulent souffrir sinon les tribulations qui sont honnorables; comme par exemple d'estre blessez à la guerre, d'estre prisonnier de guerre, d'estre mal traicté pour la Religion, de s'estre appauvry par quelque querelle, en laquelle ils soyent demeurez maistres: et ceux cy n'ayment pas la tribulation, mais l'honneur qu'elle apporte.

  A003002288 

 J'estime plus la douceur avec laquelle le B. H. Cardinal Boromee souffrit longuement les reprehensions publiques qu'un grand Predicateur d'un ordre extremement reformé faisoit contre luy en chaire, que toutes les attaques qu'il receut des autres: car tout ainsi que les picqueures des abeilles sont plus cuisantes que celles des mouches; ainsi le mal que l'on reçoit des gens de bien, et les contradictions qu'ils font sont bien plus insupportables que les autres: et cela neantmoins arrive fort souvent, que deux hommes de bien ayant tous deux bonne intention, sur la diversité de leurs opinions, se font des grandes persecutions et contradictions l'un à l'autre..

  A003002288 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte esgallement les tribulations conjointes à l'ignominie, et celles qui sont honnorables: d'estre mesprisé, reprins, et accusé par les meschans, ce n'est que douceur [158*] à un homme de courage: mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est là où il y va du bon.

  A003002289 

 Or je dis, Philothee, qu'il faut avoir patience, non seulement d'estre malade, mais de l'estre de la maladie que Dieu veut, au lieu où il veut, et entre les personnes qu'il veut, et avec les incommoditez qu'il veut, et ainsi des autres tribulations..

  A003002289 

 Soyez patiente, Philothee, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encore pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003002290 

 Quand il vous arrivera du mal, opposez à iceluy les remedes qui seront possibles, et selon Dieu, car de faire autrement ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendez avec une entiere resignation l'effet que Dieu agréera: s'il luy plaist que les remedes vaincquent le mal, vous le remercierez avec humilité: mais s'il luy plaist que le mal surmonte les remedes, benissez le avec patience.

  A003002292 

 Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser.

  A003002293 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas) resouvenez vous de la parole de nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant nay elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est nay au monde; car vous avez conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressentiez du travail; mais ayez bon courage, car ces douleurs passées la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003002294 

 Obeïssez au medecin, prenez les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous: desirez de guerir pour luy rendre service, ne refusez point de languir pour luy obéir, et disposez vous à mourir, si ainsi il luy plait, pour le loüer et jouïr de luy: et vous resouvenez que les abeilles au temps qu'elles font le miel vivent et mangent d'une munition fort amere; et qu'ainsi nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ny mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume, et vivons parmy les angoisses.

  A003002294 

 Quand vous serez malade, offrez toutes vos douleurs, peines et langueurs au service de nostre Seigneur, et le suppliez de les joindre [160*] aux tourmens qu'il a receu pour vous.

  A003002299 

 Les Anges ont soin de nostre salut, et le procurent avec diligence, mais ils n'en ont pour cela point de solicitude, de soucy ny d'empressement: car le soin et diligence appartient à leur charité: mais la solicitude, le soucy et l'empressement seroit totalement contraire à leur felicité, puis que le soin et la diligence peuvent estre accompagnez de tranquillité et paix [161*] d'esprit, mais non pas la sollicitude ny le soucy, et beaucoup moins l'empressement..

  A003002300 

 Mais s'il est possible n'en soyez pas en sollicitude et soucy, c'est à dire, ne les entreprenez pas avec inquietude, anxieté et ardeur: ne vous empressez point à la besongne, car toute sorte d'empressement trouble la raison et le jugement, et nous empesche mesme de bien faire la chose à laquelle nous nous empressons..

  A003002300 

 Soyez doncque soigneuse et diligente en toutes les affaires que vous avez en charge, ma Philothee, car Dieu vous les ayant confiez veut que vous en ayez un grand soin.

  A003002301 

 Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine, portent les grands batteaux et riches marchandises, et les pluyes qui tombent doucement en la campagne la fecondent d'herbes et de graines; mais les torrens et rivieres qui à grands flots courent sur la terre, ruinent le voisinage, et sont inutiles au trafic, comme les pluyes vehementes et tempestueuses ravagent les champs et les prairies: jamais besongne faicte avec impetuosité et empressement ne fut bien faite.

  A003002301 

 Nous faisons tousjours assez tost quand nous faisons bien: les bourdons font bien plus de bruit, et sont bien plus empressez que les abeilles, mais ils ne font sinon la cire et non point le miel: ainsi ceux qui s'empressent d'un soucy cuisant et d'une sollicitude bruyante ne font jamais ny beaucoup ny bien..

  A003002302 

 Les mouches ne nous inquietent pas par leur effort, mais par la multitude; ainsi les grandes affaires ne nous troublent pas tant comme les menues, quand elles sont en grand nombre.

  A003002302 

 Recevez doncque les affaires qui vous arriveront en paix, et taschez de les faire par ordre, et l'une apres l'autre: car si vous voulez les faire tout à coup ou en desordre, vous ferez des efforts qui vous fouleront et alanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés acablée soubs la presse, et sans effet.

  A003002304 

 Faittes comme les petits enfans, qui de l'une des mains se tiennent à leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des hayes: car de mesme amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains tenes tousjours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de temps en temps à luy, pour voir s'il a agreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003002304 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous serés parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si presente, vous regardiez plus Dieu que les affaires: et quand les affaires sont de si grande importance qu'elles requierent toute vostre attention pour les bien faire, de temps en temps, vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui navigent en mer, lesquels pour aller à la terre qu'ils desirent, regardent plus en haut au Ciel que non pas en bas, où ils voguent: ainsi Dieu travaillera avec vous, en vous, et pour vous, et vostre travail sera suivy de consolations.

  A003002309 

 Ainsi celuy qui a un vray soin de son cher cœur, doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus: et outre cela il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est à dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defauts qui y peuvent estre.

  A003002309 

 Cet exercice reparera vos forces alanguies par le temps, eschauffera vostre cœur, fera reverdir vos bons propos, et refleurir les vertus de vostre esprit..

  A003002309 

 Et comme l'horologer oinct avec quelque huile delicate, les roües, les ressorts, et tous les mouvans de son horologe, affin que les mouvemens se facent plus doucement, et qu'elle soit moins sujette à la roiiillure; ainsi la personne devote, apres la prattique de ce demontement de son cœur, pour le bien renouveller, elle le doit oindre par les Sacremens de Confession et de l'Eucharistie.

  A003002309 

 Il n'y a point d'horloge pour bonne qu'elle soit qu'il ne faille remonter ou bander deux fois le jour, au matin et au soir: et puis outre cela, il faut qu'au moins une fois l'annee on la demonte de toutes pieces pour oster les rouïllures qu'elle aura contractées, redresser les pieces forcées, et reparer celles qui sont usées.

  A003002309 

 Nostre nature humaine decheoit aysement de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous jours contre bas, si elle ne s'esleve souvent en haut à vive force de resolutions; ainsi que les oyseaux retumbent souvent en terre, s'ils ne multiplient les eslancemans et traits d'aisle, pour se maintenir au vol. Pour cela, ma Philothee, vous avés besoin de reïterer et repeter fort souvent les bons propos que vous avés fait de servir Dieu, de peur que ne le [165*] faisant pas vous ne retumbiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire: car les cheutes spirituelles ont cela de propre qu'elles nous precipitent tousjours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut à la devotion.

  A003002310 

 Les anciens Chrestiens le prattiquoyent soigneusement au jour anniversaire de leur Baptesme: auquel, comme dit saint Gregoire Evesque de Nazianze, ils renouvelloient la profession et les protestes qui se font en ce Sacrement.

  A003002311 

 Ayant donques choisi le temps convenable, selon l'advis de vostre [166*] Pere spirituel, et vous estant un peu plus retirée en la solitude et spirituelle, et reelle que l'ordinaire, vous ferés une, ou deux, ou trois meditations sur les poincts suivans, selon la methode que je vous ay donnée en la premiere Partie..

  A003002315 

 Considerés les poincts de vostre protestation.

  A003002316 

 Si les parolles raisonnables données aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? Ah Seigneur, disoit David, c'est à vous à qui mon cœur l'a dict: mon cœur a projetté ceste bonne parolle: non, jamais je ne l'oubliray..

  A003002318 

 Mais dittes en verité, fustes vous pas conviée par des doux attraits du S. Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque à ce port [167*] salutaire, furent elles pas d'amour et charité? comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'oraison? Helas ma fille, vous dormiez, et Dieu veilloit sur vous, et pensoit sur vostre cœur des pensées de paix: il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003002320 

 Considerez les effets de ceste vocation: vous treuverez je pense en vous de bons changemens, comparant ce que vous estes avec ce que vous estiez.

  A003002320 

 La bonne main de Dieu, dit David, a fait vertu, sa dextre m'a relevé; ah je ne mourray pas, mais je vivray, et raconteray de cœur, de bouche, et par œuvres les merveilles de sa bonté..

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002321 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles comme vous voyez, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclurre par action de graces, et une priere affectionnée d'en bien proffiter; se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire les resolutions apres le deuxiesme poinct de cet exercice.

  A003002325 

 Bien qu'és jours que vous ferez cet exercice et les autres, il ne soit pas requis de faire une absolue retraitte des conversations, si faut il en faire un peu, sur tout du costé du soir, afin que vous puissiez gaigner le lict de meilleure heure, et prendre le repos de corps et d'esprit, necessaire à la consideration; et parmi le jour il faut faire des frequentes aspirations en Dieu, à N. Dame, aux Anges, à toute la Hierusalem celeste: il faut encor que le tout se face d'un cœur amoureux de Dieu, et de la perfection de vostre ame.

  A003002325 

 Il est neantmoins requis de faire tout ce second point en deux jours et deux nuicts pour le plus, prenant de chasque jour et de chasque nuit quelque heure, je veux dire quelque temps, selon que vous verrez: car si cet exercice ne se faisoit qu'en des temps fort distans les uns des autres, il perdroit sa force, et donneroit des impressions trop lasches.

  A003002325 

 Il n'est pas requis ny expedient que vous faciez à genoux sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003002325 

 Les autres poincts de l'examen, vous les pouvez faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouvez estre quelque temps sans assoupissement et bien-esveillée: mais pour ce faire il les faut avoir bien leu auparavant.

  A003002342 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des commandemens de Dieu? les trouvés vous bons, doux, agreables? ah ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il aime les bonnes viandes, et rejette les mauvaises..

  A003002344 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des exercices spirituels? les aymez-vous? les estimez-vous? vous faschent ils point? en estes vous point degoustée? auquel vous sentez vous moins inclinée? auquel vous sentez vous plus inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituels, s'apprester à la Communion, se communier, restraindre ses affections, qu'y a-il en cela qui repugne à vostre cœur? et si vous treuvez quelque chose à quoy ce cœur aye moins d'inclination, examinez d'où vient ce degoust, qu'est ce qui en est la cause?.

  A003002345 

 Sentez vous en vostre cœur une certaine facilité à l'aymer, et un goust particulier à savourer cet amour? vostre cœur se recrée il point à penser à l'immensité de Dieu, à sa bonté, à sa suavité? si le souvenir de Dieu vous arrive emmy les occupations du monde, et les vanitez, se fait il point faire place? saisit il point vostre cœur? vous semble il point que vostre cœur se tourne de son costé, et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela..

  A003002346 

 Si le mary d'une femme revient de loing, tout aussi tost que cette femme s'apperçoit de son retour, et qu'elle sent sa voix, quoy qu'elle soit empressée d'affaire, et retenuë par quelque violente consideration emmy la presse, si est ce que son cœur n'est pas retenu, mais abandonne les autres pensées pour penser à ce mary venu.

  A003002347 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? vous plaisés vous autour de luy? Les mouches à miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs; ainsi les [171*] bonnes ames sa plaisent autour de Jesus Christ et de sa Croix, et les mauvaises autour des vanités..

  A003002348 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de nostre Dame, des Saints, de vostre bon Ange? les aymez-vous fort? avez-vous une specialle confiance en leur bienveuïllance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent elles?.

  A003002355 

 Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soy-mesme, Que diront les Anges si je pense à telle chose? que non pas, Que diront les hommes?.

  A003002355 

 Or l'amour ordonné veut que nous aimions plus l'ame que le corps, que nous ayons plus de soin d'acquerir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de conte de l'honneur celeste que de l'honneur bas et caduque.

  A003002357 

 Que vous estimés vous devant Dieu? rien sans doute: or il n'y a pas grande humilité en une mousche de ne s'estimer rien au pris d'une montaigne, ny en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ny à une bluette ou estincelle de se tenir pour rien au pris du soleil: mais l'humilité gist à ne point nous surestimer aux autres, et à ne vouloir pas estre surestimés par les autres: à quoy en estes vous pour ce regard? [172*].

  A003002364 

 Examinés bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous avez grande contradiction à les aymer..

  A003002369 

 J'ay estendu ainsi au long ces poincts, en l'examen desquels gist la connoissence de l'avancement spirituel qu'on a fait: car quant à l'examen des péchés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point à s'avancer.

  A003002374 

 En nos desirs, touchant les biens, touchant les plaisirs, touchant les honneurs..

  A003002380 

 Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: comme un joueur de luth connoist estat de son luth, pinçant toutes les cordes; et celles qu'il treuve dissonnantes il les acorde, ou les tirant, ou les lachant; ainsi apres avoir tasté l'amour, la hayne, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons malaccordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace, et le conseil de nostre Pere spirituel.

  A003002390 

 Invoqués les Saints, la S. Vierge, vostre Ange, vostre Patron, S. Joseph, et ainsi des autres..

  A003002397 

 Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut hayr en soy-mesme: voyez vostre cœur comme il est genereux; et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, mais elles s'arrestent seulement sur les fleurs; ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003002398 

 Helas nostre cœur courant aux creatures, y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrées il voit que c'est à refaire, et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu, sur lequel il puisse reposer, non plus que la Colombe sortie de l'Arche de Noë, afin qu'il retourne à son Dieu, duquel il est sorty.

  A003002403 

 Considerez que les vertus et la devotion peuvent seules rendre vostre ame contente en ce monde: voyez combien tout cela est beau: mettez en comparaison les vertus et les vices qui leur sont contraires.

  A003002403 

 Quelle douceur en la patience au pris de la vengeance? [176*] de la douceur au pris de l'ire et du chagrin? de l'humilité, au pris de l'arrogance et ambition? de la liberalité au pris de l'avarice, de la charité au pris de l'envie, de la sobrieté au pris des desordres? Les vertus ont cela d'admirable qu'elles delectent l'ame d'une douceur et suavité nompareille, apres qu'on les a exercées: où les vices la laissent infiniment recreue et malmenée.

  A003002404 

 O vie devote que vous estes belle, douce, agreable, et souëfve! vous adoucissez les tribulations et rendez souëfves les consolations: sans vous le bien est mal, et les plaisirs pleins d'inquietudes, troubles et defaillances: ah qui vous cognoistroit pourroit bien dire avec la Samaritaine, Domine da mihi hanc aquam; Seigneur donnez moy cette eau; aspiration fort frequente à la M. Therese, et à saincte Catherine de Genes..

  A003002408 

 Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes; qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces Martyrs invincibles en leurs resolutions; quels tourmens n'ont ils pas soufferts pour la maintenir? mais sur tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que le lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité; les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt et cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourant plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez.

  A003002409 

 Mon [177*] Dieu qu'est ce que dit sainct Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a elle poursuivie son entreprinse de servir Dieu en son mariage, en son vefvage? Et S. Hierosme de sa chere fille Paula parmy combien de traverses, parmy combien de varieté d'accidens? Mais qu'est ce que nous ne ferons pas sur ces si excellens patrons? Ils estoient ce que nous sommes, ils le faisoient pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus; pourquoy n'en ferons nous autant en nostre condition, selon nostre vocation, pour nostre chere resolution, et sainte protestation?.

  A003002409 

 Regardez tant de saincts Confesseurs; avec quelle force ont ils mesprisé le monde? comme se sont ils rendus invincibles en leurs resolutions? rien ne les en a peu faire desprendre: ils les ont embrassées sans reserve, et les ont maintenuës sans exception.

  A003002413 

 O resolutions que vous estes precieuses, estant fille d'une telle mere, comme est la passion de mon Sauveur! ô combien mon ame vous doit cherir, puis que vous avez esté si cheres à mon Jesus? Helas ô Sauveur de mon ame, vous mourustes pour m'acquerir mes resolutions, he faittes moy la grace que je meure plustost que de les perdre..

  A003002414 

 Ce sont tous les moyens, tous les attraits, toutes les graces avec lesquelles il conduit vostre ame, et la veut tirer à sa perfection.

  A003002414 

 Ouy, sans doute, comme une femme enceinte prepare le berceau, les linges et bandelettes, et mesme une nourrice pour l'enfant qu'elle pretend faire, encore qu'il ne soit pas au monde; ainsi, ma chere fille, nostre Seigneur ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, preendant de vous enfanter au salut, et vous rendre sa fille, il prepara sur l'arbre de la Croix tout ce qu'il falloit pour vous, vostre berceau spirituel, [178*] vos linges et bandelettes, vostre nourrice, et tout ce qu'il falloit pour vostre bon-heur.

  A003002414 

 Voyez vous, ma fille, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre dés l'arbre de la Croix et l'aimoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens qu'il aura jamais, et entre autres nos resolutions: vray ma fille, nous pouvons tous dire comme Hieremie; O Seigneur, avant que je fusse vous me regardiez, et m'appelliez par mon nom, d'autant que vrayement sa divine bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens généraux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003002419 

 Et quand commença-il à estre Dieu? jamais: car il l'a tousjours esté, sans commencement, et sans fin: et aussi il vous a tousjours aymé dés l'eternité: c'est pourquoy il vous preparait les graces et faveurs qu'il vous a faictes.

  A003002424 

 Non ny la vanité, ny les delices, ny les richesses, ny les tribulations, ny les consolations ne m'arracheront jamais mon dessein..

  A003002427 

 Apres ces affections il faut que vous particularisiez les moyens requis pour maintenir ces cheres resolutions, et que vous protestiés de vous en vouloir fidellement servir.

  A003002429 

 Priés Dieu qu'il vous renouvelle toute, qu'il benisse vostre renouvellement de protestation, et qu'il le fortifie; invoqués la Vierge, vostre Ange, les Saints, S. Louys..

  A003002434 

 Le jour que vous aurés fait ce renouvellement et les autres suivans, vous devés fort souvent redire de cœur et de bouche ces ardentes paroles de S. Paul, de S. Augustin, de S. Catherine de Genes, et autres.

  A003002435 

 Il faut que tous ces exercices reposent dans le cœur, et que nous ostans de la consideration et meditation, nous allions tout bellement entre les affaires et conversations, de peur que la liqueur de nos resolutions ne s'epanche soudainement: car il faut qu'elle detrempe et penetre bien par toutes les parties de l'ame, le tout neantmoins sans effort, ny d'esprit ny de corps.

  A003002439 

 Combien y a il de loix civiles aux Digestes et au Code, lesquelles doivent estre observées, mais cela s'entend selon les occurrences, et non pas qu'il les faille toutes prattiquer tous les jours? Au demeurant David, Roy plein d'affaires tres-difficiles, prattiquoit bien plus d'exercices que je ne vous ay pas marqués.

  A003002439 

 Faites donques hardiment ces exercices, selon que je vous les ay marqués; et Dieu vous donnera asses de loisir et de force de faire tout le reste de vos affaires: ouy quand il devroit arrester le soleil comme il fit du temps de Josue.

  A003002439 

 Le monde vous dira, ma Philothee, que ces exercices et ces advis sont en si grand nombre, que qui voudra les observer il ne faudra pas qu'il vacque à autre chose.

  A003002439 

 Mais ne voyés vous la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, à la verité ils nous occuperoient du tout: mais il n'est pas requis de les faire, sinon en temps et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003002439 

 S. Louys, Roy admirable, et pour la guerre et pour la paix, et qui avec un soin nompareil administrait justice, et manioit les affaires, ouyoit tous les jours deux Messes, disoit Vespre et Complie avec son Chapelein: faisoit la méditation, visitoit les hospitaux, tous les vendredys se confessoit, et prenoit la discipline: ouyoit tres souvent les predications, faisoit fort souvent des conferences spirituelles: et avec tout cela ne perdoit pas une seule occasion du bien publiq exterieur, qu'il ne fist et n'executast diligemment.

  A003002440 

 Et s'il s'en treuve qui n'ayt pas ce don en aucune sorte de degré (ce que je ne pense pas pouvoir arriver que fort rarement) le sage Pere spirituel luy fera aysement suppleer le defaut par l'attention qu'il luy enseignera d'avoir ou à lire ou à ouïr lire les mesmes considerations qui sont mises és meditations..

  A003002440 

 Il est vray sans doute, j'ay presupposé cela: et est vray encores que chacun n'a pas le don de l'oraison mentale: mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voire les plus grossiers, pourveu qu'ils ayent des bons conducteurs, et qu'ils veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003002444 

 Refaittes tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation: et à tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oubliray vos justifications, ô mon Dieu, car en icelles vous m'avés vivifiée; et quand vous sentirez quelque detraquement en vostre ame, prenés vostre protestation en main, et prosternée en esprit d'humilité proferés la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003002445 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre; et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu; advoüés hardiment, que vous vous essaïés de mediter, que vous aymeriés mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voulés frequenter les Sacremens, et suyvre les conseils de vostre Directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raisons) car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu, et qu'on s'est consacré à son amour, [183*] d'une specialle affection, est fort aggreable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ayt honte de luy ny de sa Croix: et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces, que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation à la poursuitte.

  A003002445 

 Les Philosophes se publioient pour Philosophes, affin qu'on les laissast vivre philosophiquement: et nous devons nous faire connoistre pour desireux de la devotion, affin qu'on nous laisse vivre devotement.

  A003002445 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niez pas, mais respondés amiablement, que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'aydes et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..

  A003002446 

 Regardez l'enfer, ne vous y jettez pas pour ces vanitez: regardez vous vous mesme, et ne vous damnez pas pour aucune chose; regardez l'Eternité, et ne l'abandonnez pas pour les moments: regardez Jesus, ne le renoncez pas pour le monde.

  A003002449 

 Les travaux me sont passe-temps..


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A004000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A004000015 

 Que pour la beauté de la nature humaine Dieu a donné le gouvernement de toutes les facultés de l'ame a la volonté.

  A004000016 

 Chapitre II. Comme la volonté gouverne diversement les puissances de l'ame.

  A004000018 

 Chapitre IV. Que l'amour domine sur toutes les affections et passions et que mesme il gouverne la volonté, bien que la volonté ait aussi domination sur luy.

  A004000020 

 Chapitre VI. Comme l'amour de Dieu domine sur les autres amours.

  A004000034 

 Que les perfections divines ne sont qu'une seule mais infinie perfection.

  A004000037 

 Chapitre IV. De la providence surnaturelle que Dieu exerce envers les créatures raysonnables.

  A004000045 

 Chapitre XII. Que les attraitz divins nous laissent en pleine liberté de les suivre ou les repousser 53.

  A004000046 

 Chapitre XIII. Des premiers sentimens d'amour que les attraitz divins font en l'ame, avant qu'elle ayt la foy 55.

  A004000054 

 Chapitre XXI. Comme les attraitz amoureux de Nostre Seigneur nous aydent et accompagnent jusques a la foy et la charité.

  A004000093 

 Chapitre IX. Comme la bienveuillance nous fait appeller toutes les creatures a la louange de Dieu 118.

  A004000111 

 Chapitre XIV. De quelques autres moyens par lesquelz le saint amour blesse les cœurs.

  A004000117 

 O Jesus mon Sauveur, a qui puis-je mieux dedier les paroles de vostre amour qu'au cœur tres aymable de la Bienaymee de vostre ame?.

  A004000117 

 Tressainte Mere de Dieu, vaysseau d'incomparable election, Reyne de la souveraine dilection, vous estes la plus aymable, la plus amante et la plus aymee de toutes les creatures.

  A004000119 

 Hé, je vous conjure par ce cœur de vostre doux Jesus qui est le Roy des cœurs, que les vostres adorent, animés mon ame et celles de tous ceux qui liront cet escrit, de vostre toute puissante faveur envers le Saint Esprit, affin que nous immolions meshuy en holocauste toutes nos affections a sa divine Bonté, pour vivre, mourir et revivre a jamais, emmi les flammes de ce celeste feu que Nostre Seigneur vostre Filz a tant desiré d'allumer en nos cœurs, que pour cela il ne cessa de travailler et souspirer jusques a la mort et la mort de la croix.

  A004000119 

 On mettoit jadis les lampes de l'ancien Temple sur des fleurs de lys d'or: o Marie et Joseph, pair sans pair, lys sacrés d'incomparable beauté entre lesquelz le Bienaymé se repaist et repaist tous ses amans! helas, si j'ay quelque esperance que cet escrit d'amour puisse esclairer et enflammer les enfans de lumiere, ou le puis je mieux colloquer qu'emmi vos lys? lys esquelz le Soleil de justice, splendeur et candeur de la lumiere eternelle, s'est si souverainement recreé qu'il y a prattiqué les delices de l'ineffable dilection de son cœur envers nous.

  A004000127 

 Le Saint Esprit enseigne que les levres de la divine Espouse, c'est a dire de l'Eglise, ressemblent a l'escarlatte et au bornal qui distille le miel, affin que chacun sache que toute la doctrine qu'elle annonce consiste en la sacree dilection, plus esclattante en vermeil que l'escarlatte, a cause du sang de l'Espoux qui l'enflamme, plus douce que le miel, a cause de la suavité du Bienaymé qui la comble de delices.

  A004000128 

 Representes vous des belles colombes aux rayons du soleil: vous les verrés varier en autant de couleur [3] comme vous diversifierés le biays duquel vous les regarderés, parce que leurs plumes sont si propres a recevoir la splendeur, que le soleil venant mesler sa clarté avec leur pennage, il se fait une multitude de transparences lesquelles produisent une grande varieté de nuances et changemens de couleurs; mais couleurs si aggreables a voir, qu'elles surpassent toutes couleurs et l'esmail encor des plus belles pierreries; couleurs resplendissantes et si mignardement dorees, que leur or les rend plus vivement colorees, car en cette considération le Prophete royal disoit aux Israelites:.

  A004000135 

 Certes, l'Eglise est paree d'une varieté excellente d'enseignemens, sermons, traittés et livres pieux, tous grandement beaux et aymables a la veüe, a cause du meslange admirable que le Soleil de justice fait des rayons de sa divine sagesse avec les langues des Pasteurs, qui sont leurs plumes, et avec leurs plumes qui tiennent aussi quelquefois lieu de langues et font le riche pennage de cette colombe mystique.

  A004000136 

 Mays comme nous sçavons bien que toute la clarté du jour provient du soleil, et disons neanmoins pour l'ordinaire que le soleil n'esclaire pas sinon quand a descouvert il darde ses rayons en quelque endroit, de mesme, bien que toute la doctrine chrestienne soit de l'amour sacré, si est ce que nous n'honnorons pas indistinctement toute la theologie du tiltre de ce divin [4] amour, ains seulement les parties d'icelle qui contemplent l'origine, la nature, les proprietés et les operations d'iceluy en particulier..

  A004000137 

 O qu'il fait bon ouir parler des choses du Ciel, saint Paul qui les avoit apprises au Ciel mesme! et qu'il fait bon voir ces ames nourries dans le sein de la dilection, escrire de sa sainte suavité! Pour cela mesme entre les Scholastiques, ceux qui en ont le mieux et le plus discouru ont pareillement excellé en pieté.

  A004000138 

 Qui a jamais mieux exprimé les celestes passions de l'amour sacré que sainte Catherine de Gennes, sainte Angele de Foligni, sainte Catherine de Sienne, sainte Matilde?.

  A004000139 

 Ce grand et celebre cardinal Belarmin a aussi depuis peu fait voir un petit livret intitulé l'Escalier four monter a Dieu par les creatures, qui ne peut estre qu'admirable, partant de cette tres sçavante main et tres devote ame, qui a tant escrit, et si doctement, pour le bien de l'Eglise..

  A004000139 

 En nostre aage aussi plusieurs en ont escrit, desquelz je n'ay pas eu le loysir de lire distinctement les livres, ains seulement par ci par la, autant qu'il estoit requis pour voir si celuy ci pourroit encor treuver place.

  A004000139 

 Le Pere Louys Richeome, de la Compaignie de Jesus, a aussi publié un livre sous le tiltre de l'Art d'aymer Dieu par les creatures; et cet autheur est tant aymable en sa personne et en ses beaux escritz, qu'on ne peut douter qu'il ne le soit encor plus, escrivant de l'amour mesme.

  A004000140 

 Ainsy Dieu esleve le trosne de sa vertu sur le theatre de nostre infirmité, se servant des choses foibles pour confondre les fortes..

  A004000140 

 Mays en fin, la bienheureuse Therese de Jesus a si bien escrit des mouvemens sacrés de la dilection, en tous les livres qu'elle a laissés, qu'on est ravi de voir tant d'eloquence en une si grande humilité, tant de fermeté d'esprit en une si grande simplicité; et sa tres sçavante ignorance fait paroistre tres ignorante la science de plusieurs gens de lettres, qui, apres un grand tracas d'estude, se voyent honteux de n'entendre pas ce qu'elle escrit si heureusement de la prattique du saint amour.

  A004000141 

 Or, quoy que ce Traitté que je te presente, mon cher Lecteur, suive de bien loin tous ces excellens livres, sans espoir de les pouvoir aconsuivre, si est ce que j'espere tant en la faveur des deux amans celestes auxquelz je le dedie, qu'encor te pourra-il rendre quelque sorte de service, et que tu y rencontreras beaucoup [7] de bonnes considerations qu'il ne te seroit pas si aysé de treuver ailleurs, comme reciproquement tu treuveras ailleurs plusieurs belles choses qui ne sont pas icy.

  A004000143 

 On traitte maintefois les escrivains trop rudement; on precipite les sentences que l'on rend contre eux, et bien souvent avec plus d'impertinence qu'ilz n'ont prattiqué d'imprudence en se hastant de publier leurs escritz.

  A004000144 

 Les quattre premiers Livres, et quelques chapitres des autres, pouvoyent sans doute estre obmis au gré des ames qui ne cherchent que la seule prattique de la sainte dilection, mays tout cela neanmoins leur sera bien utile, si elles le regardent devotement.

  A004000144 

 Quelques uns peut estre treuveront que j'ay trop dit, [8] et qu'il n'estoit pas requis de prendre ainsy les discours jusques dans leurs racines; mays je pense que le divin amour est une plante pareille a celle que nous appelions angelique, de laquelle la racine n'est pas moins odorante et salutaire que le tige et les feuilles.

  A004000145 

 Ce que Nostre Seigneur dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, est grandement amplifié et declaré selon le [9] grec: Bienheureux sont les mendians d'esprit; et ainsy des autres..

  A004000145 

 Je cite aucunefois l'Escriture Sainte en autres termes que ceux qui sont portés par l'edition ordinaire: o vray Dieu, mon cher Lecteur, ne me fay pas pour cela ce tort de croire que je veuille me departir de cette edition-la; ah non, car je sçai que le Saint Esprit l'a authorisee par le sacré Concile de Trente, et que partant nous nous y devons tous arrester; ains au contraire, je n'employe les autres versions que pour le service de celle ci, quand elles expliquent et confirment son vray sens.

  A004000146 

 J'ay souvent cité le sacré Psalmiste en vers, et ç'a esté pour recreer ton esprit et selon la facilité que j'en ay eu par la belle traduction de Philippe des Portes, abbé de Tiron, de laquelle neanmoins je me suis quelquefois departi: non certes cuydant de pouvoir faire mieux les vers que ce fameux poete, car je serois un grand impertinent si n'ayant jamais seulement pensé a cette sorte d'escrire, je pretendois d'y reuscir en un aage et en une condition de vie qui m'obligeroit de m'en retirer si jamais j'y avois esté engagé; mays en quelques endroitz ou il y pouvoit avoir plusieurs intelligences, je n'ay pas suivi ses vers parce que je ne voulois pas suivre son sens; comme au Psalme CXXXII, il a entendu un mot latin qui y est, des franges de la robbe, que j'ay estimé devoir estre pris pour le collet: c'est pourquoy j'ay fait la traduction a mon gré..

  A004000148 

 Car tout ainsy, dit-il, que les voyagers, sachans qu'il y a quelque beau jardin a vingt ou vingt cinq pas de leur chemin, se destournent aysement de si peu pour l'aller voir, ce qu'ilz ne feroyent pas s'ilz sçavoyent qu'il fust plus esloigné de leur route, de mesme ceux qui sçavent que la fin d'un chapitre n'est guere esloignee du commencement, ilz entreprennent volontier de le lire, ce qu'ilz ne feroyent pas, pour aggreable qu'en fust le sujet, s'il failloit beaucoup de tems pour en achever la lecture.

  A004000148 

 J'ay donq eu rayson de suivre en cela mon inclination, puisqu'elle fut aggreable a ce grand personnage, qui a esté l'un des plus saintz prelatz et des plus sçavans docteurs que l'Eglise ayt eu de nostre aage, et lequel, lhors qu'il m'honnora de sa lettre, estoit le plus ancien de tous les docteurs de la faculté de Paris..

  A004000148 

 Je n'ay pas tous-jours exprimé la suite des chapitres, mais si tu y prens garde, tu treuveras aysement les nœuds de leur liayson.

  A004000148 

 Lhors que j'eus fait imprimer l'Introduction a la Vie devote, Monseigneur l'Archevesque de Vienne, Pierre de Vilars, me fit la faveur de m'en escrire son opinion en termes si avantageux pour ce livret et pour moy, que je n'oserois jamais les redire; et m'exhortant [11] d'appliquer le plus que je pourrois de mon loysir a faire de pareilles besoignes, entre plusieurs beaux advis desquelz il me gratifia, l'un fut que j'observasse tous-jours tant que le sujet le permettrait la briefveté des chapitres.

  A004000149 

 J'admiray qu'il se treuvast des hommes qui, pour vouloir paroistre hommes, se monstrassent en effect si peu hommes; car je te laisse a penser, mon cher Lecteur, si la devotion n'est pas egalement pour les hommes comme pour les femmes, et s'il ne faut pas lire avec pareille attention et reverence la seconde Epistre de saint Jean, addressee a la sainte dame Electa, comme la troysiesme qu'il destine a Caïus, et si mille et mille lettres ou excellens traittés des anciens Peres de l'Eglise doivent estre tenus pour inutiles aux hommes, d'autant qu'ilz sont addressés a des saintes femmes de ce tems-la.

  A004000149 

 Mays outre cela, c'est l'ame qui aspire a la devotion que j'appelle Philothee, et les hommes ont une ame aussi bien que les femmes.

  A004000149 

 Un grand serviteur de Dieu m'advertit n'a guere que l'addresse que j'avois faite de ma parole a Philothee, en l' Introduction a la Vie devote, avoit empesché plusieurs hommes d'en faire leur proffit, d'autant qu'ilz n'estimoyent pas digne de la lecture d'un homme les advertissemens faitz pour une femme.

  A004000150 

 Toutefois, pour imiter en cette occasion le grand Apostre qui s'estimoit redevable a tous, j'ay changé d'addresse en ce Traitté, et parle a Theotime: que si d'aventure il se treuvoit des femmes (or cette impertinence seroit plus supportable en elles) qui ne voulussent pas lire les enseignemens qu'on fait a un homme, je les prie de croire que le Theotime auquel je parle est l'esprit humain, qui desire faire progres en la dilection sainte, esprit qui est egalement es femmes comme es hommes..

  A004000151 

 Ce Traitté donq est fait pour ayder l'ame des-ja devote a ce qu'elle se puisse avancer en son dessein, et pour cela il m'a esté force de dire plusieurs choses un peu moins conneües au vulgaire et qui par consequent sembleront plus obscures: le fond de la science est tous-jours un peu plus malaysé a sonder, et se treuve peu de plongeons qui veuillent et sachent aller recueillir les perles et autres pierres precieuses dans les entrailles de l'ocean.

  A004000151 

 Et certes, comme je n'ay pas voulu suivre ceux qui mesprisent quelques livres qui traittent d'une certaine vie sureminente en perfection, aussi n'ay-je pas voulu parler de cette sureminence; car ni je ne puis censurer les autheurs, ni authoriser les censeurs d'une doctrine que je n'entens pas..

  A004000151 

 Mays si tu as le courage franc pour enfoncer cet escrit, il t'arrivera de vray comme aux plongeons, lesquelz, dit Pline, «estans es plus profonds gouffres de la mer y voyent clairement la lumiere du soleil;» car tu treuveras es endroitz les plus malaysés de ces discours une bonne et aymable clarté.

  A004000153 

 A cette cause, mon cher Lecteur, je te diray que comme ceux qui gravent ou entaillent sur les pierres precieuses, ayans la veue lassee a force de la tenir bandee sur les traitz deliés de leurs ouvrages, tiennent volontier devant eux quelque belle esmeraude, affin que la regardant de tems en tems ilz puissent recreer en son verd et remettre en nature leurs yeux alangouris, de mesme en cette varieté d'affaires que ma condition me donne incessamment, j'ay tous-jours des petitz projetz de quelque traitté de pieté, que je regarde quand je puis, pour alleger et deslasser mon esprit..

  A004000153 

 Au demeurant, quelques gens de marque de divers endroitz m'ont adverti que certains livretz ont esté publiés sous les seules premieres lettres du nom de leurs autheurs, qui se treuvent les mesmes avec celles du mien; qui a fait estimer a quelques uns que ce fussent besoignes sorties de ma main, non sans un peu de scandale de ceux qui cuydoyent que je me fusse detraqué de ma simplicité, pour enfler mon stile de paroles pompeuses, mon discours de conceptions mondaines, et mes conceptions d'une eloquence altiere et empanachee.

  A004000155 

 Il y a dix neuf ans que me treuvant a Thonon, petite ville situee sur le lac de Geneve, laquelle lhors se convertissoit petit a petit a la foy Catholique, le ministre adversaire de l'Eglise crioit par tout que l'article catholique de la reelle presence du Cors du Sauveur en l'Eucharistie destruysoit le Symbole et l'analogie de la foy (car il estoit bien ayse de dire ce mot d'Analogie non entendu par ses auditeurs, affin de paroistre fort sçavant); et sur cela, les autres predicateurs catholiques avec lesquelz j'estois la, me chargerent d'escrire quelque chose en refutation de cette vanité; et je fis ce qui me sembla convenable, dressant une briefve Meditation sur le Symbole des Apostres, pour confirmer la verité, et toutes les copies furent distribuees en ce diocese, ou je n'en treuve plus aucune..

  A004000156 

 Et parce que d'un costé il y avoit [15] des grans empeschemens a ce bonheur, selon les considerations que l'on appelle raysons d'Estat, et que d'ailleurs plusieurs, non encor bien instruitz de la verité, resistoyent a ce tant desirable restablissement, Son Altesse surmonta la premiere difficulté par la fermeté invincible de son zele a la sainte religion, et la seconde par une douceur et prudence extraordinaire; car elle fit assembler les principaux et plus opiniastres, et les harangua avec une eloquence si aimablement pressante, que presque tous, vaincuz par la douce violence de son amour paternel envers eux, rendirent les armes de leur opiniastreté a ses piedz, et leurs ames entre les mains de la sainte Eglise..

  A004000156 

 Peu apres, Son Altesse vint deça les montz, et treuvant les balliages de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont es environs de Geneve, a moytié disposés de recevoir la sainte religion Catholique, qui en avoit esté arrachee par le malheur des guerres et revoltes, il y avoit pres de soixante et dix ans, elle se resolut d'en restablir l'exercice en toutes les parroisses et d'abolir celuy de l'heresie.

  A004000157 

 Et comme cet ancien ouvrier ne fut jamais tant estimé pour ses ouvrages de grande forme, comme il fut admiré d'avoir sçeu faire un navire d'ivoire assorti de tout son equipage, en si petit volume que les aisles d'une abeille le couvroyent tout, aussi estime-je plus ce que ce grand Prince fit alhors en ce petit coin de ses Estatz, que beaucoup d'actions de plus grand esclat que plusieurs relevent jusques au ciel..

  A004000157 

 On peut louer beaucoup de riches actions de ce grand Prince, entre lesquelles je voy la preuve de son indicible vaillance et science militaire, qu'il vient de rendre maintenant admiree de toute l'Europe; mays toutefois, quant a moy, je ne puis asses exalter le restablissement de la sainte religion en ces troys balliages que je viens de nommer, y ayant veu tant de traitz de pieté, assortis d'une si grande varieté d'actions de prudence, constance, magnanimité, justice et debonnaireté, qu'en cette seule petite piece, il me sembloit de voir, comme en un tableau raccourci, tout ce qu'on loue es princes qui jadis ont le plus ardemment servi a la gloire de Dieu [16] et de l'Eglise: le theatre estoit petit, mais les actions grandes.

  A004000158 

 Or, en cette occasion on replanta par toutes les advenues et places publiques de ces quartiers-la, les victorieuses enseignes de la Croix; et parce que peu auparavant on en avoit planté une fort solemnellement a Annemasse, pres Geneve, un certain ministre fit un petit traitté contre l'honneur d'icelle, contenant une invective ardente et veneneuse, a laquelle pour cela il fut treuvé bon que l'on respondit: et Monseigneur Claude de Granier, mon predecesseur, duquel la memoire est en benediction, m'en imposa la charge selon le pouvoir qu'il avoit sur moy, qui le regardois non seulement comme mon Evesque, mais comme un saint serviteur de Dieu.

  A004000164 

 On celebra l'an 1602 a Paris, ou j'estois, les obseques de ce magnanime prince Philippe Emanuel de Lorraine, duc de Mercœur, lequel avoit fait tant de beaux exploitz contre le Turc en Hongrie, que tout le Christianisme devoit conspirer a l'honneur de sa memoire.

  A004000164 

 Or je dediay cette piece la a Madame la Duchesse de Vandosme, lhors encor fille et toute jeune princesse, mais en laquelle on voyoit des-ja fort connoissablement les traitz de cette excellente vertu et pieté qui reluisent maintenant en elle, dignes de l'extraction et nourriture d'une si devote et pieuse mere.

  A004000165 

 Et d'abord on me proposa la necessité qu'il y avoit d'advertir les confesseurs de quelques pointz d'importance; et pour cela j'escrivis vingt cinq Advertissemens, que je fis imprimer pour les faire courir plus aysement parmi ceux a qui je les addressois, mais despuis ilz ont esté reimprimés en divers lieux..

  A004000166 

 Et moy, sachant la qualité de ces censeurs, je loue leur intention que je pense avoir esté bonne; mays j'eusse neanmoins desiré qu'il leur eust pleu de considerer que la premiere proposition est puisee de la commune et veritable doctrine des plus saintz et sçavans theologiens, que j'escrivois pour les gens qui vivent emmi le monde et les cours, qu'au partir de la j'inculque soigneusement l'extreme peril qu'il y a es danses; et que, quant à la seconde proposition, avec le mot de quolibet, elle n'est pas de moy, mais de cet admirable roy saint Loüys, docteur digne d'estre suivi en l'art de bien conduire les courtisans a la vie devote.

  A004000166 

 Troys ou quattre ans apres, je mis en lumiere l' Introduction a la Vie devote, pour les occasions et en la façon que j'ay remarqué en la Preface d'icelle; dont je n'ay rien a te dire, mon cher Lecteur, sinon que, si ce livret a receu generalement un gracieux et doux accueil, voire mesme parmi les plus graves prelatz et docteurs de l'Eglise, il n'a pas pourtant esté exempt d'une rude censure de quelques uns qui ne m'ont pas seulement blasmé, mais m'ont asprement baffoüé en publiq de ce que je dis a Philothee que le bal est une action de soymesme indifferente, et qu'en recreation on peut dire des quolibetz.

  A004000168 

 Et c'est une bonne partie de ce que je te communique maintenant que je dois a cette benite assemblee, parce que celle qui en est la Mere et y preside, sachant que j'escrivois sur ce sujet et que neanmoins malaysement pourrois-je tirer la besoigne au jour, si Dieu ne m'aydoit fort specialement et que je ne fusse continuellement pressé, ell'a eu un soin continuel de prier et faire prier pour cela, et [20] de me conjurer saintement de recueillir tous les petitz morceaux de loysir qu'elle estimoit pouvoir estre sauvés, par ci par la, de la presse de mes empeschemens, pour les employer a ceci: et parce que cette ame m'est en la consideration que Dieu sçait, elle n'a pas eu peu de pouvoir pour animer la mienne en cette occasion..

  A004000168 

 Icy certes je parle pour les ames avancees en la devotion; car il faut que je te die que nous avons en cette ville une Congregation de filles et vefves qui, retirees du monde, vivent unanimement au service de Dieu, sous la protection de sa tressainte Mere; et comme leur pureté et pieté d'esprit m'a souvent donné des grandes consolations, aussi ay-je tasché de leur en rendre frequemment par la distribution de la sainte parole, que je leur ay annoncee tant en sermons publiqs qu'en colloques spirituelz, et presque tous-jours en la presence de plusieurs religieux et gens de grande devotion: dont il m'a falu traitter maintefois des sentimens plus delicatz de la pieté, passant au dela de ce que j'avois dit a Philothee.

  A004000169 

 On disoit entre les payens que Phidias ne representoit jamais rien si parfaitement que les divinités, ni Apelles, qu'Alexandre.

  A004000170 

 Certes, comme les femmes tandis qu'elles sont fortes et habiles a produire aysement les enfans, leur choysissent ordinairement des parreins entre leurs amis de ce monde, mays quand leur foiblesse et indisposition rend leurs enfantemens difficiles et perilleux, elles invoquent les Saintz du Ciel et vouent de faire tenir leurs enfans par quelque pauvre ou par quelque personne devote, au nom de saint Joseph, de saint François d'Assise, de saint François de Paule, de saint Nicolas, ou de quelqu'autre Bienheureux qui puisse impetrer de Dieu le bon succes de leur grossesse et une naissance vitale pour l'enfant; de mesme, avant que je fusse Evesque, [21] me treuvant avec plus de loysir et moins d'apprehension pour escrire, je dediay les petitz ouvrages que je fis aux princes de la terre; mais maintenant qu'accablé de ma charge j'ay mille difficultés d'escrire, je ne consacre plus rien qu'aux princes du Ciel, affin qu'ilz m'obtiennent la lumiere requise, et que, si telle est la volonté divine, ces escritz ayent une naissance fructueuse et utile a plusieurs..

  A004000179 

 Affin qu'une musique soit belle, il ne faut pas seulement que les voix soyent nettes, claires et bien distinguees, mays qu'elles soyent alliees en telle sorte les unes aux autres, qu'il s'en fasse une juste consonance et harmonie, par le moyen de l'union qui est en la distinction et la distinction qui est en l'union des voix, que non sans cause on appelle un accord discordant, ou plustost une discorde accordante..

  A004000180 

 Et c'est pourquoy, jamais, a proprement parler, nous n'attribuons la beauté corporelle sinon aux objetz des deux sens qui sont les plus connoissans et qui servent le plus a l'entendement, qui sont la veüe et l'ouye; si que nous ne disons pas: voyla des belles odeurs ou des belles saveurs; mays nous disons bien: voyla des belles voix et des belles couleurs..

  A004000181 

 Les voix, pour estre belles, doivent estre claires et nettes, les discours intelligibles, les couleurs esclattantes et resplendissantes: l'obscurité, l'ombre, les tenebres sont laides et enlaidissent toutes choses, parce qu'en icelles rien n'est connoissable, ni l'ordre, ni la distinction, ni l'union, ni la convenance; qui a fait dire a saint Denis que Dieu, «comme souveraine beauté, est autheur de la belle convenance, du beau lustre et de la bonne grace qui est en toutes choses, faisant esclatter, en forme de lumiere, les distributions et departemens de son rayon,» par lesquelz toutes choses sont rendues belles, voulant que pour establir la beauté il y eust la convenance, la clarté et la bonne grace..

  A004000182 

 Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs..

  A004000182 

 Certes, Theotime, la beauté est sans effect, inutile et morte, si la clarté et splendeur ne l'avive et luy donne efficace, dont nous disons les couleurs estre vives quand elles ont de l'esclat et du lustre.

  A004000183 

 Dieu donq, voulant rendre toutes choses bonnes et belles, a reduit la multitude et distinction d'icelles en une parfaite unité et, pour ainsy dire, il les a toutes rangees a la monarchie, faisant que toutes choses s'entretiennent les unes aux autres, et toutes a luy qui est le souverain Monarque.

  A004000183 

 Il reduit tous les membres en un cors, sous un chef; de plusieurs personnes, il forme une famille; de plusieurs familles, une ville; de plusieurs villes, une province; de plusieurs provinces, un royaume, et sousmet tout un royaume a un seul roy.

  A004000187 

 Le pere de famille conduit sa femme, ses enfans et ses serviteurs par ses ordonnances et commandemens, auxquelz ilz sont obligés d'obeir, bien qu'ilz puissent ne le faire pas; que s'il a des serfz et esclaves, il les gouverne par la force, a laquelle ilz n'ont nul pouvoir de contredire; mays ses chevaux, ses boeufs, ses muletz, il les manie par industrie, les liant, bridant, piquant, enfermant, laschant..

  A004000188 

 Nous ouvrons et fermons la bouche, mouvons la langue, les mains, les pieds, les yeux et toutes les parties esquelles la puissance de ce mouvement se treuve, sans resistance, a nostre gré et selon nostre volonté..

  A004000189 

 C'est ainsy, Theotime, que Nostre Seigneur enseigne qu' il y a des eunuques qui sont telz pour le Royaume des cieux, c'est a dire qui ne sont pas eunuques d'impuissance naturelle, mais par l'industrie de laquelle leur volonté se sert pour les retenir dans la sainte continence.

  A004000189 

 Il faut oster ou donner a la faculté qui produit, les objetz et sujetz et les alimens qui la fortifient, selon que la rayson le requiert; il faut divertir les yeux, ou les couvrir de leur chaperon naturel et les fermer, si on veut qu'ilz ne voyent pas; et avec ces artifices on les reduira au point que la volonté desire.

  A004000189 

 Il ne faut pas, certes, faire les ordonnances d'abstinence, sobrieté, continence a l'estomach, au gosier, au ventre; mais il faut commander aux mains de ne point fournir a la bouche les viandes et breuvages, qu'en telle et telle mesure.

  A004000189 

 Mais quant a nos sens et a la faculté de nourrir, croistre et produire, nous ne les pouvons pas gouverner si aysement, ains il nous y faut employer l'industrie et l'art.

  A004000190 

 Il est vray qu'elle ne les peut pas manier ni ranger si absolument comme elle fait les mains, les pieds ou la langue, a rayson des facultés sensitives, et notamment de la fantasie, qui n'obeissent pas d'une obeissance prompte et infallible a la volonté, et desquelles puissances sensitives la memoire et l'entendement ont besoin pour operer: mays toutefois, la volonté les remue, les employe et applique selon qu'il luy plaist, bien que non pas si fermement et invariablement que la fantasie variante et volage ne les divertisse maintefois, les distraisant ailleurs; de sorte que comme l'Apostre s'escrie: Je fay non le bien que je veux, mays le mal que je hay, aussi nous sommes souvent contrains de nous plaindre dequoy nous pensons, non le bien que nous aymons, mais le mal que nous haïssons..

  A004000196 

 Et parce que pour l'ordinaire ilz troublent l'ame et agitent le cors, entant qu'ilz troublent l'ame, on les appelle perturbations, entant qu'ilz inquietent le cors, on les appelle passions, au rapport de saint Augustin.

  A004000197 

 Et c'est affin d'exercer nos volontés en la vertu et vaillance spirituelle, que cette multitude de passions est laissee en nos ames, Theotime; de sorte que les Stoïciens, qui nierent qu'elles se treuvassent en l'homme sage, eurent grand tort; mays d'autant plus, que ce qu'ilz nioyent en paroles ilz le prattiquoyent en effect, au recit de saint Augustin qui raconte cette gracieuse histoire.

  A004000197 

 Mais quant a la repartie qu'elle contient, le Stoïcien qui la fit favorisa plus sa promptitude que sa cause, puisque, alleguant un compaignon de sa crainte, il laissa preuvé, par deux irreprochables tesmoins, que les Stoïciens estoyent touchés de la crainte, et de la crainte qui respand ses effectz es yeux, au visage et en la contenance, et qui par consequent est une passion..

  A004000198 

 «Entre nous autres Chrestiens,» dit le grand saint Augustin, «selon les Escritures Saintes et la doctrine saine, les citoyens de la sacree Cité de Dieu, vivans selon Dieu au pelerinage de ce monde, craignent, desirent, se deulent et se res-jouissent.» Ouy mesme le Roy souverain de cette Cité a craint, desiré, s'est doulu et res-joui jusques a pleurer, blesmir, trembler et suer le sang, bien qu'en luy ces mouvemens n'ont pas esté des passions pareilles aux nostres; dont [31] le grand saint Hierosme, et apres luy l'Escole, ne les a pas osé nommer du nom de passions, pour la reverence de la personne en laquelle ilz estoyent, ains du nom respectueux de propassions, pour tesmoigner que les mouvemens sensibles en Nostre Seigneur y tenoyent lieu de passions, bien qu'ilz ne fussent pas passions; d'autant qu'il ne patissoit ou souffroit chose quelconque de la part d'icelles, sinon ce que bon luy sembloit et comme il luy plaisoit, les gouvernant et maniant a son gré; ce que nous ne faysons pas, nous autres pecheurs, qui souffrons et patissons ces mouvemens en desordre contre nostre gré, avec un grand prejudice du bon estat et police de nos ames..

  A004000203 

 C'est pourquoy les autres passions et affections sont bonnes ou mauvaises, vicieuses ou vertueuses, selon que l'amour duquel elles procedent est bon ou mauvais; car il respand tellement ses qualités sur elles, qu'elles ne semblent estre que le mesme amour.

  A004000203 

 Saint Augustin, reduisant toutes les passions et affections a quatre, comme ont fait Boëce, Ciceron, Virgile et la pluspart de l'antiquité: «L'amour, » dit-il, «tendant a posseder ce qu'il ayme s'appelle convoitise» ou desir; «l'ayant et possedant, il s'appelle joye; fuyant ce qui luy est contraire, il s'appelle crainte: que si cela luy arrive et qu'il le sente, il s'appelle tristesse; et partant, ces passions sont mauvaises si l'amour est mauvais, bonnes, s'il est bon.» «Les citoyens de la Cité de Dieu craignent, desirent, se deulent, se res-jouissent, et parce que leur amour est droit, toutes ces affections sont aussi droites.» «La doctrine chrestienne assujettit l'esprit a Dieu, affin qu'il le guide et secoure, et assujettit a l'esprit toutes ces passions, affin qu'il les bride et modere, en sorte qu'elles soyent converties au service de la justice et vertu.» «La droite volonté est l'amour bon, la volonté mauvaise est l'amour mauvais;» c'est a dire en un mot, Theotime, que l'amour domine tellement en la volonté, qu'il la rend toute telle qu'il est..

  A004000204 

 Bref, Theotime, la volonté n'est esmeüe que par ses affections, entre lesquelles l'amour, comme le premier mobile est la premiere affection, donne le bransle a tout le reste, et fait tous les autres mouvemens de l'ame..

  A004000204 

 La femme, pour l'ordinaire, change sa condition en celle de son mari, et devient noble s'il est noble, reyne s'il est roy, duchesse s'il est duc: la volonté change aussi de qualité selon l'amour qu'elle espouse; s'il est charnel elle est charnelle; spirituelle, s'il est spirituel; et toutes les affections de desir, de joye, d'esperance, de crainte, de tristesse, comme enfans nés du mariage de l'amour avec la volonté, reçoivent aussi par consequent leurs qualités de l'amour.

  A004000205 

 Elle est donq maistresse sur les amours, comme une damoiselle sur les amans qui la recherchent, parmi lesquelz elle peut eslire celuy qu'elle veut.

  A004000209 

 Les philosophes et payens ont aymé aucunement Dieu, leurs republiques, la vertu, les sciences; ilz ont haï le vice, esperé les honneurs, desesperé d'eviter la mort ou la calomnie, desiré de sçavoir, voire mesme d'estre bienheureux apres leur mort; se sont enhardis pour surmonter les difficultés qu'il y avoit au pourchas de la vertu, ont craint le blasme, ont fui plusieurs fautes, ont vengé l'injure publique, se sont indignés contre les tyrans, sans aucun propre interest.

  A004000209 

 Or, tous ces mouvemens estoient en la partie raysonnable, puisque les sens, ni par consequent l'appetit sensuel, ne sont pas capables d'estre appliqués a ces objetz, et partant, ces mouvemens estoient des affections de l'appetit intellectuel ou raysonnable, et non pas des passions de l'appetit sensuel..

  A004000210 

 Combien de fois avons-nous des passions en l'appetit sensuel ou convoitise, contraires aux affections que nous sentons en mesme tems dans l'appetit raysonnable ou dans la volonté? Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, se coupant la langue a belles dens, et la crachant sur le nés de cette maudite femme qui l'enflammoit a la volupté, ne tesmoignoit-il pas d'avoir en la volonté une extreme affection de desplaysir, contraire a la passion du playsir que, par force, on luy faisoit sentir en la convoitise et appetit sensuel? Combien de fois tremblons nous de crainte entre les [35] hazards ausquelz nostre volonté nous porte et nous fait demeurer? combien de fois haïssons nous les voluptés esquelles nostre appetit sensuel se plait, aymans les biens spirituelz esquelz il se desplait? En cela consiste la guerre que nous sentons tous les jours entre l'esprit et la chair; entre nostre homme exterieur, qui depend des sens, et l'homme interieur, qui depend de la rayson; entre le viel Adam, qui suit les appetitz de son Eve ou de sa convoitise, et le nouvel Adam, qui seconde la sagesse celeste et la sainte rayson..

  A004000211 

 Et certes, Theotime, ilz n'eurent pas tort de vouloir qu'il y eust des eupathies et bonnes affections en la partie raysonnable de l'homme, mais ilz eurent tort de dire qu'il n'y avoit point de passions en la partie sensitive et que la tristesse ne touchoit point le cœur de l'homme sage; car, laissant a part que eux mesmes en estoyent troublés, comme il a esté dit, se pourroit-il bien faire que la sagesse nous privast de la misericorde, qui est une vertueuse tristesse laquelle arrive en nos cœurs pour nous porter au desir de delivrer le prochain du mal qu'il endure? Aussi, le plus homme de bien de tout le paganisme, Epictete, ne suivit pas cet erreur, que les passions ne s'eslevassent point en l'homme sage, ainsy que saint Augustin atteste, lequel mesme monstre encores que la dissension des Stoïciens [36] avec les autres philosophes en ce sujet, n'a pas esté qu'une pure dispute de paroles et desbat de langage..

  A004000211 

 Les Stoïciens, ainsy que saint Augustin le rapporte, nians que l'homme sage puisse avoir des passions, confessoient neanmoins, ce semble, qu'il avoit des affections, lesquelles ilz appelloyent eupathies et bonnes passions, ou bien, comme Ciceron, constances; car ilz disoyent que le sage ne convoitoit pas, mays vouloit; qu'il n'avoit point de liesse, mays de joye; qu'il n'avoit point de crainte, mays de prevoyance et precaution: en sorte qu'il n'estoit esmeu sinon pour la rayson et selon la rayson.

  A004000213 

 Et ces affections surnaturelles sont principalement trois: l'amour de l'esprit envers les beautés des mysteres de la foy, l'amour envers l'utilité des biens qui nous sont promis en l'autre vie, et l'amour envers la souveraine bonté de la tressainte et eternelle Divinité.

  A004000213 

 Les affections du troisiesme rang se nomment chrestiennes, parce qu'elles prennent leur naissance des discours tirés de la doctrine de Nostre Seigneur, qui nous fait cherir la pauvreté volontaire, la chasteté parfaitte, la gloire du Paradis.

  A004000213 

 Les premieres sont nommees affections naturelles; car, qui est celuy qui ne desire naturellement d'avoir la santé, les provisions requises au vestir et a la nourriture, les douces et aggreables conversations? Les secondes affections sont nommees raysonnables, d'autant qu'elles sont toutes appuyees sur la connoissance spirituelle de la rayson, par laquelle nostre volonté est excitee a rechercher la tranquillité du cœur, les vertus morales, le vray honneur, la contemplation philosophique des choses eternelles.

  A004000213 

 Mais les affections du supreme degré sont nommees divines et surnaturelles, parce que Dieu luy mesme les respand en nos espritz, et qu'elles regardent et tendent en Dieu sans l'entremise d'aucun discours ni d'aucune lumiere naturelle; selon qu'il est aysé de concevoir par ce que nous dirons ci apres des acquiescemens et sentimens qui se prattiquent au sanctuaire de l'ame.

  A004000217 

 La volonté gouverne toutes les autres facultés de l'esprit humain, mays elle est gouvernee par son amour qui la rend telle qu'il est.

  A004000217 

 Or, entre tous les amours, celuy de Dieu tient le sceptre, et a tellement l'authorité de commander inseparablement unie et propre a sa nature, que s'il n'est le maistre, il cesse d'estre et perit..

  A004000218 

 Ce n'est certes pas sans mystere que les derniers entre ces freres emportent ainsy les advantages sur leurs aisnés.

  A004000218 

 L'amour divin est voyrement le puisné entre toutes les affections du cœur humain; car, comme dit l'Apostre, ce qui est animal est premier, et le spirituel apres; mais ce puisné herite toute l'authorité, et l'amour propre, comme un autre Esaü, est destiné a son service; et non seulement tous les autres mouvemens de l'ame, comme ses freres, l'adorent et luy sont sousmis, mais aussi l'entendement et la volonté, qui luy tiennent lieu de pere et de mere.

  A004000219 

 Ainsy l'amour sacré est un enfant miraculeux, puisque la volonté humaine ne le peut concevoir si le Saint Esprit ne le respand dans nos cœurs; et, comme surnaturel, il doit presider et regner sur toutes les affections, voire mesme sur l'entendement et la volonté..

  A004000219 

 Isaac, Jacob et Joseph furent des enfans surnaturelz; car leurs meres, Sara, Rebecca et Rachel, estans steriles par nature, les conceurent par la grace de la bonté celeste: c'est pourquoy ilz furent establis maistres de leurs freres.

  A004000221 

 Le saint amour fait son sejour sur la plus haute et relevee region de l'esprit, ou il fait ses sacrifices et holocaustes a la Divinité, ainsy qu'Abraham fit le sien, et que Nostre Seigneur s'immola sur le coupeau au mont Calvaire; affin que, d'un lieu si relevé, il soit ouy et obei par son peuple, c'est a dire par toutes les facultés et affections de l'ame, qu'il gouverne avec une douceur nompareille; car l'amour n'a point de forçatz ni d'esclaves, ains reduit toutes choses a son obeissance avec une force si delicieuse, que, comme rien n'est si fort que l'amour, aussi rien n'est si aymable que sa force..

  A004000222 

 Les vertus sont en l'ame pour moderer ses mouvemens, et la charité, comme premiere de toutes les vertus, les regit et tempere toutes, non seulement [39] parce que «le premier en chaque espece des choses sert de regle et mesure a tout le reste,» mais aussi parce que Dieu, ayant creé l'homme a son image et semblance, veut que, comme en luy, tout y soit ordonné par l'amour et pour l'amour..

  A004000226 

 Car je vous prie, Theotime, qu'est ce que le bien sinon ce que chacun veut? et qu'est ce que la volonté sinon la faculté qui porte et fait tendre au bien, ou a ce qu'elle estime tel? La volonté donques appercevant et sentant le bien par l'entremise de l'entendement qui le luy represente, ressent a mesme tems une soudaine delectation et complaisance en ce rencontre, qui l'esmeut et incline, doucement mays puissamment, vers cet object aymable, [40] affin de s'unir a luy; et pour parvenir a cette union, elle luy fait chercher tous les moyens plus propres..

  A004000227 

 La volonté donq a une convenance tres estroitte avec le bien; cette convenance produit la complaysance que la volonté ressent a sentir et appercevoir le bien; cette complaisance esmeut et pousse la volonté au bien; ce mouvement tend a l'union, et en fin, la volonté esmeüe et tendante a l'union cherche tous les moyens requis pour y parvenir, Certes, a parler generalement, l'amour comprend tout cela ensemblement, comme un bel arbre, duquel la racine est la convenance de la volonté au bien, le pied en est la complaysance, son tige c'est le mouvement; les recherches, poursuites et autres effortz en sont les branches, mais l'union et jouissance en est le fruit.

  A004000228 

 Le fer donques a une telle convenance avec l'aymant, qu'aussi tost qu'il en apperçoit la vertu il se retourne devers luy; puis il commence soudain a se remuer et demener par des petitz tressaillemens, tesmoignant en cela la complaisance qu'il ressent, en suite [41] de laquelle il s'avance et se porte vers l'aymant, cherchant tous les moyens qu'il peut pour s'unir avec iceluy.

  A004000228 

 Ne voyla pas toutes les parties d'un vif amour bien representees en ces choses inanimees?.

  A004000230 

 Le poids des choses les esbranle, les meut et les arreste: c'est le poids de la pierre qui luy donne l'esmotion et le bransle a la descente, soudain que les empeschemens luy sont ostés; c'est le mesme poids qui luy fait continuer son mouvement en bas; et c'est en fin le mesme poids encores qui la fait arrester et accoiser quand elle est arrivee en son lieu.

  A004000232 

 Et ce mouvement s'appelle souhait, ou, comme disent les Scholastiques, velleité, qui n'est autre chose qu'un commencement de vouloir lequel n'a point de suite; d'autant que la volonté voyant qu'elle ne peut atteindre a cet objet a cause de l'impossibilité ou de l'extreme difficulté, elle arreste son mouvement et le termine en cette simple affection de souhait, comme si elle disoit: Ce bien que je voy et auquel je ne puis pretendre, m'est a la verité fort aggreable; et bien que je ne le puis vouloir ni esperer, si est ce que, si je le pouvois vouloir ou desirer, je le desirerois ou voudrois volontier.

  A004000232 

 Il y a encor certains mouvemens d'amour par lesquelz nous desirons les choses que nous n'attendons ni pretendons nullement, comme quand nous disons: Que ne suis-je maintenant en Paradis! je voudrois estre roy; pleust a Dieu que je fusse plus jeune; a la mienne volonté que je n'eusse jamais peché, et semblables choses.

  A004000232 

 Or, ce sont des desirs, mais desirs imparfaitz lesquelz, ce me semble, a proprement parler s'appellent souhaitz: et de fait, telles affections ne s'expriment pas comme les desirs; car quand nous exprimons nos vrays desirs, nous disons: je desire, [44] mays quand nous exprimons nos desirs imparfaitz, nous disons: je desirerois, ou, je voudrois.

  A004000233 

 Or, a mesure que les choses incompatibles avec ce qui est souhaité sont moins aymables, les souhaitz sont plus imparfaitz, puisqu'ilz sont arrestés et comme estouffés par des si foibles contraires: ainsy le souhait que Herodes eut de ne point faire mourir saint Jean fut plus imparfait que celuy que Pilate avoit de delivrer Nostre Seigneur; car celuy ci craignoit la calomnie et l'indignation du peuple et de Cesar, et celuy la de contrister une seule femme.

  A004000233 

 Selon les souhaitz des choses impossibles, nous disons: je souhaitte, mais je ne puis; et selon les souhaitz des choses possibles, nous disons: je souhaitte, mais je ne veux pas.

  A004000237 

 Or, ceux la n'ont pas bien rencontré qui ont creu que la ressemblance estoit la seule convenance qui produisoit l'amour; car qui ne sçait que les viellars les plus sensés ayment tendrement et cherement les petitz enfans, et sont reciproquement aymés d'eux; que les sçavans ayment les ignorans, pourveu [47] qu'ilz soyent dociles, et les malades, leurs medecins? Que si nous pouvons tirer quelqu'argument de l'image d'amour qui se void es choses insensibles, quelle ressemblance peut faire tendre le fer a l'aymant? un aymant n'a-il pas plus de ressemblance avec un autre aymant ou avec une autre pierre, qu'avec le fer qui est d'un genre tout différent? Et bien que quelques uns, pour reduire toutes les convenances a la ressemblance, asseurent que le fer tire le fer, et l'aymant tire l'aymant, si est ce qu'ilz ne sçauroyent rendre rayson pourquoy l'aymant tire plus puyssamment le fer, que le fer ne tire le fer mesme.

  A004000238 

 En cette sorte, les melancholiques et les joyeux, les aigres et les doux s'entr'ayment quelquefois reciproquement, pour les mutuelles impressions qu'ilz reçoivent les uns des autres, au moyen desquelles leurs humeurs sont mutuellement moderees..

  A004000238 

 Les accors de musique se font en la discordance, par laquelle les voix dissemblables se correspondent, pour toutes ensemble faire un seul rencontre de proportion; comme la dissemblance des pierres precieuses et des fleurs fait l'aggreable composition de l'esmail et de la diapreure.

  A004000238 

 Les viellars ayment les enfans, [49] non point par simpathie, mais d'autant que l'extreme simplicité, foiblesse et tendreté des uns rehausse et fait mieux paroistre la prudence et asseurance des autres; et cette dissemblance est aggreable: au contraire, les petitz enfans ayment les viellars parce qu'ilz les voyent amusés et embesoignés d'eux, et que, par un sentiment secret, ilz connoissent qu'ilz ont besoin de leur conduite.

  A004000240 

 La convenance donq de l'amant a la chose aymee est la premiere source de l'amour, et cette convenance consiste en la correspondance, qui n'est autre chose que le mutuel rapport qui rend les choses propres a s'unir pour s'entrecommuniquer quelque perfection.

  A004000244 

 Et pour nous [50] eslever plus doucement a la consideration de cet amour spirituel qui s'exerce entre Dieu et nous, par la correspondance des mouvemens de nos cœurs avec les inspirations de sa divine Majesté, il employe une perpetuelle representation des amours d'un chaste berger et d'une pudique bergere.

  A004000244 

 Le grand Salomon descrit d'un air delicieusement admirable les amours du Sauveur et de l'ame devote, en ce divin ouvrage que pour son excellente suavite on appelle le Cantique des Cantiques.

  A004000245 

 Nous faisons sortir et paroistre nos passions et les mouvemens que nos ames ont communs avec les animaux, en nos yeux, es sourcilz, au front et en tout le reste du visage.

  A004000246 

 Ainsy fut il employé universellement entre les premiers Chrestiens, comme le grand saint Paul tesmoigne quand il dit aux Romains et Corinthiens: Salues vous mutuellement les uns les autres par le saint bayser; et, comme plusieurs tesmoignent, Judas, en la prise de Nostre Seigneur, employa le bayser pour le faire connoistre, parce que ce divin Sauveur baysoit ordinairement ses disciples quand il les rencontroit, et non seulement ses disciples, mais aussi les petitz enfans qu'il prenoit amoureusement entre ses bras, comme il fit celuy par la comparayson duquel il invita si solemnellement ses disciples a la charité du prochain, que plusieurs estiment avoir esté saint Martial, comme l'Evesque Jansenius le rapporte..

  A004000246 

 En cette sorte on applique une bouche a l'autre quand on se bayse, pour tesmoigner qu'on voudroit verser les ames l'une dedans l'autre reciproquement, pour les unir d'une union parfaitte; et pour cela en tout tems et entre les plus saintz hommes du monde, le bayser a esté le signe de l'amour et dilection.

  A004000246 

 Mays pourtant, nous ne respandons nos discours ni les pensees qui procedent de la portion spirituelle de nos ames, que nous appelions rayson et par laquelle nous sommes differens d'avec les animaux, sinon par nos paroles et par consequent par le moyen de la bouche; si que verser son ame, et respandre son cœur, n'est autre chose que parler.

  A004000246 

 Versés devant Dieu vos cœurs, dit le Psalmiste, c'est a dire, exprimés [51] et prononcés les affections de vostre cœur par paroles; et la devote mere de Samuel, prononçant ses prieres, quoy que si bellement qu'a peyne voyoit-on le mouvement de ses levres: J'ay respandu, dit elle, mon ame devant Dieu.

  A004000248 

 Le grand Apostre de France, tant selon son sentiment que rapportant celuy de son Hierotee, escrit, je pense, cent fois en un seul chapitre des Noms divins, que l'amour est unifique, unissant, ramassant, resserrant, recueillant et rapportant les choses a l'unité.

  A004000248 

 Quand l'Esprit divin veut exprimer un amour parfait, il employe presque tous-jours les paroles d'union et de conjonction: En la multitude des croyans, dit saint Luc, il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; Nostre Seigneur pria son Pere pour tous les fideles affin qu'ilz fussent tous une mesme chose; saint Paul nous advertit que nous soyons soigneux de conserver unité d'esprit par l'union de la paix.

  A004000252 

 Il faut pourtant prendre garde qu'il y a des unions naturelles, comme celle de ressemblance, consanguinité et de la cause avec son effect, et d'autres, lesquelles, n'estans pas naturelles, peuvent estre dites volontaires, car bien qu'elles soyent selon la nature, elles ne se font neanmoins que par nostre volonté; comme celle qui prend son origine des bienfaitz, qui unissent indubitablement celuy qui les reçoit a celuy qui les fait, celle de la conversation et compaignie, et autres semblables.

  A004000253 

 Ce n'est pas, Theotime, qu'il n'y ait quelque sorte de passions en l'homme lesquelles, comme le guy vient sur les arbres par maniere d'excrement et de surcroissance, naissent aussi bien souvent parmi l'amour et autour de l'amour; mais neanmoins elles ne sont pas ni l'amour ni partie de l'amour, ains sont des excremens et superfluités d'iceluy, lesquelles non seulement ne sont pas prouffitables pour maintenir ou perfectionner l'amour, mais au contraire l'endommagent grandement, l'affoiblissent, et en fin finale, si on ne les retranche, le ruinent tout a fait; dequoy voyci la rayson..

  A004000254 

 A mesure que nostre ame s'employe a plus d'operations [55], ou de mesme sorte ou de diverse sorte, elle les fait moins parfaitement et vigoureusement; parce que, estant finie, sa vertu d'agir l'est aussi, si que, fournissant son activeté a diverses operations, il est force que chacune d'icelles en ayt moins.

  A004000254 

 Ainsy les hommes attentifs a plusieurs choses, le sont moins a chacune d'icelles: on ne sçauroit exactement considerer les traitz d'un visage par la veüe, et a mesme tems exactement escouter l'harmonie d'une excellente musique; ni en un mesme tems estre attentif a la figure et a la couleur; si nous sommes affectionnés a parler, nous ne saurions avoir attention a autre chose..

  A004000255 

 Ne voyons-nous pas que le feu, symbole de l'amour, forcé de sortir par la seule bouche du canon, fait un esclat prodigieux, qu'il feroit beaucoup moindre s'il avoit ouverture par deux ou par trois endroitz? Puis donq que l'amour est [56] un acte de nostre volonté, qui le veut avoir non seulement noble et genereux, mais fort, vigoureux et actif, il en faut retenir la vertu et la force dans les limites des operations spirituelles; car qui voudroit l'appliquer aux operations de la partie sensible ou sensitive de nostre ame, il affoibliroit d'autant les operations intellectuelles, esquelles, toutefois, consiste l'amour essentiel..

  A004000255 

 Nous avons trois sortes d'actions amoureuses: les spirituelles, les raysonnables et les sensuelles; quand l'amour escoule sa force par toutes ces trois operations, il est sans doute plus estendu, mais moins tendu, et quand il ne s'escoule que par une sorte d'operation, il est plus tendu, quoy que moins estendu.

  A004000256 

 Les philosophes anciens ont reconneu qu'il y avoit deux sortes d'extases, dont l'une nous portoit au dessus de nous mesmes, et l'autre nous ravaloit au dessous de nous mesmes: comme s'ilz eussent voulu dire que l'homme estoit d'une nature moyenne entre les Anges et les bestes, participant de la nature angelique en sa partie intellectuelle et de la nature bestiale en sa partie sensitive; et que neanmoins il pouvoit, par l'exercice de sa vie et par un continuel soin de soy mesme, s'oster et deloger de cette moyenne condition; d'autant que, s'appliquant et exerçant beaucoup aux actions intellectuelles, il se rendoit plus semblable aux Anges qu'il ne l'estoit aux bestes; que s'il s'appliquoit beaucoup aux actions sensuelles, il descendoit de sa moyenne condition et s'approchoit de celle des bestes: et parce que l'extase n'est autre chose que la sortie qu'on fait de soy mesme, de quel costé que l'on en sorte on est vrayement en extase.

  A004000257 

 Et de mesme les hommes brutaux, ravis en la volupté sensuelle, et particulierement quand c'est en celle du sens general, perdent tout a fait l'usage et l'attention de la rayson et de l'entendement, parce que leur miserable ame, pour sentir plus entierement et attentivement l'object brutal, se divertit des operations spirituelles, pour s'enfoncer et convertir du tout aux bestiales et brutales; imitans en cela mystiquement, les uns, Helie, ravi en haut sur le char enflammé entre les Anges, et les autres, Nabuchodonosor, abruti et ravalé au rang des bestes farouches..

  A004000257 

 Or, a mesure que l'extase est plus grande, ou au dessus de nous ou au dessous de nous, plus elle empesche nostre ame de retourner a soy mesme et de faire les operations contraires a l'extase en laquelle elle est.

  A004000258 

 Les bœufs de Job labouroyent la terre, tandis que les asnes inutiles paissoyent autour d'eux, mangeans les pasturages deus aux bœufs qui travaillovent: tandis que la partie intellectuelle de nostre ame travaille a l'amour honneste et vertueux, sur quelque objet qui en est digne, il arrive souvent que les sens et facultés de la partie inferieure tendent a l'union qui leur est propre et leur sert de pasture; bien que l'union ne soit deüe qu'au cœur et a l'esprit, qui seul aussi peut produire le vray et substantiel amour..

  A004000258 

 Maintenant je dis que, quand l'ame prattique l'amour par les actions sensuelles et qui la portent au dessous de soy, il est impossible qu'elle n'affoiblisse d'autant [58] plus l'exercice de l'amour superieur; de sorte que, tant s'en faut que l'amour vray et essentiel soit aydé et conservé par l'union a laquelle l'amour sensuel tend, qu'au contraire il s'affoiblit, se dissipe et perit par icelle.

  A004000259 

 Helisee, ayant gueri Naaman le Syrien, se contenta de l'avoir obligé, refusant au reste son or, son argent et les meubles qu'il luy avoit offert; mais Giesi, cet infïdele serviteur, courant apres iceluy, demanda et prit, outre le gré de son maistre, ce qu'il avoit refusé: l'amour intellectuel et cordial, qui est certes, ou doit estre, le maistre en nostre ame, refuse toutes sortes d'unions corporelles et sensuelles, et se contente en la simple bienveuillance; mais les puissances de la partie sensitive, qui sont ou doivent estre les servantes de l'esprit, demandent, cherchent et prennent ce qui a esté refusé par la rayson, et, sans prendre permission d'icelle, s'avancent a vouloir faire leurs unions abjectes et serviles, deshonnorans, comme Giesi, la pureté de l'intention de leur maistre qui est l'esprit; et a mesure que l'ame se convertit a tells [59] unions grossieres et sensibles, elle se divertit de l'union delicate, intellectuelle et cordiale..

  A004000260 

 Vous voyés donques bien, Theotime que ces unions qui regardent les complaysances et passions animales, non seulement ne servent de rien a la production et conservation de l'amour, mais luy sont grandement nuisibles et l'affoiblissent extremement: aussi, quand l'inceste Ammon, qui pasmoit et perissoit d'amour pour Thamar, eut passé jusques aux unions sensuelles et brutales, il fut tellement privé de l'amour cordial, qu'onques plus il ne la peut voir, et la poussa indignement dehors, violant aussi cruellement le droit de l'amour comme il avoit violé impudemment celuy du sang..

  A004000261 

 Ainsy l'amour se peut bien treuver es unions des puissances sensuelles meslees avec les unions des puissances intellectuelles, mais non jamais si excellemment comme il fait lhors que les seulz espritz et courages, separés de toutes affections corporelles, jointz ensemble, font l'amour pur et spirituel; car l'odeur des affections ainsy meslees, est non seulement plus suave et meilleure, mays plus vive, plus active et plus solide.

  A004000261 

 Le basilique, le romarin, la marjoleine, l'hysope, le clou de girofle, la cannelle, la noix muscade, les citrons et le musc, mis ensemble et demeurans en cors, rendent voirement une odeur bien aggreable par le meslange de leur bonne senteur; mays non pas a beaucoup pres de ce que fait l'eau qui en est distillee, en laquelle les suavités de tous ces ingrediens, separees de leur cors, se meslent beaucoup plus excellemment, s'unissans en une tres parfaite odeur qui penetre bien plus l'odorat qu'elles ne feroient pas, si avec elle et son eau les cors des ingrediens se treuvoyent conjointz et unis.

  A004000262 

 Il est vray que plusieurs, ayans l'esprit grossier, terrestre et vil, estiment la valeur de l'amour comme celle des pieces d'or, desquelles les plus grosses et pesantes sont les meilleures et plus recevables; car ainsy leur est-il advis que l'amour brutal soit plus fort, parce qu'il est plus violent et turbulent; plus solide, parce qu'il est grossier et terrestre; plus grand, parce qu'il est plus sensible et farouche: mais au contraire, l'amour est comme le feu, duquel plus la matiere est delicate, aussi les flammes en sont plus claires et belles, et lesquelles on ne sçauroit mieux esteindre qu'en les deprimant et couvrant de terre; car de mesme, plus le sujet de l'amour est relevé et spirituel, plus ses actions sont vives, subsistantes et permanentes, et ne sçauroit-on mieux ruiner l'amour que de l'abbaisser aux unions viles et terrestres.

  A004000262 

 «Il y a cette difference,» comme dit saint Gregoire, «entre les playsirs spirituelz et les corporelz: que les corporelz donnent du desir avant qu'on les ayt, et du desgoust quand on les a; mais les spirituelz, au contraire, donnent du desgoust avant qu'on les ayt, et du playsir quand on les a.» Si que l'amour animal, qui pretend par l'union qu'il fait a la chose aymee de combler et perfectionner sa complaisance, treuvant qu'au contraire il la destruit en la terminant, demeure grandement desgousté de telle union: qui a fait dire au grand Philosophe, que presque tout animal, apres la jouissance de son plus ardent et pressant playsir corporel, demeuroit triste, morne et estonné, comme un [61] marchand qui, ayant pensé gaigner beaucoup, se treuve trompé et engagé dans une rude perte; ou au contraire, l'amour intellectuel treuvant en l'union qu'il fait a son objet plus de contentement qu'il n'avoit esperé, y perfectionnant sa complaisance, il la continue en s'unissant et s'unit tous-jours plus en la continuant..

  A004000266 

 Car premierement, comme nous voyons que la vigne hait, par maniere de dire, et fuit les choux, en sorte qu'ilz s'entrenuisent l'un a l'autre, et qu'au contraire elle se plaist.

  A004000267 

 Secondement, nous avons en nous l'appetit sensitif, par le moyen duquel nous sommes portés a la recherche et a la fuite de plusieurs choses, par la connoissance sensitive que nous en avons; tout ainsy comme les animaux, desquelz les uns appetent une chose et les autres une autre, selon la connoissance qu'ilz ont qu'elle leur est convenable ou non: et en cet appetit reside, ou d'iceluy provient l'amour que nous appelions sensuel ou brutal, qui, a proprement parler, ne doit neanmoins pas estre appellé amour, ains simplement appetit..

  A004000268 

 Or, en nostre ame entant qu'elle est raysonnable, nous remarquons manifestement deux degrés de perfection, que le grand saint Augustin, et apres luy tous les docteurs, ont appellé deux portions de l'ame, l'inferieure et la superieure: desquelles celle la est dite inferieure, qui discourt et fait ses consequences selon ce qu'elle apprend et experimente par les sens; et celle la est dite superieure, qui discourt et fait ses consequences selon la connoissance intellectuelle, qui n'est point fondee sur l'experience des sens, ains sur le discernement et jugement de l'esprit; aussi cette portion superieure est appellee communement esprit et partie mentale de l'ame, comme l'inferieure est ordinairement appellee le sens ou sentiment, et rayson humaine..

  A004000269 

 Or, cette portion superieure peut discourir selon deux sortes de lumieres: ou bien selon la lumiere naturelle, comme ont fait les philosophes et tous ceux qui ont discouru par science; ou selon la lumiere surnaturelle, comme font les theologiens et chrestiens, entant qu'ilz establissent leurs discours sur la foy et parole de Dieu revelee, et encor plus particulierement ceux desquelz [63] l'esprit est conduit par des particulieres illustrations, inspirations et esmotions celestes.

  A004000271 

 Nous experimentons tous les jours d'avoir plusieurs volontés contraires.

  A004000271 

 Un pere, envoyant son filz ou en la cour ou aux estudes, ne laisse pas de pleurer en le licenciant, tesmoignant qu'encor qu'il veuille selon la portion superieure le despart de cet enfant pour son avancement a la vertu, neanmoins selon l'inferieure il a de la repugnance a la separation; et quoy qu'une fille soit mariee au gré de son pere et de sa mere, si est ce que prenant leur benediction elle excite les larmes, en sorte que la volonté superieure acquiesçant a son despart, l'inferieure monstre de la resistance.

  A004000272 

 Or, ce n'est pas pourtant a dire qu'il y ait en l'homme deux ames, ou deux natures, comme pensoient les Manicheens: «Non,» dit saint Augustin, livre huitiesme de ses Confessions, chapitre dixiesme, «ains la volonté, allechee par divers attraitz, esmeüe par diverses raysons, semble estre divisee en soy mesme, tandis qu'elle est tiree de deux costés, jusques a ce que prenant parti selon sa liberté, elle suit ou l'un ou l'autre;» car alhors la plus puissante volonté surmonte, et gaignant le dessus, ne laisse a l'ame que le ressentiment du mal que le debat luy a fait, que nous appelions contrecœur..

  A004000273 

 En suite dequoy il fit la priere que le calice de la Passion fust transporté de luy, c'est a dire qu'il en fust exempt; en quoy il exprime manifestement le vouloir de la portion inferieure de son ame, laquelle discourant sur les tristes et angoisseux objetz de la Passion qui luy estoit preparee, et de laquelle la vive image estoit representee en son imagination, il en [65] tira, par une consequence tres raysonnable, la fuite et esloignement d'iceux, dont il fait la demande a son Pere: par ou l'on remarque clairement que la portion inferieure de l'ame n'est pas la mesme chose que le degré sensitif d'icelle, ni la volonté inferieure une mesme chose avec l'appetit sensuel; car l'appetit sensuel, ni l'ame selon son degré sensitif, ne sont pas capables de faire aucune demande ni priere, qui sont des actes de la faculté raysonnable, et particulierement ilz ne sont pas capables de parler a Dieu, objet auquel les sens ne peuvent atteindre, pour en donner la connoissance a l'appetit.

  A004000273 

 Et ne faut pas dire qu'il souffrit seulement selon le cors, ni mesme selon l'ame entant qu'elle estoit sensible, ou, qui est la mesme chose, selon le sens; car luy mesme atteste, qu'avant qu'il souffrit aucun tourment exterieur, ni mesme qu'il vit les bourreaux aupres de soy, son ame estoit triste jusques-a la mort.

  A004000273 

 Mais ce mesme Sauveur ayant fait cet exercice de la portion inferieure, et tesmoigné que, selon icelle et les considerations qu'elle faisoit, sa volonté inclinoit a la fuite des douleurs et des peynes, il monstra par apres qu'il avoit la portion superieure, par laquelle adherant inviolablement a la volonté eternelle et au decret que le Pere celeste avoit fait, il accepte volontairement la mort, et nonobstant la repugnance de la partie inferieure de la rayson, il dit: Ah non, mon Pere, que ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A004000273 

 Mais l'exemple de nostre Sauveur est admirable pour ce sujet, et apres la consideration duquel il n'y a plus a douter de la distinction de la portion superieure et inferieure de l'ame; car, qui ne sçait, entre les theologiens, qu'il fut parfaittement glorieux des l'instant de sa conception au ventre de la Vierge? et neanmoins il fut a mesme tems sujet aux tristesses, regretz et afflictions de cœur.

  A004000277 

 Il y avoit trois parvis au Temple de Salomon: l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le second estoit pour les Israëlites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour l'ordre Levitique; et en fin, outre tout cela, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle l e seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A004000277 

 «Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu..

  A004000278 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor la lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dedans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de la clarté que l'ouverture de la porte rendoit; et toute la veüe qui se fait en la supreme pointe de l'ame est en certaine façon obscurcie et couverte par les renoncemens et resignations que l'ame fait, ne voulant pas tant regarder et voir la beauté de la verité et la verité de la bonté qui luy est presentee, qu'elle veut l'embrasser et l'adorer: de sorte que l'ame voudroit presque fermer les yeux, soudain qu'elle a commencé a. voir la dignité de la volonté de Dieu, affin que, sans s'occuper davantage a la considerer, elle peust plus puissamment et parfaitement l'accepter et, par une complaysance absolue, s'unir infiniment et se sous-mettre a elle..

  A004000279 

 Car, encor que la fov, l'esperance et la charité respandent leur divin mouvement presque en toutes les facultés de l'ame, tant raysonnables que sensitives, les reduisant et assujettissant saintement sous leur juste authorité, si est ce que leur speciale demeure, leur vray et naturel sejour, est en cette supreme pointe de l'ame, des laquelle, comme une heureuse source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur les parties et facultés inferieures..

  A004000279 

 Enfin, au Sanctuaire estoit l'Arche de l'alliance, et en icelle, ou au moins joignant icelle, estoyent les tables de la Loy, la manne dans une cruche d'or, et la verge d'Aaron qui fleurit et fructifia en une nuit; et en cette supreme pointe de l'esprit se treuvent: 1.

  A004000280 

 De sorte, Theotime, qu'en la partie superieure de la rayson il y a deux degrés; en l'un desquelz se font les discours qui dependent de la foy et lumiere surnaturelle, et en l'autre se font les simples acquiescemens de la foy, de l'esperance et de la charité.

  A004000281 

 Mais si la foy, l'esperance et la charité se forment par ce saint acquiescement en la pointe de l'esprit, comment est-ce qu'au degré inferieur se peuvent faire les discours qui dependent de la lumiere de la foy? Ainsy que nous voyons que les advocatz au barreau [69] disputent avec beaucoup de discours sur les faitz et droitz des parties, et que le Parlement ou Senat resoult d'en haut toutes les difficultés par un arrest, lequel estant prononcé, les advocatz et auditeurs ne laissent pas de discourir entr'eux sur les motifs que le Parlement peut avoir eu, de mesme, Theotime, apres que les discours, et sur tout la grace de Dieu, ont persuadé a la pointe et supreme eminence de l'esprit d'acquiescer et former l'acte de la foy par maniere d'arrest, l'entendement ne laisse pas de discourir derechef sur cette mesme foy ja conceue, pour considerer les motifs et raysons d'icelle; mais cependant, les discours de theologie se font au parquet et barreau de la portion superieure de l'ame, et les acquiescemens, en haut, au siege et tribunal de la pointe de l'esprit.

  A004000281 

 Or, par ce que la connoissance de ces quatre divers degrés de la rayson est grandement requise pour entendre tous les traittés des choses spirituelles, j'ay voulu l'expliquer asses amplement..

  A004000287 

 Or, la mutuelle correspondance consiste en trois pointz: car il faut que les amis s'entr'ayment, sachent qu'ilz s'entrayment, et qu'ilz ayent communication, privauté et familiarité ensemble..

  A004000290 

 Et de fait, en nostre langage mesme, les motz de cher, cherement, encherir, representent une certaine estime, un prix, une valeur particuliere; de sorte que, comme le mot d'homme parmi le peuple est presque demeuré aux masles, comme au sexe plus excellent, et celuy d'adoration est aussi presque demeuré pour Dieu, comme pour son principal object, ainsy le nom de charité est demeuré a l'amour de Dieu, comme a la supreme et souveraine dilection..

  A004000290 

 Que si l'estime et preference que nous faysons de l'ami, quoy qu'elle soit grande et n'en ait point d'egale, ne laisse pas neanmoins de pouvoir entrer en comparayson et proportion avec les autres, l'amitié s'appellera dilection eminente.

  A004000294 

 Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu.

  A004000298 

 Si tost que l'homme pense un peu attentivement a la Divinité, il sent une certaine douce émotion de cœur, qui tesmoigne que Dieu est Dieu du cœur humain; et jamais nostre entendement n'a tant de playsir qu'en cette pensee de la Divinité, de laquelle la moindre connoissance, comme dit le prince des philosophes, vaut mieux que la plus grande des autres choses, comme le moindre rayon du soleil est plus clair que le plus grand de la lune ou des estoiles, ains est plus lumineux que la lune et les estoiles ensemble.

  A004000301 

 Les meres ont quelquefois leurs mammelles si fecondes et abondantes, qu'elles ne peuvent durer sans les bailler a [75] quelqu'enfant; et bien que l'enfant succe le tetin avec grande avidité, la nourrice le luy donne encor plus ardemment; l'enfant tettant, pressé de sa necessité, et la mere l'allaitant, pressee de sa fecondité..

  A004000301 

 Or, ou il y a plus de bonheur, il y a plus de satisfaction; la divine Bonté a donq plus de playsir a donner ses grâces que nous a les recevoir.

  A004000302 

 Le vin nouveau bouillonne et s'eschauffe en soy mesme par la force de sa bonté, et ne se peut contenir dans les tonneaux, mais vos mammelles sont encores meilleures, elles pressent vostre poitrine par des eslans continuelz, poussant leur laict qui redonde, comme requerant d'estre deschargees: et pour attirer les enfans de vostre cœur a les venir tetter, elles respandent une odeur attrayante plus que toutes les senteurs des parfums.

  A004000307 

 Mays quant a l'amour sur toutes choses qui seroit prattiqué selon ce secours, il seroit appellé naturel, d'autant que les actions vertueuses prennent leur nom de leurs objectz et motifs, et cet amour dont nous parlons tendroit seulement a Dieu, selon qu'il est reconneu Autheur, Seigneur et souveraine fin de toute creature par la seule lumiere naturelle, et par consequent aymable et estimable sur toutes choses par inclination et propension naturelle..

  A004000307 

 S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee.

  A004000309 

 Entre les perdrix il arrive souvent que les unes desrobbent les œufs des autres affin de les couver, [78] soit pour l'avidité qu'elles ont d'estre meres, soit pour leur stupidité qui leur fait mesconnoistre leurs œufs propres.

  A004000309 

 Et voyci chose estrange, mais neanmoins bien tesmoignee, car le perdreau qui aura esté esclos et nourri sous les aysles d'une perdrix estrangere, au premier reclam qu'il oyt de sa vraye mere qui avoit pondu l'œuf duquel il est procedé, il quitte la perdrix larronnesse, se rend a sa premiere mere et se met a sa suite, par la correspondance qu'il a avec sa premiere origine; correspondance toutefois qui ne paroissoit point, ains fut demeuree secrette, cachee et comme dormante au fond de la nature, jusques a la rencontre de son object, que soudain excitee, et comme resveillee, elle fait son coup, et pousse l'appetit du perdreau a son premier devoir.

  A004000309 

 Il en est de mesme, Theotime, de nostre cœur; car quoy qu'il soit couvé, nourri et eslevé emmi les choses corporelles, basses et transitoires, et, par maniere de dire, sous les aysles de la nature, neanmoins, au premier regard qu'il jette en Dieu, a la premiere connoissance qu'il en reçoit, la naturelle et premiere inclination d'aymer Dieu, qui estoit comme assoupie et imperceptible, se resveille en un instant, et a l'improuveu paroist, comme une estincelle qui sort d'entre les cendres, laquelle touchant nostre volonté, luy donne un eslan de l'amour supreme deu au souverain et premier Principe de toutes choses.

  A004000313 

 Helas, Theotime, quelz beaux tesmoignages, non seulement d'une grande connoissance de Dieu, mays aussi d'une forte inclination envers iceluy, ont esté laissés par ces grans philosophes, Socrate, Platon, Trismegiste, Aristote, Hippocrate, Seneque, Epictete! Socrate, le plus loüé d'entr'eux, connoissoit clairement l'unité de Dieu, et avoit tant d'inclination a l'aymer que, comme saint Augustin tesmoigne, plusieurs ont estimé qu'il n'enseigna jamais la philosophie morale pour autre occasion que pour espurer les espritz, affin qu'ilz peussent mieux contempler le souverain bien qui est la tres unique Divinité.

  A004000313 

 Les aigles ont un grand cœur et beaucoup de force a voler; elles ont neanmoins incomparablement plus de veüe que de vol, et estendent beaucoup plus viste et plus loin leur regard que leurs aysles.

  A004000314 

 Ilz l'ont certes aucunement glorifié, luy donnant des souverains filtres d'honneur, mays ilz ne l'ont pas glorifié comme il le falloit glorifier, c'est a dire ilz ne l'ont pas glorifié sur toutes choses; n'ayans pas eu le courage de ruiner l'idolatrie, ains communiquans avec les idolatres, retenans la verité qu'ilz connoissoient, en injustice, prisonniere dedans leurs cœurs, et preferans l'honneur et le vain repos de leurs vies a l'honneur qu'ilz devoient a Dieu, ilz se sont esvanouis en leurs discours..

  A004000314 

 Par les creatures visibles ilz ont conneu les choses invisibles de Dieu, voire mesme son eternelle vertu et Divinité, dit le grand Apostre; de sorte qu'ilz sont inexcusables, d'autant qu'ayans conneu Dieu, il z ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ni ne luy ont pas fait action de graces.

  A004000316 

 Car quelle compassion, je vous prie, de voir cet excellent philosophe parler parfois de Dieu avec tant de goust, de sentiment et de zele, qu'on le prendroit pour un Chrestien sortant de quelque sainte et profonde meditation, et neanmoins ailleurs, d'occasion en occasion, mentionner les dieux a la payenne? Hé, ce bon homme, qui connoissoit si bien l'unité divine et avoit tant de goust de la bonté d'icelle, pourquoy n'a-il pas eu la sainte jalousie de l'honneur divin, affin de ne point gauchir ni dissimuler en un sujet de si grande importance?.

  A004000316 

 Mais sur tout j'admire le pauvre bon homme Epictete, duquel les propos et sentences sont si douces a lire en nostre langue, par la traduction que la docte et belle plume du Reverend Pere Dom Jean de Saint François, [81] Provincial de la congregation des Feuillans es Gaules, a depuis peu exposee a nos yeux.

  A004000317 

 Car ainsy nostre cœur humain produit bien naturellement certains commencemens d'amour envers Dieu, mais d'en venir jusques a l'aymer sur toutes choses, qui est la vraye maturité de l'amour deu a cette supreme Bonté, cela n'appartient qu'aux cœurs animés et assistés de la grace celeste et qui sont en l'estat de la sainte charité; et ce petit amour imparfait, duquel la nature en elle mesme sent les eslans, ce n'est qu'un certain vouloir sans vouloir, un vouloir qui voudrait mais qui ne veut pas, un vouloir sterile qui ne produit point de vrays effectz, un vouloir paralytique qui void la piscine salutaire du saint amour mais qui n'a pas la force de s'y jetter; et en fin, ce vouloir est un avorton de la bonne volonté, qui n'a pas la vie de la genereuse vigueur [82] requise pour en effect preferer Dieu a toutes choses: dont l'Apostre, parlant en la personne du pecheur, s'escrie: Le vouloir est bien en moy, mais je ne treuve pas le moyen de l'accomplir..

  A004000317 

 En somme, Theotime, nostre chetifve nature, navree par le peché, fait comme les palmiers que nous avons de deça, qui font voirement certaines productions imparfaittes et comme des essais de leurs fruitz, mais de porter des dattes entieres, meures et assaisonnees, cela est reservé pour des contrees plus chaudes.

  A004000321 

 Mais si nous ne pouvons pas naturellement aymer Dieu sur toutes choses, pourquoy donq avons-nous naturellement inclination a cela? la nature est-elle pas vaine de nous inciter a un amour qu'elle ne nous peut donner? pourquoy nous donne-elle la soif d'une eau si pretieuse, puisqu'elle ne peut nous en abbreuver? Ha, Theotime, que Dieu nous a esté bon! La perfidie que nous avions commise en l'offençant meritoit certes qu'il nous privast de toutes les marques de sa bienveuillance, et de la faveur qu'il avoit exercee envers nostre nature, Ihors qu'il imprima sur elle la lumiere de son divin visage et qu'il donna a nos cœurs l'allegresse de se sentir enclins a l'amour de la divine Bonté, affin que les Anges, voyans ce miserable homme, eussent occasion de dire par compassion: Est-ce la, la creature de parfaite beauté, l'honneur de toute la terre?.

  A004000322 

 Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus..

  A004000323 

 Tout de mesme que les cerfz ausquelz les grans princes font quelquefois mettre des colliers avec leurs armoiries, bien que par apres ilz les font lascher et mettre en liberté dans les forestz, ne laissent pas d'estre reconneus par quicomque les rencontre, non seulement pour avoir une fois esté pris par le prince duquel ilz portent les armes, mays aussi pour luy estre encor reservés: car ainsy conneut-on l'extreme viellesse d'un cerf qui fut rencontré, comme quelques historiens disent, trois cens ans apres la mort de Cesar, parce qu on luy treuva un collier ou estoit la devise de Cesar, et ces motz: Cesar m'a lasché.

  A004000333 

 Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait..

  A004000333 

 Mais cependant, en Dieu il n'y a ni varieté ni difference quelcomque de perfections, ains il est luy mesme une tres seule, tres simple et tres uniquement unique perfection; car tout ce qui est en luy n'est que luy mesme, et toutes les excellences que nous disons estre en luy en une si grande diversité, elles y sont en une tres simple et tres pure unité.

  A004000333 

 Si nous le regardons entant qu'il punit les meschans, nous le nommons juste; entant qu'il delivre le pecheur de sa misere, nous le preschons misericordieux; entant qu'il a creé toutes choses et fait plusieurs miracles, nous l'appelions tout puissant; entant qu'il prattique exactement ses promesses, nous le publions veritable; entant qu'il fait toutes choses en si bel ordre, nous l'appelions tout sage; et ainsy consecutivement, selon la varieté de ses oeuvres, nous luy attribuons une grande diversité de perfections.

  A004000334 

 Et pour cela, Dieu respondant par l'Ange au pere de Samson, qui luy demandoit son nom: [88] Pourquoy demandes-tu mon nom, dit-il, qui est admirable? comme s'il vouloit dire: Mon nom peut estre admiré, mais non pas prononcé par les creatures; il doit estre adoré, mais il ne peut estre compris que par moy, qui seul sçay proferer le propre nom par lequel au vray et naifvement j'exprime mon excellence.

  A004000334 

 Or, de nommer parfaitement cette supreme excellence, laquelle en sa tres singuliere unité comprend, ains surmonte toutes excellences, cela n'est pas au pouvoir de la creature, ni humaine ni angelique: car, comme il est dit en l'Apocalypse, Nostre Seigneur a un nom que personne ne sçait que luy mesme, parce que luy seul connoissant parfaitement son infinie perfection, luy seul aussi la peut exprimer par un nom proportionné; dont les Anciens ont dit que nul n'estoit vray theologien que Dieu, d'autant que nul ne peut connoistre totalement la grandeur infinie de la perfection divine, ni par consequent la representer par paroles, sinon luy mesme.

  A004000335 

 Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble.

  A004000336 

 Mays pourtant, que tout esprit loüe le Seigneur, le nommant de tous les noms les plus eminens qui se pourront treuver; et pour la plus grande loüange que nous luy puissions rendre, confessons que jamais il ne peut estre asses loüé, et pour le plus excellent nom que nous luy puissions attribuer, protestons que son nom est sur tout nom, et que nous ne pouvons le dignement nommer..

  A004000340 

 Car ainsy sont diverses les facultés de voir, d'ouïr, de gouster, toucher, se mouvoir, se nourrir, entendre, vouloir, et les habitudes de parler, marcher, jouer, chanter, coudre, sauter, nager; comme aussi les actions et les œuvres qui proviennent de ces facultés et habitudes, sont grandement differentes..

  A004000341 

 Et neanmoins, chetifves creatures que nous sommes, nous parlons des actions de Dieu comme s'il en faysoit tous les jours grande quantité et en grande varieté, bien que nous sachions le contraire.

  A004000341 

 Et si, en cela nous n'offençons pas la verité; car encor qu'en Dieu il n'y ait pas multitude d'actions, ains un seul acte qui est la Divinité mesme, cet acte toutefois est si parfait, qu'il comprend excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleroyent estre requis pour toute la diversité des effectz que nous voyons..

  A004000341 

 Mays nous sommes forcés a cela, Theotime, par nostre imbecillité; car nous ne savons parler sinon selon que nous entendons, et nous entendons selon que les choses ont accoustumé de se passer parmi nous: or, d'autant qu'es choses naturelles il ne se fait presque point de diversité d'ouvrages que par diversité d'actions, quand nous voyons tant de besoignes differentes, une si grande varieté de productions, et cette multitude innumerable des exploitz de la puissance divine, il nous semble d'abord que cette diversité se fait par autant d'actes que nous voyons de differens effectz, et nous en parlons tout de mesme, pour parler plus a nostre ayse, selon nostre prattique ordinaire et la coustume que nous avons d'entendre les choses.

  A004000347 

 Cette parole donques, Theotime, estant tres simple et tres unique, produit toute la distinction des choses; estant invariable, produit tous les bons changemens, et en fin, estant permanente en son eternité, elle donne succession, vicissitude, ordre, rang et sayson a toutes choses..

  A004000347 

 Un seul mot de Dieu remplit l'air d'oyseaux et la mer [91] de poissons, fit esclorre de la terre toutes les plantes et tous les animaux que nous y voyons.

  A004000348 

 Ainsy, Theotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes a mesure que ses besoignes sont differentes, et luy faut un grand tems pour faire des grans effectz; mais Dieu, comme l'imprimeur, a donné l'estre a toute la diversité des creatures qui ont esté, sont et seront, par un seul trait de sa toute puissante volonté, tirant de son idee, comme de dessus une planche bien taillee, cette admirable différence de personnes et d'autres choses qui s'entresuivent es saysons, es aages, es siecles, chacune en son ordre, selon qu'elles devoyent estre: cette souveraine unité de l'acte divin estant opposee a la confusion et au desordre, et non a la distinction ou varieté, qu'elle employe, au contraire, pour en composer la beauté, reduisant toutes les differences et diversités a la proportion, et la proportion a l'ordre, et l'ordre a l'unité du monde, qui comprend toutes choses creées tant visibles qu'invisibles; lesquelles toutes ensemble s'appellent univers, peut estre parce que toute leur diversité se reduit en unité, comme qui diroit unidivers, c'est a dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité..

  A004000349 

 En signe dequoy, l'Escriture nous ayant rapporté que Dieu au commencement dit: Soyent faitz les luminaires au firmament du ciel, et qu'ilz separent le jour de la nuit, et qu'ilz soyent en signes, en tems, et jours et annees, nous voyons encor maintenant cette perpetuelle revolution et entresuite de tems et de saysons qui durera jusques [93] a la fin du monde, pour nous apprendre que, comme.

  A004000349 

 En somme, la souveraine unité divine diversifie tout, et sa permanente eternité donne vicissitude a toutes choses, parce que la perfection de cette unité estant sur toute difference et varieté, elle a dequoy fournir l'estre a toute la diversité des perfections creées, et a la force de les produire.

  A004000359 

 Ce grand Roy donq, sçachant par l'inspiration celeste que la republique tient a la religion comme le cors a l'ame, et la religion a la republique comme l'ame au cors, il disposa a part soy de toutes les parties requises tant a l'establissement de la religion qu'a celuy de la republique.

  A004000359 

 Puis, pour l'asseurance du royaume et l'affermissement du repos public dont il jouissoit, il disposa d'avoir emmi la paix un puissant appareil de guerre, et a ces fins, deux cens cinquante chefz en diverses charges, quarante mille chevaux, et tout ce grand attelage que l'Escriture et les historiens tesmoignent..

  A004000360 

 Mais il ne s'arresta pas la, Theotime; car apres avoir fait son projet et deliberé en soy mesme des moyens propres pour en venir a bout, venant a la prattique, il crea tous les officiers selon qu'il avoit disposé, et, par un bon gouvernement, il fit faire toutes les provisions requises a leur entretenement et a l'execution de leurs charges: de sorte qu'ayant la connoissance de l'art de bien regner, il executa la disposition qu'il avoit fait a [95] part soy pour la creation de divers officiers, et mit en effect sa providence par le bon gouvernement dont il usa; et par ainsy, son art de regner, qui consistoit en la disposition et en la providence ou prouvoyance, fut prattiqué par la creation des officiers et par le gouvernement et bonne conduite.

  A004000360 

 Or, ayant ainsy disposé et fait estat a part soy de toutes les parties principales requises a son royaume, il vint a l'acte de la providence, et fit conte en son esprit de tout ce qui estoit requis pour edifier le Temple, pour entretenir les officiers sacrés, les ministres et magistratz royaux et les gens de guerre dont il avoit fait le projet; et se resolut d'envoyer a Hiram pour avoir les bois necessaires, de faire commerce au Peru, en Ophir, et, en somme, de prendre tous les moyens convenables pour avoir toutes les choses requises pour l'entretenement et bonne conduite de son entreprise.

  A004000361 

 Or maintenant, Theotime, parlans des choses divines selon l'impression que nous avons prise en la consideration des choses humaines, nous disons que Dieu ayant eu une eternelle et tres parfaite connoissance de l'art de faire le monde pour sa gloire, il disposa avant toutes choses en son divin entendement toutes les pieces principales de l'univers qui pouvoient luy rendre de l'honneur, c'est a dire la nature angelique et la nature humaine; et en la nature angelique, la varieté des hierarchies et des ordres que l'Escriture Sainte et les sacrés Docteurs nous enseignent; comme aussi entre les hommes, il disposa qu'il y auroit cette grande diversité que nous y voyons.

  A004000361 

 Puis, en cette mesme eternité, il prouveut et fît estat a part soy de tous les moyens requis aux hommes et aux Anges pour parvenir a la fin a laquelle il les avoit destinés, et fit ainsy l'acte de sa providence; et sans s'arrester la, pour effectuer sa disposition il a reellement creé les Anges et les hommes, et pour effectuer sa providence il a fourni et fournit par son gouvernement tout ce qui est necessaire aux creatures raysonnables pour parvenir a la gloire: si que, pour le dire en un mot, la providence souveraine n'est autre chose que l'acte par lequel Dieu veut fournir [96] aux hommes et aux Anges les moyens necessaires ou utiles pour parvenir a leur fin.

  A004000362 

 Dieu donques voulant prouvoir l'homme des moyens naturelz qui luy sont requis pour rendre gloire a sa divine Bonté, il a produit en faveur d'iceluy tous les autres animaux et les plantes; et pour prouvoir aux autres animaux et aux plantes, il a produit varieté de terroirs, de saysons, de fontaines, de vens, de pluyes; et tant pour l'homme que pour les autres choses qui luy appartiennent, il a creé les elemens, le ciel et les astres, establissant par un ordre admirable que presque toutes les creatures servent les unes aux autres reciproquement: les chevaux nous portent, et nous les pansons; les brebis nous nourrissent et vestent, et nous les paissons; la terre envoye des vapeurs a l'air, et l'air des pluyes a la terre; la main sert au pied, et le pied porte la main.

  A004000362 

 O, qui verroit ce commerce et traffiq general que les creatures font ensemble avec une si grande correspondance, de combien de passions amoureuses seroit-il esmeu envers cette souveraine Sagesse, pour s'escrier: Vostre Providence, o grand Pere eternel, gouverne toutes choses! Saint Basile et saint Ambroise en leurs Exhamerons, le bon Louys de Grenade en son Introduction au Symbole, et Louis Richeome en plusieurs de ses beaux opuscules, donneront beaucoup de motifs aux ames bien nees pour prouffiter en ce sujet..

  A004000363 

 Il y a toutefois, certes, des cas fortuitz et des accidens inopinés; mays [97] ilz ne sont ni fortuitz ni inopinés qu'a nous, et sont sans doute tres certains a la Providence celeste, qui les prevoit et les destine au bien public de l'univers.

  A004000363 

 Or, ces cas fortuitz se font par la concurrence de plusieurs causes, lesquelles, n'ayans point de naturelle alliance les unes aux autres, produisent une chacune son effect particulier, en telle sorte neanmoins que de leur rencontre reuscit un autre effect d'autre nature, auquel, sans qu'on l'ait peu prevoir, toutes ces causes differentes ont contribué.

  A004000364 

 Les adventures de l'ancien Joseph furent admirables en varieté et en passages d'une extremité a l'autre: ses freres qui l'avoyent vendu pour le perdre, furent tout estonnés de le voir devenu vice-roy, et apprehendoyent infiniment qu'il ne se ressentist du tort qu'ilz luy avoyent fait: Mais non, leur dit-il, ce n'est pas tant par vos menees que je suis envoyé ici, comme par la Providence divine; vous avés eu des mauvais desseins sur moy, mais Dieu les a reduitz a bien.

  A004000364 

 Voyes vous, Theotime, le monde eust appelle fortune [98] ou evenement fortuit ce que Joseph dit estre un projet de la Providence souveraine, qui range et reduit toutes choses a son service; et il en est ainsy de tout ce qui se passe au monde, et mesme des monstres, la naissance desquelz rend les œuvres accomplies et parfaittes plus estimables, produit de l'admiration et provoque a philosopher et faire plusieurs bonnes pensees, et, en somme, ilz tiennent lieu en l'univers comme les ombres es tableaux, qui donnent grace et semblent relever la peinture..

  A004000369 

 Dieu conneut eternellement qu'il pouvoit faire une quantité innumerable de creatures, en diverses perfections et qualités, ausquelles il se pourroit communiquer; et considerant qu'entre toutes les façons de se communiquer il n'y avoit rien de si excellent que de se joindre a quelque nature creée, en telle sorte que la creature fust comme entee et inseree en la Divinité, pour ne faire avec elle qu'une seule personne, son infinie bonté, qui de soy mesme et par soy mesme est portee a la communication, se resolut et determina d'en faire une de cette maniere; affin que, comme eternellement il y a une communication essentielle en Dieu, par laquelle le Pere communique toute son infinie et [99] indivisible Divinité au Filz en le produisant, et le Pere et le Filz ensemble, produisans le Saint Esprit luy communiquent aussi leur propre unique Divinité, de mesme cette souveraine Douceur fust aussi communiquee si parfaittement hors de soy a une creature, que la nature creée et la Divinité, gardant une chacune leurs proprietés, fussent neanmoins tellement unies ensemble qu'elles ne fussent qu'une mesme personne..

  A004000370 

 Et parce que Dieu vit qu'il pouvoit faire en plusieurs façons l'humanité de son Filz en le rendant vray homme, comme, par exemple, la creant de rien, non seulement quant a l'ame mays aussi quant au cors, ou bien formant le cors de quelque matiere precedente, comme il fit celuy d'Adam et d'Eve, ou bien par voye de generation ordinaire d'homme et de femme, ou bien en fin par generation extraordinaire d'une femme sans homme, il delibera que la chose se feroit en cette derniere façon; et entre toutes les femmes qu'il pouvoit choisir a cette intention, il esleut la tressainte Vierge Nostre Dame, par l'entremise de laquelle le Sauveur de nos ames seroit non seulement homme, mais enfant du genre humain..

  A004000370 

 Or, entre toutes les creatures que cette souveraine toute puissance pouvoit produire, elle treuva bon de choisir la mesme humanité que du despuis par effect fut jointe a la Personne de Dieu le Filz, a laquelle elle destina cet honneur incomparable de l'union personnelle a sa divine Majesté, affin qu'eternellement elle jouist par excellence des thresors de sa gloire infinie.

  A004000370 

 Puis, ayant ainsy preferé pour ce bonheur l'humanité sacree de nostre Sauveur, la supreme Providence disposa de ne point retenir sa bonté en la seule Personne de ce Filz bienaymé, ains de la respandre en sa faveur sur plusieurs autres creatures; et sur le gros de cette innumerable quantité de choses qu'elle pouvoit produire, elle fit choix de creer les hommes et les Anges, comme pour tenir compaignie a son Filz, participer a ses graces et a sa gloire, et l'adorer et louer eternellement.

  A004000371 

 Outre cela, la sacree Providence determina de produire [100] tout le reste des choses, tant naturelles que surnaturelles, en faveur du Sauveur, affin que les Anges et les hommes peussent en le servant participer a sa gloire; en suite dequoy, bien que Dieu voulut creer tant les Anges que les hommes avec le franc-arbitre, libres d'une vraye liberté pour choisir le bien et le mal, si est-ce neanmoins que, pour tesmoigner que de la part de la Bonté divine ilz estoyent dediéz au bien et a la gloire, elle les crea tous en justice originelle, laquelle n'estoit autre chose qu'un amour tres suave qui les disposoit, contournoit et acheminoit a la felicité eternelle..

  A004000374 

 Mais affïn que la douceur de sa misericorde fust ornee de la beauté de sa justice, il delibera de sauver l'homme par voÿe de redemption rigoureuse, laquelle ne se pouvant bien faire que par son Filz, il establit qu'iceluy rachetteroit les hommes, non seulement par une de ses actions amoureuses qui eust esté plus que tres suffisante a rachetter mille millions de mondes, mais encor par toutes les innumerables actions amoureuses et passions douloreuses qu'il feroit et souffriroit, jusques a la mort et la mort de la croix, a laquelle il le destina, voulant qu'ainsy il se rendist compaignon de nos miseres, pour nous rendre par apres compaignons de sa gloire.

  A004000374 

 Monstrant en cette sorte les richesses de sa bonté, par cette redemption copieuse, abondante, surabondante, magnifique et excessive, laquelle nous a acquis et comme reconquesté tous les moyens necessaires pour parvenir à la gloire, de sorte que personne ne puisse jamais se douloir comme si la misericorde divine manquoit a quelqu'un..

  A004000378 

 Estant donq ainsy, que toute volonté bien disposee qui se determine de vouloir plusieurs objectz esgalement presens, ayme mieux, et avant tous, celuy qui est le plus aymable, il s'ensuit que la souveraine Providence faisant son eternel projet et dessein de tout ce qu'elle produiroit, elle voulut premierement et ayma, par une preference d'excellence, le plus aymable object de son amour, qui est nostre Sauveur; et puis, par ordre, les autres creatures, selon que plus ou moins elles appartiennent au service, honneur et gloire d'iceluy..

  A004000379 

 Ainsy le grand Sauveur fut le premier en l'intention divine et en ce projet eternel que la divine Providence fit de la production des creatures: et en contemplation de ce fruict desirable fut plantee la vigne de l'univers et establie la succession de plusieurs generations, qui, a guise de feuilles et de fleurs, le devoyent preceder, comme avant coureurs et preparatifz convenables a la production de ce raisin que l'Espouse sacree loue tant es Cantiques, et la liqueur duquel res-jouit Dieu et les hommes..

  A004000379 

 Ainsy tout a esté fait pour ce divin homme, qui pour cela est appellé aisné de toute creature, possédé par la divine Majesté au commencement des voÿes d'icelle, avant qu'elle fit chose quelconque, creé au commencement, avant les siecles: car en luy toutes choses sont faittes, et il est avant tous, et toutes choses sont establies en luy, et il est chef de toute l'Eglise, tenant en tout et par tout la primauté.

  A004000379 

 On ne plante principalement la vigne que pour le fruict; et partant, le fruict est le premier desiré et pretendu, quoy que les feuilles et les fleurs precedent en la production.

  A004000380 

 Mays donq maintenant, mon Theotime, qui doutera de l'abondance des moyens du salut, puisque nous avons un si grand Sauveur, en consideration duquel nous avons esté faitz, et par les merites duquel nous avons esté rachetés? Car il est mort pour tous, parce [103] que tous estoyent mortz; et sa misericorde a esté plus salutaire pour racheter la race des hommes, que la misere d'Adam n'avoit esté veneneuse pour la perdre.

  A004000381 

 Car encor que la divine Providence ait laissé en l'homme des grandes marques de sa severité parmi la grace mesme de sa misericorde, comme par exemple, la necessité de mourir, les maladies, les travaux, la rebellion de la sensualité, si est-ce que la faveur celeste surnageant a tout cela, prend playsir de convertir toutes ces miseres au plus grand prouffit de ceux qui l'ayment, faysant naistre la patience sur les travaux, le mespris du monde sur la necessité de mourir, et mille victoires sur la concupiscence: et comme l'arc-en-ciel touchant l'espine aspalatus la rend plus odorante que les lys, aussi la redemption de Nostre Seigneur touchant nos miseres, elle les rend plus utiles et aymables que n'eust jamais esté l'innocence originelle.

  A004000381 

 Les Anges ont plus de joye au Ciel, dit le Sauveur, sur un pecheur penitent, que sur nonante neuf justes, qui [104] n'ont pas besoin de penitence: et de mesme, l'estat de la redemption vaut cent fois mieux que celuy de l'innocence.

  A004000385 

 Dieu, certes, monstre admirablement la richesse incomprehensible de son pouvoir, en cette si grande varieté de choses que nous voyons en la nature, mays il fait encor plus magnifiquement paroistre les thresors infinis de sa bonté, en la difference non pareille des biens que nous reconnoissons en la grace.

  A004000387 

 Aussi proteste-il qu'entre toutes les creatures raysonnables qu'il a choisies, cette Mere est son unique colombe, sa toute parfaite, sa toute chere Bien-aymee, hors de tout parangon et de toute comparayson.

  A004000387 

 De cette maniere donques, Dieu destourna de sa glorieuse Mere toute captivité, luy donnant le bonheur des deux estatz de la nature humaine, puisqu'elle eut l'innocence que le premier Adam avoit perdue, et jouît excellemment de la redemption que le second luy acquit; en suite dequoy, comme un jardin d'eslite qui devoit porter le fruit de vie, elle fut rendue florissante en toutes sortes de perfections, ce Filz de l'amour eternel ayant ainsy paré sa Mere de robbe d'or, recamee en belle varieté, affin qu'elle fust la Reyne de sa dextre, c'est a dire la premiere de tous les esleuz, qui jouiroit des delices de la dextre divine.

  A004000387 

 Dieu disposa aussi d'autres faveurs pour un petit nombre de rares creatures qu'il vouloit mettre hors du danger de la damnation, comme il est certain de saint Jean Baptiste, et tres probable de Hieremie et de quelques autres, que la divine Providence alla saisir dans le ventre de leur mere, et des Ihors les establit en la perpetuité de sa grace affin qu'ilz demeurassent fermes en son amour, bien que sujetz aux retardemens et pechés venielz, qui sont contraires a la perfection de l'amour et non a l'amour mesme.

  A004000387 

 Et ces ames, en comparayson des autres, sont comme des reynes, tous-jours couronnees de charité, qui tiennent le rang principal en l'amour du Sauveur, apres sa Mere, laquelle est la Reyne des reynes; Reyne, non seulement couronnee d'amour, mays de la perfection de l'amour, et, qui plus est, couronnee de son Filz propre qui est le souverain object de l'amour, puisque les enfans sont la couronne de leurs peres et meres..

  A004000387 

 Redemption admirable, chef d'œuvre du Redempteur et la premiere de toutes les redemptions, par laquelle le Filz, d'un coeur vrayement [106] filial, prevenant sa Mere es benedictions de douceur, il la preserve non seulement du peché, comme les Anges, mais aussi de tout peril de peché et de tous les divertissemens et retardemens de l'exercice du saint amour.

  A004000388 

 Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy..

  A004000392 

 Mays apres cela, cette souveraine Bonté respandit une abondance de graces et benedictions sur toute la race des hommes et la nature des Anges, de laquelle tous ont esté arrousés comme d'une pluye qui tombe sur les bons et les mauvais; tous ont esté esclairés comme d'une [108] lumiere qui illumine tout homme venant en ce monde; tous ont receu leur part, comme d'une semence qui tombe non seulement sur la bonne terre, mays emmi les chemins, entre les espines et sur les pierres; affin que tous fussent inexcusables devant le Redempteur, s'ilz n'employent cette tres abondante redemption pour leur salut..

  A004000393 

 Mais pourtant, Theotime, quoy que cette tres abondante suffisance de graces soit ainsi versee sur toute la nature humaine, et qu'en cela nous soyons tous esgaux qu'une riche abondance de benedictions nous est offerte a tous, si est-ce neanmoins que la varieté de ces faveurs est si grande, qu'on ne peut dire qui est plus admirable, ou la grandeur de toutes les graces en une si grande diversité, ou la diversité en tant de grandeurs.

  A004000393 

 Qui ne void qu'entre les Chrestiens les moyens du salut sont plus grans et puissans qu'entre les barbares, et que parmi les Chrestiens il y a des peuples et des villes ou les pasteurs sont plus fructueux et capables? Or, de nier que ces moyens exterieurs ne sovent pas des faveurs de la Providence divine, ou de revoquer en doute qu'ilz ne contribuent pas au salut et a la perfection des ames, ce seroit estre ingrat envers la Bonté celeste, et desmentir la veritable experience qui nous fait voir que, pour l'ordinaire, ou ces moyens exterieurs abondent, les interieurs ont plus d'effect et reussissent mieux..

  A004000394 

 Aussi nostre Sauveur compare sa grace aux perles, lesquelles, comme dit Pline, s'appellent autrement unions, parce qu'elles sont tellement uniques une chacune en ses qualités, qu'il ne s'en treuve jamais deux qui soyent parfaitement pareilles; et comme une estoile est differente de l'autre en clarté, ainsy seront differens les hommes les uns des autres en la gloire, signe evident qu'ilz l'auront esté en la grace.

  A004000394 

 Et bien que, quant aux hommes, la grace ne soit pas donnee selon leurs conditions naturelles, toutefois la divine Douceur, prenant playsir et, par maniere de dire, s'esgayant en la production des graces, elle les diversifie en infinies façons, affin que de cette varieté se fasse le bel esmail de sa redemption et misericorde; dont l'Eglise chante en la feste de chasque Confesseur Evesque: Il ne s'en est point treuvé de semblable a luy.

  A004000394 

 Les Anges, comme le grand saint Augustin et saint Thomas asseurent, receurent la grace selon la varieté de leurs conditions naturelles: or, ilz sont tous, ou de differente espece, ou au moins de diverses conditions, puisqu'ilz sont distingués les [109] uns des autres; donques, autant qu'il y a d'Anges, il y a aussi de graces differentes.

  A004000395 

 Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoy la supreme Sagesse a departi une grace a l'un plustost qu'a l'autre, ni pourquoy il fait abonder ses faveurs en un endroit plustost qu'en l'autre: non, Theotime, n'entrés jamais en cette curiosité; car ayans tous suffisamment, ains abondamment, ce qui est requis pour le salut, quelle rayson peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait a Dieu de departir ses graces plus largement aux uns qu'aux autres? Si quelqu'un s'enqueroit pourquoy Dieu a fait les melons plus gros que les frayses, ou les lys plus grans que les violettes, pourquoy le romarin n'est pas une rose, ou pourquoy l'œillet n'est pas un soucy, pourquoy le paon [110] est plus beau qu'une chauvesouris, ou pourquoy la figue est douce et le citron aigrelet, on se moqueroit de ses demandes et on luy diroit: pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la varieté, il faut qu'il y ait des differentes et inegales perfections es choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoy les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles.

  A004000399 

 En quoy il tesmoigne bien, Theotime, qu'il ne nous a pas laissé l'inclination naturelle de l'aymer, pour neant; car affin qu'elle ne soit oyseuse, il nous presse de l'employer par ce commandement general, et affin que ce commandement puisse estre prattiqué, il ne laisse homme qui vive auquel il ne fournisse abondamment tous les moyens requis a cet effect..

  A004000400 

 Hé, voyci que je vous offre mon esprit et je vous monstreray ma parole. Et cette mesme Sapience poursuit en Ezechiel, disant: Que personne ne die, je suis emmi les pechés, et comment pourray-je revivre? ah non! car voyci que Dieu dit: Je suis vivant, et aussi vray que je vis, je ne veux point la mort de l'impie, mais qu'il se convertisse de sa voye et qu'il vive.

  A004000400 

 La Sapience eternelle, dit Salomon, presche tout en public, elle fait retentir sa voix emmi les places, elle crie et recrie devant les peuples, elle prononce ses paroles es portes des villes, elle dit: Jusques a quand sera-ce, o petitz enfans, que vous aymeres l'enfance? et jusques a quand sera-ce que les forcenés desireront les choses nuisibles, et que les imprudens haïront la science? Convertisses-vous, revenes a moy sur cet advertissement.

  A004000400 

 Le soleil visible touche tout de sa chaleur vivifiante, et comme l'amoureux universel des choses inferieures, [112] il leur donne la vigueur requise pour faire leurs productions; et de mesme la Bonté divine anime toutes les ames et encourage tous les coeurs a son amour, sans que homme quelcomque soit caché a sa chaleur.

  A004000401 

 Certes, cette riche, comble et plantureuse suffisance de moyens que Dieu eslargit aux pecheurs pour l'aymer, paroist presque par tout en l'Escriture: car voyes ce divin Amant a la porte; il ne bat pas simplement, il s'arreste a battre, il appelle l'ame: Sus, leve toy, ma bienaymee, depesche toy, et met sa main dans la serreure, pour voir s'il pourroit point ouvrir; s'il presche emmi les places, il ne presche pas simplement, mais il va criant, c'est a dire, il continue a crier; s'il exclame qu'on se convertisse, il semble qu'il ne l'a jamais asses repeté: Convertisses-vous, convertisses-vous, faites penitence, retournés a moy, vivés; pourquoy mourres-vous, mayson d'Israël? En somme, ce divin Sauveur n'oublie rien pour monstrer que ses miserations sont sur toutes ses œuvres, que sa misericorde surpasse son jugement, que sa redemption est copieuse, que son amour est infini, et, comme dit l'Apostre, qu'il est riche en misericorde, et que par consequent il voudrait que tous les hommes fussent sauvés, et qu'aucun ne perist.

  A004000401 

 L'Apostre, comme vous voyes, oppose les richesses de la bonté de Dieu aux thresors de la malice du cœur impenitent, et dit que le cœur malicieux est si riche en iniquité, que mesme il mesprise les richesses de la debonnaireté par laquelle Dieu l' attire a penitence; et notés que ce ne sont pas simplement les richesses de la bonté divine que l'obstiné mesprise, mais les richesses attrayantes a penitence, richesses qu'on ne peut bonnement ignorer.

  A004000401 

 Mon cher Theotime, Dieu n'exerce pas donques une simple suffisance de remedes pour convertir les obstinés, mais employe a cela les richesses de sa bonté.

  A004000401 

 Or, qu'est ce a dire tout cela, Theotime, sinon que Dieu ne nous donne pas seulement une simple suffisance de moyens pour l'aymer, et en l'aymant nous sauver, mais que c'est une suffisance riche, ample, magnifique, et telle qu'elle doit estre attendue d'une si grande bonté comme est la sienne? Le grand Apostre, parlant au pecheur obstiné: Mesprises-tu, dit-il, les richesses de la bonté, patience et longanimité de Dieu? ignores-tu que la benignité de Dieu t'amene a penitence? Mays toy, selon ta dureté et ton cœur [113] impenitent, tu te fays un thresor d'ire au jour de l'ire.

  A004000406 

 Il y a certains oyseaux, Theotime, qu'Aristote nomme apodes, parce qu'ayans les jambes extremement courtes et les pieds sans force, ilz ne s'en servent non plus que s'ilz n'en avoyent point: que si une fois ilz prennent terre, ilz y demeurent pris, sans que jamais d'eux mesmes ilz puissent reprendre le vol, d'autant que n'ayans nul usage des jambes ni des pieds, ilz n'ont pas non plus le moyen de se pousser et relancer en l'air; et partant, ilz demeurent la croupissans et y meurent, sinon que quelque vent propice a leur impuissance, jettant ses bouffees sur la face de la terre, les vienne saisir et enlever, comme il fait plusieurs autres choses; car alhors, si employans leurs aysles ilz correspondent a cet eslan et premier essor que le vent leur donne, [115] le mesme vent continue aussi son secours envers eux, les poussant de plus en plus au vol..

  A004000407 

 Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee..

  A004000407 

 Theotime, les Anges sont comme les oyseaux que, pour leur beauté et rareté, on appelle oyseaux de Paradis, qu'on ne vit jamais en terre que mortz; car ces espritz celestes ne quitterent pas plus tost l'amour divin pour s'attacher a l'amour propre, que soudain ilz tomberent comme mortz, ensevelis es enfers, d'autant que ce que la mort fait es hommes, les separant pour jamais de cette vie mortelle, la cheute le fit es Anges, les separant pour tous-jours de la vie eternelle.

  A004000408 

 Mays son eternelle charité ne permet pas souvent a sa justice d'user de ce chastiment, ains excitant sa compassion, elle le provoque a nous retirer de nostre malheur: ce qu'il fait, envoyant le vent favorable de sa tressainte inspiration, laquelle venant avec une douce violence dans nos cœurs, elle les saisit et les esmeut, relevant nos pensees et poussant nos affections en l'air du divin amour..

  A004000409 

 Or, ce premier eslan ou esbranlement que Dieu donne en nos cœurs pour les inciter a leur bien, se fait voirement en nous, mais non pas par nous; car il arrive a l'improveu avant que nous y ayons ni pensé [116] ni peu penser, puisque nous n'avons aucune suffisance pour de nous mesmes, comme de nous mesmes, penser aucune chose qui regarde nostre salut; mais toute nostre suffisance est de Dieu, lequel ne nous a pas seulement aymés avant que nous fussions, mais encor affin que nous fussions, et que nous fussions saintz: en suite dequoy il nous previent es benedictions de sa douceur paternelle, et excite nos espritz pour les pousser a la sainte repentance et conversion.

  A004000414 

 Certes, au jour du jugement, les Ninivites et la reyne de Saba se leveront contre les Juifz et les convaincront d'estre dignes de damnation; parce que, quant aux Ninivites, estans idolatres et de nation barbare, a la voix de Jonas ilz se convertirent et firent penitence; et quant a la reyne de Saba, quoy qu'elle fust engagee dans les affaires d'un royaume, neanmoins, ayant ouï la renommee de [118] la sagesse de Salomon, elle quitta tout pour le venir ouïr: et cependant les Juifz, oyans de leurs oreilles la divine sagesse du vray Salomon, Sauveur du monde, voyans de leurs yeux ses miracles, touchans de leurs mains ses vertus et bienfaitz, ne laisserent pas de s'endurcir et resister a la grace qui leur estoit offerte.

  A004000414 

 Malheur a toy, Corozaïn, malheur a toy, Bethsaïda; car si en Tyr et en Sidon eussent esté faittes les vertus qui ont esté faittes en toy, ilz eussent fait penitence avec la haire et la cendre: c'est la parole du Sauveur.

  A004000414 

 Oyés donq, je vous prie, Theotime, que les habitans de Corozaïn et Bethsaïda, enseignés en la vraye religion, ayans receu des faveurs si grandes qu'elles eussent en effect converti les payens mesmes, neanmoins ils demeurerent obstinés et ne voulurent onques s'en prevaloir, rejettant cette sainte lumiere par une rebellion incomparable.

  A004000415 

 Ainsy se fera le jugement de comparayson, comme tous les Docteurs ont remarqué, qui ne peut avoir aucun fondement sinon en ce que les uns, ayans esté favorisés d'autant ou plus d'attraitz que les autres, auront neanmoins refusé leur consentement a la misericorde; et les autres, assistés d'attraitz pareilz, ou mesme moindres, auront suivi l'inspiration et se seront rangés a la tressainte penitence.

  A004000415 

 Car, comme pourroit-on autrement reprocher avec rayson aux impenitens leur impenitence, par la comparayson de ceux qui se sont convertis? Certes, Nostre Seigneur monstre clairement, et tous les Chrestiens entendent simplement, qu'en ce juste jugement on condamnera les Juifz par comparayson des Ninivites, parce que ceux la ont eu beaucoup de faveur et n'ont eu aucun amour, beaucoup d'assistance et nulle repentance; ceux cy, moins de faveur et beaucoup d'amour, moins d'assistance et beaucoup de penitence..

  A004000416 

 Et il respond, qu'on ne sçauroit dire autre chose, sinon que les uns ont perseveré, par la grace du Createur, en l'amour chaste qu'ilz receurent en leur creation, et les autres, de bons qu'ilz estoient, se rendirent mauvais par leur propre et seule volonté..

  A004000416 

 Le grand saint Augustin donne une grande clarté a ce discours par celuy qu'il fait au livre douziesme de la Cité de Dieu, chapitre VI, VII, VIII, IX; car encor qu'il regarde particulierement les Anges, si est ce toutefois qu'il apparie les hommes a eux pour ce point.

  A004000416 

 Puis, au chapitre IX, ayant preuvé que tous les Anges furent creés en charité, [119] avoüant encor comme chose probable que la grace et charité fut esgale en tous eux, il demande comme il est advenu que les uns ont perseveré et fait progres en leur bonté jusques a parvenir a la gloire, et les autres ont quitté le bien pour se ranger au mal jusques a la damnation.

  A004000417 

 Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection.

  A004000417 

 Mays s'il est vray, comme saint Thomas le preuve extremement bien, que la grace ayt esté diversifiee es Anges a proportion et selon la varieté de leurs dons naturelz, les Seraphins auront eu une grace incomparablement plus excellente que les simples Anges du dernier ordre.

  A004000417 

 Nous desrobbons les biens de Dieu si nous nous attribuons la gloire de nostre salut, mais nous deshonnorons sa misericorde si nous disons qu'elle nous a manqué; nous offensons sa liberalité si nous ne confessons ses bienfaitz, mais nous blasphemons sa bonté si nous nions qu'elle nous ait assistés et secourus.

  A004000421 

 O Dieu, Theotime, si nous recevions les inspirations celestes selon toute l'estendue de leur vertu, qu'en peu de tems nous ferions de grans progres en la sainteté! Pour abondante que soit la fontaine, ses eaux n'entreront pas en un jardin selon leur affluence, mais selon la petitesse ou grandeur du canal par ou elles y sont conduites.

  A004000426 

 Aussi, cet apophtegme a esté loué et repeté par tous les plus devotz qui sont venus despuis, entre lesquelz plusieurs ont estimé que le grand apostre saint Paul avoit dit en mesme sens qu'il estoit le premier de tous les pecheurs..

  A004000426 

 Or, je tiens pour oracle le sentiment de ce grand docteur en la science des Saintz, qui, nourri en l'eschole du Crucifix, ne respiroit que les divines inspirations.

  A004000431 

 Ainsy sa misericorde convertit et gratifie ordinairement les ames en une maniere si douce, suave et delicate, qu'a peyne apperçoit-on son mouvement; et neanmoins il arrive quelquefois, que cette Bonté souveraine, surpassant ses rivages ordinaires, comme un fleuve enflé et pressé de l'affluence de ses eaux qui se desborde emmi la plaine, elle fait une effusion de ses graces si impetueuse, quoy qu'amoureuse, qu'en un moment elle detrempe et couvre [125] toute une ame de benedictions, affin de faire paroistre les richesses de son amour, et que, comme sa justice procede communement par voye ordinaire, et quelquefois par voye extraordinaire, aussi sa misericorde fasse l'exercice de sa liberalité par voÿe ordinaire sur le commun des hommes, et sur quelques uns aussi par des moyens extraordinaires..

  A004000431 

 Je ne parleray point ici, mon cher Theotime, de ces graces miraculeuses qui ont presque en un moment transformé les loups en bergers, les rochers en eau et les persecuteurs en predicateurs.

  A004000432 

 Mays quelz sont donq les cordages ordinaires par lesquelz la divine Providence a accoustumé de tirer nos cœurs a son amour? Telz, certes, qu'elle mesme les marque, descrivant les moyens dont elle usa pour tirer le peuple d'Israël de l'Egypte et du desert en la Terre de promission: Je les tiray, dit-elle par Osee, avec des liens d'humanité, avec des liens de charité et d'amitié.

  A004000432 

 Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle.

  A004000433 

 La grace est si gracieuse et saisit si gracieusement nos cœurs pour les attirer, qu'elle ne gaste rien en la liberté de nostre volonté; elle touche puissamment, mais pourtant si delicatement, les ressortz de nostre esprit, que nostre franc arbitre n'en reçoit aucun forcement; la grace a des forces, non pour forcer, ains pour allecher le cœur; elle a une sainte violence, non pour violer, mais pour rendre amoureuse nostre liberté; elle agit fortement, mais si suavement, que nostre volonté ne demeure point accablee sous une si puissante action; elle nous presse, mais elle n'oppresse pas nostre franchise: si que nous pouvons, emmi ses forces, consentir ou resister a ses mouvemens selon qu'il nous plaist..

  A004000434 

 Telles sont les paroles du Sauveur, selon l'edition ordinaire et selon la leçon de saint Augustin sur saint Jean..

  A004000435 

 Ainsy le vent ayant saisi et enlevé nos oyseaux apodes, il ne les portera guere loin s'ilz n'estendent leurs aysles et ne cooperent, se guindans et volans en l'air auquel ilz ont esté lancés.

  A004000435 

 En somme, «si quelqu'un disoit que nostre franc arbitre ne coopere pas, consentant a la grace dont Dieu le previent, ou qu'il ne peut pas rejetter la grace et luy refuser son consentement,» il contrediroit a toute l'Escriture, a tous les anciens Peres, a l'experience, et serait excommunié par le sacré Concile de Trente.

  A004000435 

 Mais quand il est dit que nous pouvons rejetter l'inspiration celeste et les attraitz divins, on n'entend pas, certes, qu'on puisse empescher Dieu de nous inspirer ni de jetter ses attraitz en nos cœurs; car, comme j'ay des-ja dit, cela se fait «en nous» et «sans nous;» ce sont des faveurs que Dieu nous fait avant que nous y ayons pensé: il nous esveille lhors que nous dormons, et, par consequent, nous nous treuvons esveillés avant qu'y avoir pensé; mais il est en nous de nous lever ou de ne nous lever pas, et bien qu'il nous ayt esveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous.

  A004000435 

 Theotime, [128] les inspirations nous previennent, et avant que nous y ayons pensé elles se font sentir, mais apres que nous les avons senties, c'est a nous d'y consentir pour les seconder et suivre leurs attraitz, ou de dissentir et les repousser: elles se font sentir a nous, sans nous, mais elles ne nous font pas consentir sans nous..

  A004000439 

 Le mesme vent qui releve les apodes se prend premierement a leurs plumes, comme parties plus legeres et susceptibles de son agitation, par laquelle il donne d'abord du mouvement a leurs aysles, les estendant et despliant en sorte qu'elles luy servent de prise pour saisir l'oyseau et l'emporter en l'air.

  A004000439 

 Que si nostre esprit ainsy saintement prevenu, sentant les aysles de son inclination esmeües, despliees, estendues, poussees et agitees par ce vent celeste, contribue tant soit peu son consentement, ah, quel bonheur, Theotime; car la mesme inspiration et faveur qui nous a saisi, meslant [129] son action avec nostre consentement, animant nos foibles mouvemens de la force du sien, et vivifiant nostre imbecille cooperation par la puissance de son operation, elle nous aydera, conduira et accompaignera d'amour en amour, jusques a l'acte de la tressainte foy, requis pour nostre conversion..

  A004000440 

 0 Jesus, que c'est un playsir delicieux de voir l'amour celeste, qui est le soleil des vertus, quand petit a petit, par des progres qui insensiblement se rendent sensibles, il va desployant sa clarté sur une ame, et ne cesse point qu'il ne l'ayt toute couverte de la splendeur de sa presence, luy donnant en fin la parfaitte beauté de son jour! 0 que cette aube est gaye, belle, amiable et aggreable! Mays pourtant il est vray que, ou l'aube n'est pas jour, ou, si elle est jour, c'est un jour commençant, un jour naissant, c'est plustost l'enfance du jour que le jour mesme: et de mesme, sans doute, ces mouvemens d'amour qui precedent l'acte de la foy requis a nostre justification, ou ilz ne sont pas amour, a proprement parler, ou ilz sont un amour commençant et imparfait; ce sont les premiers bourgeons verdoyans que l'ame eschauffee du soleil celeste, comme un arbre mystique, commence a jetter au printems, qui sont plustost presages de fruitz que fruitz..

  A004000440 

 Vray Dieu, Theotime, quelle consolation de considerer la sacree methode avec laquelle le Saint Esprit respand les premiers rayons et sentimens de sa lumiere et chaleur vitale dedans nos cœurs.

  A004000441 

 Helas, Theotime, le pauvre Pachome, quoy que de bon naturel, dormoit pour lhors dans la couche de son infidelité; et voyla que tout a coup, Dieu se treuve a la porte de son cœur, et par le bon exemple de ces Chrestiens, comme par une douce voix, il l'appelle, l'esveille et luy donne le premier sentiment de la chaleur vitale de son amour; car a peyne eut-il ouï parler, comme je viens de dire, de l'aymable loy du Sauveur, que tout rempli d'une nouvelle lumiere et consolation interieure, se retirant a part et ayant quelque tems pensé en soy mesme, il haussa les mains au ciel, et avec un profond souspir il se print a dire: «Seigneur Dieu, qui avés fait le ciel et la terre, si vous daignés jetter vos yeux sur ma bassesse et sur ma peyne et me donner connoissance de vostre Divinité, je vous prometz de vous servir, et d'obeir toute ma vie a vos commandemens.» Depuis cette priere et promesse, l'amour du vray bien et de la pieté prit un tel accroissement en luy, qu'il ne cessoit point de prattiquer mille et mille exercices de vertu..

  A004000441 

 Saint Pachome, Ihors encor tout jeune soldat et sans connoissance de Dieu, enroollé sous les enseignes de l'armee que Constance avoit dressee contre le tyran Maxence, vint avec la trouppe de laquelle il estoit, loger au pres d'une petite ville non guere esloignee de Thebes, ou, non seulement luy, mais toute l'armee se treuva en extreme disette de vivres: ce qu'ayant entendu les habitans de la petite ville, qui par bonne rencontre estoyent fidelles de Jesus Christ, et par consequent amis et secourables au prochain, ilz prouveurent soudain a la necessité des soldatz, mais avec tant de [130] soin, de courtoisie et d'amour, que Pachome en fut tout ravi d'admiration; et demandant quelle nation estoit celle-la, si bonteuse, amiable et gracieuse, on luy dit que c'estoyent des Chrestiens; et s'enquerant derechef quelle loy et maniere de vivre estoit la leur, il apprit qu'ilz croyoient en Jesus Christ, Filz unique de Dieu, et faisoyent bien a toutes sortes de personnes, avec ferme esperance d'en recevoir de Dieu mesme une ample recompence.

  A004000442 

 C'est pourquoy Pachome se secoue des divertissemens, pour avec plus d'attention et de facilité recueillir et savourer la grace receüe, se retirant a part pour y penser; puis il estend son cœur et ses mains au ciel, ou l'inspiration l'attire, et commençant a desployer les aysles de ses affections, voletant entre la desfiance de soy mesme et la confiance en Dieu, il entonne d'un air humblement amoureux le cantique de sa conversion, par lequel il tesmoigne d'abord que des-ja il connoist un seul Dieu, Createur du ciel et de la terre; mais il connoist aussi qu'il ne le connoist pas encor asses pour le bien servir, et partant, il supplie qu'une plus grande connoissance luy soit donnee, affin qu'il puisse par icelle parvenir au parfait service de sa divine Majesté..

  A004000443 

 Cependant voyes, je vous prie, Theotime, comme Dieu va doucement renforçant peu a peu la grace de son inspiration dedans les cœurs qui consentent, les tirant apres soy comme de degré en degré sur cette eschelle de Jacob.

  A004000443 

 Les parfums n'ont point d'autre pouvoir pour attirer a leur suite que leur suavité, et la suavité, comme pourroit elle tirer sinon suavement et aggreablement?.

  A004000443 

 Mais quelz sont ses attraitz? Le premier, par lequel il nous previent et resveille, se fait par luy «en nous» et «sans nous;» tous les autres se font aussi par luy, et «en nous,» mais non pas «sans nous.» Tires-moy, dit l'Espouse sacree, c'est a dire, commences le premier, car je ne sçaurois m'esveiller de moy mesme, je ne sçaurois me mouvoir si vous ne m'esmouves; mays quand vous m'aures esmeüe, alhors, o le cher Espoux de mon ame, nous courrons nous deux: vous courres devant moy en me tirant tous-jours plus avant, et moy je vous suivray a la course, consentant a vos attraitz; mays que personne n'estime que vous m'allies tirant apres vous comme une esclave forcee ou comme une charrette inanimee; ah non, vous me tires a l'odeur de vos parfums.

  A004000447 

 Et neanmoins, cette obscure clarté de la foy estant entree dans nostre esprit, non par force de discours ni par apparence d'argumens, ains par la seule suavité de sa presence, [133] elle se fait croire et obeir a l'entendement avec tant d'authorité, que la certitude qu'elle nous donne de la verité surmonte toutes les autres certitudes du monde, et assujettit tellement tout l'esprit et tous les discours d'iceluy, qu'ilz n'ont point de credit en comparayson..

  A004000447 

 Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir.

  A004000448 

 Les Juifz virent les miracles et ouyrent les merveilles de Nostre Seigneur; mais estans indisposés a recevoir la foy, c'est a dire, leur volonté n'estant pas susceptible de la douceur et suavité de la foy, a cause de l'aigreur et malice dont ilz estoyent remplis, ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent la force de l'argument, mais ilz ne savouroyent pas la suavité de la conclusion, et pour cela ilz n'acquiesçoyent pas a sa verité.

  A004000448 

 Mais ne faut il pas qu'en effect je sois infiniment aymable, puisque les sombres tenebres et les espais brouillars entre lesquelz je suis, non pas veüe mais seulement entreveüe, ne me peuvent empescher d'estre si aggreable, que l'esprit, me cherissant sur tout, fendant la presse de toutes autres connoissances, il me fait faire place et me reçoit comme sa reyne, dans le trosne le plus relevé qui soit en son palais, d'ou je donne la loy a toute science et assujettis tout discours et tout sentiment humain? Ouy vrayement, Theotime, tout ainsy que les chefz de l'armee d'Israël se despouillans de leurs vestemens, les mirent ensemble et en firent comme un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, crians: Jehu est roy, de mesme, a l'arrivee de la foy, l'esprit se despouille de tous discours et argumens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux, la reconnoissant comme reyne, et crie avec une grande joye: Vive la foy! Les discours et argumens pieux, les miracles et autres avantages de la religion chrestienne, la rendent certes extremement croyable et connoissable; mays la seule foy la rend creüe et reconneüe, faysant aymer la beauté de sa verité [134] et croire la verité de sa beauté, par la suavité qu'elle respand en la volonté et la certitude qu'elle donne a l'entendement.

  A004000448 

 O discours humains, o sciences acquises, je suis brune, car je suis entre les obscurités des simples revelations, qui sont sans aucune evidence apparente, et me font paroistre noyre, me rendant presque mes-connoissable; mais je suis pourtant belle en moy mesme a cause de mon infinie certitude, et si les yeux des mortelz me pouvoient voir telle que je suis par nature, ilz me treuveroyent toute belle.

  A004000449 

 Ainsy l'austruche produit ses œufz sur le sablon de Lybie, mays le soleil seul en fait esclorre le poussin; et les docteurs, par leurs recherches et discours, proposent la verité, mays les seulz rayons du Soleil de justice en donnent la certitude et acquiescement.

  A004000449 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres, entre les docteurs; mais la resolution et l'acquiescement se fait au Sanctuaire, ou le Saint Esprit, qui anime le cors de l'Eglise, parle par les bouches des chefz d'icelle, selon que Nostre Seigneur l'a promis.

  A004000449 

 Or en fin, Theotime, cette asseurance [135] que l'esprit humain prend es choses revelees et mysteres de la foy, commence par un sentiment amoureux de complaysance que la volonté reçoit de la beauté et suavité de la verité proposee: de sorte que la foy comprend un commencement d'amour que nostre cœur ressent envers les choses divines..

  A004000449 

 Vous aves ouy dire, Theotime, qu'es Conciles generaux il se fait des grandes disputes et recherches de la verité, par discours, raysons et argumens de theologie; mays la chose estant debattue, les Peres, c'est a dire les Evesques, et specialement le Pape qui est le chef des Evesques, concluent, resoulvent et determinent, et la determination estant prononcee chacun s'y arreste et y acquiesce pleinement, non point en consideration des raysons alleguees en la dispute et recherche precedente, mays en vertu de l'authorité du Saint Esprit qui, presidant invisiblement es Conciles, a jugé, determiné et conclu par la bouche de ses serviteurs qu'il a establis Pasteurs du Christianisme.

  A004000453 

 La foy nous fait connoistre par une infallible certitude que Dieu est, qu'il est infini en bonté, qu'il se peut communiquer a nous, et que non seulement il peut, ains il le veut: si que, par une ineffable douceur, il nous a preparés tous les moyens requis pour parvenir au bonheur de la gloire immortelle.

  A004000455 

 Certes, ou que nous veuillions ou que nous ne veuillions pas, nostre esprit tend au souverain bien: mays qui est ce souverain bien? Nous ressemblons a ces bons Atheniens qui faysoient sacrifice au vray Dieu, lequel neanmoins leur estoit inconneu, jusques a ce que le grand saint Paul leur en annonça la connoissance: car ainsy nostre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions et pretend a la felicité, et la va cherchant ça et la, comme a tastons, sans sçavoir toutefois ni ou elle reside ni en quoy elle consiste, jusques a ce que la foy la luy monstre et luy en descrit les merveilles [138] infinies: et lhors ayant treuvé le tresor qu'il cherchoit, helas, quel contentement a ce pauvre cœur humain, quelle joye, quelle complaysance d'amour! Hé, je l'ay rencontré, Celuy que mon ame cherchoit sans le connoistre; o que ne sçavois-je a quoy tendoyent mes pretentions quand rien de tout ce que je pretendois ne me contentoit, parce que je ne sçavois pas ce que, en effect, je pretendois! Je pretendois d'aymer, et ne connoissois pas ce qu'il failloit aymer; et partant, ma pretention ne treuvant pas son veritable amour, mon amour estoit tous-jours en une veritable mais inconneüe pretention: j'avois bien asses de presentiment d'amour pour me faire pretendre, mays je n'avois pas asses de sentiment de la bonté qu'il failloit aymer, pour exercer l'amour..

  A004000455 

 Nous sentons quelquefois de certains contentemens qui viennent comme a l'improuveue, sans aucun sujet apparent, et ce sont souvent des presages de quelque plus grande joye: dont plusieurs estiment que nos bons Anges, prevoyans les biens qui nous doivent advenir, nous en donnent ainsy des presentimens; comme au contraire ilz nous donnent des craintes et frayeurs emmi les perilz inconneuz, affin de nous faire invoquer Dieu et demeurer sur nos gardes.

  A004000462 

 Et comme l'oyseau auquel le fauconnier oste le chaperon, ayant la proye en veüe s'eslance soudain au vol, [139] et s'il est retenu par les longes se debat sur le poing avec une ardeur extreme, de mesme la foy nous ayant osté le voile de l'ignorance et fait voir nostre souverain bien, lequel neanmoins nous ne pouvons encor posseder, retenus par la condition de cette vie mortelle, helas, Theotime, nous le desirons alhors: de sorte que.

  A004000463 

 Les cerfz long tems pourchassés,.

  A004000465 

 Si fort les eaux ne desirent,.

  A004000473 

 Ainsy donques, affin que l'inquietude et la douloureuse langueur que les effortz de l'amour desirant causeroient en nos espritz, ne nous portast a quelque defaillance de courage et ne nous reduisist au desespoir, le mesme Bien souverain qui [140] nous incite a le desirer si fortement, nous asseure aussi que nous le pourrons obtenir fort aysement, par mille et mille promesses qu'il nous en a faittes en sa Parolle et par ses inspirations, pourveu que nous veuillions employer les moyens qu'il nous a preparés et qu'il nous offre pour cela..

  A004000474 

 Or ces promesses et asseurances divines, par une merveille particuliere, accroissent la cause de nostre inquietude, et a mesure qu'elles augmentent la cause, elles ruinent et destruisent les effectz.

  A004000474 

 Ouy certes, Theotime, parce que l'asseurance que Dieu nous donne que le Paradis est pour nous, fortifie infiniment le desir que nous avions d'en jouir, et neanmoins affoiblit, ains aneantit tout a fait le trouble et l'inquietude que ce desir nous apportoit; de sorte que nos cœurs, par les promesses sacrees que la divine Bonté nous a faites, demeurent tout a fait accoisés.

  A004000475 

 Et de vray, Theotime, entre esperer et aspirer il y a seulement cette difference: que nous esperons les choses que nous attendons, par le moyen d'autruy, et nous aspirons aux choses que nous pretendons, par nos propres moyens, de nous mesmes; et d'autant que nous parvenons a la jouissance de nostre souverain bien qui est Dieu, premierement et principalement par sa faveur, grace et misericorde, et que neanmoins cette mesme misericorde veut que nous cooperions a sa faveur, contribuans la foiblesse de nostre consentement a la force de sa grace, partant, nostre esperance est aucunement meslee d'aspirement: si que nous n'esperons pas tout a fait sans aspirer, et n'aspirons jamais sans tout a fait esperer; en quoy l'esperance tient tous-jours le rang principal, comme fondee sur la grace divine, sans laquelle, tout ainsy que nous ne pouvon pas seulement [141] penser a nostre souverain bien selon qu'il convient pour y parvenir, aussi ne pouvons-nous jamais sans icelle y aspirer comme il faut pour l'obtenir. L'aspirement donques est un rejetton de l'esperance, comme nostre cooperation l'est de la grace: et tout ainsy que ceux qui veulent esperer sans aspirer seront rejettés comme couards et negligens, de mesme ceux qui veulent aspirer sans esperer sont temeraires, insolens et presomptueux.

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous nous servons en les employant, comme sont nos esclaves, nos serviteurs, nos chevaux, nos habitz; et l'amour que nous leur [144] portons est un amour de pure convoitise, car nous ne les aymons pas que pour nostre prouffit.

  A004000482 

 Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux.

  A004000483 

 Nous aymons nos bienfacteurs, parce qu'ilz sont telz envers nous; mais nous les aymons plus ou moins, selon qu'ilz sont ou plus grans ou moindres bienfacteurs.

  A004000484 

 Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité..

  A004000489 

 Je laisse a part maintenant la penitence de plusieurs payens, lesquelz, comme Tertulien tesmoigne, en avoyent entre eux quelque apparence, mais si vaine et inutile que mesme quelquefois ilz faysoyent pœnitence d'avoir bien fait; car je ne parle que de la pœnitence vertueuse, laquelle, selon les differens motifs desquelz elle provient, est aussi de diverses especes.

  A004000490 

 Certes, Seneque, Plutarque et les Pytagoriciens, qui recommandent tant l'examen de conscience, et sur tout le premier, qui parle si vivement du trouble que le remors interieur excite en l'ame, ont entendu sans doute qu'il y avoit une repentance; et quant au sage Epictete, il descrit si bien la reprehension que nous devons prattiquer envers nous mesmes, qu'on ne sçauroit presque mieux dire..

  A004000495 

 Neanmoins, bien que la penitence religieuse ayt en quelque façon esté reconneüe par quelques uns des philosophes, si est ce que ç'a esté si rarement et foiblement, que ceux qui ont eu la reputation d'estre les plus vertueux d'entre eux, c'est a dire les Stoïciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais: dequoy ilz ont fait une maxime autant contraire a la rayson que la proposition sur laquelle ilz la fondoyent estoit contraire a l'experience, a sçavoir, que l'homme sage ne pechoit point..

  A004000496 

 Nous pouvons donq bien dire, mon cher Theotime, que la pœnitence est une vertu toute chrestienne, puisque d'un costé elle a esté si peu conneüe entre les payens, et de l'autre elle est tellement reconneüe parmi les vrays Chrestiens qu'en icelle consiste une grande partie de la philosophie evangelique, selon laquelle quicomque dit qu'il ne peche point est insensé, et quicomque croid de remedier a son peché sans pœnitence, il est forcené; car c'est l'exhortation des exhortations de Nostre Seigneur: Faites penitence.

  A004000498 

 Car nous considerons parfois que Dieu, qui est offencé, a establi une punition rigoureuse en enfer pour les pecheurs, et qu'il les privera du Paradis preparé aux gens de bien.

  A004000498 

 Hé, qui ne craindroit une si grande perte et une si grande peine! Et cette double crainte, dont l'une est servile et l'autre mercenaire, nous porte grandement a nous repentir des pechés par lesquelz nous les avons encourues; et a cet effect, en la sacree Parole, cette crainte nous est cent fois et cent fois intimee..

  A004000500 

 Quelquefois encor nous sommes provoqués a pœnitence par la beauté de la vertu, qui nous donne autant de biens que le peché nous cause de maux: et de plus, nous y sommes maintefois excités par l'exemple des Saintz; car, qui eut jamais peu voir les exercices de l'incomparable pœnitence de Magdeleine, de Marie Ægiptiaque ou des penitens du monastere surnommé [150] Prison, dont saint Jean Clymacus a fait la description, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés, puisque la seule lecture de l'histoire y provoque ceux qui ne sont pas du tout hebetés?.

  A004000503 

 Elle est a la verité louable, car ni la Sainte Escriture ni l'Eglise ne nous exciteroient pas par telz motifs, si la pœnitence qui en provient n'estoit bonne; et on void manifestement que c'est chose grandement raysonnable de se repentir du peché pour ces considerations, ains qu'il est impossible de ne se repentir pas, a qui les considere attentivement: mays pourtant c'est une pœnitence, certes, imparfaite, d'autant que l'amour divin n'y entre encor point.

  A004000505 

 La crainte et les autres motifs de [152] repentance dont nous avons parlé sont bons pour le commencement de la sagesse chrestienne, qui consiste en la pœnitence; mais qui voudroit, de propos deliberé, ne point parvenir a l'amour, qui est la perfection de la pœnitence, il offenceroit grandement Celuy qui a tout destiné a son amour, comme a la fin de toutes choses..

  A004000510 

 La nature, que je sache, ne convertit jamais le feu en eau, quoy que plusieurs eaux se convertissent en feu; mais Dieu le fit pourtant une fois par miracle: car, ainsy qu'il est escrit au Livre des Machabees, lhors que les enfans d'Israël furent concluitz en Babylone du [153] tems de Sedecias, les prestres, par l'advis de Hieremie, cacherent le feu sacré en une vallee, dans un puits sec, et au retour, les enfans de ceux qui avoyent ainsi caché le feu l'allerent chercher, selon ce que leurs peres leur avoyent enseigné; et ilz le treuverent converti en une eau fort espaisse, laquelle estant tiree par eux et respandue sur les sacrifices, selon que Nehemias l'ordonnoit, soudain que les rayons du soleil l'eurent touchee, elle fut convertie en un grand feu..

  A004000511 

 Theotime, parmi les tribulations et regretz d'une vive repentance, Dieu met bien souvent dans le fond de nostre cœur le feu sacré de son amour; puis cet amour se convertit en l'eau de plusieurs larmes, lesquelles, par un second changement, se convertissent en un autre plus grand feu d'amour.

  A004000514 

 Voyes, je vous prie, Theotime, la bienaymee Magdeleine comme elle pleure d'amour: On a enlevé mon Seigneur, dit-elle, toute fondue en larmes, et ne sçay ou on l'a mis; mais l'ayant treuvé par les souspirs et les pleurs, elle le tient et possede par amour.

  A004000516 

 Ainsy le vin theriacal n'est pas appelle theriacal pour contenir la propre substance de la theriaque, car il n'y en a point du tout; mais on le nomme ainsy parce que la plante de la vigne ayant esté detrempee en theriaque, les raisins et le vin qui en sont provenus ont tiré la vertu et l'operation de la theriaque contre toute sorte de venins.

  A004000518 

 Et partant, nous devons tous avoir force telles oraysons jaculatoires, faites par maniere de repentance amoureuse et de souhaitz requerans nostre reconciliation avec Dieu, affin que par icelles, prononçans devant le Sauveur nostre tribulation, nous respandions nos ames devant et dedans son cœur pitoyable, qui les recevra a mercy.

  A004000518 

 Or, parce que cette repentance amoureuse se prattique ordinairement par des eslans ou eslevemens du cœur en Dieu, pareilz a ceux des anciens pœnitens: Je suis vostre, o mon Dieu, sauves-moy; Ayés misericorde de moy, ayés-en misericorde, car mon ame se confie en vous; Sauves-moy, Seigneur, car les eaux submergent mon ame; Faites-moy comme un de vos mercenaires; Seigneur, soyes-moy propice, a moy, pauvre pecheur, ce n'est pas sans rayson que quelques uns ont dit que l'orayson justifioit; car l'orayson repentante, ou la repentance suppliante, eslevant l'ame en Dieu et la reunissant a sa bonté, obtient sans doute le pardon, en vertu du saint amour qui luy donne le mouvement sacré.

  A004000522 

 Comme s'il eut voulu dire: Je ne suis plus dans l'obscurité de la nuit d'infidelité, des-ja les rayons de vostre foy esclairent sur l'orison de mon ame, mais neanmoins je ne croy pas encor convenablement, c'est une connoissance encor toute foyble et meslee de tenebres; helas, Seigneur, secoures moy.

  A004000522 

 Et personne, certes, ne pouvoit mieux sçavoir les difficultés qui se passent ordinairement entre le premier mouvement que Dieu fait en nous et la parfaite resolution de bien croire, que saint Augustin, qui, ayant receu une si grande varieté d'attraitz, par les paroles du glorieux saint Ambroyse, par la conference faite avec Potitian et mille autres moyens, ne laissa pas neanmoins d'user de tant de remises et d'avoir tant de peyne a se resoudre; si que a luy, de vray, plus qu'a nul autre, on eust peu bien dire, ce qu'il dit par apres aux autres: Helas, Augustin, si tu n'es pas tiré, si tu ne croys pas, «prie que tu sois tiré» et que tu croyes..

  A004000523 

 Et ce pendant nous demeurons en pleyne [160] liberté de consentir aux attraitz celestes ou de les rejetter; car, comme le sacré Concile de Trente a clairement resolu, «si quelqu'un disoit que le franc arbitre de l'homme, estant meu et incité de Dieu, ne coopere en rien, en consentant a Dieu qui l'esmeut et l'appelle affin qu'il se dispose et prepare pour obtenir la grace de la justification, et qu'il ne peut n'y consentir point s'il veut, certes, un tel seroit excommunié » et reprouvé de l'Eglise.

  A004000523 

 Nostre Seigneur tire les cœurs par les delectations qu'il leur donne, lesquelles font treuver la doctrine celeste douce et aggreable, mais avant que cette douceur ayt engagé et lié la volonté par ses amiables liens, pour la tirer a l'acquiescement et consentement parfait de la foy, comme Dieu ne manque pas d'exercer sa bonté sur nous par ses saintes inspirations, aussi nostre ennemi ne cesse point de prattiquer sa malice par ses tentations.

  A004000523 

 Que si nous ne repoussons point la grace du saint amour, elle se va dilatant par des continuelz accroissemens dedans nos ames, jusques a ce qu'elles soyent entierement converties: comme les grans fleuves, qui treuvans les playnes ouvertes se respandent et prennent tous-jours plus de place..

  A004000524 

 Saint Pierre, comme un apode, relevé par l'inspiration que les yeux de son Maistre luy donnerent, se laissant librement mouvoir et porter a ce doux vent du Saint Esprit, regarde les yeux salutaires qui l'avoyent excité, il lit en iceux, comme au livre de vie, la douce semonce de pardon que la debonaireté divine luy offre, il en tire un juste motif d'esperance, il sort de la cour, il considere l'horreur de son peché et le deteste, il pleure, il gemit, il prosterne son miserable cœur devant celuy de la misericorde de son Seigneur, il crie merci pour sa faute, il se resout a une inviolable fidelité: et par ce progres de mouvemens prattiqués a la faveur de la grace qui le conduit, l'assiste et l'ayde continuellement, il parvient [161] en fin a la sainte remission de ses pechés, passant ainsy de grace en grace, selon que saint Prosper asseure, que «sans la grace on ne court point a la grace.».

  A004000525 

 Ainsy donq, pour conclure ce point, l'ame prevenue de la grace, sentant les premiers attraitz et consentant a leur douceur, comme revenant a soy apres une si longue pasmayson, elle commence a souspirer ces paroles: Helas, o mon cher Espoux, mon ami, tires moy, je vous prie, et me prenes par dessous le bras, car je ne puis autrement aller; mais si vous me tires, nous courrons: vous, en m'aydant par l'odeur de vos parfums, et moy, correspondant par mon foible consentement et odorant vos suavités qui me renforcent et revigorent toute, jusqu'a ce que le bausme de vostre nom sacré, c'est a dire l'onction salutaire de ma justification soit respandue en moy.

  A004000525 

 Voyes vous, Theotime, elle ne prieroit pas si elle n'estoit excitee, mais si tost qu'elle l'est et qu'elle sent les attraitz, elle prie qu'on la tire; estant tiree elle court, mays elle ne courroit pas si les parfums qui l'attirent, et par lesquelz on la tire, ne luy avivoient le cœur par la force de leur odeur precieuse; et comme elle court plus fort et qu'elle s'approche de plus pres de son celeste Espoux, elle sent tous-jours plus delicieusement les suavités qu'il respand, jusques a ce qu'en fin luy mesme s'escoule dedans son cœur par maniere de bausme respandu, si qu'elle s'escrie, comme surprise de ce contentement, non si tost attendu et inopiné: O mon Espoux, vous estes un bausme versé dans mon sein! ce n'est pas merveille si les jeunes ames vous cherissent.

  A004000526 

 Que si nous ne la repoussons pas, elle vient avec nous et nous environne, pour nous inciter et pousser tous-jours plus avant; et si nous ne l'abandonnons, elle ne nous abandonne point qu'elle ne nous ayt rendus au port de la tressainte charité, faysant pour nous les troys offices que le grand ange Raphaël fit pour son cher Tobie: car elle nous guide en tout nostre voyage de la sainte pœnitence, elle nous garentit des perilz et des assautz du diable, et nous console, anime et fortifie en nos difficultés..

  A004000531 

 Et partant, Theotime, ce n'est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angelique puissent produire, ains le Saint Esprit le donne et le respand en nos cœurs; et comme nos ames, qui donnent la vie a nos cors, n'ont pas leur origine de nos cors, mays sont mises dans nos cors par la providence naturelle de Dieu, ainsy la [164] charité, qui donne la vie a nos cœurs, n'est pas extraitte de nos cœurs, mays elle y est versee comme une celeste liqueur, par la providence surnaturelle de sa divine Majesté..

  A004000531 

 Il est choisi, dit l'Espouse sacree, entre mille: elle dit entre mille, mais elle veut dire entre tous; c'est pourquoy cette dilection n'est pas dilection de simple excellence, ains une dilection incomparable, car la charité ayme Dieu par une estime et preference de sa bonté, si haute et relevee au dessus de toute autre estime, que les autres amours, ou ne sont pas vrays amours en comparayson de cestuy-cy, ou s'ilz sont vrays amours, cestuy-cy est infiniment plus qu'amour.

  A004000533 

 La charité donq est un amour d'amitié, une amitié de dilection, une dilection de preference, mais de preference incomparable, souveraine et surnaturelle, laquelle est comme un soleil en toute l'ame pour l'embellir de ses rayons, en toutes les facultés spirituelles pour les perfectionner, en toutes les puissances pour les moderer, mais en la volonté, comme en son siege, pour y resider et luy faire cherir et aymer son Dieu sur toutes choses.

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000541 

 Je n'ay jamais sceu qu'il se treuvast aucun animal qui [167] n'eust point de bornes et limites en sa croissance, sinon le crocodile, qui estant extremement petit en son commencement, ne cesse jamais de croistre tandis qu'il est en vie; en quoy il represente egalement et les bons et les mauvais: car l' outrecuidance de ceux qui haïssent Dieu monte tous-jours, dit le grand roy David, et les bons croissent comme l'aube du jour, de splendeur en splendeur.

  A004000541 

 Nous vivons entre les hazards des batailles que nos ennemis nous livrent; si nous ne resistons, nous perissons, et nous ne pouvons resister sans surmonter, ni surmonter sans victoire: car, comme dit le glorieux saint Bernard, «il est escrit tres specialement de l'homme, que jamais il n'est en un mesme estat:» il faut ou qu'il avance, ou qu'il retourne en arriere.

  A004000542 

 Allés donq, dit saint Bernard, allés, dis-je avec luy, allés, mon cher Theotime, et n'ayes point d'autres bornes que celles de vostre vie, et tandis qu'elle durera, courés apres ce Sauveur; mais courés ardemment et vistement, car, dequoy vous servira de le suivre, si vous n'estes si heureux que de l'aconsuivre? Escoutons le Prophete: J'ay incliné mon cœur a faire vos justifications eternellement; il ne dit pas qu'il les gardera pour un tems, mais pour jamais; et parce qu'il veut eternellement bien faire, il aura un eternel salaire.

  A004000542 

 Il n'appartient qu'a Satan de dire qu'il sera [168] assis sur les flancs d'aquilon.

  A004000543 

 De sorte que la charité mesme qui est en nostre Redempteur, entant qu'il est homme, quoy qu'elle soit grande au dessus de tout ce que les Anges et les hommes peuvent comprendre, si est-ce qu'elle n'est pas infinie en son estre et d'elle mesme; ains seulement en l'estime de sa dignité et de son merite, parce qu'elle est la charité [169] d'une personne d'infinie excellence, c'est a dire d'une Personne divine, qui est le Filz eternel du Pere tout puissant..

  A004000543 

 L'esprit de Dieu peut eslever le nostre et l'appliquer a toutes les actions surnaturelles qu'il luy plait, tandis qu'elles ne sont pas infinies: d'autant qu'entre les choses petites et les grandes, pour excessives qu'elles soyent, il y a tous-jours quelque sorte de proportion, pourveu que l'exces des excessives ne soit pas infini; mais entre le fini et l'infini il n'y a nulle proportion, et pour y en mettre, il faudroit, ou relever le fini et le rendre infini, ou ravaler l'infini et le rendre fini, ce qui ne peut estre.

  A004000550 

 Car, comme en l'Arabie heureuse, non seulement les plantes de nature aromatique, mays toutes les autres sont odorantes, participant au bonheur de ce solage, ainsy en l'ame charitable, non seulement les œuvres excellentes de leur nature, mais aussi les petites besoignes, se ressentent de la vertu du saint amour et sont en bonne odeur devant la majesté de Dieu, qui, a leur consideration, augmente la sainte charité.

  A004000550 

 Les poilz de chevre presentés anciennement au Tabernacle estoyent bien receus, et tenoyent lieu entre les saintes offrandes; et les petites actions qui procedent de la charité, sont aggreables a Dieu et ont leur place entre les merites.

  A004000550 

 Or je dis que Dieu fait cela, parce que la charité ne produit pas ses [170] accroissemens comme un arbre qui pousse ses rameaux et les fait sortir par sa propre vertu les uns des autres; ains, comme la foy, l'esperance et la charité sont des vertus qui ont leur origine de la Bonté divine, aussi en tirent-elles leur augmentation et perfection, a guise des avettes, lesquelles estant extraittes du miel prennent aussi leur nourriture d'iceluy..

  A004000551 

 Par quoy, tout ainsy que les perles prennent non seulement leur naissance mais aussi leur aliment de la rosee, les meres perles ouvrant pour cet effect leurs escailles du costé du ciel, comme pour mendier les gouttes que la fraischeur de l'air fait escouler a l'aube du jour, de mesme, ayans receu la foy, l'esperance et la charité, de la Bonté celeste, nous devons tous-jours retourner nos cœurs et les tenir tendus de ce costé-la, pour en impetrer la continuation et l'accroissement des mesmes vertus.

  A004000552 

 Ainsy se prattique l'exhortation du Sauveur: Amassés des thresors au Ciel; comme s'il disoit: Adjoustés tous-jours des nouvelles bonnes œuvres aux precedentes, car ce sont les pieces desquelles vos thresors doivent estre composés: le jeusne, l'orayson, l'aumosne.

  A004000552 

 C'est donq Dieu qui fait cet accroissement, en consideration de l'employte que nous faysons de sa grace, selon qu'il est escrit: A celuy qui a, c'est a dire, qui employe bien les faveurs receües, on luy en donnera davantage, et il abondera.

  A004000552 

 Or, comme au thresor du Temple, les deux petites pittes de la pauvre vefve furent [171] estimees, et qu'en effect, par l'addition des petites pieces, les thresors s'aggrandissent et leur valeur s'augmente d'autant, ainsy les moindres petites bonnes œuvres, quoy que faites un peu laschement et non selon toute l'estendue des forces de la charité que l'on a, ne laissent pas d'estre aggreables a Dieu et d'avoir leur valeur aupres de luy: de sorte qu'encor que d'elles mesmes elles ne puissent pas causer aucun accroissement a l'amour precedent, estans de moindre vigueur que luy, la Providence divine toutefois, qui en tient compte et par sa bonté en fait estat, les recompense soudain de l'accroissement de la charité pour le present, et de l'assignation d'une plus grande gloire au Ciel pour l'advenir..

  A004000553 

 Theotime, les abeilles font le miel delicieux qui est leur ouvrage de haut prix, mays la cire, qu'elles font aussi, ne laisse pas pour cela de valoir quelque chose et de rendre leur travail recommandable: le cœur amoureux doit tascher de produire ses œuvres avec grande ferveur et de haute estime, afhn d'augmenter puissamment sa charité; mays si, toutefois, il en produit de moindres, il ne perdra point la recompense, car Dieu luy en sçaura gré, c'est a dire l'en aymera tous-jours un peu plus.

  A004000554 

 A mesure que nous regardons plus vivement nostre ressemblance qui paroist en un miroüer, elle nous regarde aussi plus attentivement; et a mesure que Dieu jette plus amoureusement ses doux yeux sur nostre ame, qui est faitte a son image et semblance, nostre ame reciproquement regarde sa divine Bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse a tous les accroissemens que cette souveraine Douceur fait de son divin amour envers elle.

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000555 

 Au commerce des vertus morales, les petites œuvres ne donnent point d'accroissement a la vertu de laquelle elles procedent, ains si elles sont bien petites elles l'affoiblissent; car une grande liberalité perit quand elle s'amuse a donner des choses de peu, et de liberalité elle devient chicheté: mais au traffiq des vertus qui viennent de la misericorde divine, et sur tout de la charité, toutes œuvres donnent accroissement.

  A004000559 

 Neanmoins, le mesme amour qui luy donna ce grand assaut de douleur, luy donna quant et quant la force de le soustenir, et il le mit en action pour, avec une promptitude nompareille, remedier au mal de la chere compaigne de sa vie: si que, ouvrant de vistesse un buffet qui estoit la, il prend une eau cordiale infiniment pretieuse, et en ayant rempli sa bouche, il ouvre de force les levres et les dens serrees de cette bienaymee princesse; puis, soufflant et jettant cette pretieuse liqueur qu'il tenoit en sa bouche, dedans celle de sa pauvre pasmee, et espluyant au nez, sur les temples et sur l'endroit du cœur d'icelle le reste de la phiole, il la fit en fin revenir a soy et reprendre sentiment; puis il la releve doucement, et a force de remedes il la revigore et ravive en telle sorte, qu'elle commença a se lever sur pied et se promener tout bellement avec luy; mays non pas toutefois sans son ayde: car il l'alloit relevant et soustenant par dessous le bras, jusques a ce qu'en fin il luy mit un epitheme de si grande vertu et si pretieux sur l'endroit du cœur, que lhors, se sentant tout a fait remise en sa [174] premiere santé, elle marchoit toute seule d'elle mesme, son cher espoux ne la soustenant plus si fort, ains seulement luy tenant doucement sa main droite entre les siennes et son bras droit replié sur le sien et sur sa poitrine.

  A004000560 

 Or, quand l'ame qui a cet honneur commet le peché, elle tombe pasmee d'une defaillance spirituelle, et cet accident est a la verité bien inopiné; car, qui pourroit jamais penser qu'une creature voulust quitter son Createur et souverain bien, pour des choses si legeres comme sont les amorces du peché? Certes, le Ciel s'en estonne, et si Dieu estoit sujet aux passions, il tomberoit a cœur failli pour ce malheur, comme lhors qu'il fut mortel il expira sur la croix pour nous en racheter.

  A004000560 

 Or, tandis qu'il la fait ainsy passer entre les vertus par lesquelles il la dispose a ce saint amour, il ne la conduit pas seulement, mais il la soustient de telle façon, que comme elle, de son costé, marche tant qu'elle peut, aussi luy, pour sa part, la porte et la va soustenant; et ne sçauroit-on bonnement dire si elle va ou si elle est portee, car elle n'est pas tellement portee qu'elle n'aille, et va toutefois tellement, que si elle n'estoit portee elle ne pourroit pas aller; si que, pour parler a l'apostolique, elle doit dire: Je marche, non pas moy seule, ains la grace de Dieu avec moy..

  A004000560 

 Que si l'ame estant ainsy excitee, adjouste son consentement au sentiment de la grace, secondant l'inspiration qui l'a prevenue et recevant les secours et remedes requis que Dieu luy a preparés, il la revigorera, et la conduira par divers mouvemens de foy, d'esperance et de pœnitence, jusques a ce qu'elle soit tout a fait remise en la vraye santé spirituelle, qui n'est autre chose que la charité.

  A004000561 

 C'est pourquoy, encor qu'elle puisse aller d'elle mesme, elle en doit toute la gloire a son Dieu qui luy a donné une santé si vigoureuse et si forte; car, soit que le Saint Esprit nous fortifie par les mouvemens qu'il imprime en nos cœurs, ou qu'il nous soustienne par la charité qu'il y respand, soit qu'il nous secoure par maniere d'assistence, en nous relevant et portant, ou qu'il renforce nos cœurs, versant en iceux l'amour revigorant et vivifiant, c'est tous-jours en luy et par luy que nous vivons, que nous marchons et que nous operons.

  A004000562 

 et, en fin, la maintient et defend contre les tentations..

  A004000562 

 il la soulage contre les inclinations depravees et les mauvaises habitudes contractees par les pechés passés; 4.

  A004000563 

 Ne voyons-nous pas, Theotime, que souvent les hommes sains et robustes ont besoin qu'on les provoque a bien employer leur force et leur pouvoir, et que, par maniere de dire, on les conduise a l'œuvre par la main? Ainsy, Dieu nous ayant donné sa charité, et par icelle la force et le moyen de gaigner païs au chemin de la perfection, son amour neanmoins ne luy permet pas de nous laisser aller ainsy seulz; ains il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse de nous presser, et sollicite son cœur de solliciter et pousser le nostre a bien employer la sainte charité qu'il nous a donnee, repliquant souvent par ses inspirations les advertissemens que saint Paul nous fait: Voyés de ne point recevoir la grace celeste en vain; Tandis que vous aves le tems faites tout le bien que vous pourres; Courés en sorte que vous emporties le prix.

  A004000563 

 Si que nous nous devons imaginer souvent qu'il repete aux oreilles de nos cœurs les paroles qu'il disoit au bon pere Abraham: Marche devant moy, et sois parfait..

  A004000564 

 Ainsy saint Anthoine et saint Simeon Stylite estoyent en la grace et charité de Dieu quand ilz firent dessein d'une vie si relevee, comme aussi la bienheureuse Mere Therese quand elle fit le vœu d'obeissance speciale, saint François et saint Louys quand ilz entreprirent le voyage d'outremer pour la gloire de Dieu, le bienheureux François Xavier quand il consacra sa vie a la conversion des Indois, saint Charles quand il s'exposa au service des pestiferés, saint Paulin quand il se vendit pour racheter l'enfant de la pauvre vefve; jamais pourtant ilz n'eussent fait des coups si hardis et genereux, si a la charité qu'ilz avoient en leurs cœurs Dieu n'eust adjousté des inspirations, semonces, lumieres et forces speciales, par lesquelles il les animoit et poussoit a ces exploitz extraordinaires de la vaillance spirituelle..

  A004000564 

 Sur tout l'assistance speciale de Dieu est requise a l'ame qui a le saint amour, es entreprises signalees et extraordinaires; car bien que la charité, pour petite qu'elle soit, nous donne asses d'inclination et, comme je pense, une force suffisante pour faire les œuvres necessaires au salut, si est-ce neanmoins que, pour aspirer et entreprendre des actions excellentes et extraordinaires, nos cœurs ont besoin d'estre poussés et rehaussés par la main et le mouvement de ce grand [177] amoureux celeste, comme la princesse de nostre parabole, laquelle, quoy que bien remise en santé, ne pouvoit faire des montees ni aller bien viste, que son cher espoux ne la relevast et soustinst fortement.

  A004000565 

 A cette cause, la sainte Eglise nous fait si souvent exclamer: «Excités nos cœurs, o Seigneur;» «O Dieu prevenes nos actions en aspirant sur nous, et en nous aydant accompaignes nous;» O Seigneur, soyes prompt a nous secourir, et semblables: affin que par telles prieres nous obtenions la grace de pouvoir faire des œuvres excellentes et extraordinaires et de faire plus frequemment et fervemment [178] les ordinaires, comme aussi de resister plus ardemment aux menues tentations et combattre hardiment les plus grandes..

  A004000566 

 Saint Anthoine fut assailli d'une effroyable legion de demons, desquelz ayant asses longuement soustenu les effortz, non sans une peyne et des tourmens incroyables, en fin il vit le toit de sa cellule se fendre, et un rayon celeste fondre dans l'ouverture, qui dissipa en un moment la noyre et tenebreuse trouppe de ses ennemis et luy osta toute la douleur des coups receus en cette bataille: dont il conneut la presence speciale de Dieu, et jettant un profond souspir du costé de la vision: «Ou esties vous, o bon Jesus,» dit-il, «ou esties vous? pourquoy ne vous estes vous pas treuvé ici des le commencement, pour remedier a ma peyne?» «Anthoine,» luy fut il respondu d'en haut, «j'estois ici, mais j'attendois l'issue de ton combat: or, parce que tu as esté brave et vaillant, je t'ayderay tous-jours.» Mais en quoy consistoit la vaillance et le courage de ce grand soldat spirituel? Il le declara luy mesme une autre fois, qu'estant attaqué par un diable qui avoüa d'estre l'esprit de fornication, ce glorieux Saint, apres plusieurs parolles dignes de son grand courage, commença a chanter le verset 7 du Psalme CXVII:.

  A004000571 

 Il en est de mesme de tous les grans assautz que nos ennemis nous livrent, et nous pouvons bien dire comme Jacob, que c'est l' Ange qui nous garentit de tout mal, et chanter, avec le grand roy David, [179].

  A004000589 

 Tout ainsy donq qu'une douce mere, menant son petit enfant avec elle l'ayde et supporte selon qu'elle void la necessité, luy laissant faire quelques pas de luy mesme es lieux moins dangereux et bien plains, tantost le prenant par la main et l'affermissant, tantost le mettant entre ses bras et le portant, de mesme Nostre Seigneur a un soin continuel de la conduite de ses enfans, c'est a dire de ceux qui ont la charité, les faisant marcher devant luy, leur tendant la main es difficultés, et les portant luy mesme es peynes qu'il void leur estre autrement insupportables.

  A004000591 

 Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance.

  A004000591 

 Mais la suite des secours et assistances n'est pas egale en tous ceux qui perseverent; car es uns elle est fort courte, comme en ceux qui se convertissent a Dieu peu avant leur mort, ainsy qu'il advint au bon larron; au sergent qui, voyant la constance de saint Jacques, fit sur le champ profession de foy et fut rendu compaignon du martyre de ce grand Apostre; au portier bienheureux qui gardoit les quarante Martyrs en Sebaste, lequel voyant l'un d'iceux perdre courage et quitter la palme du martyre, se mit en sa place, et en un moment se rendit Chrestien, martyr et glorieux tout ensemble; au notaire duquel il est parlé en la vie de saint Anthoine de Padoüe, qui ayant toute sa vie esté un faux vilain, fut neanmoins martyr en sa mort; et a mille autres, que nous avons veu et leu avoir esté si heureux que de mourir bons, ayant vescu mauvais.

  A004000592 

 Tous-jours neanmoins la perseverance est le don le plus desirable que nous puissions esperer en cette vie, et lequel, comme parle le sacré Concile, «nous ne pouvons avoir d'ailleurs que de Dieu, qui seul peut affermir celuy qui est debout, et relever celuv qui tumbe;» c'est pourquoy il le faut continuellement demander, employant les moyens que Dieu nous a enseignés pour l'obtenir: l'orayson, le jeusne, l'aumosne, l'usage des Sacremens, la hantise des bons, l'ouÿe et la lecture des saintes paroles..

  A004000593 

 Et de fait, selon l'opinion du grand saint Bernard, nous pouvons tous dire en verité apres l'Apostre, que « ni la mort, ni la vie, ni les forces, ni les anges, ni la profondeur, ni la hauteur ne nous pourra jamais separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ: ouy, car nulle creature ne nous peut arracher de ce saint amour, mays nous pouvons nous mesmes seulz le quitter et l'abandonner par nostre propre volonté, hors laquelle il n'y a rien a craindre pour ce regard.».

  A004000594 

 Ainsy, trescher Theotime, nous devons, selon l'advis du saint Concile, «mettre toute nostre esperance en Dieu qui parachèvera nostre salut qu'il a commencé en nous, pourveu que nous ne manquions pas a sa grace.» Car il ne faut pas penser que celuy qui dit au paralitique: Va et ne veuille plus pecher, ne luy donnast aussi le pouvoir d'eviter le vouloir qu'il luy defendoit; et certes, il n'exhorteroit jamais les fideles a perseverer, s'il n'estoit prest a leur en donner le pouvoir.

  A004000609 

 Tel donq est l'ordre de nostre acheminement a la vie eternelle, pour l'execution duquel la divine Providence [184] establit des l'eternité la multitude, distinction et entresuite des graces necessaires a cela, avec la dependance qu'elles ont les unes des autres..

  A004000610 

 Et a ceux desquelz il previt qu'elle seroit acceptee, il voulut fournir les sacrés mouvemens de la pœnitence; et a ceux qui seconderoyent ces mouvemens, il disposa de donner la sainte charité; et a ceux qui auroyent la charité, il delibera de donner les secours requis pour perseverer; et a ceux qui employeroyent ces divins secours, il resolut de leur donner la finale perseverance et glorieuse felicité de son amour eternel..

  A004000610 

 Il voulut premierement, d'une vraye volonté, qu'encor apres le peché d'Adam tous les hommes fussent sauvés; mays en une façon et par des moyens convenables a la condition de leur nature, douee de franc arbitre; c'est a dire, il voulut le salut de tous ceux qui voudroyent contribuer leur consentement aux graces et faveurs qu'il leur prepareroit, offriroit et departiroit a cette intention.

  A004000611 

 Car la divine Bonté donne la gloire en suite des merites, les merites en suite de la charité, la charité en suite de la penitence, la penitence en suite de l'obeissance a la vocation, l'obeissance a la vocation en suite de la vocation, et la vocation en suite de la redemption du Sauveur; sur laquelle est appuyee toute cette eschelle mystique du grand Jacob, tant du costé du Ciel, puisqu'elle aboutit au sein amoureux de ce Pere eternel, dans lequel il reçoit les esleuz en les glorifiant, comme aussi du costé de la terre, puisqu'elle est plantee sur le sein et le flanc percé du Sauveur, mort pour cette occasion sur le mont de Calvaire.

  A004000612 

 Et que cette suite des effectz de la Providence ayt esté ainsy ordonnee avec la mesme dependance qu'ilz ont les uns des autres en l'eternelle volonté de Dieu, la sainte Eglise le tesmoigne quand elle fait la preface d'une de ses solemnelles prieres en cette sorte: «O Dieu eternel et tout puissant, qui estes Seigneur des vivans et des mortz, et qui usés de misericorde envers tous ceux que vous prevoyes devoir estre a l'advenir vostres par foy et par œuvre;» comme si elle avouoit que la gloire, qui est le comble et le fruit de la misericorde divine envers les hommes, n'est destinee que pour ceux que la divine sapience a preveu qu'a l'advenir, obeissans a la vocation, viendroyent a la foy vive qui opere par la charité..

  A004000613 

 En somme, tous ces effectz dependent absolument de la redemption du Sauveur, qui les a merités pour nous a toute rigueur de justice, par l'amoureuse obeissance qu'il a prattiquee jusques a la mort et la mort de la croix, laquelle est la racine de toutes les graces que nous recevons, nous qui sommes greffes spirituelz entés sur son tige.

  A004000619 

 Les fleuves coulent incessamment et, comme dit le Sage, ilz retournent au lieu duquel ilz sont issus: la mer, qui est le lieu de leur naissance, est aussi le lieu de leur dernier repos; tout leur mouvement ne tend qu'a les unir avec leur origine.

  A004000619 

 Neanmoins, cette union a laquelle nostre cœur aspire ne peut arriver a sa perfection en cette vie mortelle; nous pouvons commencer nos amours en ce monde, mais non pas les consommer qu'en l'autre..

  A004000621 

 Icy, en cette vie caduque, l'ame est voirement espouse et fiancee de l' Aigneau immaculé, mais non pas encor mariee avec luy; la foy et les promesses se donnent, mais l'execution du mariage est differee: c'est pourquoy il y a tous-jours lieu de nous en desdire, quoy que jamais nous n'en ayons aucune rayson, puisque nostre fidele Espoux ne nous abandonne jamais que nous ne l'obligions a cela par nostre desloyauté et perfidie.

  A004000621 

 Mays estans au Ciel, les noces de cette divine union estant celebrees, le lien de nos cœurs a leur souverain Principe sera eternellement indissoluble..

  A004000622 

 Pour cela, selon la naifveté du texte hebrieu et [188] selon la traduction des septantes interpretes, elle souhaitte plusieurs baysers: Qu'il me bayse, dit-elle, des baysers de sa bouche! Mais d'autant que ces menus baysers de la vie presente se rapportent tous au bayser eternel de la vie future, comme essays, preparatifs et gages d'iceluy, la sacree vulgaire Edition a saintement reduit les baysers de la grace a celuy de la gloire, exprimant le souhait de l'amante celeste en cette sorte: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! comme si elle disoit: Entre tous les baysers, entre toutes les faveurs que l'Ami de mon cœur, ou le cœur de mon ame m'a preparés, hé, je ne souspire ni n'aspire qu'a ce grand et solemnel bayser nuptial qui doit durer eternellement, et en comparayson duquel les autres baysers ne meritent pas le nom de bayser, puisqu'ilz sont plustost signes de l'union future entre mon Bienaymé et moy, qu'ilz ne sont pas l'union mesme..

  A004000626 

 Or, non seulement chacun en particulier aura plus d'amour au Ciel qu'il n'en eut jamais en terre, mays l'exercice de la moindre charité qui soit en la vie celeste sera de beaucoup plus heureux et excellent, a parler generalement, que celuy de la plus grande charité qui soit, ou ayt esté, ou qui sera en cette vie caduque, car la haut tous les Saintz prattiquent leur amour incessamment, sans remise quelconque, tandis qu'ici bas les plus grans serviteurs de Dieu, tirés et tirannisés des necessités de cette vie mourante, sont contrains de souffrir mille et mille distractions qui les ostent souvent de l'exercice du saint amour..

  A004000626 

 Quand, apres les travaux et hazards de cette vie mortelle, les bonnes ames arrivent au port de l'eternelle, elles montent au plus haut et dernier degré d'amour auquel elles puissent parvenir; et cet accroissement final leur estant conferé pour recompense de leurs merites, il leur est departi, non seulement a bonne mesure, mais encor a mesure pressee, entassee et qui respand de toutes pars par dessus, comme dit Nostre Seigneur: de sorte que l'amour qui est donné pour salaire est tous-jours plus grand en un chacun que [189] celuy lequel luy avoit esté donné pour meriter.

  A004000627 

 Et qui pourroit jamais egaler le bien, s'il y en a quelqu'un, de vivre entre les perilz, les tourmentes continuelles, agitations et vicissitudes perpetuelles qu'on souffre sur mer, au contentement qu'il y a d'estre en un palais royal ou toutes choses sont a souhait, ains ou les delices surpassent incomparablement tout souhait?.

  A004000628 

 Il y a donq plus de contentement, de suavité et de perfection, en l'exercice de l'amour sacré parmi les habitans du Ciel, qu'en celuy des pelerins de cette miserable terre; mais il y a bien eu pourtant des gens si heureux en leur pelerinage, que leur charité y a esté plus grande que celle de plusieurs Saintz des-ja jouissans de la Patrie eternelle.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire non plus que les hommes mortelz ayent plus de charité que les immortelz; et toutefois il y en a eu de mortelz qui, estans inferieurs en l'exercice de l'amour aux immortelz, les ont neanmoins devancés en la charité et habitude amoureuse.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire que les bergers soyent plus vaillans que les soldatz; et toutefois David, petit berger, [190] venant en l'armee d'Israël, treuva que tous estoyent plus habiles aux exercices des armes que luy, qui neanmoins se treuva plus vaillant que tous.

  A004000633 

 De cette Reyne celeste, je prononce de tout mon cœur cette amoureuse mais veritable pensee: qu'au moins sur la fin de ses jours mortelz sa charité surpassa celle des Seraphins; car si plusieurs filles ont assemblé des richesses, celle cy les a toutes surpassees.

  A004000633 

 Et passant plus outre, je pense encor que comme la charité de cette Mere d'amour surpasse celle de tous les Saintz du Ciel en perfection, aussi l'a-elle exercee plus excellemment, je dis mesme en cette vie mortelle.

  A004000633 

 Tous les Saintz et les Anges ne sont comparés qu'aux estoiles, et le premier d'entre [191] eux a la plus belle d'entre elles: mais celle cy est belle comme la lune, aysee d'estre choisie et discernee entre tous les Saintz, comme le soleil entre les astres.

  A004000636 

 Et puis, mon cher Theotime, ne saves vous pas que les songes mauvais procurés volontairement par les pensees depravees du jour, tiennent en quelque sorte lieu de peché, parce que ce sont comme des dependances et executions de la malice precedente? Ainsy, certes, les songes provenans des saintes affections de la veille sont estimés vertueux et sacrés.

  A004000636 

 Mais si jamais elle songea, comme l'ancien Joseph, a sa grandeur future, quand au ciel elle seroit revestue du soleil, couronnee d'estoiles, et la lune a ses pieds, c'est a dire toute environnee de la gloire de son Filz, couronnee de celle des Saintz, et l'univers sous elle; ou que, comme Jacob, elle vid le progres et les fruitz de la Redemption faite par son Filz en faveur des Anges et des hommes, Theotime, qui pourroit jamais s'imaginer l'immensité de si grandes delices? Que de colloques avec son cher Enfant, que de suavités de toutes pars!.

  A004000636 

 Mon Dieu, Theotime, quelle consolation d'ouïr saint Chrysostome, racontant un jour a son peuple la vehemence de l'amour qu'il luy portoit! «La necessité du sommeil,» dit-il, «pressant nos paupieres, la tirannie de nostre amour envers vous excite les yeux de nostre esprit, et maintefois emmi mon sommeil il m'a esté advis que je vous parlois, car l'ame a accoustumé de voir en songe, par imagination, ce qu'elle pense parmi la journee: ainsy, ne vous voyans pas des yeux de la chair, nous vous voyons des yeux de la charité.» Hé, doux Jesus, qu'est-ce que devoit songer vostre tressainte Mere Ihors qu'elle dormoit et que son [193] cœur veilloit? Ne songeoit-elle point de vous voir encor plié dans ses entrailles, comme vous fustes neuf mois? ou bien pendant a ses mammelles et pressant doucement le sacré chicheron de son tetin virginal? Helas, que de douceurs en cette ame! Peut estre songea-elle maintefois que, comme Nostre Seigneur avoit jadis souvent dormi sur sa poitrine, ainsy qu'un petit aignelet sur le flanc mollet de sa mere, de mesme aussi elle dormoit dans son costé percé, comme une blanche colombe dans le trou d'un rocher asseuré.

  A004000638 

 Et les flammes sacrees de la Vierge ne pouvant ni perir, ni diminuer, ni demeurer en mesme estat, ne cesserent jamais de prendre des accroissemens incroyables jusques au Ciel, lieu de leur origine; tant il est vray que cette Mere est la Mere de belle dilection, c'est a dire, la plus aymable comme la plus amante, et la plus amante comme la plus aymee Mere de cet unique Filz, qui est aussi le plus aymable, le plus amant et le plus aymé Filz de cette unique Mere..

  A004000642 

 L'amour triomphant que les Bienheureux exercent au Ciel consiste en la finale, invariable et eternelle union de l'ame avec son Dieu.

  A004000643 

 A mesure que nos sens rencontrent des objetz aggreables et excellens, ilz s'appliquent plus ardemment et avidement a la jouissance d'iceux: plus les choses sont belles, aggreables a la veüe et deüement esclairees, plus [195] l'œil les regarde avidement et vivement; et plus la voix ou musique est douce et souefve, plus elle attire l'attention de l'oreille.

  A004000643 

 La verité est l'objet de nostre entendement, qui a, par consequent, tout son contentement a descouvrir et connoistre la verité des choses; et selon que les verités sont plus excellentes nostre entendement s'applique plus delicieusement et plus attentivement a les considerer..

  A004000644 

 Quel playsir pensés-vous, Theotime, qu'eussent ces anciens philosophes qui conneurent si excellemment tant de belles verités en la nature? Certes, toutes les voluptés ne leur estoyent rien en comparayson de leur bien-aymee philosophie, pour laquelle quelques uns d'entre eux quittèrent les honneurs, les autres des grandes richesses, d'autres leur païs; et s'en est treuvé tel qui, de sens rassis, s'est arraché les yeux, se privant pour jamais de la jouissance de la belle et aggreable lumiere corporelle, pour s'occuper plus librement a considerer la verité des choses par la lumiere spirituelle, car on lit cela de Democrite; tant la connoissance de la verité est delicieuse: dont Aristote a dit fort souvent que la felicité et beatitude humaine consiste en la sapience, qui est la connoissance des verités eminentes..

  A004000645 

 Dieu a empreint [196] sa piste, ses alleures et passees en toutes les choses creées; de sorte que la connoissance que nous avons de sa divine Majesté par les creatures, ne semble estre autre chose que la veüe des pieds de Dieu, et qu'en comparayson de cela la foy est une veüe de la face mesme de sa divine Majesté, laquelle nous ne voyons pas encores au plein jour de la gloire, mais nous la voyons, pourtant, comme en la prime aube du jour, ainsy qu'il advint a Jacob aupres du gay de Jaboc; car bien qu'il n'eust veu l'Ange avec lequel il lutta, sinon a la foible clarté du point du jour, si est-ce que tout ravi de contentement il ne laissa pas de s'escrier: J'ay veu le Seigneur face a face, et mon ame a esté sauvee.

  A004000645 

 Mais lhors que nostre esprit, eslevé au dessus de la lumiere naturelle, commence a voir les verités sacrees de la foy, o Dieu, Theotime, quelle allegresse! L'ame se fond de playsir, oyant la parole de son celeste Espoux, qu'elle treuve plus douce et souefve que le miel de toutes les sciences humaines.

  A004000646 

 Ah, que belles et amiables sont les verités que la foy nous revele par l'ouïe! mais quand, arrivés en la celeste Hierusalem, nous verrons le grand Salomon, Roy de gloire, assis sur le trosne de sa sapience, manifestant avec une clarté incomprehensible les merveilles et secretz eternelz de sa verité souveraine, avec tant de lumiere que nostre entendement verra en presence ce qu'il avoit creu ici bas, oh alhors, trescher Theotime, quelz ravissemens! quelles extases! quelles admirations! quelles amours! quelles douceurs! Non jamais, dirons-nous en cet exces de suavité, non jamais nous n'eussions sceu penser de voir des verités si delectables.

  A004000646 

 Que si les verités divines sont de si grande suavité estans proposees en la lumiere obscure de la foy, o Dieu, que sera-ce quand nous les contemplerons en la clarté du midy de la gloire? La Reyne de Saba qui, a la grandeur de la renommee de Salomon, avoit tout quitté pour le venir voir, estant arrivee en sa presence et ayant escouté les merveilles de la sagesse qu'il respandoit en ses propos, toute esperdue et comme pasmee d'admiration, s'escria que ce qu'elle avoit appris par [197] ouï dire de cette celeste sagesse n'estoit pas la moitié de la connoissance que la veüe et l'experience luy en donnoyent.

  A004000650 

 Alexandre ayant englouti tout ce bas monde, qu'en effect, qu'en esperance, ouït dire a un chetif homme du monde qu'il y avoit encor plusieurs autres mondes; et comme un petit enfant qui veut pleurer pour une pomme qu'on luy refuse, cet Alexandre que les mondains appellent le Grand, plus fol neanmoins qu'un petit enfant, se prend a pleurer a chaudes larmes dequoy il n'y avoit pas apparence qu'il peust conquerir les autres mondes, puisqu'il n'avoit encor pas l'entiere possession de celuy cy.

  A004000650 

 Celuy qui jouissant plus pleinement du monde que jamais nul ne fit, en est toutefois si peu content qu'il pleure de tristesse dequoy il n'en peut avoir d'autres, que la folle persuasion d'un miserable cajolleur luy fait imaginer: dites-moy, je vous prie, Theotime, monstre-il pas que la soif de son cœur ne peut estre assouvie en cette vie, et que ce monde n'est pas suffisant pour le desalterer? O admirable, mays aymable inquietude du cœur humain! Soyes, soyes a jamais sans repos ni tranquillité quelcomque en cette terre, mon ame, jusques a ce que vous ayes rencontré les fraisches eaux de la vie immortelle et la tressainte Divinité, qui seules peuvent esteindre vostre alteration et accoiser vostre desir..

  A004000650 

 O Jesus! mon cher Theotime, quelle joye pour le cœur humain de voir la face de la Divinité, face tant desiree, ains face l'unique desir de nos ames! Nos cœurs ont une soif qui ne peut estre estanchee par les contentemens de la vie mortelle; contentemens desquelz les plus estimés et pourchassés, [198] s'ilz sont moderés, ilz ne nous desalterent pas, et s'ilz sont extremes, ilz nous estouffent.

  A004000650 

 On les desire neanmoins tous-jours extremes, et jamais ilz ne le sont qu'ilz ne soyent excessifz, insupportables et dommageables; car on meurt de joye comme on meurt de tristesse, ains la joye est plus active a nous ruiner que la tristesse.

  A004000657 

 De sorte que les verités signifiees en la parole de Dieu sont par icelle representees a l'entendement, comme les choses exprimees au mirouer sont, par le mirouer, representees a l'œil: si que, croire c'est voir comme par un miroüer, dit le grand Apostre..

  A004000657 

 Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne.

  A004000658 

 Et alhors seront prattiquees en une façon excellente ces divines promesses: Je la meneray en la solitude et parleray a son cœur, et l'allaiteray; Esjouisses-vous avec Hierusalem en liesse, affin que vous allaities et soyes remplis de la mammelle de sa consolation, et que vous succies et que vous vous delecties de la totale affluence de sa gloire; Vous seres portés aux tetins, et on vous amadoüera sur les genoux..

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000659 

 Il est vray qu'ici cette faveur nous est faitte reellement, mais a couvert, sous les especes et apparences sacramentelles, la ou au Ciel, la Divinité se donnera a descouvert, et nous la verrons, face a face, comme elle est.

  A004000664 

 Car, comme se pourroit il faire que ce divin Filz fust la vraye, vrayement vive et vrayement naturelle image, semblance et figure de l'infinie beauté et substance du Pere, si elle ne representoit infiniment au vif et au naturel les infinies perfections du Pere? et comme pourroit elle representer infiniment des perfections infinies, si elle mesme n'estoit infiniment parfaite? et comme pourroit elle estre infiniment parfaite, si elle n'estoit Dieu? et comme pourroit elle estre Dieu, si elle n'estoit un mesme Dieu avec le Pere?.

  A004000666 

 Le tres doux saint Bernard, estant encores jeune garçon a Chastillon sur Seine, la nuit de Noël attendoit en l'eglise que l'on commençast l'office sacré, et en cette attente le pauvre enfant s'endormit d'un sommeil fort leger, pendant lequel, o Dieu! quelle douceur! il vit en esprit, mais d'une vision fort distincte et fort claire, comme le Filz de Dieu ayant espousé la nature humaine et s'estant rendu petit Enfant dans les entrailles tres [204] pures de sa Mere, naissoit virginalement de son ventre sacré, avec une humble suavité meslee d'une celeste majesté,.

  A004000669 

 vision, Theotime, qui combla tellement le cœur amiable du petit Bernard, d'ayse, de jubilation et de delices spirituelles, qu'il en eut toute sa vie des ressentimens extremes; et partant, combien que depuis, comme une abeille sacree, il recueillit tous-jours de tous les divins mysteres le miel de mille douces et divines consolations, si est-ce que la solemnité de Noël luy apportoit une particuliere suavité, et parloit avec un goust nompareil de cette nativité de son Maistre.

  A004000674 

 Or, le Pere et le Filz se treuvans non seulement egaux et unis, ains un mesme Dieu, une mesme bonté, une mesme essence et une mesme unité, quel amour doivent-ilz avoir l'un a l'autre! Mays cet amour ne se passe pas comme l'amour que les creatures intellectuelles ont entre elles ou envers leur Createur (car l'amour creé se fait par plusieurs et divers eslans, souspirs, unions et liaysons qui s'entresuivent et font la continuation de l'amour avec une douce vicissitude de mouvemens spirituelz); car l'amour divin du Pere eternel envers son Filz est prattiqué en un seul souspir, eslancé reciproquement par le Pere et le Filz, qui, en cette sorte, demeurent unis et liés ensemble.

  A004000679 

 Quand les freres ensemblement.

  A004000689 

 Mais, o Dieu, si l'amitié humaine est tant agreablement aymable et respand une odeur si delicieuse sur ceux qui la contemplent, que sera-ce, mon bienaymé Theotime, de voir l'exercice sacré de l'amour reciproque du Pere envers le Filz eternel! Saint Gregoire Nazianzene raconte que l'amitié incomparable qui estoit entre luy et son grand saint Basile estoit celebree par toute la Grece, et Tertulien tesmoigne que les payens admiroient cet amour plus que fraternel qui regnoit entre les premiers Chrestiens: o quelle feste, quelle solemnité! de quelles louanges et benedictions doit estre celebree, de quelles admirations doit estre honnoree et aymee l'eternelle et souveraine amitié du Pere et du Filz! Qu'y a-il d'aymable et d'amiable si l'amitié ne l'est pas? et si l'amitié est amiable et aymable, quelle amitié le peut estre en comparayson de cette infinie amitié qui est entre le Pere et le Filz, et qui est un mesme Dieu tres unique avec eux? Nostre cœur, Theotime, s'abismera d'amour, en l'admiration de la beauté et suavité de l'amour que ce Pere eternel et ce Filz incomprehensible prattiquent divinement et eternellement.

  A004000693 

 C'est pourquoy la suavité de la Sagesse eternelle a disposé de ne point appliquer son essence a nostre entendement, qu'elle ne l'ait preparé, revigoré et habilité, pour recevoir une veüe si eminente et disproportionnee a sa condition naturelle comme est la veüe de la Divinité: car ainsy le soleil, souverain object de nos yeux corporelz entre les choses naturelles, ne se presente point a nostre veiie que premier il n'envoye ses rayons, par le moyen desquelz nous le puissions voir; de sorte, que nous ne le voyons que par sa lumiere.

  A004000693 

 L'entendement creé verra donq l'essence divine sans aucune entremise d'espece ou representation, mais il ne la verra pas neanmoins sans quelqu'excellente lumiere qui le dispose, esleve et renforce pour faire une veüe si haute et d'un object si sublime et esclattant; car, comme la chouette a bien la veüe asses forte pour voir la sombre lumiere de la nuict sereine, mais non pas toutefois pour voir la clarté du midi, qui est trop brillante pour estre receüe par des yeux si troubles et imbecilles, ainsy nostre entendement, qui a bien asses de force pour considerer les verités naturelles par son discours, et mesme les choses surnaturelles de la grace par la lumiere de la foy, ne sauroit pas neanmoins, ni par la lumiere de la nature ni par la lumiere de la foy, atteindre jusques a la veüe de la substance divine en elle mesme.

  A004000693 

 Toutefois, il y a de la difference entre les rayons que le soleil jette a nos yeux corporelz, et la lumiere que Dieu creera en nos entendemens, au Ciel: car le rayon du [209] soleil corporel ne fortifie point nos yeux quand ilz sont foibles et impuissans a voir, ains plustost il les aveugle, esblouissant et dissipant leur veüe infirme; ou, au contraire, cette sacree lumiere de gloire, treuvant nos entendemens inhabiles et incapables de voir la Divinité, elle les esleve, renforce et perfectionne si excellemment, que, par une merveille incomprehensible, ilz regardent et contemplent l'abisme de la clarté divine fixement et droitement en elle mesme, sans estre esblouis ni rebouschés de la grandeur infinie de son esclat..

  A004000694 

 Les plongeons, dit Pline, qui pour pescher les pierres precieuses s'enfoncent dans la mer, prennent de l'huyle en leur bouche, affin que le respandant ilz ayent plus de jour pour voir dedans les eaux entre lesquelles ilz nagent: Theotime, l'ame bienheureuse estant enfoncee et plongee dans l'ocean de la divine essence, Dieu respandra dans son entendement la sacree lumiere de gloire, qui luy fera jour en cet abisme de lumiere inaccessible, affin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté de la Divinité:.

  A004000704 

 Certes, en ce Paradis celeste tous les espritz voyent toute l'essence divine, mais nul d'entr'eux ni tous eux ensemble ne la voyent ni peuvent voir totalement.

  A004000705 

 Il en est presqu'ainsy de tous nos sens: entre plusieurs qui oyent une excellente musique, quoy que tous l'entendent toute, les uns pourtant ne l'oyent pas si bien ni avec tant de [211] playsir que les autres, selon que les aureilles sont plus ou moins delicates.

  A004000706 

 Ainsy les poissons jouissent de la grandeur incroyable de l'ocean, et jamais pourtant aucun poisson, ni mesme toute la multitude des poissons, ne vid toutes les plages ni ne trempa ses escailles en toutes les eaux de la mer; et les oyseaux s'esgayent a leur gré dans la vasteté de l'air, mais jamais aucun oyseau, ni mesme toute la race des oyseaux ensemble, n'a battu des aysles toutes les contrees de l'air et n'est jamais parvenu a la supreme region d'iceluy.

  A004000707 

 Et sur ce sujet, les espritz bienheureux sont ravis de deux admirations: l'une, pour l'infinie beauté qu'ilz contemplent, et l'autre, pour l'abisme de l'infinité qui reste a voir en cette mesme beauté.

  A004000707 

 O Dieu, que ce qu'ilz voyent est admirable! mais o Dieu, que ce qu'ilz ne voyent pas l'est beaucoup plus! Et toutefois, Theotime, la tressainte beauté qu'ilz voyent estant infinie, elle les rend parfaitement satisfaitz et assouvis; et se contentans d'en jouir selon le rang qu'ilz tiennent au Ciel, a cause de la tres aymable Providence divine qui en a ainsy ordonné, ilz convertissent la connoissance qu'ilz ont de ne posseder pas ni ne pouvoir posseder totalement leur object, en une simple complaysance d'admiration, par laquelle ilz ont une joye souveraine de voir que la beauté qu'ilz ayment est tellement infinie qu'elle ne peut estre totalement conneüe que par elle mesme: car en cela consiste la divinité de cette Beauté infinie, ou la beauté de cette infinie Divinité.

  A004000716 

 Mais, o Dieu eternel, comme est-il possible, dires-vous, qu'une ame qui a l'amour de Dieu le puisse jamais perdre? Car ou l'amour est, il resiste au peché: et comme se peut il donq faire que le peché y entre, puisque l'amour est fort comme la mort, aspre au combat comme l'enfer? comme peuvent les forces de la mort ou de l'enfer, c'est a dire les pechés, vaincre l'amour qui pour le moins les esgale en force, et les surmonte en assistance et en droit? Mays comme peut-il estre qu'une ame raysonnable, qui a une fois savouré une si grande douceur comme est celle de l'amour divin, puisse onques volontairement avaler les eaux ameres de l'offence? Les enfans, tout enfans qu'ilz sont, estans nourris au lait, au beurre et au miel, abhorrent l'amertume de l'absinthe et du chicotin, et pleurent jusques a pasmer quand on leur en fait gouster: hé donques, o vray Dieu, l'ame une fois jointe a la bonté du Createur, comme le peut-elle quitter pour suivre la vanité de la creature?.

  A004000717 

 Certes, en cette vie mortelle, quoy que nos ames abondent en amour celeste, si est ce que jamais elles n'en sont si pleines que par la tentation cet amour ne puisse sortir; mais la haut au Ciel, quand les suavités de la beauté de Dieu occuperont tout ncstre entendement et les delices de sa bonté assouviront toute nostre volonté, en sorte qu'il n'y aura rien que la plenitude de son amour ne remplisse, nul objet, quoy qu'il penetre jusques a nos cœurs, ne pourra jamais tirer ni faire sortir une seule goutte de la pretieuse liqueur de leur amour celeste; et de penser donner du vent par dessus, c'est a dire decevoir ou surprendre l'entendement, il ne sera plus possible, car il sera immobile en l'apprehension de la verité souveraine..

  A004000717 

 Mays aves-vous jamais veu cette petite merveille que chacun sçait, et de laquelle chacun ne sçait pas la rayson? Quand on perce un tonneau bien plein, il ne respandra point son vin qu'on ne luy donne de l'air par dessus, ce qui n'arrive pas aux tonneaux [216] esquelz il y a des-ja du vuide, car on ne les a pas plus tost ouvertz que le vin en sort.

  A004000717 

 Mon cher Theotime, les cieux mesmes s'esbahissent, leurs portes se froissent de frayeur, et les Anges de paix demeurent esperdus d'estonnement sur cette prodigieuse misere du cœur humain, qui abandonne un bien tant aymable pour s'attacher a des choses si deplorables.

  A004000718 

 Icy, parmi les crepuscules de l'aube du jour, nous craignons qu'en lieu de l'Espoux nous ne rencontrions quelqu'autre objet qui nous amuse et deçoive; mais quand nous le treuverons la haut ou il repaist et repose au midy de sa gloire, il n'y aura plus moyen d'estre trompés, car sa lumiere sera trop claire, et sa douceur nous liera si serré a sa bonté que nous ne pourrons plus vouloir nous en desprendre..

  A004000720 

 Il est impossible de voir la Divinité et ne l'aymer pas; mays ici bas, ou, sans la voir, nous l'entrevoyons seulement au travers des ombres de la foy, comme en un miroüer, nostre connoissance n'est pas si grande qu'elle ne laisse encor l'entree a la surprise des autres objetz et biens appareils, lesquelz, entre les obscurités qui se meslent en la certitude et verité de la foy, se glissent insensiblement comme petitz renardeaux, et demolissent nostre vigne fleurie.

  A004000724 

 Certes, le peché veniel, ni mesme l'affection au peché veniel, n'est pas contraire a l'essentielle resolution de la charité, qui est de preferer Dieu a toutes choses: d'autant que par ce peché nous aymons quelque chose hors de la rayson, mais non pas contre la rayson; nous deferons un peu trop, et plus qu'il n'est convenable, a la creature, mais non pas en la preferant au Createur; nous nous amusons plus qu'il ne faut aux choses terrestres, mais nous ne quittons pas pour cela les celestes: en somme, cette sorte de peché nous retarde au chemin de la charité, mais il ne nous en oste pas, et partant, le peché veniel n'estant pas contraire a la charité, il ne la destruit jamais, ni en tout ni en partie..

  A004000725 

 Dieu fit sçavoir a l'Evesque d'Ephese qu'il avoit delaissé sa premiere charité; ou il ne dit pas qu'il estoit sans charité, mais seulement qu'elle n'estoit plus telle qu'au commencement, c'est a dire qu'elle n'estoit plus prompte, fervente, fleurissante et fructueuse: ainsy que nous avons accoustumé de dire d'un homme, qui de brave, joyeux et gaillard est devenu chagrin, paresseux et maussade: Ce n'est plus celuy d'autrefois; car nous ne voulons pas entendre que ce ne soit pas le mesme selon la substance, mais seulement selon les actions et exercices; et de mesme, Nostre Seigneur a dit qu'es derniers jours la charité de plusieurs se rafroidira, [219] c'est a dire, elle ne sera pas si active et courageuse, a cause de la crainte et de l'ennuy qui oppressera les cœurs.

  A004000726 

 Neanmoins, le peché veniel est peché, et par consequent il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mays comme chose contraire a ses operations et a son progres, voire mesme a son intention, laquelle estant que nous rapportions toutes nos operations a Dieu, elle est violee par le peché veniel, qui porte les actions par lesquelles nous le commettons, non pas voirement contre Dieu, mais hors de Dieu et de sa volonté: et comme nous disons d'un arbre qui a esté rudement touché et reduit en friche par la tempeste, que rien n'y est demeuré, parce qu'encor que l'arbre est entier, neanmoins il est resté sans fruit, de mesme, quand nostre charité est battue des affections que l'on a aux pechés venielz, nous disons qu'elle est diminuee et defaillie, non que l'habitude de l'amour ne soit entiere en nos espritz, mais parce qu'elle est sans les œuvres qui sont ses fruitz..

  A004000727 

 Aussi, les affections au peché veniel n'abolissent pas la charité, mays elles la tiennent comme un esclave, liee pieds et [220] mains, empeschant sa liberté et son action; cette affection nous attachant par trop a la jouissance des creatures, nous prive de la privauté spirituelle entre Dieu et nous, a laquelle la charité, comme vraye amitié, nous incite, et, par consequent, elle nous fait perdre les secours et assistances interieures, qui sont comme les espritz vitaux et animaux de l'ame, du defaut desquelz provient une certaine paralisie spirituelle, laquelle en fin si on n'y remedie nous conduit a la mort.

  A004000727 

 L'affection aux grans pechés rendoit tellement la verité prisonniere de l'injustice, entre les philosophes payens, que, comme dit le grand Apostre, co nnoissans Dieu, ilz ne le glorifioyent pas selon que cette connoissance requeroit: si que cette affection n'exterminant pas la lumiere naturelle, elle la rendoit infructueuse.

  A004000728 

 Ce qui arrive d'autant plus aysement, que par le peché veniel l'ame se dispose au mortel; car, comme cet ancien ayant continué a porter tous les jours un mesme veau, le porta en fin encor qu'il fut devenu un gros bœuf, la coustume ayant petit a petit rendu insensible a ses forces l'accroissement d'un si lourd fardeau, ainsy celuy qui s'affectionne a joüer des testons joüeroit en fin des escus, des pistoles, des chevaux, et apres ses chevaux toute sa chevance; qui lasche la.

  A004000733 

 Nous n'aymons pas Dieu sans intermission, d'autant qu'en cette vie mortelle la charité est en nous par maniere de simple habitude, de laquelle, comme les philosophes ont remarqué, nous usons quand il nous plait et non jamais contre nostre gré.

  A004000733 

 Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste.

  A004000734 

 Helas, Theotime, si nous ne nous amusions pas en la vanité des playsirs caduques, et sur tout en la complaysance de nostre amour propre, ains qu'ayans une fois la charité, nous fussions soigneux de voler droit, la part ou elle nous porte, jamais les suggestions et tentations ne nous attrapperoyent; mais parce que, comme colombes seduites et deceües de nostre propre estime, nous retournons sur nous mesmes et entretenons trop nos espritz parmi les creatures, nous nous treuvons souvent surpris entre les serres de nos ennemis, qui nous emportent et devorent..

  A004000734 

 On void que les pigeons touchés de vanité se pavonnent quelquefois en l'air et font des esplanades ça et la, se mirant en la varieté de leur pennage, et lhors les tierceletz et faucons qui les espient viennent fondre sur eux et les attrappent, ce qu'ilz ne feroient jamais si les pigeons voloient leur droit vol, d'autant qu'ilz ont l'aisle plus roide que les oyseaux de proye.

  A004000735 

 Et ce que la tentation nous presente pour amorce est tous-jours de cette sorte; car, comme enseignent [223] les saintes Lettres, ou c'est un bien honnorable selon le monde pour nous provoquer a l' orgueil de la vie mondaine, ou un bien delectable aux sens pour nous porter a la convoitise charnelle, ou un bien utile a nous enrichir pour nous inciter a la convoitise et avarice des yeux.

  A004000735 

 Que si nous tenions nostre foy, laquelle sçait discerner entre les vrays biens qu'il faut pourchasser et les faux qu'il faut rejetter, vivement attentive a son devoir, certes, elle serviroit de sentinelle asseuree a la charité et luy donneroit advis du mal qui s'approche du cœur sous pretexte de bien, et la charité le repousseroit soudain: mais parce que nous tenons ordinairement nostre foy, ou dormante ou moins attentive qu'il ne seroit requis pour la conservation de nostre charité, nous sommes aussi souvent surpris de la tentation, laquelle seduisant nos sens, et nos sens incitans la partie inferieure de nostre ame a rebellion, il advient que maintefois la partie superieure de la rayson cede a l'effort de cette revolte, et, commettant le peché, elle perd la charité..

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000736 

 Tel fut le progres de sedition que le desloyal Absalon excita contre son bon pere David; car il mit en avant des propositions bonnes en apparence, lesquelles estant une fois receües par les pauvres Israëlites desquelz la prudence estoit endormie et engourdie, il les sollicita tellement qu'il les reduisit a une entiere rebellion: de sorte que David fut contraint de sortir tout espleuré de Hierusalem avec tous ses plus fideles amis, ne laissant en la ville de gens de marque, sinon Sadoc et Abiathar, prestres de l'Eternel, avec leurs enfans; or Sadoc estoit voyant, c'est a dire prophete.

  A004000745 

 Nostre esprit, certes, ne sort pas petit a petit de son cors, ains en un moment, lhors que l'indisposition du cors est si grande qu'il ne peut plus y faire les actions de vie; et de mesme, a l'instant que le cœur est tellement detraqué en ses passions que la charité n'y peut plus regner, elle le quitte et abandonne; car elle est si genereuse qu'elle ne peut cesser de regner sans cesser d'estre..

  A004000746 

 Les habitudes que nous acquerons par nos seules actions humaines ne perissent pas par un seul acte contraire, car nul ne dira qu'un homme soit intemperant pour un seul acte d'intemperance, ni qu'un peintre ne soit pas bon maistre pour avoir une fois manqué a l'art; ains, comme toutes telles habitudes nous arrivent par la suite et impression de plusieurs actes, ainsy nous les perdons par une longue cessation de leurs actes, ou par une multitude d'actes contraires.

  A004000746 

 Mais la charité, Theotime, que le Saint Esprit respand en un moment dans nos cœurs lhors que les conditions requises a cette infusion se rencontrent en nous, certes aussi en un instant elle nous est ostee, si tost que, destournans nostre volonté de l'obeissance que nous devons a Dieu, nous avons achevé de consentir a la rebellion et desloyauté a laquelle la tentation nous incite..

  A004000747 

 En quov elle ressemble au chef d'œuvre de Phidias, tant celebré par les anciens: car on dit que ce grand sculpteur fit en Athenes une statue de Minerve, toute d'ivoire, haute de vingt six coudees; et au bouclier d'icelle, auquel il avoit relevé les batailles des amazones et des geans, il grava avec tant d'art son visage de luy mesme, qu'on ne pouvoit oster un seul brin de son image, dit Aristote, que «toute la statue ne tombast desfaite:» si que cette besoigne ayant esté perfectionnee par assemblage de piece a piece, en un moment neanmoins elle perissoit si on eust osté une seule petite partie de la semblance de l'ouvrier.

  A004000752 

 Ainsy le sacré Concile de Trente inculque divinement a tous les enfans de l'Eglise sainte, que la grace divine ne manque jamais a ceux qui font ce qu'ilz peuvent, invoquans le secours [228] celeste; que «Dieu n'abandonne jamais ceux qu'il a une fois justifiés, sinon qu'eux mesmes les premiers l'abandonnent,» de sorte que, s'ilz ne manquent a la grace ilz obtiendront la gloire.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000753 

 Il est vray qu'ilz ne firent pas resistance au soleil, mais il les ayda aussi beaucoup a ne point resister; car il vint doucement respandre sa lumiere sur eux, se faisant entrevoir au travers de leurs paupieres, et par sa chaleur, comme par son amour, il alla dessiller leurs yeux et les pressa de voir son jour..

  A004000753 

 Mays les uns esveillés se levent, et gaignans païs allerent heureusement au giste; les autres, non seulement ne se levent pas, mais tournans le dos au soleil et enfonçans leurs chapeaux sur leurs yeux, passerent la leur journee a dormir, jusques a ce que, surpris de la nuit et voulans neanmoins aller au logis, ilz s'esgarent qui ça qui la dans une forest, a la merci des loups, sangliers et autres bestes sauvages.

  A004000753 

 Or dites, de grace, Theotime: ceux qui sont arrivés, ne devoyent-ilz pas sçavoir tout le gré de leur contentement au soleil, ou, pour parler chrestiennement, au Createur du soleil? Ouy certes, car ilz ne pensoyent nullement a s'esveiller quand il en estoit tems; le soleil leur fit ce bon office, et par une aggreable semonce de sa clarté et de sa chaleur, les vint aimablement resveiller.

  A004000753 

 Plusieurs voyagers, environ l'heure de midi un jour d'esté, se mirent a dormir a l'ombre d'un arbre; mays tandis que leur lassitude et la fraicheur de l'ombrage les tient en sommeil, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux sa plus forte lumiere, laquelle par l'eclat de sa clarté faisoit des transparences, comme par des petitz esclairs, autour de la prunelle des yeux de ces dormans, et par la chaleur qui perçoit leurs paupieres les força d'une douce violence de s'esveiller.

  A004000755 

 Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire..

  A004000756 

 Ainsy les Japonois se plaignans au bienheureux François Xavier [230] leur Apostre, dequoy Dieu, qui avoit eu tant de soin des autres nations, sembloit avoir oublié leurs predecesseurs, ne leur ayant point fait avoir sa connoissance, par le manquement de laquelle ilz auroyent esté perdus, l'homme de Dieu leur respondit que la divine loy naturelle estoit plantee en l'esprit de tous les mortelz, laquelle si leurs devanciers eussent observee, la celeste lumiere les eust sans doute esclairés; comme au contraire, l'ayant violee, ilz meriterent d'estre damnés.

  A004000760 

 L'amour des hommes envers Dieu tient son origine, son progres et sa perfection de l'amour eternel de Dieu envers les hommes: c'est le sentiment universel de l'Eglise nostre Mere, laquelle, avec une ardente jalousie, veut que nous reconnoissions nostre salut et les moyens pour y parvenir de la seule misericorde du Sauveur, affîn qu'en la terre comme au Ciel a luy seul soit honneur et gloire.

  A004000760 

 Qu'as-tu que tu n'ayes receu? dit le divin Apostre, parlant des dons de science, eloquence et autres telles qualités des pasteurs ecclesiastiques; et si tu l'as receu, pourquoy t'en glorifies [231] tu comme si tu ne l'avois pas receu? Il est vray, nous avons tout receu de Dieu, mais par dessus tout nous avons receu les biens surnaturelz du saint amour; que si nous les avons receus, pourquoy en prendrons-nous de la gloire?.

  A004000762 

 Car dis-moy, je te prie, ne m'advoueras-tu pas que si Dieu ne t'eust prevenu, tu n'eusses jamais senti sa bonté, ni par conséquent consenti a son amour? non, ni mesme tu n'eusses pas fait une seule bonne pensee pour luy: son mouvement a donné l'estre et la vie au tien, et si sa liberalité n'eust animé, excité et provoqué ta liberté par les puissans attraitz de sa suavité, ta liberté fut tous-jours demeuree inutile a ton salut.

  A004000763 

 Mays dis moy derechef, je te prie, homme vil et abject, es tu pas ridicule quand tu penses avoir part en la gloire de ta conversion parce que tu n'as pas repoussé l'inspiration? n'est ce pas la fantasie des voleurs et tirans, de penser donner la vie a ceux auxquelz ilz ne l'ostent pas? et n'est ce pas une forcenee impieté de penser que tu ayes donné la sainte, efficace et vive activeté a l'inspiration divine, parce que tu ne la luy as pas ostee par ta resistence? Nous pouvons empescher les effeetz de l'inspiration, mais nous ne les luy pouvons pas donner: elle tire sa force et venu de la bonté divine, qui est le lieu de son origine, et non de la volonté humaine, qui est le lieu de son abord.

  A004000763 

 S'indigneroit on pas de la princesse de nostre parabole, si elle se vantoit d'avoir donné la vertu et proprieté aux eaux cordiales et autres medicamens, ou de s'estre guerie elle mesme, parce que si elle n'eust receu les remedes que le roy luy donna et versa dans sa bouche, lhors qu'a moytié morte elle n'avoit presque plus de sentiment, ilz n'eussent point eu d'operation? Ouy, luy diroit-on, ingrate que vous estes, vous pouvies vous opiniastrer a ne point recevoir les remedes, et mesme les ayant receus en vostre bouche vous les pouvies rejetter; mais il n'est pas vray pourtant que vous leur ayés donné la vigueur ou vertu, car ilz l'avoyent [233] par leur proprieté naturelle: seulement, vous aves consenti de les recevoir et qu'ilz fissent leur action; et encor n'eussies-vous jamais consenti, si le roy ne vous eust premierement revigoree et puis sollicitee a les prendre; onques vous ne les eussies receus s'il ne vous eust aydee a les recevoir, ouvrant vostre propre bouche avec ses doigtz et respandant la potion dedans icelle.

  A004000764 

 Nostre franc arbitre peut arrester et empescher la course de l'inspiration, et quand le vent favorable de la grace celeste enfle les voyles de nostre esprit, il est en nostre liberté de refuser nostre consentement et empescher par ce moyen l'effect de la faveur du vent; mays quand nostre esprit single et fait heureusement sa navigation, ce n'est pas nous qui faisons venir le vent de l'inspiration, ni qui en remplissons nos voyles, ni qui donnons le mouvement au navire de nostre cœur, ains seulement nous recevons le vent qui vient du Ciel, consentons a son mouvement et laissons aller le navire sous le vent, sans l'empescher par la remore de nostre resistence.

  A004000765 

 Le ciel prepare les gouttes de la fraiche rosee au primtems et les espluÿe sur la face de la mer, et les mereperles qui ouvrent leurs escailles reçoivent ces gouttes, lesquelles se convertissent en perles: mais au contraire, les mereperles qui tiennent leurs escailles fermees n'empeschent pas que les gouttes ne tumbent sur elles, elles empeschent neanmoins qu'elles ne tumbent pas dans elles.

  A004000769 

 L'esprit humain est si foible, que quand il veut trop curieusement rechercher les causes et raysons de la volonté divine, il s'embarrasse et entortille dans les filetz de mille difficultés desquelles par apres il ne se peut desprendre.

  A004000770 

 Car nostre temerité nous presse tous-jours de rechercher pourquoy Dieu donne plus de moyens aux uns qu'aux autres, pourquoy il ne fit entre les Tyriens et Sidoniens les merveilles qu'il fit en Corozaïn et Bethsaïda, puisqu'ilz en eussent si bien fait leur proffït, et en somme, pourquoy il tire a son amour plustost l'un que l'autre..

  A004000771 

 O Theotime mon ami, jamais, non jamais nous ne devons laisser emporter nostre esprit a ce tourbillon de vent follet, ni penser de treuver une meilleure rayson de la volonté de Dieu que sa volonté mesme, laquelle est souverainement raysonnable, ains la rayson de toutes [236] les raysons, la regle de toute bonté, la loy de toute equité.

  A004000771 

 Que si nous devons charitablement porter tant d'honneur aux decretz des cours souveraines composees de juges corruptibles de la terre et de terre, que de croire qu'ilz n'ont pas esté faitz sans motifs, quoy que nous ne les sachions pas, hé, Seigneur Dieu, avec quelle reverence amoureuse devons-nous adorer l'equité de vostre providence supreme, laquelle est infinie en justice et bonté!.

  A004000772 

 Ainsy, en mille lieux de la sacree Parole, nous trouvons la rayson pour laquelle Dieu a repreuvé le peuple Juif: Parce, disent saint Paul et saint Barnabas, que vous repousses la parole de Dieu et que vous vous jugés vous mesmes indignes de la vie eternelle, voyci nous nous tournons devers les Gentilz.

  A004000772 

 C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous..

  A004000774 

 Or, pourquoy la divine Providence donne-elle des evenemens si divers a une si pareille naissance? Certes, on peut dire que la Providence de Dieu ne viole pas ordinairement les lois de la nature; si que l'un de ces bessons estant vigoureux, et l'autre estant trop foible pour supporter l'effort de la sortie du ventre maternel, celuy ci est mort avant que de pouvoir estre baptizé, et l'autre a vescu; la Providence n'ayant pas voulu empescher le cours des causes naturelles, lesquelles en cette occurrence auront esté la rayson de la privation du Baptesme en celuy qui ne l'a pas eu.

  A004000775 

 Et d'autant qu'il n'estoit pas expedient pour nostre salut que nous eussions connoissance de ces secretz, ains nous estoit plus utile de les ignorer pour nous tenir en humilité, pour cela Dieu ne les a pas voulu reveler, et mesme le saint Apostre n'a pas osé s'en enquerir, ains a tesmoigné l'insuffisance de nostre entendement pour ce sujet, lhors qu'il s'est escrié: O profondité des richesses de la sapience et science de Dieu! » Pourroit on parler plus saintement, Theotime, d'un si saint mystere? Aussi, ce sont les paroles d'un tressaint et judicieux Docteur de l'Eglise.

  A004000775 

 Voyla, Theotime, la plus sainte façon de philosopher en ce sujet; c'est pourquoy j'ay tous-jours treuvé admirable et aymable la sçavante modestie et tres sage humilité du Docteur seraphique saint Bonaventure, au [239] discours qu'il fait de la rayson pour laquelle la Providence divine destine les esleuz a la vie eternelle.

  A004000779 

 Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse..

  A004000780 

 Combien de fois nous arrive-il d'ignorer comment et pourquoy les œuvres mesmes des hommes se font? Et donques, dit le mesme saint Evesque de Nazianze, «l'artisan n'est pas ignorant, encor que nous ignorons son artifice, ni de mesme, certes, les choses de ce monde [241] ne sont pas temerairement et imprudemment faites, encor que nous ne sachions pas leurs raysons.» Si nous entrons en la boutique d'un horloger, nous treuverons quelquefois un horologe qui ne sera pas plus gros qu'une orange, auquel il y aura neanmoins cent ou deux cens pieces, desquelles les unes serviront a la monstre, les autres a la sonnerie des heures et du resveille-matin; nous y verrons des petites roues dont les unes vont a droite, les autres a gauche, les unes tournent par dessus, les autres par bas, et le balancier qui a coups mesurés va balançant son mouvement de part et d'autre: et nous admirons comme l'art a sceu joindre une telle quantité de si petites pieces les unes aux autres, avec une correspondance si juste, ne sçachans ni a quoy chasque piece sert ni a quel effect elle est faitte ainsy, si le maistre ne le nous dit, et seulement en general nous sçavons que toutes servent pour la monstre ou pour la sonnerie.

  A004000780 

 On dit que les bons Indois s'amuseront des jours entiers aupres d'un horologe pour ouïr sonner les heures a point nommé, et ne pouvans deviner comme cela se fait, ilz ne dient pas pourtant que c'est sans art et rayson, ains demeurent ravis d'amour et d'honneur envers ceux qui gouvernent les horologes, les admirans comme gens plus qu'humains..

  A004000781 

 Or il ne nous manifeste pas son art, affin que nous l'admirions avec plus de reverence, jusqu'a ce qu'estans [242] au Ciel il nous ravisse en la suavité de sa sagesse, lhors qu'en l'abondance de son amour il nous descouvrira les raysons, moyens et motifs de tout ce qui se sera passé en ce monde au prouffit de nostre salut eternel..

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000782 

 «Nous ressemblons,» dit derechef le grand Nazianzene, «a ceux qui sont affligés du vertigo ou tournoyement de teste: il leur est advis que tout tourne sans dessus dessous autour d'eux, bien que ce soit leur cervelle et imagination qui tournent, et non pas les choses; car ainsy, rencontrans quelques evenemens desquelz les causes nous sont inconneües, il nous semble que les choses du monde sont administrees sans rayson parce que nous ne la sçavons pas.

  A004000783 

 Exclamons donques, Theotime, en toutes occurrences, mais exclamons d'un cœur tout amoureux envers la providence toute sage, toute puissante et toute douce de nostre Pere eternel: O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! O Seigneur Jesus, Theotime, que les richesses de la bonté divine sont excessives! Son amour envers nous est un abisme incomprehensible; c'est pourquoy il nous a preparé une [243] riche suffisance, ou plustost une riche affluence de moyens propres pour nous sauver, et pour les nous appliquer suavement il use d'une sagesse souveraine, ayant par son infinie science preveu et conneu tout ce qui estoit requis a cet effect.

  A004000783 

 Hé, que pouvons-nous craindre, ains, que ne devons-nous pas esperer, estans enfans d'un Pere si riche en bonté pour nous aymer et vouloir sauver, si sçavant pour preparer les moyens convenables a cela, et si sage pour les appliquer; si bon pour vouloir, si clairvoyant pour ordonner, si prudent pour executer!.

  A004000784 

 Ces jugemens sont incomprehensibles, ou, comme lit saint Gregoire Nazianzene, ilz sont inscrutables, c'est a dire, nous n'en sçaurions reconnoistre et penetrer les motifs; les voyes et moyens par lesquelz il les execute et conduit a chef ne peuvent estre discernés et reconneus, et, pour bon sentiment que nous ayons, nous demeurons en defaut a chasque bout de champ et en perdons la trace.

  A004000789 

 Apres avoir fait une longue habitude de prescher ou dire la Messe par election, il nous arrive maintefois en songe de parler et dire les mesmes choses que nous dirions en preschant ou celebrant: si que la coustume et habitude acquise par election et vertu, est en quelque sorte prattiquee par apres sans election et sans vertu, puisque les actions faites en dormant n'ont de la vertu, a parler generalement, qu'une apparente image, et en sont seulement des simulacres et representations.

  A004000790 

 Et de fait, il y avoit beaucoup a dire entre nos voix et celles-la: car quand nous disions une grande suite de motz elles n'en redisoyent que quelques uns, accourcissovent la prononciation des syllabes, qu'elles passoyent fort vistement et avec des tons et accens tout differens des nostres; et si, elles ne commençoyent a former ces motz qu'apres que nous les avions achevés de prononcer: en somme, ce n'estoyent [246] point des paroles d'un homme vivant, mais, par maniere de dire, des paroles d'un rocher creux et vain, lesquelles toutefois representoyent si bien la voix humaine de laquelle elles avoyent pris leur origine, qu'un ignorant s'y fust amusé et mespris..

  A004000790 

 J'ay veu, estant jeune escholier, qu'en un village proche de Paris, dans un certain puits, il y avoit une echo laquelle repetoit les paroles que nous prononcions la au pres, plusieurs fois.

  A004000790 

 Que si quelqu' idiot sans experience eust ouy ces repetitions de paroles, il eust creu qu'il y eust eu quelqu'homme au fond du puits qui les eust faites; mais nous sçavions des-ja, par la philosophie, qu'il n'y avoit personne dans le puits qui redist nos paroles, ains que seulement il y avoit quelques concavités, en l'une desquelles nos voix estans ramassees et ne pouvans passer outre, pour ne point perir du tout et employer les forces qui leur restoyent, elles produisoyent des secondes voix, et ces secondes voix, ramassees dans une autre concavité, en produisoyent des troisiesmes, et ces troisiesmes en pareille façon des quatriesmes, et ainsy consecutivement jusques a onze: si que ces voix-la faites dans le puits n'estoyent plus nos voix, ains des ressemblances et images d'icelles.

  A004000791 

 Et neanmoins, il y a bien de la difference entre la charité et l'amour humain qu'elle produit en nous: car la voix de la charité prononce, intime et opere tous les commandemens de Dieu dedans nos cœurs; l'amour humain qui reste apres elle, les dit voirement et intime quelquefois tous, mais il ne les opere jamais tous, ains quelques uns seulement; la charité prononce et assemble toutes les syllabes, c'est a dire toutes les circonstances des commandemens de Dieu; cet amour humain en laisse tous-jours quelqu'une en arriere, et sur tout celle de la droite et pure intention.

  A004000791 

 Et quant au ton, la charité l'a fort esgal, doux et gracieux; mais cet amour humain va tous-jours ou trop haut es choses terrestres ou trop bas es celestes, et ne commence jamais sa besoigne qu'apres que la charité a cessé de faire la sienne: car tandis que la charité est en l'ame, elle se sert de cet amour humain, qui est sa creature, et l'employe pour faciliter ses operations, si que, pendant ce tems la, les œuvres de cet amour, comme d'un serviteur, appartiennent a la charité qui en est la dame.

  A004000791 

 Mays la charité estant esloignee, alhors les actions de cet amour sont du tout a luy et [247] n'ont plus l'estime et valeur de la charité; car, comme le baston d'Elisee, en l'absence d'iceluy, quoy qu'en la main du serviteur Giesi qui l'avoit receu de celle d'Elisee, ne faisoit nul miracle, aussi les actions faites en l'absence de la charité, par la seule habitude de l'amour humain, ne sont d'aucun merite ni d'aucune valeur pour la vie eternelle, quoy que cet amour humain ayt appris a les faire de la charité et ne soit que son serviteur.

  A004000791 

 Or je veux maintenant dire ainsy: quand le saint amour de charité rencontre une ame maniable et qu'il fait quelque long sejour en icelle, il y produit un second amour, qui n'est pas un amour de charité quoy qu'il provienne de la charité, ains c'est un amour humain, lequel neanmoins ressemble tellement la charité, qu'encores que par apres elle perisse en l'ame, il est advis qu'elle y soit tous-jours, d'autant qu'elle y a laissé apres soy cette sienne image et ressemblance qui la represente; en sorte qu'un ignorant s'y tromperoit, ainsy que les oyseaux firent en la peinture des raysins de Zeuxis, qu'ilz cuyderent estre des vrays raysins, tant l'art avoit proprement imité la nature.

  A004000795 

 Les parfumiers, quoy qu'ilz ne soyent plus en leurs boutiques, portent long tems l'odeur des parfums qu'ilz ont maniés; ainsy ceux qui ont esté es cabinetz des onguens celestes, c'est a dire en la tressainte charité, ilz en gardent encor quelque tems apres la senteur..

  A004000796 

 Quand le cerf a passé la nuit en quelque lieu, la [248] matinee mesme l'assentiment et le vent en est encor frais, le soir il est plus malaysé a prendre; mais a mesme que ses alleures sont vielles et dures, les chiens vont aussi perdant connoissance.

  A004000798 

 Que s'il ne peut faire les actions de l'amour parfait, il n'en est pourtant pas a mespriser, car la condition de sa nature est telle: ainsy les estoiles qui en comparayson du soleil sont fort imparfaites, sont neanmoins extremement belles regardees en particulier, et ne tenant point de rang en la presence du soleil elles en tiennent en son absence..

  A004000799 

 Toutefois, quoy que cet amour imparfait soit bon en soy, il nous est neanmoins perilleux, pour autant que souvent nous nous contentons de l'avoir luy seul, parce [249] que, ayant plusieurs traitz exterieurs et interieurs de la charité, pensans que ce soit elle mesme que nous avons, nous nous amusons et estimons d'estre saintz, tandis qu'en cette vaine persuasion, les pechés qui nous ont privés de la charité croissent, grossissent et multiplient si fort qu'en fin ilz se rendent maistres de nostre cœur.

  A004000804 

 Mais quel moyen, me dires vous, de discerner si c'est Rachel ou Lia, la charité ou l'amour imparfait, qui me donne les sentimens de devotion dont je suis touché? Si examinant en particulier les objetz des desirs, des affections et des desseins que vous aves presentement, vous en treuves quelqu'un pour lequel vous voulussies contrevenir a la volonté et au bon playsir de Dieu, pechant mortellement, c'est hors de doute que tout le sentiment, toute la facilité et promptitude que vous aves a servir Dieu n'a point d'autre source que de l'amour humain et imparfait; car si l'amour parfait regnoit en vous, o Seigneur Dieu! il romproit toute affection, tout desir, tout dessein duquel l'objet serait si pernicieux, et ne pourroit souffrir que vostre cœur le regardast..

  A004000806 

 Que si toutefois vous voulies exercer vostre cœur a la vaillance spirituelle par la representation de diverses rencontres et de divers assautz, vous le pourries utilement faire, pourveu qu'apres les actes de cette vaillance imaginaire que vostre cœur aurait fait, vous ne vous estimassies point plus vaillant; car les enfans d'Ephraïm, qui faisoyent merveilles a bien descocher leurs arcs es essays de guerre qu'ilz faisoyent entr'eux, [251] quand ce vint au fait et au prendre, au jour de la bataille, ilz tournerent le dos, et n'eurent seulement pas l'asseurance de mettre leurs fleches au trait ni de regarder la pointe de celles de leurs ennemis..

  A004000807 

 Car, comme plusieurs ont perdu le cœur en l'assaut, plusieurs aussi y ont perdu la crainte, et ont pris du courage et resolution en la presence du peril et de la necessité, qui ne l'eussent jamais sceu prendre en son absence; et ainsy, plusieurs serviteurs de Dieu, se representans les tentations absentes s'en sont effrayés jusques presque a perdre courage, qui les voyans presentes se sont comportés fort courageusement..

  A004000807 

 Quand donq on fait la prattique de cette vaillance par les occurrences futures ou seulement possibles, si on a un sentiment bon et fidele on en remercie Dieu, car ce sentiment est tous-jours bon, mais pourtant on demeure avec humilité entre la confiance et desfiance, esperant que moyennant l'assistance divine on feroit en l'occasion ce qu'on s'imagine, et toutefois, craignant que selon nostre misere ordinaire peut estre n'en ferions nous rien et perdrions courage.

  A004000808 

 Samson n'avoit certes pas tous-jours son [252] courage, ains il est marqué en l'Escriture, que le lion des vignes de Tamnatha venant a luy furieusement et rugissant, l'esprit de Dieu le saisit, c'est a dire, Dieu luy donna le mouvement d'une nouvelle force et d'un nouveau courage, et il mit en pieces le lion comme il enst fait un chevreau; et tout de mesme quand il desfit les mille Philistins qui le vouloyent desfaire en la campaigne de Lechi.

  A004000819 

 Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu.

  A004000819 

 Par cette [256] complaysance nous beuvons et mangeons spirituellement les perfections de la Divinité, car nous les nous rendons propres et les tirons dedans nostre cœur..

  A004000820 

 Ainsy une ame esprise de l'amoureuse complaysance qu'elle prend a considerer la Divinité, et en icelle une infinité d'excellences, elle en attire aussi dans son cœur les couleurs, c'est a dire la multitude des merveilles et perfections qu'elle contemple, et les rend siennes par le contentement qu'elle y prend..

  A004000820 

 Les brebis de Jacob attirerent dans leurs entrailles la varieté des couleurs qu'elles voyoient en la fontaine en laquelle on les abbreuvoit lhors qu'elles estoyent en amour, car en effect leurs petitz aigneaux s'en treuverent par apres tachetés.

  A004000821 

 O Dieu, quelle joye aurons nous au Ciel, Theotime, lhors que nous verrons le Bienaymé de nos cœurs, comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et bonté! Alhors, comme des cerfs qui longuement pourchassés et malmenés, s'abouchans a une claire et fraische fontaine tirent a eux la fraischeur de ses belles eaux, ainsy nos cœurs, apres tant de langueurs et de desirs, arrivans a la source forte et vivante de la Divinité, tireront par leur complaysance toutes les perfections de ce Bienaymé, et en auront la parfaite jouissance par la res-jouissance qu'ilz y prendront, se remplissans de ses delices immortelles: et en cette sorte le cher Espoux entrera dedans nous comme dans son lit nuptial, pour communiquer sa joye eternelle a nostre ame; selon qu'il dit luy mesme, que si nous gardons la sainte loy de son amour, il viendra et fera son sejour en nous.

  A004000822 

 Ilz ont esté faitz abominables comme les choses [257] qu'ilz ont aymees, dit le Prophete parlant des meschans; et on peut de mesme dire des bons qu'ilz sont faitz aymables comme les choses qu'ilz ont aymees.

  A004000822 

 Voyés, je vous prie, le cœur de sainte Claire de Montefalco: il prit tant de playsir en la Passion du Sauveur et a mediter la tressainte Trinité, qu'aussi tira-il dedans soy toutes les marques de la Passion et une representation admirable de la Trinité, estant fait comme les choses qu'il aymoit.

  A004000827 

 Ainsy tirons nous le cœur de Dieu dedans le nostre, et il y respand son baume pretieux; et ainsy se prattique ce que la sainte Espouse dit avec tant d'allegresse: Le Roy de mon cœur m'a menee dans ses cabinetz; nous tressaillirons et nous res-jouirons en vous, nous ramentevans de vos mammelles plus aymables que le vin; les bons vous ayment. Car je vous prie, Theotime, qui sont les cabinetz de ce Roy d'amour, sinon ses tetins qui abondent en varieté de douceurs et suavités? La poitrine et les mammelles de la mere sont les cabinetz des tresors du petit enfant; il n'a point d'autres richesses que celles la, qui luy sont plus pretieuses que l'or et le topaze, plus aymables que le reste du monde..

  A004000827 

 Or le divin Espoux vient en son jardin quand il vient en l'ame devote, car, puisqu'il se plaist d'estre avec les enfans des hommes, ou peut il mieux loger qu'en la contree de l'esprit qu'il a fait a son image et [259] semblance? En ce jardin, luy mesme y plante la complaysance amoureuse que nous avons en sa bonté, et de laquelle nous nous paissons; comme de mesme sa bonté se plaist et se paist en nostre complaysance; ainsy que, derechef, nostre complaysance s'augmente dequoy Dieu se plaist de nous voir plaire en luy: de sorte que ces reciproques playsirs font l'amour d'une incomparable complaysance, par laquelle nostre ame, faite jardin de son Espoux et ayant de sa bonté les pommiers des delices, elle luy en rend le fruit; puisqu'il se plaist de la complaysance qu'elle a en luy.

  A004000828 

 Ah, les justes et bons vous ayment! et comme pourroit-on estre bon et n'aymer pas une si grande bonté? Les princes terrestres ont leurs tresors es cabinetz de leur palais, leurs armes en leurs arsenalz: mays le Prince celeste, il a son tresor en son sein, ses armes dans sa poitrine; et parce que son tresor est sa bonté, comme ses armes sont ses amours, son sein et sa poitrine ressemble a celle d'une douce mere qui a deux beaux tetins comme deux cabinetz, riches en douceur de bon lait, armés d'autant de traitz pour assujettir le cher petit poupon comme il en peut faire de traittes en tettant..

  A004000828 

 Et tout ainsy que l'enfançon fait des petitz eslans du costé des tetins de sa mere et trepigne d'ayse de les voir descouvertz, comme la mere aussi de son costé les luy presente avec un amour tous-jours un peu empressé, de mesme l'ame devote ressent des tressaillemens et des eslans de joye nompareille pour le playsir qu'elle a de regarder les tresors des perfections du Roy de son saint amour, et sur tout quand elle void que luy [260] mesme les luy monstre par amour et qu'entre ses perfections celle de son amour infini reluit excellemment.

  A004000828 

 L'ame, donques, qui contemple les tresors infinis des perfections divines en son Bienaymé, se tient pour trop heureuse et riche, d'autant que l'amour rend sien par complaysance tout le bien et contentement de ce cher Espoux.

  A004000829 

 Certes, la nature a logé les tetins en la poitrine affin que la chaleur du cœur y faisant la concoction du lait, comme la mere est la nourrice de l'enfant le cœur d'icelle en fust aussi le nourricier, et que le lait fust une viande toute d'amour, meilleure cent fois que le vin.

  A004000829 

 Moyse dit que les Israëlites pouvoyent boire le sang tres pur et tres bon du raysin; et Jacob, descrivant a son filz Judas la fertilité du lot qu'il auroit en la Terre promise, prophetisa sous cette figure la veritable felicité des Chrestiens, disant que le Sauveur laveroit sa robbe, c'est a dire la sainte Eglise, au sang du raysin, c'est a dire en son propre sang.

  A004000829 

 Notés cependant, Theotime, que la comparayson du lait et du vin semble si propre a l'Espouse sacree, qu'elle ne se contente pas de dire une fois que les mammelles de [261] son Espoux surpassent le vin, mais elle le repete par trois fois.

  A004000830 

 Le lait, qui est une viande cordiale toute d'amour, represente la science et theologie mystique, c'est a dire le doux savourement provenant de la complaysance amoureuse que l'esprit reçoit lhors qu'il medite les perfections de la Bonté divine; mais le vin signifie la science ordinaire et acquise qui se tire a force de speculation, sous le pressoir de plusieurs argumens et disputes.

  A004000830 

 Or, le lait que nos ames succent es mammelles de la charité de Nostre Seigneur, vaut mieux incomparablement que le vin que nous tirons des discours humains: car ce lait prend son origine de l'amour celeste, qui le prepare a ses enfans avant mesme qu'ilz y ayent pensé; il a un goust amiable et suave, son odeur surpasse tous les parfums, il rend l'haleine franche et douce comme d'un enfant de lait, il donne une joye sans insolence, il enivre sans hebeter, il ne leve pas le sens, mais il le releve..

  A004000831 

 Helas, l'ame qui tient par amour son Sauveur entre les bras de ses affections, combien delicieusement sent-elle les parfums des perfections infinies qui se retreuvent en luy, et avec quelle complaysance dit-elle en soy mesme: Ah, voyci que la senteur de mon Dieu est comme la senteur d'un jardin fleurissant! hé, que ses mammelles sont pretieuses, respandans des parfums souverains! Ainsy l'esprit du grand saint Augustin, balançant entre les sacrés contentemens qu'il avoit a considerer d'un costé le mystere de la naissance de son Maistre, et de l'autre part le mystere de la Passion, s'escrioit tout ravi en cette complaysance:.

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000842 

 Ainsy nostre cœur s'estant mis en la presence de la divine bonté et ayant attiré les perfections d'icelle par la complaysance qu'elle y prend, peut dire en verité: la bonté de Dieu est toute mienne, puisque je jouis de ses excellences, et moy je suis tout sien, puisque ses contentemens me possedent..

  A004000843 

 La complaysance nous rend possesseurs de Dieu, tirant en nous les perfections d'iceluy, et nous rend possedés de Dieu, nous attachant et appliquant aux perfections d'iceluy..

  A004000844 

 Le chef des Apostres, ayant dit en sa premiere Epistre que les anciens Prophetes avoient manifesté les graces qui devoient abonder parmi les Chrestiens, et entre autres choses la Passion de Nostre Seigneur et la gloire qui la devoit suivre, tant par la resurrection de son cors que par l'exaltation de son nom, en fin il conclud que les Anges mesmes desirent de regarder les mysteres de la redemption en ce divin Sauveur: auquel, dit-il, les Anges desirent regarder.

  A004000844 

 Mais comme donq se peut il entendre que les Anges qui voyent le Redempteur, et en iceluy tous les mysteres de nostre salut, desirent neanmoins encor de le voir? Theotime, ilz le voyent, certes, tous-jours, mais d'une veüe si aggreable et delicieuse que la complaysance qu'ilz en ont les assouvit sans leur oster le desir, et les fait desirer sans leur oster l'assouvissement; la jouissance n'est pas diminuee par le desir, ains en est perfectionnee, comme leur desir n'est pas estouffé, ains affiné par la jouissance..

  A004000846 

 Imaginés-vous, Theotime, ceux qui tiennent en leurs bouches l'herbe scitique; car, a ce qu'on dit, ilz n'ont jamais ni faim ni soif, tant elle les rassasie, et jamais pourtant ilz ne perdent l'appeit, tant elle les sustente delicieusement.

  A004000846 

 Les espritz perdus ont un mouvement eternel sans nul meslange de tranquillité; nous autres mortelz, qui sommes encor en ce pelerinage, avons tantost du repos, tantost du mouvement en nos affections; les espritz bienheureux ont tous-jours le repos en leurs mouvemens et le mouvement en leur repos, n'y ayant que Dieu seul qui ait le repos sans mouvement, parce qu'il est souverainement un acte pur et substantiel.

  A004000846 

 Or, bien que selon la condition ordinaire de cette vie mortelle nous n'ayons pas le repos en nostre mouvement, si est-ce toutefois, que lhors que nous faisons les essais des exercices de la vie immortelle, c'est a dire, que nous prattiquons les actes du saint amour, nous treuvons du repos dans le mouvement de nos affections et du mouvement au repos de la complaysance que nous avons en nostre Bienaymé, recevans par ce moyen des avant-goustz de la future felicité a laquelle nous aspirons..

  A004000847 

 S'il est vray que le cameleon vive de l'air, par tout [266] ou il va dans l'air il a dequoy se repaistre: que s'il se remue d'un lieu a l'autre, ce n'est pas pour chercher dequoy se rassasier, mais pour s'exercer dedans son aliment comme les poissons dedans la mer.

  A004000855 

 Or c'est l'amour qui fait l'un et l'autre effect par la vertu qu'il a d'unir le cœur qui ayme a ce qui est aymé, rendant par ce moyen les biens et les maux des amis, communs; et ce qui se passe en la compassion, donne beaucoup de clarté a ce qui regarde la complaysance..

  A004000856 

 Helas, les mesmes clouz qui crucifierent le cors de ce divin Enfant crucifierent aussi le cœur de la Mere, les mesmes espines qui percerent son chef outrepercerent l'ame de cette Mere toute douce; elle eut les mesmes miseres de son Filz par commiseration, les mesmes douleurs par condoleance, les mesmes passions par compassion; et en somme, l'espee de la mort qui transperça le cors de ce tresaymé Filz outreperça de mesme le cœur de cette tres amante Mere: dont elle pouvoit bien dire qu'il luy estoit un bouquet de myrrhe au milieu de ses mammelles, c'est a dire en sa poitrine et au milieu de son cœur.

  A004000856 

 La compassion tire sa grandeur de celle de l'amour qui la produit: ainsy sont grandes les condoleances des meres sur les afflictions de leurs enfans uniques, comme l'Escriture tesmoigne souvent.

  A004000856 

 Quelle condoleance dans le cœur d'Agar sur la douleur de son Ismaël qu'elle voyoit presque perir de soif au desert! Quelle commiseration en l'ame de David sur la misere de son Absalon! Hé, ne voyes-vous pas le cœur maternel du grand Apostre, malade avec les malades, bruslant du zele pour les scandalisés, avec une douleur continuelle pour la perte des Juifz, et mourant tous les jours pour ses chers [268] enfans spirituelz? Mais sur tout, considerés comme l'amour tire toutes les peynes, tous les tourmens, les travaux, les souffrances, les douleurs, les blesseures, la passion, la croix et la mort mesme de nostre Redempteur dans le cœur de sa tres sacree Mere.

  A004000857 

 La condoleance tire aussi sa grandeur de celle des douleurs que l'on void souffrir a ceux que l'on ayme, car, pour petite que soit l'amitié, si les maux qu'on void endurer sont extremes ilz nous font une grande pitié.

  A004000857 

 On void pour cela Cesar pleurer sur Pompee; et les filles de Hierusalem ne sceurent jamais s'empescher de pleurer sur Nostre Seigneur, bien que la pluspart d'entr'elles ne luy fussent pas grandement affectionnees; comme aussi les amis de Job, quoy que mauvais amis, firent des grans gemissemens voyans l'effroyable spectacle de son incomparable misere; et quel grand coup de douleur au cœur de Jacob, de penser que son cher enfant estoit trespassé d'une mort si cruelle comme est celle d'estre devoré d'une beste sauvage? Mais la commiseration, outre tout cela, se renforce merveilleusement par la presence de l'object miserable: pour cela la pauvre Agar s'esloignoit de son filz languissant, affin d'alleger en quelque sorte la douleur de compassion [269] qu'elle sentoit, disant: Je ne verray pas mourir l'enfant; comme au contraire Nostre Seigneur pleure voyant le sepulchre de son bienaymé Lazare et regardant sa chere Hierusalem; et nostre bon homme Jacob est outré de douleur quand il void la robbe ensanglantee de son pauvre petit Joseph..

  A004000858 

 Mais qu'est-ce a dire, il revescut ou il resuscita? Theotime, les espritz ne meurent de leur propre mort que par le peché, qui les separe de Dieu lequel est leur vraye vie surnaturelle, mais ilz meurent quelquefois de la mort d'autruy; et cela arriva au bon Jacob duquel nous parlons, car l'amour, qui tire dans le cœur de l'amant le bien et le mal de la chose aymee, l'un par complaysance, l'autre par commiseration, tira la mort de l'aymable Joseph dans le cœur de l'amant Jacob; et par un miracle impossible a toute autre puissance qu'a celle de l'amour, l'esprit de ce bon pere estoit plein de la mort de celuy qui estoit vivant et regnant, d'autant que l'affection ayant esté trompee devança l'effect..

  A004000860 

 Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu.

  A004000864 

 Les angoisses de mon Bienaymé m'ont toute decoloree: car, comme pourroit une fidele amante voir tant de tourmens en celuy qu'elle ayme plus que sa vie, sans en devenir toute transie, havee et dessechee de douleur? les pavillons des nomades, perpetuellement exposés aux injures de l'air et de la guerre, sont presque tous-jours frippés et couvertz de poussiere, et moy, toute exposee aux regretz que par condoleance je reçois des travaux nompareilz de mon divin Sauveur, je suis toute couverte de detresse et transpercee de douleur; mais parce que les douleurs de Celuy que j'ayme proviennent de son amour, a mesure qu'elles m'affligent par compassion elles me delectent par complaysance, car, comme [272] pourroit une fidele amante n'avoir pas un extreme contentement de se voir tant aymee de son celeste Espoux?.

  A004000864 

 Quand je voy mon Sauveur sur le mont des Olives, avec son ame triste jusques a la mort, hé, Seigneur Jesus, ce dis-je, qui a peu porter ces tristesses de la mort dans l'ame de la vie, sinon l'amour, qui excitant la commiseration, attira par icelle nos miseres dans vostre cœur souverain? Or une ame devote, voyant cet abisme d'ennuis et de detresses en ce divin Amant, comme peut elle demeurer sans une douleur saintement amoureuse? Mays considerant d'ailleurs que toutes les afflictions de son Bienaymé ne procedent pas d'aucune imperfection ni manquement de force, ains de la grandeur de sa treschere dilection, elle ne peut qu'elle ne se fonde toute d'un amour saintement douloureux, si qu'elle s'escrie: Je suis noyre de douleur par compassion, mais je suis belle d'amour par complaysance.

  A004000865 

 L'amour esgale les amans: hé, je le voy, ce cher Amant, qu'il est un feu d'amour bruslant dans un buisson espineux de douleur, et j'en suis toute de mesme, je suis toute enflammee d'amour dedans les haillers de mes douleurs, je suis un lis environné d'espines, Hé, ne veuillés pas regarder seulement les horreurs de mes poignantes douleurs, mays voyés la beauté de mes aggreables amours.

  A004000865 

 Que si je porte le deuil sur la Passion et Mort de mon Roy, toute haslee et noiree de regret, je ne laisse pas d'avoir une douceur incomparable de voir l'exces de son amour emmi les travaux de ses douleurs; et les tentes de Salomon, toutes brodees et recamees en une admirable diversité d'ouvrages, ne furent jamais si belles que je suis contente, et par consequent douce, amiable et aggreable en la varieté des sentimens d'amour que j'ay parmi ces douleurs.

  A004000866 

 Ce fut cet amour, Theotime, qui attira sur l'amoureux seraphique saint François les stigmates, et sur l'amoureuse angelique sainte Catherine de Sienne les ardentes blesseures du Sauveur: la complaysance amoureuse ayant aiguisé les pointes de la compassion douloureuse, ainsy que le miel rend plus penetrant et sensible l'amertume de l'absynthe, comme au contraire la souefve odeur des roses est affinee par le voysinage des aulx qui sont plantés pres des rosiers.

  A004000867 

 Hé, veut dire le divin amoureux de l'ame, je suis chargé des peynes et sueurs de ma Passion, qui se passa presque toute, ou es tenebres de la nuit ou en la nuit des tenebres que le soleil s'obscurcissant fit au plus fort de son midy; ouvre donq ton cœur devers moy, comme les mereperles leurs escailles du costé du ciel, et je respandray sur toy la rosee de ma Passion, qui se convertira en perles de consolation.

  A004000867 

 Qui est cette rosee, et qui sont ces gouttes de la nuit, sinon les afflictions et peynes de sa Passion? Les perles, certes (comme nous avons dit asses souvent), ne sont autre chose que gouttes de la rosee que la fraicheur de la nuit espluÿe sur la face de la mer, receües dans les escailles des ouïtres ou mereperles.

  A004000874 

 Ce desir, donques, par imagination de choses impossibles, peut estre quelquefois utilement prattiqué emmi les grans sentimens et ferveurs extraordinaires; aussi [276] dit-on que le grand saint Augustin en faisoit souvent de pareille sorte, eslançant par exces d'amour ces paroles: Hé, Seigneur, je suis Augustin et «vous estes Dieu; mais si toutefois ce qui n'est ni ne peut estre estoit, que je fusse Dieu et que vous fussies Augustin, je voudrois, en changeant de qualité avec vous, devenir Augustin affin que vous fussies Dieu.».

  A004000879 

 Un religieux demanda au devot frere Gilles, l'un des premiers et plus saintz compaignons de saint François, ce qu'il pourroit faire pour estre plus aggreable a Dieu, et il luy respondit en chantant: «L'une a l'un, l'une a l'un;» ce que par apres expliquant: «Donnes tous-jours,» dit-il, toute vostre ame, qui est une, a Dieu seul, qui est un.» L'ame s'escoule par les playsirs, et la diversité d'iceux la dissipe et l'empesche de se pouvoir appliquer attentivement a celuy qu'elle doit prendre en Dieu.

  A004000880 

 Et se retournant, elle void son doux Sauveur, mais en forme de jardinier, dont son cœur ne se peut contenter, car, toute pleine de l'amour de la mort de son Maistre, elle ne veut point de fleurs, ni par consequent de jardinier; elle a dedans son cœur la Croix, les clouz, les espines, elle cherche son Crucifié: Hé, mon cher maistre jardinier, dit-elle, si vous avies peut estre point planté mon bienaymé Seigneur trespassé, comme un lis froissé et fané, entre vos fleurs, dites-le moy vistement et moy je l'emporteray.

  A004000880 

 La Mere de belle dilection et l'Espoux de tressaint amour ne se peuvent arrester entre les parens et amis; ilz vont tous-jours en douleur cherchant l'unique object de leur complaysance.

  A004000880 

 Les Rois ne peuvent se complaire ni en la beauté de la ville de Hierusalem, ni en la magnificence [279] de la cour d'Herodes, ni en la clarté de l'estoile; leur cœur cherche la petite spelonque et le petit Enfant de Bethleem.

  A004000880 

 Mays il ne l'appelle pas plus tost par son nom, que toute fondue en playsir: Hé Dieu, dit elle, mon Maistre! Rien certes ne la peut assouvir, elle ne sçauroit se playre avec les Anges, non pas mesme avec son Sauveur s'il ne paroist en la forme en laquelle il luy avoit ravi son cœur.

  A004000880 

 Que si l'ame qui est en cette sainte affection rencontre [278] les creatures, pour excellentes qu'elles soyent, voire mesme quand ce seroyent les Anges, elle ne s'arreste point avec icelles, sinon autant qu'il faut pour estre aydee et secourue en son desir: Dites moy donques, leur fait elle, dites moy, je vous en conjure, aves vous point veu Celuy qui est l'Ami de mon ame? La glorieuse amante Magdeleine rencontra les Anges au sepulchre, qui luy parlerent sans doute angeliquement, c'est a dire bien suavement, voulans appayser l'ennuy auquel elle estoit; mais au contraire, toute espleuree, elle ne sceut prendre aucune complaysance ni en leur douce parole, ni en la splendeur de leurs habitz, ni en la grace toute celeste de leur maintien, ni en la beauté toute aymable de leurs visages, ains, toute couverte de larmes: Ilz m'ont enlevé mon Seigneur, disoit elle, et je ne sçai ou ilz me l'ont mis.

  A004000881 

 Ainsy David cotte par le menu les œuvres et merveilles de Dieu, en plusieurs de ses Psalmes celestes; et l'amante sacree arrange es Cantiques divins, comme une armee bien ordonnee, toutes les perfections de son Espoux l'une apres l'autre, pour provoquer son ame a la tressainte complaysance, affm de magnifier plus hautement son excellence et d'assujettir encores tous les autres espritz a l'amour de son Ami tant aymable.

  A004000881 

 Or, pour encor mieux magnifier ce souverain Bienaymé, l'ame va tous-jours cherchant la face d'iceluy, c'est a dire, avec une attention tous-jours plus soigneuse et ardente, elle va remarquant toutes les particularités des beautés et perfections qui sont en luy, faysant un progres continuel en cette douce recherche de motifs qui la puissent perpetuellement presser de se plaire de plus en plus en l'incomprehensible bonté qu'elle ayme.

  A004000886 

 Dieu, comblé d'une bonté qui surmonte toute louange et tout honneur, ne reçoit aucun advantage ni surcroist de bien pour toutes les benedictions que nous luy donnons; il n'en est ni plus riche, ni plus grand, ni plus [281] content, ni plus heureux, car son heur, son contentement, sa grandeur et ses richesses ne sont ni ne peuvent estre que la divine infinité de sa bonté.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000887 

 Et commençant par son propre cœur, elle ne cesse point de le provoquer a ce saint exercice, et comme une avette sacree elle va voletant ça et la sur les fleurs des œuvres et excellences divines, recueillant d'icelles une douce varieté de complaysances, desquelles elle fait naistre et compose le miel celeste de benedictions, louanges et confessions honnorables, par lesquelles, autant qu'elle peut, elle magnifie et glorifie le nom de son Bienaymé, a l'imitation du grand Psalmiste, qui ayant environné et comme parcouru en esprit les merveilles de la divine Bonté, immoloit sur l'autel de son cœur l'hostie [282] mistique des eslans de sa voix, par cantiques et psalmes d'admiration et benediction:.

  A004000896 

 Mais ce desir de loüer Dieu que la sainte bienveuillance excite en nos cœurs, Theotime, est insatiable; car l'ame qui en est touchee voudroit avoir des louanges infinies pour les donner a son Bienaymé, parce qu'elle void que ses perfections sont plus qu'infinies: si que, se treuvant bien esloignee de pouvoir satisfaire a son souhait, elle fait des extremes effortz d'affection pour en quelque sorte loüer cette bonté toute louable, et ces effortz de bienveuillance s'aggrandissent admirablement par la complaysance; car a mesure que l'ame treuve Dieu bon, savourant de plus en plus la suavité d'iceluy et se complaysant en son infinie beauté, elle voudroit aussi relever plus hautement les louanges et benedictions qu'elle luy donne.

  A004000897 

 Ainsy les rossignolz se complaysent tant en leur chant, au rapport de Pline, que pour cette complaysance, quinze jours et quinze nuitz durant ilz ne cessent jamais de gazouiller, s'efforçans de tous-jours mieux chanter a l'envi les uns des autres; de sorte que lhors qu'ilz se desgoisent le mieux ilz y ont plus de complaysance, et cet accroissement de complaysance les porte a faire des plus grans effortz de mieux gringotter, augmentant tellement leur complaysance par leur chant et leur chant par leur complaysance, que maintefois on les void mourir, et leur gosier esclatter a force de chanter: oyseaux dignes du beau nom de philomele, puisqu'ilz meurent ainsy en l'amour et pour l'amour de la melodie..

  A004000898 

 O Dieu, mon Theotime, que le cœur ardemment pressé de l'affection de loiier son Dieu reçoit une douleur grandemént delicieuse et une douceur grandement douloureuse, quand, apres mille effortz de louange, il se treuve si court! Helas, il voudroit, ce pauvre rossignol, tous-jours plus hautement lancer ses accens et perfectionner sa melodie, pour mieux chanter les benedictions de son cher Bienaymé! A mesure qu'il lotie il se plait a louer, et a mesure qu'il se plait a loüer il se desplait de ne pouvoir encor mieux louer; et pour se contenter au mieux qu'il peut en cette passion, il fait toute sorte d'effortz, entre lesquelz il tombe en langueur: comme il advenoit au tres glorieux saint François, qui, emmi les playsirs qu'il prenoit a lotier Dieu et chanter ses cantiques d'amour, jettoit une grande affluence de larmes et laissoit souvent tomber de foiblesse ce que pour lhors il tenoit en main, demeurant comme un sacré philomele a cœur failli, et perdant souvent le respirer a force d'aspirer aux louanges de Celuy qu'il ne pouvoit jamais asses lotier..

  A004000899 

 Les cygales, Theotime, ont leur poitrine pleine de tuyaux, comme si elles [284] estoyent des orgues naturelles; et pour mieux chanter elles ne vivent que de la rosee, laquelle elles ne tirent pas par la bouche, car elles n'en ont point, ains la succent par une petite languette qu'elles ont au milieu de l'estomach, par laquelle elles jettent aussi, toutes, leurs sons avec tant de bruit qu'elles semblent n'estre que voix.

  A004000899 

 Mais oyés une similitude aggreable sur ce sujet, tiree du nom que ce saint amoureux donnoit a ses religieux; car il les appelloit cygales, a rayson des louanges qu'ilz rendoyent a Dieu emmi la nuit.

  A004000899 

 Or l'amant sacré est comme cela: car toutes les facultés de son ame sont autant de tuyaux qu'il a en sa poitrine, pour resonner les cantiques et louanges du Bienaymé; sa devotion, au milieu de toutes, est la langue de son cœur, selon saint Bernard, par laquelle il reçoit la rosee des perfections divines, les sucçant et attirant a soy comme son aliment, par la tressainte complaysance qu'il y prend; et par cette mesme langue de devotion, il fait toutes ses voix d'orayson, de louange, de cantiques, de psalmes, de benedictions, selon le tesmoignage d'une des plus insignes cygales spirituelles qui ait jamais esté ouïe, laquelle chantoit ainsy:.

  A004000906 

 Car n'est ce pas comme s'il eust dit: Je suis une cygale mystique; mon ame, mes espritz, mes pensees, et toutes les facultés qui sont ramassees au dedans de moy sont des orgues: o qu'a jamais tout cela benisse le nom et retentisse les louanges de mon Dieu!.

  A004000916 

 Ainsy le glorieux Psalmiste, tout esmeu de la passion saintement desreglee qui le portoit a louer Dieu, va sans ordre, sautant du ciel a la terre et de la terre au ciel, appellant pesle mesle les Anges, les poissons, les montz, les eaux, les dragons, les oyseaux, les serpens, le feu, la gresle, le brouillatz, assemblant par ses souhaitz toutes les creatures, affin que toutes ensemble s'accordent a magnifier pieusement leur Createur: les unes celebrant elles mesmes les divines louanges, et les autres donnant le sujet de le louer par les merveilles de leurs differentes proprietés, lesquelles manifestent la grandeur de leur Facteur.

  A004000916 

 Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement.

  A004000916 

 Si que ce divin Psalmiste royal ayant composé une grande quantité de [286] Pseaumes, avec cette inscription, Loués Dieu, apres avoir discouru parmi toutes les creatures pour leur faire les saintes semonces de benir la Majesté celeste, et parcouru une grande varieté de moyens et instrumens propres a la celebration des louanges de cette eternelle Bonté, en fin, comme tombant en defaillance d'haleyne, il conclud toute sa sacree psalmodie par cet eslan: Tout esprit loue le Seigneur; c'est a dire: Tout ce qui a vie, ne vive ni ne respire que pour benir le Createur, selon l'encouragement qu'il avoit donné ailleurs:.

  A004000923 

 Ainsy la celeste Espouse se sentant presque esvanouïe entre les violens essays qu'elle faysoit de benir et magnifier le bienaymé Roy de son cœur: Hé, crioyt elle a ses compaignes, ce divin Espoux m'a menee par la contemplation en ses celiers a vin, me faysant savourer les delices incomparables des perfections de son excellence, et je me suis tellement detrempee et saintement enivree par la complaysance que j'ay prise en cet abisme de beauté, que mon ame va languissant, blessee d'un desir amoureusement mortel [287] qui me presse de louer a jamais une si eminente bonté.

  A004000923 

 Ainsy le grand saint François chanta le Cantique du soleil et cent autres excellentes benedictions, pour invoquer les creatures a venir ayder son cœur, tout alangouri dequoy il ne pouvoit a son gré louer le cher Sauveur de son ame.

  A004000923 

 La complaysance tire les suavités divines dedans le cœur, lequel se remplit si ardemment qu'il en est tout esperdu; mais l'amour de bienveuillance fait sortir nostre cœur de soy mesme et le fait exhaler en vapeurs de parfums delicieux, c'est a dire en toutes sortes de saintes louanges; et ne pouvant neanmoins en tant pousser comme il desireroit: O, dit-il, que toutes les creatures viennent contribuer les fleurs de leurs benedictions, les pommes de leurs actions de graces, de leurs honneurs et de leurs adorations, affin que de toutes pars on sente les odeurs respandues a la gloire de Celuy duquel l'infinie douceur surpasse tout honneur, et que nous ne pouvons jamais bien dignement magnifier..

  A004000924 

 C'est cette divine passion qui fait tant faire de predications, qui fait passer entre tant de hazards les Xaviers, les Berzees, les Anthoines; cette multitude de Jesuites, de Capucins et de religieux, et autres ecclesiastiques de toutes sortes, es Indes, au Jappon, en Maraignan, affin de faire connoistre, reconnoistre et adorer le nom sacré de Jesus emmi ces grans peuples.

  A004000924 

 C'est cette passion sainte qui fait tant escrire de livres de pieté, tant fonder d'eglises, d'autelz, de maysons pieuses; et, en somme, qui fait veiller, travailler et mourir tant de serviteurs de Dieu entre les flammes du zele qui les consume et devore.

  A004000928 

 Car sachés, Theotime, qu' une voix sort du throsne divin, qui ne cesse de crier aux heureux habitans de la glorieuse Hierusalem celeste: Dites a Dieu louange, o vous qui estes ses serviteurs et qui le craignes, grans et petitz; a quoy toute cette multitude innombrable de Saintz, les chœurs des Anges et les chœurs des hommes assemblés, respond, chantant de toute sa force: Alleluia, loués Dieu.

  A004000928 

 L'ame amoureuse voyant qu'elle ne peut assouvir le desir qu'elle a de louer son Bienaymé tandis qu'elle vit entre les miseres de ce monde, et sachant que les louanges qu'on rend au Ciel a la divine Bonté se chantent d'un air incomparablement plus aggreable: O Dieu, dit-elle, que les louanges respandues par ces bienheureux espritz devant le throsne de mon Roy celeste sont louables! que leurs benedictions sont dignes d'estre benites! o que de bonheur d'ouïr cette melodie de la tressainte eternité, en laquelle, par une tres souëfve rencontre de voix dissemblables et de tons dispareilz, se font ces admirables accors esquelz toutes les parties avançant les unes sur les autres par une suite continuelle et incomprehensible liayson de chasses, on entend de toutes pars retentir des perpetuelz alleluia! Voix pour leur esclat comparees aux tonnerres, aux trompettes, au bruit des vagues de la mer agitee; mais voix qui aussi pour leur incomparable douceur et suavité sont comparees a la melodie des harpes, delicatement et delicieusement sonnees par la main des plus excellens joueurs, et voix qui toutes s'accordent a dire le joyeux cantique paschal: Alleluia, loués Dieu, amen, loués Dieu.

  A004000929 

 Mais quelle est cette voix admirable, qui sortant du throsne divin annonce les alleluia aux esleuz, sinon la tressainte complaysance, laquelle estant receüe dedans l'esprit leur fait ressentir la douceur des perfections divines, en suite de laquelle naist en eux l'amoureuse bienveuillance, source vive des louanges sacrees? Ainsy, par effect, la complaysance procedant du throsne vient intimer les grandeurs de Dieu aux Bienheureux, et la bienveuillance les excite a respandre reciproquement devant le throsne les parfums de louange: c'est pourquoy, par maniere de responce, ilz chantent eternellement alleluia, c'est a dire loués Dieu.

  A004000929 

 O que ce temple est aymable, ou tout retentit en louanges! Que de douceur a ceux qui vivent en ce sacré sejour, ou tant de philomeles et rossignolz celestes chantent avec cette sainte contention d'amour les cantiques d'eternelle suavité!.

  A004000930 

 Le cœur, donq, qui ne peut en ce monde ni chanter ni ouïr les louanges divines a son gré, entre en des desirs nompareilz d'estre deslivré des liens de cette vie, pour aller en l'autre ou on loue si parfaitement le Bienaymé celeste: et ces desirs s'estans ainsy emparés du cœur, se rendent quelquefois si puissans et pressans dans la poitrine des amans sacrés, que, bannissans tous autres desirs, ilz mettent en degoust toutes choses terrestres et rendent l'ame toute alangourie et malade d'amour; voire mesme cette sainte passion passe aucune-fois si avant, que si Dieu le permet on en meurt..

  A004000931 

 Ainsy ce glorieux et seraphique amant saint François, ayant longuement esté travaillé de cette forte affection de louer Dieu, en fin en ses dernieres annees, apres qu'il eut asseurance, par une tres speciale revelation, de son salut eternel, il ne pouvoit contenir sa joye, et s'alloit de jour en jour consumant, comme si sa vie et son ame se fust evaporee, ainsy que l'encens, sur le feu des ardens desirs qu'il avoit de voir son Maistre pour le louer incessamment; en sorte que ces ardeurs prenant tous les jours des nouveaux accroissemens, son [290] ame sortit de son cors par un eslan qu'elle fit vers le Ciel; car la divine Providence voulut qu'il mourust en prononçant ces sacrees paroles: Hé, tires hors de cette prison mon ame, o Seigneur, affin que je benisse vostre nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me rendies la tranquillité desiree.

  A004000931 

 Theotime, voyés de grace cet esprit qui, comme un celeste rossignol enfermé dans la cage de son cors, clans laquelle il ne peut chanter a souhait les benedictions de son eternel amour, sçait qu'il gazouilleroit et prattiqueroit mieux son beau ramage s'il pouvoit gaigner l'air, pour jouir de sa liberté et de la societé des autres philomeles entre les gaves et fleurissantes collines de la contree bienheureuse; c'est pourquoy il exclame: Helas, o Seigneur de ma vie, hé, par vostre bonté toute douce, deslivrés-moy, pauvre que je suis, de la cage de mon cors, retirés-moy de cette petite prison, affïn qu'affranchi de cet esclavage je puisse voler ou mes chers compaignons m'attendent la haut au Ciel, pour me joindre a leurs chœurs et m'environner de leur joye! la, Seigneur, alliant ma voix aux leurs, je feray avec eux une douce harmonie d'airs et d'accens delicieux, chantant, louant et benissant vostre misericorde..

  A004000932 

 Cet admirable Saint, comme un orateur qui veut finir et conclure tout ce qu'il a dit par quelque courte sentence, mit cette heureuse fin a tous ces souhaitz et desirs desquelz ces dernieres paroles furent l'abbregé; paroles auxquelles il attacha si fortement son ame, qu'il expira en les souspirant.

  A004000936 

 Nous allons donq montant en ce saint exercice, de degré en degré, par les creatures que nous invitons a louer Dieu, passans des insensibles aux raysonnables et intellectuelles, et de l'Eglise militante a la triomphante, en laquelle nous nous relevons entre les Anges et les Saintz jusques a ce que, au dessus de tous, nous ayons rencontré la tressainte Vierge, laquelle d'un air incomparable loue et magnifie la Divinité, plus hautement, plus saintement et plus delicieusement que tout le reste des creatures ensemble ne sçauroit jamais faire..

  A004000937 

 Ainsy, Theotime, entre tous les chœurs des hommes et tous les chœurs des Anges, on entend cette voix hautaine de la tressainte Vierge, qui, relevee au dessus de tout, rend plus de louange a Dieu que tout le reste des creatures; aussi le Roy celeste la convie tout particulierement a chanter: [292] Monstre-moy ta face, dit-il, o ma Bienaymee, que ta voix sonne a mes oreilles; car ta voix est toute douce, et ta face toute belle..

  A004000938 

 Dieu provoque l'ame et donne la grace requise pour la production des autres [293] louanges, mais celles du Redempteur, luy qui est Dieu les produit luy mesme: c'est pourquoy elles sont infinies..

  A004000938 

 Il passe donq plus avant, et invite le Sauveur de louer et glorifier son Pere eternel de toutes les benedictions que son amour filial luy peut fournir; et lhors, Theotime, l'esprit arrive en un lieu de silence, car nous ne sçavons plus faire autre chose qu'admirer.

  A004000938 

 Le Pere eternel reçoit les louanges des autres comme senteurs de fleurs particulieres, mais au sentir des benedictions que le Sauveur luy donne, il s'escrie sans doute: O voyci l'odeur des louanges de mon Filz, comme l'odeur d'un champ plein de fleurs que j'ay beni.

  A004000938 

 Mays ces louanges que cette Mere d'honneur et de belle dilection, avec toutes les creatures ensemble, donne a la Divinité, quoy qu'excellentes et admirables, sont neanmoins si infiniment inferieures au merite infini de la bonté de Dieu, qu'elles n'ont aucune proportion avec iceluy; et partant, quoy qu'elles contentent grandement la sacree bienveuillance que le cœur amant a pour son Bienaymé, si est-ce qu'elles ne l'assouvissent pas.

  A004000938 

 O quel cantique du Filz pour le Pere! o que ce cher Bienaymé est beau entre tous les enfans des hommes! o que sa voix est douce, comme procedante des levres sur lesquelles la plenitude de la grace est respandue! Tous les autres sont parfumés, mais luy, il est le parfum mesme; les autres sont embaumés, mais luy, il est le baume respandu.

  A004000938 

 Ouy, mon cher Theotime, toutes les benedictions que l'Eglise militante et triomphante donne a Dieu, sont benedictions angeliques et humaines, car si bien elles s'addressent au Createur, toutefois elles procedent de la creature; mais celles du Filz, elles sont divines, car elles ne regardent pas seulement Dieu comme les autres, ains elles proviennent de Dieu, car le Redempteur est vray Dieu.

  A004000939 

 Ainsy, apres avoir ouï toutes les louanges que tant de differentes creatures, a l'envi les unes des autres, rendent unanimement a leur Createur, quand en fin on escoute celle du Sauveur, on y treuve une certaine infinité de merite, de valeur, de suavité, qui surmonte toute esperance et attente du cœur; et l'ame alhors, comme resveillee d'un profond sommeil et tout a coup ravie par l'extremité de la douceur de telle melodie: Hé, je l'entens; o la voix, la voix de mon Bienaymé! voix reyne de toutes les voix, voix au prix de laquelle les autres voix ne sont qu'un muet et morne silence.

  A004000939 

 Celuy qui, le matin, ayant ouï asses longuement entre les boscages voysins un gazouillement aggreable d'une grande quantité de serins, linottes, chardonneretz et autres telz menus oyseaux, entendroit en fin un maistre rossignol, qui en parfaitte melodie rempliroit l'air et l'oreille de son admirable voix, sans doute qu'il prefereroit ce seul chantre boscager a toute la trouppe des autres.

  A004000939 

 Tenes, le voyla, ce divin amour du Bienaymé, comme il est derriere la paroy de son humanité; voyés qu'il se fait entrevoir par les playes de son cors et l'ouverture de son flanc, comme par des fenestres, et comme par un treillis au travers duquel il nous regarde..

  A004000939 

 Voyés comme ce cher Ami s'eslance; le voyci qu'il vient tressaillant es plus hautes montaignes, outrepassant les collines: sa voix retentit au dessus des Seraphins et de toute creature.

  A004000940 

 Mais comme [294] ceux qui regardent au travers des treillis voyent et ne sont qu'entreveus, ainsy le divin amour de ce cœur, ou plustost ce cœur du divin amour, void tous-jours clairement les nostres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas pourtant, seulement nous l'entrevoyons: car, o Dieu! si nous le voyions ainsy qu'il est, nous mourrions d'amour pour luy puisque nous sommes mortelz, comme luy mesme mourut pour nous tandis qu'il estoit mortel, et comme il en mourrait encor, si maintenant il n'estoit immortel.

  A004000940 

 Ouy certes, Theotime, l'amour divin assis sur le cœur du Sauveur comme sur son throsne royal, regarde par la fente de son costé percé tous les cœurs des enfans des hommes; car ce cœur, estant le Roy des cœurs, tient tous-jours ses yeux sur les cœurs.

  A004000940 

 Tout y fleurit, tout y respand de la douceur et du parfum: les tourterelles, qui sont les plus sombres de tous les ovseaux, y resonnent neanmoins leurs ramages.

  A004000944 

 Car tout ainsy qu'estans en une chambre nous ne recevons pas la lumiere selon la grandeur de la clarté du soleil qui la respand, mays selon la grandeur de la fenestre par laquelle il la communique, de mesme les actions humaines du Sauveur ne sont pas infinies, bien qu'elles soyent d'infinie valeur, d'autant qu'encor que la Personne divine les fasse, elle ne les fait pas toutefois selon l'estendue de son infinité, mais selon la grandeur finie de son humanité par laquelle elle les fait: de sorte que comme les actions humaines de nostre doux Sauveur sont infinies en comparayson des nostres, aussi sont-elles finies en comparayson de l'essentielle infinité de la Divinité.

  A004000944 

 Elles sont d'infinie valeur, estime et dignité, parce qu'elles procedent d'une personne qui est Dieu, mais elles sont d'essence et nature finie, parce que Dieu les fait selon sa nature et substance humaine, qui est finie.

  A004000944 

 La louange donq qui part du Sauveur entant qu'il est homme, n'estant pas de tout point infinie, elle ne peut correspondre de toutes pars a la grandeur infinie de la Divinité a laquelle elle est destinee: c'est pourquoy, apres le premier ravissement d'admiration qui nous saisit quand nous avons rencontré une louange si glorieuse [296] comme est celle que le Sauveur donne a son Pere, nous ne laissons pas de reconnoistre que la Divinité est encor infiniment plus louable qu'elle ne peut estre louee, ni par toutes les creatures ni par l'humanité mesme du Filz eternel..

  A004000944 

 Toutes les actions humaines de nostre Sauveur sont infinies en valeur et merite, a rayson de la Personne qui les produit, qui est un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays elles ne sont pas pourtant de nature et essence infinie.

  A004000945 

 Que si c'est cette beauté de la lumiere qui provoque les alouettes a chanter, comme il est fort probable, ce n'est pas merveille si elles chantent plus clairement a mesure qu'elles volent plus hautement, s'eslevant esgalement en chant et en vol, jusques a tant que ne pouvant presque plus chanter elles commencent a descendre de ton et de cors, rabbaissant petit a petit leur vol comme leur voix.

  A004000946 

 Pour cela nous adjoustons ce verset de gloire a chasque Psalme et Cantique, selon la coustume ancienne de l'Eglise orientale, que le grand saint Hierosme supplia saint Damase, Pape, de vouloir establir de deça en Occident, pour protester que toutes les louanges humaines et [297] angeliques sont trop basses pour dignement louer la divine Bonté, et qu'affin qu'elle soit dignement louee, il faut qu'elle soit sa gloire, sa louange et sa benediction elle mesme..

  A004000953 

 Car ainsy les Seraphins d'Isaïe, adorans Dieu et Je louans, voylent leurs faces et leurs pieds, pour confesser qu'ilz n'ont nulle suffisance de le bien considerer ni de le bien servir; car les pieds sur lesquelz on va representent le service: mais pourtant ilz volent de [298] deux aysles, par le continuel mouvement de la complaysance et de la bienveuillance, et leur amour prend son repos en cette douce inquietude..

  A004000954 

 Cet amour, donq, voudroit bien voir les merveilles de l'infinie bonté de Dieu, mays il replie les aysles de ce desir sur son visage, confessant qu'il n'en peut reussir; il voudroit aussi rendre quelque digne service, mays il replie le desir sur ses pieds, advoüant qu'il n'en a pas le pouvoir; et ne luy reste que les deux aysles de complaysance et bienveuillance, avec lesquelles il vole et s'eslance en Dieu..

  A004000954 

 Or c'en est de mesme de l'amour des Seraphins et de tous les hommes seraphiques; car il a son repos en son continuel mouvement de complaysance, par lequel il tire Dieu en soy comme se resserrant, et de bienveuillance, par lequel il s'estend et jette tout en Dieu.

  A004000963 

 L'un nous fait plaire en Dieu, l'autre nous fait plaire a Dieu; par l'un nous concevons, par l'autre nous produisons; par l'un nous mettons Dieu sur nostre cœur, comme un estendart d'amour auquel toutes nos affections se rangent; par l'autre nous le mettons sur nostre bras, comme une espee de dilection par laquelle nous faysons tous les exploitz des vertus..

  A004000963 

 L'un nous remplit de complaysance, de bienveuillance, d'eslans, de souhaitz, de souspirs et d'ardeurs spirituelles, nous faisant prattiquer les sacrees infusions et meslanges de nostre esprit avec celuy de Dieu; l'autre respand en nous la solide resolution, la fermeté de courage et l'inviolable obeissance requise pour effectuer les ordonnances de la [301] volonté de Dieu, et pour souffrir, aggreer, appreuver et embrasser tout ce qui provient de son bon playsir.

  A004000964 

 Les chiens les plus sages et mieux dressés tombent souvent en defaut, perdans la piste et le sentiment, pour la varieté des ruses dont les cerfs usent, faisans les horvaris, donnans le change et prattiquans mille malices pour s'eschapper devant la meute: et nous perdons souvent de veüe et de connoissance nostre propre cœur, en l'infinie diversité des mouvemens par lesquelz il se tourne en tant de façons et avec une si grande promptitude qu'on ne peut discerner ses erres..

  A004000964 

 Or, le premier exercice consiste principalement en l'orayson, en laquelle se passent tant de divers mouvemens interieurs qu'il est impossible de les exprimer tous; non seulement a cause de leur quantité, mais aussi a rayson de leur nature et qualité, laquelle estant spirituelle ne peut estre que grandement desliee et presque imperceptible a nos entendemens.

  A004000965 

 Certes, si nos espritz vouloyent faire retour sur eux mesmes par les reflechissemens et replis de leurs actions, ilz entreroyent en des labyrinthes esquelz ilz perdroyent sans doute l'issue; et ce seroit une attention insupportable de penser quelles sont nos pensees, considerer nos considerations, voir toutes nos veües spirituelles, discerner que nous discernons, nons resouvenir que nous nous resouvenons: ce seroyent des entortillemens que nous [302] ne pourrions desfaire.

  A004000965 

 Dieu seul est celuy qui, par son infinie science, void, sonde et penetre tous les tours et contours de nos espritz; il entend nos pensees de loin, il treuve tous nos sentiers, faufilans et destours; sa science en est admirable, elle prevaut au dessus de nostre capacité et nous n'y pouvons atteindre.

  A004000966 

 Nous ne prenons pas ici le mot d'orayson pour la seule priere ou «demande de quelque bien, respandue devant Dieu par les fideles,» comme saint Basile la nomme; mays comme saint Bonaventure, quand il dit que l'orayson, a parler generalement, comprend tous les actes de contemplation, ou comme saint Gregoire Nissene, quand il enseignoit que «l'orayson est un entretien et conversation de l'ame avec Dieu;» ou bien comme saint Chrysostome, quand il asseure que «l'orayson est un devis avec la divine Majesté;» ou en fin comme saint Augustin et saint Damascene, quand ilz disent que l'orayson est «une montee ou eslevement de l'esprit en Dieu.» Oue si l'orayson est un colloque, un «devis» ou une «conversation» de l'ame avec Dieu, par icelle donq nous parlons a Dieu et Dieu reciproquement parle a nous, nous aspirons a luy et respirons en luy, et mutuellement il inspire en nous et respire sur nous..

  A004000967 

 La speculative tend a la connoissance de Dieu, et la mystique a l'amour de Dieu; de sorte que celle la rend ses escholiers sçavans, doctes et theologiens, mays celle ci rend les siens ardens, affectionnés, amateurs de Dieu, et Philothees ou Theophiles.

  A004000967 

 La speculative traitte de Dieu avec les hommes et entre les hommes; la mystique parle de Dieu avec Dieu et en Dieu mesme.

  A004000969 

 L'orayson est une manne, pour l'infinité des goustz amoureux et des pretieuses suavités qu'elle donne a ceux qui en usent; mais elle est secrette, parce qu'elle tombe avant la clarté d'aucune science, en la solitude mentale, ou l'ame, traittant seule a seule avec son Dieu, Qui est celle-ci, peut-on dire d'elle, qui monte par le desert, comme une nuee de parfums, de myrrhe, d'encens et de toutes les poudres du parfumeur? Aussi, le desir du secret l'avoit incitee de faire cette supplication a son Espoux: Venés, mon Bienaymé, sortons aux chams, sejournons es villages.

  A004000970 

 L'amour desire le secret, et quoy que les amans n'ayent rien a dire de secret ilz se playsent toutefois a le dire secretement: et c'est en partie, si je ne me trompe, parce qu'ilz ne veulent parler que pour eux mesmes, et disans quelque chose a haute voix il leur est advis que ce n'est plus pour eux seulz, partie parce qu'ilz ne disent pas les choses communes a la façon commune, ains avec des traitz particuliers et qui ressentent la speciale affection avec laquelle ilz parlent Le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la maniere et prononciation il est si particulier que nul ne l'entend sinon les amans.

  A004000971 

 L'amour ne parle pas seulement par la langue, mais par les yeux, par les souspirs et contenances; ouy mesme le silence et la taciturnité luy tiennent lieu de parole.

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000975 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a sa volonté en la loy du Seigneur, et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; mais au second Psalme: Pourquoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont-ilz medité choses vaines? La meditation, donques, se fait pour le bien et pour le mal: toutefois, d'autant qu'en l'Escriture Sainte le mot de meditation est employé ordinairement pour l'attention que l'on a aux choses divines, affin de s'exciter a les aymer, il a esté, par maniere de dire, canonizé du commun consentement des theologiens, aussi bien que le nom d'ange et de zele, comme au contraire, celuy de dol et de demon a esté diffamé; si que maintenant, quand on nomme la medication, on entend parler de celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A004000975 

 Ce mot est grandement en usage dans les Saintes Escritures, et ne veut dire autre chose qu'une attentive et reiteree pensee, propre a produire des affections ou bonnes ou mauvaises.

  A004000976 

 Mays quand nous pensons aux choses divines, non pour apprendre mais pour nous affectionner a elles, cela s'appelle mediter, et cet exercice, meditation, auquel nostre esprit, non comme une mousche, par simple amusement, ni comme un haneton, pour manger et se remplir, mais comme une sacree avette, va ça et la sur les fleurs des saintz mysteres pour en extraire le miel du divin amour..

  A004000976 

 Or toute meditation est une pensee, mais toute pensee n'est pas meditation, Maintefois nous avons des pensees [306] auxquelles nostre esprit s'attache sans dessein ni pretention quelcomque, par maniere de simple amusement, ainsy que nous voyons les mousches communes voler ça et la sur les fleurs sans en tirer chose aucune; et cette espece de pensee, pour attentive qu'elle soit, ne peut porter le nom de meditation, ains doit estre simplement appellee pensee.

  A004000976 

 Quelquefois nous pensons attentivement a quelque chose pour apprendre ses causes, ses effectz, ses qualités; et cette pensee s'appelle estude, en laquelle l'esprit fait comme les hanetons qui voletent sur les fleurs et les feuilles indistinctement pour les manger et s'en nourrir.

  A004000977 

 En somme, la pensee et l'estude se font de toutes sortes de choses; mays la meditation, ainsy que nous en parlons maintenant, ne regarde que les objetz la consideration desquelz nous peut rendre bons et devotz: si que la meditation n'est autre chose qu'une pensee attentive, reiteree ou entretenue volontairement en l'esprit, affin d'exciter la volonté a des saintes et salutaires affections et resolutions..

  A004000978 

 Car, mon cher Theotime, si jamais vous y aves pris garde, les petitz des arondelles ouvrent grandement leur bec quand ilz font leur piallement; et au contraire les colombes, entre tous les oyseaux, font leur grommelement a bec clos et enfermé, roulant leur voix dans leur gosier et poitrine, sans que rien en sorte que par maniere de retentissement et resonnement: et ce petit grommelement leur sert egalement pour exprimer leurs douleurs comme pour declarer leurs amours.

  A004000979 

 Ainsy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, exprimant sa conception d'une autre sorte: Je repenseray, dit il, devant vous, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter et repenser pour exciter les affections, n'est qu'une mesme chose.

  A004000979 

 Dont Moyse advertissant le peuple de repenser les faveurs receues de Dieu, il adjouste cette rayson: Affin, dit il, que tu observes ses commandemens, et que tu chemines en ses voyes, et que tu le craignes; et Nostre Seigneur mesme fait ce commandement a Josué: Tu mediteras au livre de la Loy jour et nuit, affin que tu gardes et faces ce qui est escrit en iceluy.

  A004000979 

 Et tost apres: Ma colombe, monstre moy ta face, que ta voix resonne a mes oreilles, car ta voix est douce et ta face tres bien seante et gracieuse; il veut dire, Theotime, que l'ame devote luy est tres aggreable quand elle se presente devant luy et qu'elle medite pour s'eschauffer au saint amour spirituel, ainsy que font les colombes pour s'exciter, et leurs parons, a leurs amours naturelz.

  A004000979 

 Mays affin qu'on sache que les colombes ne font [308] pas leur grunement seulement es occasions de tristesse, ains encor en celles de l'amour et de la joye, l'Espoux sacré, descrivant le primtems naturel pour exprimer les graces du primtems spirituel, La voix, dit-il, de la tourterelle a esté ouÿe en nostre terre; parce qu'au primtems la tourterelle commence a s'eschauffer d'amour, ce qu'elle tesmoigne par son ramage qu'elle respand plus frequemment.

  A004000980 

 La meditation n'est autre chose que le ruminement mystique, requis pour n'estre point immonde, auquel une des devotes bergeres qui suivoyent la sacree Sulamite nous invite; car elle asseure que la sainte doctrine est comme un vin pretieux, digne non seulement d'estre beue par les pasteurs et docteurs, mais d'estre soigneusement savouree, et par maniere de dire, maschee et ruminee: Ton gosier, dit elle, dans lequel se forment les paroles saintes, est un vin tres bon, digne de mon Bienaymé pour estre beu, et de ses levres et de ses dens pour estre ruminé.

  A004000981 

 Ainsy la celeste amante, comme une abeille mistique, va voletant, au Cantique des Cantiques, tantost sur les yeux, tantost sur les levres, sur les joues, sur la cheveleure de son Bienaymé, pour en tirer la suavité de mille passions amoureuses, remarquant par le menu tout ce qu'elle treuve de rare pour cela: de sorte que toute ardente de la sacree dilection, elle parle avec luy, elle l'interroge, elle l'escoute, elle souspire, elle aspire, elle l'admire; comme luy, de son costé, la comble de contentemens, l'inspirant, luy touchant et ouvrant le cœur, puis respandant en iceluy des clartés, des lumieres et des douceurs sans fin, mais d'une façon si secrette, que l'on peut bien parler de cette sainte conversation de l'ame avec Dieu comme le sacré Texte dit de celle de Dieu avec Moyse: que Moyse estant seul sur le coupeau de la montaigne, il parlait a Dieu et Dieu luy respondoit.

  A004000981 

 L'avette va voletant ça et la, au primtems, sur les fleurs, non a l'adventure mais a dessein, non pour se recreer seulement a voir la gaye diapreure du païsage, mais pour chercher le miel; lequel ayant treuvé elle le [310] succe et s'en charge, puis, le portant dans sa ruche, elle l'accommode artistement, en separant la cire et d'icelle faisant le bornai, dans lequel elle reserve le miel pour l'hyver suivant.

  A004000981 

 Or telle est l'ame devote en la meditation: elle va de mystere en mystere, non point a la volee ni pour se consoler seulement a voir l'admirable beauté de ces divins objectz, mays destinement et a dessein pour treuver des motifs d'amour ou de quelque celeste affection; et les ayans treuvés elle les tire a soy, elle les savoure, elle s'en charge, et les ayans reduitz et colloqués dedans son cœur, elle met a part ce qu'elle void plus propre pour son avancement, faisant en fin des resolutions convenables pour le tems de la tentation.

  A004000986 

 Car, comme les avettes parcourent le païsage de leur contree pour picorer ça et la et recueillir le miel, lequel ayant amassé elles travaillent sur iceluy pour le playsir qu'elles prennent en sa douceur, ainsy nous meditons pour recueillir l'amour de Dieu, mays l'ayant recueilli nous contemplons Dieu et sommes attentifs a sa bonté pour la suavité que l'amour nous y fait treuver.

  A004000986 

 Les petitz mouschons des abeilles s'appellent nymphes ou schadons jusques a ce qu'ilz fassent le miel, et lhors on les appelle avettes ou abeilles: de mesme, l'orayson s'appelle meditation jusques a ce qu'elle ayt produit le miel de la devotion; apres cela elle se convertit en contemplation.

  A004000987 

 Et en somme, la meditation est mere de l'amour, mais la contemplation est sa fille: c'est pourquoy j'ay dit que la contemplation estoit une attention amoureuse, car l'on appelle les enfans du nom de leurs peres, et non pas les peres du nom de leurs enfans..

  A004000987 

 La veüe de tant de merveilles engendra dans son cœur un extreme amour, et cet amour produisit un nouveau desir de voir tous-jours plus et jouir de la presence de celuy auquel elle les avoit veües, dont elle s'escrie: Hé, que bienheureux sont les serviteurs qui sont tous-jours autour de vous et oyent vostre sapience! Ainsy nous commençons quelquefois a manger pour exciter nostre appetit, mays l'appetit estant resveillé nous poursuivons a manger pour contenter l'appetit; et nous considerons au commencement la bonté de Dieu pour exciter nostre volonté a l'aymer, mays l'amour estant formé dans nos cœurs, nous considerons cette mesme bonté pour contenter nostre amour, qui ne se peut assouvir de tous-jours voir ce qu'il ayme.

  A004000988 

 L'amour, par une imperceptible faculté, fait paroistre la beauté que l'on ayme, plus belle, et la veüe pareillement affine l'amour pour luy faire treuver la beauté plus aymable; l'amour presse les yeux de regarder tous-jours plus attentivement la beauté bienaymee, et la veüe force le cœur de l'aymer tous-jours plus ardemment..

  A004000992 

 Mays neanmoins, il arrive maintefois que la connoissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrestant pas dans les bornes de la connoissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au dela d'icelle: si que, en cette vie mortelle, nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance de Dieu; dont le grand saint Thomas asseure que souvent «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et sçavans.

  A004000994 

 Si que la connoissance du bien donne la naissance a l'amour, mais non pas la mesure; comme nous voyons que la connoissance d'une injure esmeut la cholere, laquelle, si elle n'est soudain estouffee, devient presque tous-jours plus grande que le sujet ne requiert: les passions ne suivant pas la connoissance qui les esmeut, mais la laissant bien souvent en arriere, elles s'avancent sans mesure ni limite quelcomque devers leur object..

  A004000995 

 O combien est il vray, selon que saint Augustin s'escrioit, que «les idiotz ravissent les Cieux,» tandis que plusieurs sçavans s'abisment es enfers!.

  A004000996 

 A vostre advis, Theotime, qui aymeroit plus la lumiere, ou l'aveugle né qui sçauroit tous les discours que les philosophes en font et toutes les louanges qu'ilz luy donnent, ou le laboureur qui d'une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur du beau soleil levant? Celuy-la en a plus de connoissance, et celuy-ci plus de jouissance; et cette jouissance produit un amour [316] bien plus vif et animé que ne fait la simple connoissance du discours, car l'experience d'un bien nous le rend infiniment plus aymable que toutes les sciences qu'on en pourroit avoir.

  A004000996 

 Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés.

  A004000997 

 Avant que les petitz enfans ayent tasté le miel et le sucre, on a de la peyne a le leur faire recevoir en leurs bouches, mays apres qu'ilz ont savouré sa douceur, ilz l'ayment beaucoup plus qu'on ne voudroit et pourchassent esperdument d'en avoir tous-jours..

  A004000997 

 Nous aymons extremement les sciences avant que nous les sçachions, dit saint Thomas, «par la seule connoissance confuse et sommaire que nous en avons:» et il faut dire de mesme, que la connoissance de la bonté divine applique nostre volonté a l'amour; mais despuis que la volonté est en train, son amour va de soy mesme croissant par le playsir qu'il sent de s'unir a ce souverain bien.

  A004001002 

 La meditation considere par le menu et comme piece a piece les objectz qui sont propres a nous esmouvoir; mays la contemplation fait une veüe toute simple et ramassee sur l'object qu'elle ayme, et la consideration ainsy unie fait aussi un mouvement plus vif et fort.

  A004001002 

 La premiere sorte ressemble a la meditation, en laquelle nous considerons, par exemple, les effectz de la misericorde divine, pour nous exciter a son amour; mays la seconde est semblable [318] a la contemplation, en laquelle nous regardons, d'un seul trait arresté de nostre esprit, toute la varieté des mesmes effectz comme une seule beauté composee de toutes ces pieces qui font un seul brillant de splendeur.

  A004001002 

 Les compaignes de l'Espouse sacree luy avoyent demandé quel estoit son Bienaymé, et elle leur respond descrivant admirablement toutes les pieces de sa parfaite beauté: son teint est blanc et vermeil, sa teste d'or, ses cheveux comme un jetton de fleurs de palmes non encor du tout espanouies, ses yeux de colombe, ses joües comme petites tables, planches ou carreaux de jardin, ses levres comme lis, parsemees de toutes odeurs, ses mains annelees de jacinthe, ses jambes comme colomnes de marbre; ainsy va-elle meditant cette souveraine beauté en detail, jusques a ce qu'en fin elle conclud par maniere de contemplation, mettant toutes les beautés en un: Son gosier, dit-elle, est tres suave, et luy il est tout desirable; et tel est mon Bienaymé, et il est mon cher Ami..

  A004001002 

 Nous contons en meditant, ce semble, les perfections divines que nous voyons en un mistere; mais en contemplant nous en faysons une somme totale.

  A004001002 

 On peut regarder la beauté d'une riche couronne en deux sortes: ou bien voyant tous ses fleurons et toutes les pierres pretieuses dont elle est composee, l'une apres l'autre; ou bien, apres avoir consideré ainsy toutes les pieces particulieres, regardant tout l'esmail d'icelles ensemble d'une seule et simple veüe.

  A004001003 

 C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles..

  A004001003 

 La meditation est semblable a celuy qui odore l'œillet, la rose, le romarin, le thym, le jasmin, la fleur d'orange, l'un apres l'autre, distinctement; mais la contemplation est pareille a celuy qui odore l'eau de senteur composee de toutes ces fleurs: car celuy cy en un seul sentiment reçoit toutes les odeurs unies que l'autre avoit senti divisees et separees, et n'y a point de doute que cette unique odeur qui provient de la confusion de toutes ces senteurs, ne soit elle seule plus suave et pretieuse que les senteurs desquelles elle est composee, odorees separement l'une apres l'autre.

  A004001004 

 Il vid, dit l'Escriture, que la lumiere estoit bonne, que le ciel et la terre estoit une bonne chose; puis les herbes et plantes, le soleil, la lune et les estoiles, les animaux et en somme toutes les creatures, ainsy qu'il les creoit l'une apres l'autre, jusques a ce qu'en fin tout l'univers estant accompli, la divine meditation, par maniere de dire, se changea en contemplation; car, regardant toute la bonté qui estoit en son ouvrage, d'un seul trait de son œil, il vid, dit Moyse, tout ce qu'il avoit fait, et [320] tout estoit tres bon. Les pieces differentes considerees separement par maniere de meditation estoient bonnes, mays regardees d'une seule veüe toutes ensemble, par forme de contemplation, elles furent treuvees tres bonnes: comme plusieurs ruysseaux qui, s'unissans, font une riviere, qui porte des plus grandes charges que la multitude des mesmes ruysseaux separés n'eust sceu faire..

  A004001004 

 Voyes saint Bernard, Theotime; il avoit medité toute la Passion piece a piece, puis de tous les principaux pointz mis ensemble il en fit un bouquet d'amoureuse douleur, et le mettant sur sa poitrine pour convertir sa meditation en contemplation, il s'escria: Mon Bienaymé est un bouquet de myrrhe pour moy! Mays voyes encor plus devotement le Createur du monde, comme en la creation il alla premierement meditant sur la bonté de ses ouvrages, piece a piece, separement, a mesure qu'il les voyoit produitz.

  A004001005 

 Apres que nous avons esmeu une grande quantité de diverses affections pieuses, par la multitude des considerations dont la meditation est composee, nous assemblons en fin la vertu de toutes ces affections; lesquelles de la confusion et meslange de leurs forces font naistre une certaine quintessence d'affection, et d'affection plus active et puissante que toutes les affections desquelles elle procede, d'autant qu'encor qu'elle ne soit qu'une, elle comprend la vertu et proprieté de toutes les autres, et se nomme affection contemplative..

  A004001006 

 Ainsy dit on entre les theologiens que les Anges plus eslevés en gloire ont une connoissance de Dieu et des creatures beaucoup plus simple que leurs inferieurs, et que les especes ou idees par lesquelles ilz voyent sont plus universelles; en sorte que ce que les Anges moins parfaitz voyent par plusieurs especes et divers regars, les plus parfaitz le voyent par moins d'especes et moins de traitz de leur veüe.

  A004001006 

 Certes, a mesure que l'eau s'esloigne de son origine, elle se divise et dissipe ses sillons, si avec un grand soin on ne la contient ensemble: et les perfections se separent et partagent a mesure qu'elles sont [321] esloignees de Dieu, qui est leur source; mais quand elles s'en approchent, elles s'unissent jusques a ce qu'elles soyent abismees en cette souverainement unique perfection, qui est l' unité necessaire et la meilleure partie, que Magdeleine choysit, laquelle ne luy sera point ostee..

  A004001010 

 Quelquefois nous regardons seulement a quelqu'une des perfections de Dieu, comme, par exemple, a son infinie bonté, sans penser aux autres attributz ou vertus d'iceluy; comme un espoux arrestant simplement sa veüe sur le beau teint de son espouse, qui par ce moyen regarderoit voirement tout son visage, d'autant que le teint est respandu sur presque toutes les pieces d'iceluy, et toutefois ne seroit attentif, ni aux traitz, ni a la grace, ni aux autres parties de la beauté: car de mesme quelquefois, l'esprit regardant la bonté souveraine de la Divinité, bien qu'il voye en icelle la justice, la sagesse, la puissance, il n'est neanmoins en attention que pour la bonté, a laquelle la simple veüe de sa contemplation s'addresse..

  A004001012 

 Et en fin, nous regardons d'autres fois, non plusieurs ni une seule des perfections divines, ains seulement quelqu'action ou quelqu'œuvre divine a laquelle nous sommes attentifs; comme, par exemple, a l'acte de la misericorde par lequel Dieu pardonne les pechés, ou a l'acte de la creation, ou de la resurrection du Lazare, ou de la conversion de saint Paul: ainsy qu'un espoux qui ne regarderoit pas les yeux, ains seulement la douceur du regard que son espouse jette sur luy, ne considereroit point sa bouche, mais la suavité des paroles qui en sortent.

  A004001014 

 Et comme mangea-il son bornal avec son miel, sinon quand il vescut d'une vie nouvelle, reunissant son ame, plus douce que le miel, a son cors percé et navré de plus de trous qu'un bornai? Et lhors que, montant au Ciel, il prit possession de toutes les circonstances et dependances de sa divine gloire, que fit-il autre chose, sinon mesler le vin res-jouissant de la gloire essentielle de son ame avec le lait delectable de la felicité parfaite de son cors, en une sorte encor plus excellente qu'il n'avoit pas fait jusques a l'heure?.

  A004001014 

 L'Espoux divin, comme berger qu'il est, prepara un festin somptueux a la façon champestre pour son Espouse sacree, lequel il descrit en sorte que mystiquement il representoit tous les mysteres de la redemption humaine: Je suis venu en mon jardin, dit-il, j'ay moissonné ma myrrhe avec tous mes parfums; j'ay mangé mon bornai avec mon miel, j'ay meslé mon vin avec mon lait; mangés, mes amis, et beuvés, et vous enivres, mes treschers.

  A004001014 

 Theotime, hé! quand fut-ce, je vous prie, que Nostre Seigneur vint en son jardin, sinon quand il vint es tres pures, tres humbles et tres douces entrailles de sa Mere, pleynes de toutes les plantes fleurissantes des saintes vertus? Et qu'est-ce a Nostre Seigneur de moissonner sa myrrhe avec ses parfums, sinon assembler souffrances a souffrances jusques a la mort, et la mort de la croix? joignant par icelles merites a merites, tresors a tresors pour enrichir ses enfans spirituelz.

  A004001015 

 Or, en tous ces divins mysteres, qui comprennent tous les autres, il y a dequoy bien manger et bien boire pour tous les chers amis, et dequoy s'enivrer pour les treschers amis: les uns mangent et boivent, mais ilz mangent plus qu'ilz ne boivent et ne s'enivrent pas; les autres mangent et boivent, mais ilz boivent beaucoup plus qu'ilz ne mangent, et ce sont ceux qui s'enivrent.

  A004001015 

 Sainte et sacree ivresse, qui, au contraire de la corporelle, nous aliene non du sens spirituel mais des sens corporelz; qui ne nous hebete ni abestit pas, ains nous angelise et, par maniere de dire, divinise; qui nous met hors de nous, non pour nous ravaler et ranger avec les bestes, comme fait l'ivresse terrestre, mais pour nous eslever au dessus de nous et nous ranger avec les Anges, en sorte que nous vivions plus en Dieu qu'en nous mesmes, estans attentifs et occupés par amour a voir sa beauté et nous unir a sa bonté..

  A004001015 

 [324] Or manger, c'est mediter, car en meditant on masche, tournant ça et la la viande spirituelle entre les dens de la consideration, pour l'esmier, froisser et digerer, ce qui se fait avec quelque peyne; boire, c'est contempler, et cela se fait sans peyne ni resistance, avec playsir et coulamment; mais s'enivrer, c'est contempler si souvent et si ardemment, qu'on soit tout hors de soy mesme pour estre tout en Dieu.

  A004001016 

 Or, d'autant que pour parvenir a la contemplation nous avons pour l'ordinaire besoin d'ouïr la sainte parole, de faire des devis et colloques spirituelz avec les autres, a la façon des anciens anachoretes, de lire des livres devotz, de prier, mediter, chanter des cantiques, former des bonnes pensees; pour cela la sainte contemplation estant la fin et le but auquel tous ces exercices tendent, ilz se reduisent tous a elle, et ceux qui les prattiquent sont appellés contemplatifs; comme aussi cette sorte d'occupation est nommee vie contemplative a rayson de l'action de nostre entendement, par laquelle nous regardons la verité de la beauté et bonté divine avec une attention amoureuse, c'est a dire avec un amour qui nous rend attentifs, ou bien avec une attention qui provient de l'amour et augmente l'amour que nous avons envers l'infinie suavité de Nostre Seigneur.

  A004001021 

 Car tout ainsy qu'un nouvel esseim ou jetton de mousches a miel, lhors qu'il veut fuir et changer païs, est rappellé par le son que l'on fait doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin emmiellé, ou bien encor par la senteur de quelques herbes odorantes, en sorte qu'il s'arreste par l'amorce de ces douceurs et entre dans la ruche qu'on luy a preparee; de mesme Nostre Seigneur, prononçant quelque secrette parole de son amour, ou respandant l'odeur du vin de sa dilection plus delicieuse que le miel, ou bien evaporant les parfums de ses vestemens, c'est a dire quelques sentimens de ses consolations celestes en nos cœurs, et par ce moyen leur faysant sentir sa tres aymable presence, il retire a soy toutes les facultés de nostre ame, lesquelles se ramassent autour de luy et s'arrestent en luy comme en leur object tres desirable.

  A004001021 

 Rien n'est si naturel au bien que d'unir et attirer a soy les choses qui le peuvent sentir, comme font nos ames, lesquelles tirent tous-jours et se rendent a leur tresor, c'est a dire a ce qu'elles ayment.

  A004001021 

 [326] Il arrive donq quelquefois que Nostre Seigneur respand imperceptiblement au fond du cœur une certaine douce suavité qui tesmoigne sa presence, et Ihors les puissances, voire mesme les sens exterieurs de l'ame, par un certain secret consentement se retournent du costé de cette intime partie ou est le tres aymable et trescher Espoux.

  A004001022 

 O Dieu, dit l'ame alhors, a l'imitation de saint Augustin, ou vous allois-je cherchant, Beauté tres infinie! «Je vous cherchois dehors, et vous esties au milieu de mon cœur.» Toutes les affections de Magdeleyne et toutes ses pensees estoyent espanchees autour du sepulchre de son Sauveur qu'elle alloit questant ça et la; et bien qu'elle l'eust treuvé et qu'il parlast a elle, elle ne laisse pas de les laisser esparses, parce qu'elle ne s'appercevoit pas de sa presence; mais soudain [327] qu'il l'eut appellee par son nom, la voyla qu'elle se ramasse et s'attache toute a ses pieds: une seule parole la met en recueillement..

  A004001023 

 L'ame de cette Mere bienaymee se ramassa toute, sans doute, autour de cet Enfant bien-aymé, et parce que ce divin Ami estoit emmi ses entrailles sacrees, toutes les facultés de son ame se retirerent en elle mesme, comme saintes avettes dedans la ruche en laquelle estoit leur miel; et a mesure que la divine grandeur s'estoit, par maniere de dire, restressie et raccourcie dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit les louanges de cette infinie debonnaireté, et son esprit tressailloit de contentement dedans son cors (comme saint Jean dedans celuy de sa mere) autour de son Dieu qu'elle sentoit.

  A004001024 

 Car, comme la mereperle, ayant receu les gouttes de la fraiche rosee du matin, se resserre, non seulement pour les conserver pures de tout le meslange qui s'en pourroit faire avec les eaux de la mer, mais aussi pour l'ayse qu'elle ressent d'appercevoir l'aggreable fraicheur de ce germe que le ciel luy envoye; ainsy arrive-il a plusieurs saintz et devotz fideles, qu'ayans receu le divin Sacrement qui contient la rosee de toutes benedictions celestes, leur ame se resserre et toutes leurs facultés se recueillent, non seulement pour adorer ce Roy souverain nouvellement present d'une presence admirable a leurs entrailles, mais pour l'incroyable [328] consolation et rafraichissement spirituel qu'ilz reçoivent, de sentir par la foy ce germe divin de l'immortalité en leur interieur.

  A004001024 

 Ou vous noteres soigneusement, Theotime, qu'en somme tout ce recueillement se fait par l'amour, qui sentant la presence du Bienaymé par les attraitz qu'il respand au milieu du cœur, ramasse et rapporte toute l'ame vers iceluy par une tres amiable inclination, par un tres doux contournement et par un delicieux repli de toutes les facultés du costé du Bienaymé, qui les attire a soy par la force de sa suavité, avec laquelle il lie et tire les cœurs, comme on tire les cors par les cordes et liens materielz..

  A004001025 

 On dit que la veue du soleil fait recueillir les fleurs de la flambe, autrement appellee glay; parce qu'elles se ferment et resserrent en elles mesmes a la lueur du soleil, en l'absence duquel elles espanouissent, et se tiennent ouvertes toute la nuit.

  A004001026 

 Certes, je connois une ame a laquelle si tost qu'on mentionnoit quelque mystere ou sentence qui luy ramentevoit un peu plus expressement que l'ordinaire la presence de Dieu, tant en confession qu'en particuliere conference, elle rentroit si fort en elle mesme qu'elle avoit peyne d'en sortir pour parler et respondre; en telle sorte, qu'en son exterieur elle demeuroit comme destituee de vie et tous les sens engourdis, jusques a ce que l'Espoux luy permist.de sortir, qui estoit quelquefois asses tost et d'autres fois plus tard..

  A004001030 

 L'ame, estant donq ainsy recueillie dedans elle mesme en Dieu ou devant Dieu, se rend parfois si doucement attentive a la bonté de son Bienaymé, qu'il luy semble que son attention ne soit presque pas attention, tant elle est simplement et delicatement exercee; comme il arrive en certains fleuves, qui coulent si doucement et egalement, qu'il semble a ceux qui les regardent ou navigent sur iceux de ne voir ni sentir aucun mouvement, parce qu'on ne les voici nullement ondoyer ni flotter.

  A004001031 

 Certes, les amans humains se contentent parfois d'estre aupres ou a la veüe de la personne qu'ilz ayment, [330] sans parler a elle et sans discourir a part eux, ni d'elle ni de ses perfections; assouvis, ce semble, et satisfaitz de savourer cette bienaymee presence, non par aucune consideration qu'ilz fassent sur icelle, mais par un certain accoisement et repos que leur esprit prend en elle.

  A004001031 

 Mon Bienaymé est a moy et moy je suis a luy, qui paist entre les lys tandis que le jour aspire et que les ombres s'inclinent.

  A004001032 

 Et ce qui est encor plus admirable, c'est que la volonté n'apperçoit point cet ayse et contentement qu'elle reçoit, jouissant insensiblement d'iceluy; d'autant qu'elle ne pense pas a soy, mais a Celuy la presence duquel luy donne ce playsir: comme il arive maintefois que, surpris d'un leger sommeil, nous entr'oyons seulement ce que nos amis disent autour de nous ou ressentons les caresses qu'ilz nous font, presque imperceptiblement, sans sentir que nous sentons..

  A004001032 

 Or ce repos passe quelquefois si avant en sa tranquillité, que toute l'ame et toutes les puissances d'icelle demeurent comme endormies, sans faire aucun mouvement ni action quelcomque, sinon la seule volonté, laquelle mesme ne fait aucune autre chose sinon recevoir l'ayse et la satisfaction que la presence du Bienaymé luy donne.

  A004001033 

 Dont le divin Berger adjure les filles de Sion, par les chevreuils et cerfs des campagnes, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille, c'est a dire, qu'elle s'esveille d'elle mesme.

  A004001033 

 Non, Theotime, l'ame ainsy tranquille en son Dieu ne quitteroit pas ce repos pour tous les plus grans biens du monde..

  A004001034 

 Et qu'est ce a dire, elle escoute? c'est a dire, elle est la comme un vaysseau d'honneur, a recevoir goutte a goutte la mirrhe de suavité que les levres de son Bienaymé distilloyent dans son cœur.

  A004001035 

 Les peintres peignent ordinairement le bienaymé saint Jean, en la cene, non seulement reposant, mais dormant sur la poitrine de son Maistre; parce qu'il y fut assis a la façon des Levantins, en sorte que sa teste tendoit vers le sein de son cher Amant, sur lequel, comme il ne dormoit pas du sommeil corporel, n'y ayant aucune vraysemblance en cela, aussi ne doute-je point que se treuvant si pres des mammelles de la douceur eternelle, il n'y fit un profond, mistique et doux sommeil, [332] comme un enfant d'amour qui, attaché au tetin de sa mere, allaite en dormant et dort en allaitant.

  A004001035 

 O Dieu, quelles delices a ce Benjamin, enfant de la joye du Sauveur, de dormir ainsy entre les bras de son Pere, qui, le jour suivant, comme le Benoni, enfant de douleur, le recommanda aux douces mammelles de sa Mere! Rien n'est plus desirable au petit enfant, soit qu'il veille ou qu'il dorme, que la poitrine de son pere et le sein de sa mere..

  A004001036 

 Quand donques vous seres en cette simple et pure confiance filiale aupres de Nostre Seigneur, demeurés-y, mon cher Theotime, sans vous remuer nullement pour faire des actes sensibles ni de l'entendement ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cet endormissement amoureux de vostre esprit entre les bras du Sauveur, comprend par excellence tout ce que vous alles cherchant ça et la pour vostre goust.

  A004001040 

 Mais apres que la fraicheur du lait a aucunement appaysé la chaleur appetissante de leur petite poitrine, et que les aggreables vapeurs qu'il envoye a leur cerveau commencent a les endormir, Theotime, vous les verries fermer tout bellement leurs petitz yeux et ceder petit e petit au sommeil, sans [333] quitter neanmoins le tetin, sur lequel ilz ne font nulle action que celle d'un lent et presqu'insensible mouvement de levres, par lequel ilz tirent tous-jours le lait qu'ilz avalent imperceptiblement: et cela ilz le font sans y penser, mais non pas certes sans playsir, car si on leur oste le tetin avant que le profond sommeil les ait accablés, ilz s'esveillent et pleurent amerement, tesmoignans par la douleur qu'ilz ont en la privation qu'ilz avoyent beaucoup de douceur en la possession.

  A004001040 

 N'aves vous jamais pris garde, Theotime, a l'ardeur avec laquelle les petitz enfans s'attachent quelquefois au tetin de leurs meres quand ilz ont faim? On les void grommelans, serrer et presser de la bouche le chicheron, sucçans le lait si avidement que mesme ilz en donnent de la douleur a leurs meres.

  A004001041 

 Elle n'a plus besoin de s'amuser a discourir par l'entendement, car elle void d'une si douce veüe son Espoux present que les discours luy seroyent inutiles et superflus.

  A004001042 

 O Dieu eternel, quand par vostre douce presence vous jettes les odorans parfums dedans nos cœurs, parfums res-jouissans plus que le vin delicieux et plus que le miel, alhors toutes les puissances de nos ames entrent en un aggreable repos, avec un accoysement si parfait, qu'il n'y a plus aucun sentiment que celuy de la volonté, laquelle, comme l'odorat spirituel, demeure doucement engagee a sentir, sans s'en appercevoir, le bien incomparable d'avoir son Dieu present.

  A004001042 

 On ne se sert pas seulement du vin emmiellé pour retirer et rappeller les avettes dans les ruches, mays on s'en sert encor pour les appayser; car, quand elles font des seditions et mutineries entr'elles, s'entretuant et desfaisant les unes les autres, leur gouverneur n'a point de meilleur remede que de jetter du vin emmiellé au milieu de ce petit peuple effarouché; d'autant que les particuliers desquelz il est composé, sentans cette suave et aggreable odeur, s'appaysent, et s'occupans a la jouissance de cette douceur demeurent accoysés et tranquilles.

  A004001047 

 Or tous ces espritz sont ordinairement sujetz d'estre troublés en la sainte orayson; car si Dieu leur donne le sacré repos de sa presence, ilz le quittent volontairement pour voir comme ilz se comportent en iceluy et pour examiner s'ilz y ont bien du contentement, s'inquietans pour sçavoir si leur tranquillité est bien tranquille et leur quietude bien quiete: si que, en lieu d'occuper doucement leur volonté a sentir les suavités de la presence divine, ilz employent leur entendement a discourir sur les sentimens qu'ilz ont; comme une espouse qui s'amuseroit a regarder la bague avec laquelle elle auroit esté espousee, sans voir l'espoux mesme qui la luy auroit donnee.

  A004001048 

 Neanmoins il ne faut pas croire qu'il y ait aucun peril de perdre cette sacree quietude par les actions du cors ou de l'esprit qui ne se font ni par legereté ni par indiscretion; car, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une superstition d'estre si jaloux de ce repos, que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, de peur de le perdre: d'autant que Dieu qui donne cette paix, ne l'oste pas pour telz mouvemens necessaires, ni pour les distractions et divagations de l'esprit quand elles sont involontaires; et la volonté estant une fois bien amorcee a la presence divine ne laisse pas d'en savourer les douceurs, quoy que l'entendement ou la memoire se soyent eschappés et desbandés apres des pensees estrangeres et inutiles..

  A004001049 

 Il est vray qu'alhors la quietude de l'ame n'est pas si grande comme si l'entendement et la memoire conspiroyent avec la volonté, mais toutefois elle ne laisse pas d'estre une vraye tranquillité spirituelle, puisqu'elle regne en la volonté, qui est la maistresse de toutes les autres facultés.

  A004001049 

 Mais je dis tellement attachee, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans en recevoir une grande douleur qui la provoquoit a des gemissemens, lesquelz mesme elle faisoit au plus fort de sa consolation et quietude; comme nous voyons les petitz enfans grommeler et faire des petitz plaintz quand ilz ont ardemment desiré le lait et qu'ilz commencent a tetter; ou comme fit Jacob qui, en baysant.

  A004001049 

 la belle et chaste Rachel, jettant un cri, pleura de la vehemence de la consolation et tendreté qu'il sentoit: si que cette ame de laquelle je parle, ayant la seule volonté engagee, et l'entendement, memoire, ouïe et imagination libre, ressembloit, comme je pense, au petit enfant qui allaitant pourroit voir, ouïr et mesme remuer les bras, sans pour cela quitter son cher tetin..

  A004001050 

 Et notés qu'alhors la volonté retenue en quietude par le playsir qu'elle prend en la presence divine, elle ne se remue point pour ramener les autres puissances qui s'esgarent; d'autant que si elle vouloit entreprendre cela elle perdroit son repos, s'esloignant de son cher Bienaymé, et perdroit sa peyne de courir ça et la pour attrapper ces puissances volages, lesquelles aussi bien ne peuvent jamais estre si utilement appellees a leur devoir que par la perseverance de la volonté en la sainte quietude, car petit a petit toutes les facultés sont attirees par le playsir que [338] la volonté reçoit et duquel elle leur donne certains ressentimens, comme des parfums, qui les excitent a venir aupres d'elle pour participer au bien dont elle jouit..

  A004001054 

 Suivant ce que nous avons dit, la sainte quietude a donq divers degrés: car quelquefois elle est en toutes les puissances de l'ame, jointes et unies a la volonté; quelquefois elle est seulement en la volonté, en laquelle elle est aucunes fois sensiblement et d'autres fois imperceptiblement, d'autant qu'il arrive parfois que l'ame tire un contentement incomparable de sentir, par certaines douceurs interieures, que Dieu luy est present, comme il advint a sainte Elizabeth quand Nostre Dame la visita; et d'autres fois l'ame a une certaine ardente suavité d'estre en la presence de Dieu, laquelle pour lhors luy est imperceptible, comme il advint aux disciples pelerins qui ne s'apperceurent bonnement de l'aggreable playsir dont ilz estoyent touchés, marchans avec Nostre Seigneur, sinon quand ilz furent arrivés et qu'ilz l'eurent reconneu en la divine fraction du pain..

  A004001058 

 Nous avons donq esté la, en la presence de son bon playsir, quoy que sans le voir et sans nous en appercevoir; si que nous pourrions dire, a l'imitation de Jacob: Vrayement j'ay dormi aupres de mon Dieu et entre les bras de sa divine presence et providence, et je n'en sçavois rien..

  A004001058 

 Ouy certes, Theotime, car si nous l'aymons, nous nous endormons non seulement a sa veue mais a son gré, et non seulement par sa volonté mais selon sa volonté; et semble que ce soit luy mesme, nostre Createur et Sculpteur celeste, qui nous jette la sur nos litz, comme des statues dans leurs niches, affin que nous nichions dans nos litz comme les oyseaux couchent dans leurs nids; puis a nostre resveil, si nous y pensons bien, nous treuvons que Dieu nous a tous-jours esté present, et que nous ne nous sommes pas non plus esloignés ni separés de luy.

  A004001059 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un tres simple acquiescement au bon playsir divin, voulant estre en l'orayson sans aucune pretention que d'estre a la veue de Dieu selon qu'il luy plaira, c'est une quietude souverainement excellente, d'autant qu'elle est pure de toute sorte d'interest, les facultés de l'ame n'y prenant aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, en laquelle elle se contente de n'avoir aucun autre contentement sinon celuy d'estre [342] sans contentement, pour l'amour du contentement et bon playsir de son Dieu, dans lequel elle se repose.

  A004001063 

 Les choses humides et liquides reçoivent aysement les figures et limites qu'on leur veut donner, d'autant qu'elles n'ont nulle fermeté ni solidité qui les arreste ou borne en elles mesmes.

  A004001063 

 Mettes de la liqueur dans un vaysseau, et vous verres qu'elle demeurera bornee dans les limites du vaysseau, lequel s'il est rond ou quarré la liqueur sera de mesme, n'ayant aucune limite ni figure, sinon celle du vaysseau qui la contient..

  A004001064 

 Le cœur du Sauveur, vraye perle orientale, uniquement unique et de prix inestimable, jetté au milieu d'une mer d'aigreurs incomparables au jour de sa Passion, se fondit en soy mesme, se resolut, desfit et escoula en douleur sous l'effort de tant d'angoisses mortelles; mays l'amour, plus fort que la mort, amollit, attendrit et fait fondre les cœurs encor bien plus promptement que toutes les autres passions..

  A004001064 

 On appelle cœur de fer, de boys ou de pierre celuy qui ne reçoit pas aysement les impressions divines, ains demeure en sa propre volonté, emmi les inclinations qui accompaignent nostre nature depravee; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable est appellé un cœur fondu et liquefié: Mon cœur, dit David parlant en la personne de Nostre Seigneur sur la croix, mon cœur est fait comme de la cire fondue, au milieu de mon ventre: Cleopatra, cette infame reyne d'Ægypte, voulant encherir sur tous les exces et toutes les dissolutions que Marc Anthoine avoit fait en banquetz, fit apporter a la fin d'un festin qu'elle faysoit a son tour, un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle portoit en ses oreilles, estimee deux centz cinquante mille escus; puis la perle estant resolue, fondue et liquefiee, elle l'avala, et eust encor enseveli l'autre perle, qu'elle avoit en l'autre oreille, dans la cloaque de son vilain estomach, si Lucius Plancus ne l'eust empeschee.

  A004001065 

 Et comme l'on void qu'un bornai ou costeau touché des rayons ardens, sort de soy mesme et quitte sa forme pour s'escouler devers l'endroit duquel les rayons le touchent, ainsy l'ame de cette amante s'escoula du costé de la voix de son Bienaymé, sortant d'elle mesme et des limites de son estre naturel pour suivre Celuy qui luy parloit..

  A004001066 

 Et comme nous voyons que les nuees espaissies par le vent de midy, se fondant et convertissant en pluie ne peuvent plus demeurer en elles mesmes, ains tumbent et s'escoulent en bas, se meslant si intimement avec la terre qu'elles destrempent qu'elles ne sont plus qu'une mesme chose avec icelle, ainsy l'ame laquelle, quoy qu'amante, demeuroit encor en elle mesme, sort par cet escoulement sacré et fluidité sainte, et se quitte soy mesme, non seulement pour s'unir au Bienaymé, mais pour se mesler toute et se destremper avec luy..

  A004001067 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A004001068 

 L'ame escoulee en Dieu ne meurt pas; car, comme pourroit-elle mourir d'estre abismee en la vie? mais elle vit sans vivre en elle mesme, parce que, comme [346] les estoiles sans perdre leur lumiere ne luisent plus en la presence du soleil, ains le soleil luit en elles et sont cachees en la lumiere du soleil, aussi l'ame, sans perdre sa vie, ne vit plus estant meslee avec Dieu, ains Dieu vit en elle.

  A004001068 

 Telz furent, je pense, les sentimens des grans bienheureux Philippe Nerius et François Xavier, quand, accablés des consolations celestes, ilz demandoyent a Dieu qu'il se retirast pour un peu d'eux, puisqu'il vouloit que leur vie parust aussi encor un peu au monde, ce qui ne se pouvoit tandis qu'elle estoit toute cachee et absorbee en Dieu..

  A004001072 

 L'amour est la premiere, ains le principe et l'origine de toutes les passions; c'est pourquoy c'est luy qui entre le premier dans le cœur, et parce qu'il penetre et perce jusques au fin fond de la volonté ou il a son siege, on dit qu'il blesse le cœur.

  A004001072 

 La tristesse, la crainte, l'esperance, la hayne et les autres affections de l'ame n'entrent point dans le cœur que l'amour ne les y tire apres soy.

  A004001072 

 Les autres affections entrent voirement aussi, mais c'est par l'entremise de l'amour, car c'est luy qui, perçant le cœur, leur fait le passage; ce n'est que la pointe du dard qui blesse, le reste aggrandit seulement la blesseure et la douleur..

  A004001072 

 Tous ces motz amoureux sont tirés de la ressemblance qu'il y a entre les affections du cœur et les passions du cors.

  A004001073 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains si bien serrés et rangés, et par leurs belles couronnes, representent naifvement, ainsy que dit saint Gregoire, la tressainte charité, toute vermeille a cause de son ardeur envers Dieu, comblee de toute la varieté des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des recompenses eternelles; mays le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé d'aigreur et de douceur, qu'on ne sçauroit discerner s'il res-jouit le goust ou bien parce qu'il a son aigreur doucette, ou bien parce qu'il a une douceur aigrette.

  A004001074 

 Il est vray que cette douleur provient de l'amour, et partant c'est une amiable et aymable douleur, Oyes les eslans douloureux, mais amoureux, d'un amant royal: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et paroistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes m'ont servi de pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Ainsy la sacree Sulamite, toute destrempee en ses douloureuses amours, parlant aux filles de Hierusalem: Helas, dit-elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Ami, annoncés luy ma peyne, parce que je languis toute blessee de son amour.

  A004001075 

 Les premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, parce que le cœur qui sembloit sain, entier et tout a soy mesme tandis qu'il n'aymoit pas, commence, lhors qu'il est atteint d'amour, a se separer et diviser de soy mesme pour se donner a l'objet aymé: or cette division ne se peut faire sans douleur, puisque la douleur n'est autre chose que la division des choses vivantes qui se tiennent l'une a l'autre.

  A004001075 

 Or, les douloureuses blesseures de l'amour sont de plusieurs sortes.

  A004001077 

 Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour.

  A004001081 

 Le pellican fait son nid en terre, dont les serpens viennent souvent piquer ses petitz: or quand cela arrive, le pellican, comme un excellent medecin naturel, de la pointe de son bec blesse de toutes pars ces pauvres poussins, pour avec le sang faire sortir le venin que la morseure des serpens a respandu par tous les endroitz de leurs cors; et pour faire sortir tout le venin il laisse sortir tout le sang, et par consequent il laisse ainsy mourir cette petite trouppe pellicane; mais les voyans mortz il se blesse soy mesme, et respandant son sang sur eux il les vivifie d'une nouvelle et plus pure vie: son amour les a blessés, et soudain par ce mesme amour il se blesse soy mesme.

  A004001081 

 Les avettes ne blessent jamais qu'elles ne demeurent blessees a mort: voyans aussi le Sauveur de nos ames blessé d'amour pour nous jusques a la mort, et la mort de la croix, comme pourrions-nous n'estre pas blessés pour luy! mais je dis blessés d'une playe d'autant plus douloureusement amoureuse que la sienne a esté amoureusement douloureuse, et que jamais nous ne le pouvons tant aymer que son amour et sa mort le requierent.

  A004001082 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedee, et le malin esprit estant pressé de dire quel estoit son nom: «Je suis,» respondit-il, «ce malheureux privé d'amour;» et soudain sainte Catherine de Gennes, qui estoit la presente, se sentit troubler et renverser toutes les entrailles, d'autant qu'elle avoit seulement ouï prononcer le mot de privation d'amour: car, comme les demons haïssent si fort l'amour divin qu'ilz tremblent lhors qu'ilz en voyent le signe ou qu'ilz en oyent le nom, c'est a dire quand ilz voyent la Croix et qu'ilz oyent prononcer le nom de Jesus, ainsy ceux qui ayment fortement Nostre Seigneur tremoussent de douleur et d'horreur quand ilz voyent quelque signe ou qu'ilz entendent quelque parole qui represente la privation de ce saint amour..

  A004001086 

 Le Bienaymé est un bouquet de myrrhe amere, et ce bouquet amer est reciproquement le Bienaymé, qui demeure cherement colloqué entre les tetins de la bienaymee, c'est a dire le plus aymé de tous les bienaymés..

  A004001086 

 Un Seraphin tenant un jour une fleche toute d'or, de la pointe de laquelle sortoit une petite flamme, il la darda dans le cœur de la bienheureuse Mere Therese, et la voulant retirer il sembloit a cette vierge qu'on luy arrachast les entrailles, la douleur estant si grande qu'elle n'avoit plus de force que pour jetter des foibles et petitz gemissemens; mais douleur pourtant si aymable, qu'elle eust voulu n'en estre jamais delivree.

  A004001090 

 C'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force, non seulement de blesser le cœur, mais de rendre malade le cors jusques a la mort; d'autant que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir d'incliner l'ame et la tirer apres soy, aussi les [355] affections de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors.

  A004001090 

 Mais outre cela, l'amour, quand il est vehement, porte si impetueusement l'ame en la chose aymee et l'occupe si fortement, qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; si que, pour nourrir cet amour et le seconder, il semble que l'ame abandonne tout autre soin, tout autre exercice et soy mesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, deschiré, nud, deschaux, chetif, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est «pauvre,» parce qu'il fait quitter tout pour la chose aymee; il est « sans mayson,» parce qu'il fait sortir l'ame de son domicile pour suivre tous-jours celuy qui est aymé; il est «chetif,» pasle, maigre et desfait, parce qu'il fait perdre le sommeil, le boire et le manger; il est «nud et deschaux,» parce qu'il fait quitter toutes autres affections pour prendre celles de la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» parce qu'il fait demeurer a descouvert le cœur qui ayme, luy faisant manifester ses passions par des souspirs, plaintes, louanges, soupçons, jalousies; il est tout estendu comme un gueux «aux portes,» parce qu'il fait que l'amant est perpetuellement attentif aux yeux et a la bouche de la chose qu'il ayme, et tous-jours attaché a ses oreilles pour luy parler et mendier des faveurs desquelles il n'est jamais assouvi: or, les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes de l'ame.

  A004001091 

 Certes, je sçai bien, Theotime, que Platon parloit ainsy de l'amour abject, vil et chetif des mondains, mays neanmoins ces proprietés ne laissent pas de se treuver en l'amour celeste et divin; car, voyes un peu ces premiers maistres de la doctrine chrestienne, c'est a dire ces premiers docteurs du saint amour evangelique, et oyes ce que disoit l'un d'entr'eux qui avoit le plus eu de travail: Jusques a maintenant, dit-il, nous avons faim et soif, et sommes nuds, et sommes souffletés, [356] et sommes vagabonds; nous sommes rendus comme les ballieures de ce monde et comme la racleure et peleure de tous.

  A004001091 

 Comme s'il disoit: Nous sommes tellement abjectz, que si le monde est un palais nous en sommes estimés les ballieures; si le monde est une pomme nous en sommes la racleure.

  A004001091 

 Qui les avoit reduit, je vous prie, a cet estat sinon l'amour? Ce fut l'amour qui jetta saint François nud devant son Evesque et le fit mourir nud sur la terre, ce fut l'amour qui le fit mendiant toute sa vie; ce fut l'amour qui envoya le grand François Xavier, pauvre, indigent, deschiré, ça et la parmi les Indes et entre les Japponois; ce fut l'amour qui reduisit le grand Cardinal saint Charles, Archevesque de Milan, a cette extreme pauvreté, parmi toutes les richesses que sa naissance et sa dignité luy donnoyent, que, comme dit cet eloquent orateur d'Italie, monseigneur Panigarole, il estoit comme un chien en la mayson de son maistre, ne mangeant qu'un peu de pain, ne beuvant qu'un peu d'eau et couchant sur un peu de paille..

  A004001092 

 Hé, ne prenes pas garde a mon teint, car je suis voirement brune, d'autant que mon Bienaymé, qui est mon soleil, a dardé les rayons de son amour sur moy; rayons qui esclairent par leur lumiere, mais qui par leur ardeur m'ont rendue haslee et noyrastre, et me touchant de leur splendeur ilz m'ont ostee ma couleur.

  A004001092 

 Oyons, de grace, la sainte Sulamite, comme elle s'escrie presque en cette sorte: Quoy que, a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que les riches tentes de mon Salomon, je veux dire plus belle que le Ciel qui n'est qu'un pavillon inanimé de sa majesté royale, puisque je suis son pavillon animé, si suis-je neanmoins toute noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et de coups que ce mesme amour me donne.

  A004001093 

 Ce grand serviteur de Dieu, homme tout seraphique, voyant la vive image de son Sauveur crucifié, effigiee en un Seraphin lumineux qui luy apparut sur le mont Alverne, il s'attendrit plus qu'on ne sçauroit imaginer, saisi d'une consolation et d'une compassion souveraine; car regardant ce beau miroüer d'amour que les Anges ne se peuvent jamais assouvir de regarder, helas, il pasmoit de douceur et de contentement! Mais voyant aussi d'autre part la vive representation des playes et blesseures de son Sauveur crucifié, il sentit en son ame ce glaive impiteux qui transperça la sacree poitrine de la Vierge Mere au jour de la Passion, avec autant de douleur interieure que s'il eust esté crucifié avec son cher Sauveur.

  A004001093 

 Certes, Theotime, quand les blesseures et playes de l'amour sont frequentes et fortes, elles nous mettent en langueur et nous donnent la bien aymable maladie d'amour.

  A004001093 

 O Dieu, Theotime, si l'image d'Abraham [358] eslevant le coup de la mort sur son cher unique pour le sacrifier, image faite par un peintre mortel, eut bien le pouvoir toutefois d'attendrir et faire pleurer le grand saint Gregoire, Evesque de Nisse, toutes les fois qu'il la regardoit, hé, combien fut extreme l'attendrissement du grand saint François, quand il vid l'image de Nostre Seigneur se sacrifiant soy mesme sur la croix! image que non une main mortelle, mais la main maistresse d'un Seraphin celeste avoit tiree et effigiee sur son propre original, representant si vivement et au naturel le divin Roy des Anges, meurtri, blessé, percé, froissé, crucifié..

  A004001093 

 Qui pourroit jamais descrire les langueurs amoureuses des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, ou de sainte Angele de Foligni, ou de sainte Christine, ou de la bienheureuse Mere Therese, ou de saint Bernard, ou de saint François? Et quant a ce dernier, sa vie ne fut autre chose que larmes, souspirs, plaintes, langueurs, definemens, pasmaysons amoureuses; mais rien n'est si admirable en tout cela, que cette admirable communication que le doux Jesus luy fit de ses amoureuses et pretieuses douleurs, par l'impression de ses playes et stigmates.

  A004001094 

 Car la memoire estoit toute destrempee en la souvenance de ce divin amour; l'imagination appliquee fortement a se representer les blesseures et meurtrisseures que les yeux regardoyent alhors si parfaitement bien exprimees en l'image presente; l'entendement recevoit les especes infiniment vives que l'imagination luy fournissoit, et en fin l'amour employoit toutes les forces de la volonté pour se complaire et conformer a la Passion du Bienaymé: dont l'ame sans doute se treuvoit toute transformee en un second Crucifix.

  A004001094 

 Cette ame donques, ainsy amollie, attendrie et presque toute fondue en cette amoureuse douleur, se treuva par ce moyen extremement disposee a recevoir les impressions et marques de l'amour et douleur de son souverain Amant.

  A004001094 

 L'amour est admirable pour aiguiser l'imagination affin qu'elle penetre jusques a l'exterieur: les brebis de Laban, eschauffees d'amour, eurent l'imagination si forte qu'elle porta coup sur les petitz aigneletz desquelz elles estoyent pregnes, pour les faire blancz ou tachetés, selon les baguettes qu'elles regarderent dans les canaux esquelz on les abbreuvoit; et les femmes grosses, ayant l'imagination affinee par l'amour, impriment ce qu'elles desirent es cors de leurs enfans; une imagination [359] puissante fait blanchir un homme en une nuit, detraque sa santé et toutes ses humeurs..

  A004001094 

 Or l'ame, comme forme et maistresse du cors, usant de son pouvoir sur iceluy, imprima les douleurs des playes dont elle estoit blessee, es endroitz correspondans a ceux esquelz son Amant les avoit endurees.

  A004001095 

 Ainsy le Seraphin, voyant Isaïe n'oser entreprendre de parler, d'autant qu'il sentoit ses levres souillees, vint au nom de Dieu luy toucher et espurer les levres avec un charbon pris sur l'autel, secondant en cette sorte le desir d'iceluy.

  A004001095 

 L'amour donq fit passer les tourmens interieurs de ce grand amant saint François jusques a l'exterieur, et blessa le cors d'un mesme dard de douleur duquel il avoit blessé le cœur.

  A004001095 

 Mais de faire les ouvertures en la chair par dehors, l'amour qui estoit dedans ne le pouvoit pas bonnement faire: c'est pourquoy l'ardent Seraphin venant au secours, darda des rayons d'une clarté si penetrante, qu'elle fit reellement les playes exterieures du Crucifix, en la chair, que l'amour avoit imprimees interieurement en l'ame.

  A004001096 

 Le bienheureux Philippe Nerius, aagé de quatre vingtz ans, eut une telle inflammation de cœur pour le divin amour, que la chaleur se faysant faire place aux costes, les eslargit bien fort et en rompit la quatriesme et cinquiesme, affin qu'il peust recevoir plus d'air pour se rafraichir.

  A004001097 

 Et en somme, comme penses-vous, Theotime, qu'une ame qui a une fois un peu a souhait tasté les consolations divines, puisse vivre en ce monde meslé de tant de miseres, sans douleur et langueur presque perpetuelle? On a maintefois ouy ce grand homme de Dieu, François Xavier, lançant sa voix au Ciel, lhors qu'il croyoit estre bien solitaire, en cette sorte: Hé, mon Seigneur, non, de grace, ne m'accablés pas d'une si grande affluence de consolations; ou si par vostre infinie bonté il vous plaist me faire ainsy abonder en delices, tirés-moy donq en Paradis, car, qui a une fois bien gousté en l'interieur vostre douceur il luy est force de vivre en amertume tandis qu'il ne jouit pas de vous.

  A004001097 

 Quand donques Dieu a donné un peu largement de ses divines douceurs a une ame et qu'il les luy oste, il la blesse par cette privation, et elle par apres demeure languissante, souspirant avec David:.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A005000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A005000023 

 Chapitre XI. Que quelques uns entre les divins amans moururent encor d'amour.

  A005000036 

 Chapitre IX. Suite du discours commencé; comme chacun doit aymer, quoy que non pas prattiquer, tous les conseilz evangeliques, et comme néanmoins chacun doit prattiquer ce qu'il peut.

  A005000037 

 Chapitre X. Comme il se faut conformer a la volonté divine qui nous est signifiee par les inspirations, et premièrement de la variété des moyens par lesquelz Dieu nous inspire.

  A005000039 

 Chapitre XII. De l'union de la volonté humaine a celle de Dieu es inspirations qui sont contre les lois ordinaires, et de la paix et douceur de cœur, seconde marque de l'inspiration.

  A005000057 

 Chapitre XV. Du plus excellent exercice que nous puissions faire parmi les peines intérieures et extérieures de cette vie, en suite de l'indifference et trespas de la volonté.

  A005000065 

 Chapitre VI. Que l'amour de Dieu sur toutes choses est commun a tous les amans.

  A005000076 

 Chapitre XVII. Comme Nostre Seigneur prattiqua tous les plus excellens actes de l'amour.

  A005000077 

 De de la souveraine authorité que l'amour sacré tient sur toutes les vertus, actions et perfections de l'ame.

  A005000078 

 Combien toutes les vertus sont aggreables a Dieu.

  A005000079 

 Chapitre II. Que l'amour sacré rend les vertus excellemment plus aggreables a Dieu qu'elles ne le sont par leur propre nature.

  A005000080 

 Chapitre III. Comme il y a des vertus que la presence du divin amour releve a une plus haute excellence que les autres 102.

  A005000081 

 Chapitre IV. Comme le divin amour sanctifie encor plus excellemment les vertus quand elles sont prattiquees par son ordonnance et commandement.

  A005000082 

 Chapitre V. Comme l'amour sacré mesle sa dignité parmi les autres vertus en perfectionnant la leur particulière 104.

  A005000084 

 Chapitre VII. Que les vertus parfaites ne sont jamais les unes sans les autres.

  A005000085 

 Chapitre VIII. Comme la charité comprend toutes les vertus.

  A005000086 

 Chapitre IX. Que les vertus tirent leur perfection de l'amour sacré.

  A005000088 

 Chapitre XI. Comme les actions humaines sont sans valeur lhors qu'elles sont faites sans le divin amour 115.

  A005000089 

 Chapitre XII. Comme le saint amour revenant en l'ame fait revivre toutes les œuvres que le péché avoit fait périr 117.

  A005000092 

 Chapitre XV. Comme la charité comprend en soy les dons du Saint Esprit.

  A005000096 

 Chapitre XIX. Comme l'amour sacré comprend les douze fruitz du Saint Esprit avec les huit beatitudes de l'Evangile 127.

  A005000097 

 Chapitre XX. Comme le divin amour employe toutes les passions et affections de l'ame et les reduit a son obeissance 129.

  A005000102 

 Chapitre III. Que pour avoir le désir de l'amour sacré il faut retrancher les autres désirs.

  A005000103 

 Chapitre IV. Que les occupations légitimés ne nous empeschent point de prattiquer le divin amour.

  A005000105 

 Chapitre VI. Qu'il faut employer toutes les occasions presentes en la prattique du divin amour.

  A005000149 

 Comme l'amour employe les vertus cardinales et premierement la prudence 213.

  A005000157 

 Car il y a, certes, difference entre unir et joindre une chose a l'autre, et serrer ou presser une chose contre une autre ou sur une autre: d'autant que pour joindre et unir il n'est besoin que d'une simple application d'une chose a l'autre, en sorte qu'elles se touchent et soyent ensemble, ainsy que nous joignons les vignes aux ormeaux, et les jasmins aux treilles des berceaux que l'on fait es jardins; mais pour serrer et [5] presser il faut faire une application forte qui accroisse et augmente l'union: de sorte que serrer c'est intimement et fortement joindre, comme nous voyons que le lierre se joint aux arbres; car il ne s'unit pas seulement, mais il se presse et serre si fort à eux, que mesme il penetre et entre dans leurs escorces..

  A005000158 

 Or, alhors, Theotime, l'union est parfaitte, laquelle n'estant qu'une ne laisse pas de proceder de la mere et de l'enfant; en sorte neanmoins qu'elle depend toute de la mere, car elle a attiré a soy l'enfant, elle l'a premiere serré entre ses bras et pressé sur sa poitrine, et les forces du poupon ne sont pas si grandes qu'il eust peu se serrer et prendre si fort a sa mere.

  A005000158 

 Voyés donq ce beau petit enfant auquel sa mere assise presente son sein: il se jette de force entre les bras d'icelle, ramassant et pliant tout son petit cors dans ce giron et sur cette poitrine amiable; et voyés reciproquement sa mere, comme le recevant elle le serre, et, par maniere de dire, le colle a son sein et le baysant joint sa bouche a la sienne.

  A005000159 

 Ainsy donq, Theotime, Nostre Seigneur monstrant le tres aymable sein de son divin amour a l'ame devote, il la tire toute a soy, la ramasse, et, par maniere de dire, il replie toutes les puissances d'icelle dans le giron de [6] sa douceur plus que maternelle; puis, bruslant d'amour il serre l'ame, il la joint, la presse et colle sur ses levres de suavité et sur ses delicieuses mammelles, la baysant du sacré bayser de sa bouche et luy faisant savourer ses tetins meilleurs que le vin.

  A005000160 

 Nous usons mesme de ce mot, selon nostre langage, es choses morales: il me presse de faire cecy ou cela, il me presse de demeurer; c'est a dire, il n'employe pas seulement sa persuasion ou sa priere, mais il l'employe avec contention et effort: comme firent les pelerins en Emaüs, qui non seulement supplierent Nostre Seigneur, mais le presserent et serrerent a force, le contraignant d'une amoureuse violence d'arrester au logis avec eux..

  A005000160 

 Qu'est ce a dire, tenir collés les yeux, tenir attachees les aureilles et ravir les cœurs, sinon, unir et joindre fort serré les sens et puissances dont on parle, a leurs objectz? L'ame, donq, se serre et se presse sur son object quand elle s'y affectionne avec grande attention; car le serrement n'est autre chose que le progres et avancement de l'union et conjonction.

  A005000160 

 Quand on void une exquise beauté regardee avec grande ardeur, ou une excellente melodie escoutee avec grande attention, ou un rare discours entendu avec grande contention, on dit que cette beauté-la tient collés sur soy les yeux des spectateurs, cette musique tient attachees les aureilles, et que ce discours ravit les cœurs des auditeurs.

  A005000163 

 Ainsy les arbres qui ayment d'estre transplantés, apres qu'ilz le sont, estendent leurs racines et se fourrent bien avant dans le sein de la terre qui est leur element et leur aliment, nul ne s'appercevant de cela tandis qu'il se fait, ains seulement quand il est fait.

  A005000163 

 Et c'est ce que nous enseigne le grand David quand il compare les sacrees paroles au miel; car, qui ne sçait que la douceur du miel s'unit de plus en plus a nostre sens par un progres continuel de savourement, lhors que le tenans longuement en la bouche, ou que l'avalans tout bellement, sa saveur penetre plus avant le sens de nostre goust? Et de mesme ce sentiment de la bonté celeste, exprimé par cette parole de saint Bruno: O Bonté! ou par celle de saint Thomas: Mon [9] Seigneur et mon Dieu! ou par celle de Magdeleine: Hé mon Maistre! ou par celle de saint François: «Mon Dieu et mon tout!» ce sentiment, dis je, demeurant un peu longuement dedans un cœur amoureux, il se dilate, il s'estend et s'enfonce par une intime penetration en l'esprit, et de plus en plus le detrempe tout de sa saveur, qui n'est autre chose qu'accroistre l'union; comme fait l'onguent pretieux ou le baume, qui, tumbant sur le coton, se mesle et s'unit tellement de plus en plus, petit a petit, avec iceluy, qu'en fin on ne sçauroit plus dire si le coton est parfumé ou s'il est parfum, ni si le parfum est coton ou le coton parfum.

  A005000168 

 L'union se fait quelquefois sans que nous y cooperions, sinon par une simple suite, nous laissans unir sans resistance a la divine bonté; comme un petit enfant amoureux du sein de sa mere, mais tellement alangouri qu'il ne peut faire aucun mouvement pour y aller ni pour se serrer quand il y est, mais seulement est bien [10] ayse d'estre pris et tiré entre les bras de sa mere et d'estre pressé par elle sur sa poitrine..

  A005000170 

 Et quelquefois aussi, comme il nous a attirés insensiblement a l'union, il continue insensiblement a nous ayder et secourir, et nous ne sçavons comme une si grande union se fait, mais nous sçavons bien que nos forces ne sont pas asses grandes pour la faire: si que nous jugeons bien par la que quelque secrette puissance fait son insensible action en nous; comme les nochers qui portent du fer, lhors que, sous un vent fort foible, ilz sentent leurs vaysseaux singler puissamment, connoissent qu'ilz sont proches des montaignes de l'aymant qui les tirent imperceptiblement, et voyent en cette sorte un connoissable et perceptible avancement provenant d'un moyen inconneu et imperceptible.

  A005000171 

 D'autres fois nous sentons les serremens, l'union se faysant par des actions sensibles, tant de la part de Dieu que de la nostre..

  A005000172 

 Quelquefois l'union se fait par la seule volonté et en la seule volonté, et aucunes fois l'entendement y a sa part, parce que la volonté le tire apres soy et l'applique a son object, luy donnant un playsir special d'estre fiché a le regarder; comme nous voyons que l'amour respand une profonde et speciale attention en nos yeux corporelz pour les arrester a voir ce que nous aymons..

  A005000173 

 Quelquefois cette union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent toutes autour de la volonté, non pour s'unir elles mesmes a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour donner plus de commodité a la volonté de faire son union; car si les autres facultés estoyent appliquees une chacune a son object propre, l'ame, operant par icelles, ne pourroit pas si parfaitement s'employer a l'action par laquelle l'union se fait avec Dieu.

  A005000175 

 Et affin qu'on sçache que si on la tire un peu fortement par la volonté, toutes les puissances de l'ame se porteront a l'union: Tirés moy, dit-elle, et nous courrons; l'Espoux n'en tire qu'une, et plusieurs courent a l'union; la volonté est la seule que Dieu veut, mais toutes les autres puissances courent apres elle pour estre unies a Dieu avec elle..

  A005000175 

 Et pour monstrer que tous-jours toute l'union se fait par la grace de Dieu, qui nous tire a soy et par ses attraitz esmeut nostre ame et anime le mouvement de nostre union envers luy, elle s'escrie, comme toute impuissante: Tirés moy; mais pour tesmoigner qu'elle ne se laissera pas tirer comme une pierre ou comme un forçat, ains qu'elle cooperera de [13] son costé et meslera son foible mouvement parmi les puissans attraitz de son Amant: nous courrons, dit-elle, a l'odeur de vos parfums.

  A005000177 

 O Dieu, quel exemple d'union excellente! Il s'estoit joint a nostre nature humaine par grace, comme une vigne a son ormeau, pour la rendre aucunement participante de son fruit; mays voyant que cette union s'estoit desfaite par le peché d'Adam, il fit une union plus serree et pressante en l'Incarnation, par laquelle la nature humaine demeure a jamais jointe en unité de personne a la Divinité; et affin que non seulement la nature humaine, mais tous les hommes peussent s'unir intimement a sa bonté, il institua le Sacrement de la tressainte Eucharistie, auquel un chacun peut participer pour unir son Sauveur a soy mesme, reellement et par maniere de viande.

  A005000182 

 Ne puis-je pas m'approcher d'une personne pour luy parler, pour le mieux voir, pour obtenir quelque chose de luy, pour odorer les parfums qu'il porte, pour m'appuyer sur luy? et lhors je m'approche voirement de luy et me joins a luy, mais rapprochement et union n'est pas ma principale pretention, ains je m'en sers seulement comme d'un moyen et d'une disposition pour obtenir une autre chose.

  A005000183 

 Ainsy plusieurs s'approchent de Nostre Seigneur: les uns pour l'ouïr, comme Magdeleine; les autres pour estre gueris, comme l'hemorroïsse; les autres pour l'adorer, comme les Mages; les autres pour le servir, comme Marthe; les autres pour vaincre leur incredulité, comme saint Thomas; les autres pour le parfumer, [15] comme Magdeleine, Joseph, Nicodeme; mais sa divine Sulamite le cherche pour le treuver, et l'ayant treuve ne veut autre chose que de le tenir bien serré, et le tenant ne jamais le quitter: Je le tiens, dit-elle, et ne l'abandonneray point.

  A005000183 

 Hé, ce ne sont pas les allegresses que je cherche, c'est luy mesme; et par tout mon cœur amoureux me fait rechercher d'estre unie a cet aymable Enfant, mon cher Bienaymé.

  A005000183 

 Jacob, dit saint Bernard, tenant Dieu bien serré le veut bien quitter, pourveu qu'il reçoive sa benediction; mais Sulamite ne le quittera point quelle benediction qu'il luy donne, car elle ne veut pas les benedictions de Dieu, elle veut le Dieu des benedictions, disant avec David: Qu'y a-il au Ciel pour moy et que veux-je sur la terre sinon vous? vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage a toute eternité.

  A005000183 

 Mais maintenant il est parmi les tristesses de la mort.

  A005000184 

 Et cet effect de l'amour fut mesme prattiqué entre David et Jonathas, car il est dit que l'ame de Jonathas fut collee a celle de David: aussi est-ce un axiome celebré par les anciens Peres, que l'amitié qui peut finir ne fut jamais vraye amitié, ainsy que j'ay dit ailleurs..

  A005000184 

 Mais quand l'union de l'ame avec Dieu est grandement tres estroitte et tres serree, elle est appellee par les theologiens inhesion ou adhesion, parce que par icelle l'ame demeure prise, attachee, collee et affigee a la divine Majesté, en sorte que malaysement peut elle s'en desprendre et retirer.

  A005000185 

 Ainsy l'ame laquelle, par l'exercice de l'union, est parvenue jusques a demeurer prise et attachee a la divine Bonté, n'en peut estre tiree presque que par force et avec beaucoup de douleur; on ne la peut faire desprendre: si on destourne son imagination, elle ne laisse pas de se tenir prise par son entendement; que si on tire son entendement, elle se tient attachee par la volonté; et si on la fait encor [17] abandonner de la volonté par quelque distraction violente, elle se retourne de moment en moment du costé de son cher object, duquel elle ne se peut du tout desprendre, renouant tant qu'elle peut les doux liens de son union avec luy par des frequens retours qu'elle fait, comme a la desrobbee; experimentant en cela la peyne de saint Paul, car elle est pressee de deux desirs: d'estre delivree de toute occupation exterieure pour demeurer en son interieur avec Jesus Christ, et d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre requise..

  A005000192 

 Et bien que les attraitz par lesquelz nous sommes attirés de la part de Dieu soyent admirablement doux, suaves et delicieux, si est-ce qu'a cause de la force que la beauté et bonté divine a pour tirer a soy l'attention et application de l'esprit, il semble que non seulement elle nous esleve, mays qu'elle nous ravit et emporte; comme au contraire, a rayson du tres volontaire consentement et ardent mouvement par lequel l'ame ravie s'escoule apres les attraitz divins, il semble que non seulement elle monte et s'esleve, mais qu'elle se jette et s'eslance hors de soy en la Divinité mesme.

  A005000192 

 Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu.

  A005000193 

 Ainsy la reyne de Saba treuvant en Salomon plus de veritable sagesse qu'elle n'avoit pensé, elle demeura toute pleine d'admiration; et les Juifz, voyans en nostre Sauveur une science qu'ilz n'eussent jamais creu, furent surpris d'une grande admiration.

  A005000193 

 Quand donq il plait a la divine Bonté de donner a nostre entendement quelque speciale clarté, par le moyen de laquelle il vienne a contempler les mysteres divins d'une contemplation extraordinaire et fort relevee, alhors, voyant plus de beauté en iceux qu'il n'avoit peu s'imaginer, il entre en admiration..

  A005000198 

 De mesme, quant au bien, [22] sa vraye image c'est la lumiere, sur tout en ce que la lumiere recueille, reduit et convertit a soy tout ce qui est (dont le soleil, entre les Grecs, est nommé d'une parole laquelle monstre qu'il fait que toutes choses soyent ramassees et serrees, rassemblant les dispersees, comme la bonté convertit a soy toutes choses), estant non seulement la souveraine unité, mays souverainement unissante, d'autant que toutes choses la desirent comme leur principe, leur conservation et leur derniere fin.

  A005000198 

 Dieu attire les espritz a soy par sa souveraine beauté et incomprehensible bonté: excellences qui, toutes deux, ne sont neanmoins qu'une supreme Divinité, tres uniquement belle et bonne tout ensemble.

  A005000198 

 Et quant au beau, parce qu'il attire et rappelle a soy toutes choses, les Grecs l'appellent d'un nom qui est tiré d'une parole qui veut dire appeller.

  A005000199 

 Ce discours, Theotime, est presque tout composé des paroles du divin saint Denis Areopagite: et certes, il est vray que le soleil, source de la lumiere corporelle, est la vraye image du bon et du beau; car, entre les creatures purement corporelles, il n'y a point de bonté ni de beauté egale a celle du soleil.

  A005000199 

 De maniere qu'en fin il faut conclure avec le grand saint Denis, que «l'amour divin est extatique, ne permettant pas que les amans soyent a eux mesmes, ains a la chose aymee;» a rayson dequoy cet admirable apostre saint Paul, estant en la possession de ce divin amour et fait participant de sa force extatique, d'une bouche divinement inspiree, Je vis, dit-il, non plus moy, mays Jesus Christ vit en moy; ainsy, comme un vray amoureux sorti hors de soy en Dieu, il vivoit non plus sa propre vie, mays la vie de son Bienaymé, comme souverainement aymable..

  A005000199 

 Entant qu'elle est belle et claire, elle attire tous les yeux qui ont veüe au monde; entant qu'elle est bonne et qu'elle eschauffe, elle attire a soy tous les appetitz et toutes les inclinations du monde corporel, car elle tire et esleve les exhalations et vapeurs, elle tire et fait sortir les plantes et les animaux de leurs origines, et ne se fait aucune generation a laquelle la chaleur vitale de ce grand luminaire ne contribue.

  A005000201 

 Or, l'extase de l'admiration estant seule ne nous fait pas meilleurs, suivant ce qu'en dit celuy qui avoit esté ravi en extase jusques au troisiesme ciel: Si je connoissois, dit-il, tous les misteres et toute la science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien.

  A005000201 

 Toutefois, les deux extases, de l'entendement et de la volonté, ne sont pas tellement appartenantes l'une a l'autre que l'une ne soit bien souvent sans l'autre: car, [24] comme les philosophes ont eu plus de la connoissance que de l'amour du Createur, aussi les bons Chrestiens en ont maintefois plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de celuy de l'amour, non plus que l'exces de l'amour n'est pas tous-jours accompaigné de celuy de la connoissance, ainsy que j'ay remarqué ailleurs.

  A005000205 

 C'est pourquoy il ne se faut pas estonner si le malin esprit, pour faire le singe, tromper les ames, scandaliser les foibles et se transformer en esprit de lumiere, opere des ravissemens en quelques ames peu solidement instruites en la vraye pieté..

  A005000205 

 Les philosophes mesmes ont reconneu certaines especes d'extases naturelles faites par la vehemente application de l'esprit a la consideration des choses plus relevees.

  A005000206 

 Affin donq qu'on puisse discerner les extases divines d'avec les humaines et diaboliques, les serviteurs de Dieu ont laissé plusieurs documens; mays quant a moy, il me suffira pour mon propos de vous proposer deux marques de la bonne et sainte extase: l'une est que l'extase sacree ne se prend ni attache jamais tant a l'entendement qu'a la volonté, laquelle elle esmeut, eschauffe et remplit d'une puissante affection envers Dieu; de maniere que si l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, elle est grandement douteuse et digne de soupçon.

  A005000206 

 Je ne dis pas qu'on ne puisse avoir des ravissemens, des visions, mesme prophetiques, sans avoir la charité; car je sçay bien que, comme on peut avoir la charité sans estre ravi et sans prophetiser, aussi peut-on estre ravi et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui en son ravissement a plus de clarté en l'entendement pour admirer Dieu que de chaleur en la volonté pour l'aymer, il doit estre sur ses gardes, car il y a danger que cette extase ne soit fause et ne rende l'esprit plus enflé qu'edifié, le mettant [26] voirement, comme Saül, Balaam et Caïphe, entre les prophetes, mais le laissant néanmoins entre les repreuvés..

  A005000207 

 L'entiere observation des commandemens de Dieu n'est pas dans l'enclos des forces humaines, mais elle est bien pourtant dans les confins de l'instinct de l'esprit humain, comme tres conformes a la rayson et lumiere naturelle: de sorte que, vivans selon les commandemens de Dieu, nous ne sommes pas pour cela hors de nostre inclination naturelle.

  A005000207 

 La seconde marque des vrayes extases consiste en la troysiesme espece d'extase que nous avons marquee ci dessus, extase toute sainte, toute aymable et qui couronne les deux autres; et c'est l'extase de l'œuvre et de la vie.

  A005000207 

 Mays, outre les commandemens divins, il y a des inspirations celestes, pour l'execution desquelles il ne faut pas seulement que Dieu nous esleve au dessus de nos forces, mais aussi qu'il nous tire au dessus des instinctz et des inclinations de nostre nature; d'autant qu'encor que ces inspirations ne sont pas contraires a la rayson humaine, elles l'excedent toutefois, la surmontent et sont au dessus d'icelle: de sorte que lhors, nous ne vivons pas seulement une vie civile, honneste et chrestienne, mais une vie surhumaine, spirituelle, devote et extatique, c'est a dire une vie qui est en toute façon hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005000208 

 Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation..

  A005000209 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit sa propre vie a la faveur des rayons du soleil, pour en avoir une plus douce et vigoureuse, cachant, par maniere de dire, sa vie sous les cendres; les bigatz et vers a soye changent leur estre, et de vers se font papillons; les abeilles naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, et en fin deviennent mousches volantes.

  A005000209 

 Nostre vie nouvelle c'est l'amour celeste qui vivifie et anime nostre ame, et cet [28] amour est tout caché en Dieu et es choses divines avec Jesus Christ; car puisque, comme disent les lettres sacrees de l'Evangile, apres que Jesus Christ se fut un peu laissé voir a ses disciples en montant la haut au Ciel, en fin une nuee l'environna qui l'osta et cacha de devant leurs yeux, Jesus Christ donques est caché au Ciel en Dieu.

  A005000213 

 Ainsy saint Ignace, au rapport de saint Denis, disoit que son amour estoit crucifié; comme s'il eust voulu dire: Mon amour naturel et humain, avec toutes les passions qui en dependent, est attaché sur la croix, je l'ay fait mourir comme un amour mortel qui faisoit vivre mon cœur d'une vie mortelle; et comme mon Sauveur fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter a l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix selon mon amour naturel, qui estoit la vie mortelle de mon ame, affin que je resuscitasse a la vie surnaturelle d'un amour qui, pouvant estre exercé au Ciel, est aussi par consequent immortel..

  A005000213 

 L'ame est le premier acte et principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme, et, comme parle Aristote, elle est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons:» dont il s'ensuit que nous connoissons la diversité des vies selon la diversité des mouvemens, en sorte mesme que les animaux qui n'ont point de mouvement naturel sont du tout sans vie.

  A005000214 

 Quand donques on void une personne qui en l'orayson a des ravissemens par lesquelz elle sort et monte au dessus de soy mesme en Dieu, et neanmoins n'a point d'extase en sa vie, c'est a dire ne fait point une vie relevee et attachee a Dieu, par abnegation des convoytises mondaines et mortification des volontés et inclinations naturelles, par une interieure douceur, simplicité, humilité, et sur tout par une continuelle charité, croyés, Theotime, que tous ses ravissemens sont grandement douteux et perilleux; ce sont ravissemens propres a faire admirer les hommes, mais non pas a les sanctifier.

  A005000216 

 En la premiere vie nous vivons selon le viel homme, c'est a dire selon les defautz, foiblesses et infirmités que nous avons contractees par le peché de nostre premier pere Adam, et partant nous vivons au peché d'Adam, et nostre vie est une vie mortelle, ains la mort mesme; en la seconde vie nous vivons selon l' homme nouveau, c'est a dire selon les graces, faveurs, ordonnances et volontés de nostre Sauveur, et par consequent nous vivons au salut et a la redemption, et cette [31] nouvelle vie est une vie vive, vitale et vivifiante.

  A005000216 

 Mais quicomque veut parvenir a nouvelle vie, il faut qu'il passe par la mort de la vielle, crucifiant sa chair avec tous les vices et toutes les convoitises d'icelle, et l'ensevelissant sous les eaux du saint Baptesme ou de la pœnitence: comme Naaman qui noya et ensevelit dans les eaux du Jordain sa vielle vie ladresse et infecte, pour vivre une vie nouvelle, saine et nette.

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000223 

 L'aigle devenue grande commença petit a petit a voler et chasser aux oyseaux selon son instinct naturel; puis s'estant rendue plus forte, elle se rua sur les bestes sauvages, sans jamais manquer d'apporter tous-jours fidelement sa proye a sa chere maistresse, comme en reconnoissance de la nourriture qu'elle avoit receue d'icelle.

  A005000223 

 Une jeune fille de l'isle de Sestos avoit nourri une petite aigle, avec le soin que les enfans ont accoustumé d'employer en telles occupations.

  A005000224 

 Ah, Theotime, quel essor nous fait prendre cette aigle! Le Sauveur nous a nourris des nostre tendre jeunesse, ains il nous a formés et receus, comme une aymable nourrice, entre les bras de sa divine providence des l'instant de nostre conception:.

  A005000228 

 Hé, que reste-il donq? quelle conclusion avons-nous plus a prendre, mon cher Theotime, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort pour eux? c'est a dire, que nous consacrions au divin amour de la mort de nostre Sauveur tous les momens de nostre vie, rapportans a sa gloire toutes nos proyes, toutes nos conquestes, toutes nos œuvres, toutes nos actions, toutes nos pensees et toutes nos affections.

  A005000228 

 Voyons-le, Theotime, ce divin Redempteur, estendu sur la croix, comme sur son bucher d'honneur ou il meurt d'amour pour nous, mais d'un amour plus douloureux que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour mesme: hé, que ne nous jettons-nous en esprit sur luy, pour mourir sur la croix avec luy, qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir! Je le tiendray, devrions nous dire si nous avions la generosité de l'aigle, et ne le quitteray jamais; je mourray avec luy et brusleray dedans les flammes de son amour, un mesme feu consumera ce divin Createur et sa chetifve creature; mon Jesus est tout mien et je suis toute sienne, je vivray et mourray sur sa poitrine, ni la mort ni la vie ne me separera jamais de luy..

  A005000229 

 Ainsy donques se fait la sainte extase du vray amour, quand nous ne vivons plus selon les raysons et inclinations humaines, mais au dessus d'icelles, selon les inspirations et instinctz du divin Sauveur de nos ames.

  A005000233 

 L'amour est fort comme la mort: la mort separe l'ame du mourant d'avec son cors et d'avec toutes les choses du monde; l'amour sacré separe l'ame de l'amant d'avec son cors et d'avec toutes les choses du monde, et n'y a point d'autre difference sinon en ce que la mort fait tous-jours par effect ce que l'amour ne fait ordinairement que par l'affection.

  A005000233 

 Or je dis ordinairement Theotime, parce que quelquefois l'amour sacré est bien si violent, que mesme par effect il cause la separation du cors et de l'ame, faisant mourir les amans d'une mort tres heureuse, qui vaut mieux que cent vies..

  A005000234 

 Et combien de gens de bien void on mourir apoplectiques, lethargiques et en mille sortes fort subitement, et des autres mourir en resverie et frenesie hors de l'usage de rayson? et tous ceux ci, avec les enfans baptisés, sont decedés en grace, et par consequent en l'amour de Dieu..

  A005000234 

 Il y a eu de nostre aage, des tres grans personnages en vertu et doctrine, que l'on a treuvé mortz, les uns en un confessionnal, les autres oyans le sermon; et mesme on en a veu quelques uns tumber mortz au sortir de la chaire ou ilz avoyent presché avec grande ferveur: mortz toutes soudaines, mais non improuveues.

  A005000235 

 Mais, comme pouvoyent ilz deceder en l'amour de Dieu, puisque mesme ilz ne pensoyent pas en Dieu lhors de leur trespas? Les sçavans hommes, Theotime, ne perdent pas leur science en dormant, autrement ilz seroyent ignorans a leur resveil et faudroit qu'ilz retournassent a l'escole; or c'en est de mesme de toutes les habitudes de prudence, de temperance, de foy, d'esperance, de charité; elles sont tous-jours dedans l'esprit des justes, bien qu'ilz n'en fassent pas tous-jours les actions.

  A005000236 

 Saint Augustin mourut en l'exercice de la sainte contrition, qui n'est pas sans amour; saint Hierosme, exhortant ses chers enfans a l'amour de" Dieu, du prochain et de la vertu; saint Ambroyse, tout ravi, devisant doucement avec son Sauveur, soudain apres avoir receu le tres divin Sacrement de l'autel; saint Anthoyne de Padoüe, apres avoir recité un hymne a la glorieuse Vierge Mere, et parlant en grande joye avec le Sauveur; saint Thomas d'Acquin, joignant les mains, eslevant ses yeux au ciel, haussant fortement sa voix et prononçant par maniere d'eslan, avec grande ferveur, ces paroles du Cantique, qui estoyent les dernieres qu'il avoit exposees: Venes, o mon cher Bienaymé, et sortons ensemble aux chams.

  A005000236 

 Tous les Apostres et presque tous les Martyrs sont mortz prians Dieu.

  A005000237 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux, que, comme dit Sixtus Senensis, «on ne peut discerner s'il a surpassé sa [38] doctrine par la pieté ou sa pieté par la doctrine,» ayant expliqué les cinquante proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, trois jours apres, monstrant un visage et un cœur fort vif, expira prononçant et repetant plusieurs fois, par maniere d'orayson jaculatoire, ces saintes paroles tirees du mesme Cantique: O Dieu, vostre dilection est forte comme la mort.

  A005000237 

 Saint Louys, ce grand roy entre les Saintz et grand Saint entre les roys, frappé de pestilence, ne cessa jamais de prier; puis, ayant receu le divin Viatique, estendant les bras en croix, les yeux fichés au ciel, expira souspirant ardemment ces paroles d'une parfaite confiance amoureuse: Hé, Seigneur, j'entreray en vostre mayson, je vous adoreray en vostre saint temple et beniray vostre nom.

  A005000241 

 Les saintz Evesques Stanislaus et Thomas de Cantorberi furent aussi tués pour un sujet qui ne regardoit pas la foy, mais la charité; et en fin une grande partie de saintes Vierges et Martyres furent massacrees pour le zele qu'elles eurent a garder la chasteté que la charité leur avoit fait dedier a l'Espoux celeste..

  A005000241 

 Mays pourtant il y a eu des Martirs qui moururent expressement pour la charité seule, comme le grand Precurseur du Sauveur, qui fut martyrisé pour la correction fraternelle; et les glorieux Princes des Apostres, saint Pierre et saint Paul, mais principalement saint Paul, moururent pour avoir converti a la sainteté et chasteté les femmes que l'infame Neron avoit desbauchees.

  A005000241 

 Tous les Martirs, Theotime, moururent pour l'amour divin; car, quand on dit que plusieurs sont mortz pour la foy, on ne doit pas entendre que ç'ait esté pour la foy morte, ains pour la foy vivante, c'est a dire animee de la charité.

  A005000242 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'ardeur du saint amour est grande, elle donne tant d'assautz au cœur, elle le blesse si souvent, elle luy cause tant de langueurs, elle le fond si ordinairement, elle le porte en des extases et ravissemens si frequens, que par ce moyen l'ame presque toute occupee en Dieu, ne pouvant fournir asses d'assistance a la nature pour faire la digestion et nourriture convenable, les forces animales et vitales commencent a manquer petit a petit, la vie s'accourcit et le trespas arrive..

  A005000242 

 Le regret quelquefois empesche si longuement les affligés de [40] boire, de manger et de dormir, qu'en fin, affoiblis et alangouris ilz meurent; et lhors, le vulgaire dit qu'ilz sont mortz de regret, mais ce n'est pas la verité, car ilz meurent de defaillance de forces et d'exinanition: il est vray que cette defaillance leur estant arrivee a cause du regret, il faut advoüer, que s'ilz ne sont pas mortz de regret, ilz sont mortz a cause du regret et par le regret.

  A005000242 

 Mais il y en a, entre les amans sacrés, qui s'abandonnent si absolument aux exercices de l'amour divin, que ce saint feu les devore et consume leur vie.

  A005000243 

 O Dieu, Theotime, que cette mort est heureuse! que douce est cette amoureuse sagette qui, nous blessant de cette playe incurable de la sacree dilection, nous rend pour jamais languissans et malades d'un battement de cœur si pressant qu'en fin il faut mourir! De combien penses-vous que ces sacrees langueurs et les travaux supportés pour la charité avançassent les jours aux divins amans, comme a sainte Catherine de Sienne, a saint François, au petit Stanislas Koska, a saint Charles et a plusieurs centaines d'autres qui moururent si jeunes? Certes, quant a saint François, des qu'il eut receu les saintes stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles douleurs, tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit plustost une anatomie ou une image de la mort, qu'un homme vivant et respirant encores.

  A005000247 

 L'ame attiree puissamment par les suavités divines de son Bienaymé, pour correspondre de son costé a ses doux attraitz, elle s'eslance de force et tant qu'elle peut devers ce desirable Ami attrayant; et ne pouvant tirer son cors apres soy, plustost que de s'arrester avec luy parmi les miseres de cette vie, elle le quitte et se separe, volant seule, comme une belle colombelle, dans le sein delicieux de son celeste Espoux: elle s'eslance en son Bienaymé, et son Bienaymé la tire et ravit a soy; et comme l'espoux quitte pere et mere pour se joindre a sa bienaymee, ainsy cette chaste espouse quitte la chair pour s'unir a son Bienaymé.

  A005000247 

 Or, c'est le plus violent effect que l'amour fasse en une ame, et qui requiert auparavant une grande nudité de toutes les affections qui peuvent tenir le cœur attaché ou au monde ou au cors; en sorte que, comme le feu ayant separé petit a petit l'essence de sa masse et l'ayant du tout espuree, fait en fin sortir la quintessence, aussi le saint amour [42] ayant retiré le cœur humain de toutes humeurs, inclinations et passions, autant qu'il se peut, il en fait par apres sortir l'ame, affin que par cette mort, pretieuse aux yeux divins, elle passe en la gloire immortelle..

  A005000247 

 Tous les esleuz donq, Theotime, meurent en l'habitude de l'amour sacré; mays quelques uns, outre cela, meurent en l'exercice de ce saint amour, les autres pour cet amour, et d'autres par ce mesme amour.

  A005000248 

 Le grand saint François, qui en ce sujet de l'amour celeste me revient tous-jours devant les yeux, ne pouvoit pas eschapper qu'il ne mourust par l'amour, a cause de la multitude et grandeur des langueurs, extases et defaillances que sa dilection envers Dieu luy donnoit; mais, outre cela, Dieu qui l'avoit exposé a la veüe de tout le monde comme un miracle d'amour, voulut que non seulement il mourust pour l'amour, ains qu'il mourust encor d'amour.

  A005000248 

 Se voyant sur le point de son despart, il se fit mettre nud sur la terre, puis ayant receu un habit en aumosne, duquel on le vestit, il harangua ses freres, les animant a l'amour et crainte de Dieu et de l'Eglise, fit lire la Passion du Sauveur, puis commença avec une ardeur extreme a prononcer le Psalme CXLI: J'ay crié de ma voix au Seigneur, j'ay supplié de ma voix le Seigneur; et ayant prononcé ces dernieres paroles: O Seigneur, tires mon ame de la prison, affin que je benisse vostre saint nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me guerdonnies, il expira, l'an quarante cinquiesme de son aage.

  A005000249 

 Sainte Magdeleyne ayant l'espace de trente ans demeuré en la grotte que l'on void encor en Provence, ravie tous les jours sept fois et eslevee en l'air par les Anges, comme pour aller chanter les sept Heures canoniques en leur chœur, en fin un jour de Dimanche elle vint a l'eglise, en laquelle son cher Evesque saint Maximin la treuvant en contemplation, les yeux pleins de larmes et les bras eslevés, il la communia; et tost apres elle rendit son bienheureux esprit, qui derechef alla pour jamais aux pieds de son Sauveur, jouir de [43] la meilleure part, qu'elle avoit des-ja choisie en ce monde..

  A005000250 

 Puis, estant revenu en sa chambre et remis dans son lit, apres s'estre asses longuement entretenu par l'orayson avec Nostre Seigneur, il exhorta saintement les assistans a servir Dieu de tout leur cœur; et en fin voyant les Anges venir a luy, prononçant avec extreme suavité ces paroles: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la remetz entre vos mains, il expira; et le pauvre medecin converti, le voyant ainsy trespassé, l'embrassant et fondant en larmes sur iceluy: «O grand Basile, serviteur de Dieu,» dit-il, «en verité, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort aujourd'huy qu'hier.» Qui ne void que cette mort fut toute d'amour? Et la bienheureuse Mere Therese de Jesus revela apres son trespas, qu'elle estoit morte d'un assaut et impetuosité d'amour, qui avoit esté si violent que, la nature ne le pouvant supporter, l'ame s'en estoit allee avec le bienaymé object de ses affections.

  A005000254 

 Et bien que le recit que je veux faire ne soit ni tant publié ni si bien tesmoigné comme la grandeur de la merveille qu'il contient le requerroit, il ne perd pas pour cela sa verité: car, comme dit excellemment saint Augustin, «a peyne sçait on les miracles,» pour magnifiques qu'ilz soyent, «au lieu mesme ou ilz se font,» et encor que ceux qui les ont veu les racontent, on a peyne de les croire; mays ilz ne laissent pas pour cela d'estre veritables, et en matiere de religion les ames bien faites ont plus de suavité a croire les choses esquelles il y a plus de difficulté et d'admiration..

  A005000254 

 Outre ce qui a esté dit, j'ay treuvé une histoire laquelle pour estre extremement admirable n'en est que plus croyable aux amans sacrés; puisque, comme dit le saint Apostre, la charité croid tres volontier toutes choses, c'est a dire elle ne pense pas aysement qu'on mente, et s'il n'y a des marques apparentes de fauseté en ce qu'on luy represente, elle ne fait pas difficulté de les croire, mais sur tout quand ce sont choses qui exaltent et magnifient l'amour de Dieu envers les hommes ou l'amour des hommes envers Dieu: d'autant que la charité, qui est reyne souveraine des vertus, se plaist, a la façon des princes, es choses qui servent a la gloire de son empire et domination.

  A005000255 

 De Bethanie il va dans le desert, et y void, des yeux de son esprit, le Sauveur jeusnant, combattant et vainquant l'ennemi; puis les Anges qui le servent de viandes admirables..

  A005000255 

 De Bethleem il alla en Bethabara, et passa jusques au petit lieu de Bethanie, ou, se resouvenant que Nostre Seigneur s'estoit devestu pour estre baptisé, il se despouilla aussi luy mesme, et entrant dans le Jordain, se lavant et beuvant des eaux d'iceluy, il luy estoit advis d'y voir son Sauveur recevant le Baptesme par la main de son Precurseur, et le Saint Esprit descendant visiblement sur iceluy sous la forme de colombe, avec les cieux encor ouvertz, d'ou, ce luy sembloit, descendoit la voix du Pere eternel disant: Cestuy cy est mon Filz bienaymé auquel je me complais.

  A005000255 

 Un fort illustre et vertueux chevalier alla donq un jour outre mer en Palestine, pour visiter les saintz lieux esquelz Nostre Seigneur avoit fait les œuvres de nostre redemption; et pour commencer dignement ce saint [45] exercice, avant toutes choses il se confessa et communia devotement; puis alla en premier lieu en la ville de Nazareth, ou l'Ange annonça a la Vierge tressainte la tres sacree Incarnation, et ou se fit la tres adorable conception du Verbe eternel; et la, ce digne pelerin se mit a contempler l'abisme de la Bonté celeste qui avoit daigné prendre chair humaine pour retirer l'homme de perdition.

  A005000256 

 De la il va sur la montaigne de Tabor, ou il void le Sauveur transfiguré; puis en la montaigne de Sion, ou il void, ce luy semble, encor, Nostre Seigneur agenouillé dans le Cenacle, lavant les pieds aux Disciples et leur distribuant par apres son divin Cors en la sacree Eucharistie.

  A005000256 

 Il passe le torrent de Cedron et va au jardin de Getsemani; ou son cœur se fond es larmes d'une tres aymable douleur lhors qu'il s'y represente son cher Sauveur suer le sang en cette extreme agonie qu'il y souffroit, puis, tost apres, lié, garrouté et mené en Hierusalem, ou il s'achemine aussi, suivant par tout les [46] traces de son Bienaymé; et le void en imagination traisné ça et la, chez Anne, chez Caïphe, chez Pilate, chez Herodes; fouetté, baffoué, craché, couronné d'espines, presenté au peuple, condamné a mort, chargé de sa croix, laquelle il porte, et la portant fait le pitoyable rencontre de sa Mere toute detrempee de douleur, et des dames de Hierusalem pleurantes sur luy.

  A005000256 

 Il regarde la pauvre sacree Vierge, toute transpercee du glaive de douleur; puis il tourne les yeux sur le Sauveur crucifié, duquel il escoute les sept paroles avec un amour nompareil, et en fin le void mourant, puis mort, puis recevant le coup de lance et monstrant par l'ouverture de la playe son cœur divin, puis osté de la croix et porté au sepulcre, ou il va le suyvant, jettant une mer de larmes sur les lieux detrempés du sang de son Redempteur; si que il entre dans le sepulcre et ensevelit son cœur aupres du cors de son Maistre..

  A005000256 

 Si monte en fin ce devot pelerin sur le mont Calvaire, ou il void en esprit la croix estendue sur terre, et Nostre Seigneur tout nud que l'on renverse et que l'on cloue pieds et mains sur icelle tres cruellement; il contemple de suite comme on leve la croix et le Crucifié en l'air, et le sang qui ruisselle de tous les endroitz du divin cors pendu.

  A005000257 

 Puys, resuscitant avec luy, il va en Emaüs et void tout ce qui se passe entre le Seigneur et les deux disciples; et en fin, revenant sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension, et la, voyant les dernieres marques et vestiges des pieds du divin Sauveur, prosterné sur icelles et les baysant mille et mille fois avec des souspirs d'un amour infini, il commença a retirer a soy toutes les forces de ses affections, comme un archer retire la corde de son arc quand il veut descocher sa fleche; puis se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «O Jesus,» dit il, « mon doux Jesus, je ne sçai plus ou vous chercher et suivre en terre; hé! Jesus, Jesus mon amour, accordes donq a ce cœur qu'il vous suive et s'en aille apres vous la haut.» Et avec ces ardentes paroles il lança quant et quant son ame au Ciel, comme une sacree sagette que, comme divin archer, [47] il tira au blanc de son tres heureux object.

  A005000258 

 Je voy bien, a la verité, que cette histoire est grandement extraordinaire et qui meriteroit un tesmoignage de plus grand poids; mais apres la tres veritable histoire du cœur fendu de sainte Claire de Montefalco, que tout le monde peut voir encor maintenant, et celle des stigmates de saint François, qui est tres asseuree, mon ame ne treuve rien de malaysé a croire parmi les effectz du divin amour..

  A005000262 

 Et comme pourroit-on donq imaginer que le cher Enfant de son cœur, son Nourrisson bienaymé, ne l'assistast a l'heure de son passage? Bienheureux sont les misericordieux, car ilz obtiendront misericorde.

  A005000262 

 Helas, combien de douceur, de charité et de misericorde furent exercees par ce bon Pere nourricier envers le Sauveur lhors qu'il nasquit petit enfant au monde! et qui pourroit donq croire, qu'iceluy sortant de ce monde, ce divin Filz ne luy rendist la pareille au centuple, le comblant de suavités celestes? Les cigoignes sont un vray portrait de la mutuelle pieté des enfans envers les peres et des peres envers les enfans; car, comme ce sont des oyseaux passagers, elles portent leurs peres et meres vieux, en leurs passages, ainsy qu'estant encor petites leurs peres et meres [49] les avoyent portees en mesme occasion.

  A005000262 

 Quand le Sauveur estoit encor petit enfant, le grand Joseph son Pere nourricier, et la tres glorieuse Vierge sa Mere, l'avoyent porté maintefois, et specialement au passage qu'ilz firent de Judee en Egypte et d'Egypte en Judee: hé, qui doutera donq que ce saint Pere, parvenu a la fin de ses jours, n'ayt reciproquement esté porté par son divin Nourrisson au passage de ce monde en l'autre, dans le sein d'Abraham, pour de la le transporter dans le sien, a la gloire, le jour de son Ascension? Un Saint qui avoit tant aymé en sa vie ne pouvoit mourir que d'amour; car son ame ne pouvant a souhait aymer son cher Jesus entre les distractions de cette vie, et ayant achevé le service qui estoit requis au bas aage d'iceluy, que restoit-il sinon qu'il dist au Pere eternel: O Pere, j'ay accompli l'œuvre que vous m'avies donnee en charge; et puis au Filz: O mon Enfant, comme vostre Pere celeste remit vostre cors entre mes mains au jour de vostre venue en ce monde, ainsy en ce jour de mon despart de ce monde je remetz mon esprit entre les vostres..

  A005000263 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous estes mon vray Filz, et je vous ayme comme mon vray Filz? et a qui de toutes les creatures fut il jamais dit par le Sauveur: Vous estes ma vraye Mere et je vous ayme comme ma vraye Mere, vous estes ma vraye Mere toute mienne et je suis vostre vray Filz tout vostre? Si donques un serviteur amant osa bien dire, et le dit en verité, qu'il n'avoit point d'autre vie que celle de son Maistre, helas, combien hardiment et ardemment devoit exclamer cette Mere: Je n'ay point d'autre vie que la vie de mon Filz, ma vie est toute en la sienne, et la sienne toute en la mienne; car ce n'estoit plus union, ains unité de cœur, d'ame et de vie entre cette Mere et ce Filz..

  A005000263 

 Et je dis de Mere unique et d'Enfant unique, parce que tous les autres enfans des hommes partagent la reconnoissance de leur production entre le pere et la mere; mays en celuy cy, comme toute sa naissance humaine dependit de sa seule Mere, laquelle seule contribua, ce qui estoit requis a la vertu du Saint Esprit pour la conception de ce divin Enfant, aussi a elle seule fut deu et rendu tout l'amour qui provient de la.

  A005000263 

 Si les premiers Chrestiens furent ditz n'avoir qu' un cœur et une ame, a cause de leur parfaite mutuelle dilection; si saint Paul ne vivoit plus luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy, a rayson de l'extreme union de son cœur a celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit comme morte en son cœur qu'elle animoit, pour vivre dans le cœur du Sauveur qu'elle aymoit; o [50] vray Dieu, combien est il plus veritable que la sacree Vierge et son Filz n'avoyent qu' une ame, qu' un cœur et qu'une vie, en sorte que cette sacree Mere, vivant ne vivoit pas elle, mais son Filz vivoit en elle! Mere la plus amante et la plus aymee qui pouvoit jamais estre; mays amante et aymee d'un amour incomparablement plus eminent que celuy de tous les ordres des Anges et des hommes, a mesure que les noms de Mere unique et de Filz unique sont aussi des noms au dessus de tous autres noms en matiere d'amour.

  A005000263 

 Telle, comme je pense, fut la mort de ce grand Patriarche, homme choisi pour faire les plus tendres et amoureux offices qui furent ni seront jamais faitz a l'endroit du Filz de Dieu, apres ceux qui furent pratiqués par sa celeste Espouse, vraye Mere naturelle de ce mesme Filz; de laquelle il est impossible d'imaginer qu'elle soit morte d'autre sorte de mort que de celle d'amour: mort la plus noble de toutes, et deue par consequent a la plus noble vie qui fut onques entre les creatures, mort de laquelle les Anges mesmes desireroyent de mourir s'ilz estoyent capables de mort.

  A005000263 

 production, de sorte que ce Filz et cette Mere furent unis d'une union d'autant plus excellente qu'elle a un nom different en amour par dessus tous les autres noms.

  A005000264 

 De mesme, Theotime, la Vierge Mere ayant assemblé en son esprit, par une tres vive et continuelle memoire, tous les plus aymables misteres de la vie et mort de son Filz, et recevant tous-jours a droit fil parmi cela les plus ardentes inspirations que son Filz, Soleil de justice, jettast sur les humains au plus fort du midi de sa charité, puis d'ailleurs faysant aussi de son costé un perpetuel mouvement de contemplation, en fin le feu sacré de ce divin amour la consuma toute, comme un holocauste de suavité; de sorte qu'elle en mourut, son ame estant toute ravie et transportee entre les bras de la dilection de son Filz.

  A005000265 

 Or cette poitrine maternelle estant ainsy blessee d'amour, non seulement ne chercha pas la guerison de sa blesseure, mays ayma sa blesseure plus que toute guerison, gardant cherement les traitz de douleur qu'elle avoit receu, a cause de l'amour qui les avoit descochés dans son cœur, et desirant continuellement [52] d'en mourir, puisque son Filz en estoit mort, qui, comme dit toute l'Escriture Sainte et tous les docteurs, mourut entre les flammes de la charité, holocauste parfait pour tous les pechés du monde..

  A005000270 

 Ainsy, pour l'ordinaire, les Saintz qui moururent d'amour sentirent une grande varieté d'accidens et symptomes de dilection, avant que d'en venir au trespas; force eslans, force assautz, force extases, force langueurs, force agonies, et sembloit que leur amour enfantast par effort et a plusieurs reprises leur bienheureuse mort: ce qui se fit a cause de la debilité de leur amour, non encores absolument parfait, qui ne pouvoit pas continuer sa dilection avec une egale fermeté.

  A005000270 

 Les estoiles sont merveilleusement belles a voir et jettent des clartés aggreables, mais si vous y aves pris garde, c'est par brillemens, estincellemens et eslans qu'elles produisent leurs rayons, comme si elles enfantoyent la lumiere avec effort, a diverses reprises; soit que leur clarté estant foible ne puisse pas agir si continuellement avec egalité, soit que nos yeux imbecilles ne fassent pas leur veüe constante et ferme a cause de la grande distance qui est entr'eux et ces astres.

  A005000271 

 Ah non, Theotime, il ne faut pas mettre une impetuosité d'agitation en ce celeste amour du cœur maternel de la Vierge, car l'amour, de soy mesme, est doux, gracieux, paisible et tranquille: que s'il fait quelquefois des assautz, s'il donne des secousses a l'esprit, c'est parce qu'il y treuve de la resistance; mais quand les passages de l'ame luy sont ouvertz sans opposition ni contrarieté, il fait ses progres paisiblement, avec une suavité nompareille.

  A005000271 

 Car, comme l'on void les grans fleuves faire des bouillons et rejaillissemens avec grand bruit es endroitz raboteux, esquelz les rochers font des bancs et escueilz qui s'opposent et empeschent l'escoulement des eaux, ou au contraire, se treuvans en la plaine ilz coulent et flottent doucement, sans effort; de mesme le divin amour treuvant es ames humaines plusieurs empeschemens et resistances, comme a la verité toutes en ont, quoy que differemment, il y fait des violences, combattant les mauvaises inclinations, frappant le cœur, poussant la volonté par diverses agitations et differens effortz, affin de se faire faire place ou du moins outrepasser ces obstacles.

  A005000271 

 Mais en la Vierge sacree tout favorisoit et secondoit le cours de l'amour celeste, les progres et accroissemens d'iceluy se faysoient incomparablement plus grans qu'en tout le [54] reste des creatures; progres neanmoins infiniment doux, paisibles et tranquilles.

  A005000272 

 Je ne dis pas, Theotime, qu'en l'ame de la tressainte Vierge il n'y eut deux portions, et par consequent deux appetitz, l'un selon l'esprit et la rayson superieure, l'autre selon les sens et la rayson inferieure, en sorte qu'elle pouvoit sentir des repugnances et contrarietés de l'un a l'autre appetit; car ce travail se treuva mesme en Nostre Seigneur son Filz.

  A005000272 

 Mais je dis qu'en cette celeste Mere, toutes les affections estoyent si bien rangees et ordonnees, que le divin amour exerçoit en elle son empire et sa domination tres paisiblement, sans estre troublee par la diversité des volontés ou appetitz, ni par la contrarieté des sens, parce que les repugnances de l'appetit naturel ni les mouvemens des sens n'arrivoyent jamais jusques au peché, non pas mesme jusques au peché veniel; ains au contraire, tout cela estoit saintement et fidelement employé au service du saint amour pour l'exercice des autres vertus, lesquelles, pour la pluspart, ne peuvent estre prattiquees qu'entre les difficultés, oppositions et contradictions..

  A005000273 

 Ainsy la glorieuse Vierge ayant eu part a toutes les miseres du genre humain, exceptees celles qui tendent immediatement au peché, elle les employa tres utilement pour l'exercice et accroissement [55] des saintes vertus de force, temperance, justice et prudence, pauvreté, humilité, souffrance, compassion: de sorte qu'elles ne donnoyent aucun empeschement, ains beaucoup d'occasions a l'amour celeste de se renforcer par des continuelz exercices et avancemens; et, chez elle, Magdeleyne ne se divertit point de l'attention avec laquelle elle reçoit les impressions amoureuses du Sauveur, pour toute l'ardeur et sollicitude que Marthe peut avoir: elle a choisi l'amour de son Filz, et rien ne le luy oste..

  A005000273 

 Les espines, selon l'opinion vulgaire, sont non seulement differentes mais aussi contraires aux fleurs, et semble que s'il n'y en avoit point au monde la chose en iroit mieux; qui a fait penser a saint Ambroise que sans le peché il n'en seroit point: mais toutefois, puisqu'il y en a, le bon laboureur les rend utiles et en fait des hayes et clostures autour des chams et jeunes arbres, ausquelz elles servent de defenses et rempars contre les animaux.

  A005000274 

 Et bien que cette sainte ame aymast extrememment son tressaint, tres pur et tres aymable cors, si le quitta-elle neanmoins sans peyne ni resistance quelconque, comme la chaste Judith, quoy qu'elle aymast grandement les habitz de penitence et de viduité, les quitta neanmoins et s'en despouilla avec playsir pour se revestir de ses habitz nuptiaux, quand elle alla se rendre victorieuse d'Holophernes, ou comme Jonathas, quand pour l'amour de David il se despouilla de ses vestemens.

  A005000274 

 L'amour avoit donné pres de la Croix a cette divine Espouse les supremes douleurs de la mort; certes, il estoit raysonnable qu'en fin la mort luy donnast les souveraines delices de l'amour..

  A005000274 

 Nostre cœur est fait pour Dieu, qui l'alleche continuellement et ne cesse de jetter en luy les attraitz de son celeste amour; mais cinq choses empeschent la sainte attraction d'operer: 1.

  A005000274 

 les playsirs sensuelz; 4.

  A005000282 

 L'Escriture appelle pour cela effeminés les hommes qui ayment esperdument les femmes pour leur sexe, parce que l'amour les transforme d'hommes en femmes, quant aux mœurs et humeurs..

  A005000282 

 Le tres devot et tres sage roy Salomon devint idolatre et fol quand il ayma les femmes idolatres et folles, et eut autant d'idoles que ses femmes en avoyent.

  A005000283 

 Celuy qui, attiré de la suavité des parfums, entre en la boutique d'un parfumier, en recevant le playsir qu'il prend a sentir ces odeurs il se parfume soy mesme, et au sortir de la il donne part aux autres du playsir qu'il a receu, respandant entr'eux la senteur des parfums qu'il a contractee: avec le playsir que nostre cœur prend en la chose aymee il tire a soy les qualités d'icelle, car la delectation ouvre le cœur comme la tristesse le resserre; dont l'Escriture sacree use souvent du mot de dilater, en lieu de celuy de res-jouir..

  A005000283 

 L'amour, dit saint Chrysostome, ou il treuve ou il fait la ressemblance; l'exemple de ceux que nous aymons a un doux et imperceptible empire et une authorité insensible sur nous, il est force ou de les quitter, ou de les imiter.

  A005000283 

 On dit qu'il y a es Indes un petit animal terrestre qui se plaist tant avec les poissons et dans la mer, qu'a force de venir souvent nager avec eux en fin il devient poisson, et d'animal terrestre il est rendu tout a fait animal marin.

  A005000284 

 Ainsy, les disciples d'Aristote se plaisoyent a parler begue comme luy, et ceux de Platon tenoyent les espaules courbees, a son imitation; telle femme s'est retreuvee, au recit de Plutarque, de laquelle l'imagination et apprehension estoit si ouverte a toutes choses par la volupté, que regardant l'image d'un More elle conceut un enfant tout noir, d'un pere extremement blanc: et le fait des brebis de Jacob sert de preuve a cela.

  A005000284 

 En somme, le playsir que l'on a en la chose est un certain fourrier qui fourre dans le cœur amant les qualités de la chose qui plaist; et pour cela la sacree complaysance nous transforme en Dieu que nous aymons, et a mesure qu'elle est grande la transformation est plus parfaite: ainsy les Saintz, qui ont grandement aymé, ont esté fort vistement et parfaitement transformés, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs en l'autre..

  A005000284 

 Or, le cœur se treuvant ouvert par le playsir, les impressions des qualités desquelles le playsir depend entrent aysement en l'esprit; et, avec elles, les autres encores qui sont au mesme sujet, bien qu'elles nous desplaysent, ne laissent pas d'entrer en nous parmi la presse du playsir, comme celuy qui sans robbe [60] nuptiale entra au festin parmi ceux qui estoyent parés.

  A005000285 

 Nous avons repugnance d'imiter ceux que nous haïssons, es choses mesmes qui sont bonnes; et les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre le bon conseil d'un meschant homme, sinon apres qu'un homme de bien l'auroit prononcé; au contraire, on ne peut s'empescher de se conformer a ce qu'on ayme.

  A005000286 

 L'amour est l'abbregé de toute la theologie, qui rendit tres saintement docte l'ignorance des Paulz, des Anthoines, des Hilarions, des Simeons, des François, sans livres, sans precepteurs, sans art. En vertu de cet amour la bienaymee peut dire en asseurance: Mon Bienaymé est tout mien par la complaysance, de laquelle il me plait et me paist, et moy je suis toute a luy par la bienveuillance, de laquelle je luy plais et le repais; mon cœur se paist de se plaire en luy, et le sien se paist dequoy je luy plais pour luy: tout ainsy qu'un sacré berger, il me paist comme sa chere brebis entre les lis de ses perfections, esquelles je me plais; et pour moy, comme sa chere brebis, je le pais du lait de mes affections, par lesquelles je luy veux plaire.

  A005000290 

 La complaysance attire donq en nous les traitz des perfections divines selon que nous sommes capables de les recevoir; comme le miroüer reçoit la ressemblance du soleil, non selon l'excellence et grandeur de ce grand et admirable luminaire, mays selon la capacité et mesure de sa glace: si que nous sommes ainsy rendus conformes a Dieu..

  A005000291 

 L'amour [62] de complaysance tire Dieu dedans nos cœurs, mais l'amour de bienveuillance jette nos cœurs en Dieu, et par consequent toutes nos actions et affections, les luy dediant et consacrant tres amoureusement; car la bienveuillance desire a Dieu tout l'honneur, toute la gloire et toute la reconnoissance qu'il est possible de luy rendre, comme un certain bien exterieur qui est deu a sa bonté..

  A005000292 

 Nous avons eu une extreme complaysance a voir que Dieu est souverainement bon; et partant nous desirons, par l'amour de bienveuillance, que tous les amours qu'il nous est possible d'imaginer soyent employés a bien aymer cette bonté.

  A005000292 

 Nous voyons la volonté de Dieu souverainement parfaitte, droitte, juste et equitable; et a cette consideration nous desirons qu'elle soit la regle et la loy souveraine de toutes choses, et qu'elle soit suivie, servie et obeie par toutes les autres volontés..

  A005000293 

 Non, ce n'est pas cela dont je parle a present; car encor qu'il n'y eust ni enfer pour punir les rebelles, ni Paradis pour recompenser les bons, et que nous n'eussions nulle sorte d'obligation ni de devoir a Dieu (et ceci soit dit par imagination de chose impossible et qui n'est presque pas imaginable), si est ce toutefois, que l'amour de bienveuillance nous porteroit a rendre toute obeissance [63] et sousmission a Dieu par election et inclination, voire mesme par une douce violence amoureuse, en consideration de la souveraine bonté, justice et droiture de sa divine volonté.

  A005000294 

 Ainsy donques se fait la conformité de nostre cœur avec celuy de Dieu, lhors que par la sainte bienveuillance nous jettons toutes nos affections entre les mains de la divine volonté, affin qu'elles soyent par icelle pliees et maniees a son gré, moulees et formees selon son bon playsir.

  A005000298 

 La doctrine chrestienne nous propose clairement les verités que Dieu veut que nous croyions, les biens qu'il veut que nous esperions, les peynes qu'il veut que nous craignions, ce qu'il veut que nous aymions, les commandemens qu'il veut que nous fassions et les conseilz qu'il desire que nous suivions: et tout cela s'appelle la volonté signifiee de Dieu, parce qu'il nous a signifié et manifesté qu'il veut et entend que tout cela soit creu, esperé, craint, aymé et prattiqué..

  A005000300 

 Et comme les rayons du soleil ne laissent pas d'estre vrays rayons quand ilz sont rejettés et repoussés par [66] quelqu'obstacle, aussi la volonté signifiee de Dieu ne laisse pas d'estre vraye volonté de Dieu encor qu'on luy resiste, bien qu'elle ne face pas tant d'effectz comme si on la secondoit..

  A005000301 

 A quoy tendent les protestations que si souvent nous en faysons es saintes ceremonies ecclesiastiques: car pour cela nous demeurons debout tandis qu'on lit les leçons de l'Evangile, comme prestz d'obeir a la sainte signification de la volonté de Dieu que l'Evangile contient; pour cela nous baysons le livre a l'endroit de l'Evangile, comme adorans la sainte Parole qui declaire la volonté celeste.

  A005000305 

 A cette intention il nous a faitz a son image et semblance par la creation, et s'est fait a nostre image et semblance par l'Incarnation, apres laquelle il a souffert la mort pour racheter toute la race des hommes et la sauver: ce qu'il fit avec tant d'amour, que, comme raconte le grand saint Denis, apostre de la France, il dit un jour au saint homme Carpus qu'il estoit «prest de patir encor une fois pour sauver les hommes,» et que cela luy seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché d'aucun homme..

  A005000306 

 Or, bien que tous ne se sauvent pas, cette volonté neanmoins ne laisse pas d'estre une vraye volonté de Dieu, qui agit en nous selon la condition de sa nature et de la nostre: car sa bonté le porte a nous communiquer liberalement les secours de sa grace, affin que nous parvenions au bonheur de sa gloire; mais nostre nature requiert que sa liberalité nous laisse en liberté de nous en prevaloir pour nous sauver, ou de les mespriser pour nous perdre..

  A005000307 

 Nostre sanctification est la volonté de Dieu et nostre salut son bon playsir: or, il n'y a nulle difference entre le bon playsir et la bonne volupté, ni par consequent donq entre la bonne volupté et la bonne volonté divine; ains la volonté que Dieu a pour le bien des hommes est appellee bonne parce qu'elle est amiable, propice, favorable, aggreable, delicieuse, et, comme les Grecs, apres saint Paul, ont dit, c'est une vraye philantropie, c'est a dire, une bienveuillance ou volonté toute amoureuse envers les hommes..

  A005000307 

 [68] Mays quelle est la volupté de la souveraine Bonté, sinon de se respandre et communiquer ses perfections? Certes, ses delices sont d'estre avec les enfans des hommes, pour verser ses graces sur eux.

  A005000308 

 Tout le temple celeste de l'Eglise triomphante et militante resonne de toutes pars les cantiques de ce doux amour de Dieu envers nous; et le cors tres sacré du Sauveur, comme un temple tressaint de sa Divinité, est tout paré de marques et enseignes de cette bienveuillance: c'est pourquoy, en visitant le temple divin, nous voyons ces aymables delices que son cœur prend a nous favoriser..

  A005000309 

 Regardons donq cent fois le jour cette amoureuse volonté de Dieu, et fondans nostre volonté dans icelle, escrions devotement: O Bonté d'infinie douceur, que vostre volonté est amiable! que vos faveurs sont desirables! Vous nous aves creés pour la vie eternelle, et vostre poitrine maternelle, enflee des mammelles sacrees d'un amour incomparable, abonde en lait de misericorde, soit pour pardonner aux penitens, soit pour perfectionner les justes: hé, pourquoy donq ne collons nous pas nos volontés a la vostre, comme les petitz enfans s'attachent au chicheron du tetin de leurs meres, pour succer le lait de vos eternelles benedictions!.

  A005000310 

 Il suffit de dire: je desire d'estre sauvé; mais il ne suffit pas de dire: je desire embrasser les moyens convenables pour y parvenir; ains il faut, d'une resolution absolue, vouloir et embrasser les graces que Dieu nous depart; car il faut que nostre volonté corresponde a celle de Dieu, et d'autant qu'elle nous donne les moyens de nous sauver, nous les devons recevoir, comme nous devons desirer le salut ainsy qu'elle le nous desire et parce qu'elle le desire..

  A005000310 

 Non seulement il veut, mais en effect [69] il nous donne tous les moyens requis pour nous faire parvenir au salut; et nous, en suite du desir que nous avons d'estre sauvés, nous devons non seulement vouloir, mais en effect accepter toutes les graces qu'il nous a preparees et qu'il nous offre.

  A005000311 

 David acceptoit en particulier les afflictions, comme un acheminement a sa perfection, quand il chantoit en cette sorte: O qu' il m'est bon, Seigneur, que vous m'ayes humilié, affin que j'apprenne vos justifications, ainsy furent les Apostres joyeux es tribulations, dequoy ilz avoyent la faveur d'endurer des ignominies pour le nom de leur Sauveur.

  A005000311 

 Les choses representees particulierement font une impression plus forte et blessent plus sensiblement l'imagination; c'est pourquoy, en l' Introduction, nous avons donné par advis qu'apres les affections generales on fist les resolutions particulieres en la sainte orayson.

  A005000311 

 Mais il arrive maintefois que les moyens de parvenir au salut, considerés en bloc ou en general sont aggreables a nostre cœur, et regardés en detail et particulier ilz luy sont effroyables: car n'avons nous pas veu le pauvre saint Pierre disposé a recevoir en general toutes sortes de peynes, et la mort mesme, pour suivre son Maistre, et neanmoins, quand ce vint au fait et au prendre, paslir, trembler et renier son Maistre a la voix d'une simple servante? Chacun pense pouvoir boire le calice de Nostre Seigneur avec luy, mais quand on le nous presente par effect, on s'enfuit, on quitte tout.

  A005000315 

 Le desir que Dieu a de nous faire observer ses commandemens est extreme, ainsy que toute l'Escriture tesmoigne: et comme le pouvoit il mieux exprimer que par les grandes recompenses qu'il propose aux observateurs de sa loy, et les estranges supplices dont il menasse les violateurs d'icelle? C'est pourquoy David exclame: O Seigneur, vous aves ordonné que vos commandement soyent trop plus observés..

  A005000323 

 Les plus doux commandemens deviennent aspres si un cœur tyran et cruel les impose, et ilz deviennent tres aymables quand l'amour les ordonne; le service de Jacob luy sembloit une royauté, parce qu'il procedoit de l'amour.

  A005000323 

 Nous ne recevons pas le bien en bonne part quand il nous est presenté par une main ennemie; les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre un fort sain et salutaire conseil d'un meschant homme jusques a ce qu'un homme de bien leur redist: au contraire, le present n'est jamais qu'aggreable quand un ami le fait.

  A005000324 

 Ains, comme il y a des personnes qui, pour aggreable que soit un medicament, ont du contrecœur a le prendre, seulement parce qu'il porte le nom de medicament, aussi y a-il des ames qui ont en horreur les actions commandees, seulement parce qu'elles sont commandees; et s'est treuvé tel homme, ce dit on, qui ayant doucement vescu dans la grande ville de Paris l'espace de quatre vingtz ans sans en sortir, soudain qu'on luy eut enjoint de par le Roy d'y demeurer encor le reste de ses jours, il alla dehors voir les chams, que de sa vie il n'avoit desiré..

  A005000324 

 Plusieurs observent les commandemens comme on avale les medecines; plus crainte de mourir damnés, que pour le playsir de vivre au gré du Sauveur.

  A005000325 

 Au contraire, comme une branche d' agnus castus empesche de lassitude le voyageur qui la porte, aussi la croix, la mortification, le joug, la loy du Sauveur, qui est le vray Aigneau chaste, est une charge qui delasse, qui soulage et recree les cœurs qui ayment sa divine Majesté.

  A005000325 

 Au contraire, le cœur amoureux ayme les commandemens, et plus ilz sont de chose difficile plus il les treuve doux et aggreables, parce qu'il complait plus parfaitement au Bienaymé et luy rend plus d'honneur; [72] il lance et chante des hymnes d'allegresse quand Dieu luy enseigne ses commandemens et justifications.

  A005000325 

 On dit que les muletz et chevaux chargés de figues succombent incontinent au faix et perdent toute leur force: plus douce que les figues est la loy du Seigneur; mais l'homme brutal, qui s'est rendu comme le cheval et mulet, esquelz il n'y a point d'entendement, perd le courage et ne peut treuver des forces pour porter cet amiable faix.

  A005000330 

 C'est pourquoy l'amour de complaysance, qui nous oblige de plaire au Bienaymé, nous porte par consequent a la suite de ses conseilz; et l'amour de bienveuillance, qui veut que toutes les volontés et affections luy soyent sousmises, fait que nous voulons non seulement ce qu'il ordonne, mais ce qu'il conseille et a quoy il exhorte: ainsy que l'amour et respect qu'un enfant fidele porte a son bon pere le fait resoudre de vivre non seulement selon les commandemens qu'il impose, mais encor selon les desirs et inclinations qu'il manifeste..

  A005000330 

 Le commandement tesmoigne une volonté fort entiere et pressante de celuy qui ordonne, mais le conseil ne nous represente qu'une volonté de souhait; le commandement nous oblige, le conseil nous incite seulement; le commandement rend coulpables les transgresseurs, le conseil rend seulement moins louables ceux qui ne le suivent pas; les violateurs des commandemens meritent d'estre damnés, ceux qui negligent les conseilz meritent seulement d'estre moins glorifiés.

  A005000331 

 Et Dieu ne veut pas qu'un chacun observe tous les conseilz, ains seulement ceux qui sont convenables, selon la diversité des personnes, des tems, des occasions et des forces, ainsy que la charité le requiert; car c'est elle qui, comme reyne de toutes les vertus, de tous les commandemens, de tous les conseilz et en somme de toutes les lois et de toutes les actions chrestiennes, leur donne a tous et a toutes le rang, l'ordre, le tems et la valeur..

  A005000331 

 Le conseil se donne voirement en faveur de celuy [74] qu'on conseille, affin qu'il soit parfait: Si tu veux estre parfait, dit le Sauveur, va, vens tout ce que tu as et le donne aux pauvres, et me suis; mais le cœur amoureux ne reçoit pas le conseil pour son utilité, ains pour se conformer au desir de Celuy qui conseille, et rendre l'hommage qui est deu a sa volonté: et partant, il ne reçoit les conseilz sinon ainsy que Dieu le veut.

  A005000332 

 Non seulement la charité ne permet pas aux peres de famille de tout vendre pour donner aux pauvres, mais leur ordonne d'assembler honnestement ce qui est requis pour l'education et sustentation de la femme, des enfans et serviteurs; comme aussi aux rois et princes d'avoir des tresors qui, provenus d'une juste espargne et non de tyranniques inventions, servent comme de salutaires [75] preservatifs contre les ennemis visibles.

  A005000332 

 Tu es un prince, par la posterité duquel les sujetz de la couronne qui t'appartient doivent estre conservés en paix et asseurés contre la tyrannie, sedition et guerre civile; l'occasion donq d'un si grand bien t'oblige de produire en un saint mariage des legitimes successeurs: ce n'est pas perdre la chasteté, ou au moins c'est la perdre chastement, que de la sacrifier au bien public en faveur de la charité.

  A005000333 

 Il y a des circonstances qui les rendent quelquefois impossibles, quelquefois inutiles, quelquefois perilleux, quelquefois nuisibles a quelques uns, qui est une des intentions pour lesquelles Nostre Seigneur dit de l'un d'iceux ce qu'il veut estre entendu de tous: Qui peut le prendre, si le prenne; comme s'il disoit, ainsy que saint Hierosme expose: Qui peut gaigner et emporter l'honneur de la chasteté «comme un prix» de reputation, qu'il le prenne, car il est exposé a ceux qui courront vaillamment.

  A005000333 

 Les conseilz sont tous donnés pour la perfection du peuple chrestien, mays non pas pour celle de chasque Chrestien en particulier.

  A005000333 

 Tous donques ne peuvent pas, c'est a dire, il n'est pas expedient a tous d'observer tous-jours tous les conseilz, lesquelz estans donnés en faveur de la charité, elle sert de regle et de mesure a l'execution d'iceux..

  A005000334 

 Quand donq la charité l'ordonne, on tire les moines et religieux des cloistres pour en faire des cardinaux, des prelatz, des curés, voire mesme on les reduit quelquefois au mariage pour le repos des royaumes, ainsy que j'ay dit ci dessus.

  A005000334 

 Que si la charité fait sortir des cloistres ceux qui par vœu solemnel s'y estoyent attachés, a plus forte rayson, et pour moindre sujet, on peut, par l'authorité de cette mesme charité, conseiller a plusieurs de demeurer chez eux, garder leurs moyens, se marier, voire de prendre les armes et aller a la guerre, qui est une profession si dangereuse..

  A005000335 

 En somme, c'est une eau sacree par laquelle le jardin de l'Eglise est fecondé, et bien qu'elle n'ait qu'une couleur sans couleur, les fleurs neanmoins qu'elle fait croistre ne laissent pas d'avoir une chacune sa couleur differente: elle fait des Martyrs plus vermeilz que la rose, des Vierges plus blanches que le lys; aux uns elle donne le fin violet de la mortification, aux autres le jaune des soucis du mariage, employant diversement les conseilz pour la perfection des ames qui sont si heureuses que de vivre sous sa conduite..

  A005000335 

 Or, quand la charité porte les uns a la pauvreté et qu'elle en retire les autres, quand elle en pousse les uns au mariage, les autres a la continence, qu'elle enferme l'un dans le cloistre et en fait sortir l'autre, elle n'a point besoin d'en rendre rayson a personne; car elle a la plenitude de la puissance en la loy chrestienne, selon qu'il est escrit: La charité peut toutes choses; elle a le comble de la prudence, selon qu'il est dit: La charité ne fait rien en vain.

  A005000339 

 Certes, ce grand Roy, qui avoit son cœur fait selon le cœur de Dieu, savouroit si fort la parfaite excellence des ordonnances divines, qu'il semble que ce soit un amoureux espris de la beauté de cette loy comme de la chaste espouse et reyne de son cœur; ainsy qu'il appert par les continuelles louanges qu'il luy donne..

  A005000339 

 O Theotime, que cette volonté divine est aymable! o qu'elle est amiable et desirable! o loy toute d'amour et toute pour l'amour! Les Hebrieux par le mot de paix entendent l'assemblage et comble de tous biens, [77] c'est a dire la felicité; et le Psalmiste s'escrie: Qu'une paix plantureuse abonde a ceux qui ayment la loy de Dieu et que nul choppement ne leur arrive! comme s'il vouloit dire: O Seigneur, que de suavité en l'amour de vos sacrés commandemens! toute douceur delicieuse saisit le cœur qui est saisi de la dilection de vostre loy.

  A005000340 

 Ce qui fut parfaitement verifié en la [78] primitive Eglise, lhors que, comme dit le glorieux saint Luc, en la multitude des croyans il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; car il n'entend pas parler du cœur qui fait vivre nos cors, ni de l'ame qui anime les cœurs d'une vie humaine, mais il parle du cœur qui donne la vie celeste a nos ames, et de l'ame qui anime nos cœurs de la vie surnaturelle: cœur et ame tres unique des vrays Chrestiens, qui n'est autre chose que la volonté de Dieu.

  A005000340 

 Puis, expliquant ce nom, il dit que ce sera: ma volonté en icelle; comme s'il disoit qu'entre ceux qui ne sont pas Chrestiens un chacun a sa volonté propre au milieu de son cœur, mays parmi les vrays enfans du Sauveur chacun quittera sa volonté, et n'y aura plus qu'une volonté maistresse, regente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les ames, tous les cœurs et toutes les volontés; et le nom d'honneur des Chrestiens ne sera autre chose sinon: la volonté de Dieu en eux; volonté qui regnera sur toutes les volontés et les transformera toutes en soy, de sorte que les volontés des Chrestiens et la volonté de Nostre Seigneur ne soyent plus qu'une seule volonté.

  A005000341 

 Or, quand nostre amour est extreme a l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiee es [79] commandemens, mais nous nous rangeons encor a l'obeissance des conseilz, lesquelz ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandemens, auxquelz aussi ilz se rapportent, ainsy que dit excellemment saint Thomas.

  A005000342 

 A ce souhait, les plus vaillans Chrestiens se sont mis a la course, et forçans toutes les repugnances, convoitises et difficultés, ont atteint a la sainte perfection, se rangeans a l'estroitte observance des désirs de leur Roy, obtenans par ce moyen la couronne de gloire..

  A005000342 

 Le Sauveur, estant en ce monde, declara sa volonté en plusieurs choses par maniere de commandement, et en plusieurs autres il la signifia seulement par maniere de souhait: car il loua fort la chasteté, la pauvreté, l'obeissance et resignation parfaite, l'abnegation de la propre volonté, [80] la viduité, le jeusne, la priere ordinaire; et ce qu'il dit de la chasteté, que qui en pourroit emporter le prix qu'il le prinst, il l'a asses dit de tous les autres conseilz.

  A005000343 

 Et pourquoy donq reciproquement ne serons nous si jaloux de suivre la sacree volonté de Nostre Seigneur, que nous fassions non seulement ce qu'il commande, mais encores ce qu'il tesmoigne d'aggreer et souhaitter? Les ames nobles n'ont pas besoin d'un plus fort motif pour embrasser un dessein que de sçavoir que le Bienaymé le desire: Mon ame, dit l'une d'icelles, s'est escoulee soudain que mon Ami a parlé..

  A005000347 

 Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité.

  A005000347 

 Les paroles par lesquelles Nostre Seigneur nous exhorte de tendre et pretendre a la perfection sont si fortes et pressantes, que nous ne sçaurions dissimuler l'obligation que nous avons de nous engager a ce dessein: Soyes saintz, dit-il, parce que je suis saint; Qui est saint, qu'il soit encor davantage [81] sanctifié, et qui est juste, qu'il soit encor plus justifié; Soyes parfaitz ainsy que vostre Pere celeste est parfait.

  A005000347 

 Pour cela le grand saint Bernard escrivant au glorieux saint Guarin, abbé d'Aux, duquel la vie et les miracles ont tant rendu de bonne odeur en ce Diocese: «L'homme juste,» dit il, «ne dit jamais c'est asses, il a tous-jours faim et soif de la justice.» Certes, Theotime, quant aux biens temporelz, rien ne suffit a celuy auquel ce qui suffit ne suffit pas; car, qu'est ce qui peut suffire a un cœur auquel la suffisance n'est pas suffisante? Mais quant aux biens spirituelz, celuy n'en a pas ce qui luy suffit auquel il suffit d'avoir ce qui luy suffit, et la suffisance n'est pas suffisante, parce que la vraye suffisance es choses divines consiste en partie au desir de l'affluence.

  A005000348 

 C'est une heresie de dire que Nostre Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blaspheme de dire a Dieu: Retire toy de nous, nous ne voulons point la science de tes voyes; mais c'est une irreverence horrible contre Celuy qui avec tant d'amour et de suavité nous invite a la perfection, de dire: je ne veux pas estre saint, ni parfait, ni avoir plus de part en vostre bienveuillance, ni suivre les conseilz que vous me donnés pour faire progres en icelle..

  A005000348 

 Neanmoins je dis bien que c'est un grand peché de mespriser la pretention a la perfection chrestienne, et encor plus de mespriser la semonce par laquelle Nostre Seigneur nous y appelle; mais c'est une impieté insupportable de mespriser les conseilz et moyens d'y parvenir que Nostre Seigneur nous marque.

  A005000348 

 Or, je ne dis pas, non plus que saint Bernard, que ce soit peché de ne prattiquer pas les conseilz: non certes, Theotime, car c'est la propre difference du commandement au conseil, que le commandement nous oblige sous peyne de peché, et le conseil nous invite sans peyne de peché.

  A005000349 

 De ne suivre pas le conseil de virginité affin de se marier, cela n'est pas mal fait; mais de se marier pour preferer le mariage a la chasteté, comme font les heretiques, c'est un grand mespris ou du Conseiller ou du conseil.

  A005000349 

 On peut bien sans pecher ne suivre pas les conseilz pour l'affection que l'on a ailleurs: comme, par exemple, on peut bien ne vendre pas ce que l'on a et ne le donner pas aux pauvres, parce qu'on n'a pas le courage de faire un si grand renoncement; on peut bien aussi se marier, parce qu'on ayme une femme, ou qu'on n'a pas asses de force en l'ame pour entreprendre la guerre qu'il faut faire a la chair: mais de faire profession de ne vouloir point suivre les conseilz, ni aucun d'iceux, cela ne se peut faire sans mespris de Celuy qui les donne.

  A005000353 

 Encor que tous les conseilz ne puissent ni doivent estre prattiqués par chasque Chrestien en particulier, si est ce qu'un chacun est obligé de les aymer tous, parce qu'ilz sont tous tres bons.

  A005000353 

 O que beni soit a jamais l' Ange du grand conseil, avec tous les advis qu'il donne et les exhortations qu'il fait aux humains! Le cœur est res-joui far les unguens et bonnes senteurs, dit Salomon, et par les bons conseilz de l'ami l'ame est adoucie.

  A005000353 

 Si vous aves la migraine et [84] que l'odeur du musque vous nuyse, laisseres vous pour cela d'avouer que cette senteur soit bonne et aggreable? Si une robbe d'or ne vous est pas avenante, dirés vous qu'elle ne vaut rien? Si une bague n'est pas pour vostre doigt, la jetteres vous pour cela dans la boüe? Loues donq, Theotime, et aymes cherement tous les conseilz que Dieu a donné aux hommes.

  A005000354 

 Res-jouissons nous, Theotime, quand nous verrons des personnes entreprendre la suite des conseilz que nous ne pouvons ou ne devons pas observer; prions pour eux, benissons-les, favorisons-les et les aydons, car la charité nous oblige de n'aymer pas seulement ce qui est bon pour nous, mais d'aymer encor ce qui est bon pour le prochain..

  A005000355 

 Nous tesmoignerons asses d'aymer tous les conseilz quand nous observerons devotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsy que celuy qui croid un article de foy d'autant que Dieu l'a revelé par sa parole, annoncee et declairee par l'Eglise, ne sçauroit mescroire les autres, et celuy qui observe un commandement pour le vray amour de Dieu est tout prest d'observer les autres quand l'occasion s'en presentera, de mesme celuy qui ayme et estime un conseil evangelique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consecutivement tous les autres, puisqu'ilz sont aussi de Dieu.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé par la rigueur de la loy de donner a tous les pauvres que vous rencontres, ains seulement a ceux qui en ont un tres grand besoin; mays ne laisses pas pour cela, suivant le conseil du Sauveur, de donner volontier a tous les indigens que vous treuveres, autant que vostre condition et les veritables necessités de vos affaires le permettront.

  A005000356 

 Vous pouves librement user du vin dans les termes de la bienseance; mais, selon le conseil de saint Paul a Timothee, n'en prenes que ce qu'il faut pour soulager vostre estomac..

  A005000357 

 En quoy excella ce grand saint Bernard de Menthon, originaire de ce Diocese, lequel estant issu d'une mayson fort illustre, habita plusieurs annees entre les jougs et cimes de nos Alpes, y assembla plusieurs compaignons pour attendre, loger, secourir, deslivrer des dangers de la tourmente les voyageurs et passans, qui mourroyent souvent entre les orages, les neiges et froidures, sans les hospitaux que ce grand ami de Dieu establit et fonda es deux montz qui pour cela sont appellés de son nom, Grand Saint Bernard, au Diocese de Sion, et Petit Saint Bernard en celuy de Tarentaise.

  A005000357 

 L'hospitalité hors l'extreme necessité est un conseil: recevoir l'estranger est le premier degré d'iceluy; mais aller sur les advenues des chemins pour le semondre, comme faisoit Abraham, c'est un degré plus haut; et encor plus de se loger es lieux perilleux pour retirer, ayder et servir les passans.

  A005000357 

 Visiter les malades qui ne sont pas en extreme necessité, c'est une louable charité; les servir, est encor meilleur; mais se dedier a leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que les Clercs de la Visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusieurs dames en divers lieux: a l'imitation de ce grand saint Sanson, gentilhomme et medecin romain, qui, en la ville de Constantinople ou il fut fait prestre, se dedia tout a fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hospital qu'il y commença et que l'empereur Justinien esleva et paracheva; a l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, de sainte Elizabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable..

  A005000358 

 Les vertus ont donq une certaine estendue de perfection, et pour l'ordinaire nous ne sommes pas obligés de les prattiquer en l'extremité de leur excellence; il suffit d'entrer si avant en l'exercice d'icelles, qu'en effect on y soit.

  A005000358 

 Mays de passer outre et s'avancer en la perfection, c'est un conseil; les actes heroïques des [87] vertus n'estans pas pour l'ordinaire commandes, ains seulement conseillés.

  A005000358 

 Or, en la prattique des actes heroïques de la vertu consiste la parfaite imitation du Sauveur, qui, comme dit le grand saint Thomas, eut des l'instant de sa conception toutes les vertus en un degré heroïque; et certes, je dirois volontier plus qu'heroïque, puisqu'il n'estoit pas simplement plus qu'homme, mais infiniment plus qu'homme, c'est a dire vray Dieu.

  A005000358 

 Que si en quelqu'occasion nous nous treuvons obligés de les exercer, cela arrive pour des occurrences rares et extraordinaires, qui les rendent necessaires a la conservation de la grace de Dieu.

  A005000362 

 Dieu ayant formé le cors humain du limon de la terre, ainsy que dit Moyse, il inspira en iceluy la respiration de vie, et il fut fait en ame vivante, c'est a dire en ame qui donnoit [89] vie, mouvement et operation au cors; et ce mesme Dieu eternel souffle et pousse les inspirations de la vie surnaturelle en nos ames, affin que, comme dit le grand Apostre, elles soyent faites en esprit vivifiant, c'est a dire en esprit qui nous face vivre, mouvoir, sentir, et ouvrer les œuvres de la grace, en sorte que Celuy qui nous a donné l'estre nous donne aussi l'operation.

  A005000362 

 L'haleyne de l'homme eschauffe les choses esquelles elle entre: tesmoin l'enfant de la Sunamite, sur la bouche duquel le prophete Helisee ayant mis la sienne et haleyné sur iceluy, sa chair s'eschauffa; et l'experience est toute manifeste.

  A005000362 

 Les rayons du soleil esclairent en eschauffant et eschauffent en esclairant; l'inspiration est un rayon celeste qui porte dans nos cœurs une lumiere chaleureuse, par laquelle il nous fait voir le bien et nous eschauffe au pourchas d'iceluy.

  A005000362 

 Mais quant au souffle de Dieu, non seulement il eschauffe, ains il esclaire parfaitement, d'autant que l'Esprit divin est une lumiere infinie, duquel le souffle vital est appellé inspiration, d'autant que par iceluy cette supreme Bonté haleyne et inspire en nous les desirs et intentions de son cœur..

  A005000362 

 Tout ce qui a vie sur terre s'engourdit au froid de l'hyver, mais au retour de la chaleur vitale du primtems tout reprend son mouvement: les animaux terrestres courent plus vistement, les oyseaux volent plus hautement et chantent plus gayement, et les plantes poussent leurs feuilles et leurs fleurs tres aggreablement.

  A005000363 

 Et voulant voir par experience, le jour suivant, ce qu'il avoit appris par le recit de son compaignon, il treuva ces Peres dans leurs formes, rangés comme des statues de marbre en une suite de niches, immobiles a toute autre action qu'a celle de la psalmodie, qu'ilz faisoyent avec une attention et devotion vrayement angelique, selon la coustume de ce saint Ordre: si que ce pauvre jeune homme, tout ravi d'admiration, demeura pris en la consolation extreme qu'il eut de voir Dieu si bien adoré parmi les Catholiques, et se resolut, comme il fit par apres, de se ranger dans le giron de l'Eglise, vraye et unique Espouse de Celuy qui l'avoit visité de son inspiration, dans l'infame litiere de l'abomination en laquelle il estoit..

  A005000363 

 Le moyen ordinaire c'est la predication; mais quelquefois, ceux auxquelz la parole ne proffite pas sont instruitz par la tribulation, selon le dire du Prophete: L' affliction donnera intelligence a l'ouïe; c'est a dire: ceux qui par l'ouïe des menasses celestes sur les meschans ne se corrigent pas, apprendront, la verité par l'evenement et les effectz, et deviendront sages sentans l'affliction.

  A005000363 

 Lhors que j'estois jeune, a Paris, deux escoliers, dont l'un estoit heretique, passans la nuit au fauxbourg Saint Jacques, en une desbauche deshonneste, ouïrent sonner les Matines des Chartreux; et l'heretique demandant a l'autre a quelle occasion on sonnoit, il luy fit entendre avec quelle devotion on celebroit les offices sacrés en ce saint monastere: O Dieu, dit-il, que l'exercice de ces religieux est different du nostre! ilz font celuy des Anges, et nous celuy des bestes brutes.

  A005000363 

 Or, les moyens d'inspirer dont elle use sont infinis.

  A005000364 

 Car, comme Dieu donne, par l'entremise de la nature, a chasque animal les instinctz qui luy sont requis pour sa [91] conservation et pour l'exercice de ses proprietés naturelles, aussi, si nous ne resistons pas a la grace de Dieu, il donne a un chascun de nous les inspirations necessaires pour vivre, operer et nous conserver en la vie spirituelle.

  A005000364 

 Et quant au bon Eliezer, parce qu'il ne peut autrement discerner entre les filles de Haran, ville de Nachor, celle qui estoit destinee au filz de son maistre, Dieu le luy fait connoistre par inspiration.

  A005000364 

 Hé, Seigneur, disoit le fidele Eliezer, voyci que je suis pres de cette fontaine d'eau, et les filles des habitans de cette cité sortiront pour puiser de l'eau; la jeune fille, donq, a laquelle je diray: Panches vostre cruche affin que je boive, et elle respondra: Beuves, ains je donneray encor a boire a vos chameaux, c'est celle la que vous aves preparee pour vostre serviteur Isaac.

  A005000364 

 Les ames, certes, qui ne se contentent pas de faire ce que par les commandemens et conseilz le divin Espoux requiert d'elles, mais sont promptes a suivre les sacrees inspirations, ce sont celles que le Pere eternel a preparees pour estre espouses de son Filz bienaymé.

  A005000364 

 O que bienheureux sont ceux qui tiennent leurs cœurs ouvertz aux saintes inspirations! car jamais ilz ne manquent de celles qui leur sont necessaires pour bien et devotement vivre en leurs conditions, et pour saintement exercer les charges de leurs professions.

  A005000364 

 Theotime, Eliezer ne se laisse entendre de desirer de l'eau que pour sa personne, mais la belle Rebecca, obeissant a l'inspiration que Dieu et sa debonnaireté luy donnoyent, s'offre d'abbreuver encor les chameaux; pour cela elle fut rendue espouse du saint Isaac, belle fille du grand Abraham et grand mere du Sauveur.

  A005000368 

 La charité envers les pauvres malades est un exercice ordinaire des vrays Chrestiens, mais exercice ordinaire qui fut prattiqué en perfection extraordinaire par saint François et sainte Catherine de Sienne quand ilz lechoyent et sucçoyent les ulceres des ladres et chancreux, et par le glorieux roy saint Louys quand il servoit a genoux et teste nue les malades (dont un abbé de Cisteau demeura tout esperdu d'admiration, le voyant en cette posture manier et agencer un miserable, ulceré de playes horribles et chancreuses); comme encor c'estoit une prattique bien extraordinaire de ce saint monarque de servir a table les pauvres les plus vilz et abjectz, et manger les restes de leurs potages.

  A005000368 

 Saint François ne fut pas seulement extreme en la prattique de la pauvreté, comme chacun sçait, mais il le fut encor en celle de la simplicité: il racheta un aigneau, de peur qu'on ne le tuast, parce qu'il representoit Nostre Seigneur; il portoit respect presqu'a toutes creatures, en contemplation de leur Createur, par une non accoustumee mais tres prudente simplicité; telles fois il s'est amusé a retirer les vermisseaux du chemin, affin que quelqu'un ne les foulast au passage, se resouvenant que son Sauveur s'estoit parangonné au vermisseau; il appelloit les creatures ses «freres et seurs,» par certaine consideration admirable que le saint amour luy suggeroit.

  A005000368 

 Saint [93] Hierosme recevant en son hospital de Bethleem les pelerins d'Europe qui fuyoient la persecution des Goths, ne leur lavoit pas seulement les pieds, mais s'abbaissoit jusques la que de laver encor et frotter les jambes de leurs chameaux, a l'exemple de Rebecca dont nous parlions n'a guere, qui non seulement puisa de l'eau pour Eliezer, mais aussi pour ses chameaux.

  A005000369 

 Il ne veut pas empescher, [94] non plus que Pharao, que les mistiques femmes d'Israël, c'est a dire les ames chrestiennes, enfantent des masles, pourveu qu'avant qu'ilz croissent on les tue: au contraire, dit le grand saint Hierosme, «entre les Chrestiens on n'a pas tant d'egard au commencement qu'a la fin.» Il ne faut pas tant avaler de viande qu'on ne puisse faire la digestion de ce que l'on en prend.

  A005000369 

 L'esprit seducteur nous arreste aux commencemens et nous fait contenter du primtems fleuri; mais l'Esprit divin ne nous fait regarder les commencemens que pour parvenir a la fin, et ne nous fait res-jouir des fleurs du primtems que pour la pretention de jouir des fruitz de l'esté et de l'automne..

  A005000369 

 Or, en cette sorte d'inspirations il faut observer les regles que nous avons donnees pour les desirs en nostre Introduction: il ne faut pas vouloir suivre plusieurs exercices a la fois et tout a coup, car souvent l'ennemi tasche de nous faire entreprendre et commencer plusieurs desseins, affin qu'accablés de trop de besoigne nous n'achevions rien et laissions tout imparfait.

  A005000371 

 Les animaux sacrés d'Ezechiel alloyent ou l'impetuosité de l'esprit les portoit, et ne se retournoyent point en marchant, mais un chacun s'avançoit, cheminant devant sa face: il faut aller ou l'inspiration nous pousse, et ne point se revirer ni retourner en arriere, ains marcher du costé ou Dieu a contournee nostre face, sans changer de visee.

  A005000372 

 Ainsy nostre ennemy voyant un homme qui, inspiré de Dieu, entreprend une profession et maniere de vie propre a son avancement en l'amour celeste, il luy persuade de prendre une autre voye, de plus grande perfection en apparence, et l'ayant desvoyé de son premier chemin il luy rend petit a petit impossible la suite du second, et luy en propose un troisiesme, affin que l'occupant en la recherche continuelle de divers et nouveaux moyens pour se perfectionner, il l'empesche d'en employer aucun, et par consequent de parvenir a la fin pour laquelle il les cherche, qui est la perfection.

  A005000372 

 Les jeunes chiens a tous rencontres quittent la meute et tirent au change; mais les vieux, qui sont sages, ne prennent jamais le change, ains suyvent tous-jours les erres sur lesquelles ilz sont.

  A005000372 

 Qu'un chacun donq ayant treuvé la tressainte volonté de Dieu en sa vocation, demeure saintement et amoureusement en icelle, y prattiquant les exercices convenables, selon l'ordre de la discretion et avec le zele de la perfection.

  A005000376 

 Il se faut donq comporter ainsy, Theotime, es inspirations qui ne sont extraordinaires que d'autant qu'elles nous incitent a prattiquer avec une extraordinaire ferveur et perfection les exercices ordinaires du Chrestien; mais il y a d'autres inspirations que l'on appelle extraordinaires, non seulement parce qu'elles font avancer l'ame au dela du train ordinaire, mais aussi parce qu'elles la portent a des actions contraires aux lois, regles et coustumes communes de la tressainte Eglise, et qui partant sont plus admirables qu'imitables..

  A005000377 

 La sainte damoyselle que les historiens appellent Eusebe l'Estrangere quitta Rome, sa patrie, et s'habillant en garçon, avec deux autres filles, s'embarqua pour aller outre mer et passa en Alexandrie, et de la en l'isle de Co; ou se voyant en asseurance, elle reprint les habitz de son sexe, et se remettant sur mer elle alla au païs de Carie, en la ville de Milassa, ou le grand Paul, qui l'avoit treuvee en Co et l'avoit prise sous sa conduite spirituelle, la mena, et ou par apres estant devenu Evesque, il la gouverna si saintement qu'elle dressa un monastere et s'employa au service de l'Eglise, en l'office qu'en ce tems la on appelloit de diacresse, avec tant de charité qu'elle mourut en fin toute sainte, [98] et fut reconneüe pour telle par une grande multitude de miracles que Dieu fit par ses reliques et intercessions.

  A005000377 

 Les paroles du Saint n'eussent pas eu cette force, selon leur portee ordinaire, si Dieu n'y eust adjousté son inspiration: mais inspiration si extraordinaire qu'on croiroit que ce fut plustost une tentation, si le miracle de la reunion de ce pied coupé, fait par la benediction du Saint, ne l'eust authorisee..

  A005000378 

 Saint Jean, Evesque, surnommé le Silentiaire, quittant son evesché a l'insceu de tout son clergé, alla passer le reste de ses jours au monastere de Laura, sans qu'on peust onques avoir de ses nouvelles: cela n'estoit ce pas contre les regles de la tressainte residence? Et le grand saint Paulin, qui se vendit pour racheter l'enfant d'une pauvre vefve, comme le pouvoit il faire selon les lois ordinaires, puisqu'il n'estoit pas sien, ains a son Eglise et au public, par la consecration episcopale? Ces filles et femmes qui, poursuivies pour leur beauté, desfigurerent leurs visages par des blesseures volontaires affin de garder [99] leur chasteté sous la faveur d'une sainte laideur, ne faisoyent elles pas chose, ce semble, defendue?.

  A005000379 

 Ainsy les serviteurs de Dieu qui ont eu les plus hautes et relevees inspirarations, ont esté les plus doux et paisibles de l'univers: Abraham, Isaac, Jacob; Moyse est qualifié le plus debonnaire d'entre tous les hommes; David est recommandé par sa mansuetude..

  A005000379 

 Et bien qu'elle soit belliqueuse et guerriere, si est ce que tout ensemble elle est tellement paisible, qu'emmi les armees et batailles elle continue les accors d'une melodie nompareille: Que verres-vous, dit elle, en la Sulamite sinon les chœurs des armees? Ses armees sont des chœurs, c'est a dire des accors des chantres; et ses chœurs sont des armees, parce que les armes de l'Eglise et de l'ame devote ne sont autre chose que les oraysons, les hymnes, cantiques et pseaumes.

  A005000379 

 Il vient comme un vent impetueux et comme un foudre celeste, mais il ne renverse point les Apostres, il ne les trouble point; la frayeur qu'ilz reçoivent de son bruit est momentanee et se treuve soudain suivie d'une douce asseurance: c'est pourquoy ce feu s'assied sur un chacun d'iceux, comme y prenant et donnant son sacré repos.

  A005000379 

 Or, une des meilleures marques de la bonté de toutes les inspirations, et particulierement des extraordinaires, c'est la paix et tranquillité du cœur qui les reçoit; car l'Esprit divin est voirement violent, mais d'une violence douce, suave et paisible.

  A005000380 

 Au contraire, l'esprit malin est turbulent, aspre, remuant; et ceux qui suivent ses suggestions infernales, cuydans que ce soyent inspirations celestes, sont ordinairement connoissables parce qu'ilz sont inquietz, testus, fiers, entrepreneurs et remueurs d'affaires; qui [100] sous le pretexte de zele renversent tout sans dessus dessous, censurent tout le monde, tancent un chacun, blasment toutes les choses; gens sans conduite, sans condescendance, qui ne supportent rien, exerçans les passions de l'amour propre sous le nom de la jalousie de l'honneur divin..

  A005000385 

 Car lhors que les hermites espars parmi les desertz voysins d'Antioche sceurent la vie extraordinaire qu'il faysoit sur sa colomne, en laquelle il sembloit estre ou un Ange terrestre ou un homme celeste, ilz luy envoyerent un deputé d'entr'eux, auquel ilz donnerent ordre de luy parler de leur part en cette sorte: «Pourquoy est-ce, Simeon, que laissant le grand chemin de la vie devote, frayé par tant de grans et saintz devanciers, vous en suives un autre, inconneu aux hommes et tant esloigné de tout ce qui a esté veu et ouï jusques a present? Quittés, Simeon, cette colomne, et rangés-vous meshui avec les autres a la façon de vivre et a la methode de servir Dieu usitee par les bons Peres predecesseurs.» Que si Simeon acquiesçoit a leur advis, et pour condescendre a leur volonté se monstroit prompt a vouloir descendre, ilz donnerent charge au deputé de luy laisser la liberté de perseverer en ce genre de vie ja commencee, d'autant que par son obeissance, disoyent ces bons Peres, on pourra bien connoistre qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine; mais, si, au contraire, il resistoit, et que mesprisant leur exhortation il voulust suivre sa propre volonté, ilz resolurent qu'il le failloit retirer par force et luy faire abandonner sa colomne.

  A005000386 

 Ainsy cet oyseau de paradis, vivant-en l'air sans toucher terre, fut un spectacle d'amour pour les Anges et d'admiration pour les humains.

  A005000386 

 Mays voyés, Theotime, je vous prie, comme ces anciens et saintz anachoretes, en leur assemblee generale, ne treuvent point de marque plus asseuree de l'inspiration celeste, en un sujet si extraordinaire comme fut la vie de ce saint Stylite, que de le voir simple, doux et maniable sous les lois de la tressainte obeissance [102].

  A005000387 

 En somme, les trois meilleures et plus asseurees marques des legitimes inspirations sont: la perseverance, contre l'inconstance et legereté; la paix et douceur de cœur, contre les inquietudes et empressemens; l'humble obeissance, contre l'opiniastreté et bigearrerie..

  A005000387 

 Saint François, saint Dominique et les autres Peres des Ordres religieux vindrent au service des ames par une inspiration extraordinaire; mais ilz se sousmirent d'autant plus humblement et cordialement a la sacree hierarchie de l'Eglise.

  A005000387 

 Tous les prophetes et predicateurs qui ont esté inspirés de Dieu ont tous-jours aymé l'Eglise, tous-jours adheré a sa doctrine, tous-jours aussi esté appreuvés par icelle, et n'ont jamais rien annoncé si fortement que cette verité, que les levres du prestre gardoyent la science, et qu'on devoit requerir la loy de sa bouche: de sorte que les missions extraordinaires sont des illusions diaboliques, et non des inspirations celestes, si elles ne sont reconneües et appreuvees par les pasteurs qui sont de la mission ordinaire; car ainsy s'accordent Moyse et les Prophetes.

  A005000388 

 De mesme, tous les esleuz tournent la fleur de leur cœur, qui est l'obeissance aux commandemens, du costé de la volonté divine; mais les ames vivement esprises du saint amour ne regardent pas seulement cette divine Bonté par l'obeissance aux commandemens, ains aussi par l'union de toutes leurs affections, suivans le contour de ce divin Soleil en tout ce qu'il leur commande, conseille et inspire, sans reserve ni exception quelcomque.

  A005000388 

 Et pour conclure tout ce que nous avons dit de l'union de nostre volonté a celle de Dieu qu'on appelle signifiee, presque toutes les herbes qui ont les fleurs jaunes, et mesme la cicoree sauvage qui les a bleues, les tournent tous-jours du costé du soleil et suivent ainsy son contour; mais l' heliotropium ne contourne pas seulement ses fleurs, ains encor toutes ses feuilles, a la suite de ce grand luminaire.

  A005000393 

 Car l'ennemi en toutes occurrences les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles facent une chose plustost qu'une autre: comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec l'ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habitz gris ou noirs, qu'elles jeusnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent a la recreation ou qu'elles s'en abstiennent; en quoy elles consument beaucoup de tems, et tandis qu'elles s'occupent et embarrassent a vouloir discerner ce qui est meilleur, elles perdent inutilement le loysir de faire plusieurs biens, desquelz l'execution seroit plus a la gloire de Dieu que ne sçauroit estre le discernement du bien et du mieux auquel elles se sont amusees..

  A005000394 

 On n'a pas accoustumé de peser la menue monnoye, ains seulement les pieces d'importance; le traffiq seroit trop ennuyeux et mangeroit trop de tems s'il failloit peser les solz, les liars, les deniers et les pittes: ainsy [105] ne doit on pas peser toutes sortes de menues actions pour sçavoir si elles valent mieux que les autres.

  A005000395 

 Le choix de la vocation, le dessein de quelque affaire de grande consequence, de quelque œuvre de longue haleyne, ou de quelque despence bien grande, le changement de sejour, l'election des conversations, et telles semblables choses meritent qu'on pense serieusement ce qui est plus selon la volonté divine; mais es menues actions journalieres, esquelles mesme la faute n'est ni de consequence ni irreparable, qu'est il besoin de faire l'embesoigné, l'attentif et l'empesché a faire des importunes consultations? A quel propos me mettray-je en despence pour apprendre si Dieu ayme mieux que je die le Rosaire ou l'Office de Nostre Dame, puisqu'il ne sçauroit y avoir tant de difference entre l'un et l'autre qu'il faille pour cela faire une grande enqueste? que j'aille plustost a l'hospital visiter les malades qu'a Vespres? que j'aille plustost au sermon qu'en une eglise ou il y a indulgence? Il n'y a rien, pour l'ordinaire, de si apparemment remarquable en l'un plus qu'en l'autre, qu'il faille pour cela entrer en grande deliberation.

  A005000396 

 Et bien que les difficultés, tentations et diversités d'evenemens qui se rencontrent au progres de l'execution de nostre dessein, nous pourroyent donner quelque desfiance d'avoir bien choysi, il faut neanmoins demeurer ferme et ne point regarder tout cela, ains considerer que si nous eussions fait un autre choix nous eussions peut estre treuvé cent fois pis, outre que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercés en la consolation ou en la tribulation, en la paix ou en la guerre.

  A005000404 

 Rien ne se fait, hormis le peché, que par la volonté de Dieu qu'on appelle volonté absolue et de bon playsir, que personne ne peut empescher, et laquelle ne nous est point conneüe que par les effectz, qui, estans arrivés, nous manifestent que Dieu les a voulus et desseignés..

  A005000405 

 Et de la nous passerons a la tressainte complaysançe, nous res-jouissans dequoy Dieu est si infini en sagesse, puissance et bonté, qui sont les trois proprietés divines desquelles l'univers n'est qu'un petit essay et comme une monstre..

  A005000406 

 Voyons les hommes et les Anges, et toute cette varieté de nature, de qualités, conditions, facultés, affections, passions, graces et privileges que la supreme Providence a establie en la multitude innombrable de ces intelligences celestes et des personnes humaines, esquelles est si admirablement exercee la justice et misericorde divine; et nous ne pourrons nous contenir de chanter avec une joye pleine de respect et de crainte amoureuse:.

  A005000414 

 Ainsy la mort, les afflictions, les sueurs, les travaux, dont nostre vie abonde, qui par la [110] juste ordonnance de Dieu sont les peynes du peché, sont aussi, par sa douce misericorde, des eschellons pour monter au Ciel, des moyens pour proffiter en la grace et des merites pour obtenir la gloire.

  A005000414 

 Bienheureuses sont la pauvreté, la faim, la soif, la tristesse, la maladie, la mort, la persecution; car ce sont voirement des equitables punitions de nos fautes, mais punitions tellement trempees et, comme parlent les medecins, tellement aromatisees de la suavité, debonnaireté et clemence divine, que leur amertume est tres aymable.

  A005000414 

 Chose estrange mais veritable, Theotime: si les damnés n'estoyent aveuglés de leur obstination et de la hayne qu'ilz ont contre Dieu, ilz treuveroyent de la consolation en leurs peynes, et verroyent la misericorde divine admirablement meslee avec les flammes qui les bruslent eternellement.

  A005000414 

 Mais d'autant que les effectz de sa justice nous sont aspres et pleins d'amertume, il les adoucit tous-jours par le meslange de ceux de sa misericorde, et fait qu'emmi les eaux du deluge de sa juste indignation, l'olive verdoyante soit conservee, et que l'ame devote, comme une chaste colombe, l'y puisse en fin treuver, si toutefois elle veut bien amoureusement mediter a la façon des colombes.

  A005000414 

 Si que les Saintz, considerans d'une part les tourmens des damnés, si horribles et effroyables, ilz en louent la justice divine et s'escrient:.

  A005000419 

 mays voyans d'autre part que ces peynes, quoy qu'eternelles et incomprehensibles, sont toutefois moindres de beaucoup que les coulpes et crimes pour lesquelz elles sont infligees, ravis de l'infinie misericorde de Dieu: O Seigneur, diront ilz, que vous estes bon, puisqu'au plus fort de vostre ire vous ne pouves contenir le torrent de vos misericordes qu'elles n'escoulent leurs eaux dans les impiteuses flammes de l'enfer!.

  A005000422 

 Non pas mesme jettant les damnés dans la flamme.

  A005000425 

 De respandre les traitz de sa compassion.

  A005000426 

 Emmi les justes coups de la punition..

  A005000428 

 Ouy, Seigneur, vostre volonté soit faite en la terre, ou nous n'avons point de playsir sans meslange de quelque douleur, point de roses sans espines, point de jour sans la suite d'une nuit, point de primtems sans qu'il soit precedé de l'hyver; en la terre, Seigneur, ou les consolations sont rares et les travaux innombrables.

  A005000428 

 Venons par apres a nous mesmes en particulier, et voyons une quantité de biens interieurs et exterieurs, [111] comme aussi un nombre tres grand de peynes interieures et exterieures que la Providence divine nous a preparees, selon sa tressainte justice et misericorde; et, comme ouvrans les bras de nostre consentement, embrassons tout cela tres amoureusement, acquiesçans a sa tressainte volonté, et chantans a Dieu, par maniere d'un hymne d'eternel acquiescement: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000432 

 Combien de fois nous est il arrivé d'avoir a contrecœur les remedes et medicamens tandis que le medecin ou l'apothicaire les presentoit, et que nous estans offertz par quelque main bienaymee, l'amour surmontant l'horreur, nous les recevions avec joye? Certes, ou l'amour oste l'aspreté du travail, ou il en rend le sentiment aymable.

  A005000432 

 Les afflictions sont comme cela: si nous les regardons hors de la volonté de Dieu, elles ont leur amertume naturelle; mais qui les considere en ce bon playsir eternel, elles sont toutes d'or, aymables et pretieuses plus qu'il ne se peut dire..

  A005000432 

 Les peynes considerees en elles mesmes ne peuvent certes estre aymees, mais regardees en leur origine, c'est a dire en la providence et volonté divine qui les ordonne, elles sont infiniment aymables.

  A005000432 

 On dit qu'en Beotie il y a un fleuve dans lequel les poissons paroissent.

  A005000432 

 Voyes la verge de Moyse en terre, c'est un serpent effroyable; voyes-la en la main de Moyse, c'est une baguette de merveilles: voyes les tribulations en elles mesmes, elles sont affreuses; voyes-les en la volonté de Dieu, elles sont [112] des amours et des delices.

  A005000433 

 Si les Martyrs eussent veu leurs tourmens hors ce bon playsir, comment eussent ilz peu chanter entre les fers et les flammes? Le cœur vrayement amoureux ayme le bon playsir divin, non seulement es consolations mais aussi es afflictions; ains il l'ayme plus en la croix, es peynes et travaux, parce que c'est la principale vertu de l'amour de faire souffrir l'amant pour la chose aymee..

  A005000434 

 Les Stoïciens, particulierement le bon Epictete, colloquoyent toute leur philosophie a s'abstenir et soustenir, a se deporter et supporter: a s'abstenir et se deporter [113] des playsirs, voluptés et honneurs terrestres; a soustenir et supporter les injures, travaux et incommodités.

  A005000435 

 Aymer les souffrances et afflictions pour l'amour de Dieu, c'est le haut point de la tressainte charité; car en cela il n'y a rien d'aymable que la seule volonté divine, il y a une grande contradiction de la part de nostre nature, et non seulement on quitte toutes les voluptés, mais on embrasse les tourmens et travaux..

  A005000436 

 Et pour les rendre extremes, il les composa de la perte de tous ses biens et de tous ses enfans, de l'abandonnement de tous ses amis, d'une arrogante contradiction de ses plus grans confederés et de sa femme; mais contradiction pleine de mespris, moqueries et reproches: a quoy il adjousta l'assemblage de presque toutes les maladies humaines, notamment une playe universelle, cruelle, puante, horrible..

  A005000437 

 Les biens sont volontier receus de tous, mais de recevoir les maux il n'appartient qu'a l'amour parfait, qui les ayme d'autant plus qu'ilz ne sont aymables que pour le respect de la main qui les donne..

  A005000437 

 Or, voyla toutefois le grand Job, comme roy des miserables de la terre, assis sur un fumier comme sur le throsne de la misere, paré de playes, d'ulceres, de pourriture, comme de vestemens royaux assortissans a la qualité de sa royauté, avec une si grande abjection et aneantissement que, s'il n'eust parlé, on ne pouvoit discerner si Job estoit un homme reduit en fumier, ou si le fumier estoit une pourriture en forme d'homme; or, le voyla, dis-je, le grand Job, qui s'escrie: Si nous avons receu des biens de la main de Dieu, pourquoy n'en recevrons nous pas aussi bien les maux? O Dieu, que cette parole est de grand amour! Il pese, Theotime, que c'est de la main de Dieu qu'il a receu les biens, tesmoignant qu'il n'avoit pas tant estimé les biens parce qu'ilz estoyent biens, comme parce qu'ilz provenoyent de la main du Seigneur: ce qu'estant ainsy, il conclud que donques il faut supporter amoureusement les adversités, puisqu'elles procedent de la mesme main du Seigneur, esgalement aymable lhors qu'elle distribue les afflictions comme quand elle donne les consolations.

  A005000438 

 Ainsy, certes, l'amour voulant aller a la volonté de Dieu parmi les consolations, il va tous-jours en [115] crainte, de peur de prendre le change, et qu'en lieu d'aymer le bon playsir de Dieu il n'ayme le playsir propre qui est en la consolation; mais l'amour qui tire chemin devers la volonté de Dieu en l'affliction, il marche en asseurance, car l'affliction n'estant nullement aymable en elle mesme, il est bien aysé de ne l'aymer que pour le respect de là main qui la donne.

  A005000438 

 Les chiens sont a tous coups en defaut au primtems, et n'ont quasi nul sentiment, parce que les herbes et fleurs poussent alhors si fortement leur senteur qu'elle outrepasse celle du cerf ou du lievre: parmi le primtems des consolations l'amour n'a presque nulle reconnoissance du bon playsir de Dieu, parce que le playsir sensible de la consolation jette tant d'attraitz dedans le cœur, qu'il en est diverti de l'attention qu'il devroit avoir a la volonté de Dieu.

  A005000442 

 Mays l'amour est alhors en son excellence quand nous ne recevons pas seulement avec douceur et patience les afflictions, ains nous les cherissons, nous les aymons et les caressons, a cause du bon playsir divin duquel elles procedent..

  A005000442 

 Toutefois il l'est encor davantage quand nous [116] recevons avec patience, doucement et aggreablement, les peynes, tourmens et tribulations, en consideration de la volonté divine qui nous les envoye.

  A005000443 

 Et c'est l'importance, que l'ame fait cette resignation parmi tant de trouble, entre tant de contradictions et repugnances, qu'elle ne s'apperçoit presque pas de la faire; au moins il luy est advis que c'est si languidement, que ce ne soit pas de bon cœur ni comme il est [117] convenable: puisque ce qui se passe alhors pour le bon playsir divin se fait non seulement sans playsir et contentement, mays contre tout le playsir et contentement de tout le reste du cœur; auquel l'amour permet bien de se plaindre, au moins de ce qu'il ne se peut pas plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job et de Hieremie, mais a la charge que tous-jours le sacré acquiescement se fasse dans le fond de l'ame, en la supreme et plus delicate pointe de l'esprit.

  A005000443 

 Or, entre tous les essays de l'amour parfait, celuy qui se fait par l'acquiescement de l'esprit aux tribulations spirituelles est sans doute le plus fin et le plus relevé.

  A005000444 

 Job en ses travaux fait l'acte de resignation: Si nous avons receu les biens, dit il, de la main de Dieu, pourquoy ne soustiendrons nous les peynes et travaux qu'il nous envoye? Voyés, Theotime, qu'il parle de soustenir, supporter et endurer.

  A005000448 

 Certes, le cœur le plus indifferent du monde peut estre touché de quelque affection tandis qu'il ne sçait encor pas ou est la volonté de Dieu: Eliezer, estant arrivé a la fontaine de Haran, vid bien la vierge Rebecca et la treuva sans doute trop plus belle et aggreable; mais pourtant il demeura en indifference jusques a ce que, par le signe que Dieu luy avoit inspiré, il conneut que la volonté divine l'avoit preparee au filz de son maistre, car alhors il luy donna les pendans d'aureilles et les brasseletz d'or.

  A005000450 

 En quoy il fut imité par le grand Evesque saint Martin qui, parvenu a la fin de sa vie, pressé d'un extreme desir d'aller a son Dieu, ne laissa pas pourtant de tesmoigner qu'il demeureroit aussi volontier entre les travaux de sa charge pour le bien de son cher troupeau; comme si apres avoir chanté ce cantique:.

  A005000461 

 il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?.

  A005000462 

 La volonté de Dieu est en la modestie exercee entre les consolations, et en la patience prattiquee entre les tribulations; l'indifferent prefere celle-cy, car il y a plus de la volonté de Dieu..

  A005000462 

 Le cœur indifferent est comme une boule de cire entre les mains de son Dieu, pour recevoir semblablement toutes les impressions du bon playsir eternel; un cœur sans choix, egalement disposé a tout, sans aucun autre object de sa volonté que la volonté de son Dieu; qui ne met point son amour es choses que Dieu veut ains en la volonté de Dieu qui les veut: c'est pourquoy, quand la volonté de Dieu est en plusieurs choses, il choysit, a quel prix que ce soit, celle ou il y en a plus.

  A005000467 

 L'indifference se doit prattiquer es choses qui regardent la vie naturelle, comme la santé, la maladie, la beauté, la laideur, la foiblesse, la force; es choses de la vie civile, pour les honneurs, rangs, richesses; es varietés de la vie spirituelle, comme secheresses, consolations, goustz, aridités; es actions, es souffrances, et en somme en toutes sortes d'evenemens..

  A005000468 

 Le grand Apostre nous annonce une generale indifference, pour nous monstrer vrays serviteurs de Dieu, en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blesseures, es prisons, es seditions, es travaux, [122] es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité et suavité au Saint Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; far les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et par l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables; comme inconneus, et toutefois reconneus; comme mourans, et toutefois vivans; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005000469 

 Et parmi tout cela, o Dieu, quelle indifference! leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté est riche, leurs mortz sont vitales et leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, revigorés de vivre entre les perilz de la mort et glorieux d'estre avilis, parce que telle estoit la volonté de Dieu.

  A005000469 

 Voyes, je vous prie, Theotime, comme la vie des Apostres estoit affligee, selon le cors par les blesseures, selon le cœur par les angoisses, selon le monde par l'infamie et les prisons.

  A005000470 

 Ainsy nostre divin Sauveur fut affligé incomparablement en sa vie civile, condamné comme criminel de leze majesté divine et humaine, battu, foüetté, baffoüé et tourmenté, avec une ignominie extraordinaire; en sa vie naturelle, mourant entre les plus cruelz et sensibles tourmens que l'on puisse imaginer; en sa vie spirituelle, souffrant des tristesses, craintes, espouvantemens, angoisses, delaissemens et oppressions interieures qui n'en eurent ni n'en auront jamais de pareilles.

  A005000471 

 O que bienheureux est l'amour qui regne dans la cime de l'esprit des fideles, tandis qu'ilz sont entre les vagues et les flotz des tribulations interieures! [124].

  A005000471 

 On dit que le poisson qu'on appelle lanterne de mer, au plus fort des tempestes tient sa langue hors des ondes, laquelle est si fort luisante, rayonnante et claire, qu'elle sert de phare et flambeau aux nochers; ainsy, emmi la mer des passions dont Nostre Seigneur fut accablé, toutes les facultés de son ame demeurerent comme englouties et ensevelies dans la tourmente de tant de peynes, hormis la pointe de l'esprit, qui, exempte de tout travail, estoit toute claire et resplendissante de gloire et felicité.

  A005000475 

 On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance..

  A005000476 

 Ma mere ou moy mesme (car c'est tout un) sommes au lit malade: que sçay-je si Dieu veut que la mort s'en ensuive? Certes, je n'en sçay rien; mays je sçay bien pourtant, qu'en attendant l'evenement que son bon playsir a ordonné, il veut, par la volonté declairee, que j'employe les remedes convenables a la guerison: je le feray donq fidelement, sans rien oublier de ce que bonnement je pourray contribuer a cette intention.

  A005000479 

 Saint François va en Egypte pour y convertir les infideles ou mourir martyr entre les infideles; telle fut la volonté de Dieu: il revient neanmoins sans avoir fait ni l'un ni l'autre, et [126] telle fut aussi la volonté de Dieu.

  A005000480 

 O que bienheureuses sont telles ames, hardies et fortes aux entreprises que Dieu leur inspire, souples et douces a les quitter quand Dieu en dispose ainsy! Ce sont des traitz d'une indifference tres parfaite, de cesser de faire un bien quand il plait a Dieu, et de s'en retourner de moitié chemin quand la volonté de Dieu, qui est nostre guide, l'ordonne.

  A005000481 

 Ayes soin de luy, fut il dit au maistre d'estable, en la parabole du pauvre homme mi mort entre Hierusalem et Hierico; «il n'est pas dit,» remarque saint Bernard, «gueris-le, mais, ayes soin de luy.» Ainsy les Apostres, avec une affection nompareille, prescherent premierement aux Juifz, bien qu'ilz sceussent qu'en fin il les faudroit quitter, comme une terre infructueuse, et se retourner du costé des Gentilz.

  A005000481 

 Le grand Psalmiste fait cette priere au Sauveur, comme par une acclamation de joye et de presage de victoire: O Seigneur, par vostre beauté et bonne grace, bandes vostre arc, marches heureusement et montes a cheval; comme s'il vouloit dire que par les traitz de son saint amour, descochés dans les cœurs humains, il se rendroit maistre des hommes pour les manier a son gré, tout ainsy qu'un cheval bien dressé.

  A005000481 

 Mais si cela est ainsy, il ne faudra donq rien affectionner, ains laisser les affaires a la mercy des evenemens? Pardonnés-moy, Theotime, il ne faut rien oublier de tout ce qui est requis pour faire bien reuscir les entreprises que Dieu nous met en main, mais a la charge que si l'evenement est contraire nous le recevrons doucement et tranquillement; car nous avons commandement d'avoir un grand soin des choses qui regardent la gloire de Dieu et qui sont en nostre charge, mais nous ne sommes pas obligés ni chargés de l'evenement, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A005000481 

 O Seigneur, vous estes le chevalier royal qui tournes a toutes mains les espritz de vos fideles amans: vous les pousses quelquefois a toute bride, et ilz courent a toute outrance es entreprises que vous leur inspires; et puis, quand il vous semble bon, vous les faites parer au milieu de la carriere, au plus fort de leur course.

  A005000482 

 Ainsy Dieu ne fut pas cause que David pecha, mais il luy infligea bien la peyne deüe a son peché; il ne fut pas la cause du peché de Saül, mais ouï bien qu'en punition la victoire perit entre les mains d'iceluy..

  A005000483 

 Quand donques il arrive que les desseins sacrés ne reuscissent pas, en punition de nos fautes, il faut egalement detester la faute par une solide repentance, et accepter la peyne que nous en avons; car, comme le peché est contre la volonté de Dieu, aussi la peyne est selon sa volonté..

  A005000487 

 Dieu nous a ordonné de faire tout ce que nous pourrons pour acquerir les saintes vertus, n'oublions donq rien pour bien reuscir de cette sainte entreprise; mais apres que nous aurons planté et arrousé, sçachons que c'est a Dieu de donner l'accroissement aux arbres de nos bonnes inclinations et habitudes: [129] c'est pourquoy il faut attendre le fruit de nos desirs et travaux de sa divine providence.

  A005000487 

 Ne nous inquietons point pour nous voir tous-jours novices en l'exercice des vertus; car, au monastere de la vie devote, chacun s'estime tous-jours novice, et toute la vie y est destinee a la probation, n'y ayant point de plus evidente marque d'estre non seulement novice, mais digne d'expulsion et reprobation, que de penser et se tenir pour profés: car selon la regle de cet ordre la, non la solemnité, mais l'accomplissement des vœux rend les novices profés; or les vœux ne sont jamais accomplis tandis qu'il y a quelque chose a faire pour l'observance d'iceux, et l'obligation de servir Dieu et faire progres en son amour dure tous-jours jusques a la mort..

  A005000488 

 Voire mais, me dira quelqu'un, si je connois que c'est par ma faute que mon avancement es vertus est retardé, comme pourray-je m'empescher de m'en attrister et inquieter? J'ay dit cecy en l' Introduction a la Vie devote, mais je le redis volontier parce qu'il ne peut jamais asses estre dit: il se faut attrister pour les fautes commises, d'une repentance forte, rassise, constante, tranquille, mais non turbulente, non inquiete, non descouragee.

  A005000489 

 Helas, mon Theotime, les ames qui sont en Purgatoire y sont sans doute pour leurs pechés, pechés qu'elles ont detesté et detestent souverainement; mais quant a l'abjection et peyne qui leur en reste, d'estre arrestees en ce lieu la et privees pour un tems de la jouissance de l'amour bienheureux du Paradis, elles la souffrent amoureusement, et prononcent devotement le cantique de la justice divine: Vous estes juste, Seigneur, et vostre jugement equitable.

  A005000490 

 Et cependant, Theotime, ce n'est pas l'amour celeste qui fait ce trouble, car il ne se fasche que pour le peché; c'est nostre amour propre, qui voudroit que [131] nous fussions exemptz de la peyne et du travail que les assautz de l'ire nous donnent: ce n'est pas la coulpe qui nous desplait en ces eslans de la cholere, car il n'y a du tout point de peché; c'est la peyne d'y resister qui nous inquiete..

  A005000490 

 Neanmoins elle est encor sujette aux assautz et premiers mouvemens de cette passion, qui sont certains eslans, esbranlemens et saillies du cœur irrité, que la paraphrase Caldaïque appelle tremoussemens, disant: Tremousses, et ne veuilles point pecher, ou nostre sacree version a dit: Courrouces-vous, et ne veuilles point pecher; qui est en effect une mesme chose, car le Prophete ne veut dire sinon que si le courroux nous surprend, excitant en nos cœurs les premiers tremoussemens de la cholere, nous nous gardions bien de nous laisser emporter plus avant en cette passion, d'autant que nous pecherions.

  A005000490 

 Voyés cette bonne ame, je vous prie: elle a grandement desiré et tasché de s'affranchir de la cholere, en quoy Dieu l'a favorisee, car il l'a rendue quitte de tous les pechés qui procedent de la cholere; elle mourroit plustost que de dire un seul mot injurieux ou de lascher un seul trait de hayne.

  A005000491 

 C'est le Philistin que les vrays Israëlistes doivent tous-jours combattre, sans que jamais ilz le puissent abbattre: ilz le peuvent affoiblir, mais non pas aneantir; il ne meurt jamais qu'avec nous, et vit tous-jours avec nous.

  A005000492 

 Et remarques en fin, que non seulement nous ne devons pas nous inquieter en nos tentations ni en nos infirmités, mais nous devons nous glorifier d'estre infirmes, affin que la vertu divine paroisse en nous, soustenant nostre foiblesse contre l'effort de la suggestion et tentation: car le glorieux Apostre appelle ses infirmités, les eslans et rejettons d'impureté qu'il sentoit, et dit qu'il se glorifioit en icelles, parce que si bien il les sentoit par sa misere, neanmoins, par la misericorde de Dieu, il n'y consentoit pas..

  A005000492 

 Mais remarques, de grace, que la rebellion sensuelle est en cet admirable vaysseau d'election, lequel, recourant au remede de l'orayson, nous monstre qu'il nous faut combattre par ce mesme moyen les tentations que nous sentons.

  A005000493 

 Dieu veut que nous ayons des ennemis, Dieu veut que nous les repoussions: vivons donq courageusement entre l'une et l'autre volonté divine, souffrans avec patience d'estre assaillis, et taschans avec vaillance de faire teste et resister aux assaillans.

  A005000497 

 Adorons donq et benissons cette sainte permission: mais puisque la Providence qui permet le peché le hait infiniment, detestons-le avec elle, haïssons-le, desirans de tout nostre pouvoir que le peché permis ne soit point commis; et en suite de ce desir, employons tous les remedes qu'il nous sera possible pour empescher la naissance, le progres et le regne du peché, a l'imitation de Nostre Seigneur qui ne cesse d'exhorter, promettre, menasser, defendre, commander et inspirer parmi nous, pour destourner nostre volonté du peché, entant qu'il se peut faire sans luy oster sa liberté..

  A005000497 

 Dieu hait souverainement le peché, et neanmoins il le permet tres sagement, pour laisser agir la creature raysonnable selon la condition de sa nature, et rendre les bons plus recommandables, quand, pouvans violer la loy, ilz ne la violent pas.

  A005000498 

 Cette affection toucha si vivement David qu'il en tumba a coeur failli: La pasmayson, [134] dit-il, m'a saisi pour les pecheurs abandonnans vostre loy; et le grand Apostre proteste qu'il a au cœur une douleur continuelle pour l'obstination des Juifz..

  A005000498 

 Que si le pecheur s'obstine, pleurons, Theotime, souspirons, prions pour luy, avec le Sauveur de nos ames, qui, ayant jetté maintes larmes toute sa vie sur les pecheurs et sur ceux qui les representoyent, mourut en fin les yeux couvertz de pleurs et son cors tout detrempé de sang, regrettant la perte des pecheurs.

  A005000499 

 Cependant, pour obstinés que les pecheurs puissent estre, ne perdons pas courage de les ayder et servir; car, que sçavons nous si par aventure ilz feront penitence et seront sauvés? Bienheureux est celuy qui peut dire a ses prochains comme saint Paul: Je n'ay cessé ni jour ni nuit en vous admonestant un chacun de vous avec larmes; et partant je suis net du sang de tous, car je ne me suis point espargné que je ne vous aye annoncé tout le bon playsir de Dieu.

  A005000499 

 Tandis que nous sommes dans les bornes de l'esperance que le pecheur se puisse amender, qui sont tous-jours de mesme estendue que celles de sa vie, il ne faut jamais le rejetter, ains prier pour luy, et l'ayder autant que son malheur le permettra..

  A005000500 

 Car on ne sçauroit s'amuser a pleurer trop longuement les uns, que ce ne fust en perdant le tems propre et requis a procurer le salut des autres.

  A005000500 

 Il failloit, disent les Apostres aux Juifz, vous annoncer premierement la parole de Dieu; mais d'autant que vous la rejettes et vous tenes pour indignes du regne de Jesus Christ, voyci que nous nous retournons du costé des Gentilz; On vous ostera, dit le Sauveur, le Royaume de Dieu, et il sera donné a une nation qui en fera du fruit.

  A005000500 

 Mais, en fin finale, apres que nous avons pleuré sur les obstinés et que nous leur avons rendu le devoir de charité pour essayer de les retirer de perdition, il faut imiter Nostre Seigneur et les Apostres, c'est a dire, divertir nostre esprit de la, et le retourner sur des autres objectz et a d'autres occupations plus utiles a la gloire de Dieu.

  A005000501 

 Ainsy le juste, qui chante les louanges de la misericorde pour ceux qui seront sauvés, se res-jouira de mesme quand il verra la vengeance les Bienheureux appreuveront avec allegresse le jugement de la damnation des repreuvés, comme celuy du salut des esleuz; et les Anges ayans exercé leur charité envers les hommes qu'ilz ont en garde, demeureront en paix les voyans obstinés ou mesmes damnés.

  A005000514 

 Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy.

  A005000514 

 Certes, le cœur humain est le vray chantre du cantique de l'amour sacré, et il est luy mesme la harpe et le psalterion: or ce chantre s'escoute soy mesme pour l'ordinaire, et prend un grand playsir d'ouïr la melodie de son cantique; c'est a dire, nostre cœur aymant Dieu savoure les delices de cet amour et prend un contentement nompareil d'aymer un object tant aymable.

  A005000514 

 Et c'est la le sujet du change; car en lieu d'aymer ce saint amour parce qu'il tend a Dieu qui est l'aymé, nous l'aymons parce qu'il procede de nous qui sommes les amans.

  A005000514 

 Voyés, je vous prie, Theotime, ce que je veux dire: les jeunes petitz rossignolz s'essayent de chanter au commencement pour imiter les grans; mais estans façonnés et devenus maistres, ilz chantent pour le playsir qu'ilz prennent en leur propre gazouillement, et s'affectionnent si passionement a cette delectation, ainsy que j'ay dit ailleurs, qu'a force de pousser leurs voix leur gosier s'esclatte, dont ilz meurent.

  A005000519 

 Les religieux voudroyent chanter le cantique des pasteurs, et les mariés celuy des religieux, affin, ce disent-ilz, de pouvoir mieux aymer et servir Dieu.

  A005000521 

 Helas, soudain que la suavité et satisfaction qu'il prenoit en l'amour cessera, et que les secheresses arriveront, il quittera tout la, il ne priera plus qu'en passant: or, si c'estoit Dieu qu'il aymoit, pourquoy eust-il cessé de l'aymer, puisque Dieu est tous-jours Dieu? c'estoit donq la consolation Dieu qu'il aymoit, et non le Dieu de consolation..

  A005000522 

 Mais telles gens sont exposés a beaucoup de danger, ou de retourner en arriere quand les goustz et consolations leur manquent, ou de s'amuser a des vaines suavités bien esloignees du veritable amour, et de prendre le miel d'Heraclee pour celuy de Narbonne.

  A005000522 

 Plusieurs, certes, ne se plaisent point en l'amour divin sinon qu'il soit confit au sucre de quelque suavité sensible, et feroyent volontier comme les petitz enfans, auxquelz quand on donne du miel sur un morceau de pain, ilz lechent et succent le miel et jettent par apres le pain: car si la suavité estoit separable de l'amour ilz quitteroyent l'amour et tireroyent la suavité; c'est pourquoy ilz suivent l'amour a cause de la suavité, laquelle quand ilz n'y rencontrent pas, ilz ne tiennent conte de l'amour.

  A005000528 

 La seule satisfaction d'un prince present, ou de quelque personne fortement aymee, fait delicieuses les veillees, les peynes, les sueurs, et rend les hazards desirables: mais il n'y a rien de si triste que de servir un maistre qui n'en sçait rien, ou s'il le sçait ne fait nul semblant d'en sçavoir gré; et faut bien, en ce cas la, que l'amour soit puissant, puisqu'il se soustient luy seul, sans estre appuyé d'aucun playsir ni d'aucune pretention..

  A005000530 

 Et bien qu'elle n'ait pas perdu le courage, elle est pourtant si terriblement attaquee, que si elle est sans coulpe elle n'est pas sans peyne: car, pour comble de son ennuy, elle est privee de la generale consolation que l'on a presque tous-jours en tous les autres maux de ce monde, qui est l'esperance qu'ilz ne seront pas perdurables et que l'on en verra la fin; si que le cœur en ces ennuis spirituelz, tumbe en une certaine impuissance de penser a leur fin, et par consequent d'estre allegé par l'esperance.

  A005000530 

 La foy, certes, residente en la cime de l'esprit, nous asseure bien que ce trouble finira et que nous jouirons un jour du repos; mais la grandeur du bruit et des cris que l'ennemi fait dans le reste de l'ame, en la rayson inferieure, empesche que les advis et remonstrances de la foy ne sont presque point entendues, et ne nous demeure en l'imagination que ce triste presage: «Helas! je ne seray jamais joyeux.».

  A005000535 

 Le grand saint Pierre estant a la veille d'estre martyrisé, l'Ange vint en la prison, qu'il remplit toute de splendeur, esveilla saint Pierre, le fit lever, ceindre, chausser, vestir; luy osta les liens et menottes, le tira hors de la prison, et le mena au travers de la premiere et seconde garde jusques a la porte de fer qui menoit en la ville, laquelle s'ouvrit devant eux; et ayans passé une rue, l'Ange laissa la le glorieux saint Pierre en pleine liberté.

  A005000536 

 C'est pourquoy le sacré Psalmiste exprime la grandeur de la consolation que les Israëlites eurent au retour de la captivité de Babylone, en ces paroles:.

  A005000536 

 Or il en est de mesme, Theotime, d'une ame qui est grandement chargee d'ennuis interieurs; car bien qu'elle ait le pouvoir de croire, d'esperer et d'aymer Dieu, et qu'en verité elle le fasse, toutefois elle n'a pas la force de bien discerner si elle croid, espere et cherit son Dieu, d'autant que la detresse l'occupe et accable si fort qu'elle ne peut faire aucun retour sur soy mesme pour voir ce qu'elle fait: et c'est pourquoy il luy est advis qu'elle n'a ni foy, ni esperance, ni charité, ains seulement des fantosmes et inutiles impressions de ces vertus la, qu'elle sent presque sans les sentir, et comme estrangeres, non comme domestiques de son ame.

  A005000536 

 Que si vous y prenes garde, vous treuveres que nos espritz sont tous-jours en pareil estat quand ilz sont puissamment occupés de quelque violente passion; car ilz font plusieurs actions comme en songe, et desquelles ilz ont si peu de sentiment qu'il ne leur est presque pas advis que ce soit en verité que les choses se passent.

  A005000543 

 et, comme porte la sainte version latine, apres les Septante: Nous fusmes faitz comme consolés; c'est a dire: l'admiration de la grandeur du bien qui nous arriva estoit si excessive qu'elle nous empeschoit de bien sentir la consolation que nous receusmes, et nous estoit advis que nous ne fussions pas veritablement consolés et que nous n'eussions pas une consolation en verité, ains seulement en figure et en songe..

  A005000544 

 Telz donques sont les sentimens de l'ame laquelle est entre les angoisses spirituelles, qui rendent l'amour extremement pur et net, car estant privé de tout playsir par lequel il puisse estre attaché a son Dieu, il nous joint et unit a Dieu immediatement, volonté a volonté, [147] cœur a cœur, sans aucune entremise de contentement ou pretention.

  A005000545 

 Car ainsy ce divin Sauveur, proche de sa mort et jettant les derniers souspirs, avec un grand cri et force larmes: Helas, dit-il, o mon Pere, je recommande mon esprit en vos mains; parole, Theotime, qui fut la derniere de toutes, et par laquelle le Filz bienaymé donna le souverain tesmoignage de son amour envers son Pere.

  A005000545 

 Le Filz recommanda son esprit au Pere en cette [148] derniere et incomparable detresse; et nous, lhors que les convulsions des peynes spirituelles nous ostent toute autre sorte d'allegemens et de moyens de resister, recommandons nostre esprit es mains de ce Filz eternel qui est nostre vray Pere, et baissant la teste de nostre acquiescement a son bon playsir, consignons luy toute nostre volonté..

  A005000545 

 Mais que peut donq faire l'ame qui est en cet estat? Theotime, elle ne sçait plus comme se maintenir entre tant d'ennuis, et n'a plus de force que pour laisser mourir sa volonté entre les mains de la volonté de Dieu, a l'imitation du doux Jesus, qui, estant arrivé au comble des peynes de la croix que le Pere luy avoit prefigees, et ne pouvant plus resister a l'extremité de ses douleurs, fit comme le cerf qui hors d'haleyne et accablé de la mutte, se rendant a l'homme, jette les derniers abboys, la larme à l'œil.

  A005000545 

 Quand donq tout nous defaut, quand nos ennuis sont en leur extremité, cette parole, ce sentiment, ce renoncement de nostre ame entre les mains de nostre Sauveur, ne nous peut manquer.

  A005000549 

 Certes, nostre volonté ne peut jamais mourir, non plus que nostre esprit, mais elle outrepasse quelquefois les limites de sa vie ordinaire, pour vivre toute en la volonté divine: c'est lhors qu'elle ne sçait ni ne veut plus rien vouloir, ains elle s'abandonne totalement et sans reserve au bon playsir de la divine Providence, se meslant et detrempant tellement avec ce bon playsir, qu'elle ne paroist plus, mais est toute cachee avec Jesus Christ en Dieu, ou elle vit, non plus elle mesme, ains la volonté de Dieu vit en elle.

  A005000549 

 Nous parlons avec une propreté toute particuliere de la mort des hommes, en nostre langage françois, car nous l'appelions trespas, et les mortz, trespassés; signifians que la mort entre les hommes n'est qu'un passage d'une vie a l'autre, et que mourir n'est autre chose sinon outrepasser les confins de cette vie mortelle pour aller a l'immortelle.

  A005000550 

 Voire mais, luy eust-on peu dire, il va en Egypte, pour passer en Palestine; il logera a Damiette, dans Acre et plusieurs autres lieux: n'aves vous pas intention, Madame, d'y aller aussi? A cela elle eust respondu: Non vrayement, je n'ay nulle intention sinon d'estre aupres de mon Roy, et les lieux ou il va me sont indifferens et de nulle consideration, sinon entant qu'il y sera; je vay sans desir d'aller, car je n'affectionne rien que la presence du Roy: c'est donq le Roy qui va, et qui veut le voyage, et quant a moy je ne vay pas, je suy; je ne veux pas le voyage, ains la seule presence du Roy; le sejour, le voyage et toute sorte de diversités m'estant tout a fait indifferentes..

  A005000551 

 De sorte que ce n'est pas proprement comme les serviteurs suivent leurs maistres, car encor que le voyage se fasse par la volonté de leur maistre, leur suite toutefois se fait par leur propre volonté particuliere, bien qu'elle soit une volonté suivante et servante, sousmise et assujettie a celle de leur maistre: si que tout ainsy que le maistre et le serviteur sont deux, aussi la volonté du maistre et celle du serviteur sont deux.

  A005000551 

 Mais la volonté qui est morte a soy mesme pour vivre en celle de Dieu, elle est sans aucun vouloir particulier, demeurant non seulement conforme et sujette, mais toute aneantie en elle mesme et convertie en celle de Dieu: comme on diroit d'un petit enfant qui n'a encor point l'usage de sa volonté, pour vouloir ni aymer chose quelcomque que le sein et le visage de sa chere mere; car il ne pense nullement a vouloir estre d'un costé ni d'autre, ni a vouloir autre chose quelcomque sinon d'estre entre les bras de sa mere, avec laquelle il pense estre une mesme chose, et n'est nullement en soucy d'accommoder sa volonté a celle de sa mere, car il ne sent point la sienne et ne cuyde pas d'en avoir une, laissant le soin a sa mere d'aller, de faire et de vouloir ce qu'elle treuvera bon pour luy..

  A005000554 

 Et c'est la façon avec laquelle nous devons tascher de nous comporter en la volonté du bon playsir divin, d'autant que les effectz de cette volonté du bon playsir procedent purement de sa providence, et sans que nous les fassions ilz nous arrivent.

  A005000554 

 Il est croyable que la tressainte Vierge Nostre Dame recevoit tant de contentement de porter son cher petit Jesus entre ses bras, que le contentement empeschoit la lassitude, ou du moins rendoit la lassitude aggreable: car, si de porter une branche d' agnus castus soulage les voyageurs et les delasse, quel allegement ne recevoit pas la glorieuse Mere de porter l'Aigneau de Dieu immaculé? Que si parfois elle le laissoit marcher sur ses pieds avec elle, le tenant par la main, ce n'estoit pas qu'elle n'eust mieux aymé de l'avoir pendant a son col sur sa poitrine, mais elle le faisoit pour l'exercer a former ses pas et a cheminer luy mesme.

  A005000554 

 Il est vray que nous pouvons bien vouloir qu'ilz arrivent selon la volonté de Dieu, et ce vouloir est tres bon; mais nous pouvons bien aussi recevoir les evenemens du bon playsir celeste par une tres simple tranquillité de nostre volonté qui, ne voulant chose quelcomque, acquiesce simplement a tout ce que Dieu veut estre fait en nous, sur nous et de nous..

  A005000554 

 Mays nous pouvons aussi aller avec Nostre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, nous laissans simplement porter [152] a son bon playsir divin, comme un petit enfant entre les bras de sa mere, par une certaine sorte de consentement admirable qui se peut appeller union, ou plustost unité de nostre volonté avec celle de Dieu.

  A005000555 

 Aussi ne prens-je point garde si elle va viste ou tout bellement, ni si elle va d'un costé ou d'autre, ni je ne m'enquiers nullement ou elle veut aller, me contentant que, comme que ce soit, je suis tous-jours entre ses bras, joignant ses amiables mammelles, ou je me repais comme entre les lys.

  A005000555 

 Et affin que vous le sachies, tandis que je suis parmi les delices de ces saintes caresses qui [153] surpassent toute suavité, il m'est advis que ma Mere est un arbre dé vie et que je suis en elle comme son fruit, que je suis son propre cœur au milieu de sa poitrine, ou son ame au milieu de son cœur: c'est pourquoy, comme son marcher suffit pour elle et pour moy, sans que je me mesle de faire aucun pas, aussi sa volonté suffit pour elle et pour moy, sans que je fasse aucun vouloir pour ce qui est d'aller ou de venir.

  A005000555 

 Et qui luy eust demandé: Mais au moins, n'alles vous pas avec vostre Mere? n'eust-il pas eu rayson de dire: Non, je ne vay nullement, ou si je vay la part ou ma Mere me porte, je n'y vay pas avec elle ni par mes propres pas, ains j'y vay par les pas de ma Mere, par elle et en elle.

  A005000555 

 O que bienheureux est le ventre qui vous a porté et les mammelles que vous aves succees!.

  A005000555 

 Si on eust demandé au doux Enfant Jesus, estant porté entre les bras de sa Mere, ou il alloit, n'eust-il pas eu rayson de respondre: Je ne vay pas, c'est ma Mere qui va pour moy.

  A005000556 

 Et notés qu'il dit toute nostre sollicitude, c'est a dire, [154] autant celle que nous avons de recevoir les evenemens comme celle de vouloir ou ne vouloir pas; car il aura soin du succes de nos affaires et de vouloir pour nous ce qui sera le meilleur..

  A005000556 

 Le Sauveur de nos ames eut l'usage de rayson des l'instant de sa conception au ventre de sa Mere, et pouvoit faire tous ces discours; ouy mesme le glorieux saint Jean, son Precurseur, des le jour de la sainte Visitation: et bien que l'un et l'autre, pendant ce tems-la et celuy de l'enfance, jouit de sa propre liberté pour vouloir et ne vouloir pas les choses, si est-ce qu'ilz laisserent le soin, en ce qui estoit de leur conduite exterieure, a leurs meres, de faire et vouloir pour eux ce qui estoit requis.

  A005000556 

 Theotime, nous devons estre comme cela, nous rendans pliables et maniables au bon playsir divin, comme si nous estions de cire, ne nous amusans point a souhaiter et vouloir les choses, mais les laissant vouloir et faire a Dieu pour nous ainsy qu'il luy plaira, jettans en luy toute nostre sollicitude, d'autant qu'il a soin de nous, ainsy que dit le saint Apostre.

  A005000557 

 Non, Seigneur, je ne veux aucun evenement, car je les vous laisse vouloir pour moy tout a vostre gré; mais en lieu de vouloir les evenemens, je vous beniray dequoy vous les aures voulu.

  A005000557 

 O Theotime, que cette occupation de nostre volonté est excellente, quand elle quitte le soin de vouloir et choisir les effectz du bon playsir divin, pour louer et remercier ce bon playsir de telz effectz..

  A005000561 

 Benir Dieu et le remercier pour tous les evenemens que sa providence ordonne, c'est a la verité une occupation toute sainte; mays si, tandis que nous laissons le soin a Dieu de vouloir et faire ce qu'il luy plait en nous, sur nous et de nous, sans estre attentifs a ce qui se passe quoy que nous le sentions bien, nous pouvions [155] divertir nostre cœur et appliquer nostre attention en la Bonté et Douceur divine, la benissant non en ses effectz ni es evenemens qu'elle ordonne, mais en elle mesme et en sa propre excellence, nous ferions sans doute un exercice beaucoup plus eminent..

  A005000563 

 Voyla donq qu'on luy bande le bras et que le pere mesme porte la lancette sur la veyne; mays tandis qu'il donne le coup et que le sang en sort, jamais cette aymable fille ne regarda son bras piqué, ni son sang sortant de la veyne, ains, tenant ses yeux arrestés sur le visage de son pere, elle ne disoit autre chose sinon parfois tout doucement: Mon pere m'ayme bien, et moy je suis toute sienne; et quand tout fut fait elle ne le remercia point, mais seulement repeta encor une fois les mesmes paroles de son affection et confiance filiale..

  A005000565 

 Es tu tumbé dans les filetz des adversités? hé, ne regarde pas ton adventure, ni les pieges esquelz tu es pris: regarde Dieu et le laisse faire, il aura soin de toy; jette ta pensee sur luy, et il te nourrira.

  A005000565 

 Pourquoy te mesles tu de vouloir ou ne vouloir pas les evenemens et accidens du monde, puisque tu ne sçais pas ce que tu dois vouloir, et que Dieu voudra tous-jours asses pour toy tout ce que tu pourras vouloir, sans que tu t'en mettes en peine? Attens donq en repos d'esprit les effectz du bon playsir divin, et que son vouloir te suffise puisqu'il est tous-jours tres bon; car ainsy ordonna-il a sa bienaymee sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» lui dit il, «et je penseray pour toy.».

  A005000566 

 Et si vous y prenes garde, l'attente de l'ame est vrayement volontaire, et toutefois ce n'est pas une action, mais une simple disposition a recevoir ce qui arrivera; et lhors que les evenemens sont arrivés et receuz, l'attente se convertit en consentement ou acquiescement, mais avant la venue d'iceux, en verité l'ame est en une simple attente, indifferente a tout ce qu'il plaira a la volonté divine d'ordonner..

  A005000567 

 Car bien qu'il dit: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu abandonné? ce fut pour nous faire sçavoir les veritables amertumes et [159] peines de son ame, et non pour contrevenir a la tressainte indifference en laquelle il estoit; ainsy qu'il monstra bien tost apres, concluant toute sa vie et sa Passion par ces incomparables paroles: Mon Pere, je remetz mon esprit entre vos mains..

  A005000567 

 Nostre Sauveur exprime ainsy l'extreme sous-mission de sa volonté humaine a celle de son Pere eternel: Le Seigneur Dieu, dit il, a ouvert mon aureille, c'est a dire, m'a annoncé son bon playsir touchant la multitude des travaux que je dois souffrir; et moy, dit il par apres, je ne contredis point, je ne me retire point en arriere. Qu'est ce a dire je ne contredis point, je ne me tire point en arriere? sinon: ma volonté est en une simple attente, et demeure disposee a tout ce que celle de Dieu ordonnera; en suite dequoy je baille et abandonne mon cors a la merci de ceux qui le battront, et mes joües a ceux qui les peleront, preparé a tout ce qu'ilz voudront faire de moy.

  A005000571 

 L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote..

  A005000571 

 Representons-nous le doux Jesus, Theotime, chez Pilate, ou, pour l'amour de nous, les gens d'armes, ministres de la mort, le devestirent de tous ses habitz l'un apres l'autre, et non contens de cela luy osterent encor sa peau, la deschirans a coups de verges et de foüetz; comme par apres son ame fut despouillee de son cors et le cors de sa vie par la mort qu'il souffrit en la croix: mais trois jours passés, par sa tressainte Resurrection, l'ame se revestit de son cors glorieux, et le cors de sa peau immortelle, et s'habilla de vestemens differens, ou en pelerin, ou en jardinier, ou d'autre sorte, selon que le salut des hommes et la gloire de son Pere le requeroit.

  A005000572 

 Alhors, Theotime, l'ame a rayson de s'escrier: J'ay osté mes habitz, comme m'en revestiray? j'ay lavé mes pieds de toutes sortes d'affections, comme les souillerois-je derechef? Nue je suis sortie de la main de Dieu, et nue j'y retourneray; le Seigneur m'avoit donné beaucoup de desirs, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A005000572 

 Car, comme la belle et chaste Judith avoit voirement dans ses cabinetz ses beaux habitz de feste, et neanmoins ne les affectionnoit point, ni ne s'en para jamais en sa viduité sinon quand, inspiree de Dieu, elle alla ruiner Holophernes, ainsy, quoy que nous ayons appris la prattique des vertus et les exercices de devotion, si est ce que nous ne les devons point affectionner ni en revestir nostre cœur sinon a mesure que nous sçavons que c'est le bon playsir de Dieu; et comme Judith demeura tous-jours en habit de deuil, sinon en cette occasion en laquelle Dieu voulut qu'elle se mist en pompe, aussi devons nous paisiblement demeurer revestus de nostre misere et abjection, parmi nos imperfections et foiblesses, jusques a ce que Dieu nous exalte a la prattique des excellentes actions..

  A005000572 

 Ouy, Theotime, le mesme Seigneur qui nous fait desirer les vertus en nostre commencement et qui nous les fait prattiquer en toutes occurrences, c'est luy mesme qui nous oste l'affection des vertus et de tous les exercices spirituelz, affin qu'avec plus de tranquillité, de pureté et de simplicité, nous n'affectionnions rien que le bon playsir de sa divine Majesté.

  A005000573 

 Car ayant tout renoncé, voire mesme les affections des vertus, pour ne vouloir ni de celles-la ni d'autres quelconques qu'autant que le bon playsir divin portera, il [161] nous faut revestir derechef de plusieurs affections, et peut estre des mesmes que nous avons renoncees et resignees; mais il s'en faut derechef revestir, non plus parce qu'elles nous sont aggreables, utiles, honnorables et propres a contenter l'amour que nous avons pour nous mesmes, ains parce qu'elles sont aggreables a Dieu, utiles a son honneur et destinees a sa gloire..

  A005000573 

 On ne peut longuement demeurer en cette nudité, despouillé de toute sorte d'affections: c'est pourquoy, selon l'advis du saint Apostre, apres que nous avons osté les vestemens du viel Adam, il se faut revestir des habitz du nouvel homme, c'est a dire de Jesus Christ.

  A005000574 

 Eliezer portoit des pendans d'aureilles, des brasseletz et des vestemens neufs pour la fille que Dieu avoit preparee au filz de son maistre; et par effect il les donna a la vierge Rebecca si tost qu'il conneut qu'elle estoit celle la.

  A005000574 

 Il faut des habitz neufs a l'espouse du Sauveur: si pour l'amour de luy elle s'est despouillee de l'affection ancienne qu'elle avoit a ses parens, au païs, a la mayson, aux amis, il faut qu'elle en prenne une toute nouvelle, affectionnant tout cela en son rang, non plus selon les considerations humaines, mais parce que l'Espoux celeste le veut, le commande et l'entend, et qu' il a mis un tel ordre en la charité.

  A005000575 

 Theotime, quicomque a tout quitté pour Dieu ne doit [162] rien reprendre que comme Dieu le veut: il ne nourrit plus son cors sinon comme Dieu l'ordonne, affin qu'il serve a l'esprit; il n'estudie plus que pour servir le prochain et sa propre ame, selon l'intention divine; il prattique les vertus, non selon qu'elles sont plus a son gré, mais selon que Dieu le desire..

  A005000576 

 Ainsy se faut il desnuer de toutes affections, petites et grandes, et faut souvent examiner nostre cœur pour voir s'il est bien prest a se devestir, comme fit Isaïe, de tous ses habitz, puis reprendre aussi, quand il en est tems, les affections convenables au service de la charité; affin de mourir en croix tous nuds avec nostre divin Sauveur, et resusciter par apres en un nouvel homme avec luy.

  A005000576 

 Dieu commanda au prophete Isaïe de se despouiller tout nud, et il le fit, marchant et preschant en cette sorte, ou trois jours entiers, comme quelques uns dient, ou trois ans, comme les autres pensent; puis il reprit ses habitz quand le terme que Dieu luy avoit prefigé fut passé.

  A005000584 

 Ce commandement est comme un soleil qui donne le lustre et la dignité a toutes les loix sacrees, a toutes les ordonnances divines et a toutes les Saintes Escritures.

  A005000584 

 Tout est fait pour ce celeste amour et tout se rapporte a iceluy: de l'arbre sacré de ce commandement dependent tous les conseilz, exhortations, inspirations, et les autres commandemens, comme ses fleurs, et [165] la vie eternelle comme son fruit; et tout ce qui ne tend point a l'amour eternel tend a la mort eternelle.

  A005000586 

 Car a mesme que la claire et belle connoissance de la divine beauté aura penetré les entendemens de ces espritz infortunés, la divine justice ostera tellement la force a la volonté, qu'elle ne pourra nullement aymer cet object que l'entendement luy proposera et representera estre tant aymable; et cette veüe qui devoit engendrer un si grand amour en la volonté, en lieu de cela y fera naistre une tristesse infinie, laquelle sera rendue eternelle par la souvenance qui demeurera a jamais en ces ames perdues de la souveraine beauté qu'ilz auront veüe: souvenance sterile de tout bien, ains fertile de travaux, de peines, de tormens et de desespoirs immortelz; d'autant qu'en la volonté se treuvera tout ensemble une impossibilité, ains une effroyable et eternelle aversion et repugnance d'aymer cette tant desirable excellence.

  A005000586 

 Dieu, au jour du jugement, imprimera es espritz des damnés l'apprehension de la perte qu'ilz feront, en une façon admirable: car la divine Majesté leur fera clairement voir la souveraine beauté de sa face et les tresors [166] de sa bonté, et a la veüe de cet abisme infini de delices, la volonté, par un effort extreme, se voudra lancer sur iceluy pour s'unir a luy et jouir de son amour; mais ce sera pour neant, d'autant qu'elle sera comme une femme qui, entre les douleurs de l'enfantement, apres avoir enduré des violentes tranchees, des convulsions cruelles et des detresses insupportables, meurt en fin sans pouvoir enfanter.

  A005000586 

 Si que les miserables damnés demeureront a jamais en une rage desesperee, de sçavoir une perfection si souverainement aymable sans en pouvoir jamais avoir ni la jouissance ni l'amour, parce que tandis qu'ilz l'ont peu aymer ilz n'ont pas voulu: ilz brusleront d'une soif d'autant plus violente que le souvenir de cette source des eaux de la vie eternelle aiguisera leurs ardeurs; ilz mourront immortellement, comme des chiens, d'une faim [167] d'autant plus vehemente, que leur memoire en affinera l'insatiable cruauté par le souvenir du festin duquel ilz auront esté privés:.

  A005000593 

 Certes, je ne voudrois pas asseurer que cette veùe de la beauté de Dieu, que les malheureux auront comme en eloyse et a guise d'un esclair, doive estre de mesme clarté que celle des Bienheureux; mais elle sera pourtant si claire qu' ilz verront le Filz de l'homme en sa majesté, ilz verront Celuy qu'ilz ont percé, et par la veüe de cette gloire connoistront la grandeur de leur perte.

  A005000593 

 O si Dieu avoit defendu a l'homme de l'aymer, que de regretz es ames genereuses! que ne feroyent elles pas pour en obtenir la permission! David entra au hazard d'un combat extremement rude, pour avoir la fille du Roy; et qu'est ce que ne fit pas Jacob pour pouvoir espouser Rachel, et le prince Sichem, pour avoir Dina en mariage? Les damnés s'estimeroyent bienheureux s'ilz pensoyent de pouvoir quelque fois aymer Dieu, et les Bienheureux s'estimeroyent damnés s'ilz croyoient de pouvoir estre une fois privés de cet amour sacré..

  A005000594 

 Hé, vray Dieu, combien est desirable la suavité de ce commandement, Theotime, puisque si la divine volonté le faysoit aux damnés ilz seroyent en un moment delivrés de leur plus grand malheur, et que les Bienheureux ne sont Bienheureux que par la prattique d'iceluy! O amour celeste, que vous estes aymable a nos ames! et que benie soit a jamais la Bonté laquelle nous commande avec tant de soin qu'on l'ayme, quoy que son amour soit si desirable et necessaire a nostre bonheur que sans iceluy nous ne puissions estre que malheureux! [168].

  A005000598 

 Si aucune loy n'est imfosee au juste, parce que, prevenant la loy et sans avoir besoin d'estre sollicité par icelle, il fait la volonté de Dieu par l'instinct de la charité qui regne en son ame, combien devons nous estimer les Bienheureux de Paradis libres et exemptz de toute sorte de commandemens, puisque, de la jouissance en laquelle ilz sont de la souveraine beauté et bonté du Bienaymé, coule et procede une tres douce mais inevitable necessité en leurs espritz, d'aymer eternellement la tressainte Divinité? Nous aymerons Dieu au Ciel, Theotime, non comme liés et obligés par la loy, mais comme attirés et ravis par la joye que cet object si parfaittement aymable donnera a nos cœurs; alhors la force du commandement cessera pour faire place a la force du contentement, qui sera le fruit et le comble de l'observation du commandement.

  A005000599 

 Certes, la haut au Ciel nous aurons un cœur tout libre de passions, une ame toute espuree de distractions, un esprit affranchi de contradictions, et des forces [169] exemptes de repugnances; et partant nous y aymerons Dieu par une perpetuelle et non jamais interrompue dilection, ainsy qu'il est dit de ces quatre animaux sacrés qui, representans les Evangelistes, sans cesser ni jour ni nuit louoyent continuellement la Divinité.

  A005000604 

 Mais il ne faut pas pretendre a cet amour si extremement parfait, en cette vie mortelle, car nous n'avons pas encor ni le cœur, ni l'ame, ni l'esprit, ni les forces des Bienheureux: il suffit que nous aymions de tout le cœur et de toutes les forces que nous avons.

  A005000610 

 Nous aurons tous egalement la plenitude de ce divin amour, mais les plenitudes pourtant seront inegales en perfection.

  A005000611 

 Theotime, non seulement entre ceux qui ayment Dieu de tout leur cœur il y en a qui l'ayment plus et les autres moins, mais une mesme personne se surpasse maintefois soy mesme en ce souverain exercice de la dilection de Dieu sur toutes choses.

  A005000612 

 Et nonobstant cela, elle ne laisse pas de dire qu'Ezechias n'eut point son semblable entre tous les roys de Juda, ni devant ni apres luy, qu'il s'unit a Dieu et [173] ne se destourna point de luy: puis, traittant de Josias, elle dit qu' il n'y eut aucun roy devant luy qui luy fust semblable, qui se retournast au Seigneur de tout son cœur, de toute son ame et de toute sa force selon toute la loy de Moyse; nul aussi apres luy ne s'esleva de semblable.

  A005000613 

 Qui le donne tout par le martire, qui tout par la virginité, qui tout par la pauvreté, qui tout par l'action, qui tout par la contemplation, qui tout par l'exercice pastoral; et tous le donnans tout par l'observance des commandemens, les uns pourtant le donnent avec moins de perfection que les autres.

  A005000613 

 Tous les vrays amans sont egaux en ce que tous donnent tout leur cœur a Dieu, et de toute leur force, mais ilz sont inegaux en ce qu'ilz le donnent tous diversement et avec des differentes façons; dont les uns donnent tout leur cœur de toute leur force moins parfaitement que les autres.

  A005000614 

 Il ayme Dieu comme son Dieu, sur toutes choses et plus que soy mesme; il ayme Rachel comme sa femme, sur toutes les autres femmes et comme luy mesme.

  A005000614 

 Il ayme Dieu de l'amour absolument et souverainement supreme, et Rachel, du supreme amour nuptial; et l'un des amours n'est point contraire a l'autre, puisque celuy de Rachel ne viole point les privileges et advantages souverains de celuy de Dieu..

  A005000615 

 Or, une goutte de cet amour vaut mieux, a plus de force et merite plus d'estime que tous les autres amours qui jamais puissent estre es coeurs des hommes et parmi les choeurs des Anges; car tandis que cet amour vit, il regne et tient le sceptre sur toutes affections, faysant preferer Dieu en sa volonté a toutes choses indifferemment, universellement et sans reserve.

  A005000619 

 il y en avoit une qui estoit uniquement l'unique amie toute parfaite, toute rare, comme une singuliere colombe, avec laquelle les autres n'entroyent point en comparayson, et que pour cela il appella de son nom, Sulamite.

  A005000620 

 Car, qu'est ce quitter les porceaux, sinon se retirer des pechés? et qu'est ce venir tout [177] deschiré, drilleux et puant, sinon avoir encor l'affection embarrassee des habitudes et inclinations qui tendent au peché? Mays cependant il avoit la vie de l'ame, qui est l'amour, et comme un phœnix renaissant de sa cendre il se treuva nouvellement resuscité: il estoit mort, dit son pere, et il est revenu a vie, il est ravivé..

  A005000620 

 Et comme un phœnix nouvellement esclos de sa cendre, n'ayant encor que des petites plumes fluettes et des poilz foletz, ne peut faire que des petitz eslans par lesquelz il doit estre dit sauter plustost que voler, ainsy ces tendres jeunes ames, nouvellement nees dans la cendre de leur pœnitence, ne peuvent encor pas prendre l'essor et voler au plein air de l'amour sacré, retenues dans une multitude de mauvaises inclinations et habitudes depravees que les pechés de la vie passee leur ont laissé.

  A005000620 

 Or, sur l'idee de ce qui se passoit en son palais, il [176] descrivit les diverses perfections des ames qui a l'avenir devoyent adorer, aymer et servir le grand Roy pacifique, Jesus Christ Nostre Seigneur.

  A005000621 

 Certes, comme les menus desreglemens en paroles, en gestes, en habitz, en passetems et folastreries, ne sont pas a proprement parler contre la volonté de Dieu, aussi ne sont ilz pas selon icelle, ains hors d'icelle et sans icelle..

  A005000621 

 D'autant que tout ainsy que les jeunes fillettes ayment voirement bien leurs espoux, si elles en ont, mais ne laissent pas d'aymer grandement les bagues et bagatelles, et leurs compaignes avec lesquelles elles s'amusent esperdument a jouer, danser et folastrer, s'entretenans avec les petitz oyseaux, petitz chiens, escuyrieux et autres telz jouetz, aussi ces ames jeunes et novices ayment certes bien l'Espoux sacré, mais avec une multitude de distractions et divertissemens volontaires: de sorte que l'aymant par dessus toutes choses, elles ne laissent pas [178] de s'amuser a plusieurs choses qu'elles n'ayment pas selon luy, ains outre luy, hors de luy et sans luy.

  A005000622 

 Et ces ames qui n'ayment rien que ce que Dieu veut qu'elles ayment, mais qui excedent en la façon d'aymer, ayment voirement la divine Bonté sur toutes choses, mais non pas en toutes choses; car les choses mesmes qu'il leur est non seulement permis mais ordonné [179] d'aymer selon Dieu, elles ne les ayment pas seulement selon Dieu, ains pour des causes et motifs qui ne sont pas certes contre Dieu, mais bien hors de Dieu: de sorte qu'elles ressemblent au phœnix qui, ayant ses premieres plumes et commençant a se renforcer, se guinde des-ja en plein air, mais n'a pourtant encor asses de force pour demeurer longuement au vol, dont il descend souvent prendre terre pour s'y reposer.

  A005000622 

 L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour.

  A005000622 

 Tel fut le pauvre jeune homme qui, ayant observé les commandemens de Dieu des son bas aage, ne desiroit pas les biens d'autruy, mais il affectionnoit trop tendrement ceux qu'il avoit; c'est pourquoy, quand Nostre Seigneur luy conseilla de les donner aux pauvres, il devint tout triste et melancholique: il n'aymoit rien que ce qui luy estoit loysible d'aymer, mais il l'aymoit d'un amour superflu et trop serré..

  A005000623 

 Ces ames donq, Theotime, ayment voirement trop ardemment et avec superfluité, mais elles n'ayment point les superfluités, ains seulement ce qu'il faut aymer.

  A005000623 

 Et pour cela elles jouissent du lit nuptial du Salomon celeste, c'est a dire des unions, des recueillemens et des repos amoureux dont il a esté parlé au Livre V et VI; mais elles n'en jouissent pas en qualité d'espouses, parce que la superfluité avec laquelle elles affectionnent les choses bonnes, fait qu'elles n'entrent pas fort souvent en ces divines unions de l'Espoux, estant occupees et diverties pour aymer hors de luy et sans luy ce qu'elles ne devroyent aymer qu'en luy et pour luy.

  A005000627 

 Or il y a des autres ames qui n'ayment ni les superfluités ni avec superfluité, ains ayment seulement ce que Dieu veut et comme Dieu veut: ames heureuses, puisqu'elles ayment Dieu, et leurs amis en Dieu, et leurs ennemis pour Dieu; elles ayment plusieurs choses avec Dieu, mais pas une sinon en Dieu et pour Dieu; c'est Dieu qu'elles ayment non seulement sur toutes choses mais en toutes choses, et toutes choses en Dieu; semblables au phœnix parfaitement rajeuni et revigoré, que l'on ne void jamais qu'en l'air ou sur les coupeaux des montz qui sont en l'air.

  A005000628 

 Celuy qui pese une des petites boulettes du cœur de sainte Claire de Montefalco y treuve autant de poids comme il en treuve les pesant toutes trois ensemble; ainsy le grand amour treuve Dieu autant aymable luy seul que toutes les creatures avec luy ensemble, d'autant qu'il n'ayme toutes les creatures qu'en Dieu et pour Dieu..

  A005000628 

 Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses.

  A005000628 

 Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy.

  A005000629 

 Or, il n'y a que la tressainte Vierge Nostre Dame qui soit parfaitement parvenue a ce degré d'excellence en l'amour de son cher Bienaymé; car elle est une colombe si uniquement unique en dilection, que toutes les autres estans mises aupres d'elle en parangon meritent plustost le nom de corneilles que de colombes.

  A005000634 

 Ames rares et singulieres, qui n'ont plus aucune ressemblance avec les oyseaux dé ce monde, non pas mesme avec le phœnix, qui est si uniquement rare; ains sont seulement representees par cet oyseau que pour son excellente beauté et noblesse on dit n'estre pas de ce monde, ains du Paradis, dont il porte le nom: car ce bel oyseau desdaignant la terre, ne la touche jamais, vivant tous-jours en l'air; de sorte que lhors mesme qu'il veut se delasser, il ne s'attache aux arbres que par des petitz filetz ausquelz il demeure suspendu en l'air, hors duquel et sans lequel il ne peut ni voler ni reposer.

  A005000634 

 Et celuy qui s'escrioit: J'ay estimé toutes choses boüe et fange affin de m'acquerir Jesus Christ, ne tesmoigna-il pas qu'il n'aymoit rien hors de son Maistre, [183] et qu'il aymoit son Maistre hors de toutes choses? Et quel pouvoit estre le sentiment de ce grand amant qui souspiroit toute la nuit: «Mon Dieu est pour moy toutes choses?» Telz furent saint Augustin, saint Bernard, les deux saintes Catherines, de Sienne et de Gennes, et plusieurs autres, a l'imitation desquelz un chacun peut aspirer a ce divin degré d'amour.

  A005000634 

 Et de mesme, ces grandes ames n'ayment pas, a proprement parler, les creaturès en elles mesmes, ains en leur Createur, et leur Createur en icelles: que si elles s'attachent par la loy de la charité a quelque creature, ce n'est que pour se reposer en Dieu, unique et finale pretention de leur amour; si que, treuvant Dieu es creatures et les creatures en Dieu, elles ayment Dieu et non les creatures, comme ceux peschent aux perles qui, treuvans les perles dans les ouïstres, n'estiment toutefois leur pesche que pour les seules perles..

  A005000635 

 Et lhors il faut confesser que ces arbres sont fructueux, autrement ilz ne seroyent pas bons; mais il ne faut pas nier non plus que quelques uns de leurs fruitz ne soyent infructueux, car qui niera que les chatons et le guy des arbres ne soit un fruit infructueux? Et qui niera que les menues choleres et les petitz exces de joye, de risee, de vanité et autres telles passions, ne soyent des mouvemens inutiles et illegitimes? et toutefois le juste en produit sept fois le jour, c'est a dire bien souvent.

  A005000635 

 Les ames qui, comme jeunes filles, sont encor [184] embarrassees de plusieurs affections vaines et dangereuses, ne laissent pas d'avoir quelquefois des sentimens de l'amour plus pur et supreme; mais parce que ce ne sont que des eloyses et esclairs passagers, on ne peut pas dire que ces ames soyent pour cela hors de l'estat des jeunes filles novices et apprentisses.

  A005000635 

 Or, d'autant neanmoins que ces grandes ames aymoient pour l'ordinaire Dieu de l'amour parfaitement pur, on ne doit pas laisser de dire qu'elles ont esté en l'estat de la parfaite dilection: car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais aucun fruit veneneux, mais ouï bien du fruit verd ou vereux et taré, du guy et de la mousse, ainsy les grans Saintz ne produisent jamais aucun peché mortel, mais ouï bien des actions inutiles, mal meures, aspres, rudes et mal assaysonnees.

  A005000639 

 Y ayant tant de divers degrés d'amour entre les vrays amans, il n'y a neanmoins qu'un seul commandement d'amour qui oblige generalement et egalement un chacun d'une toute pareille et totalement egale obligation, quoy qu'il soit observé differemment et avec une infinie varieté de perfections, n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges au Ciel, qui ayent entr'elles une parfaite egalité de dilection; puisque comme une estoile est differente d'avec l'autre estoile en clarté, ainsy en sera-il parmi les Bienheureux resuscités, ou chacun chante un cantique de gloire, et reçoit un nom que nul ne sçait sinon celuy qui le reçoit.

  A005000641 

 Et c'est en somme l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui est commandé a tous les mortelz en general et a un chacun d'iceux en particulier, des lhors qu'ilz ont le franc usage de la rayson: amour suffisant pour un chacun, et necessaire a tous pour estre sauvés..

  A005000641 

 L'amour est comme l'honneur: car tout ainsy que les honneurs se diversifient selon la varieté des excellences pour lesquelles on honnore, aussi les amours sont differens selon la diversité des bontés pour lesquelles on ayme.

  A005000641 

 Vous sçaves, Theotime, qu'il y a plusieurs especes d'amour: comme, par exemple, il y a un amour paternel, filial, fraternel, nuptial, de societé, d'obligation, de dependence, et cent autres, qui tous sont differens en excellence, et tellement proportionnés a leurs objectz qu'on ne peut bonnement les addresser ou approprier aux autres.

  A005000645 

 Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?.

  A005000646 

 Entre tous les amours, celuy de Dieu doit estre tellement preferé qu'on soit disposé a les quitter tous pour celuy ci seul..

  A005000647 

 Et la sacree dilection, toutefois, ne laisse pas d'exceller au dessus de tous les autres amours, ainsy que les evenemens font voir quand la creature s'oppose au Createur; car alhors nous prenons le parti de la dilection sacree et luy sousmettons toutes nos autres affections..

  A005000647 

 La divine dilection veut bien que nous ayons des autres amours, et souvent on ne sçauroit discerner quel est le principal amour de nostre cœur; car ce cœur humain tire maintefois tres affectionnement dans le lit de sa complaysance l'amour des creatures, ains il arrive souvent qu'il multiplie beaucoup plus les actes de son affection envers la creature que ceux de sa dilection envers son Createur.

  A005000648 

 On demande quelle est la plus excellente gloire d'un prince, ou celle qu'il acquiert en la guerre par les armes, ou celle qu'il merite en la paix par la justice; et il me semble que la gloire militaire est plus grande, et l'autre meilleure: ainsy qu'entre les instrumens, les tambours et trompettes font plus de bruit, mais les luths et les espinettes font plus de melodie; le son des uns est plus fort, et l'autre plus suave et spirituel.

  A005000649 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu en consideration de son infinie bonté, pour peu qu'il ayt de cette excellente dilection, il preferera la volonté de Dieu a toutes choses, et en toutes les occasions qui se presenteront il quittera tout pour se conserver en la grace de la souveraine Bonté, sans que chose quelconque l'en puisse separer: de sorte qu'encor que ce divin amour ne presse ni n'attendrisse tous-jours pas tant le cœur comme les autres amours, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees et excellentes qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005000649 

 Les connilles ont une fertilité incomparable; les elephantes ne font jamais qu'un veau, mais ce seul elephanteau vaut mieux que tous les connilz du monde: les amours que l'on a pour les creatures foisonnent bien souvent en multitude de productions; mais quand l'amour sacré fait son œuvre, il le fait si eminent qu'il surpasse tout, car il fait preferer Dieu a toutes choses sans reserve.

  A005000653 

 Et je dis ainsy avec un si grand soin, parce qu'il se treuve des personnes qui quitteroyent courageusement les biens, l'honneur et la vie propre pour Nostre Seigneur, lesquelles neanmoins ne quitteroyent pas pour luy quelqu'autre chose de beaucoup moindre consideration..

  A005000653 

 O mon cher Theotime, que la force de cet amour de Dieu sur toutes choses doit donq avoir une grande estendue! Il doit surpasser toutes les affections, vaincre toutes les difficultés et preferer l'honneur de la bienveuillance de Dieu a toutes choses; mais je dis a toutes choses absolument, sans exception ni reserve quelconque.

  A005000654 

 Et neanmoins il advint qu'en fin, pour je ne sçay quel sujet, cette amitié defaillit, et, selon la coustume, elle fut suivie d'une hayne encor plus ardente, laquelle regna quelque tems entre eux, jusques a ce que Nicephore, reconnoissant sa faute, fit trois divers essais de se reconcilier avec Saprice, auquel, tantost par les uns, tantost par les autres de leurs amis communs, il faisoit porter de sa part toutes les paroles de satisfaction et de sousmission qu'on pouvoit desirer.

  A005000654 

 Mais Saprice, impliable a ses semonces, refusa tous-jours la reconciliation avec autant de fierté comme Nicephore la demandoit avec beaucoup d'humilité; de maniere qu'en fin le pauvre Nicephore, estimant [192] que si Saprice le voyoit prosterné devant luy et requerant le pardon il en seroit plus vivement touché, il le va treuver chez luy, et se jettant courageusement a ses pieds: «Mon Pere,» luy dit-il, «hé, pardonnes moy, je vous supplie, pour l'amour de Nostre Seigneur.» Mais cette humilité fut mesprisee et rejettee comme les precedentes..

  A005000655 

 C'est pourquoy Dieu repoussa son present, et retirant sa misericorde de luy, permit que non seulement il perdist le souverain bonheur du martyre, mais qu'encor il se precipitast au malheur de l'idolatrie; tandis que l'humble et doux Nicephore, voyant cette couronne du martyre vacante par l'apostasie de l'endurci Saprice, touché d'une excellente et extraordinaire inspiration, se pousse hardiment pour l'obtenir, disant aux archers et bourreaux: «Je suis, mes amis, je suis en verité Chrestien et crois en Jesus Christ que cestuy cy [194] a renié; mettes moy donq, je vous prie, en sa place, et tranches moy la teste.» Dequoy les archers s'estonnant infiniment, ilz en portent la nouvelle au gouverneur, qui ordonna que Saprice fust mis en liberté et que Nicephore fust supplicié: et cela advint le neufviesme febvrier, environ l'an 260 de nostre salut, ainsy que recitent Metaphraste et Surius..

  A005000655 

 Ce pendant, voyla une aspre persecution qui s'esleve contre les Chrestiens, en laquelle Saprice, entre autres, estant apprehendé, fit merveilles a souffrir mille et mille tourmens pour la confession de la foy, et specialement lhors qu'il fut roulé et agité tres rudement dans un instrument fait expres, a guise de la vis d'un pressoir, sans que jamais il perdit sa constance: dont le gouverneur d'Antioche estant extremement irrité, il le condamna a la mort; en suite dequoy il fut tiré hors de la prison, en public, pour estre mené au lieu ou il devoit recevoir la glorieuse couronne du martyre.

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000657 

 O miserable Saprice, oseries vous bien dire que vous aymies Dieu comme il faut aymer Dieu, puisque vous ne preferies pas sa volonté a la passion de la hayne et rancune que vous avies contre le pauvre Nicephore? Vouloir mourir pour Dieu c'est le plus grand, mais non pas certes le seul acte de la dilection que nous devons a Dieu; et vouloir ce seul acte en rejettant les autres, ce n'est pas charité, c'est vanité.

  A005000658 

 Mais l'esprit humain est foible, inconstant et bigearre; c'est pourquoy quelquefois les hommes choisissent plustost de mourir que de subir d'autres peynes beaucoup plus legeres, et donnent volontier leur vie pour des satisfactions extremement niaises, pueriles et vaines.

  A005000662 

 Vous sçaves, Theotime, quelles furent les amours de Jacob pour sa Rachel; et que ne fit il pas pour en tesmoigner la grandeur, la force et la fidelité, des lhors qu'il l'eut saluee aupres du puitz de l'abbreuvoir? Car jamais onques plus il ne cessa de mourir d'amour pour elle; et pour l'avoir en mariage il servit avec une ardeur nompareille sept ans entiers, luy estant encor advis que ce ne fut rien, tant l'amour adoucissoit les travaux qu'il supportoit pour cette bienaymee, de laquelle estant par apres frustré, il servit derechef encor sept ans durant pour l'obtenir, tant il estoit constant, loyal et courageux en sa dilection.

  A005000663 

 Mais vous semble il, respondit Lia, que ce soit peu d'avantage pour vous de m'avoir ravi les amours pretieuses de mon mari, si vous n'aves encores les mandragores de mon enfant? Or sus, repliqua Rachel, donnes moy donq les mandragores, et qu'en eschange mon mari soit avec vous cette nuit.

  A005000664 

 Et toutefois, revenans a nous, o vray Dieu, combien de fois faisons nous des elections infiniment plus honteuses et miserables! Le grand saint Augustin prit un jour playsir de voir et contempler a loysir des mandragores pour mieux pouvoir discerner la cause pour laquelle Rachel les avoit si ardemment desirees, et il treuva qu'elles estoyent voirement belles a la veüe et d'aggreable senteur, mais du tout insipides et sans [198] goust.

  A005000664 

 Or Pline raconte que quand les chirurgiens en presentent le jus a boire a ceux sur lesquelz ilz veulent faire quelque incision, affin de leur rendre le coup insensible, il arrive maintefois que la seule odeur fait l'operation et endort suffisamment les patiens: c'est pourquoy la mandragore est une plante charmeresse, qui enchante les yeux, les douleurs, les regretz et toutes les passions par le sommeil.

  A005000665 

 Or, c'est pour de telles mandragores, chimeres et fantosmes de contentemens que nous quittons les amours de l'Espoux celeste: et comment donq pouvons nous dire que nous l'aymons sur toutes choses, puisque nous preferons a sa grace de si chetifves vanités?.

  A005000665 

 Theotime, les pompes, richesses et delectations mondaines peuvent-elles estre mieux representees? Elles ont une apparence attrayante, mais qui mord dans ces pommes, c'est a dire, qui sonde leur nature, n'y treuve ni goust ni contentement; neanmoins elles charment et endorment a la vanité de leur odeur, et la renommee que les enfans du monde leur donne estourdit et assomme ceux qui s'y amusent trop attentivement ou qui les prennent trop abondamment.

  A005000666 

 N'est ce pas une lamentable merveille de voir David, si grand a surmonter la hayne, si courageux a pardonner l'injure, estre neanmoins si furieusement injurieux en l'amour, que non content de posseder justement une grande multitude de femmes, il va iniquement usurper et ravir celle du pauvre Urie, et, par une lascheté insupportable, affin de prendre plus a souhait l'amour de la femme, il donne cruellement la mort au mari? Qui n'admirera le cœur de saint Pierre, si hardi entre les soldatz armés que luy seul de toute la trouppe de son Maistre met le fer au poing et frappe, puis, peu apres, est si couard entre les femmes, qu'a la seule parole d'une servante il renie et deteste son Maistre? Et comme peut on treuver si estrange que Rachel quittast les caresses de son Jacob pour des pommes [199] de mandragore, puisqu'Adam et Eve quitterent bien la grace pour une pomme qu'un serpent leur offre a manger?.

  A005000667 

 Les heretiques sont heretiques et en portent le nom, parce qu'entre les articles de la foy ilz choisissent a leur goust et a leur gré ceux que bon leur semble pour les croire, rejettans les autres et les desadvouans; et les Catholiques sont Catholiques, parce que, sans choix ni election quelconque, ilz embrassent avec egale fermeté et sans exception toute la foy de l'Eglise.

  A005000667 

 Or il en est de mesme es articles de la charité: c'est heresie en la dilection sacree de faire choix entre les commandemens de Dieu, pour en vouloir prattiquer les uns et violer les autres.

  A005000667 

 Si quelqu'un me disoit qu'il ne me veut pas couper un bras pour l'amour qu'il me porte, et neanmoins me venoit arracher un œil, ou me rompre la teste, ou me percer le cors de part en part: Hé, ce dirois-je, comme me dites vous que c'est par amour que vous ne me coupes pas un bras, puisque vous m'arraches un œil qui ne m'est pas moins pretieux, ou que vous me donnes de vostre espee a travers le cors, qui m'est encores plus dangereux? C'est une maxime, que «le bien provient d'une cause vrayement entiere, et le mal de chasque defaut.» Pour faire un acte de vraye charité, il faut qu'il procede d'un amour entier, general et universel, qui s'estende a tous les commandemens divins; que si nous manquons d'amour en un seul commandement, nostre amour n'est plus entier ni universel, et le cœur dans lequel il est ne peut estre dit vrayement amant, ni par consequent vrayement bon.

  A005000672 

 Ainsy les Bienheureux sont ravis et necessités, quoy que non forcés, d'aymer Dieu, duquel ilz voyent clairement la souveraine beauté; ce que l'Escriture monstre asses quand elle compare le contentement qui comble les cœurs de ces glorieux habitans de la Hierusalem celeste a un torrent et fleuve impetueux, duquel on ne peut empescher les ondes qu'elles ne s'espanchent sur les plaines qu'elles rencontrent..

  A005000674 

 Hé, de grace, Theotime, la volonté toute destinee a l'amour du bien, comme en pourroit elle tant soit peu connoistre un souverain, sans estre de mesme tant soit peu inclinee a l'aymer souverainement? Entre tous les biens qui ne sont pas infinis, nostre volonté preferera tous-jours en son amour celuy qui luy est plus proche, et sur tout le sien propre; mais il y a si peu de proportion entre l'infini et le fini, que nostre volonté qui connoist un bien infini est sans doute esbranlee, inclinee et incitee de preferer l'amitié de l'abisme de cette bonté infinie a toute sorte d'autre amour et a celuy la encor de nous mesme..

  A005000676 

 Que s'il y avoit ou pouvoit avoir quelque souveraine bonté de laquelle nous fussions independans, pourveu que nous peussions nous unir a elle par amour, encor serions nous incités a l'aymer plus que nous mesmes, puisque l'infinité de sa suavité seroit tous-jours souverainement plus forte pour attirer nostre volonté a son amour que toutes les autres bontés, et mesme que la nostre propre..

  A005000677 

 Ce que je dis ainsy pour certains espritz chimeriques et vains qui, sur des imaginations impertinentes, roulent bien souvent des discours melancholiques qui les affligent grandement.

  A005000681 

 Et c'est donq ainsy, que la mesme charité qui produit les actes de l'amour [204] de Dieu, produit quant et quant ceux de l'amour du prochain: et tout ainsy que Jacob vid qu'une mesme eschelle touchoit le ciel et la terre, servant egalement aux Anges pour descendre comme pour monter, nous sçavons aussi qu'une mesme dilection s'estend a cherir Dieu et le prochain, nous relevant a l'union de nostre esprit avec Dieu et nous ramenant a l'amoureuse societé des prochains; en sorte toutefois, que nous aymons le prochain entant qu'il est a l'image et semblance de Dieu, creé pour communiquer avec la divine Bonté, participer a sa grace et jouir de sa gloire..

  A005000681 

 Et puisque tous les hommes ont cette mesme dignité, nous les aymons aussi comme nous mesmes, c'est a dire en qualité de tressaintes et vivantes images de la Divinité.

  A005000682 

 Et ayant dit cela, il les interrogea: D'ou estes-vous, jeunes gens, mes chers freres? A quoy ilz respondirent: Nous sommes de la tribu de Nephtali, de la captivité de Ninive.

  A005000683 

 Hé, vray Dieu, Theotime, quand nous voyons un prochain creé a l'image et semblance de Dieu, ne devrions-nous pas dire les uns aux autres: Tenes, voyes cette creature, comme elle ressemble au Createur? ne devrions-nous pas nous jetter sur son visage, la caresser et pleurer d'amour pour elle? ne devrions-nous pas luy donner mille et mille benedictions? Et quoy donq? pour l'amour d'elle? Non certes, car nous ne sçavons pas si elle est digne d'amour ou de hayne en elle mesme.

  A005000689 

 Quand donques nous aymons ardemment les choses mondaines et temporelles, la beauté, les honneurs, les richesses, les rangs, ce zele, c'est a dire l'ardeur de cet amour, se termine pour l'ordinaire en envie, parce que ces basses choses sont si petites, particulieres, bornees, finies et imparfaites, que quand l'un les possede, l'autre ne les peut entierement posseder: de sorte qu'estans communiquees a plusieurs, la communication en est moins parfaite pour un chacun.

  A005000690 

 L'envie est tous-jours injuste, mays la jalousie est quelquefois juste, pourveu qu'elle soit moderee; car les mariés, par exemple, n'ont ilz pas rayson d'empescher que leur amitié ne reçoive diminution par le partage? 2.

  A005000690 

 Que si quelquefois on est envieux de l'amour qui est porté a quelqu'un, ce n'est pas pour l'amour, ains pour les fruitz qui en dependent: un envieux se soucie peu que son compaignon soit aymé du prince, pourveu qu'il ne soit pas favorisé ni gratifié es occurrences..

  A005000695 

 Nostre amour luy est inutile, mais il nous est de grand proffit, et s'il luy est aggreable c'est parce qu'il nous est profitable; car estant le souverain bien, il se plait a se communiquer par son amour, sans que bien quelcomque luy en puisse revenir; dont il s'escrie, se plaignant des pecheurs, par maniere de jalousie: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cistemes dissipees et crevassees, qui ne peuvent retenir les eaux.

  A005000696 

 Et la rayson de cette demande de l'Amant divin est que, comme la mort est si forte qu'elle separe l'ame de toutes choses et de son cors mesme, aussi l'amour sacré, parvenu jusques au degré du zele, divise et esloigne l'ame de toutes autres affections et l'espure de tout meslange; d'autant qu'il n'est pas seulement aussi fort que la mort, ains il est aspre, inexorable, dur et impiteux a chastier le tort qu'on luy fait quand on reçoit avec luy des rivaux, comme l'enfer est violent a punir les damnés: et tout ainsy que l'enfer, plein d'horreur, de rage et de felonnie, ne reçoit aucun meslange d'amour, aussi l'amour jaloux ne reçoit aucun meslange d'autre affection, voulant que tout soit pour le Bienaymé.

  A005000696 

 Et pour ne jouïr pas seulement des affections de nostre cœur, ains aussi des effectz et operations de nos mains, il veut estre encor comme un cachet sur nostre bras droit, affin qu'il ne s'estende et ne soit employé que pour les œuvres de son service.

  A005000698 

 Celles la craignent, et celles ci aussi, mais differemment, dit saint Augustin: la chaste espouse craint l'absence de son espoux, l'adultere craint la presence du sien; «celle la craint qu'il s'en aille, et celle ci craint qu'il [212] demeure;» celle la est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse, celle ci n'est point jalouse parce qu'elle n'est pas amoureuse; celle ci craint d'estre chastiee, et celle la craint de n'estre pas asses aymee, ains, en verité, elle ne craint pas a proprement parler de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses qui s'ayment elles mesmes et veulent estre aymees, mais elle craint de n'aymer pas asses Celuy qu'elle void estre tant aymable que nul ne le peut asses dignement aymer selon la grandeur de l'amour qu'il merite, ainsy que j'ay dit n'a guere.

  A005000698 

 Mais, Theotime, qui veut voir cette jalousie delicatement et excellemment exprimee, il faut qu'il lise les enseignemens que la seraphique sainte Catherine de Gennes a faitz pour declarer les proprietés du pur amour, entre lesquelles elle inculque et presse fort celle-ci: que l'amour parfait, c'est a dire l'amour estant parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'entremise ou interposition, ni le meslange d'aucune autre chose, non pas mesme des dons de Dieu, voire jusques a cette rigueur, qu'il ne permet pas qu'on affectionne le Paradis sinon pour y aymer plus parfaitement la bonté de Celuy qui le donne; de sorte que les lampes de ce pur amour n'ont point d'huile, de lumignon ni de fumee, elles sont toutes feu et flamme que rien du monde ne peut esteindre; et ceux qui ont ces lampes ardentes en leurs mains, ont la tressainte crainte des chastes espouses, non pas celle des femmes adulteres.

  A005000699 

 Or, comme le zele est une ardeur enflammee ou une inflammation ardente de l'amour, il a aussi besoin d'estre sagement et prudemment prattiqué; autrement, sous pretexte d'iceluy, on violeroit les termes de la modestie ou discretion, et seroit aysé de passer du zele a la cholere et d'une juste affection a une inique passion: c'est pourquoy, n'estant pas ici le lieu de marquer les conditions du zele, mon Theotime, je vous advertis que pour l'execution d'iceluy vous ayes tous-jours recours a celuy que Dieu vous a donné pour vostre conduite en la vie devote.

  A005000703 

 Theotime, qui veut bien voir quel zele ou quelle jalousie nous devons avoir pour Dieu, il ne faut sinon bien exprimer la jalousie que nous avons pour les choses humaines, et puis la renverser; car telle devra estre celle que Dieu requiert de nous pour luy..

  A005000704 

 Imagines vous, Theotime, la comparayson qu'il y a entre ceux qui jouissent de la lumiere du soleil et ceux qui n'ont que la petite clarté d'une lampe: ceux la ne sont point envieux ni jaloux les uns des autres, car ilz sçavent bien que cette lumiere la est tres suffisante pour tous, que la jouissance de l'un n'empesche point la jouissance de l'autre, et que chacun ne la possede pas moins, encor que tous la possedent generalement, que si un chacun luy seul la possedoit en particulier; mays quant a la clarté d'une lampe, parce qu'elle est petite, courte et insuffisante pour plusieurs, chacun la veut avoir en sa chambre, et qui l'a est envié des autres.

  A005000704 

 Le bien des choses mondaines est si chetif et vil, que quand l'un en [214] jouit il faut que l'autre en soit privé; et l'amitié humaine est si courte et infirme, qu'a mesure qu'elle se communique aux uns elle s'affoiblit d'autant pour les autres: c'est pourquoy nous sommes jaloux et faschés quand nous y avons des corrivaux et compaignons.

  A005000704 

 Le cœur de Dieu est si abondant en amour, son bien est si fort infini, que tous le peuvent posseder sans qu'un chacun pour cela le possede moins, cette infinité de bonté ne pouvant estre espuisee, quoy qu'elle remplisse tous les espritz de l'univers; car apres que tout en est comblé, son infinité luy demeure tous-jours toute entiere, sans diminution quelcomque.

  A005000705 

 Au matin je tuois tous les pecheurs de la terre, affin de ruyner et exterminer tous les ouvriers d'iniquité.

  A005000705 

 Ceux que vous haïsses, o Seigneur, ne les haïssois-je pas, et ne sechois-je pas de regret sur vos ennemis? Mon zele m'a fait pasmer, parce que mes ennemis ont oublié vos paroles.

  A005000705 

 Voyes, je vous prie, Theotime, ce grand Roy, de quel zele il est animé, et comme il employe les passions de son ame au service de la sainte jalousie: il ne hait pas simplement l'iniquité, mays il l'abomine, il seche de detresse en la voyant, il tumbe en defaillance et definement de cœur, il la persecute, il la renverse et l'extermine.

  A005000706 

 Cette jalousie, Theotime, faisoit mourir et pasmer tous les jours ce saint Apostre: Je meurs, dit-il, tous les jours pour vostre gloire; Qui est infirme, que je ne sois aussi infirme? qui est scandalisé, que je ne brusle? Voyés, disent les Anciens, voyés quel amour, quel soin et quelle jalousie une mere-poule a pour ses poussins (car Nostre Seigneur n'a pas estimé cette comparayson indigne de son Evangile).

  A005000706 

 La poule est une poule, c'est a dire un animal sans courage ni generosité quelcomque, tandis qu'elle n'est pas mere; mais quand elle l'est devenue elle a un cœur de lion, tous-jours la teste levee, [216] tous-jours les yeux hagards, tous-jours elle va roulant sa veüe de toutes pars, pour peu qu'il y ait apparence de peril pour ses petitz; il n'y a ennemi aux yeux duquel elle ne se jette pour la defense de sa chere couvee, pour laquelle elle a un souci continuel qui la fait tous-jours aller glossant et plaignant: que si quelqu'un de ses poussins perit, quelz regretz! quelle cholere! C'est la jalousie des peres et meres pour leurs enfans, des pasteurs pour leurs ouailles, des freres pour leurs freres.

  A005000707 

 Elle craint de n'estre pas toute a son sacré Berger, et d'estre tant soit peu amusee apres ceux qui se veulent rendre ses rivaux; car elle ne veut qu'en façon du monde les playsirs, les honneurs et les biens exterieurs puissent occuper un seul brin de son amour, qu'elle a tout dedié a son cher Sauveur.

  A005000711 

 Ce bon pere de famille que Nostre Seigneur descrit en l'Evangile, conneut bien que les serviteurs ardens et violens sont coustumiers d'outrepasser l'intention de leur maistre; car les siens s'offrans a luy pour aller sarcler son champ affin d'en arracher l'ivroÿe: Non, leur dit-il, je ne le veux pas, de peur que d'adventure avec l'ivroye vous ne tiries aussi le froment..

  A005000711 

 D'autant que le zele est une ardeur et vehemence d'amour, il a besoin d'estre sagement conduit; autrement il violeroit les termes de la modestie et de la discretion.

  A005000711 

 Non pas certes que le divin amour, pour vehement qu'il soit, puisse estre excessif en soy mesme ni es mouvemens ou inclinations qu'il donne aux espritz; mays parce qu'il employe a l'execution de ses projetz l'entendement, luy ordonnant de chercher les moyens de les faire reuscir, et la hardiesse ou cholere pour surmonter les difficultés qu'il rencontre, il advient tres souvent que l'entendement propose et fait prendre des voyes trop aspres et violentes, et que la cholere ou audace, estant une fois esmeüe et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson, emporte le cœur dans le desordre: en sorte que le zele est, par ce moyen, exercé indiscrettement et desreglement, qui le rend mauvais et blasmable.

  A005000712 

 La cholere est un secours donné de la nature a la rayson, et employé par la grace au service du zele pour l'execution de ses desseins, mais secours dangereux et peu desirable: car si elle vient forte elle se rend maistresse, renversant l'authorité de la rayson et les loix amoureuses du zele; que si elle vient foible, elle ne fait rien que le seul zele ne fist luy seul sans elle, et tous-jours elle tient en une juste crainte que, se renforçant, elle ne s'empare du cœur et du zele, les sousmettant a sa tyrannie, tout ainsy qu'un feu artificiel qui, en un moment, embrase un edifice et ne sait-on comme l'esteindre.

  A005000712 

 Or, ce n'est pas bon mesnage, disent nos gens des chams, de tenir des paons en la mayson, car encor qu'ilz chassent aux araignes et en desfont le logis, ilz gastent toutefois tant les couvertz et les toictz que leur utilité n'est pas comparable au grand degast qu'ilz font.

  A005000713 

 Or je dis qu'elle se sert du nom du zele, parce qu'elle ne sçauroit se servir du zele en [219] luy mesme; d'autant que c'est le propre de toutes les vertus, mais sur tout de la charité, de laquelle le zele est une dependance, d'estre «si bonnes que nul n'en peut abuser.».

  A005000714 

 Or, ayant fait ce bel exploit de zele il ne s'arresta pas la, mais en fit grande feste au grand saint Denis Areopagite par une lettre qu'il luy en escrivit, de laquelle il receut une excellente responce, digne de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de saint Paul estoit animé: car il luy fit voir clairement que son zele avoit esté indiscret, imprudent et impudent tout ensemble, d'autant qu'encor que le zele de l'honneur deu aux choses saintes soit bon et louable, si est ce qu'il avoit esté prattiqué contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, puisqu'il avoit employé les coups de pieds, les outrages, injures et reproches, en un lieu, en une occasion et contre des personnes qu'il devoit honnorer, aymer et respecter; si que le zele ne pouvoit estre bon, estant exercé avec un si grand desordre.

  A005000714 

 Un certain moyne nommé Demophile, estimant, a son advis, que ce pauvre penitent s'approchast trop du saint autel, entra en une cholere si violente que, se ruant sur luy a grans coups de pieds, il le poussa et chassa hors de la, injuriant outrageusement le bon prestre qui selon son devoir avoit doucement recueilli ce pauvre repentant; puis, courant a l'autel il en osta les choses tressaintes qui y estoyent et les emporta, de peur, comme il vouloit faire accroire, que par rapprochement du pecheur le lieu n'eust esté prophané.

  A005000715 

 Ce que ne pouvant si tost faire, il s'en despitoit et les maudissoit, jusques a ce qu'en fin, levant les yeux au ciel, il vid le doux et tres pitoyable Sauveur qui, par une extreme pitié et compassion de ce qui se passoit, se levant de son throsne et [221] descendant jusques au lieu ou estoyent ces deux pauvres miserables, leur tendoit sa main secourable, a mesme que les Anges aussi, qui d'un costé qui d'autre, les retenoyent pour les empescher de tomber dans cet espouvantable gouffre.

  A005000715 

 Et pour conclusion, l'amiable et debonnaire Jesus, s'addressant au courroucé Carpus: Tiens, Carpus, dit-il, «frappe desormais sur moy, car je suis prest de patir encor une fois pour sauver les hommes, et cela me seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché des autres hommes; mais au surplus, advise ce qui te seroit meilleur, ou d'estre en ce gouffre avec les serpens, ou de demeurer avec les Anges qui sont si grans amis des hommes.».

  A005000715 

 Or considerés, je vous prie, mon Theotime, la violence de la passion de Carpus; car, comme il racontoit par apres luy mesme a saint Denis, il ne tenoit compte de contempler Nostre Seigneur et les Anges qui se monstroyent au Ciel, tant il prenoit playsir de voir en bas la detresse effroyable de ces deux miserables chetifs, se faschant seulement de ce qu'ilz tardoyent tant a perir, et partant s'essayoit de les precipiter luy mesme.

  A005000715 

 Premierement il luy fit voir, comme a un autre saint Estienne, le ciel tout ouvert, et Jesus Christ Nostre Seigneur assis sur un grand throsne, environné d'une multitude d'Anges qui luy assistoyent en forme humaine; puys il vid en bas la terre ouverte comme un horrible et vaste gouffre, et les deux desvoyés auxquelz il avoit souhaité tant de mal, sur le bord de ce precipice, tremblans et presque pasmés d'effroy a cause qu'ilz estoyent prestz a tumber dedans; attirés d'un costé par une multitude de serpens qui, sortans de l'abisme, s'entortilloyent a leurs jambes, et avec les queues les chatouilloyent et provoquoyent a la cheute, et de l'autre costé, certains hommes les poussoyent et frappoyent pour les faire tumber: si qu'ilz sembloyent estre sur le point d'estre abismés dans ce precipice.

  A005000715 

 [220] Carpus, homme eminent en pureté et sainteté de vie, et lequel il y a grande apparence avoir esté Evesque de Candie, en conceut un si grand courroux qu'onques il n'en avoit souffert de tel; et se laissa porter si avant en cette passion que, s'estant levé a la minuit pour prier selon sa coustume, il concluoit a part soy qu'il n'estoit pas raysonnable que les hommes impies vescussent davantage, priant par grande indignation la divine Justice de faire mourir d'un coup de foudre ces deux pecheurs ensemble, le payen seducteur et le Chrestien seduit.

  A005000716 

 Theotime, le saint homme Carpus avoit rayson d'entrer en zele pour ces deux hommes, et son zele avoit justement excitee la cholere contre eux, mays la cholere estant esmeüe avoit laissé la rayson et le zele en derriere; outrepassant toutes les bornes et limites du saint amour, et par consequent du zele qui en est la ferveur, elle avoit converti la hayne du peché en hayne du pecheur, et la tres douce charité en une furieuse cruauté.

  A005000720 

 Les chiens sages et bien appris tirent païs ou retournent sur eux mesmes selon que le piqueur leur parle, mais les jeunes chiens apprentifs s'egarent et sont desobeissans: les grans Saintz, qui ont rendu sages leurs passions a force de les mortifier par l'exercice des vertus, peuvent aussi tourner leur cholere a toute main, la lancer et la retirer ainsy que bon leur semble; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes, ou du moins mal apprises, nous ne pouvons lascher nostre [223] ire qu'avec peril de beaucoup de desordre, parce qu'estant une fois en campaigne on ne la peut plus retenir ni ranger comme il seroit requis..

  A005000721 

 Or un jour que Nostre Seigneur passoit en Samarie, il envoya en une ville pour y faire prendre son logis, mais les habitans, sachans que Nostre Seigneur estoit Juif de nation et qu'il alloit en Hierusalem, ne le volurent pas loger; ce que voyans saint Jean et saint Jaques, ilz dirent a Nostre Seigneur: Voules vous que nous commandions au feu qu'il descende et qu'il les brusle? Et Nostre Seigneur, se retournant devers eux, les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005000721 

 Saint Denis, parlant a ce Demophile qui vouloit donner le nom de zele a sa rage et furie: Celuy, dit il, qui veut corriger les autres, doit premierement «avoir soin d'empescher que la cholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte, sedition et confusion dans nous mesmes; de façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussees d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie, car telles paroles ne pleurent pas a Jesus Christ quand elles luy furent dites par ses Disciples, qui n'avoyent pas encor participe de ce doux et benin esprit.» Phinees, Theotime, voyant un certain malheureux Israëlite offencer Dieu avec une Moabite, il les tua tous deux; Helie avoit predit la mort d'Ochosias, lequel, indigné de cette prediction, envoya deux capitaines l'un apres l'autre, avec chacun cinquante soldatz pour le prendre, et l'homme de Dieu fit descendre le feu du ciel qui les devora.

  A005000722 

 C'est cela donq, Theotime, que veut dire saint Denis a Demophile qui alleguoit l'exemple de Phinees et d'Helie; car saint Jean et saint Jaques, qui vouloyent imiter Helie a faire descendre le feu du ciel sur les hommes, furent repris par Nostre Seigneur, qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit doux, [224] debonnaire et gracieux, qui n'employoit l'indignation ou le courroux que tres rarement, lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir profiter autrement.

  A005000722 

 Saint Thomas d'Aquin, ce grand astre de la theologie, estant malade de la maladie de laquelle il mourut au monastere de Fosseneuve, Ordre de Cisteaux, les religieux le prierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de saint Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de saint Bernard, et j'interpreteray ce divin Cantique comme saint Bernard.» De mesme, certes, si on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz et chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation en vostre zele, comme Phinees, Helie, Mathathias, saint Pierre et saint Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de la perfection et du pur zele, avec la lumiere interieure de ces grans Saintz, et nous nous animerons de cholere comme eux.

  A005000723 

 Ces grans Saintz estoyent inspirés de Dieu immediatement, et partant pouvoyent bien employer leur cholere sans peril; car le mesme Esprit qui les animoit a ces exploitz tenoit aussi les resnes de leur juste courroux, affin qu'il n'outrepassast les limites qu'il leur avoit prefigees.

  A005000724 

 Le zele du salut des ames fait desirer la prelature, a ce que dit cet ambitieux; fait courir ça et la le moyne destiné au choeur, a ce que dit cet esprit inquiete; fait faire des rudes censures et murmurations contre les prelatz de l'Eglise et contre les princes temporelz, a ce que dit cet arrogant.

  A005000724 

 Parce qu'une fois le grand saint Paul apelle les Galates insensés, represente aux Candiotz leurs mauvaises inclinations et resiste en face au glorieux saint [225] Pierre son superieur, faut-il prendre licence d'injurier les pecheurs, blasmer les nations, contreroller et censurer nos conducteurs et prelatz? Certes, chacun n'est pas saint Paul pour sçavoir faire ces choses a propos; mays les espritz aigres, chagrins, presumptueux et mesdisans, servans a leurs inclinations, humeurs, aversions et outrecuydances, veulent couvrir leur injustice du manteau du zelef, et chacun, sous le nom de ce feu sacré, se laisse bruler a ses propres passions.

  A005000725 

 Premierement, en faysant des grandes actions de justice pour repousser le mal: et cela n'appartient qu'a ceux qui ont les offices publiqs de corriger, censurer et reprendre en qualité de superieurs, comme les princes, magistratz, prelatz, predicateurs; mays parce que cet office est respectable, chacun l'entreprend, chacun s'en veut mesler.

  A005000725 

 Secondement, on use du zele en faysant des actions de grande vertu pour donner bon exemple, suggerant les remedes au mal, exhortant a les employer, operant le bien opposé au mal qu'on desire exterminer; ce qui appartient a un chacun, et neanmoins peu de gens le veulent faire.

  A005000726 

 Et comme nostre Sauveur porta de sorte les pechés du monde, et fut fait tellement anatheme, sacrifié pour le peché et delaissé de son Pere qu'il ne laissa pas d'estre perpetuellement le Filz bienaymé, auquel le Pere prenoit son bon playsir, aussi le saint Apostre desira bien d'estre anatheme et separé de son Maistre pour estre abandonné d'iceluy et delaissé a la merci des opprobres et punitions deues aux Juifz, mais il ne desira pas pourtant jamais d'estre privé de la charité et grace de son Seigneur, de laquelle rien aussi ne le pouvoit jamais separer; c'est a dire, il desira d'estre traitté comme un homme separé de Dieu, mais il ne desira pas d'en estre par effect separé, ni privé de sa grace, car cela ne peut estre saintement desiré.

  A005000726 

 O excellence de courage et de ferveur d'esprit incroyable! il imite Jesus Christ qui pour nous fut fait malediction, qui prit nos infirmités et porta nos maladies; ou, affin que je parle plus sobrement, luy le premier apres le Sauveur ne refuse pas de souffrir et d'estre reputé impie a leur occasion.» Ainsy donq, Theotime, comme nostre Sauveur fut fouetté, condamné, crucifié, en qualité d'homme voué, destiné et dedié a porter et supporter les opprobres, ignominies et punitions deues a tous les pecheurs du monde, et a servir de sacrifice general pour le peché, ayant esté fait comme anatheme, separé et abandonné de son Pere eternel, de mesme [227] aussi, selon la veritable doctrine de ce grand Nazianzene, le glorieux Apostre saint Paul desira d'estre comblé d'ignominie, crucifié, separé, abandonné et sacrifié pour le peché des Juifz, affin de porter pour eux l' anatheme et la peine qu'ilz meritoyent.

  A005000731 

 La charité de Jesus Christ nous presse, dit [229] le grand Apostre: ouy certes, Theotime, elle nous force et violente par son infinie douceur, prattiquee en tout l'ouvrage de nostre redemption, auquel s'est apparue la benignité et amour de Dieu envers les hommes; car, qu'est-ce que ce divin Amant ne fit pas en matiere d'amour?.

  A005000732 

 Il nous ayma d'amour de complaysance, car ses delices furent d'estre avec les enfans des hommes et d'attirer l'homme a soy, se rendant homme luy mesme.

  A005000733 

 Il a eu des tendretés admirables envers les petitz enfans qu'il prenoit entre ses bras et dorlotoit amoureusement; envers Marthe et Magdeleyne, envers le Lazare qu'il pleura, comme sur la cité de Hierusalem.

  A005000733 

 Il contempla le jeune homme qui avoit jusques a l'heure gardé les commandemens et desiroit d'estre acheminé a la perfection.

  A005000734 

 C'est pourquoy la mort du Sauveur fut un vray sacrifice, et sacrifice d'holocauste, que luy mesme offrit a son Pere pour nostre redemption; car encor que les peynes et douleurs de sa Passion fussent si grandes et fortes que tout autre homme en fust mort, si est ce que, quant a luy, il n'en fust jamais mort s'il n'eust voulu, et que le feu de son infinie [232] charité n'eust consumé sa vie.

  A005000734 

 Car, bien que les cruelz supplices fussent tres suffisans pour faire mourir qui que ce fut, si est ce que la mort ne pouvoit jamais entrer dans la vie de Celuy qui tient les clefs de la vie et de la mort, si le divin amour, qui manie ces clefs, n'eust ouvert les portes a la mort affin qu'elle allast saccager ce divin cors et luy ravir la vie; l'amour ne se contentant pas de l'avoir rendu mortel pour nous, s'il ne le rendoit mort.

  A005000734 

 En fin, Theotime, ce divin Amoureux mourut entre les flammes et ardeurs de la dilection, a cause de l'infinie charité qu'il avoit envers nous et par la force et vertu de l'amour; c'est a dire, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour.

  A005000735 

 O Dieu! Theotime, quel brasier pour nous enflammer a faire les exercices du saint amour pour le Sauveur tout bon, voyans qu'il les a si amoureusement prattiqués pour nous qui sommes si mauvais! Cette charité donq de Jesus Christ nous presse..

  A005000743 

 Certes, encor que ces vertus eussent beaucoup d'apparence, si est ce qu'en effect elles estoyent de peu de valeur, a cause de la bassesse de l'intention de ceux qui les prattiquoyent, qui ne travailloyent presque que pour l'honneur, ainsy que dit saint Augustin, ou pour quelqu'autre pretention fort legere, comme est celle de l'entretien de la societé civile, ou pour quelque petite [235] inclination qu'ilz avoyent au bien, laquelle ne rencontrant point de grande contrarieté, les portoit a des menues actions de vertu, comme par exemple, a s'entresaluer, a secourir les amis, vivre sobrement, ne point desrobber, servir fidelement les maistres, payer les gages aux ouvriers.

  A005000743 

 Et toutefois, quoy que cela fut ainsy mince et environné de plusieurs imperfections, Dieu en sçavoit gré a ces pauvres gens et les en recompensoit abondamment..

  A005000743 

 Les payens, quoy qu'ennemis de sa divine Majesté, prattiquoyent parfois quelques vertus humaines et civiles desquelles la condition n'estoit pas au dessus des forces de l'esprit raysonnable: or, vous pouves penser, Theotime, combien cela estoit peu de chose.

  A005000744 

 Excuse qui n'eust pas esté a propos si ces sages femmes eussent esté Hebrieuses, et n'est pas croyable que Pharao eust donné une commission si impiteuse contre les Hebrieuses a des femmes Hebrieuses, de mesme nation et religion; et aussi Josephe tesmoigne qu'en effect elles estoyent Egyptiennes.

  A005000744 

 Les sages femmes auxquelles Pharao donna charge de faire perir tous les masles des Israëlites estoyent sans doute Egyptiennes et payennes, car s'excusant dequoy elles n'avoyent pas executé la volonté du Roy: Les femmes Hebrieuses, disoyent elles, ne sont pas comme les Egyptiennes, car elles sçavent l'art de recevoir les enfans, et devant que nous allions a elles, elles ont enfanté.

  A005000744 

 Or, toutes Egyptiennes et payennes qu'elles estoyent, elles craignirent d'offencer Dieu par une cruauté si barbare et desnaturee, comme eust esté celle du massacre de tant de petitz enfans: dequoy la divine Douceur leur sceut si bon gré, qu'elle leur edifia des maysons, c'est a dire les rendit plantureuses en enfans et en biens temporelz..

  A005000745 

 Donques, adjouste saint Hierosme au Commentaire, «nous apprenons que si les payens mesmes font quelque bien, ilz ne sont point laissés sans salaire par le jugement de Dieu.» Ainsy Daniel exhorta Nabuchodonosor infidele, de racheter [236] ses pechés par aumosnes, c'est a dire de se racheter des peynes temporelles deües a ses pechés, dont il estoit menacé.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000746 

 La rayson naturelle est un bon arbre que Dieu a planté en nous, les fruitz qui en proviennent ne peuvent estre que bons: fruitz qui en comparayson de ceux qui procedent de la grace sont a la verité de tres petit prix, mais non pas pourtant de nul prix, puisque Dieu les a prisés et pour iceux a donné des recompenses temporelles; ainsy que, selon le grand saint Augustin, il salaria les vertus morales des Romains de la grande estendue et magnifique reputation de leur Empire..

  A005000747 

 Il ne sçauroit voirement marcher, ni se lever, ni crier a l'ayde, non pas mesme parler, sinon languidement, a cause de son cœur failly, mais il peut bien ouvrir les yeux, remuer les doigtz, souspirer, dire quelque parole de plainte; actions foibles, et nonobstant lesquelles il mourroit miserablement sur son sang, si le misericordieux Samaritain ne luy eust appliqué son huyle et son vin, et ne l'eust emporté au logis pour le faire panser et traitter a ses propres despens.

  A005000747 

 La naturelle rayson est grandement blessee et comme a moitié morte par le peché: c'est pourquoy, ainsy mal en point, elle ne peut observer tous les commandemens, qu'elle void bien pourtant estre convenables; elle connoist son devoir, mais elle ne peut le rendre, et ses yeux ont plus de clarté pour luy monstrer le chemin que ses jambes de force pour l'entreprendre..

  A005000747 

 Le peché rend sans doute l'esprit malade, qui partant ne peut pas faire des grandes et fortes operations, mais ouy bien des petites, car toutes les actions des malades ne sont pas malades: encor parle on, encor void on, encor ouït on, encor boit on.

  A005000748 

 Car les ennemis de l'homme sont ardens, remuans et en perpetuelle action pour le precipiter, et quand ilz voyent qu'il n'arrive point d'occasion de prattiquer les vertus ordonnees, ilz suscitent mille tentations pour nous faire tumber es choses prohibees; et lhors la nature, sans la grace, ne se peut garentir du precipice: car si nous vainquons, Dieu nous donne la victoire par Jesus Christ, ainsy que [238] dit saint Paul.

  A005000748 

 Le pecheur peut voirement bien observer quelques uns des commandemens par ci par la, ains il peut mesme les observer tous pour quelque peu de tems, lhors qu'il ne se presente point de sujet relevé auquel il faille prattiquer les vertus commandees, ou de tentation pressante de commettre le peché defendu: mais que le pecheur puisse vivre long tems en son peché sans en adjouster des nouveaux, certes cela ne se peut sans une speciale protection de Dieu.

  A005000748 

 Veillés et priés affin que vous n'entries point en tentation: si Nostre Seigneur nous disoit seulement, Veillés, nous penserions pouvoir asses faire de nous mesmes; mais quand il adjouste, priés, il monstre que s'il ne garde nos ames au tems de la tentation, en vain veilleront ceux qui les gardent..

  A005000752 

 Les maistres des choses rustiques admirent la fraiche innocence et pureté des petites fraises, parce qu'encor qu'elles rampent sur la terre et soyent continuellement foulees par les serpens, lezars et autres bestes veneneuses, si est ce qu'elles ne reçoivent aucune impression du venin, ni n'acquierent aucune qualité maligne; signe qu'elles n'ont aucune affinité avec le venin.

  A005000752 

 Telles sont donques les vertus humaines, Theotime, lesquelles, quoy qu'elles soyent en un cœur bas, terrestre et grandement occupé de peché, elles ne sont neanmoins aucunement infectees de la malice d'iceluy, estant d'une nature si franche et innocente qu'elle ne peut estre corrompue par la societé de l'iniquité, selon qu'Aristote mesme a dit «que la vertu estoit une habitude de laquelle aucun ne peut abuser.» Que si les vertus, estant ainsy bonnes en elles mesmes, ne sont pas recompensees d'un loyer eternel lhors qu'elles sont prattiquees par les infideles ou par ceux qui sont en peché, il ne s'en faut nullement estonner: puisque le cœur pecheur duquel elles procedent n'est pas capable du bien [239] eternel, s'estant d'ailleurs destourné de Dieu, et que l'heritage celeste appartenant au Filz de Dieu, nul n'y doit estre associé qui ne soit en luy, et son frere adoptif; laissant a part que la convention par laquelle Dieu promet le Paradis ne regarde que ceux qui sont en sa grace, et que les vertus des pecheurs n'ont aucune dignité ni valeur que celle de leur nature, qui par consequent ne les peut relever au merite des recompenses surnaturelles, lesquelles pour cela mesme sont appellees surnaturelles, d'autant que la nature et tout ce qui en depend ne peut ni les donner ni les meriter..

  A005000753 

 C'est une des proprietés de l'amitié qu'elle rend aggreable l'ami et tout ce qui est en luy de bon et d'honneste; l'amitié respand sa grace et faveur sur toutes les actions de celuy que l'on ayme, pour peu qu'elles en soyent susceptibles; les aigreurs des amis sont des douceurs, les douceurs des ennemis sont des aigreurs.

  A005000753 

 Fendes donq vostre cœur par la sainte penitence, et mettes l'amour de Dieu dans la fente; puis, entes sur iceluy telle vertu que vous voudres, et les œuvres qui en proviendront seront parfumees de sainteté, sans qu'il soit besoin d'autre soin pour cela..

  A005000753 

 Mais les vertus qui se treuvent es amis de Dieu, quoy qu'elles ne soyent que morales et naturelles selon leur propre condition, sont neanmoins anoblies et relevees a la dignité d'œuvres saintes, a cause de l'excellence du cœur qui les produit.

  A005000753 

 Non seulement les fruitz de la charité et les fleurs des œuvres qu'elle ordonne, mais les feuilles mesmes des vertus morales et naturelles tirent une speciale prosperité de l'amour du cœur qui les produit.

  A005000753 

 Si vous entes [240] un rosier, et que dedans la fente du tige vous metties un grain de musque, les roses qui en proviendront seront toutes musquees.

  A005000753 

 Toutes les œuvres vertueuses d'un cœur ami de Dieu sont dediees a Dieu: car, le cœur qui s'est donné soy mesme, comme n'a-il pas donné tout ce qui depend de luy mesme? qui donne l'arbre sans reserve, ne donne-il pas aussi les feuilles, les fleurs et les fruitz? Le juste fleurira comme la palme, il croistra comme le cedre du Liban.

  A005000754 

 Ainsy Dieu regarda au bon Abel premierement, et puis a ses offrandes; en sorte que les offrandes prirent leur grace et dignité devant les yeux de Dieu, de la bonté et pieté de celuy qui les presentoit.

  A005000754 

 Les Spartes ayans ouï une tres belle sentence de la bouche d'un meschant homme, n'estimerent pas qu'elle deut estre receüe si premierement elle n'estoit prononcee par la bouche d'un homme de bien: pour donq la rendre digne de reception, ilz ne firent autre chose que de la faire derechef proferer par un homme vertueux.

  A005000754 

 O bonté souveraine de ce grand Dieu, laquelle favorise tant ses amans qu'elle cherit leurs moindres petites actions, pour peu qu'elles soyent bonnes, et les anoblit excellemment, leur donnant le tiltre et la qualité de saintes! Hé, c'est en contemplation de son Filz bienaymé duquel il veut honnorer les enfans adoptifs, sanctifiant tout ce qui est de bon en eux: les os, les cheveux, les vestemens, les sepulchres et jusques a l'ombre de leurs cors; la foy, l'esperance, l'amour, la religion, ouy mesme la sobrieté, la courtoisie, l'affabilité de leurs cœurs..

  A005000755 

 Car, comme ce grand prophete et prince Job, quoy qu'il fut issu de race payenne et habitant de la terre Hus, ne laissa pas d'appartenir a Dieu, ainsy les vertus morales, quoy que provenues d'un cœur pecheur, ne laissent pas d'appartenir a Dieu; mays quand ces mesmes vertus se treuvent en un cœur vrayement chrestien, c'est a dire doué du saint amour, alhors non seulement elles appartiennent a Dieu, mais elles ne sont point inutiles en Nostre Seigneur, ains sont rendues fructueuses et pretieuses devant les yeux de sa bonté.

  A005000755 

 Et notés, Theotime, que toute œuvre vertueuse doit estre estimee œuvre du Seigneur, voire mesme quand elle seroit prattiquee par un infidele: car sa divine Majesté dit a Ezechiel que Nabuchodonosor et son armee avoyent travaillé pour [241] luy, parce qu'ilz avoyent fait une guerre legitime et juste contre les Tyriens; monstrant asses par la que la justice des injustes est sienne, tend a luy et luy appartient, bien que les injustes qui font la justice ne soyent pas siens, ne tendent pas a luy et ne luy appartiennent pas.

  A005000759 

 Ainsy, pour donner le goust de l'olive aux raysins, il ne faut que planter la vigne entre les oliviers, car sans s'entretoucher aucunement, par le seul voysinage, ces plantes feront un reciproque commerce de leurs saveurs et proprietés, tant elles ont une grande inclination et estroitte convenance l'une envers l'autre..

  A005000759 

 Car ces vertus, par leur propre condition, ont un si grand rapport a Dieu et sont si susceptibles des impressions de l'amour celeste, que pour les faire participer a la sainteté d'iceluy il ne faut sinon qu'elles soyent aupres de luy, c'est a dire en un cœur qui ayme Dieu.

  A005000760 

 Ainsy toutes les vertus reçoivent un nouveau lustre et une excellente dignité par la presence de l'amour sacré; mais la foy, l'esperance, la crainte de Dieu, la pieté, la penitence et toutes les autres vertus qui d'elles mesmes tendent particulierement a Dieu et a son honneur, elles ne reçoivent pas seulement l'impression du divin amour, par laquelle elles sont eslevees a une grande valeur, mais elles se penchent totalement vers luy, s'associant avec luy, le suivant et servant en toutes occasions: car en fin, mon cher Theotime, la Parole sacree attribue une certaine proprieté et force de sauver, de sanctifier et de glorifier, a la foy, a l'esperance, a la pieté, a la crainte de Dieu, a la penitence; qui tesmoigne bien que ce sont des vertus de grand prix, et qu'estant prattiquees en un cœur qui a l'amour de Dieu, elles se rendent excellemment plus fructueuses et saintes que les autres, [243] lesquelles de leur nature n'ont pas une si grande convenance avec l'amour sacré.

  A005000760 

 Certes, toutes les fleurs, si ce ne sont celles de l'arbre triste et quelques autres de naturel monstrueux, toutes, dis je, se res-jouissent, espanouissent et s'embellissent a la veüe du soleil, par la chaleur vitale qu'elles reçoivent de ses rayons; mais toutes les fleurs jaunes, et sur tout celle que les Grecs ont appellé heliotropium, et nous, tourne-soleil, non seulement reçoivent de la joye et complaysance en la presence du soleil, mais suivent par un amiable contour les attraitz de ses rayons, le regardant et se retournant devers luy depuis son lever jusques a son couchant.

  A005000760 

 Et celuy qui s'escrie: Si j'ay toute la foy, en sorte mesme que je transporte les montaignes, et je n'ay point la charité, je ne suis rien, il monstre bien, certes, qu'avec la charité, cette foy luy proffiteroit grandement.

  A005000760 

 La charité donques est une vertu nompareille, qui n'embellit pas seulement le cœur auquel elle se treuve, mais benit et sanctifie aussi toutes les vertus qu'elle rencontre en iceluy, par sa seule presence, les embaumant et parfumant de son odeur celeste, par le moyen de laquelle elles sont rendues de grand prix devant Dieu: ce qu'elle fait neanmoins beaucoup plus excellemment en la foy, en l'esperance, et es autres vertus qui d'elles mesmes ont une nature tendante a la pieté..

  A005000761 

 C'est pourquoy, Theotime, entre toutes les actions vertueuses nous devons soigneusement prattiquer celles de la religion et reverence envers les choses divines, celles de la foy, de l'esperance et de la tressainte crainte de Dieu; parlans souvent des choses celestes, pensans et aspirans a l'eternité, hantant les eglises et services sacrés, faysans des lectures devotes, observans les ceremonies de la religion chrestienne: car le saint amour se nourrit a souhait parmi ces exercices, et respand sur iceux plus abondamment ses graces et proprietés qu'il ne fait sur les actions des vertus simplement humaines; ainsy que le bel arc-en-ciel rend odorantes toutes les plantes sur lesquelles il tumbe, mais plus que toutes incomparablement celles de l'aspalatus.

  A005000765 

 Et il arriva selon son souhait, car Bala conceut et enfanta plusieurs enfans sur les genoux de Rachel; qui les recevoit comme veritablement siens, d'autant qu'ilz estoyent procreés de deux cors, dont celuy de Jacob luy appartenoit par la loy du mariage, et celuy de Bala par obligation de service, et d'autant encores que leur generation avoit esté faitte par son ordonnance et volonté.

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000767 

 Ainsy donques, Theotime, les actions vertueuses des enfans de Dieu appartiennent toutes a la sacree dilection: les unes, parce qu'elle mesme les produit de sa propre nature; les autres, d'autant qu'elle les sanctifie [246] par sa vitale presence; et les autres, en fin, par l'authorité et le commandement dont elle use sur les autres vertus, desquelles elle les fait naistre: et celles ci, comme elles ne sont pas, a la verité, si eminentes en dignité que les actions proprement et immediatement issues de la dilection, aussi excellent-elles incomparablement au dessus des actions qui ont toute leur sainteté de la seule presence et societé de la charité..

  A005000768 

 Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes.

  A005000768 

 Mais pourtant, apres qu'on luy a donné toute la gloire en gros, on ne laisse pas d'en distribuer les pieces a chaque partie de l'armee, en disant ce que l'avant garde, le cors et l'arriere garde ont fait; comme les François, les Italiens, les Allemans, les Espagnolz se sont comportés; ouy mesme on loue les particuliers qui se seront signalés au combat.

  A005000768 

 Mais tous-jours reciproquement aussi, apres qu'on a eslevé ces vertus particulieres, il faut rapporter tout leur honneur a l'amour sacré, qui a toutes donne la sainteté qu'elles ont: car, que veut dire autre chose le glorieux Apostre, inculquant que la charité est benigne, patiente, qu' elle croid tout, espere tout, supporte tout, sinon que la charité ordonne et commande a la patience de patienter, et a l'esperance d'esperer, et a la foy de croire? Il est vray, Theotime, qu'avec cela il signifie encor que l'amour est l'ame et la vie de toutes les vertus; comme s'il vouloit dire, que la patience n'est pas asses patiente, ni la foy asses fidele, ni l'esperance asses confiante, ni la debonnaireté asses douce, si l'amour ne les anime et vivifie: et c'est cela mesme que nous fait entendre ce mesme vaysseau d'election, quand il dit que sans la charité rien ne luy proffite, et qu'il n'est rien; car c'est comme s'il disoit que sans l'amour il n'est ni patient, ni debonnaire, ni constant, ni fidele, ni esperant ainsy qu'il est convenable pour estre serviteur de Dieu, qui est le vray et desirable estre de l'homme.

  A005000768 

 Or, neanmoins, quoy qu'en gros nous disions, apres le divin Apostre, que la charité souffre tout, elle croid tout, elle espere tout, elle supporte tout, et en somme qu'elle fait tout, si est-ce que nous ne laissons pas de distribuer en particulier la louange du salut des Bienheureux aux autres vertus, selon qu'elles ont excellé en un chacun; car nous disons que la foy en a sauvé les uns, l'aumosne quelques autres, la temperance, l'orayson, l'humilité, l'esperance, la chasteté les autres, parce que les actions de ces vertus ont paru avec lustre en ces Saintz.

  A005000772 

 «J'ay veu a Tivoli,» dit Pline, «un arbre enté de toutes les façons qu'on peut enter, qui portoit toutes sortes de fruitz; car en une branche on treuvoit des cerises, en une autre des noix, et es autres des raysins, des figues, des grenades, des pommes, et generalement toutes especes de fruitz.» Cela, Theotime, estoit admirable, mais bien plus encor de voir en l'homme chrestien la divine dilection sur laquelle toutes les vertus sont entees: de maniere que, comme l'on pouvoit dire de cet arbre qu'il estoit cerisier, pommier, noyer, grenadier, aussi l'on peut dire de la charité qu'elle est patiente, douce, vaillante, juste, ou plustost, qu'elle est la patience, la douceur et la justice mesme..

  A005000773 

 Et comme le tige communique sa saveur a tous les fruitz que les greffes produisent, en telle sorte que chasque fruit ne laisse pas de garder la proprieté naturelle du greffe duquel il est procedé, ainsy la charité respand tellement son excellence et dignité es actions des autres vertus, que neanmoins elle laisse a une chacune d'icelles la valeur et bonté particuliere qu'elle a de sa condition naturelle..

  A005000773 

 Mais le pauvre arbre de Tivoli ne dura guere, comme le mesme Pline tesmoigne, car cette varieté de productions tarit incontinent son humeur radicale, et le dessecha en sorte qu'il en mourut: ou, au contraire, la dilection se renforce et revigore de faire force fruitz en l'exercice de toutes les vertus; ains, comme ont remarqué nos saintz Peres, elle est insatiable en l'affection qu'elle a de fructifier, et ne cesse de presser le cœur auquel elle se treuve, comme Rachel faisoit son mari, disant: Donne moy des enfans, autrement je mourray.

  A005000773 

 Or, les fruitz des arbres entés sont tous-jours selon le greffe, car si le greffe est de pommier il jettera des pommes, s'il est de cerisier il jettera des cerises, en sorte neanmoins que tous-jours ces fruitz-la tiennent du goust du tronc: et de mesme, Theotime, [249] nos actes prennent leur nom et leur espece des vertus particulieres desquelles ilz sont issus, mais ilz tirent de la sacree charité le goust de leur sainteté; aussi, la charité est la racine et source de toute sainteté en l'homme.

  A005000774 

 Ains, tant s'en faut que l'amour celeste oste aux vertus les preeminences et dignités qu'elles ont naturellement, qu'au contraire, ayant cette proprieté de perfectionner les perfections qu'elle rencontre, a mesure qu'elle treuve des plus grandes perfections elle les perfectionne plus grandement: comme le sucre es confitures assaisonne tellement les fruitz de sa douceur, que les addoucissant tous il les laisse neanmoins inegaux en goust et suavité, selon qu'ilz sont inegalement savoureux de leur nature; et jamais il ne rend les pesches et les noix ni si douces ni si aggreables que les abricotz et les mirabolans..

  A005000774 

 Ainsy, mon Theotime, si avec une egale charité l'un souffre la mort du martyre, et l'autre la faim du jeusne, qui ne void que le prix de ce jeusne ne sera pas pour cela egal a celuy du martyre? Non, Theotime; car, qui oseroit dire que le martyre en soy mesme ne soit pas plus excellent que le jeusne? Que s'il est plus excellent, la charité survenante ne luy ostant pas l'excellence qu'il a, ains la perfectionnant, luy laissera par consequent les avantages qu'il avoit naturellement sur le jeusne.

  A005000774 

 Toutes les fleurs perdent l'usage de leur lustre et de leur grace parmi les tenebres de la nuit; mais au matin, le soleil rendant ces mesmes fleurs visibles et aggreables n'egale pas toutefois leurs beautés et leurs graces, et sa clarté, respandue egalement sur toutes, les fait neanmoins inegalement claires et esclattantes, selon que plus ou moins elles se treuvent susceptibles des effectz de sa splendeur: et la lumiere du soleil, pour egale qu'elle soit sur la violette et sur la rose, n'egalera jamais pourtant la beauté de celle la a la beauté de celle ci, ni la grace d'une marguerite a celle du lys; mays pourtant, si la lumiere du soleil estoit fort claire sur la violette, et fort obscurcie par les brouillars sur la rose, alhors sans doute elle rendroit plus aggreable aux yeux la violette que la rose.

  A005000775 

 Ainsy, les menues vertus de Nostre Dame, de saint Jean, des autres grans Saintz, estoyent de plus grand prix devant Dieu que les plus relevees de plusieurs Saintz inferieurs, comme beaucoup des petitz eslans amoureux des Seraphins sont plus enflammés que les plus relevés des Anges du dernier ordre; ainsy que le chant des rossignolz apprentifs est plus harmonieux incomparablement que celuy des chardonneretz les mieux appris..

  A005000775 

 Il est vray, toutefois, que si la dilection est ardente, puissante et excellente en un cœur, elle enrichira et perfectionnera aussi davantage toutes les œuvres des vertus qui en procederont.

  A005000776 

 Ainsy, Theotime, les petites simplicités, abjections et humiliations esquelles les grans Saintz se sont tant pleus pour se musser et mettre leur cœur a l'abri contre la vayne gloire, ayant esté faites avec une grande excellence de l'art et de l'ardeur du celeste amour, ont esté treuvees plus agreables devant Dieu que les grandes ou illustres besoignes de plusieurs autres, qui furent faites avec peu de charité et de devotion..

  A005000776 

 Pireicus a la fin de ses ans ne peignoit qu'en petit volume et choses de peu, comme boutiques de barbiers, de cordonniers, petitz asnes chargés d'herbes, et semblables menus fatras; ce qu'il faisoit, comme Pline [251] pense, pour assoupir sa grande renommee: dont en fin on l'appella peintre de basse estoffe; et neanmoins, la grandeur de son art paroissoit tellement en ses bas ouvrages, qu'on les vendoit plus que les grandes besoignes des autres.

  A005000777 

 L'Espouse sacree blesse son Espoux avec un seul de ses cheveux, desquelz il fait tant d'estat qu'il les compare aux troupeaux des chevres de Galaad, et n'a pas plus tost loué les yeux de sa devote amante, qui sont les parties les plus nobles de tout le visage, que soudain il lotie la cheveleure, qui est la plus fresle, vile et abjecte; affin que l'on sceust qu'en une ame esprise du divin amour, les exercices qui semblent fort chetifs sont neanmoins grandement agreables a sa divine Majesté..

  A005000781 

 Voyes, de grace, ces merveilles: la tribulation produit la gloire, la legereté donne le poids, et les momens operent l'eternité!.

  A005000782 

 Et comme les graines qui ne produiroyent d'elles mesmes que des melons de goust fade, en produisent des sucrins et muscatz si elles sont detrempees en l'eau sucree ou musquee, ainsy nos cœurs qui ne sçauroyent pas projetter une seule bonne pensee pour le service de Dieu, estans detrempés en la sacree dilection par le Saint Esprit qui habite en nous, ilz produisent des actions sacrees qui tendent et nous portent a la gloire immortelle.

  A005000782 

 Le sarment uni et joint au cep porte du fruit non en sa propre vertu mais en la vertu du cep: or nous sommes unis par la charité a nostre Redempteur, comme les membres au chef; c'est pourquoy nos fruitz et bonnes œuvres, tirans leur valeur d'iceluy, meritent la vie eternelle.

  A005000782 

 Mays qui peut donner tant de vertu a ces momens passagers et a ces tribulations si legeres? L'escarlatte et la pourpre, ou fin cramoysi violet, est un drap grandement pretieux et royal, mais ce n'est pas a rayson de la laine, ains a cause de la teinture: les œuvres des bons Chrestiens sont de si grande valeur que pour icelles on nous donne le Ciel; mays, Theotime, ce n'est pas parce qu'elles procedent de nous et sont la laine de nos cœurs, ains parce qu'elles sont teintes au sang du Filz de Dieu; je veux dire, que c'est d'autant que le Sauveur sanctifie nos œuvres par le merite de son sang.

  A005000782 

 Nos œuvres comme provenantes de nous, ne sont que des chetifs roseaux, mais ces roseaux deviennent d'or par la charité, et avec iceux on arpente la Hierusalem celeste qu'on nous donne a cette mesure: car, tant aux hommes qu'aux Anges, on distribue la gloire selon la charité et les actions d'icelle, de sorte que la mesure de l'Ange est celle-là mesme de l'homme; et Dieu a rendu et rendra a un chacun selon ses œuvres, comme toute l'Escriture divine nous enseigne, laquelle nous assigne la felicité et joye eternelle du Ciel pour recompense des travaux et bonnes actions que nous aurons prattiquees en terre..

  A005000784 

 Mays ne penses pas pourtant, Theotime, qu'en cette promesse il ayt tellement volu manifester sa bonté qu'il ayt oublié de glorifier sa sagesse, puisque au contraire il y a observé fort exactement les reges de l'equité, meslant admirablement la bienseance avec la liberalité: car nos œuvres sont voirement extremement petites et nullement comparables a la gloire, en leur quantité, mais elles luy sont neanmoins fort proportionnees en qualité, a rayson du Saint Esprit qui, habitant dans nos cœurs par la charité, les fait en nous, par nous et pour nous, avec un art si exquis, que les mesmes œuvres qui sont toutes nostres sont encor mieux toutes siennes, parce que, comme il les produit en nous, nous les produisons reciproquement en luy, comme il les fait pour nous, nous les faysons pour luy, et comme il les opere avec nous, nous cooperons aussi avec luy..

  A005000785 

 Ainsy l'huile de benediction versee sur le Sauveur, comme sur le chef de l'Eglise tant militante que triomphante, se respand sur la societé des Bienheureux, qui, comme la barbe sacree de ce divin Maistre, sont tous-jours attachés a sa face glorieuse, et distille encor sur la compaignie des fideles qui, comme vestemens, sont jointz et unis par dilection a sa divine Majesté; l'une et l'autre trouppe, comme composee de freres germains, ayant a cette occasion sujet de s'escrier: O que c'est une chose bonne et agreable de voir les freres bien ensemble, comme l'unguent qui descend en la barbe, la barbe d'Aaron, et jusques au bord de son vestement!.

  A005000786 

 Ainsy donq nos œuvres, comme un petit grain de moustarde, ne sont aucunement comparables en grandeur avec l'arbre de la gloire qu'elles produisent, mais elles ont pourtant la vigueur et vertu de l'operer, parce qu'elles procedent du Saint Esprit, qui, par une admirable infusion de sa grace en nos cœurs, rend nos œuvres siennes, les laissant nostres tout ensemble; d'autant que nous sommes membres d'un Chef duquel il est l'Esprit, et entés sur un arbre duquel il est la divine humeur.

  A005000789 

 Or, quand le cœur commence a vivre, avant que les autres parties soyent animees, sa vie, certes, est fort debile, tendre et imparfaite; mais a mesure qu'elle s'establit plus entierement dans le reste du cors, elle est aussi plus vigoureuse en chasque partie, et particulierement au cœur: et l'on void que la vie estant interessee en quelque membre, elle s'alangourit en tous les autres.

  A005000789 

 Si un homme est navré au pied ou au bras, tout le reste en est incommodé, esmeu, occupé et alteré; si nous avons mal a l'estomach, les yeux, la voix, tout le visage s'en ressent, tant il y a de convenance entre toutes les parties de l'homme pour la jouissance de la vie naturelle..

  A005000790 

 Encor bien, donques, qu'on puisse avoir quelques vertus separees des autres, si est-ce neanmoins que ce ne peut estre que des vertus languissantes, imparfaites et debiles: d'autant que la rayson, qui est la vie de nostre ame, n'est jamais satisfaite ni a son ayse dans une ame, qu'elle n'occupe et possede toutes les facultés et passions d'icelle; et lhors qu'elle est offencee et blessee en quelqu'une de nos passions ou affections, toutes les autres perdent leur force et vigueur, et s'alangourissent estrangement..

  A005000790 

 Et pour l'ordinaire, cette vie de nostre ame prend son commencement dans le cœur de nos passions, qui est l'amour, et s'estendant sur toutes les autres, elle vivifie en fin l'entendement mesme par la contemplation: comme, au contraire, la mort morale ou spirituelle fait sa premiere entree en l'ame par l'inconsideration ( la mort entre par les fenestres, dit le sacré Texte), et son dernier effect consiste a ruiner le bon amour, lequel perissant, toute la vie morale est morte en nous.

  A005000790 

 Toutes les vertus ne s'acquierent pas ensemblement en un instant, ains les unes apres les autres, a mesure que la rayson, qui est comme l'ame de nostre cœur, s'empare tantost d'une passion, tantost de l'autre, pour [257] la moderer et gouverner.

  A005000791 

 Il suffit bien vrayement a un enfant d'estre né dans le mariage pour porter parmi le monde le nom, les armes et les qualités du mari de sa mere; mais pour en porter le sang et la nature, il faut que non seulement il soit né dans le mariage, ains aussi du mariage: les actions ont le nom, les armes et marques des vertus, parce que naissant d'un cœur doué de rayson il est advis qu'elles soyent raysonnables; mais pourtant elles n'en ont ni la substance ni la vigueur si elles proviennent d'un motif estranger et adultere, et non de la rayson..

  A005000791 

 Or, si l'amour de la rayson possede et anime un esprit, il fera tout ce que la rayson voudra en toutes occurrences, et par consequent il prattiquera toutes les vertus.

  A005000791 

 Qui ayme la liberalité et n'ayme pas la chasteté, il monstre bien qu'il n'ayme [258] pas la liberalité pour la beauté de la rayson; car cette beauté est encor plus grande en la chasteté, et ou la cause est plus forte, les effectz devroyent estre plus fortz.

  A005000791 

 Qui ayme une vertu pour l'amour de la rayson et honnesteté qui y reluit, il les aymera toutes, puisqu'en toutes il treuvera ce mesme sujet, et les aymera plus ou moins chacune, selon que la rayson y paroistra plus ou moins resplendissante.

  A005000791 

 Voyés-vous, Theotime, toutes les vertus sont vertus par la convenance ou conformité qu'elles ont a la rayson; et une action ne peut estre dite vertueuse si elle ne procede de l'affection que le cœur porte a l'honnesteté et beauté de la rayson.

  A005000792 

 Il se peut donq bien faire que quelques vertus soyent en un homme auquel les autres manqueront; mais ce seront ou des vertus naissantes, encor toutes tendres, et comme des fleurs en bouton, ou des vertus perissantes, mourantes, et comme des fleurs fletrissantes: car en somme, les vertus ne peuvent avoir leur vraye integrité et suffisance qu'elles ne soyent toutes ensemble, ainsy que toute la philosophie et la theologie nous asseure.

  A005000792 

 Je vous prie, Theotime, quelle prudence peut avoir un homme intemperant, injuste et poltron, puisqu'il choisit le vice et laisse la vertu? Et comme peut-on estre juste sans estre prudent, fort et temperant, puisque la justice n'est autre chose qu'une perpetuelle, forte et constante volonté de rendre a un chacun ce qui luy appartient, et que la science par laquelle le droit s'administre est nommee jurisprudence, et que pour rendre a chacun ce qui luy appartient il nous faut vivre sagement et modestement, et empescher les desordres de l'intemperance en nous, affin de nous rendre ce qui nous appartient a nous mesmes? Et le [259] mot de vertu ne signifie-il pas une force et vigueur appartenante a l'ame en proprieté, ainsy que l'on dit les herbes et pierres pretieuses avoir telle et telle vertu ou proprieté? Mais la prudence est-elle pas imprudente en l'homme intemperant? La force sans prudence, justice et temperance n'est pas une force, mais une forcenerie; et la justice est injuste en l'homme poltron, qui ne l'ose pas rendre, en l'intemperant, qui se laisse emporter aux passions, et en l'imprudent, qui ne sçait pas discerner entre le droit et le tort.

  A005000792 

 La justice n'est pas justice, si elle n'est prudente, forte et temperante; ni la prudence n'est pas prudence, si elle n'est temperante, juste et forte; ni la force n'est pas force, si elle n'est juste, prudente et temperante; ni la temperance n'est pas temperance, si elle n'est prudente, forte et juste: et en somme, une vertu n'est pas vertu parfaite si elle n'est accompaignee de toutes les autres..

  A005000793 

 Il est bien vray, Theotime, qu'on ne peut pas exercer toutes les vertus ensemble, parce que les sujetz ne s'en presentent pas tout a coup; ains il y a des vertus que quelques uns des plus saintz n'ont jamais eu occasion de prattiquer: car saint Paul premier hermite, par exemple, quel sujet pouvoit il avoir d'exercer le pardon des injures, l'affabilité, la magnificence, la debonnaireté? Mais toutefois, telles ames ne laissent pas d'estre tellement affectionnees a l'honnesteté de la rayson, qu'encor qu'elles n'ayent pas toutes les vertus quant a l'effect, elles les ont toutes quant a l'affection, estant prestes et disposees de suivre et servir la rayson en toutes occurrences, sans exception ni reserve..

  A005000794 

 Ainsy semble-il a plusieurs d'avoir des vertus, qui n'ont toutefois que des bonnes inclinations; et parce que ces inclinations sont les unes sans les autres, il est advis que les vertus le soyent aussi..

  A005000794 

 Combien y a-il de personnes qui, par leur condition naturelle, sont sobres, simples, douces, taciturnes, voire mesme chastes et honnestes? Or tout cela semble estre vertu, et n'en a toutefois pas le merite, non plus que les mauvaises inclinations ne sont dignes d'aucun blasme, jusques a ce que, sur telles humeurs naturelles, nous ayons enté le libre et volontaire consentement.

  A005000794 

 Plusieurs pensent avoir les vertus quand ilz n'exercent pas les vices contraires: celuy qui ne fut onques assailli se peut voirement vanter de n'avoir pas esté fuyart, mais non pas d'avoir esté vaillant; celuy qui n'est pas affligé se peut louer de n'estre pas impatient, mais non pas d'estre patient.

  A005000795 

 Certes, le grand saint Augustin, en une epistre qu'il escrit a saint Hierosme, monstre que nous pouvons avoir quelque sorte de vertu sans avoir les autres, et que neanmoins nous n'en pouvons point avoir de parfaites sans les avoir toutes; mais que quant aux vices on peut avoir les uns sans avoir les autres, ains il est impossible de les avoir tous ensemble: de sorte qu'il ne s'ensuit pas que qui a perdu toutes les vertus ait par consequent tous les vices, puisque presque toutes les vertus ont deux vices opposés, non seulement contraires a la vertu, mais aussi contraires entre eux mesmes.

  A005000795 

 «Catilina,» dit saint Augustin, «estoit sobre, vigilant, patient a souffrir le froid, le chaud et la faim; c'est pourquoy il luy estoit advis, et a ses complices, qu'il fut grandement constant: mais cette force n'estoit pas prudente, puisqu'il choisissoit le mal en lieu du bien; elle n'estoit pas temperante, car il se relaschoit a des vilaines ordures; elle n'estoit pas juste, puisqu'il conjuroit contre sa patrie: elle n'estoit donq pas une constance, mais une opiniastreté, laquelle pour tromper les sotz portoit le nom de constance.» [261].

  A005000799 

 Or l'homme est en un lieu de delices, ou Dieu fait sourdre le fleuve de la rayson et lumiere naturelle pour arrouser tout le paradis de nostre cœur; et ce fleuve se divise en quatre chefs, c'est a dire prend quatre courans, selon les quatre regions de l'ame.

  A005000799 

 sur l'appetit de convoitise elle fait couler la temperance, qui modere les passions qui y sont; 4. et sur l'appetit irascible ou de la cholere elle fait flotter la force, qui bride et manie tous les mouvemens de l'ire..

  A005000800 

 Or ces quatre fleuves, ainsy separés, se divisent par apres en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines puissent estre bien dressees a l'honnesteté et felicité naturelle; mais outre cela, Dieu voulant enrichir les Chrestiens d'une speciale faveur, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de leur esprit une [262] fontaine surnaturelle que nous appelions grace, laquelle comprend voirement la foy et l'esperance, mais qui consiste toutefois en la charité, qui purifie l'ame de tous pechés, puis l'orne et l'embellit d'une beauté tres delectable et en fin espanche ses eaux sur toutes les facultés et operations d'icelle, pour donner a l'entendement une prudence celeste, a la volonté une sainte justice, a l'appetit de convoitise une temperance sacree, et a l'appetit irascible une force devote, affin que tout le cœur humain tende a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005000801 

 Ainsy l'amour celeste treuvant plusieurs vertus en saint Paul, en saint Ambroyse, saint Denis, saint Pachome, il respandit sur icelles une aggreable clarté, les reduisant toutes a son service; mais en la Magdeleyne, en sainte Marie Egyptiaque, au bon larron, et en cent autres telz penitens qui avoyent esté grans pecheurs, le divin amour ne treuvant aucune vertu fit la fonction et les œuvres de toutes les vertus, se rendant en iceux patient, doux, humble et liberal..

  A005000801 

 Mays si la sainte dilection ainsy respandue ne treuve point les vertus naturelles en l'ame, alhors elle mesme fait toutes leurs operations selon que les occasions le requierent.

  A005000802 

 Certes, mon Theotime, Dieu a respandu en nos ames les semences de toutes les vertus, lesquelles [263] neanmoins sont tellement couvertes de nostre imperfection et foiblesse qu'elles ne paroissent point, ou fort peu, jusques a ce que la vitale chaleur de la dilection sacree les vienne animer et resusciter, produisant par icelles les actions de toutes les vertus: si que, comme la manne contenoit en soy la varieté des saveurs de toutes les viandes, et en excitoit le goust dans la bouche des Israëlites, ainsy l'amour celeste comprend en soy la diversité des perfections de toutes les vertus, d'une façon si eminente et relevee qu'elle en produit toutes les actions en tems et lieu, selon les occurrences.

  A005000802 

 Josué avoit les forces de plusieurs soldatz sous soy; mais Samson les avoit en soy, et pouvoit luy seul autant que Josué et plusieurs soldatz avec luy eussent peu tous ensemble.

  A005000802 

 Josué desfit certes vaillamment les ennemis de Dieu par la bonne conduite des armees qu'il eut en charge; mais Samson les desfaisoit encor plus glorieusement, qui de sa main propre, avec des maschoires d'asne, en tuoit a milliers.

  A005000802 

 L'amour celeste excelle en l'une et l'autre façon: car treuvant des vertus en une ame (et pour l'ordinaire au moins y treuve-il la foy, l'esperance et la penitence), il les anime, il leur commande, et les employe heureusement au service de Dieu; et pour le reste des vertus, qu'il ne treuve pas, il fait luy mesme leurs factions, ayant autant et plus de force luy seul qu'elles ne sçauroyent avoir toutes ensemble..

  A005000802 

 Nous semons es jardins une grande varieté de graines, et les couvrons toutes de terre comme les ensevelissans, jusques a ce que le soleil plus fort les fasse lever et, par maniere de dire, resusciter, lhors qu'elles produisent leurs feuilles et leurs fleurs avec des nouvelles graines, une chacune selon son espece: en sorte qu'une seule chaleur celeste fait toute la diversité de ces productions par les semences qu'elle treuve cachees dans le sein de la terre.

  A005000803 

 Ainsy saint Thomas, en consideration de ce que saint Paul asseure que la charité est patiente, benigne, forte: «La charité,» dit il, fait et «accomplit les œuvres de toutes les vertus;» et saint Ambroise, escrivant a Demetrias, appelle la patience et les autres vertus, «membres de la charité;» et le grand saint Augustin dit que l'amour de Dieu comprend toutes les vertus et fait toutes leurs operations en nous.

  A005000803 

 Certes, le grand Apostre ne dit pas seulement que la charité nous donne la patience, benignité, constance, simplicité; mais il dit qu'elle mesme elle est patiente, benigne, constante: et c'est le propre des supremes vertus, entre les Anges et les hommes, de pouvoir non seulement ordonner aux inferieures qu'elles operent, mais aussi de pouvoir elles mesmes faire ce qu'elles commandent aux autres.

  A005000803 

 L'Evesque donne les charges de toutes les fonctions ecclesiastiques: d'ouvrir l'eglise, [264] d'y lire, exorciser, esclairer, prescher, baptizer, sacrifier, communier, absoudre; et luy mesme aussi peut faire et fait tout cela, ayant en soy une vertu eminente qui comprend toutes les autres inferieures.

  A005000803 

 Voyci ses paroles: «Ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre» (il entend les quatre vertus cardinales), «on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: de maniere que je ne ferois nul doute de definir ces quatre vertus en sorte que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choisit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuisible.».

  A005000804 

 Celuy donq qui a la charité, a son esprit revestu d'une belle robbe nuptiale, laquelle, comme celle de Joseph, est parsemee de toute la varieté des vertus; ou plustost, il a une perfection qui contient la vertu de toutes les perfections ou la perfection de toutes les vertus.

  A005000808 

 Ce que repetant le Disciple [266] bienaymé: Qui observe les commandemens de Dieu, dit-il, la charité de Dieu est parfaite en iceluy; et: Celle cy est la charité de Dieu, que nous gardions ses commandemens.

  A005000808 

 La charité est donques le lien de perfection, puisqu'en elle et par elle sont contenues et assemblees toutes les perfections de l'ame, et que sans elle non seulement on ne sçauroit avoir l'assemblage entier des vertus, mais on ne peut mesme sans elle avoir la perfection d'aucune vertu.

  A005000808 

 Nostre Seigneur lie tous-jours l'accomplissement des commandemens a la charité: Qui a mes commandemens, dit-il, et les observe, c'est celuy qui m'ayme; Celuy qui ne m'ayme pas ne garde pas mes commandemens; Si quelqu'un m'ayme, il gardera mes paroles.

  A005000808 

 Or, qui auroit toutes les vertus garderoit tous les commandemens: car, qui auroit la vertu de religion observeroit les trois premiers commandemens; qui auroit la pieté observeroit le quatriesme; qui auroit la mansuetude et debonnaireté observeroit le cinquiesme; par la chasteté on garderoit le sixiesme; par la liberalité on eviteroit de violer le septiesme; par la verité on feroit le huitiesme; et par la parcimonie et pudicité on observeroit le neufviesme et dixiesme.

  A005000808 

 Que si on ne peut garder les commandemens sans la charité, a plus forte rayson ne peut on sans icelle avoir toutes les vertus..

  A005000808 

 Sans le ciment et mortier qui lie les pierres et murailles, tout l'edifice se dissout; sans les nerfs, muscles et tendons, tout le cors seroit desfait; et sans la charité, les vertus ne peuvent s'entretenir les unes aux autres.

  A005000810 

 Les abeilles sont en leur naissance des petitz schadons et vermisseaux, sans pieds, sans aysles et sans forme; mais par succession de tems, elles se changent et deviennent petites mouches; puis en fin, quand elles sont fortes et qu'elles ont leur croissance, alhors on dit qu'elles sont avettes formees, faites et parfaites, parce qu'elles ont ce qu'il faut pour voler et faire le miel.

  A005000810 

 Les vertus ont leurs commencemens, leurs progres et leur perfection, et je ne nie pas que sans la charité elles ne puissent naistre, voire mesme faire progres; mays qu'elles ayent leur perfection pour porter le tiltre de vertus faittes, formees et accomplies, cela depend de la charité, qui leur donne la force de voler en Dieu, [267] et recueillir de la misericorde d'iceluy le miel du vray merite et de la sanctification des cœurs esquelz elles se treuvent..

  A005000810 

 Toutes les vertus separees de la charité sont fort imparfaites, puisqu'elles ne peuvent sans icelle parvenir a leur fin, qui est de rendre l'homme heureux.

  A005000811 

 La charité est entre les vertus comme le soleil entre les estoiles: elle leur distribue a toutes leur clarté et beauté.

  A005000811 

 La foy, l'esperance, la crainte et penitence viennent ordinairement devant elle en l'ame pour luy preparer le logis; et comme elle est arrivee, elles luy obeissent et la servent comme tout le reste des vertus, et elle les anime, les orne et vivifie toutes par sa presence..

  A005000812 

 Les autres vertus se peuvent reciproquement entr'ayder et s'exciter mutuellement en leurs œuvres et exercices; car, qui ne sçait que la chasteté requiert et excite la sobrieté, et que l'obeissance nous porte a la liberalité, a l'orayson, a l'humilité? Or, par cette communication qu'elles ont entr'elles, elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observee par obeissance a double dignité, a sçavoir, la sienne propre et celle de l'obeissance; ains elle a plus de celle de l'obeissance que de la sienne propre.

  A005000812 

 Mais pourtant, du meslange de l'obeissance avec la chasteté ne peut reuscir une vertu accomplie et parfaite, puisque la derniere perfection, qui est l'amour, leur manque a toutes deux: de sorte que, si mesmes il se pouvoit faire que toutes les vertus se treuvassent ensemble en un homme et que la seule charité luy manquast, cet assemblage de vertus seroit voirement un cors tres parfaitement accompli de toutes ses parties, tel que fut celuy d'Adam quand Dieu de sa main maistresse le forma du limon de la terre, mais cors neanmoins qui seroit sans mouvement, sans vie et sans grace, [268] jusques a ce que Dieu inspirast en iceluy le spiracle de vie c'est a dire la sacree charité, sans laquelle rien ne nous profite..

  A005000813 

 Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine qu'elle perfectionne toutes les vertus et ne peut estre perfectionnee par icelles, non pas mesme par l'obeissance, qui est celle laquelle peut le plus respandre de perfection sur les autres; car, encor bien que l'amour soit commandé et qu'en aymant nous prattiquions l'obeissance, si est ce neanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obeissance, ains de la bonté de celuy qu'il ayme, d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obeissant, mais parce qu'il ayme un bien excellent.

  A005000817 

 Ainsy les Stoïciens se vantent d'estre exemptz de passions, sans peur, sans tristesse, sans ire, gens immuables et invariables; mais en effect ilz sont sujetz au trouble, a l'inquietude, a l'impetuosité et autres impertinences..

  A005000817 

 Nous voyons, dit il, des navires qui portent des inscriptions fort illustres: il y en a qu'on appelle Victoire, les autres, Vaillance, les autres, Soleil; mais pour cela elles ne laissent pas d'estre sujettes aux vens et aux vagues.

  A005000818 

 Pour Dieu, Theotime, je vous prie, quelle vertu pouvoyent avoir ces gens-la qui volontairement, et comme a prix fait, renversoyent toutes les lois de la religion? Seneque avoit fait un livre Contre les superstitions, dans lequel il avoit repris l'impieté payenne avec beaucoup de liberté: Or «cette liberté,» dit le grand saint Augustin, «se treuva en ses escritz et non pas en sa vie,» puisque mesme il conseilla «que l'on rejettast de cœur la superstition, mais qu'on ne laissast pas de la prattiquer es actions; car voicy ses paroles: Lesquelles superstitions le sage observera comme commandees par les lois, non pas comme aggreables aux dieux.» Comme pouvoyent estre vertueux ceux qui, comme rapporte saint Augustin, estimoyent «que le sage se devoit tuer quand il ne pouvoit ou ne devoit plus supporter» les calamités de cette vie? et toutefois ne vouloyent pas advouer que les calamités fussent miserables, ni les miseres calamiteuses, ains maintenoyent que le sage estoit tous-jours heureux et sa vie bien heureuse.

  A005000819 

 Aussy, celuy d'entre les Stoïciens et capitaines qui, pour s'estre tué soy mesme en la ville d'Utique affin d'eviter une calamité qu'il estimoit indigne de sa vie, a esté tant loué par les cervelles profanes, fit cette action avec si peu de veritable vertu, que, comme dit saint Augustin, «il ne tesmoigna pas un courage qui voulut eviter la deshonnesteté, mais une ame infirme qui n'eut pas l'asseurance d'attendre l'adversité; car s'il eust estimé chose infame de vivre sous la victoire de Cesar, pourquoy eust il commandé d'esperer en la [270] douceur de Cesar? Comme n'eust-il conseillé a son filz de mourir avec luy,» si la mort estoit meilleure et plus honneste que la vie? Il se tua donq, ou parce qu'il envia a Cesar la gloire qu'il eust eu de luy donner la vie, ou parce qu'il apprehenda la honte de vivre sous un vainqueur qu'il haïssoit: en quoy il peut estre loué d'un gros, et encor, a l'adventure, grand courage, mais non pas d'un sage, vertueux et constant esprit.

  A005000820 

 Et quant a Lucrece (affin que nous n'oubliions pas aussi les valeurs du sexe moins courageux), ou elle fut chaste parmi la violence et le forcenement du filz de Tarquinius, ou elle ne le fut pas.

  A005000820 

 Si Lucrece ne fut pas chaste, pourquoy loue-on donq la chasteté de Lucrece? si Lucrece fut chaste et innocente en cet accident la, Lucrece ne fut elle pas meschante de tuer l'innocente Lucrece? «Si elle fut adultere, pourquoy est elle tant loüee? si elle fut pudique, pourquoy fut elle tuee?» Mais elle craignoit l'opprobre et la honte de ceux qui eussent peu croire que la deshonnesteté «qu'elle avoit soufferte violemment, tandis qu'elle estoit en vie, eust aussi esté soufferte volontairement si, apres icelle, elle fust demeuree en vie; elle eut peur qu'on l'estimast complice du peché, si ce qui avoit esté fait en elle vilainement estoit supporté par elle patiemment.» Et donq, faut-il, pour fuir la honte et l'opprobre qui depend de l'opinion des hommes, accabler l'innocent et tuer le juste? faut il maintenir l'honneur aux despens de la vertu, et la reputation au peril de l'equité? Telles furent les vertus des plus vertueux payens, envers Dieu et envers eux mesmes..

  A005000821 

 Ah, quelle horreur qu'un si grand philosophe conseille l'avortement! «C'est devancer l'homicide,» dit Tertulien, «d'empescher un homme conceu de naistre;» et saint Ambroise reprenant les payens de cette mesme barbarie: «On oste,» dit il, «en cette sorte la vie aux enfans avant qu'on la leur ayt donnee.».

  A005000821 

 Et pour les vertus qui regardent le prochain, ilz foulerent aux pieds, et fort effrontement, par leurs lois mesmes, la principale, qui est la pieté; car Aristote, le plus grand cerveau d'entr'eux, prononce cette horrible [271] et tres impiteuse sentence: «Touchant l'exposition,» c'est a dire l'abandonnement «des enfans, ou leur education, la loy soit telle: qu'il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre; et quant aux autres enfans, si les lois et coustumes de la cité defendent qu'on n'abandonne pas les enfans, et que le nombre des enfans se multiplie a quelqu'un en sorte qu'il en ayt des-ja au double de la portee de ses facultés, il fa.ut prevenir et procurer l'avortement» Seneque, ce sage tant loüé: «Nous tuons,» dit il, «les monstres; et nos enfans, s'ilz sont manques, debiles, imparfaitz ou monstrueux, nous les rejettons et abandonnons.» De sorte que ce n'est pas sans cause que Tertulien reproche aux Romains qu'ilz exposoyent leurs enfans aux ondes, au froid, a la faim et aux chiens; et cela non par force de pauvreté, car, comme il dit, les presidens mesmes et magistratz prattiquoyent cette desnaturee cruauté.

  A005000822 

 Certes, si les payens ont prattiqué quelques vertus, ç'a esté pour la pluspart en faveur de la gloire du monde, et par consequent ilz n'ont eu de la vertu que l'action, et non pas le motif et l'intention.

  A005000822 

 Quelle vanité, je vous prie! Estant sur le point de mourir il dit a ses amis qu'il n'avoit peu jusques a l'heure les remercier asses dignement, et que partant il leur vouloit laisser un legat de ce qu'il avoit en soy de plus aggreable et de plus beau, et que s'ilz le gardoyent soigneusement ilz en recevroyent de grandes louanges; adjoustant que ce magnifique legat n'estoit autre chose que «l'image de sa vie.» Voyes-vous, Theotime, comme les abboys de cet homme sont puans de vanité?.

  A005000822 

 «Je foule,» respondit il, «le fast de Platon.» Il est vray, repliqua Platon, «tu le foules, mais par un autre fast.» Si Seneque fut vain, on le peut recueillir de ses derniers propos; car la fin couronne l'œuvre, et la derniere heure les juge toutes.

  A005000822 

 «La convoitise humaine a fait la force des payens,» dit le Concile d'Auranges, «et la charité divine a fait celle des Chrestiens.» Les vertus des payens, dit saint Augustin, ont esté non vrayes, mais vraysemblables, [272] parce qu'elles ne furent pas exercees pour la fin convenable, mais pour des fins perissables: «Fabritius sera moins puni que Catilina, non pas que celuy la fut bon, mays parce que celuy ci fut pire; non que Fabritius eut des vrayes vertus, mais parce qu'il ne fut pas si esloigné des vrayes vertus: si que, au jour du jugement, les vertus des payens les defendront, non affin qu'ilz soyent sauvés, mais affin qu'ilz ne soyent pas tant damnés.» Un vice estoit osté par un autre vice entre les payens, les vices se faysans place les uns aux autres sans en laisser aucune a la vertu; et pour ce seul unique vice de la vayne gloire ilz reprimoyent l'avarice et plusieurs autres vices, voire mesme quelquefois ilz mesprisoyent la vanité par vanité; dont l'un d'entr'eux, qui sembloit le plus esloigné de la vanité, foulant aux pieds le lit bien paré de Platon: Que fais tu, Diogene? luy dit Platon.

  A005000823 

 Ceux qui servent les princes pour l'interest font ordinairement des services plus empressés, plus ardens et sensibles; mais ceux qui servent par amour [273] les font plus nobles, plus genereux, et par consequent plus estimables..

  A005000824 

 Ainsy nos anciens Peres ont appellé les vertus des payens vertus et non vertus tout ensemble: vertus, parce qu'elles en ont la lueur et l'apparence; non vertus, parce que non seulement elles n'ont pas eu cette chaleur vitale de l'amour de Dieu qui seule les pouvoit perfectionner, mais elles n'en estoyent pas susceptibles, puisqu'elles estoyent en des sujetz infideles.

  A005000824 

 Ilz les nomment ignees, de feu, charbons ou escarboucles, parce qu'ilz ressemblent au feu en lueur et splendeur; mays ilz les appellent sans feu ou, pour dire ainsy, ininflammables, parce que non seulement leur lueur n'a nulle chaleur, mais ilz ne sont nullement susceptibles de chaleur, et n'y a feu qui les puisse eschauffer.

  A005000824 

 Les escarboucles et rubis sont appellés par les Grecs de deux noms contraires; car ilz les nomment piropes et apirotes, c'est a dire, de feu et sans feu, ou bien, enflammés et sans flamme.

  A005000824 

 «Y ayant de ce tems-la,» dit saint Augustin, «deux Romains grans en vertu, Cesar et Caton, la vertu de Caton fut de beaucoup plus approchante de la vraye vertu que celle de Cesar;» et ayant dit en quelque lieu que «les philosophes destitués de la vraye pieté avoyent resplendi en lumiere de vertu,» il s'en desdit au livre de ses Retractations, estimant que cette louange estoit trop grande pour les vertus si imparfaites comme furent celles des payens: qui, en verité, ressemblent à ces vers a feu et luisans qui ne sont luisans qu'emmi la nuit, et le jour venu perdent leur lueur; car de mesme, ces vertus payennes ne sont vertus qu'en comparayson des vices, mais en comparayson des vertus des vrays Chrestiens ne meritent nullement le nom de vertus..

  A005000825 

 Je veux bien, Theotime, qu'il y eust quelque fermeté de courage en Caton, et que cette fermeté fust louable en soy: mais qui veut se prevaloir de son exemple, il faut que ce soit en un juste et bon sujet; non pas se donnant la mort, mais la souffrant lhors que la vraye vertu le requiert, non pour la vanité de la gloire, mais pour la gloire de la verité: comme il advint a nos Martyrs, qui, avec des courages invincibles, firent tant de miracles de constance et valeur, que les Catons, les Horaces, les Seneques, les Lucreces, les Arries ne meritent certes nulle consideration en comparayson.

  A005000825 

 Parce neanmoins qu'elles ont quelque chose de bon, elles peuvent estre comparees aux pommes vereuses, car elles ont la couleur, et ce peu de substance qui leur reste, aussi bonne que les vertus entieres; mais le ver de la vanité est au milieu, qui les gaste: c'est pourquoy, qui en veut user doit separer le bon d'avec le [274] mauvais.

  A005000825 

 Tesmoins les Laurens, les Vincens, les Vitaux, les Erasmes, les Eugenes, les Sebastiens, les Agathes, les Agnes, Catherines, Perpetues, Felicités, Symphoroses, Natalies, et mille milliers d'autres; qui me font tous les jours admirer les admirateurs des vertus payennes, non tant parce qu'ilz admirent desordonnement les vertus imparfaites des payens, comme parce qu'ilz n'admirent point les vertus tres parfaites des Chrestiens, vertus cent fois plus dignes d'admiration et seules dignes d'imitation..

  A005000829 

 Le grand ami de Dieu, Abraham, n'eut de Sara, sa femme principale, que son trescher unique Isaac, qui seul aussi fut son heritier universel; et bien qu'il eust encor Ismael d'Agar, et plusieurs autres enfans de [275] Cetura, ses femmes servantes et moins principales, si est ce toutefois qu'il ne leur donna sinon quelques presens et legatz pour les des-jetter et exhereder, d'autant que n'estans pas advoüés de la femme principale ilz ne pouvoyent pas aussi luy succeder.

  A005000829 

 Mays quand les vertus morales, ouӱ mesme les vertus surnaturelles, produisent leurs actions en l'absence de la charité, comme elles font entre les schismatiques, au rapport de saint Augustin, et quelquefois parmi les mauvais Catholiques, elles n'ont nulle valeur pour le Paradis; non pas mesme l'aumosne, quand elle nous porteroit a distribuer toute nostre substance aux pauvres; ni le martire non plus, quand nous livrerions nostre cors aux flammes pour estre bruslés.

  A005000829 

 Or ilz ne furent pas advoüés parce que, quant aux enfans de Cetura ilz nasquirent tous apres la mort de Sara; et pour le regard d'Ismael, quoy que sa mere Agar l'eust conceu par l'authorité de Sara sa maistresse, toutefois, se voyant grosse, elle la mesprisa, et ne fit pas cet enfant sur les genoux d'icelle, comme Bala fit les siens sur les genoux de Rachel.

  A005000829 

 Theotime, il n'y a que les enfans, c'est a dire les actes, de la tressainte charité qui soyent heritiers de Dieu, coheritiers de Jesus Christ, et les enfans ou actes que les autres vertus conçoivent et enfantent sur ses genoux, par son commandement, ou au moins sous les aisles et la faveur de sa presence.

  A005000830 

 Or il y a de plus: quand en la production des actions des vertus morales la volonté se rend desobeissante a sa dame, qui est la charité, comme quand par l'orgueil, la vanité, l'interest temporel, ou par quelqu'autre mauvais motif les vertus sont destournees de leur propre nature, certes alhors ces actions sont chassees et bannies de la mayson d'Abraham et de la societé de Sara, c'est a dire, elles sont privees du fruit [276] et des privileges de la charité, et par consequent demeurent sans valeur ni merite: car ces actions la, ainsy infectees d'une mauvaise intention, sont en effect plus vicieuses que vertueuses, puisqu'elles n'ont de la vertu que le cors exterieur, l'interieur appartenant au vice qui leur sert de motif; tesmoin les jeusnes, offrandes et autres actions du Pharisien..

  A005000831 

 Et ce sont ces œuvres que les theologiens appellent mortifiees, parce qu'estant nees en vie, sous la faveur de la dilection, et comme un Ismael en la famille d'Abraham, elles perdent par apres la vie et le droit d'heriter, par la desobeissance [277] et rebellion suivante, de la volonté humaine qui est leur mere..

  A005000831 

 Mays en fin, outre tout cela, comme les Israëlites vescurent paisiblement en Ægipte durant la vie de Joseph et de Levi, et soudain apres la mort de Levi furent tiranniquement reduitz en servitude, d'ou provint le proverbe des Juifz: «L'un des freres trespassé, les autres sont oppressés» (selon qu'il est rapporté en la Grande Chronologie des Hebrieux, publiee par le sçavant Archevesque d'Aix, Gilbert Genebrard, que je nomme par honneur et avec consolation pour avoir esté son disciple, quoy qu'inutilement, lors qu'il estoit lecteur royal a Paris et qu'il exposoit le Cantique des Cantiques), de mesme les merites et fruitz des vertus, tant morales que chrestiennes, subsistent tres doucement et tranquillement en l'ame tandis que la sacree dilection y vit et regne, mais a mesme que la dilection divine y meurt, tous les merites et fruitz des autres vertus meurent quant et quant.

  A005000833 

 Elles perissent sur leurs arbres, et ne peuvent estre conservees en la main de Dieu, parce qu'elles sont vuides de vraye valeur; comme il est dit en l'Apocalipse a l'Evesque de Sardes, lequel estoit estimé un arbre vivant, a cause de plusieurs vertus qu'il prattiquoit, et neanmoins il estoit mort, parce qu'estant en peché, ses vertus n'estoyent pas des vrays fruitz vivans, mays des escorces mortes, et des amusemens pour les yeux, non des pommes savoureuses, utiles a manger..

  A005000833 

 Le lac que les prophanes appellent communement Asphaltite, et les autheurs sacrés mer Morte, a une malediction si grande que rien ne peut vivre de ce que l'on y met: quand les poissons du fleuve Jordain l'approchent ilz meurent, si promptement ilz ne rebroussent contremont; les arbres de son rivage ne produisent rien de vivant, et bien que leurs fruitz ayent l'apparence et forme exterieure pareille aux fruitz des autres contrees, neanmoins, quand on les veut arracher, on treuve que ce ne sont que escorces et peleures pleines de cendres qui s'en vont au vent: marques des infames pechés pour la punition desquelz cette contree, peuplee de quatre cités plantureuses, fut jadis convertie en cet abisme de puanteur et d'infection; et rien aussi ne peut, ce semble, mieux representer le malheur du peché, que ce lac abominable qui prit son origine du plus execrable desordre que la chair humaine puisse commettre.

  A005000833 

 O Dieu, nullement, Theotime: car non seulement le peché est une œuvre morte, mays elle est tellement pestilente et veneneuse, que les plus excellentes vertus de l'ame pecheresse ne produisent aucune action vivante; et quoy que quelquefois les actions des pecheurs ayent une grande ressemblance avec les actions des justes, ce ne sont toutefois qu'escorces pleines de vent et de poussiere, regardees voirement et mesme recompensees par la Bonté divine de quelques presens temporelz, qui leur sont donnés comme aux enfans des chambrieres, mais escorces pourtant qui ne sont ni ne peuvent estre savourees ni goustees par la divine justice, pour estre salariees de loyer eternel.

  A005000834 

 De sorte que nous pouvons tous lancer cette veritable voix, a l'imitation du saint Apostre: Sans la charité je ne suis rien, rien ne me profite; et celle cy, avec saint Augustin: Mettes dans un cœur «la charité, tout proffite; ostés du cœur la charité, rien ne proffite.» Or je dis, rien ne proffite pour la vie eternelle, quoy que, comme nous disons ailleurs, les œuvres vertueuses des pecheurs ne soyent pas inutiles pour la vie temporelle; mays, Theotime mon amy, que proffite-il a l'homme s'il gaigne tout le monde temporellement et qu'il perde son ame eternellement? [279].

  A005000838 

 Car, comme le Sauveur, parlant de la petite Talithe de Jaïrus, dit qu'elle n'estoit pas morte, ains dormoit seulement, parce que devant estre soudain resuscitee, sa mort seroit de si peu de duree qu'elle ressembleroit plustost un sommeil qu'une vraye mort, ainsy les œuvres des justes, et sur tout des esleuz, que le peché survenu fait mourir, ne sont pas dites œuvres mortes, ains seulement amorties, mortifiees, assoupies ou pasmees, parce qu'au prochain retour de la sainte dilection elles doivent, ou du moins peuvent bien tost revivre et resusciter.

  A005000838 

 Le peché, triste et tres effroyable hyver de l'ame, amortit toutes les saintes œuvres qu'il y treuve, et s'il duroit tous-jours, jamais rien ne reprendroit ni vie ni vigueur.

  A005000838 

 Les œuvres donques que le pecheur fait tandis qu'il est privé du saint amour, ne profitent jamais pour la vie eternelle, et pour cela sont appellees œuvres mortes; mais les bonnes œuvres du juste sont au contraire nommees vives, d'autant que le divin amour les anime et vivifie de sa dignité.

  A005000838 

 Mais comme [280] au retour du beau primtems, non seulement les nouvelles semences qu'on jette en terre a la faveur de cette belle et feconde sayson germent et bourgeonnent aggreablement, chacune selon sa qualité, mais aussi les vielles plantes que l'aspreté de l'hyver precedent avoit flestries, dessechees et amorties, reverdissent, se revigorent et reprennent leur vertu et leur vie; de mesme le peché estant aboli et la grace du divin amour revenant en l'ame, non seulement les nouvelles affections que le retour de ce sacré primtems apporte, germent et produisent beaucoup de merites et de benedictions, mais les œuvres fanees et flestries sous la rigueur de l'hyver du peché passé, comme deslivrees de leur ennemy mortel, reprennent leurs forces, se revigorent, et, comme resuscitees, fleurissent derechef et fructifient en merites pour la vie eternelle..

  A005000838 

 Un hyver rigoureux amortit toutes les plantes de la campaigne, en sorte que s'il duroit tous-jours elles aussi tous-jours demeureroyent en cet estat de mort.

  A005000839 

 Certes, le tressaint Concile de Trente veut que l'on anime les penitens retournés en la sacree dilection de Dieu eternel, par ces paroles de l'Apostre: Abondés en tout bon œuvre, sachans que vostre travail n'est point inutile en Nostre Seigneur; car Dieu n'est pas injuste pour oublier vostre œuvre et la dilection que vous aves monstree en son nom.

  A005000839 

 Dieu donques n'oublie pas les œuvres de ceux qui, ayans perdu la dilection par le peché, la recouvrent par la penitence.

  A005000839 

 Or Dieu oublie les œuvres [281] quand elles perdent leur merite et leur sainteté par le peché survenant, et il s'en resouvient quand elles retournent en vie et valeur par la presence du saint amour: de sorte mesme que, affin que les fideles soyent recompensés de leurs bonnes œuvres, tant par l'accroissement de la grace et de la gloire future que par l'effectuelle jouissance de la vie eternelle, il n'est pas necessaire que l'on ne retombe point au peché, ains suffit, selon le sacré Concile, que l'on «trespasse en la grace» et charité de Dieu..

  A005000839 

 Telle est la toute puissance du celeste amour, ou l'amour de la celeste toute puissance: Si l'impie se destourne de son impieté et qu'il fasse jugement et justice, il vivifiera son ame; Convertisses vous et faites penitence de vos iniquités, et l'iniquité ne vous sera point a ruine, dit le Seigneur tout puissant; et qu'est-ce a dire, l'iniquité ne vous sera point a ruine, sinon que les ruines qu'elle avoit faites seront reparees? Ainsy, outre mille caresses que l'enfant prodigue receut de son pere, il fut restabli avec avantage en tous ses ornemens et en toutes les graces, faveurs et dignités qu'il avoit perdues; et Job, image innocente du pecheur penitent, reçoit en fin au double de tout ce qu'il avoit eu.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000841 

 Ainsy tous-jours, es guerisons corporelles que Nostre Seigneur donnoit par miracle, non seulement il rendoit la santé, mais il adjoustoit des benedictions nouvelles, faysant exceller la guerison au dessus de la maladie; tant il est bonteux envers les hommes..

  A005000841 

 Il n'est pas du peché, en cet endroit, comme des [282] œuvres de charité: car les œuvres du juste ne sont pas effacees, abolies ou aneanties par le peché survenant, ains elles sont seulement oubliees, mais le peché du meschant n'est pas seulement oublié, ains il est effacé, nettoyé, aboli, aneanti par la sainte penitence; c'est pourquoy le peché survenant au juste, ne fait pas revivre les pechés autrefois pardonnés, d'autant qu'ilz ont esté tout a fait aneantis, mais l'amour revenant en l'ame du penitent, fait bien revivre les saintes œuvres d'autrefois, parce qu'elles n'estoyent pas abolies, ains seulement oubliees.

  A005000841 

 Il n'est pas raysonnable que le peché ayt autant de force contre la charité comme la charité en a contre le peché, car le peché procede de nostre foiblesse, et la charité de la puissance divine: si le peché abonde en malice pour ruiner, la grace surabonde pour reparer; et la misericorde de Dieu, par laquelle il efface le peché, s'exalte tous-jours et se rend glorieusement triomphante contre la rigueur du jugement, par lequel Dieu avoit oublié les bonnes œuvres qui precedoyent le peché.

  A005000842 

 Mays que les œuvres saintes, qui comme douces abeilles font le miel du merite, estant noyees dans le peché puissent par apres revivre, quand, couvertes des cendres de la penitence, on les remet au soleil de la grace et charité, tous les theologiens le disent et enseignent bien clairement; et lhors il ne faut pas douter qu'elles ne soyent utiles et fructueuses comme avant le peché.

  A005000842 

 Quand l'homme juste est rendu esclave du peché, toutes les bonnes œuvres qu'il avoit faites sont miserablement oubliees et reduites en boue; mais au sortir de la captivité, lhors que par la penitence il retourne en la grace de la dilection divine, ses bonnes œuvres precedentes sont tirees du puitz de l'oubli, et, touchees des rayons de la misericorde celeste, elles revivent et se convertissent en flammes aussi claires que jamais elles furent, pour estre remises sur l'autel sacré de la divine approbation, et avoir leur premiere dignité, leur premier prix et leur premiere valeur.

  A005000842 

 Que les guespes, taons ou mouschons, et telz petitz animaux nuisibles, estans mortz puissent revivre et resusciter, je ne l'ay jamais veu, ni leu, ni ouӱ dire; mais que les cheres avettes, mousches si vertueuses, puissent resusciter, chacun le dit, et je l'ay maintefois [283] leu.

  A005000842 

 Que les iniquités et œuvres malignes puissent revivre apres que par la penitence elles ont esté noyees et abolies, certes, mon Theotime, jamais l'Escriture ni aucun theologien ne l'a dit, que je sache; ains le contraire est authorisé par la sacree Parole et par le commun consentement de tous les docteurs.

  A005000842 

 «On dit» (ce sont les paroles de Pline) «que gardant les cors mortz des mousches a miel qu'on a noyees, dans la mayson tout l'hyver, et les remettant au soleil le primtems suivant couvertes de cendre de figuier, elles resusciteront» et seront bonnes comme auparavant.

  A005000846 

 Les bestes ne pouvant connoistre la fin de leurs actions, tendent voirement a leur fin, mais n'y pretendent pas, car pretendre c'est tendre a une chose par dessein avant que d'y tendre par effect; elles jettent leurs actions a leur fin, mais elles ne projettent point, ains suivent leurs instinctz sans election ni intention.

  A005000846 

 Mais l'homme est tellement maistre de ses actions humaines et raysonnables qu'il les fait toutes pour quelque fin, et les peut destiner a une ou plusieurs fins particulieres, ainsy que bon luy semble: car il peut changer la fin naturelle d'une action, comme quand il jure pour tromper, puisqu'au contraire la fin du serment est d'empescher la tromperie; et peut adjouster a la fin naturelle d'une action quelqu'autre sorte de fin, comme quand, outre l'intention de secourir le pauvre a laquelle l'aumosne tend, il adjouste l'intention d'obliger l'indigent a la pareille..

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000848 

 Or, si je veux, je puis assembler toutes ces intentions et jeusner pour tout cela, mais en ce cas il faut tenir bonne police a ranger ces motifs: car si je jeusnois principalement pour espargner, plus que pour obeir a l'Eglise, plus pour bien estudier que pour plaire a Dieu, qui ne void que je pervertis le droit et l'ordre, preferant mon interest a l'obeissance de l'Eglise et au contentement de mon Dieu? Jeusner pour espargner est [286] bon; jeusner pour obeir a l'Eglise est meilleur; jeusner pour plaire a Dieu est tres bon: mais encores qu'il semble que de trois biens on ne puisse pas composer un mal, si est-ce que qui les colloqueroit en desordre, preferant le moindre au meilleur, il feroit sans doute un desreglement blasmable..

  A005000848 

 Prenons donq bien garde, Theotime, de ne point changer les motifs et la fin de nos actions qu'avec avantage et proffit, et de ne rien faire en ce traffiq que par bon ordre et rayson.

  A005000849 

 Ainsy, faire une action pour un seul motif raysonnable, pour petit qu'il soit, la rayson n'en est point offencee: mais qui veut avoir plusieurs motifs, il les doit ranger selon leurs qualités; autrement il commet peché, car le desordre est un peché, comme le peché est un desordre.

  A005000849 

 Un homme qui n'invite qu'un de ses amis n'offence nullement les autres; mais s'il les invite tous et qu'il donne les premieres seances aux moindres, reculant les plus honnorables au bas bout, n'offence-il pas ceux ci et ceux la tout ensemble? ceux ci parce qu'il les deprime contre la rayson, ceux la parce qu'il les fait paroistre sotz.

  A005000850 

 Ilz suivent et prattiquent les vertus, non entant qu'elles sont belles et aymables, mais entant qu'elles sont aggreables a Dieu; ilz ayment leur felicité, non entant qu'elle est a eux, mais entant qu'elle plait a Dieu: ouy mesme ilz ayment l'amour duquel ilz ayment Dieu, non parce qu'il [287] est en eux, mais parce qu'il tend a Dieu; non parce qu'il leur est doux, mais parce qu'il plait à Dièu; non parce qu'ilz l'ont et le possedent, mais parce que Dieu le leur donne et qu'il y prend son bon playsir..

  A005000850 

 Or le souverain motif de nos actions, qui est celuy du celeste amour, a cette souveraine proprieté, qu'estant plus pur il rend l'action qui en provient plus pure: si que les Anges et Saintz de Paradis n'ayment chose aucune pour autre fin quelcomque que pour celle de l'amour de la divine Bonté et par le motif de luy vouloir plaire; ilz s'entr'ayment voirement tous tres ardemment, ilz nous ayment aussi, ilz ayment les vertus, mais tout cela pour plaire a Dieu seulement.

  A005000854 

 Or, venant donq a l'action, je me pousse au peril, prevenu partous ces motifs; mais pour les relever tous au degré de l'amour divin et les purifier [288] parfaitement, je diray en mon ame de tout mon cœur: O Dieu eternel, qui estes le trescher amour de mes affections, si la vaillance, l'obeissance au prince, l'amour de la patrie et la magnanimité ne vous estoyent aggreables, je ne suivrois jamais leurs mouvemens que je sens maintenant; mais parce que ces vertus vous plaisent j'embrasse cette occasion de les prattiquer, et ne veux seconder leur instinct et inclination sinon parce que vous les aymes et que vous le voules..

  A005000854 

 Par exemple, si je veux m'exposer vaillamment aux hazards de la guerre, je le puis considerant divers motifs: car le motif naturel de cette action c'est celuy de la force et vaillance, a laquelle il appartient de faire entreprendre par rayson les choses perilleuses; mais, outre celuy cy, j'en puis avoir plusieurs autres, comme celuy d'obeir au prince que je sers, celuy de l'amour envers le public, celuy de la magnanimité, qui me fait plaire en la grandeur de cette action.

  A005000854 

 Purifions donq, Theotime, tant que nous pourrons, toutes nos intentions: et puisque nous pouvons respandre sur toutes les actions des vertus le motif sacré du divin amour, pourquoy ne le ferons nous pas? rejettans es occurrences toutes sortes de motifs vicieux, comme la vayne gloire et l'interest propre, et considerans tous les bons motifs que nous pouvons avoir d'entreprendre l'action qui se presente alhors, affin de choisir celuy du saint amour, qui est le plus excellent de tous, pour en arrouser et detremper tous les autres.

  A005000855 

 Qui desrobbe pour ivroigner, il est plus ivroigne que larron, selon Aristote; et celuy donques qui exerce la vaillance, l'obeissance, l'affection envers sa patrie, la magnanimité, pour plaire a Dieu, il est plus amoureux divin que vaillant, obeissant, bon citoyen et magnanime, parce que toute sa volonté, en cet exercice, aboutit et vient fondre dans l'amour de Dieu, n'employant tous les autres motifs que pour parvenir a cette fin.

  A005000855 

 Vous voyes bien, mon cher Theotime, qu'en ce retour d'esprit nous parfumons tous les autres motifs, de l'odeur et sainte suavité de l'amour, puisque nous ne les suivons pas en qualité de motifs simplement vertueux, mais en qualité de motifs voulus, aggreés, aymés et cheris de Dieu.

  A005000856 

 Que si quelquefois nous sommes touchés de quelque motif particulier, comme, par exemple, s'il nous advenoit d'aymer la chasteté a cause de sa belle et tant aggreable pureté, soudain sur ce motif il faut respandre celuy du divin amour, en cette sorte: O tres honneste et delicieuse blancheur de la chasteté, que vous estes aymable, puisque vous estes tant aymee par la divine Bonté! Puis, se retournant vers le Createur: Hé, Seigneur, je vous requiers une seule chose, c'est celle que je recherche en la chasteté, de voir et prattiquer en icelle vostre bon playsir et les delices que vous y prenes.

  A005000857 

 Origene, certes, et Tertulien aymerent tellement la blancheur de la chasteté qu'ilz en violerent les plus grandes regles de la charité: l'un ayant choisi de commettre l'idolatrie plustost que de souffrir une horrible vilenie de laquelle les tyrans vouloyent souiller son cors, l'autre se separant de la tres chaste Eglise Catholique sa Mere, pour mieux establir, selon son gré, la chasteté de sa femme.

  A005000857 

 Qui ne sçait qu'il y a eu des pauvres de Lyon qui, pour louer avec exces la mendicité, se firent heretiques, et de mendians devindrent des faux belitres? Qui ne sçait la vanité des Enthousiastes, Messaliens, Euchites, qui quitterent la dilection pour vanter l'orayson? Qui ne sçait qu'il y a eu des heretiques qui, pour exalter la charité envers les pauvres, deprimoyent la charité envers Dieu, attribuant tout le salut des hommes a la vertu de l'aumosne, selon que saint Augustin le tesmoigne? quoy que le saint Apostre exclame que qui donne tout son bien aux pauvres, et il n'a pas la charité, cela ne luy proffite point..

  A005000858 

 L'amour, Theotime, est l'estendart en l'armee des vertus, elles se doivent toutes ranger a luy; c'est le seul drapeau sous lequel Nostre Seigneur les fait combattre, luy qui est le vray general de l'armee.

  A005000858 

 Reduisons donques toutes les vertus a l'obeissance [290] de la charité: aymons les vertus particulieres, mais principalement parce qu'elles sont aggreables a Dieu; aymons excellemment les vertus plus excellentes, non parce qu'elles sont excellentes, mais parce que Dieu les ayme plus excellemment: ainsy le saint amour vivifiera toutes les vertus, les rendant toutes amantes, aymables et sur-aymables..

  A005000862 

 Affin que l'esprit humain suive aysement les mouvemens et instinçtz de la rayson pour parvenir au bonheur naturel qu'il peut pretendre, vivant selon les loix de l'honnesteté, il a besoin: 1.

  A005000862 

 Telles sont les qualités par lesquelles l'esprit est rendu doux, obeissant et pliable aux loix de la rayson naturelle qui est en nous..

  A005000862 

 de l'entendement, pour bien penetrer les premiers et principaux fondemens ou principes de la beauté et excellence de l'honnesteté; 7. et en fin finale, de la sapience, pour contempler la Divinité, premiere source de tout bien.

  A005000862 

 de la force, pour vaincre les difficultés qu'on sent a faire le bien et repousser le mal; 4.

  A005000862 

 de la prudence, pour discerner quelz sont les moyens plus propres pour parvenir au bien et a la vertu; 5.

  A005000862 

 de la temperance, pour reprimer les inclinations insolentes de la sensualité; 2.

  A005000863 

 Ainsy, Theotime, le Saint Esprit qui habite en nous, voulant rendre nostre ame souple, maniable et obeissante a ses divins mouvemens et celestes inspirations, qui [291] sont les loix de son amour, en l'observation desquelles consiste la felicité surnaturelle de cette vie presente, il nous donne sept proprietés et perfections, pareilles presque aux sept que nous venons de reciter, qui, en l'Escriture Sainte et es livres des theologiens, sont appellees dons du Saint Esprit.

  A005000863 

 Or ilz ne sont pas seulement inseparables de la charité, ains, toutes choses bien considerees et a proprement parler, ilz sont les principales vertus, proprietés et qualités de la charité.

  A005000863 

 la science, au contraire, n'est autre chose que le mesme amour qui nous tient attentifs a nous connoistre nous mesmes et les creatures, pour nous faire remonter a une plus parfaite connoissance du service que nous devons a Dieu; 4.

  A005000863 

 le conseil est aussi l'amour entant qu'il nous rend soigneux, attentifs et habiles pour bien choisir les moyens propres a servir Dieu saintement; 5.

  A005000864 

 Ainsy, Theotime, la charité nous sera une autre eschelle de Jacob, composee des sept dons du Saint Esprit comme autant d'eschellons sacrés, par lesquelz les hommes angeliques monteront de la terre au Ciel pour s'aller unir a la poitrine de Dieu tout puissant, et descendront du Ciel en terre pour venir prendre le prochain par la main et le conduire au Ciel.

  A005000864 

 nous joignons nostre volonté a Dieu pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté: car, sur le sommet de cette eschelle, Dieu estant penché devers nous, il nous donne le bayser d'amour, et nous fait tetter les sacrees mammelles de sa suavité, meilleures que le vin..

  A005000864 

 nous unissons nostre entendement a Dieu pour voir et penetrer les traitz de son infinie beauté; et au 7.

  A005000864 

 par la force nous prenons courage contre toutes les difficultés qu'il y a en nostre entreprise; au 5.

  A005000864 

 par le conseil nous choisissons les moyens propres a cela; au 6.

  A005000865 

 nous commençons a prescher par le don de science, exhortans les ames a la suite des vertus et a la fuite des vices; au 6.

  A005000865 

 nous nous encourageons, recevans une sainte force pour surmonter les difficultés qui peuvent estre en ce dessein; au 5.

  A005000865 

 nous taschons de leur imprimer la sainte pieté, affin que reconnoissans Dieu pour Pere tres aymable, ilz luy obeissent avec une crainte filiale; et au dernier degré nous les pressons de craindre les jugemens de Dieu, affin que meslant cette crainte d'estre damnés avec la reverence filiale, ilz quittent plus ardemment la terre pour monter au Ciel avec nous..

  A005000866 

 Et je metz ainsy cette double crainte es deux derniers degrés, pour accorder toutes les traductions avec la sainte et sacree edition ordinaire; car si en l'Hebrieu le mot de crainte est repeté par deux fois, ce n'est pas sans mystere, ains pour monstrer qu'il y a un don de crainte filiale, qui n'est autre chose que le don de pieté, et un don de la crainte servile, qui est le commencement de tout nostre acheminement a la souveraine sagesse..

  A005000866 

 La charité ce pendant comprend les sept dons, et ressemble a une belle fleur de lys, qui a six feuilles [293] plus blanches que la neige, et au milieu les beaux marteletz d'or de la sapience, qui poussent en nos cœurs les goustz et savouremens amoureux de la bonté du Pere nostre Createur, de la misericorde du Filz nostre Redempteur et de la suavité du Saint Esprit nostre Sanctificateur.

  A005000870 

 C'est cette admirable amante qui voudroit ne point aymer les goustz, les delices, les vertus et les consolations spirituelles, de peur d'estre divertie, pour peu que ce soit, de l'unique amour qu'elle porte a son Bienaymé, protestant que c'est luy mesme et non ses biens qu'elle recherche, et criant a cette intention: Hé, monstres moy, mon Bienaymé, ou vous paisses et reposes au midy, affin que je ne me divertisse point apres les playsirs qui sont hors de vous..

  A005000871 

 De cette sacree crainte des divines espouses, furent touchees ces grandes ames de saint Paul, saint François, sainte Catherine de Gennes et autres, qui ne vouloyent aucun meslange en leurs amours, ains taschoyent de le rendre si pur, si simple, si parfait, que ni les consolations ni les vertus mesmes ne tinssent aucune place entre leur cœur et Dieu; en sorte qu'elles pouvoyent dire: Je vis, mais non plus moy mesme, ains Jesus Christ vit en moy; «Mon Dieu m'est toutes choses;» Ce qui n'est point Dieu ne m'est rien; Jesus Christ est ma vie; «Mon amour est crucifié;» et telles autres paroles d'un sentiment extatique..

  A005000872 

 Ainsy la divine Bonté, voulant coucher en l'ame humaine une grande diversité de vertus et les rehausser en fin de son amour sacré, il se sert de l'eguille de la crainte servile et mercenaire, de laquelle, pour l'ordinaire, nos cœurs sont premierement piqués; mais pourtant elle n'y est pas laissee, ains, a mesure que les vertus sont tirees et couchees en l'ame, la crainte servile et mercenaire en sort, selon le dire du bienaymé Disciple, que la charité parfaite pousse la crainte dehors.

  A005000872 

 Ouy de vray, Theotime, car les craintes d'estre damné et perdre le Paradis sont effroyables et angoisseuses; et comme sçauroyent elles demeurer avec la sacree dilection, qui est toute douce, toute suave? [296].

  A005000872 

 Vous verres toutefois, Theotime, une honneste dame, qui, ne voulant pas manger son pain en oysiveté, non plus que celle que Salomon a tant loüee, couchera la soye en une belle varieté de couleurs sur un satin bien blanc, pour faire une broderie de plusieurs belles fleurs, qu'elle rehaussera par apres fort richement d'or et d'argent selon les assortissemens convenables.

  A005000884 

 Le brave prince Jonathas, allant a la charge sur les Philistins emmi les tenebres de la nuit, voulut avoir son escuyer avec soy, et ceux qu'il ne tuoit pas, son escuyer les tuoit: et l'amour, en voulant faire quelque entreprise hardie, il ne se sert pas seulement de ses propres motifs, ains aussi des motifs de la crainte servile et mercenaire; et les tentations que l'amour ne desfait pas, la crainte d'estre damné les renverse.

  A005000884 

 Si la tentation d'orgueil, d'avarice ou de quelque playsir voluptueux m'attaque: Hé, ce diray-je, sera-il bien possible que pour des choses si vaynes mon cœur voulust quitter la grace de son Bienaymé! Mais si cela ne suffit pas, l'amour excitera la crainte: Hé, ne vois-tu pas, miserable cœur, que secondant cette tentation, les effroyables flammes d'enfer t'attendent, et que tu perds l'heritage eternel du Paradis? On se sert de tout es extremes necessités; comme le mesme Jonathas fit, quand, passant ces aspres rochers qui estoyent entre luy et les Philistins, il ne se servoit pas seulement de ses pieds, mais gravissoit et grimpoit a belles mains comme il pouvoit.

  A005000885 

 Ainsy Joseph, envoyant a son pere plusieurs charges de toutes les richesses d'Egypte, ne luy donna pas seulement les tresors, comme principaux presens, mais aussi les asnes qui les portoyent..

  A005000885 

 Et comme celuy qui donne une grenade la donne voirement pour les grains et le suc qu'elle a au dedans, mais ne laisse pas pourtant de donner aussi l'escorce, comme une dependance d'icelle, de mesme, bien que le Saint Esprit, entre ses dons sacrés, confere celuy de la crainte amoureuse aux ames des siens, affin qu'elles craignent Dieu en pieté, comme leur Pere et leur Espoux, si est-ce, toutefois, qu'il ne laisse pas de leur donner encor la crainte servile et mercenaire, comme un accessoire de l'autre plus excellente.

  A005000885 

 Outre que, comme la peleure d'une pomme, qui est de peu d'estime en soy mesme, sert toutefois grandement a conserver la pomme qu'elle couvre, aussi la crainte servile, qui est de peu de prix en sa propre condition au regard de l'amour, luy est neanmoins grandement utile a sa conservation pendant les hazards de cette vie mortelle.

  A005000885 

 Tout ainsy donques que les nochers qui partent sous un vent favorable, en une sayson propice, n'oublient pourtant jamais les cordages, ancres et autres choses requises en tems de fortune et parmi la tempeste, aussi, quoy que le serviteur de Dieu jouisse du repos et de la douceur du saint amour, il ne doit jamais estre desprouveu de la crainte des jugemens divins, pour s'en servir entre les orages et assautz des tentations.

  A005000886 

 Or, bien que la crainte servile et mercenaire soit grandement utile pour cette vie mortelle, si est-ce qu'elle est indigne d'avoir place en l'eternelle, en laquelle il y aura une asseurance sans crainte, une paix sans desfiance, un repos sans soucy; mais les services neanmoins que ces craintes servantes et mercenaires auront rendu a l'amour y seront recompensés: de sorte que, si ces craintes, comme des autres Moyse et Aaron, n'entrent pas en la Terre de promission, leur posterité neanmoins et leurs ouvrages y entreront.

  A005000896 

 Aussi les tonnerres, tempestes, foudres, sont appellés voix du Seigneur par le Psalmiste, qui dit de plus qu' elles font la parole d'iceluy, parce qu'elles annoncent sa crainte et sont comme ministres de sa justice; et ailleurs, souhaittant que la divine Majesté se fasse redouter a ses ennemis: Lances, dit-il, des esclairs, et vous les dissiperes; descoches vos dards, et vous les troubleres; ou il appelle les foudres, sagettes et dards du Seigneur.

  A005000896 

 Certes, Platon, en son Gorgias et ailleurs, tesmoigne qu'entre les payens il y avoit quelque sentiment de crainte, non seulement pour les chastimens que la souveraine justice de Dieu prattique en ce monde, mais aussi pour les punitions qu'il exerce en l'autre vie sur les ames de ceux qui ont des pechés incurables.

  A005000896 

 En la tormente qui fit periller Jonas, les mariniers craignirent d'une grande crainte, et crierent soudain un chacun a son Dieu.

  A005000896 

 Et devant le Psalmiste, la bonne mere de Samuel avoit des-ja chanté que les ennemis mesmes de Dieu le craindroyent, d'autant qu'il tonneroit sur eux des le Ciel.

  A005000896 

 Les esclairs, tonnerres, foudres, tempestes, inondations, tremble-terre et autres telz accidens inopinés excitent mesme les plus indevotz a craindre Dieu; et la nature, prevenant le discours en telles occurrences, pousse le cœur, les yeux et les mains mesmes devers le ciel pour reclamer le secours de la tressainte Divinité, selon le sentiment commun du genre humain, qui est, dit Tite Live, que ceux qui servent la Divinité prosperent, et ceux qui la mesprisent sont affligés.

  A005000896 

 «Ilz ignoroyent,» dit saint Hierosme, «la verité, mais ilz reconnoissoyent la Providence,» et creurent que c'estoit par jugement celeste qu'ilz se treuvoyent en ce danger; comme les Maltois, lhors qu'ilz virent saint Paul, eschappé du naufrage, estre attaqué par la vipere, creurent que [300] c'estoit par vengeance divine.

  A005000897 

 Le glorieux saint Thomas d'Aquin, estant naturellement sujet a s'effrayer quand il tonnoit, souloit dire, par maniere d'orayson jaculatoire, les divines paroles que l'Eglise estime tant: Le Verbe a esté fait chair.

  A005000897 

 Les Chrestiens, parmi les estonnemens que les tonnerres, tempestes et autres perilz naturelz leur apportent, invoquent le nom sacré de Jesus et de Marie, font le signe de la Croix, se prosternent devant Dieu, et font plusieurs bons actes de foy, d'esperance et de religion.

  A005000898 

 Les Ninivites, par les menaces de leur subversion et damnation, firent penitence, et leur penitence fut aggreable a Dieu; et en somme, cette crainte est comprise es dons du Saint Esprit, comme plusieurs anciens Peres ont remarqué..

  A005000898 

 Mays il y a une «autre crainte, qui prend origine de la foy, laquelle nous apprend qu'apres cette vie mortelle il y a des supplices effroyablement eternelz ou eternellement effroyables, pour ceux qui en ce monde auront offencé la divine Majesté et seront decedés sans s'estre reconciliés avec elle; qu'a l'heure de la mort les ames seront jugees du jugement particulier, et a la fin du monde tous comparoistront resuscités pour estre derechef jugés du jugement universel: car ces verités chrestiennes, Theotime, frappent le cœur qui les considere d'un espouvantement extreme.

  A005000899 

 A cette crainte on en peut adjouster une autre, certes moins malicieuse, mais autant inutile, comme fut celle du juge Felix, qui, oyant parler du jugement divin, fut tout espouvanté, et toutefois ne laissa pas pour cela de continuer en son avarice; et celle de Balthazar, qui, voyant cette main prodigieuse qui escrivoit sa condamnation contre la paroy, fut tellement effrayé qu'il changea de visage, et les jointures de ses reins se desserroyent, et ses genoux tremoussans s'entrehurtoy ent l'un a l'autre, et neanmoins ne fit point penitence.

  A005000899 

 Que si la crainte ne forclost pas la volonté de pecher, [302] ni l'affection au peché, certes elle est meschante et pareille a celle des diables, qui cessent souvent de nuire de peur d'estre tormentés par l'exorcisme, sans cesser neanmoins de desirer et vouloir le mal, qu'ilz meditent a jamais; pareille a celle du miserable forçat, qui voudroit manger le cœur du comite, quoy qu'il n'ose quitter la rame de peur d'estre battu; pareille a la crainte de ce grand heresiarque du siecle passé, qui confesse d'avoir haï Dieu, d'autant qu'il punissoit les meschans.

  A005000900 

 O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second..

  A005000901 

 Ce qu'ayant ouï, il se print a pleurer, tant son cœur filial fut attendri, les desirs et volontés de son pere decedé luy estant representés.

  A005000902 

 Car, comme les jeunes garçons qui commencent a monter a cheval, quand ilz sentent leur cheval porter un peu plus haut, ne serrent pas seulement les genoux, ains se prennent a belles mains a la selle, mais quand ilz sont un peu plus exercés ilz se tiennent seulement en leurs serres, de mesme les novices et apprentifs au service de Dieu, se treuvans esperdus parmi les assautz que leurs ennemis leur livrent au commencement, ilz ne se servent pas seulement de la crainte filiale, mais aussi de la mercenaire et servile, et se tiennent comme ilz peuvent pour ne point deschoir de leur pretention.

  A005000906 

 Mays voyes, Theotime, que ce divin Apostre contant ces douze fruitz du Saint Esprit, il ne les met que pour un seul fruit; car il ne dit pas: les fruitz de [305] l'Esprit sont la charité, la joye, mais seulement: le fruit de l'Esprit est la charité, la joye.

  A005000907 

 L'Apostre donq ne veut dire autre chose sinon que le fruit du Saint Esprit est la charité, laquelle est joyeuse, paisible, patiente, benigne, bonteuse, longanime, douce, fidele, modeste, continente, chaste; c'est a dire, que le divin amour nous donne une joye et consolation interieure, avec une grande paix de cœur qui se conserve entre les adversités par la patience, et qui nous rend gracieux et benins a secourir le prochain par une bonté cordiale envers iceluy; bonté qui n'est point variable, ains constante et perseverante, d'autant qu'elle nous donne un courage de longue estendue, au moyen dequoy nous sommes rendus doux, affables et condescendans envers tous, supportans leurs humeurs et imperfections et leur gardant une loyauté parfaite, tesmoignans une simplicité accompaignee de confiance, tant en nos paroles qu'en nos actions, vivans modestement et humblement, retranchans toutes superfluités et tous desordres au boire, manger, vestir, coucher, jeux, passetems et autres telles convoitises voluptueuses [306] par une sainte continence, et reprimant sur tout les inclinations et seditions de la chair par une soigneuse chasteté: affin que toute nostre personne soit occupee en la divine dilection, tant interieurement, par la joye, paix, patience, longanimité, bonté et loyauté; comme aussi exterieurement, par la benignité, mansuetude, modestie, continence et chasteté..

  A005000908 

 Contentement lequel est si fort, que les eaux des tribulations et les fleuves des persecutions ne le peuvent esteindre; ains, non seulement il ne perit pas, mais il s'enrichit parmi les pauvretés, il s'agrandit es abjections et humilités, il se res-jouit entre les larmes, il se renforce d'estre abandonné de la justice et privé de l'assistance d'icelle lhors que, la reclamant, nul ne luy en donne; il se recree emmi la compassion et commiseration lhors qu'il est environné des miserables et souffreteux; il se delecte de renoncer a toutes sortes de delices sensuelles et mondaines pour obtenir la pureté et netteté de cœur; il fait vaillance d'assoupir les guerres, noises et dissensions, et de mespriser les grandeurs et reputations temporelles; il se revigore d'endurer toutes sortes de souffrances, et tient que sa vraye vie consiste a mourir pour le Bienaymé..

  A005000909 

 En qualité de beatitude, elle nous fait prendre a faveur extreme et singulier honneur les affrontz, calomnies, vituperes et opprobres que le monde nous fait, et nous fait quitter, renoncer et rejetter toute autre gloire sinon celle qui procede du bienaymé Crucifix, pour laquelle nous nous glorifions en l'abjection, abnegation et aneantissement de nous mesmes; ne voulans autres marques de majesté que la couronne d'espines du Crucifix, le sceptre de son roseau, le mantelet de mespris qui luy fut imposé, et le throsne de sa Croix, sur lequel les amoureux sacrés ont plus de contentement, de joye, de gloire et de felicité, que jamais Salomon n'eut sur son throsne d'ivoire..

  A005000909 

 En qualité de don, la dilection nous rend souples et maniables aux inspirations interieures, qui sont comme les commandemens et conseilz secretz de Dieu, a l'execution desquelz sont employés les sept dons du Saint Esprit; si que la dilection est le don des dons.

  A005000909 

 En qualité de vertu, elle nous rend obeissans aux inspirations exterieures que Dieu nous donne par ses commandemens et conseilz, en l'execution desquelz on prattique toutes vertus; dont la dilection est la vertu de toutes les vertus.

  A005000914 

 L'amour est la vie de nostre cœur; et comme le contrepoids donne le mouvement a toutes les pieces mobiles d'un horologe, aussi l'amour donne a l'ame tous les mouvemens qu'elle a. Toutes nos affections suivent nostre amour, et selon iceluy nous desirons, nous nous delectons, nous esperons et desesperons, nous craignons, nous nous encourageons, nous haïssons, nous fuyons, nous nous attristons, nous entrons en cholere, nous triomphons.

  A005000914 

 Ne voyons nous pas les hommes qui ont donné leur cœur en proye a l'amour vil et abject des femmes, comme ilz ne desirent que selon cet amour, ilz n'ont playsir qu'en cet amour, ilz n'esperent ni desesperent que pour ce sujet, ilz ne craignent ni n'entreprennent que pour cela, ilz n'ont a contrecœur ni ne fuyent que ce qui les en destourne, ilz ne s'attristent que de ce qui les en prive, ilz n'ont de cholere que par jalousie, ilz ne triomphent que par cette infamie.

  A005000915 

 Quand donq le divin amour regne dans nos cœurs, il assujettit royalement tous les autres amours de la volonté, et par consequent toutes les affections d'icelle, parce que naturellement elles suivent les amours; puis [309] il dompte l'amour sensuel, et le reduisant a son obeissance il tire aussi apres iceluy toutes les passions sensuelles.

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000917 

 Mays quand fut-ce que l'aisné des peuples qui estoyent dans le ventre de Rebecca servit le puisné? Certes, ce ne fut jamais que lhors que David subjuga en guerre les Idumeens, et que Salomon les maistrisa en paix.

  A005000919 

 Mais donq, quelle methode doit on tenir pour ranger les affections et passions au service du divin amour? Les medecins methodiques ont tous-jours en bouche cette maxime, que «les contraires sont gueris par leurs contraires;» et les spagyriques celebrent une sentence opposee a celle la, disans que «les semblables sont gueris par leurs semblables.» Or, comme que c'en soit, nous sçavons que deux choses font disparoistre la lumiere des estoiles: l'obscurité des brouillas de la nuit, et la plus grande lumiere du soleil; et de mesme nous combattons les passions, ou leur opposant des passions contraires, ou leur opposant des plus grandes [311] affections de leur sorte.

  A005000920 

 Il guerit ses disciples de la crainte mondaine, leur imprimant dans le cœur une crainte superieure: Ne craignes pas, dit il, ceux qui tuent les cors, mais craignes Celuy qui peut damner l'ame et le cors pour la gehenne.

  A005000920 

 Voulant une autre fois les guerir d'une basse joye, il leur en assigne une plus relevee: Ne vous res-jouisses pas, dit il, dequoy les espritz malins vous sont sujetz, mais dequoy vos noms sont escritz au Ciel; et luy mesme aussi rejette la joye par la tristesse: Malheur a vous qui ries, car vous pleureres..

  A005000921 

 Ainsy donq le divin amour supplante et assujettit les affections et passions, les destournant de la fin a laquelle l'amour propre les veut porter et les contournant a sa pretention spirituelle.

  A005000921 

 O sainte et sacree alchimie! o divine poudre de projection, par laquelle tous les metaux de nos passions, affections et actions sont convertis en l'or tres pur de la celeste dilection! [313].

  A005000921 

 Si j'espere l'assistance d'un ami, ne puis-je pas dire: Vous aves establi nostre vie en sorte, Seigneur, que nous ayons a prendre secours, soulagement et consolation les uns des autres; et parce qu'il vous plaist, j'employeray donq cet homme, duquel vous m'aves donnee l'amitié a cette intention.

  A005000921 

 Si la crainte est excessive: Hé, Dieu, Pere eternel, qu'est ce que peuvent craindre vos enfans et les poussins qui vivent sous vos aisles? Or sus, je feray ce qui est convenable pour eviter le mal que je crains; mais apres cela: Seigneur, je suis vostre, sauves moy, s'il vous plait; et ce qui m'arrivera je l'accepteray, parce que telle sera vostre bonne volonté.

  A005000921 

 Y a-il quelque juste sujet de crainte? Vous voules, o Seigneur, que je craigne, affin que je prenne les moyens convenables pour eviter cet inconvenient; je le feray, Seigneur, puisque tel est vostre bon playsir.

  A005000926 

 Car David, saint Pierre, la Magdeleyne, pleurerent pour leurs pechés; Agar pleura voyant son filz presque mort de soif; Hieremie sur la ruine de Hierusalem; Nostre Seigneur sur les Juifz; et son grand Apostre, gemissant, dit ces paroles: Plusieurs marchent, lesquelz je [314] vous ay souvent dit, et le vous dis derechef en pleurant, qui sont ennemis de la Croix de Jesus Christ..

  A005000926 

 Et quant a la tristesse, comme peut elle estre utile a la sainte charité, puisque entre les fruitz du Saint Esprit la joye est mise en rang joignant la charité? Neanmoins, le grand Apostre dit ainsy: La tristesse qui est selon Dieu opere la penitence stable en salut; mais la tristesse du monde opere la mort.

  A005000926 

 Il y a donq une tristesse selon Dieu, laquelle s'exerce, ou bien par les pecheurs en la penitence, ou par les bons en la compassion pour les miseres temporelles du prochain, ou par les parfaitz en la deploration, complainte et condoleance pour les calamités spirituelles des ames.

  A005000927 

 On dit qu'il y a un poisson nommé pescheteau, et surnommé diable de mer, qui, esmouvant et poussant ça et la le limon, trouble l'eau tout autour de soy pour se tenir en icelle comme dans l'embusche, des laquelle, soudain qu'il apperçoit les pauvres petitz poissons, il se rüe sur eux, les brigande et les devore; d'ou peut estre est venu le mot de pescher en eau trouble, duquel on use communement.

  A005000927 

 Or c'est de mesme du diable d'enfer comme du diable de mer; car il fait ses embusches dans la tristesse, lhors qu'ayant rendu l'ame troublee par une multitude d'ennuyeuses pensees jettees ça et la dans l'entendement, il se rüe par apres sur les affections, les accablant de desfiances, jalousies, aversions, envies, apprehensions superflues des pechés passés, et fournissant une quantité de subtilités vaines, aigres et melancholiques, affin qu'on rejette toutes sortes de raysons et consolations..

  A005000928 

 Car, comme les araignes ne font jamais presque leurs toiles que quand le tems est blafastre et le ciel nubileux, de mesme cet esprit malin n'a jamais tant d'aysance pour tendre les filetz de ses suggestions [315] es espritz doux, benins et gays, comme il en a es espritz mornes, tristes et melancholiques; car il les agite aysement de chagrins, de soupçons, de haynes, de murmurations, censures, envies, paresse et d'engourdissement spirituel..

  A005000929 

 Or, cette tristesse est commune aux bons et aux mauvais: mais aux bons elle est moderee par l'acquiescement et resignation en la volonté de Dieu, comme on vid en Tobie, qui de toutes les adversités dont il fut touché rendit graces a la divine Majesté; et en Job, qui en benit le nom du Seigneur; et en Daniel, qui convertit ses douleurs en cantiques.

  A005000930 

 Certes, la tristesse de la vraye penitence ne doit pas tant estre nommee tristesse que desplaysir, ou sentiment et detestation du mal: tristesse qui n'est jamais ni ennuyeuse ni chagrine; tristesse qui n'engourdit point l'esprit, ains qui le rend actif, prompt et diligent; tristesse qui n'abbat point le cœur, ains le releve par la priere et l'esperance, et luy fait faire les eslans de la ferveur de devotion; tristesse laquelle, au fort de ses amertumes, produit tous-jours la douceur d'une incomparable consolation, suivant le precepte du grand saint Augustin: Que le penitent s'attriste tous-jours, mais que tous-jours il se res-jouisse de sa tristesse.

  A005000930 

 [316] «La tristesse,» dit Cassian, qui opere la solide penitence et l'aggreable repentance de laquelle on ne se repent jamais, elle «est obeissante, affable, humble, debonnaire, souëfve, patiente, comme estant issue et descendue de la charité: si que s'estendant a toute douleur de cors et contrition d'esprit, elle est, en certaine façon, joyeuse, animee et revigoree de l'esperance de son proffït; elle retient toute la suavité de l'affabilité et longanimité, ayant en elle mesme les fruitz du Saint Esprit que le saint Apostre raconte: Or les fruitz du Saint Esprit sont, charité, joye, paix, longanimité, bonté, benignité, foy, mansuetude, continence.» Telle est la vraye penitence, et telle la bonne tristesse, qui certes n'est pas proprement triste ni melancholique, ains seulement attentive et affectionnee a detester, rejetter et empescher le mal du peché pour le passé et pour l'advenir.

  A005000931 

 Si elle est accidentelle, nous recourrons a ce qui est marqué au huitiesme Livre, affin de voir combien les tribulations sont aymables aux enfans de Dieu, et que la grandeur de nos esperances en la vie eternelle doit rendre presque [317] inconsiderables tous les evenemens passagers de la temporelle..

  A005000931 

 Si elle est naturelle, nous la devons repousser, contrevenans a ses mouvemens, la divertissans par exercices propres a cela, et usans des remedes et façon de vivre que les medecins mesme jugeront a propos.

  A005000931 

 Si elle provient de tentation, il faut bien descouvrir son cœur au pere spirituel, lequel nous prescrira les moyens de la vaincre, selon ce que nous en avons dit en la quatriesme Partie de l' Introduction a la Vie devote.

  A005000932 

 Au reste, parmi toutes les melancholies qui nous peuvent arriver, nous devons employer l'authorité de la volonté superieure pour faire tout ce qui se peut en faveur du divin amour.

  A005000932 

 Certes, il y a des actions qui dependent tellement de la disposition et complexion corporelle, qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les faire a nostre gré; car un melancholique ne sçauroit tenir ni ses yeux, ni sa parole, ni son visage en la mesme grace et suavité qu'il auroit s'il estoit deschargé de cette mauvaise humeur; mais il peut bien, quoy que sans grace, dire des paroles gracieuses, honteuses et courtoises, et, malgré son inclination, faire par rayson les choses convenables, en paroles et en oeuvres de charité, douceur et condescendance.

  A005000940 

 Or je ne pense pas qu'il veuille dire que l'amour sacré soit distribué aux hommes ni aux Anges en suite, et moins encor en vertu des conditions naturelles; ni qu'il veuille dire que la distribution de l'amour divin soit faite aux hommes selon leurs qualités et habilités naturelles: car ce seroit desmentir l'Escriture, et violer la regle ecclesiastique par laquelle les Pelagiens furent declarés heretiques..

  A005000940 

 Un grand religieux de nostre aage a escrit que la disposition naturelle sert de beaucoup a l'amour contemplatif, et que les personnes de complexion affective et amante y sont plus propres.

  A005000941 

 [319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer..

  A005000942 

 Il est pourtant vray que ces ames ainsy faites, estant une fois bien purifiees de l'amour des creatures, font des merveilles en la dilection sainte, l'amour treuvant une grande aysance a se dilater en toutes les facultés du cœur; et de la procede une tres aggreable suavité, laquelle ne paroist pas en ceux qui ont l'ame aigre, aspre, melancholique et revesche..

  A005000943 

 Le cœur de naturel doux aymera plus aysement, plus aimablement, plus doucement, mais non pas plus solidement ni plus parfaitement; ains, l'amour qui naistra emmi les espines et repugnances d'un naturel aspre et sec, sera plus brave et plus glorieux, comme l'autre sera aussi plus delicieux et gracieux..

  A005000944 

 Seulement, Theotime, je dirois volontier a tous les hommes: O mortelz, si vous aves le cœur enclin a l'amour, hé, pourquoy ne pretendes vous au celeste et divin? mays si vous estes rudes et amers de cœur, helas, pauvres gens, puisque vous estes privés de l'amour naturel, pourquoy n'aspires vous a l'amour surnaturel, qui vous sera amoureusement donné par Celuy qui vous appelle si saintement a l'aymer? [320].

  A005000948 

 Qu'est-ce qui presse si fort les avettes d'accroistre leur miel, sinon l'amour qu'elles ont pour luy? O cœur de mon ame, qui es creé pour aymer le bien infini, quel amour peux tu desirer sinon cet amour qui est le plus desirable de tous les amours? Helas, o ame de mon cœur, quel desir peux-tu aymer sinon le plus aymable de tous les desirs? O amour des desirs sacrés, o desirs du saint amour! o que j'ay convoité de desirer vos perfections!.

  A005000949 

 O Dieu, qui nous fera la grace, Theotime, que nous bruslions de ce desir, qui est le desir des pauvres et la preparation de leur cœur, que Dieu exauce volontier! Qui n'est pas asseuré d'aymer Dieu, il est pauvre; et s'il desire d'aymer, il est mendiant, mais mendiant de l'heureuse mendicité de laquelle le Sauveur a dit: Bienheureux sont les mendians d'esprit, car a eux appartient le Royaume des deux..

  A005000951 

 Crions nuit et jour, Theotime: «Venes, o Saint Esprit, remplisses les cœurs de vos fidelles, et allumes en iceux le feu de vostre amour,» O amour celeste, quand combleres vous mon ame! [322].

  A005000951 

 L'avarice temporelle, par laquelle on desire avidement les thresors terrestres, est la racine de tous maux; mais l'avarice spirituelle, par laquelle on souhaitte incessamment le fin or de l'amour sacré, est la racine de tous biens.

  A005000955 

 Pourquoy penses-vous, Theotime, que les chiens en la sayson primtaniere perdent plus souvent qu'en autre tems la trace et piste de la beste? C'est parce, disent les chasseurs et les philosophes, que les herbes et fleurs sont alhors en leur vigueur; si que la varieté des odeurs qu'elles respandent estouffe tellement le sentiment des chiens, qu'ilz ne sçavent ni choisir ni suivre la senteur de la proye entre tant de diverses senteurs que la terre exhale.

  A005000956 

 Si le cœur qui pretend a l'amour divin est fort enfoncé dans les affaires terrestres et temporelles il fleurira tard et difficilement; mais s'il n'est dans le monde que justement autant que sa condition le requiert, vous le verres bien tost fleurir en dilection et respandre son odeur aggreable..

  A005000957 

 Les ames qui desirent tout de bon d'aymer Dieu ferment leurs entendemens aux discours des choses mondaines, pour l'employer plus ardemment es meditations des choses divines, et ramassent toutes leurs pretentions sous l'unique intention qu'ilz ont d'aymer uniquement Dieu.

  A005000957 

 Pour cela, les Saintz se retirerent es solitudes, affin que, despris des sollicitudes mondaines, ilz vacassent plus ardemment au celeste amour; pour cela, l'Espouse [323] sacree fermoit l'un de ses yeux, affin d'unir plus fortement sa veüe en l'autre seul, et viser plus justement par ce moyen au milieu du cœur de son Bienaymé qu'elle veut blesser d'amour; pour cela, elle mesme tient sa perruque tellement plicee et ramassee dans sa tresse, qu'elle semble n'avoir qu' un seul cheveu, duquel elle se sert comme d'une chaisne pour lier et ravir le cœur de son Espoux, qu'elle rend esclave de sa dilection.

  A005000962 

 La curiosité, l'ambition, l'inquietude, avec l'inadvertence et inconsideration de la fin pour laquelle nous sommes en ce monde, sont cause que nous avons mille fois plus d'empeschemens que d'affaires, plus de tracas que d'oeuvre, plus d'occupation que de besoigne; et ce sont ces embarrassemens, Theotime, c'est a dire les niaises, vaynes et superflues occupations desquelles nous nous chargeons, qui nous divertissent de l'amour de Dieu, et non pas les vrays et legitimes exercices de nos vocations.

  A005000969 

 Saint Bernard ne perdoit rien du progres qu'il desiroit faire en ce saint amour, quoy qu'il fut es cours et armees des grans princes, ou il s'employoit a reduire les affaires d'estat au service de la gloire de Dieu: il changeoit de lieu, mais il ne changeoit point de cœur, ni son cœur d'amour, ni son amour d'object; et, pour parler son propre langage, ces mutations se faisoyent en luy, mais non pas de luy, puisque, bien que ses [325] occupations fussent fort differentes, il estoit indifferent a toutes occupations et different de toutes occupations; ne recevant pas la couleur des affaires et des conversations, comme le cameleon celle des lieux ou il se treuve, ains demeurant tous-jours tout uni a Dieu, tous-jours blanc en pureté, tous-jours vermeil de charité et tous-jours plein d'humilité..

  A005000974 

 On void de pieté les ames animees:.

  A005000977 

 Et les Israëlites avoyent rayson de s'excuser aux Babiloniens qui les pressoyent de chanter les sacrés cantiques de Syon:.

  A005000984 

 Mais ne voyes vous pas aussi que ces pauvres gens estoyent non seulement parmi les Babiloniens, ains encor captifs des Babiloniens? Quicomque est esclave [326] des faveurs de la cour, du succes du palais, de l'honneur de la guerre, o Dieu, c'en est fait, il ne sçauroit chanter le cantique de l'amour divin; mais celuy qui n'est en cour, en guerre, au palais, que par devoir, Dieu l'assiste, et la douceur celeste luy sert d'epitheme sur le cœur, pour le preserver de la peste qui regne en ces lieux la..

  A005000985 

 Dieu a soin de mesme de ceux qui ne vont a la cour, au palais, a la guerre, sinon par la necessité de leur devoir; et ne faut en cela ni estre si craintif que l'on abandonne les bonnes et justes affaires faute d'y aller, ni si outre-cuydé et presomptueux que d'y aller ou demeurer sans l'expresse necessité du devoir et des affaires..

  A005000985 

 Lhors que la peste affligea le Milannois, saint Charles ne fit jamais difficulté de hanter les maysons et toucher les personnes empestees: mais, Theotime, il les hantoit aussi et touchoit seulement et justement autant que la necessité du service de Dieu le requeroit; et pour rien il ne fust allé au danger sans la vraye necessité, de peur de commettre le peché de tenter Dieu.

  A005000989 

 Dieu est innocent a l'innocent, bon au bon, cordial au cordial, tendre envers les tendres; et son amour le porte quelquefois a faire des traitz d'une sacree et sainte mignardise pour les ames qui par une amoureuse pureté et simplicité se rendent comme petitz enfans aupres de luy..

  A005000991 

 Le rossignol n'ayme pas moins sa melodie quand il fait ses pauses que quand il chante; le cœur devot n'ayme pas moins l'amour quand il se divertit pour les necessités exterieures que quand il prie: leur silence et leur voix, leur action et leur contemplation, leur occupation et leur repos chantent egalement en eux le cantique de leur dilection.

  A005000991 

 Quelle suavité, Theotime, de cet Espoux celeste envers cette douce et fidele amante! Mais vous voyes cependant que les occupations necessaires a un chacun selon sa vocation ne diminuent point l'amour divin, ains l'accroissent, et dorent, par maniere de dire, l'ouvrage de la devotion.

  A005000996 

 Hé, Dieu nous garde de ces ardeurs imaginaires, qui nourrissent bien souvent dans le fond de nos cœurs la vayne et secrette estime de nous mesme! Les grandes œuvres ne sont pas tous-jours en nostre chemin; mais nous pouvons a toutes heures en faire des petites excellemment, c'est a dire, avec un grand amour.

  A005000997 

 Les avettes picorent dans les lys, les flambes et les roses, mais elles ne font pas moins de buttin sur les menues petites fleurs du romarin et du thim; ains elles y cueillent non seulement plus de miel, mais encor de meilleur miel, parce que dedans ces petitz vases, le [329] miel se treuvant plus serré, s'y conserve aussi bien mieux.

  A005001002 

 Nostre Seigneur, au rapport des Anciens, souloit dire aux siens: «Soyes bons monnoyeurs.» Si l'escu n'est de bon or, s'il n'a son poids, s'il n'est battu au coin legitime, on le rejette comme non recevable; si une œuvre n'est de bonne espece, si elle n'est ornee de charité, si l'intention n'est pieuse, elle ne sera point receüe entre les bonnes œuvres.

  A005001003 

 Ainsy y a il des ames qui font beaucoup de bonnes œuvres et croissent fort peu en charité, parce qu'elles les font ou froidement et laschement, ou par instinct et inclination de nature plus que par inspiration de Dieu ou ferveur celeste; et au contraire, il y en a qui font peu de besoigne, mais avec une volonté et intention si sainte, qu'elles font un progres extreme en dilection: elles ont peu de talent, mais elles le mesnagent si fidelement, que le Seigneur les en recompense largement.

  A005001003 

 C'est faire excellemment les actions petites que de les faire avec beaucoup de pureté d'intention et une forte volonté de plaire a Dieu; et lhors elles nous sanctifient grandement.

  A005001006 

 Ce sont les propres paroles du divin Apostre, lesquelles, comme dit le grand saint Thomas en les expliquant, sont suffisamment prattiquees quand nous avons l'habitude de la tressainte charité, par laquelle, bien que nous n'ayons pas une expresse et attentive intention de faire chasque œuvre pour Dieu, cette intention neanmoins est contenue couvertement en l'union et communion que nous avons avec Dieu, par laquelle tout ce que nous pouvons faire de bon est dedié avec nous a sa divine Bonté.

  A005001007 

 Mais il est vray aussi que, comme si l'on ente la vigne sur l'olivier il ne luy communique pas seulement plus parfaitement son goust, mais la rend encor participante de son suc, ne vous contentes pas aussi d'avoir la charité et avec elle la prattique des vertus, mais faites que ce soit par et pour elle que vous les prattiques, affin qu'elles luy puissent estre justement attribuees..

  A005001008 

 O que les actions des vertus sont excellentes quand le divin amour leur imprime son sacré mouvement, c'est a dire lhors qu'elles se font par le motif de la dilection! Mais cela se fait differemment..

  A005001009 

 Le motif de la divine charité respand une influence de perfection particuliere sur les actions vertueuses de ceux qui se sont specialement dediés a Dieu pour le servir a jamais.

  A005001009 

 Telz sont les Evesques et prestres, qui, par une consecration sacramentelle et par un caractere spirituel qui ne peut estre effacé, se vouent, comme serfs stigmatisés et marqués, au perpetuel service de Dieu; telz les religieux, qui, par leurs vœux ou solemnelz ou simples, sont immolés a Dieu en qualité d'hosties vivantes et raysonnables; telz tous ceux qui se rangent aux congregations pieuses, dediés a jamais a la gloire divine.

  A005001010 

 Je sçai que quelques uns n'estiment pas que cette oblation si generale de nous mesme estende sa vertu et porte son influence sur les actions que nous prattiquons par apres, sinon a mesure qu'en l'exercice d'icelles nous appliquons en particulier le motif de la dilection, les dediant specialement a la gloire de Dieu.

  A005001017 

 Quand les paonnesses couvent en des lieux bien blancs, les pouletz sont aussi tous blancs; et quand nos intentions sont en l'amour de Dieu, lhors que nous projettons quelque bon oeuvre, ou que nous nous jettons en quelque vacation, toutes les actions qui s'en ensuivent prennent leur valeur et tirent leur noblesse de la dilection de laquelle elles ont leur origine: car, qui ne void que les actions qui sont propres a ma vocation ou requises a mon dessein, dependent de cette premiere election et resolution que j'ay faitte?.

  A005001018 

 Mais, Theotime, il ne se faut pas arrester la: ains, pour faire un excellent progres en la devotion, il faut non seulement au commencement de nostre conversion, et puis tous les ans, destiner nostre vie et toutes nos actions a Dieu, mais aussi il les luy faut offrir tous les jours, selon l'exercice du matin que nous avons enseigné [335] a Philothee; car en ce renouvellement journalier de nostre oblation nous respandons sur nos actions la vigueur et vertu de la dilection, par une nouvelle application de nostre cœur a la gloire divine, au moyen dequoy il est tous-jours plus sanctifié..

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001020 

 Cela fait, desployans, s'il faut ainsy dire, et eslevans les bras de nostre consentement, embrassons cherement, ardemment et tres amoureusement, soit le bien qui se presente a faire, soit le mal qu'il nous faut souffrir, en consideration de ce que Dieu l'a voulu eternellement, pour luy complaire et obeir a sa providence..

  A005001020 

 Eslevons en ces occurrences nos cœurs et nos espritz en Dieu, enfonçons nostre consideration et estendons nostre pensee dans la tressainte et glorieuse eternité; voyons qu'en icelle la divine Bonté nous cherissoit tendrement, destinant pour nostre salut tous les moyens convenables a nostre progres en sa dilection, et particulierement la commodité de faire le bien qui se presente alhors a nous, ou de souffrir le mal qui nous arrive.

  A005001020 

 Or cet exercice des continuelles aspirations est donq fort propre pour appliquer toutes nos œuvres a la dilection, mais principalement il suffit tres abondamment [336] pour les menues et ordinaires actions de nostre vie; car quant aux œuvres relevees et de consequence, il est expedient, pour faire un proffit d'importance, d'user de la methode suivante, ainsy que j'ay des-ja touché ailleurs.

  A005001021 

 Voyes le grand saint Charles Ihors que la peste attaqua son diocese: il releva son courage en Dieu, et regarda attentivement qu'en l'eternité de la Providence divine ce fleau estoit preparé et destiné a son peuple, et que, emmi ce fleau, cette mesme Providence avoit ordonné qu'il eust un soin tres amoureux de servir, soulager et assister cordialement les affligés, puisqu'en cette occasion il se treuvoit le pere spirituel, pasteur et Evesque de cette province-la.

  A005001022 

 En cette sorte devons nous entreprendre les plus grandes affaires et les plus aspres tribulations qui nous puissent arriver.

  A005001026 

 Il sacrifia, certes, toutes les plus fortes affections naturelles qu'il pouvoit avoir, Ihors qu'oyant la voix de Dieu qui luy disoit: Sors de ton pais, et de ta parentee, et de la mayson de ton pere, et viens au païs que je te monstreray, il sortit soudain et se mit promptement en chemin, sans sçavoir ou il iroit.

  A005001026 

 Le doux amour de la patrie, la suavité de la conversation des proches, les delices de la mayson paternelle, ne l'esbranlerent point; il part hardiment et ardemment, et va ou il plaira a Dieu de le conduire.

  A005001026 

 Quelle abnegation, Theotime! quel renoncement! On ne peut aymer Dieu parfaitement si l'on ne quitte les affections aux choses perissables..

  A005001027 

 Sur cela Isaac est deslié, Abraham prend un belier qu'il void pris par les cornes aux ronces d'un buisson, et l'immole..

  A005001030 

 Ne penses vous point que la douceur de cet enfant, portant son bois sur ses espaules et l'entassant par apres sur l'autel, fit fondre en tendreté les entrailles de ce pere? O cœur que les Anges admirent et que Dieu magnifie! Hé, Seigneur Jesus, quand sera-ce donq que vous ayant sacrifié tout ce que nous avons, nous vous immolerons tout ce que nous sommes? quand vous offrirons nous en holocauste nostre franc arbitre, unique enfant de nostre esprit? quand sera-ce que nous le lierons et estendrons sur le bucher de vostre Croix, de vos espines, de vostre lance, affin que, comme une brebiette, elle soit victime aggreable de vostre bon playsir, pour mourir et brusler du feu et du glaive de vostre saint amour? O franc arbitre de mon cœur, que ce vous sera chose bonne d'estre lié et estendu sur la Croix du divin Sauveur! que ce vous est chose [340] desirable de mourir a vous mesme, pour ardre a jamais en holocauste au Seigneur!.

  A005001031 

 Renonçons a cette malheureuse liberté, et assujettissons pour jamais nostre franc arbitre au parti de l'amour celeste; rendons nous esclaves de la dilection, de laquelle les serfs sont plus heureux que les rois.

  A005001035 

 Saint Bonaventure, le Pere Louys de Grenade, le Pere Louys du Pont, Frere Diegue de Stella ont suffisamment discouru sur ce sujet; je me contenteray de marquer seulement les pointz que j'en ay touché en ce Traitté..

  A005001036 

 La Bonté divine consideree en elle mesme n'est pas seulement le premier motif de tous, mais le plus grand, le plus noble et le plus puissant, car c'est celuy qui ravit les Bienheureux et comble leur felicité.

  A005001039 

 motif c'est de considerer comme Dieu prattique cette providence et redemption, fournissant a un chacun toutes les graces et assistances requises a nostre salut; dequoy nous traittons au II e Livre, des le chapitre VIII, et au Livre III, des le commencement jusques au chapitre VI..

  A005001046 

 Et cependant, Dieu, des l'abisme de son eternité, pensoit pour moy des pensees de benedictions; il meditoit et desseignoit, ains determinoit l'heure de ma naissance, de mon Baptesme, de toutes les inspirations qu'il me donneroit, et en somme tous les bienfaitz qu'il me feroit et offriroit.

  A005001046 

 Il faut considerer les benefices divins en leur origine premiere et eternelle.

  A005001047 

 Il faut considerer les bienfaitz divins en leur seconde source meritoire; car ne sçaves vous pas, Theotime, que le grand Prestre de la Loy portoit sur ses espaules et sur sa poitrine les noms des enfans d'Israël, c'est a dire, des pierres pretieuses esquelles les noms des chefs d'Israël estoyent gravés? Hé, voyes Jesus, nostre grand Evesque, et regardes-le des l'instant de sa conception; consideres qu'il nous portoit sur ses espaules, acceptant la charge de nous racheter par sa mort, et la mort de la croix.

  A005001047 

 O Theotime, Theotime, cette ame du Sauveur nous connoissoit tous par nom et par sur-nom; mais sur tout au jour de sa Passion, lhors qu'il offroit ses larmes, ses prieres, son sang et sa vie pour tous, il lançoit en particulier pour vous ces pensees de dilection: Helas, o mon Pere eternel, je prens a moy et me charge de tous les pechés du pauvre Theotime, pour souffrir les tormens et la mort affin qu'il en demeure quitte et qu'il ne perisse point, mais qu'il vive.

  A005001048 

 Ainsy, dedans sa poitrine maternelle, son cœur divin prevoyoit, disposoit, meritoit, impetroit tous les bienfaitz que nous avons, non seulement en general pour tous, mais en particulier pour un chacun; et ses mammelles de douceur nous preparoyent le lait de ses mouvemens, de ses attraitz, de ses inspirations, et des suavités par lesquelles il tire, conduit et nourrit nos cœurs a la vie eternelle.

  A005001048 

 Les bienfaitz ne nous [344] eschauffent point si nous ne regardons la volonté eternelle qui les nous destine, et le cœur du Sauveur qui les nous a merités par tant de peynes, et sur tout en sa Mort et Passion..

  A005001052 

 Or en fin, pour conclusion, la Mort et Passion de Nostre Seigneur est le motif le plus doux et le plus violent qui puisse animer nos cœurs en cette vie mortelle: et c'est la verité que les abeilles mistiques font leur plus excellent miel dans les playes de ce Lyon de la tribu de Juda, esgorgé, mis en pieces et deschiré sur le mont de Calvaire; et les enfans de la Croix se glorifient en leur admirable probleme, que le monde n'entend pas: de la mort, qui devore tout, est sortie la viande de nostre consolation; et de la mort, plus forte que tout, est issue la douceur du miel de nostre amour.

  A005001053 

 Aussi, la haut en la gloire celeste, apres le motif de la Bonté divine conneüe et consideree en elle mesme, celuy de la mort du Sauveur sera le plus puissant pour ravir les espritz bienheureux en la dilection de Dieu; en signe dequoy, en la Transfiguration, qui fut un eschantillon de la gloire, Moyse et Helie parloyent avec Nostre Seigneur de l'exces qu'il devoit accomplir en Hierusalem.

  A005001068 

 Ces choses, Theotime, qui par la grace et faveur de la charité ont esté escrittes a vostre charité, puissent tellement s'arrester en vostre cœur que cette charité treuve en vous le fruit des saintes œuvres, non les feuilles des loüanges.

  A005001081 

 Le beau titre de ce Livre, la belle reputation, et la saine doctrine du Reverendissime Prelat, autheur d'iceluy, le grand profit qu'en rapporteront les belles et chrestiennes ames de toutes qualitez de personnes, et le temps qui s'est escoulé depuis qu'on a desiré qu'il veid le jour, font qu'il le doit voir, et il le merite, car ce n'est rien que doctrine Orthodoxe et Catholique qu'il enseigne..

  A005001087 

 En quoy les Ames devotes de ce siecle nous semblent avoir autant de saincte obligation à remercier et magnifier la Divine Bonté, qui a voulu accroistre et favorablement gratifier l'honneur de leurs ans de la precieuse jouissance de cet Œuvre, et de la desirable presence de l'Autheur qui l'a composé, comme celles des siecles passés, si on leur en eust donné advis, eussent eu de juste occasion de regretter que l'un et l'autre ait esté refusé et ait manqué à la gloire et au bien de leurs jours..

  A005001087 

 Et non seulement y avoir trouvé toutes choses conformes à la saincte Doctrine des saincts Peres et Docteurs de l'Eglise, et adjustees au niveau de la Foy Catholique, Apostolique, et Romaine: mais d'abondant confessons ingenuëment y avoir rencontré tant d'avantages pour l'entiere recommandation de l'Amour de Dieu, tant d'ordre et de lumiere à le faire aisément concevoir, tant d'attraicts si puissants à luy gaigner les Ames; que nous estimons que ce sublime et Divin subject a vrayement rencontré cette fois celuy qu'il luy falloit pour dignement le [349] manier et l'estaller en public: et que l'esclat de son excellence et grandeur eust tousjours esté plus sombre et moindre parmy les hommes, quant à sa parfaite cognoissance, si ce Reverendissime Prelat, esgalement sçavant et Religieux, n'eust employé son net esprit et sa riche plume à le traicter.

  A005001091 

 Thomas de Meschatin la Faye, Comte, Chanoine et Chamarier de l'Eglise de Lyon, et Vicaire General en l'Archevesché de Lyon, ayant veu les susdictes Approbations des Docteurs en Theologie, permettons l'impression du present Livre intitulé Traicté de l'Amour de Dieu, composé par Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque de Geneve..

  A005001105 

 A nos Amez et feaux Conseillers les gens tenans nos Cours de Parlement, de Paris, Tholouse, Roiien, Bourdeaux, Dijon, Aix, Grenoble, Baillifs, Seneschaux, Prevots desdits lieux, ou leurs lieutenants et autres nos Justiciers et Officiers, qu'il appartiendra, Salut.

  A005001105 

 Et dautant que pour ce faire, il a cy devant faict de grands frais, et luy en convient encores faire, il nous a tres-humblement requis et supplié de luy en vouloir accorder la permission, et faire deffences à toutes personnes de le troubler en l'impression, et vente dudit livre, sur les peines qu'il nous plairra d'ordonner.

  A005001128 

 D'autant que l'homme fait ses operations distinctes selon la distinction des facultés de son ame et des organes de son cors, nous attribuons a chasque faculté et a chasque organe les actions que nous faysons par icelles.

  A005001133 

 Ou bien, puis que la rayson n'est autre chose que la naturelle et essentielle puissance de discourir, disons quil y a 4 divers degrés en [la puissance de discourir,] qui sont comme quatre portions: la premiere est la puissance de discourir selon les choses experimentees; la 2 e est de discourir selon les sciences humaines; la 3.

  A005001133 

 Premier: troys grans parvis, dont l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le [356] second estoit pour les Israelites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour tout l'ordre hierarchique; et en fin, outre tous ces parvis, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle le seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A005001133 

 est de discourir selon les revelations generales; la quatriesme n'est pas a proprement parler une puissance de discourir ou raysonner, ains plus tost une certaine eminente et supreme pointe de la rayson et faculté mentale, qui n'est point conduite par la lumiere du discours ni de la rayson, mays par une simple veüe de l'entendement, lequel acquiesce et se sousmet avec la volonté au secret et bon playsir de Dieu..

  A005001134 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor cette lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de clarté que l'ouverture de la porte pouvoit rendre; et cette simple veüe qui se fait en la supreme portion de l'ame est aussi obscurcie par les acquiescemens, renoncemens et resignations que l'ame fait en Dieu, ne voulant pas tant regarder et voir qu'offrir et acquiescer: de sorte que presque elle ferme les yeux, soudain qu'ell'a commencé a voir la volonté de Dieu, affin [que], sans s'amuser a la contempler et considerer, elle puisse tant mieux l'adorer, accepter, s'y complayre et acquiescer amoureusement par l'union de sa volonté propre a celle de son Dieu..

  A005001134 

 Nul n'entre au Sanctuaire que le grand Prestre; en cette pointe de l'ame les discours n'y entrent point, ains [357] seulement cette supreme et universelle et grande veûe, par laquelle nous connoissons que la volonté divine est souverainement bonne et digne d'estr'aymee en tout generalement et non pas seulement particulierement en quelque chose, et non pas seulement en general mais en particulier en chasque chose.

  A005001135 

 Car encor que la foy, l'esperance et la charité respandent leurs actions et divins mouvemens en toutes les facultés de l'ame, non seulement entant qu'ell'est raysonnable mais encor entant qu'ell'est sensitive, les conduysant toutes et gouvernant, et les assujettissant saintement et justement sous leur divin'authorité, si est ce que leur speciale residence, leur vray et naturel sejour est establi [358] en cette supreme cime de l'ame, des-laquelle, comme un'heureuse fontayne et source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur toutes les parties et facultés inferieures..

  A005001135 

 Et de mesme, en cette tres intime ou superieure portion de la faculté raysonnable, se treuvent la foy, representee par les tables escrittes par le doigt de Dieu, par lesquelles il declaire sa volonté; l'esperance, delaquelle les promesses aboutissent a la fleurissante vie cæleste; et la charité, plus douce que la manne a nostre cœur, plus prætieuse que l'or devant Dieu.

  A005001135 

 au Sanctuaire estoit l'Arche de l'alliance, et en cett'Arche, ou au moins joignant icelle, la manne dans une cruche d'or, la verge d'Aaron qui fleurit miraculeusement, et les tables de la Loy donnees a Moyse.

  A005001137 

 Voyla donq les deux portions de l'ame, que les Theologiens appellent superieure et inferieure, en chacune desquelles il y a deux degrés..

  A005001138 

 En ce sanctuaire de nostr'ame Dieu parle a nostre esprit, l'instruisant de ce quil faut croyre, esperer, aymer, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration et illustration ou illumination, luy proposant les saintes verités de la foy et, par maniere de dire, les luy faysant aucunement entrevoir parmi des obscurités, tenebres et nuages: en sorte que nostr'entendement en reçoit un'obscure connoissance, laquelle, quoy qu'obscure, est tellement aggreable a la volonté, qu'elle s'y complait grandement, et par sa complaysance porte l'entendement a un parfait acquiescement qu'il fait sans reserve ni exception quelcomque, croyant fermement ces sacrees verités de la foy, qu'il entrevoit aucunement et quil ne void nullement, qu'il entreconnoit et ne connoist pas, [359] c'est a dire qu'il ne sçait que par ouӱ dire, car, comme dit l'Apostre, la foy est par l'ouӱe.

  A005001139 

 Et comme (au 4. livre des Roys, au chap. 9, v. 13.) les chefz de l'armee d'Israël mirent ensemble leurs vestemens et en firent comm'un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, disans: Jehu est roy, ainsy, a l'arrivee de la foy, l'entendement se despouille de tous discours et raysonnemens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux comme sur un trosne, la reconnoissant comme sa reyne.

  A005001139 

 Les discours theologiques, les argumens, les miracles mesme et autres advantages de la religion Chrestienne la rendent certes extremement croyable; mays pour la rendre creüe et reconneüe en effect il y faut la foy, qui est un don de Dieu par lequel nostr'ame embrasse [360] la certitude des saintes propositions catholiques, ayme leur beauté, acquiesce a leur verité sans voir, sans discourir, sans argumenter, ains par une simple obeissance et seule croyance..

  A005001139 

 Mays faut il pas qu'en effect je sois infiniment belle, puisque [parmi] les noyres obscurités et au travers de tant de tenebres sombres, entre lesquelles je ne puis estre veiie ains seulement entreveüe, neanmoins encor suis-je si aggreable que le roy de l'ame, qui est l'esprit, m'ayme tres uniquement, et fendant la presse de toutes autres connoissances me reçoit et me loge dans sa plus belle chambre, et me fait asseoir comme reyne dans le trosne plus relevé de ses acquiescemens, d'ou je donne la loy et assujettis, comme mon captif, tout discours et tout sentiment humain.

  A005001139 

 Mon Dieu, ma Philothee, pourrois-je bien exprimer ceci? La foy est la grand'amie de nostr'entendement, si que elle peut bien dire aux sciences du monde, qui se veulent presque rendre ses compaignes, comme l'Espouse sacree disoit aux Cantiques: O discours humains, je suis brune, mais je suis belle: je suis brune, car je suis entre les brunes obscurités des simples revelations, qui me font paroistre noyre et me rendent presque mesconnoissable; mais je suis pourtant extremement belle en moy mesme, et qui me verroit icy bas comm'on me void la haut au Ciel, il verroit bien que je suis plus blanche que le lis.

  A005001140 

 Quelle merveille fut ce que tant de merveilles miraculeuses furent faites par N. S r entre les Juifz, et que les Juifz entr'icelles creurent si peu a la sainte verité? Car ces merveilles rendoyent la doctrine de Celuy qui les faysoit infiniment croyable; mais dautant que les cœurs n'estoyent pas disposés a recevoir le don de la foy, et que sans la foy ce qui est le plus croyable n'est pas creu, partant ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent le fond des argumens, et n'acquiesçoyent point a la conclusion.

  A005001141 

 L'austruche produit les œufz sur le rivage sablonneux des ondes, mays le soleil seul en fait esclorre le poussin; et les docteurs, par leurs argumens et discours, jettent dans l'ame la doctrine de verité toute debattue, mays les seulz celestes rayons du Soleil de justice en font esclorre l'acquiescement et certification absolue, qui est le vray effect et acte de foy.

  A005001141 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres; mais la resolution et acquiescement se fait dans le Sanctuaire, non point en vertu des raysons debattues au parvis, mais en vertu de la presence du S t Esprit, qui anime le cors de l'Eglise et le fait parler par les chefz d'icelle.

  A005001141 

 Vous aves ouy dire peut estre, ma chere Philothee, qu'es Conciles generaux se font des grandes disputes et enquestes de la verité, par des raysons et argumens de theologie, et tandis que cet examen des raysons se fait il n'y a nul acquiescement ni des uns ni des autres a la verité; mays la chose estant debattue, les Peres du Christianisme, c'est a dire les Evesques, et mesme le primier et souverain Evesque, resoulvent de la difficulté, et la determination estant faite chacun acquiesce, pleynement, non point en vertu des raysons alleguees, mays en vertu de lauthorité du S t Esprit, qui a decerné et jugé par l'entremise de ses serviteurs.

  A005001142 

 En ce sanctuaire se practique l'encensement des oraysons plus parfaites, on y reçoit la manne secrette et cachee dans la cruche d'or, c'est a dire les divins Sacremens, et sur tout l'eucharistique.

  A005001142 

 Et la hauteur est de mesme, par ce que la charité regarde Dieu en haut: et quand a l'amour d'obeissance, elle acheve la [362] coudee, accomplissant les œuvres de commandement; mays quant a l'amour affectif elle ne fait qu'en commencer en ce monde, et par maniere de dire, elle n'a sa mesure qu'a demi, attendant de l'accomplir en lautre..

  A005001142 

 Mays sur tout on y void l'Arche de l'alliance, qui represente la charité, par l'or, le prince des metaux, et qui est le plus pretieux et le prix des autres, parce que par la proportion quilz ont avec iceluy on les estime; et par le boys de Sethim, beau et incorruptible, par ce que la foy et l'esperance cesseront, les Sacremens se descouvriront, mays la charité demeurera parfaite en sa beauté au Ciel; au milieu de laquelle, comm'en ses entrailles, est la loy de Dieu, parce que la plus excellente action de l'amour se fait en obeissance.

  A005001142 

 Or les coudees representent naïfvement les œuvres, par ce que c'est la mesure qui se prend des le coude a la main, qui est la partie du bras qui sert immediatement a l'œuvre.

  A005001142 

 Sa longueur est de deux coudees et demi, pour la perseverance et longanimité entre les œuvres de la vie purgative, illuminative et unitive; et par ce que l'union ne se fait qu'a demi en ce monde, aussi la troysiesme mesure n'est que de demi coudee: ou bien la longanimité es œuvres requises a nostre perfection, au secours du prochain, au service de Dieu, et ce service n'a pas icy sa pleyne mesure.

  A005001146 

 ...entre Dieu et l'homme par la charité, l'amour de Dieu previent nostre cœur et produit en nous l'amour; et toutes les fois que cette Bonté cesse de jetter sa vertu dans nos cœurs, comm'il arrive tous-jours quand le peché divisant entre Dieu et nous fait ecclipser ce grand Soleil de justice, helas, alhors nous demeurons sans charité et sans amour.

  A005001146 

 C'est la vraye volonté de Dieu que nous ayons tous les moyens requis a faire nostre salut, aussi les avons nous tous suffisamment, et mesme, pour la plus part, nous les avons abondamment et surabondamment.

  A005001146 

 Et comm'est ce que sa bonté pourroit mieux tesmoigner la volonté qu'ell'a de nous sauver, que faysant pour nous une si riche provision des moyens necessaires a cet effect, les nous offrant si liberalement, et nous pressant si chaudement de les recevoir, de les embrasser et de les employer? Il est vray, [363] Philothee, que Dieu ne nous veut pas porter au salut, d'une volonté absolue et inevitable, sinon Ihors quil void la nostre suivre volontairement les attraitz de la sienne.

  A005001146 

 Non certes, car il ne nous veut pas tirer par les cordages desquelz on tiroyt jadis les veaux et les moutons aux sacrifices, sans leur consentement et par force, ains par les liens d'Adam, par les liens de charité, d'amour et d'affection, comm'Abraham mena le s t enfant Isaac et le mit sur le bucher pour l'immoler.

  A005001147 

 Il conserve soigneusement le privilege [de] nostre liberté entre les graces de sa liberalité: il comble quelquefois la liberté de doux attraitz ou d'attrayantes douceurs, mais il ne l'estouffe jamais, il ne la suffoque point, ains luy laisse tous-jours l'aspiration et respiration libre pour recevoir ou rejetter son inspiration; car en fin ce sont des douceurs, et ce ne seroyent pas des douceurs si c'estoyent des violences: il la tire sans la tiranniser, et cela, ce me semble, ne tesmoigne pas moins la verité de la volonté de Dieu pour nostre salut; ains, au contraire, ceste volonté est dautant plus veritable qu'elle est plus douce et plus suave, dautant plus aymable qu'ell'est plus amiable..

  A005001148 

 En ce que par cette volonté Dieu nous veut donner les moyens et commodités de nous sauver, ell'est tous-jours accomplie; car tous les hommes ont un vray et reel pouvoir d'estre ou de devenir enfans de Dieu, et par consequent ses heritiers, silz veulent.

  A005001148 

 Et par ce que quicomque veut donner les moyens propres et convenables qui conduisent a quelque fin, il veut aussi la fin pour laquelle il les donne, partant il est tout vray que Dieu, qui nous donne en effect toutes les commodités requises a nostre salut, veut aussi veritablement nostre salut que veritablement il nous en veut donner les moyens.

  A005001148 

 Mays avec cette difference toutefois, que quand aux [364] moyens il nous les donne a tous en effect, car, qui est celuy qui peut dire que la grace de Dieu luy soit refusee? mays quant au salut, sa divine Majesté ne le donne en effect qu'a [ceux] qui se prevalent des moyens quilz ont d'y parvenir: cette Bonté souveraine nous donnant les moyens du salut sans nous vouloir pour cela necessiter de les employer; il nous les met en main, mais il laysse en nostre liberté d'en user ou de n'en user point..

  A005001154 

 Ce n'est pas que les payens n'eussent des repentances et pœnitences quand ilz avoyent fait quelques fautes contre leurs amis; car, comme Ciceron dit, 4 Tuscul., quand Alexandre eut tué Clytus, a peine se peut il empescher de se tuer soymesme, tant la force de la penitence fut grande: tanta vis fuit poenitendi.

  A005001154 

 Certes, Tertulien, au fin commencement de son livre De la Pœnitence, tesmoigne que parmi [les payens] il y avoit quelque sorte de pœnitence, mais inutile et vaine, par ce que mesme ilz en faysoyent pour des choses bonnes..

  A005001154 

 La pœnitence est aussi une vertu toute chrestienne, et nous n'en voyons presque point de marques entre les Philosophes.

  A005001155 

 Mays de pœnitence pour avoir offencé Dieu, il y en a si peu d'apparence entre les Philosophes, que ceux qui ont esté les plus vertueux, comme les Stoiciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais, et en ont fait une maxime aussi insolente comme celle sur laquelle ilz l'ont fondee, que l'homme sage ne pechoit point.

  A005001159 

 Il y a donq une pœnitence humaine, par laquelle on se repent d'avoir mal fait quelque chose par ce que de soymesme le mal estant conneu desplait: ainsy, ceux qui font des fautes es œuvres de leur mestier se repentent de les avoir faites.

  A005001160 

 de ses Propos, c. X, et au livre 4, c. 6, cite et loüe les vers de Pitagore, par lesquelz il enseigne naifvement l'examen de conscience tant recommandé par les maistres de la s te devotion chrestienne:.

  A005001171 

 Presque tous les precedens Philosophes n'ont pas estés si pieux.

  A005001171 

 chap. X. Et ceste repentance morale a quelquefois eu pour motif la consideration d'avoir offencé Dieu; car, comme les Philosophes ont creu qu'on faysoit chose aggreable a Dieu en vivant vertueusement, aussi ont ilz pensé qu'on l'oSençoit en vivant vicieusement.

  A005001172 

 Mays il suffit, pour oster quelques uns de nos plus sçavans Theologiens de doute, que non seulement la nature peut çonnoistre que Dieu est offencé par les pechés, mais qu'aussi elle l'a conneu, et a enseigné que pour cela il s'en failloit repentir..

  A005001173 

 Or sachans que nous avons offencé Dieu, plusieurs motifs nous peuvent porter a la repentance, et bien souvent ilz s'entresuivent tous les uns apres les autres; comme quand, sous la conduite de quelque directeur, nous allons excitans la contrition par les meditations qui ont, a cet effect, esté mises en l' Introduction: et en effect, il est bon de faire cette suite pour plus profondement jetter les fondemens d'une parfaite resolution..

  A005001174 

 Nous considerons que Dieu, lequel nous avons offencé, a establi la punition rigoureuse de l'enfer pour les pecheurs, alaquelle nous serons condamnés si nous ne nous convertissons et faysons pœnitence; et cette consideration nous esmeut a nous repentir de nos pechés, les detester et rejetter de tout nostre cœur.

  A005001180 

 Or cett'attrition imparfaite, et qui n'est que pour certains pechés, elle ne suffit nullement a la vraye pœnitence, car, comme dit le sacré Concile de Trente, elle doit estre de tous les pechés passés et forclorre tous les pechés a venir; et lhors, avec le tressaint Sacrement elle suffit, mais sans iceluy il faut avoir l'absolue contrition..

  A005001180 

 Or toutes ces repentances qui procedent de la crainte de l'enfer, du desir du Ciel, de la consideration des autres maux et inconveviens que le peché nous apporte, elles sont quelques fois si fortes [370] qu'elles arrachent de nos ames toutes les affections qu'elle avoit eues au peché, et la determinent a ne vouloir plus pecher: et lhors elles s'appellent attritions des pœnitens.

  A005001180 

 Que si elles ne sont pas si puissantes qu'elles nous desengagent du tout de l'affection du peché, ou elles ne sont pas attritions, ou elles sont attritions des impœnitens: car, par exemple, n'arrive-il pas maintefois qu'un homme se repentira estrangement d'un peché, comme d'avoir battu son pere ou sa mere, par ce que la difformité de ce peché, et lhorreur, et mesme les exaggerations et vehementes reprehensions d'iceluy quil ouira dire a un bon praedicateur, le toucheront, et neanmoins ne se repentira nullement de la fornication quil a commise? Il y a des pechés desquelz la vilenie et le malheur est plus sensible que des autres, et comme souvent ilz sont plus attrayans que les autres avant quilz soyent commis, ilz desplaysent aussi plus fort estans perpetrés.

  A005001187 

 Et ne faut pas treuver estrange, Philothee, que la vertu et force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit du tout formé, [puisque nous voyons] que par la reflexion des rayons du soleil dardés sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et proprieté du feu, s'augmente petit [a petit] si fort, qu'en fin, avant qu'elle produise le feu elle brusle, en sorte que commençant a brusler elle produit le feu; ainsy l'ame qui considerant la souveraine Bonté reçoit les rayons de ses attraitz, [372] fayt reflection sur soymesme et sur ses pechés [avec une certaine chaleur] affective, qui est la proprieté de l'amour, lequel par apres jette ses flammes et fait son action manifeste et son operation formee.

  A005001193 

 En somme, les pechés venielz diminuent la charité en son exercice et non en sa substance, c'est a dire ilz ne diminuent pas la charité, mais l'exercice d'icelle, et notamment en ce que la charité requiert que nous rapportions nos actions a Dieu.

  A005001193 

 Le peché mortel n'abolist pas la lumiere naturelle, mais il la tient prisonniere, captive et esclave, en sorte qu'elle ne fait pas son operation; comme dit le grand Apostre, que les Philosophes detenoyent la verité en injustice, parce que connoissans la verité d'un seul Dieu ilz ne le glorifioyent pas comme Dieu, ains cachoyent et retenoyent l'efficace de la verité dans la multitude de leurs vices.

  A005001201 

 ...si, au contraire, la mere perle tient son ouïtre fermee, les goustes ne laisseront pas de tumber sur elle, mais non pas dans elle.

  A005001202 

 Deux hommes dormoyent a l'ombre d'un buysson; mays tandis quilz sont la, ou la lassitude et la fraicheur de l'ombre leur tient les yeux bandés, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux ses rayons du midi, et par l'eclat de sa splendeur et par la chaleur qui en provient, il force l'un et l'autre a s'esveiller.

  A005001202 

 L'autre aussi futvivement touché de [375] la clarté et chaleur du soleil, qui au travers de[ses] paupieres fait certaine transparence comme des petitz esclairs autour de la prunelle de ses yeux fermés; mais non seulement il, n'ouvre pas les yeux, qu'au contraire, tournant le dos au soleil, il met sa face en terre, et se rendormant, passe-la sa journee, jusques a ce que, se voyant surpris de la nuit, il se plaint par des cris effroyables de quoy il demeure exposé a la merci des loups, ou mesme des lions rugissans, si toutefois ceci arriva en Affrique..

  A005001202 

 Mays l'un, a son reveil, ouvrant les yeu[Le haut de la page est coupé dans l'Autographe.]x, void une gratieuse campaigne et cueille plusieurs beaux fruitz qu'il y void espars sur divers arbres; puis, tirant son chemin, va heureusement en sa mayson.

  A005001203 

 Qui ne void, ma chere Philothee, que si le premier de ces deux voyageurs se vantoit de s'estr'eveillé, d'avoir esté esclairé, d'avoir veu, comme si cela luy estoit arrivé de son industrie, on se mocqueroit de luy et on luy diroit: Miserable, es tu allé querir les rayons du soleil? leur as tu donné la force d'esclairer? est ce de toy quilz tiennent la proprieté quilz ont de rendre les choses visibles, et de donner aux yeux la commodité de voir? Il est vray que tu pouvois t'empescher d'ouvrir tes yeux, mays il n'est pas vray que sans eux tu les eusses ouvertz, ains il est vray que c'est eux qui te les ont fait ouvrir: ilz t'ont rendu voyant, et tu ne les as pas rendu visibles.

  A005001204 

 Mays, au contraire, si le second se plaignoit du soleil et disoit: Hé, qu'ay-je fait au soleil pour quoy il ne m'ayt pas fait voir sa lumiere comm'a mon compagnon, affin que je fisse mon voyage et ne demeurasse pas icy en ces effroyables tenebres? dites-moy, Philothee, ne prendrions nous pas la cause du soleil en main, et ne dirions nous pas a cet insensé: Chetif ingrat que tu es, qu'est ce que le soleil pouvoit faire qu'il n'ayt fait? les faveurs quil t'a faites ont esté de son costé esgales a celles de ton compaignon; que si les mesmes effectz ne s'en sont pas ensuivis, c'est que tu en as empeché la production: le soleil t'a abordé avec une lumiere egale, il t'a touché des mesmes rayons, il t'a jetté une mesme chaleur; et, malheureux que tu es, tu luy as tourné le dos pour dormir ton saoul..

  A005001210 

 Car, disent les uns, si la grace et misericorde de Dieu fait le commencement, le progres et la fin du salut des esleuz, sil eut donq pleu a Dieu de faire autant de grace aux repreuvés et d'avoir autant de misericorde pour eux quil en a eu pour ceux quil luy a pleu de sauver, ilz se fussent aussi bien convertis a l'exercice du tresst amour, et par consequent au salut.

  A005001210 

 Car, puis que le salut depend de la grace, pourquoy blasmera on de leur perte ceux qui n'ont pas eu la grace sans laquelle ilz ne pouvoyent eviter de perir? Mays sil est ainsy, disentles autres, que les repreuvés sont rejettes de la gloire par ce quilz ont rejetté la grace, silz sont abandonnés a la malediction par ce quilz ont abandonné la benediction, donques les esleuz ont une grande part a lhonneur de leur salut par ce quilz ont consenti a la grace, ont cooperé a l'inspiration et secondé le mouvement celeste.

  A005001210 

 Et c'est une excuse vulgaire de l'indevot, quil ne peut aymer Dieu autant quil desireroit, par ce que Dieu ne luy en fait pas la grace; et une tentation asses ordinaire, de penser que les devotz puissent rapporter leur devotion a leur diligence et leur diligence a leur gloire particuliere, comme silz avoyent rendue la grace effective et vigoureuse pour faire son operation en eux..

  A005001212 

 ...et a poussé en elle l'eau cordiale de l'inspiration, laquelle faysant son operation l'a remise en sentiment et revigoree: qu'y a-t-il en tout ceci qu'elle n'ayt receu? Que si elle repliquoit qu'au moins elle a receu les remedes: Ingrate que tu es, luy dirois-je, il est vray, tu as receu [377] les remedes; mais recevoir du bien n'est ce pas a l'indigent et souffreteux? ne suffit il pas pour t'oster tout sujet de vanité que tu n'as rien que tu n'ayes receu? Ouy, chetifve creature, tu as tout receu; et ce que tu ne consideres pas, c'est que tu as receu le pouvoir mesme de recevoir, qui est un bienfait tres particulier de ton Sauveur: car sans luy, non seulement tu n'ouvrois point la bouche, tu ne pensois point a ton salut, mais tu ne pouvois pas y penser, tant les ressortz du mouvement de ton ame estoyent empeschés du catharre de ton iniquité.

  A005001224 

 Ainsy, dit cett'ame sacree: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, inspirant en moy le spiracle de la vie amoureuse, car ses mammelles sont meilleures que le vin; comme si elle vouloit dire: [Que je vive de ses] mammelles; car comme les meres donnent leur lait...... Sauveur me communique par sa bouche...... admirable? Il est meilleur que le............ revigore comme...............................

  A005001224 

 Cette attraction que l'amour [fait] de son Dieu a soy est pareille a celle que fait le petit enfant [des mammelles] de sa mere; sinon que les mammelles des meres tarissent et dessechent petit a petit, la ou la fontayne des perfections divines estant inespuisable et infinie ne diminue point, mais demeure tous-jours autant fœconde comme sil ne s'en tiroit rien.

  A005001226 

 Secondement, la commiseration prend sa grandeur de celle [de] l'object, car si les douleurs que nous voyons en autruy sont extremes, pour peu que nous l'aymions nous en avons pitié.

  A005001232 

 ...Car le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la façon il est si particulier que nul ne l'entend que [379] celuy que l'amour mesme instruit; et par une parole les amans signifient cent choses, ou silz ne signifient qu'une chose ilz la signifient si excellemment et avec tant de circonstances que c'est merveilles.

  A005001233 

 Outre cela, l'amour parle plus avec les yeux et la contenance qu'avec le reste; voyre mesme le silence et la taciturnité luy sert de parole.

  A005001237 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a toute son affection en la loy du Seigneur et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; c'est a [380] dire, qui desirant observer la loy de Dieu, il la meditera jour et nuit, affin que de la source de la meditation proviennent des ruisseaux continuelz d'affections, et des affections s'en ensuivent les actions.

  A005001237 

 Et par ce que les affections, quand elles sont fortes, produisent fort souvent des actions conformes, la meditation mesme produit par l'entremise des affections plusieurs actions: or elle se fait pour le bien et pour le mal.

  A005001237 

 Mays au second Psalme, ell'est prise en mauvaise part, pour l'attentive et ordinaire pensee des rebelles contre la fidelité deüe a N. S. le Roy Jesus: P our quoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont ilz medité choses vaines? Or neanmoins, par ce qu'en l'Escriture S te ce mot est pris le plus souvent en bonne part, pour l'attentive pensee qu'on a aux choses saintes pour s'exciter a les aymer, il est maintenant ordinairement tenu pour saint, a esté canonizé par le commun consentement des Theologiens, aussi bien que celuy d'ange et de zele, comm'au contraire, celuy de dæmon et de dol a esté diffamé; si que maintenant, quand ceux qui traittent des choses divines parlent de la meditation, ilz entendent celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A005001238 

 La pensee est comme les mousches, qui volent ça et la sur les fleurs sans amour ni dessein; l'estude comme les hanetons, qui mangent les feuilles et les fleurs indistinctement pour en vivre; la meditation comme l'abeille, qui de toutes les fleurs n'en retire que le miel qu'ell'emporte..

  A005001238 

 Saches donq, Philothee, que toute pensee n'est pas meditation: car, quand nous pensons a quelque chose sans aucun dessein de tirer prouffit de nostre pensee, nous faysons une simple pensee, et pour attentive qu'elle soit, elle n'est autre chose que pensee; que si nous pensons attentivement a quelque chose pour apprendre les causes, les effectz, les circonstances, cette pensee est nommee estude; mays quand nous pensons a quelque chose, non pour apprendre et nous instruire, mais pour nous affectionner en icelle, cela s'appelle mediter.

  A005001239 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, en l'autre il est proposé par le mot de repenser, par ce que la meditation n'est autre chose qu'une pensee reiteree, attentive et entretenue volontairement; et affin qu'on sache que la meditation tend a esmouvoir les affections et a produire les actions, en l'un et en lautre passage il est dit quil faut mediter et repenser en la loy de Dieu pour l'observer.

  A005001239 

 v. 5, Moyse avertit le peuple quil repense en son cœur les graces particulieres que Dieu luy avoit faittes, affin, dit il, que tu observes ses commandemens et que tu chemines en ses voyes, et que tu le craignes; et Dieu luymesme, Jos.

  A005001240 

 24, qui estoit un animal net et pur, sortoit devers le soir pour mediter, pour prier ou se retirer en Dieu, pour conferer avec Dieu, pour exercer son esprit en Dieu, pous s'aliener de soy mesme; car les plus sçavans interpretes expliquent ainsy ce passage: Parap.

  A005001240 

 Or toute la sainte doctrine, dit une des devotes bergeres qui accompagnoyent la celeste Sullamite, ell'est comme un vin prœcieux, digne non seulement d'estre beu par les [382] bergers et docteurs, mais d'estre savouré, et par maniere de dire, masché et ruminé; Cant.

  A005001240 

 v. 4, 5, 6: car si nous recevons les mysteres par la foy, et nous ne les considérons pas attentivement pour nous exciter a l'amour, nous mangeons spirituellement, mais nous ne ruminons pas, et sommes immondes.

  A005001241 

 En la méditation l'ame fait comme l'abeille, laquelle voletant ça et la sur [les fleurs, non a l'adventure mais a] dessein, non pour se recreer........................................................

  A005001243 

 ...et l'ayant treuvé elle le succe, le tire, le savoure, s'en charge, le reduit en son cœur, met a part ce qu'elle void luy estre plus necessaire, et fait les resolutions convenables pour le tems de la tentation.

  A005001243 

 Ainsy voyes vous es Cantique des Cantiques cette abeille mistique, l'ame royale de cette divine amante, voleter tantost sur les yeux, tantost sur les levres, tantost sur les joues, tantost sur la cheveleure de son Bienaymé pour tirer de tout ce qu'elle y treuve de rare des goustz, des suavités, des contentemens et des passions amoureuses; elle medite en cette sorte, car elle va espluchant et remarquant toutes choses en particulier pour se provoquer al'aymer.

  A005001249 

 L'amour presse les yeux a regarder tous-jours plus attentivement, et la veüe presse le cœur d'aymer tous-jours plus ardemment ce Bienaymé..

  A005001250 

 Il est vray que le regard ayant excité l'amour, l'amour ne s'arreste pas es bornes jusques auxquelles le regard l'a poussé, car en ce monde nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance; dont S t Thomas asseure que «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour de Dieu.

  A005001251 

 (Cela s'entend pourveu que ce soit une connoissance attentive, car les autres connoissances ne font rien sur la volonté, sinon peut estre la delecter en elles mesme).

  A005001252 

 Et comme nous voyons que l'on creuse et fouit la terre pour treuver les minieres d'or et d'argent avec une peyne fort grande, employant une peyne presente et effectuelle pour un tresor esperé, et qu'une connoissance de simple conjecture nous met en un veritable travail, puis a mesure que nous en treuvons nous en cherchons tous-jours davantage et nous eschauffons davantage, ainsi, a mesure que nous aymons nous allons croissans en amour.

  A005001252 

 O combien est il vray, ainsy que s t Augustin s'escrie, que «les indoctes ravissent les Cieux,» tandis que plusieurs doctes perissent en enfer!.

  A005001253 

 Et comme l'on void sous les effortz des vens les vagues s'entrepresser l'une lautre et s'eslever plus haut, comm'a l'envi, par le rencontre l'une de lautre, ainsy l'amour aiguise le goust et le goust affine l'amour.

  A005001253 

 Qui ayme plus la lumiere et qui l'estime plus: ou celuy qui estant né aveugle et n'ayant jamais joüy des effectz de cette noble clarté sçauroit neanmoins tous les discours qu'en font les Philosophes et toutes les louanges que les sçavans luy donnent, ou celuy qui avec une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur d'un beau soleil levant? Celuy-lâ, certes, en a plus de science, celui [ci] plus de jouissance; celuy [la] en a une certaine connoissance morte, ou pour le moins languissante, celuy ci une connoissance vive, animee, et qui respand dans le cœur un amour fort affectionné.

  A005001254 

 ad 2, ou il apporte un'instance inevitable: Nous aymons, dit-il, extremement les sciences avant que de les sçavoir, «pour la connoissance sommaire et confuse que nous en avons;» «il en faut,» dit il, «dire de mesme de l'amour de Dieu.» La connoissance de la bonté applique la volonté a l'amour, mais despuis que l'amour est en train, il va par apres croissant par le playsir quil reçoit et ressent, sans qu'il soit besoin d'autre persuasion ni connoissance.

  A005001260 

 D'autrefois, il regarde plusieurs attributz et est attentif a les regarder, mais comme d'une veüe totalement uniforme et sans distinction; comme celuy qui regardant l'espouse d'un seul trait d'œil quil feroit, passant sa veue des la teste jusques aux pieds, n'auroit rien regardé distinctement, quoy qu'il auroit tout veu attentivement, et ne sçauroit dire autre, ni quel carquant ni quelle robbe elle porte, ni quelles bagues, ni quelz yeux, ni quelle bouche, ni quelles mains, ains sçauroit seulement dire que tout est beau et qu'ell'est toute belle: car ainsy on regarde la toute puissance, la toute justice, la toute sagesse de Dieu, non point distinctement, mays d'une simple veüe qui tire son regard d'un seul trait sur ces attributz, sans nulle interruption; et neanmoins ne sçauroit dire rien en particulier, ains seulement en general que tout est bon, quil [388] est tout beau, quil est tout desiderable, ainsy que Dieu mesme fit au commencement du monde: car il vid la bonté de tout ce quil faysoit separement et qu'un chacun ouvrage estoit bon; puis, d'un seul trait de son regard, il vid que tout estoit tres bon..

  A005001261 

 Autrefois, on ne regarde pas ni un seul attribut, ni tout ensemble, mays une seule action ou un seul ouvrage de Dieu, et on demeure attentif a cela; comm'en l'acte de bonté par lequel il pardonne les pechés, et lhors on dit: Vous estes bon, Seig r, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications..

  A005001267 

 Car tout ainsy que les nouveaux esseims et jettons d'abeilles, lors qu'ilz veulent fuir et changer païs, sont revoqués et rappellés, ou par le son que l'on fait en battant doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin doux et emmiellé, ou par la senteur des herbes odorantes, en sorte qu'elles entrent par telz allechemens dedans les ruches; de mesme N. S r, ou par une douce voix quil fait dans le fin fons du cœur, ou par [389] certaine speciale suavité quil y produit, il rappelle et ramasse les facultés de l'ame, et les amorce pour penser a luy..

  A005001267 

 Nostre Seigneur fait sentir a l'ame quil est dedans elle, par une certaine suavité dont il la touche; il respand un certain bien imperceptible dedans le cœur, lequel en estant touché, les puissances, voire mesme les sens de l'ame, par un certain secret consentement se retournent du costé de cet interieur ou est le doux, suave et bienaymé Espoux.

  A005001268 

 Les facultés estant donques esparses et dissipees en varieté d'occupations exterieures, ne, retourneroyent jamais d'elles mesmes au dedans de l'ame si elles n'avoyent quelque sentiment que le Bien-aymé y est: elles le cherchent, et ne s'apperçoivent pas quil est au milieu d'elles, mays il leur parle, il leur dit que c'est luy, et soudain elles se retournent a luy.

  A005001268 

 Les fleurs de la flambe ou du glay, tant blanches que bleues, se ferment a la lueur du soleil; c'est, comme je pense, pour posseder et mieux recueillir sa chaleur vitale qu'elles sentent au milieu d'elles: ainsy les ames qui sentent en leur fond la lueur et chaleur du S t Esprit, pour en jouir se ramassent en elles mesmes..

  A005001268 

 Ou bien il respand quelques odeurs de ses vestemens qui les advertit de sa presence; et tout a coup elles se ramassent au tour de luy, comme qui mettroit un morceau d'aymant au milieu de plusieurs eguilles, il verroit que soudain toutes les pointes de ces eguilles se retourneroyent du costé de cet aymant bienaymé et se viendroyent joindre et attacher a luy: car ainsy, quand par quelque sorte de douceur ou de sentiment interieur nostre Seig r fait appercevoir sa presence au milieu de l'ame, toutes les facultés retournent leurs pointes de ce costé la pour se venir joindre a luy.

  A005001269 

 Il ne se peut dire combien alhors l'ame se fasche de sortir hors de soymesme, par ce qu'ell'a au milieu de soy son Bienaymé; c'est pourquoy elle voudroit n'avoir ni des yeux, ni des aureilles, ni les autres sens exterieurs, par lesquels, comme par des portes ouvertes, il semble que les facultés sortent et s'en vont hors de l'ame; elle diroit volontier comme S t Pierre: O qu' il est bon que nous soyons icy; Je tiens Celuy que mon ame ayme, je le tiens et ne le quitteray point..

  A005001269 

 O Dieu, dit S t Augustin, ou vous allois-je chercher, Beauté infinie! car «vous esties dedans moy;» et les pelerins d'Emaus sentoyent les effectz de la presence de Celuy quilz pensoyent estre absent, et leurs facultés se ramassoyentau dedans: Nonne cor nostrum ardens erat in via? Il leur touchoit le cœur, et a cet attouchement ilz s'eschauffoyent interieurement.

  A005001270 

 Car ainsy, Dieu respandant dedans le cœur le vin, plus doux que le miel, de son s t amour, et en faysant sentir l'odeur a nos facultés, vous les voyes, par cet aymable attrait, rentrer dedans le cœur comme dedans leur ruche, doucement et delicieusement..

  A005001271 

 C'est cela que quelques uns appellent introversion, c'est a dire retour de l'ame en soymesme et au dedans de soy mesme, y appercevant le S t Esprit qui l'attire insensiblement par des attraitz secretz mais delicieux, dont il appelle ses puissances et les rameyne en dedans comme les repliant sur elles mesme..

  A005001271 

 Son Bienaymé estoit tout a elle, et elle toute a luy; et elle n'eslançoit pas ses [391] facultés bien loin, ains les ramassoit et recueilloit en elle mesme, puisque son Bien Aymé estoit dedans son cœur, en sa propre poitrine, entre ses mammelles.

  A005001272 

 Or l'ame estant ainsy toute retiree, concentree, recueillie et ramassee en elle mesme autour de son Bienaymé qu'elle y sent, ou elle opere de l'entendement, considerant la beauté et la bonté de ce divin object, ou de la volonté, l'embrassant amoureusement par les pieds, comm'une autre Magdeleyne; et lhors se fait une contemplation d'ardeur et de certaine sorte de ferveur comme quasi d'empressement, qui remue toute l'ame a se serrer et presser au tour de son Bienaymé, comme feroyt un'espouse, laquelle inopinement auroit treuvé son espoux en sa chambre, revenu de quelque long voӱage.

  A005001273 

 Et un'autre fois, o Dieu, Philothee, quell'agitation de cœur tesmoigne elle! J'entens, dit elle, la voix de mon Bienaymé; le voicy quil vient cettuy ci, saultant es montaignes, outrepassant les collines; il est semblable au chevreul et au petit cerf.

  A005001273 

 Le voyci quil est derriere nostre paroy, il regarde par les fenestres, il guette par le treillis; hé, le voyla ce Bienaymé quil me parle.

  A005001273 

 Voyes un peu comm'elle bouillonne en varieté d'affections: la voix de mon Bienaymé, il est es montaignes, il passe les collines, il est icy a nos murailles, il est aux fenestres, il regarde; hé, voy le cy quil me parle! Voyla bien des affaires, o [392] S te Sulamite, en un seul moment.

  A005001274 

 Telles sont les ferveurs du grand S t Aug in en ses Confessions; ou vous voyes fort souvent des souspirs, des exclamations et des traitz amoureux dont l'un n'attend pas l'autre, mais semblent a une girandole de feus artificielz qui jettent de toutes pars des flammes: car ainsy, en cette ferveur, l'ame jette un meslange et confusion d'actions et passions amoureuses, sans autre methode que celle que l'empressement lui suggere, qui est de se haster et ne tenir aucune methode.

  A005001275 

 Mays ayes compassion a sa passion, ell'est transportee d'amour: c'est pourquoy elle s'excuse en disant que le vin des mammelles, ou les mammelles, c'est a dire les amours, plus fortz que le vin, l'ont enivree.

  A005001276 

 Cette ferveur est representee par celle du moust qui boillonne dedans son tonneau, ainsy qu'Eliu le dit en Job, 32, v. [18,] 19: Je suis tout plein de paroles, dit il, et l'esprit de mes entrailles me presse; voyci que [393] mon ventre est comme du moust qui n'a point de respirait, qui romp les tonneaux pour neufs quilz soyent..

  A005001276 

 La ferveur s'appelle ferveur pour cela, dautant qu'elle pousse ses bouillons sans ordre ni mesure, comme la liqueur que le feu fait bouïllonner, et partant est comparee a l'ivresse: Ilz seront enivrés de l'abondance de vostre mayson, et les abbreuverés du torrent de vostre volupté.

  A005001277 

 Ainsy les grans princes mesme ramassent plus soigneusement leurs barons et chevaliers quand ilz doivent estre en la presence de quelqu'autre grand prince; et comme le soleil, par sa veue, fait recueillir en soymesme les flambes, les touchant seulement de son rayon: car ainsy Dieu touchant d'un trait de ses inspirations les cœurs qui le regardent et se mettent en sa presence, il les ramasse et recueille tout en eux mesme, pour estr'attentifs a Dieu.

  A005001277 

 Le recueillement c'est comme les ouistres et meres perles, qui, ayant receu les goustes du ciel, lafraiche rossee du matin, se resserrent pour la conserver non meslee, et pour l'ayse qu'elles ressentent d'appercevoir cette fraicheur si douce, et ce germe que le ciel leur envoie..

  A005001277 

 Mays ce recueillement ne se fait pas seulement par ce sentiment de la presence de Dieu au fond de nostre ame lhors que les puissances se recueillent autour du Bienaymé, ains aussi quand nous nous mettons en la presence de Dieu en quelle façon que ce soit.

  A005001279 

 C'est ce « sommeil des puissances» dont parle la M. Therese, par lequel les facultés de l'ame sont totalement sans action, hormis la volonté, laquelle pourtant ne fait autre chose que recevoir le contentement de la presence du Bienaymé, demeurant tout'accoisee et satisfaite et assovie: assovissement et satisfaction neanmoins qu'elle n'apperçoit point, mais dont elle jouit en une certaine façon imperceptible; car elle ne pense point a son contentement ni a son bonheur, ains seulement a la presence de son Bienaymé, qui est la source de son contentement: comme il arrive quelquefois qu'un leger sommeil nous surprenant, nous entr'oyons seulement ce que ceux que nous aymons disent aupres de nous, ou ressentons quelque sorte de caresses qu'ilz nous font, ainsy quil arriva a la tressainte Sulamite quand elle disoit: Je dors, mays mon cœur veille; voyla que mon Bienaymé me dit: Sus, leve toy..

  A005001279 

 Et c'est cela, a mon advis, que la B. vierge Therese appelle «orayson de quietude,» et qui ressemble a cet exercice d'amour que mesme les amans humains font, lhors que, ne parlans point a la personne qu'ilz ayment, ilz se contentent d'estre au lieu ou ell'est, proche d'elle, prenans simplement playsir a cette presence, sans discourir ni sur la beauté ni sur les perfections de l'object aymé, assovis, ce semble, et satisfaitz d'estr'aupres d'iceluy, savourans cette seule presence, non par aucun discours, mais par une tres simple attention quilz ont a cette presence, en laquelle ilz ont leur contentement et repos.

  A005001279 

 Voyes comm'elle dit ailleurs; Mon Bienaymé est a moy et moy a luy, qui se paist entre les lys, tandis que le jour aspire et que les ombres s'inclinent; elle le laisse paistre, et se contente de sçavoir quil est la pour elle et elle pour luy.

  A005001280 

 Dont ce divin Berger adjure les compaignes de sa pudique Bergere, par les chevreulz et cerfs des chams, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce que d'elle mesme elle s'esveille et qu'elle le veuille..

  A005001281 

 Et que fait elle? ell'escoute seulement les paroles de son Bienaymé.

  A005001282 

 Mais [396] apres que la fraicheur du lait a aucunement appaysé la chaleur appetissante de leur petite poitrine, et que les douces vapeurs quil envoye au cerveau commencent a les endormir, Philothee, vous les verries fermer leurs petitz yeux tout bellement et ceder au sommeil, sans quilz facent plus aucun'autre action que celle d'un lent et tendre mouvement des levres, avec lequel ilz succent et avalent imperceptiblement le lait, sans y penser certes, mais non pas sans playsir, car si [on] leur oste ce bien ilz s'esveillent et pleurent amerement; si que tesmoignans de l'aigreur en la privation, ilz font asses connoistre qu'ilz avoyent de la douceur en la possession.

  A005001283 

 Les peintres peignent presque tous-jours le bienaymé S t Jean, en la cene, non seulement reposant, mais dormant dans le sein de N. S r.

  A005001284 

 (Ces deux exemples sont admirables et les faut bien faire valoir.) Elle n'a pas besoin de la memoire, car ell'a present son object; elle n'a pas besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de s'imaginer celuy que l'on a en presence reelle? Car imaginer n'est autre chose que se representer une chose en image, quoy qu'image interieure, et celuy qui a le cors n'a pas besoin de regarder l'image, ains l'image luy seroit une diversion.

  A005001285 

 Ainsy, lhors que Dieu jette dedans nostr'ame la suavité de sa presence, son vin res-jouissant le cœur de l'homme, emmiellé de cette douceur incomparable, toutes les facultés de l'ame demeurent accoysees, bien que la seule volonté, comme l'odorat spirituel, demeure occupee, sans action, au sentiment de ce celeste playsir..

  A005001285 

 Les abeilles font quelquefois des seditions et mutineries entr'elles, par lesquelles, si leur garde n'y avise, elles s'entretuent et se desfont les unes les autres: le remede a ce desordre c'est de jetter emmi ce petit peuple effarouché, du vin emmiellé, car les abeilles sentant cette douceur s'appaysent, et s'amusant a la jouissance d'icelle demeurent accoysees.

  A005001287 

 O Dieu, Philothee, quilz font une grande faute! car ilz troublent volontairement le doux repos que Dieu leur avoit donné, et en lieu de s'occuper en l'amour de Dieu ilz s'occupent en l'amour d'eux mesme; en lieu de se tenir attentifs a Dieu ilz sont attentifz a eux mesmes, et ne se tenant plus a Dieu qui les contentoit, ilz s'attachent au contentement quil leur donne: comme si un esclave que le roy auroit attaché a soy par une chaisne d'or pour le sauver, en lieu de considerer la bonté de ce prince consideroit la valeur de la chaisne.

  A005001288 

 Et comme l'enfant, si pour quelque occasion avoit levé sa teste du giron de sa mere pour voir ou il a les pieds, y retournerait soudain, ainsy faut il que nous estans ainsy distraitz par cette curiosité de sçavoir ce que nous faysons, nous remettions soudain nostre cœur en cette douce et paysible attention que nous avions a la presence de Dieu.

  A005001288 

 Mays pourtant il ne faut pas croire qu'il y ait peril de perdre cette sainte quietude par les actions ni du cors ni de l'esprit qui ne se font point par legereté ni par indiscretion; car il faut croire la B. M. Therese, laquelle estime que c'est superstition d'estre si jaloux de cette quietude que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, pour la mieux conserver: car, certes, Dieu qui donne cette paix ne l'oste pas pour telz mouvemens exterieurs, non, ni mesme pour les distractions et evagations involontaires de l'esprit; car la volonté estant une fois bien amorcee ne laisse pas de savourer le fruit de cette quietude, quoy que l'entendement ou la memoire s'eschappent..

  A005001289 

 Nous avons veu un'ame extremement attachee a Dieu, [399] avoir neanmoins eu l'entendement tellement libre, qu'ell'entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit, bien que toutefois il luy fut impossible de pouvoir respondre ni de se desprendre de Dieu; auquel ell'estoit occupee par l'application de la volonté en telle sorte, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans une douleur extreme qui la provoquait au gemissement: et semble que ce fut comm'un enfant qui, ayant la bouche au tetin de sa mere, pourroit voir, ouïr et mesme remuer les bras pour prendre quelque chose, sans toutefois se desprendre du sucheron, ni cesser de tetter..

  A005001290 

 Volonté laquelle n'a garde de se fascher de la distraction des autres facultés, car a mesure qu'elle voudrait avoir soin de les empescher et se fascheroit de leur divertissement, elle se divertirait elle mesme de son objet, perdrait son contentement, et en lieu de la quietude aupres de Dieu, elle se mettrait a la course apres les autres puissances, lesquelles aussi bien elle ne sçauroit ramener plus puissamment que perseverant en sa paix, alaquelle petit a petit en fin les autres reviennent par la douceur que la volonté reçoit, delaquelle elle leur communique certains ressentimens, comme des odeurs, qui les attirent au retour..

  A005001291 

 Cette quietude, donq, a divers degrés: car quelquefois ell'est en toutes les puissances, quelquefois seulement en la volonté; puis en la volonté elle y est quelquefois perceptiblement, d'autrefois presqu'imperceptiblement.

  A005001292 

 Car imagines vous quil ne leur eut dit sinon: Demeures icy, ou que, quand il leur dit: Dormes et vous reposes, il leur eut enjoint de dormir, et quil n'eut pas dit cela pour les reprendre, leur permettant de dormir au tems auquel il sçavoit bien quilz ne le pourroyent pas faire: car en ce cas-la, silz fussent demeurés-la dormans, ilz eussent esté en la presence de leur Maistre, qui n'estoit guere loin, sans le sentir en façon quelcomque; et l'enfant qui dort dans le giron de sa mere est certes en sa presence, sans neanmoins s'en appercevoir.

  A005001292 

 D'autrefois, ni elle ne sent aucun signe de la presence, ni elle n'oyt, ni elle ne parle, mays simplement elle sçait qu'ell'est avec Dieu, que Dieu luy est present et quil luy plait qu'elle demeure la en sa presence, comme les Apostres ausquelz N. S r dit au jardin des Olives: Demeures icy, veilles.

  A005001294 

 Mon Dieu, chere Philothee, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, que d'estre en son bon playsir et y demeurer volontairement! Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veue, a son gré et selon sa volonté; et semble qu'il nous jette la sur le lit comme des statues dans leurs niches, et nous nichons dans nos lictz comme les oyseaux dans leurs nids.

  A005001294 

 Nous avons donq tous-jours continué d'estre en sa presence, quoy que les yeux clos et fermés et sans que nous nous en soyons apperceu; et nous dirions volontier comme Jacob: Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien..

  A005001295 

 Car en fin, comme dient tous les Saintz qui ont traitté de cette matiere, c'est la vraye et essentielle extase de l'amour de n'avoir pas sa volonté en soy mesme, mais en la volonté de Dieu, ni n'avoir pas son contentement en soymesme, mais au contentement de Dieu.

  A005001300 

 Alhors l'union est parfaitte, et celle que l'enfant fait procede de celle de la mere; en sorte que cett'union tant serree et pressee n'est qu'une seule, qui procede de la mere et de l'enfant, mais de l'enfant en telle sorte que tout procede pourtant de la mere: car elle l'a attiré a soy, elle l'a embrassé, elle l'a appliqué a cett'union, elle l'a incité; et les forces de l'enfant sont si foibles quil n'eut sceu se serrer si fort a sa mere si elle ne l'eut serré, si que ce quil fait ressemble plustost un essay d'union qu'une union..

  A005001302 

 Quand on void un'exquise beauté regardee avec grand'attention, ou un'excellente melodie escoutee avec ardeur, ou un rare discours entendu avec grande contention, on dit: cette beauté tient collé sur [403] soy les yeux des spectateurs, cette musique tient les aureilles des auditeurs attachees, ce praedicateur ravit les cœurs a soy.

  A005001303 

 Car il y a difference entre joindre une chose a un'autre, et serrer ou presser une chose contr'un'autre et sur un'autre: car joindre et unir se fait par une simple application d'une chose, comme nous joignons, en sorte qu'elles se touchent, les vignes ou le jasmin aux arbres; mais presser et serrer se fait par un'application forte qui accroist et augmente l'union et conjunction: si que serrer c'est fortement et intimement joindre, comme le lierre se joint a un arbre; car il le serre et le presse si fort, que mesme il penetre et entre dedans son escorce..

  A005001304 

 Ainsy les pelerins desirans que nostre Seigneur demeurast en Emaüs, qui aussi le vouloyt bien, non seulement ilz appliquerent leur persuasion pour le faire demeurer avec eux, disans: Seigneur, demeures avec nous, car la nuit s'approche, il se fait tard, mais ilz le presserent et le serrerent a force, le contraignans d'un'amiable contrainte de demeurer.

  A005001306 

 Quelquefois cett'union se fait encor avec l'entendement, qui de plus en plus se serre a Dieu, non pour l'entendre, mais pour estre avec son object, par ce que la volonté le tire apres soy et l'applique a cela, l'amour respandant dans l'entendement ce playsir special d'estre fiché en Dieu; comme nous voyons quil respand une profonde et speciale attention en nos yeux pour regarder fixement ce que nous aymons, quoy que les yeux d'ailleurs eussent d'autres objectz plus aggreables..

  A005001307 

 O Dieu, quel bonheur, quand non seulement la volonté s'unit a Dieu, mais aussi toutes les facultés! [405].

  A005001307 

 Quelquefois cett'union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent autour de la volonté, non pour s'unir elles mesme a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour ne point destourner la volonté, ains luy donner toute commodité de s'unir de plus en plus a ce divin objet; c'est pourquoy, de peur de la destourner, elles la suivent, car si les autres puissances estoyent appliquees a leurs particuliers objectz, l'ame qui opere par elles seroit distraitte et divertie par la varieté des actions, et ne pourroit pas si parfaitement s'employer a celle de l'amour.

  A005001311 

 En fin, quand cett'union est non seulement tres serree et estroitte, mais que la chose unie peut malaysement estre separee et desprise, [comme une] greffe qui s'attache a l'arbre, elle s'appelle par le grand s t Thomas et les Theologiens inhæsion ou adhæsion, parce que par cett'union non seulement on est fort uni et serré, mais on est attaché, affigé, collé a la chose, on se tient a elle, on est pris l'un a l'autre en sorte quil y a peyne de s'en desprendre; comm'il [arrive] quand la chose qui se prend a un'autre est visqueuse et gluante, ou qu'elle [est] attachee par des cloux ou par plusieurs neuds et liens entrelacés.

  A005001311 

 Telle fut l'union de celuy qui disoit: Christo confixus sum cruci; Je suis affigé et cloüé a la croix pour Jesus Christ (vide locum et Commentar.); et ailleurs: Qui nous separera de la charité de Jesus Christ? Je suis asseuré que ni la mort, ni les angoisses, et cœt.

  A005001315 

 Il ne reste plus que de vous advertir que comme tous les exercices d'amour se prattiquent, ou par des oraysons et operations spirituelles de longue duree, ou par des oraysons et eslancemens courtz, passagers et frequens, ainsy cet exercice de l'union avec Dieu se prattique egalement es longues oraysons et contemplations, et es courtes et enflammees oraysons jaculatoires et elevations de cœur appliquees a cett'intention.

  A005001319 

 Les choses humides ou liquides sont celles, disent les Philosophes, qui n'ont point de bornes ni de figure fermes d'elles mesme, et qui sont aysees a recevoir les bornes et les figures des autres choses.

  A005001319 

 Voyes, je vous prie, Philothee, l'eau, le vin, l'huile et toutes choses liquides: si vous les respandes dans un vaisseau, elles n'auront point de bornes que celles que le vaisseau leur donnera, ni point de figure que la figure du vaisseau; si le vaisseau est quarré elles le seront aussi, sil est rond ou triangulaire elles auront la mesme figure, de sorte qu'on peut dire que ces choses liquides n'ont ni figure ni bornes aucunes que les bornes et figures de ce qui les contient..

  A005001320 

 Le cœur du Sauveur, vraye perle orientale, uniquement unique en valeur, fut de mesme en la Passion; car, jetté au milieu de tant d'aigreurs, il se fondit en soymesme, et se resolut et desfit emmi les angoisses, c'est a dire, il fut si angoissé quil fut angoisse luy mesme, n'ayant ni figure ni bornes que celles de l'angoisse mesme.

  A005001320 

 Mays l'amour, egal, ains surmontant la mort en force et pouvoir, amollit quelquefois et attendrit les cœurs et les ames beaucoup plus que les ennuys..

  A005001320 

 On appelle cœur de pierre, ou de fer, ou de bois, un cœur qui ne prend point aysement les figures et resolutions qu'on luy veut imprimer; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable, il est appellé un cœur amolly, fondu, liquefié.

  A005001320 

 Que veut il exprimer, ce Sauveur de nos ames, sinon qu'il respandit tant de sang quil ressembloit que ce fut comme un seau d'eau que l'on respand, et que ses os furent tous demis et disloqués de leur place, et que son cœur, c'est a dire l'ame quant a la partie inferieure, parmi tant de tourmens, estoit sans subsistence, fondu et dissoult en tristesse? Cleopatra, cett'infame reyned Ægipte, faisant des festins a l'envi avec Marc Antoyne, voulant encherir sur tous les exces et les dissolutions que Marc Anthoyne avoit fait, fit apporter a la fin de son festin un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle pourtoit a ses oreilles, estimee de valoir 250.000 escus; puis la perle s'estant resolüe et liquefiee, elle l'avala, et en eut fait de mesme de lautre perle qu'ell'avoit en lautre oreille si Lucius Plantius ne l'eut empeschée.

  A005001321 

 Les mammelles signifient l'amour, qui a son siege dans [le] cœur et dans la poitrine; or cest amour est plus fort [410] et meilleur que le vin, respandant un odeur admirable en suavité.

  A005001322 

 Mays voyes comme le vent meridionnal les ramasse et les fait fondre, en sorte qu'elles se desfont et convertissent toutes en eau; lhors, ne se pouvant maintenir en elles mesme, elles tumbent et s'escoulent en bas, non seulement se joignant a la terre, mais se meslant intimement et s'imbibant avec la terre qu'elles destrempent, si que de la terre et d'elles ne sont plus deux choses, mais une seule chose composee de ces deux elemens.

  A005001322 

 Ne voyes vous pas, Philothee, les nuees comm'elles demeurent la en l'air suspendues, comme si elles estoyent attachees au ciel? elles demeurent en elles mesme et se soustiennent, en sorte que quelquefois elles semblent des rideaux [411] qui sont tendus pour nous cacher le ciel.

  A005001323 

 C'est pourquoy les Sept., l'Heb. et le Cald.

  A005001323 

 Et aussi, ceux qui sont tumbés en cet exces d'amour en ressentent les effectz de l'extase, car, revenuz a eux mesme, ilz ne touchent plus ni voyent les playsirs de la terre qu'avec degoust, ont un extreme aneantissement d'eux mesme, n'estiment rien que le Ciel, et demeurent extremement alangouris quant aux sens exterieurs, et voudroyent ne jamais estre revenus a eux mesme, sil playsoit ainsy a Dieu, ains avoir perseveré en ce meslange, ou plustost abismement d'eux mesme en Dieu.

  A005001327 

 L'amour est la source et racine de toutes les passions de l'ame, comme nous avons dit ailleurs; et par ce que l'amour qu'un esprit donne a l'autre perce puissamment jusques a ce quil ayt treuvé son centre, et que le centre de l'amour ou il establit son siege, ou est sa place, n'est autre chose que le fin fond de la volonté, partant l'amour blesse, et a guise d'une sagette se fourre soymesme dedans l'ame.

  A005001327 

 Les autres passions n'entrent dedans le cœur que par l'entremise de l'amour, mais l'amour entre luy mesme par sa propre force; et par ce que l'amour est la premiere passion du cœur, c'est luy seul qui le blesse: la tristesse, la crainte, la hayne ne piquent le cœur que par l'amour.

  A005001327 

 Pourquoy, je vous prie, Philothee, haissons-nous le mal sinon par ce que nous aymons le bien? pourquoy nous attristons nous des maux apprehendés comme presens sinon par ce quilz nous privent du bien? pourquoy craignons nous le mal futur sinon par ce que nous desirions et esperions le bien? C'est l'amour seul qui nous donne toutes les passions, c'est luy aussi qui nous blesse et navre le cœur..

  A005001327 

 Rien ne penetre plus avant dans le cœur que l'amour, car il outrepasse tous les sens, et l'entendement mesme, et va percer jusques au fin fons de la volonté et se fait faire place a toutes les autres affections de l'ame.

  A005001327 

 Tous ces motz amoureux sont tirés de certaines similitudes quil y a entre les affections du cœur et les passions du cors.

  A005001328 

 Il est vray que quicomque est amoureux, il est blessé d'amour, et les premiers traitz d'amour que l'on sent au cœur se peuvent appeller blesseures, [413] par ce que l'amour transperce soudainement, et a l'heure que moins l'on y pense.

  A005001328 

 Les paroles, les yeux, le maintien, voyre mesme les cheveux, luy servent de sagettes; et tel qui entre en conversation, libre, sain et gay, ne prenant pas garde aux traitz et attraitz de l'amour, s'en reva engagé, blessé et triste.

  A005001329 

 Oyes les cris douloureux mais amoureux de ce cœur apostolique, transpercé du dard de la charité: Je desire d'estre deslié et estre avec Jesus Christ, qui me seroit beaucoup meilleur; il considere son object absent.

  A005001330 

 (Il faut mettre ceci par comparayson. Une ville prise par les Romains, lhors que les soldatz de Rome se sont renduz les plus fortz, ilz arborent l'estendart, et cœt.; ainsy le Roy paysible des cœurs, Jesus Christ, ayant pris le cœur de sa chere Sulamite et l'ayant remply de mille passions amoureuses, il mit l'estendart d'amour sur son cœur.) Or lhors, tout'amoureuse qu'ell'est, il la presse, et descoche de tems en tems mille traitz d'amour, par exces, luy monstrant combien il est encor plus aymable qu'elle ne l'ayme: et elle, qui n'a pas tant de force pour aymer que d'amour pour s'efforcer d'aymer davantage, voyant ses effortz n'estre pas asses fortz pour aymer selon son desir Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent toute blessee; et autant d'eslancemens qu'elle fait, autant elle reçoit de secousses d'amour.

  A005001330 

 Les [414] premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, par ce que le cœur qui sembloit sain et entier et tout a soy mesme tandis quil n'aymoit pas, il commence a recevoir du tourment, a se separer et diviser de soymesme pour se donner a l'objet aymé: or la douleur se fait par la division des choses qui se treuvent l'un'a l'autre et sont unies.

  A005001330 

 Mays il y a une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait, par l'entremise neanmoins de l'amour, dans les cœurs quil veut rendre excellens.

  A005001332 

 Et le desir qui ne peut reuscir est comm'un dard dans les flancz d'un courage genereux; mays pourtant la douleur que l'on en reçoit est une douleur aggreable, car quicomque desire d'aymer, il ayme aussi a desirer, et s'estimeroit le plus miserable homme du monde sil ne desiroit pas d'aymer ce quil voyd estre si souverainement aymable: il desire d'aymer, voyla sa douleur; mays il ayme a desirer, voyla sa consolation..

  A005001333 

 Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine.

  A005001334 

 Jamais nous ne blessons un cœur d'amour que nous n'en soyons atteintz, et de voir un cœur blessé cela nous sert de blesseure: c'est pourquoy les ames devotes, quand elles considerent que Dieu est touché, ains blessé d'amour pour elles, elles en reçoivent une reciproque blesseure, dautant plus grande qu'elles voyent de ne pouvoir jamais tant aymer que l'amour divin le requiert..

  A005001334 

 Les abeilles donnent de la douleur en piquant, mais elles en reçoivent tous-jours davantage qu'elles n'en ont donné, car mesme elles en meurent.

  A005001334 

 Voyes vous le pellican? Ainsy que, ramassant en un'histoire ce qui se dit de luy, on le peut recueillir, il blesse par amour ses petitz, car il fait son nid en terre, si que les serpens les viennent souvent piquer: or quand cela arrive, le pellican vient, et comme pour faire sortir le venin avec leur sang, il les tue de son propre bec; puis, se blessant soymesme, il les vivifie de son sang.

  A005001334 

 Voyes vous, Philothee, cet animal? il blesse ses petitz d'amour, mais jamais il ne les void blessés quil ne s'en blesse soymesme.

  A005001335 

 Helas! alhors l'ame, quoy qu'asseuree, ressent neanmoins des cruelles douleurs; car comme ceux qui ont des extremes aversions et répugnances a quelque chose n'en peuvent seulement pas [417] voir les ombres et les figures, non pas mesm'ouir les noms, aussi un'ame extremement amoureuse ne peut mesmement pas souffrir les semblans que Dieu fait de se desfier de nostre amour.

  A005001335 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedëe, et le malin esprit estant pressé de respondre quel estoit son nom, il dit quil estoit «ce malheureux privé d'amour.» S te Catherine de Genes, qui estoit la presente, se sentit esmouvoir toutes les entrailles entendant le mot de privation d'amour: et comme les demons voyans le seul signe de l'amour de Dieu, oyans le seul nom de son amour, qui est Jesus et la Croix, tremblent, sont tourmentés et fuyent, par ce quilz haissent souverainement l'amour qui fit incarner le Filz de Dieu, ainsy ceux qui aiment Dieu tremoussent aux moindres signes ou paroles qui representent la privation de cet amour, comme sont ces paroles de desfiance: M'aymes-tu? car encor que nous sachions qu'elles ne sont pas de desfiance, neanmoins, par ce qu'elles en ont l'apparence, elles nous affligent..

  A005001337 

 Et s t Franç s, estant entré dans une chapelle, pleuroit, crioit et se lamentoyt si haut que les passans croyoient qu'on le battit, et y accoururent; et il leur dit: Helas, «je pleure par ce que mon Sauveur a tant enduré, et personne n'y pense» En somme, l'amour, comme l'abeille, d'un mesme eguillon pique et fait le miel en cent façons.† [418].

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001339 

 «Il n'y a point de travail,» dit s t Augustin, «ou il y a de l'amour, ou sil y a du travail c'est un travail bienaymé.» Un Seraphim tenoit un jour une sagette toute d'or, de la pointe de laquelle sortoit une petite flamme: il la darda dedans le cœur de la B. Therese, et la voulant retirer il sembloit a la vierge qu'on luy arrachast les entrailles; et la douleur en fut si grande qu'elle n'avoit de force que pour jetter des foibles et petitz gemissemens, mays douleur si aggreable, que jamais elle n'eut voulu en estre delivree.

  A005001339 

 † Et ce qui est admirable c'est que les cœurs blessés de l'amour, non seulement sentent la douleur, mays y consentent, et ne voudroyent pour chose du monde ne l'avoir pas.

  A005001340 

 Et outre cela, l'amour porte si puissamment l'ame en son objet, que quand il est vehement ell'est tellement occupee par luy qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; de sorte que pour [419] nourrir mieux cet amour, l'ame semble abandonner tout autre soin, tout'autr'action et soymesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, chetif, deschiré, nud, deschaux, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est « pauvre,» par ce quil quitte tout pour la chose aymee; il est «chetif,» pasle et maigre, par ce quil fait perdre le sommeil, le manger et le boire; il est «nud et deschaux,» par ce quil n'a aucune affection, sinon celles de la chose aymee; il est «sans mayson,» par ce quil n'habite point dedans l'amant, mais suit tous-jours la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» par ce quil ne peut demeurer couvert, ains se manifeste et descouvre par des souspirs, plaintes, afflictions desordonnees, louanges, soupçons, jalousies; il est «es portes» tout estendu comm'un gueux, tant par ce quil est tout occupé a regarder, ouïr et parler a celuy quil ayme (et les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes du cœur), comme encor, par ce qu'il est tous-jours aux oreilles de la chose aymee, ou a ses yeux, pour mendier des faveurs nouvelles, sans que jamais il en puisse estr'assovi.

  A005001340 

 Les cors mesme de ceux qui sont blessés d'amour en demeurent malades, affoiblis et alangouris, comme l'on vid Ammon malade presqu'a mort pour l'amour de Tamar; et c'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force non seulement de blesser le cœur, mais de rendre le cors malade jusques a la mort: ce qui se fait par la liayson que l'ame a avec le cors, [d'autant] que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir de tirer l'ame a soy, aussi les passions de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors.

  A005001341 

 Qui les avoit reduit a cet estat si langoureux? L'amour, le grand amour pour lequel ilz avoyent tout quitté affin de suivre leur Bienaymé.

  A005001341 

 Voyes les [Apostres], deschaux, nuds, pauvres, indigens, parmi les ondes de la mer, sur la dure, mendians; et en somme tellement aneantis au monde, [que] si le monde est une mayson ilz en sembloyent les ballieures, sil est une pomme ilz en sembloyent les peleures; comme dit cet Apostre qui pour avoir plus souffert que nul autre le pouvoit aussi mieux dire.

  A005001342 

 L'amour qui me rend si heureuse que de me donner un si excellent ami comm'est mon Salomon, a des autres enfans qui me donnent des assaux et me reduisent a telle langueur, que comme d'un costé je ressemble a une reyne qui est a costé de son roy, d'autre part je ressemble a une vigneronne qui dans une vile cabanne garde les vignes; et si encor ne gardé je pas ma vigne, car toutes mes douleurs amoureuses sont encor dediees a mon Bienaymé..

  A005001342 

 Oyes la tressainte Sullamite comm'elle s'escrie: Quoy qu'a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que ne furent jamais les riches pavillons de Salomon, plus belle certes que le Ciel mesme, car il est la tente inanimee du Roy, et je suis son pavillon animé, je suis neanmoins noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et des coups que ce mesm'amour me donne.

  A005001343 

 C'est chose admirable de voir les langueurs amoureuses de s te Catherine de Sienne et de Gennes, de s te Angele de Foligni, de la Bienheureuse Mere Therese; mays qui pourrait jamais exprimer les merveilles des effectz que l'amour celeste fit au cœur et au cors de s t François? Car sa vie n'est presque que de larmes, de souspirs, de plaintes amoureuses: et en fin vous voyes un Seraphin qui le stigmatise et le blesse par des rayons sortans des endroitz de l'ouverture du flanc, et des pertuis des mains et des pieds d'un'image de Jesus Christ crucifié quil portoit; de sorte que cinq playes demeurent imprimees en ce bienaymé serviteur, es mesmes endroitz esquelz son Maistre les avoit receues pour nous rachetter.

  A005001343 

 L'histoire dit que cet homme seraphique voyant l'image de son Seigneur crucifié entre les aisles du Seraphin qui la portoit, il s'attendrit infiniment.

  A005001343 

 O Dieu, ma chere Philothee, imagines vous cett'image que non Appelles, mais N. S. mesme, ou un Seraphin par son [421] commandement, avoit taillee au Ciel en la presence de tous les Anges.

  A005001344 

 Cett'ame donques, ainsy amollie et attendrie comm'une cire au soleil, se treuva par ce moyen extremement disposee a recevoir les impressions et les marques d'amour de son Sauveur et souverain Amant.

  A005001344 

 Ne void on pas les brebis de Laban, comm'estant en amour leur imagination porte coup sur leurs petitz aigneletz, pour les faire blancz ou taquettés selon les baguettes qu'elles regardent en ce tems-lâ? Et defait, les femmes grosses, ayant l'imagination affinee par l'amour, que ne font elles pas es cors de leurs enfans? Une forte imagination fait blanchir en une nuit un homme, detraque sa santé et toutes ses humeurs.

  A005001344 

 Puys l'ame, comme forme et maistresse du cors, usant de son pouvoir sur iceluy, imprima les douleurs des playes dont ell'estoit blessee es endroitz correspondans a ceux esquelz son Amour les avoit endurees.

  A005001344 

 Si que, la memoire toute destrempee en la souvenance de cet amour blessé et blessant, l'imagination appliquee puissamment a s'imaginer les blesseures que les yeux voyoyent si parfaitement representees en cette image, l'entendement recevant les especes infiniment vives que l'imagination luy fournissoit, et enfin l'amour employant toutes les forces de la volonté pour se complaire en la compassion et rendre conforme a son Bienaymé, toute l'ame sans doute se treuva transformee en un second Crucifix.

  A005001345 

 C'est l'amour donq qui fit passer les douleurs interieures de ce grand amant en l'exterieur, et blessa le cors du mesme dard dont il avoit esté blessé.

  A005001346 

 Dont le premier a une si vehemente inflammation de cœur, que la chaleur se faysant faire place aux costes, les eslargit et en rompit la quatriesme et cinquiesme, affin quil peut recevoir plus d'air pour se rafraichir; et le second, a cause des flammes de l'amour assaillant, tumboit en defaillance et se pasmoit, et estoit contraint d'appliquer des linges trempés en l'eau froide, pour moderer son ardeur.

  A005001346 

 Or, quand les blesseures et playes de l'amour sont frequentes, elles font en nous la langueur et l'aimable maladie d'amour, ou bien quand la blesseure est fort profonde.

  A005001353 

 Ainsy Dieu se plaint: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cisternes dissipees qui ne peuvent contenir les eaux. Il nous veut donq tout pour soy, affin que nous vivions, et ne perissions point; qui est un vray amour d'amitié.

  A005001353 

 Voyons nous pas, Philothee, un pere ou une mere extremement jaloux de leur fille? voire mesme un frere? Quel regret a Absalom quand il vit Tamar violee, a Jacob et ses enfans quand Dina fut defleuree! Ce n'estoit pas qu'ilz eussent praetention sur l'une ni sur lautre, mais c'estoit par ce que les aymans d'un vray amour d'amitié ilz desiroyent qu'elles fussent exemptes de mal.

  A005001354 

 Mays quant a nous autres, nous avons de la jalousie pour Dieu en un'autre façon, car nous ne voulons pas quil n'ayme plusieurs choses avec nous, ains toutes les choses; et a mesure que nous l'aymons davantage, nous desirons quil ayme plusieurs autres avec nous, dautant que son cœur infini et son amour immense est plus que suffisant pour aymer toutes les creatures quil luy plait, en sorte que l'amour quil porte a toutes ne soit point diminué par celuy quil porte a une chacune, ni celuy quil porte a une chacune, par celuy quil porte a toutes..

  A005001356 

 C'est la jalouzie pour laquelle nous voudrions que toutes choses, mais sur tout nostre ame fut unie inseparablement a Dieu, qui faysoit dire: Ni la mort, ni l'angoisse, ni les choses presentes.

  A005001356 

 Le zele est une passion amoureuse que les Philosophes n'ont pas bien conneüe, car ilz ont creu que c'estoit une mesme chose avec l'envie; au moins Aristote le definit: «Une tristesse du bien d'autruy par ce que nous ne l'avons pas,» qui est, en effect, la vraye definition de l'envie.

  A005001357 

 Ainsy, le grand S t Denys dit que les sages Theologiens appellent Dieu jaloux, ou, s'il faut ainsy parler, zelant, par ce quil est excessif en l'amour quil porte a toutes choses, et par ce quil excite le desir amoureux a la jalousie, c'est a dire, par ce quil ayguise si fort le desir d'aymer en ses creatures qu'en fin il les rend saintement jalouses de luy.

  A005001357 

 Or, Dieu nous ayant donné pour resister au mal et le surmonter, et pour surmonter les difficultés quil y a en la conqueste du bien, l'esperance, la hardiesse et la cholere, quand l'amour est vehement et quil tend ardemment au bien de la chose aymee il espere puissamment, il est hardi et ose fortement, et employe pour l'execution de ce quil espere et quil ose, la cholere et l'ire, par le moyen delaquelle, sil ne peut empescher le mal, il fait au moins vangeance de ceux qui le font et qui en sont les causes.

  A005001358 

 Au contraire, voyes ce pere, qui, comme Job, va transissant de crainte que ses enfans, engagés es conversations du monde, n'offencent Dieu; voyes cette mere, qui n'oste point les yeux de dessus sa fille, de peur qu'elle ne s'egare et s'engage en quelque commerce deshonneste: c'est le zele qui les porte, mais zele qui provient du juste amour que les pere et mere ont pour leurs enfans, qui les fait desirer que tout vice soit esloigné d'eux.

  A005001358 

 Tout cela s'appelle zele, mesme selon les Philosophes, et il procede de l'amour de nous mesme: nous voulons seulz posseder les graces du prince, seulz gaigner, seulz estr'aymés.

  A005001360 

 (Entant quil nous appartient; contre le zele qui non est secundum scientiam: les corrections indiscretes.).

  A005001360 

 Ainsy, le Psalmiste proteste: J'ay haï les iniques, et ay aymé vostre loy; J'ay haï l'iniquité et l'ay abhorree, mais j'ay cheri vostre loy.

  A005001360 

 Car le zele n'estant autre chose que l'amour entant quil nous fait rejetter et repousser le mal contraire a la chose aymee, il se sert de toutes les passions et affections de nostre ame, tant de la partie convoitante comme de l'irascible, pour executer son entreprise.

  A005001360 

 De la, le zele devorant la s te poitrine de N. S r luy fit esloigner, et quant et quant vanger, l'irreverence et prophanation du Temple que les vendeurs et achetteurs y commettoyent; de la, le zele de Phinees qui d'un coup de poignard transperça cet effronté Israelite et sa Madianite quil avoit treuvé en l'infame Commerce de leur charnalité; Nu.

  A005001361 

 Ainsy le mesme S t Paul, par ce grand zele, mouroit tous les jours pour la gloire de ses disciples; ainsy veut il estr'anatheme pour ses freres, et Moyse estre rayé du livre de vie pour son peuple.

  A005001361 

 Quels tourmens, Philothee, quelz exces d'amour ont eu les serviteurs de Dieu pour les ames! Qui est infirme que je ne le sois? qui est scandalisé que je n'en brusle? Ce zele ou jalousie des ames est representé, ainsy que nos peres ont dit, par la continuelle peyne que la poule a pour ses poussins.

  A005001361 

 Voyes quel amour de mere, quel souci, quelle jalousie; ell'est tous-jours la teste levee, tous-jours les yeux agards qu'elle roulle de toutes pars pour voir si quelque peril arrive a ses petitz; elle devient courageuse et ne craint aucun ennemi qu'elle ne se jette a ses yeux pour les defendre; elle craint neanmoins tous-jours que mal n'arrive a sa petite trouppe, c'est pourquoy, comme tous-jours en peyne, elle va tous-jours glossant et plegnant.

  A005001362 

 C'est pourquoy [la] s te Sulamite s'escrioyt: O celuy que mon ame cherit, monstre moy ou tu reposes au mydi, affin que je ne m'esgare et que j'aille vagabonde apres les trouppeaux de tes compaignons.

  A005001362 

 C'est pourquoy elle s'escrie: Hé Dieu, qu'y a il au ciel pour moy et que desire-je autre que vous sur la terre? [428] Dieu de mon cœur et mon heritage! C'est pourquoy on quitte tout, et sachant que S t Paul a dit que les mariés ont leur cœur partagé par ce quilz doivent plaire a leurs parties, on se resoult a la chasteté sainte, on estime toutes choses comm'un fumier affin de gaigner nostre Seigneur, on quitte tout ce qui peut mettre division en nostre cœur: les honneurs, les richesses, les playsirs..

  A005001363 

 Ce sont les chaisnes d'or avec lesquelles Dieu nous assujettit a son amour.

  A005001364 

 C'est pourquoy, l'amour d'estr'aymé estant fort grand et estant arrivé jusques au zele, il veut repousser tout ce qui est contraire au bien quil ayme: or, le bien qu'il ayme estant d'estre aymé, il veut repousser tout ce qui l'empesche d'estre pleynement aymé; or, entre les choses qui l'empeschent d'estr'aymé parfaitement, l'un'est d'avoir des compaignons et rivaux; c'est pourquoy, sil s'apperçoit d'en avoir, il entre en la passion de la jalousie..

  A005001364 

 Quand nous aymons ardemment les choses corporelles, le zele qui s'en ensuit se termine pour l'ordinaire en envie, par ce que les choses corporelles et exterieures, comme la beauté, la gloire, les richesses, les honneurs, les rangs, sont si particulieres et bornees, finies et imparfaites, que [429] quand l'un les possede il empesche lautre de les posseder si pleynement, et estant communiquees a plusieurs la communication en est moins parfaite pour un chascun.

  A005001365 

 La jalouzie n'est jamais qu'en matiere d'amour; et l'envie est en toutes matieres, d'honneur, de richesse, de beauté, et, comme je pense, elle ne regarde pas l'amour sinon qu'avec l'amour il y ait quelqu'autre consideration, d'estime, d'honneur, de preference: c'est a dire, elle ne regarde pas tant l'amour que les fruitz de l'amour; mais la jalouzie regarde droittement l'amour, et non les fruitz de l'amour..

  A005001365 

 l'envie est tous-jours injuste, mays la jalousie est quelquefois juste, pourveu qu'elle soit moderee; car les mariés ont rayson d'empescher que leur amour ne soit point partagé, et par consequent d'estre jaloux l'un de lautre.

  A005001366 

 Et la rayson est parce que, comme la mort est si forte qu'elle separe l'ame de toutes choses et de son cors [431] (mesme, l'amour, aussi puissant qu'elle, separe l'ame de toutes affections et la rend pure de tout meslange: dautant que ce n'est pas un simple amour, mais un amour zelé et jaloux, lequel est aussi aspre, dur et animé a chatier le tort qu'on luy fait, admettant avec luy quelque corrival, comme l'enfer a punir les damnés; et comme l'enfer, plein d'horreur, de hayne, ne reçoit aucun meslange d'amour, aussi l'amour ne reçoit aucun meslange d'autre affection.

  A005001366 

 La difference quil y a entre le zele et jalousie que nous avons pour Dieu, et le zele et jalousie que nous avons pour les hommes; car c'est comme le cheval de Pausô, tout y va a la renverse.

  A005001366 

 Nous voulons tout l'amour d'un'ame pour nous icy, [la] nous desirons quil ayme un chacun; nous voudrions exclurre tous les rivaux icy, nous voudrions que tout le monde aymast lâ: le zele et la jalousie craignent la dissipation [ici], la elles ne la craignent nullement, etc. 6.

  A005001366 

 Qui vid jamais une plus aspre vengeance que celle dont les enfans de Jacob userent contre Sichem pour le violement de Dina, de l'integrité delaquelle ilz avoyent rayson d'estre jaloux, puisqu'elle estoit leur seur? Certes, lhors que Dieu s'est pleynement donné a un'ame par amour, il en est infiniment jaloux, et chastie asprement les infidelités qu'elle commet.

  A005001368 

 Celle la n'est point jalouse par ce qu'elle n'est point amoureuse, celle ci est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse; mais elle n'est pas jalouse de sa propre jalousie, ell'est jalouse de la jalousie de son espoux: elle ne craint pas de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses, qui est la jalousie qui regarde son interest; mais elle craint de n'aymer pas asses, qui est la jalousie qui regarde l'interest de son espoux.

  A005001368 

 Mays voyes cette jalousie delicatement exprimee par S te Catherine de Genes presqu'en tous les enseignemens des proprietés du pur amour qu'elle donne si admirablement; car il ne se peut rien adjouster a ce qu'elle dit pour monstrer que l'amour parfait, c'est a dire parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'interposition ni le meslange d'aucune autre affection dans le cœur quil possede, non pas mesme des dons de Dieu, car il ne veut pas mesme qu'on [432] affectionne le Paradis sinon pour y plus aymer Dieu.

  A005001369 

 Non pas certes que le s t amour, pour vehement quil soit, puisse estre excessif en soymesme ni en ses inclinations; mais par ce quil employe a l'execution de ses ordonnances l'entendement, auquel il commande de chercher les moyens de faire reuscir ses intentions, et la hardiesse et cholere pour les prattiquer, il advient que souvent l'entendement prend des voyes insolentes, trop aspres et violentes, et que l'audace ou cholere estant esmeüe fait plus [433] qu'on ne luy commande, et que par ainsy le zele est exercé indiscrettement et desreglement, dont il devient mauvais..

  A005001369 

 Or, comme le zele est une ferveur, ardeur et vehemence d'amour, il a besoin d'estre sagement et prudemment conduit; autrement il violeroit les termes de la modestie, et passeroit jusques a l'indiscretion.

  A005001370 

 Un certain moyne nommé Demophile, voyant ce pœnitent s'approcher trop pres, a son advis, du s t autel, entra en un zele si ardent, quil se rua sur luy et le chassa a grands coups de pieds, injuriant et outrageant cruellement le prestre qui selon son devoir recevoit doucement et amiablement ce pauvre pœnitent; puis, courant a l'autel, en osta les choses tressaintes qui y estoyent, c'est a dire le divin Sacrement de l'Eucharistie, et les emporta, de peur, comm'il cuydoit, que par rapprochement du pecheur le lieu n'eut esté prophané.

  A005001371 

 Carpus, homme excellent en pureté et sainteté, et lequel il y a grande apparence avoir esté Evesque de Candie, en eut un tel desplaysir qu'onque en sa vie il n'en avoit souffert de tel; et se laissa porter si avant par [434] cette passion que, s'estant levé selon sa coustume pour prier a la minuit, plein d'un'indignation implacable, il concluoyt a part soy quil n'estoit pas raysonnable que les hommes impies vescussent plus long tems, et sur cela prioit que sans misericorde il fit mourir d'un coup de foudre ces deux hommes ensemble.

  A005001371 

 Et pour conclusion, le doux Jesus dit au courroucé Carpus: «Frappe desormais sur moy, car je suis prest de patir encor une fois pour sauver ces hommes, et cela [435] me seroit aggreable sil se pouvoit faire sans le peché des autres hommes; au surplus, advise ce qui te seroit meilleur, ou d'estre en ce gouffre avec les serpens, ou de demeurer avec les Anges qui sont si grans amis des hommes.».

  A005001371 

 Il vid premierement, comme un autre s t Estienne, le ciel ouvert, et Jesus Christ nostre Seigneur sur [un throsne en] iceluy, environné d'une multitude d'Anges qui luy assistoyent en forme humaine; puys il vid en bas la terre ouverte comm'un horrible et vaste gouffre, et les deux desvoyés auxquelz il avoit souhaité tant de mal, sur le bord de ce precipice, tremblans et presque pasmés d'effroy a cause quilz estoyent prestz a tumber dedans; attirés par une quantité de serpens qui sortoyent de l'abisme, s'entortilloyent a leurs jambes, et avec leurs queues les chatouilloyent et provoquoyent a la cheute, outre certains hommes qui aussi, de leur costé, les poussoyent et frappoyent pour les faire tumber: si quilz sembloyent estre sur le point de tumber, en partie malgré eux, estans peu a peu contraintz par force, et en partie de leur bon gré, volontairement induitz et attirés par le mal.

  A005001371 

 Or consideres, je vous prie, ma chere Philothee, la violence de l'indignation de Carpus; car il racontoit luymesme a s t Denis quil ne tenoit compte de contempler N. S. et les Anges qui se monstroyent au Ciel, tant [il] prenoit playsir a voir en bas la detresse effroyable de ces deux miserables, se faschant seulement de ce quilz tardoyent tant a perir: si que il s'essayoyt de les precipiter luy mesme, ce que ne pouvant si tost faire, il s'en despitoit et les maudissoit.

  A005001371 

 Quand, en fin, levant ses yeux au ciel, il vid Nostre Seigneur qui, par un'extreme pitié et compassion de ce qui se passoit, se levant de son throne, descendant jusques au lieu ou estoyent ces pauvres miserables, il leur tendoit sa main secourable, comm'encor les Anges, qui d'un costé qui d'autre, les retenoyent pour les empescher de tomber.

  A005001372 

 Philothee, le s t homme Carpus avoit rayson d'entrer en zele pour ces deux hommes, et son zele avoit justement excité la cholere contr'eux, mays la cholere estant esmeüe s'estoit trop eschauffee a la course, et outrepassant toutes les bornes et mesures du vray zele, ell'avoit converti la hayne du peché en la hayne du pecheur, et la douce charité en une furieuse cruauté..

  A005001373 

 Ainsy le zele employant la cholere pour s'opposer a l'iniquité, et sauver, sil se peut, l'inique, elle, sans avoir egard aux loix du juste zele, passe a toutes sortes d'exces; et sinon tant qu'on la tient en bride, ell'outrepasse les barrieres, se tire a cartier, et comm'un cheval fort en bouche, ell'emporte son homme hors de la lice, et ne pare point qu'au defaut d'haleyne.

  A005001374 

 Il est vray qu'estant puissant et courageux, il fait d'abord beaucoup de besoigne; mais il est aussi si ardant, si rude, si remuant, si inconsideré, si indiscret, qu'ordinairement il ne fait point de bien qu'il ne face quant et quand beaucoup de maux Ce n'est pas bon mesnage, disent nos œconomes, de tenir des paons, car si bien ilz chassent aux araignes et en desfont les maysons, ilz gastent tant les couvertz et le toict, que leur besoigne [436] n'est pas comparable a leur degast.

  A005001374 

 La cholere est un secours de la rayson et du zele pour l'assister en l'execution de ses desseins, mais secours dangereux et peu desirable: car si elle vient forte elle se rend maistresse, et viole toutes les loix du zele et de la rayson; et si elle vient foible, elle ne fait rien que le seul zele ne fit sans elle, et tous-jours elle donne de la peine parce qu'on a juste sujet de craindre qu'elle ne croisse et s'empare du cœur et du zele, pour l'assujettir a sa tyrannie, car c'est un feu artificiel qui embrase en un moment et qu'on ne sçait comm'esteindre quand il est allumé.

  A005001375 

 Les chiens sages et bien appris tirent pais et retournent sur eux mesme selon que le piqueur leur parle, mais les apprentis et jeunes chiens s'esgarent et sont desobeissans: les grans personnages, qui ont rendu sages leurs passions a force de l'exercice des vertus, les peuvent employer selon qu'ilz veulent; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes et apprentisses, nous ne les pouvons employer qu'avec peril..

  A005001376 

 Ces zeles estoyent inspirés du Ciel immediatement, et par consequent estoyent privilegiés, pouvans employer la cholere sans peril; car le S t Esprit qui les animoit a ces exploitz tenoit aussi les renes de leur juste courroux, affin quil ne passast les limites quil leur avoit prefigé..

  A005001376 

 Les occasions d'employer la cholere estoyent si solemnelles, si esclattantes et si pressantes, et l'exces des crimes si grand, qu'il n'y avoit nul danger qu'on peut exceder au chatiment; si que la [437] cholere pouvoit prendre toute son estendue, et son exces ne pouvoit exceder la coulpe contre laquelle le zele l'employoit.

  A005001378 

 L'impetuosité de l'esprit ne bouleverse point les cœurs, mais les fait aller viste; il y a difference entre avoir un grand vent et avoir des bourrasques ou de la tempeste.

  A005001378 

 Les chasseurs sont ardens, diligens, laborieux au pourchas sans cholere, et silz entroyent en cholere, ilz ne chasseroyent pas si bien..

  A005001378 

 On peut repousser les injures faites a Dieu et aux choses saintes par un zele doux, tranquille, constant, impliable, diligent, ardent, actif, impetueux, car les Anges exercent ainsy leur zele; sans fiel neanmoins, sans cholere, sans violence, sans chagrin, sans passion.

  A005001379 

 Mays l'amour propre nous trompe souvent, et prætent le zele pour exercer ses passions sous un honnorable praetexte; et parce que le zele se sert quelquefois de la cholere, la cholere en contre-change se sert souvent du nom de zele pour s'excuser et couvrir son ignominie: car de se servir du zele mesme, en verité, cela ne se peut; dautant que c'est le propre de toutes les vertus, mais surtout de la charité, d'estre «si bonnes que nul ne peut en abuser.» Et y a des personnes qui ne pensent pas y avoir autre sorte de zele que la cholere, ni autre instrument du zele que l'ire, et qui ne pensent rien accommoder s'ilz ne gastent tout; ou, au contraire, le vray zele n'employe la cholere que fort rarement et es extremes maux, car comm'on n'applique le feu et le fer aux malades que rarement et quand on ne peut moins faire, aussi le zele n'employe la cholere qu'es extremités..

  A005001382 

 C., que luy disoyent ses Disciples qui n'avoyent pas encor participé de ce bon, doux et benin esprit.» Voyes vous, Philothee, Phinees voyant un Israelite se souiller de luxure avec une Moabite il les tua tous deux; Helie avoit prædit la mort d'Ochozias, lequel, indigné de cette prædiction, envoya deux cappitaines de cinquante hommes l'un apres lautre pour le prendre, et il fit descendre le feu du ciel qui les devora, et tous leurs compaignons.

  A005001382 

 Et le grand s t Denis dit excellemment a Demophile, que celuy qui veut corriger les autres doit premierement «avoir soin d'empescher que lacholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte et sedition et confusion dans nous mesme.» Et apres, il dit au mesme: «De façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussées d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie; car telles paroles ne pleurent pas a Jes.

  A005001382 

 Or un jour que nostre Seigneur passoit au pais de Samarie, il envoya en une ville pour y apprester son logis, mais les bourgeois, sachans que N. S. estoit Juif de nation et quil alloit en Hierusalem, ne le voulurent pas loger; ce que [440] voyans S t Jean et S t Jaques, ilz dirent a N. S.: Voules vous que nous commandions au feu quil descende et quil les brusle? Et N. S. se retournant devers eux les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005001383 

 Cela n'appartient qu'aux perfaitz, qui ont en main les resnes de leurs passions pour les faire avancer a propos et retirer quand il est tems..

  A005001383 

 Le grand s t Thomas d'Acquin, estant tumbé malade de la maladie dont il mourut au monastere de Fosseneuve, de l'Ordre de Cisteaux, en la campaigne, les religieux le supplierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de s t Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de s t Bernard, et interpreteray ce divin Cantique comme s t Bernard.» Ainsy, certes, quand on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz, chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation, comme Phinees, Helie, Mathatias, S t Pierre, S t Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de perfection, le pur zele et la lumiere interieure de Phinees, Helie, S t Pierre et S t Paul, et nous employerons la cholere, l'ire, le courroux comm'eux.

  A005001385 

 Les grans Saintz censurent souvent leurs ames et les tancent, puis les flattent et excitent au bien, de la grande jalouzie quilz ont.

  A005001385 

 Les pigeons sont rudes aux colombelles de la jalousie quilz ont, quoy que sans occasion; car ilz les battent a coup de bec et les tancent, groignans du gozier, grondans, grunelant du gozier, et par apres, comme s'en repentans, ilz les environnent, les baysans et flattans, estans en ruït.

  A005001386 

 C'est chose estrange de la jalouzie des chameaux, qui lhors de leurs amours, non seulement s'irritent de sentir approcher les animaux de leurs especes, mais mesme se rendent furieux contre tout'autre espece d'animaux et contre les hommes silz les apperçoivent venir pres d'eux.

  A005001386 

 La parfaite jalouzie de l'ame, non seulement ne veut souffrir les approches des affections qui sont contraires au s t amour, mais rejette tout ce qui peut ombrager et donner de la distraction, bref, qui peut estre entre Dieu et elle.

  A005001389 

 C'est pourquoy il accommode et son cors et ses habitz diversement, et les fait paroistre divers selon l'exigence et l'occurrence.

  A005001389 

 Et de cette jalouzie provient la tressainte nudité du cœur et le parfait despouillement de l'amour pur, car la jalouzie est comme la mort qui nous despouille de tout, c'est a dire l'ame de son cors et de tout; et comme l'ame despouillee de son cors ne le reprend jamais que Dieu ne le luy rende par la resurrection, ainsy l'ame despouillee de toutes affections par le saint amour ne les reprend jamais que Dieu ne le luy ordonne.

  A005001389 

 Imagines vous, Philothee, le cher Espoux de nos ames au parvis du prœtoire de Pilate, ou, pour l'amour de nous, les ministres de la mort, c'est a dire les bourreaux, le despouillerent de tous ses vestemens l'un apres lautre; puis, non contens de cela, ilz le despouillerent, par maniere de dire, de sa peau, tant ilz la deschirerent a coups de verges et de fouetz, dont il sembloit un ladre ulceré, dit le Prophete; et enfin la mort mesme venant, despouilla sa s te ame de son cors et de tous les sentimens d'iceluy.

  A005001390 

 O que tell'ame est heureuse d'estre ainsy toute nue devant son Dieu! o comm'elle peut dire en verité avec le s t homme Job: Je fus infuse toute nue dans mon cors, et toute nue je me represente a luy; Dieu m'avoit donné beaucoup de biens et m'avoit permis de me revestir de plusieurs affections, maintenant il me les a ostees; ainsy quil a pleu a Dieu il a esté fait, le nom tress t de Dieu soit beni..

  A005001391 

 Elle n'espouse point d'affection, ains elle les prattique, indifferente pour en prendre d'autres et quitter celles-la soudain que Dieu le voudra, ne se voulant revestir que des habitz que Dieu luy marquera et selon quil luy marquera..

  A005001392 

 Ilz quitterent leurs femmes, ceux qui en avoyent; despuis, s'ilz les reprirent, ce fut avec changement d'affection, car en lieu quilz les avoyent precedemment par affection nuptiale, ilz les eurent par affection de frere a seur, dit S t Paul: N'avons nous pas ce pouvoir, mulierem sororem circumducendi?.

  A005001392 

 L'Ange commanda a s t Pierre quil mit premier ses sandales, et il les mit les premieres, encor que ce ne soit pas l'ordinaire de prendre les souliers avant que de s'habiller: ainsy, aux uns Dieu commande d'enseigner avant que d'estudier, comm'il fit aux Apostres, a s t François, a Isaie, et ilz le firent; aux autres d'estudier avant qu'enseigner, et ilz le font.

  A005001392 

 Les Apostres ne porterent qu'une tunique, quand N. S. le leur ordonna ilz quitterent aussi leurs souliers; despuis ilz les reprirent par la volonté de Dieu.

  A005001392 

 O que bienheureux sont les pauvres d'esprit! Bienheureux sont les nuds d'esprit, car Dieu les revestira comm'il revest les lis, d'ornemens plus beaux que ne furent onques ceux de Salomon.

  A005001398 

 Et comme ceux qui s'arrestent en la pleyne lumiere du soleil, pour le playsir quilz ont a voir plus clairement les choses, tantost apres ilz sentent la chaleur, et ceux qui y sont pour recevoir la chaleur ne peuvent tenir les yeux si biens fermés quilz n'en voyent la lueur, ainsy ceux qui sont ravis en la contemplation des misteres en passent pour l'ordinaire aysement au ravissement de l'amour, et ceux qui sont en l'extase d'amour se treuvent pour l'ordinaire saysis de l'extase de l'admiration.

  A005001398 

 Et comme l'admiration est cause de la philosophie et attentive consideration des choses, ainsy que les Philosophes ont tesmoigné, aussi l'admiration est cause de la theologie mystique et de la contemplation.

  A005001399 

 Et tous-jours vous sçaurés que l'extase de l'amour est la meilleure, car lautre ne nous fait pas meilleurs si ell'est seule, le s t Apostre disant: Si je connoissois tous les misteres et toute science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien. C'est pourquoy le malin esprit peut extasier, pour parler ainsy, et ravir l'entendement, representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent suspens, et par le moyen de telles illusions il peut provoquer la volonté a certaine [446] sorte d'amour imparfait, tendre et fort aggreable a la nature; comm'en effect il a souvent abusé plusieurs personnes par de telles amorces et faulses extases..

  A005001399 

 Neanmoins, les deux extases ne sont pas tellement appartenantes l'un'a lautre que l'une ne soit souvent sans lautre: car, comme les Philosophes ont eu plus de connoissance de la Divinité quilz n'ont eu d'amour pour elle, aussi les simples Chrestiens ont souvent plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de l'exces de l'amour, non plus que l'exces de l'amour de celuy de la connoissance.

  A005001401 

 Je ne dis pas quil ne se puisse faire qu'on ayt des ravissemens, des visions, voire qu'on puisse avoir l'esprit de prophetie sans avoir la charité; car c'est chose certaine que comm'on peut avoir la charité sans estre ravi, aussi on peut estre ravi, avoir des visions et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui a plus de clarté en l'entendement, par le ravissement, que de chaleur en la volonté pour aymer Dieu, il doit estre en grand peyne [447] et souci, ou que son ravissement ne soit naturel, ou quil soit procuré par le malin, ou quil n'en devienne plus enflé qu'edifié, et quil ne soit, comme Saul, Balaam et Caiphe, entre les prophetes, et non entre les esleuz..

  A005001401 

 Or les extases pouvant arriver et naturellement, et par l'artifice du malin esprit, et surnaturellement par la grace divine, on apporte plusieurs marques des vrayes extases, que la bien heureuse Mere Therese deduit en ses livres, et le P. Ribera, homme excellent, traitte asses amplement cette matiere, apres le grand Gerson, es deux premiers chapitres de la Vie de la mesme Sainte; le P. Ber.

  A005001402 

 C'est lhors que nous ne vivons pas selon nostre rayson naturelle, mais au dessus; lhors que nous ne nous contentons pas de vivre selon les vertus civiles et morales, mais selon les perfections divines et chrestiennes; lhors que, renonçans mesme aux choses loysibles, nous passons outre a une vie plus relevee que la vie humaine.

  A005001402 

 La 2 e marque des vrayes extases de l'ame est une troysiesme extase, qui [est] l'extase toute desirable, toute aymable et qui couronne les deux autres; qui est l'extase de la vie.

  A005001402 

 Mays, outre les commandemens, il y a des conseilz et des inspirations evangeliques, qui nous eslevent a une vie qui, a la verité, n'est pas contraire, mais qui excede et surpasse toute l'inclination naturelle: et lhors que nous prattiquons ces conseilz et inspirations nous faysons une vie surhumaine, c'est a dire une vie qui est hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005001402 

 Voyes-vous, Philothee, les commandemens de Dieu sont tous conformes a la rayson mesme naturelle, et bien quilz ne puissent pas estre exactement observés par les seules forces de la nature, si est ce que nostre nature nous incline a les vouloir observer.

  A005001403 

 Non seulement ne desrobber point, mais quitter tous nos biens, nous plaire en la pauvreté, et quand il nous arrive des miseres, des necessités, des afflictions, des persecutions, les tenir pour des beatitudes et felicités, chantans de cœur avec David: Elegi abjectus esse in domo Dei mei, et cæt., Bienheureux sont les pauvres; appeller la pauvreté sa chere maistresse, comme s t François; rejetter les louanges, se plaire au mespris, aymer l'abjection; non seulement observer le commandement: Tu ne paillarderas point, mais quitter mesme les playsirs loysibles du mariage; et en fin, vivre emmi le monde contre les maximes et doctrines du monde, rejetter les playsirs, les honneurs, les richesses, vivre contre le courant du fleuve de cette vie: c'est vivre extatiquement et hors de nous mesme..

  A005001404 

 C'est pourquoy, estans mortz au monde et resuscités a Dieu avec J. C., nous ne devons appeter et chercher sinon le Ciel et les choses celestes, et savourer les amours de ce divin Espoux..

  A005001404 

 Il colloque en Dieu toutes ses consolations, tous ses playsirs, toutes ses richesses, tous ses honneurs, et cependant les couvre, affin qu'on ne les voye pas, d'humilité, d'abjection; si que, avec Jesus Christ, il couvre (comme Jesus Christ qui cacha sa Divinité) sa gloire, sa felicité sous l'ignominie de la croix: ainsy nous cachons nostre vie, c'est a dire nostre esperance, nostre consolation, la grace abondante, sous la croix.

  A005001404 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit luy mesme sa vie, a la faveur, neanmoins, des rayons du soleil, pour en recevoir une plus belle et plus vigoureuse; les bigatz et vers de soye changent de vie, et de vers deviennent papillons; comme font aussi les abeilles, qui naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, puis enfin deviennent mousches.

  A005001405 

 Et comme l'ame est le principe de tous les mouvemens animaux ou spontanees, et l'on connoit la diversité des ames par la varieté des mouvemens, aussi l'on connoit qu'une ame est aimante par le mouvement, et la diversité de ses mouvemens affectifz nous fait voir quelle ell'est.

  A005001405 

 Et comme l'on connoist la vie des animaux par leur mouvement, et les animaux qui sont sans vie sont sans mouvement naturel, en sorte que la vie semble consister au mouvement, dont les choses mortes n'ont nul mouvement, aussi un cœur sans amour n'a point de mouvement moral, et on connoit la vie morale du cœur par ses mouvemens affectifs: en sorte quil semble la vie estre le principe de tous les mouvemens naturelz et animaux, comme l'amour, vie morale, est le principe de tous les mouvemens moraux; et comme en l'ame gist la vie naturelle de l'homme, aussi en l'amour gist la vie morale..

  A005001405 

 Or, que l'amour soit la vie morale de l'ame il appert par ce que c'est le principe de tout mouvement affectif et moral, comme l'ame est le premier acte et le premier principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme.

  A005001406 

 S t Ignace disoit: Amor meus crucifixus est; c'est a dire: Jesuschrist estant crucifié, j'ay crucifié avec luy mon amour, et par consequent toutes mes affections sont crucifiees avec luy qui est ma vie et mon amour; j'ay crucifié ma chair et tout son amour, avec toutes les passions et convoytises qui en dependent; mon amour naturel est crucifié, attaché a la Croix de mon Sauveur, ou je l'ay fait mourir par ce que c'estoit un amour mortel et une vie mortelle: et comme N. S. fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter selon l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix a ma vie morale mortelle de mon ame, et suis resuscité a la vie morale immortelle..

  A005001409 

 Et pour parvenir a cette seconde vie, il faut quil passe par la mort de la premiere, mourant a la vielle vie et au peché, ce qui se fait crucifiant sa chair avec tous ses vices et ses concupiscences, et l'ensevelissant dans le s t Baptesme ou dedans la sainte Pœnitence: comme l'aigle, qui se plonge et fourre dans la mer pour y laisser ses vielles plumes, et sortant de la toute nue, comme renaissante, comme quand elle fut esclose de sa coque, elle recommence une nouvelle vie et prend des nouvelles plumes; comme Naaman, qui prit une nouvelle vie dedans les eaux du Jordain, et on pouvoit dire de luy quil estoit un autr'homme, qui estoit mort a la ladrerie et vivoit a la netteté et santé..

  A005001413 

 L'aigle devenue grande commença a chasser aux oyseaux; puis s'estant rendue plus forte, elle se rua sur les bestes sauvages, apportant tous-jours sa proye a sa chere maistresse, comm'en reconnoissance de la nourriture qu'elle avoit receue d'icelle.

  A005001413 

 Une jeune fille (Pline, 1. X, c. 5.) de l'isle de Sestos avoit nourri une aigle petite, avec le soin que les enfans ont accoustumé d'employer en telles occasions.

  A005001414 

 Des l'instant de nostre conception il nous a receu entre les bras de sa providence, et nous a rendu siens par le Baptesme, et nous a nourris temporellement et spirituellement, avec un amour incomparable; et pour nous acquerir la vie il a supporté la mort.

  A005001414 

 Que reste-il, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesme, que nous rapportions toutes nos proyes, toutes nos œuvres, toutes nos intentions et actions a ce sauverain Seigneur, et que nous consacrions a son amour tous les momens de nostre vie; et que le considerans sur la croix comme sur son bucher d'honneur, ou il brusle d'amour et meurt d'un amour douloureux plus que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour, nous nous jettions sur luy en la croix, nous nous crucifions sur luy, et mourions courageusement pour l'amour de Celuy qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir..

  A005001419 

 Car il ne met division entre l'esprit et l'ame, entre l'ame et le cors que pour monstrer a chascun son rang et son office, affin que l'ame soit sujette a l'esprit, et la chair a l'ame, et l'esprit a Dieu; comme font les maistres de camp ou mareschaux, qui divisent l'armee en plusieurs bataillons, non pour les separer, ains pour les mieux ranger, et unir a un mesme effect et a mesme dessein, de sorte que la distinction sert a l'union.

  A005001420 

 Tous les esleuz meurent en l'amour de Dieu; car l'amour de Dieu et la grace n'estant non plus differens que le feu entant quil est lumineux et beau, et le feu entant quil est chaud et ardent, qui ne meurt en l'amour de Dieu ne meurt pas en la grace de Dieu, et qui meurt hors de la grace de Dièu il n'est pas esleu, car ceux la seulz sont esleuz desquelz Dieu praevoit quilz mourront en sa grace.

  A005001421 

 Neanmoins, es Martirs, l'amour ne donne pas la mort, ce sont les tyrans, et l'amour la fait souffrir..

  A005001421 

 Tous les Martirs meurent pour l'amour de Dieu: car si bien on dit quilz meurent pour la foy, c'est a dire pour ne point renoncer la foy ou pour la soustenir, si est ce quilz ne mourroyent pas pour la foy si la charité ne les animoyt et silz n'aymoyent la foy; or ilz n'aymeroyent pas la foy silz n'aymoyent Celuy que la foy annonce.

  A005001422 

 Mays ceux que l'amour de Dieu consume petit a petit, les extasiant, fondant leur cœur, les allanguissant, leur ostant le boyre et le manger, et en somme abbregeant leur vie, ilz meurent par l'amour: car comme ceux que le regret ou desplaysir empesche de [454] manger et de dormir, petit a petit tumbent en defaillance de forces et en fin meurent (ilz ne meurent pas de regret, mais par le regret, car ilz meurent de foiblesse: le regret les empesche de manger et dormir, le defaut du manger et dormir les affoiblit, et en fin, destitués de force naturelle, ilz meurent); ainsy l'amour de Dieu occupant grandement l'esprit des saintz amants, petit a petit la digestion et les autres functions animales et vitales manquent a leur office; l'ame ne leur pouvant asses fournir de forces a rayson du divertissement qu'ell'a sur l'object de l'amour, en fin la mort s'en ensuit.

  A005001423 

 Or ce grand espurement se fait par les actes [de] l'amour unitif dont nous avons discouru en ce Livre, par lesquelz le saint amour affoibli les forces de la chair, qui veut retenir l'esprit, comme la femme de Puthiphar, Joseph, par son manteau, par l'amour de soymesme.

  A005001423 

 Ou bien, comme le feu dans le boys separe les parties ignees et aeriennes, les evaporant en fumee, et laisse la les matieres terrestres et grossieres; ou comme la force du feu separe dans l'allambiq l'eau naphe du cors des fleurs, ainsy l'amour, quand il est enflammé, separe l'ame du cors: ce qui est le plus violent effect que l'amour face en un'ame, et faut que l'ame qui est ainsy tiree hors du cors soit grandement deschargee de toutes sortes d'affections pesantes, terrestres et corporelles, et qu'elle ne tienne plus a rien du monde.

  A005001424 

 Il est dedans leur ame, mais alhors, pour l'ordinaire, il n'est pas en exercice et ne fait pas d'action, car estant en un homme dormant, il semble qu'il dorme aussi, comme toutes les autres habitudes, de science, de prudence, de foy, d'esperance; car alhors la science est en un homme dormant, car sil la perdoit en s'endormant, il faudroit quil retournast a l'escole pour l'apprendre: on la treuve en se resveillant, et la foy et l'esperance et toutes les autres vertus, desquelles la condition naturelle est que quand nous les avons nous nous en puissions servir quand nous voulons, et qu'elles ne nous servent pas sinon que nous voulions.

  A005001424 

 Les uns meurent en la s te charité, qui est l'amour habituel, en l'habitude de l'amour, ayans l'amour dedans le cœur, mais non pas en l'action de l'amour; et de cette mort meurent ordinairement les esleuz.

  A005001424 

 Or il arrive maintefois que les gens de bien et les esleuz meurent de mort soudaine, et lhors qu'en effect ilz ne pensoyent pas a Dieu, comme font ceux qui meurent apoplectiques ou letargiques, ou qui meurent de mal de chaud, en resverie et frenesie: car bien que les saintz et esleuz ne meurent jamais de mort improuveue, par ce que toute leur vie n'est presque qu'une meditation de la mort, si est [ce] quilz meurent bien de certains genres de mort esquelz ilz n'ont pas l'usage de rayson, ni par consequent l'usage [456] de la charité et de l'amour.

  A005001424 

 Quand les justes dorment, ilz ne perdent pas pour cela la grace de Dieu, ni sa charité ou son amour.

  A005001424 

 Si des foibles espritz eussent veu tumber le feu du ciel et tuer le grand S t Symeon Stilite ilz eussent esté grandement scandalisés, comme furent, au siecle passé, quelques religieux du monastere dans lequel le vertueux et tres pieux Jean Thaulere mourut, ayans veu les horribles gestes et convulsions dont il fut agité pendant quil agonizoit et tendoit au trespas; dont ilz furent par apres desabusés par le recit d'une vision qui leur fut fait, par laquelle il apparoissoit de sa felicité, quoy que la bonté et pureté de sa vie passee les en deut asses asseurer..

  A005001425 

 Certes, encor faut nommer ce grand bienheureux homme, le venerable Bede, qui ayant sceu l'heure de sa mort, alla a Vespres le jour de l'Ascension, et estant en son siege debout, appuyé sur les accoudoirs, sans aucune maladie, finissant Vespres il finit sa vie perissable, pour commencer celle en laquelle tout est mattin et n'y a plus de Vespres; Marullus.

  A005001425 

 Le grand S t Thomas d'Acquin mourut exhortant ceux qui estoyent autour de luy, et sur le fin passage de sa mort il jetta les yeux au ciel, joignant les mains et, comme dit Sixte le Siennois, prononçant avec une grande ferveur et haussant fortement la voix, par maniere d'orayson jaculatoire, ces paroles du Cantique des Cantiques, qui estoyent les dernieres quil avoit exposees: Veni, dilecte mi, egrediamur in agrum, il eslança son esprit.

  A005001425 

 Telle fut la mort de S t Aug in, [qui] mourut en l'exercice de la sainte contrition, lisant les Pseaumes pœnitentielz et pleurant amerement ses pechés; mais la contrition, principalement es hommes parfaitz, est toute fondee, meslee et unie a l'amour de Dieu.

  A005001425 

 de Laudes, le vit, estant tout absorbé en l'orayson mentale, les bras estendus en croix; [et] mourant soudain apres la reception du tresst Sacrement, mourut en l'exercice du s t amour divin.

  A005001426 

 S t Louys, ce grand roy entre les Saintz et grand S t entre les roys, frappé de peste, ne cessa onques de prier; et ayant receu le tres divin Sacrement, il mourut: «les bras estendus en forme de croix,» dit Marule, «les yeux fichés au ciel, et jettant ces paroles de confiance amoureuse dans le sein de son Dieu: J'entreray, Seig r, en vostre demeure, je vous adoreray en vostre saint temple et confesseray vostre nom, il expira.» S t Pierre Celestin, apres avoir souffert des afflictions qu'on ne sçauroit bonnement dire, sur le point de la mort commença le Psalme: Laudate Dominum in sanctis ejus, et finit sa vie en le finissant, sur ces paroles si amoureuses: Omnis spiritus laudet Dominum.

  A005001426 

 S t Paul, premier hermite, mourut a genoux, la teste droite et les mains levees: qui peut croire quil mourut sinon d'amour, ou pour le moins en l'amour? Le grand s t Jean Chrisostome ayant eu revelation de son trespas et de son salut tout ensemble, par s t Basilisque, evesq. et martyr, donnant tout ce quil avoit de reste aux pauvres et mourant apres avoir receu le S t Sacrement, il ne peut mourir qu'en l'amour de Dieu.

  A005001426 

 S t Pierre le Martir mourut sans doute en l'exercice de l'amour, escrivant [458] a bout, [de] son doigt, de son propre sang, la confession de la foy catholique pour laquelle il mouroit, et en fin expira prononçant les paroles: In manus tuas Domine.

  A005001427 

 Car des lhors quil eut receu les douloureuses stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit une vraye anatomie vivante de la mort.

  A005001427 

 Et sur le point de son trespas, il se mit nud sur la terre, receut encor un habit en aumosme, duquel il fut par apres vestu, il exhorta ses freres a l'amour et crainte de Dieu et de son Eglise, fit lire la Passion, puis commença a dire avec extreme devotion le Psal. 141: J'ay crié a haute voix au Seigneur, de ma voix j'ay supplié le Seigneur; et ayant prononcé ces dernieres paroles: Seig r, tires mon ame de la prison, [459] affin que je confesse vostre s t nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me recompensies, il expira, l'an 45 de son aage.

  A005001427 

 Qui ne void que non seulement il mourut en amour, mais par l'amour et d'amour? mais il mourut encor pour l'amour, car il desira les souffrances de l'amour, pour l'amour quil portoit a son Seig r..

  A005001428 

 Quant a S te Magdeleyne, elle mourut d'amour, car ayant l'espace de trente ans demeuré en la S te Baume ou grotte que l'on void en Provence, ravie tous les jours sept fois par les Anges, qui l'eslevoyent en l'air pour oüir leur celeste musique, en fin un jour de Dimanche elle vint en un'eglise, en laquelle son cher s t Maximin, Evesque, la treuvant en orayson, eslevee en l'air, les bras estendus en haut, les yeux pleins de larmes, il la communia; et bien tost apres elle rendit l'esprit.

  A005001429 

 Dieu luy recommanda son Filz pour le sauver des mains d'Herodes et pour le faire rapporter d'Egipte en la terre de promission; et maintenant le Filz le recommande au Pere, qui le transporte tout plein d'amour de l'Egipte, lieu de sejour pour les enfans d'Israel, au sein d'Abraham, en attendant de le ravir par apres luymesme au Ciel, au jour de son Ascension.

  A005001429 

 La cigoigne, vray portrait du reciproqu'office des enfans envers les peres, porte son [pere] au passage, car ce sont oyseaux passagers, comm'elle avoit esté portee par son pere estant jeune.

  A005001429 

 Mays quant a s t Joseph, il m'est impossible de douter quil ne mourut non seulement en l'amour, mais par l'amour et d'amour; car qui croiroit que le cher Enfant de son cœur, son Sauveur et son Dieu, ne l'assistast pas a l'heure de son trespas, et quil ne mourut pas entre les bras de Celuy quil avoit si souvent porté entre les siens? Beati misericordes: il avoit tant receu de douceurs, de misericorde, de charité, de ce bon Pere nourricier lhors quil vint au monde, quil ne pouvoit quil ne luy rendit la pareille.

  A005001429 

 Son ame ne pouvant pas aymer son Sauveur a souhait parmi les distractions [460] de cette vie, et tout le service pour lequel N. S. l'avoit pris pour luy tenir lieu de vray pere estant achevé, il dit, ou explicitement ou virtuellement, au Pere eternel: O Pere, j'ay achevé l'œuvre que vous m'avies donné en charge; et puis, se tournant vers son Filz: Mon Filz, je remetz mon esprit entre vos mains, comme vostre Pere eternel avoit remis vostre cors entre les miennes..

  A005001430 

 de Civit. c. 8, les miracles qui se font, pour illustres qu'ilz soyent, «a peyne les sçait on au lieu mesme ou ilz se font,» et encor que ceux qui les ont veu les racontent, on a peyne de les croire; mays pour cela ilz ne laissent pas d'estres veritables, et en matiere de religion les ames bien faites ont plus de suavité a croire les choses esquelles il y a plus de difficulté et d'admiration..

  A005001431 

 S t Bernardin, duquel la doctrine a presque egalé la sainteté, au premier sermon de l'Ascension, raconte un'histoire pleyne d'extreme douceur, d'un fort noble chevalier qui alla outre mer pour visiter les sains lieux esquelz N. S. avoit faites les œuvres de nostre redemption.

  A005001431 

 [De Bethleem il alla en Bethabara, et passa jusques au petit [461] lieu de Bethanie,] ou, se resouvenant que N. S. s'estoit descouvert pour estre baptisé, se despouillant aussi, et se lavant dedans les mesmes eaux et en beuvant, il luy estoit advis d'y voir encor N. S., environné d'Anges, estre baptisé par son Praecurseur.

  A005001432 

 Il le regarde mourant, puis mort, puis recevant le coup de lance, puis osté de la croix et porté au sepulcre, ou il le suit, jettant mille et mille larmes de devote compassion sur les lieux detrempés du sang de son Sauveur; il entre dans le sepulcre et s'ensevelit d'amour avec N. S..

  A005001432 

 Il passe de la sur la montaigne de Tabor, ou il se represente vivement le Sauveur transfiguré; sur le mont Syon il void encor, ce luy semble, N. S. lavant les pieds a ses Apostres et leur distribuant son divin Cors en la tresste Eucharistie.

  A005001432 

 Il va au dela du torrent de Cedron, au jardin de Getsemani; et la son cœur se fond en une douleur tres aymable, de voir suer le sang a son Sauveur en cett'extreme agonie quil y souffrit; il luy est advis quil le void prendre, lier et garrouter et mener en Hierusalem, ou il le suit d'esprit et de cors; et le void conduire câ et lâ chez les Pontifes, puis fouetter a la colomne, presenter au peuple, charger sa croix, la porter, et en chemin il void le pitoyable rencontre de la Mere affligee et des dames de Hierusalem pleurantes.

  A005001433 

 Et poussant ses paroles au Ciel, il y lança quant et quand son ame, bienheureuse sagette, que l'amour sacré, comme un divin archer, tira dedans le blanc de [462] son celeste object! Ses compaignons et serviteurs voyans cet accident, estonnés et dolens, courent au medecin, qui venant, treuve qu'en effect il estoit mort; et pour faire jugement sur les causes d'une mort tant inopinee, s'enquiert de quelle complexion, de quelles meurs et humeurs estoit ce brave defunct, auquel on respondit quil estoit d'un naturel tout aggreable, doux, amiable, devot a merveilles et grandement ardent en l'amour de Dieu.

  A005001433 

 Puys, en sortant comme resuscité avec luy, il va en Emaus avec les deux pelerins, et en fin il retourne sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension; et la, prosterné sur les marques et vestiges des pieds du Sauveur, qui les y laissa imprimees admirablement, il les bayse de sa bouche comme sil eut voulu y coller ses levres; et apres avoir retiré a soy toutes les forces de son amour, comme un archer fait la chorde de son arc quand il veut descocher sa fleche, se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «Ah mon doux Jesus,» dit il, «je ne sçai plus ou vous suivre en la terre; accordes, de grace, a ce cœur, que maintenant il vous suive et aille vers vous au Ciel.

  A005001434 

 Puis s'en revint dans son lit, ou s'estant asses longuement entretenu en l'orayson avec N. S. et ayant exhorté les assistans de servir Dieu de tout leur cœur, voyant les Anges venir a luy, il rendit son ame a Dieu, disant: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la metz entre vos mains.

  A005001435 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient il de dire a N. S.: Vous estes mon Filz, et je vous ayme comme mon Filz? et a qui fut il jamais dit par N. S., de toutes les creatures: Vous estes ma Mere, et je vous ayme comme ma Mere, mays comme ma Mere toute mienne, et comme ma Mere a qui je suis tout sien? En somme, si jamais il y eut une si grande union entre un serviteur extremement amoureux de son maistre quil peut dire de n'avoir point d'autre vie que celle de son maistre, l'union de la Vierge avec son Filz pouvoit bien faire cet effect, car ce n'estoit plus union mais unité entre cette si douce Mere et ce Enfant delicieux..

  A005001435 

 Cette tressainte Vierge n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz; et si jamais il fut dit avec verité par S t Luc que les premiers Chrestiens n'avoyent qu' un [463] cœur et qu'un'ame, et par S t Pol, quil vivoit voirement luy mesme, mais non plus luymesme, ains Nostre Seig r vivoit en luy, a rayson de l'extreme union d'amour que ce divin Apostre sentoit entre son cœur et celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit morte ou ell'animoit et vive ou ell'aymoit, combien plus veritable est il que la Mere et le Filz n'avoyent qu'une mesme vie, et que la Mere ne vivoit que de la vie de son Filz! Mere la plus aymante et la plus aymee qui pouvoyt jamais estre; mays amour de Filz et de Mere plus eminent, parfait et superexcellent que celuy, non de s t Paul seulement, mais des Cherubins et Seraphins, et encor de tous amours imaginables, dautant que les noms de mere et de filz sont excellens en matiere d'amour au dessus de tout autre nom.

  A005001435 

 En fin, quant a N. D., il m'a tous-jours esté impossible de croire qu'elle mourut d'autre mort que de la mort d'amour; car c'est la plus noble mort de toutes, et qui est deue a la plus noble vie de toutes celles des pures creatures, et les Anges desireroyent de mourir, silz avoyent dequoy pouvoir mourir, de cette s te mort.

  A005001435 

 Mays noms qui conviennent uniquement a cette Mere et a ce Filz, puisque toutes les autres meres partagent avec le pere la production de leurs enfans, et les enfans reciproquement la reconnoissance qu'ilz doivent a rayson de leur production entre le pere et la mere; mays icy toute la production du Filz, en ce qui dependoit de la generation humaine, appartient a la Mere, qui seule a donné le concours a la vertu du S t Esprit pour la conception de ce divin Enfant: si que leur amour et leur union est dautant plus excellente qu'ell'a un nom different de tous les autres amours.

  A005001436 

 Ainsy, chere Philothee, la tressainte Vierge ayant assemblé dedans son cœur la vive memoire de tous les plus aymables misteres qu'ell'avoit veu et senti se passer entre son Filz et elle, mais sur tout celuy de la croix, et [464] faysant d'un costé un perpetuel mouvement de meditation sur iceux, et de l'autre costé recevant tous-jours a droit fil les plus ardans rayons des inspirations divines, le Soleil de justice regardant tous-jours la poitrine et les entrailles de l'amour de sa Mere, comme le lit auquel il s'estoit reposé au midi, le feu sacré de l'amour l'enflamma si ardemment, qu'ell'en mourut, toute transportee entre les bras de la dilection de son cher Enfant.

  A005001444 

 Si ma profession ne m'oblige pas a l'office des Heures canoniques, qu'est il besoin que je me mette en peyne sil est mieux de dire tous les jours l'Office de N. D. ou le Rosaire? [465] L'un et lautre est bon, et n'y sçauroit avoir tant de difference entre l'un et lautre quil faille pour cela faire un grand examen, lequel tandis que je ferois, j'aurois des-ja dit ou l'un ou l'autre des deux.

  A005001445 

 Car si bien les difficultés et evenemens qui s'en ensuivront sembleront nous donner desfiance d'avoir bien choysi, neanmoins c'est faute de voir ce qui fut arrivé faysant un autre choix, qui eut esté cent fois pis; et encor, c'est que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercé en la consolation par le bon succes, ou en la patience et abjection par le mauvais..

  A005001447 

 C'est l'occean de la perfection divine qui fait que Dieu void tout et prouvoit a tout; et comme rien n'est caché a la chaleur du soleil, qui penetre jusques dans les entrailles de la terre pour cooperer a la generation des mineraux, aussi rien n'est hors la providence divine: elle void tout, elle dispose tout; et comme le soleil esclaire tous les yeux de ceux qui le regardent, aussi parfaitement comme sil n'en esclairoit qu'un, ainsy Dieu prouvoit....

  A005001447 

 Voyes les lis des chams, et toutes les fleurs de la varieté et multitude desquelles la terre est diapree au primtems: elles n'ont pas une seule feuille que la providence de [466] Dieu ne la leur ayt ordonnee.

  A005001452 

 C'est un plus grand amour de recevoir aggreablement les maladies, incommodités, pauvretés, injures que Dieu nous envoye.

  A005001452 

 Car c'est le haut point de la philosophie chrestienne, qui surmonte celle des Stoiques, d'aggreer, par un acquiescement de la supreme pointe de l'esprit, que toutes les facultés de l'ame et tout ce qui est en elle soit affligé, ou par la privation des vertus et qualités qui les peuvent res-jouir, ou par des [467] apprehensions et impressions de celles qui les peuvent attrister.

  A005001452 

 L'amour de la croix nous fait entreprendre des afflictions volontaires: les jeusnes, veilles, cilices et autres macerations; le renoncement aux playsirs et voluptés et consolations corporelles.

  A005001452 

 Mays l'excellent amour consiste non seulement a les recevoir agreablement, ains les aymer, s'y complaire et benir les miseres et afflictions, mais sur tout les spirituelles.

  A005001453 

 Or l'amour, voyant que Dieu veut telles souffrances nous arriver, permet bien a l'ame de se plaindre dequoy mesme elle ne se peut plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job, mais en fin il fait tous-jours l'acquiescement dans le fond du cœur, et un acquiescement amoureux, bien que non pas tendre; mais amoureux d'un amour fort, indomptable, et lequel retiré dans la pointe de l'esprit, comme dans le dongeon de la forteresse, quoy que tout le reste soit pris et coupé, demeure courageux et acquiesce parfaitement a la volonté divine.

  A005001454 

 Bref, l'amour ayme l'amer et le doux a cause de la volonté de Dieu, dont l'un et lautre procede; mais il ayme plus l'amer, par ce quil n'est aymable que pour la volonté de Dieu; si que l'amour, [468] sans crainte de mesprendre, se peut abandonner a la suite de [la] volonté divine en l'amer, ce qu'elle n'oseroit faire entre les douceurs, lesquelles estant aymables et en Dieu et en elles mesmes, il est souvent advis qu'on les ayme pour Dieu, et on les ayme pour elles mesmes.

  A005001455 

 Job, sans doute, ne fait en ses travaux que l'acte de resignation: Si nous avons receu, dit-il, des biens de la main du Seigneur, pourquoy ne soutiendrons nous les peynes quil nous envoye? Il parle de les soustenir, de supporter, de tolerer, d'endurer..

  A005001461 

 ...de mesme son desir le fait souspirer pour le Ciel; neanmoins, se doutant que la volonté de Dieu ne fut quil demeurast au travail de ce monde: O que vos tabernacles sont aymables, Seigneur Dieu des armees! a peu qu'a force de les souhaiter, mon ame ne tumbe en defaillance; «neanmoins, si adhuc populo tuo sum necessarius, je ne refuse point le travail; hé, Seigneur, vostre volonté soit faitte.» Comme sil eut voulu dire: Si vostre volonté pour moy est en mes travaux et non encor en Paradis, o Dieu, je prefere mes travaux au Paradis.

  A005001461 

 L'indifference nous porte a l'exclamation de David: O Dieu de mon cœur, et le seul heritage que je prœtens! Qu'y a-il au ciel pour moy, et que veux-je en terre sinon vous? Qui ne cherche que Dieu, ni en terre parmi les miseres, ni au Ciel parmi les fœlicités, qu'est ce qui ne luy est pas indifferent?.

  A005001462 

 Ell'est en la modestie observee entre les consolations, et en la patience exercee parmi les tribulations: le cœur indifferent choysira le dernier, parce quil y a plus de la volonté de Dieu; parce que n'ayant aucun autre objet que la volonté de Dieu, par tout ou il la void et a mesure quil en void, il s'y porte sans consideration d'aucune autre chose, puysqu'en la presence de Dieu rien ne le touche, il oublie tout et ne tient conte de rien.

  A005001462 

 En somme, le cœur indifferent est comm'un cœur de cire pour Dieu, affin de recevoir avec egale facilité toutes les impressions quil plait a sa divine Providence luy donner; c'est un cœur pliable, sans nulle resistence entre les mains de Dieu; c'est un cœur qui n'a point de choix, egalement disposé a tout ce que la volonté de Dieu veut, n'ayant autre object de sa volonté que celle de Dieu; qui n'a point d'amour aux choses que Dieu veut, ains seulement a la volonté de Dieu: c'est pourquoy, pour peu quil voye la volonté de Dieu inclinée d'une part, encor quil y en ayt de l'autre part, sans avoir nulle sorte d'egard a tout le reste il court ou la volonté de Dieu semble plus grande.

  A005001463 

 Les cœurs mondains sont de diverses humeurs: les uns suivent les honneurs, et ou il y a plus d'honneur ilz y courent plus ardemment, au travers de mille dangers, mille peynes, mille maux; les autres suivent l'utilité, et sans avoir egard a chose quelcomque, ou il y en a plus, ilz y vont plus impetueusement; les autres suivent la volupté, au peril de lhonneur, des biens et de la santé; et «chacun est tiré de ce qui luy plait.» Le cœur indifferent n'a point d'autr'attrait que la volonté de Dieu, si que les tourmens, les travaux luy sont inconsiderables en presence de la volonté de Dieu.

  A005001464 

 Le cœur indifferent applique les remedes a ses maux, qu'il sçait estr'ordonnés de Dieu et selon quilz luy sont ordonnés; mais que le mal vainque les remedes, ou que les remedes vainquent le mal, ce luy est chose indifferente: et parce quil sçait que l'evenement luy fait connoistre la volonté de Dieu, si tost quil void l'evenement, il l'ayme et l'embrasse cherement comm'effect de la Providence divine..

  A005001470 

 ... marches heureusement et montes a cheval; comme sil voulut dire que par les traitz de son amour il se rendroit maistre des cœurs, pour les manier, contourner et pousser comm'un piqueur feroit un cheval excellent; Psal. 44, v. 6..

  A005001472 

 Quand donques il arrive que pour nos pechés les entreprises ne reuscissent pas, il faut detester par vraye penitence nostre peché, et accepter par amour la peyne du peché; dautant que le peché est contre la volonté de Dieu, et la peyne selon sa volonté..

  A005001473 

 Or cette sainte indifference se doit prattiquer es choses qui dependent de la vie civile, comm'en lhonneur, es richesses, es rangs, es conditions, pour les avoir ou ne les avoir point, tout ainsy quil plait a Dieu nous les donner; en la vie naturelle, comme en la santé, en la maladie et en telz autres accidens; en la vie spirituelle, comm'es secheresses, aridités, froideurs et autres travaux interieurs..

  A005001474 

 Cor. 6, nous renvoye a toutes ces indifferences, voulant que nous nous monstrions vrays serviteurs de Dieu en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blessures, es prisons, es seditions, es travaux, es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité, en suavité au S t Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; par les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables comm'inconneus et toutefois conneus; comme mourans, et voyci nous vivons; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005001474 

 En agissant, pour nous employer es œuvres que Dieu veut, selon les inspirations, advis et conseilz.

  A005001475 

 Voyes en fin son indifference au combat a droite et a gauche, et sur tout comme leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté riche, leur mort vitale, leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, comm'ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, vivans d'estre revigorés par les perilz de la mort, et glorieux d'estre avilis: qui tesmoigne bien que leurs afflictions et tribulations [473] n'arrivoyent pas jusques a la cime de l'esprit, en laquelle nostre volonté faysant hommage a celle de Dieu, se resjouit de la voir prattiquee, soit en la tribulation, soit en la consolation..

  A005001475 

 Voyes encores comme le s t Apostre met les souffrances avant les vertus: il dit premierement que nous devons servir Dieu en patience es tribulations, es necessités; puis il adjouste, en chasteté, en prudence.

  A005001475 

 Voyes, je vous prie, Philothee, la vie apostolique comm'ell'est affligee selon le monde, selon le cors et selon l'ame; car, comme remarque S t Thomas, toutes les especes d'afflictions sont comprises en ce denombrement, mesmement les angoisses qui travaillent le cœur, les blessures qui travaillent le cors, les prisons qui infament la personne.

  A005001477 

 Faysons de nostre costé tout ce que nous pourrons pour les acquerir, n'oublions rien pour cette entreprise, car cela est de nostre devoir, c'est une volonté signifiee de Dieu que nous fassions cela soigneusement, diligemment et constamment; mais les fruitz de ce soin, de cette diligence, ce ne sont pas des volontés signifiees, ce sont des effectz de la volonté effective de Dieu: c'est pourquoy il faut demeurer en une simple attente de l'evenement de nos diligences, pour le recevoir tel qu'il plaira a Dieu nous le donner, sans nous inquieter pour cela..

  A005001477 

 Il faut mesme demeurer sousmis en cette sorte a la volonté de Dieu en l'acquisition des vertus, et ne vouloir pas les vertus qu'a mesure qu'il plaist a Dieu nous les donner.

  A005001483 

 Quand nostre cœur, Philothee, ayme son Dieu et quil s'apperçoit de cet amour, quil escoute et entend son chant, quil a le sentiment de l'amour quil porte a Dieu, et des vertus et saintes passions et [474] affections que cet amour produit, o Dieu, Philothee, que ce cœur est amoureux de son amour, quil est affectionné a ses affections, quil a de playsir a complaire a Dieu, quil a de suavité en son cantique de dilection! C'est lhors quil apperçoit la presence de l'Espoux; et un contentement se respand en toutes ses facultés, plus delicieux que l'odeur du baume et que tous les parfums.

  A005001484 

 Il ressemble, ce pauvre cœur, aux petitz rossignols, lesquelz au commencement chantent pour imiter les grans, mais estans façonnés, chantent pour le playsir quilz prennent a chanter, et ne cessent quilz ne se soyent rendus perclus et inutiles.

  A005001486 

 La maniere de connoistre si c'est l'amour de Dieu en tant quil est nostre, que nous aymons, ou si c'est l'amour de Dieu en tant quil est a Dieu et quil tend a Dieu, c'est de voir si nous sommes en indifference pour les exercices de l'amour de Dieu.

  A005001487 

 Ceux qui sont au mariage voudroyent chanter le cantique des religieux et prattiquer le s t amour comm'eux, entre les commodités spirituelles des cloistres.

  A005001494 

 Alhors l'ame estant a son advis sans remede et sans ressource, elle dit pour conclusion, et comme jettant les derniers abois aupres de Celuy qui la poursuit: In manus tuas.

  A005001497 

 Sans user de nostre vouloir nous pouvons simplement acquiescer aux evenemens; et mesme, sans aucun acquiescement, nous pouvons recevoir les evenemens par une tres simple tranquillité, un repos de nostre volonté, qui, ne voulant rien vouloir, laisse vouloir et faire a la volonté de Dieu ce qu'il luy plaist, en nous, de nous, sur nous, jettant toute nostre sollicitude et tout nostre soin en luy, affin qu'il ayt soin de nous.

  A005001497 

 Seigneur, je ne veux rien de tous les evenemens, car je vous les laisse vouloir pour moy a vostre gré; mais au lieu de m'occuper a vouloir ces evenemens, j'occuperay ma volonté a vous benir de ces evenemens, car il est tous-jours [477] meilleur de s'occuper entierement a l'amour filial, puisqu'il est plus cher au Pere que cent mille autres vertus..

  A005001498 

 O chere ame, que vous estes heureuse de n'employer point vostre volonté a vouloir, mays a jouir de ce que plus vous pouvies vouloir, desirer et souhaiter, qui sont les suaves amour! de vostre Espoux..

  A005001500 

 C'est la façon en laquelle Nostre Seigneur exprime par Isaïe les sentimens et peynes de sa Passion: Dominus Deus aperuit, etc. Voyla qu'il proteste qu'il les attend avec une sousmission la plus douce, la plus tranquille qu'il est possible: Je ne contredis point, dit-il, ni je ne dis que je les [accepte,] mais je laisse mon esprit entre vos mains; ni je ne vay au devant, ni je ne fuis, mais je les attens, prest a tout ce qu'il vous plaira faire de moy; et comme j'ay laissé mon cors entre les mains des cruelz executeurs de la volonté des Juifz et de Pilate, comme une petite brebis qui est entre les mains et a la mercy de celuy qui la tond, qui se laisse tourner en toutes postures sans resistance, aussi, o Pere eternel, remetz-je et abandonne mon esprit entre vos mains, affin que vous exercies vostre volonté sainte sur iceluy a vostre gré, sans contradiction ni resistance quelconque..

  A005001500 

 Il est fort difficile d'exprimer l'estat d'une ame totalement abandonnee entre les mains de Dieu, qui ne veut rien, ains laisse faire a Dieu selon son saint playsir.

  A005001501 

 C'est proprement remettre son esprit entre les mains de Dieu que de demeurer ainsy dans sa volonté, sans attention, sans election, sans vouloir ni resistance, ne se servant de sa volonté ni de son entendement pour chose quelconque que pour voir Dieu, pour jouir de ses delicieux amours et caresses..

  A005001506 

 ...gloire d'un monarque, ou celle quil acquiert en la guerre par les armes, ou celle quil merite en la paix par la justice? Sans doute, la gloire militaire est plus grande, mais celle de la paix est meilleure; comme le bruit du tambour et le son des trompettes est bien plus grand que celuy du luth ou de l'espinette, mais celuy ci est aussi meilleur, plus suave et delicieux.

  A005001507 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu comme Dieu, en qualité de Dieu, pour peu quil ayt de cet amour, il præferera Dieu a toutes choses en toutes les occasions qui se presenteront de faire [479] choix, ou la perte de Dieu ou la perte de la creature: car si bien il aura peut estre d'autres amours plus ardantes et passionnees, neanmoins cellui ci sera le meilleur et le plus prætieux.

  A005001507 

 Car cet amour par lequel on ayme Dieu en qualitéde Dieu, si bién il ne presse pas tant l'ame, et n'est pas si ardent comme les autres amours pour multiplier les actes d'amour, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005001507 

 Et comme une des perles de Cleopatra valoit mieux que tous les rochers de nos montaignes, bien que ceux ci soyent plus gros, plus pesans, plus hautz et de plus d'usage, ainsy un brin de vray amour de Dieu vaut mieux que tous les autres amours de nos cœurs, pour pressans et ardens qu'ilz soyent.

  A005001507 

 Les chiennes font plusieurs petitz d'une littee, et les lionnes n'en font jamais qu'un; mais aussi c'est un lyon que les lionnes font, qui est plus estimable que cent mille chiens..

  A005001508 

 En quoy donq consiste l'excellence de ce vray amour de Dieu au dessus de tous autres amours? En ce que cet amour, quoy que moins sensible et pressant que les autres, il met Dieu en tell'estime dedans nos ames et fait que nous le prisons si hautement, que nous quitterions plus tost toutes choses que de le quitter, le preferans a tout et le cherissans sur tout, lhors que nous sommes reduitz a la necessité ou de le quitter ou de quitter tout autre chose: et c'est l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui nous est commandé.

  A005001509 

 Mays il est bien vray que qui doit aymer Dieu de tout son cœur ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu ou qui soit contraire a cet amour; c'est pourquoy entre les amans il y a de la difference, et bien que tous ceux qui ont le vray [480] amour de Dieu Tayment par consequent de tout leur cœur, de toute leur ame, de toute leur force.......

  A005001511 

 Car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais du fruit veneneux, mais en produisent bien neanmoins de vert et inutile, qui ne meurit point, ainsy l'homme de bien ne produit jamais des actions de peché mortel, mais ouï bien des actions mal meures, aspres et inutiles du peché veniel.

  A005001511 

 Je ne dis pas que celuy qui fait ces actions ou qui a ces affections soit sans l'amour de Dieu, mais je dis que les affections quil a sont hors et sans l'amour de Dieu; c'est pourquoy elles sont pechés venielz, desquelz personne, que l'on soit asseuré, n'a jamais esté exempt, sinon la très uniquement unique parfaite Mere du Sauveur.

  A005001512 

 Y ayant donques tant de degrés d'amantz, qui tous doivent observer la loy de Dieu et estre sauvés par ce chemin, N. S. a establi un commandement qui les regarde tous et les oblige tous; lequel est aussi observé par un chacun des esleuz, quoy que differemment et avec une infinie varieté de perfections; n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges ni d'estoiles au ciel, qui ayent un'absolue egalité et parité de perfection et de charité..

  A005001513 

 Et neanmoins, c'est toute nostre ame qui ayme, tout nostre cœur, quoy que non pas totalement, toute nostre force, quoy que non pas totalement, ains selon qu'elle peut tendre a nostre Seigneur, et que nous en sommes les maistres; car nostr'ame entant que vegetante et sensuelle, elle n'est pas nostre par obeissance, ni moralement, ains la seule ame intellectuelle et spirituelle..

  A005001513 

 Mays notes que quand il est dit que nous devons aymer de toutes nos forces, de tout nostre cœur, de toute nostre puissance, cela s'entend [481] de tout le cœur, de toute l' ame, de toute la force qui est capable d'aymer Dieu, et entant qu'ell'en est capable: de sorte que cela regarde, non l'appetit sensuel, non les forces de la partie inferieure, mays seulement la partie spirituelle de l'ame; tant par ce qu'elle seule est en nostre absolue puyssance, lautre estant pour l'ordinaire rebelle contre nostre rayson, qu'aussi par ce qu'ell'est incapable d'aymer Dieu, qui, estant un object spirituel, ne peut estre aussi aymé que par le cœur entant quil est spirituel.

  A005001514 

 Ce chapitre doit estre grandement addouci par la demonstration de la suavité de ce commandement, affin que les heretiques le lisant, voyent la clarté de la doctrine chrestienne, et boivent cett'eau sucree imperceptiblement; et partant il le faut remplir de paroles affectives et extatiques.

  A005001519 

 Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, delaquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatres parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A005001520 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005001520 

 Et puis ces quatre fleuves se separent en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines soyent bien addressees par la rayson a l'honnesteté et felicité naturelle.

  A005001521 

 Et d'autant que ces vertus qui fluent de la charité comme de leur source sont superieures aux quatres vertus cardinales, si elles les rencontrent en quelqu'ame elles les reduysent a l'obeissance de la charité, se meslent avec elles, et les perfectionnent comme le vin perfectionne l'eau avec laquelle il se mesle.

  A005001521 

 La comparayson estant meilleure de l'odeur des roses, sur laquelle les autres odeurs en l'affinant s'affinent elles mesme, quoy que plus excellentes qu'elles, dont on employe ou les roses, ou l'eau rose, ou le jus de rose en presque toutes les eaux odorantes: car ainsy les vertus morales, saintes, [484] perfectionnent les vertus naturelles, et en les perfectionnant s'en affinent elles mesme, et agissent plus excellemment avec icelles que sans icelles.

  A005001521 

 Que si elles ne trouvent point de vertus naturelles en l'ame ou la charité les produit, elles suppleent a leur defaut; y ayant cette difference entre le meslange du vin et de l'eau et celuy des vertus infuses et acquises, que le vin seul est meilleur que l'eau, ou les vertus infuses estans seules, ne sont pas si bonnes comme quand elles sont meslees avec les acquises, la grace ne destruisant point la nature, ains la perfectionnant sans qu'elle perde rien de sa force.

  A005001527 

 Le peché n'abolit pas les bonnes œuvres, ains seulement les mortifie, empeschant leur vertu; mays la grace ne mortifie pas seulement le peché, elle l'abolit absolument.

  A005001527 

 Le peché ruine nostr'ame, et les actions bonnes que nous avons faites præcedemment sont par luy non exterminees mais mortifiees; elles ont encor leur estre, mais infructueux pour nous quant a la vie eternelle: que si la grace revient, qui est un œuvre de Dieu, non seulement elle vivifie nostre ame, mais toutes œuvres que le peché avoit mortifiees; et outre cela elle ne mortifie pas seulement la vie mortelle du peché, mais elle l'abolit entierement.

  A005001533 

 Il faut avouer que quand la charité non seulement se treuve en l'ame qui fait les actions des vertus, mays qu'elle mesme les ordonne, elle les rend incroyablement plus nobles, car la vertu alhors est comme un instrument que la charité employe.

  A005001535 

 Apres tout le discours de la force de la charité pour l'annoblissement des vertus, il faut mettre la methode d'employer la charité a cela, et il faut mettre les Meditations des offrandes, prises des Regles de la Visitation.

  A005001535 

 Cela soit pour les actions frequentes, ordinaires et qui ne peuvent estre preveiies, car celles qui peuvent estre preveiies il les faut dedier specialement et purifier l'intention, et si elles durent, renouveller souvent, de peur du change.

  A005001535 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du [486] matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000003 

 TOME VI. LES VRAYS ENTRETIENS SPIRITUELS.

  A006000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

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 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A006000013 

 Auquel est declarée l'obligation des Constitutions de la Visitation de Sainte Marie, et les qualités de la devotion que les Religieuses cludit Ordre doivent avoir.

  A006000015 

 Sur la fuite de Nostre Seigneur en Egypte, où il est traitté de la fermeté que nous devons avoir parmi les accidens du monde.

  A006000017 

 — Auquel on demande comme les Sœurs se doivent aymer d'un amour cordial, sans user neantmoins de familiarité indecente.

  A006000018 

 Demande II. Que c'est de faire toutes choses en esprit d'humilité, ainsi que les Constitutions l'ordonnent 32.

  A006000021 

 Auquel les proprietés des colombes sont appliquées a l'ame religieuse par forme de loix 44.

  A006000023 

 Auquel est traitté de la Modestie de la façon de recevoir les corrections et du moyen d'affermir tellement son esprit en Dieu que rien ne l'en puisse destourner.

  A006000029 

 Auquel on demande en quoy consiste la parfaite determination de regarder et suivre la volonté de Dieu en toutes choses, et si nous la pouvons trouver et suivre és volontés des Superieurs, égaux ou inferieurs, que nous voyons proceder de leurs inclinations naturelles ou habituelles; et de quelques poincts notables touchant les confesseurs et predicateurs. 99.

  A006000030 

 Touchant les aversions comme il faut recevoir les livres et de ce qu'il ne se faut point estonner de voir des imperfections aux personnes religieuses ni mesmes aux Superieurs.

  A006000032 

 Comment il faut recevoir les Sacremens et reciter le divin Office, avec quelques poincts touchant l'Oraison.

  A006000033 

 Sur les vertus de saint Joseph.

  A006000073 

 Nous confessons neantmoins (ce que tout le monde croira facilement d'un ouvrage qui est passé par des mains si indignes que les nostres) que quielque diligence et quelque soin que nous y ayons apporté, il ne nous a pas esté possible de faire ce recueil si exactement qu'il ne nous soit eschappé beaucoup de choses excellentes, et que celles que nous avons retenues n'ayent aussi perdu beaucoup de leur force et des advantages qu'elles avoyent en sortant d'une si digne et si venerable bouche.

  A006000073 

 Nous les recueillions sincerement, et redigions par escrit apres qu'il les avoit achevé de faire; et comme nous en avions alors la memoire toute fraiche, et que chacune de nos Sœurs en rapportoit une partie, nous taschions, en assemblant toutes les pieces, de les ajuster le mieux qu'il nous estoit possible pour en former un corps.

  A006000073 

 Que si bien ils ne sont pas elabourés à l'égal du reste de ses livres, si les discours n'en sont pas si bien tissus, s'il se rencontre quelque chose qui pourroit sembler a quelqu'un moins digne de son eminente doctrine et de la reputation que ses autres œuvres luy ont acquise, ce n'est pas de merveille, car jamais il ne les a veus ni leus; et vous sçavez que les enfans sevrés de la mammelle de leur mere avant le temps, ne se portent pas si bien que ceux qui en sont entierement nourris: tousjours il y a de la compassion aux enfans qui naissent apres le decés de leur pere..

  A006000073 

 Voyci les vrays Entretiens que nostre bien-heureux Pere nous a faits en divers temps et en diverses occasions.

  A006000074 

 Certes, ce bien-heureux Pere de nos ames n'eust oncques pensé que ses familiers Entretiens deussent avoir autre jour que celuy de nostre parloir, auquel, avec une incroyable naïfveté et familiarité, il respondoit à nos petites demandes: aussi n'estoit-ce pas nostre resolution de les communiquer au public, ains seulement en conserver les menus escrits pour la consolation particuliere de nos maisons, à l'usage desquelles ils estoient destinés.

  A006000074 

 Certes, nous voulons croire de nostre prochain, que ç'a esté un bon zele, plustost qu'aucune autre consideration, qui l'a induit à les mettre au jour: mais nous ne sçaurions luy estre si indulgentes que nous ne nous plaignions charitablement de luy, non de nous avoir osté ce qui sembloit estre nostre (car nous n'avons rien à nous, et les biens spirituels le sont encor moins que les autres parce qu'ils doivent estre plus communiqués), mais d'avoir soustrait ces Entretiens d'une telle sorte, que, les tirant avec peine, il a esté impossible qu'il ne les ayt mis en pieces et qu'il ne les ayt donnés par lambeaux comme il les avoit pris.

  A006000074 

 Et mesmes, que ce sont des copies recopiées plusieurs fois par des filles, lesquelles y ont adjousté quantité de petites choses, ramassées par cy par là, qui avoyent esté dites à des particulieres, mais non comme le Bienheureux les a dites, faute de memoire: en suite de quoy, celuy qui les a soustraits a esté contraint de substituer en la place de ce qui luy manquoit beaucoup de choses estrangeres, qu'il a adjoustées pour la liaison du discours, lesquelles ont apporté un si grand changement à l'ouvrage qu'à peine est-il recognoissable, ainsi qu'il sera aysé de remarquer par la conference des deux impressions..

  A006000075 

 Il a esté donc necessaire, nos tres-cheres Sœurs, de communiquer ces Entretiens premierement à ceux de qui nous dependons et de qui nous devons prendre conseil, et lesquels ont pris la peine de reparer les defauts qu'ils avoient contractés entre nos mains; puis de les mettre en lumiere et les donner au public en la forme qu'ils doivent estre, pour pouvoir veritablement porter le nom des Entretiens de nostre bien-heureux Pere.

  A006000075 

 Jouissons toutes ensemble de ces si utiles et agreables Entretiens; conservons-nous dans l'esprit de nostre Regle par leur frequente et attentive lecture, mais sur tout par la pratique fidele des saints enseignemens dont ils sont pleins: et à mesure qu'on les exprime extérieurement, imprimons-les profondement dans nos cœurs, à fin qu'ils n'en soient jamais effacés, et que nous ne soyons pas un jour obligées de rendre compte d'un si precieux talent, si nous ne l'avons fait profiter.

  A006000075 

 Neantmoins, ayant tousjours esté un des Salutaires conseils et desirs de nostre bien-heureux Pere, Instituteur et Fondateur, et qu'il nous a declaré dans l'un de ses Entretiens, que l'esprit de nos maisons fust communiqué au prochain, pour donc ne pas frustrer du fruict des saintes instructions que nous avons receuës, l'obeissance et la charité veut que nous en fassions part au public: elle ordonne aussi qu'ils nous soyent particulierement dediés, comme à celles à qui ils sont particulierement propres, puisque c'est à nous à qui nostre bien-heureux Pere les a faits.

  A006000075 

 Peut estre y trouverez-vous quelques choses qui sont si particulieres pour nos maisons, que vous jugerez n'estre pas à propos de les publier si librement, l'esprit du monde n'estant pas tousjours disposé à recevoir [3] les escrits de pieté avec la simplicité et la reverence qui leur est dette.

  A006000079 

 LES RELIGIEUSES.

  A006000093 

 Mais pourtant, si quelqu'une les violoit volontairement, à dessein, avec mespris, ou bien avec scandale tant des Sœurs que des estrangers, elle commettroit sans doute une grande offense; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonore les choses de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation, et dissipe les fruits de bon exemple et de bonne odeur qu'elle doit produire envers le prochain: si bien qu'un tel mespris volontaire seroit en fin suivi de quelque grand chastiment du Ciel, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés à ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis.

  A006000093 

 Or le mespris des Constitutions, comme aussi de toutes bonnes œuvres, se cognoist par les considerations suivantes.

  A006000096 

 Or, ceste desobeissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque peché, pour le moins veniel, non pas mesme és choses qui ne sont que conseillées: car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne peut pourtant les laisser par mespris et contemnement, sans offense; d'autant que tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par consequent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender..

  A006000098 

 Mais à fin que l'on puisse aucunement discerner quand une personne viole les Regles ou l'obeissance par mespris, en voicy quelques signes:.

  A006000102 

 Quand elle tasche de tirer les autres au mesme violement et leur oster la crainte d'iceluy, leur disant que ce n'est rien, qu'il n'y a point de danger..

  A006000103 

 Ces signes, pourtant, ne sont pas si certains que quelquefois ils n'arrivent pour d'autres causes que pour celle du mespris: car il peut arriver qu'une personne se mocque de celuy qui la reprend, pour le peu d'estime qu'elle fait de luy, et qu'elle persevere par infirmité, et qu'elle conteste par despit et colere, et qu'elle desbauche les autres pour avoir des compaignes et excuser son mal.

  A006000103 

 Neantmoins, il est aisé à juger par les circonstances, quand tout cela se fait par mespris; car, en fin, l'effronterie et manifeste libertinage suit ordinairement le mespris, et ceux qui l'ont au cœur en fin le poussent jusques à la bouche, et ils disent, comme David le remarque: Qui est nostre maistre?.

  A006000104 

 Si faut-il que j'adjouste un mot d'une tentation qui peut arriver sur ce poinct: c'est que quelquefois une [8] personne n'estime pas d'estre desobeissante et libertine quand elle ne mesprise qu'une ou deux regles, lesquelles luy semblent de peu d'importance, pourveu qu'elle observe toutes les autres.

  A006000105 

 De sorte que, qui veut vivre heureusement et parfaitement il faut qu'il s'accoustume à vivre selon la raison, les Regles et l'obeissance, et non selon ses inclinations ou aversions; et qu'il estime toutes les Regles, qu'il les honore et qu'il les cherisse, au moins par la volonté superieure: car s'il en mesprise une maintenant, demain il en mesprisera une autre, et l'autre jour encore une autre, et dés qu'une fois le lien du devoir est rompu, tout ce qui estoit lié, petit à petit s'esparpille et dissipe..

  A006000106 

 Ne plaise pas à Dieu que jamais aucune des Filles de la Visitation s'esgare si fort du chemin de l'amour de Dieu, qu'elle s'aille perdre dedans ce mespris des Regles, par desobeissance, dureté et obstination de cœur; car, que luy pourroit-il arriver de pis ni de plus malheureux? attendu mesme qu'il y a si peu de regles particulieres et propres de la Congregation; la pluspart et quasi toutes estant, ou bien des regles generales qu'il faudroit qu'elles observassent en leurs maisons du monde si elles vouloient vivre tant soit peu avec honneur, reputation et crainte de Dieu, [9] ou bien qui regardent la manifeste bienseance d'une maison devote ou les officieres en particulier..

  A006000107 

 Que si quelquefois il leur arrive quelque dégoust ou aversion des Constitutions et reglemens de la Congregation, elles se comporteront en mesme sorte qu'il se faut comporter envers les autres tentations, corrigeant l'aversion qu'elles ont par la raison, et par bonne et forte resolution de la partie superieure de l'ame, attendant que Dieu leur envoye de la consolation en leur chemin, et leur fasse voir (comme à Jacob, lors qu'il estoit las et recreu en son voyage) que les Regles et methode de vie qu'elles ont embrassées sont la vraye eschelle par laquelle elles doivent, à guise d'Anges, monter à Dieu par charité, et descendre en elles mesmes par humilité..

  A006000112 

 Il faut croire qu'à mesure que le divin amour fera progres és ames des Filles de la Congregation, il les rendra tousjours plus exactes et soigneuses à l'observation de leurs Constitutions, quoy que d'elles mesmes elles n'obligent point sous peine de peché mortel ni veniel; car si elles obligeoient sous peine de la mort, combien estroittement les observeroit-on? Or, l'amour est fort comme la mort; donques les attraits de l'amour sont aussi puissans à faire executer une resolution comme les menaces de la mort.

  A006000112 

 Le zele, dit le sacré Cantique, est dur et ferme comme l'enfer; les ames, donques, qui ont le zele, feront autant et plus en vertu d'iceluy, qu'elles ne feroient pour la crainte de l'enfer: si bien que les Filles de la Congregation, par la suave violence de l'amour, observeront autant exactement leurs Regles, Dieu aydant, que si elles y estoient obligées sous peine de damnation eternelle..

  A006000114 

 Que les Sœurs fassent profession particuliere de nourrir leurs cœurs en une devotion intime, forte et genereuse..

  A006000115 

 Les Filles de la Congregation ont fort peu de regles pour l'exterieur, peu d'austerités, peu de ceremonies, peu d'Offices: que donques elles y accommodent volontiers et amoureusement leurs cœurs, faisant naistre l'exterieur de l'interieur, et nourrissant l'interieur par l'exterieur; car ainsi le feu produit la cendre, et la cendre nourrit le feu..

  A006000116 

 à supporter les tentations, qui ne manquent jamais à ceux qui veulent tout de bon servir Dieu..

  A006000117 

 Forte à supporter la varieté des esprits qui se trouveront en la Congregation, qui est un essay aussi grand pour les esprits foibles qu'on en puisse rencontrer..

  A006000120 

 Forte à mespriser les paroles et jugemens du monde, qui ne manque jamais de contreroller les instituts pieux, sur tout au commencement..

  A006000124 

 Car encor que nous ne courions pas, il suffit que, Dieu aydant, nous courrons: ceste Congregation, non plus que les autres Religions, n'estant pas une assemblée de personnes parfaites, mais de personnes qui pretendent de se perfectionner; non de personnes courantes, mais de personnes qui pretendent courir, et lesquelles pour cela apprennent premierement à marcher le petit pas, puis à se haster, puis à cheminer à demi course, puis en fin à courir..

  A006000124 

 Il faut en fin qu'elle soit genereuse, pour ne point s'estonner des difficultés, ains au contraire aggrandir son courage par icelles; car, comme dit saint Bernard, celuy là n'est pas bien vaillant, auquel le cœur ne croist pas entre les peines et contradictions.

  A006000125 

 Et ainsi en toutes autres choses qui ne sont ni commandées ni defendues, qu'une chacune abonde en son sens: c'est à dire, qu'une chacune [15] jouïsse et use de sa liberté, sans juger ni contreroller les autres qui ne feront point comme elle, voulant faire trouver sa façon meilleure; puisque mesme il se peut faire qu'une personne mange avec tel renoncement de sa propre volonté qu'une autre jeuneroit, et qu'une personne ne die pas ses coulpes par le mesme renoncement par lequel l'autre les dira..

  A006000125 

 Que chacun abonde en son sens: celuy qui mange, mange en Nostre Seigneur, et celuy qui ne mange pas, ne mange pas en Nostre Seigneur; et tant l'un que l'autre rendent graces à Dieu. Les Raglas ne commandent pas beaucoup de jeunes, neantmoins il se pourra faire que quelques unes, pour des nacessités particuliares, obtiendront l'obedience d'en faire davantage: que celles qui jeuneront ne mesprisent point celles qui mangent, ni celles qui mangent celles qui jeuneront.

  A006000126 

 Elle ne veut donques pas tirer les autres à son train, ains suit simplement, humblement et tranquillement son chemin.

  A006000126 

 Mais aussi, celles qui ont telles inclinations et aversions se doivent bien garder de dire des paroles, ni donner aucune sorte de signe d'avoir à desgout que les autres fassent mieux, car elles feroient une grande impertinence: ains, considerant leur foiblesse, elles doivent regarder les mieux faisantes avec une [16] sainte, douce et cordiale reverence; car ainsi elles pourront tirer autant de proffit de leur imbecillité par l'humilité qui en naistra, que les autres en tirent par leurs exercices.

  A006000126 

 Que si mesme il arrivoit qu'une personne mangeast, non pas pour Dieu, mais par inclination, ou qu'elle ne fist pas la discipline, non pas pour Dieu, mais par naturelle aversion, encor faudroit-il que celles qui font les exercices contraires ne la jugeassent point; ains que, sans la censurer, elles suivissent leur chemin doucement et suavement, sans mespriser ni juger au prejudice des infirmes, se ressouvenant que si en ces occasions les unes secondent peut estre trop mollement leurs inclinations et aversions, en des autres occurrences les autres en font bien de mesme.

  A006000127 

 Bien heureux sont les cœurs pliables, car ils ne rompront jamais!.

  A006000127 

 Et pour conclusion, elles s'essayeront d'avoir un cœur souple et maniable, soubmis et aisé à condescendre en toutes choses loisibles, et à monstrer en toute entreprise l'obeissance et la charité, pour ressembler à la colombe qui reçoit toutes les lueurs que le soleil luy donne.

  A006000128 

 Advoüons franchement que les autres Congregations sont meilleures, plus riches et plus excellentes, mais non pas pourtant plus aymables ni desirables pour nous, puisque Nostre Seigneur a voulu que ce fust nostre patrie et nostre barque, et que nostre cœur fust marié à cest Institut; suivant le dire de celuy auquel quand on demanda quel estoit le plus agreable sejour et le meilleur aliment pour l'enfant: Le sein, dit-il, et le lait de sa mere; car bien qu'il y ait de plus beaux seins et de meilleurs laits, si est ce que pour luy il n'y en a point de plus propre ni de plus aymable.

  A006000128 

 Ainsi les femmes doivent preferer leurs maris à tout autre, non en honneur, mais en affection; ainsi chacun prefere son païs aux autres, en amour non en estime, et chaque nocher cherit plus le vaisseau dans lequel il vogue que les autres, quoy que plus riches et mieux fournis.

  A006000128 

 Les Filles de la Visitation parleront tousjours tres-humblement de leur petite Congregation, et prefereront toutes les autres à icelle quant à l'honneur et estime; et neantmoins la prefereront aussi à toute autre quant à l'amour, tesmoignant volontiers, quand il se presentera [17] l'occasion, combien agréablement elles vivent en ceste vocation.

  A006000132 

 Ce mot tant celebre entre les Anciens, « Cognois-toy toy-mesme, » encores qu'il s'entende de la cognoissance de la grandeur et excellence de l'ame, [19] pour ne la point avilir et prophaner en des choses indignes de sa noblesse, il s'entend aussi de la cognoissance de nostre indignité, imperfection et misere: d'autant que tant plus que nous nous cognoistrons miserables, tant plus nous nous confierons en la bonté et misericorde de Dieu; car, entre la misericorde et la misere, il y a une certaine liaison si grande, que l'une ne se peut exercer sans l'autre.

  A006000132 

 Or, je responds que non seulement l'ame qui a la cognoissance de sa misere peut avoir une grande confiance en Dieu, mais qu'elle ne peut avoir une vraye confiance qu'elle n'ayt la cognoissance de sa misere; car ceste cognoissance et confession de nostre misere nous introduit devant Dieu, Ainsi tous les grands Saints, comme Job, David et les autres, commençoient toutes leurs prieres par la confession de leur misere et indignité; de sorte que c'est une tres-bonne chose de se recognoistre pauvre, vil, abject, et indigne de comparoistre en la presence de Dieu.

  A006000132 

 Si Dieu n'eust point creé l'homme, il eust esté vrayement tout bon, mais il n'eust point esté actuellement misericordieux d'autant que la misericorde ne s'exerce qu'envers les miserables..

  A006000133 

 Il est bien bon de se deffier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa misericorde? Les fautes et les infidelités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons approcher de Nostre Seigneur: et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes ames, comme sainte Catherine de Sienne et la Mere Therese, qui lors qu'elles estoient tombées en quelque defaut, avoient de ces grandes confusions; [20] aussi est il bien raisonnable qu'ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avons offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder: mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu.

  A006000134 

 Et il est tousjours [21] en nostre pouvoir de faire de ces actes, et quoy que nous ayons de la difficulté, il n'y a pourtant pas de l'impossibilité; et c'est en ces occasions là et parmi ces difficultés, que nous devons tesmoigner de la fidelité à Nostre Seigneur; car bien que nous fassions ces actes sans goust et sans aucune satisfaction il ne s'en faut pas mettre en peine, puisque Nostre Seigneur les ayme mieux ainsi.

  A006000134 

 Et si bien vous ne sentez pas une telle confiance, si ne faut-il pas laisser d'en faire les actes, et dire à Nostre Seigneur: Encore, mon Seigneur, que je n'aye aucun sentiment de confiance en vous, je sçay pourtant que vous estes mon Dieu, que je suis toute vostre, et n'ay esperance qu'en vostre bonté; ainsi je m'abandonne toute entre vos mains.

  A006000137 

 De mesme, je ne sçay pas si l'année qui vient tous les fruits de la terre seront tempestés: s'il arrive qu'ils le soient, ou qu'il y ayt de la peste, ou autres tels evenemens, il est tout evident que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'y conforme.

  A006000137 

 Il arrivera que vous n'aurez pas de la consolation en vos exercices: il est certain que c'est le bon plaisir de Dieu, c'est pourquoy il faut demeurer avec une extreme indifference entre la desolation et la consolation; de mesme en faut-il faire en toutes les choses qui nous arrivent, és habits qui nous sont donnés, és viandes qui nous sont presentées.

  A006000137 

 Il y a beaucoup de gens qui disent à Nostre Seigneur: Je me donne tout à vous sans aucune reserve; mais il y en a fort peu qui embrassent la pratique de cest abandonnement, lequel n'est autre chose qu'une parfaite indifference à recevoir toute sorte d'evenemens, selon qu'ils arrivent par l'ordre de la providence de Dieu, aussi bien l'affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté comme les richesses, le mespris comme l'honneur et l'opprobre comme la gloire.

  A006000137 

 La volonté de Dieu signifiée comprend ses commandemens, ses conseils, ses inspirations, nos Regles et les ordonnances de nos Superieurs.

  A006000137 

 La volonté de son bon plaisir regarde les evenemens des choses que nous ne pouvons pas prevoir: comme, par exemple, je ne sçay pas si je mourray demain, je voy que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur.

  A006000138 

 Ainsi les Saints qui sont au Ciel ont une telle union avec la volonté de Dieu, que s'il y avoit un peu [25] plus de son bon plaisir en enfer ils quitteroient le Paradis pour y aller.

  A006000138 

 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir: comme si je tombe malade d'une grosse fievre, je voy en cest evenement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifference de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obeissance, j'appelle le medecin et que j'applique tous les remedes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Superieur, reçoivent les remedes et traittement qui leur sont presentés, en simplicité et soubmission; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu aux remedes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plusieurs endroits et l'Eglise l'ordonne.

  A006000138 

 Or cela fait, que la maladie surmonte le remede, ou le remede surmonte le mal, il en faut estre en parfaite indifference, en telle sorte que si la maladie et la santé estoient là devant nous et que Nostre Seigneur nous dist: Si tu choisis la santé je ne t'en osteray pas un grain de ma grace, si tu choisis la maladie je ne te l'augmenteray pas aussi de rien, mais au choix de la maladie il y a un peu plus de mon bon plaisir; alors l'ame qui s'est entierement delaissée et abandonnée entre les mains de Nostre Seigneur choisira sans doute la maladie, pour cela seulement qu'il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu; ouy mesme quand ce seroit pour demeurer toute sa vie dans un lict, sans faire autre chose que souffrir, elle ne voudroit pour rien du monde desirer un autre estat que celuy-là.

  A006000140 

 Nostre Seigneur ayme d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner ainsi totalement à son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence, sans s'amuser à considerer si les effets de ceste providence leur seront utiles, profitables, ou dommageables; estant tout asseurés que rien ne leur sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres-aymable, ni qu'il ne permettra que rien leur arrive [26] de quoy il ne leur fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit, mon ame, mon corps et tout ce que j'ay entre vos benites mains, pour en faire selon qu'il vous plaira.

  A006000140 

 Quelquefois Nostre Seigneur veut que les ames choisies pour le service de sa divine Majesté se nourrissent d'une resolution ferme et invariable de perseverer à le suivre parmi les desgousts, secheresses, repugnances et aspretés de la vie spirituelle, sans consolations, saveurs, tendretés et sans goust, et qu'elles croyent de n'estre dignes d'autre chose, suivant ainsi le divin Sauveur avec la fine pointe de l'esprit, sans autre appuy que celuy de sa divine volonté qui le veut ainsi.

  A006000141 

 Je n'entens pas pourtant de dire qu'il ne faille pas penser és choses ausquelles nous sommes obligés chacun selon, sa charge; car il ne faut pas qu'un Superieur, sous ombre de s'estre abandonné à Dieu et se reposer en son soin, neglige de lire et d'apprendre les enseignemens qui sont propres pour l'exercice de sa charge.

  A006000141 

 Or maintenant, vous me demandez à quoy se doit occuper interieurement ceste ame qui est toute abandonnée entre les mains de Dieu.

  A006000142 

 Ainsi ceste ame qui s'est delaissée n'a autre chose à faire qu'à demeurer entre les bras de Nostre Seigneur comme un enfant dans le sein de sa mere, lequel, quand elle le met en bas pour cheminer, il chemine jusques à tant que sa mere le reprenne, et quand elle le veut porter il luy laisse faire.

  A006000144 

 Vous voudriez aussi sçavoir si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec ceste simple attention à sa sainte presence en l'oraison Et je vous dis que si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quietudes et tranquillités à des ames qui ne sont pas bien purgées; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations necessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendroit tousjours fort recueillies, il leur reste encor assez de liberté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifferentes: pourquoy donc ne pourront-elles pas considerer et faire des resolutions pour leur amendement et pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites ausquelles Nostre Seigneur ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietudes, qui font tout avec la partie superieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison: et ceste mort icy est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus genereuse que l'autre, que l'on doit plustost appeller un endormissement qu'une mort; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaisseau sur [29] une mer tranquille ne laisse pas d'avancer.

  A006000145 

 Il faut qu'elle soit fondée sur l'infinie bonté de Dieu et sur les merites de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, avec ceste condition de nostre part, que nous ayons et cognoissions en nous une entiere et ferme resolution d'estre tout à Dieu, et de nous abandonner du tout et sans aucune reserve à sa providence.

  A006000150 

 Nous celebrons l'octave de la feste des saints Innocens, auquel jour la sainte Eglise nous fait lire l'Evangile qui traitte comme l' Ange du Seigneur dit au glorieux saint Joseph en songe, c'est à dire en dormant, qu'il prist l'Enfant et la Mere et qu'il s'enfuist en Egypte; d'autant qu'Herodes, jaloux de sa royauté, cherchoit Nostre Seigneur pour le mettre à mort, de crainte qu'il ne la luy ostast, et estant rempli de colere, dequoy les Roys Mages n'estoient point retournés par devers luy en Jerusalem, il commanda que l'on fist mourir tous les petits enfans au dessous de l'âge de deux ans, croyant que Nostre Seigneur s'y trouveroit, et par ce moyen il s'asseureroit de la possession de son royaume.

  A006000151 

 Ainsi Dieu a voulu diversifier les saisons, et que l'esté fust suivi de l'automne et l'hiver suivi du printemps, pour nous monstrer que rien n'est permanent en ceste vie, que les choses temporelles sont perpetuellement muables, inconstantes et sujettes au changement: et le defaut de la cognoissance de ceste verité est, comme j'ay dit, ce qui nous rend muables et changeans en nos humeurs; d'autant que nous ne nous servons pas de la raison que Dieu nous a donnée, laquelle raison nous rend immuables, fermes et solides, et partant semblables à Dieu..

  A006000151 

 Mais en ceste vie perissable, jamais le bien ne se trouve sans la suite du mal, les richesses sans inquietudes, le repos sans travail, la consolation sans l'affliction, la santé sans la maladie.

  A006000152 

 La raison est ce qui nous rend superieurs et maistres de tous les animaux.

  A006000152 

 Lors que Dieu eut creé nos premiers parens, il leur donna une entiere domination sur les poissons de la mer et sur les animaux de la terre, et par consequent leur donna la cognoissance de chacune espece, et les moyens de les dominer et s'en rendre le maistre et seigneur.

  A006000152 

 Quand Dieu dit: Faisons l'homme à nostre semblance, il [lui] donna quant et quant la raison et l'usage d'icelle pour discourir, considerer et discerner le bien d'avec le mal, et les choses qui meritent d'estre esleuës ou rejettées.

  A006000152 

 Que s'il rencontre la pauvreté il ne s'en afflige pas, car il sçait bien que les richesses ne sont point en ceste vie sans la pauvreté; s'il est mesprisé, il sçait bien que l'honneur icy bas n'a point de permanence, ains est ordinairement suivi du deshonneur ou du mespris.

  A006000153 

 Mais il ne faut pas seulement considerer ceste varieté, changement, mutation et instabilité és choses transitoires et materielles de ceste vie mortelle; nullement, ains il les faut considerer encor estre aussi dans le succes de nostre vie spirituelle, où la fermeté et constance est d'autant plus necessaire, que la vie spirituelle est relevée au dessus de la vie mortelle et corporelle.

  A006000154 

 Et non seulement ils sont bijarres et inconstans en cela, mais ils le sont mesme en leur conversation: ils veulent que l'on s'accommode à leurs humeurs, et ne se veulent point accommoder à celles des autres; ils se laissent emporter à leurs inclinations et particulieres affections et passions, sans que pourtant cela soit estimé vicieux parmi les mondains, et pourveu qu'ils n'incommodent pas beaucoup l'esprit du prochain, on ne les tient pas [35] pour bijarres et inconstans.

  A006000154 

 Et pourquoy cela? non pour autre chose, sinon d'autant que c'est un mal ordinaire parmi les mondains.

  A006000154 

 Mais en la Religion on ne peut pas tant se laisser emporter à ses passions; car pour les choses exterieures, les Regles y sont pour nous tenir reglés au prier, au manger et dormir et ainsy des autres exercices, tousjours à mesme heure, quand l'obeissance ou la cloche nous le signifie; et puis, nous n'avons tousjours qu'une mesme conversation, car nous ne pouvons pas nous separer..

  A006000158 

 Tous les anciens Peres des Religions ont visé particulierement à faire que ceste egalité et stabilité d'humeurs et d'esprit regnast dans leurs monasteres; pour cela ils ont establi les Statuts, Constitutions et Regles, à fin que les Religieux s'en servissent comme d'un pont pour passer de la continuelle egalité des exercices qui y sont marqués, et auxquels ils se sont assubjettis, à ceste tant aymable et desirable egalité d'esprit, parmi l'inconstance et inegalité des accidens qui se rencontrent tant au chemin de nostre vie mortelle que de nostre vie spirituelle..

  A006000160 

 Et ne sçavez-vous pas que les Egyptiens sont ennemis des Israëlites? qui nous recevra? Et semblables choses, que nous eussions bien alleguées à l'Ange si nous eussions esté en la place de saint Joseph; lequel ne dit pas un mot pour s'excuser de faire l'obeissance, ains il partit à la mesme heure, et fit tout ce que l'Ange luy avoit commandé..

  A006000160 

 Lors que Nostre Dame produit son Fils, les Anges annoncent sa naissance, les pasteurs et les Roys Mages le viennent adorer: je vous laisse à penser quelle jubilation et quelle consolation d'esprit n'eurent-ils pas parmi tout cela! Mais attendez, car ce n'est pas tout.

  A006000160 

 O que ce fut sans doute un sujet de douleur tres-grand à Nostre Dame et à saint Joseph! O que l'Ange traitte bien saint Joseph en vray Religieux! Prens l'Enfant, dit-il, et la M ere, et fuis en Egypte, et y demeure jusques à ce que je te le die. Qu'est-ce que cecy? Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas peu dire: Vous me dites que j'aille, ne sera-t'il pas assez à temps de partir demain au matin? où voulez-vous que j'aille de nuict? Mon equipage n'est pas dressé; comment voulez-vous que je porte l'Enfant? auray-je les bras assez forts pour le porter continuellement en un si long voyage? Quoy? entendez-vous que la Mere le porte à son tour? helas! ne voyez-vous pas bien que c'est une jeune fille, qui est encore si tendre? Je n'ay ni cheval ni argent pour faire le voyage.

  A006000161 

 Pourquoy non à ceste heure, qu'il nous inspire et nous pousse? C'est que nous sommes si tendres sur nous-mesmes que nous craignons tout ce qui semble nous oster de nostre repos, qui n'est autre chose que nostre tardiveté et faineantise, desquelles nous ne voulons point estre retirés par la sollicitation d'aucuns objects qui nous attirent à sortir de nous-mesmes; et nous disons quasi comme le paresseux, lequel se plaignant dequoy on le vouloit faire sortir de sa maison: Comment sortiray-je? dit-il, car il y a un lion sur le grand chemin, et les ours sont sur les advenues, qui sans doute me devoreront.

  A006000164 

 Car l'homme est un abregé du monde, ou, pour mieux dire, un petit monde, auquel se rencontre tout ce que l'on void au grand monde universel: les passions representent les bestes et les animaux qui sont sans raison; les sens, les inclinations, les affections, les puissances, les facultés de nostre ame, tout cela a sa signification particuliere; mais je ne me veux pas arrester à cela, ains je veux suivre mon discours commencé..

  A006000164 

 Pour expliquer cecy familierement: l'on changea d'offices et d'aydes ces jours passés; que signifient ces aydes que l'on vous donne? pourquoy vous les [41] donne-t'on? Saint Gregoire dit que nous devons faire en ce miserable monde ce que font ceux qui cheminent sur la glace, pour nous tenir fermes et solides à l'entreprise que nous faisons de nous sauver ou de nous perfectionner; car il dit qu'ils se prennent par la main ou par dessous les bras, à fin que si quelqu'un d'entre eux glisse, il puisse estre retenu par l'autre, et puis que l'autre puisse estre retenu par luy quand il sera esbranlé pour tomber à son tour.

  A006000165 

 Donc, les aydes que l'on nous donne sont pour nous ayder à nous tenir fermes en nostre chemin, à fin de nous empescher de tomber, ou si nous tombons, qu'elles nous aydent à nous relever.

  A006000165 

 O Dieu, avec quelle franchise, cordialité, sincerité, simplicité et fidelle confiance ne devons-nous pas traitter avec ces aydes qui nous sont données de la part de Dieu pour nostre avancement spirituel! Non certes autrement que comme avec nos bons Anges: nous les devons regarder tout de mesme, car nos bons Anges sont appellés nos Anges gardiens parce qu'ils sont chargés de nous assister de leurs inspirations, de nous defendre en nos perils, de nous reprendre en nos defauts, de nous exciter en la poursuite de la [42] vertu; ils sont chargés de porter nos prieres devant le throsne de la majesté, bonté et misericorde de Nostre Seigneur, et de nous rapporter l'interinement de nos requestes; et les graces que Dieu nous veut faire, il nous les fait par l'entremise ou intercession de nos bons Anges.

  A006000166 

 Nostre Seigneur ne voulut rien entreprendre sur la charge de saint Gabriel, lequel ayant esté commis de la part du Pere eternel pour annoncer le mystere de l'Incarnation à la glorieuse Vierge, fut dés lors comme econome general de la maison et famille de Nostre Seigneur, pour en avoir soin dans les succes et accidens divers qui s'y devoient rencontrer, et empescher que rien ne survinst qui peust abreger la vie mortelle de nostre petit Enfant nouveau né: c'est pourquoy il advertit saint Joseph de l'emporter promptement en Egypte pour eviter la tyrannie d'Herodes, qui faisoit dessein de le faire mourir.

  A006000167 

 Estoit-il plus qualifié, et doué de quelque grace speciale ou particuliere? Cela ne se peut, veu que Nostre Seigneur est Dieu et homme tout ensemble, et que Nostre Dame, estant sa Mere, a par consequent plus de grace et de perfection que tous les Anges ensemble: neantmoins l'Ange commande, et il est obei.

  A006000167 

 Et maintenant nous autres, serons-nous si osés de dire que nous nous gouvernerons bien nous mesmes, comme n'ayans plus besoin de direction ni de l'ayde de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire, ne les estimant assez capables pour nous? Dites-moy, l'Ange estoit-il plus que Nostre Seigneur ou Nostre Dame? avoit-il meilleur esprit et plus de jugement? Nullement.

  A006000167 

 Il n'y a point de doute qu'il en estoit de mesme qu'en celle des [44] esperviers, où les femelles sont maistresses et valent mieux que les masles.

  A006000168 

 Grand cas de l'esprit humain, qui ne veut point se rendre capable d'adorer les secrets mysteres de Dieu et sa tres-sainte volonté, s'il n'a quelque sorte de cognoissance pourquoy cecy ou cela! J'ay meilleur esprit, dit-on de soy, plus d'experience, et semblables belles raisons qui ne sont propres qu'à produire des inquietudes, des humeurs bijarres, des murmures.

  A006000168 

 Ne voyez-vous pas que Dieu prend plaisir de traitter ainsi avec les hommes, pour leur apprendre la tres-sainte et tres-amoureuse sousmission? Saint Pierre estoit un vieil homme, rude et grossier, et saint Jean, au contraire, estoit jeune, doux, agreable; et neantmoins Dieu veut que saint Pierre conduise les autres et soit le Supérieur universel, et que saint Jean soit [45] l'un de ceux qui sont conduits et qui luy obeissent.

  A006000170 

 Car l'Ange dit simplement: Prens l'Enfant et la Mere, et t'enfuis en Egypte; sans luy dire ni par quel chemin, ni quelles provisions ils auront pour passer leur chemin, ni en quelle part de l'Egypte, ni moins qui les recevra, ni de quoy ils se nourriront y estans.

  A006000171 

 Certes, tous les anciens Religieux ont esté admirables en ceste confiance qu'ils ont eue, que Dieu leur pourvoiroit tous jours de ce qu'ils auroyent besoin pour l'entretien de leur vie, laissant tout le soin d'eux-mesmes à la divine Providence..

  A006000171 

 Saint Joseph n'eust-il pas peu dire à l'Ange: Vous me dites que je meine l'Enfant et la Mere; dites-moy donc, s'il vous plaist, de quoy les nourriray-je en chemin? car vous sçavez bien, mon seigneur, que nous n'avons point d'argent.

  A006000172 

 Mais je considere qu'il n'est pas seulement requis de nous reposer en la divine Providence pour ce qui regarde les choses temporelles, ains beaucoup plus pour ce qui appartient à nostre vie spirituelle et à nostre perfection.

  A006000173 

 Se peut-il imaginer une affliction plus extreme que celle que saint Joseph ressentit lors qu'il s'apperceut que la glorieuse Vierge estoit enceinte, sçachant bien que ce n'estoit pas de son fait? Son affliction et sa detresse estoit d'autant plus grande que la passion de l'amour est plus vehemente que les autres passions de l'ame; et de plus, en l'amour, la jalousie est l'extremité de la peine, ainsi que le declare l'Espouse au Cantique des Cantiques: L'amour, dit-elle, est fort comme la mort, car l'amour fait les mesmes effets en l'ame qu'au corps la mort; mais la jalousie est dure comme l'enfer.

  A006000175 

 Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous fasse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fidellement tousjours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Regles et Directoires qui nous sont donnés; et quant au reste, que nous nous en reposions en son soin paternel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix, et au cœur paisible et bien reposé.

  A006000175 

 Vous sçavez que quand le lac est bien calme et que les vents n'agitent point ses eaux, le ciel, en une nuict bien sereine, y est si bien representé avec les estoiles, que regardant en bas l'on void aussi bien la beauté du ciel que si on la regardoit en haut: de mesme, quand nostre ame est bien accoisée, et que les vents du soin superflu, inegalité d'esprit et inconstance ne la troublent et inquietent point, elle est fort capable de porter en elle l'image de Nostre Seigneur.

  A006000177 

 Ne pouvoit-il pas bien dire: Vous me faites emporter l'Enfant; vous nous faites fuir un ennemy, et vous nous allez mettre entre les mains de mille et mille autres que nous trouverons en Egypte, d'autant que nous sommes d'Israël.

  A006000184 

 Ainsi la pluspart des amitiés que font les hommes n'ayant pas une bonne fin, et ne se conduisant pas par la raison, ne meritent aucunement le nom d'amitié..

  A006000184 

 Ainsi les bestes ont de l'amour, mais ne peuvent [54] avoir de l'amitié, puisqu'elles sont irraisonnables: elles ont de l'amour entre elles, à cause de quelque correspondance naturelle; voire mesme elles ont de l'amour pour l'homme, ainsi que l'experience le fait voir tous les jours, et divers autheurs en ont escrit des choses admirables: comme ce qu'ils disent de ce dauphin, lequel aymoit si esperduement un jeune enfant qu'il avoit veu par plusieurs fois sur le bord de la mer, que cest enfant estant mort, le dauphin mourut luy-mesme de desplaysir.

  A006000184 

 Mais cela ne se doit pas appeller amitié, d'autant qu'il faut que la correspondance de l'amitié se trouve entre les deux qui s'ayment, et que ceste amitié se contracte par l'entremise de la raison.

  A006000184 

 Pour satisfaire à vostre demande, et faire bien entendre en quoy consiste l'amour cordial duquel les Sœurs se doivent aymer les unes les autres, il faut sçavoir que la cordialité n'est autre chose que l'essence de la vraye et sincere amitié, laquelle ne peut estre qu'entre personnes raisonnables, et qui fomentent et nourrissent leurs amitiés par l'entremise de la raison; car autrement ce ne peut estre amitié, ains seulement amour.

  A006000185 

 Aussi ces amitiés que les mondains contractent par ensemble, ou pour quelque interest particulier ou pour quelque sujet frivole, sont des amitiés grandement sujettes à perir et à se dissoudre; mais celle qui est entre les freres est tout au contraire, car elle est sans artifice, et partant fort recommandable.

  A006000185 

 C'est pourquoy les anciens Chrestiens de la primitive Eglise s'appelloient tous freres; et ceste premiere ferveur s'estant refroidie entre le commun des Chrestiens, l'on a institué les Religions, dans lesquelles on a ordonné que les Religieux s'appelleroient tous freres et sœurs, pour marque de la sincere et vraye amitié cordiale qu'ils se portent ou qu'ils se doivent porter, et comme il n'y a point d'amitié comparable à celle des freres, toutes les autres amitiés estant ou inegales ou faites avec artifice (comme celles que les personnes mariées ont par ensemble, lesquelles ils ont faites par des contracts escrits et prononcés par des notaires, ou bien par des promesses simples).

  A006000185 

 Cela donc estant ainsi, je dis que c'est pour ce sujet que les Religieux s'appellent freres, et partant ont un amour qui merite veritablement le nom d'amitié non commune, ains d'amitié cordiale, c'est à dire d'une amitié qui a son fondement dans le cœur..

  A006000185 

 Il faut de plus, outre l'entremise de la raison, qu'il y ayt une certaine correspondance, ou de vocation ou de pretention ou de qualité, entre ceux qui contractent de l'amitié: ce que l'experience nous enseigne clairement, car n'est-il pas vray qu'il n'y a point de plus vraye amitié ni de plus forte que celle qui est entre les freres? L'on n'appelle pas l'amour que les peres portent à leurs enfans amitié, ni celuy que les enfans ont pour leurs peres, parce qu'il n'y a pas ceste correspondance dont [55] nous parlons, ains sont differens: l'amour des peres estant un amour majestueux et plein d'authorité, et celuy des enfans pour leurs peres, un amour de respect et de sousmission; mais entre les freres, à cause de la ressemblance de leur condition, la correspondance de leur amour fait une amitié ferme, forte et solide.

  A006000186 

 Ce qui est dit de Dieu se doit aussi entendre de l'amour du prochain, pourveu toutesfois que l'amour de Dieu surnage tousjours au dessus et tienne le premier rang: mais apres, nous devons aymer nos Sœurs de toute l'estendue de nostre cœur, et ne nous contenter pas de les aymer comme nous-mesme, ainsi que les commandemens de Dieu nous obligent; mais nous les devons aymer plus que nous-mesme, pour observer les regles de la perfection evangelique, qui requiert cela de nous.

  A006000186 

 Et tout ainsi qu'il a fait tout ce qui se pouvoit pour nous, excepté de se damner (car il ne le pouvoit ni devoit faire, parce qu'il ne pouvoit pecher, qui est cela seul qui nous conduit à la damnation), il veut, et la regle de la perfection le requiert, que nous fassions tout ce que nous pouvons les uns pour les autres, excepté de nous damner; mais hors de là, nostre amitié doit estre si ferme, cordiale et solide, que nous ne [57] refusions jamais de faire ou de souffrir quoy que ce soit pour nostre prochain et pour nos Sœurs..

  A006000186 

 Et tout ainsi que Nostre Seigneur nous a tousjours preferés à luy-mesme, et le fait encor autant de fois que nous le recevons au tres-saint Sacrement, se faisant nostre viande, de mesme veut-il que nous ayons un amour tel les uns pour les autres, que nous preferions tousjours le prochain à nous.

  A006000186 

 Il faut donques que nous sçachions que l'amour a son siege dans le cœur, et que jamais nous ne pouvons [56] trop aymer nostre prochain ni exceder les termes de la raison en cest amour, pourveu qu'il reside dans le cœur; mais quant aux tesmoignages de cest amour nous pouvons bien faillir et exceder, passant outre les regles de la raison.

  A006000186 

 Nostre Seigneur a dit cela luy-mesme: Aymez-vous les uns les autres ainsi que je vous ay aymés.

  A006000187 

 Il ne faudroit pas aussi si frequemment user de caresses, et à tout propos dire des paroles emmiellées, les jettant à belles poignées sur les premieres qu'on rencontre; car tout ainsi que si l'on mettoit trop de sucre sur une [58] viande elle tourneroit à dégoust, à cause qu'elle seroit trop douce et trop fade, de mesme les caresses trop frequentes seroyent rendues dégoustantes et l'on ne s'en soucieroit plus, sçachant que cela se fait par coustume.

  A006000187 

 L'affabilité est celle qui respand une certaine suavité dans les affaires et communications serieuses que nous avons les uns parmi les autres; la bonne conversation est celle qui nous rend gratieux et agreables dans les recreations et communications moins serieuses que nous avons avec nostre prochain.

  A006000187 

 Les viandes sur lesquelles on mettroit du sel à grosses poignées seroyent desagreables à cause de leur acrimonie; mais celles où le sel et le sucre sont mis par mesure sont rendues agreables au goust: de mesme, les caresses qui sont faites par mesure et discretion sont rendues agreables et profitables à celles à qui on les fait..

  A006000187 

 Or, la vertu d'affabilité se tient entre le trop et le trop peu, faisant des caresses selon la necessité de ceux avec lesquels on traitte, conservant neantmoins une gravité suave, selon que les personnes et les affaires desquelles on traitte le requierent.

  A006000187 

 Toutes les vertus, ainsi que vous sçavez, ont deux vices contraires, qui sont les extremités de la vertu; la vertu donc d'affabilité est au milieu de deux vices: de la gravité ou trop grande seriosité, et d'une trop grande mollesse à caresser et dire des paroles frequentes qui tendent à la flatterie.

  A006000188 

 C'est bien la verité, que nous devons tous avoir ceste pretention d'atteindre et donner droit dans le blanc de la vertu, laquelle nous devons desirer ardemment: [59] mais pourtant nous ne devons pas perdre courage quand nous ne rencontrons pas droittement l'essence de la vertu, ni nous estonner, pourveu que nous donnions dans le rond, c'est à dire au plus pres que nous pourrons; car c'est une chose que les Saints mesmes n'ont pas sceu faire en toutes les vertus, n'y ayant que Nostre Seigneur et Nostre Dame qui l'ayent peu faire.

  A006000188 

 Il faut pourtant tascher de rendre autant que nous pourrons les tesmoignages exterieurs de nostre affection conformément à la rayson; rire avec les rians, pleurer avec ceux qui pleurent..

  A006000188 

 Les Saints les ont pratiquées avec une difference tres-grande.

  A006000189 

 Ainsi, mes cheres filles, il faut tesmoigner que nous aymons nos Sœurs et que nous nous plaisons avec elles, pourveu que la sainteté accompagne tousjours les tesmoignages que nous leur rendons de nostre affection, et que Dieu n'en puisse pas, non seulement estre offensé, mais qu'il en puisse estre glorifié et loué.

  A006000189 

 C'estoit la coustume d'user des baisers quand les Chrestiens se rencontroyent; Nostre Seigneur usoit aussi envers ses Apostres de ceste forme de salutation, ainsi que nous apprenons en la trahison de Judas.

  A006000189 

 Les saints Religieux d'autrefois, lors qu'ils se rencontroyent, disoyent: Deo gratias, pour preuve du grand contentement qu'ils recevoyent en se voyans l'un l'autre, comme s'ils eussent dit ou voulu dire: Je rends graces à Dieu, mon cher frere, de la consolation qu'il me donne de vous voir.

  A006000190 

 Je dis à cela, que bien que nous soyons obligés d'aymer davantage ceux qui sont plus vertueux, de l'amour de complaisance, nous ne les devons pas pourtant plus aymer de l'amour de bienveuillance, et ne leur devons pas tesmoigner plus de signes d'amitié; et cela pour deux raisons.

  A006000190 

 La premiere est que Nostre Seigneur ne l'a pas fait, ains il semble qu'il ayt plus monstré d'affection aux imparfaits qu'aux parfaits, puisqu'il a dit qu'il n'estoit pas venu pour les justes, ains pour les pecheurs.

  A006000190 

 Mais hors de là, il faut tascher de faire que nous aymions tous esgalement, puisque Nostre Seigneur n'a pas dit: Aymez ceux qui sont plus vertueux, ains indifferemment: Aymez-vous les uns les autres ainsi que je vous ay aymés, sans en exclure aucun, pour imparfait qu'il soit..

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000191 

 Saint Pierre fut choisi pour estre le chef des Apostres, quoy qu'il fust sujet à beaucoup d'imperfections, en sorte qu'il en commettoit mesme apres qu'il eut receu le Saint Esprit; mais parce que nonobstant ces defauts, il avoit tous jours un grand courage et ne s'en estonnoit point, Nostre Seigneur le rendit son lieutenant et le favorisa par dessus tous les autres, de sorte que nul n'eust eu raison de dire qu'il ne meritoit pas d'estre precipué et avantagé par dessus saint Jean ou les autres Apostres..

  A006000192 

 Et toutes doivent sçavoir que nous les aymons de cest amour du cœur; et partant il n'est pas besoin d'user de tant de paroles, que nous les aymons cherement, que nous avons une certaine inclination à les aymer particulierement, [63] et autres semblables; car pour avoir une inclination pour une plus que pour les autres, l'amour que nous luy portons n'en est pas plus parfait, ains peut estre, plus sujet à changement à la moindre petite chose qu'elle nous fera.

  A006000192 

 Il faut donc nous tenir en l'affection que nous devons avoir pour nos Sœurs le plus esgalement que nous pourrons, pour les raisons susdites.

  A006000193 

 C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions.

  A006000193 

 Car quand nous nous employons nous-mesmes, et par le choix de nostre propre volonté ou propre election, cela donne tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer es choses que l'on veut, et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation: comme quand nous voudrions prescher, on nous envoye servir les malades; quand nous voudrions prier pour le prochain, on nous envoye servir le prochain.

  A006000194 

 Aymons-nous donc bien les uns les autres, et nous servons pour cela de ce motif qui est si preignant pour nous exciter à ceste sainte dilection, que Nostre Seigneur sur la croix respandit jusques à la derniere goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré duquel il vouloit cimenter, unir, conjoindre et attacher toutes les pierres de son Eglise, qui sont les fidelles, les uns avec les autres, à fin que ceste union fust tellement forte qu'il ne s'y trouvast jamais aucune division, tant il craignoit que ceste division ne causast la damnation eternelle..

  A006000195 

 Le support des imperfections du prochain est un des principaux points de cest amour: Nostre Seigneur nous l'a monstré sur la croix, lequel avoit un cœur si doux envers nous et nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui luy causoyent la mort, et qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire, car le peché que les Juifs commirent fut un monstre de meschanceté.

  A006000196 

 Je ne dis pas que si on avoit quelque don extraordinaire de Dieu il faille le dire à tout le monde, non; mais quant à nos petites consolations et nos petits biens, [66] je voudrois que l'on ne fist pas les reservées, ains que, quand l'occasion s'en presenteroit, non par forme de jactance ou vanterie, ains de simple confiance, l'on se les communiquast rondement et naïfvement les unes aux autres; et pour ce qui regarde nos defauts, que nous ne nous missions pas en peine de les couvrir; car pour ne les laisser pas voir au dehors ils n'en sont pas meilleurs.

  A006000196 

 Les Sœurs ne croiront pas pour cela que vous n'en ayez point, et vos imperfections seront peut estre plus dangereuses que si elles estoyent descouvertes et qu'elles vous causassent de la confusion, ainsi qu'elles font à celles qui sont plus faciles à les laisser paroistre à l'exterieur.

  A006000196 

 Les enfans quand ils ont quelque belle plume ou quelque autre chose qu'ils estiment jolie, ils ne sont pas en repos qu'ils n'ayent rencontré tous leurs petits compagnons pour leur monstrer leur plume et faire qu'ils ayent part à leur joye; comme aussi ils veulent qu'ils ayent part à leur douleur, car dés lors qu'ils ont un peu de mal au bout du doigt ils ne cessent de le dire à tous ceux qu'ils rencontrent, à fin que l'on les plaigne et qu'on souffle un peu sur leur mal.

  A006000196 

 Or je ne dis pas qu'il faille estre tout à fait comme ces enfans; mais je dis que ceste confiance doit faire que les Sœurs ne soyent pas chiches de communiquer leurs petits biens et petites consolations à leurs Sœurs, ne craignant pas aussi que leurs imperfections soyent remarquées par elles.

  A006000201 

 Dites-vous, ma fille, si vous devez rire au chœur et au refectoire, quand, sur quelque rencontre inopinée, les autres rient? Je vous dis que dans le chœur il ne faut nullement contribuer à la joye des autres; ce n'en est pas le lieu, et ce defaut doit estre vivement corrigé.

  A006000203 

 Ce que j'ay dit que nous devons rendre nostre amour si esgal envers les Sœurs, que nous en ayons autant pour les unes que pour les autres, cela veut dire autant que nous le pouvons; car il n'est pas en nostre pouvoir d'avoir autant de suavité en l'amour que nous avons pour celles à qui nous avons moins d'alliance et correspondance d'humeur, qu'avec les autres, avec lesquelles nous avons de la sympathie.

  A006000203 

 Mais cela n'est rien; l'amour de charité doit estre general, et les signes et [68] tesmoignages de nostre amitié esgaux, si nous voulons estre vrayes servantes de Dieu..

  A006000206 

 Mais quant à la recreation, il ne faut point croire que ce soient paroles inutiles que les petites choses indifferentes [69] que l'on y dit, d'autant que c'est à une fin tres-sainte et tres-utile; les Sœurs ont besoin de se recreer, et sur tout il faut bien faire faire la recreation aux Novices.

  A006000207 

 Les propos saintement joyeux sont ceux où il n'y a point de mal, qui ne taxent point le prochain d'imperfections, car c'est un defaut qu'il ne faut jamais faire, ni parler de choses messeantes et inconvenantes, comme aussi s'affectionner à parler long temps du monde et des choses vaines.

  A006000211 

 Pour mieux entendre cecy il faut sçavoir que comme il y a difference entre l'orgueil, la coustume de l'orgueil, et l'esprit de l'orgueil (car si vous faites un acte d'orgueil, voila l'orgueil; si vous en faites des actes à tout propos et à toute rencontre, c'est la coustume de l'orgueil; si vous vous plaisez en ces actes et les recherchez, c'est l'esprit d'orgueil), de mesme, il y a difference entre l'humilité, l'habitude de l'humilité, et l'esprit d'humilité.

  A006000212 

 C'est une bonne pratique d'humilité de ne regarder [71] les actions d'autruy que pour en remarquer les vertus et non jamais les imperfections; car tandis que nous n'en avons point de charge il ne faut point tourner nos yeux de ce costé là, ni moins nostre consideration.

  A006000212 

 Il faut tousjours interpreter en la meilleure part qu'il se peut ce que nous voyons faire à nostre prochain; et és choses douteuses, il nous faut persuader que ce que nous avons apperceu n'est point mal, ains que c'est nostre imperfection qui nous cause telle pensée, à fin d'eviter les jugemens temeraires sur les actions d'autruy, qui est un mal tres dangereux et lequel nous devons souverainement detester.

  A006000213 

 Mais que pourrons-nous faire, dites-vous, pour acquerir cet esprit d'humilité tel que nous avons dit? O! il n'y a point d'autre moyen pour l'acquerir que pour toutes les autres vertus, qui ne s'acquierent que par des actes reiterés..

  A006000214 

 L'humilité nous fait aneantir en toutes les choses qui ne sont pas necessaires pour nostre advancement en la grace, comme seroit de bien parler, avoir un beau maintien, de grands talents pour le maniement des choses exterieures, un grand esprit, de l'eloquence, et semblables; car en ces choses exterieures il faut desirer que les autres y fassent mieux que nous.

  A006000219 

 Ce que pour mieux entendre, il faut sçavoir qu'il y a en nous deux sortes de biens: les uns qui sont en nous et de nous, et les autres qui sont en nous, mais non pas de nous.

  A006000219 

 Et qu'il ne soit ainsi, y a-t'il rien de moins asseuré que les richesses, qui dependent du temps et des saisons? que la beauté, qui se ternit en moins de rien? il ne faut qu'une dertre sur le visage pour en oster l'esclat; et pour ce qui est des sciences, un petit trouble de cerveau nous fait perdre et oublier tout ce que nous en sçavions.

  A006000219 

 Quand je dis que nous avons des biens qui sont de nous, je ne veux pas dire qu'ils ne viennent de Dieu et que nous les ayons de nous-mesmes; car en verité, de nous-mesmes nous n'avons autre chose que la misere et le neant: mais je veux dire que ce sont des biens que Dieu a tellement mis en nous qu'ils semblent estre de nous; et ces biens sont la santé, les richesses, [74] les sciences, et autres semblables.

  A006000220 

 Il y a des personnes qui s'amusent à une fausse et niaise humilité qui les empesche de regarder en eux ce que Dieu y a mis de bon.

  A006000220 

 Ils ont tres-grand tort; car les biens que Dieu a mis en nous veulent estre recognus, estimés et grandement honnorés, et non pas tenus au mesme rang de la basse estime que nous devons faire de ceux qui sont en nous et qui sont de nous.

  A006000220 

 Non seulement les vrays Chrestiens ont recognu qu'il falloit regarder ces deux sortes de biens qui sont en nous, les uns pour nous humilier, les autres pour glorifier la divine Bonté qui les nous a donnés, mais aussi les philosophes; car ceste parole qu'ils disent: « Cognois toy-mesme, » se doit entendre non seulement de la cognoissance de nostre vileté et misere, mais encor de celle de l'excellence et dignité de nos ames, lesquelles sont capables d'estre unies à la Divinité par sa divine Bonté, qui a mis en nous un certain instinct lequel nous fait tousjours tendre et pretendre à ceste union en laquelle consiste tout nostre bonheur..

  A006000222 

 La tres sainte Vierge Nostre Dame nous fournit à ce sujet un exemple tres-remarquable lors qu'elle prononça ces mots: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car en ce qu'elle dit qu'elle est servante du Seigneur, elle fait un acte d'humilité le plus grand qui se peut faire, d'autant qu'elle oppose aux louanges que l'Ange luy donne, qu'elle sera Mere de Dieu, que l'enfant qui sortira de ses entrailles sera appellé le Fils du Tres-Haut, dignité la plus grande que l'on eust peu jamais imaginer, elle oppose, dis-je, à toutes les louanges et grandeurs sa bassesse [77] et son indignité, disant qu'elle est servante du Seigneur.

  A006000224 

 Mais vous me demanderez s'il n'est jamais permis de douter de n'estre pas capables de faire les choses qui nous sont commandées.

  A006000226 

 Mais vous me dites, que possible vous avez plusieurs miseres interieures et de grandes imperfections que vos Superieurs ne cognoissent pas, et qu'ils se fondent sur les apparences exterieures par lesquelles vous avez peut estre trompé leurs esprits.

  A006000226 

 Vos vertus se cognoissent par la fidelité que vous avez à les pratiquer, et de mesme les imperfections se recognoissent par les actes.

  A006000227 

 Mais vous me dites que l'on void plusieurs Saints qui ont fait grande resistance pour ne pas recevoir les [80] charges que l'on leur vouloit donner.

  A006000227 

 Or, ce qu'ils en ont fait n'a pas esté seulement à cause de la basse estime qu'ils faisoyent d'eux-mesmes, mais principalement à cause de ce qu'ils voyoient que ceux qui les vouloyent mettre en ces charges se fondoyent sur des vertus apparentes, comme sont les jeusnes, les aumosnes, les penitences et aspretés du corps, et non sur les vrayes vertus interieures, qu'ils tenoyent closes et couvertes sous la sainte humilité.

  A006000227 

 Puis, ils estoyent poursuivis et recherchés par des peuples qui ne les cognoissoyent point que par reputation.

  A006000228 

 Les Filles de la Visitation sont toutes appellées à une tres-grande perfection, et leur entreprise est la plus haute et la plus relevée que l'on sçauroit penser; d'autant qu'elles n'ont pas seulement pretention de s'unir à la volonté de Dieu, comme doivent avoir toutes les creatures, mais de plus, elles pretendent de s'unir à ses desirs, voire mesme à ses intentions, je dis avant mesme qu'elles soyent presque signifiées; et s'il se pouvoit penser quelque chose de plus parfait et un degré de plus grande perfection que de se conformer à la volonté de Dieu, à ses désirs et à ses intentions, elles entreprendroyent [82] sans doute d'y monter, puisqu'elles ont une vocation qui les y oblige.

  A006000228 

 Vous entendez maintenant assez que c'est que l'esprit de force et de generosité que nous avons tant d'envie de voir ceans, à fin d'en bannir toutes les niaiseries et tendretés, qui ne servent qu'à nous arrester en nostre chemin et nous empescher de faire progres en la perfection.

  A006000229 

 Et cela, parce qu'elle considere que Celuy qui luy a donné les consolations est Celuy-là mesme qui luy envoye les afflictions; lequel luy envoye les unes et les autres poussé du mesme amour, qu'elle recognoist estre tres-grand, parce que par l'affliction interieure de l'esprit il pretend de l'attirer à une tres-grande perfection, qui est l'abnegation de toute sorte de consolations en ceste vie, demeurant tres-asseurée que Celuy qui l'en prive icy bas ne l'en privera point eternellement là haut au Ciel..

  A006000229 

 Mais outre ce que nous avons dit de ceste generosité, il faut encore dire cecy, qui est que l'ame qui la possede reçoit également les secheresses et les tendresses des consolations, les ennuys interieurs, les tristesses, les accablemens d'esprit, comme les ferveurs et les prosperités d'un esprit bien plein de paix et de tranquillité.

  A006000231 

 Et qu'importe? Nous sommes certes comme des enfans, lesquels sont bien aises d'aller dire à leur mere qu'ils ont esté piqués d'une abeille, à fin que la mere les plaigne et souffle sur le mal qui est desja gueri; car nous voulons aller dire à [84] nostre Mere que nous avons esté bien affligées, et agrandir nostre affliction, la racontant toute par le menu, sans oublier une petite circonstance qui nous puisse faire un peu plaindre.

  A006000231 

 Or ne voila pas des enfances tres-grandes? Si nous avons commis quelques infidelités, bon de les dire; si nous avons esté fidelles il le faut aussi dire, mais courtement, sans exagerer ni l'un ni l'autre; car il faut tout dire à ceux qui ont la charge de nos ames..

  A006000232 

 Mais pour les confessions ordinaires, il seroit mieux de n'en point parler, puisque vous ne le faites que pour vous satisfaire; et si bien il vous en vient un peu de peine ne le faisant pas, il la faut souffrir comme une autre à laquelle vous ne pourriez pas mettre remede.

  A006000236 

 Dieu luy avoit promis que sa generation seroit multipliée comme les estoilles du ciel et comme le sablon de la mer, et cependant il reçoit le commandement de tuer son fils Isaac.

  A006000236 

 Entre les louanges que les Saints donnent à Abraham, saint Paul releve celle-cy au dessus de toutes les autres: qu' il creut en l'esperance contre l'esperance mesme.

  A006000237 

 Allez, leur dit-il, et ne pensez ni de quoy vous mangerez, ni de quoy vous boirez, ni de quoy vous vous vestirez, ni mesme ce que vous aurez à dire estant devant les grands seigneurs et magistrats des provinces par où vous passerez; car en chaque occasion vostre Pere celeste vous fournira de tout ce qui vous sera necessaire.

  A006000237 

 Grande est certes la confiance que Dieu requiert que nous ayons en son soin paternel et en sa divine providence: mais pourquoy ne l'aurions-nous pas, veu que jamais personne n'y a peu estre trompé? Nul ne se confie en Dieu, qui ne retire les fruicts de sa confiance.

  A006000237 

 Mais je suis si grossiere, dira quelqu'une de nos Sœurs, je ne sçay point comment il faut traitter avec les grands, je n'ay point de doctrine.

  A006000237 

 Ne pensez point à ce que vous aurez à dire, car il parlera en vous et vous mettra en la bouche les paroles que vous aurez à dire.

  A006000238 

 Car, qu'est-ce que Dieu desire de vous sinon ce qu'il ordonna à ses Apostres et ce pourquoy il les envoya par le monde, qui estoit ce que Nostre Seigneur mesme estoit venu faire en ce monde, qui fut pour donner la vie aux hommes? et non seulement cela, dit-il, mais à fin qu'ils vescussent d'une vie plus abondante, qu'ils eussent la vie et une vie meilleure, ce qu'il a fait en leur donnant la grace.

  A006000238 

 Cecy, mes tres-cheres Sœurs, m'a semblé estre bon à vous dire sur le sujet de vostre départ; car si bien vous n'estes pas capables de la dignité apostolique à cause de vostre sexe, vous estes neantmoins capables en quelque façon de l'office apostolique, et vous pouvez rendre plusieurs services à Dieu, procurant en certaine [88] façon l'avancement de sa gloire comme les Apostres.

  A006000238 

 Les Apostres furent envoyés de Nostre Seigneur par toute la terre pour le mesme sujet, car Nostre Seigneur leur dit: Ainsi que mon Pere m'a envoyé, je vous envoye; allez, et donnez la vie aux hommes.

  A006000239 

 De mesme, mes cheres filles, estes-vous maintenant commandées d'aller çà et là en divers lieux, pour faire [89] que les araes ayent la vie, et qu'elles vivent d'une meilleure vie: car, qu'est-ce que vous allez faire sinon tascher de donner cognoissance de la perfection de vostre Institut, et par le moyen de ceste cognoissance attirer plusieurs ames à embrasser toutes les observances qui y sont comprises et encloses? Mais sans prescher et conferer les Sacremens et remettre les pechés, ainsi que faisoyent les Apostres, n'allez-vous pas donner la vie aux hommes? mais, pour parler plus proprement, n'allez-vous pas donner la vie aux filles? puisque peut estre cent et cent filles qui se retireront à vostre exemple dans vostre Religion, se fussent perdues demeurant au monde, lesquelles iront jouïr au Ciel, pour toute eternité, de la felicité incomprehensible.

  A006000239 

 Et n'est-ce pas par vostre moyen que la vie leur sera donnée, et qu'elles vivront d'une vie plus abondante, c'est à dire d'une vie plus parfaite et plus agreable à Dieu? vie qui les rendra capables de s'unir plus parfaitement à la divine Bonté, car elles recevront de vous les instructions necessaires pour acquerir le vray et pur amour de Dieu, qui est ceste vie plus abondante que Nostre Seigneur est venu donner aux hommes.

  A006000240 

 Allez donc pleines de courage faire ce à quoy vous estes appellées, mais allez en simplicité; si vous avez des apprehensions, dites à vostre ame: Le Seigneur nous pourvoira; si les considerations de vostre foiblesse vous travaillent, jettez-vous en Dieu et vous confiez en luy.

  A006000240 

 Les Apostres estoyent des pescheurs et ignorans la pluspart; Dieu les rendit sçavans selon qu'il estoit necessaire pour la charge qu'il leur vouloit donner.

  A006000241 

 Sans doute, nous avons grand sujet de craindre quand nous recherchons les charges et les offices, soit en Religion, soit [91] ailleurs, et qu'elles nous sont données sur nostre poursuite; mais quand cela n'est point, ployons humblement le col sous le joug de la sainte obeissance et acceptons de bon cœur le fardeau; humilions-nous, car il le faut tousjours faire, mais ressouvenons-nous tousjours d'establir la generosité sur les actes de l'humilité, car autrement ces actes d'humilité ne vaudroyent rien..

  A006000242 

 De mesme, s'il vous arrive des consolations, recevez-les avec esprit de gratitude et de [92] recognoissance envers la divine Bonté; que si vous n'en avez point, ne les desirez point, ains taschez de tenir vostre cœur preparé pour recevoir les divers evenemens de la divine Providence, et d'un mesme cœur autant qu'il se peut.

  A006000242 

 Je veux dire, en un mot, ne desirez rien, ains laissez-vous vous-mesmes et tous vos affaires pleinement et parfaitement au soin de la divine Providence; laissez-luy faire de vous tout de mesme que les enfans se laissent gouverner à leurs nourrices: qu'elle vous porte sur le bras droit ou sur le gauche tout ainsi qu'il luy plaira, laissez-luy faire, car un enfant ne s'en formaliserait point; qu'elle vous couche ou qu'elle vous leve, laissez-luy faire, car c'est une bonne mere, qui sçait mieux ce qu'il vous faut que vous-mesmes.

  A006000242 

 Je veux dire, si la divine Providence permet qu'il vous arrive des afflictions ou mortifications, ne les refusez point, ains acceptez-les de bon cœur, amoureusement et tranquillement; que si elle ne vous en envoye point, ou qu'elle ne permette pas qu'il vous en arrive, ne les desirez point ni ne les demandez point.

  A006000242 

 Si on vous donne des obeissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les superiorités, ne les refusez point; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses: j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons desirer et demander à Dieu; l'amour de Dieu les comprend toutes.

  A006000243 

 C'est un des principaux fruicts de la Religion que ceste sainte union qui se fait par la charité, union qui est telle, que de plusieurs cœurs il n'en est fait qu'un cœur, et de plusieurs membres il n'en est fait qu' un corps; tous sont tellement faits un en Religion, que tous les Religieux d'un Ordre ne sont, ce semble, qu'un seul Religieux.

  A006000243 

 Et pourquoy cela? La raison en est toute evidente, d'autant que si celles qui sont au chœur pour chanter les Offices n'y estoient pas, les autres y seroyent en leur place; s'il n'y avoit point de Sœurs domestiques pour apprester le disner, les Sœurs du chœur y seroyent employées; si une telle Sœur n'estoit pas Superieure, il y en auroit une autre.

  A006000243 

 Jettant mes yeux sur le sujet de vostre despart et sur les ressentimens inevitables que vous aurez toutes en vous separant les unes des autres, j'ay pensé que je vous devois dire quelque petite chose qui peust amoindrir ceste douleur, quoy que je ne veuille dire qu'il ne soit loisible de pleurer un peu; car il le faut faire, d'autant qu'on ne s'en pourroit pas tenir, ayant demeuré si doucement et si amoureusement assez long temps ensemble en la pratique des mesmes exercices, ce qui a tellement uni vos cœurs, qu'ils ne peuvent sans doute souffrir nulle division ni separation.

  A006000243 

 Les Sœurs domestiques chantent les Offices divins en la personne de celles qui sont dediées pour le faire, comme les autres servent aux offices domestiques en la personne de celles qui les font.

  A006000244 

 Le Religieux n'a rien à luy en son particulier, à cause du vœu sacré qu'il a fait de la pauvreté volontaire; et par la profession sainte que les Religieux font de la tres-sainte charité, toutes leurs vertus sont communes, et tous sont participans des bonnes œuvres les uns des autres, et jouiront du fruict d'icelles, pourveu qu'ils se tiennent tousjours en charité et en l'observance des Regles de la Religion en laquelle Dieu les a appellés: si que celuy qui est en quelque office domestique ou en quelque autre exercice quel que ce soit, contemple en la personne de celuy qui est en oraison au chœur; celuy qui repose participe au [95] travail qu'a l'autre, qui est en exercice par le commandement du Superieur..

  A006000244 

 O Dieu, quelle union est celle qu'il y a entre chaque Religieux d'un mesme Ordre! union telle, que les biens spirituels sont autant pesle-meslés et reduits en commun comme les biens exterieurs.

  A006000244 

 Or quant à nous autres, non seulement nous demeurerons tous jours unis par ensemble, mais bien plus, car nostre union s'ira tous les jours plus perfectionnant, et ce doux et tres-aymable lien de la sainte charité sera tousjours de plus en plus serré et renoué à mesure que nous nous avancerons en la voye de nostre propre perfection; car nous rendant plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeurerons tousjours plus unis ensemble: aussi la reception sacrée de ce Pain celeste et de ce tres-adorable Sacrement s'appelle Communion, c'est à dire comme union.

  A006000245 

 De mesme, devez-vous tascher d'accroistre et multiplier les actes des vertus, et devez agrandir vos courages pour vous rendre capables d'estre employées selon la volonté de Dieu.

  A006000245 

 Toutes, sans doute, mes cheres filles, avez besoin de beaucoup de vertus et de soin de les pratiquer tant pour s'en aller que pour demeurer: car comme celles qui s'en vont ont besoin de beaucoup de courage et de confiance en Dieu pour entreprendre amoureusement et avec esprit d'humilité ce que Dieu desire d'elles, vainquant tous les petits ressentimens qui leur pourroyent venir de quitter la maison en laquelle Dieu les a premierement logées, les Sœurs qu'elles ont si cherement aymées et la conversation desquelles leur apportoit tant de consolation en l'ame, la tranquillité de leur retraitte qui est si chere, les parens, les cognoissances, et que sçay-je moy? plusieurs choses auxquelles la nature s'attache tandis que nous vivons en ceste vie; celles qui demeurent ont de mesme besoin et necessité de courage, tant pour perseverer en la pratique de la sainte sousmission, humilité et tranquillité, qu'aussi pour se preparer de sortir quand il leur sera commandé, puisque ainsi que vous voyez, vostre Institut, mes cheres Sœurs, va s'estendant de toutes parts en tant de divers lieux.

  A006000246 

 De mesme, quand les trois premieres Sœurs se rangerent et embrasserent.

  A006000246 

 Il me semble, certes, quand je regarde et considere le commencement de vostre Institut, qu'il represente bien l'histoire d'Abraham; car comme Dieu luy eut donné parole que sa race seroit multipliée comme les estoilles du firmament et comme le sablon de la mer, il luy commanda neantmoins de luy sacrifier son fils par lequel la promesse de Dieu devoit estre accomplie; Abraham espera, et s'affermit en son esperance contre l'esperance mesme, et son esperance ne fut point vaine, ains fructueuse.

  A006000246 

 Mais qui eust peu croire cela, puisqu'en les enserrant dans leur petite maison nous ne pensions à autre chose que de les faire mourir au monde? Elles furent sacrifiées, ains elles se sacrifierent elles-mesmes volontairement; et Dieu se contenta tellement de leur sacrifice, qu'il ne leur donna pas seulement une nouvelle vie pour elles-mesmes, ains une vie si abondante qu'elles la peuvent par sa grace communiquer à plusieurs ames, ainsi que l'on void maintenant..

  A006000247 

 Il me semble, certes, que ces trois premieres Sœurs sont grandement bien representées par les trois grains de bled qui se trouverent emmi la paille qui estoit sur le chariot de Triptolemus, laquelle servoit à conserver ses armes; car estant portée en un païs où il n'y avoit point de bled, ces trois grains furent pris et jettés en terre, lesquels en produirent d'autres en telle quantité que dans peu d'années toutes les terres de ce païs-là en furent ensemencées.

  A006000247 

 O qu'heureuses sont les ames qui se dedient veritablement et absolument au service de Dieu, car Dieu ne les laisse jamais steriles ni infructueuses! Pour un rien qu'elles quittent pour Dieu, Dieu leur donne des recompenses incomparables, tant en cette vie qu'en l'autre.

  A006000248 

 Allez donc, et demeurez courageusement pour cest exercice, et ne vous amusez point à regarder que vous ne voyez point en vous ce qui est necessaire, je veux dire les talens propres aux charges auxquelles vous serez employées.

  A006000248 

 En fin, mes cheres filles, retenez cherement et fidelement ce que je vous ay dit, soit pour ce qui regarde l'interieur, soit pour ce qui regarde l'exterieur: ne veuillez rien que ce que Dieu voudra pour vous, embrassez amoureusement les evenemens et les divers effects de son divin vouloir, sans vous amuser nullement à autre chose.

  A006000248 

 Il est mieux que nous ne les voyions point en nous, car cela nous tient en humilité et nous donne plus de sujet de nous mesfier de nos forces et de nous-mesmes, et fait que nous jettons plus absolument toute nostre confiance en Dieu.

  A006000248 

 Ne nous amusons point à desirer ni à pretendre rien, laissons-nous tout à fait entre les mains de la divine Providence, qu'elle fasse de nous ce qu'il luy plaira; car à quel propos desirer une chose plustost qu'une autre? tout ne nous doit-il pas estre indifferent? Pourveu que nous plaisions à Dieu, et que nous aymions sa divine volonté, cela nous doit suffire.

  A006000248 

 Quand la charge que l'on nous donne est honnorable devant les hommes, tenons-nous humbles devant Dieu; quand elle est plus abjecte devant les hommes, tenons-nous plus honnorés devant la divine Bonté.

  A006000248 

 Quand on nous donneroit le choix, les plus abjects seroyent les plus desirables et ceux qu'il faudrait embrasser plus amoureusement; mais cela n'estant pas à nostre choix, embrassons les uns comme les autres d'un mesme cœur.

  A006000248 

 Quant à moy, j'admire comment il se peut faire que nous ayons plus d'inclination d'estre employés à une chose qu'à une autre, estant en Religion principalement, où une charge et une besogne est autant agreable à Dieu qu'une autre, puisque c'est l'obeissance qui donne le prix à tous les exercices de la Religion.

  A006000249 

 Et comme les jeunes filles sont amoureuses des bonnes odeurs, ainsi que dit la sacrée amante au Cantique des Cantiques, que le nom de son Bien-Aymé est comme une huile ou un baume qui respand de toutes parts des odeurs infiniment agreables, et c'est pourquoy, [100] adjouste-t'elle, les jeunes filles l'ont suivi, attirées de ses divins parfums, faites, mes cheres Soeurs, que comme parfumeuses de la divine Bonté, vous alliez si bien respandant de toutes parts l'odeur incomparable d'une tres-sincere humilité, douceur et charité, que plusieurs jeunes filles soyent attirées à la suite de vos parfums, et embrassent vostre sorte de vie, par laquelle elles pourront comme vous, jouïr en ceste vie d'une sainte et amoureuse paix et tranquillité de l'ame, pour, par apres, aller jouïr de la felicité eternelle en l'autre..

  A006000249 

 Grand cas de l'esprit humain! comme si Dieu les eust laissés sans conduite, ou qu'il n'eust point eu de soin de les regir, gouverner et defendre! Ils s'adresserent donc au Prophete, lequel leur promit de le demander pour eux à Dieu, ce qu'il fit; et Dieu, irrité de leur demande, leur fit response qu'il le vouloit bien, mais qu'il les advertissoit que le roy qu'ils auroyent prendroit telle domination et authorité sur eux, qu'il leur leveroit leurs enfans: et quant aux fils, qu'il feroit les uns dizeniers, les autres soldats et capitaines; et quant à leurs filles, il feroit les unes cuisinieres, les autres boulanger es, les autres parfumeuses.

  A006000249 

 Mais qu'est-ce que je veux dire? Rien autre, sinon qu'il me semble que la divine Majesté vous a choisies, vous autres qui vous en allez, comme des parfumeuses ou parfumieres: ouy certes, car vous estes commises de sa part pour aller respandre les odeurs tres-suaves des vertus de vostre Institut.

  A006000250 

 Vostre Congregation est comme une ruche d'abeilles, laquelle a desja jetté divers essaims; mais avec ceste difference neantmoins que, les abeilles sortant pour aller se retirer en une autre ruche et là commencer un mesnage nouveau, chaque essaim choisit un roy particulier sous lequel elles militent et font leur retraite: mais quant à vous, mes cheres ames, si bien vous allez dans une ruche nouvelle, c'est à dire que vous allez commencer une nouvelle maison de vostre Ordre, neantmoins vous n'avez tousjours qu'un mesme Roy, qui est Nostre Seigneur crucifié, sous l'authorité duquel vous vivrez en asseurance par tout où vous serez.

  A006000254 

 Ainsi void on que l'Espouse, au Cantique des Cantiques, est souventesfois nommée de ce nom, et à bon droit certes, car il y a une grande correspondance entre les qualités de la colombe et celles de l'amoureuse colombelle de Nostre Seigneur..

  A006000254 

 Et considerant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils, j'ay pensé que je vous devois donner des loix toutes d'amour, lesquelles j'ay prises des colombes, en consideration de ce que le Saint Esprit avoit bien voulu prendre la forme de colombe, et d'autant plus aussi que toutes les ames qui sont dediées au service de la divine Majesté sont obligées d'estre comme des chastes et amoureuses colombes.

  A006000254 

 Vous m'avez demandé quelques loix nouvelles à ce commencement d'année, et pensant à celles que je vous devois donner pour vous estre utiles et agreables, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur l'Evangile [102] d'aujourd'huy, lequel fait mention du Baptesme de Nostre Seigneur et de la glorieuse apparition du Saint Esprit en forme de colombe, sur laquelle apparition je me suis arresté.

  A006000255 

 Et cent autres loix qu'elles ont, qui sont infiniment aymables et utiles à observer par les ames qui sont dediées en la Religion au service plus special de la divine Bonté.

  A006000255 

 Les loix des colombes sont toutes infiniment agreables, et c'est une meditation tres-suave que de les considerer.

  A006000255 

 Quelle plus belle loy, je vous prie, que celle de l'honnesteté! car il n'y a rien de plus honneste que les colombes, elles sont propres à merveille; bien qu'il n'y ait rien de plus sale que les colombiers et les lieux où elles font leurs nids, neantmoins on ne vid jamais une colombe salie: elles ont tousjours leur pennage lis et qu'il fait grandement bon voir au soleil.

  A006000256 

 Mais j'ay consideré que si je vous donnois quelques loix que vous eussiez desja, vous n'en feriez pas grande estime: j'en ay donc choisi trois tant seulement, qui sont d'une utilité nompareille estant bien observées, et qui apportent une tres-grande suavité à l'ame qui les considere, parce qu'elles sont toutes d'amour et extremement delicates pour la perfection de la vie spirituelle; ce sont trois secrets qui lont d'autant plus excellens pour acquerir la perfection qu'ils sont moins cognus de ceux qui font profession de l'acquerir, au moins de la plus grande partie..

  A006000257 

 Vous aurez peut-estre veu, mais non pas remarqué, que les colombes tandis qu'elles couvent leurs œufs, elles ne bougent de dessus jusques à ce que leurs petits colombeaux soyent esclos, et quand ils le sont, elles continuent de les couver et fomenter tandis qu'ils en ont besoin.

  A006000259 

 Ce desir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus religieuses, c'est l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin; mais ce desir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Regles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons pretendu d'acquerir en nous obligeant à la poursuite; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce desir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Pere, qui est la perfection mesme.

  A006000259 

 Et ce pendant, n'ayons autre attention que de nous tenir sur nos œufs, c'est à dire ramassés dans les moyens qui nous sont prescrits pour nostre perfection, laissant tout le soin de nous-mesmes à nostre unique et tres-aymable Colombeau, qui ne permettra pas que rien nous manque de ce qui nous sera necessaire pour luy plaire..

  A006000259 

 Mais qu'est-ce que nos œufs, lesquels il faut que nous couvions jusques à ce qu'ils soyent esclos pour avoir des petits colombeaux? Nos œufs sont nos desirs, lesquels estant bien couvés et fomentés, les colombeaux en proviennent, qui sont les effets de nos desirs; mais entre nos desirs, il y en a un qui est sureminent au dessus de tout autre, et qui merite grandement d'estre bien couvé et fomenté pour plaire à nostre divin paron le Saint Esprit, lequel veut tousjours estre appellé l'Espoux sacré de nos ames, tant sa bonté et son amour est grand envers nous.

  A006000260 

 C'est une grande pitié, certes, de voir des ames, dont le nombre n'est que trop grand, qui pretendant à la perfection s'imaginent que tout consiste à faire une grande multitude de desirs, et s'empressent beaucoup à [106] chercher ores ce moyen et tantost un autre pour y parvenir, et ne sont jamais contentes ni tranquilles en elles-mesmes; car dés qu'elles ont un desir, elles taschent vistement d'en concevoir un autre, et semble qu'elles sont comme les poules, lesquelles n'ont pas si tost fait un œuf qu'elles en chargent aussi tost un autre, laissant là celuy qu'elles ont fait sans le couver, de sorte qu'il n'en reussit point de poussin.

  A006000260 

 De mesme, il y a des ames lesquelles ne cessent de closser et s'empresser apres leurs petits, c'est à dire apres les desirs qu'elles ont de se perfectionner, et ne trouvent jamais assez de personnes pour en parler et demander des moyens propres et nouveaux.

  A006000262 

 C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je; mais nostre avancement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davantage de nous-mesmes.

  A006000263 

 Lire force livres spirituels, [109] sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à devotion, ouïr force predications, faire des conferences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour manifester la pretention que nous avons de nous perfectionner, et au plus tost qu'il se pourra: ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dependance de la grace de Dieu; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul Dieu, qui nous peut seul faire tirer le fruict de tous nos exercices..

  A006000264 

 Estoit-ce les [110] Communions qu'il faisoit ou les Confessions? il n'en fit que deux en sa vie.

  A006000264 

 Estoit-ce les conferences ou les predications? il n'en avoit point, et ne vid nul homme dans le desert que saint Antoine, qui l'alla visiter à la fin de sa vie.

  A006000264 

 Un saint Antoine, qui a esté honnoré de Dieu et des hommes à cause de sa tres-grande sainteté, dites-moy, comment est-il parvenu à une si grande sainteté et perfection? est-ce à force de lire, ou par des conferences et frequentes Communions, ou par la multitude des predications qu'il oyoit? Nullement; ains il y parvint en se servant de l'exemple des saints hermites, prenant de l'un l'abstinence, de l'autre l'oraison, et ainsi il alloit comme une soigneuse abeille, picorant et cueillant les vertus des serviteurs de Dieu, pour en composer le miel d'une sainte edification.

  A006000265 

 Mais que veut dire donc que mangeant si peu de ces viandes spirituelles qui nourrissent nos ames à l'immortalité, ils estoyent neantmoins tousjours si en bon point, c'est à dire si forts et courageux pour entreprendre l'acquisition des vertus, et parvenir à la perfection et au but de leur pretention? Et nous autres, qui mangeons beaucoup, sommes tousjours si maigres, c'est à dire si lasches et languissans à la poursuite de nos entreprises, et semble, sinon tant que les consolations spirituelles marchent, que nous n'avons nul courage ni vigueur au service de Nostre Seigneur? Or il faut donc imiter ces saints Religieux, nous appliquant à nostre besogne, c'est à dire à ce que Dieu requiert de nous selon nostre vocation, fervemment et humblement, et ne penser qu'en cela, n'estimant pas de trouver nul moyen de nous perfectionner meilleur que celuy-là.

  A006000265 

 Oyoient-ils force Messes? les Dimanches et les festes; hors de là, point.

  A006000267 

 Ces grands Saints, Augustin, Gregoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges; mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grace de Dieu et en sa toute-puissance: C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons; [112] ce sera vous qui benirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne recolte.

  A006000268 

 Il ne se plaint point que Dieu lui ayt osté les moyens qu'il avoit de faire tant de bonnes œuvres, ains il dit avec la colombe: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais; non des aumosnes, car il n'a pas de quoy, mais en ce seul acte de sousmission et de patience qu'il fit se voyant privé de tous ses biens et de ses enfans, il fit plus qu'il n'avoit fait par toutes les grandes charités qu'il faisoit durant le temps de sa prosperité, et se rendit plus agreable à Dieu en ce seul acte de patience, qu'il n'avoit fait en tant et tant de bonnes œuvres qu'il avoit faites durant sa vie; car il falloit avoir un amour plus fort et genereux pour cest acte seul, qu'il n'avoit esté besoin pour tous les autres mis ensemble..

  A006000268 

 J'ay pensé de vous donner pour seconde loy la parole que disent les colombes en leur langage: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, disent-elles.

  A006000268 

 Qu'est-ce qu'il ne faisoit pas tandis qu'il estoit en sa premiere prosperité? quelles bonnes oeuvres ne faisoit-il pas? Il le dit luy-mesme en ceste façon: J'estois le pied du boiteux, c'est à dire je le faisois porter ou je le mettois sur mon asne ou mon chameau; j'estois l'œil de l'aveugle, en le faisant [113] conduire; j'estois en fin le pourvoyeur du famelique et le refuge de tous les affligés.

  A006000268 

 Qu'est-ce à dire cela? C'est que lors que leurs petits colombeaux sont un peu gros, le maistre du colombier les leur vient oster, et soudain elles se mettent à en couver des autres; mais si on ne les leur oste pas, elles s'amusent aupres de ceux-là longuement, et partant elles en font moins.

  A006000269 

 Il nous en faut donc faire de mesme pour observer ceste aymable loy des colombes, nous laissant despouiller par nostre souverain Maistre de nos petits colombeaux, c'est à dire des moyens d'executer nos desirs, quand il luy plaist de nous en priver, pour bons qu'ils soyent, sans nous plaindre ni lamenter jamais de luy comme s'il nous faisoit grand tort; ains nous devons nous appliquer à doubler, non nos desirs ni nos exercices, mais la perfection avec laquelle nous les faisons, taschant par ce moyen de gagner plus par un seul acte, comme indubitablement nous ferons, que nous ne ferions pas avec cent autres faits selon nostre propension et affection.

  A006000269 

 Mais las! nous n'en faisons rien; car quand sa Bonté nous prive de la consolation qu'il nous souloit donner en nos exercices, il semble que tout est perdu, [114] et qu'il nous oste les moyens de faire ce que nous avons entrepris..

  A006000269 

 Nostre Seigneur ne veut pas que nous portions sa croix sinon par le bout, et il veut estre honnoré comme les grandes dames, lesquelles font porter la queue de leurs robes; il veut pourtant que nous portions la croix qu'il nous met sur les espaules, qui est la nostre mesme.

  A006000270 

 Les mortifications, dit-elle, ne me coustoyent rien durant ce temps-là, ains ce m'estoyent des consolations; les obeissances m'estoyent des allegresses; je n'avois pas si tost ouy le premier son de la cloche, que j'estois levée; je ne laissois point passer de pratique de vertu, et tout cela je le faisois avec une paix et tranquillité tres-grande: mais maintenant que je suis en desgoust et que je suis ordinairement en secheresse en l'oraison, je n'ay nul courage, ce me semble, pour mon amendement, je n'ay point ceste ardeur que je soulois avoir en mes exercices; en fin, la gelée et la froidure est passée chez moy.

  A006000270 

 O que ce sont là des œufs bien aymables! et tout cela est bien bon, et les petits colombeaux ne manquent point, qui sont les effects; car, qu'est-ce qu'elle ne fait pas? Ses œuvres de charité sont en si grand nombre! sa modestie paroist devant toutes les Sœurs, elle est d'une edification nompareille, elle se fait admirer de tous ceux qui la voyent ou qui la cognoissent.

  A006000270 

 Si elle est en l'oraison, quels saints desirs ne fait-elle pas de luy plaire! elle s'attendrit en sa presence, elle s'escoule toute en son Bien-Aymé, elle se laisse entierement entre les bras de sa divine providence.

  A006000271 

 C'est cette tres-sainte egalité d'esprit, mes cheres ames, que je vous souhaitte: je ne dis pas l'egalité d'humeur ni d'inclination, je dis l'egalité d'esprit; car je ne fais, ni desire que vous fassiez nul estat des tracasseries que fait la partie inferieure de nostre ame, qui est celle qui cause les inquietudes et bijarreries, quand la partie superieure ne fait pas son devoir en se rendant maistresse, et ne fait pas bon guet pour découvrir ses ennemis, ainsi que le Combat spirituel dit qu'il faut faire, à fin qu'elle soit promptement advertie des remuemens et assauts que luy fait la partie inferieure, qui naissent de nos sens et de nos inclinations et passions, pour luy faire la guerre et l'assujettir à ses loix.

  A006000271 

 Mais je dis qu'il se faut tenir tousjours fermes et resolus en la superieure partie de nostre esprit, pour suivre la vertu de laquelle nous faisons profession, et se tenir en une continuelle egalité, és choses adverses comme és prosperes, en la desolation comme en la consolation, et en fin parmi les secheresses comme emmi les tendretés..

  A006000271 

 Voyez-les perchées sur les branches, où elles pleurent la perte qu'elles ont faite de leurs petits que la belette ou la chouette leur a desrobés (car quand c'est quelqu'autre qui les leur prend que le maistre de la colombiere, elles sont fort affligées); voyez-les aussi quand le paron vient à s'approcher d'elles, qu'elles sont toutes consolées: elles ne changent point d'air, ains [116] font le mesme grommellement pour preuve de leur contentement, qu'elles font pour manifester leur douleur.

  A006000272 

 Job, duquel nous avons desja parlé en la seconde loy, nous fournit encor d'un exemple en ce sujet, car il ne chanta tous-jours que sur un mesme air tous les cantiques qu'il a composés, qui ne sont autres que l'histoire de sa vie.

  A006000272 

 O que ceste ame sainte estoit bien une chaste et amoureuse colombelle, grandement cherie de son cher Colombeau! Ainsi puissions-nous faire, mes cheres filles, qu'en toutes occasions nous prenions les biens, les maux, les consolations et afflictions de la main du Seigneur, ne chantant tousjours que le mesme cantique tres-aymable: Le nom de Dieu soit beni, tousjours sur l'air d'une continuelle egalité; car si ce bonheur nous arrive, nous vivrons avec une grande paix en toutes occurrences.

  A006000272 

 Qu'est-ce qu'il disoit lors que Dieu faisoit multiplier ses biens, luy donnoit des enfans, et en fin luy envoyoit à souhait selon qu'il l'eust peu desirer en ceste vie? que disoit-il, sinon: Le nom de Dieu soit beni? C'estoit son cantique d'amour qu'il chantoit en toute occasion; car voyez-le reduit à l'extremité de l'affliction: qu'est-ce qu'il fait? il chante son cantique [117] de lamentation sur le mesme air que celuy qu'il chantoit par resjouïssance: Nous avons receu, dit-il, les biens de la main du Seigneur, pourquoy n'en recevrons-nous les maux? Le Seigneur m' avoit donné des enfans et des biens, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A006000273 

 Ayant fait tout pour nostre Bien-Aymé dés ceste vie, il aura soin de nous pourvoir de son eternelle gloire [118] pour recompense de nostre confiance; et là nous verrons le bon-heur de ceux qui, quittans tout le soin superflu et inquiet que nous avons ordinairement sur nous-mesmes et sur nostre perfection, se seront adonnés tout simplement à leur besogne, s'abandonnans sans reserve entre les mains de la divine Bonté pour laquelle seule ils auront travaillé: leurs travaux seront en fin suivis d'une paix et d'un repos qui ne se peut expliquer, car ils reposeront pour jamais dans le sein de leur Bien-Aymé.

  A006000273 

 L'amour donc que nous portons à Nostre Seigneur nous sollicitera de les observer et garder, à fin que nous puissions dire, à l'imitation de la belle colombe du souverain Colombeau, qui est l'Espouse sacrée: Mon Bien-Aymé est tout mien, et moy je suis toute pour luy, ne faisant rien que pour luy plaire; il a tousjours son cœur tourné de mon costé par prevoyance, comme j'ay le mien tourné de son costé par confiance.

  A006000273 

 Le bon-heur aussi de ceux qui auront observé la seconde loy sera grand; car s'estans laissé despouiller par le Maistre, qui est Nostre Seigneur, de tous leurs petits colombeaux, et ne s'estans nullement faschés ni despités, ains ayant eu le courage de dire: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, demeurans sousmis au bon plaisir de Celuy qui les aura despouillés, ils chanteront d'autant plus courageusement là haut au Ciel le cantique tres-aymable: Dieu soit beni, emmi les consolations eternelles, qu'ils l'auront chanté de meilleur cœur parmi les desolations, langueurs et desgousts de ceste vie mortelle et passagere, durant laquelle il nous faut tascher de conserver soigneusement la continuelle et tres-aymable egalité d'esprit.

  A006000273 

 Voila donc les trois loix que je vous donne, lesquelles neantmoins estant loix toutes d'amour n'obligent que par amour.

  A006000276 

 Les petites affections du tien et du mien sont des restes du monde, où il n'y a rien de si pretieux que cela; car c'est la souveraine felicité du monde d'avoir beaucoup de choses propres et de quoy on puisse dire: cecy est mien.

  A006000276 

 Mais il faut bien en cecy, comme en toute autre chose, faire difference entre les inclinations et affections; car quand ces choses ne sont que des inclinations et non pas des affections, il ne s'en faut point mettre en peine, parce qu'il ne depend pas de nous de n'avoir point de mauvaises inclinations, ouy bien des affections.

  A006000276 

 Si donques il arrive qu'en changeant la robbe d'une Sœur pour [120] luy en donner une autre moindre, la partie inferieure s'esmeuve un petit, cela n'est pas peché, pourveu qu'avec la raison elle l'accepte de bon cœur pour l'amour de Dieu; et ainsi de tous les autres sentimens qui nous arrivent.

  A006000278 

 C'est pourquoy il faut faire des considerations et sur sa condition et sur toutes les choses qui en dependent en detail; puis en particulier, renoncer tantost à une de nos volontés propres, tantost à une autre, jusques à tant que nous en soyons entierement despouillés.

  A006000279 

 Les biens desquels il se faut despouiller sont de trois sortes: les biens exterieurs, les biens du corps, les biens de l'ame.

  A006000279 

 Les biens exterieurs sont toutes les choses que nous avons laissées hors de la Religion: les maisons, les possessions, les parens, amis et choses semblables.

  A006000279 

 Pour en faire le despouillement, il les faut renoncer entre les mains de Nostre Seigneur, et puis demander les affections qu'il veut que nous ayons pour eux; car il ne faut pas demeurer sans affections, ni les avoir esgales et indifferentes, il faut aymer chacun en son degré; la charité donne le rang aux affections.

  A006000280 

 Et pourquoy, me direz-vous, s'en faut-il despouiller? Il le faut faire pourtant, et les remettre entre les mains de Nostre Seigneur pour en disposer comme il luy plaira, et le servir sans elles comme avec elles..

  A006000280 

 L'on doit donc demeurer esgalement content en la maladie et en la santé, et prendre les remedes et les viandes comme elles se rencontrent; j'entens tousjours avec la raison, car quant aux inclinations je ne m'y amuse point.

  A006000280 

 Les biens du cœur sont les consolations et les douceurs qui se trouvent en la vie spirituelle; ces biens là sont fort bons.

  A006000280 

 Les seconds biens sont ceux du corps: la beauté, la santé et semblables choses qu'il faut renoncer; et puis, il ne faut plus aller au miroir regarder si on est belle, ni se soucier non plus de la santé que de la maladie, au moins quant à la partie superieure; car la nature se ressent tousjours, et crie quelquefois, specialement quand l'on n'est pas bien parfait.

  A006000282 

 Il faut icy remarquer que le contentement que nous ressentons à la rencontre des personnes que nous aymons, et les tesmoignages d'affection que nous leur rendons en les voyant ne sont point contraires à ceste vertu de despouillement, pourveu qu'ils ne soyent point desreglés, et qu'estans absens, nostre cœur ne coure point apres [123] eux; car, comment se pourroit-il faire que les objets estans presens les puissances ne soyent point esmeuës? C'est comme qui diroit à une personne à la rencontre d'un lion ou d'un ours: n'ayez point peur.

  A006000282 

 Je dis bien plus, que si j'ay envie de voir quelqu'un pour quelque chose utile et qui doit reussir à la gloire de Dieu, si son dessein de venir est traversé et que j'en ressente un peu de peine, voire mesme que je m'empresse un peu pour divertir les 'occasions qui le retiennent, je ne fais rien de contraire à la vertu du despouillement, pourveu que je ne passe point jusques à l'inquietude..

  A006000283 

 C'est une faute que plusieurs font: ils se forment des chimeres en l'esprit, et pensent que le chemin du Ciel est estrangement difficile; en quoy ils se trompent et ont bien tort, car David disoit à Nostre Seigneur que sa loy estoit trop douce; et à mesure que les meschans la publioyent dure et difficile, ce bon Roy disoit qu'elle estoit plus douce que le miel.

  A006000284 

 Or, nos affections sont si pretieuses, puisqu'elles doivent estre toutes employées à aymer Dieu, qu'il faut bien prendre garde de ne les pas loger en des choses inutiles; et une faute, pour petite qu'elle puisse estre, faite avec affection, est plus contraire à la perfection que cent autres faites par surprinse et sans affection,.

  A006000285 

 Il y a encor une autre raison qui rend ces premieres amitiés dont nous avons parlé moindres que les secondes: c'est qu'elles ne sont pas de durée, parce que la cause en estant fresle, dés qu'il arrive quelque traverse, elles se refroidissent et alterent; ce qui n'arrive pas à celles qui sont fondées en Dieu, parce que la cause en est solide et permanente..

  A006000285 

 Or, les actes de charité qui se font autour de ceux que nous aymons de ceste sorte sont mille fois plus parfaits, d'autant que tout tend purement à Dieu; mais les services et autres assistances que nous faisons à ceux que nous aymons par inclination sont beaucoup moindres en merite, à cause de la grande complaisance et satisfaction que nous avons à les faire, et que, pour l'ordinaire, nous les faisons plus par ce mouvement que par l'amour de Dieu.

  A006000285 

 Vous demandez comment il faut aymer les creatures.

  A006000286 

 Ainsi en est-il des amitiés; quand l'on ne les tire point de leur source elles ne tarissent jamais.

  A006000286 

 De maniere que quand ceux auxquels je fais ces caresses sçauroyent que je les leur fais parce que je leur ay de l'aversion, ils ne s'en devroyent point offencer, ains les estimer et cherir davantage que si elles partoyent d'une affection sensible; car les aversions sont naturelles, et d'elles-mesmes ne sont pas mauvaises quand nous ne les suivons pas; au contraire, c'est un moyen de pratiquer mille sortes de bonnes vertus, et Nostre Seigneur mesme nous a plus à gré quand avec une extreme repugnance nous luy allons baiser les pieds, que si nous y allions avec beaucoup de suavité.

  A006000286 

 Et cela ne se doit point appeller duplicité ou simulation, car si bien j'ay un sentiment contraire, il n'est qu'en la partie inferieure, et les actes que je fais, c'est avec la force de la raison, qui est la partie principale de mon ame.

  A006000286 

 Les caresses mesmes et signes d'amitié que nous faisons contre nostre propre [126] inclination aux personnes auxquelles nous avons de l'aversion, sont meilleures et plus agreables à Dieu que celles que nous faisons attirés de l'affection sensitive.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000289 

 Or, encor que nous puissions juger de la vertu d'autruy, si ne faut-il pourtant jamais determiner qu'une [129] personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses; et tel qui paroist fort vertueux à l'exterieur et aux yeux des creatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paroist beaucoup plus imparfait.

  A006000293 

 La quatriesme est l'honnesteté et bien-seance és habits, et les deux vices contraires sont la saleté et la superfluité..

  A006000293 

 La seconde qui porte le nom de modestie, est l'interieure bien-seance de nostre entendement et de nostre volonté: celle-cy a de mesme deux vices opposés, qui sont la curiosité en l'entendement, la multitude des desirs de sçavoir et d'entendre toutes choses et l'instabilité en nos entreprises, passant d'un exercice à un autre sans nous arrester à rien; l'autre vice, c'est une certaine stupidité et nonchalance d'esprit, qui ne veut pas mesme sçavoir ni apprendre les choses necessaires pour nostre [131] perfection, imperfection qui n'est pas moins dangereuse que l'autre.

  A006000293 

 La troisiesme sorte de modestie consiste en nostre conversation et en nos paroles, c'est à dire en nostre façon de parler et de converser avec le prochain, evitant les deux imperfections qui luy sont opposées, à sçavoir, la rusticité et la babillerie: la rusticité qui nous empesche de contribuer quelque chose pour l'entretien de l'honneste conversation; la babillerie qui nous fait tellement parler que nous ostons le temps aux autres de parler à leur tour.

  A006000294 

 La modestie donques nous assujettit tousjours et tout le temps de nostre vie, à cause que les Anges nous sont tousjours presens, et Dieu mesme, pour les yeux duquel nous nous tenons en modestie..

  A006000294 

 Voila les quatre sortes de modestie.

  A006000294 

 [132] O mon Dieu, combien nous coucherions-nous modestement et devotement si nous vous voyions! Sans doute nous croiserions les bras sur nos poitrines avec une grande devotion.

  A006000295 

 La modestie est une predication muette; c'est une vertu que saint Paul recommande fort particulierement aux Philippiens, chapitre quatriesme, leur disant: Faites que vostre modestie paroisse devant tous les hommes.

  A006000296 

 Car dites-moy, celuy qui ne voudroit point rire à la recreation sinon comme l'on rit hors ce temps-là, ne seroit-il pas importun? Il y a des gestes et des contenances qui seroyent immodestie hors de ce temps-là, qui là ne le sont [133] nullement; de mesme, celuy qui voudroit rire lors que l'on est parmi les occupations serieuses, et relascher son esprit comme l'on fait tres-raisonnablement en la recreation, ne seroit-il pas estimé leger et immodeste? L'on doit aussi observer le lieu, les personnes, les conversations esquelles on est, mais tout particulierement la qualité de la personne.

  A006000296 

 La modestie d'une femme du monde est autre que celle d'une Religieuse: une fille qui estant dans le monde voudroit tenir la veuë aussi basse comme nos Sœurs, ne seroit pas estimée, non plus que nos Sœurs si elles ne la tenoyent plus basse que les filles du monde.

  A006000297 

 Le grand saint Arsenius, lequel fust esleu par le Pape saint Damase pour instruire et eslever le fils de l'Empereur Theodose, Arcadius, qui luy devoit succeder au gouvernement de l'Empire, apres avoir esté honnoré plusieurs années en la cour, et autant favorisé de l'Empereur qu'homme du monde, il s'ennuya en fin de toutes ces vanités, bien qu'il ne vescust pas moins chrestiennement qu'honnorablement en la cour, et se resolut de se retirer au desert avec les saints Peres hermites qui y vivoyent: il executa fort courageusement [134] son dessein.

  A006000297 

 Les Peres, qui avoyent ouy le renom de la vertu de ce grand Saint, furent bien aises et bien consolés de l'avoir en leur compagnie.

  A006000297 

 Or, un jour que tous les Peres estoyent assemblés pour faire une conference spirituelle (car ç'a esté de tout temps qu'il s'en est fait entre les personnes pieuses), il y eut quelqu'un des Peres qui advertit le Superieur qu'Arsenius commettoit ordinairement une immodestie, en ce qu'il croisoit une jambe dessus l'autre.

  A006000298 

 L'on ne peut pas estre si tost défait de toutes ses imperfections; il ne faut jamais s'estonner d'en voir beaucoup en soy, pourveu que l'on ayt la volonté de les combattre.

  A006000299 

 Celle-cy compose les mouvemens, les gestes et contenances du corps, evitant les deux extremités, qui sont ces deux [136] vices contraires, la legereté ou dissolution, et la contenance trop affectée.

  A006000299 

 De mesme, la modestie interieure maintient les puissances de nostre ame en tranquillité et modestie, evitant, comme j'ay dit, la curiosité de l'entendement, sur lequel elle exerce principalement son soin, retranchant aussi à nostre volonté la multitude des desirs, la faisant appliquer saintement à ce seul un que Marie a choisi et qui ne luy sera point osté, qui est la volonté de plaire à Dieu.

  A006000299 

 Je vous dis donc que la seconde, qui est l'interieure, fait les mesmes effets en l'ame que celle que nous avons dit fait au corps.

  A006000299 

 Marthe represente fort bien l'immodestie de la volonté, car elle s'empresse, elle met tous les serviteurs de la maison en besogne, elle va deçà et delà sans s'arrester, tant elle a d'envie de bien traitter Nostre Seigneur, et luy semble qu'il n'y aura jamais assez de mets apprestés pour luy faire bonne chere.

  A006000301 

 De mesme, nostre entendement et volonté, nos passions et les facultés de nostre ame, comme abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusques à tant qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles n'ont aucun repos; nos sens ne cessent de s'esgarer curieusement et d'attirer nos facultés interieures apres eux, pour se dissiper tantost apres un sujet, tantost apres un autre, et ainsi ce n'est qu'un continuel travail d'esprit et inquietude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité d'esprit qui nous est tant necessaire; et c'est ce qui nous cause l'immodestie de l'entendement et de la volonté.

  A006000301 

 Et ainsi elles eviteront les deux extremités dites cy-dessus, retranchant d'une part la curiosité de l'entendement par la simple attention à Dieu, et de l'autre la stupidité et nonchalance d'esprit par les exercices de la charité [138] qu'elles pratiqueront envers le prochain quand il sera requis..

  A006000301 

 Les abeilles n'ont aucun arrest tandis qu'elles n'ont point de roy, elles ne cessent de voleter par l'air, de se dissiper et esgarer, n'ayant presque nul repos en leur ruche; mais dés aussi tost que leur roy est né, elles se tiennent ramassées toutes autour de luy, et ne sortent que pour la cueillette et par le commandement de leur roy.

  A006000302 

 Je lisois ces jours passés la Regle que saint Augustin a faite pour les Religieuses, où il dit expressement que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Superieure; et apres il fit le mesme commandement à ses Religieux, tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est necessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Regles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses.

  A006000302 

 La science n'est pas necessaire pour aymer Dieu, ainsi que dit saint Bonaventure; car une simple femme est autant capable d'aymer Dieu comme les plus doctes hommes du monde.

  A006000303 

 Je me souviens, sur le propos du danger qu'il y a en la curiosité de vouloir sçavoir tant de moyens de se perfectionner, d'avoir parlé à deux personnes religieuses, de deux Ordres bien reformés, l'une desquelles, à force de lire les livres de la bienheureuse Therese, apprit si bien à parler comme elle, qu'elle sembloit estre une petite Mere Therese; et elle le croyoit, s'imaginant tellement tout ce que la Mere sainte Therese avoit fait pendant sa vie, qu'elle croyoit en faire tout de mesme [139] jusques à avoir des bandemens d'esprit et des suspensions des puissances, tout ainsi comme elle lisoit que la Sainte avoit eu, si qu'elle en parloit fort bien.

  A006000304 

 La preuve s'en fait en tous les saints Peres qui ont fait profession tres-grande de l'oraison; car ils ont tous jugé que la posture la plus modeste y aydoit beaucoup, comme se tenir à genoux, les mains jointes ou les bras en croix.

  A006000305 

 Celuy qui escrit sa Vie dit qu'un jour qu'il alloit par les bois pour en couper, il vint une grande troupe de ces esprits infernaux pour l'espouvanter, qui se rangerent comme des soldats qui posent la garde, tous bien armés, et se crioyent l'un à l'autre: Faites place au saint homme.

  A006000305 

 Il y a des paroles qui seroyent immodestie en tout autre temps qu'en celuy de la recreation, où justement et avec bonne raison on doit relascher un peu l'esprit; et qui ne voudroit parler ni laisser parler les autres sinon de choses hautes et relevées en ce temps-là, feroit une immodestie; car n'avons-nous pas dit que la modestie regarde le temps, les lieux et les personnes? A ce propos, je lisois l'autre jour que saint Pachome, d'abord qu'il fut entré au desert pour mener une vie monastique, eut de grandes tentations, et les malins esprits luy apparoissoyent souvent en diverses manieres.

  A006000305 

 La troisiesme modestie regarde les paroles et la maniere de converser.

  A006000305 

 Le bon Saint levant les yeux et voyant ceste folie, se representa Nostre Seigneur crucifié en l'arbre de la croix; eux, voyans que le Saint s'appliquoit au fruict de l'arbre et non à la feuille, s'en allerent tous confus et honteux..

  A006000306 

 Ceste modestie compose nostre façon de parler, à fin qu'elle soit agreable, ne parlant ni trop haut ni trop bas, ni trop lentement ni trop brusquement, se tenant dans les termes d'une sainte mediocrité, laissant parler les autres quand ils parlent, sans les interrompre, car cela tient de la babillerie; parlant neantmoins à son tour, pour eviter la rusticité et suffisance qui nous empesche d'estre de bonne conversation.

  A006000307 

 La quatriesme vertu nommée modestie regarde les habits et la façon de s'habiller.

  A006000308 

 Je vous asseure, ma chere fille, que vous le renvoyez peut estre comme font les citoyens d'une ville dans laquelle se fait la nuict une sedition, quand ils chassent les seditieux et ennemis; mais ils ne les mettent pas hors de la ville, si bien qu'ils se vont cachant de rue en rue, jusques à ce que le jour vient, qu'ils se jettent sur les habitans et demeurent en fin maistres.

  A006000310 

 Mais si au contraire, nous faisions ces actes devant la divine Bonté avec une douce confiance, nous sortirions de là tous rasserenés et tranquilles, et desavouerions bien facilement apres toutes les raisons, bien souvent et pour l'ordinaire irraisonnables, que nostre jugement et nostre amour propre nous suggere, et nous irions avec autant de facilité parler à ceux qui nous ont fait la correction ou contradiction comme auparavant.

  A006000311 

 Il ouvrit la bouche pour la prononcer, mais il se retint, et prenant [146] du fumier qu'il enterroit avec les choux: Ah! meschante langue, dit-il, je t'apprendray bien s'il faut ainsi injurier ton frere; et soudain se prosterna à deux genoux, suppliant le Frere de luy pardonner.

  A006000311 

 Saint François mesme, sur le dernier temps de sa vie, apres tant de ravissemens et d'unions amoureuses avec Dieu, apres avoir tant fait pour sa gloire et s'estre surmonté en tant de sortes, un jour qu'il plantoit des choux dans le jardin, il arriva qu'un Frere, voyant qu'il ne les plantoit pas bien, l'en reprit; et le Saint fut esmeu d'un si puissant mouvement de colere de se voir repris, qu'il prononça à moitié une injure contre ce Frere qui l'avoit repris.

  A006000311 

 Saint Pachome, apres avoir vescu quatorze ou quinze ans és deserts en grande perfection, eut une revelation de Dieu qu'il gaigneroit une grande quantité d'ames, et que plusieurs viendroyent dans les deserts se ranger sous sa conduite.

  A006000313 

 Donc, outre qu'elles doivent avoir une grande discretion pour bien prendre le temps et la saison de la faire avec toutes les circonstances deuës, elles ne doivent jamais s'estonner ni offencer de voir que.

  A006000314 

 Il semble mesme que sa divine Bonté nous dit: Dormez et reposez, et ce pendant j'auray les yeux sur vous pour vous garder et defendre [148] du lion rugissant, qui va tousjours autour de vous pour penser vous deffaire.

  A006000314 

 Les pechés veniels mesmes ne sont pas capables de nous destourner de la voye qui conduit à Dieu: ils nous arrestent sans doute un peu en nostre chemin, mais ils ne nous en destournent pas pourtant, et beaucoup moins les simples distractions; et cecy je l'ay dit en l' Introduction..

  A006000315 

 Elle void que ce pauvre petit s'affectionne à courir apres les papillons, pensant de les attrapper; elle le retire et retient incontinent par le bras, luy disant: Mon enfant, tu te morfondras à courir apres ces papillons au soleil, il vaut mieux que tu demeures aupres de moy.

  A006000316 

 Il y a bien à dire d'avoir la presence de Dieu (j'entends estre en sa presence), et d'avoir le sentiment de sa presence; il n'y a que Dieu seul qui nous puisse faire ceste grace; car de vous donner les moyens d'acquerir ce sentiment, il ne m'est pas possible..

  A006000319 

 Ces ames qui veulent gouster de toutes les methodes et de tous les moyens qui nous conduisent ou peuvent conduire à la perfection, en font de mesme; car l'estomac de leur volonté n'ayant pas assez de chaleur pour digerer et mettre en pratique tant de moyens, il se fait une certaine crudité et indigestion qui leur oste la paix et tranquillité d'esprit aupres de Nostre Seigneur, qui est cest un necessaire, que Marie a choisi, et ne luy sera point osté.

  A006000319 

 Ceux qui estans au festin, vont piquotant chaque mets et en mangent de tous un peu, se detraquent fort l'estomac, dans lequel il se fait une si grande indigestion que cela les empesche de dormir toute la nuict, ne pouvant faire autre chose que cracher.

  A006000319 

 Mais je voudrais bien que l'on remarquast que quand je dis qu'il faut faire, j'entends tousjours parler de la partie superieure de nostre ame; car pour toutes les repugnances de l'inferieure il ne se faut non plus estonner que les passans font des chiens qui abbayent de loin.

  A006000320 

 Il n'y a point de meilleur moyen, ma fille, que de les mettre en pratique.

  A006000321 

 Certes, si bien ils nous arrestent un peu, comme j'ay dit, ils ne nous destournent pourtant pas de la voye: un seul regard de Dieu les efface.

  A006000321 

 Il faut que nous ayons deux égales resolutions: l'une, de voir croistre des mauvaises herbes en nostre jardin, et l'autre, d'avoir le courage de les voir arracher et les arracher nous-mesmes; car nostre amour propre ne mourra point pendant que nous vivrons, lequel est celuy qui fait ces impertinentes productions.

  A006000322 

 En fin il faut sçavoir que nous ne devons jamais cesser de faire des bonnes resolutions, encore que nous voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en presentera; et cela, il le faut faire avec plus de fermeté que si nous sentions en nous assez de courage pour reussir de nostre entreprise, disant à Nostre Seigneur: Il est vray que je n'auray pas la force de faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je m'en resjouïs, d'autant que ce sera vostre force qui le fera en moy; et sur cest appui, allez à la bataille courageusement, et ne doutez point que vous n'en rapportiez la victoire.

  A006000322 

 Et pourquoy cela, sinon parce que Nostre Seigneur voyant qu'elles ne se feroyent pas grand mal en tombant, les a laissées marcher toutes seules, ce qu'il n'a pas fait lors qu'elles estoyent dans les precipices des grandes tentations, d'où il les a tirées par sa main toute-puissante.

  A006000323 

 Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez delicates pour la perfection; et partant, que nulle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grace de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir pretendre.

  A006000327 

 Mais ce second appartient plustost à l'humilité, douceur et charité qu'à l'obeissance; car celuy qui est humble pense que tous les autres le surpassent et sont beaucoup meilleurs que luy, de sorte qu'il se les rend superieurs et croid leur devoir obeir..

  A006000327 

 Or, il y a certaines vertus morales qui ont tant d'affinité avec les vertus theologales, qui sont la foy, l'esperance, la charité, qu'elles semblent presque theologiques, bien qu'elles soyent en un degré bien inferieur: comme la penitence, la religion, la justice et l'obeissance.

  A006000328 

 Mais quant à l'obeissance qui regarde les Superieurs que Dieu a establis sur nous pour nous gouverner, elle est de justice et de necessité, et se doit rendre avec une entiere sousmission de nostre entendement et de nostre volonté.

  A006000330 

 Il y a des moines qui ont perseveré avec une patience incroyable à ne faire toute leur vie qu'un mesme exercice, comme le bon Pere Jonas qui ne fit jamais en sa vie autre chose, outre le jardinage, que des nattes, et s'estoit tellement habitué à cela qu'il les faisoit sa fenestre fermée, en meditant et faisant oraison; l'un ne luy empeschoit point l'autre, de sorte qu'on le trouva mort les genoux croisés et sa natte attachée dessus: il mourut en faisant ce qu'il avoit fait toute sa vie.

  A006000330 

 Si nous voulions suivre tous les mouvemens de nostre esprit, ou qu'il nous fust possible de le faire sans qu'il y eust du scandale ou du deshonneur, nous ne verrions autre chose que des changemens: ores nous voudrions estre en [159] une condition, et peu apres nous en chercherions une autre, tant ceste inconstance de l'esprit humain est extravagante; mais il la faut arrester avec les forces de nos premieres resolutions, à fin de vivre également parmi les inégalités de nos sentimens et des evenemens..

  A006000331 

 Or, pour mieux nous affectionner à l'obeissance, lors que nous nous trouverons tentés, il faut faire des considerations de son excellence, de sa beauté et de son merite, voire de son utilité, pour nous encourager à passer outre: cela s'entend pour les ames qui ne sont pas encore bien establies en l'obeissance; mais quand il n'est question que d'une simple aversion ou dégoust dela chose commandée, il faut faire un acte d'amour et se mettre à la besogne.

  A006000332 

 Car encore que nous obeissions avec repugnance et quasi comme forcés par l'obligation de nostre condition, nostre obeissance ne laisse pas d'estre bonne en vertu de nostre premiere resolution; mais elle est d'une valeur et d'un merite infiniment grand quand elle est faite avec les conditions que nous avons dites; car une chose, pour petite qu'elle soit, estant faite avec une telle obeissance, est de tres-grande valeur..

  A006000332 

 La perseverance plus difficile est és choses interieures, car pour les materielles et exterieures, elles sont assez faciles.

  A006000335 

 Que s'il arrive qu'une Sœur nous requiere de faire quelque chose, et que par surprise nous tesmoignions d'y * avoir de la repugnance, il ne faut pas que la Sœur s'en ombrage ni fasse semblant de le cognoistre, ni qu'elle prie de ne le faire pas; car il n'est pas en nostre puissance d'empescher que nostre couleur, nos yeux et nostre contenance ne tesmoignent le combat que nous avons au dedans, encore que la raison veuille bien faire la chose; car ce sont des messagers qui viennent sans que l'on les demande, et qui, encore qu'on leur die retournez, n'en font rien pour l'ordinaire.

  A006000336 

 Nous devons tous estre capables des defauts les uns des autres, et ne faut en façon quelconque s'estonner d'en rencontrer; car si nous demeurons quelque temps sans tomber en faute, nous serons par apres un autre temps que nous ne ferons que faillir et ferons plusieurs grandes imperfections, de la suite desquelles il faut profiter par l'abjection qui nous en revient.

  A006000337 

 Il faut que nous nous accoustumions à rechercher [164] l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer une chacune selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela a la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler au temps qu'elle a destiné de le faire; et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, il nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et à nostre pouvoir.

  A006000337 

 Il se faut contenter de sçavoir qu'on fait bien par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni la cognoissance particuliere, mais marcher comme aveugle dans ceste providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres, et toute autre sorte de croix qu'il luy plaira nous donner.

  A006000337 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en l'attente, ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs, lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir tout d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A006000338 

 Or, le moyen d'acquerir ceste souplesse à la volonté d'autruy est de faire souvent en l'oraison des actes d'indifference, et puis les venir mettre en pratique lors que l'occasion s'en presentera; car ce n'est pas assez de se despouiller devant Dieu, d'autant que cela se faisant seulement avec l'imagination, il n'y a pas grand affaire; mais quand il le faut faire en effet, et que venans de nous donner tout à Dieu nous trouvons une creature qui nous commande, il y a bien de la difference, et c'est là où il faut monstrer son courage..

  A006000340 

 Il arrive souvent qu'une personne petite et foible de corps et d'esprit, qui ne s'exercera qu'en des choses petites, les fera avec tant de charité qu'elles surpasseront beaucoup le merite des actions grandes et relevées; car pour l'ordinaire, ces actions relevées se font avec moins de charité, à cause de l'attention et de diverses considerations qui se font autour d'elles.

  A006000340 

 Les actions bonnes que nous ferons, qui ne nous sont pas particulierement commandées et qui ne peuvent tirer leur merite de l'obeissance, il le leur faut donner par la charité, encore que nous les pouvons toutes faire par obeissance.

  A006000341 

 Vous m'avez autresfois demandé si l'on pouvoit faire des prieres particulieres: et je responds que quant à ces petites prieres qu'il vous vient quelquefois devotion de faire, il n'y a point de mal, pourveu que l'on ne [166] s'y attache pas, en sorte que ne les disant pas il vous en vienne du scrupule, ou que vous fissiez dessein de dire tous les jours, ou un an durant ou certain temps, quelque oraison à vostre fantasie; car cela, il ne le faut pas.

  A006000342 

 Cela ne s'entend pas qu'estant prestes de recevoir Nostre Seigneur, s'il vous vient en memoire la necessité de quelqu'un de vos proches ou bien les necessités communes du peuple, vous ne puissiez les recommander à Dieu, en le suppliant d'en avoir compassion.

  A006000342 

 Or, si vous pensez que ce soit le Saint Esprit qui vous inspire de faire ces petites pratiques, il vous sçaura bon gré que vous en demandiez congé, voire mesme que vous ne les fassiez pas si l'on ne le vous permet, d'autant [167] que rien ne luy est tant agreable que l'obeissance religieuse.

  A006000346 

 Il y a trois sortes d'obeissance pieuse, dont la premiere est generale à tous les Chrestiens, qui est l'obeissance deuë à Dieu et à la sainte Eglise en l'observance de leurs commandemens.

  A006000347 

 L'obeissance aveugle a trois proprietés ou conditions, dont la premiere est qu'elle ne regarde jamais le visage des Superieurs, ains seulement leur authorité; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Superieurs ont de commander telle ou telle chose, luy suffisant de sçavoir qu'ils l'ont commandée, et la troisiesme, qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'asseurant que Dieu, par l'inspiration duquel on luy a fait ce commandement, luy donnera bien le pouvoir de l'accomplir; mais au lieu de s'enquerir comment elle fera, elle se met à faire..

  A006000347 

 Les Peres ont donné à ceste sorte d'obeissance plusieurs proprietés et conditions, mais entre toutes j'en choisiray seulement trois; dont la premiere est qu'elle est, comme ils la nomment, aveugle, la seconde qu'elle est prompte, et la troisiesme qu'elle est perseverante.

  A006000348 

 Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obeissance, lesquels ont [170] creu qu'elle consistoit à faire à tort et à travers tout ce qui nous pourroit estre commandé, fust-ce mesme contre les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise; en quoy ils ont grandement erré, s'imaginans une folie en cest aveuglement, qui n'y est nullement; car en tout ce qui est des commandemens de Dieu, comme les Superieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement contraire, les inferieurs n'ont de mesme jamais aucune obligation d'obeir en tel cas, ains s'ils y obeissoient ils pecheroient..

  A006000349 

 Il est porté dans le second Livre des Machabées, d'un nommé Rasias, lequel, poussé d'un zele ardent de la gloire de Dieu, s'en alla exposer aux coups, dont il sçavoit ne pouvoir eviter les blesseures et la mort; et se sentant blessé en la poitrine, il tira toutes ses entrailles par ceste blesseure, puis les jetta en l'air en presence de ses ennemis.

  A006000349 

 Or, je sçay bien que plusieurs ont fait des choses contre les commandemens de Dieu par l'instinct de cette obeissance, laquelle ne veut pas seulement obeir aux commandemens de Dieu et des Superieurs, mais aussi à leurs conseils et à leurs inclinations.

  A006000349 

 Saint Ambroise rapporte aussi l'histoire de trois filles qui, pour eviter de perdre leur chasteté, se jetterent dans un fleuve où elles furent suffoquées par les eaux: mais celles-cy avoyent d'ailleurs quelque sorte de raison pour ce faire, qui seroit trop longue à déduire.

  A006000349 

 Sainte Apollonie se jetta dans le feu que les impies ennemis de Dieu et du nom Chrestien avoyent preparé pour l'y mettre et la faire mourir.

  A006000350 

 Helas! vous ne faites rien plus que les mondains, car ils en font bien de mesme; et non seulement ils obeissent aux commandemens de ceux qu'ils ayment, mais ils n'estimeroyent pas leur amour bien satisfait s'ils ne suivoyent encor au plus pres qu'ils peuvent leurs inclinations et affections, ainsi que fait le vray obeissant, tant à l'endroit de ses Superieurs comme de Dieu mesme.

  A006000350 

 Les payens, tous meschans qu'ils estoyent, nous ont monstré exemple de cecy, car le diable parloit à eux en diverses sortes d'idoles: les unes estoyent des statues d'hommes, les autres des rats, des chiens, des lyons, des serpens et choses semblables; et ces pauvres gens adjoustoyent foy également à tous, obeissant à la statue d'un chien comme à celle d'un homme, à celle d'un rat comme à [172] celle d'un lyon, sans aucune difference.

  A006000350 

 On dit que ceste obeissance est aveugle parce qu'elle obeit également à tous les Superieurs.

  A006000350 

 Tous les anciens Peres ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vouloyent pas sousmettre à l'obeissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux; ils leur demandoyent: Quand vous obeissiez à vos Superieurs, pourquoy le faisiez-vous? estoit-ce pour l'amour de Dieu? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre.

  A006000353 

 Ainsi le vray obeissant croid simplement de pouvoir faire tout ce qu'on luy peut commander, parce qu'il tient que tous les commandemens [175] viennent de Dieu, ou sont faits par son inspiration, lesquels ne peuvent estre impossibles à raison de la puissance de Celuy qui commande..

  A006000353 

 Quand Nostre Seigneur voulut donner la veuë à l'aveugle né, il fit de la bouë et la luy mit sur les yeux, luy commandant de s'aller laver en la fontaine de Siloë.

  A006000354 

 Cettui-cy estant ladre, s'en alla trouver Elisée pour estre gueri, parce que tous les remedes dont il avoit usé pour recouvrer sa premiere santé ne luy avoyent de rien servi.

  A006000355 

 Elle sçait que le chemin par lequel elle doit aller est la Regle de la Religion et les commandemens des Superieurs; elle prend ce chemin en simplicité [176] de cœur, sans pointiller si ce seroit mieux de faire ainsi ou ainsi: pourveu qu'elle obeisse, tout luy est égal, car elle sçait bien que cela suffit pour estre agreable à Dieu, pour l'amour duquel elle obeit purement et simplement..

  A006000356 

 O certes, les obeissances qui se font mal gratieusement ne sont point agreables.

  A006000357 

 Ce grand Saint, qui ne desiroit pas moins de dresser ses Religieux à une totale mortification des sens comme à la mortification interieure des passions et inclinations, appella Jonas et luy commanda que le lendemain il ne manquast à couper le figuier; à quoy le pauvre Jonas repliqua: Hé, mon Pere, encor faut-il un peu supporter ces jeunes gens; il les faut bien recréer en quelque chose; ce n'est pas pour moy que je le veux conserver.

  A006000357 

 Entre les Religieux de saint Pachome il y en avoit un nommé Jonas, homme de grande vertu et sainteté, lequel avoit la charge du jardin, dans lequel il y avoit un figuier qui portoit de fort belles figues.

  A006000357 

 Or ce figuier servoit de tentation aux jeunes Religieux; toutes les fois qu'ils passoyent aupres, ils regardoyent tousjours un peu ces figues.

  A006000357 

 Saint Pachome l'ayant remarqué, et se promenant un jour par le jardin, il leva ses yeux contre ce figuier et vid le diable au dessus, qui regardoit les figues de haut en bas, comme les Religieux les regardoyent du bas en haut.

  A006000358 

 Ils furent extremement prompts à suivre le desir du roy; ainsi void-on que tant de grands Saints ont fait pour suivre les inclinations et les desirs qu'il leur sembloit que le Roy des roys, Nostre Seigneur, avoit.

  A006000358 

 Or, dessus ceste obeissance aux conseils, l'obeissance amoureuse est entée, qui nous fait entreprendre de suivre ric à ric les desirs et les intentions de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000358 

 Quel commandement, je vous supplie, a fait Nostre Seigneur, qui obligeast sainte Catherine de Sienne à boire ou lescher avec la langue la pourriture qui sortoit de la playe de ceste pauvre femme qu'elle servoit? et saint Louis, roy de France, de manger avec les ladres le reste de leur potage pour leur donner courage de manger? Certes, ils n'estoyent aucunement obligés à cela; mais sçachant que Nostre Seigneur aymoit et avoit tesmoigné de l'inclination à l'amour de la propre abjection, pensant luy faire plaisir de suivre son inclination, ils faisoyent ces choses, quoy que tres-repugnantes à [179] leurs sens, avec un tres-grand amour.

  A006000359 

 Donc, celuy qui pour suivre l'inclination que Nostre Seigneur a tesmoigné que l'on secourust les pauvres, voudrait aller de ville en ville pour les chercher, qui ne sçait que pendant qu'il sera en une il ne servira pas ceux qui seront en l'autre? Il faut aller en ceste besogne en simplicité de cœur; faire l'aumosne quand j'en rencontre l'occasion, sans m'aller amusant par les rues de maison en maison, pour sçavoir s'il y aura point de pauvre que je ne cognoisse pas.

  A006000359 

 Mais il faut que je vous advertisse icy d'une tromperie en laquelle on pourroit tomber: car si ceux qui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu fort exactement, vouloyent tousjours se tenir en attention pour pouvoir cognoistre les desirs et les inclinations de leurs Superieurs ou de Dieu, ils perdroyent le temps infailliblement; car par exemple, tandis que je m'enquerrois quel est le desir de Dieu, je ne m'occuperais pas à me tenir en repos et tranquillité aupres de luy, qui est le desir qu'il a maintenant, puisqu'il ne me donne rien autre chose à faire.

  A006000361 

 Le bon Religieux Jonas nous fournit deux exemples sur le sujet de la perseverance; et bien qu'il n'obeist si promptement au commandement que saint Pachome luy donna, c'estoit neantmoins un Religieux de grande perfection: car dés qu'il entra en Religion jusques à la mort il continua en l'office de jardinier, sans jamais le changer durant soixante et quinze ans qu'il vescut en ce monastere; et l'autre exercice auquel il persevera aussi toute sa vie, comme je vous ay dit cy-devant, fut de faire des nattes de joncs entrelacés avec des feuilles [181] de palmes, tellement qu'il mourut en les faisant.

  A006000361 

 Si vous n'avez ces deux vertus, vous n'en avez point; si vous les avez, vous avez quant et quant toutes les autres..

  A006000361 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire touchant l'obeissance, sinon encore ce mot, que l'obeissance est d'un si grand prix qu'elle est compagne de la charité; et ces deux vertus sont celles qui donnent le prix et la valeur à toutes les autres, de sorte que sans elles toutes les autres ne sont rien.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000362 

 Le Saint luy disoit: Mon fils, mieux vaut vivre en obeissance, et mourir tous les jours en vivant par une continuelle mortification de soy-mesme, que de martyriser nostre imagination.

  A006000362 

 Les Sarrasins le conduisirent où estoit leur idole pour la luy faire adorer.

  A006000363 

 La moindre petite chose faite par obeissance est tres-agreable à Dieu: mangez par obeissance, vostre manger est plus agreable à Dieu que les jeusnes des anachoretes s'ils sont faits sans obeissance; reposez-vous par obeissance, vostre repos est plus meritoire et plus agreable à Dieu que non pas le travail volontaire.

  A006000364 

 De mesme le vray obeissant, que l'on luy commande cecy ou cela, il ne s'en met point en peine; pourveu que l'on luy commande, et qu'il soit tousjours entre les bras de l'obeissance, je veux dire en l'exercice de l'obeissance, il est content.

  A006000364 

 Le vray obeissant vivra doucement et paisiblement comme un enfant qui est entre les bras de sa chere mere, lequel ne se met point en soin de ce qui luy pourra survenir; que la mere le porte sur le bras droit ou sur le gauche, il ne s'en soucie pas.

  A006000364 

 Mais, me direz-vous, qu'est-ce qu'il m'arrivera de pratiquer si exactement ceste obeissance amoureuse avec les conditions susdites: en aveugle, promptement et perseveramment? O mes cheres lilles, celuy qui le fera jouira en son ame d'une tranquillité continuelle et de la tres-sainte paix de Nostre Seigneur qui surpasse tout sentiment; il n'aura aucun compte à rendre de ses actions, puisqu'elles auront esté toutes faites par obeissance, tant aux Regles comme aux Superieurs.

  A006000364 

 Quel bonheur plus utile et desirable que cela? Certes, le vray obeissant, pour dire cela en passant, ayme ses Regles, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu; et partant il ne se départ [186] jamais de ceste voye, ni de l'observance des choses qui y sont dites par forme de direction, non plus que de celles qui y sont commandées.

  A006000365 

 Car ils donnent des advis en trois sortes: les uns par forme de commandement, les autres par forme de conseil, et les autres par forme de simple direction.

  A006000365 

 Dans les Constitutions et Regles [188] c'en est tout de mesme, car il y a des articles qui disent: Les Sœurs pourront faire telle chose, et d'autres qui disent: Elles feront, ou bien, se garderont de faire.

  A006000365 

 Et, bien qu'elles ne contreviennent pas à l'obeissance qu'elles ont vouée, qui est celle des commandemens et conseils, quand elles ne s'assujettissent pas à la suite de la direction, elles contreviennent neantmoins à l'obeissance amoureuse à laquelle toutes les Filles de la Visitation doivent pretendre..

  A006000365 

 Les uns sont des conseils et les autres des commandemens.

  A006000365 

 O non, ma fille: les Superieurs, [187] non plus que les confesseurs, n'ont pas tousjours intention d'obliger les inferieurs par les commandemens qu'ils font, et quand ils le veulent faire, ils usent du mot de commandement sur peine de desobeissance; et alors les inferieurs sont obligés d'ober sur peine de peché, bien que le commandement fust fort leger et de chose de peu; mais autrement non.

  A006000365 

 Vous demandez maintenant si vous estes obligées sur peine de peché, de faire tout ce que les Superieurs vous disent que vous fassiez; comme quand vous rendez compte, s'il faut que vous teniez pour commandement tout ce que la Superieure vous dit, qui est propre à vostre avancement.

  A006000366 

 Bien que les Superieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inferieurs selon leur ignorance, voire [190] par des voyes scabreuses et dangereuses, les inferieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement peché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux asseurer qu'ils ne peuvent jamais errer.

  A006000366 

 Le vray obeissant, dit l'Escriture Sainte, parlera de ses victoires; c'est à dire il demeurera vainqueur en toutes les difficultés esquelles il sera porté par obeissance, et sortira à son honneur des chemins esquels il entrera par obeissance, pour dangereux qu'ils puissent estre.

  A006000368 

 Bien que l'on voye pour l'ordinaire en toutes les Religions les Novices fort exacts et mortifiés, ce n'est pas qu'ils soyent plus obligés que les Profés: ô non, car ils ne le sont encore nullement, ains ils perseverent en obeissance pour parvenir à la grace de la profession; mais les Profés y sont obligés en vertu des vœux qu'ils ont faits, lesquels il ne suffit pas d'avoir faits pour estre Religieux, si on ne les observe.

  A006000368 

 Mais hors de là, les inferieurs doivent tousjours croire et faire confesser à leur propre jugement que les Superieurs font tres-bien et qu'ils ont bonne raison de le faire; car autrement ce seroit se faire Superieur et rendre le Superieur inferieur, puisque nous nous rendrions examinateurs de sa cause.

  A006000368 

 Mais, pourriez-vous dire, n'est-il pas permis de desapprouver ce que ceste Superieure icy fait, ni de dire ou penser pourquoy elle fait des ordonnances que l'autre ne faisoit pas? O certes, non jamais, mes cheres filles; ains il faut approuver tout ce que les Superieures font ou disent, permettent ou defendent, pourveu qu'il ne soit manifestement contre les commandemens de Dieu, car alors il ne faut ni obeir ni approuver cela.

  A006000368 

 Non, il faut plier les espaules sous le fardeau de la sainte obeissance, croyant que ces deux Superieures ont eu bonne raison de faire le commandement qu'elles ont fait, quoy que different et contraire l'un à l'autre.

  A006000370 

 Parce que les creatures ne me contentent pas, je cherche le Createur: ô non! le Createur merite bien que je quitte tout pour luy; aussi veut-il que nous le fassions.

  A006000371 

 Il vous semble que les Superieurs ont la consolation sur le bord des levres et qu'ils la respandent facilement dans le cœur de ceux qu'ils veulent, ce qui n'est pas neantmoins; car ils ne peuvent pas tousjours estre de mesme humeur non plus que les autres.

  A006000371 

 Tantost nous serons consolés, et d'icy à un peu nous aurons le cœur sec, et de telle sorte que les paroles de consolation nous ajusteront extremement cher à dire..

  A006000371 

 Une autre fois que vous aurez le cœur tendre et bien disposé, elle ne vous dira que trois ou quatre paroles, beaucoup moins utiles pour vostre perfection que les autres n'estoyent, qui vous consoleront; et pourquoy? parce que vostre cœur estoit disposé à [195] cela.

  A006000372 

 Vous me demandiez encor que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre jugement; à quoy je responds que c'est de luy retrancher fidelement toutes sortes de discours és occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet; car, mes cheres filles, ce n'est que par les actes reiterés que nous acquerons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques ames auxquelles Dieu les a données toutes en un moment.

  A006000373 

 C'est d'un grand docteur, et grandement renommé, lequel composa un livre qu'il intitula: Des Dispensations et des Commandemens, lequel tombant un jour entre les mains du Pape, il jugea qu'il contenoit quelques propositions erronées; il l'escrivit à ce docteur à fin qu'il eust à les rayer de dessus son livre.

  A006000374 

 Il faut faire les mesmes excuses d'une personne ivre et de nostre propre jugement; car l'un n'est pas guere plus capable de raison que l'autre.

  A006000374 

 L'on void encor assez souvent des sens mortifiés, parce que la propre volonté se mesle de les mortifier, et ce seroit une chose honteuse de se monstrer retifs à l'obeissance: que diroit-on de nous? mais de propre jugement, fort rarement on en trouve de bien mortifiés.

  A006000374 

 Par malheur, ce pauvre homme estoit ivre, et commençant à parler en ivrogne, dit que David, apres avoir mangé ses voleries, envoyoit chez luy pour le ruiner comme les autres, et qu'il ne leur donneroit aucune chose.

  A006000375 

 Nos Sœurs ayment trop leur propre abjection pour faire ainsi; tant s'en faut qu'elles s'en troublent, qu'au contraire elles prendront un plus grand courage et plus de soin de s'amender, non pas pour eviter d'estre adverties, car je suppose qu'elles ayment souverainement tout ce qui les peut rendre viles et abjectes à leurs yeux, ains à fin de faire tousjours mieux leur devoir et se rendre capables de leur vocation.

  A006000375 

 O Dieu! il ne faut pas faire ce jugement des Sœurs de ceans; car cela n'appartient qu'aux filles du monde de perdre l'asseurance quand 0n les advertit de leurs defauts.

  A006000375 

 Vous voulez en fin sçavoir si vous devez avoir une grande confiance et un grand soin à vous advertir les unes les autres en charité, de vos fautes.

  A006000379 

 L'histoire tant commune des hostesses de Nostre Seigneur, Marthe et Magdelaine, est grandement remarquable pour ce sujet; car ne voyez-vous pas que Marthe, bien que sa fin fust louable de vouloir bien traitter Nostre Seigneur, ne laissa pas d'estre reprise par ce divin Maistre? d'autant qu'outre la fin tres-bonne qu'elle avoit en son empressement, elle regardoit encor Nostre Seigneur entant qu'homme; et pour cela elle croyoit qu'il fust comme les autres, auxquels un seul mets ou une sorte d'apprest ne suffit pas, et c'estoit cela qui faisoit qu'elle s'esmouvoit grandement à fin d'apprester plusieurs mets.

  A006000380 

 Apprenez de la colombe à aymer Dieu en simplicité de cœur, n'ayant qu'une seule pretention et une seule fin en tout ce que vous ferez; mais n'imitez pas seulement la simplicité de l'amour des colombes en ce qu'elles n'ont tousjours qu'un paron pour lequel elles font tout et auquel seul elles veulent complaire, mais imitez-les aussi en la simplicité qu'elles pratiquent en l'exercice et au tesmoignage qu'elles rendent de leur amour; car elles ne font point tant de choses ni tant de mignardises, ains elles font simplement leurs petits gemissemens à l'entour de leurs colombeaux, et se contentent de leur tenir compagnie quand ils sont presens..

  A006000380 

 Les payens, voire ceux qui ont le mieux parlé des autres vertus, n'en ont eu aucune cognoissance, non plus que de l'humilité; car de la magnificence, de la liberalité, de [203] la constance, ils en ont fort bien escrit; mais de la simplicité et de l'humilité, rien du tout.

  A006000381 

 La simplicité bannit de l'ame le soin et la sollicitude que plusieurs ont inutilement pour rechercher quantité d'exercices et de moyens pour pouvoir aymer Dieu, ainsi qu'ils disent; et leur semble, s'ils ne font tout ce que les Saints ont fait, qu'ils ne sçauroyent estre contens.

  A006000381 

 La simplicité embrasse voirement les moyens que l'on prescrit à un chacun selon sa vocation pour acquerir l'amour de Dieu, de sorte qu'elle ne veut point d'autre motif pour acquerir ou estre incitée à la recherche de cest amour que sa fin mesme, autrement elle ne seroit pas parfaitement simple; car elle ne peut souffrir autre regard, pour parfait qu'il puisse estre, que le pur amour de Dieu qui est sa seule pretention.

  A006000382 

 L'astuce est un amas d'artifices, de tromperies, de malices, et c'est par le [205] moyen de l'astuce que nous trouvons des inventions pour tromper l'esprit du prochain et de ceux avec lesquels nous avons à faire, pour les conduire au poinct que nous pretendons, qui est de leur faire entendre que nous n'avons autre sentiment au coeur que celuy que nous leur manifestons par nos paroles, ni autre cognoissance sur le sujet dont il s'agit; chose qui est infiniment contraire à la simplicité, qui requiert que nous ayons l'interieur entierement conforme à l'exterieur..

  A006000382 

 La vertu de simplicité est opposée et contraire au vice de l'astuce, vice qui est la source d'où procedent les finesses, artifices et duplicités.

  A006000382 

 Or, avant que passer outre, il faut descouvrir une tromperie qui est en l'esprit de plusieurs touchant ceste vertu; car ils pensent que la simplicité soit contraire à la prudence, et qu'elles soyent opposées l'une à l'autre, ce qui n'est pas; car jamais les vertus ne se contrarient l'une l'autre, ains ont une union tres-grande par ensemble.

  A006000383 

 Il faut tousjours faire difference entre les effets de la partie superieure de nostre ame et les effets de nostre partie inferieure.

  A006000383 

 Je n'entends pas pourtant de dire qu'il faille tesmoigner en nos émotions, des passions à l'exterieur ainsi que nous les avons en l'interieur; car ce n'est pas contre la simplicité de faire bonne mine en ce temps-là, ainsi que l'on pourroit penser.

  A006000383 

 Mais ne seroit-ce point tromper ceux qui nous verroyent, dites-vous, d'autant que, quoy que nous fussions fort immortifiées, ils croiroyent que nous serions fort vertueuses? Ceste reflexion, ma chere Sœur, sur ce que l'on dira ou [206] que l'on pensera de vous, est contraire à la simplicité; car nous avons dit qu'elle ne vise qu'à contenter Dieu et nullement les creatures, sinon entant que l'amour de Dieu le requiert.

  A006000383 

 Nous avons dit que la simplicité a son regard continuel en l'acquisition de l'amour de Dieu; or l'amour de Dieu requiert de nous que nous retenions nos sentimens, et que nous les mortifions et aneantissions, c'est pourquoy il ne requiert pas que nous les manifestions et fassions voir au dehors.

  A006000384 

 De mesme en est-il de ce que l'on pourroit dire, s'il n'est pas permis de se servir de la prudence pour ne pas descouvrir aux Superieurs ce que l'on penseroit les pouvoir troubler, ou nous-mesmes en le disant; car la simplicité ne regarde sinon s'il est expedient de dire ou de faire telle chose, et puis là dessus elle se met à la faire, sans perdre le temps à considerer si le Superieur se trouble, ou bien encor moy, si je luy dis quelque pensée que j'ay eu de luy, ou qu'il ne se trouble pas, ni moy aussi.

  A006000386 

 Au surplus, les Superieurs doivent estre parfaits, ou du moins ils doivent faire les oeuvres des parfaits; et partant ils ont les oreilles ouvertes pour recevoir et entendre tout ce que l'on leur veut dire, sans s'en mettre beaucoup en peine.

  A006000386 

 Bien, si vous ne la voulez dire et qu'elle ne soit pas necessaire, n'ayant besoin d'instruction sur ce fait, resolvez-vous promptement et ne perdez pas le temps à considérer si vous la devez dire ou non; car il n'y auroit pas de l'apparence de faire une heure de consideration sur toutes les menues actions de nostre vie.

  A006000386 

 La simplicité ne se mesle pas de ce que font ou feront les autres, elle pense à soy; encore n'a-t'elle pour soy que les pensées qui sont vrayement necessaires, car quant aux autres, elle s'en destourne tousjours promptement.

  A006000386 

 Mais de plus, je pense, quant à moy, qu'il est meilleur et plus expedient de dire à la Superieure les pensées qui nous mortifient le plus, que non pas plusieurs autres qui ne servent de rien, sinon pour accroistre l'entretien que vous faites avec elle.

  A006000387 

 Que si elle y rencontre quelque occasion de pratiquer quelque vertu, elle s'en sert soigneusement comme d'un moyen propre pour parvenir à sa perfection qui est l'amour de Dieu, mais elle ne s'empresse point pour les rechercher; elle ne les mesprise point aussi.

  A006000389 

 C'est aussi manquer de simplicité de faire tant de considerations quand nous nous voyons faire des defauts les uns aux autres, pour sçavoir si ce sont des choses necessaires à dire à la Superieure; car dites-moy, la Superieure n'est-elle pas capable de cela, et de juger s'il est requis d'en faire la correction ou non? Mais que sçay-je moy à quelle intention ceste Sœur aura fait telle chose? dites-vous.

  A006000389 

 La Superieure ne doit pas laisser de corriger les Sœurs parce qu'elles ont de l'aversion à la correction; car peut estre tant que nous vivrons nous en aurons tousjours, d'autant que c'est une chose totalement contraire à la nature de l'homme d'aymer d'estre avili et corrigé; mais ceste aversion ne doit pas estre favorisée de nostre volonté laquelle doit aymer l'humiliation.

  A006000390 

 Il y a des ames qui ne veulent, à ce qu'elles disent, estre conduites que par l'Esprit de Dieu, et leur semble que tout ce qu'elles s'imaginent soit des inspirations et des mouvemens du Saint Esprit, qui les prend par la main et les conduit en tout ce qu'elles veulent faire, comme des enfans, en quoy certes elles se trompent fort.

  A006000391 

 Il ne faut pas dire qu'ils ne nous cognoissent pas bien, car nous devons croire que l'obeissance et la sousmission sont tousjours les vrayes marques de la bonne inspiration; et quoy qu'il puisse arriver que nous n'ayons point de consolation és exercices que l'on nous fait faire, et que nous en ayons beaucoup aux autres, ce n'est pas par la consolation que l'on juge de la bonté de nos actions.

  A006000392 

 L'ame qui a la parfaite simplicité n'a qu'un amour, qui est pour Dieu; et en cest amour elle n'a qu'une seule pretention, qui est celle de reposer sur la poitrine du Pere celeste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entierement tout le soin de soy-mesme à son bon Pere, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en ceste sainte confiance; non pas mesme les desirs des vertus et des graces qui luy sembloyent estre necessaires ne l'inquietent point.

  A006000392 

 Mais à quoy servent aussi les desirs si pressans et inquietans des vertus dont la pratique ne nous est pas necessaire? La douceur, l'amour de nostre abjection, l'humilité, la douce charité et cordialité envers le prochain, l'obeissance, sont des vertus dont la pratique nous doit estre commune, d'autant qu'elle nous est necessaire, parce que la rencontre des occasions nous en est frequente; mais quant à la constance, à la magnificence, et telles autres vertus que peut estre nous n'aurons jamais occasion de pratiquer, ne nous en mettons point en peine; nous n'en serons pas pour cela moins magnanimes ni genereux.

  A006000393 

 Helas! nos satisfactions et consolations ne satisfont pas les yeux de Dieu, ains elles contentent seulement ce miserable amour et soin que nous avons de nous-mesmes, hors de Dieu et de sa consideration.

  A006000393 

 Les enfans, certes, que Nostre Seigneur nous marque devoir estre le modelle de nostre perfection, n'ont ordinairement aucun soin, sur tout en la presence de leurs peres et meres; ils se tiennent attachés à eux, sans se retourner à regarder ni leurs satisfactions ni leurs consolations, qu'ils prennent à la bonne foy et en jouissent en simplicité, sans curiosité quelconque d'en considerer les causes ni les effets, l'amour les occupant assez sans qu'ils puissent faire autre chose.

  A006000393 

 Vous me demandez comme les ames qui sont attirées en l'oraison à ceste sainte simplicité et à ce parfait abandonnement en Dieu se doivent conduire en toutes leurs actions? Je responds que non seulement en l'oraison, mais en la conduite de toute leur vie, elles doivent marcher invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute leur ame, leurs actions et leurs succés au bon plaisir de Dieu, par un amour de parfaite et tres-absolue confiance, se delaissant à la mercy et au soin de l'amour eternel que la divine Providence a pour elles.

  A006000394 

 Les amantes [217] spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voirement de temps en temps, comme les colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancées au gré de leur Amant; et cela se fait és examens de la conscience par lesquels elles se nettoyent, purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour estre parfaites, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progrés au bien, mais pour obeir à l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent et pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner du contentement.

  A006000394 

 Mais n'est-ce pas un amour bien pur, bien net et bien simple, puisqu'elles ne se purifient pas pour estre pures, elles ne se parent pas pour estre belles, ains seulement pour plaire à leur Amant, auquel si la laideur estoit aussi agreable, elles l'aymeroient autant que la beauté? Et si, ces simples colombes n'employent pas un soin ni fort long ni aucunement empressé à se laver et parer, car la confiance que leur amour leur donne d'estre grandement aymées, quoy qu'indignes (je dis la confiance que leur amour leur donne en l'amour et en la bonté de leur Amant), leur oste tout empressement et desfiance de ne pas estre assez belles; outre que le desir d'aymer, plustost que de se parer et preparer à l'amour, leur retranche toute curieuse sollicitude et les fait contenter d'une douce et fidelle preparation, faite amoureusement et de bon cœur..

  A006000396 

 Alors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receus doucement et suavement; car qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné à son amour et qui s'est, remis à son bon plaisir, qu'est ce qui le peut esbranler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser à philosopher sur les causes, raisons et motifs des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsi il a esté agreé devant vous..

  A006000396 

 Apres que nous aurons dit cela, mes [218] tres-cheres filles, que reste-t'il sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus à nous-mesmes, mais Jesus Christ vivant en nous? Alors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et de la tendreté que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser à la queste des satisfactions et perfections de nous-mesmes; et embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de ceste simple et amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progrés, nous le ferons grandement; sans aller, nous avancerons, et sans nous remuer de nostre place nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice.

  A006000396 

 Oyons et imitons le divin Sauveur, qui, comme tres-parfait Psalmiste, chante les souverains traits de son amour sur l'arbre de la croix; il les conclud tous ainsi: Mon Pere, je remets et recommande mon esprit entre vos mains.

  A006000397 

 Alors nous serons toutes détrempées en douceur et suavité envers nos Sœurs et les autres prochains, car nous verrons ces ames là dans la poitrine du Sauveur.

  A006000398 

 Laissant toutes autres responses qui se peuvent faire à ceste demande, nous prenons [220] maintenant les paroles de Nostre Seigneur: Soyez prudens comme le serpen t lequel, lors qu'il est attaqué, il expose tout son corps pour conserver sa teste.

  A006000400 

 La vraye vertu de prudence doit estre veritablement pratiquée, d'autant qu'elle est comme un sel spirituel qui [221] donne goust et saveur à toutes les autres vertus; mais elle doit estre tellement pratiquée des Filles de la Visitation, que la vertu d'une simple confiance surpasse tout; car elles doivent avoir une confiance toute simple, qui les fasse demeurer en repos entre les bras de leur Pere celeste et de leur tres-chere Mere Nostre Dame, devant estre asseurées qu'ils les protegeront tousjours de leur soin tres-aymable, puisqu'elles sont assemblées pour la gloire de Dieu et l'honneur de la tres-sainte Vierge.

  A006000405 

 Allant donc en Hierusalem, il voulut passer par une ville de Samarie, mais les Samaritains ne le voulurent pas permettre; dequoy saint Jacques et saint Jean entrerait en colere, et furent tellement indignés contre les Samaritains de l'inhospitalité qu'ils faisoyent à leur Maistre, qu'ils luy dirent: Maistre, voulez-vous que nous fassions tomber le feu du ciel pour les abysmer et les chastier de l'outrage qu'ils vous font? Et Nostre Seigneur leur respondit: Vous ne sçavez de quel esprit vous estes, voulant dire: Ne sçavez-vous pas que nous ne sommes plus au temps d'Helie qui avoit un esprit de rigueur? Et bien qu'Helie fust un tres-grand serviteur de Dieu, et qu'il fist bien en faisant ce que vous voulez faire, neantmoins vous autres ne feriez pas bien en l'imitant, d'autant que je ne suis pas venu pour punir et confondre les pecheurs, ains pour les attirer doucement à penitence et à ma suite..

  A006000405 

 Il est dit que saint Jean Baptiste estoit venu en l'esprit et vertu d'Helie, et pour cela, qu'il reprenoit hardiment et rigoureusement les pecheurs, les appellant engeance de viperes et telles autres paroles.

  A006000405 

 L'autre exemple que nous trouvons en l'Evangile, qui sert à [223] nostre propos, est que Nostre Seigneur voulant aller en Hierusalem, ses disciples l'en dissuadoyent, parce que les uns avoyent affection d'aller en Capharnaum, les autres en Bethanie, et ainsi taschoyent de conduire Nostre Seigneur au lieu où ils vouloyent aller; car ce n'est pas d'aujourd'huy que les inferieurs veulent conduire leurs maistres selon leur volonté.

  A006000405 

 Mais Nostre Seigneur qui estoit tres-facile à condescendre, raffermit toutefois son visage, car l'Evangeliste use de ces mesmes mots, pour aller en Hierusalem, à fin que les Apostres ne le pressassent plus de n'y pas aller.

  A006000405 

 Mais quelle estoit ceste vertu d'Helie? C'estoit la force qui procedoit de son esprit pour aneantir et punir les pecheurs, faisant tomber le feu du ciel pour perdre et confondre ceux qui vouloyent resister à la majesté de son Maistre: c'estoit donc un esprit de rigueur qu'avoit Helie.

  A006000406 

 Toutes les Religions et toutes les assemblées de devotion ont un esprit qui leur est general, et chacune en a un qui luy est particulier.

  A006000407 

 D'autres ont un autre esprit, et c'est une chose fort necessaire de sçavoir quel est l'esprit particulier de chaque Religion et assemblée pieuse; ce que pour bien cognoistre, il faut considerer la fin pour laquelle elle a esté commencée et les divers moyens de parvenir à ceste fin.

  A006000407 

 Il y a la generale en toutes les Religions, comme nous avons dit; mais c'est de la particuliere de laquelle je parle, et à laquelle il faut avoir un si grand amour qu'il n'y ayt chose aucune que nous puissions cognoistre qui soit conforme à ceste fin, que nous ne l'embrassions de tout nostre cœur..

  A006000407 

 Ils s'unissent bien encor à Dieu par l'oraison; mais neantmoins leur fin principale est celle que nous venons de dire, de tascher de convertir les ames et les unir à Dieu.

  A006000407 

 Les autres ont un esprit severe et rigoureux, avec un parfait mespris du monde et de toutes ses vanités et sensualités, voulans par leur exemple induire les hommes à ce mespris des choses de la terre; et à cela, sert l'aspreté de leurs habits et exercices.

  A006000407 

 Les uns s'unissent à Dieu et au prochain par la contemplation, et pour cela ont une tres-grande solitude et ne conversent que le moins qu'ils peuvent parmi le monde, non pas mesmes les uns avec les autres, si ce n'est en certain temps; ils s'unissent aussi avec le prochain par le moyen de l'oraison, en priant Dieu pour luy.

  A006000408 

 Avoir l'amour de la fin de nostre Institut, sçavez-vous [226] que c'est? C'est estre exactes à l'observance des moyens de parvenir à ceste fin, qui sont nos Regles et Constitutions, et estre fort diligentes à faire tout ce qui en dépend et qui sert à les observer plus parfaitement: cela, c'est avoir l'esprit de nostre Religion.

  A006000408 

 Mais Dieu, à qui seul appartient de faire ces assemblées de pieté, les a fait reussir en la façon que nous voyons qu'elles sont; car il ne faut jamais croire que ce soyent les hommes qui, par leur invention, ayent commencé ceste façon de vie si parfaite comme est celle de la Religion: c'est Dieu par l'inspiration duquel ont esté composées les Regles, qui sont les moyens propres pour parvenir à ceste fin generale à tous les Religieux, de s'unir à Dieu, et au prochain pour l'amour de Dieu..

  A006000408 

 Mais il faut que ceste exacte et ponctuelle observance soit entreprise en simplicité de cœur, je veux dire qu'il ne nous faut pas vouloir aller au delà, par des pretentions de faire plus qu'il ne nous est marqué dans nos Regles; car ce n'est pas par la multiplicité des choses que nous faisons que nous acquerons la perfection, mais c'est par la perfection et pureté d'intention avec laquelle nous les faisons.

  A006000408 

 Quant à la fin de vostre Institut, il ne la faut pas chercher en l'intention des trois premieres Sœurs qui commencerent, non plus que celle des Jesuites au premier dessein qu'eut saint Ignace; car il ne pensoit à rien moins qu'à faire ce qu'il a fait par apres, comme de mesme saint François, saint Dominique et les autres qui ont commencé des Religions.

  A006000409 

 Chacun sçait que les richesses et les biens de la terre sont des puissans attraits pour dissiper l'ame, tant pour la trop grande affection qu'elle y met, que pour les sollicitudes qu'il faut avoir pour les garder, voire pour les accroistre, d'autant que l'homme n'en a jamais assez selon ce qu'il desire.

  A006000409 

 Il en fait tout de mesme à la chair et à toutes ses sensualités et plaisirs, tant licites qu'illicites, par le vœu de chasteté, qui est un tres-grand moyen de s'unir à Dieu tres-particulierement; d'autant que ces plaisirs sensuels allentissent et affoiblissent grandement les forces de l'esprit, dissipent le cœur et l'amour que nous devons à Dieu, et que nous luy donnons entierement par ce moyen, ne nous contentant pas de sortir de la terre de ce monde, mais sortans encore de la terre de nous-mesme, c'est à dire renonçans aux plaisirs terrestres de nostre chair.

  A006000409 

 Mais comme chaque Religion a sa fin particuliere, comme aussi les moyens particuliers pour parvenir à ceste [227] fin et union generale, tous ont aussi un moyen general pour y parvenir, qui est par les trois vœux essentiels de la Religion.

  A006000410 

 Et si bien les austerités sont bonnes en elles-mesmes et sont des moyens de parvenir à la perfection, elles ne seroyent pas pourtant bonnes chez vous, d'autant que ce seroit contre les Regles..

  A006000410 

 Tous les anciens Peres ont determiné que, où l'aspreté des mortifications corporelles manque, il y doit avoir plus de perfection d'esprit; il faut donc que l'humilité envers Dieu et la douceur envers le prochain supplée en vos maisons à l'austerité des autres.

  A006000411 

 L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visitation, que quiconque y voudroit introduire plus d'austerités qu'il n'y a pas maintenant, destruiroit incontinent la Visitation; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir les filles et femmes infirmes, qui n'ont pas des corps assez forts pour entreprendre, ou qui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par la voye des austerités que l'on fait és autres Religions.

  A006000411 

 La bien-heureuse Mere sainte Therese dit admirablement bien le mal qu'apportent ces petites entreprises de vouloir faire plus que la Regle n'ordonne et que la Communauté ne fait; et particulierement si c'est la Superieure, le mal en sera plus grand; car tout aussi tost que ses filles s'en appercevront, elles voudront incontinent faire le mesme, et elles ne manqueront pas de raison pour se persuader qu'elles le feront bien, les unes poussées de zele, les autres pour luy complaire, et tout cela servira de tentation à celles qui ne pourront ou ne voudront pas faire de mesme..

  A006000411 

 Vous me direz peut estre: S'il arrive qu'une Sœur ayt une complexion robuste, peut-elle pas bien [229] faire des austerités plus que les autres, avec la permission de la Superieure, en sorte que les autres Sœurs ne s'en apperçoivent pas? je responds à cela qu'il n'y a point de secret qui ne passe secrettement à une autre; et ainsi de l'une à l'autre l'on vient à faire des Religions dans les Religions et des petites ligues, et puis tout se dissipe.

  A006000412 

 Il ne faut jamais introduire, permettre ni souffrir ces particularités en Religion, excepté neantmoins en certaines necessités particulieres; comme s'il arrivoit qu'une Sœur fust pressée de quelque grande vexation ou tentation, alors ce ne seroit pas un extraordinaire de demander à la Superieure de faire quelques penitences plus que les autres; car il faut user de la mesme simplicité que font les malades, qui doivent demander les remedes qui leur semblent les pouvoir soulager.

  A006000413 

 Et mesmes, il n'y a pas long temps que mes brebis ont agnelé; les agneaux encore tendres ne pourroyent pas aller viste, et tout cela vous arresteroit trop en chemin.

  A006000413 

 Il estoit à pied, et ce voyage luy fut heureux, comme il se void assez par les benedictions qu'il receut de Dieu tout le long du chemin; car il vid et parla plusieurs fois aux Anges et au Seigneur des Anges et des hommes; et en fin il fut mieux partagé que son frere, qui estoit si bien accompagné..

  A006000413 

 Voicy un exemple en Jacob, qui est tres-admirable et fort propre pour monstrer comment il se faut accommoder aux foibles, et arrester nostre force pour nous assujettir à aller de pair avec eux, principalement quand nous y avons de l'obligation, comme ont les Religieux à suivre la Communauté en tout ce qui est de la parfaite observance.

  A006000414 

 Accommodons-nous donc volontiers avec les infirmes qui y peuvent estre receuës, et je vous asseure que nous n'arriverons pas plus tard pour cela à la perfection; ains au contraire, ce sera cela mesme qui nous y conduira plus tost, parce que n'ayant pas beaucoup à faire nous nous appliquerons à le faire avec la plus grande perfection qu'il nous sera possible.

  A006000414 

 Et c'est en quoy nos œuvres sont plus agreables à Dieu, d'autant qu'il n'a pas esgard à la multiplicité des choses que nous faisons pour son amour, comme nous avons tantost dit, ains seulement à la ferveur de la charité avec laquelle nous les faisons.

  A006000414 

 Si nous voulons que nos voyages soyent benis de la divine Bonté, assujettissons-nous volontiers à l'exacte et ponctuelle observance de nos Regles, et cela en simplicité de cœur, sans vouloir doubler les exercices, ce qui seroit aller contre l'intention de l'Instituteur et la fin pour laquelle la Congregation a esté erigée.

  A006000415 

 Il y a certes moins à faire à estre exacte en l'observance des Regles, que non pas de les vouloir observer en partie..

  A006000415 

 La bien-heureuse Mere sainte Therese dit que ses filles estoyent tellement exactes, qu'il falloit que les Superieures eussent un tres-grand soin de ne rien dire [232] qui ne fust tres-bon à faire, parce que, sans autre semonce, elles se portoyent incontinent à le faire, et que pour plus parfaitement observer leurs Regles, elles estoyent pointilleuses à la moindre petite dependance.

  A006000416 

 Il ne faut point tenir pour inspiration les choses qui sont hors de la Regle, si ce n'est en [234] cas si extraordinaires, que la perseverance nous fasse cognoistre que c'est la volonté de Dieu, comme il s'est trouvé, pour ce qui est de la Communion, en deux ou trois grandes Saintes, les directeurs desquelles vouloyent qu'elles communiassent tous les jours.

  A006000416 

 Mais quant à certaines petites ferveurs que nous avons aucunes fois, qui sont passageres et qui pour l'ordinaire sont des effets de nostre nature, lesquelles nous font desirer la Communion, il ne faut point avoir esgard à cela, non plus que les mariniers n'en ont point à un certain vent qui se leve à la pointe du jour, lequel est produit des vapeurs qui s'eslevent de la terre et n'est pas de durée, ains cesse tout aussi tost que lesdites vapeurs sont un peu surlevées et dissipées; et partant, le patron du navire qui le cognoist, ne crie point au vent et ne desploye point les voiles pour voguer à la faveur d'iceluy.

  A006000417 

 Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy.

  A006000417 

 Elle tranche court à toutes les inventions de son amour propre, lequel prend une souveraine delectation à faire des entreprises de choses grandes et excellentes et qui nous font surestimer au dessus des autres.

  A006000417 

 Il y a une certaine simplicité de cœur en laquelle consiste la perfection de toutes les perfections, et c'est ceste simplicité qui fait que nostre ame ne regarde qu'à Dieu, et qu'elle se tient toute ramassée et resserrée en elle-mesme pour s'appliquer avec toute la fidelité qui luy est possible à l'observance de ses Regles, sans s'espancher à desirer ni vouloir entreprendre de faire plus que cela.

  A006000418 

 En fin, quand nous sommes à ramer, il le faut faire par mesure; ceux qui rament sur mer ne sont pas si tost battus pour ramer un peu laschement, que s'ils ne donnent les coups de rame par mesure.

  A006000418 

 Jamais il ne faut ni penser ni croire que pour ne faire rien de plus que les autres et suivre la Communauté, [235] nous ayons moins de merite.

  A006000418 

 L'on doit tascher d'eslever les Novices toutes également, faisant les mesmes choses, à fin que l'on rame justement; et si bien toutes ne le font pas avec égale perfection, nous ne sçaurions qu'y faire, cela se trouve en toutes les Communautés..

  A006000419 

 Mais, dites-vous, c'est par mortification que vous demeurez un peu plus dans le chœur aux jours de feste que les autres, parce que le temps vous y a desja bien [236] duré durant deux ou trois heures de suitte que toutes y ont demeuré.

  A006000420 

 En fin, mes cheres filles, il faut beaucoup aymer nos Regles, puisqu'elles sont les moyens par lesquels nous parvenons à leur fin, qui est de nous conduire facilement à la perfection de la charité, qui est l'union de nos ames avec Dieu et avec le prochain.

  A006000420 

 Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte observance de ses volontés qui nous sont signifiées dans nos Regles; car nous devons pieusement croire qu'elles ont esté dressées par son inspiration, estant receuës par la Sainte Eglise et approuvées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidens; [237] et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendrement, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données.

  A006000420 

 Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponctuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arrestant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible.

  A006000421 

 Pourquoy pensez-vous que Nostre Seigneur et sa tres-sainte Mere se soyent sousmis à la loy de la presentation et purification, sinon à cause de l'amour qu'ils portoyent à la communauté? Certes, cest exemple devroit suffire pour esmouvoir les Religieux à suivre exactement leur Communauté, sans jamais s'en départir; car ni le Fils ni la Mere n'estoyent aucunement obligés à ceste loy: non l'Enfant, parce qu'il estoit Dieu, non la Mere, parce qu'elle estoit Vierge toute pure.

  A006000422 

 De mesme, veut dire le sacré Espoux, est ma bien-aymée; car tandis qu'elle eschappe de devant l'ombre de la prevarication de mes commandemens, elle ne craint point de tomber entre les mains de la desobeissance.

  A006000422 

 Les uns sont attachés à la loy par des chaisnes de fer et les autres par des chaisnes d'or: je veux dire, les seculiers qui observent les commandemens de Dieu pour la crainte qu'ils ont d'estre damnés, les observent par force et non par amour; mais les Religieux et ceux qui ont soin de la perfection de leur ame y sont attachés par des chaisnes d'or, c'est à dire par amour; ils ayment les commandemens et les observent amoureusement, et pour les mieux observer ils embrassent l'observance des conseils.

  A006000422 

 Vous sçavez bien que la colombe se tient en asseurance aupres de ces eaux parce qu'elle y void les ombres des oyseaux de proye qu'elle redoute, et soudain qu'elle les void, elle prend la fuite et ainsi ne peut estre surprise.

  A006000422 

 Voyez-vous comme il veut que l'on soit ponctuel à l'observance d'iceux? Ainsi certes le font tous les vrays amans, car ils n'evitent pas seulement la prevarication de la loy, mais ils evitent aussi l'ombre de la prevarication; et c'est pourquoy l'Espoux dit que son Espouse ressemble à une colombe qui se tient le long des fleuves qui coulent doucement, et dont les eaux sont cristallines.

  A006000423 

 Il faut donc estre extrêmement ponctuelles en l'observance des loix et des regles qui nous sont données par Nostre Seigneur, mais sur tout en ce poinct de suivre en toutes choses la Communauté; et se faut bien garder de dire que nous ne sommes pas tenues d'observer ceste Regle, ou commandement particulier de la Superieure, d'autant qu'il est fait pour les foibles, et que nous sommes fortes et robustes; ni, au contraire, que le commandement est fait pour les fortes, et que nous [240] sommes foibles et infirmes.

  A006000423 

 Je vous conjure, si vous estes fortes, que vous vous affaiblissiez pour vous rendre conformes aux infirmes; et si vous estes foibles je vous dis: Efforcez-vous pour vous adjuster avec les fortes.

  A006000423 

 Le grand Apostre saint Paul dit qu'il s'est fait tout à tous pour les gaigner tous.

  A006000423 

 Qui est infirme, avec lequel je ne le sois? qui est malade, avec lequel je ne sois aussi malade? avec les forts je suis fort.

  A006000423 

 Voyez-vous comme saint Paul quand il est avec les infirmes, il est infirme et prend volontiers les commodités necessaires à leurs infirmités pour leur bailler confiance d'en faire de mesme? Mais quand il se trouve avec les forts, il est comme un geant pour leur donner du courage; et s'il se peut appercevoir que son prochain soit scandalisé de quelque chose qu'il fasse, si bien il luy est licite de la faire, neantmoins il a un tel zele de la paix et tranquillité de son cœur, qu'il s'abstient volontiers de la faire..

  A006000424 

 N'y a-t'il donques point d'exception en Religion? les Regles obligent-elles également? Ouy sans doute, mais il y a des loix qui sont justement injustes.

  A006000424 

 Par exemple, le jeusne du Caresme est commandé pour un chacun; ne vous semble-t'il pas que ceste loy soit injuste, puisque l'on modere ceste injuste justice donnant des dispenses à ceux qui ne la peuvent pas observer? De mesme en est-il és Religions: le commandement est également pour tous, et nul de soy-mesme ne s'en peut dispenser; mais les Superieurs moderent la rigueur selon la necessité d'un chacun..

  A006000425 

 Et faut bien se garder de penser que les infirmes soyent plus inutiles en Religion que les forts, ou qu'ils fassent moins et ayent moins de merite, parce que tous font également la volonté de Dieu.

  A006000425 

 Les mousches à miel nous monstrent l'exemple de ce que nous disons, car les unes sont employées à la garde de la ruche, et les autres sont perpetuellement au travail de la cueillette; celles toutesfois qui demeurent dans la ruche ne mangent pas moins de miel que celles qui ont la peine de l'aller picorant sur les fleurs, Ne vous semble-t'il pas que David fit une loy injuste lors qu'il commanda que les soldats qui garderoyent les hardes eussent également part au butin avec ceux qui iroyent à la bataille et qui en reviendroyent tous chargés de coups? Non certes, elle n'estoit point injuste, d'autant que ceux qui gardoyent les hardes les gardoyent pour ceux qui combattoyent, et ceux qui estoyent en la bataille [242] combattoyent pour ceux qui gardoyent les hardes: aussi ils meritoyent tous une mesme recompense, puisqu'ils obeissoyent tous également au Roy.

  A006000428 

 Chacun a des propres opinions; mais cela ne nous empesche pas de parvenir à la perfection, pourveu que nous ne nous y attachions pas ou que nous ne les aymions pas, car c'est seulement l'amour de nos propres opinions qui est infiniment contraire à la perfection; et c'est ce que j'ay tant de fois dit, que l'amour de nostre propre jugement est l'estime que l'on en fait, est la cause qu'il y a si peu de parfaits.

  A006000428 

 Il se trouve beaucoup de personnes qui renoncent à leur propre volonté, les uns pour un sujet, les autres pour un autre; je ne dis pas seulement en Religion, mais parmi les seculiers et dans les cours des princes mesmes.

  A006000429 

 Et comme ceux-cy seroyent estimés peu attentifs à leur perfection et personnes inutilement occupées, s'ils vouloyent s'arrester à considerer leurs propres opinions, de mesme les Superieurs devroyent estre estimés peu capables de leurs charges, s'ils ne formoyent leurs opinions et ne vouloyent en fin prendre des resolutions, quoy qu'ils ne s'y doivent pas complaire ni s'y attacher, car cela seroit contraire à leur perfection..

  A006000429 

 Mais il faut que je vous die qu'il y a des personnes qui doivent former leurs opinions, comme sont les Evesques, les Superieurs qui ont charge des autres, et tous ceux qui ont gouvernement; les antres ne le doivent nullement faire, si l'obeissance ne le leur ordonne; car autrement ils perdroyent le temps qu'ils doivent employer à se tenir fidellement aupres de Dieu.

  A006000430 

 Le grand saint Thomas, qui avoit un des plus grands esprits qu'on sçauroit avoir, quand il formoit quelques opinions il les appuyoit sur des raisons les plus pregnantes qu'il pouvoit; et neantmoins, s'il trouvoit quelqu'un qui n'approuvast pas ce qu'il avoit jugé bon, [245] ou y contredist, il ne disputoit point ni ne s'en offençoit point, ains souffroit cela de bon cœur; en quoy il tesmoignoit bien qu'il n'aymoit pas sa propre opinion, bien qu'il ne la desapprouvast pas aussi; il laissoit cela ainsi, qu'on la trouvast bonne ou non.

  A006000430 

 Les Apostres n'estoyent pas attachés à leurs propres opinions, non pas mesme és choses du gouvernement de la sainte Eglise, qui estoit un affaire si important: si qu'apres qu'ils avoyent determiné l'affaire par la resolution qu'ils en avoyent prise, ils ne s'offençoyent point si on opinoit là-dessus; et si quelques-uns refusoyent d'agréer leurs opinions, quoy qu'elles fussent bien appuyées, ils ne recherchoyent point de les faire recevoir par des disputes ni contestes..

  A006000431 

 C'est une chose admirable que Nostre Seigneur ayt permis que plusieurs choses clignes veritablement d'estre escrites, que les saints Apostres ont faites, soyent demeurées cachées sous un profond silence, et que ceste imperfection que le grand saint Paul et saint Barnabe commirent ensemble ayt esté escrite; c'est sans doute une speciale providence de Nostre Seigneur, qui l'a voulu ainsi pour nostre instruction particuliere.

  A006000431 

 Or, dites-moy maintenant, nous devons-nous troubler quand on void quelque defaut parmi nous autres, puisque les Apostres les commirent bien?.

  A006000431 

 Si donc les Superieurs vouloyent changer d'opinion à tous rencontres, ils seroyent estimés legers et imprudens en leur gouvernement; mais aussi, si ceux qui n'ont point de charges vouloyent estre attachés à leurs opinions, les voulant maintenir et faire recevoir, ils seroyent tenus pour opiniastres; car c'est une chose toute asseurée que l'amour de la propre opinion degenere en opiniastreté, s'il n'est fidelement mortifié et retranché: nous en voyons l'exemple mesme entre les Apostres.

  A006000432 

 Il y a certes des grands esprits qui sont fort bons, mais qui sont tellement sujets à leurs opinions et les estiment si bonnes que jamais ils n'en veulent démordre; et il faut bien prendre garde de ne les leur demander à l'impourveüe, car apres il est presque impossible de leur faire cognoistre et confesser qu'ils ont failli, d'autant qu'ils se vont enfonçant si avant en la recherche des raisons propres à soustenir ce qu'ils ont une fois dit estre bon, qu'il n'y a plus de moyen, s'ils ne s'adonnent à une excellente perfection, de les pouvoir faire dédire.

  A006000433 

 Et, bien que cela fust une imperfection, ils ne laisserent pas pour cela d'estre grands Saints et fort agreables à Dieu; ce qui nous apprend que nous ne nous devons pas troubler quand nous appercevons en nous des imperfections ou des inclinations contraires à la vraye vertu, pourveu qu'on ne se rende pas opiniastre à vouloir perseverer en icelles; car et sainte Paule et les autres qui se rendirent opiniastres, quoy que ce fust en peu de chose, ont esté reprehensibles en cela.

  A006000433 

 Les personnes melancoliques y sont d'ordinaire plus attachées que ceux qui sont d'humeur joviale et gaye, car ceux-cy sont aisement tournés à toute main et faciles à croire ce qu'on leur dit.

  A006000433 

 Quant à nous autres, il ne faut jamais que nous laissions tellement former nos opinions, que nous n'en desprenions volontiers quand il est de besoin, soit que nous soyons obligés ou non de les former.

  A006000434 

 Il faut mesme opiner aucune fois sur les opinions des autres et remonstrer les raisons sur quoy nous appuyons les nostres; mais il faut que cela se fasse modestement et humblement, sans mespriser l'advis des autres, ni contester pour faire recevoir les nostres..

  A006000436 

 Le seul et unique remede de guerir le propre jugement c'est de negliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il nous suggerera és diverses rencontres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une continuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides pour faire la sainte oraison? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la consideration de telles tricheries, il s'enfoncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison.

  A006000437 

 C'est, comme j'ay dit plusieurs fois, la derniere chose que nous quittons, et toutesfois c'est une des choses la plus necessaire à quitter et renoncer pour l'acquisition de la vraye perfection; car autrement nous n'acquerrons pas la sainte humilité, qui nous empesche et nous defend de faire aucune estime de nous ni de tout ce qui en dépend; et partant, si nous n'avons la pratique de ceste vertu en grande recommandation, nous penserons tousjours estre quelque chose de meilleur que nous ne sommes, et que les autres nous en doivent de reste.

  A006000437 

 Car si nous ne les estimons pas, nous n'en serons pas si amoureux; et si nous ne les aymons pas, nous ne nous soucierons guere qu'elles soyent approuvées, et ne serons pas si legers à dire: Les autres croiront ce qu'ils voudront, mais quant à moy... Sçavez-vous que veut dire ce quant à moy? Rien autre sinon: Je ne me sousmettray point, ains je seray ferme en ma resolution et en mon opinion.

  A006000439 

 Les theologiens ont accoustumé pour faire bien comprendre la difference de ces deux amours, de se servir [251] de la comparaison d'un pere lequel a deux fils, dont l'un est un petit mignon encor tout enfant, de bonne grace, et l'autre est un homme fait, brave et genereux soldat, ou bien a quelque autre condition telle que l'on voudra.

  A006000440 

 En fin, il n'y a qu'eux qui soyent à plaindre, et pleurent tendrement sur eux-mesmes, si qu'ils taschent d'esmouvoir ceux qu'ils voyent à compassion; ils ne se soucient guere que l'on les estime patiens, pourveu que l'on les croye bien malades et affligés: imperfection certes propre aux enfans, et si je l'ose dire, aux femmes, et encor entre les hommes, à ceux qui sont d'un courage effeminé et peu courageux; car entre les genereux ceste imperfection ne s'y rencontre point.

  A006000440 

 L'amour effectif est celuy qui gouverne les grands, ambitieux d'honneurs et de richesses, car ils se procurent tant de biens qu'ils peuvent et ne se rassasient jamais d'en acquerir: ceux-là s'ayment grandement de cest amour effectif.

  A006000440 

 S'ils sont malades, quand ils n'auroyent mal qu'au bout du doigt, il n'y a rien de plus mal qu'ils sont, disent-ils; ils sont si miserables! Nul mal, pour grand qu'il soit, n'est jamais comparable à celuy qu'ils souffrent, et on ne peut trouver assez de medecins pour les guerir; ils ne cessent de se medeciner, et en pensant conserver leur santé, ils la perdent et ruinent tout à fait; si les autres sont malades, ce n'est rien.

  A006000441 

 A la fin, il arriva [253] par malheur que les Sœurs remarquerent en elle une imperfection corporelle, qui fut cause qu'elles commencerent à mettre en doute si pour cela on la devoit renvoyer.

  A006000441 

 Il y avoit en ceste maison une fille qui faisoit son essay; elle estoit merveilleusement douce, maniable, sousmise et obeissante, en fin elle avoit les conditions plus necessaires pour estre vraye Religieuse.

  A006000441 

 Je confesse que nos Sœurs ont bien grande raison de ne me pas vouloir recevoir, car je suis insupportable en mon defaut; mais je vous supplie de m'estre favorable, vous asseurant, si elles me reçoivent, exerçant ainsi leur charité en mon endroit, que j'auray un grand soin de ne les point incommoder, me sousmettant de tres-bon cœur à faire le jardin, ou à estre employée à d'autres offices quels qu'ils soyent qui me tiennent esloignée de leur compagnie, a fin que je ne les incommode point.

  A006000441 

 La Mere Superieure l'aymoit fort, et luy faschoit de le faire; mais neantmoins les Sœurs s'arrestoyent fort sur ceste incommodité corporelle.

  A006000442 

 Si la Superieure ou la Maistresse ne vous ont pas si bien receuës comme vous voudriez, une fois, voire plusieurs, il ne faut pas se fascher pourtant, ni juger qu'elles fassent tousjours de mesme; ô non, Nostre Seigneur les touchera peut estre de son esprit de suavité pour les rendre plus agreables à vostre premier retour..

  A006000443 

 Il ne faut pas estre aussi si tendres, que de vouloir tousjours dire toutes les incommodités que nous avons, quand elles ne sont pas d'importance: un petit mal de teste ou un petit mal de dens, qui sera peut estre bien tost passé, si vous le voulez porter pour l'amour de Dieu, il n'est pas besoin de l'aller dire pour vous faire un peu plaindre.

  A006000443 

 Or, si c'est par rencontre que vous le dites, les Sœurs vous demandant peut estre comment vous vous portez à ceste heure là, il n'y a point de mal, pourveu que vous le disiez tout simplement, sans l'agrandir ou vous lamenter; mais hors de là, il ne faut le dire qu'à la Superieure ou à la Maistresse.

  A006000445 

 Mais voyant une Sœur qui a quelque peine en l'esprit, ou quelque incommodité, n'avoir pas la confiance ou le courage de se surmonter à vous le venir dire, et vous appercevant bien que, faute de le faire, cela la porte à quelque humeur melancolique, devez-vous l'attirer ou bien la laisser venir d'elle-mesme? A cela, il faut que la consideration gouverne; car quelque fois il faut condescendre à leur tendreté en les appellant et s'informant qu'il y a, et d'autres fois il faut mortifier ces petites bijarreries en les laissant, comme qui diroit: Vous ne voulez pas vous surmonter à demander le remede propre à vostre mal, souffrez-le donc, à la bonne heure; vous meritez bien cela..

  A006000446 

 Ceste tendreté est beaucoup plus insupportable és choses de l'esprit que non pas és corporelles; et si, elle est par malheur plus pratiquée et nourrie par les personnes spirituelles, lesquelles voudroyent estre saintes du premier coup, sans vouloir neantmoins qu'il leur couste rien, non pas mesme les souffrances des combats que leur cause la partie inferieure, par les ressentimens qu'elle a és choses contraires à la nature; et cependant, veuillons ou non, il faudra que nous ayons le courage de souffrir, et par consequent de resister à ces efforts tout le temps de nostre vie en plusieurs rencontres, si nous ne voulons faire banqueroute à la perfection que nous avons entreprise.

  A006000446 

 Je desire grandement [257] que l'on distingue tousjours les effets de la partie superieure de nostre ame d'avec les effets de la partie inferieure, et que nous ne nous estonnions jamais des productions de l'inferieure, pour mauvaises qu'elles puissent estre; car cela n'est nullement capable de nous arrester en chemin, pourveu que nous nous tenions fermes en la partie superieure, pour aller tousjours avant au chemin de la perfection, sans nous amuser et perdre le temps à nous plaindre que nous sommes imparfaits et dignes de compassion, comme si on ne devoit faire autre chose que de plaindre nostre misere et infortune d'estre si tardifs à venir à chef de nostre entreprise..

  A006000452 

 Faisons du mieux que nous pourrons pour ne fascher personne; mais apres cela, s'il arrive que par vostre infirmité vous les mescontentiez quelque fois, recourez soudain à la doctrine que je vous ay si souvent preschée et que j'ay tant d'envie de graver en vos esprits.

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés; et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et egaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison [262] de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit.

  A006000454 

 Aydez-les donc bien en leur entreprise: mortifiez-les bien et hardiment sans les espargner, car c'est ce qu'elles demandent.

  A006000454 

 C'est la marque d'un cœur tendre et d'une devotion molle, de se laisser aller à tous les petits rencontres de contradiction: n'ayez pas peur que ces niaiseries d'humeur melancolique et despiteuse soyent jamais parmi nous; nous avons trop bon courage, graces à Dieu; nous nous appliquerons tant à faire desormais, qu'il y aura grand plaisir de nous voir.

  A006000454 

 Elles ne seront plus attachées aux caresses, puisque cela est contraire à la generosité de leur devotion, laquelle fera desormais qu'elles s'attacheront si absolument au desir de plaire à Dieu qu'elles ne regarderont plus autre chose, si elle n'est propre pour les avancer en l'accomplissement de ce desir.

  A006000454 

 O Dieu! ma Mere, nos Soeurs sont tellement resolues d'aymer la mortification, que ce sera une chose agreable de les voir: la consolation ne leur sera plus rien au prix de l'affliction, des secheresses, des repugnances, tant elles sont desireuses de se rendre semblables à leur Espoux.

  A006000458 

 Il faut sçavoir que la determination de suivre la volonté de Dieu en toutes choses sans exception est contenue dans l'Oraison dominicale, en ces paroles que nous disons tous les jours: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A006000459 

 C'est un conseil de quitter tout pour suivre Nostre Seigneur desnué de toutes choses; c'est un conseil de prester et de donner l'aumosne: dites-moy, celuy qui a quitté tout d'un coup ce qu'il avoit, dequoy peut-il faire l'aumosne puisqu'il n'a rien? Il faut doncques suivre les conseils que Dieu veut, que nous suivions, et ne pas croire qu il les ayt tous donnés à fin que nous les [265] embrassions tous.

  A006000459 

 La volonté signifiée est distinguée en quatre parties, qui sont les commandemens de Dieu et de l'Eglise, les conseils, les inspirations, les Regles et Constitutions.

  A006000459 

 Mais les ames ainsi determinées ont besoin d'estre esclaircies en quoy elles pourront recognoistre ceste volonté de Dieu.

  A006000459 

 Mesme nous ne devons pas vouloir entreprendre la pratique de tous, ains seulement de ceux qui sont plus conformes à nostre vocation; car il y en a qui sont tellement opposés les uns aux autres, qu'il seroit impossible tout à fait d'embrasser la pratique de l'un sans oster le moyen de pratiquer l'autre.

  A006000459 

 Ses conseils, il veut bien que nous les observions, mais non pas d'une volonté absolue, ains seulement par maniere de desir; c'est pourquoy nous ne perdons pas la charité et ne nous separons pas de Dieu pour n'avoir pas le courage d'entreprendre l'obeissance des conseils.

  A006000460 

 Il ne veut pas aussi que nous attendions que luy-mesme nous manifeste ses volontés ou qu'il nous envoye des Anges pour les nous enseigner; mais sa volonté est que nous recourions, és choses douteuses et d'importance, à ceux qu'il a establis sur nous pour nous conduire, et que nous demeurions totalement sousmis à leur conseil et à leur opinion en ce qui regarde la perfection de nos ames.

  A006000461 

 Ainsi il se sousmettoit en tout ce en quoy il n'y avoit point d'offense de Dieu, à la volonté de ses Freres, lesquels sans doute suivoyent leur inclination propre, mais encore plus particulierement les seculiers qui le faisoyent aussi tourner à toute main, selon leur volonté.

  A006000461 

 Il y a de plus la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle nous devons regarder en tous les evenemens, je veux dire en tout ce qui nous arrive: en la maladie, en la mort, en l'affliction, en la consolation, és choses adverses et prosperes, bref en toutes choses qui ne sont point preveües.

  A006000462 

 Dieu me commande la charité envers le prochain; c'est une grande charité de se conserver en union les uns avec les autres, et pour cela je ne trouve point de meilleur moyen que d'estre doux et condescendant.

  A006000462 

 Les pierres, les animaux, les plantes ne parlent point; il n'y a donc que l'homme qui me puisse manifester la volonté de mon Dieu, et partant je m'attache à cela tant que je puis.

  A006000463 

 Le glorieux saint Paul, apres avoir dit que rien ne le separera de la charité de Dieu, ni la mort ni la vie, non pas mesme les Anges, ni tout l'enfer s'il se bandoit contre luy n'en auroit pas le pouvoir: Je ne sçache rien de meilleur, dit-il, que de me rendre tout à tous, rire avec les rians, pleurer avec ceux qui pleurent, et en fin me rendre un avec un chacun.

  A006000463 

 Voyez-vous, mes cheres Sœurs, le grand saint Anselme se sousmet à tout ce qui n'est point contre les commandemens de Dieu ou de la sainte Eglise ou contre les Regles; car ceste obeissance marche tous-jours devant.

  A006000464 

 Il n'y a pas aussi grand danger de passer ainsi ou ainsi les joncs à faire des nattes; mais il y auroit bien du danger si nous n'avions à cœur ceste [269] parole tant celebre du Sauveur: Si vous n'estes faits comme petits enfans, vous n'aurez point de part au Royaume de mon Pere.

  A006000464 

 Il y eut quelque Religieux qui luy dit: Mon Pere, vous faites deux maux condescendant à la volonté de cest enfant, car vous l'exposez au danger d'avoir de la vanité et vous gastez vos nattes; car elles estoyent mieux ainsi que vous les faisiez.

  A006000465 

 Or, non seulement les Saints nous ont enseigné ceste pratique de la sousmission de nostre volonté, mais aussi Nostre Seigneur mesme, tant par exemple que par parole.

  A006000466 

 A la premiere, il faut estre bien fort pour embrasser volontiers ces volontés qui sont si contraires à la nostre, qui ne voudroit point estre contrariée; et cependant pour l'ordinaire, il faut grandement souffrir en ceste pratique de suivre les volontés [270] des autres, qui sont pour la pluspart differentes de la nostre.

  A006000466 

 Il faut donc recevoir par maniere de souffrance l'execution de telles volontés, et se servir de ces contradictions journalieres pour nous mortifier, les acceptant avec amour et douceur.

  A006000466 

 Par maniere de complaisance, il n'est pas besoin d'exhortation pour les nous faire suivre; car tres-volontiers nous obeissons aux choses agreables, ains nous allons au devant de ces volontés-là pour leur offrir nos sousmissions.

  A006000467 

 O Dieu! mes cheres Sœurs, c'est icy où la divine Majesté nous veut faire gaigner le prix de la sousmission; car si nous voyions bien tousjours que l'on a raison de nous commander ou de nous prier de faire une telle chose, nous n'aurions pas grand merite en la faisant, ni grande repugnance, parce que sans doute toute nostre ame aquiesceroit volontiers à cela; mais quand les raisons nous sont cachées, c'est lors que nostre volonté repugne, que nostre jugement regimbe, et ressentons la contradiction.

  A006000467 

 Quelle apparence, je vous prie, y auroit-il de faire une heure de meditation pour cognoistre si c'est la volonté de Dieu que je boive quand l'on m'en prie, ou que je m'en abstienne par penitence ou sobrieté, et semblables petites choses lesquelles ne sont dignes de consideration, et principalement si je voy que je contenteray tant soit peu le prochain en les faisant?.

  A006000468 

 C'est pourquoy, encore que nous cognussions qu'ils eussent des inclinations naturelles, voire mesme des passions, par les mouvemens desquelles ils commanderoyent quelquefois ou reprendroyent les defauts de leurs inferieurs, il ne s'en faudroit nullement estonner, car ils sont hommes comme les autres, et par consequent sujets à avoir des inclinations et des passions; mais il ne nous est pas permis de faire jugement que ce qu'ils nous commandent [272] parte de leur passion et inclination, et c'est chose qu'il se faut garder de faire.

  A006000468 

 Es choses de consequence, il ne faut non plus perdre le temps à les considerer, mais il s'en faut addresser à nos Superieurs, à fin de sçavoir d'eux ce que nous avons à faire; apres quoy, il n'y faut plus penser, ains s'arrester absolument à leur opinion, puisque Dieu nous les a donnés pour la conduite de nostre ame en la perfection de son amour.

  A006000469 

 Et nous verrons assez que ceste parole de Nostre Seigneur qui ordonne que l'on prenne sa croix, doit estre entendue de recevoir de bon cœur les contradictions qui nous sont faites à tous rencontres par la sainte obeissance, bien qu'elles soyent legeres et de peu d'importance..

  A006000470 

 En fin l'obeissance est le sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et les rend meritoires de la vie eternelle..

  A006000470 

 Et bien que sa ferveur l'eust fait desirer de faire ce que les autres faisoyent, elle pourtant n'en tesmoignoit rien; car quand on luy commandoit de s'aller coucher, elle y alloit simplement, sans replique, estant asseurée qu'elle jouïroit aussi bien de la presence de son Espoux dans son lict par obeissance, que si elle eust esté au chœur avec ses Sœurs et compagnes.

  A006000470 

 Sainte Gertrude fut faite Religieuse en un monastere où il y avoit une Superieure laquelle recognoissoit fort bien que la bien-heureuse Sainte estoit d'une complexion foible et delicate; c'est pourquoy elle la faisoit traitter plus delicatement que les autres Religieuses, ne luy laissant pas faire les austerités que l'on avoit de coustume de faire en ceste Religion.

  A006000471 

 Et non seulement cela, mais encores il les faut regarder comme lieutenans de Dieu en terre; et partant, encor qu'il leur arrivast quelquesfois de se monstrer hommes, commettant quelques imperfections, comme demandant quelque chose curieuse qui ne seroit pas de la confession, comme seroit vos noms, si vous faites des penitences, pratiquez des vertus et quelles elles sont, si vous avez quelques tentations et choses semblables, je voudrois respondre selon qu'ils [274] le demandent, bien qu'on n'y soit pas obligé; car il ne faut pas leur dire qu'il ne vous est pas permis de leur dire autre chose que ce dont vous vous estes accusées.

  A006000471 

 Premierement, je voudrois qu'on portast un grand honneur aux confesseurs; car, outre que nous sommes fort obligés d'honnorer le sacerdoce, nous les devons regarder comme des Anges que Dieu nous envoye pour nous reconcilier avec sa divine Bonté.

  A006000471 

 Que si vous craignez de dire quelque chose de ce qu'ils vous demandent, de peur de vous embarrasser, comme seroit de dire que vous avez des tentations, si vous apprehendez de les dire, au cas qu'ils les voulussent sçavoir par le menu, vous pourrez leur respondre: J'en ay, mon Pere, mais par la grace de Dieu, je ne pense pas y avoir offencé sa Bonté; mais jamais ne dites qu'on vous a defendu de vous confesser de cecy ou de cela.

  A006000472 

 Estimez cependant beaucoup, et faites grand estat de tout ce qui vous sera dit en Confession; car vous ne sçauriez croire le grand profit qu'il y a en ce Sacrement pour les ames qui y viennent avec l'humilité requise.

  A006000472 

 Il faut eviter les extremités; car, comme il n'est pas bon de supporter des notables defauts en la confession, aussi ne faut-il pas estre si delicates qu'on n'en puisse supporter quelques petits..

  A006000472 

 Les confesseurs n'ont pas tousjours intention de vous obliger sur peine de peché à ce qu'ils vous disent; il faut recevoir leurs conseils par maniere de simple [275] direction.

  A006000472 

 S'il arrive qu'ils vous donnent quelque conseil contre vos Regles et vostre maniere de vivre, escoutez-les avec humilité et reverence, et puis vous ferez ce que vos Regles permettront et non autre.

  A006000472 

 S'ils vous vouloyent donner pour penitence quelque chose qui fust contre la Regle, priez-les tout doucement de changer ceste penitence en une autre, d'autant qu'estant contre la Regle, vous craindriez de scandaliser vos Sœurs si vous le faisiez.

  A006000473 

 Je veux dire que celles qui n'auront rien remarqué qui fust digne de l'absolution, dissent quelque peché particulier; car de dire qu'on s'accuse d'avoir eu plusieurs mouvemens de colere, de tristesse et ainsi des autres, cela n'est pas à propos; car la colere et la tristesse sont des passions, et leurs [276] mouvemens ne sont pas pechés, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les empescher.

  A006000473 

 Troisiesmement, je voudrois fort que les Sœurs de ceans prinssent un grand soin de particulariser leurs pechés en la confession.

  A006000474 

 Par exemple, ayant à vous confesser dequoy vous avez murmuré en vous-mesme ou bien avec les Sœurs de ce que la Superieure vous a parlé trop sechement, n'allez pas dire que vous avez murmuré de la correction trop brusque qu'elle vous a fait, mais simplement que vous avez murmuré contre la Superieure.

  A006000475 

 Il les faut regarder comme tels, et non pas comme des simples hommes; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes celestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et reverence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tousjours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proferée par les Anges.

  A006000480 

 Mais les fantasies de l'esprit humain sont estranges, pour peu que l'on les escoute! Je vous ay dit maintesfois, mes tres-cheres filles, que c'est la voye du Ciel que la simplicité, que les Superieures sont les lieutenantes de Dieu; celles qui vont à cœur ouvert, franchement et confidemment avec elles, ont trouvé le grand secret pour maintenir la tranquillité et la paix de l'esprit, et elles n'en trouveront gueres ailleurs.

  A006000480 

 Que si vous demeurez si longuement en confession, que toute la Communauté en soit incommodée, et que la Superieure vous die que vous deviez demander à vous confesser la derniere, selon l'ordre de la maison, à fin que les Sœurs qui doivent aller selon leur rang ordinaire n'en soyent pas incommodées, elle ne vous demande pas pour cela: Que dites-vous, ou que ne dites-vous pas? Elle ne fait nul mal de vous ressouvenir qu'il faut que tout aille par ordre en la maison de Dieu.

  A006000481 

 Il est vray, mes tres-cheres filles, qu'il se trouve des confesseurs fort doctes, qui ont confessé long temps et tres-dignement les seculiers, lesquels toutesfois n'entendront pas les Filles de la Visitation ni les personnes qui font profession d'une grande spiritualité, parce que les fautes sont si minces, et d'une certaine couleur assez difficile à discerner, qu'ils prendront des petites aversions pour des grosses malveillances, des petits destours d'amour propre pour des grands mensonges, des petites inclinations pour des attaches fort mauvaises.

  A006000481 

 Les Sœurs qui s'apperçoivent par la correction que le confesseur leur fait qu'il ne les entend pas, feront bien de luy dire avec humilité: Mon Pere, je n'ay pas sceu me faire entendre; ce n'est pas ce que vostre Reverence comprend que je veux dire, c'est en telle et telle façon qu'il se doit entendre.

  A006000482 

 O que les ames religieuses ont un grand advantage par dessus les mondains, estant dehors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000483 

 L'on peut commettre en confession quatre grands manquemens: le premier, quand l'on y va plustost pour [281] se descharger que pour plaire à Dieu; l'on est si satisfait quand on a bien dit ses raisons, meslant le defaut des autres pour nous mieux faire entendre! Et c'est par ceste voye que les pechés se commettent bien souvent en confession.

  A006000483 

 Le deuxiesme, c'est quand on va dire au confesseur de beaux discours ageancés de belles paroles, raconter une grande histoire pour se faire estimer et croire que l'on est bien esclairé, faisant semblant d'exagerer les fautes; et par ce moyen, d'une bien grosse, l'on fait tant qu'elle est bien petite et qui ne donne pas cognoissance au confesseur de l'estat de l'ame.

  A006000484 

 Il faut dire les choses comme elles sont et ce qu'elles sont.

  A006000484 

 Il faut discerner en s'accusant, les petites obeissances d'avec les importantes, les choses d'ordonnance d'avec celles de conseil; car les confessions doivent estre tellement nettes et entieres que rien plus.

  A006000484 

 Pour les petits manquemens, suffit de dire d'avoir manqué deux ou trois fois à quelque obeissance legere et peu importante: cela tient le confesseur en repos..

  A006000484 

 Si l'obeissance où vous avez manqué est d'importance, dites quelle elle est tout simplement, et faites de mesme pour les autres manquemens.

  A006000485 

 Mais il faut considerer le mouvement et les circonstances qui interviennent en nos fautes, et s'en accuser franchement, car la Regle ni les Constitutions n'obligent point à peché: ce n'est donc point, elles qui causent le peché, mais les mouvemens de nostre volonté.

  A006000485 

 Mais qui ne void que ce n'est ni les Regles ni les Constitutions qui font le peché, ains le mouvement de paresse par lequel vous desobeissez? Dites donc franchement vos mouvemens et vos fautes, particularisant quelles elles sont, quand elles sont un peu grosses et tirent consequence..

  A006000486 

 Si en suite d'un prompt mouvement de sentiment je jette là une plume, je ne suis pas obligé de m'en confesser; bien que si ces promptitudes m'arrivent souvent, je les diray en ma reveuë generale, pour en tirer instruction.

  A006000486 

 Une fille, par exemple, à laquelle on aura donné charge d'esteindre au soir les chandelles, s'en oubliera parfois par mesgarde et contre sa volonté: elle n'a point peché.

  A006000488 

 Apres l'avoir confessée deux ou trois fois avec beaucoup d'attention, en fin je dis une fois à ceste bien-heureuse que je ne luy pouvois donner l'absolution, parce que les choses dont elle s'accusoit n'estoyent que minces imperfections et non peché, et luy en fis dire un qu'elle eust fait autres-fois, comme vous faites à la Visitation.

  A006000488 

 En voicy un exemple: je viens vous dire qu'une telle personne vous salue, se recommande à vous, m'a parlé de vous avec estime, et de tout cela il n'en est rien: voilà un peché veniel tres-volontaire; mais je raconte quelque chose, et dans mon discours il se glisse quelques paroles qui ne sont pas du tout veritables, dont je ne m'apperçois qu'apres les avoir dites: voila une imperfection dont je ne suis pas obligé de me confesser, sinon que je n'eusse rien autre.

  A006000488 

 L'on demande si en l'examen il est bon de discerner [283] le peché veniel d'avec les imperfections.

  A006000489 

 Ouy vrayement, ma tres-chere fille, vous pouvez vous approcher de la Communion avec un peché veniel, sinon que par humilité vous vous en voulussiez priver avec congé, ou bien demander licence de vous confesser; mais certes, je repugne fort que l'on se confesse plus souvent que les autres, cela ne sert qu'à donner soupçon que l'on a quelque grande chose..

  A006000490 

 Ce qui fait que la benediction [284] des Evesques efface les pechés veniels, c'est à cause de l'humilité et acte de sousmission que font ceux qui la demandent.

  A006000490 

 Les pechés veniels sont effacés par un abbaissement devant Dieu, en prenant de l'eau benite, en disant un mea culpa avec humilité.

  A006000493 

 Mais en nos entretiens familiers, je viens en qualité de chirurgien, n'apportant que des emplastres et cataplasmes pour appliquer sur les playes de mes cheres filles; et, bien qu'elles crient un peu holà, je ne lairray pas de presser ma main pour faire mieux tenir l'emplastre, et les guerir par ce moyen.

  A006000493 

 Ne voyez-vous pas que quand je presche au choeur devant les seculiers, comme [286] barbier, je ne fay point de mal? Je ne jette que des parfums, je ne parle que des vertus et des choses propres à consoler nos ames; je joüe un peu du flageolet, parlant des louanges que nous devons rendre à Dieu.

  A006000493 

 Si je fay quelque incision, ce ne sera pas sans que mes filles en ressentent de la douleur; mais je ne m'en soucie pas, je ne suis icy que pour cela; et les mondains n'en seroyent pas capables, à cause de l'erreur qu'ils se sont forgée que les personnes religieuses et vouées à la perfection ne doivent point avoir d'imperfection.

  A006000494 

 La premiere demande est: Qu'est-ce qu'aversion? Les aversions sont certaines inclinations qui sont aucunefois naturelles, lesquelles font que nous avons un certain petit contre-cœur à l'abord de ceux envers qui nous les avons, qui empesche que nous n'aymons pas leur conversation, s'entend que nous n'y prenons pas du plaisir, comme nous ferions en celle de ceux envers lesquels nous avons une inclination douce, qui nous les fait aymer d'un amour sensible, parce qu'il y a une certaine alliance et correspondance entre nostre esprit et le leur..

  A006000495 

 Faites en l'experience en un petit agnelet qui ne fait que naistre: monstrez-luy la peau d'un loup; quoy qu'il soit mort, il se mettra à fuir, il beelera, il se cachera sous les flancs de sa mere; mais monstrez-luy un cheval, qui est bien une plus grosse beste, il ne s'en espouvantera nullement, ains il se jouera avec luy.

  A006000495 

 Il faut donc confesser que ceste inclination d'aymer les uns plus que les autres est naturelle; et l'on le void mesmes aux bestes, lesquelles n'ayant point de raison, ont toutesfois de l'aversion et de l'inclination naturellement.

  A006000495 

 Or, pour monstrer que cecy est naturel, d'aymer les [288] uns par inclination et non pas les autres, ne void-on pas que si deux hommes entrent dans un tripot où deux autres jouent à la paume, d'abord ceux qui entrent auront de l'inclination que l'un gaigne plustost que l'autre? Et d'où vient cela, puisqu'ils ne les ont jamais veus ni l'un ni l'autre, ni n'en avoyent jamais ouy parler, ne sçachant point si l'un est plus vertueux que l'autre? c'est pourquoy ils n'ont point de raison d'en affectionner plus l'un que l'autre.

  A006000497 

 O jamais il ne faut s'amuser à ceste recherche; car nostre amour propre, qui ne dort jamais, nous dorera si bien la pillule qu'il nous fera accroire qu'elle est bonne; je veux dire qu'il nous fera voir qu'il est vray que nous avons certaines raisons lesquelles nous sembleront bonnes, et puis, celles-là estans approuvées de nostre propre jugement et de l'amour propre, il n'y aura plus de moyen de nous empescher de les trouver justes et raisonnables.

  A006000498 

 Mais il les faut combattre et abattre quand on void que le naturel passe plus outre, et nous veut faire departir de la sousmission que nous devons à la raison, qui ne nous permet jamais de rien faire en faveur de nos aversions, non plus que de nos inclinations quand elles sont mauvaises, de crainte d'offencer Dieu.

  A006000499 

 De vouloir lire pour contenter la curiosité, est une marque que nous avons encore un peu l'esprit leger, et qu'il ne s'amuse pas assez à faire le bien qu'il a apprins en ces petits livres de la pratique des vertus; car ils parlent fort bien de l'humilité et de la mortification, que l'on ne pratique pourtant pas lors que l'on ne les accepte pas de bon cœur..

  A006000500 

 Si d'aventure l'on a esgard à nostre infirmité, et que la Superieure nous mette au choix du livre que nous voudrons, alors nous le pouvons choisir avec simplicité; mais hors de là, il faut demeurer tousjours humblement sousmise à tout ce que la Superieure ordonne, soit qu'il soit à nostre gré ou non, sans jamais tesmoigner les sentimens que nous pourrions avoir qui seroyent contraires à ceste sousmission..

  A006000501 

 Ceux qui sont fort doux tandis qu'ils n'ont point de contradiction, et qui n'ont point acquis ceste vertu l'espée au poing, ils sont voirement fort exemplaires et de grande edification; mais si vous venez à la preuve, vous les verrez incontinent remuer, et tesmoigner que leur douceur n'estoit pas une vertu forte et solide, ains imaginaire plustost que veritable..

  A006000501 

 Quand on me dit: Voila une telle à laquelle on ne void jamais commettre d'imperfection, je demande incontinent: A-t'elle quelque [293] charge? Si l'on me dit que non, je ne fais pas grand estat de sa perfection; car il y a bien difference entre la vertu de celle-cy et celle d'une autre laquelle sera bien exercée, soit interieurement par les tentations, soit exterieurement par les contradictions qu'on luy fait.

  A006000502 

 Bien souvent il arrive que nos passions dorment et demeurent assoupies; et si pendant ce temps-là nous ne faisons provision de forces pour les combattre et leur resister, quand elles viendront à se réveiller, nous serons vaincus au combat.

  A006000502 

 Certes, il y a beaucoup de gens qui se trompent grandement en ce qu'ils croyent [294] que les personnes qui font profession de la perfection ne devroyent point broncher en des imperfections, et particulierement les Religieux, parce qu'il leur semble qu'il ne faille qu'entrer en la Religion pour estre parfaits, ce qui n'est pas; car les Religions ne sont pas pour amasser des personnes parfaites, mais des personnes qui ayent le courage de pretendre à la perfection..

  A006000502 

 Il faut tousjours demeurer humbles et ne pas croire que nous ayons les vertus, encore que nous ne fassions pas, au moins que nous cognoissions, des fautes qui leur sont contraires.

  A006000503 

 Hé! dites-moy, Nostre Seigneur ne nous a-t'il pas monstré luy-mesme qu'il n'y falloit pas [295] prendre garde, en l'élection qu'il fit de saint Pierre pour le rendre Superieur de tous les Apostres? car chacun sçait quelle faute fit cest Apostre en la Mort et Passion de son Maistre, s'amusant à parler avec une chambriere, et reniant si malheureusement son tres-cher Seigneur qui luy avoit fait tant de bien; il fit le bravache, et puis en fin il print la fuite.

  A006000503 

 L'on recherche voirement qu'ils ne soyent pas de mauvais exemple; mais de n'avoir point d'imperfection l'on n'y prend pas garde, pourveu qu'ils ayent les conditions de l'esprit qui sont necessaires; d'autant qu'il s'en trouveroit bien de plus parfaits, qui pour cela ne seroyent pas tant capables d'estre Superieurs.

  A006000504 

 Nostre Seigneur nous a ordonné de dire tous les jours ces paroles qui sont au Pater: Pardonnez-nous [296] nos offences, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offencés; et n'y a point d'exception en ceste ordonnance, parce que nous avons tous besoin de le faire.

  A006000505 

 Vous me demandez de plus, touchant ce poinct, si la Superieure ou la Directrice ne doit point tesmoigner de repugnance que les Sœurs voyent ses defauts, et que c'est qu'elle doit dire quand une fille se vient accuser tout simplement à elle de quelque jugement ou pensée qu'elle a fait, qui la marque d'imperfection; comme seroit si quelqu'une avoit pensé que la Superieure auroit fait une correction avec passion.

  A006000506 

 Mais le pauvre homme fut [298] bien trompé, car la passion de la joye ressuscita tellement, qu'apres les badineries il parvint aux dissolutions, de sorte qu'on se resolut de le chasser du monastere; ce que l'on eust fait sans un de ses Freres Religieux, lequel se rendit pleige pour Sylvain, promettant qu'il s'amenderoit: ce qui arriva, et fut depuis un grand Saint.

  A006000506 

 Vingt ans apres, il pensa qu'il pouvoit bien faire quelque badinerie sous pretexte de recréer les Freres, croyant que ses passions fussent desja tellement mortifiées qu'elles n'eussent plus le pouvoir de le faire passer au delà d'une simple recreation.

  A006000507 

 Nous ferons donc tousjours quelques fautes; mais il faut faire en sorte qu'elles soyent rares et qu'il ne s'en voye que deux en cinquante ans, ainsi qu'il ne s'en vid que deux en autant de temps que vesquirent les Apostres apres qu'ils eurent receu le Saint Esprit.

  A006000508 

 Les Sœurs ne doivent pas s'estonner dequoy la Superieure commet des imperfections, puisque saint Pierre, tout Pasteur qu'il estoit de la sainte Eglise et Superieur universel de tous les Chrestiens, tomba bien en defaut, et tel qu'il en merita correction, ainsi que dit saint Paul.

  A006000509 

 Je vous diray à cela que les Superieurs doivent estre grandement affables aux seculiers à fin de leur profiter, et doivent de bon cœur leur donner une partie de leur temps.

  A006000509 

 La Religion est une ruche mystique toute pleine d'abeilles celestes, lesquelles sont assemblées pour mesnager le miel des celestes vertus; et pour cela il faut que la Superieure, qui est entre elles [300] comme leur roy, soit soigneuse de les tenir de pres pour leur apprendre la façon de les acquerir et conserver.

  A006000509 

 Les abeilles sortent bien voirement de leur ruche, mais ce n'est que par necessité ou utilité, et demeurent peu sans y retourner; et principalement le roy des abeilles ne sort que rarement, comme quand il se fait un essaim d'abeilles, qu'il est tout environné de son petit peuple.

  A006000509 

 Mais les Religieux et Religieuses ne se doivent jamais amuser avec les seculiers, sous pretexte d'acquerir des amis pour leur Congregation.

  A006000509 

 Mais quelle pensez-vous devoir estre ceste petite partie? ce doit estre la douziesme, les unze restans pour estre employées dans la maison au soin de la famille.

  A006000509 

 Si ne faut-il pas neantmoins qu'elle manque pour cela à converser avec les personnes seculieres quand la necessité ou la charité le requiert; mais hors de là, il faut que la Superieure soit courte avec les seculiers.

  A006000510 

 Mais s'il fasche à la Superieure de rompre compagnie quand on sonne les Offices pour y aller, de crainte de mescontenter ceux avec qui elle parle? Il ne faut pas estre si tendre; car si ce ne sont des personnes de grand respect, ou bien qui ne viennent que fort rarement ou qui sont de loin, il ne faut pas quitter les Offices ni l'oraison, si la charité ne le requiert absolument.

  A006000510 

 Quant aux visites ordinaires des personnes desquelles on se peut librement dispenser, la Portiere doit dire que nostre Mere ou les Sœurs sont en l'oraison ou à l'Office; s'il leur plaist d'attendre ou de [301] revenir, Mais s'il arrive que pour quelques grandes necessités l'on aille au parloir pendant ce temps là, qu'au moins l'on reprenne du temps apres pour refaire l'oraison, tant qu'il se pourra; car de l'Office, nul ne doute que l'on ne soit obligé de le dire..

  A006000512 

 Il y a de la superfluité en ceste jalousie, laquelle il faut retrancher; car à quel propos, je vous prie, vouloir celer au prochain ce qui luy peut profiter? Je ne suis pas de ceste opinion, car je voudrois que tout le bien qui est en la Visitation fust recognu et sceu d'un chacun, Et pour cela, j'ay tousjours esté de cest advis, qu'il seroit bon de faire imprimer les Regles et Constitutions, à fin que plusieurs les voyant en puissent tirer quelque utilité.

  A006000512 

 Pleust à Dieu, mes cheres Sœurs, qu'il se trouvast beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer! l'on verroit bien tost des grands changemens en eux, qui reussiroyent à la gloire de Dieu et au salut de leurs ames.

  A006000518 

 Certes, nous devrions avoir une si cordiale jalousie de la paix et tranquillité de nos cheres Sœurs, que nous ne devrions jamais rien faire ni dire qui les puisse fascher; or, rien ne peut tant affliger une pauvre fille que de croire que la Superieure est faschée d'elle [306] ou contre elle.

  A006000518 

 Je ne voudrois pas mesme, generalement parlant, que l'on nommast à la Superieure les Sœurs qui parleroyent contre elle; bien luy dirois-je que l'on desapprouve telle et telle chose qu'elle fait, mais je ne luy dirois point qui fait ce desapprouvement; car, mes cheres filles, si nous n'avons la ferveur et pureté de la charité, nous n'aurons jamais la perfection..

  A006000519 

 Vous dites, si une Sœur n'avoit pas la confiance de parler à la Superieure, ou à l'Assistante en son absence, pour declarer le secret de son cœur, où neantmoins elle auroit besoin d'estre éclaircie, qu'est-ce qu'elle doit faire? Mes tres-cheres filles, il faut que la Superieure, ou l'Assistante en son absence, luy donne tres-facilement et cordialement permission de parler à qui elle voudra d'entre les Sœurs, sans en tesmoigner ni aversion ni secheresse de cœur, bien qu'il soit vray que si la Sœur continue, elle seroit imparfaite; car elle est obligée à regarder Dieu en ses Superieures et en ce qu'elles luy disent, et des particulieres ne la pourront servir si utilement.

  A006000520 

 Nullement, mes cheres filles; mais je vous diray pourtant, que les Superieurs et Superieures approuvés du Pape peuvent pour la necessité, dispenser de certains commandemens de l'Eglise.

  A006000520 

 Vous voulez encore sçavoir, si la Superieure vous commande quelque chose contre les commandemens de Dieu et de son Eglise, si vous devez obeir.

  A006000525 

 Car Dieu qui desire de donner à tous la vie eternelle, leur donne à tous les moyens d'y pouvoir arriver, et partant les appelle au Christianisme, et les a esleus, correspondans à ceste vocation suivant les attraits de Dieu; toutesfois, le nombre de ceux qui y viennent est bien petit en comparaison de ceux qui sont appelles..

  A006000525 

 Deux choses sont requises pour donner sa voix comme il convient à telles personnes: la premiere, que ce soit à des personnes bien appellées de Dieu; la seconde, qu'elles ayent les conditions requises pour nostre maniere de vivre.

  A006000525 

 Quant au premier poinct, qu'il faut qu'une fille soit bien appellée de Dieu pour estre receuë en Religion, il faut sçavoir que quand je parle de cest [310] appel et vocation, je n'entens pas parler de la vocation generale, telle qu'est celle par laquelle Nostre Seigneur appelle tous les hommes au Christianisme, ni encor de celle de laquelle il est dit en l'Evangile que plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus.

  A006000526 

 En fin les voyes de Dieu sont incomprehensibles, et ses jugemens inscrutables et admirables en la varieté des vocations et des moyens desquels Dieu se sert pour appeller ses creatures à son service, lesquels doivent estre tous honnorés et reverés..

  A006000527 

 Or, de ceste grande varieté de vocations, s'ensuit que c'est une chose bien difficile que de recognoistre les vrayes vocations; et neantmoins c'est la premiere chose qui est requise pour donner sa voix, de sçavoir si la fille proposée est bien appellée et si sa vocation est bonne..

  A006000529 

 Non, je ne dis pas cela; ni moins que ceste fermeté et constance soit telle qu'elle la rende exempte de faire des fautes, ni que pour cela elle soit si ferme qu'elle ne vienne jamais à chancelier ni varier en l'entreprise qu'elle a faite de pratiquer les moyens qui la peuvent conduire à la perfection.

  A006000530 

 Et quand je dis cecy, je ne parle pas seulement pour vous autres, mais encores pour les filles qui sont au monde, desquelles certes il faut avoir du soin, les aydant parmi leurs bons desseins.

  A006000530 

 Quand elles ont les premiers mouvemens un peu forts, rien ne leur est difficile, il leur semble qu'elles franchiront toutes les difficultés; mais quand elles sentent ces vicissitudes, et que ces sentimens ne sont plus si sensibles en la partie inferieure, il leur semble que tout est perdu et qu'il faille tout quitter: l'on veut et l'on ne veut pas; ce que l'on sent alors n'est pas suffisant pour faire quitter le monde.

  A006000531 

 Il faut seulement en cela avoir un grand soin pour les ayder et leur apprendre à ne se point estonner de ces [314] changemens, mais les encourager à demeurer fermes parmi ces mutations.

  A006000531 

 Je leur responds qu'elles ne se mettent pas en peine de ces sentimens sensibles et qu'elles ne les examinent pas tant; qu'elles se contentent de ceste constance de leur volonté, qui, parmi tout cela, ne perd point l'affection de son premier dessein; qu'elles soyent seulement soigneuses à le bien cultiver et à bien correspondre à ce premier mouvement.

  A006000532 

 Car bien que ceux-cy viennent à Dieu comme despités contre le monde qui les a faschés, ou bien à cause de quelques travaux et afflictions qui les ont tourmentés, si ne laissent-ils pas de se donner à Dieu d'une franche volonté; et bien souvent telles personnes reussissent bien au service de Dieu et deviennent des grands Saints, et quelques fois plus grands que ceux qui y sont entrés par des vocations plus apparentes..

  A006000532 

 Les autres ont esté appellés par des ennuis, desastres et afflictions qui leur survenoyent au monde; ce qui leur a donné sujet de se despiter contre luy et l'abandonner.

  A006000532 

 Les uns ont esté appellés pour avoir ouy les paroles sacrées de l'Evangile, comme saint François et saint Antoine, lesquels l'ont esté [315] oyans dire ces paroles: Va, vends tout ce que tu as et le donne aux pauvres, et me suis; et: Quiconque veut venir apres moy, qu'il renonce à soy-mesme, prenne sa croix et me suive.

  A006000534 

 Il y en a encor d'autres desquels les motifs ont esté [317] encor plus mauvais que cestuy-cy.

  A006000534 

 Mais la divine Providence qui s'estoit servie de ce moyen pour le retirer du monde, convertit sa fin et son intention mauvaise en bonne, et celuy qui pensoit prendre les autres fut pris luy-mesme; car il n'eut pas plus tost demeuré quelques jours avec ces bons Religieux, qu'il fut tout à fait changé.

  A006000535 

 D'autres ont une grande quantité d'enfans: Et bien, disent-ils, il faut descharger la maison et envoyer ceux-cy en Religion, à fin que les aisnés ayent tout et qu'ils puissent paroistre.

  A006000535 

 Il y en a encor d'autres de qui la vocation n'est de soy pas meilleure que ceste-cy: c'est de ceux qui vont en Religion à cause de quelque defaut naturel, comme pour estre boiteux, borgnes, ou pour estre laids, ou pour avoir quelque autre pareil defaut; et, ce qui semble encor le pire, c'est qu'ils y sont portés par leurs peres et meres, lesquels bien souvent, lors qu'ils ont des enfans borgnes, boiteux, ou autrement defectueux, les laissent au coin du feu et disent: Cecy ne vaut rien pour le monde, il le faut envoyer en Religion; il luy faut procurer quelque benefice, ce sera autant de descharge pour nostre maison.

  A006000535 

 Les enfans se laissent conduire où l'on veut, sous espoir de vivre des biens de l'autel.

  A006000536 

 Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant quelque bois tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef-d'œuvre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage?) ainsi, pour l'ordinaire, la divine Providence fait des beaux chefs-d'œuvre avec ces intentions tortues et sinistres, comme il fait entrer [319] en son festin les boiteux et les aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir deux yeux ou deux pieds pour aller en Paradis; qu'il vaut mieux aller en Paradis avec une jambe, un œil, un bras que d'en avoir deux et se perdre.

  A006000536 

 Or, telles sortes de gens estans ainsi venus en Religion, on les a veu souventefois faire des grands fruicts et perseverer fidelement en leur vocation..

  A006000537 

 Car c'est chose certaine que, quand Dieu appelle quelqu'un à une vocation, il s'oblige par consequent, par sa providence divine, de luy fournir toutes les aydes requises pour se rendre parfait en sa vocation..

  A006000537 

 D'où vient donc, qu'estant si bien appellé, il ne persevera pas en sa vocation? O c'est qu'il abusa de sa liberté, et ne voulut pas se servir des moyens que Dieu luy donnoit pour ce sujet; mais au lieu de les embrasser et d'en user à son profit, il s'en servit pour en abuser et pour les rejetter, et, en ce faisant, il se perdit.

  A006000538 

 Et, pour ce faire, il est necessaire d'avoir ceste volonté ferme et constante de laquelle nous avons parlé, d'embrasser tous les moyens propres de se perfectionner en la vocation en laquelle on est appellé.

  A006000538 

 O non, il ne faut penser qu'en entrant en Religion on soit parfait tout promptement; c'est assez qu'ils viennent pour tendre à la perfection et pour embrasser les moyens de se perfectionner.

  A006000538 

 Or, quand je dis que Nostre Seigneur s'oblige, il ne [320] faudroit pas penser que ce soit nous qui l'ayons obligé à ce faire en suivant sa vocation, car on ne sçauroit l'obliger; mais Dieu s'oblige soy-mesme par soy-mesme, poussé et provoqué à ce faire par les entrailles de son infinie bonté et misericorde; tellement que, me faisant Religieux, Nostre Seigneur s'est obligé de me fournir tout ce qui est necessaire pour estre bon Religieux, non point par devoir, mais par sa misericorde et providence infinie; tout ainsi qu'un grand roy, levant des soldats pour faire la guerre, sa prevoyance et prudence requiert qu'il prepare des armes pour les armer; car, quelle apparence y auroit-il de les envoyer combattre sans armes? Que s'il ne le fait pas, il est taxé d'une grande imprudence, Or, la divine Majesté ne manque jamais de soin ni de prevoyance touchant cecy; et pour le nous mieux faire croire, elle s'y est obligée, en sorte qu'il ne faut jamais entrer en opinion qu'il y ayt de sa faute quand nous ne faisons pas bien: voire, sa.

  A006000538 

 Remarquez aussi que quand je dis que Dieu s'est obligé de donner à ceux qu'il appelle toutes les conditions requises pour estre parfaits en leur vocation, je ne dis pas qu'il les leur donne tout à coup et à l'instant qu'ils entrent en Religion.

  A006000538 

 liberalité est si grande, qu'il donne ces moyens à ceux auxquels il ne les a pas promis et auxquels il ne s'est pas obligé [321] pour ne les avoir pas appellés.

  A006000539 

 Ne laissez pas pour cela, si vous voyez qu'elle ayt ceste volonté constante de vouloir servir Dieu et se perfectionner, de luy donner vostre voix; car si elle veut recevoir les aydes que Nostre Seigneur infailliblement luy donnera, elle perseverera.

  A006000539 

 Voila donc comme les jugemens de Dieu sont occultes et secrets, et comme les uns, qui par despit et forme de mocquerie entrent en Religion, y perseverent neantmoins; les autres, y estans bien appellés et ayans commencé avec grande ferveur, finissent mal et quittent tout.

  A006000540 

 Ces filles en font ainsi: elles font tant de prieres, tant de reverences, elles tesmoignent tant de bonne volonté, que l'on ne peut bonnement les esconduire; et en effet, l'on n'y doit pas faire trop grande consideration, ce me semble, Je dis cecy pour l'interieur, car certes, il est bien difficile en ce temps-là de le pouvoir cognoistre, principalement des filles qui viennent icy de loin; tout ce que l'on peut faire à celles-cy, c'est de sçavoir qui elles sont, et telles choses qui regardent le temporel et l'exterieur, puis leur ouvrir la porte et les mettre à leur premier essay.

  A006000540 

 Quant à la seconde, qui est de sçavoir les conditions que doivent avoir les filles, premierement, que l'on reçoit ceans, en second lieu, celles que l'on reçoit au Novitiat, et en troisiesme lieu, celles que l'on reçoit à la Profession, je n'ay guere à dire dessus la premiere reception, car l'on ne peut pas beaucoup cognoistre ces filles qui viennent avec une si bonne mine.

  A006000541 

 Et que la prudence humaine ne me vienne point icy dire: Et s'il se presentoit tous-jours telle sorte de gens, les faudroit-il tous jours recevoir? et si toutes estoyent aveugles ou malades, qui les serviroit? Or, ne vous mettez point en peine de cela, car il n'arrivera pas: laissez-en le soin à la divine Providence qui sçaura bien y pourvoir, et y appeller les fortes, necessaires à leur service.

  A006000541 

 Mais excepté cela, je ne leur refuserois jamais ma voix, pas mesme quand elles seroyent aveugles ou manchottes, ou n'auroyent qu'une jambe, si avec cela elles avoyent les autres conditions requises à ceste vocation.

  A006000541 

 Or, il me semble que pour ce qui est de la santé [324] corporelle et infirmités du corps, l'on n'y doit point faire ou fort peu de consideration, d'autant qu'en ces maisons l'on y peut recevoir les foibles et imbecilles aussi bien que les fortes et robustes, puisqu'elles ont esté faites en partie pour elles; pourveu que ce ne soyent des infirmités si pressantes qu'elles les rendent tout à fait incapables d'observer la Regle et inhabiles à faire ce qui est de ceste vocation.

  A006000541 

 Quand il se presentera des infirmes, dites: Dieu soit beni! en vient-il des robustes: à la bonne heure! En somme, les maladies qui n'empeschent point d'observer la Regle ne doivent point estre considerées en vos maisons.

  A006000542 

 Et, bien qu'elles ayent de la repugnance à ces remedes et les prennent avec grande difficulté, cela ne veut rien dire, pourveu qu'elles ne laissent pas d'en user; car les medecines sont tousjours ameres au goust, et n'est pas possible qu'on les reçoive avec la suavité que l'on feroit si elles estoyent bien appetissantes; mais avec tout cela elles ne laissent pas de faire leur operation, et quand elles la font meilleure, c'est lors qu'elles font le plus de travail et de peine.

  A006000542 

 Mais tout cela ne doit point les empescher d'estre admises au Novitiat, pourveu qu'elles ayent une bonne volonté de s'amender, de se sousmettre, et se servir des medicamens propres à leur guerison.

  A006000542 

 Neantmoins, l'on y doit faire plus de consideration qu'en la premiere reception, car aussi l'on a eu plus de moyen de remarquer leur humeur, actions et habitudes; l'on void bien les passions qu'elles ont.

  A006000542 

 Tout de mesme, voila une fille qui a ses passions fortes; elle est colere, elle fait plusieurs manquemens: si avec cela elle veut bien estre guerie, et veut qu'on la corrige, mortifie et qu'on luy donne des remedes propres à sa guerison, combien qu'en les prenant cela la fasche et la, travaille, il ne faut point pour cela luy refuser sa voix; car elle n'a pas seulement la volonté de guerir, mais encor elle prend les remedes qui luy sont donnés pour ce sujet, combien qu'avec peine et difficulté..

  A006000543 

 Or donc, on ne doit pas laisser de recevoir au Novitiat les filles, quoy qu'elles ayent beaucoup de mauvaises habitudes, le cœur rude et grossier, et qu'elles témoignent beaucoup de passions, pourveu que telles filles veuillent estre gueries.

  A006000543 

 Or, il n'y a point de doute que celles-cy n'ayent plus de peine et de difficulté que celles qui auront le naturel plus doux et traittable, et qu'elles seront plus sujettes à faire des fautes, que d'autres qui seront mieux nourries; mais neantmoins, si elles veulent bien estre gueries et tesmoignent une volonté ferme à vouloir recevoir les remedes, [326] quoy qu'il leur couste, à celles-là je donnerois ma voix nonobstant ces cheutes; car ces filles-là, apres beaucoup de travail, font de grands fruicts en la Religion, deviennent des grandes servantes de Dieu et acquierent une vertu forte et solide, car la grace de Dieu supplée au defaut; et n'y a point de doute que souvent où il y a moins de la nature, il y a plus de la grace.

  A006000544 

 Ils s'appliquent à faire et s'adonnent aux vertus solides; ils sont traittables, et on n'a pas beaucoup de peine à les conduire, car facilement ils comprennent combien c'est une chose bonne de se laisser gouverner..

  A006000544 

 La premiere, que les filles que l'on reçoit à la Profession soyent saines, non de corps, comme j'ay desja dit, mais de cœur et d'esprit; je veux dire, qui ayent le cœur bien disposé à vivre en une entiere souplesse et sousmission.

  A006000545 

 Car regardez au college de Nostre Seigneur, les glorieux Apostres: encore qu'ils fussent bien appellés et qu'ils eussent beaucoup travaillé en la reformation de leur vie, combien firent-ils de fautes, non seulement en la premiere année, mais aussi en la seconde et troisiesme.

  A006000545 

 Je veux dire par là que les cheutes ne doivent pas estre cause que l'on rejette une fille, [329] quand parmi tout cela elle demeure avec une forte volonté de se radresser et de se vouloir servir des moyens que l'on luy donne pour ce sujet.

  A006000545 

 La troisiesme chose qu'il faut observer c'est si la fille a bien travaillé en son année de Novitiat, si elle a bien souffert et profité des medecines que l'on luy a donné, si elle a bien fait valoir les resolutions qu'elle fit entrant en son Novitiat de changer ses mauvaises humeurs et inclinations; car l'année du Novitiat luy a esté donnée pour cela.

  A006000545 

 Que si l'on void qu'elle ayt perseveré fidelement en sa resolution, et que sa volonté demeure ferme et constante pour continuer, et qu'elle se soit appliquée à se reformer et former selon les Regles et Constitutions, et que ceste volonté luy dure, voire de vouloir tousjours mieux faire, c'est un bon [328] signe et bonne condition pour luy donner sa voix.

  A006000545 

 Voila ce que j'avois à dire touchant les conditions que les filles que l'on veut recevoir à la Profession doivent avoir, et ce que les Sœurs doivent observer pour leur donner leur voix.

  A006000547 

 Or, si cela est, il leur faut ouvrir la porte; car puisqu'elles sont malades, et qu'elles ne veulent point qu'on les traitte ni qu'on leur applique les remedes propres à leur donner la guerison, l'on void clairement que, faisant ainsi, elles se rendent incorrigibles et ne donnent point d'espoir de pouvoir estre gueries.

  A006000547 

 Vous dites encor qu'il y en a de si tendres, qu'elles ne peuvent supporter qu'on les corrige, sans se troubler, et que cela les rend souvent malades.

  A006000549 

 L'on demande en troisiesme lieu, s'il ne faut pas [332] faire consideration de donner sa voix à une fille qui n'est pas cordiale, ou qui n'est pas égale à l'endroit de toutes les Sœurs, et qui a fait voir qu'elle a plus d'inclination à l'une qu'à l'autre.

  A006000550 

 Mais il ne faut jamais [334] tesmoigner parmi les Sœurs ses inclinations ou aversions en ceste occasion..

  A006000550 

 Or, ceste inclination que vous avez, que les autres donnent leur voix ou qu'elles ne la donnent pas, combien que vous donniez ou ne donniez pas la vostre, doit estre mesprisée et rejettée comme une autre tentation.

  A006000551 

 En fin, pour toutes les imperfections que les filles apportent du monde il faut garder ceste regle: quand [335] l'on void qu'elles s'amendent, combien qu'elles ne laissent pas de commettre des fautes, il ne faut pas les rejetter, car par l'amendement elles font voir qu'elles ne veulent pas demeurer incorrigibles.

  A006000555 

 Avant que sçavoir comment il nous faut preparer pour recevoir les Sacremens et quel fruict nous en devons tirer, il est necessaire de sçavoir que c'est que Sacremens et leurs effects.

  A006000555 

 Les Sacremens doncques sont des canaux par lesquels, pour ainsi parler, Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons à luy, puisque l'oraison n'est autre chose qu'une elevation de nostre esprit en Dieu.

  A006000555 

 Les effects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et pretention, qui est de nous unir à Dieu.

  A006000555 

 Or, voila les effects divers des Sacremens, mais pourtant qui demandent tous l'union de nostre ame avec son Dieu..

  A006000555 

 Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le fils avec le pere; par celuy de la Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tentations; par le Sacrement de Penitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliés; par celuy de l'Eucharistie, comme la viande avec l'estomach; par celuy de l'Extreme Unction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointains païs, mettant desja l'un des pieds en la maison de son pere pour se [338] reunir avec luy, avec sa mere et toute la famille.

  A006000556 

 Et premierement, il est tres-necessaire que nous sçachions pourquoy c'est que, recevant si souvent ces deux Sacremens, nous ne recevons pas aussi les graces qu'ils ont accoustumé d'apporter aux ames qui sont bien preparées, puisque ces graces sont jointes aux Sacremens.

  A006000556 

 Je le diray en un mot: c'est faute de deuë preparation; et partant il faut sçavoir comment il nous faut bien preparer pour recevoir ces deux Sacremens, et tous les autres encor.

  A006000557 

 Or, l'intention est pure lors que nous recevons les Sacremens, ou faisons quelque autre chose quelle qu'elle soit, pour nous unir à Dieu et pour luy estre plus agreables, sans aucun meslange de propre interest.

  A006000559 

 La troisiesme preparation c'est l'humilité, qui est une vertu fort necessaire pour recevoir abondamment les graces qui découlent par les canaux des Sacremens; parce que les eaux ont bien accoustumé de couler plus vistement et plus fortement quand les canaux sont posés en des lieux panchans et tendans en bas..

  A006000560 

 Les personnes les plus spirituelles se reservent pour l'ordinaire la volonté d'avoir des vertus; et quand elles vont à la Communion: O Seigneur, disent-elles, je m'abandonne entierement entre vos mains, mais plaise vous me donner la prudence pour sçavoir vivre honnorablement; mais de simplicité, ils n'en demandent point.

  A006000560 

 O ce n'est pas là le moyen de faire ceste union, que de se reserver toutes ses volontés, pour belle apparence qu'elles ayent; car Nostre Seigneur se voulant donner tout à nous, veut que reciproquement nous nous donnions entierement à luy, à fin que l'union de nostre ame avec sa divine Majesté soit plus parfaite, et que nous puissions dire veritablement, apres ce grand parfait entre les Chrestiens: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy..

  A006000561 

 Faisons donc de nostre costé ce qui est de nostre pouvoir pour nous bien preparer à recevoir ce Pain supersubstantiel, nous abandonnant totalement à la divine Providence, non seulement pour ce qui regarde les biens temporels, mais principalement les spirituels, respandant en la presence de la divine Bonté toutes nos affections, desirs et inclinations, pour luy estre entierement sousmis; et nous asseurons que Nostre Seigneur accomplira de son costé la promesse qu'il nous a faite de nous transformer en luy, eslevant nostre bassesse jusques à estre unie avec sa grandeur..

  A006000561 

 Il vient en nous, ce Bien-Aymé de nos ames, et il trouve nos cœurs tout pleins de desirs, d'affections et de petites volontés: ce n'est pas ce qu'il cherche, car il les veut trouver vuides pour s'en rendre le maistre et le gouverneur.

  A006000561 

 Or, je sçay bien que le milieu de vos cœurs est vuide, autrement ce seroit une trop grande infidelité: je veux dire que nous avons non seulement rejetté et detesté le peché mortel, ains toute sorte d'affection mauvaise; mais las! tous les coins et recoins de nos cœurs sont pleins de mille choses indignes de paroistre en la presence de ce Roy souverain, lesquelles ce semble, luy lient les mains à fin de l'empescher de nous départir les biens et les graces que sa bonté avoit desire de nous faire, s'il nous eust trouvés preparés.

  A006000562 

 Et pour ce qui est des vertus, aucune fois il est plus à propos et meilleur pour nous de ne les pas avoir en habitude que si nous les avions, pourveu toutesfois que nous en fassions les actes à mesure que les occasions s'en presentent; car la repugnance que nous sentons à pratiquer quelque vertu nous doit servir pour nous humilier, et l'humilité vaut tousjours mieux que tout cela..

  A006000563 

 Cela s'entend, que vous ayez l'intention de prier Dieu qu'il donne la vertu ou la grace que vous luy demandez pour vous, à tous ceux qui en ont la mesme necessité, et que ce soit tousjours pour vous unir davantage avec luy; car autrement nous ne devons demander ni desirer aucune chose ni pour nous ni pour le prochain, puisque c'est la fin pour laquelle les Sacremens sont institués.

  A006000563 

 En fin, il faut qu'en toutes les prieres et demandes que vous ferez à Dieu, vous ne les fassiez pas seulement pour vous, ains que vous observiez de dire tousjours nous, comme Nostre Seigneur nous l'a enseigné en l'Oraison dominicale, où il n'y a ni mien, ni mon, ni moy.

  A006000563 

 Il faut donc que nous correspondions à [342] ceste intention de Nostre Seigneur, les recevant pour ceste mesme fin..

  A006000564 

 Et ne faut pas que nous pensions que communiant ou priant pour les autres nous y perdions quelque chose, sinon que nous offrissions à Dieu ceste Communion ou priere pour la satisfaction de leurs pechés, car alors nous ne satisferions pas pour les nostres.

  A006000564 

 Mais pourtant le merite de la Communion et de la priere nous demeureroit, car nous ne sçaurions meriter la grace les uns pour les autres: il n'y a que Nostre Seigneur qui l'ayt peu faire.

  A006000564 

 Nous pouvons bien impetrer des graces pour les autres, mais leur meriter, nous ne le pouvons pas faire.

  A006000565 

 Vous le cognoistrez si vous vous advancez par les vertus qui leur sont propres: comme si vous tirez de la Confession l'amour de vostre propre abjection et l'humilité, car ce sont les vertus qui luy sont propres; et c'est tousjours par la mesure de l'humilité que l'on recognoist nostre advancement.

  A006000566 

 Bien qu'il y ayt de la mortification à le demander, il ne faut pas laisser pour cela; car les filles qui entrent en la Congregation n'y entrent que pour se mortifier, et les croix qu'elles portent les en doivent faire ressouvenir.

  A006000566 

 Que si l'inspiration venoit à quelqu'une de ne pas communier si souvent que les autres, à cause de la cognoissance qu'elle a de son indignité, elle le peut demander à la Superieure, attendant le jugement qu'elle en fera, avec une grande douceur et humilité..

  A006000567 

 Il ne faut donc point s'arrester à considerer si l'on a de bons sentimens; mais il nous faut faire ce qu'ils nous feroyent faire si nous les avions..

  A006000567 

 Les consolations et tendretés ne doivent pas estre desirées, puisque cela ne nous est pas necessaire pour aymer davantage Nostre Seigneur.

  A006000568 

 Il ne faut pas non plus se tourmenter quand l'on ne se souvient pas de ses fautes pour s'en confesser; car il n'est pas croyable qu'une ame qui fait souvent son examen, ne remarque bien pour s'en ressouvenir les fautes qui sont d'importance.

  A006000568 

 Pour tant de petits et legers defauts, vous en pouvez parler avec Nostre Seigneur toutes les fois que vous les appercevrez: un abaissement d'esprit, un souspir suffit pour cela..

  A006000571 

 Il faut aussi considerer que nous faisons le mesme office que les Anges, quoy qu'en divers langage, et que nous sommes devant le mesme Dieu devant lequel les Anges tremblent.

  A006000571 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles disent à l'Office employent fidellement ce talent selon le bon plaisir de Dieu, qui le leur a donné pour les ayder à se retenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui [345] n'y entendent rien se tiennent simplement attentives à Dieu, ou bien qu'elles fassent des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses.

  A006000572 

 Que si vous dormez [346] le long d'une bonne partie de l'Office, encor que vous disiez les versets de vostre chœur, vous estes obligée de le redire; mais quand l'on fait des choses qui sont necessaires d'estre faites en l'Office, comme de tousser ou cracher, ou bien que la maistresse des ceremonies parle pour ce qui est de l'Office, alors on n'est point obligé de le redire..

  A006000573 

 Quand l'on entre au chœur, l'Office estant un peu commencé, il faut se mettre en son rang avec les autres et suivre l'Office avec elles; et apres qu'il est dit, il faut reprendre ce que le chœur avoit desja dit devant que vous y fussiez, finissant où vous l'avez pris; sinon, il faut dire bas ce que le chœur a dit, puis, l'ayant atteint, continuer avec luy en cas que vostre assistance y soit vrayement necessaire..

  A006000574 

 Je voudrois que jamais on ne se troublast pour les mauvais sentimens que l'on a, mais que l'on s'employast courageusement et fidelement pour n'y point consentir, puisqu'il y a bien de.

  A006000575 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont remarquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher, comme font ceux qui pensent n'avoir jamais bien fait leurs oraisons s'ils ne font leurs considerations devant les affections que Nostre Seigneur leur donne, qui est pourtant la fin pour laquelle nous faisons les considerations.

  A006000576 

 Il est neantmoins requis de se tenir en grande reverence parlant à la divine Majesté, puisque les Anges, qui sont si purs, tremblent en sa presence.

  A006000577 

 Car pourveu que nous ajustions tousjours nostre volonté avec celle de la divine Majesté, demeurans dans une simple attente et disposition pour recevoir les evenemens de son bon plaisir avec amour, soit en l'oraison ou és autres occurrences, il fera que toutes choses nous seront profitables et agreables aux yeux de sa divine Bonté.

  A006000578 

 C'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde pour nous enseigner ce que nous devions faire; et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modelle, nous devons grandement estre exactes à considerer ses actions pour les imiter, parce que c'est l'une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous faisons que de les faire parce que Nostre Seigneur les a faites; c'est à dire, pratiquer les vertus parce que nostre Pere les a pratiquées et comme il les a pratiquées.

  A006000578 

 Ce que pour bien comprendre, il les faut fidelement peser, voir et considerer en l'oraison; car l'enfant qui ayme bien son pere a une grande affection de se rendre conforme à ses humeurs et l'imiter en tout ce qu'il fait..

  A006000578 

 La premiere methode doncques pour s'entretenir à l'oraison, c'est de porter quelque poinct, comme les mysteres de la Mort, Vie et Passion de Nostre Seigneur, lesquels sont les plus utiles; et.

  A006000579 

 Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon; mais generalement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la methode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur: on y marche en asseurance.

  A006000579 

 Il est vray ce que vous dites, qu'il y a des ames lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leurs esprits sur aucun mystere, estant attirées à certaine simplicité toute douce qui les tient en grande tranquillité devant [349] Dieu, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant luy et qu'il est tout leur bien.

  A006000579 

 Les saints Peres ont bissé plusieurs considerations pieuses et devotes desquelles l'on peut se servir pour ce sujet; car puisque ces saints et grands personnages les ont bien faites, qui n'osera s'en servir, et qui osera refuser de croire pieusement ce que tres-pieusement ils ont creu? Il faut aller asseurément apres ces personnages de telle authorité.

  A006000580 

 Je ne veux pas dire qu'il faille avoir des grands sentimens et consolations pour cela, bien que quand Dieu nous les donne, nous soyons obligés d'en faire nostre profit et correspondre à son amour Mais quand il ne nous les donne pas il ne faut pas manquer de fidelité, ains vivre selon la raison et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en pratique pour aucune secheresse, repugnance ou contradiction qui se puisse presenter.

  A006000581 

 La seconde maniere de mediter est de ne point faire d'imagination, mais de se tenir au pied de la lettre, c'est à dire mediter purement et simplement l'Evangile et les mysteres de nostre foy, s'entretenant familierement et tout simplement avec Nostre Seigneur de ce qu'il a fait et souffert pour nous, sans aucune representation.

  A006000581 

 Mais pour les autres manieres d'oraison plus relevée, sinon que Dieu les donne absolument, je vous prie que l'on ne s'y ingere point de soy-mesme et sans l'advis de ceux qui conduisent..

  A006000581 

 Or ceste façon icy est bien plus haute et meilleure que la premiere, et si, elle est plus sainte et plus asseurée; c'est pourquoy il s'y faut porter facilement, pour peu d'attrait que l'on y ayt, observant en tout degré d'oraison de tenir son esprit dans une sainte liberté pour suivre les lumieres et mouvemens que Dieu nous y donnera.

  A006000585 

 Bien que tous les justes soyent justes et égaux en justice, neantmoins il y a une grande disproportion entre les actes particuliers de leur justice; ainsi que represente la robe de l'ancien Joseph, laquelle estoit longue jusques aux talons, recamée d'une belle varieté de fleurs.

  A006000585 

 Chaque juste a la robe de la justice qui luy bat jusques aux talons, c'est à dire, toutes les facultés et puissances de l'ame sont couvertes de justice, et l'interieur et l'exterieur ne representent que la justice mesme, estant justes en tous leurs mouvemens et actions tant interieures qu'exterieures.

  A006000585 

 Il avoit toutes les vertus, mais non pas en un si haut degré les unes que les autres.

  A006000585 

 Le grand saint Paul hermite fut juste d'une justice tres-parfaite, et si neantmoins nul [352] ne peut douter qu'il n'exerça jamais tant de charité envers les pauvres comme saint Jean qui fut pour cela appelle l'Aumosnier, ni n'eut jamais les occasions de pratiquer la magnificence; et partant, il n'avoit pas ceste vertu en un si haut degré que plusieurs autres Saints.

  A006000585 

 Le juste est fait semblable à la palme, ainsi que la sainte Eglise nous fait chanter en chaque feste des saints Confesseurs; mais comme le palmier a une tres-grande varieté de proprietés particulieres au dessus de tous les autres arbres, comme estant le prince et le roy des arbres tant pour la beauté que pour la bonté de son fruict, de mesme il y a une tres-grande varieté de justice.

  A006000585 

 Les Saints ont excellé, les uns en une vertu, les autres en une autre; et si bien ils sont tous sauvés, ils le sont neantmoins tres-differemment, y ayant autant de differentes saintetés comme il y a de Saints..

  A006000585 

 Mais pourtant, si faut-il confesser que chaque robe est recamée de diverses belles varietés de fleurs, dont l'inégalité ne les rend pas moins agreables ni moins recommandables.

  A006000586 

 C'est donc à juste raison qu'il est accomparé à la palme, qui est le roy des arbres, et lequel a la proprieté de la virginité, celle de l'humilité et celle de la constance et vaillance, trois vertus esquelles le glorieux saint Joseph a grandement excellé; et si l'on osoit faire des comparaisons, il y en auroit plusieurs qui maintiendroyent qu'il surpasse tous les autres Saints en ces trois vertus..

  A006000586 

 Cela estant donc ainsi presupposé, je remarque trois proprietés particulieres qu'a la palme, entre toutes les autres qui sont en tres-grand nombre, lesquelles proprietés conviennent mieux au Saint dont nous celebrons la feste, qui est, ainsi que la sainte Eglise nous fait dire, semblable à la palme.

  A006000586 

 O quel Saint est le glorieux saint Joseph! Il n'est pas seulement Patriarche, ains le coryphée de tous les Patriarches; il n'est pas simplement Confesseur, mais plus que Confesseur, car dans sa confession sont encloses les dignités des Evesques, la generosité des Martyrs et de tous les autres Saints.

  A006000587 

 Entre les palmes, se trouve le masle et la femelle.

  A006000588 

 Mais, ô Dieu! pour quelle raison, disent les saints Docteurs, ordonna-t'il deux choses si differentes, estre vierge et mariée tout ensemble? La pluspart des Peres disent que ce fut pour empescher que Nostre Dame ne fust calomniée des Juifs, lesquels n'eussent point voulu exempter Nostre Dame de calomnie et d'opprobre, et se fussent rendus examinateurs de sa pureté; et que, pour conserver ceste pureté et ceste virginité, il fut besoin que la divine Providence la commist à la charge et en la garde d'un homme qui fust vierge, et que ceste Vierge conceust et enfantast ce doux fruict de vie, Nostre Seigneur, sous l'ombre du saint mariage.

  A006000589 

 Et tout ainsi comme l'on void un miroir opposé aux rayons du soleil recevoir ses rayons tres-parfaitement, et un autre miroir estant mis vis à vis de celuy qui les reçoit, bien que le dernier miroir ne prenne ou reçoive les rayons du soleil que par reverberation, les represente pourtant si naïfvement que l'on ne pourroit presque pas juger lequel c'est qui [355] les reçoit immediatement du soleil, ou celuy qui est opposé au soleil, ou celuy qui ne les reçoit que par reverberation; de mesme en estoit-il de Nostre Dame, laquelle [était] comme un tres-pur miroir opposé aux rayons du Soleil de justice, rayons qui apportoyent en son ame toutes les vertus en leur perfection, perfections et vertus qui faisoyent une reverberation si parfaite en saint Joseph, qu'il sembloit presque qu'il fust aussi parfait ou qu'il eust les vertus en un si haut degré comme les avoit la glorieuse Vierge nostre Maistresse..

  A006000589 

 O quelle divine union entre Nostre Dame et le glorieux saint Joseph! union qui faisoit que ce Bien des biens eternels, qui est Nostre Seigneur, fust et appartinst à saint Joseph ainsi qu'il appartenoit à Nostre Dame; non selon la nature qu'il avoit pris dans les entrailles de nostre glorieuse Maistresse, nature qui avoit esté formée par le Saint Esprit du tres-pur sang de Nostre Dame, ains selon la grace, laquelle le rendoit participant de tous les biens de sa chere Espouse, et laquelle faisoit qu'il alloit merveilleusement croissant en perfection; et c'est par la communication continuelle qu'il avoit avec Nostre Dame, qui possedoit toutes les vertus en un si haut degré que nulle autre pure creature n'y sçauroit parvenir; neantmoins le glorieux saint Joseph estoit celuy qui en approchoit davantage.

  A006000590 

 Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux Anges? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seulement Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Pere eternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour compagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint mariage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de perseverer en leur sainte entreprise; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie..

  A006000591 

 Nostre sœur elle est petite, elle n'a point de mammelles, c'est à dire, elle ne pense point au mariage, car elle n'a ni sein ni soin pour cela: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Qu'est-ce à dire cela: au jour qu'il luy faudra parler? le divin Espoux ne luy parle-t'il pas tousjours quand il luy plaist? Au jour qu'il luy faudra parler, cela veut dire, de la parole principale, qui est quand on parle aux filles de les marier; d'autant que c'est une parole d'importance, puisqu'il y va du choix et de l'élection d'une vocation et d'un estat auquel il faut par apres demeurer.

  A006000591 

 Voicy comme ce divin Espoux parle de la pureté de la tres-sainte Vierge, de l'Eglise, ou de l'ame devote; mais principalement cecy s'adresse à la tres-sainte Vierge, qui fut ceste divine Sulamite par excellence au dessus de toutes les autres.

  A006000592 

 Si la tres-sainte Vierge est une porte, dit le Pere eternel, nous ne voulons pas qu'elle soit ouverte, car c'est une porte orientale par laquelle nul ne peut entrer ni sortir; au contraire, il la faut doubler et renforcer de bois incorruptible, c'est à dire, luy donner un compagnon en sa pureté, qui est le grand saint Joseph, lequel devoit pour cest effet surpasser tous les Saints, voire les Anges et les Cherubins mesmes en ceste vertu tant recommandable de la virginité, vertu qui le rendit semblable au palmier, ainsi que nous avons dit..

  A006000593 

 Car encor que la palme soit le prince des arbres, elle est neantmoins le plus humble, ce qu'elle tesmoigne en ce qu'elle cache ses fleurs au printemps où tous les autres arbres les font voir, et ne les laisse paroistre qu'au gros des chaleurs.

  A006000593 

 En quoy ils courent la mesme risque que les arbres qui sont prompts au printemps de jetter leurs fleurs, comme sont les amandiers; car si d'aventure la gelée les surprend, ils perissent et ne portent point de fruict..

  A006000593 

 La palme tient ses fleurs resserrées dedans des bourses qui sont faites en forme de gaines ou estuis; ce qui nous represente tres-bien la difference des ames qui tendent à la perfection d'avec les autres, la difference des justes d'avec ceux qui vivent [358] selon le monde; car les mondains et hommes terrestres, qui vivent selon les loix de la terre, dés qu'ils ont quelque bonne pensée ou quelque cogitation qui leur semble estre digne d'estre estimée, ou s'ils ont quelque vertu, ils ne sont jamais en repos jusques à tant qu'ils l'ayent manifestée et fait cognoistre à tous ceux qu'ils rencontrent.

  A006000594 

 Au contraire, les justes tiennent tousjours toutes leurs fleurs resserrées dans l'estuy de la tres-sainte humilité, et ne les font point paroistre, tant qu'ils peuvent, jusques aux grosses chaleurs, lors que Dieu, ce divin Soleil de justice, viendra à réchauffer puissamment leurs coeurs en la vie eternelle, où ils porteront à jamais le doux fruict de la felicité et de l'immortalité.

  A006000594 

 Ces hommes mondains qui sont si legers à faire espanouïr leurs fleurs au printemps de ceste vie mortelle, par un esprit d'orgueil et d'ambition, courent tousjours fortune d'estre pris par la gelée qui leur fait perdre les fruicts de leurs actions.

  A006000594 

 De mesme en fait l'ame juste, car elle tient cachées ses fleurs, c'est à dire ses vertus, sous le voile de la tres-sainte humilité jusques à la mort, en laquelle Nostre Seigneur les fait esclorre et les laisse paroistre au dehors, d'autant que les fruicts ne doivent pas tarder à paroistre..

  A006000595 

 Mais quelles dignités, mon Dieu! estre gouverneur de Nostre Seigneur, et non seulement cela, mais estre encor son Pere putatif, mais estre Espoux de sa tres-sainte Mere! O vrayement je ne doute nullement que les Anges ravis d'admiration, ne vinssent troupes à troupes le considerer et admirer son humilité, lors qu'il tenoit ce cher Enfant dans sa pauvre boutique, où il travailloit de son mestier pour nourrir et le Fils et la Mere qui luy estoyent commis..

  A006000596 

 Il n'y a point de doute, mes cheres Sœurs, que saint Joseph ne fust plus vaillant que David et n'eust plus de sagesse que Salomon; neantmoins, le voyant reduit en l'exercice de la charpenterie, qui eust peu juger cela s'il n'eust esté esclairé de la lumiere celeste, tant il tenoit resserrés tous les dons signalés dont Dieu l'avoit gratifié? Mais quelle sagesse n'avoit-il pas, puisque Dieu luy donnoit en charge son Fils tres-glorieux et qu'il estoit choisi pour estre son gouverneur? Si les princes de la terre ont tant de soin, comme estant une chose tres-importante, de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfans, puisque Dieu pouvoit faire que le gouverneur de son Fils fust le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui estoit son Fils tres-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pourroit-il faire que l'ayant peu il ne l'ayt voulu et ne l'ayt fait? Il n'y a donc nul doute que saint Joseph n'ayt esté doué de toutes les graces et de tous les dons que meritoit la charge que le Pere eternel luy vouloit donner, de l'œconomie temporelle et domestique de Nostre Seigneur et de la conduite de sa famille, qui n'estoit composée que de trois, qui nous representent le mystere de la tres-sainte et tres-adorable Trinité.

  A006000597 

 Ce seul exemple suffit pour le bien entendre: il s'en va en son païs et en sa ville de Bethlehem, et nul n'est rejetté de tous les logis que luy, au moins que l'on sçache; si qu'il fut contraint de se retirer et conduire sa chaste Espouse dans un estable, parmi les bœufs et les asnes.

  A006000597 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que si je me jette en la mer, je periray; mais toy, qui es tout-puissant, marcheras sur les eaux sans danger; c'est pourquoy je te supplie de te retirer de moy, et non pas que je me retire de toy..

  A006000597 

 O en quelle extremité estoit reduite son abjection et son humilité! Son humilité fut la cause, ainsi que l'explique saint Bernard, qu'il voulut quitter Nostre Dame quand il la vid enceinte; car saint Bernard dit qu'il fit ce discours en soy-mesme: Et qu'est cecy? Je sçay qu'elle est vierge, car nous avons fait, un vœu par ensemble de garder nostre virginité et pureté, à quoy elle ne voudroit aucunement manquer; d'ailleurs je voy qu'elle est enceinte et qu'elle est mere: comment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n'empesche point la maternité? O Dieu! dit-il en soy-mesme, ne seroit-ce point peut estre ceste glorieuse Vierge dont les Prophetes asseurent qu'elle concevra et sera Mere du Messie? O si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moy qui en suis si indigne.

  A006000597 

 Sentiment d'une humilité admirable, et laquelle fit escrier saint Pierre dans la nacelle où il [361] estoit avec Nostre Seigneur, lors qu'il vid sa toute-puissance manifestée en la grande prise qu'il fît de poissons, au seul commandement qu'il leur avoit fait de jetter les filets dans la mer: O Seigneur, dit-il, tout transporté d'un semblable sentiment d'humilité que saint Joseph, retire-toy de moy, car je suis un homme pecheur, et partant ne suis pas digne d'estre avec toy.

  A006000598 

 Sur quoy les vierges et celles ou ceux qui veulent vivre chastement sont enseignés qu'il ne leur suffit pas d'estre vierges s'ils ne sont humbles, et s'ils ne resserrent leur pureté dans la boite pretieuse de l'humilité; car autrement il leur arrivera tout ainsi qu'aux folles vierges, lesquelles, faute d'humilité et de charité misericordieuse, furent rechassées des noces de l'Espoux, et partant furent contraintes d'aller aux noces du monde, où l'on n'observe pas le conseil de l'Espoux celeste qui dit qu'il faut estre humble pour entrer aux noces, je veux dire qu'il faut pratiquer l'humilité: car, dit-il, allant aux noces, ou estant invité aux noces, prenez la derniere place.

  A006000599 

 De mesme, les ames justes craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordinairement dans une boite; mais non dans une boite commune, non plus que les onguens pretieux, ains dans une boite d'albastre, telle que celle que sainte Magdelaine respandit ou vuida sur le chef sacré de Nostre Seigneur lors qu'il la restablit en la virginité non essentielle mais reparée, laquelle est quelquefois plus excellente, estant acquise et restablie par la penitence, que non pas celle qui n'ayant point receu de tare est accompagnée de moins d'humilité.

  A006000599 

 L'on ne tient pas les choses pretieuses, sur tout les onguens odoriferans, à l'air; car, outre que ces odeurs viendroyent à s'exhaler, les mousches les gasteroyent et feroyent perdre leur prix et leur valeur.

  A006000600 

 Mais quelle plus parfaite humilité se peut-il imaginer que celle de saint Joseph? Je laisse à part celle de Nostre Dame, car nous avons desja dit que saint Joseph recevoit un grand accroissement en toutes les vertus par forme de reverberation que celles de la tres-sainte Vierge faisoyent en luy.

  A006000602 

 La palme, elle a une force et une vaillance et mesme une constance tres-grande au dessus de tous les autres arbres; aussi est-elle le premier de tous.

  A006000603 

 Nous appelions un homme constant, lequel se tient ferme et preparé à souffrir les assauts de ses ennemis, sans s'estonner ni perdre courage durant le combat; mais la perseverance regarde principalement un certain ennuy interieur qui nous arrive en la longueur de nos peines, qui est un ennemy aussi puissant que l'on en puisse rencontrer.

  A006000604 

 Mais quelle vaillance et quelle force ne tesmoigne-t'il pas en la victoire qu'il remporta sur les deux plus grands ennemis de l'homme, le diable et le monde? et cela par la pratique exacte d'une tres-parfaite humilité, comme nous avons remarqué, en tout le cours de sa vie.

  A006000604 

 Or, nostre glorieux saint Joseph fut doué de toutes ces vertus, et les exerça merveilleusement bien.

  A006000606 

 Il estoit en une terre non seulement estrangere, mais ennemie des Israëlites, d'autant que les Egyptiens se ressentoyent encor dequoy ils les avoyent quittés, et avoyent esté cause qu'une grande partie des Egyptiens avoyent [367] esté submergés lors qu'ils les poursuivoyent.

  A006000606 

 Je vous laisse à penser quel desir devoit avoir saint Joseph de s'en retourner, à cause des continuelles craintes qu'il pouvoit avoir emmi les Egyptiens.

  A006000608 

 La pauvreté volontaire dont les Religieux font profession est fort aymable, d'autant qu'elle n'empesche pas qu'ils ne reçoivent et prennent les choses qui leur sont necessaires, defendant et les privant seulement des superfluités; mais la pauvreté de saint Joseph, de Nostre Seigneur et de Nostre Dame n'estoit pas telle, car encor qu'elle fust volontaire, d'autant qu'ils l'aymoyent cherement, elle ne laissoit pas pourtant d'estre abjecte, rejettée, mesprisée et necessiteuse grandement; car [368] chacun tenoit ce grand Saint comme un pauvre charpentier, lequel sans doute ne pouvoit pas tant faire, qu'il ne leur manquast plusieurs choses necessaires, bien qu'il se peinast avec une affection nompareille pour l'entretien de toute sa petite famille.

  A006000609 

 Je vous ay porté entre mes bras, maintenant prenez-moy sur les vostres; et comme j'ay eu soin de vous nourrir et conduire durant le cours de vostre vie mortelle, prenez soin de moy et de me conduire en la vie immortelle.

  A006000614 

 Une autre dira: Mon Dieu, que l'on chante bien là dedans! Les autres y viennent pour y rencontrer la paix, les consolations et toutes sortes de douceurs, disant en leur pensée: Mon Dieu, que les Religieuses [371] sont heureuses! elles sont hors du bruit de pere, de mere, qui ne font autre chose que crier; on ne sçauroit rien faire qui les contente, c'est tousjours à recommencer.

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000616 

 Mais quant à vous, mes cheres filles, il n'en va pas ainsi; car outre ceste commune obligation que vous avez avec tous les Chrestiens, Dieu, par un amour tout special, vous a choisies pour estre ses cheres espouses..

  A006000617 

 C'est pourquoy vous voyez que la Religion vous fournit de moyens tous propres à cest effet, qui sont l'oraison, les lectures, silence, retraitte du propre cœur pour se reposer en Dieu seul, elancemens continuels à Nostre Seigneur.

  A006000618 

 N'estoit-ce pas estre bien humble de parler si doucement à ses compagnes des choses de devotion, raconter les sermons estant chez soy, traiter doucement avec ceux du logis, sur tout quand ils ne contredisoyent point? Certes, mes cheres filles, cela estoit bon pour le monde; mais la Religion veut que l'on fasse des œuvres dignes de sa vocation, c'est à dire, mourir à soy-mesme en toutes choses, tant à ce qui est bon à nostre gré [374] qu'aux choses mauvaises et mutiles.

  A006000618 

 Pensez-vous que ces bons Religieux du desert qui sont parvenus à une si grande union avec Dieu, y soyent arrivés en suivant leurs inclinations? Certes nenny; ils se sont mortifiés es choses les plus saintes, et bien qu'ils eussent grand goust à chanter les divins cantiques, à lire, prier et autres choses, ils ne le faisoyent point pour se contenter eux-mesmes.

  A006000619 

 Et comme il ne faut pas que le laboureur se fasche, puisqu'il ne merite pas d'estre blasmé pour n'avoir point recueilli une bonne prise, pourveu neantmoins qu'il ayt eu soin de cultiver bien la terre et de la bien ensemencer, de mesme le Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille pas si tost les fruicts de la perfection et des vertus, pourveu qu'il ayt une grande fidelité de bien cultiver la terre de son cœur, en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à la [375] perfection à laquelle il s'est obligé de pretendre, puisque nous ne serons jamais parfaitement gueris que nous ne soyons en Paradis..

  A006000619 

 Il est bien vray, certes, que les ames religieuses reçoivent mille suavités et contentemens parmi les mortifications et les exercices de la sainte Religion, car c'est principalement à elles que le Saint Esprit départ ses pretieux dons.

  A006000619 

 L'office des Religieux doit estre de bien cultiver leur esprit, pour en déraciner toutes les mauvaises productions que nostre nature depravée fait bourjonner tous les jours, si bien qu'il semble qu'il y ayt tousjours à refaire.

  A006000620 

 Quand vostre Regle vous dit « que l'on demande les livres à l'heure assignée, » pensez-vous que ce soit pour l'ordinaire ceux qui vous contentent le plus que l'on vous donne? Nullement, ce n'est pas là l'intention de la Regle; et ainsi des autres exercices.

  A006000620 

 Remarquez que je dis faire, car l'on n'acquiert [376] pas la perfection en croisant les bras; il faut travailler à bon escient à se dompter soy-mesme, et vivre selon la raison, la Regle et l'obeissance, et non pas selon les inclinations que nous avons apportées du monde.

  A006000621 

 Je vous en dis de mesme de la sainte humilité et douceur, fondement de ceste Congregation: Dieu nous les donnera infailliblement, pourveu que nous ayons bon cœur et fassions nostre possible pour les acquerir.

  A006000622 

 Je vous ay dit plusieurs fois que la Religion est une escole où l'on apprend sa leçon: le maistre ne requiert pas tousjours que les escoliers sçachent sans faillir leur leçon, il suffit qu'ils ayent attention de faire leur possible pour l'apprendre.

  A006000622 

 La Religion ne fait pas grand triomphe de façonner un esprit tout fait, une ame douce et tranquille en elle-mesme; mais elle estime grandement de reduire à la vertu les ames fortes en leurs inclinations, car ces ames-là, si elles sont fidelles, elles passeront les autres, acquerant par la pointe de l'esprit ce que les autres ont sans peine..

  A006000622 

 Vous me dites, ma Mere, que nos Sœurs les Pretendantes sont de bonne volonté, mais que la force leur manque pour faire ce qu'elles voudroyent, et qu'elles ressentent leurs passions si fortes, qu'elles craignent bien de commencer à marcher.

  A006000622 

 Voyez-vous pas tous les jours les personnes qui apprennent à tirer des armes? ils tombent souvent; de mesme en font ceux qui apprennent à monter à cheval: mais ils ne se tiennent pas pourtant vaincus, car autre chose est d'estre quelquefois abbatus, et autre chose absolument vaincus.

  A006000623 

 On ne requiert pas de vous que vous n'ayez point de passions; il n'est pas en vostre pouvoir, et Dieu veut que vous les ressentiez jusques à la mort pour vostre plus grand merite; ni mesme qu'elles soyent peu fortes, car ce seroit dire qu'une ame mal habituée ne peut estre propre à servir Dieu.

  A006000624 

 Ces deux jeunes ames que voicy, dont l'une passe un peu seize ans, l'autre n'en a que quinze, elles ont peu à tuer; aussi leur [379] esprit n'est pas quasi né: mais ces grandes ames qui ont experimenté plusieurs choses et ont gousté les douceurs du Paradis, c'est à elles à qui appartient de bien tuer et aneantir leurs passions..

  A006000624 

 Espris d'une juste colere du zele de la gloire de Dieu, il dit en se tournant vers les Levites: S'il y a quelqu'un qui tienne le parti de Dieu, qu'il prenne l'espée en main pour tuer tout ce qui se presentera à luy, sans espargner ni pere, ni mere, ni frere, ni sœur; qu'il mette tout à mort.

  A006000624 

 Les Levites donc prirent l'espée en main, et le plus brave c'estoit celuy qui en tua le plus.

  A006000625 

 Pour celles que vous dites, ma Mere, qui ont de si grands desirs de leur perfection qu'elles veulent passer toutes les autres en vertu, elles font bien de consoler un peu leur amour propre; mais elles feront prou de suivre la Communauté en bien gardant leurs Regles, car c'est la droite voye pour arriver à Dieu.

  A006000625 

 Vous ressemblez à ceux qui cheminent sur mer; la barque les porte, et ils demeurent là dedans sans soin; en se reposant ils marchent, et n'ont que faire de s'enquerir s'ils sont bien en leur chemin.

  A006000626 

 Suivez sans crainte ceste boussole divine, c'est Nostre Seigneur; la barque ce sont vos Regles; ceux qui la conduisent sont les Superieures, qui pour l'ordinaire vous disent: Marchez, nos Soeurs, par l'observance ponctuelle de vos Regles; vous arriverez heureusement à Dieu, il vous conduira seurement.

  A006000627 

 Elles ont raison de le dire et il est veritable; mais il est vray aussi que si cest attrait vient de Dieu, il les conduira à l'obeissance sans doute.

  A006000627 

 Mais prenez garde que s'il vous vient quelque goust interieur et caresse de Nostre Seigneur, de ne vous y attacher pas; c'est comme un peu d'anis confit que l'apothicaire met sur la potion amere du malade: il faut que le malade avale la medecine bien amere, pour sa santé, et bien qu'il prenne de la main de l'apothicaire ces grains sucrés, il faut par necessité qu'il ressente par apres les amertumes de la purgation..

  A006000627 

 Si vous faites ce qui vous est enseigné, mes cheres filles, vous serez tres-heureuses, vous vivrez contentes et experimenterez dés ce monde les faveurs du Paradis, au moins par petits eschantillons.

  A006000627 

 Vous dites, ma Mere, que nos Soeurs disent: Cela est bon de marcher par les Regles, mais c'est la voye generale.

  A006000628 

 Je vous envoyeray tous les jours de l'autel ma benediction, et ce pendant recevez-la au nom du Pere, du Fils et du Saint Esprit.

  A006000633 

 Je dis donc qu'il ne faut rien demander ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun desir, sinon à vouloir ce que Dieu veut de nous.

  A006000634 

 O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien demander ni rien desirer, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander; et demandant l'amour de Dieu, nous les y comprenons, car il les contient toutes.

  A006000634 

 Vous me dites, s'il ne faut pas desirer les vertus, et que Nostre Seigneur a dit: Demandez, et il vous sera donné.

  A006000635 

 Il est tousjours meilleur de ne rien desirer, mais se tenir preste pour recevoir celles que l'obeissance nous imposera; et fussent-elles honnorables ou abjectes, je les prendrois et recevrois humblement sans en dire un seul mot, sinon que l'on m'interrogeast, et lors je respondrois simplement la verité comme je la penserais..

  A006000635 

 Mais pour l'employ exterieur, ne pourroit-on pas, dites-vous, desirer les charges basses parce qu'elles sont plus penibles et qu'il y a plus à faire et à s'humilier pour Dieu? Ma fille, David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur, que d'estre grand parmi les pecheurs; et: Il est bon, Seigneur, dit-il, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications. Or neantmoins, ce desir est fort suspect et peut estre une cogitation humaine.

  A006000635 

 Que sçavez-vous si ayant desiré les charges basses, vous aurez la force d'agreer les abjections qui s'y rencontrent? il vous y pourra venir beaucoup de desgousts et d'amertumes.

  A006000636 

 Chacun sçait toutesfois, combien les febricitans en sont travaillés; ce qui les empesche de reposer et leur donne mille autres ennuis.

  A006000636 

 Heureux seront les Religieux et Religieuses qui feront ceste grande et absolue remise entre les mains de leurs Superieurs, lesquels, par le motif de la charité, les serviront et pourvoiront soigneusement à tous leurs besoins et necessités, car la charité est plus forte et presse de plus pres que la nature..

  A006000636 

 O Dieu, qu'elle estoit heureuse, ceste bonne femme! Certes, elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent aussi les Apostres qui pourveurent à sa guerison sans en estre sollicités par elle, ains par la charité et commiseration de ce qu'elle souffroit.

  A006000636 

 Or, ceste grande remise que nostre malade fait d'elle-mesme entre les mains de ses superieurs, fait qu'elle ne s'inquiete point, ni ne se met en soucy de sa santé ni de sa guerison: elle se contente de souffrir son [385] mal avec douceur et patience.

  A006000636 

 Vous me demandez comme l'on peut pratiquer ce document de la sainte indifference dans les maladies.

  A006000637 

 Ceste chere malade sçavoit bien que Nostre Seigneur estoit en Capharnaum, qu'il guerissoit les malades; cependant elle ne s'inquietoit point ni ne se mettoit en peine pour luy envoyer dire ce qu'elle souffroit.

  A006000637 

 Or, ceste inquietude d'esprit que l'on a emmi les souffrances et maladies (à laquelle sont sujets non seulement les personnes du monde, mais aussi bien souvent les Religieux), part de l'amour propre et desreglé de soy-mesme.

  A006000638 

 Au reste, elle n'est pas comme ces personnes du monde qui ayant une maladie de quelques jours, il leur faut les semaines et les mois pour les refaire..

  A006000639 

 Chose estrange! il n'ignoroit pas que c'estoit un breuvage qui augmentoit sa peine; neantmoins il le prit tout simplement, sans rendre tesmoignage que cela le faschoit ou [387] qu'il ne l'eust pas trouvé bon; pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre les remedes et viandes présentées, quand nous sommes malades, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes dégoustés et ennuyés, voire mesme quand nous serions en doute que cela accroistroit nostre mal.

  A006000639 

 En fin, c'est grande compassion combien nous sommes peu imitateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses douleurs et ne taschoit point de les faire remarquer par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les souffroit, les considerast, et appaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A006000639 

 Nostre Seigneur estant sur la croix, nous fait bien voir comme il faut mortifier les tendretés; car ayant une grande soif, il ne demanda pourtant point à boire, mais manifesta simplement sa necessité, disant: J'ay soif.

  A006000639 

 Nostre mal, quel qu'il soit, est incomparable, et celuy que les autres souffrent n'est rien au prix; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A006000640 

 Il n'est pas escrit qu'il estendist jamais ses mains pour avoir les mammelles de sa Mere, il se laissoit tout à fait à son soin et prevoyance; aussi ne refusoit-il pas tous les petits soulagemens qu'elle luy donnoit.

  A006000640 

 Il recevoit les services de saint Joseph, les adorations des Roys et des bergers, et le tout avec esgale indifference.

  A006000640 

 Voyez le pauvre petit Jesus en la creche: il reçoit la pauvreté, nudité, la compagnie des animaux, toutes les injures du temps, le froid et tout ce que son Pere permet luy arriver.

  A006000649 

 Nous soubsignez Docteurs en la sacrée Faculté de Theologie à Paris; certifions avoir leu diligemment les v de feu Messire FRANÇOIS DE SALES d'heureuse memoire, Evesque et Prince de Geneve, par luy faicts de vive voix, aux Religieuses de l'Ordre de la Visitation de saincte Marie, pour leur instruction, et direction, et par icelles Religieuses colligez, et redigez par escrit pour leur usage; lesquels ressentent son homme d'Oraison, et parfaitement interieur, et sont conformes aux Regles et maximes de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine: Et d'iceux on peut tirer tres-utilement la parabole de ce que toute sorte de personnes, tant Regulieres que Seculieres, doivent pratiquer pour bien employer les graces de nostre Dieu, devenir grandes en vertu, redresser les inclinations de la nature, et porter courageusement le joug de nostre Seigneur.

  A006000667 

 Et d'autant que depuis le sieur EVESQUE DE GENEVE, Frere dudit deffunct, et les Superieures dudit Ordre de la Visitation nostre Dame, Nous ont fait entendre le contraire; et que tel livre supposé faict prejudice à la Religion, et à la memoire du defïunct, dont nous devons avoir un soing particulier.

  A006000667 

 Nous vous mandons, et par ces presentes, signees de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous delivrer, par toutes voyes dettes et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes presentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Imprimeurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilege. et permission, que nous avons revoqué, revoquons, et à peine de confiscation des exemplaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons reservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges.

  A006000681 

 Nostre amé et feal Conseiller en nos Conseils, le sieur JEAN FRANÇOIS DE SALES Evesque et Prince de Geneve, Nous a fait remonstrer: Que le feu sieur Evesque de Geneve son frere, desireux de l'avancement en la vertu des Religieuses de l'Ordre de la Visitation de nostre Dame, par luy fondées, et establies en ce Royaume, avoit souvent eu avec elles plusieurs Entretiens des choses spirituelles, tendant à leur instruction et edification, lesquels ayans esté jugés par lesdictes Religieuses, non seulement utiles poulies ames retirees du monde; mais aussi pour toutes sortes de conditions: Elles eurent soing de les recueillir diligemment, pour les faire quelque jour imprimer, et donner au public; et à ceste fin les auroyent à present mis és mains dudit Exposant.

  A006000695 

 A quelles fins, et en conformité dudit pouvoir et Privilege, donné comme dict est par le Roy à mondict Seigneur le Reverendissime Evesque, il a transporté, comme il cede, et transporte purement au sieur Vincent de Cœursilly Libraire de la ville de Lyon, absent, moy Notaire pour luy stipulant; à sçavoir le mesme Privilege, et pouvoir d'imprimer, ou faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux FRANÇOIS DE SALES Evesque et Prince de Geneve, son Frere et predecesseur, et de directement y proceder tout ainsi, et à la mesme forme que feroit mondit Seigneur, si present y estoit, sans permettre aucun abus; ains que le tout soit faict vrayement, et nettement, le mettant en son vray lieu et place, en conformité dudit Privilege: le faisant et constituant en cest endroit son vray Procureur special, et irrevocable, pour faire les informations requises et necessaires, avec eslection de domicile, informer, soubs et avec toutes provisions, sermens, obligations, renonciations, et clauses requises.

  A006000695 

 L'an mil six cens vingt-neuf, et le vingt-uniesme jour du mois de Juin; par devant moy Notaire soubsigné, et presens les tesmoins sousnommez: S'est estably et constitué en personne, Monseigneur l'Illustrissime, et Reverendissime JEAN FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel de son gré, et en suitte du Privilege par luy obtenu du Roy, par patentes de sa Majesté, données au Camp de la Rochelle, en l'année mil six cens vingt-huict, et le vingtiesme jour du mois de Juillet, aux fins de faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve.

  A006000695 

 Les tesmoins n'ont sceu signer, moy Claude Decrouz Notaire soubsigné dudict Annessy, à ce recevoir suis esté requis..

  A006000730 

 Je fermetois et ouvrirois les portes bien doucement parce que nostre Mere le veut, et nous voulons bien faire tout ce qu'elle veut que l'on fasse.

  A006000731 

 O il me semble que je l'aymerois bien de tout mon cœur, ce bon Dieu, et qu'à cela j'appliquerais tout mon esprit, et à bien observer les Regles et Constitutions.

  A006000733 

 Je me tiendrais bien bas et petit, je m'humilierois et ferois les pratiques selon les rencontres; et si je ne m'estois pas humilié, je m'humilierois au moins de ce que je ne me serois pas humilié.

  A006000734 

 Mais sçavez-vous encore, ma chere fille Simplicienne? j'espere que je laisserois bien faire de moy tout ce que l'on voudrait, et lirais souvent les chapitres De l'Humilité et De la Modestie, de nos Constitutions.

  A006000734 

 O ma fille, il les faut bien lire souvent et les bien pratiquer.

  A006000738 

 J'ouvrirois et fermerois les portes bien doucement parce que nostre Mere l'a ainsi ordonné; car nous voulons bien faire tout ce que nous sçavons qu'elle veut que l'on fasse.

  A006000738 

 Je parlerois bien doucement et bas tousjours; j'y ferois attention particuliere parce que les Constitutions l'ordonnent.

  A006000739 

 Par tout là où je me trouverois j'y appliquerois bien mon esprit le plus qu'il me serait possible, [et] à bien observer les Regles et Constitutions.

  A006000741 

 Commençons tous les jours à mieux faire..

  A006000741 

 Je m'humilierois en faisant les pratiques de vertu et d'humilité mesmes, selon les rencontres; et si je ne sçavois pas m'humilier, je m'humilierois encore de ce que je ne sçaurois pas m'humilier.

  A006000742 

 Je lirois bien souvent le chapitre De l'Humilité et De la Modestie: et vous, ne les lisez-vous pas bien souvent? Quelquefois? Nous ferons prou, je le sçay bien moy, et Dieu nous aydera.

  A006000748 

 Ceste humilité icy, si elle ne passe pas plus avant, elle n'est pas grande chose, et en effect elle est fort commune; car il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d'aveuglement qu'ils ne cognoissent assez clairement leur vileté, pour peu de consideration qu'ils fassent; mais neantmoins, si bien ils sont contrains de se voir pour ce qu'ils sont, ils seroyent extremement marris si quelqu'autre les tenoit pour tels.

  A006000749 

 Voila donc comme ces termes d'humilité ne sont que sur le bout des levres et ne partent nullement de l'intime du cœur; car si vous les preniez au mot sur leurs fausses humiliations ils s'en offenceroyent, et voudroyent que tout sur le champ on leur fist reparation d'honneur.

  A006000750 

 Le troisiesme degré est d'avouer et confesser nostre vileté et abjection quand les autres la descouvrent: car souventesfois nous disons bien nous-mesmes, voire avec sentiment, que nous sommes pervers et miserables, mais nous ne voudrions pas qu'un autre nous devançast en ceste declaration; et si l'on le fait, non seulement nous n'y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, qui est une vraye marque que nostre humilité n'est pas parfaite ni de la fine.

  A006000752 

 Le cinquiesme, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d'humilité, c'est non seulement d'aymer le mespris, mais de le desirer, de le rechercher et s'y complaire pour l'amour de Dieu: et ceux qui parviennent icy sont bien heureux, mais le nombre en est fort petit.

  A006000760 

 L'exacte obeissance és choses dures, la profonde humilité és mespris et une invincible patience és douleurs: ce sont les trois vertus et pierres de touche où l'on essaye la charité..

  A006000761 

 Je mediteray comme la colombe et mes yeux seront fatigués en contemplant le ciel, parce que la colombe mangeant les grains qu'elle amasse, elle esleve souvent ses yeux au ciel: c'est pourquoy les yeux de l'Espouse sont comparés aux yeux de la colombe, pour signifier que les espouses de Jesus Christ, meditant, mangeant et travaillant, doivent souvent eslever les yeux au Ciel où est leur Bien-Aymé..

  A006000763 

 La rose a encor une autre proprieté, c'est qu'elle tue tous les limaçons qui viennent à l'entour de son rosier, par sa suave odeur: ainsy l'ame devote, qui doit estre une rose devant Dieu, doit chasser et tuer tous les limaçons qui viennent à l'entour de son cœur, c'est à dire le rafroidissement et tiedeur qui l'empeschent de courir en la voye de Dieu.

  A006000763 

 La rose croist entre les espines: de mesme, les meilleures et plus solides vertus croissent [402] et se maintiennent parmi les plus dures contradictions.

  A006000763 

 La rose represente l'amour et charité; elle a ses feuilles incarnates, toutes faites en façon de cœurs: telles doivent estre toutes les actions des espouses de Jesus Christ, ayant autant de cœurs que de feuilles et autant de feuilles que de cœurs; c'est à dire des cœurs pleins d'amour; et de feuilles, pour le peu d'estime qu'elles doivent avoir de tout ce qu'elles font.

  A006000765 

 Il faut garder nos cœurs purs et nets comme un temple sacré auquel Dieu fait sa residence, et avoir tous les jours et à toutes heures la serpe à la main pour couper et retrancher les inutilités qui naissent à l'entour de nos cœurs, qui sont comme la terre qui a tousjours besoin d'estre sarclée et emondée; et faut estre resolu de plustost mourir mille fois que d'offenser Dieu à son escient.

  A006000765 

 Il ne faut pas desirer d'estre delivré de ses imperfections, sinon parce qu'elles desplaisent à Dieu; car il est bon, pour nous tenir en humilité et resignation, que sa volonté soit faite ou nous les ostant ou nous les laissant, pourveu qu'il soit glorifié en icelles..

  A006000766 

 Les ames bien-heureuses qui sont au Ciel ne se resjouïssent rien tant que de parler de la Mort et Passion de Nostre Seigneur, par laquelle elles ont acquis la gloire qu'elles possedent.

  A006000768 

 Les pensées oyseuses entretenues volontairement sont pernicieuses..

  A006000772 

 Il se faut resoudre de se voir miserable toute sa vie et de combattre toutes ses imperfections sans en excepter pas une, ni un seul moment, et se resoudre encor de commencer tous les jours de sa vie sans en laisser pas un seul.

  A006000773 

 La meilleure preparation que nous pouvons faire pour bien celebrer les festes, c'est de bien faire ce que nous faisons..

  A006000774 

 Celuy qui s'est voué au service de Dieu doit faire beaucoup d'estime de sa vocation; et qu'il se prepare pour combattre et endurer tous les rencontres et toutes les difficultés qui se presenteront en son chemin..

  A006000777 

 Apres que Nostre Seigneur se fut transfiguré, les disciples ne virent plus que luy: en tout ce que nous faisons nous ne devons rien voir que Nostre Seigneur..

  A006000780 

 Les mortifications qui ne sont point apprestées à la sauce de nostre propre volonté sont les meilleures et plus excellentes, et aussi celles que l'on rencontre par les rues sans y penser et que l'on ne cherche pas, et celles qui nous sont journalieres quoy que petites..

  A006000782 

 La parole de Dieu est une charge; les predicateurs en sont chargés avant que de l'avoir annoncée, et les auditeurs en demeurent, chargés apres qu'ils l'ont ouÿe..

  A006000783 

 Il faut jetter nos vestemens, c'est à dire nos habitudes, sous les pieds de Nostre Seigneur, à fin de dire: Vive le Roy!.

  A006000784 

 Nostre Seigneur est si amoureux de l'humilité qu'il met au hazard que nous perdions toutes les autres vertus pour conserver celle-cy..

  A006000785 

 Celuy qui se verra facile à commettre quelque peché, pour petit qu'il soit, qu'il se tienne pour miserable et aveugle, encor qu'il eust toutes les apparences de sainteté qu'il y a au monde..

  A006000786 

 Ni les uns ni les autres heretiques ne seront point sauvés..

  A006000787 

 Il faut tousjours que les Filles de la Visitation se tiennent pour novices, recevant avec humilité d'un chacun les advis qui font arriver le plus tost à la perfection.

  A006000789 

 La cause pourquoy nous ne faisons pas nostre profit de l'usage frequent des Sacremens c'est parce que nous n'y portons pas un esprit vuide et despouillé, et qu'apres les avoir receus nous nous retournons endormir en nos miseres..

  A006000791 

 Il faut aller à l'Office divin avec un cœur angelique et divin, puisque nous faisons ça bas ce que les Anges font au Ciel.

  A006000793 

 Il faut pour acquerir les vertus vrayes et solides, ne regarder que Nostre Seigneur en tout ce que nous faisons..

  A006000794 

 Il n'y a rien que Dieu ayt tant à contre-cœur que la negligence, c'est pourquoy il dit qu'il vomira les tiedes.

  A006000800 

 Les Filles de la Visitation doivent estre fort fermes en la foy, humbles dans la conversation, honnestes de paroles, justes és jugemens sur les deportemens du prochain, equitables és actions, [406] misericordieuses és œuvres, reglées és mœurs, patientes et courageuses és tribulations, maladies et infirmités, souples à tous les desseins et volontés de Dieu en toutes choses, douces et condescendantes au prochain, zelées pour la gloire de Dieu, ne cherchant qu'à luy plaire, unies inseparablement à son amour par une fidelité inviolable à ne s'attacher qu'à luy seul, à se tenir en sa presence, à le preferer à tout par un amour de surestime: c'est là l'esprit de vostre Congregation, mes cheres filles, et l'heritage que je vous laisse en vous disant le dernier adieu, avec ce souhait que vous soyez à jamais unies..

  A006000810 

 Les filles sont grandement sujettes à telles imperfections, sur tout quand elles recognoissent que les Superieures sont tendres et qu'elles prennent plaisir qu'on leur tesmoigne ces petites affections.

  A006000810 

 Que les filles regardent leurs Superieures, tandis qu'elles les ont, comme tenant la place de Dieu, sans s'amuser à tant d'inclinations humaines qui ne sont rien moins que la vraye vertu.

  A006000810 

 Si bien il est dit que sainte Therese pleuroit beaucoup à la mort de quelque serviteur de Dieu, elle ne doit pas estre imitée en cela, car il faut seulement imiter les vertus des Saints.

  A006000811 

 Il nous dit encore ensuite: « Le bonheur d'un Ordre ne depend nullement d'un chef, cela se void tous les jours par experience; et ceux qui en ont eu, et de si excellens, n'ont pas delaissé de se relascher.

  A006000811 

 Nous sçavons qu'il a traitté de ceste affaire avec les Reverends Peres Jesuites, qui ont esté de mesme sentiment; de quoy il tesmoigna d'estre fort ayse, disant que les affaires de Dieu se font tousjours avec difficulté.

  A006000812 

 Nous luy demandasmes comme il se falloit comporter pour les affaires temporelles, veu que tout le monde nous portoit à nous y affectionner et attacher; et que si nous voulions nous en desprendre, tous nous contrarioyent en cela, et que l'on me mettoit au devant les monasteres bien bastis et rentés, que le nostre ne l'estoit pas.

  A006000812 

 « Il est vray, ma fille, que le monde craint la pauvreté; mais que faire à cela? Il faut tesmoigner simplement que nous ne voulons point nous y attacher, ni perdre la tranquillité de l'esprit pour les biens de ce monde.

  A006000813 

 » Il dit encor: « Si l'on venoit un jour à faire difficulté de recevoir les infirmes en nos maisons, je retournerois et ferois tant de bruit par vos dortoirs, que je ferois sçavoir que l'on fait contre mon intention.

  A006000814 

 Nous luy dismes si c'estoit son intention que les filles demandassent à leurs parens, quand ils sont riches et que les maisons estoyent incommodées.

  A006000815 

 Et je luy dis que j'avois souvent du scrupule et remords de conscience de ce que je n'estois pas assez ferme pour les choses temporelles, craignant que les parens ne donnassent pas assez à leurs filles par [410] ma faute et que la maison ne fust pauvre.

  A006000816 

 Il me dit apres: « Nostre Mere desire que j'escrive sur les maximes du Fils de Dieu; je les honnore, je les revere et les respecte de tout mon cœur, mais je ne les pratique pas.

  A006000817 

 Il dit que ouy, « selon les maximes du Fils de Dieu.

  A006000818 

 Et qu'ont à faire les servantes de Dieu d'estre importunées de mes infirmités? n'est-il pas mieux cent fois qu'elles demeurent en leur quietude et repos, que d'estre employées dans le tracas? Voyez-vous, ma fille, il est grandement important de ne point donner ceste ouverture aux confesseurs.

  A006000818 

 Luy parlant s'il trouvoit bon qu'en nos maisons on nourrist les confesseurs, il respondit: « Pour moy, si j'estois confesseur de Sainte Marie, ce que je ne merite pas (il est vray que je ne le merite pas; ce bien seroit le plus grand bonheur pour moy que je peusse jamais esperer, que de me voir confesseur de la Visitation et deschargé de toute autre chose), mais si cela estoit, j'aymerois mieux me nourrir comme je pourrois, que de donner l'incommodité aux Religieuses de m'apprester mes repas, et leur donner cognoissance de mes imperfections quand je serais ennuyé, degousté et un peu difficile aux viandes.

  A006000818 

 Puisque vous avez commencé à le nourrir, continuez, mais prenez garde pour les autres.

  A006000820 

 Ce que je dis aux Constitutions de ne point mettre de poupées sur l'autel, est parce que pour l'ordinaire elles sont mal faites et c'est une grande perte de temps, et que les filles naturellement se plaisent à cela; mais pour des anges et cherubins vous en pouvez mettre sans scrupule.

  A006000820 

 La premiere, c'est que vostre cingule est trop beau, il n'est pas assez simple; il suffit qu'il y ayt deux rubans avec le grand cordon, les autres sont superflus.

  A006000820 

 O Dieu, est-il possible qu'on prenne si mal les choses, et qu'on suive si fort ses inclinations! N'ont-elles point remarqué en tant d'endroits des Constitutions, la tranquillité qui leur est tant recom mandée, laquelle ne se doit jamais perdre pour chose que ce soit? J'ay remarqué ces affections à nos Sœurs d'Annessy: quand elles ont des charges, elles ne voudroyent pas que rien leur manquast, et quand elles ne les ont plus, elles ne s'en soucient pas.

  A006000820 

 Vostre aube est trop passementée; il ne faut point [de passementerie] dessus ni dessous les manches; suffit que ce soit aux coutures, et encor, qu'elle soit bien petite.

  A006000821 

 Il n'est nullement necessaire pour leur charge; il leur faut donner une bonne Econome pour les soulager.

  A006000821 

 Il respondit: « Il est vray, vous avez raison; quand les Superieures se tiennent bien unies avec Dieu, il ne manque pas de les enseigner.

  A006000821 

 Nous luy dismes un jour que nous craignions qu'il y eust bien du danger, quand les Superieures n'auroyent pas l'esprit de la Regle, « Que feriez-vous là? si elles sont fidelles à les observer, Dieu le leur donnera avec le temps.

  A006000821 

 » Nous luy dismes: Monseigneur, il me semble qu'ayant confiance en Dieu il ne manque pas de donner la lumiere pour les charges, et que la charité est toute chose.

  A006000823 

 Parlant de la deposition d'une Superieure de laquelle les Sœurs avoyent esté grandement touchées, et ne pouvoyent s'accoustumer de l'appeller ma Sœur, ains tousjours Mere, il respondit d'une face tout à fait aymable: « Qu'elles l'appellent ma Grand Mere, si elles veulent, je ne sçaurois qu'y faire; mais cependant, je voy que ces filles n'honnorent ni n'observent leurs Regles et Constitutions.

  A006000824 

 Il respondit: « Nos paroles ne font pas des miracles; il faut s'adonner à la pratique que les Constitutions nous enseignent: elles disent prou comme il faut faire, mais les filles ont tant de petites volontés, qu'elles ayment mieux suivre qu'obeir! Et que faire là? Il faut laisser pleurer les filles et tesmoigner les affections qu'elles ont, car elles penseroyent qu'on croiroit qu'elles n'ont point d'amour, si elles ne tesmoignoyent tout cela, qui n'est que foiblesse de filles..

  A006000825 

 Il ne faut rien dire ni faire pour estre aymés ni estimés des creatures, ni pour estre mesprisés, et faut croire que si les creatures ne nous ayment pas icy bas, elles nous aymeront au Ciel où nous nous verrons tous.

  A006000827 

 Mais que pour les confessions ordinaires il n'en faut pas beaucoup dire; le plus, deux ou trois.

  A006000830 

 Il la faut bien faire faire aux Novices, et il est de tres-grande importance que les filles la fassent bien..

  A006000830 

 Il n'y aurait point de mal quand bien on aurait passé toute une recreation à parler de choses indifferentes, les paroles n'en serayent pas inutiles; il ne faut pas tousjours parler de choses bonnes.

  A006000830 

 Les propos saintement joyeux sont quand il n'y a point de mal en ce que l'on dit, et qui ne regarde point l'imperfection d'autruy, car cela il ne le faut pas faire, ni parler du monde et de choses messeantes.

  A006000830 

 Pour les paroles inutiles, à la recreation il ne s'en dit pas; tout ce qui se dit par recreation n'est pas inutile.

  A006000831 

 Quand nous avons des pensées de mesestime contre le prochain, il n'y a point de mal quand nous ne les rejettons pas faute d'attention; suffit que nous les rejettions quand nous nous en appercevons.

  A006000832 

 Il faut suivre les discours quand Nostre Seigneur nous y attire, mais il faut tascher de nous advancer à la perfection par la voye la plus simple et n'estre pas si fine.

  A006000839 

 Dieu vous a fait une grande grace de vous avoir appellée en son service dés vostre jeune âge; remerciez l'en bien de toutes les forces de vostre ame..

  A006000839 

 La fidelité de l'ame envers Dieu consiste à estre parfaitement resignée à sa sainte volonté, à endurer patiemment tout ce que sa [416] Bonté permet nous arriver, faire tous nos exercices en l'amour et pour l'amour, et sur tout l'oraison, en laquelle il se faut entretenir avec Nostre Seigneur fort familierement de nos petites necessités, les luy representer et luy demeurer sousmise en tout ce qui luy plaira faire de nous; estre bien obeissante, faire tout ce que l'on nous commande, de bon cœur, encor que nous y sentions de la repugnance; estre fidelle à partir si tost que la cloche nous appelle, et rejetter les distractions qui nous arrivent en l'oraison et à l'Office; conserver une grande pureté de cœur, car c'est là où Dieu habite, et non pas dans les cœurs pleins de vanité et de presomption d'eux-mesmes, au contraire il les chastie et punit rigoureusement.

  A006000840 

 O Dieu, ne faites pas ceste faute de regarder les imperfections des Sœurs, car cela retarderoit beaucoup vostre perfection et ferait beaucoup de dommage à vostre ame..

  A006000840 

 Quand nous regardons à escient les imperfections des autres, ô Dieu, ma chere fille, cela est bien mal, il ne le faut pas faire; mais quand quelquefois nous les voyons, il s'en faut destourner, et penser tout doucement au Paradis et aux perfections de Dieu et de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saints et Saintes et des Anges, et quelquefois nous regarder nous-mesme, nostre indignité et nostre bassesse; et quand ces pensées nous viennent, nous nous devons humilier et aneantir jusques au centre de la terre, voyant que nous ne sommes que des petits vermisseaux, et nous voulons esplucher les actions des autres qui sont les espouses de Nostre Seigneur! Nous devons bien faire voir à nostre cœur sa foiblesse, nous faisant à nous-mesme une petite reprimande à fin d'estre sur nos gardes à l'advenir.

  A006000842 

 Peu de personnes [417] entendent ceste verité, principalement les femmes, auxquelles le discours est grandement nuisible à cause de leur ignorance.

  A006000842 

 Quand ces pensées vous arrivent, il faut faire un simple abaissement de vostre esprit devant Dieu, de tous vos pechés, sans les particulariser, car ce seul acte suffit; pour l'ordinaire ces pensées ne nous servent que de distraction..

  A006000843 

 Vous serez en toutes vos actions en la presence de Dieu si vous les faites toutes pour Dieu.

  A006000845 

 Ne vous estonnez point des tentations; tenez-vous comme un vray neant; vuidez vostre cœur de toutes les affections mondaines et y gravez Nostre Seigneur crucifié; rendez-luy grace de vostre vocation et resolvez-vous d'obeir, car possible ne commanderez-vous jamais; et ne faites pas comme plusieurs qui disent: Je ne voudrois pas estre Superieure, mais tenez-vous tousjours en la sainte indifference: ni rien desirer, ni rien refuser..

  A006000847 

 L'on peut tousjours porter son visage gay parmi les Sœurs; le mal qu'on sent ne l'empesche pas, si ce n'est quelquefois que l'on a les yeux abattus..

  A006000847 

 Les maladies du corps n'empeschent pas à la devotion, au contraire elles nous aydent, si nous les prenons de [418] la main de Dieu.

  A006000850 

 Quand on fait ses vœux selon les Regles, on les fait en sorte qu'elles n'obligent point à peché; c'est pour quoy la Regle ni les Constitutions ne sont point la cause de nos pechés..

  A006000853 

 Les sentimens ne sont point necessaires pour la perfection que nous desirons; car Nostre Seigneur estant au Jardin, delaissé de toute consolation, ne laissa pas pour cela d'accomplir la volonté de son Pere..

  A006000855 

 Cela est bon pour des filles foibles; [419] les filles de Dieu ne doivent point s'amuser à ces tendretés.

  A006000855 

 Il faut prendre les commodités necessaires à vostre corps, comme le chauffer, manger et vestir, avec actions de graces et humilité, et non pas avec ennuy d'esprit, et ne desirer point d'estre plainte en vos incommodités.

  A006000855 

 Les Constitutions vous enseignent ce que vous devez faire: demandez tout simplement, sans scrupule, ce qui vous est necessaire..

  A006000856 

 Conservez bien le desir que vous avez d'observer vos Regles, car elles sont toutes d'amour; ressouvenez-vous que vous ne manquerez pas de difficultés, mais ne perdez pas courage, esperez en Dieu, et vous jettez entre les bras de sa divine Providence.

  A006000856 

 Il n'y a chemin plus asseuré que celuy de la souffrance, pourveu qu'on souffre avec amour, douceur et patience, et par là on pourra imiter Nostre Seigneur et tous les Saints.

  A006000857 

 Vous vous pouvez bien destourner du sentiment de la delectation qui vous vient en prenant les choses qui vous sont necessaires; comme qui passeroit par une rue et rencontreroit beaucoup de boüe, il ne feroit rien autre que prendre un autre chemin: et ainsi devons-nous faire, sans y penser davantage..

  A006000858 

 Escoutez-les doucement sans les interrompre, car ce n'est pas mon intention, sinon à des personnes qui apportent beaucoup de nouvelles du monde, desquelles vous ne vous devez pas enquerir.

  A006000858 

 Mettez vostre confiance en Dieu, car les parens oublient bien tost leurs enfans..

  A006000859 

 L'humilité est une vertu si excellente qu'il faut estre bien saint pour l'avoir parfaitement; c'est elle qui amene toutes les autres.

  A006000859 

 Or, faire ses actions avec esprit d'humilité, c'est les faire avec intention de les faire avec humilité.

  A006000860 

 Nous devons estre bien ayses d'avoir quelques choses qui peuvent servir aux autres, comme de prester les besognes de la sacristie.

  A006000860 

 O mon Dieu, baillez-les de bon cœur; si Dieu permet qu'elles se gastent, il vous donnera de quoy pour en acheter d'autres.

  A006000865 

 Il faut s'abandonner entre les bras de Dieu, et le servir à la façon qui luy plaira.

  A006000866 

 Il importe grandement de nourrir les filles aux verités et clartés de la foy; encore qu'elles ayent de la peine, il ne faut pas laisser de les eslever à cela, et ne leur pas permettre de s'amuser à ces tendretés et sentimens qui ne sont rien moins que la vraye vertu.

  A006000867 

 Ma fille, sainte Blandine quand les payens la martyrisoient, elle disoit: « Je suis Chrestienne; » de mesme, quand nous avons quelques douleurs et ennuis, il faut dire: Je suis Chrestienne..

  A006000868 

 Soyez bien ayse de celles qui se presentent à vous, recevez-les de bon cœur, avec amour; recevez, aymez et embrassez l'aneantissement et abjection; que vos affections soyent en Jesus Christ crucifié.

  A006000868 

 Voyez Nostre Seigneur qui s'est tant humilié, jusques à la mort, et tous les Saints qui ont recherché avec tant d'affection les occasions de pratiquer ceste vertu.

  A006000871 

 Et quand les tentations d'envie viennent de ce que nos Soeurs font mieux, ou sont plus aymées que nous, il faut tordre son cœur comme une serviette pour le faire venir à la raison..

  A006000872 

 Or, pour le froid, sçavez-vous quand il le faut souffrir? c'est quand la Superieure vous envoye au jardin cueillir des herbes et que vous fussiez en danger que les mains vous gelassent sur la plante; il ne faudrait pas laisser de le faire, parce que c'est l'obeissance..

  A006000873 

 Il faut avoir un grand support de nos Sœurs et les ayder et soulager [en] tout ce que nous pouvons, et ne pas croire qu'elles ayent peu de mal, car ce n'est pas à nous à faire ce discernement..

  A006000875 

 Vous m'avez dit encore, comme s'entend ce que disent les Constitutions: de ne se servir de nostre cœur, ni de nos yeux, ni de nos paroles, que pour le service de l'Espoux celeste, et non pour le service des humeurs et inclinations humaines? O ma fille, que vous me parlez d'une perfection que bien peu de gens pratiquent, bien qu'ils le doivent tous faire.

  A006000876 

 Il est vray que j'ayme grandement tout le monde, notamment les ames simples.

  A006000877 

 Luy parlant de la condescendance, comme il faisoit pour se rendre si facile à tout le monde, il nous dit: « Je n'ay pas grand peine à cela, il ne me fasche jamais de le faire, ouy bien quand je ne le fais pas; naturellement je n'ay pas mes volontés fortes, et puis ne faut-il pas estre ainsi condescendant au prochain? Je ne sçay point contraindre les inclinations; quand je voy qu'on desire quelque chose, je laisse faire.

  A006000878 

 Il nous dit: « Il faut accoustumer les seculiers à venir hors le temps des Offices, tant qu'il se peut.

  A006000881 

 Apres avoir confessé une de nos Sœurs, laquelle il avoit entretenue environ une heure et demie, nous luy dismes qu'il estoit admirable en sa douceur d'avoir pris la peine et patience de l'escouter si long temps, et lors il nous dit: « Tout beau, tout beau! il faut traitter les malades comme malades.

  A006000881 

 Quand elles rendent compte il est bon de leur retrancher les discours tant qu'il se peut.

  A006000882 

 Il nous dit que ce qu'il avoit mis dans les Constitutions cela n'estoit pour autre cause que pour celles qui n'ont pas la confiance de le dire à elle-mesme, mais que les plus confidentes sont les meilleures..

  A006000883 

 « Ouy, ma fille, vous pouvez recevoir les filles qui ne sont pas lrgitimrs, et encore celles desquelles les parens ont esté executés pour quelque grand mal, car les filles n'en peuvent mais.

  A006000884 

 « Non, il ne faut jamais permettre à nos Sœurs de quitter les Offices pour les ouvrages, non pas mesme pour la sacristie; l'on peut bien quelquefois leur faire quitter la lecture, mais rarement.

  A006000885 

 Il faut moderer l'avidité, et corriger les paroles aspres; pour moy je ne suis pas grand censureur.

  A006000886 

 J'ay aussi presque une mesme aversion au desir que les Superieures ont de descharger leur maison par le moyen des fondations; car tout cela depend du sens humain et de la peine que chacune a à porter son fardeau..

  A006000886 

 Je vois que toutes les Superieures desirent de voir les filles maussades et fantasques esloignées de leurs monasteres: car c'est la condition de l'esprit humain de ne se delecter qu'aux choses plaisantes.

  A006000886 

 Mais je suis tout à fait d'advis qu'on n'ouvre point la porte au changement de monastere aux filles qui le desireront, ains seulement pour celles qui sans le desirer seront pour quelqu'autre raison legitime envoyées par les Superieurs; car autrement [424] le moindre desplaisir qui arriveroit à une fille seroit capable de l'inquieter et luy faire prendre le change, et au lieu de se changer, elle penserait d'avoir suffisamment remedié à son mal que d'avoir changé de monastere.

  A006000887 

 Ce sera eternellement mon sentiment qu'on ne laisse jamais de recevoir les filles infirmes en la Congregation, sinon que ce fussent des infirmités marquées aux Regles et Constitutions.

  A006000887 

 Recevez charitablement les boiteuses, les bossues, les borgnes et mesme les aveugles, pourveu qu'elles soyent droittes d'intention, car elles ne laisseront pas d'estre belles et parfaites au Ciel.

  A006000887 

 Recevez les infirmes; croyez-moy, la prudence humaine est ennemie de la bonté du Crucifix.

  A006000895 

 Il est vray que les filles ont tousjours beaucoup de repliques.

  A006000896 

 C'est une bonne chose de regarder et se representer les exemples des Saints à fin de les imiter, et sur tout du Roy des Saints, nostre Seigneur et Redempteur.

  A006000896 

 Il est escrit que saint Antoine passa toute l'année de son novitiat à considerer les vertus de ses Freres et, comme une soigneuse abeille, cueilloit sur chaque fleur d'icelles le miel qui luy estoit necessaire.

  A006000896 

 Il respondit que non, que cela n'estoit pas contraire à la simplicité et qu'il estoit bon de le faire; mais que qui voudroit regarder leurs vertus pour esplucher celles qui sont plus vertueuses que les autres, ou à fin de censurer et murmurer de leurs vertus pour y trouver à redire, ce serait là où il y aurait du mal.

  A006000896 

 L'amour de Dieu est inseparable d'avec l'amour du prochain, et il est tous-jours mieux de regarder les vertus de Nostre Seigneur.

  A006000896 

 Les vertus de Dieu, entant que Dieu, sont si excellentes, que pour satisfaire à nostre foiblesse il s'est voulu faire homme pour nous monstrer l'exemple de ce que nous devons faire, à fin que nous le puissions imiter.

  A006000896 

 On luy demanda s'il n'estoit pas mieux et plus simple de regarder les vertus de Dieu que non pas celles des Superieures et des Soeurs.

  A006000896 

 « De les regarder à fin de les imiter et en tirer de l'edification, or cela est autre chose; si vous regardez leurs vertus avec une grande charité, pour les imiter, vous ferez bien.

  A006000897 

 Monseigneur, luy dit-on, il y a des filles qui s'amusent tant à regarder les vertus des Superieures, qu'elles sont tousjours apres à les louer et applaudir.

  A006000897 

 Quand les inferieures cognoissent que la Superieure est un peu vaine et qu'elle se plaist à estre louée et aymée, elles la louent plustost à fin que la Superieure les ayme que non pas pour autre fin; mais si elles voyoient que la Superieure rechignast et fist mauvaise mine quand elles la louent, elles ne seroyent pas si promptes à le faire.

  A006000897 

 » Que faut-il donc faire, Monseigneur, quand on nous loüe? « Il s'en faut aller à Dieu et les laisser là; mais pour les inferieures, quand la Superieure loüe quelques bonnes actions qu'elles ont faites, il ne faut pas qu'elles s'en aillent; il est quelquefois necessaire de le faire, mais pour les Superieures elles ne doivent pas permettre cela en façon quelconque.

  A006000898 

 Ce n'est pas en Religion que l'on doit chercher et desirer les charges honnorables; les mondains et ceux qui sont à la Cour ne font autre chose que de courir apres les dignités et preeminences, aussi la Cour n'est faite que pour cela; mais quand cela arrive en Religion, c'est signe que l'on n'est pas bien desnué ni mortifié..

  A006000898 

 De les desirer, cela est bien mal, comme aussi de s'en mettre en peine; c'est une foiblesse que d'amuser son esprit en cela, sur tout quand elles sont honnorables.

  A006000898 

 Nous sommes si ayses d'avoir quelque charge pour surexceller par dessus les autres, comme d'estre Superieure ou Assistante, à fin de faire voir là son bel esprit, car ma Sœur ordonne et dispose si bien! nous sommes si ayses de faire voir que nous sçavons fort bien ordonner.

  A006000898 

 Ouy, ma Sœur, nostre amour propre ayme tant que l'on voye la beauté de nostre esprit: ma Sœur est si douce quand elle est eslevée par dessus les autres et que personne ne luy dit rien; tout le monde remarque sa vertu.

  A006000899 

 Elles ressemblent à ceux qui ont peur des larrons: ils sortent dehors et laissent la porte ouverte, et ce pendant les larrons entrent et font ce qu'ils veulent.

  A006000899 

 Il ne faut non plus craindre qu'il nous en vienne, pourveu que nous tenions tous-jours nostre volonté superieure ferme en Dieu; et au lieu de nous amuser à de vaines craintes, il nous faut tenir nostre cœur en Dieu et nous unir à luy: car en fin il ne faut rien desirer ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun desir sinon en ce que Dieu veut faire de nous.

  A006000899 

 Il ne se faut pas mettre en peine quand nous sentirons des desirs en nous; tant que nous vivrons, nostre nature nous les produira.

  A006000900 

 De desirer les basses, cela est encor passable; neantmoins, ce desir est suspect, car saint Paul escrivant à un sien disciple, luy defend entre autres choses de ne point occuper son cœur à aucun vain desir, tant il avoit de cognoissance de ce defaut, et que cela retarde nostre avancement.

  A006000900 

 Il ne faut doncques pas desirer les charges honnorables, cela empesche grandement l'union de nostre ame avec Dieu qui se plaist en la bassesse et humilité.

  A006000900 

 Il vaut mieux estre en sa cellule par obeissance, faisant un petit ouvrage, ou lisant, ou faisant que sçay-je moy quoy; et si on le fait avec plus d'amour que ne fait celle qui est à la cuisine, qui a beaucoup de peine et se brusle les yeux, si elle le fait avec moins d'amour, l'autre a plus de merite: car ce n'est pas par la multiplicité de nos œuvres que nous plaisons à Dieu, mais par l'amour avec lequel nous les faisons..

  A006000900 

 Ouy, ma fille, car David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur que d'estre grand parmi les pecheurs, et disoit: Il est bon, Seigneur, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications.

  A006000900 

 Que sçavez-vous si apres avoir desiré ces charges basses et humbles vous aurez la force d'agreer les abjections et humiliations qui s'y rencontreront? Il vous pourroit venir beaucoup de degoust et d'amertume de l'humiliation.

  A006000901 

 C'est une façon de parler des chasseurs, que quand les chiens ont le sentiment diverti et rempli de divers gousts, ils perdent facilement la mutte.

  A006000901 

 Et ne faut point faire ces jugemens, où il y a plus de merite; pour nous autres il n'y faut point regarder, et je n'ayme point cela de vouloir tousjours regarder au merite, car les Filles de Sainte Marie ne doivent faire leurs actions que pour la plus grande gloire de Dieu.

  A006000902 

 « Ce n'est pas par la grandeur de nos actions que nous plaisons à Dieu, comme j'ay desja dit, mais par l'amour avec lequel nous les faisons; car une Sœur qui sera en sa cellule, ne faisant qu'un petit ouvrage, meritera plus qu'une autre qui aura bien de la peine, si elle le fait avec moins d'amour.

  A006000904 

 Si l'on me donnoit des charges honnorables ou abjectes, je les prendrais et les recevrais avec humilité sans en dire un seul mot, ni n'en parlerais en façon quelconque, sinon que l'on m'en interrogeast; car alors je dirais simplement la verité comme je me sentirais, sans autre chose..

  A006000905 

 Mais vous demandez s'il ne faut pas dire les mouvemens de son cœur en rendant compte à la Superieure.

  A006000905 

 Ouy, il les faut dire tout simplement; mais pour toutes ces petites choses qui passent par l'esprit sans s'y arrester, je trouverois meilleur que l'on passast tout cela entre Dieu et soy, parce qu'il n'est pas digne d'attention.

  A006000905 

 Si chacun vouloit choisir en Religion les charges à sa phantasie, que seroit-ce sinon faire chacun sa volonté? Que nous doit-il importer d'avoir de la peine aux charges, puisqu'elles nous sont imposées par nos Superieurs qui nous representent Dieu? David disoit: J'ay esté fait comme une beste de charge pour porter les commandemens du Seigneur; en quoy il nous fait bien voir la sousmission que nous devons tousjours avoir en tout ce qui nous est ordonné de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000906 

 O non, ma chere fille, nostre nature nous les produira tousjours; les desirs, pensées et mouvemens involontaires ne nous peuvent point nuire en la perfection.

  A006000906 

 Vous demandez si les desirs quoy qu'involontaires ne nous retardent pas beaucoup de la perfection.

  A006000909 

 Quand nous demandons l'amour de Dieu et la charité nous y comprenons l'humilité et toutes les vertus, car elles ne sont point separées les unes des autres.

  A006000909 

 « O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien desirer ni demander, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander.

  A006000910 

 « O non, ma chere fille, si elle estoit conduite par ce chemin il n'y auroit rien à craindre, car ne desirant que l'amour de Dieu elle pratiquerait toutes les vertus et tout ce qui est necessaire pour [431] plaire à Dieu; car l'amour de Dieu surpasse toutes les vertus.

  A006000911 

 Pour les larmes, il y a des naturels qui ne s'en peuvent pas empescher, et nous sommes quelquesfois si ayses de pleurer, sur tout quand on nous change de Superieure, pour monstrer que ma Sœur une telle n'est pas desnaturée et qu'elle le ressent bien.

  A006000912 

 Les Religieux ont en cela un grand advantage par dessus les mondains, estans hors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000912 

 Les pechés veniels ne nous en desunissent pas, ains ils font une petite ouverture entre Dieu et l'ame; et par la vertu de ce Sacrement, nous reunissons nostre ame à Dieu et la remettons en son premier estat..

  A006000913 

 C'est [432] icy où il est dangereux de faillir, et où les pechés se commettent pour l'ordinaire en confession.

  A006000913 

 En ces descharges qui tirent à la longue devant le confesseur, il est dangereux que nous ne meslions les defauts des autres avec les nostres, ce qu'il ne faut point faire.

  A006000913 

 Je voudrois que l'on die simplement et franchement les choses comme elles sont.

  A006000913 

 La seconde et troisiesme condition c'est d'y aller purement et charitablement; et au lieu de faire cela, l'on y porte bien souvent des ames toutes embrouillées et embarrassées, qui fait qu'elles ne sçavent pas bonnement ce qu'elles veulent dire: ce qui est de grande importance, car elles mettent en peine les confesseurs, parce qu'ils ne les peuvent pas entendre, ni comprendre ce qu'elles veulent dire, et au lieu de se confesser de leurs pechés elles pechent pour l'ordinaire en se confessant.

  A006000914 

 Je n'ay jamais approuvé qu'on y fust avec un esprit embrouillé; il faut dire les choses comme elles sont.

  A006000914 

 L'on demande si les Sœurs doivent discerner les petites obeissances d'avec les grandes, et si on doit s'accuser en ces termes: Mon Pere, je m'accuse dequoy j'ay fait une desobeissance en chose d'importance, ou en chose legere, ou s'il faut dire la chose tout simplement comme elle est; et si l'on doit discerner les obeissances de la Regle et des Constitutions, parce qu'il y en a qui nous sont conseillées seulement, et d'autres qui nous sont commandées absolument.

  A006000914 

 Pour ce qui regarde les petits manquemens, c'est autre chose, car disant au confesseur: Je m'accuse dequoy j'ay manqué à deux obeissances legeres et de peu d'importance, cela le tient en repos, sçachant que ce n'est pas grande chose..

  A006000914 

 Vous mettez les confesseurs en peine, ils ne vous entendent pas, et pensent que les petites fautes soyent quelques grandes choses.

  A006000914 

 « Ma fille, vostre demande est de tres-grande importance; les confessions doivent estre tellement nettes et entieres que rien plus.

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000915 

 Et pour les choses qui nous sont conseillées és Regles et Constitutions il n'est point besoin de s'en confesser, car il n'y a point de peché; mais pourtant, la circonstance pourroit estre telle en chose de conseil qu'elle seroit peché, comme le mespris et autre chose.

  A006000915 

 Il faut bien considerer les circonstances de tant de petits manquemens, car la Regle et les Constitutions n'obligent nullement à peché d'elles-mesmes: ce n'est donc pas la Regle ni les Constitutions qui font le peché, mais les circonstances et les mouvemens qui en toute autre occurrence le causeroyent.

  A006000917 

 L'on demande si en l'examen il ne faut pas distinguer les pechés veniels d'avec les imperfections.

  A006000917 

 Mais de deux cens il n'y en a pas deux qui le sçachent faire, les plus saints mesme y sont bien empeschés; ce qui est cause qu'on apporte de grands embarras et un amas d'imperfections en la confession, sans distinguer nullement le peché d'avec l'imperfection; et cela met bien souvent les confesseurs en peine, car il faut qu'ils distinguent pour voir s'il y a peché, et par consequent matiere d'absolution.

  A006000919 

 Mais je n'approuve point que l'on se confesse outre les jours que la Communauté le fait, parce que cela ne peut donner que des soupçons aux autres que l'on a fait quelque grande chose.

  A006000920 

 Nous devons ayder à nostre prochain en tout ce qui nous est possible, et mesme [435] les advertissemens sont ordonnés pour cela ceans.

  A006000923 

 Ainsi il y a bien peu de Superieures qui se tiennent si juste dans ce milieu; les unes sont trop rigides et les autres trop flexibles.

  A006000923 

 Je vous diray qu'entre tous les Saints qui sont au Ciel il y en a bien peu qui ayent [toujours] donné droit au blanc des vertus; les uns ont excedé du costé de l'austerité, et il y en a bien peu qui se soyent tenus [invariablement] dans les bornes de la sainte mediocrité.

  A006000923 

 Les autres sont trop tendres et trop libres et prennent fort volontiers leurs soulagemens; à celles-cy il ne les faut point presser, il suffit bien que l'on leur donne ce qu'elles demandent.

  A006000923 

 Mais je vous diray bien que les Superieures se sentent obligées à une sainte austerité en l'observance de la Regle; cela les rend plus retenues.

  A006000923 

 « A cela je responds, ma chere fille, qu'il y a deux sortes de Superieures: les unes qui sont grandement rigides et austeres pour elles-mesmes, et à celles-cy il ne faut pas attendre qu'elles le demandent, mais les prevenir quelquefois avec discretion.

  A006000935 

 Or, en toutes aversions, il faut observer de ne diminuer point les actes de charité envers la personne à laquelle nous avons aversion; il la faut servir, luy parler, la caresser, non seulement comme si nous ne luy en avions point, mais davantage, et en cela nous tesmoignerons nostre fidelité à Dieu et obeirons à sa volonté signifiée, qui est que, contre toute nostre repugnance, nous nous surmontions, ainsi que j'ay dit, à la caresser.

  A006000936 

 Celles-cy sont les moins mauvaises, quoy que tousjours il y ayt de l'imperfection, car si quelqu'un fait quelque chose qui n'est pas bien, il faut le regarder avec compassion et non pas en concevoir de l'aversion.

  A006000937 

 Or, ce n'est pas à dire que quand l'aversion est un peu forte nous puissions tousjours parler avec la mesme allegresse que si nous avions une amitié suave; car si bien il est en nostre pouvoir de parler et faire toutes autres actions, il ne nous est pas pourtant possible de les faire avec un visage aussi gracieux que si nous n'avions point ceste difficulté.

  A006000939 

 Il la faut laisser gronder, et ne pas suivre ses volontés, faisant tousjours regner la raison, qui veut que nous nous surmontions en toutes les occasions pour plaire à Dieu et observer le point de nos Regles qui dit qu'il se faut aymer cordialement..

  A006000948 

 Il faut regarder avec beaucoup d'honneur et d'estime toutes les choses de nostre Institut et toutes les actions de mortification, de pieté et devotion qui y sont conformes et que les Superieurs permettent.

  A006000948 

 La nonchalance fait que nous n'avons pas le courage de faire les mortifications, ni de desirer que l'on nous y [440] exerce, c'est pourquoy nous avons aversion à les voir faire aux autres; et le descouragement nous fait ennuyer et dire: Mon Dieu, la grande peine! ce n'est jamais fait, je ne vis jamais tant de choses, c'est tousjours à recommencer.

  A006000948 

 Mais ce defaut est en toutes les personnes spirituelles que j'ay jamais cogneuës, par la nonchalance et descouragement.

  A006000948 

 Or, de les mespriser ou censurer ce seroit une presomption trop insupportable; il se faut bien garder de le faire, car ce seroit un trop grand mal: aussi n'arrive-t'il pas de ceste sorte.

  A006000949 

 Et pour ce qui est de quel esprit l'on doit recevoir les mortifications, si l'on nous y preparoit en nous advertissant deux heures devant, il seroit aysé de n'en estre point esmeus; mais quand elles arrivent par surprise il est bien difficile.

  A006000949 

 Les mortifications nous arrivent par l'ordre de la providence de Dieu et nous sont tousjours faites avec charité, et faut le croire ainsi, car il ne nous appartient pas de juger si elles partent de la passion.

  A006000949 

 Les mortifications que nous choisissons, encores qu'elles soyent repugnantes à nostre nature, depuis que nous en avons fait l'election, il n'y a plus de difficulté parce que nostre nature en tire de la vanité; mais celle qui est faite par nos Superieurs, il la faut recevoir comme de la main de Dieu, avec honneur et humilité.

  A006000950 

 Et cela est mal, car nous devons toutes estre en ce continuel exercice de charité, de contribuer tout ce qui nous est possible pour le bien les unes des autres; car tout doit estre en commun, voire Nostre Seigneur mesme: il ne veut pas que nous l'ayons en particulier, il veut tellement estre en particulier qu'il soit à tous en commun, et tellement en commun qu'il soit à tous en particulier..

  A006000950 

 Les grandes se rencontrent rarement, et ces petites sont sans nombre et doivent estre faites avec soin et affection: comme de parler bas, marcher doux, estre proprement et nettement habillée.

  A006000950 

 Nous devons grandement aymer de faire et voir faire aux Soeurs tout ce qui leur peut profiter et les avancer à la perfection, et en faire beaucoup d'estime; car ces petites pratiques, encor qu'elles semblent de peu de valeur, sont plus utiles que les grandes.

  A006000951 

 Quand l'on est tenté de quelque tentation où il y a danger de [441] pecher, et qu'elle dure, pour s'empescher d'offencer Dieu il faut souventefois faire quelque acte qui tesmoigne que l'on n'y consent pas: comme seroit de baiser terre, lever les mains jointes contre le ciel avec ceste intention, et dire quelques paroles à Nostre Seigneur, et choses semblables.

  A006000959 

 Outre le bien que vous ferez en vous assubjettissant à l'entendre comme les autres, puisque tout doit aller d'un mesme air à la Visitation, vous observerez de plus le conseil du grand saint Bernard, lequel dit qu'il faut, aux prieres communes, joindre nostre attention à l'intention pour laquelle elles sont faites.

  A006000960 

 Et estant demandé à nostre bien-heureux Pere s'il estoit mieux pour nous autres qui entendons ce que nous disons aux Offices, d'appliquer simplement nostre attention à Dieu, ou bien de suivre le sens des paroles que nous prononçons, il respondit qu'il aymoit mieux qu'on s'appliquast à suivre le sens de ce que l'on dit, d'autant que c'est se conformer à l'intention de celuy lequel, par inspiration de la divine Majesté, les a composées.

  A006000969 

 En l'ancienne Loy, Dieu ne vouloit point que l'holocauste luy fust offerte, si premier elle n'estoit escorchée: de mesme, nos cœurs ne seront jamais si propres pour estre immolés et sacrifiés à l'honneur de la divine Majesté, que quand ils seront bien escorchés de leur vieille peau, qui sont nos habitudes, nos inclinations, nos repugnances, les affections superflues que nous avons sur nous-mesme et pour nostre propre volonté..

  A006000969 

 Les Sœurs ne doivent jamais laisser de rendre tout simplement leur devoir, s'adressant à la Superieure comme à leur Mere, avec une confiance toute filiale.

  A006000969 

 Mais dites-vous, ma chere fille, si les Sœurs ont une Superieure qui ne les reçoive point avec l'esprit de suavité quand elles viennent à elle, soit quand elles ont besoin de luy parler ou qu'elles demandent quelque congé, et par ce moyen leur oste la confiance de recourir à elle en leurs necessités, s'il leur seroit point permis de s'adresser à celle qui tient sa place et son authorité quand elle n'y est pas, sous le pretexte de ne pas tant importuner la Superieure, et de plus, à fin d'avoir le congé que peut estre elle ne leur donneroit pas? O non certes, ma chere Sœur, l'on ne doit pas faire cela, sinon que la Superieure fust tellement empeschée que l'on l'incommodast bien de luy parler.

  A006000970 

 Ce seroit une chose grandement agreable si l'on pouvoit faire que la Superieure eust tousjours le miel sur les levres pour distiller sa suavité et sa douceur dans le cœur de celles qui luy voudroyent parler, et que ce fust tousjours.

  A006000971 

 Mais si les Sœurs ne doivent pas perdre la confiance de s'adresser à la Superieure, encor qu'elles y ayent de la repugnance, de mesme la Superieure ne doit pas s'abstenir de leur commander ou ordonner quelque chose, encor que les Sœurs luy tesmoignent de la repugnance; sinon qu'appercevant une grande et puissante aversion en la Sœur, elle trouvast bon de differer un peu de temps à l'exercer en la mortification, car il ne faut pas estre tousjours si rigoureux.

  A006000971 

 Mon Dieu, que les Sœurs qui auroyent une Superieure qui ne les aymeroit pas seroyent heureuses! bien que cela ne se puisse, car la Superieure ayme tousjours les Sœurs de cest amour effectif dont nous avons parlé, leur procurant tout le bien qu'elle peut par l'exercice de sa charge, selon qu'elle y est obligée; mais de cest amour effectif, tendre et mignard que nous desirons si cherement, c'est de celuy-là que je veux dire; car moins la Superieure nous aymera de ceste sorte, et moins d'amusement nous aurons autour [444] de cest amour, si que nous aurons plus de temps pour nous occuper de Nostre Seigneur et pour nous tenir retirées aupres de Dieu qui doit estre nostre soin particulier..

  A006000972 

 Car, comme l'amour de la propre opinion, quand elle s'attache és choses de la foy, nous fait tomber en heresie et nous rend malheureux (comme il advint aux Anges qui, s'estans trop attachés à l'opinion qu'ils avoyent formée qu'ils devoyent estre quelque chose davantage qu'ils n'estoyent, furent par leur opiniastreté à soustenir et aymer leur opinion rendus, d'Anges glorieux, diables, eternellement damnés et eternellement attachés au mal, si que jamais plus ils ne s'en peuvent desprendre; où au contraire les Anges pour s'estre sousmis, se sont tellement attachés à Dieu que jamais ils n'en peuvent estre destachés, car ayans par la subtilité de leur esprit une fois penetré le fond de quelque verité ils n'en demordent jamais), de mesme, si nous n'apprenons à negliger et nous mocquer de la varieté de l'esprit humain, nous perdrons le temps à nous tourmenter en nous voyant si esloignés de ceste egalité apres laquelle nous aspirons, et de laquelle pourtant nous ne jouirons point absolument tandis que nous serons en ceste vie, ceste grace estant reservée aux esprits bienheureux là haut au Ciel.

  A006000973 

 Les personnes qui font estai de servir Dieu le plus fidelement qu'elles peuvent, ne sont pas exemptes de l'ambition, non, mais elles l'exercent aux desirs des choses interieures, souhaitans les vertus au plus haut degré de leur perfection; [445] mais l'amour tendre et affectif ayant plus de pouvoir sur elles que non pas sur les mondains, les fait amuser à ce desir sans s'appliquer soigneusement et laborieusement à la recherche de venir à chef de leur pretention et sainte entreprise, parce qu'il leur cousteroit cher de renoncer à soy-mesme en tant d'occasions.

  A006000973 

 Or sus, n'avons-nous pas assez dit touchant ceste tendreté que nous avons sur nous-mesme, tant de l'interieur qui regarde l'esprit, comme des choses qui regardent le corps? Les plus spirituels s'ayment bien aussi de l'amour effectif; car nous avons dit que les mondains s'ayment grandement de cest amour, se souhaitans par une affection pleine d'ambition tant de biens et tant d'honneurs qu'ils n'en sont jamais contens.

  A006000974 

 C'est sans doute qu'il ne se faut pas plaindre de tels petits rencontres, car si nous nous en plaignons c'est une marque que nous ne les aymons pas, et partant nous ne rendons pas nostre devoir à la sainte pauvreté.

  A006000974 

 Il y a certes des personnes qui sont tousjours en necessité, parce qu'ils ont besoin de tant de choses pour les contenter que c'est grande pitié; et c'est ceux-cy qui sont pauvres, pourveu qu'ils ne se procurent pas tant de choses, parce qu'ils ont de la disette de ce qu'ils n'ont pas et qu'il semble qu'ils devroyent avoir..

  A006000974 

 Nostre glorieux Pere saint Augustin dit dans vos Regles que celuy-là est plus heureux lequel n'a pas besoin de beaucoup, que celuy qui a besoin de beaucoup de choses de quoy les autres se passent bien.

  A006000974 

 Vous demandez maintenant, ma chere fille, si pour pratiquer la sainte pauvreté il ne faut pas se tenir attentif à recevoir de bon cœur les petites disettes qui nous arrivent, tantost en cecy, tantost en cela.

  A006000975 

 Ce que j'ay dit à Philothée est bon pour estre pratiqué par les Religieux, excepté certains chapitres, comme sont ceux qui regardent le mariage, les danses, les jeux, et semblables; mais tout le reste est tres-bon.

  A006000975 

 Je l'incite donc de prendre amoureusement les occasions qu'elle rencontrera de pratiquer la pauvreté reelle.

  A006000975 

 Mais si l'on me donnoit des [446] chausses qui fussent si estroittes qu'il me fallust demeurer un demi quart d'heure à les chausser, j'en demanderois d'autres, plustost que de perdre le temps là tous les matins; mais pour porter quelque chose mal accommodée ou qui me blesseroit, un peu, je n'en voudrais rien dire.

  A006000975 

 Si nous nous procurons d'estre tousjours bien pourveus de tout ce qui nous semble aucunement necessaire, nous ne ressentirons point les effects de la sainte pauvreté.

  A006000976 

 J'en ferais de mesme si j'estois en Religion: je ne demanderais du tout rien, sinon que je fusse malade, car il faut que les malades demandent confidemment leurs petites necessités.

  A006000977 

 En fin j'aymerois mieux porter une petite croix de paille que l'on me mettrait sur les espaules sans mon choix, que non pas d'en aller couper une bien grande dans un bois avec beaucoup de travail, et la porter par apres avec une grande peine; et je croirois, comme il seroit veritable, estre plus agreable à Dieu avec la croix de paille que non pas avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, parce que je la porterais avec plus de satisfaction pour [447] l'amour propre qui se plaist tant à ses inventions et si peu à se laisser conduire et gouverner en simplicité, qui est ce que je vous desire le plus.

  A006000977 

 Faire tout simplement tout ce qui nous est commandé, ou par les Regles, ou par les Constitutions, ou bien par nos Superieurs, et puis nous tenir en repos pour tout le reste, tant pres de Dieu que nous pourrons..

  A006000979 

 Celles qui ne le voudront faire peuvent demander ce qu'elles auront besoin, d'autant que les Regles le permettent, et cela n'est pas contre la pauvreté ainsi que vous dites; mais aussi n'est-il pas selon icelle ni selon la perfection à laquelle vous estes obligées de pretendre.

  A006000979 

 En demandant vos commodités vous ne faites pas mal, pourveu que vous ne vous rendiez trop exactes à la recherche d'icelles et que vous vous teniez tousjours dans les termes de l'observance pour ce regard; mais aussi perdez-vous par ce moyen les occasions de pratiquer les vertus qui sont fort propres à la condition de vie à laquelle Dieu vous a appellées.

  A006000979 

 Non, ma chere Sœur, la charité ne requiert pas que les Sœurs se tiennent en attention pour recognoistre et remarquer si quelque chose ne manque point à quelques unes, tandis qu'elles n'en ont point de charge; mais si elles apperçoivent quelque necessité en une Sœur elles doivent en advertir la Superieure tout simplement, sans l'agrandir ni la diminuer, non plus que si c'estoit pour elles-mesmes..

  A006000980 

 La Superieure a ses honneurs et singularités à part: elle est appellée ma Mere, elle a le pouvoir et l'authorité de commander et d'ordonner, et les Sœurs luy obeissent; hors de cela, il ne faut point de singularités, ainsi qu'il est dit dans les Constitutions, sinon de la necessité, comme les autres Sœurs..

  A006000981 

 De quel costé que ce soit, ne nous lassons point de faire et souffrir beaucoup pour Nostre Seigneur, auquel soit à jamais rendu grace, gloire et louange par tous les siecles des siecles.

  A006000988 

 Le Saint luy dit: Vous avez un monde de passions, d'adversaires et ennemis en vous-mesme: desirs inutiles, impatiences, presomption et autres semblables; puisque vous desirez tellement terrasser et tuer les ennemis [450] de Dieu, prenez chacun jour un de ces desirs desreglés, et ainsi vous tuerez les ennemis de Dieu.

  A006000988 

 Saint Pachome luy repliqua: Mon amy, le temps de souffrir la mort pour Jesus Christ n'est pas commun maintenant, la religion Catholique, par la grace de Dieu, a le dessus sur ses ennemis; d'ailleurs, vous n'estes point venu en ce lieu pour la mort, mais pour la mortification; mortifiez donc vos desirs inutiles qui vous font quitter les exercices presens, sous pretexte de faire merveille à l'advenir.

  A006000988 

 Un certain Religieux de l'Ordre de saint Pachome estoit porté d'un tel desir de souffrir le martyre pour l'amour de Jesus Christ, qu'il se persuadoit avoir les ongles d'acier pour resister à toutes les violences qu'on luy sçauroit jamais faire; mais, mal advisé qu'il estoit, il ne prenoit pas garde s'il pourroit avoir la constance d'endurer, comme il faisoit paroistre, s'il en falloit venir là tout de bon.

  A006000994 

 Quand Nostre Seigneur me fit l'incomparable grace d'entrer dans nostre Institut, il n'y avoit encore que six Religieuses, qui vivoyent comme des Anges en pureté et en amour, et qui estoyent gratifiées de plusieurs graces extraordinaires en l'oraison, en sorte que l'on auroit oublié de prendre les necessités du corps, si nostre saint Fondateur ne nous eust fait comprendre qu'il desiroit que nous fussions aussi promptes à obeir au premier coup de cloche pour aller au refectoire, aux recreations et au coucher, comme au resveil et à l'Office, nous disant: « Mes cheres filles, le mesme Dieu qui vous appelle à l'Office et à l'oraison, vous appelle à la refection et au repos; et comme je desire que vous soyez des filles mortifiées à toutes propres volontés, je souhaitte qu'à tout moment du jour et de la nuit vous viviez en esprit de sacrifice interieur, ce qui vous tiendra place de disciplines, jeusnes, cilices, etc. Et je vous asseure, mes [filles] tres-aymées de nostre commun Maistre, que vous ravirez son cœur estant fidelles à toutes les pratiques de vos Regles, car elles ne sont point ouvrage d'homme mais du Saint Esprit.

  A006000996 

 Il vint faire un Entretien à la Communauté, et entr'autres choses il parla de l'union qui devoit [451] estre parmi nous; puis s'adressant à nostre digne Mere, il dit: « Mes cheres filles sont-elles bien unies et en amitié les unes parmi les autres? il pourroit bien arriver quelquesfois qu'elles pourroyent avoir prononcé quelques paroles moins douces et moins respectueuses.

  A006000996 

 Or sus, mes cheres filles, dans nos difficultés, allons trouver nostre Mere, sans nous amuser à nous vouloir resoudre nous-mesmes, qui ne sommes pas bons juges dans nos propres causes; et nous pratiquerons les deux cheres vertus de nostre divin Maistre, qui nous benira eternellement.

  A006000998 

 Nostre saint Fondateur le sceut; il nous dit dans un Entretien de tenir les yeux baissés au refectoire, pour ne pas gehenner celles qui voudroyent faire de semblables mortifications.

  A006001000 

 Je sçay que les Peres Jesuites, s'ils se rencontrent cent fois le jour, ils tirent tousjours le bonnet; et pour vous, vous vous ferez l'enclin de la teste seulement lors que vous vous rencontrerez; et pour observer plus d'esloignement des manieres du monde, aux seculieres vous ferez des enclins.

  A006001000 

 « Mes cheres filles, il se faut porter un grand respect les unes aux autres.

  A006001001 

 C'est pourquoy, à fin qu'il n'y ayt point de ces preeminences parmi nous qui sommes petites, on tirera les rangs, mettant dans les billets des Saints, i à l'un, à l'autre 2, ainsi de suite, selon le nombre que vous serez.

  A006001001 

 Les Peres Jesuites les tirent tous les moys, mais nous nous nous contenterons que ce soit tous les ans.

  A006001001 

 « Il a passé icy un Pere Feuillant, » reprit le Saint, « qui m'a dit qu'il y avoit des Religieuses en Italie tellement attachées à leurs chapelets, images et estuis ou choses semblables, qu'il s'en est trouvé qui auroyent mieux aymé sortir de leur couvent que de les quitter, C'est pourquoy j'ay pensé qu'il faudrait changer toutes ces [452] choses entre vous, à fin de ne s'attacher qu'à Dieu; et pour cela il faut choisir le dernier jour de l'an, quand on tire les Saints.

  A006001004 

 « L'affabilité, » dit-il, « mes cheres filles, se pratique, comme dit saint Paul, se rendant tout à tous pour les gaigner tous, s'accommodant à la façon et humeur des autres, compatissant aux affligés; car il ne seroit pas à propos d'aller rire pres d'une personne affligée, ni de mesme, paroistre triste devant une autre qui seroit dans la joye..

  A006001005 

 « La sobrieté est de manger selon sa necessité, rien de plus, chacune selon sa portée; les melancoliques pour l'ordinaire mangent plus que les autres.

  A006001021 

 En leur faisant ses adieux, il leur dit qu'elles monteroyent et s'envoleroyent comme des passereaux, et prendroyent leur essor sur les celestes monts en la terre des vivans; ou bien comme des chastes colombes en leur colombier, esloignées de toutes sortes de bruits et du tumulte du monde, et par consequent plus capables de la vraye tranquillité d'esprit, pour respandre leur ramage en la presence de leur celeste Espoux.

  A006001021 

 « Mais sçachez, ma fille, » adjousta-t'il, « que ce ne sera pas sans me faire violence, car je vois le monde d'un certain œil que Dieu me fait la grace de devenir tousjours plus simple et moins mondain parmi les artifices de la Cour.

  A006001027 

 Donc, preferez les autres Ordres au vostre en honneur et en estime, mais preferez le vostre à tous les autres en amour, comme plus proportionné à vostre capacité.

  A006001027 

 Honorez-les, admirez-les, et d'ailleurs contentez vous de ce peu que Dieu vous donne; c'est assez pour vous.

  A006001027 

 Il y a bien difference entre le nid de l'arondelle et celuy du cinnamologue, oyseau d'Arabie, d'autant que l'un n'est plastré que de bouë, que de pailletes, que de festus; là où l'autre est charpenté sur les hautes branches des arbres, de bois de canelle, de cinnamome et autres materiaux aromatiques.

  A006001027 

 Souvenez vous en fin que les Sœurs de saincte Marie sont semblables aux violettes entre les fleurs, qu'elles sont basses, petites et de couleur moins esclattante, et que la divine Majesté les a plantees pour son service et pour rendre un peu de bonne odeur en son Eglise.

  A006001027 

 Vostre Congregation, mes filles bien-aimées, est un nid d'arondelles, elle est bastie de faciles constitutions selon vostre portee; laissez les autres Congregations, establies sur des hauts statuts, ardus et sublimes, pour les cinnamologues, c'est à dire pour les esprits plus parfaits.

  A006001030 

 Adonc les medecins s'assemblerent afin de casser et esprouver ce besouar; mais en toute la grosse masse d'iceluy, ils ne trouverent jamais qu'un seul petit morceau qui fut bon, franc et pur.

  A006001030 

 Chacun se mit en devoir d'en chercher, et de tous les quartiers quasi de la Chrestienté, les Evesques, les Cardinaux et les Princes en envoyerent si grande quantité, que l'on fut contraint d'escrire en divers endroits qu'il y en avoit plus qu'il ne falloit.

  A006001030 

 Faut-il avoir la douceur? O bien, que la colere renverse mon pauvre cœur sans dessus dessous, que la teste me fume de tous costez, que mon sang bouillonne ainsi qu'un pot sur le feu, je ne laisseray pourtant d'estre gracieuse et douce tout ce qui se peut; et toutes les raisons que la nature me presentera pour sa descharge, je les estrangleray, je n'en escouteray pas une.

  A006001030 

 Je me trouvay à Rome lors que le Pape Clement VIII fut attaint de la maladie dont il mourut; elle estoit fort venimeuse, et tellement que les medecins jugerent que le souverain remede pour la chasser [455] consistoit à trouver du besouar, bien fin et bien asseuré.

  A006001030 

 Ne plaignez point vos peines à acquerir les solides vertus, endurez patiemment les contradictions qui s'opposeront à ce dessein.

  A006001030 

 O qu'il se trouvera de vertus comme cela, quand Dieu manifestera les secrets des cœurs! Telle personne croit d'en avoir maintenant bonne provision, qui à cette heure-là ne verra que du vent, je veux dire en trois mots, qu'il faut avoir la perfection, mais celle qui est vraye et solide.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A007000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A007000013 

 Sermons reproduits d'après les Autographes.

  A007000057 

 XXXIII. Notes pour un sermon sur les reliques des Saints.

  A007000126 

 Au reste, c'est aujourd'huy que non seulement les vieux mais aussi les jeunes doivent prescher, puysqu'il a esté prophetizé de ce jour que prophetabunt filii vestri et filiæ vestræ, et juvenes vestri visiones videbunt.

  A007000126 

 Je viens et me presente icy avec l'esprit de sousmission et obeissance selon lequel je desire marcher tout le tems de ma vie, lequel, encores qu'il soit favorable a toutes sortes d'entreprises, si est ce neantmoins que j'ay sujet de craindre que quelqu'un ne dise de moy ce qu'aujourd'huy a grand tort les Juifz ont dict des [1] Apostres a sçavoir, Musto plenus est iste: il faut bien dire que celuy cy soit enyvré de quelque temerité, qui, en tel tems, en tel lieu, et en son novitiat ecclesiastique, ose monter en ceste chaire apres de si grans peres.

  A007000126 

 On me dira que cela s'entend de ceux qui avoyent receu le Saint Esprit; hé bien, pourquoy ne le recevray je pas avec vous? Si feray certes, si comme les Apostres et disciples nous nous mettons unanimement avec devotion a prier Dieu cum Maria Matre Jesu, laquelle [2] affin qu'elle nous assiste de son intercession, mes Freres, a ce mien commencement, jettons nous plus fervemment que jamais a ses piedz et la saluons; et puys, in nomine Domini laxabo rete.

  A007000126 

 Que si les peres et meres, quoy qu'ilz prisent plus les aisnés, ilz caressent neantmoins et cherissent plus tendrement les plus petitz, je vous accorde, Messieurs, que comme la rayson le veut bien, vous prisies plus tous les autres prædicateurs; mays je demande par droit de petitesse et de minorité d'estre cheri, et qu'on prenne en bonne part mes affections au lieu auquel j'ay jetté les premieres semences du fruict duquel maintenant je vous offre les premices.

  A007000128 

 Si que ce Filz est vrayement « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere: » il est Dieu, puysqu'il a l'infinie divinité pour son essence et substance; il est « Dieu de Dieu, » pour ce que ceste divinité ou essence divine, il l'a receüe par la feconde communication que son Pere eternel luy en faict eternellement, comme il luy en fit eternellement, l'engendrant et enfantant de son ventre, devant qu'il y eust aucun lucifer entre les Anges au Ciel spirituel et invisible, ny aucune belle estoille ou diane entre les estoilles au ciel corporel et visible: Ex utero ante luciferum genui te; Ps.

  A007000129 

 Adam, ainsy qu'il est escrit au commencement de la Genese, fut doué d'une telle sagesse, que donnant les noms a chaque chose il exprimoit fort vivement sa proprieté.

  A007000130 

 O saint amour, o amour eternel et infini! Doriques, mes Freres, des lhors, c'est a dire des l'eternité, avant les siecles, en l'infinité, en l'abisme de la perpetuité, ce Pere et ce Filz eternelz, jettans a force d'une mesme et seule volonté, d'une mesme et seule amitié, d'un mesme et seul courage, jettans dis je, par une mesme et seule bouche, un souspir, une respiration, un esprit d'amour, ilz produirent, ilz expirerent un souffle d'ou proceda le Saint Esprit, tierce Personne de la Trinité, « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere, Dieu vray de Dieu vray.

  A007000131 

 Dequoy si je voulois parler davantage, on pourroit bien dire a bon droit de moy ce qu'aujourd'huy les Juifz disoyent sans rayson des Apostres: Musto plenus est iste, c'est a dire: il faut bien que cestuy ci soit enyvré d'une grande presomption de vouloir expliquer les interieures operations de Dieu, qui sont voylëes de leur infinité en telle façon que l'œil de l'homme n'y peut approcher que de bien loin.

  A007000132 

 Ainsy faut il conclure de tout le reste, qu'une Personne ne faict rien sans les autres quant a ce qui se produit hors la Divinité.

  A007000132 

 Neantmoins, par une certaine appropriation et commodité de langage, les œuvres qui ressentent plus le pouvoir ont accoustumé d'estre accommodëes au Pere, comme la creation et semblables, parce qu'il est source et origine de toute puyssance et divinité; les œuvres qui ont plus d'apparence de sagesse, au Filz, digne generation de l'entendement paternel; celles de bonté, au Saint Esprit, amour et charité unique du Pere et du Filz..

  A007000132 

 Tout ce que la sainte Trinité opere et fait hors d'elle mesme, en realité, toutes les troys Personnes y communiquent et operent sans division ou distinction quelconque.

  A007000133 

 Donq, encores que l'operation merveilleuse et puyssante qui a esté faitte es cœurs de l'Eglise naissante a tel jour qu'aujourd'huy, aye esté faitte egalement par le Pere, le Filz et le Saint Esprit, neantmoins, parce qu'en icelle reluit une principale bonté, misericorde et magnifique liberalité, on ne dict pas que toute la Trinité soit venue sur les Apostres, mays on dict et on celebre la descente du glorieux Saint Esprit: a la charge que vous ne vous imagineres pas que pour cela il aye changé de lieu pour descendre; car estant Dieu, il est tellement par tout par « essence, presence et puyssance, » que est in mundo non inclusus, extra mundum non exclusus.

  A007000137 

 Tout de mesme donques, Dieu est par tout le monde, vivifiant tout; et comme nous disons l'ame estre en la teste pour les principales operations qu'elle y faict, aussi disons nous que nostre Dieu est au Ciel pour les principales operations qu'il y faict, monstrant sa gloire ouvertement.

  A007000137 

 Vous sçaves bien que nostre ame est par tout le cors et toute en toutes les parties d'iceluy; autrement elle ne seroit pas spirituelle, ou nostre cors seroit mort en la partie en laquelle l'ame ne seroit pas.

  A007000138 

 Or, ces operations sont de deux sortes: les unes exterieures, comme les signes qui apparurent ce saint jour, le feu et le son vehement; les autres interieures, a sçavoir, l'onction de la grace et l'illumination invisible es cœurs et espritz apostoliques: et celles cy estans signifiëes, figurëes et representëes par celles la, en considerant les premieres nous apprendrons aysement les secondes; c'est a dire, par les signes exterieurs nous apprendrons les effectz interieurs qui sont comme le principal de ce mistere, le reste n'estant qu'accessoire, puysque omnis gloria filiæ regis ab intus.

  A007000138 

 Vous sçaves maintenant ce que c'est a dire quand on dict que le Saint Esprit est descendu sur les Apostres, et que cela n'est autre sinon qu'il y a faict quelques signalëes et grandes operations.

  A007000139 

 Ne sçaves vous pas que le plus souvent, l'esté principalement, avant que pleuvoir il tonne et fait vent? Ainsy aujourd'huy il tonne et fait vent, pour monstrer qu'il veut pleuvoir les douces pluyes des consolations du Saint Esprit, ainsy qu'il est escrit: Flabit spiritus ejus, et fluent aquæ.

  A007000140 

 Hé ne vous est il jamais advenu en une seche et alterëe sayson d'esté de voir vos jardins a gueule bëe, ouvrant par maniere de dire la gorge pour recevoir la pluÿe, et ne venant point de secours du ciel a leur soif, en fin les herbes paslir et secher, les fleurs se ternir et faner, et les arbrisseaux sembler plustost un bois mort qu'une plante? Les païsans alhors s'assemblent, font des prieres et processions pour impetrer ramollissement du ciel et la desiree liqueur pour les champs.

  A007000140 

 Lhors le laboureur a bien dequoy louer Dieu de voir son jardin et campaignes reverdoyer plus que jamais, les fleurs se redresser, et tous les fruictz, par maniere de dire, reprendre l'haleyne que la chaleur leur avoit ostëe, et representer aux pauvres semeurs le banquet prætendu d'une abondante cueillette..

  A007000140 

 Mais voicy un vent impetueux et chaud, lequel ramassant toutes [8] les exhalaisons ja relevees, trame une grosse et noire nuëe qui semble voyler tout le ciel, dedans laquelle s'engendrant le tonnerre et brillant les esclairs, semble que bien tost, au lieu d'apporter soulagement aux fruictz de la terre, elle fracassera par le foudre, la gresle et la tempeste ce peu de biens que la secheresse a laissé sur la terre, et semble menacer les hommes d'une totale ruine.

  A007000141 

 Le jardin de l'Eglise naissante estoit demeuré desja quelque tems privé de l'eau vive, quæ est veluti fontis salientis in vitam æternam, c'est a dire de la douce præsence de son bon et aymable Seigneur; la peur et la crainte de la persecution judaïque avoit terni les saintes fleurs, fané et mis en friche toutes ces pauvres plantes, et pouvoit bien dire: Expandi manus meas ad te; anima mea sicut terra sine aqua tibi; excepté le lys beny de la sacrëe Vierge, sur laquelle, par une particuliere influence du divin amour, la rosëe celeste tomboit [9] tousjours surabondamment.

  A007000143 

 C'est a dire le chaos ou monde elementaire, ou bien le globe des eaux qui couvroit toute la face de la terre, estant creé, le saint Esprit de Dieu estoit porté par dessus, pour donner a ce chaos informe, a cest element infecond telle fecondité que, sans l'eau desormais, ni plante ni animal ne peust estre engendré: de maniere qu'il veut quasi dire qu'il couvoit et fecondoit les eaux, affin qu'elles produisent les animaux aquatiques [10] et servent a la production de toute chose animëe.

  A007000143 

 Et comme pour le creer il fecondoit les eaux, aussi pour le recreer et renouveller il semble qu'il fecondast le feu: Emitte Spiritum tuum, et creabuntur, et renovabis faciem terræ.

  A007000144 

 Et quoy que le rien fust infiniment ennemy de Dieu, estant tout a fait de party contraire le neant et le sauverain Estre, si est ce neantmoins que n'ayant aucune puyssance, et le rien ne pouvant rien faire avec sa nulle puyssance, le tout qui estoit Dieu, au simple projet de sa volonté, mettoit en fuite le rien, changeant sa neantise en un bon estre, lhors qu'il faisoit les creatures..

  A007000144 

 Et respondent tous qu'en la formation du monde les choses furent faites du rien, et ne falloit faire autre que destruire le rien pour donner estre aux choses, lequel rien ne faisoit point de resistance a la volonté de Dieu, mays luy obeissoit, se changeant en estre a la simple parolle du Createur: Ipse dixit, et facta sunt; mandavit, et creata sunt.

  A007000144 

 Or les theologiens, non contens de sçavoir resolument que plus admirable a esté la Majesté divine en la reformation qu'en la formation du monde, ains que plus est admirable la justification du simple et seul pecheur, laquelle neantmoins se faict tous les jours en cent mille lieux du Christianisme, non contens, dis je, de le sçavoir, ilz demandent entr'eux le pourquoy, affin par apres de pouvoir rendre conte aux curieux de leur dire, et de faire mieux connoistre aux hommes la grace que Dieu leur [11] faict quand il les appelle a pœnitence.

  A007000146 

 Des choses que Dieu veut estre faites, il veut les unes [12] estre faites sans nostre consentement, et en celles cy tousjours il est obei: telle est la production des choses, la pluye, neige, tempeste, les maladies et afflictions.

  A007000146 

 Et quant a celles cy, il est tousjours obei au Ciel, et partant Deus autem noster in cœlo; omnia quæcumque voluit fecit. Mays en terre, il n'y est pas tousjours obei; autrement, dites moy, qu'aurions nous besoin de demander Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra? Et d'ou vient, me dires vous, ceste difference entre les volontés qui sont au Ciel et celles qui sont en la terre? En peu de parolles je vous le diray: c'est que les volontés celestes et heureuses sont tellement appuyëes sur la volonté de Dieu, que l'une ne se peut mouvoir sans l'autre, et n'ont pas la liberté de contrarieté, c'est a dire de mal faire, ains seulement de bien faire: grace et gloire tout ensemble..

  A007000146 

 Les autres, il ne veut qu'elles soyent faites sans nostre consentement et sans nostre concours.

  A007000147 

 Que si quelques uns en ce monde, comme la Sainte Vierge, ont esté tousjours sans cheoir par speciale grace de Dieu, encores ne sont ilz pas semblables aux Bienheureux, n'estant necessités a bien faire tousjours et en toutes façons comme les Bienheureux.

  A007000148 

 » C'est icy ou je respondray a vostre demande: Qui peut resister, qui veut resister a Dieu? Je le veux demander a mon ame, luy proposant les doutes que j'ay en cecy, et si vous faites mes demandes chacun a la vostre, vous ouyres de belles responses en vous mesme..

  A007000149 

 Ce n'est donq pas merveille si le Saint Esprit ayant fecondé les eaux pour l'institution du monde, il a voulu feconder le feu pour la restitution d'iceluy; car besoin estoit de plus d'efficace pour le r'habiller que pour le faire..

  A007000149 

 Et ceste autre voix: Pænitet me fecisse hominem, [14] ah, bon Dieu, elle seroit suffisante de nous fendre les cœurs, s'ilz estoyent de chair; car nostre Dieu ne se plaint pas d'avoir faict l'homme pour la creation, car quand il l'eut creé, vidit cuncta quæ fecerat, et erant valde bona; mais pour la peyne que devoit avoir son Filz faict homme a le reformer, dont il dict: Tactus dolore cordis intrinsecus.

  A007000149 

 O mon ame, ma chere moitié, n'as tu jamais ouy en toy mesme le Seigneur ton Dieu te commander: Ambula coram me, et esto perfectus? Ouy sans doute; et luy as tu jamais respondu: Recede a nobis, viam mandatorum tuorum nolumus? O combien de fois, avec tant de pechés, as tu rejetté les inspirations de Dieu; combien de fois luy as tu fait resistance! Ah, la lamentable voix que Dieu rend par Isaye, se plaignant de nous autres: Tota die expandi manus meas ad populum non credentem, et contradicentem mihi.

  A007000150 

 J'eusse peu aller recherchant ce que ce son faict au ciel, porté par le vent, et ce feu signifie par tous les coins de l'Escriture; mais je l'ay trouvé tout en un Psalme si gravement descrit, que ce seroit peyne de le chercher ailleurs: c'est le Psalme 28..

  A007000151 

 Il appelle icy les nuëes eaux, a cause que des nuëes se faict la pluÿe et les eaux, comme s'il vouloit dire: Factus est repente de cœlo sonus tanquam advenientis spiritus vehementis; car le tonnerre ne se faict pas sans nuages.

  A007000151 

 Il dict donques que le Dieu de majesté, le mesme Dieu qui se monstra tant terrible sur la montaigne de Sinaï, a faict un son vehement sur les eaux et nuages en l'air.

  A007000152 

 Et spiritu oris ejus; et par le Saint Esprit, qui est respiré par la bouche et sapience du Pere comme un souspir d'amour, toute leur vertu a esté perfectionnëe et tellement establie, que des lhors, selon la plus probable opinion, non seulement quant a la foy, qui est chose certaine, mais mesme quant aux mœurs, les Apostres ne firent onques faute.

  A007000152 

 Si que les Apostres estans comme les çieux de l'Eglise, on peut bien dire d'eux: Verbo Domini cœli firmati sunt, et spiritu oris ejus omnis virtus eorum; les deux apostoliques, par l'influence desquelz Jesus Christ, comme premier mouvant, nous communique sa foy et ses graces, ont esté confirmés par la parolle de ce Verbe de Dieu, lhors qu'il les laissa pour monter au Ciel, leur faisant ses beaux advertissemens.

  A007000153 

 Ainsy les petitz pescheurs ont surmonté les grans pecheurs.

  A007000153 

 Donq ceste voix, ce son, estoit signe que par la parolle de Dieu portee par la voix des Apostres, l'idolatrie avec ses adhaerans seroit bouleversee comme les veaux qui paissent au Liban et que in omnem terram exibit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et que portæ inferi non prævalebunt adversus eam; et que reges erunt nutritii Ecclesiæ et principes pulverem ejus lingent..

  A007000153 

 Il va poursuyvant, que les Apostres fortifiés par cest Esprit desracineront la gloire et vanité mondaine: Et comminuet eas tanquam vitulum Libani; c'est a [16] dire, le Seigneur ayant consolé, conforté, corroboré avec ce son, ce vent et ce feu les cœurs des Apostres, par leur ministere il fracassera, il fera sauter, il dissipera cedros Libani, c'est a dire les plus haut eslevés mescreans et infidelles: et ainsy est il advenu, mes Freres.

  A007000154 

 Il appelle desert le lieu ou estoyent les Apostres, ou les Apostres mesmes, pour ce que l'Eglise dict:.

  A007000154 

 Il s'ensuit au mesme Psalme: Vox Domini intercidentis flammam ignis; c'est a dire, ce son qui replevit totam domum Dei, est intercidentis flammam ignis; ce son, dis je, dispersa une flamme de feu en plusieurs parties, selon qu'il est dict: Sedit supra singulos eorum, pour demonstrer que la parolle evangelique portëe par les Apostres, devoit faire part a chacun du saint feu duquel Nostre Seigneur disoit: Ignem [17] veni mittere in terram, c'est a dire de charité ou de foy vive.

  A007000159 

 Ainsy semble il que par ce son vehement Nostre Seigneur aye voulu faire enfanter les saintes prædications a ses Apostres, et par le [18] moyen de ses Apostres a tout le monde, lesquelz estoyent comme engrossés de la connoissance d'un vray Dieu et Sauveur par plusieurs conjectures naturelles et du paganisme; dequoy je me rapporte a Eusebe, De Præparatione Evangelica.

  A007000159 

 Mes Freres, les biches ont tellement grande difficulté de faonner ou faire leurs petitz, que jamais elles n'en viendroyent a bout si les tonnerres ne leur faisoyent poser de frayeur ou qu'elles n'usassent d'une herbe appellee siselle; et ainsy en l'hebrieu, au lieu que nous avons: præparantis cervos, il y a: parturire facientis.

  A007000160 

 Ce n'est pas sans cause que vous voyes les Apostres comparés aux biches, car les biches ne sont point armees de branches et cornes comme les cerfz; aussi les Apostres estoyent nudz d'armes corporelles, ne combattant le monde qu'avec la faim, soif et tribulation.

  A007000160 

 Et d'ailleurs, ces animaux sont d'une extreme vistesse; et telz sont les Apostres desquelz la voix a couru tout le monde: In omnem terram exivit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et a rayson d'eux fut dict: Spiritus Domini replevit orbem terrarum, et hoc quod continet omnia scientiam habet vocis. Aussi estoyent ilz ambassadeurs vers tout le monde, et portoyent la parolle pour un Monarque qui est extremement viste et courant, duquel l'Eglise chante: « Nescit tarda molimina Spiritus Sancti gratia.

  A007000161 

 Et de cest enfantement des Apostres que s'ensuit il? Deus revelabit condensa; il s'ensuit que le sombre et touffu bois et forest de l'ignorance et aveuglement du monde a esté esclairci et descouvert, les arbres en ont esté abattus et rués par terre, si qu'apres ceste descouverte il n'y a personne qui puisse plus dire: Quis ostendit nobis bona? car par tout le son de la trompette evangelique a esté ouÿ, pour nous advertir de quel costé nous nous devons jetter a la retraitte, et par [19] tout il y a des autelz dressés a sa Majesté et des temples, si que in templo ejus omnes dicent gloriam..

  A007000162 

 Et quelle gloire, quelle louange pourront ilz dire? Ilz diront: Deus diluvium inhabitare facit, et sedebit Dominus rex in æternum; c'est a dire: autrefois il fit un deluge pour repurger le monde avec l'eau, mays maintenant il se faict un deluge qui durera tousjours, avec la parolle de Dieu laquelle purifie et illumine les ames: Mot Dei manet in æternum.

  A007000165 

 Regardons un peu comme les Apostres estoyent disposés quand ilz le receurent; ilz estoyent tout de mesme que quand ilz revindrent de l'Ascension.

  A007000166 

 C'est un mistere, mes Freres: douze estoyent les Apostres au commencement, et maintenant ce nombre de douze a esté multiplié par dix.

  A007000166 

 Il faut apprendre que si nous voulons recevoir le Saint Esprit, il nous faut multiplier et enrichir les douze articles de la foy par l'observation et execution des dix commandemens de la loy.

  A007000166 

 Ne dict on pas que les advocatz vivent de leurs livres, de leur estude? Leurs livres et l'estude sont viandes de Caresme, apres Pasques on n'en mange pas; il n'y a si bon secretaire qui ne laissast son maistre a telle condition de viande.

  A007000166 

 Ne dict on pas: « Æger [21] ex dieta vivit, et regula medici; » le malade vit de la diete, il vit de la regle, il vit de la maniere que le medecin luy a baillëe? Certainement ce ne sont pas bons restaurans que la diete, la regle, la maniere escritte; les apoticaires n'y gaigneront gueres.

  A007000167 

 Jamais Dieu ne cessera de nous chastier, jusques a ce que nous cessions de pecher, dict l'Apostre saint Pol: Tu autem secundum impænitens cor tuum, etc. Et ceste impcenitence vient d'une certaine courtoysie que chacun a envers soy mesme; que chacun se flatte, chacun est prest ad excusandas excusationes in peccatis, chacun rejette la cause de nos maux sur le peché d'autruy, et non sur les siens, comme l'on devroit; et me semble, a ouÿr les discours que l'on va faisant en Savoye, que je vois jouer au change..

  A007000169 

 Ceux cy sont les plus advisés, car il n'est permis de mesdire sans danger, en ce tems ou nous sommes, de personne sinon de l'Eglise, de laquelle chacun est censeur, chacun la sindique.

  A007000169 

 Il me semble, mes Freres, qu'en Savoye nous nous entretenons tous au jeu du change: car si vous parles au peuple, la noblesse aura le change, laquelle avec sa lascheté n'ose rien remonstrer; si l'on parle a la noblesse, [23] les ministres de justice auront le change, qui se meslent de l'autruy; si l'on parle aux justiciers, les soldatz auront le change, qui sont trop desbordés; si l'on parle aux soldatz, les cappitaines auront le change, qui les conduisent et retiennent leurs payes, ou sont si avaricieux que pour desrobber eux mesmes ilz permettent a leurs soldatz de desrobber.

  A007000169 

 Parles aux cappitaines, les princes auront le change, qui ont tort de vouloir faire la guerre sans argent, ou qui n'advisent pas d'y mettre l'ordre au moins mal; et aucuns crient que tout le mal vient des peuples qui ne sont pas asses reformés.

  A007000170 

 Confessons nos fautes propres, et laissons les autres confesser les leurs; sçachons qu'il n'est pas tems de dire: Patres nostri comederunt uvam acerbam, et dentes nostri obstupuerunt, car Nostre Seigneur nous respondra: Anima quæ peccaverit, ipsa morietur.

  A007000170 

 Je n'ay garde de dire qu'il faille chasser le peché des autres, affin de ne pas jouer au change aussi bien que les autres; mais je vous prieray que chacun die comme moy, et que chacun parle a sa conscience propre et non pas a celle des autres.

  A007000170 

 O mon ame, n'est ce pas toy qui es cause de ce mal, qui as faict tant de pechés sur pechés, tant d'offenses, tant de laschetés que justement l'ire de Dieu est tombëe sur tout un peuple? Ne sçais tu pas qu'autrefois, s'ilz se fussent trouvé dix hommes de bien, le bon Dieu, pour leur respect, eust gardé toute une ville de ruine (au Gen., 18 )? Ah, que peut estre manquoit il le dixiesme en ce païs; que si tu te fusses reformé, peut estre eusses tu accompli le nombre: o quel grand bien! Et ne me respons pas: Pourquoy les autres n'y ont ilz advisé? car ilz en ont plus affaire que toy.

  A007000172 

 Il faut se rendre devot et prier Dieu, et c'est la troisiesme disposition; car les Apostres estoyent perseverans en orayson.

  A007000174 

 Et de fait, ce sont les prieres que Nostre Seigneur fit en croix desquelles parle saint Pol, aux Heb., 5: In diebus carnis suæ, preces supplicationesque cum clamore valido et lacrymis offerens, exauditus est pro sua reverentia.

  A007000174 

 Sans luy, jamais nous ne pourrions le recevoir; car Dieu voyant devant le deluge les grans pechés qui se [27] commettoyent, ne dict il pas: Non permanebit spiritus meus in homine, quoniam caro est? O sentence terrible, o decret effroyable! Mais Nostre Seigneur, lhors qu'on rompoit sa beniste peau sur l'arbre de la croix et en la colomne, il rompoit avec son merite decretum chirographi, le decret et cedule qui nous tenoit obligés au pouvoir des enfers.

  A007000175 

 A l'oraison, il faut y adjouster l'obsecration, c'est a dire l'adjurer en vertu de quelque chose qui luy plaise: et premierement, par sa mesme bonté, motif esgal a luy mesme; secondement, par son Filz Nostre Seigneur, vray mediateur entre Dieu et les hommes, et unique quant a la mediation principale, essentielle et naturelle, ainsy que faict tousjours l'Eglise, quoy que les hæretiques la calomnient; troysiesmement, par ses Saintz qui sont mediateurs par intercession et dependance: Memento, Domine, David, etc. (vous autres particulierement par le glorieux saint Pierre, saint François, saint Dominique, saint Jacques, saint Maurice), et sur tout par le merite et par l'amour qu'il porte a sa sainte Mere, la glorieuse Vierge Marie; et cecy ce sera accomplir la quatriesme condition pour recevoir le Saint Esprit, car ce sera estre cum Maria Matre Jesu.

  A007000176 

 L'Evangeliste dict bien qu'il y avoit des hommes et des femmes, a fin de monstrer que tous devons attendre le Saint Esprit; mays il nomme celle cy, pour monstrer qu'elle estoit plus que femme, comme la Dame des Apostres, et partant il ne dict pas qu'elle fut avec les Apostres, mays les autres estoyent avec elle et sa suite.

  A007000192 

 Mais peut estre me dires vous que l'Eglise ne tient pas que ceux qui meurent martirs soyent mortz, mays vivans, et estime que, passans a une meilleure vie, on a grande occasion de se resjouyr en leur mort; et pour ce que leur nativité estant accompaignëe de peché elle les amene aux miseres, et leur mort les mene a la gloire, on celebre leur nativité le jour qu'ilz meurent..

  A007000193 

 Mays aujourd'huy je ne veux pas m'arrester sur ces choses pour vous les prouver; je ne prendray que ce qui fait a mon propos pour la solemnité de ce jour..

  A007000194 

 Quand je considere que l'Eglise nostre Mere nous propose en la joyeuse octave de la nativité de saint Jan la solemnité de la mort douloureuse de saint Pierre, sçachant qu'elle est conduitte du Saint Esprit, je crois qu'elle le faict pour quelque similitude et rapport qu'il y a entre la mort de l'un et la nativité de l'autre; pensëe en laquelle je suys d'autant plus confirmé, que je vois que la mesme Eglise appelle aussi bien naissance la mort de saint Pierre que la nativité de saint Jan, voyant que non seulement en la mort, mays encores en leur vie mesme, j'y trouve certaine alliance et grande ressemblance, quoy qu'en certains pointz il y aye de la dissimilitude, comme il y en a tousjours entre les choses du Viel et du Nouveau Testament..

  A007000197 

 [34] Ainsy me semble il qu'en la reformation du monde, Nostre Seigneur fecondoit les eaux, lhors que ambulabat juxta mare Galilææ; et avec la parolle qu'il dict a saint Pierre et a saint André: Venite post me, il fit esclorre parmy les coquilles maritimes saint Pierre et saint André; Matth., 4.

  A007000198 

 Pharao avoit commandé aux sages-femmes des Hebrieux qu'elles tuassent tous les enfans masles d'Israël; la mere de Moyse, l'ayant enfanté et gardé troys moys, en fin ne le pouvant plus cacher, elle le mit en un panier de joncs qu'elle accommoda le mieux qu'elle peut, puys l'exposa parmi certaines herbes aquatiques au bord de l'eau; et la fille de Pharao y venant pour se baigner, l'appercevant, le fit prendre, et voyant que ce petit enfant estoit fort beau, par bonheur elle le fit nourrir par sa mere propre; et parce qu'elle l'avoit retiré des eaux, elle l'appella Moyse, c'est a dire retiré; Exod., 1 et 2.

  A007000200 

 Ainsy Nostre Seigneur, se bruslant au feu de sa tres grande charité et puys se jettant dans les eaux de la mer Rouge de sa Passion, renouvella sa jeunesse, et comparut, sortant d'icelle en resuscitant, glorieux, renouvelle comme l'aigle, [36] suivant ce qui est es Psalmes: Renovabitur ut aquilæ juventus tua; Psalm.

  A007000203 

 Ainsy furent sanctifiés les Apostres au jour de la Pentecoste; de quoy nous avons tesmoignage en saint Pol, qui dict qu'il est asseuré qu'aucune chose, non pas mesme la mort, ne le pourra separer de la charité de Jesus Christ: Scio quia neque mors nos separabit a charitate Christi; Rom., 8..

  A007000203 

 Mais les derniers sont sanctifiés, non seulement d'une sanctification commune qu'on appelle justification, ains d'une sanctification singuliere de laquelle ilz ne peuvent plus descheoir.

  A007000203 

 Mais sçaches que les Saintz sont sanctifiés en cinq manieres.

  A007000203 

 par necessité de consequence: c'est ainsy que fut sanctifié Nostre Seigneur, lequel estant Filz naturel de Dieu, ne pouvoit qu'il ne fust saint; et parce qu'il estoit saint par nature, il s'appelle saint par excellence: Sanctus vocabitur Filius Dei (Luc., I ); estant l'un des trois Sanctus, Sanctus, Sanctus (Isa., 6 ), que les Seraphins que vit Isaye repetent sans cesse dans le Ciel en l'honneur de la tressainte Trinité.

  A007000203 

 sorte est de ceux qui sont sanctifiés d'une sanctification commune a tous les [37] justes avant que de mourir, desquelz il est dict, Sap., 3: Justorum animæ in manu Dei sunt.

  A007000204 

 Le mesme peut on dire de la sanctification de saint Pierre, qui se fit dans le cenacle, ou la Sainte Vierge estoit aussi presente, a la descente du Saint Esprit; tellement que l'on peut dire de luy comme de saint Jan: Exultavit infans, puysque saint Pierre auparavant, comme enfant, n'avoit quasi jamais parlé, et tout aussi tost, aperiens os suum Petrus, il commença a prescher et convertir les ames a milliers..

  A007000205 

 O deux luminaires ardens de predication, fayorises de vos saintes intercessions mon enfance, affin qu'il plaise a Dieu se servir de moy en ce ministere, ad dandam scientiam salutis plebi ejus, in remissionem peccatorum eorum (Luc., I ), et que je puisse tellement avoir les levres ouvertes de la part de Nostre Seigneur, que os meum annuntiet laudem ejus; recte docere, et [38] æ doceo opere complere, ne cum aliis prædicaverim ipse reprobus efficiar..

  A007000206 

 Les philosophes ayant recherché, il y a plus de deux mille ans, les causes du flux et reflux de la mer, ne l'ont jamais sceu comprendre; mais je ne vous donne pas ce terme pour sçavoir la solution de ceste question: estudies seulement par imitation la sainteté de ces deux grans Saintz, et la pluspart de ceux qui sont icy le sçauront dans peu de tems..

  A007000207 

 Mais je ferois tort au passage de la Sainte Escriture que j'ay cité au commencement de ce sermon, si je m'arrestois davantage a poursuyvre les ressemblances qui sont entre la nativité de saint Jan et la mort de saint Pierre, puysque j'ay tant d'occasion de faire une comparayson plus haute, c'est a sçavoir entre la mort de saint Pierre et celle de nostre divin Sauveur..

  A007000208 

 C'est que Dieu nous attribue ces noms pour nous humilier et nous monstrer sa charité; le diable nous les attribue pour nous faire tomber dans la superbe, et par ce moyen nous separer de la charité.

  A007000208 

 Et que personne ne vienne dire que toutes comparaysons sont odieuses et qu'il n'y a point de rapport entre le Maistre et le serviteur, puysque Nostre Seigneur ne fait point de difficulté de se mettre en comparayson avec [39] les bergers, avec les moutons, avec les vignes, avec les pierres.

  A007000209 

 Les autres noms de ceste sainte Vierge s'entendent par proportion et participation, comme quand nous l'appelions nostre refuge, nostre esperance, parce qu'elle l'est en effect, bien que ce ne soit que par participation et par le moyen de son credit.

  A007000211 

 Le lieu ou saint Pierre a esté crucifié, c'est Rome sans doute, car ainsy le rapporte toute l'antiquité; de quoy nos adversaires sont bien marris, et veulent non seulement nier qu'il soit mort a Rome, mais encores qu'il y aye reside, avec des raysons les plus impertinentes et frivoles qu'on se puisse imaginer.

  A007000212 

 C'est saint Ambroyse en son oraison Contre Auxence, saint Athanase en son Apologie pour sa fuitte, saint Hierosme sur saint Pierre, outre les memoyres qui sont encores a present a Rome.

  A007000212 

 Mays estant prié par les Chrestiens qu'il se conservast, comme tres necessaire a l'Eglise, laquelle ne peut perdre son chef sans recevoir quelque desarroy, il s'en alloit hors de Rome; et comme il fut hors de la porte, Nostre Seigneur luy apparut.

  A007000212 

 [42] Il rentra soudain dans la ville, et fut incontinent saysi et condamné a estre crucifié; mays par humilité, il demanda d'estre crucifié la teste en bas et les pieds en haut, ne voulant pas, par respect, estre du tout semblable a son divin Maistre.

  A007000213 

 Ainsy me semble-il qu'il aye fait en sa reformation; car voulant que saint Pierre fust le president et gouverneur universel de son Eglise, qu'il commandast tant a ceux qui sont dans les eaux de ce monde comme a ceux qui se retirent en la Religion pour voler en l'air de la perfection, il le voulut rendre semblable a luy, et me semble qu'il dict: Faciamus eum ad imaginem nostram, c'est a dire, semblable a Jesus crucifié; c'est pourquoy il luy dict: Sequere me..

  A007000214 

 Combien plus, dis je, penses vous que ce divin Sauveur fust espris de l'amour de saint Pierre, qui estoit comme son image, plongé dans les eaux de la tribulation du martire? Nonne oportuit, dict il aux disciples d'Emaüs, Christum pati, et ita intrare in gloriam suam? Luc., 24; de mesme je diray: Nonne oportuit Petrum pati, et ita intrare in gloriam Domini sui? Ouy sans doute, car Nostire Seigneur luy avoit dict: Sequere me; viens a la gloire, mays comme moy..

  A007000214 

 Narcisse, disent les prophanes, estoit un enfant si [43] desdaigneux qu'il ne voulut jamais donner son amour a personne; mays en fin se regardant dans une claire fontayne, il fut extremement espris de sa beauté.

  A007000214 

 Ne penses vous pas que Nostre Seigneur regardast saint Pierre en son martire, puysque oculi ejus in pauperem respiciunt? Il le voyoit comme dans les eaux d'amertume et de tribulation, crucifié les piedz en haut, en sorte qu'il estoit comme son vray pourtrait.

  A007000214 

 Quand nous nous regardons dans une fontayne, nous semblons y estre representés antipodalement, la teste en bas et les piedz en haut.

  A007000218 

 Mays neantmoins les Centuriateurs de Magdebourg ne laissent pas de reprocher ce peché a saint Pierre, et l'appeller horrible et execrable.

  A007000219 

 De plus, Nostre Seigneur, quand il mourut, avoit tousjours la face et les yeux tournés contre la terre, pour monstrer qu'il n'auroit pas moins de soin de son Eglise apres sa mort qu'avant icelle, et qu'il vouloit tousjours en estre le Pasteur; saint Pierre renversa la teste contre la terre, et les yeux contre le ciel, pour monstrer qu'en mourant il quittoit sa charge a son successeur.

  A007000219 

 La seconde, pource que Nostre Seigneur avoit les piedz contre la terre, pour monstrer qu'il estoit venu du Ciel en terre; saint Pierre a les piedz contre le ciel, pour monstrer qu'il alloit de la terre au Ciel.

  A007000220 

 Il est dict que ce [47] Roy fit chercher des pierres pour fonder son temple, et qu'on les fit esquarrer; Nostre Seigneur ayant choysi nostre saint Apostre pour estre apres luy la premiere pierre du fondement de son Eglise, il la fit esquarrer en croix.

  A007000222 

 Et laissant a part le consentement universel de tous les siecles, notamment des huict premiers, ainsy qu'il se voit clairement dans la Visible Monarchie de Sander, voyci une rayson puyssante: pource que jamais il n'y a eu Evesque qui ait pensé d'estre sauverain et [48] commun pasteur de toute l'Eglise, que les successeurs de saint Pierre, et jamais on n'a mis en doute ni proposé qu'aucun autre le fust; sur tout maintenant il n'y a Evesque en tout le Christianisme qui s'attribue ceste qualité, et duquel on propose qu'il soit pasteur general, sinon le Pape.

  A007000222 

 Les hæretiques ne veulent point de chef, et partant ilz ont esté divisés en tant de sectes; les Catholiques reconnoissent le Pape pour le pere commun et le chef unique visible de toute l'Eglise; les schismatiques n'en reconnoissent point.

  A007000222 

 Que dirons nous donq? Il n'y en a point qui ayent jamais pretendu de l'estre que les successeurs de saint Pierre; il n'y en a point qui le pretendent, il n'y en a point de qui on aye jamais eu ceste pensëe que du Pape; c'est une des verités que l'Eglise a tousjours creu: et d'autre part il faut qu'il y en aye un; donques c'est luy sans doute.

  A007000223 

 La rayson en est bien aysëe a donner: c'est que Dieu avoit dessein de prendre les Gentilz pour son peuple, abandonnant l'ingrate nation des Juifz, non en la destituant des secours necessaires pour son salut, mays luy ostant les privileges qu'il luy avoit concedés, desquelz elle s'estoit rendue indigne.

  A007000223 

 Ne sçaves vous pas ce que les Apostres saint Pol et saint Barnabé disent es Actes, parlant aux Juifz: Vobis primum oportebat loqui Mot Dei, sed quia repellitis illud, ecce convertimur ad Gentes? Et ne sçaves vous pas ce que disoit [49] Osee en son second chapitre: Et dicam non populo meo: Populus meus es tu; et ipse dicet: Deus meus es tu? C'est dequoy parle saint Pol en son 9.

  A007000224 

 Quand il survient quelquefois des fantasies es choses de la foy, certaynes petites suffisances, imaginations et pensëes d'infidelité, que feres vous? Si vous les laisses entrer dans vostre esprit, elles vous troubleront et osteront la paix; rompes et venes fracasser ces pensëes et imaginations contre ceste pierre de l'Eglise, et dites a vostre entendement: Ah, mon entendement, Dieu ne vous a pas commandé de vous repaistre vous mesme; c'est a ceste pierre et a ses successeurs a qui cela appartient, donq: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000225 

 Ainsy me semble il que font plusieurs, lesquelz n'ayans que trop de vivacité en l'entendement, et pas asses de jugement, veulent neantmoins tout sçavoir, tout contreroller, et sur tout les matieres theologiques; car la seule theologie, dict saint Hierosme, est celle dont un chacun se veut mesler.

  A007000225 

 Les autheurs qui ont traitté de la nature des animaux disent que l'aigle a le bec si vif et luy croist tellement, que souvent il l'empesche de prendre sa nourriture, et asseurent qu'elle ne meurt jamais sinon pour avoir le bec trop long et trop crochu.

  A007000225 

 Ne regardons jamais les cogitations de la foy qui ne sont pas de Dieu ny fondëes sur la pierre de l'Eglise Catholique; mays brisons les, et rompons leurs pointes contre ceste pierre, c'est a dire avec l'authorité apostolique de l'Eglise..

  A007000225 

 Pourquoy? parce que les pensëes d'infidelité sont nostres, et les pensëes de fidelité sont de Dieu: Non sumus sufficientes cogitare aliquid ex nobis tanquam ex nobis, sed omnis sufficientia nostra ex Deo est; 2.

  A007000226 

 Et quand on vient aux pieds du prestre pour les confesser, qu'est ce autre chose sinon apporter les petitz de sa volonté a la pierre? Et notes encores, mes chers auditeurs, qu'il dict parvulos suos, pour nous monstrer qu'il ne faut pas attendre que nos pechés soyent inveterés pour les confesser; car quand ilz sont inveterés, il est tres difficile de les bien declairer et encores plus de s'en amender: Quoniam tacui, dict David, inveteraverunt ossa mea.

  A007000226 

 Mays outre ces pensëes qui sont les petitz de l'entendement dont parle le Psalmiste, il y a d'autres petitz de la volonté, qui sont nos pechés, desquelz encores je dis: Beatus qui allidet parvulos suos ad petram; car Dieu a donné a ceste pierre la force et le pouvoir de remettre et oster les pechés.

  A007000228 

 Il ne suffit pas de prendre sa croix, mays il faut encores suivre Nostre Seigneur, car apres qu'il a dict: Tollat crucem suam, il adjouste: Et sequatur me; alhors la croix nous seroit douce, alhors nous trouverions la vie en la mort, et les consolations es adversités..

  A007000228 

 La guerre, la pauvreté et les autres miseres nous crucifient, il est vray, mais elles nous crucifient comme le mauvais larron et non comme saint Pierre; c'est a dire qu'au lieu de prouffiter de ces maux, nous en empirons.

  A007000230 

 Je sousmetz tousjours a vos pieds ce que jamais je diray en la chaire et hors d'icelle; car vous estes ceste pierre sur laquelle a esté fondëe l' Eglise de Jesus Christ, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A007000246 

 Si l'ancienne Sinagogue, par le commandement de Dieu, celebroit si solemnellement le premier jour de chasque mois, qu'on appelloit neomenie, en reconnoissance du gouvernement et solicitude que Dieu a des hommes, il me semble, que nous avons tout'occasion a ce premier jour du mois d'aoust de solemniser la feste que nostre Mere l'Eglise nous y presente, puysque elle se faict en contemplation d'un miracle auquel reluit tres [55] clairement la faveur et assistence de Dieu aux prieres de son Eglise, sa providence sur le chef general d'icelle, et la misericorde que sa Majesté a usëe vers le paganisme (duquel nous sommes la race) en [la] translation de son Eglise d'entre les Hebreux aux Gentilz..

  A007000247 

 Et si les Romains anciens solemnisoyent ce premier jour a lhonneur de leur Empereur Auguste, duquel le nom mesme fut donné a ce mois, ne vous semble il pas raisonnable que changeant le corporel au spirituel et le mondain au Christianisme, au lieu de la feste de l'Empereur paien, nous faisions feste a lhonneur de Dieu, sous le nom de son lieutenant general, vray Empereur de l'Eglise militante, tres auguste, tressainct et tres grand Prince des Apostres, et par la grace de Dieu protecteur et patron de ceste nostre Eglise pastorale?.

  A007000248 

 Et puisque entre toutes les festes qu'on celebre de cest arch'Apostre, nos peres ont choisy pour leur particuliere celebrité ceste journëe neomenie et calende, je vous veux dire et vous diray ce qu'en cas pareil dict le Psalmiste roial: Buccinate in neomenia tuba, in insigni die solemnitatis vestræ; Sonnes en ce premier jour du mois, de la trompe en grand liesse, puisque c'est le jour signalé que vous aves choisi pour honnorer vostre Patron solemnellement.

  A007000249 

 Soustenes moy, et inspires et soufles puyssamment, par les souspirs et devotions que vous jetteres aux pieds de la glorieuse Vierge pour impetrer la faveur du Saint Esprit, saluant ceste Dame, Mere de Dieu, du salut que le mesme Dieu luy fit fayre; et par ainsy, non seulement, comme je vous disois, vous sonneres de la trombe en ce renouveau du mois, mays ce que vous dict le mesme Psalmiste: Laudate Deum in sono tubæ.

  A007000251 

 Et pour parler clairement, je crois que si les dernieres paroles, alius cinget te, s'entendent de la mort de saint Pierre, comm'il [57] n'en faut pas douter, les præcedentes s'entendent de l'emprisonnement du mesme, que l'Eglise celebre aujourdhuy.

  A007000251 

 Je sçay bien que cela se peut entendre de la jeunesse et premieres annees de saint Pierre, esquelles il se ceignoit et se promenoit ou il vouloit; si est ce neantmoins que les dernieres paroles estant misterieuses et s'entendant de la mort de saint Pierre, je crois encores que ces praecedentes couvrent quelque mistere.

  A007000251 

 Mays les parolles praecedentes, je ne vous dis poinct quand elles furent verifiëes; ce que je fis affin de laisser toutes choses en leurs places.

  A007000252 

 Nostre Seigneur donques ayant praedict a ses Apostres quilz devoyent estre persecutés pour son nom, Math, 10: Ecce ego mitto vos in medio luporum, et en saint Jan, 16: Venit hora ut omnis qui interficit vos arbitretur se obsequium præstare Deo, il veut encores en particulier [prédire] a saint Pierre les assaultz quil devoit recevoir pour son nom, par un particulier privilege quil faict au Prince des Apostres..

  A007000253 

 En saint Jan, 16, Nostre Seigneur ayant praedict aux Apostres les persecutions quilz devoyent endurer, il leur donne la rayson pour laquelle il le leur praedict, laquelle servira a present a ceux qui me demanderont pourquoy j'apelle privilege du Prince des Apostres qu'on luy aye praedict sa mort et son emprisonnement: Ut, cum venerit hora eorum, reminiscamini quia ego dixi vobis..

  A007000256 

 De plus, quand les Apostres voyoient estre advenu le tems de la tribulation prædicte par Nostre Seigneur ainsy infalliblement, ce leur estoit un'arre que le tems de la recompence prædict, Et gaudium vestrum nemo tollet a vobis, Gaudete et exultate, quoniam merces, viendroit aussy infalliblement.

  A007000258 

 N'est ce pas ce que Nostre Seigneur luy avoit prædict: Cum esses junior, cingebas te? Et, ambulabas ubi volebas, lhors que les liens de saint Pierre estans rompus par l'Ange, exiens sequebatur; et pouvoit bien dire partant de la prison: Dirupisti vincula, etc..

  A007000259 

 Les liens donques de saint Pierre, aussi bien que sa mort, furent praedicts.

  A007000260 

 Mes Freres, l'Eglise ne devoit pas demeurer en Judëe, et partant Nostre Seigneur ne meurt pas par les mains des Juifz ni des Rois de Judëe; mays elle devoit venir entre les Gentilz, a Romme, et partant il meurt entre [60] les mains de Pilate et des Romains.

  A007000261 

 Lhors, les cheynes luy tumbant des mains, l'Ange luy dict: Ceins toy et te chausse, mets tes vestemens et me suys.

  A007000263 

 Qui me contemnunt erunt ignobiles: ja Dieu ne plaise que nous nous procurions les malheurs pour la mauvaise affection qu'on a a l'Eglise, que nos praedecesseurs ont fuis et evités, et surmontés et chassés par leur devotion.

  A007000264 

 C'est luy qui ne seche jamais et rend bon fruict en son tems, puysque de son fruict se repaissent les ouailles du Seigneur, et a l'abril de ses feuilles, elles sont gardees et du chaud et du froid; car c'est d'elles que parle le Psalmiste: Sol non uret te per diem, neque luna per noctem..

  A007000265 

 Mais oyes comme incontinent apres avoir descrit ce grand Pasteur, il descrit les traverses qui luy doivent arriver.

  A007000277 

 Les quattre bras esquelz il se separe, sont quattre principaux documens qu'il contient: de bien croire: Beati oculi qui vident, etc.; de bien esperer et desirer: Domine, quid faciendo? etc.; de bien aymer, et garder les commandemens: In lege quid scriptum est? Diliges Dominum Deum tuum et finalement, de l'usage des Sacremens: Samaritanus [66] misericordia motus, alligavit vulnera ejus, infundens oleum et vinum.

  A007000279 

 C'est une chose bien certaine et qui nous devroit bien consoler, que Jesus Christ Nostre Seigneur et Maistre, en toute rigueur de justice, avec un juste prix, a payé et satisfait a Dieu son Pere ce que nous avions merité de peyne pour tous nos pechés, et non seulement pour tous les nostres, mays pour tous ceux de tout le monde.

  A007000280 

 Ainsy nostre Sauveur voyant que la divine Majesté de son Pere avoit extremement a cœur ceste bague ou dragme, la nature humaine, sans s'informer ni du prix ni d'autre chose, de premier abord pour nous racheter, il presente, d'une tres pure et tres liberale affection, un prix que ni nous ni les Anges ne valons pas, une satisfaction beaucoup plus grande que tous les pechés du monde n'avoyent peu meriter; d'ou saint Pol, en la 1.

  A007000281 

 Mays en ceste similitude se rencontre une grande dissimilitude: c'est qu'encores que la tablette ne vaille pas les cent escuz, l'espouse neantmoins vaut cent mille fois et infiniment plus, au lieu que la nature humaine, laquelle doit estre guerie, ne vaut rien au prix du sang de Nostre Seigneur..

  A007000281 

 Ou bien disons que Nostre Seigneur a faict comme le bon mary, lequel voyant sa chere moitié atteinte de peste, sçachant quelque expert medecin qui en sceust guerir avec des tablettes, il va, et poussé d'une extreme affection de voir sa compaigne guerie, il offre cent beaux escuz de ces tablettes, sans s'amuser a considerer que les ingrediens d'icelles ne valent pas trois solz.

  A007000283 

 Grande consignation fut celle par laquelle Nostre Seigneur consigna es mains de la justice paternelle tout son prætieux sang, duquel la moindre goutte valoit plus que tous les mondes que tu te pourrois imaginer, o mon Frere, ne sçauroyent valoir.

  A007000283 

 Ou bien disons que Nostre Seigneur ressemble au pere qui ayant son filz saysi pour crime, sans regarder a autre chose, donne au prince pour delivrer son filz plus que toutes les amendes a toute rigueur ne pouvoyent monter.

  A007000283 

 Ou bien plustost disons que le cavalier voit son cheval saysi par les mains de justice; c'est son bon cheval, c'est son sauve-l'amy: il va, il consigne tout incontinent trois et quatre foys autant que le cheval vaut, affin qu'il n'amaigrisse.

  A007000284 

 Et de vray, qu'est ce faire satisfaction d'honneur, sinon faire et exhiber honneur? Or est-il que l'honneur est plus grand a proportion de celuy qui le rend; car le moindre honneur que faict un prince vaut plus sans comparayson que tous les honneurs que sçauroit rendre un homme de basse condition, d'autant que « honor est in honorante » (I Ethic., chap. 3), l'honneur est dans celuy qui le rend..

  A007000284 

 » Pourquoy? d'autant qu'injurier [69] un grand est plus de peché qu'injurier un petit, et la moindre satisfaction que faict un grand vaut mieux que toutes les injures qu'il peut faire: ainsy quand on auroit receu un soufflet d'un grand, s'il monstre d'en estre fasché, c'est asses.

  A007000286 

 Entendes bien ceci: estant esgal a son Pere, il s'abbaissa et aneantit jusques a la mort, qui est la moindre de toutes les creatures, n'estant que privation; et partant, Dieu son Pere luy donne un nom qui est au dessus de tout nom, a sçavoir le nom de Jesus, qui signifie Sauveur, comme s'il disoit: Il est justement Sauveur, puysqu'estant infini, avec son infinie satisfaction, il a payé en toute rigueur..

  A007000287 

 Je ne sçaurois que vous dire, sinon que ces parolles sont dites en la personne de Nostre Seigneur (ainsy qu'estime saint Gregoire, au septiesme de ses Morales, chap. 2), lequel a rayson de son infinie dignité, pouvoit bien dire que la moindre de ses peynes estoit sans comparayson plus considerable que tous les pechés de ses membres, qu'il appelle siens.

  A007000288 

 C'est ainsy que parlent les deux luminaires de la theologie, saint Thomas, Docteur angelique, et mon fervent et seraphique Pere saint Bonaventure, desquelz le premier dict que la redemption de Nostre Seigneur « a esté mesme surabondante et plus que suffisante.

  A007000288 

 Huguenotz, que dites vous de nous autres? vous semble il pas que nous reconnoissons comme il faut la grace de Nostre Seigneur, sa redemption et mediation? A vostre advis, ceste façon de discourir de la redemption ressent elle pas de la vraye Espouse de Jesus Christ? Nous parlons bien plus magnifiquement de ce mystere que vous, et vous faites les bons valetz.

  A007000289 

 Qui void et ne croid n'est bienheureux que comme les Juifz; qui croid et ne void est bienheureux comme il fut dit a saint Thomas: Beati qui non viderunt et crediderunt; qui void et croid est bienheureux encores comme saint Thomas, qui vid premierement, et puys creut; mais qui croid et void: Beati oculi, etc. Donq le fondement de toute beatitude c'est la satisfaction de Nostre Seigneur surabondante; la veuë du cors de Nostre Seigneur est la beatitude de nos yeux corporelz praeparëe; mais ny l'un ny l'autre ne nous profitera de rien, si nous ne l'appliquons a nous mesmes par la foy, esperance, charité et par les Sacremens..

  A007000290 

 Donques, pour venir au poinct Beati oculi qui vident quæ vos videtis, il y a quatre endroitz par lesquelz Dieu peut venir en nous: l'entendement, la memoyre, la volonté et les sens exterieurs.

  A007000291 

 Les autres ont veu en general; entre lesquelz et les Apostres il y a autant de difference qu'entre ceux qui voyent de bien loin et confusement, et ceux qui voyent de pres et distinctement..

  A007000292 

 Je vous en diray tout autant, Messieurs: Beati oculi qui vident. Combien penses vous qu'il y a de peuples qui voudroyent voir ce que vous voyes? Combien de Catholiques es [74] Allemaignes et en Angleterre, qui voudroyent avoir les commodités de leur salut, voir et ouÿr ce que vous oyes les Caresmes? Combien es Indes y a il de peuples lesquelz, ayans seulement senti quelque petite fumëe de l'Evangile, par le bon exemple des Chrestiens qui trafiquent avec eux, se sont convertis? Ilz n'ont pas encores eu ce bien d'avoir ceste bonne nouvelle que Jesus Christ est nay et mort pour nostre salut et resuscité pour nostre glorification; ilz n'ont point de Prælat qui aye soin d'eux, ilz n'ont personne qui les conduise au bien croire ni au bien faire, monstrant bien leur affection en ce qu'ilz se convertissent a milliers avec grande pœnitence..

  A007000293 

 Qui pourroit jamais lire sans larmes ce qu'on escrit du bon capitaine Anthoyne de Paive, qui convertit si tost les roys des Mazacariens, des Sianiens et Supaniens? Et qui ne se trouvera le cœur saysi, considerant la premiere conversion si soudaine et si grande que firent trois Peres de l'Ordre de saint Dominique en Conge? Qui ne dira avoir esté bienheureux les travaux de tant de prestres et Religieux qui sont allés prescher es Indes, puysqu'ilz ont trouvé la terre des cœurs humains si fertile et traittable, que, a une seule rosëe de la parolle de Dieu, elle germe et bourgeonne toutes sortes de fleurs chrestiennes? Cela nous doit faire pleurer de consolation d'un costé, de voir Dieu receu en ces contrëes, et pleurer de detresse de l'autre costé, de nous voir recevoir si abondamment ses graces sans rendre aucun fruict.

  A007000294 

 Je diray encores que c'est une grande honte d'avoir veu les Indiens si catholiques qu'ilz croyent tout sans douter a la simple parole des prestres, et nous, qui sommes nourris et nays en l'Eglise, voulons tout contreroller.

  A007000295 

 Or, ce pendant que Nostre Seigneur dict ces paroles, tout a propos arriva un docteur de la loy, qui, pour le tenter, demanda: Maistre, qu'est ce qu'il faut faire pour avoir la vie eternelle? Je dis tout a propos, non pour l'intention de cestuy cy, qui estoit mauvaise, mays pour les paroles qu'il dict: Domine, quid faciendo? etc., lesquelles de soy estoyent tres bonnes et a propos; car Nostre Seigneur ayant loué le bien croire des Apostres, cestuy cy l'interroge du bien faire: Domine, quid faciendo? Laissons a part l'intention; ces paroles sont pleines d'esperance.

  A007000296 

 Notes que je dis bien esperer, pour ce qu'il y en a qui pensent que sans rien faire, on les portera en Paradis.

  A007000298 

 C'est ceste vie eternelle de laquelle Nostre Seigneur [77] en la Genese vouloit esmouvoir Caïn quand il luy dict: Nonne, si bene egeris, recipies? C'est ceste vie eternelle, pour le desir de laquelle le bon homme Jacob s'appelle pelerin en la Genese, 47: Les jours, respond-il au Roy, du pelerinage de ma vie, que bons que mauvais, sont de cent trente ans, qui n'approchent encores pas de ceux de mes prædecesseurs, esquelz ilz ont vescu sur la terre; dont David dict: Memor fui dierum antiquorum, et annos æternos in mente habui.

  A007000298 

 La vie eternelle, qui la considere bien, est suffisante pour esmouvoir les cœurs les plus endurcis..

  A007000299 

 Pour ceste vie eternelle, David inclinoit sa volonté et son cœur a garder les commandemens de Dieu; saint Augustin a esté incliné a se retirer avec ses Religieux avant qu'il fust Evesque; saint Jan Baptiste a se retirer es desers..

  A007000300 

 C'est une Confraternité ou il n'y a rien a redire, car tous les articles d'icelle sont tressaintz, veuz et reveuz par Monseigneur nostre Reverendissime Pasteur; il n'y a rien qui soit malaysé a faire.

  A007000311 

 4, le peuple hebreu sentit tant de consolation que tout le peuple tumbant sur sa face loua et benit Dieu qui les avoit ainsy prosperé, quelle joÿe, quelle consolation devrons nous recevoir aujourdhuy en la memoyre de l'Exaltation de la tressainte [Croix,] laquelle, ayant esté terrassëe et abbatue par les infidelles, [80] fut en semblable jour, par ce grand cappitayne Hæraclius, relevëe et redressëe? D'autant plus grande pour vray, mes Freres, doit estre nostre consolation qu'en cest ancien Temple ne furent onques offerts que veaux, boucqs, aigneaux; mays sur la Croix, le Filz aeternel de Dieu.

  A007000312 

 Que si nous voulons considerer la convenance quil y a eu entre l'ædification du Temple de Salomon et l'Exaltation de ceste sainte Croix, je suys asseuré que les devotz y en trouveront plus de deux mays je me contenteray d'en dire une.

  A007000312 

 Que si, comme les bons Juifz ont tousjours tasché a rebastir, ainsy les bons Chrestiens ont tousjours eu a cœur l'Exaltation.

  A007000315 

 Les Hebreux faysoyent feste au renouveau de la lune pour la delivrance d'Isaac, et pour ce que on trouva le mouton arresté es espines; les trombes estoient de corne, et les Juifz de præsent l'apellent la feste des cornes.

  A007000316 

 Facent les huguenotz ce quilz voudront, comme les chiens qui s'attaquent a la pierre, que quand a nous, tousjours nous prædicamus Christum, etc. Nous ne sçavons autre: Absit mihi.

  A007000318 

 Faysons, de grace, pœnitence et remettons a nos peres spirituelz le fardeau de nos pechés, affin qu'on les ensevelisse subter therebinthum, quæ est post Sichem, id est, humerum, Christi.

  A007000318 

 Je vis jamais chose qui se rapportat mieux a un'autre que le therebinthe qui estoit aupres de la ville de Sichem, rencontré par Jacob quand il alloit en Bethel, au pied duquel il enterra tous les idoles des siens.

  A007000328 

 Car encores que l'Evangile semble avancer son histoire d'une paralysie corporelle, neantmoins Nostre Seigneur parle et guerit principalement la spirituelle, disant au paralytique: Confide, fili; et semble que sa premiere visëe estoit sur la paralysie spirituelle, mays que, a l'occasion des murmures que faisoyent les Juifz, il aye jetté l'œil sur la corporelle.

  A007000330 

 La paralysie corporelle est une maladie causee d'une humeur peccante qui saysit les nerfz et muscles, empeschant la communication des espritz vitaux et animaux, et par consequent privant les parties occupees, de mouvement et sentiment; et ceste humeur est ordinairement froide.

  A007000332 

 Et puys, ceste maladie a une tres mauvaise condition, c'est qu'elle est presque incurable, aussi bien que la paralysie corporelle; non pas que le sauverain Medecin ne le sçache et ne le puisse faire, mais parce que ceux qui en sont atteintz ne sentant pas leur mal, pour la pluspart, ilz n'ont point de recours au medecin si quelqu'un ne les y porte, comme vous voyes aujourd'huy; car, comme dict le Prov., 26, v. 16: Sapientior sibi videtur piger, septem viris loquentibus sententias.

  A007000332 

 Ilz ont les yeux ouvertz pour voir des vanités mondaynes, ilz ont la langue bien desployëe, mais c'est pour se repaistre d'un grand parler sans vouloir rien faire; ilz [87] ne veulent recevoir correction de personne, ains c'est eux qui censurent tout le monde..

  A007000333 

 Car les uns se font accroire de n'estre point malades, encores qu'ilz se sentent bien detraqués; les autres ayment mieux demeurer malades que de gouster l'amertume de la medecine..

  A007000336 

 L'usurier va il pas se trompant luy mesme, avec dix mille excuses pour faire mentir l'Escriture qui dict que telles sortes de gens n'iront point in tabernaculum Domini? Les prestres se flattent ilz pas avec des dispenses, quoy que le nemo potest duobus dominis inservire soit escrit en grosse lettre? Les dames se flattent elles pas, n'aymant point leurs maris, se playsant d'estre courtisees, s'excusant qu'elles ne font point d'actes contraires a leur honneur? Se plaisent elles point de passionner cestuy ci et celuy la, s'excusant que nonobstant, elles ne voudroyent pour rien violer la loy de leur mariage? C'est pour cela que Nostre Seigneur dict: Non concupisces.

  A007000337 

 S'il faut se confesser: O que cela est fascheux, o que c'est une chose mal savoureuse! et ne considerent pas qu'il n'est pas des pechés comme des fruictz qui meurissent sur l'arbre et puys tombent d'eux mesmes, mais qu'au contraire, plus ilz demeurent en l'ame, tant plus malaysé est il de les arracher.

  A007000339 

 Que diray je? Si on parle de frequenter les Sacremens, ilz confessent que cela est bon; mays je ne sçaurois prendre la peyne, il faut cecy, il faut cela.

  A007000340 

 Le feu de l'Eucharistie y sert pour consolider et conforter, mays il faut desja avoir evacué les mauvaises humeurs..

  A007000340 

 Voyes vous les maux que faict ceste paralysie, qui nous garde de cheminer a Dieu? vous aves veu ce que c'est.

  A007000341 

 Ad portas, pour voir ce qui s'y faict; et voyant les grandes peynes qu'on y endure, qui ne s'efforcera de les eviter, qui ne s'evertuera de n'estre point du nombre?.

  A007000364 

 Bien que le sens littéral soit différent, ne pourrait-on pas facilement, grace à l'esprit qui vivifie, appliquer ces paroles à ceux qui cherchent à présider avant d'avoir siégé? Les fruits précoces et printaniers ne peuvent être conservés longtemps sans se corrompre..

  A007000365 

 Ce n'est donc pas sans raison que je m'adressais ce reproche: Est-ce ainsi, ô François, que toi, le dernier de tous, par le mérite, le talent et la vertu tu prétends être préposé aux premiers? Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement périlleux et onéreux? Longtemps j'ai été effrayé par ces voix [95] intérieures, je méditais ces mots du Prophète: O Dieu, j'ai entendu vos paroles et j'ai craint..

  A007000367 

 Celui qui n'a rien à apprendre n'a pas besoin de précepteur, et quand les vents sont favorables, n'importe quel nocher peut tenir le gouvernail..

  A007000367 

 Il aurait eu à craindre, le Prévôt qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans les bornes de l'honneur et du devoir.

  A007000367 

 Mais moi qui suis préposé à ceux dont la modestie, la force, la prudence, la charité l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer dans le Prélat le plus accompli, en sorte que chacun d'eux mériterait d'être Prévôt, quelle crainte puis-je avoir en cette occasion? Pourquoi m'arrêter à mon jeune âge, à mon inexpérience, à mon manque de talents, puisque dans mes fonctions je n'aurai jamais à user d'admonitions, de [96] mesures de discipline ou de correction? A moins que, comme disaient les anciens, on ne veuille « instruire Minerve, » ou, selon notre proverbe, « prêcher saint Bernard » ou parler latin parmi les Cordeliers, au milieu desquels nous sommes.

  A007000371 

 Et on serait en droit d'appliquer à toute notre société ce texte: Pour vos pères, des enfants vous sont nés; c'est-à-dire: par une malheureuse vicissitude, [97] les hommes de premier ordre que vous avez eus pour pères et Prévôts ont été remplacés par des jeunes gens, presque des enfants..

  A007000416 

 Et comme ces préoccupations provenaient de causes toutes légitimes, pour ne pas être téméraire, je vais, avec votre assentiment, vous les expliquer, afin qu'au début de mon ministère aucun mauvais soupçon ne s'élève dans vos âmes à mon sujet..

  A007000417 

 Les préfets des provinces avaient coutume, en entrant en charge, de former de grands, de magnifiques projets, pour signaler les débuts de leur administration par quelque action d'éclat.

  A007000418 

 Entre plusieurs difficultés qu'offrait ma traversée sur cette mer, la première, non moins grave et plus proche que toutes les autres, fut ma nomination par le bon plaisir du Souverain Pontife, à la Prévôté du Chapitre de l'Eglise Cathédrale de Saint-Pierre de Genève..

  A007000418 

 Pendant les fêtes de Noël qui viennent de passer, la solennité même de ces jours me faisait rentrer en moi-même, et je pensais à ce qui me reste de cette vie mortelle.

  A007000420 

 A sa tête, siégeait l'Apôtre qui tient les clefs du Ciel, et il m'adressait ce grave reproche: Quel est donc, pauvre François, l'esprit qui t'anime? Eh quoi, le dernier de tous par la science, les vertus et le talent, tu prétends être préposé aux premiers! Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement onéreux? Ne crains-tu pas cette sommation dont l'époque est incertaine, il est vrai, mais assurément prochaine: Rends compte de ton administration? Ces paroles m'émurent à tel point dans l'intime de mon être, que, serait-il même utile de me remémorer cette émotion, je n'aurais pas de termes assez forts pour l'exprimer.

  A007000422 

 Ce Prévôt aurait à craindre, qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans le devoir; mais moi, mes Pères, quelle appréhension puis-je avoir [102] en cette occasion, en face de vous dont la charité et la prudence l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer du Prévôt le plus accompli? Pourquoi rappeler mon inexpérience et ma faiblesse, puisque dans mes fonctions, je n'aurai jamais à user, de mesures de discipline ou de correction? A moins qu'on ne veuille « instruire Minerve, » « prêcher saint Bernard, » ou, selon notre proverbe, poser pour la latinité parmi les Cordeliers..

  A007000429 

 C'est-à-dire: par mes talents et mes connaissances, je suis bien faible, mais je fonderai toutes mes espérances en Celui qui est puissant pour rendre éloquentes les langues des enfants, et qui ne « refuse jamais son secours à celui qui fait ce qui est en son pouvoir, » comme nous l'enseignent avec tant de charme et de vérité tous les bons théologiens..

  A007000429 

 Mais aussitôt après, je relèverai mon âme avec David: Parce que je n'ai pas connu les lettres, j'entrerai dans les puissances du Seigneur.

  A007000431 

 Ces lettres précédèrent toutes les requêtes du même genre; leurs prières furent accueillies, et la faveur demandée me fut accordée..

  A007000432 

 Si, au contraire, vous ne me trouviez pas indigne, j'inclinais promptement les épaules sous ma charge, assuré que votre décision m'indiquait la voie à suivre..

  A007000433 

 Mais, je le constate, vous me recevez tous avec les plus aimables félicitations.

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000433 

 Veuillez croire que je recevrai toujours humblement, dans le Seigneur, les avis de chacun d'entre vous, de telle sorte que si vous n'avez tous qu'un seul Prévôt, moi seul je paraisse en avoir autant que je compte de [106] Chanoines, et que je sois moins appelé préposé aux Chanoines que Prévôt des Chanoines..

  A007000434 

 Ainsi le plus grand se comportera comme le plus petit, ainsi, grâce à une sincère charité, les premiers seront les derniers et les derniers les premiers.

  A007000434 

 C'est par la charité qu'il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu'il faut l'envahir, par la charité qu'il faut la recouvrer.

  A007000434 

 La Prévôté, sans doute, l'emportera toujours sur le canonicat; toutefois, je placerai très humblement après tous les Chanoines François de Sales, ou, ce qui revient au même, votre Prévôt actuel, me souvenant de l'artiste Antigonus qui appelait toute dignité, fût-elle royale, une honorable servitude.

  A007000435 

 Je ne vous propose ni le fer, ni cette poudre dont l'odeur et la saveur rappellent la fournaise infernale; je n'organise pas un de ces camps dont les soldats n'ont ni foi ni piété.

  A007000435 

 Que notre camp soit le camp du Dieu dont les [107] trompettes font entendre, avec des accents pleins de douceur, ce chant: Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu des armées.

  A007000436 

 Holopherne assiégeant Béthulie, coupe l'aqueduc et fait garder soigneusement toutes les fontaines.

  A007000436 

 La soif torture si cruellement les malheureux assiégés qu'ils sont forcés de penser sérieusement à se rendre.

  A007000437 

 C'est à cause de nous que le nom de Dieu est blasphémé chaque jour parmi les nations, et c'est avec pleine raison que le Seigneur s'en plaint si amèrement par ses Prophètes.

  A007000437 

 Il est un aqueduc qui alimente et ranime pour ainsi dire toute la race des hérétiques: ce sont les exemples des prêtres pervers, les actions, les paroles, en un mot, l'iniquité de tous, mais surtout des ecclésiastiques.

  A007000438 

 Faisons refluer à leur source les courants de nos péchés, et là, comme desséchés par le Soleil éternel dans notre propre cœur, que ces courants n'offrent plus de cette eau de scandale ni à nos ennemis ni à nous.

  A007000438 

 Ils devraient au moins reconnaître leurs vices, et ceux d'autrui ne les scandaliseraient plus.

  A007000438 

 Mais puisqu'il en est ainsi, mes Compagnons d'armes, puisqu'ils regardent les actions d'autrui et non les leurs, arrêtons le cours de cette eau, je vous prie; que chacun veille à ce que sa source privée ne coule pas jusqu'à l'ennemi.

  A007000439 

 Il est une éternelle cité dont on a dit tant de choses glorieuses, qui est défendue par une position si haute et si avantageuse, que la vue elle-même ne la peut découvrir; or, nous savons que l'on peut s'emparer de cette cité céleste par la prière et les bonnes œuvres.

  A007000439 

 Il faut renverser les murs de Genève par des prières ardentes, et livrer l'assaut par la charité fraternelle.

  A007000439 

 Le Royaume des cieux, en effet, souffre violence et ce sont les violents qui le ravissent.

  A007000439 

 S'il en est ainsi, et c'est la vérité, combien sera-t-il plus facile d'enlever par les engins de la prière et des bonnes œuvres, une ville au modeste circuit, humble et méprisée! En avant donc et courage, excellents Frères, tout cède à la charité; l'amour est fort comme la mort, et à celui qui aime, rien n'est difficile..

  A007000440 

 Nous laisserait-elle donc insensibles cette douleur que nous devrions éprouver au sujet d'un exil d'autant plus lourd et moins honorable que nos péchés à tous en prolongent la durée? Les Israëlites s'assirent sur les rives des fleuves de Babylone, et pleurèrent au souvenir de Sion.

  A007000440 

 Que ferons-nous donc, Chanoines de Genève? Ne sommes-nous pas exilés et pèlerins sur une terre étrangère, celle que nous habitons et foulons aux pieds? Asseyons-nous [110] donc sur ces rivages des fleuves de Babylone, c'est-à-dire de la confusion, des péchés; pleurons au souvenir de cette Sion genevoise, jadis si glorieuse des trophées du Christ, et aujourd'hui, pour les crimes de notre époque et de nos ancêtres, gisant accablée sous la plus honteuse servitude de l'hérésie..

  A007000441 

 Ainsi, par la miséricorde de Dieu, nous recouvrerions les biens que nos ancêtres perdirent par son juste jugement..

  A007000441 

 Je voudrais que nous comprissions ainsi ce passage: nous, Chanoines, comme sénateurs de l'Eglise, nous imiterions les vieillards d'Israël, et nous réserverions aux vierges de Sainte Claire, survivantes aussi du clergé de Genève, le rôle des vierges de Juda.

  A007000441 

 L'exemple que Jérémie nous cite de ces mêmes Israëlites, nous montre la tristesse que Genève, perdue pour le Christ et pour nous, devrait nous inspirer: Ils se sont assis sur la terre, les vieillards de la fille de Sion; ils ont couvert de cendre leurs têtes, ils se sont revêtus de cilices; les vierges de Juda ont baissé leurs têtes vers la terre.

  A007000442 

 A votre avis, Messieurs, pourquoi les citoyens de Genève, si obstinés contempteurs de la discipline ecclésiastique, ont-ils cependant conservé tous [111] les noms et tous les monuments qui rappellent cette discipline? Evêché, Pré l'Evêque, Rue des Chanoines, Maison du Chantre, notre Temple de Saint-Pierre, ceux de la Madeleine, de Saint-Gervais: tous ces anciens noms, les novateurs, comme oublieux de leur rôle, continuent à les employer.

  A007000442 

 Genève conserve ses temples intacts, le visage seul de ses images a été récemment détérioré; les stalles des Chanoines subsistent encore.

  A007000442 

 L'hérésie, partout où elle passe, renverse, détruit les temples, brise les images des Saints.

  A007000443 

 Qu'il en soit ainsi, mes Pères, ou plutôt (pour ramener notre discours à la pensée de Dieu par laquelle il a commencé), puissions-nous vous rendre honneur et gloire, Dieu tout-puissant! A la Bienheureuse Vierge, aux Saints Anges, aux Bienheureux Pierre et Paul, au Bienheureux François, louanges [112] et actions de grâces! Et qu'en retour, ô Dieu, vous nous accordiez votre grâce, vous qui êtes souverainement exalté dans les siècles, Père, Fils et Saint-Esprit..

  A007000447 

 Nous recouvrerons nos anciens sièges, et enfin délivrés des mains de nos ennemis, nous servirons dans la sainteté et la justice ce Dieu souverainement exalté dans les siècles..

  A007000489 

 Cest ancien peuple d'Israël se monstra tousjours dur aux commandemens de Dieu; mais sur tout il se monstra tres bigearre lhors qu'apres l'honnorable relation de Josué et Caleb de la fertilité de la terre promise, et l'exhortation qu'ilz firent pour les encourager d'y aller, ilz conclurent de n'y point aller: et par apres, Dieu ayant adverti qu'ilz n'avançassent, ilz voulurent a toute [119] force y aller, et monterent toute la montaigne, dont malheur en prit.

  A007000489 

 Or, tout ce mal icy leur advint de ce qu'ilz presterent trop legerement l'oreille a quelques fauses relations des espions qui furent envoyés en la terre de promission, et ne voulurent pas croire Caleb et Josué qui les conseilloyent sainctement..

  A007000490 

 Ainsy une grande partie du mal qui est maintenant entre les Chrestiens vient de ce qu'ilz croyent ceux qu'ilz ne devroyent pas croire, et qu'ilz ne croyent pas ceux qu'ilz devroyent croire: Et dilexerunt homines magis tenebras quam lucem.

  A007000491 

 Seigneur, arrouses de la douce pluÿe de vostre grace ceste vostre vigne, affin que la houë et la pesle y puyssent bien entrer; rendes la traittable, et donnes a cest indigne vigneron la force et l'addresse d'oster les espines et superfluités des mauvaises opinions que le tems y pourroit avoir apporté, a celle fin qu' en son tems elle vous rende le fruict, et le vigneron en puysse avoir le denier promis, qui est ce jour perpetuel.

  A007000493 

 Moyse, ce grand capitaine de probité, estant appellé de Dieu, lhors qu'il paissoit les brebis de son beau-pere Jetro en la montaigne Oreb, a la charge de la conduitte [120] et gouvernement general d'Israël pour le delivrer des mains de Pharao, la majesté de Dieu luy apparoissant en un buysson ardent, il prattiqua tous les vrays moyens, et demanda a Dieu toutes les vrayes qualités, marques et conditions avec lesquelles il faut entreprendre de parler de la part de Dieu et de gouverner un peuple..

  A007000497 

 O saint Prophete, o grand pasteur d'Israël, o advisé Moyse, o digne ambassadeur de Dieu, digne secretaire de Dieu, que tu sçavois bien les conditions requises et fondamentales a une telle charge! Il se tient indigne, il demande le nom, il demande des signes..

  A007000499 

 C'est icy, mes Freres, la pierre de touche a laquelle vous connoistres si ceux qui se vantent de la parole de Dieu sont vrays ou faux prophetes; car il n'y a jamais eu secte qui n'aye tousjours dict qu'elle parloit de la part de Dieu, et que ses preschementeries estoyent les [121] vrayes paroles de Dieu, et ne se soit vantëe de l'Escriture: [ainsi] Luther, Calvin et tous les autres, a l'imitation du diable, lequel voulant tenter Jesus Christ luy allegue l'Escriture: Angelis suis mandavit de te.

  A007000499 

 Ilz disent tous qu'ilz sont envoyés; qu'ilz nomment qui les a envoyés.

  A007000499 

 Les Catholiques, envoyés par legitime succession, pouvans dire: Sicut locutus est ad patres nostros, monstrent l'origine de leur mission: Jesus misit Petrum; Petrus, etc. Nous pouvons dire: Deus, auribus nostris audivimus; patres nostri annuntiaverunt nobis..

  A007000499 

 Si c'est Dieu, ou c'est mediatement ou immediatement: si mediatement, qu'ilz monstrent la succession; si immediatement et extraordinairement, qu'ilz en produisent les preuves, qu'ilz fassent des miracles.

  A007000503 

 Il atteste sa mission par miracles, et proteste que sans les miracles sa mission n'estoit pas justement prouvëe au peuple; de maniere qu'il dict en saint Jan, 14: Parole quæ loquor vobis, a meipso non loquor; et incontinent: Alioquin propter ipsa opera credite; et au 15: Si opera non fecissem in eis, quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent..

  A007000503 

 Tous les Prophetes ne parlent que de luy, tellement qu'il pouvoit bien dire: Scrutamini Scripturas; illæ testimonium perhibent de me.

  A007000507 

 Saint Jan ne fut il pas approuvé par les scribes et prestres qui envoyerent ceste noble legation: Tu quis es? et jamais ne trouverent que bonne sa doctrine.

  A007000509 

 En fin, que recueillons nous? Puysque nos hæretiques ne nous sçavent dire d'ou ilz viennent ny qui les a envoyés, il se faut garder de les ouÿr; car assumunt linguas suas, et aiunt: Dicit Dominus.

  A007000509 

 Et pouvons bien dire d'eux ce que saint Pol prædict aux prestres Ephesiens, aux Act., 20, les voulant laisser: Ego scio quoniam post discessionem meam intrabunt lupi rapaces in vos, non parcentes gregi; et ex vobis ipsis exurgent viri loquentes perversa, ut abducant discipulos post se. 1.

  A007000510 

 Mays cela s'entend quant a la vocation des prædicateurs, docteurs et pasteurs de l'Eglise, laquelle n'est commune a tous, car si chacun est pasteur, ou sont les brebis? mays seulement de quelques uns qui sont envoyés, comme Moyse, Aaron, saint Jan, Isaye, Hieremie, Helie et David, etc. Or, il y a une autre vocation qui est commune, et comme chacun ne doit penser estre appellé a la premiere, aussi chacun se doit tenir pour appellé a la seconde.

  A007000510 

 Par les prædicateurs: Qui vos audit, me audit.

  A007000512 

 Quelles occasions n'avons nous point de sortir de nostre paresse? tant de maux que nous voyons tous les jours, etc. Nostre Seigneur faict comme le pere qui, tenant les verges en main, dict a ses enfans lesquelz il chastie: Ne seres vous jamais sages?.

  A007000524 

 La prise de la ville de Hiericho par le vaillant capitaine general des Israëlites Josué, est bien l'une des remarquables qui furent onques faites, pour le stratageme avec lequel les murailles d'icelle furent du tout renversëes, et Hiericho demeura toute nue et demantelee devant l'armëe des Israëlites..

  A007000525 

 Estant l'armëe en la campaigne de Hiericho, Josué levant les yeux en haut, vit un homme vis a vis qui tenoit son espëe nue en main, duquel s'approchant Josué, il luy dict: Es tu de nos gens ou de nos ennemys? Ce gendarme respond: Non, ny l'un ny l'autre; je suis prince de l'armëe du Seigneur; me voicy venu tout maintenant.

  A007000525 

 Et au dernier environnement, Ihors que les prestres auront sonné plus longuement et puissamment, que tout le peuple crie tant qu'il pourra, et les murailles tomberont, et chacun entrera par l'endroit ou il se trouvera, par dessus les murailles.

  A007000525 

 Qui ouÿt jamais raconter un tel siege? Qui conneut jamais un ingenieur si subtil, qui, au son des trompettes, fit renverser des murailles entieres? Qui vid jamais, semblable batterie? Josué leve les yeux en haut; d'en haut vient l'Ange, il l'adore; l'Ange luy enseigne de la part de Dieu le stratageme, Josué croid et se fie en Dieu, il faict ce qui luy est commandé; parmy son armëe l'Arche de Dieu y est, les prestres sonnent, les murailles tombent..

  A007000526 

 Ha, si l'intention estoit au Ciel, si la confiance estoit en Dieu, si l'honneur deu aux serviteurs de Dieu estoit rendu, si on croyoit et obeyssoit a Dieu, il n'y auroit rien d'imprenable, tout renverseroit devant les Chrestiens.

  A007000526 

 Mays je ne suis pas icy pour apprendre la maniere comme il faut entrer et prendre a force les villes terrestres; je voudrois plustost vous dire comme il faut prendre et subjuguer les villes et forteresses spirituelles, ennemies de Dieu et des Saintz, pour le service de la divine Majesté.

  A007000526 

 O les belles instructions pour nos capitaines, de lever leurs courages en haut vers Dieu, invoquer les Saintz et s'appuyer en Dieu, le croire, obeyr a ses commandemens.

  A007000528 

 L'ame de l'homme, mes Freres, est une belle ville, par nature sujette a Dieu; mays bien souvent, par revolte et rebellion, et par les factions des affections et parties superieure et inferieure, elle est rendue sous l'obeyssance du peché; car qui facit peccatum, servus est peccati.

  A007000529 

 Qui trouvera mauvais que j'appelle l'ame de l'homme une ville, puysque les philosophes l'ont bien appellëe un petit monde, puysqu'elle est « l'abbregé » de toutes les perfections « du monde, » recueillant en soy tous les grades plus parfaitz d'iceluy, comme tout le plus beau d'une province se retrouve en la ville principale d'icelle? En ceste ame encores, vous semble il pas qu'il y ayt un magazin qui vaut plus que tous ceux d'Anvers ou de Venise, puysque la memoyre retire toutes les idees de tant de varietés de choses? Vous semble il pas qu'il y ayt un brave ouvrier, puysqu'en l'entendement possible, toutes choses s'y font en des especes incomparables? Vous semble il pas qu'il y ayt un ouvrier, lequel avec cent millions d'yeux et de mains, comme un autre Argus, faict plus d'ouvrage que tous les ouvriers du monde, puysqu'il n'y a rien au monde qu'il ne represente? qui est l'occasion qui a faict dire aux philosophes que l'ame estoit tout en puyssance.

  A007000530 

 Les murailles d'icelle qui tiennent en la puissance du diable ceste ame, sont ses iniquités, desquelles parlant le Psalmiste, Psalme 54: Die ac nocte circumdabit super muros ejus iniquitas.

  A007000533 

 Ou sont ceux qui ne vont a la prædication par curiosité de voir les façons et les paroles? Que diries vous de ce malade lequel sçachant qu'en un jardin il y a l'herbe qui le peut guerir, n'y va que pour voir quelques fleurettes? Semblables a Herodes, qui ne desiroit de voir Nostre Seigneur que par curiosité, et le mesprisa; aussi mesprisent-ilz les prædicateurs quand ilz en ont passé leur fantasie, comme les femmes grosses, qui non par faim, mais par fantasie, desirent des viandes.

  A007000535 

 La seconde disposition qu'il faut avoir pour bien ouyr la parole de Dieu, c'est l'attention; car il y en a plusieurs qui viennent au sermon pour faire leur proffit, mais y estant, ou en dormant ou en causant ou en pensant ailleurs, ilz ne sont pas attentifz; auxquelz, quand ilz sont de retour, si l'on demande que c'est qu'ilz ont rapporté du sermon, ilz peuvent bien respondre qu'ilz en sont revenuz gens de bien, pour en avoir rapporté les oreilles ou leur chapeau.

  A007000540 

 Les autres, avec si peu d'attention, que la parolle de Dieu ne va pas jusques au cœur: Et natum aruit, quia non habebat humorem.

  A007000540 

 Les autres, avec tant de vices et mauvaises inclinations, si peu d'humilité et tant de superbe: Et simul exortæ spinæ suffocaverunt illud, si qu'elle n'est pas venue a son effect.

  A007000540 

 Les uns oyent par mauvaise intention de coustume, de curiosité: Et volucres cœli comedunt illud; apres qu'ilz ont dict leur opinion du prescheur, c'est tout.

  A007000540 

 O que Nostre Seigneur pourroit bien faire les lamentations de Job: Quis mihi tribuat auditorem? Qui me donnera un auditeur de ceux que je desire, qui in corde bono et optimo audiens Mot retineat, et fructum afferat in patientia? Qui habet aures audiendi, audiat.

  A007000541 

 Les murailles de vostre Hiericho tomberont devant la parole: Emittet Mot suum, et liquefaciet ea.

  A007000554 

 Ce sont les premieres ou plustost fondamentales paroles de la predication de Nostre Seigneur, lequel apres avoir jeusné quarante jours en la montaigne, descendant de la, commença a prescher aux Juifz, et puys a tout le monde, la sainte pœnitence pour la remission des pechez; nous faysant connoistre qu'ayant faict ce saint jeune pour une pœnitence non ja necessayre (car qui ne pecha jamays et ne peut onques pecher n'avoit ja besoin de pœnitence), mays pour une pœnitence exemplayre, il demandoit de nous pareille pœnitence, et qu'avec semblable façon nous surmontassions [139] les tentations.

  A007000555 

 Et pour nous en approcher, estans en la mer de ce monde, entre les flotz et les bourrasques de nos propres pechés, esquelz nous sommes tumbés par le miserable naufrage que nous avons faict par nostre faute, de l'innocence baptismale, il faut que nous [empoignons] nous jettions dedans l'esquif de pœnitence, seul refuge, seule consolation en ces dangers; sur lequel, quoy que [nous] ne soyons sans crainte, regret, souspirs, faim et autres telles peynes, si est que nous sommes seurs d'arriver, si nous [140] avons bon courage, au port desiré de la Croix, et par apres de la gloire.

  A007000565 

 Et celluy qui estoit accoustumé aux playsirs du peché, commençant desja a fleurer, a ressentir et savourer les playsirs de la grace sur ceste colline d'esperance, regrettant infiniment le tems perdu et regardant les loyers æternelz de la vertu, elle peut bien dire: Defecerunt oculi mei in eloquium tuum, dicentes: Quando consolaberis m e? Defecerunt oculi mei, suspicientes in excelsum.

  A007000565 

 Puys, regardant en haut, et voyant le Ciel ouvert avec la clef de la Croix, il monte sur la colline d'esperance, toute fleurie et pleyne de l'odeur des olives de grace et des lauriers de gloire; et c'est alors que l'ame souspire, c'est alors que les espris se resveillent pour aller en Paradis, pour sortir du peché.

  A007000566 

 O quel regret; les plumes ne luy manquent pas, ni le courage: Dirumpamus vincula eorum; Dominus solvit compeditos.

  A007000567 

 Et puys tout a coup, la voyla parmi les amœnités de charité: Diligam te, Domine, fortitudo mea; Dilexi, quoniam exaudiet Dominus.

  A007000568 

 Regarde ce beau jeune gentilhomme, la beauté du monde, la bonté parfaitte, la douceur des Anges, venu en terre, et demande: Pourquoy est venu le Roy du Ciel en terre? Et les Anges te respondront: Sic Deus dilexit mundum.

  A007000569 

 Sus donques, debout, o mon ame: Si Dieu t'a tant aymé que pour te laver de tes pechés il a envoyé son Filz, regrette, lamente, pleure les pechés que tu as commis, et desormais n'abandonne jamais un si bon Maistre.

  A007000585 

 Au reste, elle est tres difficile, et tirassëe ça et la par les adversaires de l'Eglise Catholique, pour renverser la foy des Anciens; et neantmoins en icelle sont cachés plusieurs admirables secretz en confirmation [146] de la creance de l'Eglise et de la vérité d'icelle; secretz et mysteres lesquelz jamais nous ne descouvrirons, si Celuy qui les y a mis pour nostre salut ne les nous faict voir par sa grace.

  A007000588 

 Les disciples de Nostre Seigneur baptizoyent une grande multitude de personnes en Judee, et beaucoup plus que saint Jan Baptiste n'avoit fait; dequoy Nostre Seigneur s'appercevant les Scribes et Pharisiens estre irrités, pour l'envie qu'ilz avoyent sur luy, et n'estant encores venu le tems de sa Passion, voyant le peu de proffit qu'il faisoit en Judee, et pour donner commencement a sa sainte prædication, il s'en alla en Galilee et s'arresta en Capharnaum, qui estoit sur les limites de Zabulon et Nephtali, suivant la prophetie d'Isaye: Primo tempore alleviata est terra Zabulon, et terra Nephtali.

  A007000589 

 La fut corrompue Dina, et le filz du Roy tué et beaucoup d'hommes, par les enfans de Jacob.

  A007000590 

 Consideres vous point la bonté de ce Seigneur, l'affection de ce Chasseur qui court pour prendre la proye de l'ame, tant qu'il est las et contraint, par maniere de dire, de se reposer? Consideres vous point nostre lascheté, qui nous faschons de la moindre peyne du monde qu'il faut prendre pour nous sauver nous mesmes? Or, Nostre Seigneur n'estoit pas las sans cause, car il avoit cheminé bien tard, et a pied sans doute, dont l'Evangeliste dict: Hora autem erat quasi sexta, il estoit ja quasi midy; car les Juifz partagent le jour en douze heures et la nuict en douze..

  A007000592 

 Ceste femme donques luy reproche cela, comme disant: Vous autres Juifz, tenes les Samaritains pour excommuniés; et comme donques me demandes vous a boire? Elle sçait bien que ce n'est pas commerce que de demander un peu d'eau, mais elle luy dict cela par reproche.

  A007000592 

 Les Samaritains estoyent en horreur aux Juifz, comme je diray ci apres.

  A007000592 

 Voicy l'occasion que Nostre Seigneur prend de sauver ceste ame; car la, pres de la fontaine, il luy dict: Da mihi bibere, Donnes moy a boire. Nostre Seigneur, pour avoir occasion de nous faire du bien, nous demande les oeuvres de misericorde.

  A007000593 

 Et qui est Celuy qui te demande a boire; car c'est Celuy qui est venu abbreuver toutes les ames, c'est Celuy qui est venu respandre son sang pour arrouser l'Eglise, c'est Celuy qui est venu non vocare justos, sed peccatores ad pœnitentiam.

  A007000593 

 Voicy ou Nostre Seigneur commence a luy tirer les sagettes de son divin amour.

  A007000596 

 Consideres un peu la difference qu'il y a entre les deux eaux: l'une apaise la soif, mais ce n'est pas pour long tems; l'autre, in æternum, etc. Il y a icy a considerer deux soifs, l'une du cors, l'autre de l'ame; car les desirs sont une soif a l'ame, dont Nostre Seigneur dict: Non sitiet, et le Psalmiste: Sitivit anima mea ad Deum fontem vivum.

  A007000596 

 Les eaux du monde n'empeschent la soif seternelle, mais si font les eaux du Saint Esprit.

  A007000610 

 S'il vous plaist de regarder les sept parolles que Nostre Seigneur dict a la Samaritaine, vous verres en icelles comme une petite nuëe, grosse d'une [153] sainte pœnitence, qui, puys apres, grossira et fera venir une grande trouppe de Samaritains.

  A007000611 

 Ce sont les sept parolles qu'elle dict; nous estions en la cinquiesme: Propheta es tu.

  A007000611 

 Helisee vint luy mesme chez la Sunamite, ferme l'huis sur soy et le petit enfant, prie Dieu, se couche sur le petit enfant par deux fois; en fin la petite creature baille sept fois, et ouvre les yeux et resuscite.

  A007000611 

 que les Juifz tenoyent les Samaritains pour hseretiques et payens; mais je ne vous dis pas au long les raysons..

  A007000612 

 En fin, sous Osee, Salmanazar roy d'Assyrie rendit captifz tous ces schismatiques, comme le Turc a faict nos schismatiques, et pour les garder de rebellion les fit tous transmarcher en Assyrie, et en leur place envoya des Scythiens et Babyloniens; c'estoyent [154] des meschans.

  A007000612 

 Or, il est croyable que tous n'abandonnerent pas, mays en demeura quelques uns, et autres retournerent, dont les Samaritains demeurerent ainsy.

  A007000612 

 Reg., 11, qui seroit long a raconter, Hieroboam, de peur que les dix tribuz de son obeyssance ne reprinssent l'affection de leur roy naturel, Roboam, s'ilz alloyent reconnoistre le Temple et l'ordinaire succession des prestres en Hierusalem, il fit un temple des faux dieux en Samarie, et fit des prestres du vulgaire, qui n'estoyent pas de la succession legitime de Levi.

  A007000613 

 11, c. 8; [7.] mais sur tout, c'est parce qu'ilz estoyent schismatiques, et avoyent dressé autel contre autel, ayant faict un temple au mont de Garisin, et des prestres autres que de la succession ordinaire, dont vint la dispute devant le roy d'Egypte, qui adjugea pour les Hebreux (Josephe, l. 11 et 13); et qu'ilz ne recevoyent que les cinq Livres de Moyse, le Pentateuche, du reste ilz s'en mocquoyent.

  A007000613 

 Les Samaritains empescherent les Juifz revenuz de la captivité, au tems d'Artaxerxes, de reædifier la ville et le Temple; Esdr.

  A007000613 

 Or, cela præsupposé, les Juifz haïssoyent les Samaritains, I. parce qu'ilz tenoyent leurs possessions, car Samarie appartenoit aux Hebreux; 2.

  A007000613 

 [6.] Parce qu'ilz les scandalisoyent et retiroyent leurs criminelz, ce dict Josephe, 1.

  A007000613 

 parce qu'ilz estoyent de la race des Assyriens qui avoyent fort tourmenté les Juifz; 3.

  A007000614 

 Mais parce qu'il luy faschoit de s'arrester sur ce discours, elle le destourne sur une dispute de la religion; car c'est l'ordinaire des religions vicieuses que de mettre force disputes en avant, et que les peuples s'en veulent aussi bien mesler que les autres.

  A007000615 

 Et c'estoit la question qui estoit entre les Juifz et les Samaritains, que ceste femme propose.

  A007000615 

 Et me semble voir une femme dans Geneve dire: Pourquoy ne manges vous de la chair? les Apostres en ont bien mangé, etc. [156].

  A007000627 

 Le peuple ouyt dire la venue de Nostre Seigneur, et tout esmeu de joye et d'allegresse, luy vint au devant avec les branches de palmes, de fleurs et d'olives, en signe d'honneur et de victoire, jettant mesme leurs robbes [157] et vestemens au chemin comme pour luy tapisser le passage et luy faire une magnifique entrëe, pour le mettre en possession de son royaume, chantant: Hosanna filio David, comme un vive le Roy; Benit soit qui vient Roy en Israël au nom du Seigneur..

  A007000628 

 Qui me donnera maintenant la grace de vous dire en si bonne façon la douce nouvelle de la venue que Nostre Seigneur doit bien tost faire en vos consciences par la sainte Communion, que vous luy allies au devant par desir et devotion, jettant les robbes de vos ames et les rameaux de vos affections, par mortification? O que ce seroit bien faire la memoyre de ce glorieux triomphe, puysque nous triompherions nous mesmes de nostre plus grand ennemy, qui est nostre chair, comme vrays enfans et hæritiers de ceste auguste et triomphante Majesté du Sauveur.

  A007000630 

 Elle est guerre pour les malheurs qui l'accompaignent; elle est guerre pour le peu ou point de repos qu'il y a; elle est guerre pour l'incertitude de l'evenement d'icelle..

  A007000632 

 Et vrayement, c'est pitié que de ceste guerre; car estant entre de si grans amis comme l'esprit et la chair, y a il rien de plus deplorable? Saint Pol, Rom., 7, se lamentant de ceste guerre, apres avoir au long descrit les assaultz qu'il sentoit en soy mesme, il s'ecrie: Infelix ego homo, quis me liberabit de corpore mortis hujus? Qui me delivrera? car je ne m'en peux deffaire.

  A007000632 

 Mais quand il dict: Militia est vita hominis, il veut dire non seulement que nous sommes en guerre, mays que nous mesmes nous sommes guerre: Militia, etc. Et de vray, qui regardera bien les diversités de mouvement, et les assaultz que faict l'esprit contre la chair, je suys asseuré qu'il dira que Militia, etc.

  A007000635 

 15, se tenant a la porte du palais de son trop bon pere, la il flattoit et corrompoit le peuple; et en fin fit si bien par ses secrettes menëes, qu'il fit la guerre et chassa son pere de son siege: ainsy le cors demeure tousjours a la porte, car « nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu, » et la, corrompt les objectz, prattique ores en ceste façon, ores en l'autre, et ainsy se rend le plus fort.

  A007000635 

 Qui diroit jamais qu'elle nous ostast mesmes les saintes vertus, et les nous rendist ennemies? Mais que penses vous? Si elle connoist qu'il y en aye en nous, elle sollicite tant, que nous nous en vantons, nous en prisons, et par ce moyen deviennent poison; car estant comme le moust et le bon vin doux, si elles sont esventees elles s'aigrissent.

  A007000636 

 O mes Freres, caro concupiscit adversus spiritum, etc. L'esprit engendre tant de bons desirs, la chair tant de mauvais, et les uns combattent si asprement les autres, que bien souvent, comme celuy qui a [161] la colique, on crie: Quis me liberabit a corpore mortis hujus? Comme il est dict de Rebecca, Genes., 25 chap. Voyes vous la guerre dangereuse de nostre vie? Militia est vita hominis super terram..

  A007000638 

 Or, je ne sçache que quatre potentatz en tout l'univers: le monde avec toutes ses ambitions, honneurs, pompes, vanités; l'enfer avec tous ses diables; la chair avec toutes ses voluptés, delices, playsirs et passetems; Nostre Seigneur avec tous ses Anges et les Saintz.

  A007000639 

 Oui sent l'ennemy mettre l'escalade du costé de la luxure, il faut qu'il fuye les occasions et les compaignies, et qu'a la moindre pensëe il donne l'alarme a la garnison; il faut recourir aux disciplines, jeusnes, haires.

  A007000641 

 Les Sacremens; car a fructu frumenti, vini et olei sui multiplicati sunt.

  A007000642 

 Ah, la frequentation de ce Sacrement chasse les ennemis externes et internes; c'est honte de voir le peu d'estat qu'on en faict.

  A007000642 

 Il me semble que l'Eglise dict les paroles de Job, 29: Quis mihi tribuat, ut sim juxta menses pristinos, secundum dies quibus Deus custodiebat me? sicut fui in diebus adolescentiæ meæ, quando secreto Deus erat in tabernaculo meo? Il faut que je vous die que cum sancto sanctus eris; Psalm.

  A007000642 

 » Les Sarrazins s'enfuyrent; ceux qui escaladoyent perdirent la veuë.

  A007000643 

 Coupans les branches d'arbres, ilz monstrent qu'il faut combattre la concupiscence; ce qu'ilz jettent leurs vestemens aux pieds de Nostre Seigneur, monstre qu'ilz n'ont nulle confiance en eux mesmes, comme s'ilz osoyent dire: Non nobis; ce qu'ilz crient Hosanna, monstre qu'ilz se fient en la seule protection divine, et se veulent servir du premier moyen; ce qu'ilz vont jusques au mont des Olives et qu'ilz le menent dans leur ville, monstre la reception que nous luy devons faire.

  A007000643 

 En ceste façon, nous pourrons porter les palmes comme eux en signe de victoire, vainqueurs de nostre chair, que nous porterons comme trophëes aux pieds de l'Aigneau qui y regne, comme a Celuy pour qui et en qui nous aurons triomphé, qui est Jesus Christ qui vit et regne es siecles, et vous benie.

  A007000643 

 Le mot du guet et la devise de la banniere monstrent le peuple de Hierusalem; la cognëe avec les cousteaux monstrent qu'on est en guerre.

  A007000651 

 Mays, o Dieu, de quelle joye, de quelle feste, de quelle allegresse fut ravie la trouppe des Apostres, quand ilz virent revenir entr'eux la sainte humanité du Redempteur apres la resurrection, portant en sa bouche l'olive d'une sainte et aggreable paix: Pax vobis, et leur monstrant les marques et signes indubitables de la reconciliation des hommes avec Dieu: Et ostendit eis manus et pedes.

  A007000654 

 Et pour commencer, les disciples estoyent assemblés en un cenacle et avoyent fermé les portes sur eux, propter metum Judæorum; le Sauveur entre, les salue et leur monstre [ses mains] et ses pieds.

  A007000654 

 Helas, que leur foy estoit esbranlëe! La pauvre Magdeleine le va cherchant parmi les mortz pour l'embaumer, et croit qu'on l'aye desrobbé; les Apostres sont telz, que visa sunt illis deliramenta, et non crediderunt illis, c'est a dire aux dames qui l'avoyent appris des Anges; les deux pelerins disent: Sperabamus; le grand saint Thomas crie: Non credam.

  A007000654 

 Mais comme se peut il faire qu'ilz croyent, puysqu'ilz ont veu et touché? Le sens a faict comme le fourrier qui loge un autre et n'y demeure pas; car il a logé la foy dans le cœur des Apostres et dans les nostres, et neantmoins n'y demeure plus en credit, car la foy estant arrivëe, le sens cesse, comme l'esguille introduit la soye, etc..

  A007000655 

 Avec la Magdeleine, jardinier; avec les pelerins, pelerin; avec les pescheurs, pescheur.

  A007000655 

 Comme l'aigle quae volare non potest, sed ubi renovavit juventutem suam; les rabbins, Genebrard, ad eum locum.

  A007000655 

 Le bon David ne savoit se remuer dans [168] les armes de Saül; pendant que nostre ame est chargëe du cors mondain, elle ne se peut bien mouvoir.

  A007000655 

 Tantost il est veu, tantost il entre les portes fermëes.

  A007000655 

 [2.] De la qualité des cors, qui suivront les mouvemens de l'ame comme les vestemens.

  A007000656 

 C'est grand cas que d'estre separé de Dieu; on est timide, on perd la force: telz estoyent les Apostres, telle la Magdeleine.

  A007000669 

 Nous y voulons addresser nos pleurs et nos cris, nous ne voulons autre nourriture que les fruictz de la Croix: Absit que nous nous glorifiions en aucune autre chose.

  A007000670 

 Or, les biens esquelz nous nous estimons grans sont de trois sortes: de l'ame, du cors, de fortune.

  A007000672 

 Saint Pol, racontant aux Hebrieux, 9, comme l'Ancien Testament fut dedié, il dict que Moyse ayant leu tous les commandemens de la Loy, prenant le sang des veaux et boucs, avec l'eau et la laine pourprine, et l'hyssope, ipsum quoque librum et omnem populum aspersit. Mais omnia in figura contingebant illis; et ou est le livre que Nostre Seigneur a aspersé de son sang, au Nouveau Testament, sinon la Croix, en laquelle Nostre Seigneur ayant leu tous les commandemens de la Loy, qui n'est autre sinon: Diliges Dominum, etc., Mandatum novum do vobis, ut diligatis vos invicem, crie a haute voix: Pater, ignosce illis; In manus tuas, etc.? Il asperse tout le monde de son sang par l'institution des saintz Sacremens, particulierement de celuy de l'Autel..

  A007000673 

 Je vous prens a garant, o seraphique saint François, si jamais vous aves appris les saintz et admirables traitz de vos sermons et conversations, sinon en ce saint livre.

  A007000673 

 La Croix est le vray livre du Chrestien, et je vous prens a tesmoin, o Bernard, tres doux et devot Docteur; car ou aves vous repeu vostre entendement de la tres douce et tres souëfve doctrine dont vous nous aves laissé les saintes instructions, sinon en ce livre, quand vous disies: Fasciculus myrrhæ dilectus meus mihi? [174] Je vous appelle a garant, o grand saint Augustin, qui, constitué entre les deux misteres de la Nativité et de la Passion, pouves dire: Hinc lactor ab ubere, hinc pascor a vulnere.

  A007000673 

 » La a appris ses saintes leçons la devote Magdeleine, qui, puys apres, les annonça aux Provençaux; la, la devote Catherine Siennoise, qui, puys apres, nous a laissé ses devotz memoyres..

  A007000675 

 Je me suis estendu sur ceste premiere glorification que nous devons avoir en la Croix, pour vous conjurer d'y [175] penser et repenser tous les jours le plus souvent que pourres, et parmi la nuict toutes les fois que vous vous esveilleres.

  A007000676 

 Voicy maintenant la seconde glorification: c'est que nostre salut y est, c'est la ou Nostre Seigneur nous a sauvés; car combien que toutes les actions de sa vie, jusques aux plus petites, ayent esté infiniment suffisantes pour operer nostre salut, neantmoins la volonté de Dieu son Pere et la sienne a esté de ne l'accomplir qu'en la Croix.

  A007000677 

 O bel aubespin, sur vos branches se perchent les oyseaux du ciel ecclesiastique, par meditation, et la, gazouillent doucement en saintes louanges.

  A007000678 

 Tous les Chrestiens sont Juifz et enfans d'Abraham selon l'esprit: Qui filii sunt promissionis, æstimantur in semine; Rom., 9.

  A007000679 

 Luy est le Christ, mays nous sommes les Chrestiens: Hæredes quidem Dei, cohæredes autem Christi.

  A007000679 

 Vous sentes vous point adoucir le cœur quand on vous dict que vous estes roys? S'il vous plaist, dites donques: O toutes les richesses du monde ne sont en rien comparables a ceste royauté, car elles perissent, on n'en peut jouir; mais celles la sont purement nostres.

  A007000681 

 Au reste, laisses dire les adversaires: Multi ambulant, quos sæpe dicebam vobis, inimicos Crucis Christi.

  A007000682 

 Elle vint au mont Calvaire, ou les Gentilz avoyent mis la statue de Venus.

  A007000693 

 Le tems: ce fut apres l'Ascension de Nostre Seigneur, pour vray tesmoignage de sa gloire; car, comme les roys font largesse, etc. Mays non tout incontinent, affin de donner tems a la præparation: Ego sto ad ostium et pulso; Fili, præbe mihi cor tuum.

  A007000694 

 Dieu en l'Ancien Testament, comparut parmi [180] les desertz, et a Moise, en feu, au buysson et ronciers; au Nouveau Testament, sur la croix, a la colomne, en la creche.

  A007000694 

 Es lieux bien ordonnés, les femmes obeissent et prennent le nom du mari; ainsy faut il que la chair soit spirituelle, non l'esprit charnel..

  A007000695 

 Le Saint Esprit est amour; il ne se trouve qu'en lieu de concorde, il fuit les noyses et se plaict es ames simples et debonnaires; et c'est pourquoy il comparut une foys en forme de colombelle.

  A007000695 

 Les Anges apparoyssent aux pasteurs qui veilloyent.

  A007000706 

 Ainsy Nostre Seigneur voyant les hommes, il leur donne le pain confortatif..

  A007000706 

 Le bon Abraham estant en la vallëe de Mambré, a l'entrëe de sa tente ou pavillion, au gros du jour, vit troys personnes qui estoyent Anges; il les invita sous un arbre et leur dict: Ponam buccellam panis, ut confortetur cor vestrum; postea transibitis.

  A007000708 

 Mays voyons un peu les proprietés singulieres de ce pain celeste.

  A007000709 

 Ce qui ne doit estre merveilles; n'a on pas veu les gens vivans d'herbes, verds? Vivo ego, jam non ego, vivit vero in me Christus..

  A007000712 

 Ce pain nous corrobore mesmes contre les ennemis; si que de ce pain, nous pouvons dire: Parasti in conspectu meo mensam, adversus eos qui tribulant me; comme l'interprete Cyp., ad Cæcilium.

  A007000724 

 Mais sur tout lhors qu'il se faict appeller Jesus, car les medecins ne guerissent pas tousjours, et partant il ne le faut pas qualifier medecin, mays Sauveur, d'autant que ses receptes sont infallibles..

  A007000724 

 Nostre Seigneur, grand et excellent Medecin de toutes nos infirmités, avant qu'arriver en ce monde, faict entendre par tout et son arrivëe et les maladies desquelles il guerit.

  A007000724 

 On void souventesfois es bonnes et grosses villes, et peut estre l'aures vous bien remarqué, qu'arrivant quelque signalé operateur, il faict incontinent publier son arrivëe, et les maladies desquelles il faict profession de guerir plus particulierement, affin que ceux qui en sont travaillés viennent au secours vers luy.

  A007000725 

 Concluons donques pertinemment par tout son discours, que son playsir est de ramener les pecheurs a sa misericorde..

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000726 

 Les pecheurs sont donques esloignés de Nostre Seigneur? Ouy, infiniment.

  A007000726 

 Mais ces graces sont les [186] effectz propres et particuliers du Saint Esprit; il nous faut donques demander sa benite assistance, et pour aysement l'obtenir, employons y la faveur de sa tres glorieuse Espouse, la saluant: Ave Maria..

  A007000726 

 Mays pensons y premierement un peu de pres, affin que le desir de nous approcher de Nostre Seigneur nous vienne d'autant plus grand; et puys nous verrons les moyens de nous en approcher, et les consolations que nous aurons en ce saint approchement, affin que reconnoissant le bannissement auquel les pechés constituent l'ame, nous nous ostions au plus tost de peché si nous y sommes, nous nous gardions de jamais y retourner, et nous approchions tousjours de plus pres de Nostre Seigneur.

  A007000728 

 72: Qui elongant se a te peribunt; comme la brebiette qui s'esgare parmi les halliers, es montaignes et forestz, court fortune: qui elongant.

  A007000728 

 Je trouve admirable et profonde la description que le saint personnage et langoureux prophete Job faict des pecheurs, quand il les qualifie en ceste façon: Qui dixerunt Deo: Recede a nobis, scientiam viarum tuarum nolumus (cap. 21 ); Retire toy, va t'en, destourne toy de nous, nous ne voulons point sçavoir tes chemins. O belle façon de parler, o description pleine de doctrine! Pour dire les pecheurs, il dict ceux qui ont dict a Dieu: Retire toy de nous.

  A007000729 

 Ce sont les deux maux [187] du peché, que disent les theologiens: Aversio a Deo, et conversio ad creaturam; se separer, se retirer, s'esgarer, s'esloigner et fourvoyer de Dieu, et se joindre, accointer, s'allier et unir a la creature.

  A007000731 

 Ilz voudroyent que jamais Dieu ne les vist, qu'il ne pensast point a eux, qu'il ne fust point parmi eux.

  A007000731 

 La ou, remarques la façon, l'immobilité est propre a Dieu et la mobilité aux pecheurs, et ilz la veulent renverser: Recede a nobis, etc. Secondement, l'ame s'esloigne de Dieu fuyant ses graces et les moyens qu'il nous propose pour nostre salut; comme l'on dict qu'un tel fuit les medecins, non pas pource qu'il laisse la personne des medecins, mays les remedes: Scientiam viarum tuarum nolumus..

  A007000732 

 Ainsy sont loin de Dieu les pecheurs; ainsy sont-ilz esloignés de ses misericordes.

  A007000733 

 C'estoit pour figurer que ce second et veritable David devoit laisser approcher de luy les pauvres et necessiteux, les affligés et les miserables, ceux qui gemissent sous le pesant fardeau des infirmités corporelles, et beaucoup plus ceux qui sont accablés sous l'espouvantable fardeau du peché..

  A007000733 

 Il est raconté de David, au chap. 22 du I. des Roys, qu'estant dans la caverne de Odolla, les souffreteux et affligés s'en vindrent a luy, et il se rendit leur roy.

  A007000734 

 Les Pharisiens murmurent quia hic peccatores recipit; mais voyons un peu le progres, comme il les reçoit, et nous verrons grandes choses, Le pecheur se peut bien esloigner de Dieu, et de soy mesme, c'est chose certaine.

  A007000735 

 En quoy les prædicateurs sont advertis de faire ce que dict saint Pol de luy mesme: Omnibus omnia factus sum.

  A007000737 

 Ilz ne font pas comme les conviés a ce grand festin, qui s'excusent; ceux ci viennent et sont les bien venuz.

  A007000739 

 Ce sont les eaux de contrition qui font germer ceste terre, produire des fruictz.

  A007000739 

 Il tire des plus grans pecheurs les exhalaisons saintes, qui sont les considerations de leurs fautes, jusques a un certain degré de crainte et d'apprehension, jusques a la moyenne region de l'air, considerant qu'ilz sont entre le Paradis et l'enfer, entre la damnation et salvation.

  A007000739 

 Il va dardant ses rayons sur les justes et injustes, et des plus fangeux bourbiers, il tire les vapeurs en haut, lesquelles, arrivëes a certaine distance, sont converties en une douce pluÿe, laquelle descendant donne vie et faict germer les fruictz.

  A007000741 

 Les Anges attendent nostre pœnitence, les Saintz prient pour icelle.

  A007000741 

 Sortons, sortons de ceste Egypte; approchons-nous de Nostre Seigneur; faysons provision de bonnes œuvres; [192] que les piedz de nos affections soyent nudz; revestons nous d'innocence; ne nous contentons pas de crier misericorde, sortons de l'Egypte: Egredimini de Babylone, fugite a Chaldæis.

  A007000750 

 En quoy, affin de vous y ayder selon mon petit pouvoir, et vous donner quelques instructions pour vous faire benir Dieu, je vous ay apporté les parolles de David: Ecce nunc, etc., asseuré que je suis que si vous le benisses bien, il vous bénira de benedictions inestimables..

  A007000752 

 C'est ainsy que vivent les manouvriers, et que les peres et meres demandent obeissance a leurs enfans et les appellent leurs; et neantmoins, le pere et la mere ne font pas du tout les enfans, car l'ame n'est pas de leur facture, ni les ouvriers ne font entierement ce qu'ilz font, car si le drapier faict le drap, il ne faict pas la laine.

  A007000757 

 L'autre conclusion qu'il faut tirer, c'est qu'estant descendus au rien, remontant a l'estre que Dieu nous a baillé, et considerant de poinct en poinct combien nous sommes dependans de Dieu et combien nous sommes obligés a le servir, il nous faut faire une exclamation a nostre ame: Nonne Deo subjecta erit anima mea? [196] Comment, si Dieu m'a creëe, et non seulement creëe, mays rachetëe d'entre les mains d'un si cruel et barbare tyran, avec tant de sang, si je luy ay voué et presté fidelité, qui me levera jamais de son service? Escoutes comme David estoit en ceste resolution: Quasi jumentum factus sum apud te, et ego semper tecum.

  A007000758 

 Mays outre, tout cela, il y a une autre rayson: c'est que nous nous servons de toutes les creatures, et icelles nous servent volontier, en intention que nous servions Dieu pour elles; car elles, ne pouvant pas servir Dieu, lequel estant esprit ne peut estre servi que par esprit, elles nous servent a celle fin que nous servions Dieu tant en leur nom qu'au nostre.

  A007000760 

 La on ne sert plus Dieu visitant les malades, la on ne visite point les prisonniers, la on ne jeusne plus, la on ne faict plus l'aumosne, la on ne reschauffe plus les refroidis, la on ne vestit plus les nudz, pource que hyems transiit et recessit.

  A007000760 

 Or est-il qu'entre toutes les façons de servir Dieu, [la meilleure] c'est de le servir en la façon qu'il est servi en Paradis; car c'est luy qui nous enseigne a demander que son service soit fait en la terre comme au Ciel; car il n'y a pas difference entre servir Dieu et faire sa volonté.

  A007000761 

 Dequoy j'entre en admiration comme il se peut faire que l'homme ou l'Ange ayment Dieu, et comme Dieu s'ayme soy mesme; car si aymer est desirer du bien a une personne, comme voules vous qu'on ayme Dieu a qui on ne sçauroit desirer aucun bien? Car, puysque Dieu est toute sorte de bien, on ne luy sçauroit desirer aucun bien qu'il ne l'aye plus parfaittement qu'on ne sçauroit desirer; et si il l'a, pourquoy le desirera-on? Et puys, au bout de tout cela, le bien en Dieu est essentiel; de maniere que comme ce seroit chose hors de propos de s'amuser a desirer qu'un Ange soit Ange, puysque c'est sa nature d'estre Ange, et de desirer que les Maures soyent noirs, puysque c'est leur nature, aussi semble il hors de propos de desirer que Dieu ayt quelque bien, puysqu'il a tout bien par nature..

  A007000764 

 Mays quoy, il void que tous les sacrifices et holocaustes ne sont point aggreables sans la gace: Non delectaberis; alioquin dedissem utique.

  A007000766 

 Seigneur, nous sommes vos serviteurs indignes, qui n'avons pas gardé les regles de vostre service.

  A007000778 

 Ce n'est asses pour estre tesmoin de verité d'alleguer l'Escriture; car qui allegua jamais plus que les Arriens? Les Libertins mesmes, pour monstrer qu'il ne faut point d'Escriture, alleguent l'Escriture, contre lesquelz mesme Calvin escrit; le diable mesme..

  A007000792 

 Saint Pol, extraordinaire, veut l'adveu d'Ananie (Act. 9 ), qui, luy imposant les mains, dict: Ut [203] videas, et implearis Spiritu Sancto. Act.

  A007000795 

 Il contient 3: la foy, Ecce Agnus Dei; les Sacremens, partant il baptize; les commandemens, et il les garde tres estroittement: donques testimonium perhibuit de lumine.

  A007000795 

 Les Prophetes l'avoyent prædict.

  A007000798 

 L'aube faict chanter les pouletz; la belle estoille resjouit les malades, faict chanter les oyseaux.

  A007000799 

 Les publicains venoyent a luy pour estre baptizés; nous avons besoin de son baptesme de pœnitence: tant de pechés.

  A007000804 

 Ceux qui se sont departis jusques a present de l'Eglise, ont pris diverses excuses par les deux extremités pour couvrir la faute qu'ilz avoyent faite de n'y point demeurer et la mauvaise affection de n'y point retourner; car les uns ont dict qu'elle estoit invisible; les autres confessant l'Eglise visible, ont dict qu'elle pouvoit defaillir et manquer pour certain tems; et partant, qu'encores que leur eglise semblast nouvelle pour n'avoir pris succession de personne, elle ne l'estoit toutesfois pas, ains estoit l'ancienne, morte et esteinte pour certain tems, puys par eux resuscitëe et ce sacré feu continuel, r'allumé: voulans les uns faire l'Eglise tellement parfaitte, qu'elle soit toute spirituelle et invisible; les autres, la faire si imparfaitte, que non seulement elle soit visible, mays encores corruptible: semblables a leurs anciens devanciers hæretiques, desquelz les uns vouloyent tellement diviniser Nostre Seigneur qu'ilz nioyent son humanité, les autres tellement l'humaniser, qu'ilz en nioyent la divinité.

  A007000804 

 Mays tout cecy ne sont qu'occasions recherchëes pour pallier et masquer l'abomination de la division qu'ilz ont faitte en l'Eglise, laquelle donnant des tesmoignages de sa visibilité et de son incorruption, pendant que les sectaires devisent ainsy d'elle, elle comparoist par tous les lieux de la [206] terre sur l'ancien et le nouveau monde, et par tout se faict voir et regarder en ses serviteurs et prædicateurs, pour tesmoignage tres asseuré de sa visibilité et pour attester de son incorruption.

  A007000805 

 Or, ce qu'elle mesme faict voir par experience, je m'efforceray a vous le faire voir par discours, produisant les bons et indubitables tiltres qu'elle a pour sa visibilité et incorruption, qui est le gros du proces que nous avons avec nos adversaires.

  A007000807 

 L'Eglise donques, auditoire chrestien, faict asses paroistre par effect qu'elle est visible, incorruptible et immortelle, se faysant voir par tout, toute telle qu'elle avoit esté prædicte par Nostre Seigneur, ses Apostres et les Prophetes: et me semble bien que ceste preuve la seule pouvoit suffire a qui ne voudroit pas estre contentieux et opiniastre.

  A007000809 

 Ilz trouveront bien, Num. 20, 4, que le peuple se plaignant de Moyse au desert Sin a faute d'eau, il dict: Cur eduxisti ecclesiam in solitudi nem? Mais qui [207] ne void que ceste assemblæe estoit visible? Ilz trouveront, Actes, 20, que saint Pol allant de Chio en Hierusalem, ne voulant passer par Ephese de peur d'y arrester trop, voulant faire le jour de Pentecoste en Hierusalem, des Milette il envoya appeller les anciens de l'Eglise, et en une exhortation qu'il leur fit: Attendite vobis, et universo gregi, in quo vos Spiritus Sanctus posuit episcopos regere Ecclesiam Dei, quam acquisivit sanguine suo.

  A007000811 

 C'est donques chose certaine que l'Eglise est visible, par les tesmoignages de l'Escriture, d'autant que par tout ou l'Escriture nomme l'Eglise, elle entend une assemblëe visible..

  A007000812 

 Maintenant, voyons les qualités qui luy sont donnëes en l'Escriture.

  A007000813 

 Mais sur tout les comparaysons et les noms que donne l'Escriture a l'Eglise doivent estre bien remarqués.

  A007000814 

 Jusques a ce verset 37, Et thronus ejus, premierement, il chante les grandes promesses faites a David, qui se devoyent accomplir au tems de Nostre Seigneur.

  A007000815 

 Que comme l'arc en ciel, quoy qu'il ne soit qu'une nuë, si est ce que recevant les rayons du soleil il est rendu tres beau et apparent, ainsy l'Eglise, quoy que ce ne soit qu'une assemblëe d'hommes, si est ce que recevant l'assistance du Saint Esprit, elle est tres belle et tres remarquable, etc., en son unité, en sa pureté, en sa stabilité et perpetuité..

  A007000818 

 Dites moy ou est la vraye prædication sinon en l'Eglise? et ou la chercheray je si je ne sçay ou est l'Eglise? Ou est la vraye administration des Sacremens sinon en l'Eglise? et ou voules vous que je les cherche si ceste Eglise est invisible et cachëe? Le jour de Pentecoste, le Saint Esprit vint il pas en l'Eglise, et toute ceste assemblëe estoit ce pas un cors visible? Mesme le Saint Esprit tient l'Eglise visible a tel poinct que, pour s'accommoder a sa visibilité, luy mesme qui est invisible, s'apparut a elle en forme visible.

  A007000820 

 Saint Pierre, 1, c. 2, appelle il pas l'Eglise domum spiritalem? Aussi l'est elle, car elle n'est pas une mayson materielle, ains [213] ordonnëe a l'esprit; comme les gens qui servent Dieu sont appellés spirituelz, mais ne laissent ilz pour cela d'estre visibles?.

  A007000821 

 Ce qui semble donner a entendre que l'Eglise ne comprend que les seulz esleuz, lesquelz ne sont conneuz que de Dieu.

  A007000821 

 Mays combien que la sainteté et les esleuz ne soyent conneuz que de Dieu, combien qu'elle soit l'Eglise du Sauveur qu'on ne void pas, n'est il pas vray que l'Eglise est ce champ qui comprend la bonne semence et la zizanie; qu'elle est ceste grange laquelle enferme le grain et la paille; qu'elle est ceste grande mayson dont parle saint Pol, ou il y a des vaysseaux prætieux et des vaysseaux vilz et abjectz, et que la separation ne sera faite qu'a la fin du monde, lhors que de militante elle deviendra triomphante?.

  A007000833 

 C'est sans doute que Dieu qui a basti ceste Eglise, l'a bastie si bien et si fermement qu'elle doit estre perdurable; ce que je prouveray maintenant avec de tres preignantes raysons, pour les occasions que je vous diray tost apres.

  A007000834 

 Je crois que vous sçaves, auditeurs chrestiens, que lhors qu'il pleut a Dieu creer le monde, voyant sa divine Majesté la terre et l'eau remplie d'animaux, il les benit tous, et leur donna force en leur nature, chacun en son espece, de continuer leur race jusques a la fin du monde; [de] mesme quand il eut creé l'homme, il le benit, et luy donna la mesme perfection et condition: si que des lhors on ne trouvera pas que jamais aucune sorte d'animaux aye manqué de race; et quant a nous autres, chacun sçait bien que par la ligne droitte et continuation perpetuelle, nous sommes tous descendus, de pere en filz sans interruption, de ce premier pere auquel Dieu donna la force et le commandement de multiplication.

  A007000835 

 Et qui diroit autrement, il feroit tort au sang de Jesus Christ, lequel n'a pas eu moins d'efficace pour fonder son Eglise a perpetuité, que le sang d'Adam a entretenir les generations des hommes; car ne sçaves vous pas que comme Adam a laissé une generation perpetuelle en son sang, aussi Jesus Christ a laissé une generation au sien? Que si le monde dure encores au sang d'Adam, pourquoy ne [216] durera aussi l'Eglise au sang de Jesus Christ? C'est ce que vouloit dire le grand David: Deus fundavit eam in æternum (Pseau. 47); Magnus Dominus et laudabilis nimis, in civitate Dei nostri..

  A007000837 

 Voyes vous? il n'y a rien entre Christ et les siens, ny entre les siens et la fin: l'Eglise donques durera tousjours jusques a la fin, car aussi bien n'aura il jamais vaincu tous ses ennemis jusques a la fin.

  A007000838 

 Donq, avec ceste verge de la sainte Loy, domine au milieu de tes ennemis, qu'est ce a dire sinon que tousjours ceste Eglise seroit stable et visible, en laquelle Nostre Seigneur regneroit et domineroit, voire parmi les plus grandes bourrasques et tempestes des afflictions? Il n'y aura donq jamais tempeste qui empesche Nostre Seigneur de regner en l'Eglise; car autrement il ne domineroit pas parmi ses ennemis, mays demeureroit sans seigneurie et domination en ce monde.

  A007000840 

 Ni les infirmités es afflictions, ni l'ignorance es doutes, ni la malice es deliberations, peuvent prevaloir contre ceste Eglise..

  A007000840 

 Par les portes s'entendent les forces; mays outre cela, je trouve trois portes d'enfer: la malice, l'ignorance, l'infirmité.

  A007000840 

 Que voudroit on davantage pour la verification de ceste perpetuité? Les Propheties et les Evangiles en sont tout pleins.

  A007000841 

 Ceste verité est si claire et si puyssante, que Calvin mesme s'en est laissé eschapper la confession, Inst., liv. 4, sur les parolles desja alleguëes, ou il confesse l'assistance perpetuelle avoir esté promise a l'Eglise, y adjoustant une bonne rayson: car, dict il, ce seroit peu que l'Evangile et le Saint Esprit nous eust esté une fois donné, s'il ne demeuroit tousjours avec nous.

  A007000842 

 Les autres donques voyant qu'il n'y avoit point d'honneur de dire, ou qu'il n'y avoit point d'Eglise, ou qu'elle estoit invisible, ont dict qu'au tems qu'ilz s'esleverent il n'y avoit plus aucune Eglise, mais que tout estoit apostasie, idolatrie et superstition; qu'elle estoit morte et esteinte, pleine d'erreurs, et que par eux elle a esté resuscitëe: et contre ceux cy, j'ay monstré maintenant que ce feu est inextinguible, car voyes vous pas la consequence?.

  A007000842 

 On demande a nos adversaires si quand ilz commencerent ceste nouvelle doctrine, il y avoit point d'Eglise de Nostre Seigneur, ou non: les uns respondent qu'ouy, les autres que non.

  A007000843 

 Voyci qui les presse de pres, voyci qui ruine tout leur bastiment, voyci qui faict sauter, ruine et sappe la tour de Babel: c'est pourquoy ilz cherchent de tous costés ouverture pour s'eschapper, disant tantost que leur eglise a tousjours esté, et quand on demande ou elle estoit il y a cent ans, ilz disent qu'elle estoit invisible; tantost ilz disent qu'elle n'estoit pas.

  A007000853 

 Exemple: quand Nostre Seigneur entra en la salle ou les disciples estoyent, les portes fermëes, son cors entra et passa reellement au milieu d'eux; mais non pas naturellement mais surnaturellement et spirituellement, neantmoins tres reellement..

  A007000854 

 Exemple (I Corinth. 10 ): Tous les anciens mangeoyent une mesme viande spirituelle et beuvoyent un breuvage spirituel; or, ilz beuvoyent de la pierre spirituelle qui les suivoit, et la pierre estoit Jesus Christ.

  A007000854 

 Les anciens beuvoyent Nostre Seigneur spirituel, mays non reellement, ains par foy, etc..

  A007000855 

 Et quand a l'Eglise Catholique, elle tient que Nostre Seigneur est receu reellement et spirituellement, et que comme reellement il entra en la salle les portes fermëes, ainsy entre il dans nostre cors; mays comme il entra en la salle en façon d'esprit, sans ouverture des portes, sans estre veu ni apperceu jusques a tant qu'il fut au milieu des Apostres, ainsy il entre en nous en façon d'esprit sans occuper place, estre veu ni apperceu..

  A007000856 

 Secondement, parce que le cors de Nostre Seigneur entrant en la salle estoit vray cors, et entra sans estre veu ni apperceu, sans ouvrir les portes, sans occuper place; ainsy sortit il du sepulchre, ainsy monta il au Ciel, tout sur la nature des cors, ainsy chemina il sur les ondes..

  A007000858 

 Or, tout cela dict par maniere de præparatoire, je vous diray les tres preignans et inevitables motifz que nous devons avoir pour nous arrester fermement en ladicte creance de la realité..

  A007000859 

 26, Luc, 22, saint Pol, 1 Corinth. 11, recitent les parolles de l'institution..

  A007000859 

 Premierement, les tres expresses, tres pures et tres claires parolles de Nostre Seigneur, en saint Jan, 6, ou sont les promesses: Ego sum panis vivus; Qui manducat me; Panis quem ego dabo, caro mea est; Caro mea vere est cibus; Nisi manducaveritis.

  A007000860 

 Secondement, que s'il estoit loysible d'interpreter ainsy les passages de l'Escriture, elle seroit comme une giroëtte.

  A007000863 

 Certaines circonstances racontëes par les Evangelistes sont un grand motif.

  A007000863 

 Les saintes ceremonies et paroles des Evangelistes: Sciens Jesus quia venit hora ejus ut transeat ad Patrem, cum dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos; cæna facta, etc., surgit a cæna et posuit vestimenta sua, et cum accepisset linteum præcinxit se; deinde misit aquam in pelvim, etc. [227] La benediction, etc.; action de graces; la menace de saint Pol: Non dijudicans Corpus Domini..

  A007000867 

 L'authorité de tous les Peres; car il ni en a pas un.

  A007000871 

 Les [228] Grecz: liturgie, litourgonton, Act., 13: Ministrantibus illis Domino et jejunantibus, dixit Spiritus Sanctus: Segregate mihi Saulum et Barnabam; sacrifice, dont Erasme a mis sacrificantibus..

  A007000872 

 Les deux premieres sont pour reverence, et dont nous n'avons pas expres commandement en particulier..

  A007000873 

 Ni la ceremonie et forme; nom plus que celle des advérsaires, qui font le matin, ou on dict l'Epistre aux Chorinth., ou on ne lave point les pieds; mays a sçavoir si en la Cene Nostre Seigneur fit le sacrifice.

  A007000873 

 Quand on demande si Nostre Seigneur et les Apostres ont dict Messe, il ne faut pas chercher le mot, non plus que celuy de Sacrement, de Trinité, de Cene, mais la chose.

  A007000874 

 Par les paroles: datur, Luc. 22; et effunditur pro vobis et pro multis..

  A007000875 

 C'est un memorial de sacrifice, et comme les anciens qui figuroyent estoyent vrais sacrifices..

  A007000881 

 Par les figures..

  A007000884 

 N'est contrair'a la Croix, ains son application; ni les prestres au sacerdoce de Nostre Seigneur, ains ministres, serviteurs, applicateurs..

  A007000900 

 Ainsy Nostre Seigneur desirant extremement de parachever l'œuvre de nostre redemption, s'avoisinant le tems de sa Passion, il en faict des discours et prædictions a ses Apostres en plusieurs lieux, et particulierement en la portion evangelique que [231] l'Eglise nostre Mere nous propose aujourd'huy pour l'entretien de nos ames, ou Nostre Seigneur, comme grand Cappitaine, traitte avec ses Apostres de la victoire qu'il devoit remporter sur le peché et ses complices; mays auparavant il discourt de l'aspre bataille de sa Passion, ce que les Apostres ne comprirent pas pour l'heure.

  A007000900 

 Quand un prince tient la prise de quelque ville ou quelque notable victoire asseurëe, vous le voyes a tous propos parler de la bataille, et ne cessons jamais de parler de ce que nous attendons et desirons; ce que sçauroyent bien dire les voyageurs qui, desirans leur arrivëe en quelque ville, ne trouvent personne a qui ilz ne demandent combien le chemin est loin.

  A007000902 

 Ceste Espouse, ames chrestiennes, ou c'est l'Eglise, ou c'est l'ame devote qui est en l'Eglise; et comment que ce soit, par ces paroles qu'elle dict par le sage Salomon, elle monstre que Nostre Seigneur, vray Espoux et de l'ame et de l'Eglise, luy estoit perpetuellement en memoyre, comme le plus aymé de tous les aymés et le plus aymable de tous les aymables.

  A007000902 

 Vous sçaves que l'amitié est ennemie mortelle de l'oubly, dont les Anciens quand ilz la peignoyent, luy mettoyent pour devise sur ses habitz: « Æstas et hyems, procul et prope, mors et vita; » comme si elle n'oublioit ni en prosperité ni en adversité, ni près ni loin, ni en la vie ni en la mort..

  A007000904 

 C'est donq la continuelle odeur que sentent les Saintz et l'Eglise, que la consolation de la Passion.

  A007000904 

 Elle dedie a ceste commemoration tout le Caresme, elle la represente au Sacrifice de [233] la Messe, a tous coups elle en parle, et pour briefvement a toutes les heures rafraischir ceste souvenance, elle enseigne a chacun de faire le signe de la Croix a tous propos.

  A007000904 

 En ses eglises elle propose incontinent le Crucifix, en ses processions, le Crucifix, sur les eglises, aux chemins; et en tous ses exercices elle met tousjours le signe de la Croix.

  A007000905 

 Mays parce que sur ce fait on a voulu censurer l'Eglise, et nos adversaires ont voulu dire qu'il y avoit de la superstition, il nous faut un peu arrester pour voir leurs raysons, et ne penser pas que ce soit hors de propos; car les raysons que les adversaires tiennent estre les principales contre l'usage du signe de la Croix sont sans aucune force.

  A007000906 

 La premiere est que l'adversaire soustient qu'il n'en faut point faire, et s'il y en a de faites, les rompre et les gaster.

  A007000908 

 Je sçay bien que Calvin et les autres cités chez Marlorat [234] interpretent: « Signum, id est, Filius ipse hominis, » qui tam manifeste parebit ac si edito signo omnium in se oculos convertisset.

  A007000908 

 Nostre Seigneur mesme honnorera sa Croix; pourquoy non nous? Or, qu'il soit vray, en saint Matthieu, 24, il est dict entre les autres signes et prodiges qui arriveront au jour du jugement, que signum apparebit Filii hominis in cœlo.

  A007000908 

 Quel signe? La Croix sans doute, mes Freres; car quel autre signe, je vous prie? L'estendart de ce Prince paroistra, mays il n'en faut pas douter, car tous les Peres interpretent ainsy l'Escriture.

  A007000909 

 Au tems d'Arcadius, quand il alloit contre les Persans; Prosp.

  A007000910 

 Par ce que l'Eglise en a prattiqué des les premiers siecles: tesmoin saint Denis, 4, 5, 6 de sa Hier.

  A007000910 

 Tertul., lib. De Cor. mil., dict, que les fidelles faisoyent le signe de la Croix « a chaque pas, » « ad omnem progressum, » etc..

  A007000911 

 Vous semble il pas que nous avons rayson de suivre [235] plustost la prattique de l'ancienne Eglise que les difficultés de ces nouveaux venuz? Or, quelles raysons, je vous prie, proposent ilz?.

  A007000913 

 Response: Mays si la Passion de Jesus Christ n'est pas seulement un supplice mays un sacrifice, certainement la Croix est non seulement un gibet, mays un autel sur lequel a esté consommé l'œuvre de nostre redemption; et en ceste qualité elle doit estre en veneration a tous les fidelles, sa memoyre leur doit estre recommandable et son signe prætieux.

  A007000916 

 Cest escabeau est le Temple, comme disent les Chaldeens; c'est l'Arche de l'alliance, comme disent les Hebrieux: et comme que ce soit, c'est tousjours pour nous, et on infere de la efficacement, que ceste sainte figure est digne d'estre honnorëe, puysqu'elle est consacrëe a Dieu..

  A007000918 

 Selon la version des septante interpretes, il y avoit a ligno, mais, au recit de Justin, in Dialogo cum Tryphone, les Juifz osterent ce mot.

  A007000919 

 : Il vit parmy les sacrifices et augures les diables, comme il desiroit; il se signe, ilz disparoissent.

  A007000919 

 Pour les grans effectz qu'il plaist a Dieu de faire par ce ceremonial, et particulierement contre les demons qui le haïssent; dequoy Lactance rend tesmoignage, [Divin.

  A007000930 

 Et nos plus proches devanciers, suyvant le sacré ton de leurs ayeulz en une devotieuse harmonie, chantoyent a tous coups, en tous lieux Ave Maria, pensans se rendre tres aggreables au Roy celeste, honnorans reveremment sa Mere, et ne sçachans ou rencontrer maniere plus propre pour l'honnorer qu'en imitant les honneurs et respectz que Dieu mesme luy avoit decreté et accommodé selon son bon playsir, pour l'en faire honnorer, le jour que sa divine Majesté voulut tant honnorer en ceste Vierge tout le reste des hommes, que de se faire homme luy mesme.

  A007000930 

 O sainte Salutation, o louanges bien authentiques, o riches et discretz honneurs! Le grand Dieu les a dictés, un grand Ange les a prononcés, un grand Evangeliste les a enregistrés, toute l'antiquité les a prattiqués, nos ayeulz nous les ont enseignés..

  A007000930 

 Toute l'ancienne Eglise, par tous les lieux du monde, en un parfait consentement d'espritz, avoit tousjours salué la Mere de Dieu de ceste façon angelique: Ave Maria, gratia plena.

  A007000932 

 O les terribles gens que voyla! ilz gaigneroyent mieux de dire tout en un mot que c'est mal faict pource que l'Eglise le commande, laquelle ne faict rien a leur gré..

  A007000934 

 Si donques Marie n'apporte point que de bonne doctrine, n'ayant jamais rien dict en l'Evangile que saintement, pourquoy nous defendra on de la saluer? Si elle est sainte et la plus sainte, pourquoy ne la saluerons nous? Est ce la doctrine que Nostre Seigneur nous a appris, disant tant de fois: Pax vobis, pax vobis? Et en saint Matthieu, 28, rencontrant les Maries: Avete, leur dict il..

  A007000935 

 Mays, disent les hæretiques, vous salues les absens.

  A007000936 

 Or, estant ainsy arresté que c'est chose sainte de saluer la Vierge, je vous demande quelle salutation pourroit on trouver plus sainte que celle cy? l'Autheur saint, les parolles saintes.

  A007000937 

 Mais qui diroit jamais les saintz mouvemens que reçoit le cœur devot en ceste sainte Salutation? Ceste Salutation repræsente le tressaint mistere de l'incarnation, et partant l'Eglise adjouste aux paroles de l'Ange, qui portent desja ce mistere gravé, celles de sainte Elizabeth: Benedictus fructus ventris tui, pour le repræsenter encores plus expressement.

  A007000952 

 Ainsy le faut il croire sans doute; et partant, voulant aujourd'huy vous monstrer avec ces paroles un des premiers et plus importans fondemens de la doctrine chrestienne, je vous supplie, demandons a ce celeste Consolateur son ayde, laquelle pour mieux obtenir, il nous y faut employer l'intercession de tous les Saintz, particulierement de la glorieuse Vierge, a laquelle partant nous presenterons l' Ave Maria..

  A007000952 

 C'est ce grand desir qui apprivoisa l'homme avec son ennemy capital par les [244] artz divinatoires, et qui baille credit a tant de pronostiqueurs Ce fut ce desir qui fit sortir d'Athenes et tant courir ce grand Platon, comme dict saint Hierosme, Epist.

  A007000952 

 C'est un viel axiome entre les philosophes que tout homme desire de sçavoir: « Omnis homo natura scire desiderat, » dict Aristote; en quoy l'esprit humain est si ardent, que l'ennemy ne sceut trouver tentation plus grande pour decevoir nostre premier pere que de luy proposer: Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, Vous seres comme des dieux, sçachans le bien et le mal; Genes., 3.

  A007000952 

 Et affin de leur aiguiser ce desir, il leur dict: Adhuc multa, etc.; puys, pour les combler d'une certaine, et magnifique esperance et consolation, il leur dict: Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, etc.; puys, parce que la science peut nuire a qui l'a s'il ne la rapporte a bonne fin, il leur adjouste: Ille me clarificabit, quia de meo accipiet. Mays ce pendant Nostre Seigneur monstre par ces paroles que personne ne peut estre capable de la celeste doctrine sinon par la faveur du Saint Esprit.

  A007000954 

 des Roys, de l'admirable fabrique du Temple de Salomon, raconte qu'il n'y avoit qu'une entrëe en l'oracle qui estoit dans iceluy; mays ceste entrëe avoit deux huis de bois d'olive, il y avoit cinq posteaux, et sur les huis estoyent peintz des cherubins, des palmes, entaillé et relevé d'ouvrages; au parsus tout y estoit doré.

  A007000955 

 En icelles sont les cherubins, c'est a dire la plenitude de sçavoir; les palmes, la victoire et la force contre les tentations: Virtus enim Dei est ad salutem omni credenti, Rom., 1; Assumite gladium spiritus, quodest Mot Dei, Ephes.

  A007000955 

 Tout y est couvert d'or; ceste couverture sont les œuvres de charité, parce que la foy sans la charité est morte, 1.

  A007000956 

 Mais parce qu'en ceste doctrine nous ne sommes pas d'accord avec les adversaires, j'en diray sommairement quelque chose qui confirmera l'interpretation et la foy catholique, en cest ordre: premierement, qu'il y a des saintes Traditions en l'Eglise; 2.

  A007000956 

 comme il les faut connoistre; 5.

  A007000956 

 l'authorité qu'elles ont sur les Chrestiens; 4.

  A007000956 

 une briefve resolution contre toutes les objections des adversaires..

  A007000957 

 Quant au premier, j'auray bien tost faict; car comme les Traditions donnent authorité a l'Escriture, ainsy que je monstreray bien tost, de mesme les Escritures donnent authorité aux Traditions, comme deux huis qui s'entrejoignent, comme les deux cherubins qui s'entreregardoyent au propitiatoire..

  A007000961 

 Entre autres choses, il dict qu'en « l'Eglise, comme en un riche depositaire, les Apostres ont conferé tout ce qui est de la verité, ut omnis quicumque velit, sumat ex ea aquam vitæ.

  A007000964 

 Que diray je des adversaires? Combien ont ilz de Traditions? Le Dimanche, par tout l'observation d'iceluy; Pasques, l'Ascension en quelques lieux; le Baptesme des petitz enfans, les parrains, l'imposition des noms, donner la cene le matin, se marier devant le ministre.

  A007000965 

 Quant au II e, je dis les Traditions estre necessaires: [1.] pour authentiquer l'Escriture; car qui nous a dict qu'il y a des Livres canoniques? L'Alcoran dict bien qu'il a esté envoyé du ciel, mais qui le croit? Qui nous a dict l'Evangile de saint Marc, etc., plustost que celuy de [249] saint Thomas et de saint Bartholomé? Pourquoy ne reçoit on l'Epistre qui porte le tiltre ad Laodicenses puysque saint Pol aux Coloss., c. ult., atteste leur avoir escrit, plustost que celle aux Hebrieux? Pourquoy croiray je que l'Evangile de saint Marc est celuy de saint Marc qu'on monstre maintenant?.

  A007000971 

 1, mediate, per Spiritum Sanctum in Ecclesia præsidentem; per Apostolos, ut jejunium Quadragesimæ et alia multa, vel per Ecclesiam, comme il y en a beaucoup, et ont la mesme authorité que les loix escrittes.

  A007000971 

 III. Auctoritatem habent a Christo et ab Ecclesia, bon gré mal gré tous les adversaires.

  A007000976 

 Premierement, se souvenir que les Traditions sont paroles de Dieu comme l'Evangile, etc.; non jamais contraires a l'Escriture.

  A007000976 

 V. Pour resoudre briefvement tous les argumens, voicy les regles.

  A007000977 

 Ce qui est explicite est suffisant pour sauver les particuliers, mays non pour l'instruction de tout le cors; ainsy est refuté ce passage qu'on objecte: Hæc scripta sunt ut credatis, etc., et ut credentes vitam habeatis..

  A007000978 

 Ainsy est refuté ce passage, Isa., 29: In vanum colunt me, docentes mandata et doctrinas [252] hominum, et tous les livres qu'on a faict adversus humanas Traditiones..

  A007000980 

 La 2, c'est de les lire.

  A007000989 

 Entre les signalëes faveurs que la bonté de Dieu fit a son bon serviteur Abraham nostre grand pere, l'une fut a mon advis, des plus grandes, lhors qu' en la vallee de Mambré, sa divine Majesté le vint visiter en son tabernacle visiblement, ainsy que raconte le Genese, chap. 18; car quel homme estoit ce qu'Abraham, affin que vous le visities? Apparuit ei Dominus in convalle Mambre.

  A007000990 

 Ainsy levons les yeux vers ceste lumiere æternelle, a celle fin qu'elle daigne nous illuminer de son Esprit, et qu'en sa clairté nous puissions voir de ce saint mistere ce que nous en devons connoistre et ce qu'il luy plaira nous en faire voir, affin de le croire, le croyant y esperer, y esperant l'aymer, et qu'ainsy vrayement « gloire soit au Pere et au Filz et au Saint Esprit.

  A007000990 

 Gloria Patri, etc. Nous luy rendons la gloire si nous croyons, esperons et aymons ceste supreme essence en sa tres glorieuse Trinité, si nous prions les troys Personnes de demeurer avec nous, si nous lavons leurs pieds, si nous les invitons sous l'arbre, ce que comme on le doive faire, je prætens vous le monstrer briefvement.

  A007000990 

 Mays pour cest effect il nous faut faire tous ensemble comme Abraham, [255] lequel leva les yeux en haut, et autrement n'eust pas eu cest honneur.

  A007000992 

 Mays quant a l'article de la tressainte Trinité, il est tellement particulier aux Chrestiens, que mesme le peuple Hebrieu n'en avoit pas pour la pluspart connoissance expresse, [et] que jamais les payens n'y estoyent arrivés: qui occasionne saint Hierosme a s'escrier en l'epistre ad Paulinum « Hoc doctus Plato nescivit, [256] hoc eloquens Demosthenes ignoravit.

  A007000993 

 Si donques ceste feste a esté instituëe pour tant et de si justes raysons, avec combien de devotion la devons nous [257] celebrer, maintenant que les causes de son institution sont renouvellees..

  A007000993 

 « Sunt gradus ad impietatem, et nemo repente fit pessimus.» Les Trinitaires, sortis de l'escole calvinienne, sont ilz pas encores en la Transylvanie? n'ont ilz pas escrit, les uns avec Arrius, les autres avec Sabellius? Superbia eorum qui te oderunt, etc. Un Valentin Gentil, un Servet, un Farel, un Viret ont du tout infecté ceste sainte doctrine, la ou Calvin et Beze, faysans les fins, s'entremettent parmi.

  A007000995 

 Et cest amour supreme qui les lie ainsy l'un a l'autre, procedant du regard qu'ilz ont l'un a l'autre, est une troysiesme Personne divine esgale a eux, consubstantielle a eux, infinie, æternelle et independante comme eux, qui est le Saint Esprit, l'amour et l'unité du Pere et du Filz, et le terme sans terme de leur mutuelle complaysance et des emanations æternelles..

  A007000997 

 Au contraire, les Catholiques persistent a dire: « Deum de Deo, lumen de lumine, » et Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto.

  A007000997 

 Nous chanterons tousjours Gloria Patri, d'autant plus encores que Calvin et Beze et leurs hæresies, veulent que toutes les trois Personnes ayent leur divinité de soy et non par communication; qui est un blaspheme estrange, car ainsy il n'y auroit ni Filz ni Saint Esprit.

  A007000998 

 L'autre blaspheme, c'est qu'ilz ne veulent recevoir le nom de Trinité; et leur rayson est, d'autant que Trinité ne veut dire que les Personnes; la personne ne veut dire que residence et proprieté; residence et proprieté n'est pas Dieu.

  A007000998 

 O malheur de nostre aage, o vanité, o arrogance de l'esprit humain, qui entreprend de disputer des verités si eslevees par de si foibles raysons! Ce mot de personne, o Calvinistes, signifie bien plus que vous ne dites, et les docteurs sçavent que personne est le suppost d'une nature intelligente, que c'en est le proprietaire et le possesseur; tellement qu'une Personne divine, c'est celuy qui possede et a en propre la nature divine..

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007000999 

 Les Arriens firent semblable trait, au rapport d'Epiphane, en leurs hæresies, dont les uns ne demandoyent qu'un iota, les autres, comme l'evesque Ancyritin, demandoyent qu'on rayast tous les motz qui n'estoyent de l'Escriture.

  A007001000 

 Cest enfant revenu a soy, et ayant raconté ce qu'il venoit d'apprendre, tout le peuple se print a chanter ce mesme cantique, et par ce moyen appaisa l'ire de Dieu et destourna les malheurs dont il estoit menacé.

  A007001000 

 Il dict qu'a Constantinople, « sous Proclus Archevesque, advindrent plusieurs signes de la juste colere de Dieu; et comme le peuple estoit en priere, un enfant fut ravi, et dans son ravissement, les Anges luy enseignerent ce cantique: Sanctus Deus, sanctus fortis, sanctus immortalis, miserere nobis.

  A007001000 

 » Ne laissons pas donques de chanter: « Pater de cœlis Deus, miserere nobis; » ne laissons pas de dire que les trois Personnes sont adorables et suradorables, pour la gloire essentielle et interieure, et pour la gloire exterieure et attribuee..

  A007001002 

 Helas, il y en a plusieurs parmi les Chrestiens, qui ressemblent a ces philosophes, sont froidz, [262] lasches, n'affectionnent l'honneur deu a Dieu et a ses amis Or, qui est ainsy disposé ne peut dire Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc..

  A007001003 

 Ceste gloire est exterieure et se peut entendre de deux sortes; car pour tous les biens nous devons rendre gloire au Pere, au Filz et au Saint Esprit, mays particulierement pour la mort de Nostre Seigneur et le benefice de la Redemption, pource que Deus sic dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret.

  A007001004 

 Nous devons glorifier toutes les trois Personnes, et nous les devons glorifier par la Personne du Verbe incarné, et particulierement par sa Passion, laquelle il appelle sa gloire en saint Jan, 7: Nondum enim erat Spiritus datus, quia nondum erat Jesus glorificatus.

  A007001005 

 La memoire morte est le saint signe de la Croix; ce sont les prætieuses reliques des Saintz qui ont souffert en leurs cors, comme dict l'Apostre saint Pol, ce qui reste des souffrances de Jesus Christ.

  A007001029 

 Ceux que Dieu a unis, que l'homme ne les sépare point.

  A007001031 

 Pour apaiser plus facilement les conflits sur la foi..

  A007001033 

 Pour punir les évêques dissidents et contumaces.

  A007001036 

 Les portes de l'enfer ne prévaudront point; c'est pourquoi, malgré la porte fermée, Pierre sortit et se sauva..

  A007001040 

 Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes..

  A007001041 

 Achaz, Amon, etc., impies, ne troublèrent pas les fidèles; comptant sur la promesse, ceux-ci ne regardèrent même pas l'impiété présente.

  A007001041 

 Dieu dit à Abraham: En ta postérité seront bénies toutes les nations.

  A007001041 

 Les fidèles furent donc certains que le Messie devait naître d'Abraham.

  A007001058 

 Car si on demande: Panis quem frangimus? les separés respondent: Non est, sed figura.

  A007001058 

 Et pour autant que la principale rayson que les adversaires praetendent avoir pour abandonner l'Eglise gist en ce different, je me suys proposé de vous remonstrer le mieux quil me sera possible les raysons de l'Eglise; ce que je feray avec tel ordre que vostre esprit ne sera pas beaucoup empesché a les retenir, et la probation en demeurera tres manifeste et tres claire..

  A007001059 

 Cinquiesmement, je monstreray que ce Sacrement est non seulement Sacrement, mays Sacrifice; sixiesmement, je monstreray la convenance, et respondray aux raysons contrayres, et iray poursuyvant selon que Dieu me donnera les moyens..

  A007001059 

 je le preuveray par les figures et par les prædictions; 2.

  A007001059 

 par des autres passages, par l'antiquité et les miracles et les raysons, et toute sorte de tesmoins.

  A007001060 

 Et vous autres, Messieurs, qui suyves le parti contraire, je vous adjure par vostre salut et le sang du Sauveur, que vous venies ouir les raysons de l'Eglise Catholique, affin qu'on ne puysse dire de vous que vous l'aves condamnee sans l'avoir ouÿe.

  A007001063 

 13, belle et tres elegante sur toutes les autres, quand ayant dict que la perfection et plenitude de la loy est la dilection, il rend ceste rayson de son [dire]: Et hoc scientes tempus, quia hora est jam nos de somno surgere; propior est enim nunc salus, quam cum credidimus.

  A007001064 

 2, ayant parlé des ceremonies anciennes, il les apelle quæ sunt umbra futurorum.

  A007001064 

 On se leve, pour ce que la Loy ancienne estoit toute couchëe sur la terre, et le peuple y estoit merveilleusement attaché a terre; dont les promesses sont: Bona terræ comedetis.

  A007001064 

 il compare les Juifz a des hommes dormans et les autres aux veillans: Il est tems, dict il, que nous levions du sommeil.

  A007001065 

 De tout cecy je tire consequence que les figures de l'Ancien Testament ne doyvent rien approcher de l'excellence de ce qui nous est donné en leur lieu au Nouveau, nomplus que l'homme dormant au pris du veillant, croire et jouir, la nuict et le jour, l'ombre et le cors, la figure et la chose figurëe.

  A007001065 

 Regardons un peu les figures d'icelle; et si elles ont eu quelque chose d'excellent, considerons que doit avoir ce qu'elles repræsentoyent.

  A007001067 

 Et quoy donq, feres vous les misteres plus grans de l'Ancien que du Nouveau? Si la Cene n'est qu'une signification, ell'est beaucoup moindre que ceste figure.

  A007001067 

 Mays je demande: l'appareil si grand observé en la manducation de l'aigneau, ou sera il repræsenté chez Calvin? Se ceindre les reins, tenir le baston, chaussés, le reste donné au feu.

  A007001069 

 8; ou il est dict que Dieu ordonna deux sortes de sacrifices: l'un, veau, se bruloit hors la ville, hors les tentes, et cestuy ci est accompli en la Passion; l'autre, aigneau, se mangeoit en la ville.

  A007001072 

 Mays si les figures avoyent si magnifiquement parlé de ce Sacrement, oyes un peu les Profetes.

  A007001081 

 Les saintes reliques des Martirs, que Nostre Seigneur a voulu estre recommandables et honnorables par beaucoup de tesmoignages..

  A007001083 

 Int, Nostre Seigneur a tesmoigné en l'Escriture Sainte combien il veut que les reliques soyent honnorables:.

  A007001084 

 Et les os de Joseph, transferés par Moise, furent ensevelis par les enfans d'Israel en Sichem; Josue, ult..

  A007001086 

 13, les larrons de Moab courans, des gens qui portoyent un mort les virent et le jetterent au sepulcre d'Helisëe; ayant touché il resuscita.

  A007001086 

 Cap. 23, Josias renversant les idoles et les sepulcres, [275] en Bethel, voyant un sepulcre, il demanda que c'estoit; auquel estant respondu que c'estoyt un sepulchre d'un prophete, il dict: Nemo commoveat.

  A007001086 

 Sil eut eu quelque reformateur on les eut levé et bruslé..

  A007001088 

 19: Les mouchoirs et ceintures de saint Pol..

  A007001091 

 » Saint Hierosme ad [276] Marcellam ut commigret Bethleem, l'invite d'aller en Samarie parce quil dict y estre les cendres de saint Jan Baptiste, d'Helisëe et d'Abdias..

  A007001112 

 Alors le signe du Fils de l'homme apparaîtra dans le ciel, et alors toutes les tribus de la terre pleureront; et ils verront le Fils de l'homme venant avec une grande puissance et une grande majesté. Le tonnerre précède la foudre..

  A007001114 

 Et toutes les tribus de la terre pleureront sur lui.

  A007001114 

 Le voici qu'il vient sur les nuees, et tout œil le verra, et même ceux qui l'ont percé.

  A007001114 

 Les hommes sécheront de frayeur..

  A007001117 

 Je ne crois pas que jamais plus chaud'alarme fut donnee que celle que les Prophetes donnent aux hommes pour le jour du jugement, ce pendant que l'un crie, Is.

  A007001174 

 A cette question les Ubiquitaires et les Calvinistes répondent d'une manière opposée; car l'un a faim, et l'autre est ivre.

  A007001175 

 De même, les Ubiquitaires semblent ne plus voir autre chose que le Christ.

  A007001175 

 Ils sont ivres, aussi leurs yeux multiplient-ils tous les objets.

  A007001175 

 Les Calvinistes.

  A007001175 

 Les Ubiquitaires ressemblent au peuple d'Israël révolté qui disait: Notre âme est languissante, nos yeux ne voient plus que la manne.

  A007001175 

 Michol se [287] moquait de tout: Pourquoi, lui dit Saül, te moques-tu de moi? Semblables à ces arbres qui avoisinent la mer Morte, dont les fruits tombent en poussière au simple toucher..

  A007001176 

 Pour les Catholiques, le Christ comme homme est réellement présent, non pas partout, mais dans son Sacrement, dans le Ciel et où il lui plaît.

  A007001179 

 De plus, la foi, l'espérance, la charité et tous les Sacrements sont glorifiés par l'Eucharistie..

  A007001213 

 » Ainsi les hérétiques veulent en savoir autant que Dieu: ils n'y réussissent pas, et ils prétendent que la puissance divine ne saurait dépasser leur intelligence..

  A007001215 

 Ainsi les mots: esprit, spirituel, vie, vital, Sacrement, sacramentel, ne nient point la réalité des corps, ils la supposent au contraire.

  A007001215 

 Ce passage: La chair ne sert de rien, ne prouve rien, pas plus que cet autre: Ni la chair, ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu. Quant à ces mots: C'est l'esprit qui vivifie, les paroles que je dis, etc., ils ne répugnent pas au [290] sens des textes cités, car ils ne leur sont ni contradictoires ni contraires.

  A007001215 

 Il est étrange de voir des hommes qui en appellent constamment aux Ecritures se tromper parce qu'ils ne connaissent ni les Ecritures ni la puissance de Dieu..

  A007001215 

 par les paroles expresses de l'Ecriture: Ceci est mon corps qui est livré pour vous.

  A007001216 

 Notre interprétation est confirmée: [1.] par le fait que les quatre Evangélistes exposent ce dogme de la même manière, sans rien ajouter qui nous oblige à le comprendre autrement, ce qu'ils ne manquent pas de faire lorsqu'il y a lieu: Détruisez ce temple; mais il disait cela du temple de son corps.

  A007001220 

 Mais les paroles mêmes du texte et les arguments que nous en tirerons vous feront mieux saisir beaucoup de points..

  A007001221 

 Cela fait, il aborde cet admirable discours, dont je tirerai les preuves suivantes:.

  A007001221 

 Il voulait prêcher la foi à l'Eucharistie; il commence par multiplier miraculeusement les pains.

  A007001221 

 Jésus-Christ marche habituellement pas à pas, Pour montrer à la Vierge que rien n'est impossible à Dieu, il lai donne l'exemple de la femme stérile; pour prouver son pouvoir de remettre les péchés, il guérit les maladies du corps; et ainsi des autres.

  A007001224 

 Ensuite, à considérer la manne selon les apparences, elle serait bien [293] supérieure au Sacrement de l'Eucharistie, si celui-ci ne contenait pas le corps du Seigneur.

  A007001224 

 Or la forme est bien inférieure; quant à la substance, elle n'est en rien supérieure si elle n'est pas le vrai corps de Jésus-Christ; car le corps du Christ en figure, par la foi et dans ses effets, les anciens le recevaient autant qu'il était nécessaire pour obtenir la vie éternelle: Tous mangeaient la même nourriture spirituelle, etc. Or, ils buvaient l'eau [de la pierre] qui les suivait, etc..

  A007001225 

 Je vis par mon Père, parce que j'ai sa substance; donc, de la même manière, etc. C'est une comparaison entre les mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de l'Eucharistie..

  A007001226 

 Le serment est la conclusion de toute la discussion. C'est le même Dieu qui fit serment à Abraham, à David, etc. Or, les paroles que l'on confirme par un serment doivent être claires et conformes au sens qu'y attachent ceux qui interrogent, s'ils ont le droit d'interroger; et les disciples avaient ce droit.

  A007001226 

 Les Juifs murmuraient, etc.

  A007001230 

 Cette présence est produite par l'action de l'intellect et de la mémoire; car l'amour fait l'extase, il sort de soi-même, il est transporté: l'âme est plutôt où elle aime, etc. Et c'est le mode de présence de Jésus-Christ chez tous les croyants, en quelque lieu qu'ils croient, quelle que soit leur nourriture.

  A007001231 

 Dans l'Incarnation, quelques-uns prétendaient que le Verbe s'était changé en chair; Athanase les condamna par ces mots: « [Le Christ] est un, non par une confusion de substances, mais par une unité de personne.

  A007001231 

 Les Marcionites la concevaient d'une façon trop spirituelle..

  A007001231 

 Quant à la Résurrection, les Sadducéens ne l'entendaient que d'une manière charnelle, et s'en moquaient.

  A007001231 

 » D'autres, comme les Valentiniens, soutenaient que le Verbe n'avait pris que l'apparence de notre chair.

  A007001233 

 Car je désirais, etc., pour mes frères qui sont mes proches selon la chair; qui sont les Israélites, auxquels appartiennent l'adoption des enfants, et la gloire, [et] l'alliance.

  A007001254 

 Isaac voulut s'en servir, mais les Philistins les remplirent de terre.

  A007001254 

 Jusqu'à quand, Seigneur, jusqu'à quand les pécheurs se glorifieront-ils? En termes très précis, le Christ avait promis qu'il donnerait sa chair dans l'Eucharistie.

  A007001254 

 Jésus-Christ nous a creusé des puits de doctrine dans l'Ecriture, mais les Philistins les remplissent de leurs interprétations terre-à-terre.

  A007001254 

 [1.] Je me rappelle Isaac, quand il était à Gérare, dans le royaume d'Abimélech, parmi les Philistins.

  A007001255 

 Comment donc peut-on mieux interpréter les paroles de saint Jean, chap. VI? Qu'ils me répondent.

  A007001255 

 Il est étonnant que de toutes les interprétations, ils n'aient trouvé que celle qui est un tissu de blasphèmes.

  A007001255 

 Je les confonds, en passant, par trois preuves.

  A007001255 

 L'Esprit du Seigneur s'emparera, de toi et tu seras changé en un autre homme. Le roi de France ne venge pas les injures faites au duc d'Orléans.

  A007001256 

 Chez les Hébreux, d'ailleurs, pain est un terme générique; ainsi: L'homme ne vit pas seulement de pain, etc. De même, la manne est appelée pain.

  A007001256 

 De même, très souvent, les Anges sont appelés hommes.

  A007001256 

 Les aveugles voient. 3.

  A007001257 

 Car les cerfs qui se nourrissent d'aliments trop durs perdent leurs bois et sont forcés de se recéler.

  A007001257 

 Les Chrétiens sont, semblables aux cerfs, quand leur nourriture n'est pas fraîche.

  A007001277 

 Ici, lesles sont changés, et c'est le Seigneur qui sert les hommes, etc. Mais comment nous exprimerons-nous? [301].

  A007001278 

 Assuérus voulait montrer les richesses de sa gloire, le Christ, lui, veut montrer celles, de sa bonté.

  A007001278 

 Comme il avait aimé les siens, il les aima jusqu'à la fin. Déjà sur la croix, il a montré son amour par deux actes: à son Père, il offre son esprit et s'offre tout entier; à nous, il offre surtout son corps et s'offre tout entier.

  A007001278 

 l'agneau pascal: immolé à Dieu, il est mangé par le père de famille et les autres convives.

  A007001279 

 Dans la dernière instruction, nous l'avons prouvé par les paroles de la promesse; et cela très clairement, si je ne me trompe.

  A007001279 

 Et pour procéder avec ordre, nous établirons de nouveau que Jésus-Christ est bien réellement présent sous les espèces du pain et du vin.

  A007001279 

 Je fais habituellement observer que Jésus-Christ a par deux fois enseigné sa doctrine sur ce point: d'abord en instituant le Sacrement, comme le rapportent les Evangélistes; 2.

  A007001279 

 Nous le prouverons aujourd'hui par les paroles mêmes de l'institution, telles qu'elles nous sont proposées.

  A007001302 

 Ceci est. Par exemple: l'agneau est le passage; la pierre est le Christ; les sept bœufs ce sont les sept années; il n'est pas dit: le pain est mon corps, mais: Ceci est mon corps.

  A007001303 

 Les aveugles voient: que signifie le mot aveugles? [303] Non pas les aveugles, car eux ne voient pas; non pas ceux qui voient, car ils ne sont pas aveugles.

  A007001303 

 Les termes n'ont un sens que lorsque la proposition est achevée, surtout s'ils sont vagues et indéterminés; de même, lorsqu'ils sont généraux, si on leur attribue une signification particulière.

  A007001304 

 Les renards de Samson avaient les queues liées ensemble et les têtes séparées; ainsi les hérétiques convergent tous au même but, l'établissement du règne de la chair, mais ils sont divisés dans leurs dogmes..

  A007001307 

 Saint Cyprien, De la Cène: « Ce même pain des Anges que nous mangeons ici-bas sous les voiles sacramentels, au Ciel, nous nous en nourrirons plus véritablement, sans l'entremise du corps, sans Sacrement.

  A007001309 

 Saint Bernard, I er sermon pour le Jeudi-Saint: « O glorieuse et aimable épouse, sur la terre vous possédez l'Epoux sous les espèces sacramentelles, au Ciel vous le posséderez sans voile! La réalité dans les deux cas, mais voilée ici-bas, à découvert aux Cieux.

  A007001313 

 Matt., XXII: Ils seront comme les Anges, etc.

  A007001313 

 « Dans les choses qui sont propres aux Anges, dans celles qui sont propres à la chair; » Tertullien, De la Résurrection.

  A007001347 

 C'est l'Eglise qui chante tous les jours: « Pleni sunt cœli et terra majestatis gloriæ tuæ.

  A007001347 

 Ce que nos adversaires ne voulant entendre, pour trouver occasion de se separer d'avec l'Eglise leur douce Mere et faire mesnage a part, affin de mieux seconder les impressions de leurs cervelles, ilz ont dict a ceux qui leur ont voulu prester l'oreille, que nous disions Dieu n'estre pas par tout et n'ouÿr pas nos oraysons par tout, ains qu'en l'eglise il avoit « l'oreille plus pres de nous, » pour user des termes de leur maistre.

  A007001348 

 Mays je ne veux pas m'entretenir en cecy, car je ne pense pas qu'il y ayt icy personne tant ennemy de l'antiquité, qui ne porte honneur particulier aux eglises, comme maysons de Dieu; seulement je vous mettray un argument en main a ce propos, lequel vous pouves porter en face de tous les plus esveillés de nos adversaires..

  A007001349 

 Aussi a il les lieux.

  A007001349 

 Pourquoy donques sont ilz plustost appelés jours de Dieu que les autres? Ah, me dires vous, parce que Dieu se les est reservés.

  A007001349 

 Saint Estienne en dict bien autant une fois, mais c'estoit contre les Juifz qui pensoyent qu'hors leur Temple jamais ne deust estre lieu sacré, et pensoyent qu'hors iceluy, Dieu ne deust jamais estre invoqué çelebrement..

  A007001350 

 D'icy est venue la reverence grande que de tout tems les fidelles ont porté aux eglises, et que Nostre Seigneur a enseignëe, disant: Domus mea, etc. David: Dilexi decorem domus tuæ.

  A007001350 

 Mays sur tout les Chrestiens y doivent avoir une plus grande reverence que les autres; car si les Juifz portoyent tant d'honneur a leur Temple dans lequel on ne sacrifioit que des animaux, quelle reverence doivent avoir les Chrestiens lesquelz sçavent que l'eglise est le lieu auquel est sacrifié Jesus Christ, ou le cors de Nostre Seigneur est reservé, si que nous pouvons bien dire ce que le bon homme Jacob disoit quand Dieu luy eut faict part de ses merveilles: Vere Dominus est in loco isto; Gen., 28..

  A007001351 

 En quoy encores elle nous instruit de ce que nous devons faire affin que Jesus Christ fasse son habitation chez nous; car nous sommes les temples de Dieu, pour lesquelz les autres temples ont esté faictz: Nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vobis? Saint Luc dict donques que Nostre Seigneur traversant la ville de Hieri cho, voicy qu'un homme appellé Zachee, prince des publicains, fort riche, vouloit voir Nostre Seigneur quel homme c'estoit.

  A007001352 

 Zachee donques s'appercevant que Nostre Seigneur estoit entré en la ville, a cause du grand peuple qu'il voyoit se presser pour rapprocher, voyant qu'il ne le pouvoit voir parmi la presse, estant petit homme, il s'encourt devant, et monte sur un arbre de figue folle. Il n'est pas comme plusieurs qui pour les choses de Dieu ne remueroyent pas les pieds; mays il est ardent de ne pas laisser perdre ceste commodité.

  A007001353 

 Qui est ce qui ne juge devoir servir Dieu, et qui est ce d'entre les Chrestiens qui, [316] sçachant les grandes recompenses que Dieu donne a ses serviteurs, ne desire le servir? Mais quoy, ilz perdent tout le merite en ce qu'ilz retardent trop, et font comme l'Espouse es Cantiques, laquelle sentant son Espoux a la porte, fit difficulté de se lever pour luy ouvrir; apres, elle voulut luy ouvrir, mays il ne s'y trouva plus; elle le chercha, et ne le trouva plus.

  A007001354 

 Ne sçaves vous pas que Joab respondit a Abner (2 des Rois, 2 )? Il l'avoit poursuivi si vivement, qu'Abner voyant le soleil couché, et que neantmoins Joab poursuivoit tousjours a les battre, il s'escria: Num usque ad internecionem tuus mucro desæviet? Et ait Joab: Vivit Dominus, si locutus fuisses mane, recessisset populus persequens.

  A007001354 

 Pharao entra diligemment en mer, poursuivant les Israëlites, et pensant s'en retourner, il ne fut asses tost.

  A007001364 

 C'est son object, disent les peripateticiens; c'est sa viande, disent les platoniciens; c'est sa perfection, disent ilz tous ensemble, avec nos sacrés theologiens.

  A007001364 

 Elle est plus desirable que l'or et le topaze, plus douce que le sucre et le miel, elle resjouït l'esprit et esclaire les yeux, comme chante David..

  A007001364 

 Que si cela se peut dire de toute sorte de verité, combien plus, je vous supplie, mes chers Freres, de la verité qui est la premiere et la plus excellente de toutes, je dis de la verité chrestienne, au prix de laquelle toutes les autres verités ne sont presque pas tant verités que vanités; « verité plus belle que ne fut onques ceste fameuse Helene, » pour la beauté de laquelle moururent tant de Grecz et de Troyens, dict saint Augustin, puysque pour l'amour d'icelle sont mortz infiniment plus de gens d'honneur et de Martirs tressaintz.

  A007001364 

 Toutes choses sont esbranlëes par sa force, » disoit le sage Zorobabel, qui pour cest apophthegme fut reputé le [320] plus judicieux de tous les Persans et Medois.

  A007001365 

 C'est en somme ce que je pretens faire en ce premier sermon: proposer la verité fort clairement, et pour la mieux faire paroistre, poser aupres d'elle les mensonges qui luy sont opposés.

  A007001367 

 Ainsy furent mangés par les lyons reellement et charnellement les gens que le Roy d'Assyrie avoit amené pour peupler la Samarie, et les enfans qui injurierent Helisëe, par les ours.

  A007001367 

 Ainsy le fut le cors de Jezabel par les chiens, [322] ilz le mangerent reellement et de fait, et charnellement aussi, car ilz le deschirerent comme estant corruptibile, ilz le traisnerent ça et la comme estant pesant, ilz le mordirent comme estant espais, et en fin, ne plus ne moins qu'une chair de cheval ou de bœuf.

  A007001367 

 Ainsy les antropophages des Indes s'entremangent les uns les autres reellement et de fait, et quant et quant charnellement, comme s'ilz mangeoyent la chair des moutons et des veaux.

  A007001367 

 Cecy est sans difficulté: ainsy mon cors est præsent a ceste chaire, et les vostres a vos sieges.

  A007001367 

 Et de mesme, les deux femmes samaritaines, pressees de la famine par le siege, mangerent reellement et charnellement l'un de leurs enfans, le deschirans a belles dens, et remplissans leur estomach et leur ventre de la chair qui en estoit sortie.

  A007001367 

 O mes Freres, c'est reellement, car c'est la propre essence et substance de nos cors qui y est; mays c'est charnellement, car c'est avec toutes les qualités naturelles de nostre chair, la pesanteur, espaisseur, mortalité, obscurité, et semblables marques de nostre misere et propre nature: c'est la façon ordinaire et naturelle de la presence de nos cors et de tous les cors de ce bas monde, selon laquelle aussi peuvent ilz estre mangés.

  A007001368 

 Et partant, tout estonnés de ceste promesse, ilz disoyent entre eux: Comme peut celuy cy nous donner sa chair a manger? Et voyans qu'il persistoit [323] a les en asseurer, mesme avec son plus grand serment ilz adjousterent: Ce propos est bien dur, et qui le peut ouÿr?.

  A007001368 

 Maintenant, mes Freres, il faut que je vous dise que les Capharnaïtes ayans ouÿ que nostre Redempteur avoit si souvent inculqué et repliqué en un sermon qu'il leur faisoit, qu'il failloit manger sa chair et boire son sang, que sa chair estoit vrayement viande, que le pain qu'il donneroit estoit sa chair pour la vie du monde, ilz creurent qu'il voulust donner sa chair en ceste premiere sorte, c'est a dire reellement (car ses parolles estoyent si preignantes qu'ilz n'en pouvoyent douter), mays charnellement; car ilz pensoyent qu'il la voulust donner morte, par pieces et morceaux, grossiere, obscure, espaisse, corruptible, pesante, palpable, visible, et que par consequent il failloit qu'ilz la deschirassent et maschassent comme les antropophages ou mangegens, cannibales et margajas, qui s'entremangent les uns les autres comme l'on mange la chair des moutons et brebis.

  A007001369 

 Et a qui est ce que les cheveux ne dresseroyent d'horreur et que la chair ne frissonneroit s'il luy failloit manger un cors humain et boire le sang d'un homme? Mais d'autant plus cela pouvoit sembler fort cruel aux auditeurs de Nostre Seigneur, que et luy et eux aussi estoyent Juifz de nation et de religion.

  A007001369 

 Ilz appellent les parolles de Nostre Seigneur dures, c'est a dire aspres, rudes, estranges, cruës, par ce qu'entendans que Nostre Seigneur leur voulust faire manger sa chair et boire son sang charnellement et selon l'estre naturel et ordinaire de la chair et du sang, a la verité cela leur sembloit fort crud, barbare et extravagant.

  A007001369 

 Or, entre les Juifz, la chair humaine estoit tellement hors d'usage, que mesme en touchant un cors mort on estoit contaminé et souillé devant le monde; et quant au sang il estoit tellement prohibé, que mesme il n'estoit pas loysible, selon la Loy, de manger de celuy des bestes.

  A007001370 

 De ceste mesme sorte de manducation grossiere et charnelle furent accusés les anciens Chrestiens par les payens atheïstes; et je vous supplie, mes chers Freres, de remarquer cecy.

  A007001370 

 La primitive Eglise esparse sur toute la face de la terre, faisoit une profession si ouverte parmy ses enfans de manger reellement le cors du Filz de Dieu et de boire son sang, que les parolles avec lesquelles elle le declairoit estans venues aux oreilles des payens et autres ennemis du Sauveur, ilz en prenoyent occasion de calomnier les Chrestiens et les accuser de l'antropophagie, c'est a dire de manger les petitz enfans, les esgorger et deschirer a belles dens, et [324] disoyent qu'en leur Sacrement et mistere ilz faisoyent leur festin de chair humaine a la cyclopique: « Dicimur, » dict Tertullien en son Apologet., « sceleratissimi de sacramento infanticidii, et pabulo inde; On nous appelle tres criminelz, » dict il, « du sacrement de l'homicide des enfans et du repas qui s'en faict.

  A007001370 

 » Et de fait, Pline second en l'epistre qu'il escrit a Trajan et qui est citëe par Tertullien, monstre bien que les Chrestiens avoyent esté accusés de ce crime; car il les en descharge, s'il est bien consideré..

  A007001371 

 Ceste calomnie dura jusques au tems de Minutius Fœlix, qui recite les paroles d'un certain Cecilius, lequel en accusoit encor les Chrestiens: accusation fort vilaine a la verité, mays de laquelle la fauseté est aucunement excusable en ces anciens ennemis de l'Eglise; car nos anciens peres confessoyent ouvertement qu'ilz mangeoyent le cors de Nostre Seigneur, et les sacrëes Escritures le declairent si ouvertement, que les payens, ou entr'escoutans les Chrestiens parler, ou entrevoyans les Escritures, ne pouvoyent ignorer que l'Eglise n'eust ceste croyance.

  A007001371 

 Et, outre cela, nos Chrestiens se tenoyent si serrés et couvertz en la celebration de ce mistere, que mesme ilz ne permettoyent pas aux catechumenes de le voir; si que les payens oyans dire absolument que les Chrestiens mangeoyent la chair du Filz de Dieu, et ne sçachans ni pouvans deviner que ce fust autrement qu'avec une façon charnelle, ilz accusoyent les Chrestiens d'un crime d'antropophagie..

  A007001372 

 Mais qui peut trouver [excusable] ceste accusation en ce tems, auquel l'impudence a bien osé passer si avant que de reprendre ceste mesme calomnie pour en deshonnorer les Catholiques? Et qui ont esté ces impudens? me dires vous.

  A007001373 

 Et les Capharnaïtes, qui l'entendirent comme cela, estoyent des pauvres gens et qui n'avoyent pas bien consideré les parolles de Nostre Seigneur, lesquelles ne peuvent nullement estre tirëes a ce sens.

  A007001373 

 Non, jamais cela ne fut dict ni pensé par Nostre Seigneur, que l'on mangeroit sa chair charnellement, grossierement et comme l'on mange les chairs mortes et perissables.

  A007001374 

 Mays sur tout Nostre Seigneur avoit rejetté disertement ceste intelligence grossiere et toute charnelle par ces parolles: Spiritus est qui vivificat, caro non prodest quidquam; verba quæ locutus sum vobis spiritus et vita sunt; C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne prouffite de rien; les paroles que je vous [326] ay dites sont esprit et vie. Paroles saintes, paroles divines, paroles infiniment excellentes et propres a desraciner ceste lourde et grossiere intelligence de la manducation charnelle du cors de Nostre Seigneur, et ce, par deux beaux moyens que nos anciens Peres en ont doctement tiré et deduit.

  A007001379 

 Je vous disois Dimanche, mes tres chers auditeurs, que toutes les difficultés que nos adversaires mettent en la creance de la realité du cors et sang de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement se peuvent reduire a ces deux doutes que firent les Juifz et les Disciples a Jesus Christ Nostre Seigneur, quand il leur enseignoit la verité de cest article (en saint Jan, 6).

  A007001379 

 L'un estoit: Quomodo potest hic nobis carnem suam dare ad manducandum? L'autre estoit: Durus est hic sermo, et quis potest eum audire? Car toutes les oppositions qu'on nous faict tendent la, ou que ceste realité n'a peu estre instituëe et faitte, ou qu'il n'a pas esté convenable; et semble que tous les lieux qu'ilz sont allés recherchans en l'Escriture ne leur servent que d'une confirmation pour ces deux doutes.

  A007001385 

 Je veux dire une chose peut estre tres parfaitement præsente en un lieu sans y occuper lieu; ains les choses, d'autant que plus parfaittement elles sont præsentes a quelque lieu, moins elles y occupent de place: dequoy les exemples vous feront foy..

  A007001386 

 Or, quoy qu'il soit praesent a toutes choses, si est ce qu'il n'occupe aucun lieu ou place: ainsy les Anges n'occupent aucune place en eux [mêmes], de façon que des legions entieres de diables se sont trouvëes en un cors.

  A007001388 

 Comment se pourroit il faire qu' un chameau entrast par le trou d'une eguille, sinon qu'il n'y occupast point de place? Un si grand animal, estre compris en un si petit lieu, n'est ce pas un bel exemple a nostre propos? Je sçay bien qu'il y en a eu qui l'ont entendu d'une corde de chanvre, qu'on appelle cable; mays tous les Peres l'entendent de cest animal.

  A007001389 

 Ah mon Dieu, que ce que l'esprit humain hait est bien haï! qu'est ce qu'il ne va rechercher pour s'excuser? Voyes en saint Luc, 24, comme ses disciples s'esmerveillerent de ceste soudaine apparition, et voyant les portes bien fermëes, ilz pensoyent voir un esprit; comme nos adversaires, lesquelz quand on leur dict que Nostre Seigneur n'occupe point de lieu, ilz pensent que ce ne soit pas son cors.

  A007001389 

 En saint Jan, 20, Nostre Seigneur, le jour de sa resurrection, vint les portes fermëes au milieu des disciples, et fut la au milieu d'eux et leur dict: Pax vobis.

  A007001389 

 Œcolampade dict qu'il entra par les fenestres; Calvin, qu'il ouvrit et resserra, ou qu'il aneantit les portes et tout a coup les recrea; Pierre Martyr dict qu'il entra par quelque ouverture, ou qu'il rendit rares les portes, ou qu'il les fit ceder.

  A007001390 

 Si les bons anciens eussent pensé que ces eschappatoires eussent esté solides, ilz s'en fussent servis contre les Marcionites qui objectoyent le passage de saint Jan pour prouver que le cors de Nostre Seigneur estoit fantastique, comme le tesmoigne saint Cirille sur ce lieu.

  A007001391 

 Mais quoy, o mon Dieu, o mon Sauveur, o mon Maistre, permettes moy que je parle de la premiere entrëe que vous fistes en ce monde, en laquelle non vous, mais les Anges pour vous, vous voyant parmi les hommes, petit enfant, pauvret, nud et pleurant, chanterent: Gloria in altissimis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis.

  A007001394 

 Si c'est le second, comme peut recevoir vostre œil, qui est si petit, une repræsentation de si grandes choses et si diverses? Qu'ilz me disent comme la lumiere corporelle penetre ainsy en un instant les deux, l'air et l'eau; car encores qu'elle n'aÿe pas de substance, si est ce qu'elle est corporelle..

  A007001394 

 Si je voulois rapporter les raysons qu'alleguent Pierre Martyr et Calvin, je n'aurois jamais faict, quoy qu'il me seroit tres aysé de leur respondre en philosophie et a la scholastique; mays je n'ay que faire de me mettre sur la philosophie, quand j'ay la parole de Dieu pour moy.

  A007001395 

 Il y est les parties bien proportionnëes ensemble, mays sans aucune proportion de place parce qu'elles n'en occupent point.

  A007001396 

 Un cors peut estre en un lieu sans qu'on le puisse voir et connoistre qu'il y soit, comme il appert par les exemples que je viens d'apporter..

  A007001396 

 Un cors peut estre en un lieu sans y occuper place, ainsy qu'il appert par l'entrëe de Nostre Seigneur les portes fermëes et par sa Nativité.

  A007001398 

 Et en Exod., 7, la verge d'Aaron n'est [335] elle pas veritablement convertie en couleuvre? car l'Escriture dict que ce que les autres firent fut par sorcellerie, mays que ce que fit Aaron fut veritable.

  A007001402 

 Secondement, ilz disent que ce Sacrement est appellé pain; mais je respons que ce n'est pas parce qu'il y ayt du pain, mais parce qu'il y a apparence de pain exterieure, ou bien parce qu'il a esté faict du pain, ou parce qu'il a les effectz et proprietés du pain, ou parce que, selon la coustume des Hebrieux, toute sorte de viande a esté appellëe pain (comme on voit de la manne qui a esté appellëe pain, Exode, 16, dont Nostre Seigneur n'a pas dict: Caro mea vere est panis, mays vere est cibus, qui est le mesme que quand il dict: Ego sum panis vivus), et que l'Escriture ayt accoustumé d'appeller les choses du nom de celles la desquelles elles ont esté faites, ainsy qu'il est aysé a voir Exod., 7, ou la verge d'Aaron estant convertie en serpent ne laisse d'estre appellëe verge; au Genes., 3, ou l'homme faict et tiré de poudre, ne laisse d'estre appellé poudre..

  A007001403 

 Il seroit aysé de recueillir ce qu'en ont dict les Anciens.

  A007001403 

 Voulons nous aban donner toute l'antiquité si bien fondëe en l'Escriture pour esviter un peu de difficulté et flatter les consequences de nostre entendement propre? Concluons donques qu'apres la consecration, le vray cors de Nostre Seigneur y est, et n'y a point d'autre substance quelle qu'elle soit; il y est, dis je, reellement et tres veritablement..

  A007001404 

 Ainsy fut il adoré en croix par le larron, marchant parmy Hierusalem, par les troupes qui crioyent Hosanna, en la creche, par les Roys.

  A007001407 

 Puys, la mesme, il raconte d'un autre qui avoit appris par vision que ceux qui prenoyent ce saint Sacrement deuëment a la fin de leur vie, avoyent des Anges autour de leurs cors qui les accompaignoyent jusques au Ciel.

  A007001422 

 Les Catholiques respondent qu'ouy, parce, disent ilz, que accepimus a Domino, quoniam Dominus Jesus, in qua nocte tradebatur, accepit panem, et gratias agens, fregit et dixit: Accipite et manducate, hoc est corpus meum; Nous avons appris du Seigneur que le Seigneur Jesus, la nuict en laquelle il fut livré, prit du pain, et rendant graces, il le rompit et dict: Prenes et manges, cecy est mon cors. C'est en cest article, auditeurs, ou je vous desire attentifz, si jamais vous le fustes, pour entendre nos raysons, vous conjurant de laisser toute passion pour bien juger en une cause si importante; et je suis asseuré que, le tout meurement consideré, vous feres jugement en faveur des Catholiques, tant leurs raysons devancent en fermeté, en sainteté, en solidité et en bonté celles des adversaires..

  A007001422 

 Les adversaires de l'Eglise Catholique respondent a ceste interrogation que non, parce que Jesus Christ leur a dict: Caro non prodest quicquam; La chair ne prouffite de rien.

  A007001423 

 Je prie, si jamais je priay humblement et d'affection, que Celuy qui faict la bouche des enfans diserte, daigne par sa bonté me donner l'entendement de bien sonder ses tesmoignages: Da mihi intellectum, et [342] scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo; et a vous, mes tres chers auditeurs, qu'il incline vos coeurs es tesmoignages de sa parolle; car en ceste difficulté je vois les ennemys qui m'attendent avec une trouppe de doutes et questions humaines: Me expectaverunt peccatores ut perderent me, testimonia tua intellexi; mays l'intelligence de vos commandemens m'en delivre.

  A007001426 

 Tout est de l'Escriture; mays quoy? ilz veulent interpreter les nostres et les leurs contre nous; et nous, quasi comme estans sur la defensive, sans interpreter les nostres, car ilz sont clairs voulons seulement rejetter leurs interpretations affin qu'elles ne nous offencent.

  A007001428 

 Secondement, elle apporte les paroles de l'institution: Matthieu, 26, Marc, 14, Luc, 22, 1.

  A007001428 

 Voyla nostre differend: qui entend mieux les Escritures? Si je puys monstrer clairement que nous [344] sommes bien fondés, il s'ensuivra que les adversaires le seront d'autant moins, qu'ilz viennent combattre le possesseur de bonne foy..

  A007001431 

 Or, les Sacremens doivent estre institués en arolles claires; donques, etc. La mineure se prouve par rayson: parce que l'usage du Sacrement nous doit estre aysé et commun a tous; donq chacun doit entendre ce qui en est.

  A007001432 

 Or les testamens doivent estre en termes clairs.

  A007001433 

 En fin, vous semble il qu'un morceau de pain soit un present digne d'un tel Seigneur? et voules vous que nous soyons tousjours serviteurs, n'ayant pour hæritage qu'une figure, comme les Mosaïques?.

  A007001436 

 Tous les escrivains s'accordent..

  A007001437 

 Tous les expositeurs anciens s'accordent..

  A007001439 

 Voyla les raysons generales par lesquelles il appert [346] que nous sommes bien fondés a les interpreter en leur sens expres et formel, non figuré et metamorphosé..

  A007001441 

 Maintenant monstrons le un peu plus particulierement contre les argumens de nos adversaires..

  A007001443 

 Mays Luther, pour monstrer qu'il avoit autant d'esprit que les autres pour se mocquer des Sacremens, en son livre Quod verba Domini firmiter stent, dict: « Meum, quia omnia mea sunt.

  A007001444 

 Par ou il appert que l'institution de ce grand mistere consistant en quattre paroles, il n'y en a aucune qui n'aye esté attaquëe avec grande audace et sacrilege par les superbes ennemis de la foy, trop attachés a leur sens et propre rayson.

  A007001452 

 (Les huguenotz gastent et avilissent la parole de Dieu, celle des Sacremens et celle cy. Sil dict delere, ilz disent non imputare.) O quelle grace de Nostre Seigneur: Tu es Petrus, Cepha, Petros, et super hanc petram ædificabo.

  A007001452 

 Les portes; cela s'entend la puyssance.

  A007001452 

 On bayse les pieds a ses successeurs.

  A007001464 

 Ilz furent eventrés par les Arabes..

  A007001464 

 » Titus leve les yeux au ciel, etc.; l. 5.

  A007001473 

 Cependant... il monta en Béthel: Rejetez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous.

  A007001473 

 Ils lui donnèrent donc tous les dieux étrangers qu'ils avaient, et les pendants qui étaient à leurs oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe qui est derrière la ville de Sichem, c'est-à-dire, épaule.

  A007001477 

 Jacob in plaga orientali, trouve des pasteurs qui assemblent leurs troupeaux, et unanimement levent la pierre de la bouche du puy, et unanimement les abbreuvent.

  A007001504 

 Assuérus fit un festin pour montrer les richesses de la gloire de son royaume; il invita tout le peuple.

  A007001505 

 XXXVIII sur les Evangiles: « Ami, par la foi, non par les œuvres.

  A007001505 

 » La foi sans les œuvres est morte.

  A007001506 

 Jérusalem, Jérusalem qui tues les Prophètes.

  A007001507 

 Méprises-tu les richesses de sa [355] bonté? Ignores-tu que la bénignité de Dieu t'attire à pénitence? Je me tiens à la porte.

  A007001517 

 Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous.

  A007001517 

 Qui sont ceux-ci qui volent comme des nuées, comme des colombes vers les ouvertures de leurs colombiers? Puisque à cause de vous nous sommes mis a mort tout le jour, nous sommes regardés comme des brebis d'immolation.

  A007001540 

 Les lèvres trompeuses ont parlé avec un cœur et un cœur.

  A007001541 

 Il y avait dans le temple de Salomon une mer d'airain où étaient lavées les victimes.

  A007001541 

 Par les vœux.

  A007001552 

 Il conduira les hommes dociles dans la justice; il enseignera ses voies à ceux qui sont doux.

  A007001552 

 Oh si vous ouvriez les deux, si vous descendiez! Les montagnes s'écouleraient devant votre face; elles fondraient comme si elles étaient consumées par le feu, les eaux s'embraseraient, afin que votre nom fût connu parmi les Gentils.

  A007001552 

 Toutes les voies du Seigneur.

  A007001553 

 Quand un homme aurait donné toutes les richesses de sa maison four l'amour, il les mépriserait comme un rien.

  A007001564 

 Dans le désert de Sin, en Raphidim, il frappa la pierre, et les eaux jaillirent en grande abondance.

  A007001566 

 Dès le commencement, lorsque périrent les géants superbes, l'espoir de l'univers se réfugiant dans un vaisseau, conserva au monde un germe de renaissance.

  A007001592 

 Prends le livre et dévore-le; il te causera de l'amertume dans les entrailles, mais dans ta bouche il sera doux comme du miel..

  A007001593 

 Après que Dieu s'est plaint amèrement des péchés de Jérusalem: Montez sur ses murs et renversez-les.

  A007001593 

 Jéricho, c'est l'âme du pécheur; les murs, sont le péché: Les péchés ont établi une séparation entre Dieu et vous.

  A007001593 

 L'environnera, parce que comme les murs garantissent la ville des étrangers, ainsi le péché sépare de Dieu qui est pressé de frapper à la porte, et maintient sous la puissance du diable, à qui le pécheur appartient.

  A007001593 

 Les murs de Jéricho tombent au son des trompettes; l'armée de Josué entre, tout est tué, Rahab la courtisane est sauvée.

  A007001593 

 Tout est tué, les mauvaises habitudes; Rahab, la foi, est sauvée, qui reçut les explorateurs, c'est-à-dire les paroles.

  A007001594 

 Les Lévites imposèrent silence au peuple afin qu'il entendît la loi.

  A007001594 

 Maudit l'homme qui n'écoutera pas les paroles de cette alliance.

  A007001594 

 Pendant que les prêtres sonnent de la trompette, Josué dit au peuple: Vous ne crierez point, et votre voix ne sera point entendue, et aucune parole ne sortira de votre bouche.

  A007001603 

 C'est le sujet de l'Evangile que je traitteray maintenant; mays que l'Esprit Saint qui assista a Nostre Seigneur pour ce combat, m'assiste pour vous bien instruire, et vous pour me bien escouter, ce que nous luy devons demander par les intercessions de Nostre Dame.

  A007001603 

 Les parties sont Dieu et le diable, les armes sont la parolle de Dieu, l'inimitié est fondee sur une rebellion.

  A007001603 

 Voicy bien la description du duel le plus grand et le plus memorable qui fut jamais veu: les parties sont tres puissantes de costé et d'autre, hardies et courageuses a toute extremité, les armes dangereuses, l'inimitié irreconciliable; la fin ne peut estre que la victoire, car il n'y a point de composition qui puisse terminer ce combat.

  A007001603 

 Voicy le tems de nostre recolte spirituelle; c'est ce qui fera mettre les forces ennemies [367] en campaigne pour nous l'empescher.

  A007001605 

 Le desir de l'utilité, s'il est trop grand, se tourne en avarice; mays le desir du playsir se peut trouver en l'esprit et au cors, et le corporel s'appelle luxure, le spirituel s'appelle gloire et superbe, qui sont les trois grans maux de ce monde; car, comme dict saint Jan, en sa 1.

  A007001606 

 Voyons un peu le tems et les occasions, par le discours de l'Evangile.

  A007001634 

 Jésus se retire sur la montagne pour montrer que les tentations suivent l'homme partout..

  A007001643 

 Afin que les yeux, les oreilles, tous les sens du corps jeûnassent.

  A007001659 

 Pour indiquer que le jeûne dispose admirablement à percevoir les choses spirituelles.

  A007001660 

 Dès le jour où tu as appliqué ton cœur afin de l'affliger devant Dieu, tes paroles ont été entendues. Et il avait dit auparavant: Je pleurai tous les jours pendant trois semaines; le pain si appétissant, je n'en [370] mangeai point; la viande et le vin n'entrèrent pas dans ma bouche. Comme remède au péché.

  A007001692 

 [« Le démon n'a pas à offrir] d'ombrages agréables, pas d'Eve séductrice, pas de fruits à l'attrayant aspect, et parce qu'il ne trouve pas d'aliments à présenter à un affamé, il demande donc de changer les pierres en aliments; » saint Ambroise, serm. XXXV, Du jeûne du Seigneur.

  A007001694 

 L'Escriture utile contre les tentations.

  A007001710 

 O sainte affliction, o benite tribulation qui nous faict recourir a ce celeste Consolateur! Certes, entre tous les prouffitz de la tribulation qui ne sont pas petitz, je trouve celuy cy l'un des plus excellens, qu'elle nous faict revenir a Nostre Seigneur.

  A007001711 

 Ainsy le Prophete royal atteste que quand Nostre Seigneur affligeoit les Hebrieux, ilz retournoyent a luy: Cum occideret eos, quærebant eum, et diluculo veniebant ad eum; Ps.

  A007001739 

 Samson emporte les portes de Gaza sur la montaigne d'Ebron; 16, Juges.

  A007001744 

 Toutes les nations espéreront en lui, et son sépulcre sera glorieux: ce qui est entendu du Christ dans l'Epître aux Romains, chap. XV. Je vous salue, Marie, etc. Il y a une prière par manière d'insinuation: Seigneur, voilà que celui que vous aimez est malade.

  A007001748 

 » « La tempête ballotte les navigateurs, » etc. « Ils se réjouissent grandement parce qu'ils craignaient » de mourir.

  A007001749 

 Ce que Jacob ayant entendu, il s'éveilla comme d'un profond sommeil, cependant il ne les croyait pas; eux, au contraire, lui rapportaient toute la suite de la chose.

  A007001749 

 Et quand il vit les chariots et tout ce que Joseph avait envoyé, son esprit se ranima, et il dit: Il me suffit si mon fils vit encore..

  A007001764 

 Tu sais que mon père compte les jours.

  A007001776 

 Mais, o comme ces deux induisent, etc.; car qu'est ce quil y a de plus difficile? Que la substance soit sans ses accidens? Pourquoy plus tost? etc. Que les accidens sans substance? Et en la manne, gustus erat quasi similæ cum melle; bien plus: tout goust; Sap. 16.

  A007001777 

 Les Disciples oublient le pain.

  A007001777 

 Les Pharisiens luy demandent signe; il les tance, repasse a l'autre bord.

  A007001794 

 Il me revient seulement de vous dire que saint Jaques, duquel nous faysons aujourdhuy la feste, a mille similitudes avec Jacob et [384] Josué, desquelles je diray quelques unes, si elles se rencontrent sur les chemins de mon discours.

  A007001794 

 Trois sont les principaux Patriarches en la loy de nature: Abraham, Isaac et Jacob; et trois en la loy escritte: Moyse, Aaron, Josué; et en voicy trois en l'evangelique: Pierre, Jan et Jaques.

  A007001824 

 Judith, 8, Ozias et les prestres de Bethulie a Judith:.

  A007001829 

 Il a renversé les puissants de leur trône, et il a exalté les humbles.

  A007001839 

 Notabilis similitudo: les bales pesantes du plomb descendent, mays le feu les faict monter es artilleries; ainsy nos œuvres ne monteroyent, sans l'assistence de ce feu de charité que Nostre Seigneur est venu mettre au monde..

  A007001857 

 Les bienfaits de Dieu à notre égard sont si nombreux, que, pussions-nous vivre sans fin et le servir de toutes manières, nous n'égalerions pas sa libéralité; et après tout cela, nous devrions dire: Nous sommes des serviteurs inutiles.

  A007001857 

 Mais, que ne devrions-nous pas faire pour la gloire du Ciel? [ Les souffrances ] ne sont pas dignes d'être comparées....

  A007001867 

 Les oiseaux offerts en sacrifice par Abraham n'étaient pas divisés.

  A007001868 

 Les Saints, touchés dans leur conscience, ne veulent pas acheter le Paradis à vil prix; et nous, nous le dédaignons absolument.

  A007001876 

 Elle fut favorablement accueillie lhors que je la prononçay devant plusieurs grans princes et princesses, et en la presence de ceste fille aisnee de l'Astree françoise, je veux dire de ce grand oracle de la France, de ce Parlement de Paris, Cour des pairs, et premier des Parlemens de France, lequel y assista en cors, comme aussi les autres chambres et cours souveraines, a celle fin que Paris, mais toute la France conneust l'estime qu'elle fait des merites du prince decedé, et que l'on sceust qu'elle advoüoit l'obligation que toute la Chrestienté a a sa memoire.

  A007001876 

 Je sçay bien que ce bonheur m'arriva pour le sujet que je traittois, auquel je ne pouvois contribuer que de l'affection, de laquelle aussi je ne pouvois pas manquer puisqu'elle m'est hereditaire, mon pere, mon ayeul et mon bisayeul ayans eu l'honneur d'avoir esté nourris [398] pages et presque le reste de leur vie, en la mayson des tres illustres princes de Martigues, les pere, ayeul et bisayeul de Madame vostre mere, au service desquels leur fidelité a tous-jours rencontré beaucoup de faveur..

  A007001877 

 Bref, ce discours ne vous representera les belles actions de Monseigneur vostre pere que pour vous consoler.

  A007001877 

 Comme donq je fis ce discours pour obeyr a Madame vostre mere, aussi le laisse-je maintenant sortir en public pour satisfaire a vostre desir, vous suppliant tres humblement de vous en servir pour respondre a toutes les raysons que vostre perte vous pourroit suggerer contre la consolation, car il est dressé a ceste intention.

  A007001877 

 Il vous fera resouvenir que vous estes fille d'un si grand prince, sa fille unique, sa chere fille; mays il adjoustera que vous estes fille de son esprit et de sa foy plus que de son cors, puysqu'il vous a receuë de Dieu par les prieres du grand saint François, duquel aussi vous portes le nom, et que par ce vous estes plus obligee de vous resjouyr en la vie et gloire de son esprit, que de regretter la mort de son cors.

  A007001877 

 Loues donq la bonté de Dieu, je vous supplie, de ce qu'il vous a fait naistre d'un si bon pere, et qu'il vous a laissé pour vostre conduitte une si vertueuse grand'mere et une si grande mere; et moy, je supplieray sa divine Majesté qu'elle vous donne les benedictions que Monseigneur vostre pere vous a desirees, pour le voir la haut en Paradis apres avoir heureusement fini la course de ceste vie, en laquelle je vous supplie tres humblement de m'advoüer,.

  A007001886 

 Les petites douleurs crient, se plaignent, se lamentent; mays les grandes estonnent, estourdissent, perdent et esgarent la parolle, la voix et le discours.

  A007001887 

 Ne vaut il pas beaucoup mieux cesser d'affliger ceux qui sont affligés * et mettre peyne d'essuyer vos pleurs, que de les exciter? Aussi, quand je vois devant et tout autour de moy le feu de tant de flambeaux allumés, signe ordinaire de l'immortalité, et que je me trouve revestu de blanc, couleur et marque de gloire, je connois bien que mon office n'est pas maintenant (et je vous supplie, Messieurs, de ne le pas desirer de moy), de vous representer les raysons que nous avons eu de regretter et plaindre, mays plustost celles que nous avons de finir nos regretz par le commencement de la consideration du bien dont jouyt ce grand prince par son trespas, affin que le sujet que nous avons de nous resjouyr attrempe et modere la violence du ressentiment que nous avons de ceste grande perte, quoy que je sçache que l'on doit permettre quelque chose a la pieté, mesme contre le devoir, et qu'en une douleur extreme c'est une partie du mal que d'ouÿr des consolations..

  A007001888 

 Permettes moy, je vous supplie, puysqu'aussi bien les larmes que nous espandons pour nos amis nous meneront plustost a eux qu'elles ne nous les rameneront, et que les pleurs apres la mort sont de tardives preuves d'amitié, permettes moy, dis je, Messieurs, que je revoque vos [401] espritz a la consolation, plustost que de les provoquer a une plus grande affliction.

  A007001889 

 Aussi, s'il ne failloit plustost recevoir avec humilité les commandemens des grans que d'en esplucher les motifz, j'aurois a mon advis rayson de m'estonner du choix que l'on a fait de moy pour parler en ceste occasion, en ceste assemblee et en ce lieu.

  A007001889 

 Soit donq que je jette les yeux sur son bien pour nous consoler ou sur nostre mal pour nous affliger, je ne puys eschapper de l'abisme de ses vertus infinies, dont la grandeur et l'esclat est insupportable a la foiblesse de mes yeux.

  A007001890 

 Mais que sçay je si a l'adventure j'auray rencontré la rayson de ce choix? Les couleurs de l'eloquence, les fleurs des paroles, l'esmail des sentences n'est peut estre pas convenable ni au dueil ni aux funerailles:.

  A007001894 

 Les harangues et discours si polis, les paroles harmonieusement concertees n'y sont pas, a mon advis, sortables: Musica in luctu importuna narratio.

  A007001895 

 Prendre playsir a ouÿr les louanges des bons, c'est participer a leur gloire..

  A007001896 

 Nous ressemblons a ceux qui vont sur mer le long de la rade et terre a terre: il leur est advis que les arbres les laissent et se reculent d'eux, et que le navire dans lequel ilz sont portés est du tout immobile et sans changer de place; car il nous semble que ceux qui sont [403] decedés de ce monde sont tous-jours en la mort et que nous sommes en la vie.

  A007001896 

 O si nous pouvions comprendre les verités que nous recevons par la foy, combien nous serions aysement consolés en la mort de ceux auxquelz nous avons quelque devoir d'amitié ou d'honneur! Sapientiam loquimur inter perfectos.

  A007001897 

 Nous mourons tous les jours, et nostre vie s'en va par pieces et morceaux, comme cest animal des Indes, lequel estant de sa nature terrestre, petit a petit et piece a piece perd du tout son estre naturel et devient entierement poisson; car ainsy, piece a piece, nous changeons ceste vie mortelle, jusques a tant que par une entiere et finale mutation, que nous appelions mort, nous ayons du tout acquise une vie immortelle..

  A007001898 

 Et certes, comme les ratz du Nil se forment petit a petit, et ne reçoivent la vie en tous leurs membres ensemblement, aussi les philosophes sont bien d'accord que nous ne vivons pas tout a coup ni ne mourons pas en un moment, puysqu'ilz disent que le cœur est le premier membre qui vit en nous et le dernier qui meurt.

  A007001899 

 Ah que nous sommes donq bien trompés quand nous appelions mortz ceux qui ont passé ceste vie mortelle, et vivans ceux qui la passent encor! Nous nommons vivans ceux qui meurent, parce qu'ilz n'ont pas achevé [404] de mourir, et ceux qui ont achevé de mourir, nous les apppellons mortz.

  A007001899 

 Mais si nous les voyions maintenant qu'ilz en sont delivrés, mon Dieu, que nous serions honteux de les avoir appellés mortz, et que nous serions en peyne de trouver des belles parolles pour exprimer l'excellence de la vie en laquelle ilz sont arrivés! Aussi nostre langue françoise ne les appelle pas mortz, mais trespassés, protestant asses que la mort n'est qu'un passage et trait, au dela duquel est le sejour de la gloire..

  A007001899 

 Nous imitons les peintres qui ne sçavent representer les Anges qu'avec des cors, parce que jamais ilz ne furent veuz autrement; car ainsy n°us nommons les deffunctz mortz, parce que nous ne les avons jamais veuz sinon en la mort de ceste vie ou en la vie de ceste mort.

  A007001900 

 Il n'est pas si loin de nous que nous pensons; il y est allé, selon le vulgaire des hommes, en un moment, car la mort, a leur advis, ne dure pas davantage; mais selon les sages, il a mis quarante trois ans en ce voyage..

  A007001901 

 Helas, que ce terme est court! La pluspart de nous a desja beaucoup plus employé d'annees; les uns n'y vont pas si viste que les autres, mais presque tous neanmoins y vont tousjours plus viste qu'ilz ne voudroyent.

  A007001902 

 Bref, par la hauteur et latitude des actions que nous faysons ça bas, ilz mesurent les distances et estendues de la gloire que nous aurons en ce grand mont celeste: Prout gessit unusquisque in corpore suo, sive bonum, sive malum..

  A007001902 

 Les astrologues et theologiens ont cela de commun qu'ilz prædisent les choses a venir, ceux ci tous-jours avec la verité, ceux-la souvent avec de la vanité.

  A007001902 

 Mays leurs phœnomenes et inspections sont du tout opposees et contraires; car les astrologues predisent ce qui doit arriver en terre, par l'inspection des rencontres et divers mouvemens qui se font au ciel; nos theologiens au contraire ne praedisent sinon ce qui se fait au Ciel, par la consideration des œuvres que l'on fait en terre.

  A007001902 

 Mays par ce que ceste consolation que je vous presente est fondee sur la certayne esperance que nous avons que nostre trespassé est receu en la main droitte de son Dieu avec tous les justes, Justorum animæ in manu Dei sunt, voyons je vous supplie, le sujet que nous avons d'une confiance tant asseuree.

  A007001902 

 Si vous faittes misericorde en terre, disent ilz, on vous fera misericorde au Ciel; si vous consoles les affligés icy bas, vous seres consolés la haut; si vous esclaires les ignorans en la nuict de ce monde, vous aures la clarté [406] de la vision de Dieu au plein midy de l'autre; si vous combattes pour Dieu en terre, vous seres couronnés au Ciel.

  A007001903 

 Mays ne penses pas, je vous supplie, que je veuille entreprendre de vous representer fleur a fleur et piece a piece, l'esmail d'une si belle vie: les perfections de ce prince se peuvent plustost admirer qu'imiter, desirer qu'esperer, envier qu'acquerir; c'est pourquoy j'ay peur d'offencer sa memoire, disant trop peu de ce qui ne se peut asses louer.

  A007001903 

 Si donques nous sçavons quelles ont esté les actions de l'ame de ce grand prince pendant qu'elle estoit en ce monde, et que, jointe a son cors, elle nous donnoit le bonheur de sa conversation, nous aurons asseurance par ceste inspection de ce qu'elle est au Ciel; que s'il nous reste aucun desir d'aspirer a ce siege de gloire, nous aurons un riche exemplaire et beau sujet d'imitation.

  A007001904 

 J'imiteray donq les cosmographes, qui en leurs mappemondes ne marquent que des pointz pour des villes, des lignes pour des montaignes, et layssent a l'imagination son office pour se representer le reste.

  A007001907 

 Le prince Philippe Emmanuel duc de Mercœur receut abondamment des biens de la premiere façon, sur lesquelz il bastit un excellent ediffice de perfection de ceux de la seconde sorte; car quant au premier, Dieu le fit naistre de deux maysons des plus illustres, anciennes et catholiques qui soyent entre les princes de l'Europe.

  A007001908 

 Du costé paternel, qui tient le premier lieu en la consideration civile, il estoit de ceste royale mayson de Lorraine, dont l'origine est si tres ancienne, que, comme [409] estant de tems immemorable, les escrivains n'ont pas encor sceu demeurer d'accord de son commencement, comme les habitans d'Ægipte ne sçavent se resoudre de l'origine du Nil.

  A007001908 

 Mays tous s'accordent bien que ç'a esté une pepiniere plantureuse et feconde d'une grande quantité d'empereurs et de roys, et des plus genereux princes de toute la Chrétienté, et qu'il n'y a contree en laquelle elle n'aye heureusement planté les lauriers et les palmes de sa valeur et pieté..

  A007001909 

 Mays si nous passons en Espagne, vous y verres Henri, frere de Guillaume duc de Lorraine, lequel ayant fidellement et vaillamment combattu pour la religion sous Alphonse roy de Castille, en la guerre qu'il avoit lhors contre les Maures et Sarrasins, espousa en recompense sa fille, qui luy porta en dote la province laquelle despuis erigee en royaume est appellee Portugal, ou la race de ce premier Henri a fort chrestiennement et genereusement regné jusques au dernier Henri, Cardinal, trespassé de nostre tems..

  A007001910 

 C'est un roy d'or couronné de bois, beaucoup meilleur que les rois de bois couronnés d'or, lequel regne comme un autre David sur la montaigne de Sion, preschant et annonçant la foy de son Dieu.

  A007001910 

 Mais qui ne sçait que les deux ducz de Lorraine, René premier et second, en furent rois? Et par ce, passons outre mer, et voyons l'heureuse Palestine en laquelle nostre redemption fut faitte; nous y contemplerons ce trois fois grand Godefroy de Bouillon, lequel ayant quitté son païs et ses biens, et mesme vendu son duché de Bouillon, pour chasser les infidelles de la Terre Sainte, y alla armé de zele et de religion, brave et conquerant, et comme un autre Josué il establit la foy au peril de son sang au lieu ou le Sauveur avoit respandu le sien pour la planter et faire le salut des hommes.

  A007001911 

 D'elle sont sortis plusieurs Amés, Louys, Humbertz, Pierres, Philibertz et autres grans princes, entre lesquelz l'un des Amés, par sa force et valeur, delivra l'isle de Rhodes de la servitude des infidelles, et l'asseura pour le Christianisme entre les mains des chevaliers de saint Jean de Hierusalem, lesquelz desirans que la posterité de leur protecteur receust des lhors quelques marques de l'obligation qu'ilz luy avoyent, communiquerent les armes [411] de leur milice, qui sont de gueules en une croix d'argent, a toute la mayson de Savoye, laquelle les a cherement retenues, non tant en memoire de la valeur de ce grand ancestre, que comme un signe sacré qui peust servir de protestation perpetuelle que ceste race est toute dediee a la defense de l'honneur de la Croix, comme elle a fait voir en la Moree, en Cypre et en plusieurs autres lieux ou elle a porté les armes avec non moins de pieté que de valeur..

  A007001912 

 De ceste claire source, laquelle outre infinies alliances reciproques qu'elle a eu avec tous les potentatz du monde, mesmement avec ceste couronne tres chrestienne, avoit donné n'a gueres une mere au grand roy François, de ceste serenissime mayson, dis-je, sortit une tres vertueuse princesse, Jeanne de Savoye, fille de Philippe et seur de Jacques, ducz de Genevois et de Nemours, deux aussi vaillans et vertueux princes que nostre siecle en aÿe veu.

  A007001912 

 Et comme deux rivieres se joignant font un grand et noble fleuve, ainsy ces deux maysons des ayeulz paternelz et maternelz de ce prince, ayant mis ensemble leurs belles qualités en son ame, le rendirent accompli en tous les dons de la nature; pour quoy il pouvoit bien dire avec le divin Sage: Puer autem eram ingeniosus, et sortitus sum animam bonam.

  A007001913 

 Et pour l'extreme desir qu'il avoit de continuer en sa posterité ceste sienne naturelle valeur, il choisit en mariage la princesse Marie, fille unique du grand et courageux prince de Martigues, lequel pour le service de la religion et du roy, combattant a Saint Jean d'Angeli les ennemis de l'Eglise, seella de son sang et trespas le progres d'une vie tres chrestienne, digne de la grande mayson de Luxembourg dont il estoit, de laquelle sont sortis tant de grans et magnanimes empereurs..

  A007001917 

 Aussi n'ignoroit il pas que les voluptés ne nous embrassent que pour nous estrangler, et que pour cela nostre ame ne doit point autrement regarder nostre cors que comme les fers de sa captivité.

  A007001917 

 Il ne fut pas moins temperant aux autres voluptés corporelles, dont il avoit borné l'usage dans les loix d'un chaste mariage et par le devoir que les princes ont de laisser ça bas de la posterité; vertu rare en un siecle si depravé, en un aage si vigoureux, en un cors si beau et tant accompli, et en la commodité que la cour et ses appas luy offroit.

  A007001918 

 Ce prince s'est tous-jours monstré sobre en la possession des grandeurs et faveurs immenses dont le Ciel l'avoit comblé et n'en abusa jamais; car sa grande reputation, ni l'estre beau-frere de roy, ni la rareté des graces qui estoyent en luy, ni les heureux succes de ses armes et desseins ne le firent jamais sortir des bornes de la modestie ni abandonner la bien-seance d'une humble gravité, par laquelle il donnoit un acces esgalement facile et gratieux aux petitz et aux grans.

  A007001918 

 Il estoit sobre en ses recreations et passetems qu'il [414] rendoit compatibles et accommodoit aux devoirs de sa charge, les autres inutiles assemblees luy estans en extreme mespris..

  A007001919 

 Et ce que je prise le plus, il estoit fort instruit en ceste partie de la theologie morale qui nous enseigne les regles de bien establir la conscience.

  A007001920 

 Et de fait, il n'employa jamais sa cholere qu'en la guerre, ou pour maintenir le respect et l'honneur qui luy estoyent necessaires pour faire les grans services que le Christianisme attendoit de luy; en quoy il imitoit les abeilles qui font le miel pour les amis et piquent tres vivement leurs ennemis..

  A007001920 

 Quicomque est doux a l'endroit de ses domestiques, l'est beaucoup plus envers les autres.

  A007001921 

 Il ne craignoit rien tant que de voir entrer en ses coffres ou des exactions indeuës ou des deniers mal acquis ou l'or du sanctuaire; au contraire, il en faysoit sortir beaucoup de bonnes et de belles aumosnes pour les pauvres et de grandes liberalités pour les autres.

  A007001921 

 Il ne s'attribuoit rien de ses richesses que la puissance de les dispenser, sçachant bien que la lueur de l'or et celle de l'espee ne nous doivent non plus esblouir l'une que l'autre..

  A007001923 

 A ce saint autel de la religion il avoit consacré son ame, voué son cors, dedié toute sa fortune, et pouvoit bien dire avec ce grand Roy: Deus, docuisti me a juventute mea; In te projectus sum ex utero; [416] car si nous considerons les desirs de la jeunesse, ce n'ont esté que les fleurs des fruitz qu'il a fait paroistre en son plein aage..

  A007001924 

 Cardinal de Vaudemont, la vie duquel n'a esté qu'un recueil de toutes les vertus qu'on peut desirer en un grand prelat, aupres duquel je pourrois mettre Monsieur de Verdun, si la louange des vivans, pour juste qu'elle puisse estre, n'estoit sujette au soupçon de l'interest et de la flatterie.

  A007001924 

 La loüange d'avoir esté des lhors tres chrestiennement eslevé ne luy est point particuliere, mais commune a tous les princes et princesses ses freres et seurs: tesmoins les annees de virginité, de mariage et viduité de Louise de Lorraine, tres chrestienne et tres pieuse reyne de France et de Pologne, d'heureuse memoire, miroüer de la pieté et idee des princesses de nostre aàge, de laquelle je vous ay veu, o Paris, unanimement admirer la religion, humilité et charité.

  A007001926 

 Ces exercices ordinaires luy servans comme d'une continuelle preparation a la Communion, il n'oublioit pas aux festes solemnelles de faire une entiere reveuë de toutes ses actions pour s'esprouver soy mesme avec une severité extreme, a celle fin de recevoir plus dignement le tressaint Sacrement de l'Eucharistie auquel il avoit une devotion inestimable, se croyant beaucoup plus asseuré de la victoire en guerre quand il rencontroit ou attaquoit les ennemis de l'Eglise le jeudy, pour estre l'institution de ce saint Sacrifice, ou bien le samedy, jour que nos peres ont destiné a l'honneur de Nostre Dame..

  A007001927 

 Au surplus, il vouloit que les choses sacrees, et particulierement les paroles de la Sainte Escriture, fussent tenues en respect et devotion, et ne s'offensoit jamais tant que quand il oyoit tirer en sens profane les motz que le Saint Esprit a donnés pour nostre sanctification.

  A007001927 

 Je laisse a part les confessions et communions qu'il faysoit allant a la guerre, puisque ceux qui s'exposent ordinairement au danger du trespas sont obligés de se confesser et mettre en bon estat, s'ilz ne veulent que la mort temporelle soit suivie de l'eternelle.

  A007001929 

 Il a basti a ses despens les monasteres des Peres Capucins et Minimes de Nantes, comme tres devot aux bienheureux saintz François, desquelz il avoit receu plusieurs faveurs signalees, et nommement Mademoyselle sa fille, qu'il obtint par l'intercession de saint François d'Assise.

  A007001929 

 Mais cecy estant a la veuë d'un chacun, comme aussi les aumosnes publiques que les grans font pour le bon exemple qu'ilz doivent aux moindres, il faysoit plusieurs autres aumosnes secrettes, de l'argent qu'il reservoit pour ses menus playsirs.

  A007001929 

 Puysque vous attendes, Messieurs, que je continue, et qu'il le faut, je diray que quant a ses biens temporelz, ilz estoyent tous dediés au service de la religion Catholique: tesmoins les bastimens d'eglises, monasteres, chapelles et services bastis et fondés, ores en l'honneur du Saint Sacrement, ores en l'honneur de la Vierge, de laquelle il estoit si devot qu'il ne sçavoit jamais pres de luy aucune eglise ou chapelle dediee a ceste thresoriere de graces, qu'il ne la visitast et n'y eslargist quelque aumosne.

  A007001931 

 Mais cependant, si tost que l'aage le luy permit, il ne laissa passer aucune occasion de s'employer aux armes qu'il n'aÿe embrassé avec beaucoup d'honneur et de merite, comme a la charge faitte a Dormans contre les reystres, en Brouage, a la Fere et par tout ailleurs, mesme au siege d'Issoire, ou, commandant a l'une des batteries, il donna un signe tres certain de sa grandeur future en la profession des armes.

  A007001931 

 Que restoit il donq a ce prince pour dedier a Dieu, sinon son cors et sa vie? Ce qu'il fit par le desir continuel qu'il eut des sa plus tendre jeunesse de faire la guerre [419] contre les infidelles, desir que Dieu luy a donné la grace d'assovir avec la gloire que la Hongrie et tout le Christianisme sçait et tesmoigne.

  A007001932 

 Et combien que je peusse dire icy en termes generaux et d'une haleyne, qu'en toutes les parties de sa vie il a fait paroistre en luy toutes les qualités qui se peuvent desirer en un grand prince pour le rendre parfait, toutesfois, pour parler plus distinctement, il me sera plus a propos de ne vous faire plus attendre la monstre de la piece, laquelle, comme elle a esté la derniere de sa vie, a aussi esté la plus glorieuse pour luy, la plus aggreable pour sa memoire et la plus utile a la republique chrestienne, et en laquelle, comme en une riche tapisserie, vous verres la tisseure d'autant de faitz d'armes et de vertus que l'œil de vos entendemens en sçauroit desirer..

  A007001933 

 Et sçachant que l'ennemy s'approchoit avec une armee de cent cinquante mille hommes pour assieger Strigonie, ville tres importante, il l'alla incontinent visiter, et l'asseura si bien de sa presence, par l'offre qu'il fit de s'y enfermer et l'ordre qu'il donna pour la conservation des fortz qu'on estoit sur le point d'abandonner, que les ennemis estant advertis de son arrivee et resolution, changerent de dessein et tirerent droit contre nostre armee, a la teste de laquelle ilz trouverent tout aussi tost ce grand prince, qui leur eut fait des lhors ressentir les effectz de sa presence, s'il eut eu autant de pouvoir et de commandement en l'armee chrestienne qu'il y en a eu despuys, ainsy qu'il fut reconneu par la perte des occasions qui, selon son advis, devoyent estre embrassees..

  A007001934 

 Avant que de les accepter, il les presenta au Roy, a l'obeissance duquel il avoit tant voué d'affection et de service qu'il n'estimoit rien d'honnorable que ce qui seroit authorisé de ses commandemens.

  A007001934 

 Dequoy l'Empereur bien adverti il desira le voir, si qu'il luy fit prendre le chemin de son retour par Prague, ou il le receut avec fort grand accueil; et ayant reconneu par ce premier essay l'excellente valeur et prudence de ce prince, il le fit son lieutenant general, et luy en envoya les patentes jusques en ceste ville de Paris ou il estoit de retour de son premier voyage.

  A007001936 

 A peyne estoit-il arrivé, que voyant Canise assiegee de six ou sept vingt mille Turcz, apres avoir soigneusement mis ordre a tout ce qu'il jugeoit a propos pour son dessein, et sur tout ayant tiré promesse des princes et seigneurs du païs qu'il auroit la commodité des vivres necessaires pour l'entretenement de son armee, la teste eslevee en la confiance qu'il avoit en son Dieu, il la baissa par apres contre l'ennemy, s'achemine contre ceste puyssante armee, et de son premier effort en emporte une partie, qui l'attendoit avec force canons sur les avenues et passages, en un lieu fort avantageux pour l'ennemy et ou il s'estoit fort bien retranché.

  A007001936 

 Le champ de bataille, les canons, les drapeaux demeurent neanmoins aux nostres pour la bienvenue de ce grand general; dont le Turc estonné de se voir battu d'un si petit nombre de Chrestiens, eust indubitablement levé des l'heure le siege, si la nuict avec son obscurité n'eust empesché le progres des armes de ce grand conducteur..

  A007001942 

 Mais, mon Dieu, qu'il faisoit bon voir ce grand general demeurer a la queue de son armee, qui estoit presque destituee de tous ses autres chefz et reduitte a six ou sept mille hommes, la faim ayant fait retirer le reste, et amuser le Turc par escarmouches pendant qu'elle faisoit sa retraitte l'espace de cinq a six lieues, et jusques a ce qu'il l'eut entierement degagee d'une grande quantité de mauvais passages; combattant tantost a pied, tantost a cheval, se trouvant ores en teste de l'avant garde, ores a la queue de l'arriere garde, faysant l'office non seulement de general, mais de mareschal de camp, de general de l'artillerie, de sergent majeur, de colonnel, et bref ayant luy seul sur les bras le faix et la charge de ceste si perilleuse et tant admirable retraitte, en laquelle il se trouva plusieurs fois aux mains et meslee, donnant secours aux siens, signamment en une assistance fort remarquable qu'il donna a son arriere-garde laquelle s'en alloit desconfite par la furieuse charge de cinquante mille chevaux turcz, quoy que courageusement combattuz par le vaillant comte de Chaligny sous les heureux auspices de son frere et general, qui le secourut en fin si a propos, que les Turcz, battuz et repoussés, firent les premiers une autant honteuse retraitte que celle de nostre armee fut glorieuse, pour avoir esté faitte avec une poignee de gens que nostre general sauva et garantit heureusement des effortz [423] d'une si effroyable multitude, avec le butin de plusieurs pieces de canon..

  A007001943 

 Au retour de cest exploit, estant arrivé a Vienne au mois de novembre, l'Empereur le retint tout l'hiver et rompit le dessein qu'il avoit de venir visiter les siens en France, affin de s'en servir et prendre avec luy les resolutions de ce qu'il failloit faire pour l'annee suivante, en laquelle, environ la fin d'aoust, ce prince mit aux champs son armee, qui pouvoit estre de dix sept a dix huict mille hommes, et tira droit a Comor.

  A007001943 

 Et peu apres, faysant courir le bruit d'aller assieger Bude, apres avoir usé de plusieurs beaux stratagemes, en fin il se logea devant la ville neuve et a la portee du canon d'Albe-Royale, ville principale de la basse Hongrie, saisit toutes les avenues, s'y retranche et dresse sa batterie, et l'attaque si furieusement de tous costés, se mettant luy mesme avec cinquante chevaux-legers françois a la teste d'un regiment d'infanterie, si a propos et si vaillamment, faysant office de cappitaine et soldat tout ensemble, que les ennemis, apres [avoir] long tems rendu combat, perdent en fin autant de leur courage que nostre general en donnoit aux siens, qui le voyans a leur teste, forcent l'ennemy et le menent battant jusques a la porte de la vielle ville, les murailles de laquelle ayant luy mesme reconneu, et despuis fait battre jusques a ce qu'il y eust breche raysonnable, il presente l'assaut qui fut bravement soustenu par les assiegés, jusques a ce que ce grand prince se presentant avec ses gentilz-hommes armés de toute piece, anima tellement les assaillans, que l'ennemy fut contraint d'abandonner la breche et se trouva si fort pressé, qu'une grande quantité de Turcz se precipita dans les fossés, et l'autre partie se retira dans les maysons ou estoyent leurs poudres, auxquelles ayans mis le feu par desespoir, ilz firent mourir plusieurs des nostres avec eux.

  A007001943 

 Le bascha qui y commandoit s'estant retiré dans le palais avec mesme dessein, ayant demandé et obtenu la vie pour luy et les siens, demeura prisonnier, et par mesme moyen grande quantité de Chrestiens qui estoyent prisonniers dans la [424] ville receurent liberté par la main de ce brave vainqueur, lequel ayant asseuré les affaires de ceste grande ville, y laissa Steremberg, colonnel allemand, et s'en esloigna d'une ou deux lieues pour rafraischir son armee, et attendre celle de l'ennemy qui s'approchoit pour l'attaquer ou reprendre la ville..

  A007001944 

 Ce que je dis pour l'importance et force d'Albe-Royale, en laquelle autrefois les rois d'Hongrie estoyent couronnés et ensepulturés; place si forte, que le grand Soliman amena en personne deux cent mille hommes pour la prendre, et si, ne s'en peut rendre maistre qu'apres un siege de trois mois, et par composition, il y a environ soixante ans, durant lesquelz elle a tellement esté fortifiee, que trois divers sieges d'armees chrestiennes y ayant esté long tems n'en ont rapporté que de la perte et du dommage, jusques a ce que nostre trespassé, qui estoit de la race de ceux par lesquels si souvent salus facta est in Israel, comme il est dict des Machabees, y porta son espee, son courage et sa prudence pour s'en rendre heureusement le maistre en moins de douze jours, Dieu luy ayant reservé ceste conqueste et la delivrance des os et sepultures des anciens rois de Hongrie, avec lesquelz il avoit l'extraction commune de la grande mayson de Saxe..

  A007001945 

 Or l'ennemy s'approchoit, faysant demonstration de tirer droit a Albe-Royale pour la reprendre comme il en avoit l'ordre, et pensoit le pouvoir aysement faire d'autant que les munitions de guerre et les vivres [425] avoyent esté presque consumés par le feu, et une grande partie des murailles ruinees tant par la batterie des nostres que par les mines des siens.

  A007001946 

 Apres lequel exploit nostre armee demeura six jours a la campaigne; et le grand duc de Mercœur ne voyant plus aucun ennemy autour de luy, vint avec le merite de mille palmes et d'autant de lauriers en la ville de Vienne, ou il fut receu avec la joye, les acclamations et benedictions que l'on peut penser, et avec autant d'appareil que l'on eust sceu faire pour l'Empereur en cas pareil..

  A007001946 

 Il me seroit, a la verité, du tout impossible de vous representer par parolles la valeur et prudence avec laquelle ce prince attaquoit les escarmouches avec l'armee des ennemis, desengageant ceux qui parfois s'engageoyent temerairement, regaignant les logis et petitz fortz occupés par les Turcz, faysant paroistre pendant dix sept jours entiers que les deux armees furent presque en continuel combat, un parfait assemblage de toutes les parties requises en un grand chef d'armees, et principalement en trois grandes journees esquelles il combattit si heureusement, qu'il y gaigna plusieurs canons et fit un carnage de Turcz des plus signalés qui se soit fait en nostre aage; auquel, entre plusieurs autres chefz, Mechmet Kiaïa bascha de Bude et le bascha de Caiaie demeurerent mortz, desquelz les testes furent envoyees [426] pour estre baillees en eschange de plusieurs Chrestiens.

  A007001947 

 Ce qu'il monstroit bien clairement es lettres qu'il escrivoit a Madame sa femme; car il mettoit tant de soin de rapporter a la seule gloire de Dieu les heureux succes de ses armes, qu'il sembloit mesme n'en vouloir pas estre estimé l'instrument: signe certain d'une vraye humilité, et non point affectee, puysqu'il la prattiquoit a l'endroit de celle qui n'estoit qu'un autre luy mesme..

  A007001947 

 Il sçavoit que le fruit des belles et saintes actions c'est de les avoir faittes, et que hors de la vertu il n'y a point de loyer digne d'elle; c'est pourquoy il n'en desiroit point d'autre que la gloire de nostre Dieu.

  A007001953 

 Aussi ce prince renouvelloit la façon chrestienne de venir aux combatz; car il n'y entra jamais qu'apres avoir demandé le secours a Celuy duquel il conduisoit les armees et auquel il faysoit tousjours des saintz vœux, qu'apres le succes il rendoit fort religieusement.

  A007001953 

 Consideres comment avec treize mille hommes il attaque et surmonte cent cinquante mille Turcz, renouvellant les miracles des anciens cappitaines Josué, Gedeon, David, les Machabees, Godefroy, saint Louis, Scanderbeg et du bon comte de Montfort.

  A007001953 

 Il avoit tousjours en son armee des Peres Capucins, lesquelz portans une grande croix, non seulement animoyent les soldatz, mais aussi apres la confession generale que tous Catholiques faisoyent en signe de contrition, ilz leur donnoyent la sainte benediction.

  A007001953 

 Quelles merveilles si telles armees sont suivies de si grans effectz? A la verite, Guillaume Tyrien dict que les exploitz de Godefroy estoyent entierement semblables et qu'ilz procedoyent d'une pareille conduitte..

  A007001955 

 Ah, que les François sont braves quand ilz ont Dieu de leur costé! qu'ilz sont vaillans quand ilz sont devotz! qu'ilz sont heureux a combattre les infidelles! Leo qui omnibus insultat animalibus, solos pertimescit gallos, disent les naturalistes.

  A007001955 

 Je m'en resjouys avec vous, o belle France, et loué soit nostre Dieu que de vostre arsenal soit sortie une espee si vaillante, et que l'Empire soit venu a la queste d'un lieutenant general a la cour de vostre grand Roy, auquel c'est une grande gloire d'estre le plus grand guerrier d'un royaume duquel sortent des princes qui au reste du monde sont estimés et tenuz les premiers.

  A007001956 

 En fin donques ce grand prince, apres avoir tant soustenu de travaux pour la foy et fait tant de dommage a l'ennemy d'icelle, passa de Vienne a Prague ou il print congé de l'Empereur, desirant revenir en France visiter les cheres arrhes qu'il avoit laissees.

  A007001956 

 Mais parce que la vie doit estre comme une image dont toutes les parties doivent estre belles, et que la conclusion est la plus remarquable partie de l'œuvre, voyons un peu, je vous supplie, quelle fin eut une si belle vie.

  A007001957 

 Puys se resouvenant qu'il laissoit a Madame sa femme une jeune princesse son unique fille, pleine de bonté naturelle et de tous les signes qui peuvent præsager une excellente vertu, il s'en consola, et se resjouyt en soy raesrae de luy laisser ce gage de leur saint mariage, et reciproquement de laisser a sa fille une dame et mere, sous la douce et vertueuse conduitte de laquelle elle ne pouvoit qu'esperer de surgir au port qu'il desiroit..

  A007001959 

 O trespas, que tu nous prives de grandes choses! Si nous croyons le desir des siens, voire de tous les gens de bien, ce grand prince a fort peu vescu; si nous mesurons la grandeur de ses actions, il a asses vescu; si nous mesurons la misere du tems, il a trop vescu; si nous regardons la memoire de ses beaux exploitz, il vivra aeternellement..

  A007001959 

 Quand je dis que le duc de Mercœur est decedé, je dis aussi un grand duc et grand prince; mais ce qui est plus que tout cela et ou le monde ne peut atteindre, je dis ensemble un grand selon Dieu, grand en foy et religion, grand en vertu et preudhommie, grand en douceur et debonnaireté, grand en merites et bienfaitz, grand en prudence et en conseil, grand en reputation et honneur devant Dieu et devant les hommes, grand en toutes sortes et manieres.

  A007001960 

 Et comme il advient en un grand fleuve dont l'embouchure est estroitte, qu'avec plus d'impetuosité il se desgorge en la mer, ou [à] l'arbre qui veut mourir, que pour la derniere fois il porte du fruit plus que l'ordinaire, les vertus qui auparavant faisoyent en luy leurs fonctions a part, tant qu'il a vescu en ce monde, se sont icy jointes ensemble pour luy faire dire avec saint Paul: Cum infirmor, tunc potens sum, pour marcher au devant de luy, servir de fanal dans les tenebres du trespas, et pour faire que cest arbre, sur les rameaux duquel tant d' oyseaux ont reposé et a l'abri duquel tant d'animaux ont repeu, tombant du costé du midy, c'est a dire en estat de grace et de gloire, y demeure eternellement.

  A007001960 

 Heureuse fin pour le concours de toutes les vertus susdites, qui comme vrays amis, quand les forces de nature, quand les grandeurs et toutes les choses l'ont quitté, ne luy ont pas failli au besoin, se rencontrant toutes ensemble pour luy faire ce dernier office.

  A007001961 

 Ne penses plus a sa vie pour regretter sa mort, mais penses plustost a sa mort pour imiter sa vie, de laquelle si vous voules avoir une perpetuelle idee devant les yeux et en conserver un brief memorial, resouvenes vous de sa devise: « Plus fidei quam vitæ.

  A007001962 

 Quicomque est entré dans les saintz domiciles de la felicité, ne peut avoir le manteau de la foy, car tout y est descouvert: la clarté y est si grande qu'on n'y peut rien croire, d'autant qu'on y voit tout.

  A007001963 

 Hé, qui sera ce courageux Helisee qui la recueillira? Qui sera ce brave prince qui, marchant sur les pas de ce grand conducteur d'armees, avec « plus de foy que de vie, » poursuivra les victoires qu'il a si bien commencees contre les ennemis du Crucifix? Permettes moy que je vous expose une mienne pensee.

  A007001965 

 Mais encores me semble-il qu'il vous parle, Madame sa tres chere vefve, et a vous, Messieurs ses parens, et qu'il vous dit ces paroles: Regardes ou je suis, je vous supplie: je suis au lieu que j'ay tant desiré, auquel je me console en mes travaux passés qui m'ont acquis ceste gloire presente; pourquoy ne vous consoles vous avec moy? Quand j'estois avec vous, vous faisies profession de vous resjouïr avec moy de toutes mes consolations, [434] mesmement des caduques et illusoires: hé, ne suis-je pas tous-jours celuy-la? Pourquoy vous affliges vous donques de mon trespas, puysqu'il m'a donné tant de gloire? Non, je desire de vous tout autre chose que ces regretz; si vous aves des larmes, gardes les pour pleurer vos pechés et les malheurs de vostre siecle..

  A007001967 

 Dieu exauce les prieres de tout le Christianisme, lequel, joignant ses vœux aux nostres, conspire en ceste voix pour vous: Dieu donne sa paix a celuy qui a tant combattu pour defendre la nostre; Dieu donne son Paradis a celuy qui a conservé les maysons de tant de Chrestiens; Dieu donne son temple celeste a celuy qui a tant preservé d'eglises en terre; Dieu reçoive en la cité de Hierusalem triomphante celuy qui a tant combattu pour la militante.

  A007001992 

 Comme au printemps les oiseaux gazouillent avec grâce, ainsi en fut-il au jour de la naissance de Jean-Baptiste, pour Marie, Elisabeth, Zacharie, tous les voisins et chacun des saints qui vinrent ensuite.

  A007001993 

 Rose entre les épines..

  A007001994 

 Puis, sa mission, comme celle du Christ, a été prouvée par les miracles de sa nativité..

  A007001994 

 Son père en effet était prêtre, et l'Evangéliste dit expressément de sa mère qu'elle était d'entre les filles d'Aaron.

  A007001995 

 Marchant sans reproche dans tous les commandements et les rites du Seigneur. Les commandements se rapportent aux mœurs; les rites, aux cérémonies du culte; les jugements, aux lois civiles et politiques de Moïse; les témoignages, aux promesses..

  A007002019 

 Avec quel soin devons-nous conserver les grâces I Comme les roses entre les épines.

  A007002019 

 Les renards ne mangent pas les poussins qui ont mangé le foie d'un renard.

  A007002019 

 « Au pays de Carrina, en Espagne, une source montre tous les poissons couleur d'or, » etc. Les mouches mourantes gâtent la suavité du parfum..

  A007002033 

 Et lhors la resjouyssance fut si grande en Hierusalem, que le sang des sacrifices ruisseloit par les rues, l'air estoit couvert des nuages de tant d'encensemens et suffumigations, et les maysons et places retentissoyent des cantiques et psaumes que l'on chantoit par tout en musique et sur les instrumens harmonieux.

  A007002033 

 L'Arche de l'alliance avoit longuement esté sous les tentes et pavillons, quand en fin le grand roy Salomon la fit colloquer dans le riche et magnifique temple qu'il luy avoit preparé.

  A007002034 

 Mais, mon Dieu, si la reception de ceste ancienne Arche fut si solemnelle, quelle devons nous penser avoir esté celle de la nouvelle Arche, je dis de la tres glorieuse Vierge Mere du Filz de Dieu, au jour de son Assumption? O joye incomprehensible! o feste pleine de merveilles, et qui fait que les ames devotes, les vrayes filles de Sion, s'escrient par admiration: Quæ est ista quæ ascendit? Qui est celle cy laquelle monte du desert? Et pour vray, ces pointz sont admirables: la Mere de la vie est morte, la morte est resuscitee et montee au lieu de la vie.

  A007002036 

 Dieu mit au ciel deux luminaires au commencement, l'un desquelz fut appellé par grand excellence le grand luminaire, et l'autre fut nommé le moindre; le grand pour esclairer et præsider au jour, et le moindre pour esclairer et præsider a la nuict; car encores que nostre Createur voulust qu'il y eust vicissitude de jour et de nuict, et que les tenebres succedassent a la lumiere, si est ce qu'estant lumiere luy mesme, il ne voulut pas que les tenebres et la nuict demeurassent du tout privees de lumiere; dont ayant creé le grand luminaire pour le jour, il en crea un moindre pour la nuict, affin que l'obscurité des tenebres fust encores meslee et attrempee par le moyen de sa clarté..

  A007002037 

 Mais en fin, quand l'heure fut venue en laquelle ce pretieux soleil devoit se coucher et porter ses rayons a l'autre hemisphere de l'Eglise qui est le Ciel et la trouppe angelique, que pouvoit-on attendre sinon les obscurités d'une nuict tenebreuse? La nuict aussi arriva tout aussi tost et succeda au jour; car tant d'afflictions et persecutions qui survindrent aux Apostres, qu'estoit ce qu'une nuict? Mais ceste nuict eut encor son luminaire qui l'esclaira, affin que ses tenebres fussent plus tolerables; car la bienheureuse Vierge demeura en terre parmi les disciples et fidelles.

  A007002037 

 Or ce grand luminaire venant [440] icy bas en terre, le Filz de Dieu prenant nostre nature humaine, comme le vray soleil qui vient sur nostre hemisphere, fit la lumiere et le jour; jour bienheureux et tant desiré qui dura trente trois ans environ, pendant lesquelz il esclaira la terre de l'Eglise par les rayons de ses miracles, exemples, predications et saintes parolles.

  A007002037 

 chapitre des Actes et au 1 er, tesmoigne que Nostre Dame estoit avec les disciples au jour de la Pentecoste, et qu'elle perseveroit avec eux en orayson et communion; dont quelques errans sont convaincus de faute en ce qu'ilz ont estimé qu'elle mourut avec son Filz, a cause des parolles de Simeon qui avoit prædit que le glaive transperceroit son ame; mais je declaireray bien tost ce passage, et monstreray par le vray sens que Nostre Dame ne mourut pas avec son Filz..

  A007002038 

 C'est le moins, dis je, d'autant que les autres, avec beaucoup de probabilité, la font passer jusques a 72, mais cela importe bien peu.

  A007002038 

 Ce pendant voyes les raysons pour lesquelles son Filz la laissa apres luy en ce monde.

  A007002038 

 Il nous suffit de sçavoir que ceste sainte Arche de la nouvelle alliance demeura ainsy en ce desert du monde, sous les tentes et pavillons, apres l'Ascension de son Filz..

  A007002038 

 Sa demeure ici bas luy donna loysir de faire un grand amas de bonnes œuvres, affin qu'on peust dire d'elle: Plusieurs filles ont assemblé des richesses, mais tu les as toutes surpassees.

  A007002038 

 [441] par la a verifier ce que nous chantons d'elle: « Cunctas haereses interemisti; Tu as ruyné, o Vierge, et destruit toutes les heresies.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002041 

 La rayson fondamentale est parce que Nostre Dame n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz, elle ne pouvoit donq avoir qu'une mesme mort; elle ne vivoit que de la vie de son Filz, comme pouvoit-elle mourir d'autre mort que de la sienne? C'estoyent a la verité deux personnes, Nostre Seigneur et Nostre Dame, mais en un cœur, en une ame, en un esprit, en une vie; car si le lien de charité lioit et unissoit tellement les Chrestiens de la primitive Eglise, que saint Luc asseure qu'ilz n'avoyent qu' un cœur et une ame (aux Actes, 4 ), combien avons nous plus de rayson de dire et croire que le Filz et la Mere, Nostre Seigneur et Nostre Dame, n'estoyent qu' une ame et qu'une vie?.

  A007002042 

 O peuple, ceste union, ce meslange et liaison de cœurs estoit grande qui faysoit dire telles parolles a saint Paul, mais non pas comparable avec celle qui estoit entre le cœur du Filz Jesus et celuy de la Mere Marie; car l'amour que Nostre Dame portoit a son Filz surpassoit celuy que saint Paul portoit [443] a son Maistre, d'autant que les noms de mere et de filz sont plus excellens en matiere d'affection que les noms de maistre et de serviteur.

  A007002044 

 Le glaive de douleur duquel l'Eglise entend les parolles de Simeon: Tuam, dit-elle, ipsius animam doloris gladius pertransivit:.

  A007002050 

 Le glaive d'amour, duquel Nostre Seigneur parle: Non veni mittere pacem, sed gladium; Je ne suis [444] pas venu mettre la paix, mais le glaive, qui est le mesme que quand il dit: Ignem veni mittere; Je suis venu mettre le feu. Et au Cantique des Cantiques, l'Espoux estime que l'amour soit une espee par laquelle il a esté blessé, disant: Tu as blessé mon cœur, ma seur, mon espouse. De ces trois glaives fut transpercee l'ame de Nostre Dame en la mort de son Filz, et principalement du dernier qui comprend les deux autres..

  A007002051 

 Ce n'est donques pas merveille si je dis que les douleurs du Filz furent les espees qui transpercerent l'ame de la Mere..

  A007002051 

 L'amour a accoustumé de faire recevoir les contre coups des afflictions de ceux que l'on cherit: Quis infirmatur, et ego non infirmor? Qui est malade, que je ne le sois? qui reçoit un coup de douleur, que je n'en reçoive le contre coup? dit le saint Apostre; et neanmoins l'ame de saint Paul ne touchoit pas de si pres au reste des fidelles, comme l'ame de Nostre Dame touchoit et attouchoit de fort pres, et de si pres que rien plus, a Nostre Seigneur, a son ame et a son cors, duquel elle estoit la source, la racine, la Mere.

  A007002051 

 Le cors de Nostre Dame n'estoit pas joint et ne touchoit pas a celuy de son Filz en la Passion; mais quant a son ame, elle estoit inseparablement unie a l'ame, au cœur, au cors de son Filz, si que les coups que le beny cors du Sauveur receut en la croix ne firent aucune blesseure au cors de Nostre Dame, mais ilz firent des grans contre coups en son ame, dont il fut verifié ce que Simeon avoit prædit.

  A007002052 

 Car quant a son amour, o comme il vous blessa, lhors que vous voyies mourir un Filz qui vous aymoit tant et que vous adories tant! Quant a sa douleur, comme elle vous toucha vivement, touchant si mortellement tout vostre playsir, vostre joye, vostre consolation! Et quant a ses paroles si douces et si aigres tout ensemble, helas, ce vous furent autant de vens et d'orages pour enflammer vostre amour et vos douleurs, et pour agiter le navire de vostre cœur presque brisé en la tempeste d'une mer tant amere! L'amour fut l'archer, car sans luy la douleur n'eust pas eu asses de mouvement pour atteindre vostre ame; la douleur fut l'arc qui lançoit les paroles interieures et exterieures, comme autant de dars qui n'avoyent autre but que vostre cœur..

  A007002052 

 L'ame de Nostre Dame estoit jointe en parfaitte union a la personne de son Filz, elle estoit collee sur elle: Anima Jonathæ conglutinata est ad animam David, dit l'Escriture, I Reg., 18; L'ame de Jonathas fut liee ou collee a celle de David, tant leur [445] amitié estoit estroitte; et partant, les espines, les clouz, la lance qui percerent la teste, les mains, les piedz, le costé de Nostre Seigneur, passerent encores outre et outrepercerent l'ame de la Mere.

  A007002053 

 C'est la verité, o peuple, plus les paroles de Nostre Seigneur furent douces, plus furent elles cuisantes a la Vierge sa Mere, et le seroyent a nous si nous aymions son Filz.

  A007002053 

 Helas, comme fut il possible que des sagettes tant amoureuses fussent si douleureuses? Ainsy les eguillons emmiellés des abeilles font extreme douleur a ceux qui en sont piqués, et semble que la douceur du miel avive la douleur de la pointe.

  A007002053 

 Rien ne nous fait tant ressentir la douleur d'un amy que les asseurances de son amour..

  A007002054 

 Et quoy, me dires-vous, mourut elle alhors? J'ay des-ja dit que quelques uns qui l'ont ainsy voulu dire ont fort [446] erré, et que l'Escriture tesmoigne qu'elle estoit encor vivante au jour de la Pentecoste, et qu'elle persevera avec les Apostres aux exercices de l'orayson et communion, et de plus que la tradition est qu'elle vescut plusieurs annees despuis.

  A007002055 

 Aristote raconte que les chevres sauvages de Candie (Pline en dit de mesme des cerfz) ont une malice et ruse, ou plustost un instinct admirable; car estant transpercees d'une flesche elles recourent au dictamon, par le moyen duquel la flesche est expulsee et rejettee du cors.

  A007002055 

 Au contraire la Sainte Vierge se sentant blessee, cherit et garda soigneusement les traitz dont elle estoit outrepercee et ne voulut jamais les repousser; ce fut sa gloire, ce fut son triomphe, et partant elle desira d'en mourir et en mourut en fin: si [447] que elle mourut de la mort de son Filz, bien qu'elle n'en mourut pas sur l'heure..

  A007002055 

 Mays qui est le Chrestien qui n'ayt esté quelquefois blessé du dard de la Passion du Sauveur? Qui est le cœur qui ne soit atteint, considerant son Sauveur fouetté, tourmenté, garrouté, cloué, couronné d'espines, crucifié? Mays je ne sçay si je le dois dire, que la pluspart des Chrestiens ressemblent aux hommes de Candie desquelz parlant l'Apostre, il dit: Cretenses mendaces, ventres pigri, malæ bestiæ; Les Candiotz sont menteurs, ventres coüars, mauvaises bestes. Au moins puis je bien dire que plusieurs ressemblent aux chevres sauvages de Candie; car ayant esté blessés et atteins en leur ame de la Passion du Sauveur, ilz recourent incontinent au dictamon des consolations mondaines, par lequel les dars de l'amour divin sont rejettés et repoussés de leur memoire.

  A007002056 

 Voyes les afflictions de son cœur, voyes les passions de son cors, consideras, je vous supplie, et voyes qu'il n'y a point de douleurs esgales aux siennes; mais neanmoins toutes ces douleurs, toutes ces afflictions, tous ces coups de main, de roseau, d'espines, de fouet, de marteaux, de lance ne pouvoyent le faire mourir; la mort n'avoit pas asses de force pour se rendre victorieuse sur une telle vie, elle n'y avoit point d'acces.

  A007002057 

 L'amour desiroit que la mort entrast en Nostre Seigneur, a fin que par sa mort il peust se respandre en tous les hommes; la mort desiroit d'y entrer, mais elle ne pouvoit d'elle mesme.

  A007002058 

 Tout autre homme fut mort de tant de douleurs, mais Nostre Seigneur, qui tenoit en ses mains les clefs de la mort et de la vie, pouvoit tous-jours empescher les effortz de la mort et les [448] effectz des douleurs.

  A007002059 

 Il est donq mort d'amour, et c'est ce qui fait que son sacrifice de la croix fut un holocauste, parce qu'il y fut consumé par ce feu, invisible mais d'autant plus ardent, de sa divine charité qui le rend sacrificateur en ce sacrifice, et non les Juifz ou Gentilz qui le crucifierent, d'autant qu'ilz n'eussent sceu luy donner la mort par leurs actions, si son amour, par le plus excellent acte de charité qui fut onques, n'en eust permis et commandé le dernier effect, puysque tous les tourmens qu'ilz luy firent fussent demeurés sans effect, s'il n'eust voulu leur permettre la prise sur sa vie et leur donner force sur luy: Non haberes potestatem adversum me, nisi datum tibi esset desuper..

  A007002060 

 Elle portoit tous-jours en son cœur les playes de son Filz; pour quelque tems elle les souffrit sans mourir, mais en fin elle en mourut sans souffrir.

  A007002062 

 Ah, si tant de vierges, comme sainte Catherine de Sienne, sainte Claire de Montefalco, ont bien eu ceste grace, pourquoy non Nostre Dame, laquelle ayma son Filz et sa mort et sa croix incomparablement plus que ne firent onques tous les Saintz et les Saintes? Aussi n'estoit elle plus qu'amour, et en nostre langage, l'anagramme de Marie n'est autre chose que aimer: aimer c'est Marie, Marie c'est aimer.

  A007002062 

 Ceste Vierge assemblant en son cœur la croix, la couronne, la lance de Nostre Seigneur, les posa au plus haut de ses pensees, et faisant sur ce buscher un grand mouvement de continuelle meditation, le feu en sortit aux rayons des lumieres de son Filz.

  A007002062 

 Le phœnix assemble des busches de bois aromatiques, et les posant sur la cime d'un mont, fait sur ce buscher un si grand mouvement de ses aisles, que le feu s'en allume aux rayons du soleil.

  A007002062 

 Le phœnix meurt en ce feu la; la Vierge mourut en celuy ci, et ne faut pas douter qu'elle n'eust en son cœur gravees les armes de la Passion.

  A007002063 

 La ville de Hiericho fut generalement pillee et saccagee, mais la mayson de Raab fut privilegiee et exempte du sac, parce qu'elle avoit logé une nuict les espies du grand duc Josué.

  A007002063 

 Le monde et tous ses habitans sont sujetz au sac et pillage et au feu general; mais ne vous semble il pas qu'il y aye rayson d'excepter Nostre Dame et son cors? cors qui receut et logea non les espies, mais le vray Josué, le vray Jesus, et non pour une nuict, mays bien pour plusieurs: Beatus venter, beata ubera.

  A007002063 

 Les vers butineront nos cors, maya ilz ont reveré celuy qui a produit le cors de leur Createur..

  A007002064 

 Certes, selon les lois generales, la Vierge ne devoit pas resusciter avant le jour de la generale resurrection, ni mesme estre exempte de la corruption; mais l'honneur qu'elle a eu de porter devant le Pere eternel, non l'Arche d'alliance, mais le Filz unique, le Sauveur, le Redempteur, la rend exempte de toutes ces regles.

  A007002067 

 Et certes, les cigoignes ont ceste naturelle pieté envers leurs peres et meres desja caduques et vieux, que lhors que l'aspreté de la sayson et du tems les contraint a faire passage et retraitte en lieu plus chaud, elles les saisissent, s'en chargent et les portent sur leurs aysles, pour en quelque façon contrechanger le benefice qu'elles ont reçeu en leur education.

  A007002067 

 Il ne faut pas douter que le Sauveur n'aye voulu observer ce commandement qu'il a fait a tous les enfans, au plus haut point de perfection que l'on peut imaginer.

  A007002067 

 Leves vous en ce commandement que vous aves fait, et ne permettes pas que ce cors qui vous a engendré sans corruption en reçoive maintenant par la mort; mais resuscités le et le saisisses sur les aysles de vostre puissance et bonté, pour le transporter du desert de ce monde bas en ce lieu de felicité immortelle.

  A007002067 

 Mays qui est l'enfant qui ne resuscitast sa bonne mere, s'il pouvoit, et ne la mist en Paradis apres qu'elle seroit decedee? Ceste Mere de Dieu mourut d'amour, et l'amour de son Filz la resuscita; et en ceste consideration laquelle, comme vous voyes, est toute raysonnable, nous disons aujourd'huy: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super Dilectum suum? C'est le sujet de nostre feste, c'est l'occasion de ceste grande allegresse que tous les saintz celebrent en l'Eglise militante et triomphante..

  A007002067 

 Vous aves commandé l'assistance des enfans a l'endroit de leurs peres vieux, et l'aves gravé si avant en la nature que les cigoignes mesmes en prattiquent la loy.

  A007002068 

 Et comme douterons nous qu'a l'Assumption de la tressainte Mere du Sauveur tous les Anges n'ayent fait feste et celebré sa venue par toutes sortes de cantiques de joye, auxquelz joignans nos vœux et affections, nous devons faire une solemnelle feste avec des voix et chans de triomphe: Qui est celle ci qui monte du desert, abondante en delices?.

  A007002068 

 Quand le patriarche Joseph receut son bon pere Jacob au royaume d'Egypte en la cour de Pharao, outre le favorable accueil que le roy mesme luy fit, ne doutes pas que les principaux courtisans ne luy allassent au devant et ne fissent toutes sortes de demonstrations d'une grande resjouyssance.

  A007002069 

 Elle monte sicut virgula fumi ex aromatibus myrrhæ et thuris: Qui est celle, est il dit au Cantique des Cantiques, qui monte du desert comme une colomne de fumee, parfumee de mirrhe et d'encens, et de toutes les poudres d'un parfumeur? La reyne de Saba vint, comme vous sçaves, visiter le roy Salomon pour considerer sa sagesse et le bel ordre de sa cour, et a son arrivee elle luy donna une grande quantité d'or, de parfums et de pierres pretieuses: Non sunt allata ultra tam multa aromata, quam ea quæ dedit regina Saba regi Salomoni.

  A007002070 

 Mais nostre sainte Dame ayant esté comblee de grace en sa conception, des qu'elle eut l'usage de sa rayson n'a jamais cessé de prouffiter et croistre de plus en plus en toutes sortes de vertus et de graces, si que l'amas d'icelles en fut incomparable: Multæ filiæ congregaverunt divitias, sed tu supergressa es universas; Plusieurs ames ont assemblé des richesses, mais vous les aves toutes surpassees..

  A007002070 

 Voules vous voir clair en ceste doctrine? Sçaches qu'en matiere de bonnes œuvres, il n'y a personne qui commence si tost a en faire ni qui continue si diligemment comme fit Nostre Dame; car quant a nous autres, nous commençons bien tard a en faire, et si nous en faysons, bien souvent nous les perdons par le peché et ne continuons pas; si que l'amas ne s'en trouve pas fort grand, car bien qu'a l'adventure nous assemblons quelques deniers de merite, ce n'est que quelquefois, et bien souvent nous jouons et dissipons nostre argent en un coup de peché.

  A007002071 

 Elle luy donna place selon son desir, il la luy donne maintenant selon son amour, l'exaltant sur les Cherubins et Seraphins..

  A007002072 

 Aves-vous pas remarqué que la reyne de Saba portant tant de [456] choses pretieuses en Hierusalem, les offrit toutes a Salomon? Ah, tous les Saintz en font de mesme, et particulierement la Vierge; toutes ses perfections, toutes ses vertus, toutes ses felicités sont rapportees, consacrees et dediees a la gloire de son Filz qui en est la source, l'autheur et le consommateur: Soli Deo honor et gloria; tout revient a ce point.

  A007002072 

 C'est ainsy, o Chrestiens, qu'il faut estre jaloux de l'honneur de Jesus Christ, non pas comme les adversaires de l'Eglise, qui pensent bien honnorer le Filz refusant l'honneur deu a la Mere; ou au contraire, l'honneur porté a la Mere estant rapporté au Filz, rend magnifique et illustre la gloire de sa misericorde..

  A007002072 

 C'est la conclusion de toutes les louanges que l'Eglise donne saintement aux Saintz, et sur tout a la Vierge; car nous les rapportons tous-jours a l'honneur de son Filz, par la force et vertu duquel elle monte et a receu la plenitude des delices.

  A007002072 

 Voules-vous que Nostre Dame soit un lys de pureté et d'innocence? Ouy, elle l'est a la verité; mais ce lys a sa blancheur du sang de l'Aigneau auquel elle a esté blanchie, comme les estolles de ceux qui dealbaverunt eas in sanguine Agni, qui les ont lavees au sang de l'Aigneau.

  A007002073 

 Et pour tesmoigner la pureté de l'intention de l'Eglise en l'honneur qu'elle rend a la Vierge, je vous represente deux heresies contraires, qui ont esté contre le juste honneur de Nostre Dame: l'une par l'exces, qui nommoit Nostre Dame deesse du Ciel et luy offroit sacrifice, et celle-ci fut maintenue par les Collyridiens; l'autre par le defaut, qui rejettoit l'honneur que les Catholiques font a la Vierge, et celle-ci fut des Antidicomarites.

  A007002073 

 L'Eglise qui va tous-jours par le chemin royal et se tient dans le milieu de la vertu, ne combattit pas moins les uns que les autres, mais determinant contre les uns que la Vierge n'estoit que creature et que partant on ne devoit luy faire aucun sacrifice, elle establit contre les autres que neanmoins ceste sainte Dame, pour avoir esté Mere du Filz de Dieu, devoit estre reconneuë d'un honneur special, infiniment moindre que celuy de son Filz, mays infiniment plus grand que celuy de tous les autres Saintz.

  A007002073 

 Les [457] folz tiennent tous-jours les extremités et sont contraires ensemble.

  A007002075 

 Et certes, de soy elle n'estoit pas digne d'aucun honneur, elle estoit sans odeur; mais puysque ce grand arc du ciel, ce grand signe de la reconciliation de Dieu avec les hommes, vint petit a petit a fondre sur ceste sainte espine, premierement par grace des sa conception, puys par filiation, se rendant entierement son Filz et reposant en son pretieux ventre, la suavité en a esté si grande que nulle autre plante n'en a jamais tant eu, suavité qui est tant aggreable a Dieu, que les prieres qui en sont parfumees ne sont jamais debouttees ni inutiles; mais tous-jours l'honneur en revient a son Filz duquel elle a receu son odeur..

  A007002076 

 Mais la Vierge et les Saintz sont advocatz de grace: ilz supplient pour nous qu'on nous pardonne, et le tout par la Passion du Sauveur; ilz n'ont pas pour monstrer dequoy nous justifier, mais s'en confient au Sauveur; bref, ilz ne joignent pas leurs prieres a l'intercession du Sauveur, car elles ne sont pas de mesme qualité, mais aux nostres.

  A007002077 

 Et reginæ laudaverunt eam: et non seulement le peuple, mais les ames plus relevees, les prelatz, les docteurs, les princes et monarques l'ont loüee et magnifiee; et comme les oyseaux commencent a gazouiller chacun en son ramage a la pointe du jour, ainsy tous se sont evertués a celebrer ses honneurs, comme elle mesme l'avoit præveu, disant: Beatam me dicent omnes generationes, a la suitte desquelz tous les fidelles doivent, et vous le deves plus particulierement, o Parisiens, l'invoquer et luy obeyr, qui sont les deux premiers honneurs que nous luy pouvons rendre et qu'elle nous a invité a luy rendre..

  A007002077 

 Regardes le Christianisme: de trois eglises, les deux sont sous l'invocation de la Vierge, ou ont des marques signalees de la devotion du peuple en son endroit.

  A007002077 

 Viderunt eam filiæ Sion: Les filles de Sion, les ames des fidelles, les peuples l'ont consideree, et l'ont louee pour tres heureuse.

  A007002079 

 Mais elle ne demeura gueres morte, mais fut resuscitee, et monta du desert de ce monde la haut en Paradis, ou elle est au supreme degré de toutes les creatures; et tout cela pour la plus grande gloire de son Filz, pour laquelle elle prie pour nous et nous demande que nous luy soyons fidelles serviteurs..

  A007002081 

 Hé, Vierge glorieuse, pries pour l'Eglise de vostre Filz; assistes de vos faveurs tous les superieurs, le Saint Pere, les prelatz et evesques, et particulierement celuy de vostre ville de Paris.

  A007002081 

 O lys celeste, arrouses les lys de vostre France de vos saintes benedictions, affin qu'ilz soyent blancz et purs en unité de la vraye foy et religion.

  A007002081 

 Vous estes une mer, prestes les ondes de vos graces a ce jeune dauphin; vous estes estoille de mer, hé, soyes favorable au navire de Paris, affin qu'il puysse surgir au saint havre de gloire, pour y louer le Pere, le Filz et le Saint Esprit es siecles des siecles.

  A007002110 

 Les evenemens des Machabees..

  A007002123 

 Les cinq rois qui marchent contre les Gabaonites sont les sens extérieurs qui s'érigent contre les puissances de l'âme raisonnable..

  A007002125 

 Pais tes chevreaux, c'est-à-dire les mouvements dépravés, réduis-les en servitude, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire, selon les lois de l'Eglise..

  A007002125 

 Sors et suis les traces de tes troupeaux: sors jusqu'aux sens, jusqu'aux confins du royaume, pour ainsi dire.

  A007002126 

 L'homme est un petit monde; au temps de la justice originelle la raison en était le roi, toutes les passions lui étaient soumises: le désir, l'espérance du bien futur; la joie, l'allégresse pour le bien obtenu; l'amour des choses indifférentes de leur nature; la crainte du mal à venir; la tristesse, la douleur pour le mal présent..

  A007002129 

 Libéralité envers les pauvres.

  A007002129 

 Pline dit que les lis sont toujours inclinés; le lis des vallées, comme le Christ.

  A007002129 

 Prières avec larmes. Les lis aussi se multiplient par les larmes et les gouttes qui les arrosent.

  A007002131 

 Il est vrai que les rois aux mœurs dépravées et corrompues sont des rois, que Dieu donne dans sa fureur; mais combien plus [465] heureux est l'état gouverné par un roi sage! Vos lis parleront par analogie, ces lis qui, d'après saint Ambroise, fleurissent et conservent leur éclat même quand la tige et les feuilles sont desséchées; leur épanouissement toutefois est bien plus beau quand ils sont entourés de feuilles printanières..

  A007002132 

 Et d'abord, il eut affaire avec les grands du royaume qui troublaient l'état; il les terrassa ou les soumit, et bientôt les apaisa: Comme le lis entre les épines. Dès que la question militaire eut été réglée, semblable à Melchisédech, roi de Salem (de la justice et de la pair.): que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple, et les collines, la justice.

  A007002132 

 Le lis croît très facilement parmi les épines; de même la paix avec la justice.

  A007002134 

 Ce qu'il observait aussi pour les aumônes, afin que les plus dignes fussent récompensés selon leur mérite..

  A007002134 

 Distributive: il conférait tous les emplois à ceux qui en étaient dignes.

  A007002135 

 Hélas! que son peuple a dégénéré! Les commerçants n'ont plus de conscience, les nobles, plus de religion..

  A007002135 

 Les plus vives sollicitations ne purent jamais l'amener à promettre de cette sorte: Je m'engage à faire telle chose ou à renier Dieu.

  A007002138 

 De même les Mages ne sont pas appelés rois, parce qu'en présence du Christ ils ne sont pas rois.

  A007002138 

 Il ne permet pas, par vénération pour la sainte Croix, que ses enfants soient parés de fleurs le vendredi; et à vous, ô Parisiens, il légua une partie de cette sainte Croix, il vous légua la couronne d'épines, afin que le lis fût entre les épines.

  A007002138 

 Les Religieux.

  A007002138 

 Les pauvres, les lépreux; reconnaissant en eux le Christ, il s'estime lui-même néant, comme les étoiles devant le soleil.

  A007002138 

 Louis méprisait tous les biens de ce monde; il affirmait qu'il préférait mourir plutôt que de commettre un péché mortel..

  A007002139 

 O heureuse France, combien longtemps l'Epoux s'est nourri parmi tes lis! [467] Combien de royaumes, de provinces, etc. Dieu fasse que tes lis ne se flétrissent jamais, mais toi veille à ne les jamais perdre..

  A007002140 

 Celui qui aura vaincu, et aura gardé mes œuvres jusqu'à la fin, je lui donnerai puissance sur les nations; il les gouvernera avec une verge de fer et elles seront irisées comme le vase d'un potier, comme je l'ai obtenu moi-même de mon Père.

  A007002154 

 Caïus se figurait qu'il deviendrait Dieu en revêtant les insignes de la divinité; toutefois, ce n'est pas ainsi qu'on le devient, mais par les vertus.

  A007002154 

 Les arbres de la campagne et les cèdres du Liban qu'il a plantés seront rassasiés; les passereaux y feront leurs nids..

  A007002156 

 Le roi d'Israël passe comme le matin. L'aurore se détruit elle-même eu naissant et croissant; Similitudes: d'après saint Jacques, la vapeur qui paraît [469] pour un peu de temps... pour cela les royaumes des Babyloniens, des Persans, des Grecs, des Romains sont vus en songe..

  A007002159 

 Roiteletz curent les dens des crocodiles et leur font ouvrir la bouche en dormant; ce pendant le rat d'Inde se lance dedans, et luy ronge les entrailles et le fait mourir; [l.

  A007002160 

 Le long du fleuve Euphrates serpens ne nuisent aux habitans mais estrangers; les scorpions de Latmos en Carie au contraire; [l.] 8. c. 59.

  A007002160 

 Le pescheteau, diable de mer, trouble le limon pour y faire venir les petitz poissons et les attire et prend; l. 9.

  A007002172 

 La vermine tue les faisans s'ils ne se couvrent de poussière.

  A007002172 

 Le Seigneur garde les petits; j'ai été humilié, et il m'a délivré.

  A007002173 

 Quelle force plus que celle de l'amour nous prive de nos biens? La chaleur des rayons du soleil nous oblige à rejeter nos vêtements; mais cet astre même revêt les arbres de fleurs et de feuilles.

  A007002173 

 Vous ne les sauverez à aucun prix; vous briserez les peuples dans votre colère.

  A007002193 

 Et toutes les nations seront rassemblées devant lui et il les séparera les uns d'avec les autres..

  A007002194 

 Voilà qu'en ces jours-là et en ce temps-là, lorsque j'aurai ramené les captifs de Juda et de Jérusalem, je rassemblerai tous les peuples et je les conduirai dans la vallée de Josaphat, et là j'entrerai en jugement avec eux; selon l'hébreu: et je serai jugé avec eux.

  A007002195 

 Je vis un trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, etc.; et les livres furent ouverts, et un autre livre qui est le livre de vie; et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A007002195 

 Le jugement se tint et les livres furent [473] ouverts.

  A007002196 

 En ce jour-la je scruterai Jérusalem avec des lampes et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal. [ En ce jour-là; ] 1.

  A007002196 

 Jérusalem; saint Bernard: même les Saints.

  A007002196 

 Lorsque j'aurai pris mon heure, je jugerai les justices.

  A007002197 

 Le quatrième jour: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament, etc. Toute la milice des cieux s'anéantira, et les deux se rouleront comme un livre.

  A007002197 

 Les cieux qui, comme des livres, ont annoncé la gloire de Dieu.

  A007002198 

 Il est statué, etc. Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort? La mort a passé dans tous les hommes..

  A007002199 

 Aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A007002199 

 En un moment, en un clin d'œil, au son de la dernière trompette; car la trompette sonnera. Cette trompette appellera les méchants à la guerre, les bons à la fête, tous au jugement.

  A007002199 

 Levez-vous, morts, et venez, etc. Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront, etc..


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A008000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A008000012 

 Sermons reproduits d'après les autographes.

  A008000107 

 CLX. Sermon pour le Dimanche de Quasimodo, sur les cinq Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

  A008000129 

 Les Israélites n'usèrent jamais d'aliment plus solide que lorsqu'ils se nourrissaient de la manne; ils murmurent cependant et en demandent Un autre: Jésus s'était illustré par mille miracles, et cependant ils en exigent encore..

  A008000131 

 Ensuite, les miracles sont une prérogative de l'Eglise: Des prodiges [ accompagneront ] ceux qui auront cru.

  A008000132 

 Pourquoi donc Jésus les blàme-t-il? Parce qu'ils étaient hypocrites.

  A008000133 

 Si ce n'est le signe du Prophète Jonas, c'est-à-dire, si ce n'est le signe de la condamnation, car les hommes de Ninive se lèveront.

  A008000151 

 Le Baptême lave tous les péchés..

  A008000151 

 Quels sont les malades, les aveugles, les boiteux, les infirmes dont les membres sont desséchés? Aveugles: les infidèles ne voient pas; boiteux, dans l'appétit irascible ou dans l'appétit concupiscible; desséchés: les tièdes, ou encore ceux qui demeurent dans le péché originel.

  A008000152 

 Les cinq portiques: les cinq livres du Pentateuque ou les cinq sens.

  A008000152 

 Ou bien parce que les Juifs et les Gentils sont aveugles, boiteux d'un pied, desséchés spirituellement.

  A008000153 

 Aussi les Chrétiens sont-ils appelés poissons, et le Christ ιχθύς, poisson.

  A008000155 

 Plusieurs donc pensent que le Christ l'avait interrogé sur sa maladie et même sur les causes de son mal, voilà pourquoi Jésus dit: Ne pèche plus désormais.

  A008000182 

 3 me: Parce que le pécheur a une volonté éternelle de pécher; car s'il pèche sachant qu'il est mortel, que ne ferait-il pas s'il se savait immortel? Il les a abandonnés aux désirs de leur cœur, etc..

  A008000185 

 Les abeilles tirent du thym le meilleur miel.

  A008000209 

 Les arbres qui renversent leurs feuilles.

  A008000237 

 Comme les fleurs adhérentes au même arbre, comme les pierreries d'une même couronne.

  A008000240 

 A la Passion: Toutes les fois que vous le ferez, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne.

  A008000240 

 Avec elle il y avait la verge d'Aaron (la croix) et les tables, etc. Pour cela, Elle [se trouve] sous le genièvre.

  A008000241 

 Jonathas mangeant le miel, eut les yeux ouverts.

  A008000244 

 Je ne craindrai point les maux parce que vous allez avec moi..

  A008000245 

 Le moly, dodécathéon, bu dans l'eau, guérit toutes les maladies; difficile à extirper.

  A008000266 

 Qui d'entre voits me convaincra de pichi? Si je vous dis la viriti, pourquoi ne me croyez-vous point? Celui qui est (le Dieu, icoute les paroles dc Dieu; et si vous ne les icontez point, c'est parce quc vous n'êtes point de Dieu..

  A008000267 

 Exposer au debut l'histoire de Josue, VI, au sujet de Jericho enlevee par les pretres qui portaient l'Arche d'alliance, au son des trompettes.

  A008000267 

 Mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. La trompette est la parole de Dieu.

  A008000270 

 Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu.

  A008000270 

 Et comment avons-nous entendu chacun notre langue dans laquelle nous sommes nés? Chacun entend sa langue: le mondain entend la langue du monde, l'orgueil; le charnel entend la langue de la chair, la concupiscence; le fils du diable entend la langue du diable, les querelles.

  A008000270 

 Les agneaux entendent leurs mères bélant, et les perdrix entendent les perdrix..

  A008000270 

 Quand les enfants jouent, si seulement le père de l'un d'entre eux tousse légèrement, lors même que tous les autres n'y prendraient pas garde, son fils l'entend.

  A008000271 

 Comment connaissez-vous que quelqu'un est sourd, sinon quand les paroles ne l'atteignent pas? Près de la fontaine, Eliézer donne à Rébecca des pendants d'oreilles du poids de deux sicles, et des bracelets du poids de dix sicles..

  A008000272 

 Ils se bouchèrent les oreilles et se précipitèrent tous ensemble sur lui..

  A008000272 

 Mais la cause principale pour laquelle ils n'entendent pas est la haine, la malveillance dont nous les voyons animés.

  A008000273 

 Les Juifs dirent donc; Maintenant nous connaissons qu'il y a un démon en [18] vous; Abraham est mort, et les Prophètes aussi, qui prétendez-vous être? Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien; c'est mon Père, etc..

  A008000273 

 Les Juifs répondirent et lui dirent: Ne disons-nous pas avec raison que vous êtes un Samaritain et qu'un démon est en vous? Ces paroles-ci sont bien les propos du diable, c'est-à-dire, des blasphèmes, des paroles infernales.

  A008000297 

 C'est ce que font tous les Sacramentaires de notre époque.

  A008000298 

 Et pour en venir à notre sujet, de notre temps, relativement au mystère de l'Eucharistie, les Ubiquitaires déclarent que Jésus est partout, d'autres, qu'il n'est nulle part en ce monde, mais seulement hors de ce monde, au Ciel; ceux-là nient qu'il soit monté, ceux-ci qu'il soit demeuré..

  A008000298 

 Les hérétiques ont l'habitude de rechercher toujours les extrêmes.

  A008000298 

 Par exemple, s'agit-il de l'Ecriture, Swenckfeld, Quintinus, Chopin, ne veulent pas de parole, tout vient par inspiration; et presque tous les autres refusent absolument de croire à l'Eglise, inspirée par l'Esprit-Saint.

  A008000298 

 Pour l'honneur dû à la Sainte Vierge, les Collyridiens la veulent adorer par des sacrifices, Copronyme ne la uge digne d'aucun culte.

  A008000299 

 Ainsi: la foi justifie, donc les œuvres ne justifient pas; et pourtant l'Ecriture enseigne très clairement ces deux points.

  A008000299 

 Il faut s'en tenir à la parole de Dieu écrite, donc rejeter les Traditions; l'Eglise dit: Gardez les Traditions que vous avez reçues, soit par nos discours, soit par notre Epître.

  A008000299 

 L'Eglise, d'après saint Jacques, admet la foi et les œuvres.

  A008000299 

 Presque toujours les hérétiques contemporains, lorsqu'ils trouvent deux vérités de l'Ecriture dont ils ne peuvent comprendre l'existence simultanée, ont coutume d'en détruire l'une par l'autre, bien qu'elles ne soient pas contraires.

  A008000301 

 La manne tombait la nuit, pour que les Israélites ne vissent pas son mode de production, mais qu'une fois produite ils y crussent: crois au fait sans rechercher comment il s'est produit..

  A008000301 

 Les Israélites crurent, ils ne dirent pas: Cela ressemble non pas au pain, mats à la coriandre, à la gelée blanche, au verglas; non, tous en recueillirent.

  A008000302 

 Or, il y a treize cents ans que saint Chrysostôme s'en rapportait à ce miracle; Du Sacerdoce, liv. III. «O miracle,» s'écriait-il, «ô bonté de Dieu! Celui qui siège là-haut avec le Père, en ce moment même, se livre à toutes les mains, se donne lui-même à tous ceux qui veulent le recevoir et l'embrasser.» Et hom.

  A008000303 

 Voyez en effet, je vous prie, ce corps, non plus charnel, mais spirituel, qui pénètre les cieux.

  A008000304 

 Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches, sur les montagnes des aromates.

  A008000317 

 Et dans les étoiles, c'est-à-dire dans les affections: ô Dieu! tout changera; les affections dépravées tomberont, ainsi que l'amour des biens passagers, etc. Et sur la terre la détresse des nations: dans la chair, détresse des sens.

  A008000317 

 Les hommes séchant, l'homme intérieur et l'homme extérieur, de frayeur, épouvantés qu'ils seront par ce qui surviendra dans tout l'univers, c'est-à-dire, dans l'homme tout entier.

  A008000318 

 Je m'élève vers vous, car c'est vous qui arrosez d'eau les montagnes, afin que les arbres de la campagne et les cèdres du Liban soient rassasiés; les passereaux y feront leurs nids.

  A008000318 

 La demeure du liéron est leur chef, c'est-à-dire, le héron est le premier à faire son nid, afin de conduire et d'induire les autres à faire les leurs.

  A008000318 

 Les montagnes élevées fournissent des pâturages aux cerfs quand ils sont repoussés par le veneur.

  A008000344 

 Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis à lui; il se repaît parmi les lis, jusqu'à ce que le jour paraisse et que les ombres s'inclinent.

  A008000345 

 Comme le Christ est l'Epoux, bien que nous ne puissions douter de son amour, cependant, pour notre consolation, voyons les témoignages d'amour de Jésus envers sa Mère..

  A008000345 

 Tous les Pères trouvent dans ces paroles une preuve de l'immense et mutuel amour de l'Epoux et de l'Epouse.

  A008000348 

 Et celui-ci: Un glaive de douleur transpercera ton âme, Hugues l'interprète de l'âme du Christ qui est l'âme de Marie; aussi, près de la Croix, elle se tient debout liée dans des canaux, comme le lis entre les épines..

  A008000351 

 Celui d'amitié est le zèle qui protège l'ami contre les maux.

  A008000351 

 Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car ma vigne a fleuri.

  A008000400 

 Dans les tableaux et peintures qui représentent un grand nombre de personnages en petit volume, il reste toujours quelque chose à voir et à noter, ombres, profils, raccourcissements, entorses; il en est de même pour l'Evangile des saints Innocents, qui représente tant de petits personnages, et surtout ce petit Enfant qu'on cherche sans le trouver.

  A008000402 

 Tous les hommes en ont, les diocèses, les villes, les églises, les monastères ont le leur.

  A008000405 

 Mais tu dis: Où fuirai-je? Il faut fuir non les lieux, mais les occasions..

  A008000406 

 Allaite cet Enfant; sois plus vigilant dans les commencements.

  A008000406 

 Les uns cherchent Jésus comme l'Epouse: J'ai trouvé Celui que chérit mon âme, je le tiens et je ne le laisserai point aller.

  A008000407 

 Toutefois, Dieu veut que nous soyons ordinairement instruits par les hommes [35] et non par les Anges.

  A008000408 

 Joseph qui plus tard devait si bien interpréter les songes, en faisait dans son enfance; David, avant d'être l'admirable pasteur d'Israël, paissait les troupeaux de son père: ainsi, le Christ fabriquait des croix, lui qui, plus tard, devait être si excellemment crucifié et crucifiant..

  A008000409 

 Ils s'élèvent et croient que les richesses exaltent; les richesses les dépriment..

  A008000409 

 Les enfants caracolent sur des chevaux de bois, ils les appellent chevaux, hennissent pour eux, courent, sautent, et se délectent dans ce puéril divertissement; de même, les hommes disent qu'ils regnent quand ils se font craindre; régner pourtant c'est être aimé.

  A008000410 

 Saint François haïssait les fourmis qui amassent uniquement pour elles et enfouissent leur butin en terre; il aimait au contraire les abeilles, qui font du miel pour l'hiver, mais qui ne le mettent pas en terre et qui ne travaillent pas pour elles seules.

  A008000437 

 Si Abraham fit un festin le jour où Isaac fut sevré, c'est aujourd'hui une grande fête parce que les Gentils sont sevrés de l'idolâtrie et viennent au Christ et à la Maison de pain.

  A008000438 

 Les présents apaisent Dieu, et nous l'apaisons ainsi par instinct naturel, témoin Abel..

  A008000439 

 «Par les dons, croyez-m'en, hommes et dieux s'apaisent.» (Aussi lit-on dans l'Exode, XXIII: Tu ne paraîtras pas devant moi les mains [38] vides; Deut., XVI: Personne ne paraîtra devant moi les mains vides.) C'est pourquoi il nous est nécessaire de connaître la manière d'offrir à Dieu nos présents.

  A008000440 

 De là, ce bassin d'airain où se lavaient les prêtres; de là, ce soin que les prêtres de l'ancienne Loi avaient pour la propreté.

  A008000441 

 «Je crains les Grecs, même dans leurs présents.».

  A008000442 

 Des rois pieux, qui observaient les étoiles en vue de la prophétie de Balaam.

  A008000442 

 Les deux neveux de l'Empereur Constance, [39] Gallus et Julien, voulaient édifier un temple sur le sépulcre du bienheureux Marnas, Martyr.

  A008000442 

 Saint Grégoire de Nazianze, dans sa 1 re oraison sur Julien, les compare à Caïn et à Abel offrant leurs sacrifices.

  A008000443 

 D'autres, comme les voleurs, donnent ce qui ne leur appartient pas.

  A008000443 

 Dieu se contente de tout: Abel donne de ses troupeaux, et celui qui n'avait que des poils de chèvre pouvait les offrir.

  A008000443 

 Les docteurs sont divisés quand ils expliquent la raison de tels présents.

  A008000444 

 Assurément, les dons doivent être proportionnés aux besoins du donataire.

  A008000444 

 Saint Augustin [dit que les Mages donnèrent] de l'or, comme à un roi; de l'encens, comme à un Dieu; de la myrrhe, comme à un mortel.

  A008000448 

 C'est pourquoi je veux te donner le seul bien que je possède, moi-même; je te prie d'agréer ce don et de croire que les autres, quoiqu'ils donnent beaucoup, se réservent encore davantage.

  A008000449 

 Moïse dut comprimer cet élan, les ouvriers eux-mêmes étaient trop distraits de leur travail par la réception de ces présents.

  A008000449 

 O temps heureux ou l'on croyait jamais donner assez! Pour exalter la gloire du temple de la Bienheureuse Vierge, ne craignez pas que l'Eglise reçoive trop; aussi a-t-elle réprimé les Collyridiens.

  A008000476 

 Item, la despouille d'un serpent mis en une garderobbe empesche les artres et autre vermine.

  A008000476 

 Pour garder les artres et tignes de gaster les draps il faut mettre sur les draps de 1'aluyne, herbe amere comme 1'absinthe, si elle n'est espece d'absinthe.

  A008000490 

 Dans ce premier sermon nous traiterons de ces deux termes; dans les autres, des moyens.

  A008000490 

 Les grenouilles, dans les marais, pouvaient coasser de bonheur en ce temps de pluies et de brouillards, mais voici que la céleste philomèle et la tourterelle se félicitent réciproquement de ce temps sec du jeûne et de ces jours sereins de la pénitence; leur chant nous réjouit par l'harmonie si suave de ses accents de pénitence et d'espoir.

  A008000490 

 Voici les préludes de tout le Carême, voici les deux termes de la pénitence: celui duquel nous partons, la cendre; celui auquel nous tendons, le Ciel: de la misère, aux trésors.

  A008000490 

 Voici que d éjà l'hiver est passé, la pluie a cessé et s'est retirée; cet hiver qui porte à la chair et décharné les âmes, qui avait terni toute cette beauté spirituelle de la terre et des âmes, qui avait alangui les cœurs, qui avait produit cette malheureuse averse de plaisirs indignes.

  A008000491 

 Dites-moi, ô très chère Mère et ma très douce Souveraine, ces trésors resplendissants de la sagesse et de la science n'étaient-ils pas dans le Verbe, dans le Fils de Dieu, avant qu'il fût conçu dans votre sein? Mais vous, très vénérable Souveraine, ces trésors vous les avez voilés et comme cachés dans votre chair, car c'est en ce Verbe qu'ils sont cachés.

  A008000491 

 Je vous confesse, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, que je suis poussière et cendre, et pourtant, je veux amasser les trésors de votre parole, non seulement pour moi, mais aussi pour mes enfants bien-aimés.

  A008000491 

 Qui donc les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les avez cachés.

  A008000491 

 «Malheureux! que ferai-je?» En moi tous les trésors de la misère et de l'abjection sont recélés ou plutôt manifestés; en vous, au contraire, sont cachés et maintenant même se manifestent tous les trésors de la sagesse et de la science.

  A008000492 

 O bonne Mère, ouvrez-nous ce que vous avez caché, mais de nouveau dès que nous aurons thésaurisé, cachez ces trésors en nous, comme vous les avez cachés en votre Fils.

  A008000492 

 Seigneur, il n'existe au Ciel que des trésors de sagesse, de science et de bonté; mais vous les possédez tous, ils sont tous en vous; pourquoi donc dites-vous: Thésaurisez? Livrez-nous vous-même vos trésors, et nous thésauriserons; et puisque votre Mère, comme trésorière, cache des trésors, ordonnez-lui de nous les ouvrir.

  A008000492 

 Vous les avez cachés en votre Fils sous l'humble enveloppe d'une chair mortelle, cachez-les en nous sous le souvenir de la mort et de notre fin.

  A008000493 

 Convertissez-vous donc au Seigneur et faites pénitence; car voici bientôt, pour les impénitents, les supplices de l'enfer, et, pour les pénitents, le Royaume des cieux.

  A008000494 

 nous couvrir du cilice et de la cendre, dompter notre corps et mortifier notre chair: «Souviens-toi, ô homme.» Convertissez-vous à moi dans le jeune, les pleurs et les gémissements; 2.

  A008000495 

 Au ciel, en effet, s'amassent les eaux pluviales, si précieuses en leur temps, et qui sont cachées dans les nues.

  A008000495 

 C'est lui qui produit les vents de ses trésors.

  A008000495 

 Il renferme dans des trésors les abîmes.

  A008000496 

 Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, c'est-à-dire les Saints, qui sont toujours affamés.

  A008000496 

 Bienheureux les pauvres d'esprit (en grec c'est mendiants, d'après Sa, qu'il faut voir, et Maldonat).

  A008000496 

 De là, dans l'Ecriture les âmes pieuses sont appelées pauvres et mendiantes, car bien qu'elles abondent en bonnes œuvres, néanmoins elles mendient toujours: Le désir des pauvres.

  A008000496 

 L'avarice corporelle est la racine de tous les maux, l'avarice spirituelle, la source de tous les biens.

  A008000496 

 Les pauvres mangeront et seront rassasiés.

  A008000496 

 Maintenant, que veut signifier le Seigneur par les paroles de notre texte? II est clair qu'il parle du jeûne, de la prière et de l'aumône, dont il est question dans tout ce chap. vi.

  A008000497 

 Que ferez-vous donc? Pendant ce Carême, entendez la parole de Dieu, nourrissez-vous du Verbe dans l'Eucharistie, jeûnez, faites l'aumône, visitez les pauvres: voilà vos grandes œuvres.

  A008000497 

 Quelles sont les petites? Retirez-vous du plaisir des conversations inutiles, des ornements superflus; triomphez des moindres affections; soupirez fréquemment [50] de courtes mais très fréquentes oraisons jaculatoires; dites de bonnes paroles; humiliez-vous, etc..

  A008000497 

 Vous verrez bien les abeilles se poser sur les roses, les lis et les plus grandes fleurs; mais elles ne récoltent pas moins sur le thym, le romarin et les autres moindres fleurettes, et leur travail y est plus fructueux, à cause de la multitude de ces fleurs, et parce que le miel, dans ces petits vases, se conserve mieux et s'évapore moins.

  A008000498 

 Et le Seigneur nous montre cela quand il dit: Lorsque vous jeûner ne soyez pas tristes comme les hypocrites, afin d'être vus des hommes.

  A008000498 

 Jusqu'à quand aimerez-vous la vanité? Les œuvres vaines ont pour récompense la vanité..

  A008000499 

 Aussi saint Bernard ajoute-t-il: «La bouche a-t-elle seule péché, qu'elle jeûne seule; mais les membres ont aussi péché, pourquoi ne jeûneraient-ils pas? » Voir le passage sur le mot Jeûne, serm. XXXVIII. [2.] Lavez-vous, soyez purs, ôtez le mal de vos pensées.

  A008000499 

 Montrez-vous joyeux; prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave ton visage, c'est-à-dire ta conscience.

  A008000499 

 Saint Augustin: La tête, c'est-à-dire l'âme; oins de joie spirituelle la partie supérieure de ton âme, et lave ton visage, c'est-à-dire la partie inférieure de l'âme, celle qui agit par les sens.

  A008000499 

 Saint Jérôme dit: Jésus parle selon la coutume juive; aux jours de fête, en effet, et au milieu des festins, les Juifs oignaient leur tête et se lavaient le visage.

  A008000500 

 D'où il s'ensuit: Afin que les hommes ne voient pas que tu jeûnes, mais seulement ton Père qui voit dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

  A008000500 

 Et si, comme plusieurs le pensent, entre autres Suarez, l'intention formelle et actuelle n'est pas nécessaire, du moins est-il mieux et plus assuré de l'avoir telle et de fixer les yeux sur Dieu.

  A008000500 

 J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux; comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [52] Les yeux sont fixés sur les mains parce que tout ce que la main du maître indique, la main de l'esclave l'entreprend; et l'œil avertit de ce qui est à faire.

  A008000500 

 Je la donnerai, je ne la rendrai pas, répondit Philippe; et les Athéniens reprirent: Nous ne la recevrons pas comme don, nous la recouvrerons.

  A008000500 

 Philippe de Macédoine en fit la conquête; les Athéniens demandèrent qu'elle leur fût rendue.

  A008000501 

 J'ai répandu sur les places publiques un parfum comme le baume et le cinamome.

  A008000501 

 Le meilleur baume va au fond du vase, l'huile d'olive surnage au-dessus: la charité produit les bonnes œuvres, l'humilité les conserve.

  A008000501 

 Les abeilles font le [53] miel, et pour le conserver produisent la cire.

  A008000501 

 Les minerais sont cachés sous la terre aride et stérile.

  A008000501 

 Pour mieux cacher vos trésors, couvrez-les des cendres de l'humilité.

  A008000503 

 Ainsi [54] saint Paul fut père: Car eussiez-vous plusieurs milliers de précepteurs, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, etc.; il fut mère: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement. » Or, comment le Christ nous vivifie de son sang, nous le comprenons; comment de sa bouche il nous donne la mort, la chose est moins claire.

  A008000503 

 Le Christ envers nous a une autorité paternelle et une maternelle affection, comme la poule qui, par autorité, rassemble ses poussins, et par affection les réchauffe.

  A008000503 

 Le Christ, de sa bouche, immole les pécheurs lorsqu'il les mortifie et les conduit aux enfers, en les montrant condamnés à la mort éternelle; la contrition, en effet, est comme la mort de l'âme pécheresse.

  A008000503 

 Mais ceux qu'il montre dignes de mort, il les vivifie par les mérites de son sang et les ramène à une nouvelle vie.

  A008000503 

 «On dit que ces oiseaux tuent leurs petits en leur donnant comme des soufflets avec le bec, ensuite, ils les pleurent trois jours, enfin, la mère se fait une blessure et les arrose de sang; cette rosée les ranime.

  A008000504 

 La neige est une eau qui tombe congelée, symbole de ces cœurs froids et comme glacés qui tombent dans les biens de la terre.

  A008000504 

 Leur conversion les rend comme laine, de sorte que par la pénitence ils entrent dans la texture de la robe mystique du Christ.

  A008000506 

 J'ajoute que le Christ blesse les cœurs par sa parole afin de les ramener à lui et de les guérir; tel ce chasseur qui après avoir [56] blesles cerfs de Créte leur offre un dictame qui les guerit.

  A008000506 

 Noter en passant que les fléches doivent viser au cceur..

  A008000506 

 Renversez les impies et ils ne seront plus: tournez sens dessus dessous le pécheur, c'est-à-dire, soumettez la chair qui commandait, elevez l'esprit qui gisait a terre; ainsi retourné il ne sera plus pécheur; son grabat le portait, il porte maintenant son grabat.

  A008000506 

 Si un chasseur voulait attirer A lui les cerfs de Créte, il se fixerait dans un lieu où abonderait le dictame; de cette embuscade il tirerait ses fléches, et les cerfs blesses accourraient au baume dont il est environne pour y trouver leur guérison.

  A008000506 

 Voir liv. V, chap. IV, au verset [6] du Psaume XLIV, Pinéda, folio 282: Vos flèches sont acérées, les peuples tomberont a vos pieds, elles pénétreront dans le cœur des ennemis du roi.

  A008000507 

 Il est étonnant que de si petites pierres soient vendues si cher, comme la perle de Cléopâtre; mais c'est une convention parmi les hommes qui attribue à ces pierreries une valeur relative de plusieurs milliers de pièces d'argent.

  A008000507 

 Sans doute, elles ont en elles un principe de valeur: le saphir dont usent les prélats, par exemple, [57] porte à la chasteté et représente le ciel; l'or de l'anneau est le symbole de la charité; la pierre signifie l'œuvre même produite ou commandée par la charité.

  A008000527 

 Et l'Apôtre développe cette conséquence: Marchons dignement comme durant le jour, etc.; rejetons les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière, etc..

  A008000528 

 Les Pères l'ont admirablement expliqué:.

  A008000529 

 Saint Jérôme, dans les Règles des Moines: Soit que je mange, etc. L'heure est venue..

  A008000530 

 L'Apôtre dit aux Corinthiens: Le temps est court, etc. Pour les avantages que procure la pensée du jugement particulier, voir dans Canisius: De la Mort.

  A008000530 

 Saint Jean l'Aumônier avait la coutume de discourir [60] fréquemment sur la mort, pour convertir ceux qui venaient à lui, et rapportait les paroles de saint Siméon Stylite au sujet d'une révélation que celui-ci avait eue sur les assauts que les démons livrent aux mourants, etc. L'heure est venue.

  A008000533 

 Nous les avons déjà rejetées, rejetons-les de nouveau.

  A008000533 

 Rejetons les œuvres de ténèbres.

  A008000550 

 Si les fils de Jacob avaient su qu'un jour Joseph serait vice-roi d'Egypte et leur juge, ils l'auraient assurément reçu avec la plus grande affabilité lorsqu'il vint les visiter en Dothaïn.

  A008000552 

 Je les attirerai par les liens d'Adam, par les liens de la charité.

  A008000552 

 La mondaine est celle de Pilate, d'Hérode, de saint Pierre; les Martyrs, Suzanne, Joseph avaient une crainte tout opposée.

  A008000552 

 La morale nous fait craindre les juges, qui, comme le dit saint Paul, ne portent pas le glaive sans raison.

  A008000552 

 Saint Augustin expliquant ces mots: Pour mettre aux pieds de leurs rois des chaînes, et a leurs princes des menottes de fer, distingue parmi eux ceux qui sont liés avec des nœuds d'or, c'est-à-dire avec les liens de la charité.

  A008000577 

 Hélas! il y a des prédicateurs au milieu du peuple, et on ne prend pas la peine de venir les entendre.

  A008000577 

 Nous, nous remettons les péchés, nous déclarons que ce même Christ est venu, nous ne le montrons pas seulement du doigt comme l'Agneau du sacrifice, mais nos mains le présentent comme victime consommée et comme nourriture, et personne ne vient! Cette nation se lèvera..

  A008000577 

 Que faisait Jean-Baptiste au désert? Il baptisait en figure et les peuples étaient purifiés; il prêchait la pénitence et la rémission des péchés, il annonçait Celui qui devait venir.

  A008000578 

 Que disent les hommes? Voilà ce que nous demandons tous.

  A008000578 

 Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.».

  A008000579 

 Les autres passages de l'Evangile sont clairs.

  A008000580 

 Allez, bien-aimés auditeurs, allez, mon peuple, au Christ, et demandez-lui en [65] mon nom: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Vous le voyez venir enfermé dans le sein de sa Mère, et c'est lui-même cependant qui viendra juger les vivants et les morts; nous ne devons pas en attendre un autre.

  A008000580 

 Ce sont des anges envoyés devant ma face; ils la verront un jour pleins de joie, dans les siècles des siècles..

  A008000580 

 Donc, si vous êtes aveugles, ouvrez les yeux et voyez.

  A008000581 

 En ce temps-ci, le diacre et le sous-diacre portent à la Messe des planètes ou chasubles dont la partie antérieure est repliée, pour signifier qu'avant la venue [du Messie] les mystères [66] n'avaient pas encore été révélés et que les anciens n'avaient qu'un sacerdoce incomplet; mais lorsqu'ils exercent leurs fonctions, ils dépouillent ce vêtement, parce que le voile fut ôté des yeux de Jean et des membres de la Synagogue, contemporains du Christ qui annoncèrent sa venue..

  A008000581 

 Il dit que Jean dans sa prison, c'est la Synagogue dans les ténèbres de l'ignorance et les yeux voilés; aussi envoie-t-il un message au Christ pour en recevoir la lumière.

  A008000585 

 4 e, celle des auteurs que cite saint Ambroise, peut s'entendre de l'amour désordonné et charnel de ces hommes qui empêchent leurs fils de se faire prêtres ou religieux, ou les autres de s'adonner aux pratiques de dévotion..

  A008000602 

 La nature diversifie les saisons, et à chacune elle attribue un caractère spécial: le froid à l'hiver, la chaleur à l'été, une température modérée au printemps et à l'automne.

  A008000603 

 Le quatrième jour de la création Dieu dit: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour les temps, les jours et les années, afin qu'ils brillent dans le firmament du ciel et qu'ils éclairent la terre..

  A008000604 

 Comm'en un'assemblee publique et solemnelle, apres que chacun s'est retire, tous les serviteurs qui portoyent les flambeaux les esteignent, et par tout l'hostel on va commandant qu'on ammortisse les torches, ainsy, lhors que le moncle finira et que les habitans seront mors, [68] Dieu fera esteindre les flambeaux du ciel: Sol obscurabitur et luna non dabit lumen suum.

  A008000604 

 Il ne sera plus besoin de diviser le jour de la nuit, car au Ciel le jour sera eternel pour les Saintz, et pour les autres, la nuit eternelle; non plus les signes mais les effectz, non plus les jours mais les eternites.

  A008000604 

 Le Ciel n'a plus besoin de ces astres, car les cors des Bienheureux tiendront leur place: Fulgebunt justi sicut sol, et sicut stellæ splendentes in perpetuas æternitates; ni la terre d'estre eclairee, car il ny aura plus d'yeux pour voir.

  A008000604 

 O Dieu, que le commencement du monde est admirable, et comme Dieu prent la peyne de ranger toutes choses! Mays, o Dieu, que sa fin est espouventable, lhors que Dieu troublera et renversera tout! Comme quand un roy veut habiter un palais, on tend les tapisseries, on estale les meubles, ainsy quand Dieu mit l'homme au monde.

  A008000607 

 Cette crainte est inculquée par Jésus-Christ, les Apôtres.

  A008000625 

 Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? En ce peu de mots, saint Jean exprime les deux plus beaux titres du Christ: qui doit venir et que nous attendons.

  A008000625 

 Nous les développerons d'abord, et nous expliquerons ensuite l'Evangile dans toute sa teneur..

  A008000626 

 Encore un peu de temps, et le Désiré de toutes les nations viendra.

  A008000626 

 Le sceptre ne sera pas ôté de Juda ni le chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne Celui qui doit être envoyé, Siloh. Ce mot a différentes significations, selon la diversité des racines: son fils, pacifique, envoyé; les Septante: jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel il a été gardé, c'est-à-dire le sceptre.

  A008000627 

 Voyez Péréira pour l'interprétation de ce passage, d'après les anciens Pères qui l'entendent de l'Antechrist..

  A008000639 

 Armes, a la verite dire, peu sortables au dessein, si nous les regardons selon leur premiere trempe et le sens exterieur; mays armes en effect excellentes, par lesquelles toute l'armee des Madianites fut mise en desordre, en route, et en fin au fil de l'espee.

  A008000639 

 Aussi, ces lampes ardentes qui sortoyent des potz casses estoyent un signe mistique que bien tost la gloire d'Israel et le triomphe de la victoire sortiroit d'entre les cors mortz et abbatuz des Madianites, dequoy la trompette les advertissoit..

  A008000639 

 Le son de la trompette reveilla [74] les Madianites, qui, regardans la part d'ou venoyt le son, virent de tous costes paroistre en un moment 300 lampes ardentes qui sortoyent d'entre les morceaux brises d'autant de potz casses.

  A008000639 

 Le son des trompettes les effraya, par ce quil se fit au coeur de la nuit, lhors quilz estoyent au plus profond de leur sommeil; la lumiere des lampes les espouvanta, par ce qu'a l'improuveue ilz la virent paroistre entre les potz casses.

  A008000640 

 Or sus, mes chers auditeurs, si vous ne le sçaves pas, les Madianites representent les mondains, Gedeon est la figure de Jesuschrist, et les troys cens soldatz sont un portrait des prædicateurs.

  A008000641 

 Mays prions affin que je parle des paroles celestes, et que vous oyes avec un'attention convenable, et employons les prieres de la tressainte Vierge.

  A008000641 

 Mes auditeurs, escoutes avec reverence les paroles que je vous porte; car c'est en qualite d'ambassadeur extraordinaire de Dieu que je vous parle.

  A008000662 

 Ce qui arriva une fois à Isaïe, arrive habituellement à tous les prédicateurs, serviteurs du Christ: [1.] Voici la voix de quelqu'un qui me dit, affirme le Prophète.

  A008000663 

 Les douces, très douces: Mais toi, lorsque tu jeûnes, oins ta tête; ton Père qui voit dans le secret te le rendra; thésaurisez des trésors, etc. Allons donc, et au nom du Seigneur, goûtons les figues douces et les figues amères qu'il nous montre, mais prions la Vierge de nous rendre, par son intercession, celles qui sont amères, douces, et les douces excellentes..

  A008000663 

 Ou bien l'exorde sera ainsi qu'il suit: Le Seigneur me fit voir, et voici deux paniers pleins de figues, placés devant le Temple du Seigneur, et le Seigneur me dit: Que vois-tu, Jérémie? Et je dis: Des figues, etc. De même, mes auditeurs, dans l'office de ce jour très solennel, je croyais voir le Seigneur me montrer deux paniers, celui des Prophéties et celui de l'Evangile; et il semblait me dire: Que vois-tu, Jérémie? Je vois les deux espèces de figues dont doivent se nourrir les peuples.

  A008000663 

 Quelles figues? Les amères, très amères: [77] «Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière;» convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les pleurs et les gémissements.

  A008000664 

 Ou [commencer le sermon] de cette manière: Elisée donna cet ordre à l'un de ses serviteurs: Prends la grande marmite et fais cuire un mets pour les fils des prophètes.

  A008000665 

 Voici l'amertume: «Souviens-toi, ô homme;» dans le jeûne, les pleurs et les gémissements; mais voilà que la mort qui suit n'est plus amère: c'est la possession d'un trésor au Ciel.

  A008000666 

 Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, oit vous reposez au midi; c'est-à-dire, quelle est l'âme que vous aimez, qui fait vos délices, en qui vous vous délectez, en qui vous nourrissez vos affections que vous placez en elle comme dans un lit, de crainte que, ignorant la manière de vous plaire, je ne commence à m'égarer dans les affections mondaines des mondains.

  A008000667 

 Comme s'il disait: Veux-tu être en sûreté, ne te détourne pas après de nombreux amants; commence par la connaissance de toi-même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-à-dire les affections mauvaises, près des tentes d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes rivaux, et paissent les âmes, mais de vent..

  A008000667 

 L'Epoux répond; il place les premiers éléments de la connaissance de Dieu dans la connaissance de soi-même: Si tu t'ignores, ô la plus belle.

  A008000668 

 (Ainsi: Mon Dieu, rendez-les comme une roue, c'est-à-dire, vous les rendrez.

  A008000668 

 Ajoutez iniquité sur iniquité, et qu'ils n'entrent point; c'est-à-dire, ils n'entreront point, vous ajouterez.) Or, nous vivons à l'égard de nous-même dans une double ignorance, ainsi que les philosophes ont donné une double signification à cet axiome: «Connais-toi toi-même.» Socrate, en effet, dans l'Alcibiade de Platon, dit que la connaissance de nous-même consiste dans la connaissance de l'excellence de notre âme; d'autres disent que c'est la connaissance de notre bassesse quant au corps; pusillanimité et orgueil..

  A008000668 

 Leur sens serait: Si tu ignores, ô âme, ou je repose au midi, suis les traces des troupeaux des anciens Pères, suis la doctrine reconnue et commune, et pais tes chevreaux, c'est-à-dire tes pensées, qui, sous la lumière naturelle, sont des chevreaux, mais qui deviendront des brebis à la lumière surnaturelle, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire des Evêques préposés aux fidèles par le Concile des Conciles, le Siège apostolique.

  A008000669 

 Hélas! nous y pensons assez, mais nous n'y réfléchissons pas: D'une grande désolation, etc. Dis-moi, orgueilleux, dis-moi, avare, gourmand, quêteur de [81] renommée, etc. Le fondement de toutes les tentations fut de bannir l'idée de la mort..

  A008000669 

 Pour expliquer le second sens, rappelons que Dieu dès l'origine nous a donné le nom d'Adam: Il les créa mâle et femelle, et leur donna le nom d'Adam, qui signifie terrestres, formés de boue, comme le dit saint Grégoire de Nysse, De la Création de l'homme, chap. XXII. Du limon de la terre; afin qu'à notre nom qui rappelle la terre, nous nous souvenions de la mort: o Souviens-toi, ô homme.» Mais nous nous en souvenons assez, dis-tu.

  A008000670 

 De ne pas manger du fruit de tous les arbres, c'est-à-dire, de n'en manger aucun; voyez la tromperie.

  A008000670 

 Donc, dès que la femme est créée, il vient et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes.

  A008000670 

 Et il lui commanda, disant: Mange du fruit de tous les arbres du paradis, c'est-à-dire, tu peux manger; mais quant aux fruits de l'arbre de la science du bien et du mal, n'en mange pas; car, a quelque heure, etc. Durant le peu de temps qu'Adam demeura seul, il obéit; il donna des noms aux choses et aux animaux: le serpent ne voulait pas le tenter alors; il attendit pour cela d'avoir un puissant instrument de tentation, la femme.

  A008000671 

 Ainsi les hérétiques demandent qu'on leur accorde un seul iota: omoiousion; si tu le leur donnes, tu es pris.

  A008000671 

 Je ne veux pas, [dit le tentateur,] que tu penses le mal, mais écoute ses paroles; ne t'y fie pas, mais écoute comme il chante bien ce jeune homme; ferme les yeux sur ces obscénités, je le veux, mais vois, pour le charme littéraire, comme il écrit élégamment..

  A008000671 

 Ne savez-vous pas que le plus souvent les démons ne demandent pas de grandes choses aux devins et aux magiciens, mais un [83] poil de barbe, une rognure d'ongle? Si tu les donnes, tu es pris.

  A008000674 

 Donc, étant capables de la vie éternelle, lorsque vous jeûnez, ne soyez pas tristes comme les hypocrites. Pourquoi êtes-vous tristes, vous qui attendez une telle récompense? Pourquoi, comme les hypocrites, poursuivez-vous une gloire éphémère, vous qui pouvez aspirer à une gloire éternelle? [85].

  A008000674 

 Pour revenir à notre sujet Si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les créatures; [84] mais cela brièvement, [1.] Qu'elle est noble l'âme, puisqu'elle est l'image et la ressemblance de Dieu! Comme Phidias, représentant Minerve, au centre du bouclier, [etc.]: Faisons l'homme à notre image (littéralement, avec notre image et notre ressemblance ).

  A008000695 

 Voici les privilèges de l'ancien Joseph: 1.

  A008000696 

 La maison et les richesses sont données par les parents, mais c'est proprement le Seigneur qui donne une femme prudente.

  A008000696 

 Le voile placé devant le tabernacle était d'hyacinthe, de pourpre et d'écarlate et orné d'ouvrages de broderie, afin de mettre les mystères à couvert de tout regard profane.

  A008000696 

 Les mariages selon Dieu unissent toujours des êtres semblables.

  A008000696 

 L'anneau qui porte le sceau, comme à un homme initié à tous les secrets pour l'expédition des affaires, etc. Ainsi dans notre Evangile, l'Ange révèle à Joseph le secret des secrets.

  A008000697 

 Comme le basilic donne la mort, ainsi les yeux de la Vierge donnent la vie.

  A008000697 

 Les yeux de la Vierge sont comme les piscines en Hésêbon, qui sont à la porte.

  A008000697 

 Que ferons-nous a notre sœur au jour où il lui faudra parler? etc. Il se repaît entre les lis.

  A008000726 

 Job, répondant à Baldad le Suhite, parle de la puissance et de la providence divines, et entre autres choses il loue souverainement Dieu de ce que son esprit a orné les cieux, et que, de sa main créatrice, il a mis au jour Vartificieuse couleuvre.

  A008000727 

 Et c'est, en effet, par son esprit qu'il orne les cieux, car il a parlé une fois et le monde est fait pour toujours; aucune altération, nul changement ne survient dans la génération ou la production..

  A008000728 

 Avez-vous vu comment les verriers font les verres? Ils prennent à l'extrémité d'un bâton percé la matière préparée, soufflent ensuite dans ce tube, et le verre étant fait de la sorte n'est pas sujet à la dissolution.

  A008000729 

 Par sa seule parole, Dieu créa le ciel, et, au souffle de son esprit, les cieux, tirés du néant, furent ornés; par son souffle, il créa le soleil, la lune, les étoiles, Orion, Mercure, etc., et les ceignit du zodiaque comme d'une ceinture, etc. Mais pour les choses terrestres, Dieu se sert comme d'une main pareille à celle qui donnant les premiers soins à un nouveau-né, le lave, le réchauffe, l'enveloppe, etc. Ainsi Dieu opère tout par des actes successifs: la génération, la corruption, l'accroissement.

  A008000730 

 O Dieu! que cette providence est admirable à l'égard des serpents! Ils se [90] purifient les yeux avec du fenouil, renouvellent leur jeunesse en se dépouillant de leur vieille peau, guérissent leurs blessures, comme plusieurs le croient, avec du serpolet.

  A008000731 

 Ici, en effet, il est fait allusion à l'enfantement, à raison non de son fruit, mais de la douleur; c'est comme s'il était dit: Il a orné d'Anges les cieux, mais quelques-uns d'entre eux ayant apostasié, les cieux ont ressenti comme les douleurs de l'enfantement.

  A008000731 

 L'esprit du Seigneur a orné les cieux de phalanges angéliques; cependant, comme sous l'influence de l'un d'entre eux, de l'antique dragon, plusieurs étaient devenus rebelles, par l'ordre de Dieu ils furent expulsés, chassés et précipités du Ciel.

  A008000731 

 Voyant la Jérusalem céleste, qui portait ces monstres en son sein, endurer comme les douleurs de l'enfantement, [91] Dieu, de sa main, mit dehors ce monstre.

  A008000731 

 [2.] Mais, d'après notre version, sa main toute-puissante rejeta les démons comme des monstres.

  A008000732 

 Le démon lui-même est créature de Dieu; il fut formé comme les autres pour orner les cieux, bien que sa malice ait causé sa perte.

  A008000732 

 Ou plus simplement encore, il fut tiré du néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa main toute-puissante le mauvais esprit lui-même fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition emphatique.

  A008000733 

 Dans le temple comme dans le Ciel se trouve la cour de Dieu; l'un et l'autre sont un lieu de prière, témoin l'Apocalypse, d'après laquelle les aromates sont les prières des Saints, et les vingt-quatre [ vieillards ] prient par la mélodie de leurs harpes d'or.

  A008000733 

 Du Ciel et du temple Dieu chasse les acheteurs et les [92] vendeurs.

  A008000733 

 Les acheteurs et les vendeurs sont ordinairement voleurs, s'ils ne sont pas timorés et n'ont pas grand soin de veiller sur leur cœur.

  A008000733 

 Satan trafiquait pour ravir à Dieu l'autorité, aux autres l'obéissance; il s'était mis dans l'esprit de gouverner les créatures, brebis, bœufs, colombes: les brebis, les fidèles soumis; les bœufs, les prélats chargés de soins; les colombes, les religieux portés sur les ailes de la contemplation, les Anges inférieurs, les supérieurs et même les Séraphins.

  A008000733 

 Un temple est l'image du Ciel: aussi nos ancêtres ornèrent-ils les temples des images des Saints, comme Dieu avait orné l'ancien temple de chérubins, afin que l'image des habitants du Ciel fût dans l'image du Ciel.

  A008000734 

 Pourquoi demeure-t-il dans sa malice? Parce que sa nature surpasse toutes les autres.

  A008000735 

 L'avare mérite-t-il une punition? Va, pour te punir sois toujours plus avare; sois toujours plus luxurieux, au point de perdre tout repos, etc. Les pécheurs seront punis par leurs propres péchés.

  A008000735 

 La calomnie ne blessa pas les Apôtres ni les autres amants de l'humilité; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton orgueil, ton arrogance qui te fait plus vivement sentir l'injure qui t'est faite..

  A008000735 

 Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient en voyant leurs enfants s'abandonner à de mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes enfants accableront leurs parents d'autant de douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton impatience.

  A008000736 

 Les Philistins s'emparent de l'Arche à mains armées et l'introduisent dans le temple de Dagon, et Dieu les frappa dans les parties secrètes.

  A008000736 

 Que dis-je, mes Frères? Soyez dans l'épouvante! Celui qui n'épargna pas les Anges pour une seule mauvaise pensée conçue dans le temple, comment vous pardonnera-t-il, à vous qui y poussez des éclats de rire? Pour moi, je [94] voudrais donner jusqu'à mon sang pour que vous abandonnassiez tout péché, mais je vous conjure surtout de respecter les temples; vous, nobles de la cité, vous, femmes, etc. Chambéry est le modèle de toute la Savoie.

  A008000758 

 Comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [96] J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008000758 

 Plus les Anges sont élevés en gloire, plus leurs idées sont universelles.

  A008000759 

 Les Pères citent l'exemple d'Anne: Il arriva que, comme elle multipliait ses prières devant le Seigneur, Héli observait le mouvement de ses lèvres, etc. Ainsi ces femmes, [Marthe et Marie,] exposent eu peu de mots leurs nécessités.

  A008000759 

 Voici une histoire remarquable: Rabsacès, ou le roi des Assyriens, expédie des lettres à Ezéchias; celui-ci monta dans la maison du Seigneur, les ouvrit devant le Seigneur et il pria; 185000 Assyriens furent tués.

  A008000760 

 Avant-hier, il est vrai, notre aveugle disait: Nous savons que Dieu n'exauce pas les pêcheurs.

  A008000760 

 il entendait parler de l'obtention d'un miracle comme témoignage de la sainteté de celui qui le sollicite; la [97] réponse distingue entre les justes, les pécheurs et les pénitents: Dieu exauce les pénitents; or, ici nous avons une pénitente et une âme juste..

  A008000761 

 Saint Ambroise, Des Sacrements, liv. III, chap. II: Jésus applique de la boue sur les yeux de l'aveugle, pour lui rappeler qu'il est poussière; car l'aveuglement de l'esprit provient ordinairement de l'orgueil.

  A008000762 

 En Hésébon sont des yeux en pleurs, parce que Dieu prend sur lui la douleur et se livre à des considérations qui excitent les larmes..

  A008000762 

 Les yeux sont semblables à la porte ou à la fenêtre par laquelle nous voyons dans l'intérieur de la [98] maison; aussi les Juifs dirent-ils: Voila comme il l'aimait; ils virent l'amour.

  A008000762 

 Oh! précieuses larmes! Vos yeux sont comme les piscines en Hésébon.

  A008000787 

 Citer alors ce que saint Grégoire de Nysse dit d'Abraham, [Ibid.,] liv. II, folio 274: Mais qui, je vous prie, pourrait sans pleurer voir l'image du Crucifié? Voici que nous voyons le corps du Christ suspendu, déchiré de toutes parts, ses yeux chargés de larmes, ses lèvres pleines de fiel et d'absinthe, sa tète ceinte d'une couronne, et le sang coulant en abondance de tous les membres de son corps.

  A008000808 

 Dans les desers, il y a bien des arbres mais sauvages, des bestes mais farouches; in hoc mundo sunt arbores et homines, sed agrestes.

  A008000817 

 Quelle est celle-ci qui monte du désert, comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens et de toutes les poudres du parfumeur?.

  A008000819 

 Et comme ils ont admiré l'Epoux ( Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon avec le diadème, et en Isaïe: Quel est celui-ci qui vient d'Edom, de Bosra, avec les vêtements teints? il est beau dans sa robe ), de même admirent-ils maintenant l'Epouse.

  A008000820 

 Mortifiez vos membres qui sont sur la terre. Eh bien! voici que l'humanité admire dans l'Eglise triomphante la mortification de cette Vierge, qui est comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe d'abord, et c'est la mortification, d'encens, et c'est la prière, et enfin de toutes les poudres du parfumeur..

  A008000820 

 Si par l'esprit vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez.

  A008000821 

 Les autres, sans exception, tantôt montent, tantôt descendent.

  A008000821 

 Quelques-uns ne descendent pas, il est vrai, mais du moins ralentissent-ils leur marche, comme saint Jean-Baptiste, et les Apôtres, même après la Pentecôte.

  A008000822 

 Dans les déserts, il y a bien des arbres, mais sauvages; des bêtes, mais farouches; en ce monde, il y a des hommes et des arbres, mais ils sont sauvages.

  A008000822 

 Malheur a moi parce que mon exil a été prolongé! J'ai habité avec les habitants de Cédar.

  A008000822 

 Rappelez-vous, je vous prie, comme Anne, mère de Tobie, comptait les jours écoulés depuis le départ de son fils; ainsi cette Mère comptait ceux qui devaient s'écouler jusqu'au retour du sien: Comme le cerf soupire après les sources des eaux.

  A008000822 

 «Glorieux princes de la terre, comme ils s'étaient aimés durant la vie, ainsi la mort ne les a point séparés.» Comme Saul et Jonathas.

  A008000825 

 5 e parole: De toutes les poudres du parfumeur.

  A008000825 

 La pratique de toutes les vertus: modestie, prudence, force, justice, religion, tempérance..

  A008000827 

 Du désert des Anges: les quatre-vingt-dix-neuf brebis dans le désert, car elle s'élève au-dessus de tout.

  A008000827 

 Elle fait au Ciel les prières les plus ardentes: «Tous ressentent votre secours.» 5.

  A008000827 

 Et de toutes les poudres du parfumeur; c'est-à-dire, elle jouit d'une gloire proportionnée à toutes ses vertus.

  A008000851 

 Dieu a voulu le salut de tous, il invita surtout les Juifs et ils ne voulurent pas venir; il leur envoya des apôtres, ils ne voulurent pas les recevoir et même les mirent à [108] mort.

  A008000851 

 Le salut des hommes, telles sont les noces du Fils de Dieu.

  A008000851 

 Si on en eût trouvé plusieurs, quoi d'étonnant qu'on les eût chassés? mais on en trouve seulement un et il est expulsé, et il est jeté dans les ténèbres extérieures.

  A008000851 

 Voyant que les Juifs refusaient, il invita les bons et les méchants, le reste des Juifs et les païens.

  A008000852 

 Avant tout, ayez les uns pour les autres, etc. De même dans l'Epitre aux Ephésiens: Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme; c'est-à-dire dans l'Esprit-Saint qui est en votre âme, ou bien dans l'esprit qui est votre âme; parfois, en effet, nous ne pouvons renouveler la partie inférieure de notre âme dans laquelle s'élève la révolte.

  A008000854 

 C'est la grâce suffisante des enfants baptisés; aussi leur donnons-nous le chrémeau: «Reçois ce vêtement blanc.» Il est beau à voir, car nous savons par la foi qu'avec la charité, ces enfants reçoivent toutes les vertus.

  A008000854 

 C'était une robe longue qui descendait jusqu'à terre pour préserver son talon, [la fin de sa vie,] auquel le démon tendait des embûches: «Sors, mon âme, que crains-tu?» Elle était parfumée, c'est-à-dire que les exemples du Saint en attirèrent un grand nombre à la vie monastique.

  A008000854 

 Celui d'Esther, à queue, et qui [110] appartient aux Saints en tant que [par leurs exemples] ils communiquent leurs vertus [à ceux qui viennent après eux.] Il descend jusqu'aux pieds, comme les deux autres; car à quoi bon porter une robe qui ne descendrait pas jusqu'au talon, quand c'est surtout à notre talon que le démon, vrai serpent, tend ses embûches? Mais cette robe fait plus que de couvrir les pieds, elle se prolonge encore vers ceux qui suivent, comme celle d'Esther.

  A008000854 

 Celui-ci est commun à tous les Saints.

  A008000854 

 Celui-de Jacob, qui revêtit les plus beaux vêtements d'Esaü.

  A008000854 

 Tels les bienheureux Crépin et Crépinien, Martyrs.

  A008000871 

 Admirable est cet art de la nature qui, par une sorte d'opposition, fait ressortir les contraires par les contraires.

  A008000872 

 Je monterai au ciel, je placerai mon trône sur les astres de Dieu, je serai semblable au Très-Haut.

  A008000872 

 Saint Augustin, liv. XIII de la Cité [ de Dieu ], chap. XIV, citant les Proverbes, dit très bien de l'homme: Le cœur s'exalte avant la ruine et il s'humilie avant la gloire.

  A008000873 

 Adam et Eve avaient été créés en grâce et jouissaient d'une félicité parfaite; et voilà que le démon, l'antique serpent, voulut les ruiner.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 En conséquence, je puis commencer mon discours par les contrastes que toute l'antiquité a remarqués entre Marie et Eve.

  A008000873 

 Les Pères donnent, relativement au péché du premier homme et de la première femme, de très beaux enseignements que nous devons considérer.

  A008000873 

 Ou bien, de ne pas manger de tous, c'est-à-dire non pas de tous et de chacun; mais en a-t-il excepté les fruits de l'arbre d e la science du bien et du mal? Rupert dit excellemment, liv. II de la Trinité, chap. IV: Le diable, «feignant d'ignorer la vérité,» dit de tous.

  A008000873 

 S'attaquant donc à la femme, comme étant la plus faible: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé, dit-il, de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? De tous, c'est-à-dire, pourquoi vous a-t-il commandé de n'en manger aucun; c'est l'opinion commune.

  A008000901 

 Quelque chose d'analogue se passe aujourd'hui: les Apôtres sont accablés de tristesse, et partant ne demandent pas au Seigneur: Où allez-vous? mais lui, les contraint à se nourrir et leur annonce son [115] départ, les causes et les avantages de ce départ.

  A008000901 

 Souvent nous obligeons les personnes à qui la maladie ôte tout appétit à prendre de la nourriture.

  A008000902 

 Jusqu'ici tous l'avaient entendu ainsi, et je m'étonne que ceux-là même qui ignorent le plus les questions théologiques prétendent l'expliquer autrement.

  A008000902 

 La Loi ancienne a été donnée sur la montagne, la nouvelle également; abrégé (anacéphaléosis) sur la Croix; entre les clous et les épines, comme la Loi mosaïque [avait été promulguée] parmi les tonnerres et les éclairs.

  A008000902 

 Les choses belles sont difficiles à saisir.

  A008000902 

 Les pasteurs de Genève disent, en marge: [Reprendre au texte, lig.

  A008000902 

 Saint Jérôme, dans son Prologue casqué, dit: «La science de l'Ecriture est la seule dont, en tous lieux, chacun se fait fort.» Le Seigneur à la fin de notre Evangile la déclare difficile: J'ai beaucoup d'autres choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant.

  A008000903 

 Dans l'Epître aux Hébreux, au sujet de Melchisédech: de qui, dit-il, nous avons de grandes choses à dire (c'est-à-dire en grand nombre), et difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008000903 

 De ces grandes choses et de ce règlement, où, je vous prie, en est-il fait mention? Vous ne pouvez les porter maintenant.

  A008000903 

 Et le Christ: Vous scrutez les Ecritures.

  A008000903 

 Les Epîtres et les écrits des Apôtres renferment aussi bien des points difficiles; et saint Pierre parlant des Epîtres de saint Paul et des enseignements qui y sont proposés: Dans lesquelles, dit-il, il y a quelques passages difficiles a entendre, que des hommes ignorants et légers détournent pour leur propre perte a de mauvais sens, ainsi que les autres Ecritures.

  A008000903 

 Pour le même sujet, il est dit dans le Psaume: Dessillez mes yeux et je considérerai les merveilles de votre loi.

  A008000903 

 Quant aux autres choses, lorsque je serai venu je les réglerai.

  A008000904 

 De même, tout ce qu'il est nécessaire de croire n'est pas explicitement écrit, en particulier le nombre et le vrai sens des Livres canoniques, et les mots: «est descendu aux enfers.».

  A008000905 

 Ainsi les Apôtres nous ont transmis la parole de Dieu, les docteurs la dégagent de toute ambiguité et les prédicateurs l'emportent pour la déposer dans les coeurs..

  A008000905 

 Les unes montent sur l'épi et l'abattent, les autres dépouillent le grain de son enveloppe et d'autres le transportent au grenier.

  A008000930 

 Il faut dire vrai, l'amour [du père] pour les enfant» est admirable, encore plus pour les fils selon la grâce que pour les fils selon la nature.

  A008000930 

 Lorsque les oiseaux n'ont pas de petits dans leur nid, ils voltigent d'arbre en arbre, s'y arrêtent et chantent merveilleusement tantôt ici, tantôt là; mais ont-ils nid et couvée, c'est à peine s'ils chantent ailleurs que sur l'arbre où reposent ce nid et cette couvée.

  A008000932 

 Qu'il descende comme la pluie sur la toison, etc.), et il finit par l'Ascension: Fuyez, dit-il, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes des aromates.

  A008000933 

 Ainsi le Père céleste, avant l'Ascension, envoya par ses Anges la Loi et tout ce qui était nécessaire, mais après avoir vu Benjamin il envoya tous les dons.

  A008000933 

 Les Apôtres l'avaient vu monter au Ciel, mais ils demeurèrent timides jusqu'à la venue de l'Esprit-Saint; alors leur esprit se ranima, etc..

  A008000935 

 Qu'opéra-t-il de nouveau dans les Apôtres, car ceux-ci avaient déjà reçu l'Esprit-Saint: Recevez le Saint-Esprit.

  A008000985 

 (Signaler, en passant, les murmures des enfants d'Israël: librement sortis de l'Egypte, comme sortent du monde la plupart des religieux, ils sont à peine au désert, c'est-à-dire dans l'abandon, qu'ils murmurent et se ressouviennent des plaisirs du monde.) Ce soir vous saurez que le Seigneur vous a conduits hors de la terre d'Egypte, et, au [124] matin, vous verrez la gloire du Seigneur.

  A008000985 

 On y lit à peu près les paroles dont se servit Moïse pour annoncer aux Israélites la pluie de la manne: «Aujourd'hui,» dit-il, « vous saurez que le Seigneur viendra, et, au matin, vous verrez sa gloire.» Rappeler l'historique du fait jusqu'aux paroles de Moïse.

  A008000987 

 Cieux, versez votre rosée d'en-haut et que les nuées pleuvent le Juste; que la terre s'ouvre et qu'elle [125] germe le Sauveur.

  A008000988 

 Il est nourriture dans l'Eucharistie, il est de plus l'aliment mystique des cœurs de tous les hommes.

  A008000989 

 Aussi, parmi les Pères les plus pieux, trois surtout professèrent envers ce mystère un culte spécial: saint Augustin: «Ce mystère est le sein qui m'allaite;» saint Bernard, qui dans une vision contempla cette naissance; saint François, comme chacun le sait..

  A008000989 

 La naissance de Jésus-Christ, ou plutôt le tout petit Jésus a une saveur spéciale pour tous ceux qui le veulent goûter: pour les pasteurs, parce qu'il est Pasteur; pour les rois, parce qu'il est Roi; pour Siméon, parce qu'il est Prêtre; pour Anne la prophétesse, parce qu'il est Prophète; pour tous enfin, mais surtout pour les âmes dévotes, pour les religieux et pour les oblats, parce que lui-même est excellemment dévot, religieux et oblat.

  A008000990 

 Sa chasteté est évidente: Il se repaît parmi les lis; et bien qu'il n'ait pas émis de vœu, il a néanmoins fait ses oblations.

  A008000990 

 Voyons dans cet Enfant les qualités du religieux.

  A008000995 

 Son silence est admirable; car les autres enfants se taisent parce qu'ils ne savent pas parler; lui, parce que ce n'est pas le temps de parler mais de se taire..

  A008000997 

 Il me semble le voir fixer son doux regard sur sa très chère Mère, son Père, les bergers; donner à sa Mère de suaves baisers, selon qu'il est écrit: Qu'il me baise, et puis, se nourrir de son lait..

  A008000999 

 Aussi bien, d'après Aristote, les enfants ne rient-ils avant le quarantième jour que par prodige, comme il est arrivé pour Zoroastre, «le malheureux qui rit en naissant.» De même les religieux commencent à se purifier par la pénitence; or, quarante est le nombre de la pénitence parfaite; cette durée atteinte, ils rient, c'est-à-dire sont consolés..

  A008000999 

 Il pleure: J'ai élevé la voix en pleurant, comme tous les autres.

  A008001000 

 Dans les Cantiques, l'Epoux dit: Tes lèvres sont un rayon qui distille le miel.

  A008001000 

 Les Oblates sont des abeilles.

  A008001001 

 Cet Enfant pourrait nous offrir une très belle image de tout le vêtement religieux; les enfants, en effet, sont revêtus comme les moines, du capuchon, etc., ils ont les pieds nus, etc. [129].

  A008001029 

 Ceux qui soignent les éléphants ne mettent jamais d'habits de couleur éclatante, parce que ces animaux sont excités par le feu, comme le taureau par la pourpre.

  A008001029 

 Les cymbales mettent les tigres en fuite.

  A008001029 

 Pour honorer le mariage et sauvegarder la modestie ou la pudeur de la Vierge en naissant d'une personne mariée, et pour que, tout en étant vraiment épouse, elle cachât sa virginité sous les feuilles du mariage.

  A008001031 

 Aussi vit-il la lune, le soleil et les étoiles l'adorer: l'immense multitude des hommes (comprise dans le nombre dix) et la nature angélique sous un seul nom, la très sainte Vierge et le Seigneur.

  A008001032 

 Mais c'est par tradition qu'on les lapidait, comme on fit les vieillards.

  A008001032 

 Pourquoi? Parce que c'était un péché contre la chose publique; et Dieu punit les péchés de la chair, etc. Pharaon et toute sa cour sont punis par la peste, au témoignage de [132] Josèphe, et en Gérara, Abimélech.

  A008001044 

 Que de raysons d'allegresse entre les Juifs quand la belle et chaste Hester fut receue au palais, a la chambre, au lit et en la societé royale d'Assuerus; quell'asseurance pour leur nation, quel honneur, et quelz contentemens.

  A008001048 

 Cynamologue entre les hæretiques, c'est la tressainte Vierge..

  A008001064 

 Les grandes eaux.

  A008001065 

 Bientôt ce fleuve se changea en lumière et en soleil; ce fut en ce jour où toute resplendissante, elle fut introuisée dans le Ciel: Les justes brilleront comme le soleil.

  A008001066 

 Les Antidicomarianites et Nestorius affirmaient que la chair de la Bienheureuse Vierge avait subi la décomposition du tombeau, et qu'elle [135] n'avait été l'objet d'aucun privilège; les Collydiriens au contraire, faisaient de Marie une déesse immortelle.

  A008001067 

 D'après les Septante: Ses lèvres ne se décomposèrent pas.

  A008001067 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs, si vous trouvez mon Bien-Aimé, annoncez-lui que je languis d'amour.

  A008001067 

 Les pasteurs de Genève l'interprètent de la même manière.

  A008001068 

 Et il est vrai qu'il est statué que les hommes doivent mourir une fois.

  A008001069 

 (Jacob voyant son fils: Maintenant je mourrai joyeux, puisque j'ai vu ta face et que je te laisse vivant après moi.) Et il baisa, etc. Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche... Il leur donna tous les biens de l'Egypte.

  A008001069 

 Amenez votre père et venez a moi, et je vous donnerai tous les biens de l'Egypte, afin que vous vous nourrissiez de la moëlle de la terre.

  A008001069 

 Pharaon: Ton père et tes frères sont venus a toi; la terre d'Egypte est devant toi, fais-les habiter dans la meilleure région.

  A008001070 

 Entendant tous les Anges chanter: [137] Je vous salue, Marie (car une multitude de la milice céleste se joignit a Gabriel), Voici, dit-elle, la servante du Seigneur, et elle adora le Roi son Fils comme Jacob (les songes de Joseph en font foi: J'ai vu le soleil m'adorer).

  A008001070 

 Et ce cortège d'Anges n'est point une fiction, car le Christ dit lui-même que l'âme de Lazare fut escortée par les Anges; à combien plus forte raison l'âme et le corps de la Vierge! Ensuite elle chanta son Magnificat..

  A008001071 

 C'est ainsi qu'elle fut établie pour intercéder en notre faveur; tous les Saints, sans exception, l'affirment (non pas assurément qu'elle demande de la même manière que son Fils qui intercède par lui-même); et beaucoup de grâces nous sont accordées par sa faveur, comme l'atteste l'Eglise entière.

  A008001071 

 Et voici que désormais toutes les générations m'appelleront bienheureuse.

  A008001071 

 Si «les Anges se réjouissent,» pourquoi cette Reine des Anges ne se réjouirait-elle pas? Voilà pourquoi tant d'églises en son honneur..

  A008001099 

 Et omnes simul, afferte ou des oeilletz, ou plus tost des oeillades interieures de la meditation; afferte des pensees sans nombre, et voyes que cette fille est nee pour nostre bonheur, voyes qu'ell'est l'amante de nos coeurs, nostre chere Dame, les delices des Anges, et la dilection du Pere, du Filz et du Saint Esprit.

  A008001099 

 Et representent le prince ou prælat, auquel tous les coeurs doivent estre attaches; et un prince ou prælat sans les coeurs des sujetz n'est autre chose qu'un bouton de rose despouille, qui n'a rien qu'un peu d'odeur de dignite, mais non pas la grace.

  A008001099 

 Sic et nos qui præsumus afferamus rosas, quæ simbolum sunt authoritatis et dignitatis, quæ nunquam est sine spinis curarum; et rosse quae nihil aliud sunt quam multitudo foliorum rubicundorum quæ cordis figuram habent, in uno caule unitorum eique affixorum, et præterea quæ excelsiores sunt cæteris floribus, mere floribus, quæ in arbusto crescunt; car qui void une rose, void une multitude de feuilles rouges atachees a un bouton, toutes faites en guise de cœur, et cet un arbre fait pour la plus belle fleur, la ou les autres simples fleurs croissent en des tiges herbeux.

  A008001105 

 Il exprime les misères de cette vie d'après une certaine hypothèse; comme le Christ: S'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi... Le jour de la mort est préférable au jour de la naissance.

  A008001105 

 J'ai élevé [140] d'abord la voix en pleurant comme tous les autres. Les enfants ne rient pas avant quarante jours, et alors seulement ils commencent à connaître leur mère:.

  A008001105 

 L'homme, d'après Pline, ne connaît par nature que les gémissements.

  A008001107 

 Saint Augustin dit que par leurs pleurs, les enfants prophétisent les misères qui les attendent..

  A008001109 

 Aussi, les Chrétiens, au témoignage de saint Grégoire de Nazianze, célébraient-ils non pas le jour de leur naissance, mais celui de leur Baptême.

  A008001109 

 Le premier et le seul de tous les mortels qui se prit à rire aussitôt après sa naissance fut, dit Pline, Zoroastre, grand magicien et auteur de la magie.

  A008001111 

 Comme les abeilles, etc. Et ce passage du Cantique! Le roi Salomon s'est fait une litière en bois du Liban; il en a fait les colonnes d'argent, le dossier d'or, le dôme de pourpre.

  A008001111 

 Et remarquez: Dès le commencement et avant les siècles je fus créée (c'est-à-dire de stinée à prendre la naturehumaine créée: Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies ); et après plusieurs paroles: Et j'ai été ainsi affermie dans Sion, et je me suis reposée dans la cité sainte, et ma puissance a été dans Jérusalem, part de l'héritage de mon Dieu, et j'ai demeuré dans l'assemblée des Saints.

  A008001111 

 Le milieu, c'est-à-dire les parties moyennes du dossier (car c'est un substantif pluriel), il l'a orné de la charité, de lui-même, qui est l'amour et les délices de l'Epouse et des âmes, et cela en faveur des filles de Jérusalem..

  A008001113 

 Toutefois, voici quatre femmes qui font exception: Thamar, Raab, Ruth, Bethsabée; mais ces femmes sont expressément nommées, disent saint Jérôme, saint Chrysostôme et autres, parce que le Christ, «qui venait pour les pécheurs,» etc. Elles furent pénitentes.

  A008001115 

 Au milieu est le Christ, parce qu'elle le porte en corps et en âme: Heureuses les entrailles [ qui vous ont porté ]; heureux plutôt ceux qui entendent, [etc.] [144].

  A008001115 

 Les colonnes d'argent, les dons de l'Esprit-Saint par lesquels le corps adhère à son âme sans affections naturelles.

  A008001116 

 Les colonnes d'argent, les sept dons du Saint-Esprit: la sagesse, qui lui a fait savourer les choses divines et rejeter avec dégoût les biens de la terre; l'intelligence, par laquelle elle a pénétré les mystères; le conseil, grâce auquel elle a suivi toutes les voies de la perfection; la force, au milieu de tant d'adversités; la science, pour régler ses rapports avec le prochain dans la pratique de toutes les vertus morales; la piété, dans son immense amour envers son Fils, et la crainte et révérence pour le Seigneur.

  A008001116 

 Mais quels sont les chevaux qui traînent ce char? Ils sont représentés par quatre classes d'hommes: les Patriarches, comme Abraham, Isaac, Jacob, Juda; les Rois, les Prophètes et les Prêtres.

  A008001116 

 Tous ces dons reposent sur l'or d'une humilité amoureuse (l'or est de tous les métaux le plus lourd et le plus précieux), et sur eux est fondée la vraie charité, pourpre du roi et robe nuptiale.

  A008001117 

 De même, nous qui sommes préposés à la direction d'autrui, apportons les roses, symbole de l'autorité et de la dignité, roses qui ne sont jamais sans les épines des sollicitudes.

  A008001117 

 Les roses ne sont autre chose qu'une multitude de feuilles rouges ayant la forme de cœur, unies et fixées sur une même tige; elles surpassent, de plus, toutes les autres fleurs, les simples fleurs qui croissent sur des arbustes.

  A008001118 

 Ames vouées à la virginité et à la chasteté, apportez les lis; mariés, apportez le souci; veuves, apportez les violettes.

  A008001128 

 Et comme quand les vignes fleurissent les vins fleurissent, ainsy par tout ou l'amour de Dieu fleurit, l'amour du prochain fleurit..

  A008001142 

 Comme Joseph, tout en aimant suffisamment ses autres frères, était particulièrement uni à Benjamin, de même, nous devons aimer tout le monde, mais être spécialement unis aux Chrétiens, les aimant comme Jésus les aime..

  A008001142 

 La [148] plupart des interprètes unissent les deux mots nouveau et sien, parce qu'il était dit dans l'ancienne Loi: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais dans la nouvelle: comme je vous ai aimés, c'est-à-dire, plus que soi-même.

  A008001142 

 Tolet entend par le mot sien cet amour spécial qui doit régner entre les Chrétiens en tant que Chrétiens.

  A008001145 

 Combien les injustices qui nous sont faites sont légères! Ce sont des songes pour la plupart.

  A008001145 

 [149] D'ailleurs, les ennemis sont utiles, comme les figuiers sauvages le sont aux figuiers cultivés, et les aulx aux roses....

  A008001146 

 Comme les injures seraient bientôt réduites à rien «si ceux qu'elles ne touchent pas s'en plaignaient autant que ceux à qui elles s'attaquent!» Et ceux-ci: «O homme, ne tue pas Crésus.» [150].

  A008001146 

 Les bons serviteurs sont ceux qui s'indignèrent.

  A008001156 

 Les Æthiopiens allument le fœu a leurs rubis par le vinaigre..

  A008001167 

 Ainsi les hommes attribuent aux hommes et à la nature les biens qu'ils ont reçus de Dieu, et ils ne lui en rendent pas grâces; voilà pourquoi ils sont affligés....

  A008001167 

 Oh! que l'affliction est bonne, puisqu'elle amène au Christ et les riches et les pauvres! Si ce chef de la synagogue avait eu sa fille en pleine santé, comme c'était sa fille unique, il l'eût dorlottée avec sa mère.

  A008001169 

 Il faut toujours dans les paroles, regarder l'intention.

  A008001169 

 L'amour-propre augmente également les biens et les maux, comme le vin fortifie les humeurs et les inclinations, rend plus violent le poison de la ciguë et donne aux mets plus de force nutritive.

  A008001170 

 Le Christ attire le cœur des hommes par des bienfaits, les hommes attirent le cœur du Christ par l'humilité.

  A008001171 

 Et voilà qu'une femme affligée depuis douze ans d'un flux de sang, laquelle avait dépensé tout son bien et, ajoute saint Marc, avait beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins.

  A008001200 

 Il y avait dans le monde mille erreurs touchant la foi et les mœurs.

  A008001200 

 Simon: Comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage; grand prêtre, qui dans sa vie a soutenu la maison du Seigneur, et en ses jours a fortifié le temple; comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage, et comme la lune luit dans les jours de son plein, comme le soleil resplendissant, ainsi a-t-il brillé dans le temple de Dieu..

  A008001200 

 Une lumière brilla pendant deux heures au-dessus de la chambre, avant sa naissance, ou vers le moment de sa naissance, comme signe qu'il devait être une lumière dans la nuit: La lumière luit dans les ténèbres.

  A008001201 

 Saint Grégoire de Nazianze: Les évêques sont les peintres de la vertu, sujet le plus excellent de tous..

  A008001202 

 Bienheureux les pauvres.

  A008001202 

 Il reproduisit toutes les vertus.

  A008001202 

 Signaler son très parfait renoncement aux biens temporels, à tous les plaisirs.

  A008001203 

 Parallèle entre Charlemagne, grand par les armes, et Charles le petit, grand par la sainteté..

  A008001204 

 C'est pourquoi l'ancien Pontife revêtait de si magnifiques ornements; les clochettes jointes aux grenades.

  A008001204 

 Dans sa poitrine: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement.

  A008001204 

 Puis il ajouta toutes les oeuvres de charité.

  A008001206 

 Martyre continuel des prélats; c'est pourquoi Anselme les appelle chouettes: J'ai été fait comme le hibou.

  A008001232 

 De même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des nations et objet de leur désir, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant Joseph: Les bénédictions de ton père ont été corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à ce que vienne le désir des collines éternelles, c'est-à-dire le Christ.

  A008001232 

 [157] Collines éternelles; les Pères l'entendent des Patriarches et autres Saints éminents entre tous; à mon avis, ce sont les Anges..

  A008001234 

 L'Incarnation figurée par un si grand nombre d'Anges apparaissant sous la forme humaine; ainsi les princes ont coutume d'habiller leurs pages aux couleurs de leur épouse.

  A008001234 

 Les abeilles apportent du ciel un [158] germe dans le rayon, ainsi l'Esprit-Saint dans le sein de la Vierge.

  A008001235 

 D'autres enfin comme les Anges, qui en s'éloignant ne s'éloignent pas, semblables aux excellents prédicateurs (car ils adorèrent le Seigneur, d'après ce qui est dit: Et que tous ses Anges l'adorent ), ils se retirent pour prêcher à d'autres, sans toutefois s'éloigner parce qu'ils demeurent en esprit..

  A008001235 

 D'autres pour adorer, comme les bergers et les rois.

  A008001235 

 D'autres viennent en cherchant autre chose, ce sont les mauvais Chrétiens.

  A008001235 

 Les uns ne veulent pas venir, ce sont les hérétiques et les infidèles.

  A008001237 

 Le vœu de chasteté: Il se repaît parmi les lis.

  A008001240 

 Dans cette famille sont représentées les trois classes de personnes qui composent une communauté: supérieur, Joseph; professe, Marie; novice, le Christ.

  A008001260 

 DE L'ADORATION DU CHRIST PAR LES MAGES.

  A008001262 

 Aussi, les Anges sont-ils les premiers à adorer le Christ: Gloire à Dieu au plus haut des cieux.

  A008001262 

 De meme, les Anges montent et descendent l'echelle de Jacob, et, sous une fonne humaine, ils conversent tres volontiers avec les hommes.

  A008001262 

 Eusuite, viennent les bergers qui representent les fidMes.

  A008001267 

 Exhortation au sujet de l'étoile qui appelle et de la grâce prévenante; à ces mots: Une huile répandue; aussi les jeunes filles; montrez-moi, etc. [162].

  A008001275 

 Verum abscondit idolum sub veste, nam tous les courtisans l'excuserent.

  A008001285 

 Mais il cacha l'idole sous son habit, car tous les courtisans l'excusèrent.

  A008001286 

 Double condition de la véritable attrition: 1 re, qu'elle s'étende à tous les péchés.

  A008001288 

 Jacob: Emportez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, purifiez-vous et changez vos vêtements. Et ils lui donnèrent tous les dieux étrangers qu'ils avaient, et les pendants d'oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe... Comme il pleurait en jetant de grands cris, Isaac ému, etc.

  A008001288 

 Mais tu demandes s'il faut avoir un égal repentir pour tous les péchés.

  A008001288 

 Répands ton cœur comme de l'eau en présence du Seigneur: les autres liquides laissent après eux quelque saveur ou de la graisse, etc.; mais l'eau répandue ne laisse rien.

  A008001312 

 Deux sortes d'hérétiques: les [166] Euchites et Messaliens qui prétendaient que la prière est tout, et qu'elle seule est nécessaire, et les Pélagiens qui, au contraire, en niaient la nécessité.

  A008001313 

 On l'emploie dans un sens général, et c'est l'acception que lui attribue saint Bonaventure quand il dit: «L'oraison comprend tous les actes de la vie contemplative.» D'après saint Grégoire de Nysse, «c'est une conversation avec Dieu.» D'après saint Chrysostôme, «c'est un colloque avec Dieu.» Saint Damascène: «Une ascension de l'âme en Dieu.» Saint Augustin: Une ascension de l'âme qui monte des choses terrestres aux choses célestes.

  A008001314 

 Les deux premiers actes nous importent peu, le troisième et le quatrième concernent l'oraison.

  A008001336 

 Elle est nécessaire dans trois cas: quand les confessions précédentes ont été nulles par défaut de contrition, par défaut [d'intégrité] dans l'accusation, par défaut de satisfaction, c'est-à-dire de volonté de satisfaire.

  A008001338 

 J'ai vu les prévaricateurs et j'ai séché de douleur.

  A008001340 

 Au contraire, selon Job, [les pécheurs] ont dit à Dieu: Retirez-vous de nous, nous ne voulons point de la science de vos voies.

  A008001356 

 Histoire du songe de Judas Machabée, à qui Jérémie donna un glaive d'or, lui disant: Prends ce saint glaive, don de Dieu, avec lequel tu extermineras les adversaires de mon peuple. Nicanor, chef [de l'armée] de Démétrius.

  A008001356 

 Nicanor au milieu du bruit des [172] voix et des trompettes; mais Judas et les Juifs combattant des mains, et priant le Seigneur dans leurs cœurs... Or ceux-là même qui étaient restés dans la cité n'avaient pas une moindre sollicitude, etc..

  A008001357 

 Les mains d'Elisée sur les mains du roi: Flèche du salut, flèche du Seigneur.

  A008001370 

 Dans cette prédication générale, de quoi parlerai-je avec plus de convenance que de la pénitence, sujet par lequel commence, duquel traite et auquel aboutit tout l'Evangile? Saint Jean, dans l'église duquel je suis, m'y invite, ainsi que l'Evangile [qui se lit aujourd'hui,] selon le rite lyonnais et selon le romain; on y trouve ces mots: Désormais tu prendras les hommes; et j'y suis encore invité par la consécration de ce maître-autel, car l'autel lui-même, au sens mystique, représente le cœur: Or, le vrai sacrifice est un esprit affligé.

  A008001371 

 Aussi les Saints disent-ils: Mon zèle m'a fait sécher.

  A008001371 

 C'est pourquoi si les Anges, si Dieu lui-même pouvait s'attrister, il mourrait; Dieu, du reste, quand il était mortel, en mourut..

  A008001371 

 Ceux que vous avez haïs, Seigneur, ne les haïssais-j'e pas? J'ai haï les hommes iniques. [ Mon zèl e] m'a fait sécher.

  A008001372 

 C'est ainsi que chante le Psalmiste: Ceignez votre glaive; vos flèches sont acérées, les peuples tomberont a vos pieds.

  A008001372 

 Comme les singes qui abandonnent des noix ou des châtaignes, le pécheur s'attriste et se réjouit de sa tristesse.

  A008001372 

 Le Christ est comme le lion sur la route, il ne craint personne; comme les Marses et les Psylliens.

  A008001372 

 Mais s'il en est ainsi, comment le Christ fréquentait-il les pêcheurs et les publicains? Comme médecin; non par amour du mal, mais plutôt par haine du mal et par amour pour les malades.

  A008001372 

 Pour réjouir les Anges.

  A008001373 

 En tout lieu on sacrifie, et une oblation pure est offerte a mon nom, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur.

  A008001373 

 Les étoiles ne brillent pas en présence du soleil.

  A008001389 

 C'est pourquoi, comme les parents de l'Enfant le portaient [au Temple]: C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller votre serviteur..

  A008001389 

 Il est hors de doute que Caïn offrit au Seigneur les fruits de la terre; mais l'Ecriture ne dit pas que ce fussent les prémices.

  A008001390 

 C'est pourquoi le Christ dit: Celui qui est pur n'a besoin que de se laver les pieds.

  A008001390 

 Mais comment doit-il être offert? Après que les jours de la purification sont accomplis.

  A008001390 

 Similitude tirée des caractères imprimés aux plantes dans les jardins, caractères qu'il faut extirper.

  A008001390 

 [On devait couper] les ongles et les cheveux de l'étrangère.

  A008001419 

 Car le Seigneur ne laissera pas la verge des pécheurs sur l'héritage des justes, de peur que les justes n'étendent leurs mains vers l'iniquité..

  A008001421 

 Verge des pécheurs, c'est-à-dire verge qui les châtie, d'après cette parole: Des [179] fléaux nombreux attendent le pêcheur, mais la miséricorde environne celui qui espère dans le Seigneur.

  A008001421 

 Voir sur ce point la différence qu'établit Tolet entre les maux qui frappent les pécheurs et ceux qui atteignent les justes.

  A008001422 

 Aussi David dit-il: Mes pieds ont presque chancelé parce que j'ai été ému de zele contre les méchants, voyant la paix des pécheurs.

  A008001422 

 Ils ne participent point aux travaux des hommes, et ils ne sont pas frappés avec les autres hommes.

  A008001422 

 Par exemple, Joseph est soumis à Putiphar, Jacob à Laban, et, pendant quatre cents ans, les Israélites sont opprimés par Pharaon; Achab s'empare de la vigne de Naboth.

  A008001422 

 Souvent nous voyons les impies, les criminels régner et prévaloir sur les justes.

  A008001423 

 Au jugement, dit-il, ceux dont la domination est injuste seront déchus, et le Seigneur changera de main (il distinguera les brebis des boucs ), il préférera Ephraïm à Manassès, bien que celui-ci soit l'aîné.

  A008001423 

 La première réponse est de saint Augustin qui, traitant de ce passage, [180] explique les mots: ne laissera pas.

  A008001424 

 Ainsi Jézabel et tous les autres [sont enfin punis]..

  A008001424 

 Ainsi les Israélites sortent [de l'Egypte]; ainsi Job, Jacob, Joseph [sont délivrés].

  A008001424 

 J'ai vu l'impie élevé comme les cèdres du Liban.

  A008001424 

 Ne laissera pas: il permet, il est vrai, que les impies régnent, mais en attendant j'ai attendu, et il m'a écouté.

  A008001427 

 Cette prière paraît n'être pas exaucée; car quelquefois, et même le plus souvent, les méchants sont heureux et les bons malheureux.

  A008001427 

 Et j'ai dit: C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur et que j'ai lavé mes mains parmi les innocents, puisque j'ai été affligé tout le jour et châtié dès le matin.

  A008001427 

 Voyez les Apôtres et les tyrans.

  A008001427 

 Voyez les hérétiques et les Catholiques; les premiers sont florissants, s'emparent des biens ecclésiastiques, sont puissants, etc. Ils ne participent point aux travaux des hommes, et ils ne sont pas frappés avec les autres hommes.

  A008001428 

 Voyez le très saint Joseph et la Bienheureuse Vierge, ces lis de pureté, ces miroirs d'innocence: Hérode les persécute, ils souffrent dans la fuite en Egypte, etc. Voyez le Juste des justes, le Christ Notre-Seigneur..

  A008001429 

 Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur, etc.; [ sa postérité sera ] puissante; la gloire et les richesses, etc. Vous serez bon avec celui qui est [182] bon, vous serez saint avec le saint, vous serez innocent avec l'innocent.

  A008001430 

 Ainsi, en faisant souffrir les malades, les chirurgiens et les médecins leur font du bien.

  A008001430 

 Je répète ce que dit saint Augustin dans tous les endroits de son Commentaire sur les Psaumes où il parle des cœurs droits.

  A008001430 

 Le coeur droit est celui qui est en harmonie avec Dieu, droiture et justice même; c'est pourquoi tout ce que Dieu veut est agréable à ce cœur, seraient-ce des tribulations et des afflictions, et il les reçoit comme des bienfaits.

  A008001431 

 Les tribulations sont vraiment un bien, et c'est pour cela que le Seigneur les a aimées.

  A008001432 

 Les bons souffrent pour expier en ce monde et non dans l'éternité les fautes qu'ils auraient commises; les mauvais sont heureux et reçoivent ainsi une récompense temporelle, eux qui ne sont pas dignes de l'éternelle.

  A008001432 

 Nous verrons alors pourquoi les méchants ont été heureux et les bons malheureux.

  A008001435 

 Mais pour ceux qui se détournent dans les voies obliques, le Seigneur les joindra a ceux qui commettent l'iniquité: que la paix soit sur Israël..

  A008001436 

 Chaldaïque: les voies obliques. Même sens.

  A008001436 

 Comme les vers à soie qui ne cessent de s'enlacer dans leur propre travail, le cœur s'enlace dans les mauvaises affections... 2.

  A008001436 

 Dans les voies obliques.

  A008001436 

 Ils tombent dans les [185] filets, ils ont tissé des toiles d'araignées.

  A008001436 

 Le premier pécheur, le diable, prit la forme d'un serpent, parce que les pécheurs, comme les serpents, se replient sur eux-mêmes, ne s'avancent pas directement, et détournent leur tête tantôt à droite, tantôt à gauche.

  A008001436 

 Sa, dans les chaînes; Génébrard, dans les liens; ils s'entortillent.

  A008001436 

 Saint Jérôme: dans la perversité, chemins tortus; les voies détournées deviendront droites.

  A008001437 

 Les joindra a ceux qui commettent l'iniquité.

  A008001437 

 avec les démons ( qui est préparé pour le diable ).

  A008001438 

 Mais à la fin de toutes les Bibles, ces mots sont traduits par: puissant contre Dieu. [187].

  A008001462 

 Ce que signifient cette nourriture et ce breuvage, c'est-à-dire l'Eucharistie et les bonnes œuvres, surtout l'aumône.

  A008001462 

 Il a été expliqué dans les autres leçons, [1.] pourquoi Isaac demanda de la venaison; c'est qu'il voulait donner sa bénédiction à un fils dévoué et non à un paresseux.

  A008001462 

 Nous avons déjà touché ces points plus haut; mais ce qui concerne proprement ce texte, nous l'expliquerons selon les quatre sens qu'il peut présenter..

  A008001463 

 Car on peut employer cette locution pour les choses contraires comme pour les choses favorables: être devant, c'est-à-dire [être prêt] à recevoir.).

  A008001463 

 Les habitants de Sodome étaient extrêmement méchants devant le Seigneur.

  A008001464 

 Oleaster dit que voir se rapporte à tous les sens, comme: Tu m'as vu, vois aussi le reste, c'est-à-dire, sens-le.

  A008001465 

 D'un champ fertile ( fertile a été ajouté par les Septante).

  A008001465 

 Faire remarquer que les peuples doivent nourrir ceux qui leur donnent la nourriture spirituelle.

  A008001465 

 Saint Thomas démontre très clairement ce fait en disant que dans la loi de nature les prêtres étaient les aînés, et que par suite, ils recevaient une part d'héritage deux fois plus grande, comme on peut le constater pour Joseph et Jacob..

  A008001466 

 Malheur à vous, hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et qui négligez les choses les plus graves de la loi, la miséricorde, la justice et la foi; il fallait faire ceci et ne pas omettre cela, [190].

  A008001467 

 Ainsi la terre donne les nuées au ciel qui lui communique la force de la génération.

  A008001467 

 Ainsi plusieurs veulent bien abandonner au prêtre l'Evangile ( L'homme ne vit pas seulement de pain ), mais cela ne suffit pas, il faut lui donner aussi la paille et le foin, c'est-à-dire les ressources matérielles.

  A008001467 

 Dans la Loi nouvelle les Apôtres en parlent dans cent endroits de leurs écrits, mais un seul témoignage suffît, entre autres celui-ci: Tu ne lieras pas la bouche au bœuf qui broie, afin qu'il puisse manger non pas le grain, mais le foin.

  A008001468 

 Saluez les frères dans le saint baiser ..........................................................................

  A008001510 

 POUR LES VERSETS 9, 10, 12..

  A008001514 

 Ainsi les Evêques sont présents à tous lorsqu'ils sont dans leur diocèse, les curés, lorsqu'ils sont dans leur paroisse.

  A008001514 

 Avec les brebis, même par la présence corporelle, par la résidence.

  A008001514 

 Il dit les miennes, non les tiennes; car tu les pais en mon nom, pour moi, de mon corps et de mon sang.

  A008001514 

 Il ne suffit pas d'être auprès des brebis, si on ne les nourrit.

  A008001514 

 Or, les hérétiques ne ressemblent pas aux autres brebis, ils pensent différemment: Luther était seul, Calvin seul, etc. Le bon pasteur doit être brebis, fait sur le modèle du troupeau ( ne dominant pas le clergé ); quand une brebis paît des brebis, elle-même paît parmi ces brebis..

  A008001514 

 Rachel venait avec les brebis de son père; car elle-même paissait le troupeau.

  A008001514 

 Remarquons que Rachel est avec les brebis de son père; nous aussi nous devons être avec les brebis, par amour et bienveillance, d'esprit et de cœur: L'âme est là où elle aime.

  A008001516 

 Nous, confesseurs et pasteurs, qui sommes serviteurs, nous ne vous donnons les pendants d'oreilles des paroles de l'absolution ou de la purification (source de joie et d'allégresse pour les oreilles de notre coeur, d'où le texte: les os humiliés tressaillent) que lorsque vous nous avez donné des signes de componction, que vous nous avez sensiblement abreuvés du témoignage de votre contrition.

  A008001516 

 Rébecca abreuve les chameaux du serviteur, et c'est Jacob au contraire qui abreuve les brebis de Rachel.

  A008001517 

 Admirable exemple de saint Jérôme qui lavait les pieds des pèlerins, et même ceux des chameaux et des chevaux dans sa maison de Bethléem.

  A008001517 

 Un si grand homme, si célèbre dans le monde, avancé en âge! Les demi-savants, c'est-à-dire les docteurs et les prélats de notre époque, eussent dit qu'il employait mal son temps, qu'il ne conservait pas sa dignité.

  A008001518 

 ( Le venin de l'aspic est sous leurs lèvres.) Par ses conséquences: tels sont les baisers fréquents entre jeunes gens; parce que, bien qu'au début ils se donnent sans dessein tout à fait mauvais, toutefois, par suite de la fragilité humaine, ils tournent au détriment de la pudeur; car il est étonnant combien ce feu s'allume vite.

  A008001518 

 Par la fin qu'on se propose, comme celui de Judas et celui de cette pécheresse dont il est parlé dans les Proverbes.

  A008001518 

 Par les circonstances....

  A008001518 

 Voici deux comparaisons: vous tirez le cordon fixé extérieurement à la porte d'un monastère, et la clochette sonne à l'intérieur; vous touchez la bouche à l'extérieur, et la concupiscence frappe à l'intérieur, car il existe un certain lien entre les sens intérieurs et les extérieurs.

  A008001518 

 Vous vous mettez du poivre sur les lèvres, il ne brûle pas, mais peu après il brûlera.

  A008001519 

 Quand c'est un signe de respect; mais ce baiser se donnait aussi sur les pieds comme sur les joues ou sur la bouche.

  A008001519 

 Quand c'est un témoignage d'amitié ou sainte ou purement morale, comme dans le cas dont nous traitons et comme [196] on en usait entre les premiers Chrétiens.

  A008001519 

 Quand il est donné par politesse, et c'est en France la coutume, même entre de simples connaissances, comme autrefois chez les Romains, et pareillement chez les Hébreux, témoin le Seigneur: Tu ne m'as pas donné de baiser.

  A008001520 

 Mais vous direz peut-être: Si les baisers étaient si fréquents entre les anciens Chrétiens, pourquoi ne le sont-ils plus aujourd'hui? Je vous demande moi: Pourquoi en temps de salubrité, tous se touchent-ils réciproquement, personne ne fuit l'haleine ou le vêtement d'autrui; et en temps de peste, pourquoi tous se fuient-ils les uns les autres? Vous me direz: C'est qu'en temps de peste tout contact est dangereux.

  A008001520 

 Vrai Dieu! jadis tous les Chrétiens étaient saints et sains, nul donc ne craignait le contact des lèvres, personne n'évitait une haleine pure; mais aujourd'hui:.

  A008001522 

 De même, anciennement avaient lieu des veilles parce que les Chrétiens étaient lumière dans le Seigneur; on les a supprimées aujourd'hui de peur que les ténèbres ne nous surprennent..

  A008001527 

 Il pleurait d'attendrissement en voyant une vierge qui lui plaisait et qui le charmait par les grâces de son visage..

  A008001527 

 Noter en sixième Heu: Pourquoi Jacob pleura-t-il? Les Hébreux, d'après Lyranus, disent que ce fut à cause de sa pauvreté et de son mauvais équipage, comme il est dit plus haut dans l'histoire d'Eliphaz.

  A008001532 

 L'Eglise est entre deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate: la Pénitence pour les péchés actuels, le Baptême pour le péché originel.

  A008001532 

 Par le Baptême nous sommes fiancés et non encore épousés, les noces ne se font qu'au Ciel où nous serons inséparablement unis [au Christ]..

  A008001532 

 Pourquoi Rébecca, Rachel, Séphora, épouses de trois illustres Patriarches, ont-elles été rencontrées au bord de l'eau? Parce que l'Eglise doit épouser le Christ dans les eaux du Baptême.

  A008001536 

 Embrasser la vie contemplative, c'est méditer; or nous méditons en abreuvant le troupeau de Rachel, c'est-à-dire en désirant les vertus qui accompagnent la contemplation.

  A008001536 

 [199] Après la pénitence, celui qui veut progresser doit contempler les choses éternelles.

  A008001540 

 Les larmes de deuil feront place aux larmes de joie.

  A008001555 

 Comme Rachel représente l'union avec Dieu, la charité parfaite et la vie contemplative, il me semble voir en ce fait un sens mystique: sept degrés nous élèvent à la perfection et nous nous maintenons dans la perfection par sept vertus; ces sept degrés sont les sept dons du Saint-Esprit..

  A008001593 

 Avant de rien créer, Dieu, de toute éternité, jouissait de tous les biens réunis et ne manquait de rien.

  A008001594 

 Dieu a donc une autre gloire qui lui est extrinseque; et c'est pour celle-ci qu'il a tout créé: Afin de montrer les richesses de la gloire de son royaume et la grandeur de sa puissance, comme il est dit du festin d'Assuerus.

  A008001595 

 C'est pourquoi, invitant toute créature à la louange de Dieu, David dit: Louez le Seigneur du haut des cieux, etc., et les trois Enfants [dans la fournaise]: Bénissez-le, rendez-lui grâces.

  A008001596 

 Et au Cantique: Que verrez-vous dans la Sulamite, sinon les chœurs des camps? Mais cette guerre est pacifique, la paix triomphe: c'est dans la paix de l'âme qu'on remporte la victoire sur le démon, et dans le trouble de l'âme [205] le démon triomphe.

  A008001596 

 Oh! ne demandez pas pourquoi taut de collégiales, de moines, de moniales! Ce sont les chœurs des camps.

  A008001597 

 Il en est ainsi de tous les cantiques qui ont le même but, comme ceux de Débora et d'Anne, mère de Samuel.

  A008001597 

 Mais il y a des cantiques qui surpassent les autres en suavité; il y eu a d'anciens, il y en a de nouveaux.

  A008001598 

 Or, parmi les cantiques nouveaux il s'en trouve cinq qui surpassent tous les autres en excellence.

  A008001599 

 Le Dorien, dont le but est de captiver, de concilier, de persuader les esprits; tels sont les Psaumes moraux, comme ceux-ci: Beatus vir qui timct Dominum, Beati immaculati, etc., Nisi Dominas œdificaverit domum; tels furent le Magnificat et le Gloria in excelsis. 4.

  A008001599 

 Le Myssolydien, au ton lugubre; c'est le genre de Jérémie dans les Thrènes, et peut-être aussi du Christ quand il disait: O Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? Or le cantique de Zacharie comprend tous ces genres.

  A008001599 

 Le [207] Lydien, pour apaiser les esprits (voir à la page suivante); tel est le Psaume: Lætatus sum in his quæ dicta sunt milii; le Nunc dimittis, chanté par Siméon pour reposer son esprit, fatigué par une longue attente; le cantique que les Enfants chantaient dans la fournaise pour se réconforter, et celui d'Anne, mère de Samuel.

  A008001599 

 On chantait aussi, après les victoires, des cantiques de ce genre, comme le Cantemus Domino, gloriose, etc. 3.

  A008001600 

 Celui de Zacharie les embrasse tous.

  A008001601 

 C'est ce motif qui me l'a fait choisir, surtout parce qu'il parle de la venue du Christ dont il nous exhorte à préparer les voies.

  A008001601 

 Le chant Myssolydien s'exécutera dans les cieux, qui, après avoir raconté la gloire et la miséricorde, raconteront la justice et la colère: leur rôle sera interverti.

  A008001601 

 Levez vos âmes vers Dieu; le jour approche, car voici venir les jours.

  A008001601 

 Puis: Voici venir les jours, etc., chant Dorien.

  A008001601 

 Voir les sermons sur cet Evangile.

  A008001649 

 Deus ab austro veniet, et Sanctus de monte Pharan; en Seir et monte Pharan, montaignes esquelles passerent les enfans d'Israel, et vindrent en la terre de promission.

  A008001659 

 Mais pourquoi le royaume du Christ ou sa majesté royale ou son empire [211] est-il appelé corne? Les auteurs anciens et modernes en donnent diverses raisons dont plusieurs sont utiles à considérer.

  A008001659 

 On disait parmi les anciens payens qu'une chèvre appelée Amalthée, ayant creusé la terre avec sa corne, découvrit un immense trésor dont fut enrichi le chevrier, si bien que la corne d'Amalthée devint proverbiale pour désigner l'abondance des biens temporels.

  A008001660 

 Mais ce passage suffira: Et je briserai toutes les cornes des pécheurs et les cornes des justes seront exaltées.

  A008001660 

 Prendre pour le commencement, en y introduisant les variantes nécessaires, ce qui est dit dans l'exorde du sermon sur le Rosaire, folio 12.

  A008001661 

 Cette corne était-elle naturelle, ou était-elle d'or ou d'argent? Les auteurs ne sont pas d'accord sur ce point.

  A008001661 

 Quoique Abulensis et Pinéda pensent que le petit vase était d'or, Sa toutefois, et, s'il m'est permis d'alléguer les pires auteurs, les pasteurs de Genève, déclarent qu'il s'agit d'une fiole, que Lyranus prétend avoir été carrée.

  A008001662 

 Les anciens se servaient certainement de cornes pour boire (de, là le mot crater, coupe, comme χέρας, corne) et pour contenir le sel et l'huile; ils en usaient aussi à guise d'instruments de musique.

  A008001662 

 Mais tout ainsi que les prêtres sont des anges préposés au gouvernement spirituel, ainsi les rois sont moins des hommes que des anges délégués au gouvernement temporel.

  A008001662 

 Oints de la même huile, rois et prêtres doivent marcher de concert, de telle sorte néanmoins que les prêtres gardent toujours le premier rang, [214] car l'huile leur a été d'abord immédiatement destinée, et que les rois soient leurs auxiliaires, puisque l'huile ne leur est appliquée que par dispense et par extension.

  A008001662 

 On emploie un vase pastoral pour oindre les rois, afin [de leur signifier qu'ils doivent être] de vrais pasteurs et non des tondeurs..

  A008001662 

 Quoi qu'il en soit, l'huile sainte employée pour le sacre des rois démontre que les rois doivent être saints et qu'ils sont adjoints aux prêtres, qu'ils sont leurs collaborateurs et leurs associés.

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001666 

 Cette fête se célébrait le premier jour du [217] septième mois, comme il est dit Num., X, Levit., XXIII, et Num., XXIX. La solennité des trompettes se célébrait en mémoire de la délivrance d'Isaac, sauvé de la mort à l'apparition du bélier qui, embarrassé par les cornes dans un buisson, fut immolé à la place d'Isaac.

  A008001666 

 De plus, Tolet, au même endroit, et Bellarmin, sur le Psaume LXXX, pensent que ce verset: Sonnez de la trompette en ce premier jour du mois, ne s'applique qu'à la fête des trompettes, parce que les autre néoménies n'avaient rien de très solennel et que l'on n'observait le repos sabbatique qu'à la seule néoménie de septembre où se rencontrait la fête des trompettes.

  A008001666 

 Il faut remarquer que les trompettes au son desquelles on annonçait le jubilé étaient de cornes de bélier; c'est l'opinion de la plupart des hommes savants, bien que Ribéra (liv. V sur le Temple, chap. XXIV, n° 9 et suivants) pense qu'elles étaient de cornes de taureau.

  A008001666 

 Les raisons qu'apporte Ribéra contre les cornes de bélier me paraissent faibles..

  A008001666 

 Mais le même Tolet dit, liv. VI de sa Somme, chap. XXIV, qu'on avait coutume au jubilé de faire résonner les cornes de bélier et que d' obel on fit le mot jubilé.

  A008001666 

 Voir Tolet sur le chap. VII de saint Jean, où il traite des fêtes en usage chez les Juifs; il regarde la délivrance d'Isaac comme cause probable de l'institution de cette fête, quoiqu'il admette comme une cause plus probable encore le son des trompettes qui retentissaient lorsque la Loi fut donnée sur le mont Sinaï.

  A008001667 

 En cet endroit, Bellarmin reconnaît dans les quatre instruments [le symbole] des quatre vertus cardinales: la harpe représente la prudence; le psaltérion a dix cordes, la justice des commandements; les trompettes battues au marteau, la force; la trompette de corne, la tempérance.

  A008001667 

 Qu'est-ce que susciter la corne du salut, sinon faire retentir la trompette ou la prédication du salut, suivant cette parole: Elève ta [218] voix comme la trompette? Voici, en effet, le vrai jubilé, le temps de la rémission par la rédemption universelle: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut.

  A008001668 

 C'est ainsi que les trompettes évangéliques, les Apôtres, renversent les murs de Jéricho: Leur bruit s'est répandu dans toute la terre.

  A008001668 

 Cependant, avant toutes les trompettes, voici Jean qui devance tous les autres, envoyé par le Père au-devant du Fils ou en face du Fils: c'est la voix de celui qui crie dans le désert, etc. Arriver par cette parole à l'Evangile du Dimanche et [219] commencer de cette manière: Pour dire aussi un mot de l'Evangile et de cette illustre trompette, il est étonnant que Jean ne semble pas reconnaître dans le Christ cette corne que Dieu a suscitée, etc..

  A008001670 

 Après avoir déposé leurs bois, les cerfs se cachent; ils se recèlent dans leurs forts et buissons, etc. Hélas! Adam se cacha parce qu'il avait perdu la grâce et sa dignité; Jonas s'enfuit, et David s'écrie: Détournez votre face de mes péchés, etc.; jusqu'à ce que vienne le Désiré des collines éternelles.

  A008001670 

 C'est uue comparaison tirée du cerf qui chaque année, au mois de février ou de mars, dépose les bois qui lui avaient poussé [l'année précédente]; à la fin de mars et au commencement d'avril, ils commencent à jeter leurs bosses.

  A008001670 

 Psaume XXI, au lieu du texte de notre Edition: Pour l'accueil du matin, plusieurs lisent au titre avec saint Jérôme: Pour le cerf matinal, ou bien: Pour la biche matinale, ce qui confirmerait notre comparaison; car, dans ce passage, le Christ, comme un cerf dont les bois commencent à poindre, a les siens tout tendres et humides de sang au point qu'il n'ose paraître en public.

  A008001671 

 Ainsi le visage de Moïse était entouré de rayons de lumière semblables à des cornes, afin que les enfants d'Israël ne pussent regarder sur sa face.

  A008001671 

 Cornuta, selon l'hébreu, radieuse; d'après les Septante, glorifiée.

  A008001671 

 Je briserai toutes les cornes des pêcheurs, et les cornes des justes seront exaltées.

  A008001672 

 Et chap. VIII: Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches, sur les montagnes des aromates.

  A008001672 

 J'entends la voix de mon Bien-Aimé; le voici qui vient sautant sur les montagnes, franchissant les collines.

  A008001672 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs.

  A008001672 

 Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les chevreuils et le faon des biches, ne troublez pas et ne rêveillez pas ma bien-aimée jusqu'à ce qu'elle-même le veuille..

  A008001672 

 Mon Bien-Aimé est semblable au chevreuil et au faon des biches; le voici qui se tient derrière notre muraille, regardant a travers les barreaux, observant par les fenêtres.

  A008001672 

 Soyez semblable, mon Bien-Aimé, au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes de Béther, taillées à pic, sillonnées de cavernes profondes.

  A008001673 

 Ainsi les chiens de chasse sentent le gibier; ainsi Alexandre le Grand voguant vers l'Arabie heureuse en sentit les parfums, étant dans le golfe Persique.

  A008001673 

 Il est dit de Job au dernier chapitre de son livre qu'il eut sept fils, qui représentent les sept dons du Saint-Esprit, et trois filles: il nomma la première Jour, la seconde, Cassie, la troisième, Cornustibie (selon les Septante: Corne d'Amalthée ).

  A008001674 

 C'est avec beaucoup d'unanimité que les commentateurs appliquent ce passage à la Croix.

  A008001674 

 C'est-à-dire: Le Seigneur qui a été présent sur la montagne de Séïr et de Pharan, viendra; sa gloire a couvert les cieux et la terre est remplie de sa louange.

  A008001674 

 Dieu viendra du midi, et le Saint, de la montagne de Pharan; de Séïr et de la montagne de Pharan, montagnes par lesquelles passèrent les enfants d'Israël pour arriver en la terre de promission.

  A008001674 

 J'ai été stupéfait en voyant comme les Anges tremblent, non de crainte, mais de respect et de religion (redoutable sacrifice).

  A008001674 

 Sa splendeur brillera comme la [223] lumière, les cornes sont dans ses mains.

  A008001675 

 Au reste, que personne ne m'importune plus, car je porte en mon corps les stigmates du Seigneur Jésus.

  A008001676 

 Sur les Martyrs, voir folio 67.

  A008001696 

 La grâce a été répandue; faire allusion à l'essaim de mouches à miel [qui se plaça sur les lèvres] de saint Ambroise..

  A008001699 

 Je ne suis pas venu appeler les justes.

  A008001723 

 Et saint Paul: Tous ont bu le même breuvage spirituel; or, ils buvaient l'eau de la pierre spirituelle qui les suivait; et cette pierre était le Christ..

  A008001723 

 Je vous dénonce souvent, et je ne le puis trop faire, ce manque de rectitude, cet esprit de contention, bizarre, qui caractérisent les anciens hérétiques.

  A008001723 

 Le Christ, disaient les Pélagiens, n'a pas sauvé les Patriarches, parce qu'il ne les a pas instruits.

  A008001724 

 Ce n'est pas en vain que saint Paul s'écrie: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut; et encore: La bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue; et aux Hébreux: Nous avons un autel dont ceux qui servent dans le tabernacle n'ont pas le droit de manger..

  A008001725 

 De même, les armes spirituelles que nous fournissent les Sacrements l'emportent de beaucoup sur les anciennes.

  A008001725 

 Et ainsi les Sacrements nous offrent un secours bien plus puissant..

  A008001725 

 Mais ce trône-ci est comme le soleil, comme la pleine lune; sous la pleine lune, en effet, les arbres et les testacés sont pleins, pleins de suc et de moelle.

  A008001726 

 D'après saint Epiphane, les Péputiens conféraient les Ordres aux femmes.

  A008001726 

 Hélas! quelle n'est pas la misère des hommes! Les Messaliens et les Euchites contestaient toute efficacité aux Sacrements afin d'en attribuer davantage à la prière.

  A008001726 

 Les Aériens, dit saint Augustin, confondaient le premier Ordre [de la hiérarchie ecclésiastique] avec le second.

  A008001726 

 Les Gaïens, d'après Tertullien, les Manichéens, d'après saint Augustin, niaient le Baptême.

  A008001726 

 Les Manichéens, d'après saint Augustin, rejetaient le Mariage.

  A008001726 

 Les Novatiens n'admettaient pas la Confirmation.

  A008001726 

 Les Novatiens, au rapport de saint Augustin, niaient la Pénitence.

  A008001727 

 Ceux à qui vous remettrez [ les péchés, etc.] Celui qui me mange vivra lui-même par moi.

  A008001727 

 Les paroles [230] que je vous dis sont esprit et vie.

  A008001749 

 Dans les Nombres il est dit vingt-quatre mille, mais les Hébreux ne tiennent pas compte des quantités intermédiaires.

  A008001749 

 Et pourquoi? Parce que dans l'alliance de Dieu avec les hommes, les plus grands biens promis ne seront donnés qu'à la mort du testateur et que cette volonté de Dieu tire toute sa force et son effet de la [232] mort.

  A008001749 

 Or, toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, afin que nous ne convoitions pas les choses mauvaises comme ils les convoitèrent.

  A008001749 

 Voir saint Augustin, liv. I Sur les Expressions employées dans la Genèse, chap. XCIV: «La Sainte Ecriture se plaît à user du mot de testament au lieu de celui d' alliance;» les Septante, διαθήχην.

  A008001750 

 Le colosse de Rhodes [s'élevait à l'entrée du port de cette ville] et tous les navires, soit qu'ils allassent à droite ou à gauche, devaient passer sous lui.

  A008001751 

 Son action atteint tout, comme au centre se rapportent toutes les ligues de la circonférence.

  A008001751 

 Tant que nous sommes dans l'attente, le temps nous dure: Où sont vos anciennes miséricordes, ô Seigneur, telles que vous les avez jurées à David dans votre vérité? Souvenez-vous, Seigneur, de l'opprobre (que j'ai gardé dans mon sein) que vos serviteurs ont souffert de la part d'un grand nombre de nations; de ce que nos ennemis ont reproché, Seigneur, de ce qu'ils ont reproché le changement de votre Christ.

  A008001752 

 C'est-à-dire qu'il a tenu sa promesse de faire miséricorde, en envoyant le Christ; car la miséricorde est dans les promesses comme dans sa fleur, et dans son accomplissement comme dans son fruit.

  A008001752 

 La grâce de Dieu noire Sauveur est apparue à tous les hommes, nous enseignant, etc. [ Lorsque ] la bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue, ce n'est point par les œuvres de justice que nous avons faites, qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde.

  A008001753 

 Vous aussi, par le sang de votre alliance, vous avez fait sortir les prisonniers du lac qui est sans eau.

  A008001770 

 Et nunc, proh pudor! les balladins et balladines sont en honneur..

  A008001790 

 Mais il y a deux sortes de dignités: l'une qui enlève l'obstacle ou le péché mortel, et ceux qui n'ont pas cette dignité, non seulement ne sont pas dignes, mais sont indignes; l'autre dignité résulterait d'une sorte de proportion entre le mérite du communiant et un si grand [236] mystère; et cette dignité, ni les Anges ni les hommes ne la peuvent avoir, parce que devant le Seigneur personne n'est justifié, et en parlant de cette dignité, la Bienheureuse Vierge elle-même dirait: Seigneur, je ne suis pas digne..

  A008001790 

 Saint Paul écarte de l'Eucharistie les indignes, et néanmoins, personne ne s'en approche sans avouer qu'il n'en est pas digne.

  A008001791 

 Les anciens disent: Seigneur, il est digne que vous lui accordiez cette grâce, car il nous a même construit une synagogue; cette dignité est de convenance, elle est selon votre miséricorde, dignité relative et non pas équivalente.

  A008001792 

 D'après Maldonat, les anciens ne suivirent pas les intentions du centurion, et contre la fidélité aux termes de l'ambassade, ils ajoutèrent: Il est digne que vous lui accordiez cette grâce, tandis qu'il affirmait n'en être pas digne.

  A008001793 

 C'est de ce mot que je tirerai mon exorde pour les Grenoblois (dans l'église de Saint-André, les sermons commencent le jeudi après les Cendres): Me voici dans Capharnaüm, c'est-à-dire dans le champ de pénitence.

  A008001793 

 Je ne sais où il a pris cette étymologie, car dans les interprétations ajoutées aux Bibles corrigées, Capharnaüm signifie champ de pénitence; il en est de même dans les Bibles hérétiques.

  A008001793 

 Je vois des pécheurs paralytiques; je vois le Christ, médecin plein de miséricorde pour les pécheurs; je vois le centurion.

  A008001794 

 Celui qui sème la pénitence et vient appeler les pécheurs a la pénitence, nomme sa ville le champ de pénitence.

  A008001795 

 Ce ne sont pas les Anges, ce sont les infirmités qu'il appelle ses soldats; aussi peut-on faire ici une digression sur la puissance de la parole de Dieu..

  A008001795 

 Saint Chrysostome: Dites une parole aux Anges qui réduisent en actes vos paroles; et quand même les Anges feraient [239] défaut, les infirmités disparaîtraient par son ordre exprès.

  A008001796 

 Ce ne sont pas seulement les paroles, ce sont les pensées mêmes de Dieu qui opèrent.

  A008001796 

 Toutefois, Dieu parle pour ce qui doit être fait sur-le-champ, mais il pense pour ce qu'il ne fera que plus tard et en quelque sorte progressivement selon les vues de sa Providence..

  A008001797 

 Nous sommes tous les serviteurs du Christ, et nous devons aimer nos serviteurs.

  A008001797 

 Souvent les serviteurs sont préférés au maître: saint Vital et saint Agricole; l'Eglise place le maître après le serviteur.

  A008001797 

 Voir les Annales de Baronius, an 62, numéro XVII, et an 110, numéro III..

  A008001798 

 Et aujourd'hui, ô honte! les baladins et baladines sont en honneur..

  A008001798 

 Valentinien rendit une loi par laquelle il défendait de baptiser les histrions, sinon à leur dernière heure, parce que le théâtre était interdit aux Chrétiens, et que ces esclaves du théâtre ou de la scène amusaient [241] le peuple, et comme des esclaves publics, s'appliquaient aux inepties du théâtre.

  A008001798 

 Voir les Annales, an 315.

  A008001800 

 Voir Isaïe: Ils brisèrent les œufs de l'aspic.

  A008001801 

 Saint Bernard écrit, épitre CCXCII e, à un homme qui avait osé détourner un novice de la vie religieuse: « Plût a Dieu que tu eusses la sagesse et l'intelligence et que tu prévisses tes fins dernières! Tu goûterais les choses de Dieu, tu comprendrais les choses du monde, tu prévoirais les supplices de l'enfer; tu aurais horreur de l'enfer, tu aspirerais aux choses d'en-haut, et tout ce qui regarde le mal du monde, tu le mépriserais.».

  A008001802 

 Au sujet de la charité fraternelle, voir François Fernandes Galvan, jeudi après les Cendres.

  A008001802 

 Pour écarter absolument les hommes de discorde de la ville où l'on doit vivre en parfaite union; pour [242] signifier le jugement particulier qui aura Heu au sortir de cette vie; pour déclarer que les disputes sont indignes des citoyens..

  A008001803 

 Jusqu'à quand les pensées nuisibles demeureront-elles en toi? Parfois le démon ne veut pas l'acte du péché, de peur que le pécheur surpris en faute ne fasse pénitence; mais il veut des pensées, des désirs longuement entretenus, des omissions, des paroles, des murmures..

  A008001807 

 Quel honneur! Il donne une boisson un peu amère, mais il enduit de miel les bords de la coupe.

  A008001807 

 [243] Tertullien, Apologétique: «Le Chrétien n'est l'ennemi de personne.» Afin que vous soyez les fils de votre Père.

  A008001808 

 Saint Chrysostôme dit à ce sujet: Dieu nous ordonne d'aimer nos ennemis pour que l'amour ne reste pas oisif, car les amis sont si peu nombreux que si nous n'aimions que les amis, nous aimerions un très petit nombre de personnes..

  A008001809 

 Et Jésus les regardant avec indignation, contristé qu'il était de leur aveuglement.

  A008001809 

 L'Evangéliste avertit prudemment que cette colère tombe non sur les hommes, mais sur leur coupable aveuglement; si elle le peut, la colère repousse le mal, sinon, elle se change en tristesse..

  A008001810 

 On peut à peine supporter une injure récente; mais le Christ a supporté la haine la plus actuelle et la plus violente; et pour les ennemis qui répandaient son sang, il a répandu la prière de la miséricorde.

  A008001825 

 Hinc Psaltes: Irascimini, (Hebraice, contremiscite ) et nolite peccare; Tremousses par la saillie de l'ire, si vous sentes les eslans de l'ire.

  A008001845 

 Or voici que les Evangélistes nous peignent, comme dans un tableau, une lutte qui.

  A008001846 

 Avant tout, distinguons les tentations: [1.] il y en a qui sont intérieures, comme le fut celle d'Adam et d'Eve, et comme le sont celles de beaucoup [245] d'autres qui excitent en eux-mêmes la concupiscence.

  A008001847 

 Ainsi, saint Antoine se moquait des tentations de luxure, etc., que le diable lui suggérait; saint Martin s'écriait: «Arrière, [246] bête cruelle!» Ainsi, les Tentyrites domptent par leur seule haleine les crocodiles dont ils se servent comme de chevaux..

  A008001848 

 C'est ainsi que saint Jérôme déclare avoir ressenti les révoltes de la chair au milieu du désert.

  A008001848 

 Trémoussez par la saillie de l'ire, si vous sentez les élans de l'ire.

  A008001849 

 Quoiqu'il n'eût rien à craindre, toutefois, pour nous [247] montrer le chemin, pour nous apprendre à combattre les tentations et, avant tout, agissant non par son propre mouvement, mais par celui de l'Esprit-Saint, il se retira dans le désert..

  A008001850 

 Dans les villes, en effet, le diable a beaucoup d'auxiliaires; au désert, il est seul.

  A008001851 

 Après son baptême; par le Baptême, en effet, nous acquérons (ceci néanmoins ne s'applique pas au Christ) des forces et de la constance, comme par les autres Sacrements.

  A008001851 

 C'est pourquoi nous sommes oints comme des athlètes et on fait sur nous des exorcismes contre le démon; nous sortons de la sainte Table forts «comme des lions au souffle enflammé;» ce sont les expressions de saint Chrysostôme; aussi disons-nous avec le Psalmiste: Vous avez préparé une table devant moi.

  A008001852 

 Saint Paul dit: Par les armes de justice, a droite et a gauche; et David: Le zèle de votre maison m'a dévoré et les outrages de ceux qui vous insultaient sont tombés sur moi.

  A008001854 

 Mais, dit saint Bernard, tu ne seras pas épouvanté par les craintes nocturnes.

  A008001854 

 Satan s'y prend avec douceur, comme les philosophes de notre temps: Ne jeûne pas.

  A008001854 

 Tertullien [249] appelle les philosophes défenseurs et maîtres des hérétiques.

  A008001856 

 Ainsi font toujours les hérétiques, ils détournent le sens par des réticences ou des suppressions de mots, etc..

  A008001856 

 Tous les Pères observent que c'est le propre des hérétiques de citer les bonnes paroles dans un mauvais sens.

  A008001856 

 Voir Vincent de Lérins, Tertullien et tous les autres.

  A008001856 

 «La science des Ecritures consiste non pas à les lire mais à les comprendre.» «La faute est dans l'intention [de celui qui entend mal], non dans le texte.» « Dans toutes tes voies, non dans les précipices;» Satan en outre tronque le texte: Sur l'aspic (voir saint Bernard).

  A008001857 

 Toutes ces choses; car toutes choses m'ont été livrées et je les donne à qui je veux..

  A008001858 

 Mais [la prétention qu'ont] les [250] enfants d'imiter leurs parents n'a rien de ridicule; sans quoi ils ne devraient jamais commencer à parler parce qu'ils ne peuvent d'abord parler aussi vite que leur mère; ni à marcher, parce qu'ils ne peuvent faire des pas égaux à ceux de leur père.

  A008001884 

 Qui croit à notre parole, et a qui le bras du Seigneur a-t-il été révêlé? Qui a connu les puissances du Seigneur? Silence, mes auditeurs, prêtez l'oreille; et avant tout, priez avec moi..

  A008001885 

 Au quatrième jour de la création [Dieu dit]: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour [252] les temps, les jours et les années, et qu'ils éclairent la terre.

  A008001885 

 Mais au dernier jour, à la fin des temps, alors, dit Isaïe, toute la milice des cieux s'anéantira, et les cieux se rouleront comme un livre et toute leur milice périra.

  A008001886 

 «Il doit venir juger les vivants et les morts, et le siècle par le feu.».

  A008001887 

 Il est statué que les hommes doivent mourir une fois.

  A008001887 

 Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort? La mort a passé dans tous les hommes.

  A008001887 

 Toutes ces choses étant accomplies, tous les hommes sans exception mourront, les uns desséchés de frayeur, les autres dévorés par le feu.

  A008001888 

 Au son de la dernière trompette; car la trompette sonnera, et les morts ressusciteront (peser les paroles).

  A008001888 

 Aussitôt que le [253] signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A008001888 

 Cette trompette appellera donc les méchants à la guerre, les bons à la fête.

  A008001888 

 En un moment, en un clin d'œil, au son de la dernière trompette; car la trompette sonnera, etc. Et ce sera juste; dans l'ancienne Loi, en effet, on faisait un usage fréquent de la trompette: pour la guerre, comme à Jéricho, pour convoquer le peuple, pour les fêtes; c'est au son de la trompette que furent promulgués les commandements.

  A008001888 

 Les trompettes seront nombreuses assurément: Il enverra ses Anges avec une trompette, c'est-à-dire, chacun avec la sienne; et la dernière trompette sera suivie de la voix de l'Archange.

  A008001889 

 C'est d'une manière mystérieuse [254] qu'on entendra ces paroles: «Levez-vous, morts,» parce que les corps ressusciteront sur-le-champ; mais ces autres: «Venez au jugement,» seront entendues réellement, parce que déjà la résurrection aura eu lieu.

  A008001889 

 La voix: «Levez-vous, morts, et venez au jugement.» Bien peser ici les paroles du Seigneur, qui, après avoir parlé de son pouvoir de juger et de ressusciter les morts, ajoute: Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient ou tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour ressusciter à la vie, ceux qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur condamnation.

  A008001889 

 O voix toute-puissante qui transforme tant de substances, en un moment; en un clin d'œil, et fait reparaître les os, la peau, le sang!.

  A008001890 

 Cet article de la résurrection a paru aux philosophes le plus difficile à admettre: passer du néant à l'être! Mais les Pères l'ont énergiquement défendu.

  A008001891 

 Et ce sera la première partie du jugement; car la distinction qui doit s'opérer entre les bons et les méchants commencera avec la résurrection.

  A008001891 

 Les corps des Bienheureux fleuriront; ceux des damnés seront comme une chaudière bouillante, animés par le feu et les tourments, [255] horribles, affreusement hérissés; à leurs palais d'autrefois sont maintenant substituées des prisons, comme les prisons des Bienheureux font place à des palais.

  A008001892 

 La séparation faite, le signe du Fils de l'homme apparaîtra... Les mauvais ont eu en haine la justice, les bons l'aiment..

  A008001914 

 Le signe du Fils de l'homme fixé dans les airs, toutes les nations seront rassemblées autour de lui; elles seront bientôt séparées, et ensuite tous les livres seront ouverts, et l'examen, la discussion, la recherche commencera..

  A008001915 

 D'ailleurs, il faut que les Juifs soient jugés les premiers.

  A008001915 

 Dès qu'elles seront rassemblées, le Fils de l'homme viendra sur les nuées et tous les Anges avec lui.

  A008001915 

 Les Anges dirent [aux disciples]: Pourquoi vous arrêtez-vous ici? etc.; ce Jésus qui du milieu de vous s'est élevé au ciel, etc. Où s'est opérée la Rédemption, là se fera le jugement.

  A008001915 

 Les Anges, d'après l'Ecriture, sépareront les méchants des bons.

  A008001915 

 Toutes les nations seront donc rassemblées devant lui; toutes, sans exception.

  A008001915 

 Voilà qu'en ces jours-là, etc., je rassemblerai tous les peuples, et je les conduirai dans la vallée de Josaphat (voir Ribéra qui applique littéralement ce passage au jugement), et là j'entrerai en jugement avec eux.

  A008001916 

 (Le livre de vie, dans l'Apocalypse, XX, c'est la vie du Christ.) Je regardais jusqu'à ce que des trônes fussent placés, et l'Ancien des jours s'assit, etc.; le jugement se tint et les livres furent ouverts: «Le livre écrit sera présenté.».

  A008001916 

 Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A008001917 

 Ainsi se fera le jugement par comparaison: La reine du midi et les hommes de Ninive se lèveront..

  A008001917 

 En ce jour-là je scruterai Jérusalem avec des lampes (Saint Bernard: S'il en est ainsi pour Jérusalem, quelle sera la fin de Babylone! Jérusalem, c'est-à-dire les Saints: les péchés mêmes des Saints seront découverts, mais à leur grande consolation; et ils diront: C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés); et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal.

  A008001918 

 Histoire de Joseph: [ Ils se dirent ] les uns aux autres: C'est justement que [259] nous souffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère; voyant les angoisses de son âme quand il nous suppliait, nous ne l'avons pas écouté; c'est pour cela que cette tribulation a fondu sur nous. Et Ruben de répondre: Ne vous ai-je pas dit: Ne péchez pas contre cet enfant? et vous ne m'avez pas écouté; voilà que son sang nous est redemandé..

  A008001934 

 Melas et Cephissus, en Bœocie, sortent d'un mesme lac: qeluy la noircit les moutons, celuy ci les blanchit.

  A008001944 

 Le Seigneur parlait des rigueurs de l'examen, lorsqu'il ajouta: Or, je vous le dis qu'il portera sur toute parole oiseuse, etc. Alors quelques-uns d'entre les Scribes et les Pharisiens lui répondirent: Maître, nous voulons voir un miracle de vous.

  A008001945 

 Maldonat, après saint Hilaire, si je ne me trompe, dit que ces mots signe de Jonas, signifient absence de signe, car Jonas n'a fait aucun prodige; il a seulement dit: Encore quarante jours et Ninive sera détruite. Et le signe de la condamnation: jugement par comparaison avec les Ninivites.

  A008001945 

 Trois jours de prédication les ont convertis, et nous, etc.; notre prédication pourtant est bien supérieure à cause de l'autorité du Christ qui parle en nous.

  A008001946 

 C'est donc à bon droit que seront condamnés les méchants, et ils n'auront rien à objecter à une aussi juste sentence; mais avant que nous l'entendions [je veux vous confier une pensée qui m'est familière].

  A008001946 

 De son sommet, dit Pline, on peut contempler les deux hémisphères, si bien qu'à [262] deux heures du matin on y voit d'une part l'obscurité de la nuit la plus profonde, de l'autre, le plein jour dans tout son éclat.

  A008001947 

 Ainsi, au jugement, le Seigneur séparera les eaux des eaux; «les grandes eaux sont des peuples nombreux:» les eaux supérieures montent au-devant du Christ, dans les airs, au-devant du Christ, dis-je, descendu vers eux comme pour les ramener, et ils bondiront comme des béliers; les eaux inférieures descendent à la mer, à la mer Morte, etc..

  A008001947 

 Ou plutôt je me figure voir à ce jugement ce qu'on vit au Jourdain quand Israël sortait de l'Egypte: Les eaux supérieures grossissaient et s'élevaient semblables à une montagne (d'où le mot du Psaume: Montagnes, vous avez bondi comme des béliers; ce qui signifie que des montagnes de flots s'agitaient et semblaient danser), tandis que les eaux inférieures descendaient à la mer du Désert, c'est-à-dire à la mer Morte, au lac Asphaltite (belle comparaison, car le Jourdain est précisément le fleuve du jugement).

  A008001948 

 De sa bouche sortait un glaive, tranchant à gauche, afin de perdre et de tuer par la mort éternelle; à droite, pour supprimer tous les maux qui auraient pu menacer les Bienheureux.

  A008001948 

 Et lorsque je l'eus vu, je tombai a ses pieds comme mort: cependant, il ne devait juger que les sept Evèques.

  A008001948 

 Et sa face comme le soleil, pour les Bienheureux..

  A008001949 

 (Que dites-vous, hommes pervers? Voici qu'on récompense [264] les œuvres de miséricorde: Les livres furent ouverts et les morts furent jugés, d'après ces livres, selon leurs œuvres.) Ils fondront de douceur à ces paroles.

  A008001950 

 De qui s'éloignent-ils? où vont-ils? Ils rugiront en disant, etc. Et ceux-là iront au supplice éternel, et les justes, à la vie éternelle.

  A008001968 

 Marc.: Propter hunc sermonem vade; fiat tibi sicut vis: il rend les abbois.

  A008001977 

 Et dans le Cantique: Quelle est celle-ci qui monte du désert comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens? Toutefois, cette élévation est mentale, non matérielle, elle est relative à son objet, non au lieu; c'est également ce que signifient ces mots: «En haut les cœurs,» Quelle étonnante sottise ou méchanceté de la part des Calvinistes quand ils nous objectent ces paroles: «En haut les cœurs,» comme si «en haut» s'entendait au sens littéral! Ils ne veulent pas distinguer entre prier matériellement devant une image et prier moralement devant cette image.

  A008001981 

 Dès que [la Chananéenne] a levé le cerf de son fort, de son buisson: Elle crie après nous, [disent les Apôtres]; elle nous invoque, c'est-à-dire, elle vous prie par notre entremise.

  A008001981 

 Mais la Chananéenne les suit toujours: Cependant, elle vint et adora; elle priait parmi les disciples; elle entendit Jésus et vint à lui: Seigneur, aidez-moi.

  A008001981 

 [269] (Les pauvres crient après nous: «Ce que vous dévorez nous appartient; toutes vos dépenses inutiles sont un vol cruel que vous nous faites.») Mais la femme répond: Oui, car les petits chiens, etc..

  A008001982 

 A cause de cette parole, va, qu'il te soit fait selon ce que tu veux: il rend les abois.

  A008002011 

 Cette piscine est probatique, destinée aux troupeaux, aux brebis: le sens du grec probaton est brebis; probatichi, qui concerne les brebis, les troupeaux; mais pourquoi cette appellation? Les réponses varient.

  A008002011 

 D'après l'opinion commune des anciens, cette appellation vient de ce que les brebis offertes au Temple y étaient lavées, ou du moins on y lavait leurs intestins; aussi, saint Jérôme, au livre Des Lieux hébraïques, dit-il que de son temps cette piscine était encore rougie et comme teinte de sang.

  A008002012 

 C'est pour cela qu'on baptise les enfants.

  A008002012 

 De là ces mots: Celui qui croira et sera baptisé, etc. Noter: Celui qui croira et ne sera pas baptisé, etc. Allez, enseignez toutes les nations.

  A008002012 

 Il n'y a pas d'autre moyen de greffer les enfants sur le Christ.

  A008002012 

 La tradition de baptiser les enfants repose sur cette nécessité, car ils ne peuvent autrement faire partie de l'Eglise, ceux qui par nature naissent enfants de colère.

  A008002012 

 [1.] Or la piscine commune aux brebis, c'est-à-dire à tous les Chrétiens, est le Baptême à cause de sa nécessité; car il est nécessaire aux enfants de nécessité de moyen: Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint.

  A008002013 

 Voilà de l'eau; qui empêche que je ne sois baptisé? Argument [272] contre les Séleuciens, d'après lesquels la matière du Baptême était le feu, et contre les Flagellants, selon lesquels cette matière était le sang..

  A008002015 

 Le serviteur qui plonge [dans l'eau régénératrice], c'est le prêtre, ministre ordinaire du Baptême; mais, ainsi que les hérétiques eux-mêmes le reconnaissent (car tout en nous regardant comme idolâtres et antichrétiens, ils ne rebaptisent cependant pas ceux que nous avons baptisés), tout homme, fùt-il infidèle, peut en être le ministre extraordinaire, comme l'Eglise l'a défini au Concile de Florence, contre saint Cyprien et Cécilien.

  A008002016 

 La piscine a cinq portiques; ce sont les cinq Livres de Moïse: la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome; ou encore, les cinq âges qui ont précédé le Christ, [en chacun desquels on trouve une figure du Baptême]: 1.

  A008002017 

 Les infirmes: ce sont les aveugles d'esprit, les boiteux de volonté, les hommes dépourvus de sens spirituel..

  A008002019 

 Les Apôtres sont des pêcheurs d'hommes.

  A008002019 

 Là, nous sommes enfants de Dieu... Le Christ est appelé icthys, poisson, d'après les vers de la Sybille.

  A008002022 

 D'après saint Bernard, ces paroles expriment les trois degrés de la vie et de la santé spirituelle: Lève-toi, regarder vers le Ciel ( ceux qui ne goûtent plus les choses de la terre ); prends ton grabat, c'est asservir le corps; marcher dans la loi du Seigneur..

  A008002023 

 Voir un excellent passage dans les notes sur la vie de Jacob, où il est question du baiser que Jacob donna à Rachel, auprès du puits.

  A008002048 

 Et Isaïe: L'œil n'a point vu, hors vous seul, ô Dieu, ce que vous avez préparé a ceux qui vous attendent. Ainsi les enfants d'Israël ne pouvaient regarder le visage de Moïse.

  A008002049 

 Et de même que nous connaissons quelque peu la configuration de l'Amérique et ce qui concerne ce pays par les descriptions que nous en ont faites ceux qui l'ont visité, ainsi connaissons-nous cette gloire que nous révèle ici le Seigneur de la gloire.

  A008002050 

 Selon Boèce, la béatitude «est cet état que rend parfait la réunion de tous les biens.» Mais d'après saint Augustin, «l'homme heureux est celui qui possède tout ce qu'il veut et qui ne veut rien de mauvais.» La béatitude essentielle est dans l'intelligence qui jouit du beau et dans la volonté qui jouit du bien..

  A008002051 

 Cette béatitude est donc bornée par les limites de la capacité de celui qui en jouit.

  A008002051 

 Mais, prise d'une manière relative, elle s'applique aussi à nous; la béatitude est alors «l'état que rend parfait la réunion de tous les biens» qui nous conviennent.

  A008002051 

 Ou bien on pourrait la définir: l'état par lequel nous possédons Dieu, «assemblage de tous les biens.

  A008002052 

 Nous ne voyons pas le visage de l'homme qui dort, parce que nous ne voyons pas le visage de ce [278] visage, c'est-à-dire les yeux.

  A008002085 

 D'où vient, Israël, que tu habites dans la terre de tes ennemis? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les morts, c'est-à-dire tu [281] as vécu parmi les morts; tu es devenu semblable a ceux qui descendent en enfer.

  A008002085 

 Elles sont sur, c'est-à-dire en toutes ses œuvres, même dans les tourments de l'enfer qui n'égalent pas la malice du péché.

  A008002085 

 Gradation: tu es, tu as vieilli, tu t'es souillé avec les morts, tu es devenu semblable a ceux qui descendent en enfer: mort et enseveli, obstination.

  A008002085 

 On peut entendre ces paroles de trois manières: [1.] elles surpassent en excellence toutes ses œuvres; car l'Incarnation est une œuvre de cette miséricorde, or ce mystère et ses résultats surpassent toutes les autres oeuvres de Dieu.

  A008002085 

 Sur toutes ses œuvres, non sur les vôtres; et comme le péché est votre œuvre et non la sienne, Dieu en réclame sans merci l'expiation.

  A008002086 

 Or, nombreuses sont les causes pour lesquelles les hommes mondains meurent dans leurs péchés; j'en exposerai trois..

  A008002087 

 J'ai juré et établi de garder les jugements de votre justice.

  A008002087 

 La première est la fausse pénitence, car la fausse pénitence ressemble à la vraie: Mêlas et Céphisse; les eaux du Styx sont semblables à celles des autres fleuves; comète et planète... Cette pénitence n'est pas de tout cœur: Convertissez-vous a moi de tout votre cœur.

  A008002088 

 Les enfants repoussent les remèdes.

  A008002089 

 La troisième cause est une trompeuse espérance de vivre et de faire pénitence à la fin de sa vie... «Vivez bien, afin de ne pas mourir mal;» saint Augustin, sermon XXIV sur les Paroles du Seigneur.

  A008002089 

 Le plus souvent, on meurt comme on a vécu: ainsi voit-on mourir sur mer ceux qui vivent sur mer, et sur les montagnes ceux qui habitent les montagnes.

  A008002118 

 Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse..

  A008002120 

 Aussi, saint Cyprien, liv. IV, épître IX e, fait-il remarquer que les prêtres ne sont jamais réprimandés sous ces noms de Scribes et de Pharisiens, pour pervers et ambitieux qu'ils aient été..

  A008002120 

 Les Scribes et les Pharisiens avaient mission non pas de gouverner, mais d'enseigner, comme nos moines.

  A008002121 

 Mais aujourd'hui cette chaire est la chaire Apostolique, dans laquelle les Evêques ont mission ordinaire de s'asseoir, et les prédicateurs, mission extraordinaire.

  A008002123 

 Nous Catholiques, en effet, nous écoutons bien le Pape, même quand il décrète par sa seule autorité et en dehors d'un Concile, au lieu que les hérétiques ne veulent entendre ni Pape ni Concile..

  A008002124 

 Ainsi donc les Scribes et les Pharisiens ne se trompent pas quand ils enseignent dans la chaire de Moïse, c'est-à-dire par son autorité.

  A008002124 

 De même que ni Luther ni les autres n'eussent erré s'ils avaient enseigné dans la chaire et par l'autorité de Pierre; mais dès qu'ils commencèrent à enseigner en dehors de cette autorité, ils tombèrent dans les plus graves erreurs..

  A008002124 

 l'infaillibilité de la Synagogue qui ne tomba jamais dans l'erreur; bien que les mœurs fussent extrêmement corrompues, la doctrine demeura toujours intacte.

  A008002125 

 Aussi est-il dit dans les Actes: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous; ce qui indique que l'Esprit-Saint était le Chef invisible de tout le Concile.

  A008002125 

 Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle; or, par les portes de l'enfer est signifiée la pire des apostasies.

  A008002126 

 L'infaillibilité est nécessaire; car quel est le royaume où les procès n'aient jamais de fin, où il n'y ait aucun parlement, où nul jugement ne se rende?.

  A008002127 

 Grande donc est la dignité du sacerdoce! Que disent les hommes du Fils de l'homme («Vous qui n'êtes pas des hommes, mais des dieux»)? Qui vous écoute m'écoute.

  A008002127 

 Que les hommes nous regardent comme ministres du Christ, etc..

  A008002128 

 D'autres enfin parlent et agissent; voilà les meilleurs: toutefois, ils parlent non seulement par la prédication, mais encore par les commandements qu'ils donnent et par des entretiens utiles.

  A008002129 

 Double amour: l'un affectif, en signe duquel le grand Prêtre portait sur la poitrine les noms des enfants d'Israël; l'autre effectif, et qui porte même les méchants et les brebis perdues; de là vient que les noms des enfants d'Israël étaient aussi gravés sur deux onyx fixés à l'huméral..

  A008002129 

 Ecoutons le Seigneur: Ils aiment les premiers sièges et les premières chaires, ils se plaisent a être appelés maîtres.

  A008002129 

 Je désire ardemment d'être délivré et d'être avec le Christ, etc. Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement.

  A008002129 

 O Dieu! il faut aimer les brebis pour le Christ et non pour la vanité; non pour en être honoré, mais pour que le Christ soit honoré par elles.

  A008002130 

 En retour, les brebis aiment leur pasteur comme leur père.

  A008002130 

 Les Egyptiens haïssent les pasteurs de brebis.

  A008002130 

 Les prêtres qui gouvernent bien sont dignes [289] d'un double honneur; se conduiraient-ils mal, qu'il ne faudrait pas médire d'eux: Ne touchez pas à mes oints, et à mes prophètes.

  A008002130 

 Sur le torrent de Carith (III Reg., XVII), Elie était nourri par les corbeaux, comme au chap. XIX, par un Ange, etc. [290].

  A008002158 

 Et après la Résurrection, il voulut garder de cette Passion le plus éclatant souvenir, tant dans l'Eglise militante que dans l'Eglise triomphante: ici-bas, dans l'Eucharistie: Vous annoncerez la mort du Seigneur; au Ciel, dans les stigmates qu'il conserve..

  A008002158 

 Parmi les véhéments désirs du Christ, entre tous ceux qui pressèrent son cœur, le plus ardent fut celui qu'il exprimait ainsi; Je suis venu jeter le feu [291] dans le monde, et que veux-je sinon qu'il s'allume? Je dois être baptisé d'un baptême, et comme je me sens pressé jusqu'à ce qu'il s'accomplisse! Le feu de la charité s'allume au baptême de la Passion, et le baptême de la Passion se consomme dans le feu de la charité.

  A008002158 

 Tandis qu'ils se trouvaient en Galilée, Jésus leur dit: Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes; et ils furent extrêmement contristés.

  A008002159 

 Convaincue de ces vérités, l'Eglise réveille très fréquemment chaque jour le souvenir de la Passion du Seigneur, dans les temples, sur les routes, partout; et c'est pour cela que nous portons des croix au cou (Macrine et Vestiane), que nous honorons chaque vendredi.

  A008002159 

 Nous ne comprenons pas ce que nous ne voulons pas comprendre; nous cherchons des divertissements et nous les excusons..

  A008002160 

 Saint Marc dit que les fils s'approchèrent aussi.

  A008002162 

 Le crocodile est un animal à la fois terrestre et aquatique, il pond sur la terre et chasse dans les eaux; tels sont les courtisans d'Eglise.

  A008002162 

 Les arbres après le solstice retournent leurs feuilles: l'orme, le tilleul, le peuplier, l'olivier, le saule; il en va de même de ces ecclésiastiques..

  A008002163 

 Quels temps que les nôtres!.

  A008002164 

 Il y a de mauvaises vocations, rendons-les bonnes.

  A008002180 

 Appian Alexandrin recite que les Parthes, mis en fuite, etc. (vide Similitudines), presses de faim, mangerent une herbe qui leur faysoit oublier toufautre chose, etc., et perdans le sens ilz vomissoyent et mouroyent.

  A008002190 

 SUR LE RICHE ADONNE A LA BONNE CHERE. SUR LES RICHESSES ET LES RICHES.

  A008002192 

 De même, du vivant des hommes, personne n'estime facilement les riches malheureux et les pauvres heureux, etc..

  A008002192 

 Lorsque la terre est couverte de brouillards, il est difficile de distinguer les agréments ou la laideur d'un site, de dire: là est le jardin, là est le fumier.

  A008002193 

 Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches.

  A008002194 

 Ils sont comme les ânesses pendant qu'elles nourrissent leurs poulains.

  A008002195 

 Ainsi en est-il de bon nombre de pères qui vont au feu de l'enfer par suite d un amour mal entendu envers leurs fils, pour lesquels néanmoins ils ne voudraient pas toucher à l'eau de la pauvreté ou des dépenses; ils ne [297] dépenseraient rien pour les élever dans les lettres et les bonnes mœurs.

  A008002197 

 Les richesses acquises selon Dieu sont bonnes.

  A008002198 

 En retenant les biens, comme font les fils et les héritiers quand ils s'autorisent de contrats qu'ils reconnaissent avoir été mal faits.

  A008002200 

 Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation, dans les filets du diable et dans des désirs nombreux et nuisibles qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition..

  A008002201 

 Bienheureux l'homme riche qui a été trouvé sans tache et qui n'a point couru après l'or, ni espéré dans l'argent et dans les trésors.

  A008002201 

 Les hommes de richesses.

  A008002203 

 Cruauté envers les pauvres.

  A008002203 

 Dignité des pauvres; combien nous devons les honorer, et partant les visiter comme représentant Notre-Seigneur..

  A008002234 

 Dans cette parabole, le Seigneur montre qu'il est Fils de Dieu, héritier de toutes choses, que les Scribes, les Pharisiens et les Prêtres le crucifieront et que le Royaume de Dieu leur sera enlevé.

  A008002235 

 C'est-à-dire que, semblable aux vignerons, le Seigneur a arraché les ronces et les épines, les Madianites, les Jébuséens, les Phéréséens, les Chananéens, afin d'établir son peuple dans la terre promise et de l'y implanter comme une vigne.

  A008002235 

 Vous avez transporté de l'Egypte une vigne, vous avez chassé les [301] nations et vous l'avez plantée.

  A008002236 

 C'est la foi, en effet, qui distingue le peuple fidèle de tous les autres (les hérétiques, les catéchumènes, les schismatiques sont hors de l'Eglise), tant que la foi règne, les hommes sont considérés comme faisant partie de la vigne; et bien que les excommuniés et les schismatiques soient rejetés, on ne les rejette que pour les engager à rentrer, mais les hérétiques se sont jugés eux-mêmes.

  A008002236 

 Ce lien, cette règle ce n'est pas tant la foi en elle-même que les dogmes de foi..

  A008002236 

 La haie représente la foi, et la vigueur ou la force invincible de la foi, dont parle l'Apôtre quand il dit: Par la foi les Saints ont vaincu les royaumes, se sont fortifiés dans la guerre, ont renversé les camps ennemis.

  A008002236 

 La haie signifie par conséquent la profession, le lien, l'autorité [302] publique et la règle commune de la foi, que les hérétiques s'efforcent de détruire.

  A008002237 

 Le pressoir des fidèles est la charité, à laquelle se rapportent les sacrifices, les oblations, la dévotion, car la charité du Christ nous presse.

  A008002237 

 Les mamelles sont le pressoir de l'amour, car la mère les presse de ses doigts et l'enfant de ses lèvres..

  A008002239 

 Les vignerons de la Synagogue tuèrent [303] les Prophètes que le Seigneur leur envoyait (comme on peut le voir dans Barradas [ Commentaire sur la Concordance des Evangiles,] liv. V, chap. XXIII du premier tome); ils furent sciés, lapidés, tués par le tranchant du glaive: Isaïe fut scié, Jérémie lapidé, Ezéchiel massacré à Babylone par le juge du peuple d'Israël, Amos le fut par le prêtre Amasias, etc..

  A008002239 

 Les vignerons ou les agriculteurs sont, dans la Synagogue, les prêtres, et, dans l'Eglise, les prélats; et ceci est évident.

  A008002239 

 Voici la couche de Salomon; soixante vaillants guerriers, des plus vaillants d'Israël, l'environnent, tous portant des glaives et très habiles dans les combats; chacun a son glaive sur sa cuisse 'a cause des craintes nocturnes.

  A008002240 

 Eh! malheureux hérétiques, comment donc enlèverait-il l'Eglise à ses vignerons? Il ne la leur enlèvera pas, parce qu'ils ne le mettront jamais à mort, car il ne meurt plus; non, il ne la leur enlèvera jamais, et cette vigne gardera la haie, le pressoir, les exercices religieux, et la tour jusqu'à l'arrivée du Seigneur.

  A008002240 

 L'Eglise n'a jamais mis à mort ses prophètes, elle leur a fait, au contraire, le plus bienveillant accueil: voyez les Basile, les Antoine, les Pacôme, les François, les Benoît..

  A008002241 

 [2.] Remarquez que les agriculteurs auxquels est louée la vigne ne changent pas, mais demeurent les mêmes jusqu'à la fin; ils sont les mêmes, non en personne sans doute, mais par la succession: succession ecclésiastique.

  A008002243 

 Et vous êtes les branches; toute branche, etc..

  A008002276 

 Et en saint Marc: En vérité je vous le dis, tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes; mais celui qui aura blasphémé contre l'Esprit-Saint n'en recevra jamais le pardon et il sera coupable d'un péché éternel.

  A008002277 

 Les théologiens enseignent que certains péchés sont contre le Père, d'autres, contre le Fils, d'autres, contre le Saint-Esprit; ils s'expriment ainsi en vue des perfections attribuées spécialement à chacune des divines Personnes, et cela d'après le double rapport de ressemblance et d'opposition avec ce qui arrive dans l'ordre naturel..

  A008002279 

 Aussi, pour démontrer qu'il n'en est pas de même en Dieu, les théologiens attribuent au Père la puissance, au Fils la sagesse, à l'Esprit-Saint la bonté.

  A008002279 

 D'après ces principes, sont distingués les péchés contre le Père, contre le Fils, contre le Saint-Esprit.

  A008002279 

 D'ordinaire, les pères sont moins forts que les fils, les fils moins instruits que les pères, et le souffle indique la violence, la véhémence.

  A008002280 

 Nous avons des exemples de ces péchés dans les trois premiers individus de la race humaine: Adam, Eve, Caïn.

  A008002285 

 Ainsi, on appelle mélancoliques les caractères où domine la mélancolie; colères, ceux où domine la colère, bien qu'ils aient aussi toutes les autres humeurs..

  A008002285 

 Il s'y trouve aussi la faiblesse provenant de quelque passion, soit passée, soit présente; mais les péchés sont ainsi désignés d'après leur origine et leur caractère dominant.

  A008002285 

 Quoiqu'on distingue les péchés de faiblesse de ceux de malice ou d ignorance, ce n'est pas qu'il n'y ait en tout péché quelque ignorance, c est-à-dire quelque inconsidération (d'après ce mot d'Aristote: «Tout pécheur est ignorant»), et aussi quelque malice, sinon il n'y aurait pas de péché (car [309] il est de l'essence même du péché que la malice intervienne au moins dans la cause, et il doit y avoir quelque culpabilité dans l'ignorance pour qu'elle soit imputée à péché).

  A008002286 

 Mais entre tous les péchés contre l'Esprit-Saint, le Sauveur, dans l'Evangile, désigne particulièrement le péché de blasphème, par lequel on attribue au diable les œuvres de l'Esprit-Saint.

  A008002286 

 Ne pouvant nier les miracles, ceux du moins qui nous sont racontés par les plus sérieux auteurs, comme serait saint Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont des stratagèmes du démon..

  A008002313 

 Un jour que le Christ était à Nazareth, il entra dans la synagogue et, après la lecture du Livre d'Isaïe, il instruisit le peuple, de sorte que tous étaient dans l'admiration et lui rendaient témoignage; inutilement toutefois, car ils disaient: N'est-ce pas là le fils du charpentier? n'est-ce pas la le charpentier? D'où lui vient cette sagesse? etc. Lui, qui les voyait s'entretenir ensemble, savait ce qu'ils disaient et leur répondit: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Et saint Marc conclut: Il ne pouvait faire la aucun miracle, si ce n'est qu'il guérit quelques [311] malades en leur imposant les mains; et il s'étonnait de leur incrédulité.

  A008002315 

 C'est à vous qu'il a fallu premièrement annoncer la parole de Dieu, il est vrai; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les Gentils..

  A008002315 

 Dieu, parla bouche d'Osée, menaça les Israélites de châtiment parce qu'ils suivaient le culte des faux dieux: Je serai comme une lionne, comme un léopard sur la voie des Assyriens; je courrai a eux comme une ourse a qui on a ravi ses petits, et je déchirerai leurs entrailles, je les dévorerai comme un lion.

  A008002315 

 Ne dis pas: C'est lui qui m'a trompé; car les hommes impies ne lui sont pas nécessaires.

  A008002316 

 Or, le Seigneur s'étonnait, ou plutôt il nous montrait une chose étonnante, à savoir qu'à la vue de tant de prodiges, les hommes qui lui devaient la plus grande reconnaissance, auxquels il avait porté le plus de secours, ne se convertissaient pas.

  A008002317 

 Saint Marc dit cependant: Il ne pouvait faire aucun miracle à cause de leur incrédulité, c'est-à-dire qu' il ne le pouvait pas parce que leur incrédulité y [313] mettait obstacle; ce n'eût été ni équitable, ni juste, dans les conditions ordinaires.

  A008002333 

 7: les mouchettes d'or..

  A008002338 

 Qui hominem corripit dum est iratus, c'est vouloir mettre un'escluse a un torrent deborde; il faut attendre que les eaux soyent basses.

  A008002352 

 Ce passage condamne les censeurs importuns, tels que les Pharisiens: Pourquoi vos disciples, etc., car ils ne se lavent pas les mains pour [316] manger du pain.

  A008002352 

 Et il ne suffit pas que les péchés soient mortels, il faut qu'il soit possible de les corriger, c'est-à-dire que nous puissions espérer que notre correction produira l'amendement [de celui que nous reprenons].

  A008002352 

 Si, en effet, ce frère est tellement corrompu qu'il ne veuille se corriger, il mérite d'être abandonné, comme le Christ Notre-Seigneur abandonna hier les habitants de Nazareth, comme il abandonne les aveugles et les conducteurs d'aveugles, et Judas..

  A008002353 

 Abraham éloignait les oiseaux de la victime; on chasse même les mouches de la table des rois et des princes: ainsi entre les religieux et ceux qui tendent à la perfection, on doit chasser même les mouches, car elles gâtent la suavité du parfum..

  A008002353 

 Si les péchés sont véniels, mais très dangereux ou très fréquents, et que notre frère y soit fortement attaché, nous pouvons le reprendre, mais nous n'y sommes pas tenus.

  A008002354 

 il faut procéder graduellement, ne pas appliquer d'abord les caustiques et le feu, et si les remèdes doux et légers suffisent, ne pas en employer de violents..

  A008002355 

 Dans l'Arche se trouvaient les tables de la Loi, la verge, la manne; en reprenant le prochain on doit avoir la Loi, c'est-à-dire être juste, la manne douce comme le miel, et la verge de la correction.

  A008002356 

 Corriger un homme en colère, c'est vouloir mettre une écluse à un torrent débordé; il faut attendre que les eaux soient basses... Toutes choses ont leur temps..

  A008002357 

 Il faut corriger les arrogants avec force, les timides avec le plus de bonté possible..

  A008002357 

 Il faut corriger les sages du siècle de telle sorte qu'ils apprennent à ignorer ce qu'ils savent; les autres, de manière à leur apprendre ce qu'ils ignorent.

  A008002358 

 La pourriture sera ta couche et les vers seront ta couverture.

  A008002358 

 Nathan amollit le bras, le lie, en détourne les regards du malade et alors ouvre l'abcès.

  A008002358 

 Saint François prêchait en gardant le silence, etc. Citer saint Siméon Stylite dont les images seules semblaient corriger ceux qui les voyaient.

  A008002377 

 Deinde, in Epistola Judas fit mentio prophetiæ Enoch, ubi Gebennenses notant: «Cette prophetie d'Henoc n'est point en la Bible, ains a este baillee de main a main par les peres aux enfans, comme plusieurs autres choses.».

  A008002385 

 Pourquoi vos disciples transgressent-ils les traditions des anciens?.

  A008002387 

 A cette occasion, je vous ferai brièvement un discours sur les Traditions..

  A008002389 

 Ainsi encore saint Paul: Gardez les Traditions que vous avez apprises soit par nos discours, soit par notre Epître.

  A008002389 

 Ecouter les [321] Pères, et entre tous Vincent de Lérins qui traite si bien ce point.

  A008002389 

 O Timothee, garde le dépôt, évitant les profanes nouveautés de paroles et les contradictions de la fausse science.

  A008002389 

 Si l'on en croyait les hérétiques, ce dépôt serait la grâce de Dieu que Timothée reçut pour bien remplir ses fonctions; mais les mots suivants montrent toute la sottise, toute la fausseté de cette interprétation.

  A008002389 

 Tous les mots sont énergiques: combattre vigoureusement, s'évertuer, non seulement combattre, mais combattre avec vigueur et vaillamment, faire plus que combattre; [ transmise ] une fois, pas deux; pour la foi toujours absolument la même, transmise par la Tradition, par la Tradition..

  A008002390 

 Ainsi donc, d'après les paroles de saint Paul, toute la doctrine se divise en deux parties: Soit par nos discours, soit par notre Epître; car la partie de la doctrine la meilleure et la plus nécessaire, est après tout la partie écrite, personne n'en doute.

  A008002390 

 Et ce caractère [322] se retrouve, pour ainsi dire, en tout; les hérétiques admettent certains points et en rejettent d'autres: ils voudraient la figure, le signe, et non la réalité; l'attribution, non la grâce; la foi, mais non les œuvres; la rémission, et non l'absolution des péchés; l'administration, mais non l'épiscopat; la prière adressée directement à Dieu, mais non la médiation des Saint6..

  A008002390 

 Les sectes, au contraire, veulent toujours diviser; il en est ainsi de notre temps: Gaspard Swenfeld et les Libertins ne voulaient pas des Ecritures; les Calvinistes ne veulent pas de la Tradition.

  A008002391 

 La Tradition est donc nécessaire; et l'idée de vouloir puiser la doctrine au souffle de l'Esprit-Saint est tout-à-fait insensée; on attribuerait [aux Ecritures] «autant de significations qu'il y a de têtes.» Il faut donc étudier ce dépôt, suivre les enseignements de la foi transmise une fois pour toutes aux saints, écouter l'Eglise qui en est la dépositaire.

  A008002391 

 Mais, disent-ils, les Ecritures ne suffisent-elles pas? ne sont-elles pas suffisantes et surabondantes? Assurément, je ne voudrais pas dire avec de très illustres et très doctes personnages qu'elles ne suffisent pas, Oui, elles suffisent; c'est nous qui ne suffisons pas à puiser la doctrine catholique dans les seules Ecritures, prises isolément.

  A008002391 

 Voyez tous les hérétiques, les Hébreux eux-mêmes et d'autres, n'ont-ils pas eu l'Ecriture? Et pourtant, ils n'ont pas cru; bien plus, ils sont tombés dans l'erreur.

  A008002393 

 A ce sujet les pasteurs de Genève donnent la note suivante: [Reprendre au texte, lig.

  A008002394 

 Voir en outre ce passage de l'Apôtre aux Hébreux, [touchant Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles a expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008002395 

 Pour expliquer le sens des Ecritures; car ce qui fait les hérétiques c'est «la mauvaise interprétation des bonnes Ecritures.» [324].

  A008002427 

 Nous traiterons brièvement aujourd'hui les points que nous avons omis hier concernant la Tradition, et nous ne sortirons pas de notre plan, car le célibat des prêtres est l'une des plus importantes Traditions de l'Eglise, et il nous fallait nécessairement en parler au début de notre Evangile.

  A008002428 

 Nous sommes contraints à faire cet aveu par le fait même, [1.] que nous possédons les Ecritures; car sans la Tradition, nous ne saurions pas que nous avons les Ecritures..

  A008002428 

 Vous aurez remarqué, je pense, que je ne suis pas remonté jusqu'aux traditions qui nécessairement étayaient la religion jusqu'à Moïse, le premier [325] écrivain sacré, ni aux traditions qui régnaient parmi les Hébreux, c'eût été trop long.

  A008002429 

 Que nous en avons tel nombre; car comment savons-nous que l'Epître aux Laodicéens et les Epîtres à Sénèque ne sont pas de vraies Epîtres de saint Paul, sinon par la Tradition? Et puis, ces mots de l'Apôtre lui-même [au sujet de Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles à expliquer.

  A008002430 

 Si, par la Tradition, on n'eût allégué l'autorité des Pères et des Apôtres, sans doute les Ariens fussent restés mille ans dans leur erreur obstinée.

  A008002431 

 L'Apôtre ne dit-il pas, en effet: Quant aux autres choses, lorsque je serai venu je les réglerai? Il avait pourtant réglé bien des choses par écrit..

  A008002432 

 Les pasteurs de Genève disent dans leur bible: [Reprendre au texte, lig.

  A008002432 

 Pour les lois.

  A008002434 

 Pour établir la différence entre les diverses traditions ecclésiastiques que nous devons néanmoins toutes respecter, mais dans la mesure indiquée par l'Eglise..

  A008002435 

 Aussi peut-on appliquer à la Tradition ce texte: Scrutez les Ecritures; ce sont elles qui rendent témoignage à la Tradition et à l'autorité infaillible de l'Eglise.

  A008002435 

 Ils ont Moïse et les Prophètes, qu'ils les écoutent: écouter, c'est en réalité obéir, mais obéir à une personne qui parle; écouter Moïse, c'est écouter les docteurs qui interprètent les Livres de Moïse..

  A008002435 

 La Tradition n'ajoute donc rien, elle procède à la manière de ceux qui extraient la liqueur de la myrrhe et du baume, non pas avec un couteau de fer, mais avec du verre, de la pierre, de l'os, de l'ivoire, ou un autre bois; de même que les abeilles tirent le miel de la fleur; mais les hérétiques, semblables à des araignées, tirent de l'Ecriture fiel et poison, non pas que l'Ecriture contienne du poison, mais parce qu'ils en convertissent le sens en poison.

  A008002435 

 Nous devons remarquer que nulle tradition ne contredit à l'Ecriture (car l'une et l'autre viennent du même Dieu); toutes les traditions au contraire sont [327] conformes à l'Ecriture.

  A008002436 

 Combien je vois de fébricitants qui me présentent le pouls, les yeux, la langue!.

  A008002437 

 La Tradition l'emporte [sur l'Ecriture] en ce qu'elle ne peut être falsifiée par les hérétiques.

  A008002437 

 Quant à la Tradition, pourvu que le sens et la conclusion soient les mêmes, peu importent les mots.

  A008002462 

 Mais il faut se rappeler que tous ces péchés étaient opposés à la vertu de religion, cette [331] reine de toutes les vertus morales, qui consiste dans la constante et perpétuelle volonté de rendre à Dieu, autant qu'il se peut, l'honneur qui lui est dû..

  A008002462 

 On transportait de Gabaa l'Arche de Dieu; les bœufs regimbaient et la faisaient pencher.

  A008002462 

 Plus terrible encore est le châtiment relaté au chap. n° du IV e Livre des Rois: Elisée se rendait de Jéricho à Béthel; quarante-deux enfants furent dévorés par les ours, en punition de ce qu'ils s'étaient moqués du Prophète en l'appelant chauve.

  A008002463 

 Saint Jérôme s'étonne de voir le Seigneur frapper et chasser deux fois du Temple les vendeurs et les acheteurs.

  A008002464 

 Hélas! aujourd'hui on ne vend plus dans les temples les brebis, les bœufs, etc., mais ces temples mêmes sont vendus: on en traite; ecclésiastiques confidentiaires.

  A008002465 

 Les bœufs labouraient et les ânesses paissaient auprès d'eux..

  A008002465 

 O abomination de la désolation! l'ennemi a porté la main sur tout ce qu'elle avait de plus désirable, car elle a vu les nations entrer dans son sanctuaire, nations au sujet desquelles il était ordonné qu'elles n'entreraient point dans le sanctuaire de Dieu.

  A008002467 

 [On ne s'étonne plus des plaintes de Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées aux coins de toutes les places? Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités comme des vases d'argile, ouvrage des mains du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-mêmes apportez dans les temples des bœufs, des brebis, des colombes: des pensées immondes, terrestres, comme les bœufs et les brebis; et volages, comme les colombes..

  A008002497 

 Nombreuses sont les causes de tribulation..

  A008002497 

 Parler ensuite de la question posée par les disciples et que saint Chrysostôme appelle avec raison, grossière et indiscrète.

  A008002499 

 Quelquefois les afflictions sont envoyées pour prémunir contre le péché: De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât..

  A008002500 

 Ainsi Dieu envoie parfois les tribulations pour fertiliser les âmes..

  A008002500 

 Pline raconte qu'un paysan de Syracuse, après avoir enlevé toutes les pierres de son champ, fut obligé de les y reporter, sans quoi il devenait stérile.

  A008002501 

 Il les envoie aussi pour punir dans les enfants les péchés de leurs pères, visitant l'iniquité des pères dans les enfants, jusqu'à la troisième et a la quatrième génération.

  A008002501 

 Ou encore afin de venger sur les pères les péchés des enfants, comme il arriva pour Héli..

  A008002502 

 Et enfin, p our manifester les œuvres de Dieu.

  A008002503 

 Lorsque nous sommes frappés, nous devons faire ce que firent les matelots dont il est parlé au Livre de Jonas: Venez, dirent-ils, jetons le sort, pour savoir d'où ce malheur a pu nous venir.

  A008002504 

 Mais quand les autres sont frappés, il ne faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés, comme le faisaient les amis de Job, la femme de Tobie et les barbares [dont il est question] dans les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il, «si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide, questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste, mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les curieux.».

  A008002505 

 Cet aveugle employa tous les moyens pour recouvrer la vue; aveugle, [336] il agit en aveugle.

  A008002505 

 Il faut obéir à l'Eglise les yeux fermés.

  A008002505 

 L'obéissance des Chrétiens doit être aveugle parce que la foi ne voit pas, mais elle croit, et plus son objet est obscur, plus elle s'y complaît; elle se délecte dans les vérités difficiles à comprendre.

  A008002506 

 Regardons cet aveugle circulant sur les chemins publics, les yeux souillés de boue; ne lui dirait-on pas: Où vas-tu, malheureux? ne vois-tu pas que ce médecin veut se jouer de toi? Il poursuivit quand même sa route, il alla, il se lava, il vit.

  A008002507 

 J'ai noté en passant, que le paralytique guéri à la piscine probatique avait contracté son infirmité en punition de ses péchés; aussi le Christ le guérit-il comme il guérit les pécheurs, c'est-à-dire en lui demandant son consentement: Veux-tu être guéri? Mais il ne parle pas de la même manière à celui-ci, parce que son infirmité n'était pas la suite de ses péchés..

  A008002508 

 J'ai noté de plus la gradation suivie par le Christ: il vit d'abord l'aveugle, comme le soleil voit la terre en agissant sur elle; lui couvrit les yeux de boue, c'est-à-dire, lui fit connaître sa misère; [puis lui adressa ces paroles:] Va à la piscine de Siloé, nom qui signifie mission.

  A008002508 

 Or, quelle est la piscine de la mission sinon le Sacrement de Pénitence? En l'instituant, le Christ ne dit-il pas: Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie; ceux à qui vous remettrez les péchés, etc. [337].

  A008002509 

 Ce mendiant est guéri par le médecin, parce que le médecin aime les mendiants; pour nous, bien que nous soyons aveugles, comme nous ne mendions pas, nous ne sommes pas guéris par le Médecin céleste qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides.

  A008002539 

 Vous avez entendu hier les disciples demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses parents? Question qui est évidemment grossière et impertinente, car comment un enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre un [340] péché en punition duquel il naîtrait aveugle? Mais au sujet du jeune homme de Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort si prématurément? C'est une opinion commune parmi les hommes [que la mort prématurée est une punition du péché]: ainsi le croyaient, par exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit pourtant: Je n'ai point péché; Marthe: Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.] Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté que Dieu retire les hommes de ce monde: Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé, et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi lesquels il vivait.

  A008002540 

 Quand nous sommes frappés, nous devons agir comme les matelots dont il est parlé dans le Livre de Jonas, I..

  A008002541 

 D'ailleurs, les larmes de cette mère furent agréables au Christ; et il n'aurait pas été touché de compassion pour elle, il se serait plutôt réjoui de la mort de cet enfant, si celui-ci eût été méchant et l'idole de sa mère.

  A008002541 

 Et bien que plusieurs prétendent qu'elle était coupable, néanmoins cela est peu croyable; car il arrive assez souvent que les mères perdent leur fils unique.

  A008002543 

 chez les bons et chez les méchants, comme la faulx tranche les bonnes et les mauvaises herbes: la mort est impartiale..

  A008002546 

 Ils passent leurs jours dans la jouissance, etc. Comme les chasseurs qui poursuivent les ramiers des bois, [les maltraitent après les avoir saisis, ainsi, etc.] Ecoutez la parole du Seigneur, hommes railleurs; vous avez dit: Nous avons contracté une alliance avec la mort et nous avons fait un pacte avec l'enfer, etc. [342].

  A008002580 

 Que diront-ils? Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Celui auquel il avait été dit: Tu monteras au ciel de l'Église, j'élèverai ton trône sur les astres de Dieu, tu t'assiéras sur la montagne du testament, tu monteras sur la hauteur des nues, tu seras semblable au Très-Haut, c'est-à-dire tu seras son vicaire.

  A008002581 

 Assurément, mes Frères, ce fait étonne; mais pour le comprendre, remarquez [344] que les hommes tombent dans le péché, comme dans la maladie, de deux manières.

  A008002581 

 Certaines maladies atteignent spontanément, comme l'épilepsie, l'apoplexie, la syncope, les vers dans la région du cœur; d'autres viennent pas à pas, ce sont les maladies ordinaires.

  A008002581 

 De même, les hommes tombent de diverses manières dans le péché.

  A008002582 

 L'insensé est inconstant: Un roseau agité par le vent; aussi dans l'hébreu, au lieu d' insensé on trouve inconstant (voir Pinéda, liv.VII, chap. I des [345] Préliminaires de l'Histoire de Salomon ); tantôt il veut, tantôt il ne veut pas: Le paresseux veut et ne veut pas. Ou bien, l'insensé change peu à peu comme la lune; il descend graduellement, et non par une chute soudaine; il en est ainsi souvent de la santé lorsqu'on méprise les moindres périls..

  A008002586 

 Oisiveté: Il arriva qu'au retour de l'année, au temps où les rois ont coutume d'aller à la guerre (voir saint Chrysostôme, sur le Psaume XI); 2.

  A008002588 

 Il y a donc «des degrés dans l'impiété.» Les péchés véniels disposent au péché mortel, en affaiblissant et ôtant l'aide et secours spécial..

  A008002591 

 Les fils d'Ephrem, habiles a tendre l'arc et à en tirer, ont tourné le dos au jour du combat.

  A008002592 

 Les anciens moines, d'après Cassien, priaient constamment: O Dieu, venez à mon aide.

  A008002592 

 Mais les Apôtres dormaient: Simon, tu dors? ainsi tu n'as pu veiller une heure avec moi? L'Epouse appuyée sur son Bien-Aimé.

  A008002593 

 Les Disciples avaient demandé: Seigneur, si nous frappions du glaive? Sans attendre la réponse, Pierre frappe indiscrètement..

  A008002594 

 Il entre dans la maison et s'arrête à parler avec les serviteurs, etc. Voici comment les choses se passèrent: Pendant qu'il était assis dehors dans la cour, une servante, la portière du grand Pontife, s'approcha de lui; et lorsqu'elle eut aperçu Pierre qui se chauffait assis devant le feu, [349] l'ayant regardé, elle dit a eeux qui étaient présents: Celui-ci aussi était avec cet homme.

  A008002595 

 Les autres dirent donc: N'es-tu pas aussi de ses disciples? Il jure: Je ne connais point cet homme; o homme, je ne suis pas [ de ses disciples ].

  A008002596 

 Comparaison donnée par saint Basile, du chien qui aboie et auquel tous les autres répondent.

  A008002622 

 DANS LA PREMIÈRE PARTIE, NOUS CONTINUERONS A EXAMINER LES DEGRÉS DE LA CHUTE; DANS LA SECONDE, NOUS EXPOSERONS LES CAUSES POUR LESQUELLES LE CHRIST A PERMIS UNE TELLE CHUTE..

  A008002624 

 Ainsi à Rome, les nuits d'été sont très froides..

  A008002624 

 Les passions, même contraires, s'excitent mutuellement.

  A008002625 

 Il a dispersé ceux qui s'enorgueillissaient dans les pensées de leur cœur.

  A008002625 

 Les fils d'Ephrem, etc.; voir ci-devant le sermon deuxième, n° 3.

  A008002625 

 On peut appliquer à ceux que troublent les passions, les paroles du Psaume CVI au sujet des navigateurs; de même l'histoire de Barach et de Sisara, car Sisara, après une grande crainte, s'endormit dans la plus profonde sécurité..

  A008002627 

 Alors les yeux sont obscurcis par la frayeur.

  A008002627 

 Les abeilles ne travaillent jamais en temps nuageux, les araignées au contraire tendent toujours leurs toiles en ce temps-là..

  A008002627 

 Ne craignez pas ceux, [etc.] C'est la crainte de Pilate et celle de tous les méchants.

  A008002628 

 Le matin venu, [ les Anges ] le pressaient: Lève-toi, etc. Comme il différait, etc.; si vous ne prenez les gens par la main, vous ne ferez rien..

  A008002628 

 [Pierre est] enlacé: Les liens des pécheurs m'ont enlacé.

  A008002629 

 Voyez Achab malade, ressemblant à Alexandre en pleurs et à Aman, irrité de ce que le seul Mardochée ne fléchissait pas les genoux..

  A008002631 

 Ce n'est donc pas dans l'absence mais dans le règlement des passions que consiste la perfection; les passions sont au cœur ce que les cordes sont à une harpe: il faut qu elles soient ajustées afin que nous puissions dire: Je vous louerai sur la harpe..

  A008002631 

 Je laisse de côté les causes générales pour lesquelles Dieu permet le péché (voir [Bellarmin], liv. III, chap. II De la perte de la grâce et de l'état du péché ), et je dis que le Christ voulait réfuter d'avance les Apathistes: Euthimius, Palladius, Evagrius de Pont, qui affirmaient que les Saints et les justes étaient exempts de toute perturbation.

  A008002631 

 Néanmoins il n'a pas eu des passions, mais seulement des propassions; il est donc plus convenable de les réfuter par l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre surtout qui était juste, et qui cependant, après la Communion, le lavement des pieds, etc., est troublé par la crainte.

  A008002631 

 Voir Rossignoli, liv. II, chap. XXVII. Saint Jérôme, dans son épître à Ctésiphon, et saint Augustin (liv. XIV de la Cité [ de Dieu ], chap. IX) les réfutent par l'exemple du Christ qui semble avoir eu des passions.

  A008002632 

 Il voulait confondre ceux qui disent que les fidèles ne peuvent pécher et [355] sont sûrs de leur salut.

  A008002633 

 Les péchés sont boue et fumier, mais par le repentir et la confession ils se transforment en roses et en lis..

  A008002633 

 Parce que la gloire de Dieu éclate davantage par le repentir des pécheurs: Plus grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se réjouissent que de la plus grande gloire de Dieu.

  A008002634 

 Ainsi Pierre est désormais le plus humble: ne dominant point sur le clergé; il supporte les répréhensions de saint Paul.

  A008002634 

 Pierre, dit-il, était un peu dur et sévère; le Christ a donc permis sa faute afin qu'il apprît l'obéissance par ce qu'il souffrirait et pour [356] qu'il devint indulgent envers les pécheurs.

  A008002634 

 Saint Paul aussi s'humilie: C'est une vérité certaine et digne d'être entièrement reçue, que le Christ est venu pour sauver les pécheurs, entre lesquels je suis le premier.

  A008002634 

 Soyez la terreur et l'épouvante de tous les animaux de la terre: des animaux, mais non des pénitents.

  A008002634 

 Vous êtes bon, et dans votre bonté enseignez-moi vos justifications: David avait les autres vertus, mais non pas l'humilité, c'est pourquoi il pèche.

  A008002657 

 De là ces paroles: Adam, où [358] es-tu? Et à Caïn irrité: Si tu fais bien, ne [ recevras-tu pas la récompense] D'où vient, Israël, que tu habites la terre des étrangers? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu f es souillé avec les morts, tu es devenu semblable à ceux qui descendent en enfer; tu as abandonné la source de la sagesse.

  A008002657 

 Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très bonnes... Est-ce que je veux la mort de l'impie? dit le Seigneur... Dieu ne veut pas que personne périsse... Que nul lorsqu'il est tenté, ne dise, etc. Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton bien.

  A008002658 

 Tu t'es souillé avec les morts.

  A008002683 

 Cette grâce prévenante est désignée par d'innombrables noms dans les Ecritures.

  A008002684 

 La grâce est appelée flèche: Dans votre dignité et votre beauté; pour la vérité et la mansuétude, etc., vos flèches sont acérées, etc. Le Seigneur m'a appelé dès le sein [360] de ma mère, et dès les entrailles maternelles, il s'est souvenu de mon nom. Adamus place ces paroles sur les lèvres du Christ: Et il a rendu ma bouche semblable a un glaive perçant, et il m'a mis en réserve comme une flèche choisie; il m'a caché dans son carquois.

  A008002685 

 Belle comparaison entre l'amour qui frappe, et les chasseurs qui poursuivent les chèvres de Candie.

  A008002685 

 C'est ainsi que, dans un but opposé, agissent les méchants: Je me confie au Seigneur, car voici que les pécheurs ont tendu l'arc, ils ont disposé leurs flèches dans le carquois, pour frapper dans l'obscurité ceux qui ont le cœur droit. 2.

  A008002685 

 [Elle part] de loin, parce que les pécheurs se sont éloignés.

  A008002687 

 Ainsi les inspirations sont appelées flèches parce qu'elles causent des souffrances.

  A008002687 

 De même saint Grégoire de Nysse fut touché voyant une peinture qui représentait le sacrifice d'Abraham; le bienheureux Pacôme, voyant un exemple de charité; Augustin, à la lecture de ce passage: Non dans les dissolutions; Pélagie, dont le nom signifie perle, à la parole de Nonnus.

  A008002687 

 Il est admirable de voir combien sont multipliés les moyens par lesquels [Dieu] blesse les cœurs, combien sont nombreux les sentiers dans lesquels il décoche ses flèches! Marie Egyptienne vit l'image de la Vierge, et [361] cette image la frappa comme une prédication muette.

  A008002687 

 Un certain personnage fut converti par ces paroles: La pourriture sera ta couche et les vers seront ta couverture. Un autre, par ces mots: Il vit les cieux ouverts.

  A008002688 

 Lazare sort [du tombeau], les mains et les pieds liés de bandelettes.

  A008002716 

 C'est la grâce prévenante qui a brillé, mais la nuit retombe; il est semblable aux paresseux qui ouvrent les yeux ( Jusqu'à quand, paresseux, dormiras-tu et sommeilleras-tu?) puis les referment, et au milieu du jour se font une nuit.

  A008002716 

 Convertissez-vous de tout cœur; il y en a qui, à la vérité, tournent bien les yeux, mais non pas leur corps vers ceux qui crient derrière eux.

  A008002717 

 Beaux exemples cités dans la Genèse, chap. XXIV. Rébecca ne soupçonnait rien, et voici qu'Eliézer, auprès [365] de la fontaine, lui demande, etc. C'est la première ouverture, elle entend le messager, écoute sa proposition; Eliézer lui donne ensuite des pendants d'oreilles en or, qui signifient la suavité et la douceur à l'audition de ses paroles, et des bracelets, c'est-à-dire le moyen de les mettre en exécution.

  A008002717 

 C'est cette grâce qui nous fait rechercher de tout cœur tous les moyens d'une vraie pénitence.

  A008002718 

 Cette grâce coopérante comprend les trois services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige directement ou indirectement, au dedans et au dehors (et remarquez, si vous négligez la direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient de l'homme, vous obtiendrez difficilement l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur vous regardera); elle protège et défend contre le mal, contre le poisson; elle soutient, comme Raphaël qui fournit encore des aliments.

  A008002718 

 De même pour saint Paul: Va trouver Ananie, c'est la direction; celui-ci lui donne l'esprit qui le dirige et fait tomber les écailles de ses yeux; ensuite, il chasse le péché par le Baptême; troisièmement, Paul mange..

  A008002720 

 Voir dans le livre de l'Amour de Dieu l'exemple de celui qui ferme les yeux.

  A008002721 

 C'est la partie inférieure de l'âme qui faisait pleurer les filles de Jérusalem, aussi le Seigneur leur dit-il: Ne pleurez pas sur moi, par la partie inférieure.

  A008002721 

 Les actes de repentir sont-ils sensibles? Une double cause peut exciter le sentiment intérieur: l'une provenant de la raison, l'autre de la partie inférieure de l'âme.

  A008002721 

 Les larmes sont donc bonnes, car elles sont [368] un effet de la contrition; mais parce que ce sentiment n'obéit pas toujours à la raison, la tristesse extérieure n'est pas nécessaire, l'intérieure suffit..

  A008002722 

 Il s'étendit à toutes les passions ou affections de son âme; c'est ainsi qu'il est dit: L'Esprit du Seigneur s'emparera de toi, et tu seras changé en un autre homme.

  A008002753 

 DIX JOURS APRÈS LA RESTITUTION DE LA VILLE DE VERCEIL AU SÉRÉNISSIME DUC DE SAVOIE PAR LES ESPAGNOLS.

  A008002762 

 Comme s'il disait: Le Christ est le soleil qui paraît d'en haut à l'orient, le soleil qui se lève dans les hauteurs d'où il est venu nous visiter; quant à toi, tu es l'aurore, l'agréable étoile, tu es le paranymphe et le héraut qui prépare ses voies..

  A008002762 

 Jean étant né, tous s'émerveillaient de cette miraculeuse naissance: la mère était stérile et n'était plus en âge d'avoir des enfants, le père avait perdu la voix et l'avait recouvrée, et tous se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous que sera cet enfant? Et Zacharie prophétisant: Et toi, dit-il, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut, etc., car tu précéderas, c'est-à-dire, tu seras le Prophète, le Précurseur.

  A008002763 

 J'entends la voix de mon Bien-Aimé; le voici lui-même qui vient sautant sur les montagnes, franchissant les collines. L'église Mosaïque dormait, et voici la voix du Bien-Aimé.

  A008002763 

 Les autres Prophètes disaient: Voilà qu' il viendra, il viendra et il ne tardera pas; mais celui-ci dit: Le voici qui vient, sautant sur les montagnes, franchissant les collines.

  A008002763 

 Mais comment les prépara-t-il? Afin de donner la science du salut à son peuple, pour la rémission de leurs péchés.

  A008002763 

 Voir la Chaîne [372] des trois Pères grecs, citée par Ghisler, [ Commentaire sur le Cantique,] chap. II, appendice au commentaire sur les versets 8, 9..

  A008002764 

 L'objet de la mission de saint Jean est donc la rémission des péchés: Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a visités d'en haut.

  A008002764 

 Or, il enseigna cette science, premièrement, par la parole: Faites pénitence, car le Royaume des cieux approche; secondement, par les œuvres: [ Vêtement ] de poils de chameau, contrition du passé; ceinture de cuir, bon propos pour l'avenir.

  A008002765 

 Ainsi les Anges résument de cette sorte tout le livre de la Rédemption: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

  A008002766 

 Et c'est [374] pourquoi notre Jean [reçoit les soldats]; le centurion et tant de rois sont saints.

  A008002766 

 Le Christ appelle souvent les Chrétiens, brebis.

  A008002767 

 si nous rendons à Dieu les actions de grâce qui lui sont dues; les sources se dessèchent si personne n'y puise.

  A008002769 

 Tous cherchent leurs intérêts et non les intérêts de Jésus-Christ..

  A008002770 

 Rendez le jugement et la justice ( La justice et la paix se sont embrassées ), et aimez les pauvres: Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point. [375].

  A008002792 

 Zeuxis peignit une image admirable, de laquelle il déclara qu'elle serait «plutôt admirée qu'imitée.» Et voici que l'Eglise vous met sous les yeux l'Assomption [de la Sainte Vierge], voulant que vous l'admiriez et l'imitiez..

  A008002813 

 Si nous commençons à parler, peut-être le supporteras-tu avec peine; mais qui pourrait retenir le discours qu'il a conçu? Ce sont les paroles d' Eliphaz le Thémanite..

  A008002814 

 Les abîmes n'étaient pas encore, et moi j'étais déjà conçue; avant toutes les collines j'étais enfantée... Comme celle qui a conçu, lorsqu'elle approche de l'enfantement, souffre et crie dans ses douleurs, ainsi sommes-nous devenus devant votre face, Seigneur.

  A008002814 

 Nous avons conçu, nous avons été comme en travail, et nous avons enfanté l'esprit; nous n'avons pas mis notre salut dans la terre, c'est pour cela que les habitants de la terre ne sont pas tombés.

  A008002817 

 Les stigmates.

  A008002817 

 Or nous savons que, etc. Car ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés pour être conformes a l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères.

  A008002818 

 Les enfants ont été prêts a sortir du sein de leur mère, et elle n'a pas eu la force de les enfanter... Avant qu'elle fût en travail elle a enfanté, avant que [379] vînt le temps de son enfantement elle a mis au monde un enfant mâle; qui a jamais ouï une telle chose, et qui a vu rien de semblable? Saint Jean Damascène, De la Foi orthodoxe, liv. IV, chap. XV, interprète ce passage de la Sainte Vierge..

  A008002819 

 Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous... As-tu observé les biches lorsqu'elles enfantent? Elles se courbent pour produire leur fruit et elles le mettent au jour, et elles poussent des rugissements.

  A008002819 

 Saint Grégoire, dans ses Morales, liv. XXX, chap. XI, applique ce texte à saint Paul, enfantant de nouveau les Galates..

  A008002820 

 Mais je voudrais être maintenant près de vous, et changer mon langage; c'est-à-dire, varier les inflexions de ma voix, tantôt caressant, tantôt me courrouçant, tantôt pleurant.

  A008002822 

 Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère: mon frère, parce que moi-même je le rends tel; et également ma sœur, pour comprendre les deux sexes; et ma mère, parce qu'il m'a conçu dans son cœur et ensuite il m'enfante.

  A008002822 

 Saint Augustin, livre De la sainte Virginité, chap. V, console les vierges, puisqu'elles peuvent être mères de Jésus-Christ..

  A008002842 

 Du reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu; revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable; car ce n'est pas, etc., mais c'est contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air.

  A008002842 

 Le diable est le chef des ennemis, car il met en action tous les autres; de là ces expressions: ange de Satan, aiguillon de la chair; je vous donnerai toutes ces choses.

  A008002844 

 Grande tentation [de Jean]; comme celle de l'ange, elle éveille une correspondance dans l'intime de l'amour-propre; c'est pourquoi l'ange, sans être attaqué extérieurement par la tentation, etc. Celle qu'il soutient est plus forte que la tentation de nos premiers parents... Oh! si elle nous était offerte, que ferions-nous? [Les envoyés de la Synagogue] étaient pjêts à croire tout ce qu'il dirait..

  A008002846 

 De la manière de repousser les tentations..

  A008002859 

 Sed ipsi fatentur Hebraice legi secundum versionem nostram, et Hebraeos dicere de speculis et mulieribus quod minime decuit, nimirum mulieres devotas specula sua quae de more serea erant ex placito contulisse, quia abjecta vanitate Deo et Templo vacabant.) Ut si les dames darent hujusmodi specula sua aurea et ornata, quibus se tam inaniter aspiciunt ad cerusam et alia unguenta vultibus suis imponenda!.

  A008002867 

 «Celui qui dans sa conduite garde la charité, observe tout ce qui est insinué ou explicitement ordonné dans la Sainte Ecriture;» saint Augustin, sermon sur les Louanges de la Charité.

  A008002868 

 «Ceux qui simulent les Curions et vivent dans l'orgie.».

  A008002869 

 Avant d'en venir sérieusement aux mains, les gladiateurs engageaient un essai de combat.

  A008002869 

 Pendant le cours de sa vie, jouer le rôle d'un protée et d'un caméléon, qui, dans leur course, reflètent à plaisir toutes les couleurs, sauf le rouge et le blanc.

  A008002870 

 D'après les Juifs: [Reprendre au texte, lig.

  A008002871 

 Cependant les Juifs eux-mêmes avouent que notre version représente le texte original, mais qu'il ne faut pas en conclure que les femmes pieuses offraient leurs miroirs, ordinairement d'airain, parce que déjà elles avaient rejeté la vanité pour vaquer au service de Dieu et du Temple).

  A008002871 

 Oh! [qu'il serait à souhaiter] que les dames offrissent semblablement les miroirs dorés et ornés dans lesquels elles se regardent si sottement pour appliquer sur leur visage la céruse et autres fards!.

  A008002872 

 Dans cette milice, dit saint Chrysostôme dans sa VIII e homélie sur saint Matthieu, «les femmes ont souvent combattu plus vaillamment que les hommes.» Saint Ambroise, livre I Des Vierges, les appelle invincibles et infatigables soldats de la chasteté..

  A008002872 

 La version des Septante porte, [385] celles qui jeûnaient; la Chaldaïque, celles qui priaient; Cajetan, celles qui s'exerçaient, et l'hébreu, celles qui militaient ou veillaient... Et les vierges qui étaient retirées.

  A008002873 

 Sainte Geneviève ne possédait rien: fille de bergers, elle était bergère elle-même, comme Rachel, Rébecca, et les autres vierges antiques; de plus, elle ne fut jamais asservie à la vanité..

  A008002874 

 Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages; Dieu a choisi ce qui est infirme selon le monde pour confondre ce qui est fort; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas pour détruire celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence... De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât, il m'a été donné un aiguillon, etc. Et il m'a dit: Ma grâce te suffit.

  A008002874 

 Où est le sage? où est le scribe? où est l'investigateur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde? Ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes.

  A008002875 

 Tous ceux qui veulent [conserver la chasteté] doivent craindre comme des funambules, vivre dans la retraite, jeûner, prier avec insistance, car les imprudents périssent.

  A008002898 

 Jésus levant les yeux au ciel dit: Mon Père, l'heure est venue; glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie..

  A008002900 

 Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a repu en partage est bien différent du leur; car auquel des Anges a-t-il jamais dit? [etc.] Qu'il a constitué héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles.

  A008002900 

 Comme les pères font tout en vue de leurs enfants, car ils thésaurisent pour eux, ainsi que dit saint Paul, de même Dieu le Père a tout fait pour son Fils, parce que, selon la remarque de Corneille, le Fils de Dieu, en tant que Dieu, est héritier naturel, et en tant qu'homme il a été constitué héritier..

  A008002900 

 Il a tout [388] créé pour les élus; or les élus ont été créés pour le Christ et le Christ, pour Dieu.

  A008002900 

 Tout est à nous: à notre usage et pour nous; vous êtes au Christ, comme les esclaves sont au maître qui les a achetés, et les membres, au chef.

  A008002901 

 Jésus-Christ était hier, il est aujourd'hui, et il sera dans tous les siècles..

  A008002902 

 On peut l'entendre d'une révérence active ou d'une révérence passive; voir les Grecs et Anselme.

  A008002902 

 Qui, durant les jours de sa chair, ayant offert avec un grand cri et avec des larmes ses prières et ses supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort, a été exaucé à cause de sa révérence.

  A008002934 

 Parabole très célèbre et très féconde, mais qui offre une si grande moisson de considérations pieuses, que si nous voulions toutes les recueillir, la journée n'y suffirait pas.

  A008002935 

 «Antoine, cherches-tu à plaire à Dieu? prie et travaille.» Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le plaça dans le paradis pour le cultiver et le garder; d'après [une des interprétations proposées par] saint Augustin, c'était pour «garder l'homme.» La paresse est la source de tous les péchés.

  A008002936 

 Je me suis fait tout à tous pour les sauver tous.

  A008002937 

 Saint Adrien entendant les histoires des Martyrs, etc.; voir Corneille, [dans son Commentaire sur la] I re Epître aux Corinthiens, chap. II, v. 9.

  A008002938 

 Car ce qu'il y a de momentané et léger dans notre tribulation opère en nous sans mesure dans la sublimité un poids éternel de gloire; nous ne contemplons point les choses qui se voient, mais celles qui ne se voient pas.

  A008002939 

 [ Les souffrances ] ne sont pas dignes d'être comparées.

  A008002959 

 Les Gentils, qui ne vivent pas selon la raison, semblables aux chameaux, après avoir déposé le joug de l'idolâtrie, entrent plus facilement que les Juifs.

  A008002959 

 Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l' aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons.

  A008002961 

 Les deux hypothèses sont impossibles; mais la première serait plus facilement réalisée par Dieu à qui les créatures irraisonnables ne font nulle résistance; la seconde plus difficilement, car, par son libre arbitre, l'homme lui résiste.

  A008002963 

 Saint Jérôme, sur Isaïe, LX: Tu seras inondé par une multitude de chameaux et par les dromadaires de Madian et d'Epha.

  A008002963 

 Théophylacte explique la difficulté de deux manières: il distingue entre celui qui a été riche et celui qui l'est encore (ainsi saint Augustin contre les Pélagiens, épître LXXXIX e ), entre celui qui est riche de fait et celui qui l'est d'affection..

  A008002965 

 Les chèvres..

  A008002990 

 Je le choisis pour mon sujet [397] parce qu'il est le premier, parce qu'il a été prononcé par l'aïeul de saint Joseph, mais surtout parce qu'il fournit matière abondante pour un discours sur le mariage très sacré de Joseph avec la Bienheureuse Vierge et la très sainte humilité sous laquelle il a caché ses vertus et ses magnifiques privilèges: tels seront les deux points de ce sermon.

  A008002990 

 Mais pour que je parle avec profit de votre Père, je m'adresse, Seigneur, à votre piété filiale: «Nous vous en supplions, Seigneur, que les mérites de l'Epoux de votre sainte Mère nous soient en aide, et que les grâces que nous ne pouvons obtenir par nous-mêmes nous soient accordées par son intercession;» et à vous, ô Vierge, je dis, Ave Maria, etc..

  A008002990 

 Quelle sainte et aimable solennité, mes auditeurs! Quelle église (temple) sainte et digne de vénération, dédiée à un saint et aimable Patriarche! O saint Joseph, «je ne sais de quelles louanges vous honorer, parce que vous avez» pressé dans vos bras «Celui que les cieux ne peuvent contenir.» Et voici le premier éloge que ce jour met en lumière et que chante l'Eglise dans l'office de la Messe: Le juste fleurira comme le palmier.

  A008002993 

 En l'Arabie que, pour la benigne influence du ciel qui la rend fertile en toutes sortes d'arbres aromatiques, on appelle Heureuse, il y a, ce disoyent les Anciens, cet oyseau tout a fait admirable, et si rare quil est unique, qu'on appelle phoenix.

  A008002998 

 C'est pourquoy j'ay jette les yeux sur des merveilleuses et rares conditions de cet arbre, qui conviennent, par rapport et similitude, tres singulierement a saint Joseph..

  A008002998 

 Mays il me semble que tout cela est commun a tous les justes, bien qu'il appartient tres particulierement et avantageusement au glorieux saint Joseph.

  A008002999 

 La premiere, que les palmes sont de deux sortes: les unes sont males, que nous pourrons appeller palmiers, et les autres femelles, qui retiennent le nom de palme.

  A008002999 

 O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples.

  A008002999 

 On marie les palmes pour les rendre fertiles, et leur mariage est tout virginal, pur, saint et incontamine.

  A008003024 

 Dans son sein: Heureuses les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles que vous avez sucées; dans son esprit: Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent.

  A008003049 

 Après avoir lavé les pieds de ses Disciples et prédit la trahison de Judas et le reniement de Pierre (Jean, chap. XIII), Jésus, dans les chapitres suivants, adressa à ses Disciples des paroles consolatrices, pleines [405] de mystère.

  A008003049 

 Mais nous ne pouvons parler de la prière que si Dieu nous instruit; disons donc avec les Apôtres: Seigneur, enseignez-nous à prier..

  A008003049 

 Or, entre autres, il leur donne cette consolation, que, s'il les quitte quant à sa présence temporelle, néanmoins, les couvrant toujours de sa protection, il les défendra et les exaucera.

  A008003051 

 Il faut éviter les erreurs des Messaliens ou des Euchites qui exagéraient, et celles des Pélagiens et des Wiclefistes; voir plus haut.

  A008003051 

 Voir encore Bellarmin, tome III [de ses Controverses, Traité] sur les bonnes Œuvres..

  A008003055 

 C'est ainsi que les anciens princes fondaient, que les hommes pieux fondent encore des monastères où toujours on prie, et où, avec ceux qui prient, eux-mêmes prient toujours; de même Saul agissait par les mains de ceux qui lapidaient, etc. [407].

  A008003055 

 L'abbé Lucius, dans les Vies des Pères, cité par Corneille, dans son Commentaire sur la [ I re ] Epître aux Thessaloniciens, folio 697.

  A008003057 

 Aussi disons-nous: «En haut les cœurs! Nous les tenons élevés vers le Seigneur.».

  A008003057 

 Ne savez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Nous demandons bien aux Saints, mais non d'une manière absolue, nous demandons qu'ils appuient nos prières par les leurs.

  A008003057 

 Or je vais développer les deux mots les plus importants.

  A008003057 

 Père: J'ai levé mes yeux vers les montagnes; toute prière aboutit à Dieu: J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008003058 

 En mon nom, comme Médiateur (déjà les anciens priaient de la sorte, mais implicitement; nous, nous prions ainsi plus explicitement, plus formellement, comme notre foi aussi est plus explicite); sans cela nous ne serions pas dignes d'être regardés.

  A008003078 

 Voir dans les Actes des Apôtres, saint Paul appelé vase d'élection, non seulement parce que Dieu le prédestinait à la gloire, comme il y prédestine les autres élus, mais parce qu'il le destinait soit à une éminente grâce de celles qui sont appelées gratum faciens, soit à une grâce spéciale gratis data, et qu'il l'appelait à une mission extraordinaire.

  A008003083 

 C'est lorsque les Apôtres persévéraient avec Marie qu'ils reçurent l'Esprit-Saint.

  A008003084 

 Les premières paroles concernant la chute du genre humain ont été dites à la femme; les premières concernant la réparation furent dites à Marie, celles du moins que rapportent les Evangélistes; mais il faut en croire autant de celles prononcées par Jésus-Christ, puisque sa Mère a contribué à lui faire acquérir la science expérimentale ou exercitative..

  A008003086 

 La parole du Christ est comme un jardin planté de rosiers: les feuilles sont la verdeur de l'espérance; les épines, la lutte de la foi contre les sens et le monde; les roses, la charité.

  A008003086 

 Ou bien les feuilles sont la grâce; les roses, la récompense; les épines, le châtiment.

  A008003087 

 La Genèse ne raconte pas sa mort parce que les Saintes Ecritures s'attachent seulement à ce qui concerne le peuple choisi.

  A008003087 

 Les paroles qu'on lit dans Osée, la Genèse, l'Epître aux Romains et ailleurs prouvent très clairement, si, comme on le doit, on les compare toutes entre elles, qu'il s'agit non des personnes, mais des peuples d'Israël et de l'Idumée.

  A008003090 

 Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu, quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé..

  A008003090 

 Dieu m'a donné un extraordinaire desir de planter en tous les cœurs des enfans de la sainte Eglise la reverence et l'amour de la sainte Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A008003090 

 J'ay plusieurs fois consideré qu'apres que le grand Judas Machabee eut reedifié le Temple de l'ancienne Sinagogue, la nation hebraïque sentit tant de consolation, que tous les peuples tombans en face louerent et benirent Dieu qui les avoit ainsy prosperé.

  A008003091 

 Ceste Croix devance d'une grande traitte la magnificence de l'ancien Temple, de tout autant que le sacrifice de la sainte Croix surpasse tous les autres; et il n'y a point de bons Chrestiens qui ne doivent aymer plus tendrement la pauvreté, l'abjection et les douleurs de la Croix de Jesus Christ que les anciens Juifz n'aymoyent les richesses, la magnificence et les delices de leur Temple..

  A008003091 

 L'ancien Temple ne fut jamais teint d'autre sang que des bestes, mais ceste sainte Croix a esté teinte du sang de l' Autheur et consommateur de tous les sacrifices.

  A008003092 

 Les bons Juifz ont tousjours essayé de rebastir leur Temple quand les ennemis l'ont abbatu ou qu'ilz y ont fait des bresches; de mesme les bons Chrestiens doivent tousjours travailler a exalter la sainte Croix, quand plus les ennemis s'efforçent d'en abbattre l'honneur et la devotion..

  A008003093 

 Saint Paul, cest incomparable maistre et docteur de l'Eglise naissante, avoit pris Jesus Christ en la croix pour les delices de ses amours, pour le theme de ses sermons, pour le but de toutes ses gloires, pour le terme de toutes ses pretentions en ce monde et pour l'appuy de toutes ses esperances en l'eternité.

  A008003096 

 Or, pour la preuve de nostre foy, il ne se faut pas contenter de bayser la Croix, mais il faut aymer la Croix; car la bayser sans l'aymer, c'est augmenter le crime de nostre infidelité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple duquel Jesus Christ disoit: Ces gens icy m'honnorent des levres, ilz me donnent des baysers hypocritiques et des feintes louanges; mais leur cœur est fort esloignè de moy, et par consequent leurs œuvres sont fort esloignees de mes intentions.

  A008003097 

 A Messeigneurs les Prelatz, je presente la croix de la sollicitude et des travaux qu'il faut qu'un bon pasteur souffre pour garder, [416] augmenter, nourrir, perfectionner et corriger ses brebis.

  A008003098 

 Aux Religieuses et autres gens d'Eglise, je presente la croix de la solitude, du celibat et de l'abnegation du monde; croix sainte, qui a vrayement touché celle de Nostre Seigneur; croix pretieuse portee par la Vierge des vierges, Nostre Dame, qui apres son adorable Filz a esté la plus sainte, la plus innocente et la plus entierement crucifiee de toutes les ames amantes de la tres sainte Croix..

  A008003099 

 A Messieurs de la noblesse, je donne la croix de la modestie, le bon usage du tems par des occupations d'esprit bonnes et saintes, autant relevees par dessus les œuvres manuelles des roturiers, que leur condition leur donne de preeminence, et leur naissance d'advantage sur les autres.

  A008003099 

 Et pour troysiesme branche de ceste croix, qu'ilz ayent l'amour du vray honneur, qui est la seule vertu de pieté et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantosme d'honneur imaginaire qui les poursuit, et qui s'estant emparé d'eux les jette dans la vanité, dans l'estime de soy mesme, et de la, dans les duelz, et des duelz dans la damnation eternelle..

  A008003100 

 A Messieurs de la justice, je presente la croix de la doctrine, de l'equité et de la sincere verité; croix vrayement digne des ministres et officiers du Dieu juste et vivant, qui fait marcher la justice et le jugement devant sa face, et juge toute la terre en equité et verité, comme parle David; croix desirable qui crucifie les respectz humains, la crainte des hommes et l'amour du propre interest, fait fleurir dans une province la paix et le repos des familles..

  A008003101 

 Ceste croix du travail est tres salutaire pour ayder les hommes au salut eternel, parce que l'oysiveté estant la mere des vices, une necessaire et bonne occupation delivré l'ame de mille fantasies qui sont la source des pechés, et la tient dans une aymable innocence et bonne foy..

  A008003102 

 Aux jeunes gens, je destine la croix de l'obeissance, de la chasteté et de la retenue en leurs deportemens; croix salutaire qui crucifie les fougues d'un jeune sang qui commence a bouillir et d'un courage qui n'a pas encores la prudence pour guide, qui rendra en fin nos jeunes gens capables de porter le tres suave joug de Nostre Seigneur, en quelque condition que son inspiration les appelle..

  A008003104 

 Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariees et chargées de famille qu'il n'est pas besoin de leur en destiner de particulieres; neanmoins, celle que je leur presente plus volontier c'est le support mutuel, l'amitié fidelle et non interrompue par des amours estrangers, et le soin de l'eslevation des enfans; en donnant bon exemple a toute la famille, ne se pas rendre criminel des crimes d'autruy..

  A008003105 

 Les vefves ne manquent non plus de croix.

  A008003106 

 Ceux qui refusent de prendre humblement et porter vertueusement les croix que Dieu leur presente en ceste vie auront en l'autre le partage de Judas..

  A008003107 

 Certes, les travaux, les injures, les tribulations que nous recevons sont des croix de vray larron, et nous les avons bien meritees, et nous devons humblement dire comme ce bienheureux larron: Nous recevons dans nos souffrances ce que nous avons merité par nos offences.

  A008003107 

 Mais les impies, les ames mal faites sont, contre leur gré, et en despit qu'elles en ayent, attachées a la croix et aux tribulations, et par leur impatience elles se rendent leurs croix fatales; elles ont des sentimens d'estime d'elles mesmes, approchant ceux du mauvais larron; elles unissent par ce moyen leur croix a celle de ce meschant, et aussi infalliblement leurs salaires seront esgaux.

  A008003109 

 Mes oreilles, qui entendent avec tant de consolation les sept paroles prononcees sur la Croix, ne prendront plus de playsir aux vaines loüanges, aux faux rapportz, aux discours abaissant mon prochain, aux vains propos, aux devis inutiles..

  A008003109 

 Mes yeux qui voyent, o Jesus, vos larmes couler pour mes pechés sur la Croix, ne regarderont jamais chose qui vous soit contraire; ces deux luminaires de mon cors defailliront a force de regarder en haut mon Sauveur eslevé sur la Croix; je les destourneray affin qu'ilz ne voyent la vanité du monde, mais qu'ilz avisent tousjours la verité de vostre sainte dilection.

  A008003110 

 Mon entendement, qui considerera avec goust les adorables mysteres de la tressainte Croix, ne se rebellera jamais en malicieuse et mauvaise imagination.

  A008003111 

 Et cherchant en la sainte Croix mon support parmi les angoisses de ceste vie, j'espere d'y trouver ma joye eternelle; car ayant aymé Jesus Christ crucifié en ce monde, je jouiray en l'autre de Jesus glorifié, auquel soit honneur et gloire aux siecles des siecles.

  A008003120 

 C'est ainsi que Jésus-Christ voulant employer les Apôtres comme une terre où le grain de l'Evangile porterait du fruit au centuple, comme des pierres qui serviraient de fondement à l'édifice de [421] son Eglise, comme des clefs qui ouvriraient le Royaume des cieux, comme des coupes bien ciselées dans lesquelles le vin de la divine parole devait être bu, commença par leur reprocher leur incrédulité..

  A008003120 

 Les laboureurs ne sèment les champs qu'après qu'ils les ont défrichés et qu'ils en ont ôté les épines; les maçons n'emploient les pierres qu'après les avoir taillées; les serruriers ne font usage du fer qu'après qu'ils l'ont battu; les orfèvres ne se servent de l'or qu'après l'avoir purifié dans le creuset.

  A008003122 

 Les enfants d'Israël murmurent dans le désert parce qu'ils manquaient de pain; ils doutent que Dieu puisse leur préparer une table dans le désert; et le Seigneur s'irrite de leur défiance, le courroux du ciel s'allume contre eux: Male locuti sunt de Deo, dixerunt: Nunquid poterit Deus parare mensam in deserto? Ignis accensus est in Jacob, et ira ascendit in Israel.

  A008003122 

 Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il entreprenne de mesurer sur sa faible intelligence le pouvoir et les mystères de Dieu? Aussi, voyez comment le Seigneur punit ce péché.

  A008003123 

 Les ministres protestants veulent bien que les simples se fient à leur parole, quoiqu'ils reconnaissent pouvoir se tromper sur le sens de la Sainte Ecriture..

  A008003128 

 Ce Disciple bien-aimé, cet aigle du Nouveau Testament, dans son extase mystérieuse, a connu les merveilles de la Jérusalem céleste; il a vu le trône de Dieu resplendissant de gloire, et l'Agneau debout comme immolé; il a entendu les Anges et les Saints faire retentir, autour du trône et en présence de l'Agneau, les divers concerts qui commencent et finissent par le sublime transport de l' Alléluia.

  A008003129 

 Alleluia! oh! que cette courte prière est excellente! qu'elle est énergique! Car elle ne signifie pas simplement: Louez Dieu, mais elle exprime les louanges divines d'une manière ineffable, avec l'accent de l'amour, avec l'enthousiasme du cœur; c'est un langage céleste qu'on ne peut traduire en aucune langue; c'est un cri d'allégresse, un ravissement d'admiration, l'élan de la plus vive reconnaissance..

  A008003130 

 Il y a l'amour qui jouit, c'est celui des Bienheureux; et il y a aussi l'amour qui désire, c'est notre partage; et l'un et l'autre chantent Alleluia, parce que l'un et l'autre ne peuvent retenir les transports de leur joie à la vue de l'Agneau debout devant le trône comme immolé: Vidi Agnum stantem tanquam occisum..

  A008003130 

 Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner leslestes concerts de la vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés qui gémissent dans la vallée de larmes! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère? Oui, sans doute, puisque par la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est.

  A008003131 

 A cette vue, tous les Bienheureux célèbrent, dans l'ivresse de leur joie, l'Agneau qui les a rachetés par son sang précieux: Occisus es, et redemisti nos Deo in sanguine tuo..

  A008003132 

 Et nous, habitants de la terre, nous sommes appelés à partager ces divins transports; c'est aussi à nous de considérer, avec les yeux du cœur, les plaies adorables de notre bon Maître.

  A008003132 

 Voyez comme, dans l'Evangile de ce jour, il invite saint Thomas à porter les mains dans ses divines plaies pour y puiser les lumières de la foi et les feux de l'amour: Infer digitum tuum hue et vide manus meas, et affer manum tuam et mitte in latus meum; et noli esse incredulus, sed fidelis.

  A008003133 

 Ces plaies sont les sources d'eau vive que l'amour du Sauveur nous a creusées clans son propre corps, et dont il a été écrit par Isaïe que nous y puiserons avec joie les grâces les plus abondantes: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris.

  A008003133 

 combien sont abondantes les grâces qu'il a renfermées pour nous dans ces sources fécondes et miséricordieuses.

  A008003133 

 en quoi consiste la joie avec laquelle nous devons puiser dans les fontaines du Sauveur; 2.

  A008003138 

 Non, cette tendre Epouse, fille du Calvaire, née du sang de Jésus, présente toujours à nos yeux les plaies de son divin Epoux pour exciter nos cœurs aux sentiments de la plus tendre compassion.

  A008003139 

 Ce serait donc s'écarter de son esprit que de penser, qu'en ce temps d'une sainte joie, il faut s'abstenir de [426] prêter l'oreille avec une vive émotion aux coups redoublés des bourreaux qui percent les pieds et les mains de Jésus, qui déchirent sa chair adorable, qui ouvrent ses veines, qui meurtrissent cruellement ses nerfs.

  A008003139 

 L'Eglise nous invite toujours à fixer nos yeux sur le Crucifix qui nous représente Jésus élevé en croix; tout le poids de son corps qui ne porte que sur ses plaies, sa chair et ses veines qui se déchirent de plus en plus, ses nerfs qui se brisent, et ses os qui se disloquent les uns après les autres en sorte qu'on peut les compter, comme l'avait prédit le Prophète: Dinumeraverunt omnia ossa mea..

  A008003141 

 Que sera-ce donc, ajoute le saint Docteur, si nous réfléchissons que nos péchés sont les bourreaux de Jésus-Christ, que c'est pour nos crimes qu'il a été cloué à la croix, que ce sont nos iniquités qui lui ont fait ces plaies si humiliantes et si douloureuses! Quelle profonde tristesse, quelle vive componction, quelle contrition amère ne doit pas s'emparer de notre cœur! «In dolore enim Domini nostri Jesu Christi, debemus intime sibi condolere et compati.

  A008003145 

 Chantons donc l'Alleluia de la reconnaissance dans les transports ineffables d'une allégresse sans mesure.

  A008003153 

 Ces eaux sont les grâces que Jésus-Christ nous a méritées par son sang précieux.

  A008003153 

 « Les trous de la pierre » par lesquels coulent ces eaux divines sont, dit saint Bernard, «les plaies sacrées du Sauveur: Foramina petrae, vulnera Christi.» Allons puiser avec confiance dans ces sources de bénédiction; nous y trouverons une eau vive que Jésus nous a préparée pour nous fortifier contre tous les dangers, et pour former au dedans de nous une fontaine dont l'eau rejaillisse jusqu'à la vie éternelle: Aqua quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquae salientis in vitam aeternam..

  A008003154 

 Mais pour puiser continuellement et avec facilité cette eau salutaire, il faut entrer jusque dans les trous de la pierre d'où elle découle, il faut établir notre demeure clans les plaies de Jésus-Christ.

  A008003154 

 Or, qu'est-ce qu'habiter dans les plaies de Jésus? C'est, dit saint Bernard, avoir une dévotion tendre pour les plaies sacrées du Sauveur, s'élancer vers elles par les affections d'un cœur brûlant d'amour, y tenir l'âme comme collée par une méditation continuelle: « Columba mea in foraminibus petrœ, quod in Christi vulneribus tota devotione versetur, et jugi meditatione demoretur in illis.».

  A008003155 

 «Quelle abondance de douceur, quelle plénitude de grâces, quelle perfection de vertus, la colombe ne trouvet-elle pas dans les trous de la [430] pierre! Quanta in foraminibus petrœ multitudo dulcedinis, plenitudo gratiae, perfectio virtutum!» «Elle y habite en sûreté, et elle y considère sans effroi l'épervier qui vole autour du lieu de sa retraite: Bona foramina: in his se columba tutatur, et circumvolitantem intrepida intuetur accipitrem.».

  A008003156 

 Avec quelle allégresse il contemple son sang qui coule à gros bouillons! Il triomphe, il ne peut contenir les transports de sa joie: Stat martyr tripudians et triumphans, toto licet lacero corpore et rimante latera ferro; non modo fortiter, secl et alacriter sacrum e carne sua circumspicit ebullire cruorem.» «Est-ce donc qu'il ne sent pas la douleur? il la sent, et vivement; mais il la surmonte, mais il la méprise: Nec deest dolor, secl superatur, sed contemnitur.» «Où est donc alors son âme? Ah! elle est dans le lieu sûr, elle est dans la pierre, elle est dans les entrailles de Jésus, elle habite dans ses plaies sacrées: Ubi ergo tune anima martyris? nempe in tuto, nempe in petra, nempe in visceribus Jesu, vulneribus nimirum patentibus ad introeundum.» Là elle s'anime par l'exemple de son Bien-Aimé; là elle renouvelle continuellement sa vigueur; là elle puise la force de boire le calice du Seigneur; là elle s'enivre des délices qui sont cachées dans les souffrances: «Ergo ex petra martyris fortitudo, inde plane potens ad bibendum calicem Domini; et calix hic inebrians quam prœclarus est!».

  A008003156 

 Quel admirable spectacle! Dès que la colombe a établi son nid dans les trous de la pierre, elle y puise une force et un courage invincible.

  A008003157 

 Et où, dans ma faiblesse, puis-je,» dit toujours saint Bernard, «trouver la sûreté et le repos, si ce n'est dans les plaies de mon Sauveur? J'y habite avec une sécurité proportionnée à sa puissance.» Je ne puis rien de moi-même, mais je puis tout dans Celui qui me fortifie.

  A008003157 

 Mais la pierre n'est-elle à servir d'habitation qu'à ces âmes généreuses? Ah! l'Esprit-Saint m'apprend encore que les hérissons, c'est-à-dire les âmes infirmes, y trouvent un refuge et un asile: « Petra refugium [431] herinaciis.

  A008003157 

 «Et revera ubi tuta firmaque infirmis securitas et requies, nisi in vulneribus Salvatoris? Tanto illic securior habito, quanto ille potentior est ad salvandum.» En vain le monde frémissant de rage m'attaque avec fureur; en vain la chair rebelle me livre de violents assauts; en vain le démon artificieux me dresse des embûches perfides, je ne tomberai jamais, pourvu que, caché dans les plaies de Jésus, je m'appuie sur cette pierre ferme.

  A008003158 

 Quelle plus grande miséricorde en effet que de donner sa vie pour d'infâmes criminels condamnés au supplice! «In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et mitis, et multœ misericordiœ? Majorem enim miserationem nemo habet quam ut animam suam ponat quis pro addictis morti et damnationi.» Par la large ouverture que la lance fit au côté de mon bon Maître, [432] je pénètre jusqu'à son cœur; là je me repose dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, et j'y prends abondamment tout ce qui me manque pour payer ce que je dois à sa justice: «Ego fidenter quod ex me mihi deest, usurpo mihi ex visceribus Domini, quoniam misericordiae affluunt.».

  A008003158 

 Quelquefois la pensée des jugements de Dieu jette l'alarme dans ma conscience; je me sens effrayé par la multitude et l'énormité de tant de péchés que j'ai autrefois commis; mais aussitôt, pour me rassurer, je me jette dans les blessures du Seigneur, car je sais qu' il a été blessé pour nos iniquités: «Peccavi peccatum grande, turbatur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam vulnerum Domini recordabor; nempe vulneratus est propter iniquitates nostras.» Là je lis écrit de son sang le mystère de son amour, j'adore le témoignage précieux de son immense miséricorde.

  A008003160 

 Ah! puisque je trouve tant de biens dans les plaies de mon Jésus, je veux suivre le conseil de saint Bonaventure, et je prends pour résolution d'établir trois tentes, non sur le Thabor, car Pierre ne savait ce qu'il disait lorsqu'il faisait cette proposition à Jésus, mais sur le Calvaire où le Sauveur lui-même nous a préparé ces trois demeures dans ses divines plaies: « Bonum est cum Christo esse; et in ipso volo tria tabernacula facere, unum in manibus, unum in pedibus, sed aliud continuum in latere ubi volo quiescere.».

  A008003161 

 La première sera dans les plaies faites aux pieds de mon Sauveur.

  A008003161 

 Là j'embrasserai avec une vive reconnaissance ces pieds percés pour mon amour; là j'apprendrai à détourner mes pieds de toutes les routes qui conduisent aux folles joies du monde; là je comprendrai le bonheur de marcher au Calvaire sur la trace sanglante des pas de Jésus: Deus omnia subjecit sub pedibus ejus..

  A008003162 

 La seconde sera dans les plaies de ses mains.

  A008003164 

 Habitant de cette cité divine, je boirai à longs traits dans les fontaines de mon Sauveur, je collerai mes lèvres sur le sang qui en découle, je m'enivrerai de cette liqueur précieuse, et dans ma sainte ivresse j'irai chantant par les rues de Jérusalem l' Alleluia de l'amour: Et per vicos ejus Alleluia cantabitur..

  A008003165 

 Nous prendrons pour bouquet spirituel les paroles de saint Pierre; Bonum est nos hic esse, faciamus tria tabernacula.


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A009000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A009000012 

 Sermons recueillis par les Religieuses de la Visitation.

  A009000067 

 En la primitive Eglise, les Chrestiens fidelles qui vouloyent rendre en quelque façon satisfaction à Nostre Seigneur [1] du sang qu'il avoit fraischement respandu en mourant sur la croix, avoyent un tres grand soin de bien employer le temps des festes et de les solemniser le mieux qu'il se pouvoit; et pour ce sujet il n'y avoit presque point de feste qui n'eust sa vigile, en laquelle ils commençoyent à se preparer pour la solemnité.

  A009000067 

 La tres sainte Eglise a accoustumé de nous preparer dès la veille des grandes solemnités, à fin que nous venions à estre plus capables de reconnoistre les grans benefices que nous avons receus de Dieu en icelles.

  A009000068 

 C'est pourquoy il prit soin de faire que les Israëlites se preparassent par la consideration d'un si grand benefice, pour se rendre plus dignes de le recevoir.

  A009000068 

 Les ayant fait assembler il leur parla donques ainsy: Vous sçaurez au soir que le Seigneur vous a retirés de la terre d'Egypte, et au matin vous verrez la gloire du Seigneur; qui est autant que s'il eust dit: Il viendra demain au matin.

  A009000069 

 Entre les payens, cet instinct qu'ils avoyent que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu leur a fait faire des choses estranges, jusques là qu'ils croyoient, au moins quelques-uns, de se pouvoir faire dieux et se faire adorer comme tels du reste des hommes.

  A009000069 

 Je dis chrestien, d'autant que nuls que les Chrestiens n'ont jamais sceu comprendre comme il se pouvoit faire que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu.

  A009000069 

 Je sçay bien qu'en l'ancienne Loy il y avoit les Prophetes et certains personnages grans et relevés qui le sçavoyent, mais quant au commun des hommes, nul ne le pouvoit comprendre.

  A009000069 

 Tous les hommes ont tousjours eu une certaine inclination à croire que cela se peust et qu'il se feroit; mais pourtant, nuls que les Chrestiens ne sont parvenus à connoistre comme il se pourroit faire.

  A009000070 

 Les Chrestiens ont esté plus esclairés, et ont eu l'honneur de sçavoir que l'homme a esté fait Dieu et que Dieu s'est fait homme, bien qu'ils ne soyent pas capables de comprendre la grandeur du mystere de l'Incarnation et de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur, car c'est un mystere caché dans l'obscurité des tenebres de [3] la nuit; non pas que le mystere soit tenebreux en soy mesme, car Dieu n'est que lumiere.

  A009000070 

 Mais comme l'on voit que nos yeux ne sont pas capables de regarder la lumiere ou la clarté du soleil sans s'obscurcir (de sorte qu'apres s'estre voulu appliquer à regarder cette lumiere nous sommes contrains de les fermer, n'estant pas capables de rien voir pour quelque temps), de mesme, ce qui nous empesche de comprendre le mystere de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur n'est pas qu'il soit tenebreux en soy mesme, ains parce qu'il n'est que lumiere et clarté.

  A009000071 

 Dieu faisoit pleuvoir de nuit la manne dans le desert pour les enfans d'Israël; et à fin que les Israëlites eussent plus de sujet de luy en sçavoir gré, il voulut dresser luy mesme le festin et la table, car vous avez entendu que Moyse dit: Vous sçaurez que le Seigneur vous a retirés de l'Egypte, et au matin vous verrez sa gloire.

  A009000071 

 Et puis, pour monstrer qu'il les servoit honnorablement comme on sert maintenant les princes, à plats couverts, il faisoit pleuvoir une petite rosée qui conservoit la manne jusqu'au matin que les Israëlites la venoyent promptement cueillir avant que le soleil fust levé.

  A009000072 

 Chacun sçait que les anciens Peres de l'Eglise, les Patriarches et les Prophetes ont tous regardé ceste estoille polaire et dressé leur navigation à sa faveur.

  A009000072 

 L'estoille de mer c'est l'estoille du pole vers laquelle tend tousjours l'aiguille marine; c'est par elle que les nochers sont conduits sur mer et qu'ils peuvent connoistre où tendent leurs navigations.

  A009000072 

 La tres sainte Vierge produisit son Fils virginalement, ainsy que les estoilles produisent leur lumiere.

  A009000072 

 Ç'a tousjours esté le nord de tous les nochers qui ont navigé sur les ondes de la mer de ce miserable monde, pour s'empescher des naufrages ordinaires des navigations des mondains..

  A009000073 

 La tres sacrée Vierge est aussi cette estoille matiniere qui nous apporte les gracieuses nouvelles de la venue du vray Soleil.

  A009000073 

 Tous les Prophetes ont sceu que la Vierge concevroit et enfanteroit un enfant qui serait Dieu et homme tout ensemble; elle concevroit, mais par la vertu du Saint Esprit; elle concevroit son Fils virginalement et l'enfanterait de mesme virginalement.

  A009000074 

 C'est donc à juste rayson que la tres sainte Vierge a un nom qui signifie estoille, car tout ainsy que les estoilles produisent leur lumiere virginalement et sans en recevoir aucun detriment en elles mesmes, ains en paroissent plus belles à nos yeux, de mesme Nostre Dame produisit cette lumiere inaccessible, son Fils tres beni, sans en recevoir aucun detriment ni souiller aucunement sa pureté virginale; mais avec cette difference neanmoins, qu'elle le produit sans effort ni secousse et violence quelconque, ce que ne font pas les estoilles, ainsy que l'on voit, car elles produisent leur lumiere par secousses et, ce semble, avec violence et forcement..

  A009000075 

 Ce qui nous represente les trois substances qui se trouvent en ce tres beni Enfant que nous verrons demain couché dans une creche.

  A009000075 

 Je remarque en second lieu que la manne avoit trois sortes de gousts qui luy estoyent propres et particuliers, outre ce qu'elle avoit tous les gousts que l'on eust peu souhaiter; car si les enfans d'Israël avoyent envie de manger du pain, la manne avoit le goust du pain; s'ils desiroyent de manger des perdrix et autre telle chose quelle qu'elle fust, la manne avoit quant et quant ce goust là.

  A009000075 

 La pluspart des Peres sont en doute si tous, tant les mauvais que les bons, participoyent à cette faveur; mais que cela soit ou non, la manne avoit le goust particulier ou la saveur de la farine, du miel et de l'huile.

  A009000076 

 En la manne estoit le goust du miel, qui est une liqueur celeste; car si bien les abeilles cueillent le miel de sur les fleurs, elles ne tirent pourtant pas le suc des fleurs, ains cueillent et ramassent avec leur petite bouchette le miel qui descend du ciel avec la rosée, et seulement en un certain temps de l'année.

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000079 

 Dieu, quelles enseignes sont celles cy pour faire reconnoistre Nostre Seigneur, et quelle simplicité des bergers de croire naïfvement ce qui leur estoit annoncé! Les Anges eussent eu quelque rayson de se faire croire s'ils eussent dit: Allez, vous trouverez l'Enfant assis sur un throsne d'ivoire et entouré de courtisans celestes qui luy tiennent compagnie.

  A009000079 

 Je remarque en passant que de tout le peuple alors en grand nombre à Bethleem, il n'y eut que des simples bergers qui vindrent visiter Nostre Seigneur, et puis apres eux les Rois Mages, qui vindrent de fort loin pour adorer et prester hommage à nostre nouveau Roy couché dans une creche.

  A009000079 

 Les Anges ayant annoncé la nouvelle de cette heureuse naissance donnerent des enseignes admirables aux pasteurs: Allez, dirent-ils, et vous trouverez l'Enfant emmaillotté en des langes et couché dans une creche.

  A009000080 

 Mais qu'est-ce que representent ces bergers? Les uns disent qu'ils representent les pasteurs de l'Eglise, comme sont les Evesques, les Superieurs des Religions, les curés et tous ceux qui ont charge d'ames; c'est l'opinion d'une [8] partie des saints Peres que Nostre Seigneur revele plus particulierement ses mysteres à ceux-là, d'autant qu'ils sont commis de la part de Dieu pour les faire puis apres entendre à leur troupeau, aux ames qui leur sont commises.

  A009000080 

 Mais remarquez qu'il n'y eut que les bergers qui veilloyent sur leur troupeau qui eurent l'honneur et la grace d'ouïr cette gracieuse nouvelle de la naissance de Nostre Seigneur, pour nous monstrer que si nous ne veillons sur le troupeau que Dieu nous a donné en charge, qui est comme j'ay dit, nos passions, nos inclinations, les facultés de nostre ame, pour les faire repaistre dans quelque saint pasturage et les tenir rangées et en leur devoir, nous ne meriterons point d'ouïr cette nouvelle tant aymable de la naissance du Sauveur, et ne serons pas capables de l'aller visiter dans la creche où sa tres benite Mere le posera demain..

  A009000080 

 Or, si un chacun de nous est berger et pasteur, quel est, peut-on dire, nostre troupeau et quelles sont nos brebis? Ce sont nos passions, nos inclinations, nos affections, les facultés de nostre ame.

  A009000080 

 Pourquoy pensez-vous que les Anges s'addresserent aux bergers plustost qu'à nul autre qui fust en Bethleem? Non pour autre cause, sinon parce que Nostre Seigneur, estant venu comme Pasteur et le Roy des pasteurs, ne vouloit favoriser que ses semblables.

  A009000080 

 Quelques autres disent que ces bergers representent les Religieux et tous ceux qui font profession de pretendre à la perfection.

  A009000081 

 Certes, l'on a accoustumé d'emmaillotter [9] les enfans parce qu'estans encores tendres, s'ils n'estoyent bandés et serrés il y auroit danger qu'ils ne prissent quelque mauvais destour et par ce moyen fussent rendus contrefaits.

  A009000081 

 Helas, nous estions indignes de sçavoir comme quoy nous les devions bien conduire et ranger; mais Nostre Seigneur, comme bon Pasteur et berger tres aymable de nos ames, qui sont ses brebis pour lesquelles il a tant fait, vient nous enseigner luy mesme ce que nous devons faire.

  A009000081 

 Mais qu'est-ce qu'il fait, ce tres doux Enfant? Regardez-le couché dedans la creche: Vous le trouverez, disent les Anges, emmaillotté dans des langes.

  A009000081 

 O Dieu, quelle bonté de cet aymable Sauveur! Il s'est sousmis à faire tout ce que font les autres enfans, pour ne paroistre autre chose qu'un pauvre petit poupon, sujet à la necessité et loy de l'enfance.

  A009000081 

 On les bande encores à fin qu'ils ne viennent à se gaster les yeux ou le visage, ayans la liberté d'y porter les mains pour se frotter quand ils voudroyent, n'ayans pas l'usage de la rayson pour s'en abstenir ainsy qu'il seroit requis.

  A009000082 

 Et tout ainsy que nous le voyons emmaillotté et serré dans des bandelettes et maillots par sa tres benite Mere, il entend de nous inciter à bander et serrer toutes nos passions, affections, inclinations, et en fin toutes nos puissances tant interieures qu'exterieures, nos sens, nos humeurs et tout ce que nous sommes, dans les maillots de la sainte obeissance, pour ne vouloir jamais plus nous gouverner ni user de nous mesmes, de crainte d'en mesuser, sinon autant que l'obeissance nous le pourra permettre..

  A009000082 

 Je considere que, outre cette rayson pour laquelle Nostre Seigneur voulut estre bandé et emmaillotté et sujet à sa tres sainte Mere, de telle sorte qu'il se laisse manier, porter et emmaillotter tout ainsy qu'il luy plaist, sans tesmoigner nulle repugnance, il y a encores un autre sujet qui l'a meu à ce faire: c'est pour nous apprendre à gouverner et regir nostre troupeau spirituel, c'est à dire nos passions, nos affections et les facultés de nostre ame.

  A009000082 

 Mais entre toutes nos facultés il y en a deux lesquelles sont comme le principe d'où dependent toutes les autres, à sçavoir, la concupiscible et l'irascible.

  A009000082 

 Quant à l'irascible, elle produit les chagrins, les repugnances, les esmotions de colere, le desespoir et ainsy des autres.

  A009000082 

 Toutes les autres puissances, facultés et passions semblent estre sujettes à ces deux facultés et ne se remuent que par leur commandement.

  A009000083 

 Helas, Nostre Seigneur ne pouvoit pas mesuser de sa volonté ni de sa liberté; neanmoins il a voulu que tout fust caché sous les maillots, et la science et la sapience eternelle, avec tout ce qu'il avoit entant que Dieu, esgal à son Pere, comme l'usage de rayson, le pouvoir de parler et bref tout ce qu'il devoit faire ayant atteint l'aage de trente ans.

  A009000083 

 Voyez de grace ce tres doux Enfant lequel se laisse tellement gouverner et conduire par sa tres benite Mere qu'il semble veritablement qu'il ne puisse en façon quelconque faire autrement; ce n'est pour autre sujet, mes cheres ames, sinon pour nous monstrer ce que nous devons faire, principalement les Religieuses qui ont voué leur obeissance.

  A009000084 

 Mais comme les bergers ne [11] l'allerent pas voir sans doute sans luy porter quelques petits agnelets, il ne faut pas que nous y allions les mains vides, ains il nous faut porter quelque chose.

  A009000085 

 Les bergers le visiterent et ils en receurent une joye tres grande, s'en retournant chantant les louanges de Dieu et annonçant à tous ceux qu'ils rencontroyent ce qu'ils avoyent veu.

  A009000087 

 De mesme nos sens, nos puissances interieures, les facultés de nostre ame, comme des abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusqu'à ce qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur nouveau né pour leur Roy, elles n'ont aucun repos.

  A009000087 

 Les abeilles n'ont aucun arrest tandis qu'elles n'ont point de roy: elles ne cessent de voleter par l'air, de se dissiper et esgarer, n'ayans presque nul repos dans leur ruche; mais dès aussi tost que leur roy est né, elles se tiennent ramassées tout autour de luy et ne sortent que pour la cueillette et, ce semble, par le commandement ou congé de leur roy.

  A009000088 

 Sa Bonté nous veuille faire la grace que nous entendions sa voix, ainsy que les brebis celle du pasteur, à fin que le reconnoissant pour nostre souverain Pasteur, nous ne nous esgarions et n'escoutions celle de l'estranger qui se tient pres de nous comme un loup infernal, en intention de nous perdre et de nous devorer; et que de mesme nous puissions avoir la fidelité de nous tenir sousmis, obeissans et sujets à ses volontés et commandemens, ainsy que les avettes font avec leur roy, à fin que par ce moyen nous commencions à faire dès cette vie ce que moyennant la grace de Dieu nous ferons eternellement au Ciel, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000093 

 Il y a une telle conformité entre les Evangiles de ces deux festes, que j'ay bien voulu des deux en tirer la petite exhortation que je m'en vay faire.

  A009000093 

 [15] Nostre Dame nous en monstre un exemple admirable, car l'Evangeliste dit que les jours estans venus ou passés de sa purification, selon la Loy de Moyse, elle vint au Temple pour offrir son Fils avec deux colombes ou tourterelles.

  A009000095 

 Or, quel est ce nous mesme qu'il faut purifier, puisque nous en avons deux, lesquels neanmoins ne font qu'une seule personne? Nous avons un nous mesme qui est tout celeste, lequel nous fait faire les bonnes œuvres; c'est cet instinct que Dieu nous [16] a donné pour l'aymer et pour aspirer à la jouissance de la Divinité en la gloire eternelle.

  A009000096 

 Je veux dire qu'il faut renoncer à ce mauvais nous mesme pour l'assujettir à l'autre, qui est la rayson et partie superieure de l'ame, qui tend tousjours au vray bien par l'instinct que Dieu luy a donné; car il ne serviroit de rien de renoncer à soy mesme pour en demeurer là; les philosophes d'autrefois l'ont fait admirablement, mais cela ne leur a de rien servi.

  A009000097 

 C'est assez parler sur ce premier point, puisque nous sommes enseignés que renoncer à soy mesme n'est autre chose que se purifier et se purger de tout ce qui se fait par l'instinct de nostre amour propre, lequel, nous le sçavons, produira tousjours, tandis que nous serons en cette vie, des rejetons qu'il faudra couper et retrancher, tout ainsy qu'il faut faire à la vigne; car il ne se faut pas contenter d'y mettre une fois la main, mais il faut la couper en un temps, puis apres la despouiller de ses feuilles, et ainsy plusieurs fois l'année il faut avoir la main à la serpe pour retrancher les superfluités.

  A009000098 

 Lors qu'il voulut mourir pour nous racheter et pour satisfaire à la volonté de son Pere, il ne choisit point sa croix, ains receut humblement celle que les Juifs luy avoyent preparée..

  A009000098 

 Voulez-vous sçavoir en un mot que cela signifie? C'est autant à dire que: Prenez et recevez de bon cœur toutes les peines, contradictions, afflictions et mortifications qui vous arriveront en cette vie.

  A009000099 

 D'autre part, il estoit cruellement travaillé et tourmenté en son corps, car il nous asseure qu'il fut fouetté par trois fois, de sorte que les traces en paroissoyent sur ses espaules; apres, qu'il fut lapidé et que l'on remarquoit encores les coups; puis, qu'il fut submergé, et ainsy des autres tourmens qu'il endura.

  A009000100 

 Mais disons un peu, je vous supplie, un abus qui est en l'esprit de plusieurs, à sçavoir, qu'ils n'estiment et [18] ne veulent porter les croix qu'on leur presente si elles ne sont grosses et pesantes.

  A009000101 

 Et, quoy que peut estre sa ferveur l'eust bien fait desirer de faire ce que les autres faisoyent, elle pourtant n'en tesmoignoit rien; car quand on luy commandoit de s'aller coucher, elle y alloit simplement, sans replique, estant asseurée qu'elle jouiroit aussi bien de la presence de son Espoux dans son lit par obeissance, que si elle eust esté au chœur avec les Sœurs ses compagnes.

  A009000101 

 Nous voyons donques assez que cette parolle de Nostre Seigneur qui ordonne qu'on prenne sa croix, se doit entendre de recevoir de bon cœur les contradictions et mortifications qui nous sont faites à tous rencontres, bien qu'elles soyent legeres et de peu d'importance.

  A009000101 

 Sainte Gertrude fut faite Religieuse en un monastere où il y avoit une Abbesse ou Superieure laquelle reconnoissoit fort bien que la bienheureuse [19] Sainte estoit d'une complexion foible et fort delicate; c'est pourquoy elle la faisoit traitter plus delicatement que non pas les autres Religieuses, tant pour le vestir que pour la nourriture, et ne luy laissoit pas faire les austerités qu'on avoit accoustumé de faire en cette Religion.

  A009000102 

 Ceux qui navigent sur la mer, approchant du lieu où sont les sirenes, courent tousjours grande fortune de se perdre à cause qu'elles chantent si delicieusement qu'elles endorment ceux qui rament; mais il y en a qui ont usé de cet expedient, de se faire attacher à l'arbre qui est planté [20] au milieu du navire, à fin de n'estre pas attirés au bord par cette melodie.

  A009000103 

 Tous les Chrestiens qui aspirent au Ciel vont apres le Sauveur, car c'est par ses merites qu'on en espere la possession, en observant neanmoins ses commandemens; mais suivre Nostre Seigneur c'est marcher sur ses pas, imiter ses vertus, faire ses volontés et n'avoir qu'une mesme pretention avec luy.

  A009000104 

 Bienheureuses sont les ames qui sçavent bien cette pratique de s'offrir à Dieu, et toutes leurs actions, en l'union de ce Sauveur! Mais considerons aussi un peu cette autre prattique d'union que fit la Sainte Vierge avec saint Simeon et Anne la prophetesse; car si bien les Evangelistes ne parlent point de cette derniere, il est pourtant probable qu'elle eut l'honneur de tenir le Sauveur de nos ames entre ses bras, puisqu'elle avoit excellemment bien renoncé à soy mesme, bien porté sa croix et avoit esperé et aspiré tant de temps apres la venue du Seigneur qu'elle voyoit de ses yeux.

  A009000104 

 Nostre Dame donc se despouilla de la consolation qu'elle avoit de tenir tousjours son sacré Fils entre ses bras, et le donna à saint Simeon, et par luy à tous les hommes.

  A009000105 

 Les uns l'ont sur la langue: ils disent merveille de Dieu et le louent avec beaucoup d'ardeur; il y en a d'autres qui le portent au cœur par des affections tendres et amoureuses, et se fondent presque en pensant à luy.

  A009000105 

 Mais ces deux façons de le porter ne sont pas grand chose si l'on n'y adjouste la troisiesme, qui est de le porter dessus ses bras, je veux dire l'imiter en ses œuvres, car les bras representent les œuvres..................................................................................................

  A009000118 

 Nous en verrons la prattique dans les tentations qui luy furent faittes par le diable estant au desert, où, apres avoir jeusné quarante jours, les Evangelistes rapportent qu' il eut faim.

  A009000119 

 Il faut que nous sçachions que le diable donne souvent cette tentation aux ames les plus pieuses, plus retirées et plus adonnées au service de Dieu; aussi est-ce celles-là particulierement qu'il cherche, car il sçait bien qu'il aura plus d'honneur, c'est à dire d'honneur infernal, pour l'acquisition d'une de ces ames, que non pas de beaucoup d'autres moins pieuses; et il fait cela aussi pour la haine perpetuelle qu'il porte à Dieu.

  A009000119 

 Les ames donques qui pretendent rendre quelque grand service à Dieu se doivent armer pour supporter les attaques de l'ennemy, car il vient premierement leur dire: Si tu es enfant de Dieu, convertis ces pierres en pain.

  A009000120 

 Et pourquoy, sinon pour nous gendarmer, fortifier et rendre vaillans et courageux en son service pour la conqueste des vrayes et solides vertus? C'est un abus de croire de les pouvoir acquerir et parvenir à la [24] perfection sans estre tenté des vices contraires.

  A009000120 

 O Dieu, que faites-vous, cheres ames? Ne changez pas la pierre en pain, convertissez-la plustost en eau, car vostre Pere, qui est Dieu, l'a bien fait pour desalterer les enfans d'Israël; mais il n'en a jamais tiré du pain, ains a plustost fait descendre la manne du ciel.

  A009000120 

 Vaines sont les pensées des personnes du monde qui croyent que les ames pieuses ne sont point tentées; mais plus vaines et frivoles sont les plaintes et complaintes que les ames devotes font de leurs tentations et aridités, puisqu'elles peuvent beaucoup gagner par icelles..

  A009000121 

 Ils disent: Puisque les Saints ont fait cela, nous le voulons faire aussi.

  A009000121 

 Ils entendent raconter que les Saints ont accompli des œuvres admirables: les uns se sont precipités pour estre martyrisés pour Dieu, les autres ont jeusné les semaines entieres, et ainsy des autres.

  A009000121 

 Or, le diable estant rejetté par nostre Maistre ne perdit pas courage, ains le prit et le porta sur le pinacle du Temple, et luy dit: Si tu es Fils de Dieu, jette toy en bas, car il est escrit que les Anges te porteront entre leurs bras, de peur que tu ne heurtes de ton pied à la pierre. Et Nostre Seigneur ne le voulut pas pour plusieurs raysons, dont en voicy une: ce fut pour nous monstrer que si bien nous sommes portés par le diable en un lieu haut et sureminent comme est la Religion, par quelques intentions perverses, voire mesme de despit, que nous n'en devons pas descendre, ains y devons demeurer, car Dieu sçaura bien convertir nostre mauvaise intention en une bonne.

  A009000121 

 Vous vous trompez: les Saints ne sont pas parvenus à la sainteté par là, ains ils ont agi ainsy parce qu'ils estoyent saints.

  A009000122 

 Oh non, cela ne vous rendra pas saintes, mais ouy bien une longue perseverance à vous bien mortifier, et à endurer amoureusement les mortifications, tentations, aridités et afflictions qui vous surviendront en cette vie, [25] resistant aux tentations et appliquant les remedes à vos peines, avec beaucoup de patience et d'humilité, avec resignation à souffrir autant et aussi longuement qu'il plaira à la divine Majesté, sans jamais vous laisser aller à aucun desir d'en estre affranchies.

  A009000130 

 Or cela estant, nous voyons clairement que le mystere de la Transfiguration ne fut point un miracle, ains une cessation de miracle, puisque les dots de gloire qui enrichissoyent la partie superieure de cette benite ame estoyent aussi deües à la partie inferieure qui n'en jouissoit toutefois aucunement, ains estoit abandonnée et delaissée à la merci de toutes nos misere et calamités; tout ainsy qu'une grande source [27] rejaillissant au sommet d'une haute montagne, retiendroit ses eaux sans s'escouler par les vallons.

  A009000131 

 C'est vrayement par le moyen de l'oraison que l'on parvient à la perfection, et saint Bernard, apres en avoir marqué d'autres, dit que celuy ci les surpasse tous.

  A009000131 

 Les quatre considerations que je m'en vay deduire vous monstreront assez si vous faites de l'avancement, puisque ce sont des excellens degrés de perfection..

  A009000133 

 Et pour quoy faire? Pour prendre nostre humanité et se rendre sujet aux hommes, voire mesme à toutes les miseres humaines, jusques là qu'estant immortel il s'est rendu sujet à la mort et à la mort de la croix.

  A009000133 

 La seconde consideration est sur ce que les Apostres virent Moyse et Elie qui parloyent à Nostre Seigneur de l'exces qu'il devoit faire en Hierusalem.

  A009000133 

 Nostre Seigneur parle donques de sa Passion et de sa Mort parce que c'est le souverain acte de son amour; aussi les Bienheureux, en la gloire eternelle, ne parleront ni ne se resjouiront de rien tant que de cette mort.

  A009000134 

 Il faut monter sur la montagne de Thabor pour y estre consolé, direz-vous, car cela pousse et fait avancer les ames foibles qui n'ont pas le courage de faire le bien sans y sentir de la satisfaction.

  A009000134 

 L'on est veritablement fort en crainte emmy la consolation, car on ne sçait si on ayme les consolations de Dieu, ou bien le Dieu des consolations; mais en l'affliction il n'y a rien à craindre, pourveu qu'on soit fidelle, d'autant qu'il n'y a rien de delectable.

  A009000135 

 Je ne dis pas que nous devons faire autant d'oraison les uns que les autres, car il ne seroit pas à propos que ceux qui ont beaucoup d'affaires demeurassent aussi longuement en oraison que les Religieux.

  A009000137 

 Les Apostres estans relevés (car ils tomberent sur leur face entendant la voix du Pere eternel), ne virent plus que Jesus seul.

  A009000137 

 Les ames qui sont parvenues à ce degré de perfection ont un soin tout particulier de regarder et se tenir aupres de Nostre Seigneur crucifié sur le Calvaire, parce qu'elles l'y trouvent plus seul qu'en nul autre lieu.

  A009000137 

 Plusieurs s'empescheront bien de regarder les hommes et les choses de ce monde, mais il en est extremement peu qui ne se regardent point eux mesmes; ains les plus spirituels recherchent et choisissent entre les exercices de devotion ceux qui sont plus à leur goust et plus conformes à leurs inclinations.

  A009000147 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que conversant parmi les hommes il faut que vous ayez de la prudence pour assembler diverses sortes de pretentions, mais aussi je veux que vous soyez simples, en les reduisant toutes en une, qui est ma plus grande gloire..

  A009000147 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, nous le fait bien voir quand il asseure que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux; voulant dire: Ma mie, ma toute chere, ma colombe, tu m'as regardé de tes deux yeux, mais maintenant tu as fermé l'œil gauche avec lequel tu voyois les recompenses eternelles, parce que [33] tu en es toute asseurée en perseverant en mon amour; tu ne regardes donques plus que moy, ni ne penses plus qu'en moy, car tes cheveux, à sçavoir tes pensées, tu les as toutes reduites en une qui est pour moy, c'est pourquoy tu m'as ravi le cœur.

  A009000149 

 Les Religieux de ce temps cy eussent bien esté plus discrets, car ils eussent au moins respondu: [34] O Maistre, si nous faisons cela, qu'est ce qu'on dira? On le trouvera mauvais, cela nuira à vostre reputation.

  A009000149 

 Mais ces bonnes gens ne disent mot, ains vont simplement; et ils rencontrerent aussi des bonnes gens et bien simples, car ayant deslié l'asnesse, ceux à qui elle estoit demanderent seulement: Que voulez vous faire? Et les Apostres respondant: Le Seigneur en a besoin, ils ne repliquerent pas un mot.

  A009000149 

 Nostre Sauveur donques, voulant estre monté sur une asnesse pour entrer en Hierusalem, dit à deux de ses Apostres: Allez vous-en au village qui est proche, entrez en une telle maison, desliez l'asnesse et l'asnon, et me les amenez; et si l'on vous dit quelque chose, dites que le Seigneur en a besoin.

  A009000150 

 Et que nul ne demande pourquoy Dieu veut tout l'amour, car on ne le sçauroit dire, sinon parce qu'il en a besoin pour faire des choses si excellentes et si grandes en l'ame qui le luy donne tout, que nul esprit humain ne les peut sçavoir ni comprendre..

  A009000150 

 Qu'est-ce que deslier l'ame? C'est la deslier et destacher du peché par le moyen d'une bonne confession; car chacun sçait que l'ame qui est en estat de peché est attachée et engagée dans les liens et filets du diable.

  A009000151 

 Il faut honnorer et estimer toutes les vertus parce qu'elles nous rendent fort aggreables à Dieu, et non pas les prattiquer et nous y affectionner parce que nostre esprit y a quelque correspondance..

  A009000151 

 L'heresie n'est autre chose sinon le choix que l'on fait d'accorder creance à quelques uns des articles de la foy, ne voulant pas croire les autres.

  A009000151 

 Mais, o Dieu, il faut que cet amour soit pur, qu'il nous fasse entreprendre la prattique de toutes les vertus [35] egalement, et non pas selon nostre choix; car bien souvent nous nous faschons dequoy nous avons fait quelque legere faute en la vertu que nous affectionnons, et ne nous mettons point en peine d'avoir fait un defaut beaucoup plus grand en une autre vertu qui sera peut estre plus excellente.

  A009000151 

 Tout de mesme en est-il de la charité: choisir un des commandemens de Dieu sans les vouloir observer et honnorer tous, c'est estre heretique en la charité.

  A009000152 

 Chacun sçait que la palme est donnée aux martyrs en signe de la victoire qu'ils ont remportée sur tous leurs ennemis; mais l'olive represente les confesseurs qui ont beaucoup fait pour la gloire de Dieu en temps de paix, car aussi l'olive est le hieroglifique de la paix.

  A009000152 

 Ils sont en un continuel combat contre leurs ennemis, qui sont leurs propres passions et inclinations, desquelles en fin ils demeurent [36] maistres, les assujettissant toutes à la rayson, qui n'est pas une petite victoire, ains est plus grande que de conquerir et gagner plusieurs villes..

  A009000152 

 Mais si bien la palme appartient et represente particulierement les martyrs, elle appartient aussi aux confesseurs, car la vie des justes est un continuel martyre.

  A009000152 

 On le voit en ce que Dieu estant apaisé apres avoir si justement puni les hommes par le deluge, il envoya à Noé, qui estoit dans l'arche, une branche d'olivier par la colombe.

  A009000153 

 Je fais la quatriesme consideration sur ce que ce peuple jettoit ses habits par les rues où passoit Nostre Seigneur, pour embellir le pavé.

  A009000153 

 Que representent, je vous supplie, ces habits jettés sous les pieds du Sauveur? En latin, habit et habitude c'est la mesme chose; or ces bonnes gens nous apprennent que si nous voulons bien honnorer nostre divin Maistre entant que nous le pouvons, il faut que nous jettions devant luy et sousmettions à ses pieds toutes nos habitudes, tant bonnes que mauvaises.

  A009000153 

 Qui, je vous prie, trouverons-nous qui jette ses vertus aux pieds de Nostre Seigneur, se sousmettant à ne les vouloir posseder que pour l'en honnorer, et ne les voulant avoir pour son contentement particulier ou bien pour en estre estimé?.

  A009000154 

 Un jour que les princes d'Israël estoyent tous reunis, Dieu parla à Elisée, luy commandant d'envoyer un fils des Prophetes en cette assemblée pour sacrer roy l'un de ces princes.

  A009000155 

 O les Religieux de ce temps icy eussent bien esté plus discrets, car ils eussent au moins salué la compagnie, d'autant qu'il ne faut pas estre incivil; ou bien ils eussent recommandé au roy tout plein d'affaires pieuses apres l'avoir sacré.

  A009000156 

 Cet exemple confirme ce que j'ay ja dit, et de plus nous sommes enseignés que si nous voulons crier veritablement vive le Roy, il faut que nous nous despouillions de tout, voire mesme que nous aneantissions toutes nos passions, humeurs et inclinations, les sousmettant avec tout nostre estre aux pieds de la divine Majesté pour estre parfaitement sujets à sa sainte volonté; car l'on ne peut dire vive le Roy, pendant qu'il y a des rebelles en son royaume.

  A009000156 

 Lors tous commencerent à despouiller leurs robes et les mirent toutes l'une sur l'autre, de sorte qu'ils en firent un throsne sur lequel ils assirent le nouveau roy; apres quoy ils se prindrent tous à crier: Vive le roy! monstrant par cet acte qu'ils se sousmettoyent à luy le plus parfaitement qu'il leur estoit possible.

  A009000162 

 Mais pour voir l'humilité de Nostre Seigneur, escoutons ce qu'en escrit saint Paul: Quand il estoit le Fils de Dieu, il s'est vuidé de luy mesme; c'est à dire qu'il a pour un temps resserré toute sa gloire en la partie superieure de son ame, laissant sa partie inferieure exposée à la mercy de toutes les souffrances, abjections et repugnances qui luy devoyent arriver en sa Passion.

  A009000164 

 La premiere rayson fut pour ce que, par sa mort, il vouloit remettre l'homme en l'estat d'innocence, et les habits que nous portons sont la marque du peché.

  A009000164 

 Le Sauveur [41] par sa nudité monstroit qu'il estoit la pureté mesme, et de plus, qu'il remettoit les hommes en estat d'innocence.

  A009000165 

 Je considere que les Juifs, ayant crucifié Nostre Seigneur tout nud, luy laisserent la couronne d'espines sur la teste, et je crois, quoy que leur intention ne fust pas telle, que c'estoit pour tesmoigner que si bien il paroissoit tant mesprisé et deshonnoré, il ne laissoit pas d'estre vrayement Roy.

  A009000165 

 Les anciens Peres considerant cecy, disent qu'il ne faut pas, à cause de la meschanceté d'Absalon, faire une comparaison ni penser qu'il soit une figure de Nostre Seigneur; mais qu'il represente plustost les hommes pecheurs, qui doivent estre attachés à l'arbre [42] de la Croix par toutes leurs pensées, qui sont signifiées par leurs cheveux..

  A009000166 

 Vaines sont ces tendretés, que nous voudrions pourtant avoir comme si nostre bien dependoit d'elles; il ne les faut ni desirer ni rechercher.

  A009000168 

 En fin, l'amour a fait mourir nostre Maistre, il ne reste plus sinon que nous vivions d'amour pour luy; mais non pas d'un amour tel quel, ains d'un amour semblable au sien (je ne dis pas esgal, car il ne se peut), d'un amour fort et courageux qui croisse emmi les contradictions, sans se lasser jamais de combattre pour ce divin Amant..

  A009000168 

 Et comment ce divin Sauveur ne seroit-il l'amour de nos ames, veu qu'il est leur Espoux, et tout particuliement celuy des Religieuses? car les anciens Peres disent tout clair et hardiment qu'elles ont esté espousées par le Fils de Dieu, et fondent sur cette alliance les relations speciales que Dieu le Pere et Nostre Dame contractent avec elles.

  A009000168 

 Le voile noir qu'elles portent les doit faire resouvenir qu'elles sont espouses d'un homme trespassé.

  A009000168 

 Les mariages du monde se rompent et se desfont par la mort; mais celuy cy est bien au contraire, car il se fait en la mort et par la mort de nostre Sauveur et unique Maistre.

  A009000169 

 Apres qu'il eut conquis la Terre Sainte pour la foy de Nostre Seigneur (car pour lors les infidelles la possedoyent), on voulut mettre une couronne d'or sur son chef; mais luy, commençant à s'escrier, la refusa disant: A Dieu ne plaise que je sois couronné d'une couronne d'or, où mon Sauveur et mon Maistre a esté couronné d'espines! Ha Dieu, il n'en sera pas ainsy; apportez-m'en une d'espines, telle que celle de mon Maistre, et j'en orneray mon chef.

  A009000174 

 Et nous, addressant cecy à tous les Chrestiens, nous arresterons au troisiesme point qui est l'oraison..

  A009000176 

 Aussi importe-t-il peu d'en sçavoir les noms, et je voudrois que jamais l'on ne demandast ni le nom ni quelle oraison l'on a; car s'il est vray, comme le dit saint Anthoine, que l'oraison en laquelle on s'apperçoit que l'on prie est imparfaite, aussi celle que l'on fait sans sçavoir comment on la fait et sans refleschir sur ce que l'on demande, monstre assez que l'ame est fort occupée en Dieu, et par consequent cette oraison est fort bonne.

  A009000177 

 La simple pensée est lors que nous allons courant sur une grande diversité de choses, sans aucune fin, comme font les mouches qui se vont posant sur les fleurs sans en pretendre tirer aucun suc, ains s'y posent seulement parce qu'elles s'y rencontrent.

  A009000178 

 Une autre action de nostre entendement est l'estude, et celle cy se fait lors que nous considerons les choses seulement pour les sçavoir, pour les bien entendre et pour en pouvoir bien parler, sans avoir autre fin que de remplir nostre memoire; et en cela nous ressemblons aux hannetons qui se vont posant sur les roses, non pour autre fin que pour se saouler et se remplir le ventre.

  A009000179 

 Il faut sçavoir que tous les oyseaux ont accoustumé d'ouvrir le bec lors qu'ils chantent ou gazouillent, hormis la colombe, laquelle fait son petit chant ou gemissement retenant sa respiration au dedans d'elle, et par le groulement et retour qu'elle fait de son haleine sans la laisser sortir, en reussit son chant.

  A009000179 

 La meditation se fait donques pour esmouvoir les affections, et particulierement celle de l'amour; aussi la meditation est elle mere de l'amour de Dieu, et la contemplation, fille de l'amour de Dieu..

  A009000179 

 Pour sçavoir que c'est que meditation il faut entendre les paroles du roy Ezechias lors que la sentence de mort luy fut prononcée, laquelle fut despuis revoquée par sa penitence: Je crieray, dit-il, comme le poussin de l'arondelle, et mediteray comme la colombe au plus fort de ma douleur.

  A009000182 

 Par ces petits oyselets [49] on represente les Religieux et Religieuses qui se sont volontairement renfermés ès monasteres pour chanter les louanges de leur Dieu; aussi leur principal exercice doit estre l'oraison et d'obeir à cette parole que Nostre Seigneur dit en l'Evangile: Priez sans cesser..

  A009000182 

 Par exemple, si nous faisons bastir une eglise et que l'on nous demande pourquoy nous la faisons faire, nous respondrons que c'est pour nous y retirer, et là dedans chanter les louanges de Dieu; neanmoins ce sera la derniere chose que nous ferons.

  A009000182 

 Une autre similitude: si vous entrez en la chambre d'un prince, vous y verrez une voliere de divers petits oyseaux qui sont dans une cage bien colorée et bien accommodée; et si vous voulez sçavoir la fin pour laquelle on les y a mis, c'est pour donner du playsir à leur maistre.

  A009000183 

 Les anciens Chrestiens qui estoyent eslevés par saint Marc l'Evangeliste estoyent si assidus à l'oraison, que pour cela plusieurs des anciens Peres les surnommerent les supplians, et d'autres les appellerent medecins, parce que par le moyen de l'oraison, ils trouvoyent remede à tous leurs maux.

  A009000183 

 Les philosophes payens disoyent que l'homme est un arbre renversé, d'où nous pouvons conclure combien l'oraison est necessaire à l'homme, puisque l'arbre n'ayant suffisamment de terre pour couvrir ses racines, ne peut subsister; aussi l'homme qui n'a une particuliere attention aux choses celestes, ne sçauroit non plus subsister.

  A009000183 

 On les nomma encores moines, parce qu'ils estoyent fort unis; aussi le nom de moine signifie-t-il unique.

  A009000183 

 Or l'oraison, suivant la pluspart des Peres, n'est autre chose qu'une «eslevation d'esprit aux choses celestes;» d'autres disent que c'est une demande; mais les deux opinions ne se contrarient point, car en eslevant nostre esprit à Dieu, nous luy pouvons demander ce qui nous semble estre necessaire..

  A009000189 

 La question seroit bien tost resolue si nous disions que tous les hommes peuvent prier et que tous le doivent faire, mais à fin de mieux satisfaire les esprits nous traitterons cette matiere plus au long..

  A009000191 

 Aussi voit-on que les advocats n'ont pas accoustumé de demander par grace, ains selon la justice, les droits desquels ils traittent.

  A009000191 

 [51] Neanmoins les uns et les autres ne se contrarient pas, bien qu'il le semble, en la diversité de leurs opinions; car il est certain que Nostre Seigneur Jesus Christ ne doit point prier, mais peut, par justice, demander à son Pere ce qu'il veut.

  A009000193 

 C'est pourtant une chose toute claire que les Saints et les hommes qui sont en Paradis prient, puisque les Anges avec lesquels ils sont prient..

  A009000193 

 Les Anges prient, et cela nous est monstré en plusieurs endroits de la Sainte Escriture.

  A009000193 

 Mais pour les hommes qui sont au Ciel nous n'en avons pas tant de tesmoignages, parce que devant que Nostre Seigneur fust mort, ressuscité et monté au Ciel il n'y avoit point d'hommes en Paradis; ils estoyent tous au sein d'Abraham.

  A009000194 

 Aussi y eut-il une fois un payen qui fit une oraison si excellente qu'elle merita d'estre presentée devant le throsne de la divine Majesté; et Dieu luy octroya la grace de luy bailler le moyen d'estre instruit en la foy, et despuis fut un grand Saint emmy les Chrestiens.

  A009000194 

 Il est vray que les grans pecheurs ont beaucoup de difficulté à faire [52] l'oraison.

  A009000194 

 Ils ressemblent aux petits oyseaux lesquels dès qu'ils ont pris leurs panaches peuvent voler d'eux mesmes par le moyen de leurs aisles; mais s'ils se viennent poser sur le glu qu'on leur a preparé pour les prendre, qui ne voit que cette humeur visqueuse leur serrera les aisles et qu'apres ils ne pourront pas voler? Ainsy en arrive-t-il aux pecheurs, lesquels se meslent et se posent dessus l'humeur visqueuse des vices, si qu'ils se laissent tellement serrer au peché qu'ils ne peuvent se guinder au Ciel par l'oraison.

  A009000194 

 Je dis qu'ouy, et que pas un ne se peut excuser de le faire, non pas mesme les heretiques.

  A009000194 

 Voyons maintenant si tous les hommes peuvent prier.

  A009000195 

 Il nous reste maintenant à declarer quelles sont les conditions qu'il faut avoir pour bien faire l'oraison.

  A009000195 

 Je sçay bien que les anciens qui traittent cette matiere en rapportent beaucoup: les uns en comptent quinze, les autres, huit.

  A009000196 

 Et si bien aucuns des docteurs interpretent ainsy cette parole: Bienheureux les pauvres d'esprit, ces deux interpretations ne sont pas contraires, parce que tous les pauvres sont mendians s'ils ne sont glorieux, et tous les mendians sont pauvres s'ils ne sont avaritieux.

  A009000196 

 Parlons d'abord de la premiere qui n'est autre que cette mendicité spirituelle de laquelle Nostre Seigneur dit: B ienheureux sont les mendians d'esprit, car à eux appartient le Royaume des cieux.

  A009000196 

 [53] David nous advertit de le faire par ces paroles: Quand tu voudras faire oraison, dit-il, approfondis-toy tellement en l'abisme de ton neant, que tu puisses par apres sans difficulté descocher ta priere comme une sagette jusque dans les Cieux..

  A009000197 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques fait esmerveiller les Anges et leur fait dire: Qui est celle cy qui vient du desert, et qui monte comme une verge de fumée odoriferante, composée de myrrhe et d'encens et de toutes les bonnes odeurs du parfumeur, et qui est appuyée sur son Bien-Aymé? L'humilité en son commencement est un desert, bien qu'à la fin elle soit fort fructueuse, et l'ame qui est humble pense estre un desert où n'habitent ni oyseaux, ni mesmes les bestes sauvages, et où il n'y a aucun arbre fruitier..

  A009000197 

 Ne voyez-vous pas que les grans voulant faire monter une fontaine au plus haut de leurs chasteaux, vont prendre la source de cette eau en quelque lieu fort eslevé, puis la conduisent par des tuyaux, la faisant descendré autant qu'ils veulent qu'elle monte? car autrement l'eau ne monteroit jamais.

  A009000199 

 Et ses fleurs? Ce sont les prieres qu'il faisoit pour nous à son Pere; les fruits sont les merites de sa Mort et Passion..

  A009000199 

 L'Espoux ayant une fois loué son Espouse disant qu'elle estoit comme un lis entre les espines, elle par contreschange respond: Mon Bien-Aymé est comme un pommier entre les halliers; cet arbre est tout chargé de feuilles, de fleurs et de fruits, je me reposeray à son ombre et recevray les fruits qui tomberont sur mon giron et les mangeray, et les ayant maschés je les gousteray en mon gosier, où je les trouveray doux et suaves.

  A009000199 

 Les Anges disent que l'Espouse est appuyée sur son Bien-Aymé; aussi avons-nous veu que pour derniere condition, il faut estre enté sur Jesus Christ crucifié.

  A009000200 

 Et ainsy, encores que nous soyons revestus de laine, s'entend que nous fassions de bonnes oeuvres, entant qu'elles sont de nous elles n'ont aucun prix ni valeur si elles ne sont teintes dans le sang de nostre Maistre, le merite duquel les rend aggreables à la divine Majesté..

  A009000200 

 Sainte Catherine de Sienne eut une fois un exces en meditant la Mort et Passion de Nostre Seigneur: il luy fut advis qu'elle estoit dedans un bain fait de son precieux sang; et quand elle fut revenue à elle, elle vit sa robe toute rouge de ce sang, mais les autres ne la voyoient pas.

  A009000201 

 Ainsy, nous autres, ayant appresté cet Aigneau sans macule et l'ayant presenté au Pere eternel pour rassasier son goust, lors que nous luy demanderons sa benediction, il dira, si nous sommes revestus du sang de Jesus Christ: La voix que j'entens est de Jacob, mais les mains, qui sont nos mauvaises œuvres, sont d'Esaü; neanmoins, à cause de la suavité que j'ay à sentir l'odeur de sa robe, je luy donne ma benediction.

  A009000201 

 Jacob demandant la benediction, Isaac se print à luy toucher les mains, puis s'escria tout haut: Ha, que je suis en grand peine! la voix que j'entens est de mon fils Jacob, mais les mains que je touche sont d'Esaü.

  A009000206 

 Nous avons monstré que la fin de l'oraison est nostre union avec Dieu et que tous les hommes qui sont en la voye de salut peuvent et doivent prier; mais il nous demeura un scrupule en nostre derniere exhortation, à sçavoir mon, si les pecheurs peuvent estre exaucés, car ne voyez-vous pas que l'aveugle-né duquel il est parlé en l'Evangile, et que Nostre Seigneur illumina, dit à ceux qui l'interrogeoyent que Dieu n'exauçoit point les pecheurs? Mais laissons-le dire, car il parloit encores comme aveugle..

  A009000207 

 Il nous faut donques sçavoir qu'il y a trois sortes de pecheurs: les pecheurs impenitens, les pecheurs penitens et les pecheurs justifiés.

  A009000207 

 Ne sçavez-vous pas aussi que nul ne peut avoir acces vers le Pere que par la vertu du nom de son Fils, comme luy mesme a dit que tout ce que l'on demanderoit à son Pere en son nom on l'obtiendroit Les prieres du pecheur impenitent ne sont donc point aggreables à Dieu..

  A009000207 

 Or, c'est une chose asseurée que les pecheurs impenitens ne sont point exaucés, d'autant qu'ils veulent croupir en leurs pechés; aussi leurs oraisons sont-elles en abomination devant Dieu.

  A009000208 

 Nous avons des preuves en quantité que les prieres des pecheurs penitens sont aggreables à la divine Majesté, mais je me contenteray de vous apporter l'exemple du publicain, lequel monta au Temple pecheur et en sortit justifié par le merite de l'humble priere qu'il fit..

  A009000208 

 Qui est-ce à vostre advis qui luy donne ce repentir d'avoir offensé Dieu, sinon le Saint Esprit, puisque nous ne sçaurions avoir une bonne pensée pour nostre salut s'il ne nous la donne? Mais ce pauvre homme n'a-t-il rien fait de son costé? Si a, certes; escoutez les paroles de David: Seigneur, dit-il, vous m'avez regardé lors que j'estois en la fondriere de mon peché, vous m'avez ouvert le cœur et je ne l'ay pas refermé, vous m'avez tiré et je me suis laissé aller, vous m'avez poussé et je n'ay pas reculé.

  A009000209 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, ayant louangé son Bien-Aymé disant qu'il avoit les levres comme un lis qui distille la myrrhe, son Espoux luy respond en contreschange qu'elle a le miel et le lait dessous la langue..

  A009000209 

 La matiere de l'oraison est de demander à Dieu tout ce qui est bien; mais il faut que nous sçachions qu'il y a deux sortes de biens, les biens spirituels et les biens corporels ou temporels.

  A009000210 

 D'apres une seconde interpretation, les predicateurs ont encores le lait dessous la langue lors qu'ils preschent les vertus de Nostre Seigneur entant qu'homme: sa douceur, sa mansuetude, sa misericorde; et ils ont le miel dessous la langue parlant de sa divinité.

  A009000210 

 Je sçay bien qu'on interprete ces paroles en cette façon, sçavoir est, que les predicateurs preschant au peuple ont le miel dessous la langue, et parlant à Dieu par la priere qu'ils font pour le peuple, ils ont le lait [58] dessous la langue.

  A009000210 

 Le miel est une liqueur qui descend du ciel parmi la rosée, et tombant dessus les fleurs elle prend le goust d'icelles, comme font toutes les liqueurs que l'on met dans des vaisseaux qui ont quelque sorte de goust.

  A009000210 

 Le miel represente donques les perfections divines lesquelles sont toutes celestes..

  A009000211 

 Entre les biens spirituels il y en a de deux sortes: les uns nous sont necessaires pour nostre salut, et ceux cy nous les devons demander à Dieu simplement et sans condition, car il nous les veut donner; les autres biens, quoy que spirituels, nous les devons demander sous les mesmes conditions que les biens corporels, sçavoir, si c'est la volonté de Dieu et si c'est pour sa plus grande gloire; et sous ces conditions nous pouvons tout demander.

  A009000211 

 Les autres biens spirituels sont les extases, les ravissemens, les douceurs et consolations, toutes lesquelles choses nous ne devons point requerir de Dieu que sous condition, parce qu'elles ne sont aucunement necessaires pour nostre salut..

  A009000211 

 Nous avons dit qu'il y a deux sortes de biens que nous pouvons demander en icelle, les biens spirituels et les biens corporels.

  A009000211 

 Or, ces biens spirituels necessaires pour nostre salut, signifiés par le miel que l'Espouse a dessous la langue, sont la foy, l'esperance, la charité et les autres vertus qui nous conduisent à celles là.

  A009000212 

 Lors, saint Bonaventure luy respondit que la science ne luy aydoit point à aymer Dieu, et qu'une simple femme le pouvoit autant aymer que les plus doctes hommes du monde..

  A009000214 

 Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voudrons demander au Pere eternel son Paradis, l'aggrandissement de nostre foy, son amour, toutes lesquelles choses il nous veut donner, pourveu que nous portions la police de la part de son Fils, c'est à dire que nous luy demandions tousjours au nom et par les merites de Nostre Seigneur..

  A009000215 

 C'est pourquoy ceux qui prient avec perfection demandent fort peu de ces biens, ains demeurent devant Dieu comme des enfans devant leur pere, remettant en luy toute leur confiance; ou bien comme un valet qui sert bien son maistre, car il ne va pas requerant tous les jours sa nourriture, mais ses services demandent assez pour luy.

  A009000215 

 Jesus Christ nous fait dire: Donnez-nous nostre pain quotidien, parce que dessous ce nom de pain tous les biens temporels sont compris.

  A009000215 

 Nous devons donc demander premierement que son nom soit sanctifié, c'est à dire qu'il soit reconneu et adoré par tous les hommes; en suite de quoy nous demandons ce qui nous est le plus necessaire, à sçavoir que son Royaume nous advienne, que nous puissions estre des habitans du Ciel; et puis, que sa volonté soit faite.

  A009000215 

 Nous devons estre grandement sobres à demander ces biens icy, et devrions beaucoup craindre en les demandant, parce que nous ne sçavons si Nostre Seigneur ne nous les donnera point en son courroux.

  A009000216 

 Les anciens Peres remarquent qu'il y a trois sortes d'oraisons, à sçavoir, l'oraison vitale, l'oraison mentale et l'oraison vocale.

  A009000216 

 Toutes les actions de ceux qui vivent en la crainte de Dieu sont des continuelles prieres, et cela se nomme oraison vitale.

  A009000217 

 De mesme peut-on dire que ceux qui donnent l'aumosne, qui visitent les malades et s'exercent à toutes telles bonnes œuvres font oraison, et ces mesmes bonnes actions demandent à Dieu recompense..

  A009000217 

 Il chantoit aussi presque continuellement les louanges de Dieu, car luy mesme estoit une voix; bref, sa vie estoit une continuelle priere.

  A009000217 

 L'on ne sçait si les cigales sont celestes ou terrestres, car elles se jettent continuellement du costé du ciel, mais aussi elles retombent parfois sur terre; elles se nourrissent de la rosée qui tombe du ciel et vont tous-jours chantant, et ce que l'on entend n'est autre chose qu'un retentissement ou gazouillement qui se fait dans leurs intestins.

  A009000218 

 Ce n'est pas que Nostre Seigneur exauçast la priere du perroquet; non, car c'est un oyseau immonde, aussi n'estoit-il pas bon pour les sacrifices; neanmoins il permit cela pour monstrer combien cette oraison luy est aggreable.

  A009000218 

 Les prieres de ceux qui les font comme ce papegay sont en abomination à Dieu qui regarde plus au cœur de celuy qui prie que non pas aux paroles qu'il dit..

  A009000219 

 Celles qui sont commandées sont le Pater et la Creance que nous devons reciter tous les jours, car Nostre Seigneur nous le fait bien entendre quand il dit: Donnez-nous aujourd'huy nostre pain quotidien; cela nous monstre qu'il le faut demander tous [62] les jours.

  A009000219 

 Celles qui sont seulement recommandées sont les Pater ou Rosaires qui sont ordonnés pour gagner les indulgences; laissant de les dire nous ne pechons pas, mais nostre bonne Mere l'Eglise, pour monstrer qu'elle desire que nous les disions, donne des indulgences à ceux qui les recitent.

  A009000219 

 Il faut que nous sçachions que les oraisons vocales sont de trois sortes: les unes sont commandées, les autres recommandées, les autres libres et de bonne volonté.

  A009000219 

 Les autres prieres commandées sont les Offices, pour nous autres qui sommes d'Eglise, et si nous en laissons quelque notable partie nous pechons.

  A009000219 

 Les prieres de bonne volonté sont toutes celles que l'on fait outre celles dont nous venons de parler..

  A009000220 

 Bien que les prieres que l'on fait volontairement soyent fort bonnes, les recommandées sont de beaucoup meilleures, parce que la sainte vertu de la souplesse y intervient.

  A009000220 

 Mais les prieres qui sont de commandement ont un prix tout autre, à cause de l'obeissance qui y est attachée, et c'est sans doute qu'il y a aussi plus de charité..

  A009000221 

 Avec quelle attention n'y [63] devrions-nous donc pas assister, puisque les Anges sont presens et repetent là haut en l'Eglise triomphante ce que nous disons ça bas!.

  A009000221 

 Les communes sont les Messes, les Offices et celles que nous faisons en temps de calamités.

  A009000221 

 O Dieu, que nous devrions venir avec beaucoup de reverence à ces Offices, mais tout autrement preparés que non pas pour les prieres particulieres, parce qu'en celles cy nous ne traittons avec Dieu que de nos affaires, ou si nous prions pour l'Eglise nous le faisons par charité; mais aux prieres communes nous prions pour tous en general.

  A009000221 

 Or, entre ces prieres, les unes sont communes et les autres particulieres.

  A009000221 

 Plusieurs asseurent qu'ils ont veu souventefois venir les Anges troupes à troupes pour assister aux Offices divins.

  A009000222 

 Mais peut estre dirons nous que si nous avions veu une fois les Anges à nos Offices nous y apporterions plus d'attention et de reverence.

  A009000223 

 Nous ne devrions jamais venir aux Offices, principalement nous autres qui les disons en chant, sans faire des actes de contrition, et sans demander l'assistance du Saint Esprit, premier que de les commencer.

  A009000228 

 Nous allons à Dieu en deux façons pour le prier, lesquelles nous sont toutes deux recommandées de Nostre Seigneur et commandées de nostre sainte Mere l'Eglise: à sçavoir, nous prions aucunefois immediatement Dieu, et d'autres fois mediatement, comme quand nous disons les antiennes de Nostre Dame, le Salve Regina et autres.

  A009000229 

 Nostre Mere l'Eglise marque toutes les postures qu'elle veut que nous tenions en recitant l'Office: ores elle nous veut debout, ores assis et puis à genoux, ores descouverts et ores couverts; [65] mais toutes ces façons et postures ne sont autres choses que prieres.

  A009000229 

 Que pensez-vous, je vous prie, que signifient les rameaux que nous portions aujourd'huy en nos mains? Non autre, sinon que nous demandons à Dieu qu'il nous rende victorieux par le merite de la victoire que Nostre Seigneur remporta sur l'arbre de la Croix..

  A009000229 

 Toutes les ceremonies de l'Eglise sont pleines de tres grans mysteres, et les ames devotes, humbles et simples ont une fort grande consolation à les voir.

  A009000231 

 Mais l'estant venu visiter pour la seconde fois, il le trouva en la mesme posture que la premiere, la teste levée et les yeux bandés contre le ciel, les mains jointes, et planté sur ses deux genoux.

  A009000231 

 Saint Anthoine l'ayant desja long temps attendu, commença à s'estonner parce qu'il ne l'entendoit point souspirer comme il avoit accoustumé de faire, il leve les yeux, et le regardant à la face, il trouva qu'il estoit mort, et sembloit que son corps qui avoit tant prié estant en vie, priast encores apres sa mort.

  A009000232 

 En ce Temple il y avoit premierement un porche, qui estoit destiné pour les Gentils, à fin que personne ne peust s'excuser d'adorer.

  A009000232 

 Ensuite, allant tousjours en remontant, il y avoit une autre place pour les prestres, et puis en fin finale l'estage destiné pour les Cherubins et le Maistre d'iceux, où reposoit l'Arche de l'alliance et où Dieu manifestoit ses volontés, et celuy cy s'appelloit le Sancta Sanctorum..

  A009000232 

 Le second estage estoit destiné pour les Juifs, tant hommes que femmes, bien que par apres on fit une separation pour eviter les scandales qui pouvoyent arriver estant ainsy meslés.

  A009000234 

 Les navires qui sont sur la mer ont toutes une aiguille marine laquelle estant touchée de l'aimant regarde tous-jours l'estoille polaire, et encores que la barque s'en aille du costé du midy, l'aiguille marine ne laisse pourtant pas de regarder tousjours à son nord.

  A009000234 

 Les personnes les plus avancées ont aucunefois de si grandes tentations, mesme de la foy, qu'il leur semble que toute l'ame consent, tellement elle est troublée; elles n'ont que cette fine pointe qui resiste, et c'est cette partie de nous-mesme qui fait l'oraison mentale, car bien que toutes ses autres facultés et puissances soyent remplies de distractions, l'esprit, sa fine pointe, fait l'oraison..

  A009000235 

 Or, en l'oraison mentale il y a quatre parties, dont la premiere est la meditation, la seconde la contemplation, la troisiesme les eslancemens et la quatriesme une simple presence de Dieu.

  A009000236 

 Ainsy nous allons picorant les vertus de Nostre Seigneur l'une apres l'autre, pour en tirer l'affection d'imitation; [ensuite nous les considerons toutes ensemble d'un seul regard par la contemplation.] Dieu à la creation medita; car ne voyez-vous pas qu'apres qu'il eut creé le ciel il dit qu'il estoit bon? et tout de mesme fit-il apres qu'il eut creé la terre, les animaux, puis en fin l'homme.

  A009000236 

 La meditation se fait comme les abeilles font et cueillent leur miel: elles vont cueillant le miel qui descend du ciel sur les fleurs et tirent un peu du suc des [68] mesmes fleurs, puis le portent clans leurs ruches.

  A009000237 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, apres avoir loué son Bien-Aymé pour la beauté de ses yeux, de ses levres, bref de tous ses membres l'un apres l'autre, elle conclut en cette sorte: O que mon Bien-Aymé est beau, o que je l'ayme, il est mon tres cher! C'est icy la contemplation, car à force de considerer mystere apres mystere combien Dieu est bon, nous venons à faire comme les cordons de nos bateaux.

  A009000237 

 Quand l'on rame fortement, ces cordons se chauffent tellement que si l'on ne les mouille le feu s'y prendroit; mais nostre ame s'eschauffant à aymer Celuy qu'elle a reconneu tant aymable, continue à le regarder parce qu'elle se complaist tousjours davantage à le voir tant beau et tant bon..

  A009000238 

 Ces paroles nous représentent les mysteres qui se vont celebrer ces semaines suivantes.

  A009000238 

 Il les a beus ensemble, car il demeura sur la terre l'espace de quarante jours apres sa Resurrection, visitant ses disciples, leur faisant toucher ses [69] playes et mangeant avec eux.

  A009000238 

 Or, quand il dit: Mangez, mes bien-aymés, il veut dire meditez; car ne sçavez-vous pas que pour rendre la viande capable d'estre avalée il la faut premierement mascher et amenuiser, et la jetter tantost d'un costé de la bouche et tantost de l'autre? Ainsy faut il que nous fassions des mysteres de Nostre Seigneur: il faut que nous les maschions et roulions plusieurs fois dans nostre entendement, premier que d'eschauffer nostre volonté et passer à la contemplation.

  A009000240 

 Il est vray que de dire à Dieu: Vous estes «mon tout,» et vouloir quelque autre chose que luy, ce ne seroit pas bien, parce qu'il faut que les paroles soyent conformes aux sentimens du cœur.

  A009000240 

 Vous me dites que vous n'avez pas le temps de faire deux ou trois heures d'oraison; qui vous en parle? Recommandez-vous à Dieu dès le matin, protestez que vous ne le voulez point offenser, et puis vous en allez à vos affaires, resolue de faire neanmoins plusieurs eslevations de vostre esprit en Dieu, voire emmi les compagnies.

  A009000241 

 Les saints Peres qui vivoyent au desert, ces anciens et vrays Religieux, estoyent si soigneux de faire ces oraisons et eslancemens, que saint Hierosme raconte que quand on alloit les visiter on entendoit l'un qui disoit: Vous estes, o mon Dieu, tout ce que je desire; l'autre: Quand seray-je tout vostre, o mon Dieu? et l'autre repetoit: Deus in adjutorium meum intende.

  A009000242 

 Quand un mari et une femme ont des affaires en leur mesnage qui les contraignent de se separer, s'il arrive [71] par hasard qu'ils se rencontrent, ils se regardent un peu en passant, mais ce n'est que d'un œil, parce que, se rencontrant de costé, l'on ne peut pas bonnement le faire des deux.

  A009000243 

 O que nous serons heureux si nous parvenons jamais au Ciel; car nous y mediterons, regardant et considerant toutes les œuvres de Dieu par le menu, et nous les trouverons toutes bonnes; nous contemplerons, les voyant toutes ensemble tres bonnes, et nous nous eslancerons eternellement en luy.

  A009000248 

 Je remarque que l'Evangile raconte les imperfections et pechés de ce bienheureux Saint, et l'une de ses plus grandes tares, qui est, comme l'on tient, son ambition et presomption, au lieu de raconter ses perfections, vertus et excellences; au lieu de le louer et exalter, il semble qu'il le blasme et vitupere.

  A009000248 

 Les personnes du monde lors qu'elles veulent louer quelqu'un qu'elles ayment, racontent tousjours ses vertus, perfections et excellences, tous les tiltres et qualités qui le rendent honnorable, et cachent, couvrent et ensevelissent ses péchés et imperfections, mettant en oubli ce qui le peut rendre abject et vil.

  A009000248 

 Mais nostre Mere l'Eglise, Espouse de Jesus Christ, fait tout au contraire; car bien qu'elle ayme uniquement ses enfans, neanmoins lors qu'elle les veut louer et exalter, elle raconte exactement les pechés qu'ils ont commis avant leur conversion, à fin de magnifier la majesté de Celuy qui les a sanctifiés pour sa plus grande gloire et honneur, [73] faisant reluire sa misericorde infinie avec laquelle il les a relevés de leurs miseres et pechés, les comblant de tant de graces et de son saint amour..

  A009000249 

 Certes, cette bonne Mere ne veut pas que nous nous estonnions et mettions en peine de ce que nous avons esté, des grans pechés que nous avons commis autrefois, ni de nos miseres presentes; o non, pourveu que nous ayons maintenant une resolution ferme et inviolable d'estre tout à Dieu et d'embrasser à bon escient la perfection et tous les moyens qui nous peuvent faire avancer en l'amour sacré, faisant que cette resolution soit efficace et produise des œuvres.

  A009000249 

 Non certes, nos miseres et nos foiblesses, pour grandes qu'elles soyent et ayent esté, ne nous doivent pas descourager, mais nous doivent faire abaisser et nous jetter entre les bras de la misericorde divine, laquelle sera d'autant plus glorifiée en nous que nos miseres seront plus grandes, si nous venons à nous en relever; ce que nous devons esperer de faire moyennant sa sainte grace..

  A009000250 

 Et il dit encores, [74] ce glorieux Saint: Qui est malade avec lequel je ne sois malade? qui est triste avec lequel je ne sois triste? qui est joyeux avec lequel je ne me resjouisse? qui est scandalisé avec lequel je ne sois bruslé? Certes, les anciens qui escrivoyent les vies des Saints estoyent tres exacts à rechercher leurs defauts et pechés, les racontant et declarant à fin d'exalter et magnifier Nostre Seigneur qui estoit glorifié en eux, les ayant relevés de leurs miseres, convertis et faits des grans Saints..

  A009000250 

 Le grand saint Chrysostome parlant de saint Paul le loue le plus pertinemment qu'il se peut, et avec tant d'honneur et d'estime que c'est chose admirable de voir comme il raconte ses vertus, perfections, excellences, les prerogatives et graces desquelles Dieu l'a orné et enrichi.

  A009000250 

 Mais apres tout cecy, ce mesme Saint, pour faire voir que ces dons ne venoyent pas de luy, mais de la bonté infinie de la divine Majesté qui l'avoit fait ce qu'il estoit, il parle de ses defauts et raconte exactement ses pechés et imperfections, disant: Voyez-vous ce petit bossu et contrefait (car il estoit petit de stature comme de mauvaise mine), comme Dieu en a fait un vaisseau d'election; ce grand pecheur et grand persecuteur des Chrestiens, comme il l'a rendu de loup aigneau; ce chagrin, cet opiniastre, cet orgueilleux et ambitieux, comme il l'a comblé et rempli de tant de graces et benedictions, le rendant si humble et charitable qu'il dit de soy qu'il est le moindre et le plus petit des Apostres et le plus grand des pecheurs, et qu'il se fait tout à tous pour les gagner tous.

  A009000251 

 Il est vray qu'il les aymoit grandement, specialement saint Jean, son bien-aymé Disciple, qui estoit le cœur le plus aymable que l'on peust s'imaginer.

  A009000251 

 Il est à croire qu'ils concerterent eux deux comme ils feroyent pour parvenir en cette dignité; ils ne vouloyent pas la demander, o non, car les ambitieux, de peur d'estre estimés tels, n'ont garde de demander eux mesmes l'honneur.

  A009000252 

 Il s'en trouve fort peu, voire mesme entre les plus spirituels, qui regardent purement Dieu sans rechercher leur propre contentement, ne desirant que le contenter et non se contenter soy mesme..

  A009000254 

 Ouy, car nostre jugement veut gaigner par dessus tous les autres et ne se veut point sousmettre, ni nostre propre volonté non plus.

  A009000255 

 Si elle est au Ciel on l'en met dehors, car les Anges en furent chassés parce qu'ils avoyent une propre volonté et vouloyent estre semblables à Dieu; pour cela ils tresbucherent aux enfers.

  A009000256 

 Ils ne sçavoyent ce qu'ils demandoyent, de vray, puisqu'au Ciel il n'y a point de gauche, car c'est là où sont les damnés qui sont privés de la presence de Dieu; il n'y a que la dextre où sont les Bienheureux qui jouissent et jouiront eternellement de l'Essence divine qui les comblera de toute sorte de contentement et felicité.

  A009000256 

 O non certes, car ne sçavez-vous pas, mes cheres ames, que tout nostre bien et bonheur depend d'estre entierement abandonné à la Providence divine, ne cherchant que son bon playsir, estant parfaitement sousmis à sa tres sainte volonté, [77] nous resjouissant de la voir accomplir en nous et en toutes creatures, quoy que ce soit avec des afflictions et des souffrances? Nous avons quelquefois affection et inclination à prattiquer les vertus qui sont selon nostre volonté.

  A009000256 

 Par exemple, une personne qui sera malade, si nous luy disons: Mon enfant, ne sçavez-vous pas bien que les peines et souffrances prises avec patience et sousmission au vouloir divin sont uniquement aggreables à sa Majesté? Ouy, vous respondra-t-elle, mais je voudrois estre au chœur pour prier Dieu comme les autres, je voudrois faire des penitences et mortifications et les actions de vertu comme eux, avec ferveur et sentiment.

  A009000260 

 Nous pouvons estre martyrs et le boire, non en deux et trois jours mais toute nostre vie, nous mortifiant continuellement, comme font et doivent faire les Religieux et Religieuses que Dieu a appellés en la Religion pour porter sa croix et estre crucifiés avec luy.

  A009000260 

 O que ces faveurs sont grandes! Que nous devons estimer à grand bonheur de porter la croix et estre crucifiés avec nostre doux Sauveur! Les Martyrs beuvoyent tout d'un coup ce calice, les uns en une heure, les autres en deux et trois jours, d'autres en un moys.

  A009000261 

 Nostre Seigneur estant sur l'arbre de la croix, il dit avant que de rendre l'esprit ces paroles, mais d'une voix haute, esclattante et ferme: Mon Pere, je recommande mon esprit entre vos mains, et rendit son esprit tout incontinent en les prononçant; l'on ne pouvoit croire qu'il fust mort, l'ayant ouy parler tout à l'heure d'une voix si forte qu'il ne sembloit pas qu'il [79] deust si tost mourir; de sorte que le capitaine des soldats vint pour sçavoir s'il estoit vrayement trespassé, et voyant qu'il l'estoit, il commanda qu'on luy donnast un coup de lance au costé; ce que l'on fit, et donna-t-on droit contre son cœur.

  A009000262 

 Certes, les ames devotes ne doivent point avoir d'autre cœur que celuy de Dieu, point d'autre esprit que le sien, point d'autre volonté que la sienne, point d'autres affections que les siennes ni d'autres desirs que les siens, en somme elles doivent estre toutes à luy..

  A009000262 

 La premiere est à fin qu'on vist les pensées de son cœur, qui estoyent des pensées d'amour et de dilection pour nous, ses bien aymés enfans et cheres creatures, qu'il a creées a son image et semblance, à fin que nous vissions combien il desire de nous donner de graces et benedictions, et son cœur mesme, comme il fit à sainte Catherine de Sienne.

  A009000264 

 La premiere, pour ce que l'on auroit horreur de descouvrir dans les cœurs des meschans et grans pecheurs des choses si sales, horribles et tant de miseres; car sainte Catherine, qui avoit receu ce don de Dieu, de [80] penetrer les consciences et connoistre les pechés les plus secrets, en avoit une si grande horreur, qu'il failloit qu'elle se destournast pour s'empescher de les voir.

  A009000264 

 Vous me demanderez peut estre les raysons pour lesquelles nos cœurs à nous autres sont si cachés qu'on ne les voit point.

  A009000267 

 Bienheureuses sont donques les ames qui boivent le calice avec Nostre Seigneur, qui se mortifient, portent la croix et souffrent amoureusement pour son amour, et qui reçoivent egalement de sa main toutes sortes d'evenemens.

  A009000268 

 Je le sçay qu'il y en a plusieurs qui le desirent, et demandent à Dieu les peines et afflictions, le priant qu'il les fasse souffrir; mais c'est avec cette condition qu'il les visite et console souvent en leur souffrance, qu'il leur tesmoigne qu'il l'a aggreable, qu'il se plaist de les voir souffrir, et [82] qu'il les en recompensera bien d'une gloire immortelle.

  A009000274 

 L'on a tousjours fait de grandes solemnités à la reception des ames qui se sont consacrées à Dieu pour le servir en Religion; mais je remarque que l'on en a tousjours fait davantage pour celle des filles que non pas pour celle des hommes; et pour moy je crois que c'est parce qu'estant d'un sexe plus fragile, l'on doit d'autant plus admirer et solemniser la force qu'elles ont à se desprendre de toutes les choses de la terre.

  A009000275 

 C'est au Saint Esprit à qui nous en devons rendre la gloire, d'autant qu'il se plaist à choisir les choses les plus foibles et viles pour manifester sa grandeur et son incomprehensible bonté..

  A009000275 

 Mais à fin que les uns et les autres ayent occasion de s'humilier, il faut que nous reconnoissions que nostre force et nostre courage ne vient pas de nous, car le grand Apostre saint Paul dit que toute nostre suffisance vient du Ciel.

  A009000276 

 Chose fort admirable que la diversité des attraits du Saint Esprit! L'Espouse, au Cantique des Cantiques, dit à son divin Espoux: Ton nom, o mon Bien-Aymé, est comme un huile et un baume respandu; il donne une si bonne odeur par toute la terre, que les jeunes filles t'ont desiré.

  A009000276 

 Mais que pensez-vous que soyent ces odeurs qui les attirent? O que cette divine amante, et nous aussi, avons bien rayson de nous estonner, car ces odeurs ne sont autre chose sinon les croix, les espines, les clous, la lance.

  A009000276 

 O Dieu, quelle merveille est celle-cy, que Nostre Seigneur se fasse desirer et attire les ames à sa suite par le moyen de tout ce qui est si rude et si affreux au sens humain!.

  A009000277 

 Vous viviez en l'esperance d'avoir des biens que les anciens philosophes ont voulu appeller de fortune, à sçavoir les richesses, les honneurs, les grandeurs, les preeminences; desormais il faut mourir à cela.

  A009000277 

 Voyez-vous, nous n'avons point accoustumé de tromper les filles qui se presentent pour estre receues dans les Religions; car nous leur disons qu'elles meurent en y entrant, et qu'il ne faudra plus qu'elles vivent à tout ce à quoy elles ont vescu au monde.

  A009000278 

 Et pourquoy tout cela? C'est peut estre pour patir, et par ce moyen sauver les hommes; ou, par adventure, l'ay-je fait par mon choix? O non, pardonnez-moy, la seule cause pour laquelle j'ay fait tout ce que j'ay fait, ç'a esté pour me sousmettre à la volonté de mon Pere qui estoit telle.

  A009000278 

 Un jour le grand saint Basile considerant cecy, se demanda: Ne seroit-il pas possible de servir Dieu parfaitement faisant de grandes et rudes penitences et austerités, voire de grandes œuvres pour Nostre Seigneur, conservant sa propre volonté? Et soudain apres, il s'imagina que Nostre Seigneur et tres sacré Maistre luy respondoit: Je me suis vuidé de ma propre gloire, je suis descendu du Ciel, j'ay pris sur moy toutes les miseres humaines, et en fin finale je suis mort, et de la mort de la croix.

  A009000279 

 C'est orgueil de rechercher les charges, les preeminences, et au contraire ce serait temerité de les refuser lors qu'elles nous sont presentées par ceux qui ont du pouvoir sur nous..

  A009000279 

 Mieux vaudroit mesme estre eslevé en dignités contre nostre volonté (et il y aurait sans comparaison plus d'humilité à les accepter), que non pas de les refuser par nostre choix et eslection, nous en reconnoissant indignes.

  A009000280 

 Les habits que nous leur donnons font assez entendre tout cela, mais particulierement le voile que nous leur mettons dessus la teste, lequel leur monstre qu'elles ne se doivent plus servir de leurs sens ni de leurs puissances [87] pour aucune chose de la terre, ains que, comme des filles mortes, rien ne devra plus vivre en elles de tout ce qui y a vescu jusques à l'heure presente.

  A009000280 

 Vous aviez accoustumé de porter la veüe haute et les yeux tousjours ouverts pour regarder toutes choses; desormais il la faudra porter basse, n'ouvrant les yeux que pour la necessité et non point pour le service de la curiosité.

  A009000282 

 C'est un grand talent que celuy de vivre chrestiennement et en l'observance des commandemens de Dieu; neanmoins celuy qui en a receu deux, c'est à dire qui avec celuy cy a receu celuy de vouloir pretendre à la perfection de la vie chrestienne, est desja beaucoup plus favorisé; mais, o Dieu, combien grand est le bonheur de celuy qui a receu en outre les trois talens auxquels sont encloses toutes les perfections chrestiennes! Ce sont ces trois principaux conseils de Nostre Seigneur: l'obeissance, [88] la chasteté et la pauvreté; ce sont ces trois vœux effectuels qui nous unissent à Dieu (je dis effectuels, et non pas seulement voués).

  A009000282 

 Par ces trois vœux nous luy consacrons et dedions tout ce que nous avons: par celuy de pauvreté nous donnons nos biens et toutes les pretentions que nous avions d'en posseder; par celuy de chasteté nous donnons nostre corps, et par celuy d'obeissance nous donnons nostre ame avec toutes ses puissances..

  A009000287 

 Nostre Seigneur parlant les paroles de la vie eternelle, une femme s'esleva d'entre le peuple, disant: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succèes.

  A009000288 

 Les trois revelations estans confrontées, on visita le lieu, on remarqua la place, et lors on y bastit l'eglise qui y est encores aujourd'huy et que l'on nomme Sainte Marie Majeure..

  A009000288 

 Miracle certes tres grand au mois d'aoust et en la ville de Rome où les chaleurs sont si excessives.

  A009000289 

 Cette bonne femme s'estant escriée: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées, Nostre Seigneur respondant dit: Il est vray; comme qui diroit: Voire! mais bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent, c'est à sçavoir, qui la mettent en effect.

  A009000291 

 Et à fin que les distractions ne viennent se poser sur nostre cœur et troubler nostre repos, il nous faut faire ce que fit Salomon en son Temple: tout le couvert estoit d'or, mais redoutant que les oyseaux ne le salissent venant à se nicher et reposer dessus, il le fit garnir de pointes, moyennant lesquelles le toit ne pouvoit estre endommagé.

  A009000293 

 Que veut-il signifier ce divin Amant, sinon que Nostre Dame a porté tous les Chrestiens en son sein? Et si bien elle ne produit que ce grain duquel il est escrit que s'il n'est jettè en la terre il demeurera seul, et s'il y est jetté et couvert il germera et en produira plusieurs, à qui est ce, je vous prie, doit-on attribuer la production de ces autres grains, sinon à celle qui a produit le premier, Nostre Seigneur estant Fils naturel de Nostre Dame? Bien qu'elle n'ait porté que luy en effect clans son sein, elle a pourtant porté tous les Chrestiens en la personne de son divin Fils, car ce beni grain nous a tous produits par sa mort; de mesme la datte estant plantée produit la palme de laquelle viennent par apres quantité d'autres dattes; et pourquoy ne dira-t-on pas que ces dattes appartiennent à la premiere dont la palme est sortie?.

  A009000294 

 Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succèes.

  A009000294 

 Il a, nostre tres cher Maistre, des mammelles tres douces et tres delectables, comme nous le tesmoigne sa divine Espouse, disant: O mon Bien-Aymé, que tes mammelles sont douces! Elles sont meilleures que le vin de tous les contentemens de ce monde.

  A009000294 

 Nous avons tous esté nourris de ces sacrées mammelles, car Nostre Seigneur en ayant tiré sa nourriture et les ayant succées, nous a par apres nourris des siennes.

  A009000295 

 Dieu est jaloux de nostre amour, c'est pourquoy il va jettant ses inspirations sur des ames qu'il separe d'entre les autres, lesquelles par une puissante resolution se viennent consacrer et dedier leur cœur avec toutes ses affections, leur corps et leurs biens à son honneur et gloire, choisissant l'estat de la Religion pour y vivre avec plus de perfection et moins de danger de se perdre et divertir de leur sainte resolution..

  A009000296 

 Ainsy ces benites ames ne veulent pas [94] seulement se tourner et abandonner à Dieu à demi, mais tout entieres; elles mesmes et tout ce qui en depend: les feuilles des vaines esperances que le monde donne, la fleur de leur pureté et les fruits de tout ce qu'elles feront et possederont à jamais..

  A009000296 

 Ces ames donques qui sont si genereuses que de se venir toutes abandonner à Dieu sans aucune reserve, se jettant sous les loys de la Religion et se liant si estroittement que jamais plus elles ne s'en peuvent desprendre, font non seulement comme toutes les fleurs jaunes qui se vont tousjours tournant du costé du soleil, mais aussi comme celle qu'on appelle tourne-soleil, laquelle ne se contente pas de tourner sa fleur, ses feuilles et sa tige contre iceluy, ains encores, par une secrette merveille, tourne aussi sa racine qui est dessous terre.

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000298 

 Je laisse tout plein d'autres proprietés, comme seroit de dire qu'elle ne tombe jamais dessus la mer, au moins dessus la haute mer; et je pourrois adjouster que de mesme la sacrée et particuliere inspiration de se donner à Dieu sans reserve ne tombe point sur les ames qui voguent sur la haute mer de ce miserable monde et qui y sont eslevées sur les plus hautes dignités.

  A009000298 

 Je sçay bien qu'il s'en est trouvé, comme [95] sainte Magdeleine, saint Matthieu et les autres; de mesme un saint Louys, une sainte Elizabeth; mais tous ceux-là sont rares, et partant nous pouvons bien dire que si cette bienheureuse inspiration y tombe, c'est tres rarement..

  A009000298 

 Nostre Seigneur pouvoit bien faire tomber de la manne comme il fit anciennement au desert pour les Israëlites, ou bien couvrir des plus belles fleurs cette place qu'il avoit choisie; mais il ne le voulut pas, d'autant qu'ès qualités de la neige se peuvent retrouver les conditions necessaires aux ames qu'il a esleües pour estre plus specialement siennes en la Religion.

  A009000300 

 Bienheureuses donc sont telles ames [96] qui renoncent absolument à tous les delices et playsirs de la chair qui nous sont communs avec les bestes, pour jouir de ceux de l'esprit qui nous rendent semblables aux Anges..

  A009000300 

 C'est en effect une certaine liqueur de misericorde qui retire le pecheur de son iniquité et la luy pardonne; mais l'autre de ses mammelles dont il nourrit les parfaits et les perfectionne tousjours davantage, jette une liqueur plus douce que le miel et plus suave que le nectar et l'ambroisie; elle est toute sucrée.

  A009000300 

 Comme s'il vouloit dire que nul ne jouira des cheres caresses ni des delicieux playsirs de Nostre Seigneur, que ceux qui renonceront à tous les vains playsirs de la chair et du monde, puisqu'on ne sçauroit posseder les uns et les autres tout ensemble.

  A009000300 

 Or, les ames divinement appellées à l'estat de Religion sont rendues blanches comme la neige, car par le vœu de chasteté elles renoncent à tous les playsirs de la chair, tant licites que illicites; et par apres leur viennent en contreschange les playsirs et contentemens de l'esprit.

  A009000301 

 Et tout ainsy qu'elles ont renoncé à tous les playsirs de la chair, de mesme renoncent-elles sans reserve au playsir qu'elles avoyent accoustumé de prendre dans le monde, en suivant le mouvement de la propre volonté en tout ce qu'elles faisoyent.

  A009000301 

 O qu'elle est obeissante la neige! Telles sont les ames qui se dedient au Seigneur, car elles sont souples et se sousmettent absolument sous la discretion et conduite de ceux qui commandent, sans se laisser plus maistriser par leur propre volonté ni jugement.

  A009000302 

 La vocation religieuse est une vocation feconde, d'autant qu'elle rend les actions les plus indifferentes, fertiles et tres meritoires.

  A009000302 

 Les paysans et ceux qui labourent la terre asseurent que lors qu'il tombe mediocrement de la neige en hiver, la prise en sera plus belle l'année suivante, d'autant qu'elle empesche la terre des grandes gelées.

  A009000303 

 De mesme, ils ne vont point dormir parce qu'ils ont sommeil ni parce qu'il faut dormir pour rendre le corps plus vigoureux, car si le temps n'en est venu et la cloche, qui est le signe de l'obeissance, ne les y fait aller, ils n'iront point.

  A009000303 

 Ils auroyent beau avoir appetit, qu'ils n'iroyent pas manger si la cloche ne les y appelloit; ils ne vont donques pas manger pour satisfaire à leur appetit, mais ils vont manger pour obeir.

  A009000303 

 Or, ceux qui sont en la Religion font toutes ces actions bien plus particulierement au nom de Dieu, d'autant qu'ils les font toutes par obeissance.

  A009000311 

 Ils presentent nos oraisons à la divine Bonté pour les faire exaucer; si nous sommes lasches ils excitent nostre cœur à l'amour de la vertu pour nous la faire embrasser, ils nous fortifient et nous obtiennent la force et le courage à fin que nous la pratiquions; si nous sommes tristes et en adversité ils sont aupres de nous pour nous resjouir et exhorter à la patience.

  A009000311 

 Nostre Seigneur veut et desire que nous honnorions les Anges, particulierement le glorieux saint Michel duquel nous celebrons aujourd'huy la feste; car il a donné ce Prince de la milice celeste pour special protecteur à son Eglise.

  A009000312 

 Or, puisque nous avons tant d'obligations à tous ces Esprits celestes pour les grans bienfaits que nous recevons d'eux et les bons offices qu'ils nous rendent en nous obtenant tant de graces de la divine Bonté, voyons maintenant que nous pourrions faire pour leur estre aggreables, pour les consoler et resjouir en reconnoissance de tant de faveurs..

  A009000313 

 Sa Bonté desire que nous nous rendions parfaits et signalés en cette vertu à son imitation, nous l'ayant singulierement recommandée, disant que nous apprenions de luy «non à former la machine du monde, [101] à ressusciter les morts et à faire des miracles» (nous en pourrions faire sans luy estre aggreables, comme nous luy pouvons estre aggreables sans faire ces prodiges et grandes choses); «mais il a dit que nous apprinssions de luy à estre doux et humbles de cœur.» Donc, cette resolution forte doit estre le pain universel que nous devons manger avec toutes sortes de viandes, s'entend que nous devons avoir en toutes nos actions; et par le moyen d'icelle il nous faut demeurer fermes et stables en nos exercices et en tout ce que nous entreprenons pour la gloire de sa divine Majesté..

  A009000314 

 Encores que les oyseaux viennent souvent en la terre et y demeurent, on ne laisse pas de les appeller oyseaux du ciel; ainsy, ces personnes religieuses, quoy qu'elles soyent en la terre elles n'y ont point leur cœur, car elles le lancent si souvent du costé du Ciel et ont leurs desirs, affections et pensées tellement tournés vers Dieu, ne visant qu'à luy complaire, que ce ne sont plus des poissons, mais des oyseaux du Ciel.

  A009000314 

 Nous sommes tous des poissons regenerés par l'eau baptismale, car nous voguons tous dans la mer de ce monde; mais, mon Dieu, il y en a qui sont bien heureux! Ce sont ceux que la divine Bonté retire du monde, les faisant devenir de poissons, oyseaux, et les mettant en la Religion comme dans une cage.

  A009000315 

 Les personnes du monde ne sont point en un estat stable, car pour grande que soit la dignité en laquelle elles se trouvent eslevées, elles en peuvent descheoir; mais les ecclesiastiques et Religieux sont en un estat stable, parce que, par le moyen des vœux qu'ils font, ils se lient estroittement à Dieu, en sorte qu'ils ne peuvent plus demordre de leur resolution.

  A009000316 

 Les bigearres ce sont des personnes qui n'ont point de stabilité et fermeté en leurs resolutions, qui ne font autre chose que varier et faire divers desseins, sans les effectuer avec la maturité et consideration convenables; c'est pourquoy elles changent à tous propos sans s'arrester à rien.

  A009000317 

 Ils firent alors les vœux, se liant estroittement à luy pour le servir à jamais; et la resolution des Esprits angeliques, cuite sous la cendre de l'humilité, les a faits ce qu'ils sont et rendus eternellement heureux..

  A009000317 

 Ils se nourrissent donques de la resolution qu'ils ont de servir Dieu, et sa volonté est leur viande; car le Seigneur les ayant creés, il leur monstra en un instant le bien et le mal, pour qu'ils eussent à choisir l'un ou l'autre.

  A009000319 

 Mais quand il ne les donne pas il ne faut pas que nous manquions de fidelité à sa douce bonté, car nous devons vivre selon la rayson et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en prattique pour quelque secheresse et repugnance que nous ayons, ni pour aucune contradiction qui se presente.

  A009000319 

 Non, je ne dis pas qu'il faille avoir des grans sentimens et consolations; neanmoins quand Dieu les nous donne nous sommes bien obligés d'en faire nostre proffit et correspondre à son amour.

  A009000320 

 Mais nous ne les pouvons pas imiter en cela; ce qu'ils ont fait en un moment, il faut que nous taschions de le faire en toute nostre vie..

  A009000321 

 De mesme, ces filles qui viennent en Religion pour monter la montaigne de la perfection, se despouillent et posent leurs habits mondains, c'est à dire leurs mauvaises habitudes, leur propre volonté et les affections qui les peuvent esloigner de Dieu.

  A009000321 

 Si vous leur demandez pourquoy, elles diront que c'est à fin de s'unir plus promptement à la divine Bonté et monter plus legerement à la perfection de son amour, car c'est une montaigne difficile que celle cy, parce que c'est la montaigne de Calvaire, de croix et d'afflictions; neanmoins elle est suave, douce et aggreable pour les ames genereuses et fortes.

  A009000322 

 Ils sont autour d'eux pour les garder et preserver de tout danger, et se plaisent à les servir, les regardant comme des estres creés pour le Ciel et pour participer à leur felicité..

  A009000322 

 Le beurre et le miel que nous devons donner aux Esprits bienheureux c'est une grande douceur, support du prochain et affabilité, en quoy nous les devons imiter; car il n'y a rien de si doux, de si gracieux et affable qu'un Ange.

  A009000323 

 Ils leur doivent donner du lait lors qu'elles sont encores foibles et tendres en la devotion; et à mesure qu'elles vont croissant et qu'elles sont plus fortes, ils leur doivent presenter du pain, c'est à dire leur aggrandir le courage pour les faire croistre et avancer en la perfection de l'amour divin et aux vrayes et solides [107] vertus, les y excitant plus par leurs exemples que par leurs paroles..

  A009000323 

 L'on n'a pas accoustumé de nourrir les petits enfans d'autre chose que de lait, et quand ils deviennent grans et commencent à avoir des dents on leur donne du pain et du beurre; car on ne leur baille pas le beurre tout seul, on attend qu'ils puissent manger du pain pour leur en mettre dessus.

  A009000323 

 Les Superieurs et ceux qui sont eslevés à la conduite des ames doivent particulierement imiter les Anges en cette douceur et support du prochain, les conduisant, eslevant et traittant avec une grande charité selon la capacité de leur esprit, pour les gaigner à Nostre Seigneur et les faire croistre en des vertus vrayes et solides.

  A009000324 

 Il faut prendre garde de traitter ces ames doucement, de peur qu'elles ne mordent, car elles ont des dents; elles ont leurs passions si fortes que quand on les contrarie elles regimbent..

  A009000325 

 Je voudrois que ceux qui en parlent et les preschent s'estudiassent à les prattiquer et non pas seulement à les expliquer..

  A009000325 

 Mais, mon Dieu, qui n'admirera l'humilité des Esprits angeliques en les voyant abaissés en des offices si vils que de servir les hommes, non seulement ceux qui ont l'usage de rayson et qui sont capables de correspondre à leurs inspirations, mais encores les petits enfans? O qu'ils ont bien compris la leçon de leur Maistre: Apprenez de moy que je suis doux, debonnaire et humble de cœur.

  A009000325 

 Nous voulons qu'on regarde en nous tout ce qui est excellent, les qualités, offices et charges auxquelles nous sommes eslevés, que l'on nous estime pour cela, quoy que vrayement nous n'en soyons pas plus à estimer ni plus grans devant Dieu; et nous voulons au contraire qu'on ignore nostre vileté et qu'on ne regarde jamais nostre misere, nos defauts et imperfections.

  A009000326 

 Ceux qui sont eslevés en l'estat de prestrise ont une grande grace et sont bien heureux de manier et toucher le precieux corps de Celuy que les Anges voyent et que neanmoins ils ne touchent pas comme eux.

  A009000326 

 Ils ont aussi le pouvoir de remettre les pechés; ce sont les tresoriers de l'Eglise et dispensateurs des tresors que la divine Bonté y a laissés, à sçavoir des Sacremens qui nous conferent la grace..

  A009000327 

 L'Ange regarda aussi saint Jean comme estant creé à l'image et semblance du Fils de Dieu; car despuis que ce divin Sauveur de nos ames se vestit de nostre humanité il a tant honnoré les hommes! Avant l'Incarnation du Verbe eternel, Abraham et d'autres Prophetes adoroyent les Anges, et ceux cy le leur permettoyent; mais despuis, ils portent tant de respect aux hommes qu'ils ne le veulent pas souffrir.

  A009000327 

 Le vray humble en fait de mesme: il ne regarde jamais en soy ce qui est excellent, ni les dignités, grandeurs et charges auxquelles il est eslevé; il ne veut point qu'on fasse estat de luy pour toutes ces choses ni qu'on l'en estime davantage; il ignore tout cela par une sainte humilité, et ne considere sinon ce qui est en luy de vil, d'abject, de pauvre et de miserable..

  A009000328 

 Bienheureuses donques sont les ames humbles d'une [109] humilité vraye; car, tant de reverences qu'il vous plaira, tant de paroles d'humilité que vous voudrez, tout cela est peu de chose si vous n'avez au cœur l'humilité vraye et sincere, qui vous fasse connoistre vostre vileté, vos miseres, defauts et imperfections, vous reconnoissant la plus miserable de toutes les creatures et vous sousmettant de bon cœur à toutes pour l'amour de Nostre Seigneur.

  A009000328 

 Si vous distribuez tout vostre bien aux pauvres, si vous me dites que vous travaillez beaucoup pour la gloire de Dieu et pour convertir les ames à luy, et que vous donnez vostre vie et vostre corps pour estre bruslé, je vous diray que tout cela n'est rien si vous n'avez la charité.

  A009000329 

 C'est un mets tres aggreable et delicieux que nous donnerons à ces Esprits celestes qui seront fort resjouis de voir que nous les imitons en cette vertu de douceur et affabilité..

  A009000330 

 Cela nous represente que nous devons faire toutes nos actions, soit de boire, manger, travailler, marcher et parler, à l'abri de l'arbre de la Croix et en presence des Anges, ayant tousjours devant les yeux le divin Sauveur crucifié, pour nous mirer en luy et nous conformer à sa vie, nous moulant sur ce divin portrait, l'imitant au plus pres qu'il nous sera possible selon nostre petit pouvoir.

  A009000331 

 Imitons-les autant qu'il nous sera possible en leur resolution cuite sous la cendre de l'humilité et en leur stabilité au service de Dieu, en la pureté de l'amour divin et denuement de tout amour propre, en leur douceur, affabilité, charité et support du prochain.

  A009000331 

 Servons-les et les honnorons; correspondons fidellement à leurs inspirations, les consolant et resjouissant par l'amendement de nostre vie et l'avancement de nos ames en la dilection et pureté de l'amour divin.

  A009000331 

 Soyons grandement devots à nos bons Anges et à tous les Esprits angeliques, specialement au glorieux saint Michel.

  A009000346 

 Ce sont, mes cheres Sœurs, les parolles desquelles saint Paul se servoit en escrivant aux Corinthiens pour les exciter à se desprendre des choses basses et transitoires, à se desvelopper des biens caducs et terriens, à se desgager des affections de cette mortalité, à relever leurs cœurs en haut et à penser aux biens perdurables et eternels.

  A009000346 

 Et moy, ayant à vous parler en cette solemnité des Saints, j'ay pensé me servir des mesmes parolles de ce grand Apostre et de les vous addresser, pour vous exciter par icelles à rehausser vos cœurs et vos pensées à la consideration de la gloire et felicité eternelle que Dieu a preparée à ceux qui le craignent et ayment [112] en cette vie, et pour vous inciter par ce discours à mespriser et retirer vos affections de toutes les choses creées, puisque, comme l'escrit saint Jean en son Apocalypse, le ciel et la terre passeront, c'est à sçavoir que tout ce qui est ça bas prendra fin..

  A009000347 

 Il y avoit des couches battues d'or et d'argent; les musiques les plus belles et accomplies des instrumens et accords les plus harmonieux; les parterres les plus artificieux et diaprés d'une varieté innombrable de fleurs.

  A009000347 

 Le lieu où se faisoit ce festin estoit le plus beau et magnifique: les piliers estoyent d e marbre, le pavé d'esmeraudes, les tapisseries toutes rehaussées de soye, de fil d'or et d'argent, le plancher tout azuré.

  A009000347 

 Les invités estoyent les plus grans princes de cette contrée, et le festin dura cent et quatre vingts jours avec toute cette grande magnificence.

  A009000347 

 Là il est raconté que le roy Assuerus fit un festin le plus admirable qui se puisse voir et entendre, car toutes les conditions requises et qui se peuvent souhaitter en un banquet pour le rendre insigne et remarquable se trouverent en iceluy.

  A009000347 

 Quant aux viandes, elles estoyent des plus excellentes; les vins, les plus exquis et delicieux qui se peussent trouver.

  A009000348 

 Celuy qui le fait est Dieu mesme, qui surpasse en grandeur et dignité tout ce qui est et peut estre, et cette personne royale et divine assiste au festin, mais qui plus est, il est luy mesme la viande qui repaist et rassasie les conviés et esleus par les admirables communications qu'il fait de soy mesme.

  A009000348 

 De parler de la beauté du lieu où se fait le festin c'est impossible; mais pour les autres choses qui s'y retrouvent nous les expliquerons par le menu et dirons un mot sur chacune de ses circonstances et conditions, si Dieu nous fait la grace de nous en souvenir..

  A009000348 

 En ce festin de l'Aigneau sans macule, comme dit saint Jean, se rencontre tout ce que nous avons remarqué en celuy d'Assuerus; mais en une façon beaucoup plus excellente, parce qu'en iceluy sont jointes ensemblement toutes les conditions requises pour rendre un banquet magnifique et du tout admirable.

  A009000348 

 Les assistans et personnes qui servent ce sont les Anges, Archanges et autres Esprits celestes que Dieu a nommés et destinés à ce service.

  A009000349 

 Et pour commencer par la chose principale, Dieu qui fait ce festin se trouve en iceluy et il est luy mesme la viande qui rassasie ceux qui y sont conviés; car là est l'Aigneau, dit saint Jean, qui oste le peché du monde; c'est cet Aigneau de Hieremie, qui a esté occis pour les pechés du monde, c'est luy qui les a effacés et remis et qui s'est fait la nourriture de ses esleus.

  A009000349 

 Mais outre cette gloire essentielle il y en a encores une accidentelle, qui est celle que les Bienheureux reçoivent par accident, comme les damnés, outre la peine du dam, en ont encores une autre que l'on appelle du sens..

  A009000349 

 Or, c'est une chose toute claire et hors de doute et de controverse que la felicité des Bienheureux, ainsy que les theologiens enseignent, consiste en la vision de Dieu, comme au contraire la peine des damnés qu'on appelle du dam, consiste en la privation de cette claire vision.

  A009000351 

 Quant à la premiere chose qui fait la gloire essentielle des Saints, qui est la Divinité, il ne se peut rien voir ni rien ne peut estre de plus grand, Dieu estant, comme disent les theologiens, un Estre par dessus tout estre, un acte tres pur et tres simple.

  A009000351 

 Tous les theologiens sont d'accord en cecy et n'y a point sujet d'aucune dispute, cela estant tout clair..

  A009000353 

 La troisiesme chose est la gloire, gloire la plus grande qui se puisse creer, puisqu'elle a pour objet Dieu mesme, qui est une clarté et lumiere increée par laquelle on voit toutes les autres lumieres, lesquelles sortent de celle cy comme de leur source et origine sans la pouvoir tant soit peu interesser.

  A009000354 

 C'est là qu'ils reçoivent la mesure pleine, et comble, et qui regorge de toutes parts, parce que la joye et liesse dont ils jouissent en cette gloire essentielle par la connoissance des plus profonds mysteres les rassasie tres parfaittement.

  A009000354 

 Or les Bienheureux jouissent de ces trois choses si grandes et eminentes.

  A009000355 

 Ce qui monstre que Dieu luy fit connoistre de ce divin mystere tout ce qui s'en peut connoistre en cette vie, si que cette verité demeura si fort gravée en son cœur et en son esprit, qu'il eut dès lors une [116] singuliere devotion au sacré mystere de l'adorable Trinité, se fondant de joye toutes les fois qu'il en avoit le souvenir.

  A009000355 

 Je lisois hier en la Vie du bienheureux Ignace, fondateur des Jesuites, que Dieu luy descouvrit un jour le mystere de l'ineffable et tres adorable Trinité, de laquelle vision il receut tant de clarté et de lumiere en son entendement qu'il en faisoit despuis des discours les plus relevés qui se puissent entendre; et demeura plusieurs jours à escrire ce qu'il avoit appris, remplissant divers cahiers des choses plus hautes et plus subtiles qui soyent en la theologie.

  A009000356 

 Quelle felicité et quelle joye de voir encores le fruit et l'utilité de l'usage des Sacremens, car c'est là où l'on conçoit comment la grace se communique par iceux selon la correspondance que l'on y apporte; comme les uns la reçoivent, les autres la rejettent, comme Dieu donne sa grace efficace aux uns, comme il la refuse à quelques autres sans leur faire tort.

  A009000356 

 Se peut-il penser avec quelle suavité les Bienheureux connoissent toutes ces choses?.

  A009000357 

 De qui sont ces paroles? Non d'autre que de Dieu mesme qui les dira au cœur de l'ame fidelle et bienheureuse, laquelle, par un amour reciproque, respondra ces [117] gracieuses et douces parolles del'Espouse: Mon Ami est tout à moy et je suis toute à luy; il est à cette heure tout mien, et je seray desormais toute sienne.

  A009000358 

 En cette gloire essentielle, l'entendement demeurera tout plein de clarté et de connoissance, tant de l'estre et grandeur de Dieu que de ce que le Sauveur a fait et souffert pour nous, des graces qu'il nous a communiquées, comme de tous les plus hauts et profonds mysteres de la tres sainte Trinité, de l'Incarnation et de tout ce qui concerne la divinité et humanité de Nostre Seigneur, ainsy que de ce qui regarde Nostre Dame..

  A009000358 

 En somme il leur descouvrira ses secrets jugemens et les voyes inscrutables qu'il a tenues pour les retirer du mal et pour les disposer à la grace.

  A009000358 

 Il les entretiendra du mystere de l'Incarnation, de la salvation et Redemption, leur disant: J'ay fait telle chose pour vous sauver et attirer à moy.

  A009000358 

 Je vous ay attendus tant de temps, allant apres vous quand vous faisiez les revesches, vous contraignant par une douce violence à recevoir ma grace.

  A009000359 

 Que si estant un jour en l'eglise de Chastillon sur Seine, meditant la sacrée Nativité de Nostre Seigneur, son entendement et toutes ses facultés furent tellement englouties en la contemplation d'icelle, et avec tant de consolation et admiration qu'il fut tout [118] absorbé, demeurant quelques jours sans se pouvoir desprendre ni retirer, quelque violence qu'il se peust faire, en quel abisme, je vous prie, l'entendement de l'homme se perdra-t-il en la claire veue non seulement de la Nativité du Sauveur, mais de tous les divins mysteres? La volonté sera alors en cette union inseparable avec son Dieu, sans que jamais elle puisse faire aucune resistance à icelle, ains accomplira tousjours sans aucune repugnance tout ce qui sera de son divin vouloir..

  A009000360 

 Je les rassasieray, dit Dieu, d' une manne celeste qui les assouvira, et outre cela je donneray à chacun une pierre blanche en laquelle il y aura escrit un nom que personne n'entendra que celuy qui le recevra.

  A009000360 

 Les puissances et facultés des Esprits bienheureux seront tellement rassasiées qu'ils ne pourront rien souhaitter davantage de ce qu'ils ont.

  A009000360 

 Mais quel sera le nom qui sera gravé en cette pierre? Certes, il n'y a point de doute que nous sommes comme des caracteres gravés en l'humanité du Sauveur: il nous a escrits en ses mains, car ces clous qui les percent nous ont gravés en icelles; et de mesme la lance nous a escrits en son cœur en luy ouvrant le costé..

  A009000361 

 Mais les Bienheureux possedent la felicité avec une plenitude de joye libre de toute crainte et apprehension, ils ne peuvent avoir aucune peur de perdre le bien dont ils jouissent, car ils sont asseurés que leur gloire sera eternelle et ne leur pourra jamais estre ostée..

  A009000363 

 Cette gloire accidentelle vient de plusieurs choses, mais specialement de la contemplation et claire vision de tous les habitans du Ciel; car vous sçavez que tous n'ont pas de la gloire esgalement, ains en degrés differens: les uns en ont plus que les autres, mais neanmoins tous sont contens et rassasiés.

  A009000363 

 Ceux qui en ont moins se resjouissent de ceux qui en ont davantage, car dans le Ciel la charité est en sa perfection, [120] il n'y a point d'envie ni de jalousie, ains elle s'esjouit de la gloire de ces bienheureux citadins, et par cette douce participation et communication qu'ils ont de la felicité les uns des autres, tous demeurent satisfaits.

  A009000364 

 Si vous les regardez, ils sont tous deux vestus de drap d'or et sont contens, d'autant qu'un chacun en a suffisamment pour son habillement; et quoy que le premier qui en a sept aunes en ayt plus que celuy qui n'en a que trois ou quatre, si est-ce que celuy cy ne luy en porte aucune envie, parce qu'il y a autant de drap en sa robbe qu'il luy en faut pour le couvrir.

  A009000366 

 Le soleil n'est pas esgalement regardé d'un chacun, et neanmoins tous se contentent de sa lumiere en recevant ce qu'ils en peuvent supporter; car celuy qui a les yeux chassieux ne peut recevoir les rayons du soleil avec la mesme clarté que fait celuy qui a la veue bien nette.

  A009000366 

 Toutefois, et les uns et les autres sont satisfaits, bien que le contentement des uns soit beaucoup plus excellent que celuy des autres..

  A009000367 

 Elle compare donques le Paradis à une grande salle, laquelle seroit toute pleine et environnée de beaux tableaux et de mirouers: or, adjouste-t-elle, quand on viendroit à se regarder dans l'un de ces mirouers on verrait celuy dans lequel on se regarde et on se verrait soy mesme, et avec cela on verrait avec un singulier playsir tous les tableaux et tous les mirouers de cette salle; mais ce qui est davantage, on y appercevroit aussi ce que les autres mirouers representent en leur particulier.

  A009000367 

 Et qu'est-ce ce mirouer où l'on voit tout ce que je vous ay dit, sinon l'essence de Dieu dans lequel on le contemple et connoist on luy mesme tel qu'il est? Dans cette mesme essence on se connoist soy mesme avec tout ce qu'on a receu, et en icelle on voit encores la gloire de tous les autres Saints, tous leurs merites, tout ce qu'ils ont fait et souffert et toutes les graces et faveurs qui leur ont esté octroyées.

  A009000367 

 On voit aussi toutes les choses creées: comme Dieu a fait le ciel, l'a orné du soleil et de la lune, l'a enrichi des estoilles et de tout ce qui se retrouve en iceluy; comme il fit la terre diaprée d'une si grande varieté de fleurs; en somme comme il crea toutes choses et la maniere avec laquelle il y proceda.

  A009000368 

 Ils [122] connoistront leurs penitences, leurs jeusnes, leurs veilles, leurs mortifications; en fin la perfection, sainteté et gloire de tous les Saints servira de gloire accidentelle à tous en general et à chacun en particulier..

  A009000368 

 Là les Bienheureux auront encores pour gloire accidentelle la claire vision des Cherubins et Seraphins, des Throsnes et Dominations, Vertus, Puissances, Principautés, Archanges et Anges, qui sont les neuf chœurs de ces Esprits celestes divisés en trois hierarchies, parmi lesquelles se trouveront les Saints.

  A009000369 

 Bref, pour comble de felicité, les Bienheureux seront semblables à Dieu, c'est à sçavoir par participation.

  A009000369 

 Et comme à cette heure nos ames sont enchassées, s'il faut ainsy parler, dans nos corps, qui les traisnent et les contraignent d'aller où ils vont, et semble, par maniere de dire, qu'elles participent en quelque chose à leur misere, aussi en cette reunion de l'ame glorieuse avec son corps, luy seront communiqués ces quatre dons et joyaux par lesquels elle le gouvernera et le menera où elle voudra, sans qu'il luy fasse jamais aucune resistance.

  A009000369 

 Il aura une telle subtilité qu'il ne sera empesché d'aucun obstacle, une agilité telle qu'il n'y aura trait d'arbalete qui aille si viste; et comme il sera plus subtil que le rayon du soleil, de mesme sera-t-il aussi agile que les mouvemens de l'esprit, et il ira plus viste que le vent.

  A009000369 

 Outre cela, nos corps seront glorieux apres la resurrection (je dis les nostres, avec cette presupposition que je fais tousjours, sçavoir, si Dieu nous fait la misericorde d'estre du nombre de ses esleus); ils auront, comme nos ames, les quatre dons de la gloire: la subtilité, l'agilité, l'impassibilité et la clarté.

  A009000370 

 Contentez vos entendemens à les considerer, mes cheres Sœurs, à fin que par les beautés et excellences que vous y descouvrirez vous veniez à les aymer et desirer.

  A009000370 

 Je vous pensois encores dire un mot sur toutes les autres circonstances qui se retrouvent au banquet de ce grand Assuerus, Nostre Seigneur; mais je voy que l'heure passe, c'est pourquoy je finis ce discours parce que je suis appellé autre part, et aussi parce qu'il ne faut pas abuser de vostre patience.

  A009000370 

 Retirez vos affections de toutes les choses creées et transitoires de cette vie, et vous appliquez soigneusement à faire ce qu'il faut pour les acquerir.

  A009000371 

 En fin travaillez avec fidelité en cette vie et perseverez jusques à la fin, à ce que vous puissiez estre congregées et unies avec les bienheureux Esprits en cette felicité eternelle, pour aymer et jouir de la divine Majesté pour toute eternité, qui est ce que je vous souhaitte de tout mon cœur.

  A009000371 

 Remplissez-la encores du souvenir de vos fautes et infidelités pour vous en humilier et amender, et des benefices que vous avez receus de Dieu pour l'en remercier; et si vous avez receu des graces, resouvenez vous-en pour les bien cultiver et conserver, vous disposant à l'augmentation et accroissement d'icelles.

  A009000371 

 «La mesure,» comme dit saint Bernard, «est de ne point avoir de mesure.» Remplissez vostre memoire de toutes ces choses et la contentez en Dieu, luy retranchant tous les souvenirs et images de ce qui n'est point Dieu, et la nourrissez de ces divins mysteres, tant de l'enfance du Sauveur que de tout le reste de sa vie, mort et passion.

  A009000377 

 Mais avec quelle ferveur d'esprit pensez-vous que cette bien heureuse Infante du Ciel desiroit de quitter la mayson de ses pere et mere, pour se plus absolument dedier et consacrer au service de son Espoux celeste qui l'attiroit et amorçoit par l'odeur de ses parfums, ainsy que le dit la Sulamite: O mon Bien-Aymé, ton nom est comme un baume ou huile respandu, c'est pour quoy les jeunes filles t'ont desiré et sont allées apres toy; ains tu n'es pas seulement parfumé, tu es le parfum mesme et le baume.

  A009000378 

 De plus, la Sainte Vierge et Nostre Seigneur son glorieux Fils, ayant eu l'usage de rayson dès le ventre de leur mere, furent par consequent doués de beaucoup de science; neanmoins ils la cacherent sous les loix d'un profond silence, car pouvant parler en naissant ils ne le voulurent pas faire, ains s'assujettirent à ne parler qu'en leur temps.

  A009000378 

 Et nous autres qui à peine avons l'usage de rayson à l'aage de quarante ans, tellement sommes-nous irraisonnables, pretendons faire les entendus et parler avant que sçavoir begayer; et à force de vouloir monstrer que nous sommes sçavans et sages, nous ne pouvons cacher nostre folie.

  A009000378 

 Le Sauveur s'estant revestu de nostre chair ne voulut point se departir des loix de l'enfance; partant il fit ses croissances et toutes ses petites actions comme les autres enfans, tout ainsy que s'il n'eust peu faire autrement.

  A009000379 

 Elle demeura comme un doux aignelet sur les flancs de sainte Anne l'espace de trois ans, apres lesquels elle fut sevrée et amenée au Temple pour y estre offerte comme Samuel, qui y fut conduit par sa mere et dedié au Seigneur en mesme aage..

  A009000379 

 Elle s'abstint de parler jusques à son temps, et encores alors ne le faisoit elle que comme les autres enfans de son aage, quoy qu'elle parlast tousjours fort à propos.

  A009000380 

 J'ay voulu dire cecy en passant à fin de vous bailler sujet de vous entretenir le reste de cette journée à considerer la suavité de ce voyage; à fin aussi de vous esmouvoir à escouter ce divin cantique que nostre glorieuse Princesse entonne si melodieusement, et ce avec les oreilles de vostre devotion, car le tres heureux saint Bernard dit que la devotion est l'oreille de l'ame..

  A009000380 

 Les bien heureux saint Joachim et sainte Anne chantoyent donques ce cantique au long du chemin, et nostre glorieuse Dame et Maistresse avec eux.

  A009000380 

 O Dieu, quelle melodie! o qu'elle l'entonna mille fois plus gracieusement que ne firent jamais les Anges; de quoy ils furent tellement estonnés, que troupe à troupe, ils venoyent pour escouter cette celeste harmonie et, les cieux ouverts, ils se penchoyent sur les balustres de la salle de la Hierusalem celeste pour regarder et admirer [127] cette tres aymable Pouponne.

  A009000380 

 O mon Dieu, que j'eusse bien desiré de me pouvoir vivement representer la consolation et suavité de ce voyage despuis la mayson de Joachim jusques au Temple de Hierusalem! Quel contentement tesmoignoit cette petite Infante voyant l'heure venue qu'elle avoit tant desirée! Ceux qui alloyent au Temple pour y adorer et offrir leurs presens à la divine Majesté chantoyent tout le long de leur voyage; et pour cet effect, le royal Prophete David avoit composé tout expres un Psalme que la sainte Eglise nous fait dire tous les jours au divin Office.

  A009000381 

 De mesme Abraham fit un grand et solemnel festin, non en la naissance de son fils Isaac, ains au jour qu'il fut sevré parce, disent les uns, que l'enfant estant encores si tendre, il n'y avoit pas matiere de si grande joye à cause du danger et peril de mort où sont les enfans en cet aage si foible; ou bien, comme les autres tiennent, parce que le festin estant fait en la faveur d'Isaac, il estoit bien raysonnable qu'il y prist part et qu'il mangeast avec la compaignie, ce qu'il n'eust peu faire avant ce temps là, auquel il avoit cinq ans.

  A009000381 

 Les anciens Chrestiens faisoyent des grandes festes, mais spirituelles, à l'anniversaire de leur Baptesme, qui estoit le jour de leur dedicace, c'est à dire celuy auquel ils s'estoyent dediés à Dieu.

  A009000381 

 Ou bien encores, et cecy est la rayson la plus probable, Abraham fit alors ce banquet parce qu'à cette heure là son fils estoit desja capable de donner quelque esperance de luy, d'autant qu'en cet aage on commence à mettre les enfans dans la voye en laquelle on desire qu'ils marchent..

  A009000382 

 Elle nous tesmoigne par là qu'elle desire que tous les ans au moins une fois, nous nous recueillions et reconfirmions les vœux et promesses que nous avons faites à la divine Majesté; mais sur tout les Religieux et nous autres qui luy sommes particulierement dediés et consacrés sans que nous nous en puissions desdire..

  A009000382 

 Il est donc tres à propos que les Religieux fassent tous les ans une feste particuliere au jour de leur dedicace [128] et de leur entrée en Religion.

  A009000382 

 Mais d'autant qu'ils ne doivent rien avoir de particulier, nous avons trouvé expedient que les Sœurs de ceans solemnisent cette commemoration en un mesme jour.

  A009000384 

 Mais lors que le saint Prophete declare que plusieurs vierges seront amenées apres Nostre Dame, il ne veut pas en exclure les vefves, car elles ne seront pas rejettées de cette bien heureuse trouppe pour avoir perdu leur virginité, puisque cette perte se peut reparer par l'humilité.

  A009000385 

 A cet effect l'on a ordonné les confessions annuelles pour reconnoistre les cordes discordantes, les affections qui ne sont encores bien mortifiées, les resolutions qui n'ont pas esté fidellement prattiquées.

  A009000385 

 Et ayant ainsy resserré les chevilles de nostre luth, qui sont nos resolutions, nous venons par apres, avec nostre glorieuse Dame et Maistresse et sous sa protection, apporter toutes nos affections sur l'autel du temple de la divine Bonté, pour estre bruslées et consommées sans aucune reserve par le feu de son ardente charité..

  A009000385 

 Et tout ainsy qu'un homme qui joue excellemment du luth a accoustumé d'en taster toutes les cordes de temps en temps pour voir si elles ont point besoin d'estre rebandées ou bien laschées, à fin de les rendre bien accordantes selon le ton qu'il leur veut donner, de mesme il est necessaire que tous les ans au moins une fois, nous tastions et considerions toutes les affections de nostre ame pour voir si elles sont bien accordées pour entonner le cantique de la gloire de Dieu et de nostre propre perfection.

  A009000386 

 Partant, il est expedient de nous reprendre, et considerer les moyens de pouvoir regaigner ce qui par nostre foiblesse, voire negligence, nous est eschappé..

  A009000387 

 Il est vray qu'il ne faut pas nous en estonner, d'autant [130] que tout ce qui est en ce monde est fait ainsy; voire mesme il semble que le soleil aye besoin de recommencer sa course tous les ans une fois, à fin de reparer le deschet que paraissent avoir receu le long de l'année les lieux qui n'ont pas l'aspect bon.

  A009000387 

 Ne vous est-il pas advis que la terre descheoit en hiver, et quand ce vient le printemps qu'elle veut regaigner les pertes qu'elle a faites le long des grandes froidures? Nous en devons faire de mesme nous autres, faisant nostre course comme le soleil sur toutes les affections et passions de nos ames, pour regaigner les pertes causées par leur immortification le long de l'année.

  A009000388 

 Le premier c'est qu'elle vient se presenter en son enfance, car estant sevrée elle quitte ses parens; le second, qu'elle est portée le long du voyage une partie du temps entre les bras de ses pere et mere, et l'autre partie elle marche sur ses pieds; en troisiesme lieu, je considere qu'elle se donne et offre toute entierement et sans aucune reserve..

  A009000389 

 De mesme, veut dire le Seigneur, les hommes pendant leur enfance ont suivi la ligne du chemin droit, mais estans parvenus au chemin fourchu, ils ont pris leur route à main gauche et m'ont quitté, moy qui suis la source de toute benediction, pour suivre la voye de malediction..

  A009000389 

 Les enfans ne sont ni bons ni mauvais, car ils ne sont non plus capables de choisir le bien que le mal.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000390 

 Mais pensez-vous que la jeunesse soit tousjours prise et entendue de nostre aage, et que la divine Espouse veuille parler de celles qui sont jeunes d'années, lors qu'elle dit au Cantique des Cantiques que les jeunes ames ont desiré son celeste Espoux et sont allées apres luy attirées de l'odeur de ses parfums? O non, sans doute, ains elle parle de celles qui sont jeunes de ferveur et de courage, et qui viennent nouvellement consacrer au service de son saint amour non seulement tous les momens de leur vie, mais aussi toutes leurs actions, sans reserve d'aucune.

  A009000391 

 Et tout [132] ainsy que les cerfs qui courent si legerement, redoublent neanmoins le pas lors qu'ils sont pressés du veneur et vont d'une si grande vistesse qu'il semble quasi qu'ils volent, de mesme devons-nous tascher de courir en nostre voye; mais au temps de nostre renouvellement et de la reconfirmation de nos resolutions nous ne devons pas seulement courir ains aussi voler, et pour cela demander avec le saint Prophete des aisles de colombe, à fin qu'à tire d'aisles nous volions sans nous arrester jusques à ce que nous allions reposer dans les trous du mur de la sainte Hierusalem, je veux dire que nous soyons tout unis à Nostre Seigneur crucifié sur le mont de Calvaire par une parfaite conformité de vie..

  A009000392 

 Et c'est icy la seconde remarque que je fais en cette sainte Presentation, et le second point auquel nous devons imiter nostre glorieuse Princesse, pour bien nous presenter de nouveau à fin de bien reoffrir à son divin Fils ce que nous luy avons une fois dedié et consacré, à sçavoir nous mesme, par le moyen des vœux que nous venons maintenant renouveller, c'est à dire renouer; car cette sainte coustume de renouveller nos vœux sert encores à reparer les manquemens que nous pourrions avoir commis en les faisant..

  A009000393 

 Et la sainte Eglise, esgalement tendre et soigneuse du bien de ses enfans, nous enseigne de dire tous les jours une oraison où elle demande à Dieu qu'il luy plaise nous accompaigner le long de nostre pelerinage et nous ayder de sa grace prevenante et concomitante, car sans l'une et sans l'autre nous ne pouvons rien..

  A009000393 

 Nostre Seigneur le long de nostre pelerinage en cette [133] miserable vie nous conduit en ces deux sortes: ou il nous mene par la main en nous faisant marcher avec luy, ou il nous porte entre les bras de sa Providence.

  A009000394 

 Ce sont les Sacremens, car dites-moy, je vous prie, que nous couste-t-il d'entendre ces parolles: «Je t'absous de tous tes pechés,» ou bien de recevoir le tres saint Sacrement dans lequel est comprise toute la suavité du Ciel et de la terre? Et bien qu'il faille prononcer les parolles de la consecration que Nostre Seigneur a commandées, qu'est-ce que cela pour faire venir nostre souverain Maistre à la voix d'un prestre, pour meschant et indigne qu'il soit, se renclore sous ces especes pour nostre bonheur? N'est-ce pas nous porter entre ses bras que de nous permettre de nous unir à luy en ces deux façons? Quand donques vous viendrez dire: «Je renouvelle et reconfirme de tout mon cœur les vœux que j'ay faits à mon Dieu,» le Sauveur vous conduira par la main, d'autant que vous prononcerez ces paroles et ferez quelque chose de vostre part; mais soudain que nous vous [134] communierons, il vous prendra entre ses bras, faisant en vous cette œuvre toute ouvrée..

  A009000395 

 O qu'heureuses sont les ames qui font ainsy leur voyage et qui ne partent des bras de la divine Majesté, sinon pour marcher et faire de leur costé ce qu'elles pourront en l'exercice des vertus et des bonnes œuvres, tenant tousjours neanmoins la main de Nostre Seigneur; car il ne faut pas que nous pensions estre suffisans pour rien faire de bien de nous-mesmes.

  A009000396 

 Je sçay bien que les gens du monde se donnent à Dieu à leur façon, mais je ne parle pas pour eux maintenant, ains pour nous qui luy sommes dediés et consacrés.

  A009000396 

 O Dieu, tout bien consideré, qu'est-ce que nous quittons? Le tracas du mesnage où le plus souvent les choses vont de travers et contre nostre volonté.

  A009000396 

 Que [135] faut-il de plus quitter? Les conversations? Helas! je suis tres asseuré que l'on n'y a pour l'ordinaire que du mescontentement, car ou l'on ne nous a pas assez honnorés selon que nous le desirions, ou l'on ne nous a pas assez cheris, ou l'on a dit quelque chose qui nous a despieu; en un mot, les playsirs que l'on y a sont le plus souvent tres degoustans à nostre goust mesme..

  A009000397 

 Il me souvient à ce propos qu'il faut tout quitter pour estre bonne Religieuse, qu'il y eut un senateur lequel fut inspiré de Dieu d'abandonner le monde, car il pensoit que pour evader les perils des vagues de la mer de ce miserable siecle il failloit surgir au port de la vie monastique.

  A009000397 

 Or, que luy en arriva-t-il? Le bienheureux saint Basile, qui l'aymoit grandement à cause de sa pieté et bonne vie, sçachant cela, luy escrivit une lettre qui contenoit ces mots: O pauvre homme, qu'as-tu fait? Tu as quitté l'estat de senateur et les fonctions de ta charge, et partant tu n'es plus senateur; et neanmoins tu n'es pas un bon moine.

  A009000406 

 Cet Ange l'ayant abordé le salua disant: Je te salue, o homme le plus fort d'entre tous les hommes, le Seigneur est avec toy.

  A009000406 

 S'il est vray, comme il est, que la tres sainte Vierge et saint Joseph ont Nostre Seigneur avec eux, pourquoy donques les voyons-nous si remplis de crainte qu'ils se rendent fuyars pour l'apprehension d'un homme terrien, quoy qu'ils ayent avec eux le Dieu de [139] la majesté infinie, par l'ordonnance duquel toutes choses se font et ont esté faites?.

  A009000407 

 Hé Dieu, que luy eust-il cousté à ce beni Enfant, qui aymoit si cherement sa tres sacrée Mere et saint Joseph son Pere nourricier, de leur dire un petit mot à l'oreille pour les advertir d'eschapper à la furie d'Herode en s'en allant en Egypte, mais d'estre sans crainte parce qu'il ne leur arriveroit aucune mesaventure? Il ne le fit pourtant pas, ains attendit que l'Ange saint Gabriel vinst reveler au glorieux saint Joseph qu'il failloit fuir..

  A009000407 

 Je sçay bien que les docteurs demeurerent fort estonnés l'entendant parler dans le Temple, lors qu'il fit paroistre un petit eschantillon de cette science tant incomparable qu'il possedoit; mais c'est la seule fois qu'il le fit durant son enfance, la tenant close et cachée sous un tres profond silence tout le reste de ce temps là.

  A009000407 

 La rayson de cette conduite est que Nostre Seigneur ne voulut aucunement user de son pouvoir ou de son authorité, ni paroistre autre qu'un petit enfant sujet aux loix de l'enfance, ne parlant qu'en son temps comme les autres; et luy, qui non seulement entant que Dieu mais aussi entant qu'homme sçavoit toutes choses, cette grace luy ayant esté infuse dès l'instant de sa conception, luy qui estoit rempli d'une science pleine et entiere, ne voulut neanmoins en rien tesmoigner.

  A009000408 

 Cet estat de perfection doit estre consideré de deux manieres: pour les Religieux c'est un estat propre à se perfectionner, et pour les Prelats il suppose la perfection desja acquise.

  A009000408 

 Et dès qu'il eut commencé à enseigner et prescher, il fit toutes les fonctions appartenantes aux Evesques.

  A009000408 

 Il institua les Sacremens; puis, sur l'arbre de [140] la croix il offrit le sacrifice sanglant de soy mesme, et devant celuy là, en la cene qu'il fit avec ses Apostres, il institua le tres saint Sacrement de l'Autel qui est le sacrifice non sanglant..

  A009000408 

 La vie de Nostre Seigneur est le parfait exemple de tous les hommes, mais particulierement de ceux qui sont en l'estat de perfection, comme les Religieux et les Prelats.

  A009000409 

 Or, voyons comme Nostre Seigneur a prattiqué admirablement cette abnegation durant tout le temps de son enfance; mais pour le mieux comprendre, nous en ferons trois points que j'approprieray aux trois vertus desquelles tous les Religieux font les vœux, à sçavoir, la pauvreté, la chasteté et l'obeissance..

  A009000409 

 Revenons à nostre propos et au sujet que j'ay devant mes yeux, qui est le vray exemplaire de la vie religieuse, et disons apres les Peres, que la discipline monastique peut estre toute reduite sous ce mot d'abnegation.

  A009000410 

 Quelles necessités pensez vous qu'il souffrit au voyage d'Egypte et durant le temps qu'il y demeura? Bref, sa pauvreté fut si grande qu'elle passa jusques à la mendicité; il ne vivoit que d'aumosnes, car chacun sçait que les beaux-peres ne sont pas obligés de nourrir les enfans de leur femme, et neanmoins Nostre Seigneur estoit nourri du travail de son Pere nourricier et de celuy de sa Mere qui gaignoyent leur vie à la sueur de leur visage; ainsy, ce divin Enfant ne pouvant gaigner la sienne, recevoit l'aumosne de saint Joseph.

  A009000411 

 Passons au second point, qui est une abnegation tres entiere de tous les playsirs sensuels.

  A009000411 

 Quant à l'odorat, vray Dieu! quelle suavité, quel parfum pensez-vous que l'on puisse avoir dans une estable? Lors que les enfans des grans roys naissent, quoy qu'ils ne soyent que des miserables hommes comme les autres, l'on met tant de parfums, l'on fait tant de ceremonies; et pour nostre Sauveur, qui n'est pas seulement homme ains Dieu tout ensemble, il ne se fait rien de tout cela! Quelle musique pour recreer son ouye? Un bœuf et un asne qui chantent pour magnifier la naissance de ce Roy celeste.

  A009000412 

 Il fut obeissant à la nature mesme, ne voulant faire ses croissances ni parler que comme les autres enfans.

  A009000412 

 Il ne se monstre en son exterieur qu'un petit enfant comme les autres; luy, de qui les Anges sont illuminés et esclairés et par qui ils entendent et comprennent toutes choses, ne fait aucunes revelations, ains laisse que les messagers celestes les viennent faire à son Pere nourricier.

  A009000412 

 L'on en voit bien autour de luy en sa Nativité: la vocation des Gentils representés par les Roys qui le vindrent adorer, celle des pasteurs, les Anges qui chantent dans les airs; mais en sa personne, nullement.

  A009000413 

 Ne voyla-t-il pas une merveille tres grande, que ce tres saint Enfant ayt tellement renoncé et abandonné le soin de soy mesme pour se laisser conduire selon la volonté de ses Superieurs, qu'il n'ayt pas seulement voulu prononcer une petite parole pour avancer leur despart? Document certes tres remarquable: Nostre Seigneur est rempli de toutes les sciences, ains il est la science et la sagesse mesme; neanmoins il tient un continuel silence, tandis que l'ordinaire des personnes du monde est que si elles ont une once de sçavoir on ne les peut tenir de parler, tant elles ont envie de se faire estimer sçavantes..

  A009000414 

 C'est pourquoy ces filles se [143] presentent aujourd'huy pour estre faittes Religieuses, car elles ont fait ces considerations: Si mon Seigneur et mon Dieu a bien voulu renoncer aux richesses, à sa patrie et à la maison de ses parens pour l'amour qu'il portoit à la pauvreté, pourquoy donc, à son imitation, n'en ferois-je pas de mesme? Et s'il a renoncé à tous les playsirs, voire à soy mesme, à fin de s'assujettir pour l'amour de moy et pour me monstrer combien la vie religieuse où tout cela se prattique luy est aggreable, pourquoy donc ne le ferois-je pas pour luy aggreer? Non, disent-elles, nous ne quittons pas le monde pour acquerir le Ciel, car les personnes qui y demeurent le peuvent gaigner en vivant en l'observance des commandemens de Dieu, ains pour accroistre tant soit peu nostre charité et nostre amour envers la divine Bonté..

  A009000415 

 C'est certes justement que tous les hommes prennent le nom du lieu de leur naissance et non pas celuy du lieu de leur conception, d'autant que pendant qu'ils sont dans le ventre de leur mere on ne sçait encor ce qui en arrivera, on ne peut asseurer si ce sera un enfant mort ou vif, bref, on ignore quelle issue il aura; mais Nostre Seigneur print à bon droit le nom du lieu de sa conception parce que dès cet instant il fut homme parfait comme en l'aage de trente trois ans auquel il mourut..

  A009000416 

 Entre toutes les fleurs qui sortent du bois, la rose emporte le prix, [144] comme le lys entre celles qui sont herbues et qui ont leur tige d'herbe.

  A009000416 

 Mais quelle fleur des champs estes-vous, Seigneur? O quand il dit la fleur seulement, on doit entendre la fleur qui excelle entre toutes les autres et en odeur et en beauté.

  A009000416 

 Tout de mesme Nostre Seigneur est la fleur par excellence qui est sortie de la tres sainte Vierge, ainsy qu'il avoit esté predit qu' une fleur sortiroit de la verge de Jessé: cette verge c'est Nostre Dame, et la fleur c'est Nostre Seigneur, dont l'aggreable senteur a alleché les passans et fait venir ces jeunes ames apres luy, attirées de l'odeur de ses exemples..

  A009000417 

 Cecy nous doit faire comprendre que les afflictions, tenebres interieures et ennuys d'esprit, qui sont quelquefois si grans entre les personnes les plus spirituelles et qui font profession de la devotion, qu'il leur semble presque d'estre du tout abandonnées de Dieu, ne les reduisent jamais neanmoins à telles extremités, qu'elles ne [145] puissent tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres sacrée volonté et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer..

  A009000417 

 Il choisit en outre la rose entre toutes les autres fleurs pour l'amour qu'il portoit à la sainte pauvreté parce qu'il n'y a rien de plus pauvre que la rose: elle n'a que des espines et ne requiert point, comme nous avons dit, que l'on s'employe apres elle pour la cultiver.

  A009000418 

 On leur promet les consolations que Dieu a accoustumé de donner à ceux qui le servent fidellement, consolations qui sont tres grandes, voire mesme dès cette vie, mais à condition qu'elles renonceront à tous les playsirs sensuels, pour licites qu'ils puissent estre.

  A009000420 

 En fin nous leur disons que la Religion est «un mont de Calvaire» où les amateurs de la Croix se tiennent et font leur demeure.

  A009000420 

 Et tout ainsy que les abeilles rejettent et abhorrent tous les parfums estrangers, c'est à dire qui ne proviennent point des fleurs sur lesquelles elles cueillent leur miel (et qu'ainsy ne soit, portez leur du musc ou de la civette, et vous les verrez incontinent se resserrer et fuir cette senteur, parce qu'elle provient de la chair), de mesme les amans de la Croix rejettent toutes sortes de senteurs, je veux dire de consolations terriennes et mondaines, que le diable, le monde et la chair leur presentent, pour n'odorer jamais plus aucun parfum que celuy qui provient de la croix, des espines, des fouets, de la lance de Nostre Seigneur.

  A009000420 

 Les espoux du monde baillent à leurs espouses des carcans, des bracelets, des bagues, des velours, des satins et semblables bagatelles; de plus, ils font des festins à leurs noces.

  A009000420 

 Toutes ces choses sont les atours et les bagues que l'Espoux donne à son Espouse, d'autant qu'elles sont les plus riches pieces de son cabinet.

  A009000421 

 Il faut que je dise encores cette admirable condition des abeilles: c'est qu'elles sont si fidelles à leur roy, [147] que lors qu'il vient à mourir elles se mettent tout autour de son corps et mourroyent plustost que de le quitter; si leur gouverneur ne venoit pour les faire retirer, indubitablement elles ne s'en separeroyent jamais.

  A009000421 

 Les gouverneurs des abeilles spirituelles font tout au contraire; car, comme celuy-là prend peine de les esloigner de crainte qu'elles ne meurent autour de leur roy, ceux cy ont un tres grand soin de faire que les ames demeurent autour du corps de leur Roy mort, c'est à dire proches de Nostre Seigneur mort et crucifié, aupres duquel nous devons nous tenir fidellement tout le temps de nostre vie pour considerer l'amour qu'il nous a porté, et qui l'a fait mourir pour nous à fin que nous vescussions pour son amour et en son amour.

  A009000428 

 A Pasques il estoit ordonné d'offrir des javelles comme primices des blés; partant les anciens s'en alloyent parmi leurs moissons couper les premiers espis qui s'avançoyent par dessus les autres; et à la Pentecoste l'on offroit deux pains faits du froment ja meur.

  A009000428 

 Vous ne sçavez peut estre pas comme elle fut instituée par Dieu mesme lors que les enfans d'Israël furent sortis de l'Egypte et delivrés de la captivité.

  A009000429 

 Mais à quoy bon tout cecy, sinon pour servir de preface au discours que je m'en vay vous faire? Tous les Chrestiens en leur Baptesme sont offerts à la divine Majesté comme des javelles à la feste de Pasques.

  A009000429 

 Pasques ne signifie autre chose que passage; et les hommes font un passage tres heureux en leur Baptesme, car ils passent de la tyrannie et servitude du diable à la grace de l'adoption des enfans de Dieu.

  A009000430 

 Qui ne voit la tromperie de nostre amour propre? Comme si par la bonté de Dieu, il n'estoit pas en nostre pouvoir de nous surmonter et vivre contre nos inclinations, et selon la rayson qui nous enseigne qu'il ne les faut pas escouter! Une autre dira: Il est vray, je suis un peu vaine, mais c'est mon inclination de me parer et desirer d'estre louée et estimée; je ne sçaurois que faire à cela.

  A009000431 

 Lors les Chrestiens ainsy fortifiés par ce moyen, se viennent par apres offrir au jour de la Pentecoste comme des pains faits avec le nouveau froment des inviolables resolutions qu'ils ont prises de plustost mourir que d'offenser Dieu volontairement.

  A009000431 

 Mais les Apostres ont fait cette offrande bien plus entierement et plus parfaittement que nul autre, d'autant qu'ils ont prattiqué la perfection beaucoup plus excellemment que nul autre.

  A009000432 

 Aussi voit-on que le Saint Esprit vint sur eux en forme de langues de feu, comme voulant les rendre de vrays holocaustes, tout sacrifiés et consacrés sans reserve au service de sa dilection; car ce feu sacré consomma en eux toutes les superfluités qu'ils avoyent apportées quant et eux en la feste de Pasques, c'est à dire lors qu'ils se mirent à la suite de Nostre Seigneur..

  A009000433 

 De mesme les Apostres furent moulus au temps de la Passion; en apres, estans assemblés dans le cenacle où ils attendoyent la venue du Saint Esprit, ils joignirent la farine de leurs resolutions avec l'eau de l'affliction et contrition pour la perte qu'ils avoyent faite de leur Maistre, et pour l'avoir ainsy abandonné durant le cours de ses angoisses.

  A009000433 

 En fin les Apostres prattiquerent la perfection selon l'exemple que leur Maistre, Nostre Seigneur, leur avoit enseigné..

  A009000433 

 Ils paracheverent encores l'offrande que Dieu requeroit en la feste de Pentecoste, se sacrifiant comme des boucs, je veux dire conversant avec les pecheurs et voulant estre tenus pour tels comme le reste des hommes.

  A009000433 

 Mais le Saint Esprit venant en forme de feu, les rendit immuables et invariables en la dilection sacrée, fortifiant de telle sorte la paste de leurs resolutions, que jamais despuis ils ne peurent la quitter ni perdre.

  A009000434 

 Les anciens Peres ont distingué par ces deux pains les deux amours, affectif et effectif; les autres ont dit que ces deux pains signifient nostre propre jugement ou entendement et nostre propre volonté; et cecy, à mon advis, est la meilleure interpretation et qui fait plus à mon propos.

  A009000434 

 Les beliers qu'il failloit offrir representent nostre imagination, les petits aignelets nos affections, et le bouc nostre chasteté, par laquelle nous nous privons pour l'amour de Dieu de tous les playsirs sensuels, voire mesme des permis et licites..

  A009000435 

 Ces trois vertus furent tellement [152] estimées et prisées comme estans les trois principales pour l'acquisition de la perfection, que tous les premiers Chrestiens en faisoyent profession à l'imitation des Apostres.

  A009000435 

 Ils offrirent les aignelets de toutes leurs affections, à fin de n'en avoir jamais plus que pour l'amour celeste.

  A009000435 

 Le monde a accoustumé de nous faire imaginer que les richesses, les honneurs et les commodités sont des biens desirables; ils y renoncerent pour jamais, faisant estime de la pauvreté comme d'une chose tres prisable.

  A009000435 

 Mais apres que cette premiere ferveur fut esteinte, il n'y eut plus que des particuliers qui suivissent cette perfection evangelique; et d'autant qu'il y a une extreme difficulté de s'y adonner demeurant dans le monde, ceux qui veulent faire cette genereuse entreprise en sortent et se viennent renfermer dans les monasteres..

  A009000435 

 Voyez-vous donques comment les Apostres firent excellemment bien cette offrande avec toute sorte de perfection? car ils sousmirent absolument leur jugement et volonté par la profession de l'obeissance.

  A009000436 

 Il est certain que tous les hommes, en quelle vocation qu'ils soyent, se peuvent et se doivent dedier et donner à Nostre Seigneur; mais il y a voirement grande difference entre les offrandes de ceux qui demeurent au monde et de ceux qui le quittent tout à fait pour se consacrer plus absolument à l'exercice du divin amour..

  A009000437 

 Elles assujettissent, il est vray, toutes les puissances de leur ame, toutes leurs affections, passions et inclinations et en fin tout elles mesmes à la regle de la perfection par l'exercice continuel de l'obeissance aux Regles et Constitutions de leur Institut; mais c'est une sujetion si douce et si aymable qu'elle donne mille fois plus de consolation que non pas la liberté que les mondains ont de vivre selon leur volonté, liberté qui à proprement parler est une tyrannie, d'autant que pour l'ordinaire elle les porte à faire ce que leur conscience leur dicte qu'il faut eviter pour vivre selon Dieu..

  A009000437 

 En fin on s'essaye tant que l'on peut durant cette année de leur noviciat, de les rendre capables de venir faire cette derniere offrande d'elles mesmes en laquelle, par le moyen des vœux, elles se lient totalement et sans s'en pouvoir jamais desdire au service de la divine Majesté, service qui est voirement plus honnorable que les royautés et les empires.

  A009000437 

 On les fait entrer quant et quant en l'exercice d'une obeissance continuelle, de la mortification de la propre volonté, de l'abnegation du propre jugement; on ne leur parle que «de la mortification des sens et de toutes les» inclinations «humaines;» en fin on vient à leur faire connoistre combien leurs imaginations estoyent vaines d'estimer que les biens, les richesses, les honneurs fussent choses desirables.

  A009000437 

 On ne les trompe point en leur promettant des consolations, bien que la moindre qu'elles goustent vaille mieux sans nulle comparaison que toutes celles que le monde presente, mises ensemble.

  A009000437 

 Premierement, ces ames se viennent offrir en forme de javelles et d'espis de froment, environnées de mille sortes de fantasies, d'imaginations, de passions et d'inclinations mondaines, resolues qu'elles sont neanmoins de se laisser froisser entre les mains de l'obeissance et moudre dans le moulin de la mortification, à fin d'estre faittes du pain capable d'estre mis sur la table de Nostre Seigneur et de luy estre presenté au jour de la Pentecoste eternelle; et pour cela on leur donne une année de probation.

  A009000438 

 Ces ames donques estans preparées comme nous avons dit, ont desja receu les dons du Saint Esprit.

  A009000438 

 Elles ont receu le don de force pour combattre valeureusement les ennemis de la gloire de Dieu et pour accomplir la resolution qu'elles ont faitte de se vaincre elles mesmes.

  A009000438 

 Elles ont receu le don de l'entendement, remarquant les maximes de la perfection evangelique: emmi les richesses, elles ont conneu combien la pauvreté est precieuse; emmi les playsirs sensuels, elles ont choisi la chasteté et pureté; emmi l'amour propre et la propre volonté, l'abnegation de soy mesme pour s'assujettir à l'obeissance.

  A009000438 

 En fin elles ont receu le don de pieté et de crainte, fuyant les occasions qu'elles pouvoyent rencontrer au monde de perdre l'amour de Dieu..

  A009000439 

 Elles suivront constamment les conseils de ceux que Dieu leur a donnés pour leur conduitte, se rendans souples à suivre leurs volontés; elles sont resolues de faire les œuvres des ames fortes et genereuses, n'ayans pas moindre pretention que de parvenir au plus haut point de la perfection chrestienne, sans se descourager au bien, mais s'appuyans et s'asseurans en la faveur et protection de la divine Bonté, qui ayant commencé l'œuvre de leur perfection la parachevera, moyennant qu'elles luy soyent fidelles..

  A009000439 

 Si tous ces dons ont esté ainsy octroyés à ces ames, comme nous venons de le dire, elles sont aussi fort resolues de les prattiquer, rejettant toute autre delectation que celle de gouster combien le Seigneur est doux et suave, et combien les voyes par lesquelles on va à luy, c'est à sçavoir par lesquelles nous nous unissons à sa Majesté, sont delectables.

  A009000440 

 Elles prattiqueront soigneusement le don de science qui consiste à suivre les vrays biens et rejetter les faux, puisque par le moyen d'iceluy elles les ont sceu discerner d'entre les autres.

  A009000440 

 Elles seront fidelles à la prattique du don de pieté, regardant et honnorant Dieu comme leur Pere, d'autant qu'il veut que nous l'appellions de ce nom tant aymable; puis elles feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour luy plaire, tenant les prochains pour enfans de Dieu comme elles, et par consequent pour leurs freres, à fin d'exercer plus parfaittement toute sorte de pieté et d'offices de charité en leur endroit.

  A009000440 

 En fin elles craindront eternellement Dieu, non d'une crainte servile, ains d'une crainte procedante de l'amour qu'elles luy portent, apprehendant non seulement de l'offencer, mais aussi de ne pas assez luy estre aggreables; et cette crainte amoureuse leur servira [155] d'aiguillon pour s'avancer tous les jours davantage en la dilection sacrée..

  A009000441 

 Elles se sont encor determinées d'assujettir leur imagination et fantasie, qui, semblable à un belier, va courant ça et là parmi les choses de la terre; elles ont ainsy reduit toutes leurs affections en une, qui est pour Dieu..

  A009000441 

 Mais dites-moy, je vous supplie, que reste-t-il à ces ames bienheureuses qui se sont ainsy disposées pour se sacrifier entierement et sans aucune reserve au service de l'amour celeste, sinon que le Saint Esprit, qui leur a desja fait tant de dons, descende maintenant en forme de feu sur leur sacrifice pour le consommer, ou, pour mieux dire selon nostre premier discours, qu'il vienne cuire les pains qu'elles ont petris, puisqu'ils sont tout prests à estre mis dans le four? La paste a esté preparée le long de leur année de noviciat, en suite des resolutions qu'elles ont prises de se laisser froisser et moudre tant par la sainte obeissance que par la mortification de leur propre jugement et volonté, qui sont les deux pains que Nostre Seigneur demande des ames religieuses.

  A009000442 

 Ces premieres resolutions, jointes avec les vœux qu'elles viennent faire, par lesquels elles s'obligent pour le reste de leur vie à la prattique de tout ce que nous venons de dire, sont le pain sacré qui doit estre cuit, affermi, et rendu impliable et immuable par le feu sacré du Saint Esprit, qui est l'amour de nos ames.

  A009000442 

 Lors la divine Majesté en rassasiera son goust comme d'un mets delicieux, au festin de l'eternité, et en contreschange elle rassasiera les vostres de sa Divinité, qui est le mets unique de la felicité et consolation eternelle, où sa souveraine Bonté nous veuille tous conduire pour sa gloire.

  A009000450 

 diligence dans les montagnes, en une.

  A009000454 

 Abiit in montana: elle monta dans les montagnes de Juda et entreprit le voyage, quoy que long et difficile; car, comme disent plusieurs autheurs, la ville en laquelle demeuroit [157] Elizabeth est esloignée de Nazareth de vingt sept lieues; d'autres disent un peu moins, mais c'estoit tousjours un chemin assez malaysé pour cette si tendre et delicate Vierge, parce que c'estoit à travers des montagnes..

  A009000455 

 Ou bien, disent-ils, il se peut faire qu'elle eust quelque doute de ce que l'Ange luy avoit annoncé; ce qui n'est pas, et saint Luc les condamne et refute en la parole qu'il escrit en son chapitre premier, que sainte Elizabeth voyant entrer la Vierge s'escria: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A009000456 

 Secondement, ce fut pour luy reveler le tant haut mystere de l'Incarnation qui s'estoit operé en elle; car Nostre Dame n'ignoroit pas que sa cousine Elizabeth estoit personne juste, fort bonne, craignant Dieu et desirant ardemment la venue du Messie promis en la Loy pour racheter le monde, et que ce luy seroit une tres grande consolation d'apprendre que les divines promesses estoyent accomplies et que le temps desiré [158] par les Prophetes et les Patriarches estoit ja venu.

  A009000456 

 Voyla les raysons, et plusieurs autres que je pourrois rapporter; mais je n'aurois jamais fait..

  A009000457 

 Au demeurant, ne pensez-vous point, mes tres cheres Sœurs, que ce qui incita plus particulierement nostre glorieuse Maistresse à faire cette visite ce fut sa charité tres ardente et une tres profonde humilité qui la fit passer avec cette vistesse et promptitude les montagnes de Judée? O certes, mes cheres Sœurs, ce furent ces deux vertus qui la pousserent et luy firent quitter sa petite Nazareth, car la charité n'est point oysive: elle bouillonne dans les cœurs où elle regne et habite, et la tres sainte Vierge en estoit toute remplie, d'autant qu'elle avoit l'amour mesme en ses entrailles.

  A009000458 

 Mais comme il n'eust pas esté raysonnable que celuy qui estoit choisi pour preparer les voyes du Seigneur fust entaché du peché, Nostre Dame alla promptement à ce qu'il fust sanctifié, et que ce sacré Enfant qui estoit Dieu, à qui seul appartient la sanctification des ames, peust operer en cette visite celle du glorieux saint Jean, le purifiant et retirant du peché originel; ce qu'il fit avec une telle plenitude que plusieurs docteurs soustiennent hardiment que jamais il ne pecha veniellement, bien que quelques autres tiennent l'opinion contraire..

  A009000459 

 Ayant donques cette charité en si grande perfection, elle ressembloit au mont Carmel pour les actes frequens qu'elle en produisoit, tant envers [160] Dieu qu'envers le prochain; et cette charité, comme un arbre de parfums, jettoit une tres aggreable odeur et suavité..

  A009000459 

 Mais que veut entendre ce divin Amant quand il dit que le chef de sa bien-aymée ressemble au mont Carmel? Le mont Carmel est tout diapré de fleurs tres odoriferantes, et les arbres qui se trouvent sur iceluy ne portent que des parfums.

  A009000460 

 C'est elle que Dieu a regardée avec une complaisance toute particuliere; car, qui a jamais peu donner complaisance à Nostre Seigneur que celle qui estoit accomplie en toutes sortes de vertus? Avec la charité elle estoit douée d'une profonde humilité, ainsy que le tesmoignent ces parolles qu'elle dit lors que sainte Elizabeth la loua: Parce que Dieu a regardé l'humilité de sa servante, toutes les nations la loueront et appelleront bienheureuse..

  A009000460 

 Elle avoit conceu Celuy qui estant tout amour l'avoit rendue l'amour mesme; tellement qu'on luy peut appliquer mieux qu'à nul autre ces parolles du Cantique des Cantiques, lors que l'Espoux sacré, contemplant sa bien-aymée en son doux repos, fut saisi d'une sainte complaisance qui luy fit adjurer les filles de Hierusalem de ne la point esveiller, disant: Filles de Hierusalem, je vous adjure par les chevreuils et chevres des champs de ne pas esveiller ma bien-aymée qui est en l'amour, qu'elle ne le veuille ou desire.

  A009000460 

 Et ailleurs les joues de l'Espouse sont comparées aux grains de la grenade qui sont tout rouges.

  A009000460 

 Mais les rabbins et quelques autres semblent encor mieux faire entendre que le divin Espoux, parlant du chef de sa bien-aymée, veut signifier la charité; car ils traduisent: Ton chef ressemble à l'escarlatte.

  A009000462 

 Ainsy la glorieuse Vierge ne manqua point d'humilité, ni ne fit aucune faute contre icelle quand elle [162] asseura que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, non plus que saint Paul quand il s'escrioit: Qui est-ce qui me pourra separer de la charité? car elle sçavoit qu'entre toutes les autres vertus, celle-là touche et attire le cœur de Dieu..

  A009000462 

 Le grand Apostre saint Paul ne confessoit-il pas qu'il avoit la charité, par des parolles si asseurées qu'il semble parler avec plus de presomption que d'humilité? Il disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Sera-ce les chaisnes, les tribulations, la mort, la croix, le feu, le glaive? Non, rien ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000463 

 Ainsy Nostre Seigneur considera bien la varieté et beauté des vertus de Nostre Dame, qui la rendoyent extrement belle, mais lors que le Pere eternel jetta les yeux sur ses sandales ou souliers, il en fut tellement espris qu'il se laissa gaigner et luy envoya son Fils, lequel s'incarna en ses tres chastes entrailles..

  A009000463 

 Neanmoins, Holophernes ne fut prins ni par les yeux, ni par les levres, ni par les cheveux de Judith, ni d'aucunes des choses que je vous ay dit estre en elle; mais quand il jetta ses yeux sur ses sandales et chaussures, qui, comme nous pouvons penser, estoyent recamées d'or avec une fort bonne grace, il en demeura tout espris et touché.

  A009000464 

 C'est cette bassesse que Dieu regarda en la sacrée Vierge, et de ce regard proceda tout son bonheur; [163] ainsy, dit-elle, à cause de cela, elle sera publiée bienheureuse par toutes les creatures, de generation en generation.

  A009000464 

 Et qu'est-ce que ces sandales et cette chaussure de la Vierge, sinon son humilité representée par les souliers, qui sont les plus vils accoustremens dont on se sert pour l'ornement du corps, car ils sont tousjours contre terre, foulant la fange et la boue.

  A009000465 

 Abraham dont la foy estoit si grande et qui ne pouvoit mesconnoistre les dons de Dieu en luy, confessa neanmoins, comme il est escrit en la Genese, n'estre que poudre et cendre.

  A009000466 

 Le nard est un petit arbrisseau qui jette un parfum grandement suave, il ne s'esleve point en haut comme les cedres du Liban, ains il demeure en sa bassesse, donnant son parfum avec tant de suavité qu'il resjouit tous ceux qui l'odorent.

  A009000466 

 Or, tant en une maniere comme en l'autre, elle parla avec une si grande humilité qu'elle fit bien voir qu'elle tenoit tout son bonheur de ce que Dieu avoit jetté les yeux sur sa petitesse; c'est pourquoy on luy peut approprier ces parolles du Cantique des Cantiques: Dum esset Rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum; Ma bien-aymée m'est un nard qui respand une tres odoriferante odeur.

  A009000467 

 Comme s'il vouloit dire: Il est vray que ma Mere est bien heureuse parce qu'elle m'a porté en son ventre; mais elle l'est bien davantage pour l'humilité avec laquelle elle a ouÿ les paroles de mon Pere celeste et les a gardées.

  A009000467 

 Son divin Fils en rendit mesme tesmoignage lors que cette bonne femme voyant le miracle qu'il venoit de faire et s'appercevant du murmure des Juifs, se leva et cria à haute voix: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées; à quoy le Sauveur respondit: Plus heureux est celuy qui entend la parole de Dieu et la garde.

  A009000468 

 Elle marchoit aussi hastivement parce que sa pureté virginale l'incitoit à ce faire pour estre toist retirée, car les vierges doivent demeurer cachées et ne paroistre que le moins qu'elles peuvent parmi le tumulte du monde..

  A009000468 

 Exurgens Maria; elle se leve promptement et va hastivement par les montagnes de Judée, car l'Enfant duquel elle estoit grosse ne l'incommodoit aucunement, d'autant qu'il n'estoit pas semblable aux autres; partant la Vierge n'en ressentoit pas l'incommodité des autres femmes, lesquelles sont pesantes et [165] ne peuvent marcher à cause de la pesanteur de l'enfant qu'elles portent, parce que ces enfans sont pecheurs.

  A009000468 

 L'Evangeliste dit donc que la Vierge se leva hastivement et monta les montagnes de Judée, pour monstrer la promptitude avec laquelle on doit correspondre aux inspirations divines; car c'est le propre du Saint Esprit, lors qu'il touche un cœur, d'en chasser toute la tepidité: il ayme la diligence et promptitude, il est ennemy des remises et dilayemens dans l'execution des volontés divines.

  A009000469 

 Quelles graces et faveurs pensez-vous, mes cheres Sœurs, tomberent sur la mayson de Zacharie lors que la Vierge y entra? Si Abraham receut tant de graces pour avoir hebergé trois Anges en sa mayson, si Jacob apporta tant de benedictions à Laban, quoy que celuy ci fust meschant homme, si Loth fut delivré de l'embrasement de Sodome pour avoir logé deux Anges, si le Prophete Elie remplit tous les vaysseaux de la pauvre vefve, si Elisée ressuscita l'enfant de la Sunamite, en fin si Obededom receut tant de faveurs du Ciel pour avoir abrité chez luy l'Arche d'alliance, quelles graces et combien de bénédictions celestes tomberent sur la mayson de Zacharie en laquelle entra l'Ange du grand conseil, ce vray Jacob et divin Prophete, la vraye Arche d'alliance, Nostre Seigneur enclos dans le ventre de Nostre Dame!.

  A009000469 

 Saint Luc dit bien que Marie salua Elisabeth, mais quant à Zacharie il s'en taist, d'autant que la virginité de Nostre Dame ne luy permettoit de saluer les hommes, et elle nous vouloit enseigner que les vierges ne sçauroyent avoir trop de soin de conserver leur pureté.

  A009000470 

 Certes, toute la mayson en fut comblée de joye: l'enfant tressaillit, le pere recouvra la parole, la mere fut remplie du Saint Esprit et receut le don de prophetie, [166] car voyant cette sainte Dame entrer dans sa mayson elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de mon Dieu me soit venue visiter? Voyez-vous, elle la nomme Mere avant qu'elle ait enfanté, ce qui est contre la coustume ordinaire, d'autant qu'on n'appelle point meres les femmes avant leur enfantement, parce que souvent elles enfantent malheureusement.

  A009000471 

 Et si tous les Prophetes desiroyent le Messie promis en la Loy et se resjouissoyent sçachant que tout s'accomplirait en son jour, combien plus devons-nous penser que saint Jean fut rempli d'allegresse voyant au travers le sein de sa mere le vray Messie promis, le Desiré des Patriarches, qui le venoit visiter pour commencer [167] par luy l'œuvre de nostre Redemption en le retirant du bourbier du peché originel!.

  A009000471 

 Pour ce qui devoit advenir, elle vit par ce mesme esprit que la Vierge seroit benite entre toutes les femmes, et le proclama; elle parla aussi du present, l'appellant Mere de Dieu.

  A009000471 

 Puis elle dit: Vous estes bienheureuse, Madame, parce que vous avez creu; et de plus, vous estes benite par dessus toutes les femmes.

  A009000472 

 O combien, mes tres cheres Sœurs, devez-vous estre comblées de joye lors que vous estes visitées par ce divin Sauveur au tres saint Sacrement de l'autel, et par les graces interieures que vous recevez journellement de sa divine Majesté par tant d'inspirations et paroles qu'il dit à vostre cœur; car il est tousjours à l'entour frappant et vous parlant de ce qu'il veut que vous fassiez pour son amour.

  A009000473 

 La tres sainte Vierge entendant ce que sa cousine Elizabeth disoit à sa louange, s'humilia et rendit de tout la gloire à Dieu; puis confessant que tout son bonheur, comme j'ay dit, procedoit de ce qu'il avoit regardé l'humilité de sa servante, elle entonna ce beau et admirable cantique Magnificat, cantique qui surpasse tous ceux qui avoyent esté chantés par les autres femmes: plus excellent que celuy de Judith, plus beau sans nulle comparaison que celuy que chanta la sœur de Moyse apres que les enfans d'Israël eurent passé la mer Rouge et que Pharaon et les Egyptiens furent ensevelis dans ses eaux, en somme plus beau que ceux qui ont esté chantés par Simeon et par tous les autres dont l'Escriture fait mention..

  A009000474 

 O mes cheres Sœurs, qui avez cette Vierge pour Mere, filles de la Visitation Nostre Dame et de sainte Elizabeth, que vous devez avoir un grand soin de l'imiter, sur tout en son humilité et charité, qui sont les principales vertus qui luy firent faire cette Visitation.

  A009000474 

 Vous devez donques reluire tout particulierement en icelles, vous portant avec une grande diligence et allegresse à visiter vos Sœurs malades, vous soulageant et servant cordialement les unes les autres en vos infirmités, soit spirituelles ou corporelles; et par tout où il s'agit d'exercer l'humilité et la charité vous vous y devez porter avec un soin et promptitude singuliere, car voyez-vous, ce n'est pas [168] assez pour estre fille de Nostre Dame de se contenter d'estre dans les maysons de la Visitation et porter le voyle de Religieuse.

  A009000491 

 C'est certes tres à propos que Nostre Seigneur dit que le Royaume des cieux est semblable à un marchand, lequel cherchant des perles en trouve en fin une d'un prix et d'une valeur si excellente au dessus de toutes les autres, qu'il va et vend tout ce qu'il a pour l'acheter.

  A009000491 

 De mesme en font tous les hommes, car chacun cherche la felicité et le bonheur, neanmoins personne ne le trouve que celuy qui rencontre cette perle orientale du pur amour de Dieu, et qui l' ayant trouvée, vend tout ce qu'il a pour l'avoir..

  A009000491 

 Il veut nous faire entendre par cette similitude que les negociateurs du Ciel sont semblables à ce marchand; car, si vous y prenez garde, ils font un mesme negoce, je veux dire, ils negocient de mesme façon.

  A009000492 

 Le malheur est que les hommes constituent la felicité chacun en ce qu'il ayme: les uns aux richesses, les autres aux honneurs; mais ils se trompent bien, car tout cela n'est point capable d'assouvir et contenter leur cœur.

  A009000492 

 On en voit l'experience en Alexandre qu'on appelle le Grand, lequel apres avoir assujetti à son empire presque toute la terre, ne fut neanmoins pas satisfait; car un fol philosophe luy ayant fait accroire qu'il y avoit encores d'autres mondes que celuy cy, il se mit à pleurer dequoy il croyoit ne les pouvoir conquerir.

  A009000492 

 Or pensez, de grace, si celuy qui a possedé si eminemment les biens et les richesses de la terre par dessus tout autre n'est pas content, qui donc le pourra estre?.

  A009000493 

 Certes, non seulement les choses terrestres ne sont pas capables de satisfaire nos cœurs, mais non pas mesme les celestes; et cecy nous le voyons tres bien en la Magdeleine.

  A009000493 

 La tres sainte Vierge, laquelle, a [171] des sureminences si grandes, et qui est si particulierement gratifiée au dessus de tous les Anges, s'estonne neanmoins à la veue de saint Gabriel qui l'estoit venu trouver pour parler avec elle du tres sacré mistere de l'Incarnation..

  A009000493 

 Les hommes, pour grans qu'ils soyent et pour magnifiquement ornés qu'ils puissent estre, ne sont rien aupres des Anges, leur lustre n'a point d'esclat et ne sont pas dignes de comparoistre en leur presence; aussi voit-on que jamais ils n'ont apparu aux hommes sans que ceux ci ne soyent tombés dessus leur face, n'estans pas capables de supporter la splendeur et l'esclat de la beauté angelique.

  A009000494 

 Les Anges luy demandent: Pourquoy pleures-tu? comme s'ils eussent voulu dire: N'as-tu pas bien sujet de te resjouir et d'essuyer tes larmes en nous voyant? Quoy, la splendeur et beauté de nos faces, l'esclat de nos vestemens, nostre magnificence plus grande que celle de Salomon, n'est-elle pas capable de t'apaiser? O certes non, mon cœur ne se peut contenter à moins que de Dieu.

  A009000494 

 Magdeleine ayme mieux son Maistre crucifié que les Anges glorifiés..

  A009000495 

 Et apres, elle adjouste que les gardes de la ville l'ont toute blessée.

  A009000495 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, dit que son Bien-Aymé ayant frappé à sa porte passa outre; et elle, ayant ouvert et ne le trouvant pas, s'en va apres luy pour le chercher, puis rencontrant les gardes de la ville elle leur demande si elles ont point veu son Bien-Aymé: Hé, de grace, si vous le rencontrez, annoncez-luy que je languis d'amour.

  A009000495 

 L'amante sacrée dit que les gardes l' ont blessée parce qu'elles l'ont arrestée, car rien ne blesse tant un cœur qui ayme Dieu que de se voir retenu loin de Dieu.

  A009000495 

 Tous ceux qui pratiquent l'amour sacré sçavent que ses blesseures sont diverses et qu'il blesse les cœurs en plusieurs façons, dont l'une est d'estre arresté et empesché de demeurer en ce qu'il ayme.

  A009000496 

 Le pur amour de Dieu est cette perle pretieuse que les negociateurs du Ciel trouvent, et pour laquelle acheter il faut qu'ils vendent tout ce qu'ils ont.

  A009000496 

 Nous voyons que ces anciens Chrestiens qui ne se contentoyent pas d'observer les commandemens de Dieu, mais aussi se mettoyent à la prattique exacte de ses conseils, quittoyent tout sans reserve; si que l'on pouvoit veritablement bien asseurer qu'ils n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame, car le mot de tien et de mien n'estoit jamais entendu parmi eux..

  A009000497 

 Les Religieux et Religieuses ont esté de tout temps fort loués et estimés à cause de ce parfait abandonnement de toutes choses; mais laissons les Religieux et ne parlons que des Religieuses, puisqu'il est plus à mon propos..

  A009000498 

 Il les recommande tant les unes que les autres, à cause du grand renoncement qu'elles ont fait de tout ce qui est sur la terre, tant de ce qu'elles possedoyent comme des pretentions qu'elles pouvoyent avoir, comme aussi à cause de leur parfait renoncement à elles mesmes..

  A009000498 

 Le bienheureux saint Ignace, [173] escrivant à un de ses amis, luy recommande expressement les vierges et les vefves congregées dans les monasteres; les vierges comme consacrées à Dieu, et les vefves comme l'autel.

  A009000498 

 Le grand saint Augustin fait reproche aux Manicheens dequoy en leur religion ils n'ont rien de semblable ni qui approche tant soit peu la vertu des vierges renfermées dans les monasteres, lesquelles sont pures comme des colombes et font vœu d'une perpetuelle chasteté; mais sur tout il extolle ce renoncement de toutes choses, disant qu'elles ont tellement quitté tout ce qu'elles avoyent qu'elles n'ont rien en particulier, et que jamais les mots pernicieux de mien et de tien ne s'entendent parmi elles.

  A009000500 

 La pretention de tous les Religieux n'est point moindre que de se transformer tout en Dieu, pretention digne certes d'un cœur genereux, et pretention que nous devrions tous avoir.

  A009000501 

 Chacun sçait qu'il n'y a rien de plus vil dans une mayson que les balayeures, si que l'on ne voit l'heure qu'elles en soyent dehors.

  A009000501 

 De mesme les ames qui ont fait cette genereuse entreprise de se transformer toutes en Dieu, helas! que ne faut-il pas qu'elles fassent pour s'aneantir, se confondre et se delaisser, jusques à ce qu'elles soyent tellement purifiées que rien ne leur demeure que la seule liqueur celeste qui est en elles, à sçavoir, l'image et la semblance de la divine Majesté.

  A009000501 

 De mesme, dit saint Paul, on ne voit l'heure que l'on nous oste de devant les yeux des hommes, tant ils nous ont en horreur.

  A009000501 

 Quelles persecutions, quelles mortifications, quelles sortes d'abjections, de tourmens et de douleurs n'a-t-il pas souffert? Escoutez ce qu'il escrit: Jusques à cette heure nous avons esté blasphemés, persecutés à outrance, injuriés et mesprisés, jusques là que nous sommes tenus et estimés comme les balayeures de ce monde.

  A009000502 

 Vous avez abandonné les biens exterieurs; mais de sousmettre vostre propre jugement, assujettir vostre entendement à celuy d'une [175] Superieure, et renoncer tellement vostre propre volonté qu'elle ne paroisse plus et qu'elle soit absolument sujette et obeissante à ses ordonnances, c'est une chose bien difficile et bien malaysée; il est besoin d'un grand courage pour faire cela.

  A009000505 

 Ne doutez point qu'elle ne vous prenne en sa protection si vous venez faire vos offrandes avec humilité et simplicité de cœur, puisque ce sont les vertus qui ont le plus relui en elle durant le cours de sa vie, jointes à celle de suivre fidellement les attraits et les inspirations celestes.

  A009000510 

 Plusieurs ont nommé cette feste de divers noms: les uns l'appellent l'Assomption, les autres le couronnement de Nostre Dame et les autres sa reception au Ciel.

  A009000513 

 Les Roys le viennent adorer, et l'on peut penser quelles louanges ils donnerent à l'Enfant et à la Mere; elle ne dit pas un mot.

  A009000514 

 Les Anges ont soin de nostre salut, et Dieu mesme a soin de ses creatures, mais avec paix et tranquillité.

  A009000514 

 Les Saints qui sont au Ciel ont du soin pour glorifier et louer Dieu, mais sans inquietude, car il n'y en peut avoir.

  A009000514 

 Un autre qui voudra visiter et consoler les malades ne le fera pas sans s'empresser, et mesme s'inquieter s'il est empesché de le faire.

  A009000516 

 Cecy correspond à la response qu'il fit à cette femme dont il est parlé en l'Evangile: Vous dites bien que bienheureux est le ventre qui m' a porté et les mammelles que j'ay succees; mais moy je vous dis que bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000517 

 Ce fut avec un amour et gloire incomparable, avec une magnificence d'autant plus grande au dessus de tous les Saints, que ses merites surpassoyent tous les leurs..

  A009000518 

 Il s'en trouveroit assez qui s'estonneroyent, disant: Comment est-ce que Nostre Seigneur, qui aymoit si tendrement et si fortement sa sainte Mere, ne luy donna le privilege de ne point mourir? Puisque la mort est la peine du peché, et qu'elle n'en avoit jamais fait aucun, pourquoy est-ce qu'il la laissa mourir? O mortels, que vos pensées sont contraires à celles des Saints, que vos jugemens sont esloignés de ceux de la divine Majesté! Ne sçavez vous pas que la mort n'est plus ignominieuse, ains qu'elle est pretieuse despuis que Nostre Seigneur et Maistre se laissa attacher par elle sur l'arbre de la croix? Ce n'eust point esté un advantage ni un privilege pour la Sainte Vierge de ne point mourir, ains elle avoit tousjours desiré la mort dès qu'elle la vit dans les bras et dans le cœur mesme de son tres sacré Fils.

  A009000518 

 La mort est si suave et si desirable que les Anges s'estimeroyent heureux de pouvoir mourir; et les Saints ont esté heureux de la souffrir et y ont ressenti beaucoup de consolation, parce que nostre divin Sauveur qui est nostre vie s'estoit laissé en proye à la mort..

  A009000521 

 La mort du juste est pretieuse devant le Seigneur, comme au contraire la mort des meschans luy est en horreur, d'autant qu'elle les porte à la damnation..

  A009000521 

 Les chandelles et flambeaux apportent trop de clarté, partant il faut mettre des lampes nourries d'huile parfumée; et ces lampes jettant des continuelles exhalaisons, donnent plus de suavité et de recreation à la compagnie.

  A009000521 

 Les grans de ce monde font aucunefois des assemblées, et le plus souvent fort inutiles.

  A009000521 

 Nous trouvons en beaucoup de lieux de la Sainte Escriture que les lampes representent les Saints, lampes qui ont jetté des continuelles exhalaisons de bons exemples devant les hommes et qui ont esté tousjours ardentes du feu de l'amour de Dieu.

  A009000522 

 Elle fut certes une lampe toute nourrie d'huile parfumée; quel parfum pensez-vous donc qu'elle jettast à l'heure de son glorieux trespas? Les jeunes filles sont allées apres elle à l'odeur de ses onguens.

  A009000522 

 Or, si les Saints ont esté des lampes ardentes et odoriferantes, combien plus la tres sainte Vierge, la perfection de laquelle surpasse toutes celles des Bienheureux; voire mesme si elles estoyent toutes assemblées [183] en une, elles ne seroyent pas comparables à la sienne.

  A009000523 

 Il dit que Jesus Christ a esté eslevé d'autant plus haut au dessus de tous les Cherubins et autres Esprits angeliques que son nom est relevé par dessus tous les autres noms.

  A009000523 

 Mais avec quel triomphe, mais avec quelle magnificence croyez-vous qu'elle fut accueillie de son Fils bien aymé en contreschange de l'amour avec lequel elle l'avoit receu venant en terre? Il faut bien croire qu'il ne fut pas mesconnoissant, ains qu'il la recompensa d'un degré de gloire d'autant plus grand au dessus de tous les Esprits bienheureux, que ses merites surpassoyent ceux de tous les Saints ensemble.

  A009000525 

 L'Arche de l'alliance dans laquelle estoyent les tables de la Loy ne pouvoit estre atteinte d'aucune corruption, d'autant qu'elle estoit faite de bois de cedre qui est incorruptible; combien estoit-il plus raysonnable que cette Arche en laquelle avoit reposé le Maistre de la Loy, fust exempte de toute corruption? La resurrection de la tres sainte Vierge est declarée par ces paroles: Levez-vous, Seigneur, vous, et l'Arche de vostre sanctification.

  A009000525 

 Les vers nous mangent et nous avons tous sujet de dire aux vers: V ous estes mon pere, vous estes ma mere..

  A009000526 

 Je ne sçay si vous aurez remarqué que le petit David, avant qu'entreprendre la bataille contre Goliath, s'informa soigneusement parmi les soldats de ce que l'on donneroit bien à celuy qui vaincroit et terrasseroit ce grand geant, ennemy des enfans de Dieu.

  A009000527 

 Or, quelle est la maison de Nostre Seigneur sinon la tres sainte et virginale chair de Nostre Dame? Elle fut donques exempte de tribut par les merites de son Fils, c'est à dire, elle fut ressuscitée avant qu'elle eust aucunement receu de tare ni deschet dans le sepulcre..

  A009000528 

 Que nous reste-t-il maintenant à dire sinon de voir si nous ne pourrons point en quelque façon imiter l'Assomption de nostre glorieuse et tres digne Maistresse? Quant au corps, nous ne le pouvons point faire jusques au jour du jugement dernier, où les corps des Bienheureux ressusciteront glorieux, et ceux des reprouvés pour estre eternellement damnés.

  A009000529 

 Il y en a extremement peu qui n'en ayent, pour spirituels qu'ils soyent; et d'autant qu'on est plus spirituel, d'autant plus l'envie est-elle fine et comme imperceptible; elle fait ses actes si dextrement que l'on a prou peine de les remarquer.

  A009000530 

 Escoutez des Religieux quand ils parlent de leur Institut, ils l'estiment tousjours au dessus de tous les autres: Il est vray, disent-ils, que cet Ordre dont vous parlez est de grande perfection, mais le mien est tousjours quelque chose davantage.

  A009000530 

 Mais parlons encores un peu de ces petits traits d'envie que produit nostre amour propre, lesquels sont certes comme des petits renardeaux qui vont fracassant et gastant les vignes.

  A009000531 

 Ces deux hommes s'exercent ainsy en l'observance des deux principaux commandemens, sur lesquels, comme sur deux colonnes, est fondée et accomplie toute la Loy et les Prophetes.

  A009000531 

 L'homme interieur tend tousjours à l'union avec la divine Majesté et fait les discours necessaires pour parvenir à cette union.

  A009000531 

 Les anciens philosophes ont dit qu'il faut regarder à la fin premier qu'à l'œuvre; mais nous autres faisons tout au contraire, car nous nous empressons à l'exercice de l'œuvre que nous avons entreprise, plustost que de considerer quelle en doit estre la fin..

  A009000533 

 Elle en fait de mesme à ses yeux, car elle leur met leur chaperon naturel, qui sont les paupieres, à fin qu'ils ne voyent que ce qu'il faut.

  A009000533 

 Les anciens qui ont fait le denombrement des vertus en ont remarqué une peuplade, et à la fin ils s'y sont encores trouvés court.

  A009000533 

 Voyez-vous cette personne qui a dessein de la prattiquer? Elle commence à faire pacte avec ses yeux qu'ils ne regarderont que pour les choses necessaires et non point autrement; et pour cela elle leur fera comme aux esperviers que l'on chaperonne quand on ne leur veut pas donner le vol et à fin de les porter plus aysement sur le poing.

  A009000534 

 Quelle attention ne faut-il pas pour prattiquer la patience et pour ne point eschapper en la colere! Cassien escrit qu'il ne suffit pas de fuir les occasions de parler et converser avec les hommes; aussi n'est-ce pas le moyen d'acquerir la vertu que d'en eviter l'exercice, d'autant qu'il rapporte de luy mesme que, estant seul dans le desert, lors qu'il se levoit la nuit et qu'il prenoit son fusil pour allumer sa chandelle, si le caillou ne vouloit pas faire feu il se mettoit en colere et le jettoit contre terre..

  A009000535 

 Quelles brides ne faut-il pas mettre à la langue pour l'empescher de courir par les rues comme un cheval eschappé et d'entrer en la maison du prochain, voire mesme dans sa vie, ou pour la censurer et [189] contreroller, ou bien pour luy oster tousjours un peu de l'estime que nous sçavons luy estre deuë..

  A009000536 

 Et qu'ainsy ne soit, escoutez le grand Apostre: La charité est douce, elle est patiente, elle est benigne, elle est condescendante, elle est humble, elle est affable, elle supporte tout; en fin elle comprend en soy toutes les perfections des autres vertus, mais beaucoup plus excellemment qu'elles ne font pas elles-mesmes.

  A009000536 

 Je vous dis en un mot: ayez la tres sainte charité et vous aurez toutes les vertus.

  A009000536 

 Voicy neanmoins un remede pour vous delivrer de tant de sollicitudes: puisque Nostre Seigneur dit qu' une seule chose est necessaire, qui est d'estre sauvé, il n'est pas requis de tant multiplier les moyens pour l'acheminement de nostre salut, bien qu'il faille un acheminement à toutes choses.

  A009000537 

 Si vous avez l'amour de Dieu, ne vous mettez point en peine ni en souci de prattiquer les autres vertus, d'autant qu'il ne se presentera point d'occasion de vous y exercer que sans soin vous ne le fassiez; je dis quelle vertu que ce soit: de patience, de douceur, de modestie, et ainsy des autres..

  A009000538 

 Les lapins font des petits toutes les trois semaines; l'on [190] trouve quantité de levraux, des mouches, à milliers, des moucherons sans nombre, mais des aigles extremement peu.

  A009000539 

 C'est pourquoy les trouppes angeliques s'escrioyent comme tout estonnées: Qui est celle cy qui monte du desert appuyée sur son Bien-Aymé? Par où nous pouvons entendre que si bien Nostre Dame montoit au Ciel comme estant toute pure, nonobstant sa pureté, elle estoit neanmoins appuyée sur les merites de son Fils, en vertu desquels merites elle entra en la gloire.

  A009000556 

 Si j'eusse eu le temps, j'eusse parlé d'une certaine dedicace pieuse qui se fait par la frequentation du temple, c'est à dire de l'eglise; mais je ne parleray pour cette heure que de la dedicace du cœur, asseuré que je suis que les ames pour lesquelles je presche maintenant y prendront plus de playsir.

  A009000557 

 Hé Dieu, n'est-il pas bien raysonnable que cet amour domine et tienne le donjon au dessus de tous les autres, qu'il regne et commande et que tout luy soit sujet? Aymer le Seigneur d'un amour d'election, c'est cela, c'est le choisir entre mille, comme l'Espouse du Cantique des Cantiques: Mon Bien-Aymé est beau à merveille, toutes sortes de perfections sont en luy, je l'ay choisi entre mille, c'est à dire entre un nombre infini, pour mon Bien-Aymé et mon choisi..

  A009000557 

 Il ne se contente pas, certes, d'estre aymé d'un amour commun, ainsy que nous faisons nos semblables, mais d'un amour d'election, choisi et esleu entre tous les autres, en sorte que tous les amours que nous avons pour les creatures ne soyent que des images en comparaison de celuy qu'il veut que nous luy portions.

  A009000558 

 Et qu'ainsy ne soit, les effects de son amour le monstrent.

  A009000558 

 Or, quand ce vient à nostre choix d'eslire un objet pour le principal but de nostre amour, certes nous aurions grand tort de ne le pas chercher entre tous les sujets qui sont aymables, à fin de choisir le plus excellent.

  A009000559 

 O pauvres gens, que vous monstrez bien qui vous estes, et que vous avez des esprits, mais non pas pour penetrer les choses de Dieu, ni les comprendre et connoistre pour telles qu'elles sont.

  A009000559 

 Si Nostre Seigneur nous eust commandé de l'aymer comme font les Bienheureux là haut au Ciel, vous auriez quelque rayson de dire que nous ne le pouvons pas, d'autant qu'ils l'ayment d'un amour ferme, stable et constant, sans interruption quelconque; ils le benissent perpetuellement, et par ainsy ils sont en un continuel exercice de leur amour; ce que nous ne pouvons pas faire nous autres, car il faut que nous dormions, et pendant ce temps là nostre amour cesse son exercice.

  A009000560 

 Le nom d'amour est commun à toutes les autres affections basses, terrestres et caduques, mais le nom de dilection, jamais elles ne le meritent..

  A009000562 

 Ce n'est pas sans rayson, mes chers auditeurs, que les peintres peignent l'amour en archer, qui descoche incessamment des fleches dans le cœur des mortels pour les blesser et navrer de ses aymables traits.

  A009000562 

 L'autre porte non seulement son arc bandé, ains encores la fleche est tendue dessus, à fin que selon les rencontres il n'ayt qu'à la descocher.

  A009000563 

 Ils tiennent tousjours l'arc de cette resolution bandé, prests à descocher la fleche de leur fidelité en tous les rencontres où il sera besoin de faire paroistre que l'amour qu'ils luy portent est le supreme entre tous les autres amours, faisant tousjours ceder l'amour de la creature à celuy du Createur, voire mesme celuy qu'ils ont pour leur pere, mere, femme et enfans; heureux qu'ils sont, certes, de conserver ceste fidelité à Dieu, car ainsy faisant ils l'aymeront suffisamment pour ne point entrer en sa disgrace..

  A009000563 

 L'amour que le vulgaire des hommes porte à Dieu, s'entend les Catholiques, est semblable à ce premier archer que nous nous sommes representé, car ils sont resolus de mourir plustost que d'offencer mortellement la divine Majesté en prevariquant ses commandemens.

  A009000564 

 Elles sont semblables à ce second archer que nous nous sommes imaginé, qui non seulement tient son carquoy plein de fleches et son arc tout prest pour tirer, mais il tire fort souvent, mettant le moins de distance qu'il peut entre chaque coup; il n'attend pas la necessité, ains il lance ses traits à toutes les apparences de necessité.

  A009000565 

 O qu'ils sont heureux de blesser continuellement le cœur tres aymable de Dieu de leur amour, amour qui sera infini et immortel et lequel ne pourra jamais avoir d'interruption en son exercice sacré, parce qu'à mesure qu'ils descochent les traits de leurs affections la divine Majesté remplit leurs carquois de sorte qu'ils seront eternellement inepuisables.

  A009000567 

 Puis en son Sacrement il semble qu'il ne sera jamais assez content d'inviter les hommes à le recevoir, car il inculque d'une façon admirable le bien qu'il a preparé pour ceux qui s'en approcheront dignement.

  A009000569 

 De mesme en est-il en cet amour sacré: la fidelle amante s'essaye par tous les moyens possibles de rencontrer par tout son cher Bien-Aymé tout seul, pour luy lancer dans le cœur quelques traits [199] de sa passion amoureuse et luy rendre quelque petit tesmoignage de son amour, quand ce ne seroit que de luy pouvoir dire: Vous estes tout mien, et moy je suis toute vostre..

  A009000569 

 L'amour, comme dit le grand Apostre de la France, tend à l'union; si que l'amour unit d'une union presque inseparable les cœurs de ceux qui s'ayment, quand l'amour est pur, car autrement nous n'en voulons pas parler.

  A009000569 

 Les amans cherchent tousjours de parler secrettement, bien que ce qu'ils ont à dire ne soyent pas des secrets ou choses qui meritent d'estre tenues pour tels.

  A009000569 

 Si vous aymez bien Dieu vous aurez un grand soin de rechercher sa presence à fin de vous unir tousjours plus avec sa divine Bonté, non point pour la consolation qu'il y a de jouir de cette presence, ains simplement pour satisfaire à son amour qui le desire ainsy; vous rechercherez le Dieu de toutes consolations et non pas les consolations de Dieu.

  A009000570 

 Une autre marque pour connoistre si vous aymez bien Dieu, est si vous n'aymez pas beaucoup d'autres choses avec luy, ainsy que j'ay dit (mais cela s'entend d'un amour fort et puissant); car vous sçavez que quand on ayme beaucoup de choses ensemble, c'est les aymer d'un amour moins fort et moins parfait.

  A009000571 

 Mais encor, quel pensez vous qu'il soit? C'est un amour ferme, constant, invariable, qui, ne s'attachant point aux niaiseries, ni aux qualités ou conditions des personnes, n'est pas sujet au changement ni aux aversions comme celuy que nous nous portons les uns les autres, qui pour l'ordinaire se dissipe et s'alangourit sur une mine froide ou qui n'est pas si correspondante à nostre humeur comme nous desirerions.

  A009000571 

 Nostre Seigneur nous ayme sans discontinuation (je ne parle pas de ceux qui sont en estat de peché mortel, car le lieu où je suis ne le requiert pas); il nous supporte en nos defauts et en nos imperfections, sans neanmoins les aymer ni les favoriser: il faut donques que nous en [200] fassions de mesme à l'endroit de nos freres, ne nous lassant jamais de les supporter, prenant bien garde toutefois de ne favoriser ni aymer leurs imperfections, ains d'en rechercher l'extermination tant qu'il nous sera possible, ainsy que fait la divine Bonté.

  A009000579 

 Les autres s'y viennent mettre de peur de l'enfer, craignant de se nerdre s'ils demeurent au monde parmi les continuelles occasions de pecher et tant de malheurs et miseres qui y regnent.

  A009000579 

 Les autres viennent pour avoir le Paradis, parce qu'ils sçavent qu'on l'acquiert plus facilement en Religion où, sequestrés des fatras de ce siecle et vivant en l'observance, ils pourront plus facilement arriver au Ciel.

  A009000579 

 Les uns par desespoir, ne sçachant plus que faire au monde; le monde ne voulant plus d'eux, ils s'en viennent en [202] Religion.

  A009000580 

 Toutes ces pretentions sont fort imparfaites et ne sont point dressées selon l'intention pour laquelle Nostre Seigneur a institué les Religions, qui est «pour s'unir plus parfaittement à Dieu» et estre crucifié avec Jesus Christ au «mont de Calvaire,» pour vivre avec luy au Ciel, et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau.

  A009000581 

 Je me souviens qu'au temps où j'estois jeune garçon, l'on ne voyoit point tant de pompe, les enfans alloyent vestus plus simplement; mais à cette heure il faut tant despendre [203] de choses pour la vanité que rien plus; les dames de Paris sont tousjours à songer à inventer de nouvelles vanités pour despendre le bien de leurs maris.

  A009000581 

 Les mauvaises habitudes nous sont demeurées apres le peché de nos premiers parens Adam et Eve, qui perdirent la grace originelle par la desobeissance.

  A009000581 

 Mais despuis elles se sont mesme enviellies, car l'on voit maintenant beaucoup plus de vanité qu'autrefois, plus d'avarice, plus de convoitise des playsirs mondains, plus d'ambition pour les honneurs et grandeurs.

  A009000581 

 Qu'est-ce que vivre selon le viel homme? C'est vivre comme les mondains: ils convoitent perpetuellement les richesses pour en avoir tousjours davantage, ils n'en sont jamais assouvis; ils pourchassent les grandeurs à fin d'estre estimés par dessus tous; ils suivent leur playsir brutal, sensuel et infame, sans s'arrester; veulent estre maistres d'un chacun et ne recevoir la correction de personne; ayment leur propre chair et leurs commodités en tout.

  A009000582 

 Au monde l'on ayme et cherit fort la propre estime, et en Religion il faut prattiquer l'humilité par dessus tout, car qui s'exerce bien en cette vertu il a bien tost toutes les autres.

  A009000582 

 Nostre Seigneur l'a prattiquée souverainement et au supreme degré, car il n'y a creature au monde, non pas mesme tous les Saints ni tous les Anges ensemble, qui puisse atteindre à l'humilité de nostre Sauveur et Maistre.

  A009000582 

 Nous avons receu d'eux le peché et toutes les passions que nous avons: la colere, la convoitise qui nous fait desirer des biens, des honneurs; l'amour à la propre estime, la tendreté sur soy rnesme qui fait que l'on ayme tant la liberté et que l'on n'ayme pas la sujetion.

  A009000583 

 Encores que cette derniere pretention paroisse bonne, ce n'est pourtant pas l'intention pour laquelle les Religions sont instituées: c'est à fin de servir plus parfaittement à Dieu et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau, car entrant en Religion il n'y faut point apporter les coustumes du monde.

  A009000583 

 O ma chere fille, si vous voulez demeurer en Religion il n'y faut point apporter les moeurs du monde, mais vous despouiller du viel homme: de ces petites esmotions de colere que l'on ressent quand on nous reprend, car personne n'ayme la correction; de ces tendretés sur nous mesme quand on nous contrarie, de ces larmes de compassion et ces petits ressentimens d'impatience aux contradictions qu'on nous fait sur nos humeurs et inclinations, de la propre estime de nous mesme, du desir d'estre estimé de bonne mayson et quelque chose de plus que les autres.

  A009000583 

 Saint Basile escrivant à Syncleticus, qui de senateur s'estoit fait Religieux, il luy mandoit: O mon frere, qu'as-tu fait? «Tu as desfait un senateur et tu n'as pas fait un Religieux.» Tu n'es plus senateur, car tu as quitté cette charge; tu n'es pas bon Religieux, d'autant que tu vis avec les coustumes que tu as portées du monde.

  A009000584 

 Ce n'est rien de quitter ces habits exterieurs que nous voyons pour prendre ceux de la Religion, si nous ne prenons les habitudes et les mœurs d'icelle.

  A009000585 

 Or, Nostre Seigneur disoit au cœur de saint Augustin: Changez-vous des vielles habitudes, n'aymez point tant les festins, les playsirs, les vaines conversations, despouillez-vous du viel homme et vous revestez du nouveau..

  A009000585 

 Saint Augustin avoit esté grandement bien nourri, et avoit vescu longuement emmi les habitudes du monde.

  A009000585 

 Sans doute c'estoyent les Anges qui chantoyent en musique et disoyent: «Prens et lis, prens et lis.» Ils vouloyent qu'Augustin leust les Epistres de saint Paul qu'il avoit aupres de soy.

  A009000586 

 Isaac embrassant son fils, qu'il croyoit estre Esaü, et sentant l'odeur de ses vestemens comme un champ fleuri, il luy print les mains et luy donna sa benediction de l'heritage celeste.

  A009000586 

 Mais pour mieux tromper Isaac, [206] elle fit mettre à Jacob les habits de son frere qui estoyent tout parfumés.

  A009000587 

 O que bienheureuses sont les ames qui entrent en Religion à cette supreme fin, pour cueillir les fleurs des graces de Dieu et jouir apres de leurs fruits au Ciel! Mais ceux qui sont venus pour d'autres motifs il ne faut pas qu'ils perdent courage, car on peut tousjours redresser son intention, la bonifier et la rendre meilleure, pourveu qu'on se despouille bien du viel homme, comme nous avons dit, et qu'on prenne les habitudes de la Religion..

  A009000595 

 Ce que sçachant, le roy fut fort fasché, et appellant à soy de ses gentilshommes il leur commanda de s'en aller par la ville et par toutes les avenues des chemins pour inviter [208] tous les pauvres, tant malades que sourdsmuets, boiteux, aveugles, bossus et contrefaits, sans en laisser un seul auquel ils ne dissent: Le roy vous prie de venir en son festin..

  A009000595 

 Le Sauveur preschant dit que le Royaume des cieux estoit semblable à un roy qui, voulant faire les noces de son fils, fit preparer un grand festin, lequel estant dressé, il envoya ses serviteurs aux invités pour leur dire qu'ils vinssent, d'autant que le banquet estoit prest; et ils s'excuserent.

  A009000595 

 Le roy n'estant pas content de cela leur en manda d'autres, lesquels ne furent pas seulement rejettés et mesprisés par les conviés, mais ils furent esgorgés et mis à mort.

  A009000596 

 Cela fait, les tables estans dressées dans une grande salle, et toutes ces pauvres gens estans assis, le roy vint pour voir l'ordre de son festin; et ayant bien regardé les invités, il arresta sa veue sur un pauvre miserable qui y estoit venu sans la robe nuptiale, n'ayant point changé son habit de tous les jours.

  A009000597 

 Je ne m'arresteray pas non plus au deuxiesme sens de cette parabole, qui regarde l'appel general fait à tous les hommes pour les inviter à parvenir au festin royal de l'eternité, à la semonce duquel neanmoins plusieurs ne se veulent pas rendre.

  A009000597 

 Les autres, ne refusans pas du tout de venir aux noces, dilayent neanmoins et disent que ce sera tantost; et ces sortes de gens courent la mesme fortune que les premiers, d'autant qu'ils ne [209] peuvent pas s'asseurer d'avoir le temps auquel ils se promettent d'aller à ce divin banquet.

  A009000597 

 Les uns, comme les plus malheureux, ne refusent pas seulement d'y venir, s'excusans sur leurs affaires, mais ils mesprisent, rejettent et maltraittent les inspirations que le Seigneur leur envoye comme des messagers celestes.

  A009000597 

 Voyla le contenu de la parabole, laquelle je ne m'amuseray pas à expliquer selon le sens litteral, parce qu'il regarde la prediction que nostre divin Sauveur faisoit de la reprobation des Juifs et de l'election des Gentils, qui, comme borgnes, boiteux, bossus et impotens, furent amenés au festin des noces du Fils du Roy par la predication du saint Evangile qui leur fut faitte tant par les Apostres que par Nostre Seigneur mesme.

  A009000598 

 Neanmoins, rien n'est si capable de nous rendre dignes de rejet que les defauts qui se commettent contre la charité..

  A009000599 

 Elle avoit quantité de filles, cette sainte amante, qui consideroyent soigneusement tous les traits de passion amoureuse que son divin Amant et elle s'entrecommuniquoyent, et partant elle s'escrie en cette sorte: O filles de Hierusalem, hé de grace, je vous supplie de mettre toutes la teste aux fenestres pour considerer mon Bien-Aymé au jour de sa joye, et voir la couronne dont sa mere l'a couronné au jour de ses fiançailles.

  A009000600 

 Ces parolles de l'Espouse sont entendues diversement par les Peres, car une partie d'iceux disent que cette couronne estoit la sacrée humanité de Nostre Seigneur, et que sa tres sainte Mere la luy avoit donnée pour en orner le chef de sa divinité.

  A009000601 

 Le reste des Peres qui ont consideré les parolles de l'Espouse tiennent que lors qu'elle invitoit ces filles de Sion à regarder la couronne de son Bien-Aymé, de laquelle sa mere [la Synagogue] l'avoit couronné au jour de sa joye et de son allegresse, elle entendoit parler de la couronne d'espines qu'il portoit au jour de sa Passion.

  A009000601 

 Nul ne doit douter qu'il n'y eust en son ame deux portions: l'une superieure, qui embrassoit volontairement la mort pour satisfaire à la volonté divine à laquelle elle estoit parfaittement unie; l'autre inferieure, qui craignoit la mort et les ignominies de la croix: si que l'allegresse et la tristesse avoyent toutes deux trouvé place en cette ame tres sainte..

  A009000602 

 Si cela est, qui peut douter que le jour de la Passion du Sauveur ne fust le jour de sa joye et de son allegresse? car ne voyez-vous pas les fleurs qui sortent et commencent à bourgeonner autour de la Croix, presage certain des fruits que devoit rendre cet arbre de vie? je veux dire les merites de cette mort, produisans les doux fruits de la salvation des hommes qui espereroyent en ces merites? Que si la joye de la femme est de produire beaucoup d'enfans, combien de sujets de resjouissanee Nostre Seigneur et Maistre eut-il au jour de sa Mort et Passion, puisque ce fut en iceluy qu'il fut fait Pere de tous les enfans des hommes, et leur acquit la grace pour cette vie passagere et la gloire pour la vie eternelle..

  A009000602 

 [211] Vous sçavez que chaque chose se resjouit lors qu'elle produit son fruit; si que l'on dit qu'au printemps la terre semble se resjouir, les arbres commençans à produire des fleurs qui sont des presages de la production des fruits.

  A009000603 

 Ce ne fut pas seulement le jour de la joye de nostre cher Sauveur, mais encores celuy de la joye du Pere eternel, des Anges et de toutes les ames des Bienheureux.

  A009000603 

 La rayson nous le monstre, puisque ce fut alors que Dieu rendit le fruit de sa justice, de sa charité et de sa misericorde envers les hommes.

  A009000603 

 Outre cela, quel playsir pensez-vous qu'il eut de voir son Fils attaché sur la croix pour obeir à sa divine Majesté? Chacun sçait le contentement que les peres reçoivent en l'obeissance que leurs enfans leur rendent; et plus ceux cy se monstrent sujets et obeissans à leurs volontés plus aussi ils reçoivent de complaisance à les aymer.

  A009000604 

 Cela estant ainsy, qui peut douter que le jour de la Passion de Nostre Seigneur et Maistre ne soit un jour de joye et de delices pour les Anges et pour les hommes, puisque c'est en iceluy qu'il a fait paroistre le grand amour qu'il nous portait, comme il l'asseure luy mesme: Nul n'a plus grand amour que celuy qui met son ame, c'est à dire sa vie, pour celuy qu'il ayme..

  A009000604 

 Quant aux hommes et aux Anges, nul ne peut douter que ce ne fust le jour de leur joye par excellence au dessus de tous les autres.

  A009000605 

 Mais, me demanderez vous, pourquoy dites vous que la Croix est un festin auquel nous sommes tous invités, sans en excepter pas un? Hé, ne voyez-vous pas les mets delicieux qui nous y sont preparés? Voyez et considerez de grace la souveraine misericorde que Dieu y presente aux hommes; remarquez, je vous supplie, que c'est là où nous sont preparés et offerts tous les secours necessaires pour parvenir à la gloire..

  A009000606 

 Chose estrange! la table du roy estoit toute pleine, et cependant il n'arresta sa veüe que sur un seul, qui avoit esté si impudent que d'y venir avec ses habits de tous les jours; il s'irrita contre cet homme et le fit jetter pieds et mains liés aux tenebres exterieures.

  A009000606 

 Nous venons tous au festin de la Croix, car par la grace de Dieu nous esperons d'estre sauvés par [213] les merites de Nostre Seigneur crucifié; mais le malheur est que nous n'y venons pas tous avec la robe nuptiale, de sorte que plusieurs en sont bannis et jettés dans les flammes eternelles..

  A009000607 

 Les robes de noces que l'on faisoit du temps de nos peres estoyent extremement amples.

  A009000607 

 Mais qu'est-ce que cette robe nuptiale? C'est la tres sainte charité, car ainsy les Peres l'ont determiné; c'est la charité, mais une charité ample, large et d'une grande estendue.

  A009000608 

 Me voyci maintenant à ce que je voulois dire, et pour ne laisser plus vos attentions en suspens, je vous declareray que cette robe d'Esther represente fort bien la robe nuptiale de laquelle il faut que les ames soyent revestues pour estre trouvées aggreables par le grand Assuerus, par nostre divin Sauveur; mais principalement les Religieux et Religieuses qui luy sont presentées pour estre ses espouses et qui pretendent de parvenir à son lit nuptial..

  A009000610 

 Les Religieuses au contraire sont vestues d'une robe large, qui puisse «faire des plis estant ceinte.» Les robes de ces filles du monde ont les manches larges et grosses du costé des espaules, mais au bout, devant elles, elles sont fort estroittes.

  A009000610 

 Les manches des robes des Religieuses sont larges du costé des mains pour monstrer que les parolles ne suffisent pas, ains qu'il faut des œuvres; elles sont larges en sorte qu'elles puissent tenir les bras croisés dedans, pour monstrer que dès qu'elles ont fait quelques bonnes actions, quelques actes de vertu, il faut remettre la main dans la manche, c'est à dire il faut cacher cette prattique de vertu pour en eviter la louange, et ne vouloir qu'elle soit remarquée que de leur Espoux auquel seul elles desirent de plaire..

  A009000610 

 Premierement les filles du monde portent des [214] robes qui les serrent et les gesnent extremement, et cela pour faire voir qu'elles ont la taille belle; folie qui les rend pour l'ordinaire incapables de rien faire, parce qu'elles en deviennent malades ou languissantes.

  A009000611 

 Au lieu de tout cela, on donne un voile aux Religieuses, qui rejettent toutes ces vanités; et de mesme que leur divin Espoux est couronné d'une couronne d'espines, comme estant le Roy des miserables, ainsy couvrent-elles leurs testes du voile d'abjection et du mespris non seulement de toutes les vanités, mais aussi d'elles mesmes, pour estre plus conformes à leur Bien-Aymé..

  A009000611 

 Les filles du monde portent leurs cheveux esparpillés et poudrés, leur teste est ferrée comme l'on ferre les pieds des chevaux, elles sont plus empanachées et bouquetées qu'il ne se peut dire; bref, elles portent quantité d'affiquets.

  A009000612 

 Les Religieux et Religieuses doivent avoir cette robe tres grande, ce qui represente le bon exemple; et ne se faut pas contenter quelle aille jusqu'en terre et jusqu'à la fin de leur vie, mais aussi qu'elle passe plus outre; que l'odeur de leur sainteté charge celles qui viennent apres elles, qu'il y ait tousjours une bonne brassée de leurs bons exemples propre à estre portée, par imitation, par tous ceux qui entendront parler d'elles..

  A009000613 

 Aussi faut-il que les ames qui doivent estre presentées au Roy souverain par les attraits et inspirations celestes soyent appuyées sur l'esperance de participer aux merites de la Mort et Passion de Nostre Seigneur; car en s'appuyant sur leurs bonnes œuvres elles ne sçauroyent marcher ni le faire seurement pour parvenir au festin nuptial de leur tres cher Espoux.

  A009000613 

 Or cet Espoux divin requiert de nous que nous connoissions et reconnoissions que tout ce que nous pourrions faire ou souffrir en cette vie mortelle ne sçauroit estre capable de nous meriter les delices eternelles qu'il a preparées pour ceux qui l'ayment, si ces mesmes œuvres ou souffrances ne sont unies et conjointes avec les siennes, lesquelles seules peuvent sanctifier les nostres et nous obtenir la jouissance de sa divine presence, jouissance qui fera nostre felicité en la gloire de la bienheureuse eternité.

  A009000620 

 Ce grand Ouvrier duquel les ouvrages sont si parfaits, fit à la creation toutes choses si excellentes et si belles qu'il n'y avoit aucune tache ni macule.

  A009000620 

 Comme au contraire, si nous croyons que nous sommes sains, robustes et gaillars, c'est alors que nous sommes plus mal et en plus grand danger; car ceux qui sont malades et ne croyent pas l'estre, ne veulent point suivre les ordonnances du medecin ni prendre aucun medicament, pensans qu'ils n'en ont pas besoin, et partant ils ne guerissent point, ains viennent à mourir.

  A009000620 

 Il crea les Anges en estat de justice et de grace, quoy qu'ils en receurent chacun differemment, les uns plus, les autres moins selon leur rang; neanmoins tous en furent parfaitement [217] doués autant qu'il estoit requis pour estre aggreables à Dieu et posseder la felicité et beatitude eternelle.

  A009000620 

 Les hommes furent creés en estat d'innocence sans estre sujets à aucune infirmité et maladie.

  A009000620 

 Mais ceux qui croyent estre malades se sousmettent volontiers aux commandemens du medecin et à prendre tous les remedes qu'on juge leur estre propres pour les guerir, tellement qu'ils sont plus facilement remis en parfaite santé..

  A009000621 

 Il y a deux sortes de malades: les uns sont malades à la mort, et les autres sont malades d'une maladie langoureuse et traisnante; car on voit des personnes presque tousjours incommodées, elles ont tousjours quelque fer qui loche, mais pourtant il n'y a rien à craindre qu'elles fassent sonner les cloches.

  A009000622 

 La sainte Eglise est une boutique d'apothicaire, toute pleine de medicamens pretieux et salutaires, qui sont les saints Sacremens que nostre Sauveur et Maistre luy a laissés pour nous guerir de nos infirmités.

  A009000622 

 Par le Sacrement de Penitence nous recevons l'absolution de tous nos pechés tant mortels que veniels; car encor que la confession regarde seulement les pechés mortels, si est-ce que les veniels sont suffisante matiere d'absolution, et il est tres bon de s'en confesser.

  A009000625 

 La maladie corporelle arrive quelquefois lors qu'il y a quelque desordre en nous, que les humeurs s'espanchent par tout le corps et que quelque humeur froide tombe sur le foie; cela donne des douleurs d'estomach.

  A009000626 

 Certes, toutes les ames chrestiennes sont espouses de nostre Sauveur et Maistre et sont creées pour participer à sa gloire; neanmoins les Religieuses sont particulierement destinées au lit nuptial de l'Espoux celeste, car on ne sçauroit nier qu'elles ne soyent plus specialement ses espouses qu'aucune autre des creatures.

  A009000626 

 Elles sont en fin cette unique; c'est pourquoy il faut qu'elles taschent de se laver, nettoyer et purifier, voire des moindres defauts qui les peuvent rendre desaggreables à leur divin Espoux à fin de paroistre devant luy toutes belles, toutes pures, candides et ornées des vertus qui sont plus à son gré..

  A009000626 

 Nous voyons par ces paroles que ce grand Saint appelle toutes les ames des Chrestiens generalement, espouses de ce grand Dieu.

  A009000626 

 Quand je considere le bonheur de ces ames que Dieu a choisies de toute eternité pour les mettre en la sainte Religion, à fin de «vaquer» plus soigneusement à la purgation de leurs maladies et imperfections pour acquerir «la perfection du divin amour,» j'ay de la jalousie pour elles, d'autant qu'elles sont tres particulierement les espouses de l'Espoux celeste.

  A009000627 

 Les femmes du monde ayment voirement Dieu, mais leur amour est partagé, car elles ayment leur mari, leurs enfans, leurs moyens; elles desirent d'en acquerir davantage, tellement que leurs affections estans engagées en tant de choses, elles sont beaucoup diverties de la pureté de l'amour divin et sacré.

  A009000627 

 Mais les ames religieuses ont mille fois plus de facilité parce que leur amour n'est point partagé; elles le logent tout en leur celeste Espoux, qui est l'unique objet de leurs affections et pretentions, auquel elles se sont entierement dediées et consacrées pour estre siennes à toute eternité, sans reserve ni exception; elles n'ont autre desir que de l'aymer et de luy plaire et taschent d'aneantir leur amour propre pour faire vivre et regner l'amour de Dieu, car ces deux amours ne peuvent compatir ensemble.

  A009000628 

 Il leur parle donques ainsy, disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; et ce qui suit..

  A009000628 

 Lors qu'ils furent arrivés au sommet de la montagne il commença à les instruire, nous donnant à entendre qu'il faut que ceux qui veulent enseigner les autres montent premierement à la montagne de la perfection à fin que leurs enseignemens ayent plus d'efficace.

  A009000628 

 Regardons, je vous prie, nostre Sauveur en l'Evangile d'aujourd'huy: il monte sur la montagne avec une grande multitude de peuple qui le suivoit pour estre gueris de leurs maladies, car il sortoit de luy comme une celeste liqueur qui guerissoit; tellement que les uns s'approchoyent pour le voir, d'autres pour l'ouyr parler, d'autres pour toucher le bord de ses vestemens et d'autres pour odorer cette divine odeur à fin d'estre gueris.

  A009000629 

 Dès qu'on voit un homme riche on dit incontinent: Il luy faut faire place, car c'est Monsieur; et nostre cher Seigneur dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit.

  A009000629 

 Le monde fait grand cas de ceux qui sont vaillans, qui tiennent bien leur courage contre leurs ennemis; et Nostre Seigneur appelle bienheureux les doux et debonnaires.

  A009000629 

 Les mondains se font gloire de ne point pardonner et faire misericorde; et Jesus Christ enseigne: Bienheureux les misericordieux, car ils obtiendront misericorde, nous monstrant par là que si nous ne faisons misericorde elle ne nous sera pas faite.

  A009000629 

 Nostre Seigneur est tout au contraire du monde; car les mondains ne tiennent pour bienheureux que les riches, parce qu'avec les richesses on fait tout ce qu'on veut.

  A009000630 

 Allez tant que vous voudrez par tout le monde prescher la pauvreté; qui vous entendra? Exaltez tant qu'il vous plaira la sainte humilité; à qui, je vous prie, la persuaderez-vous? Criez et recriez tant que vous pourrez que bienheureux sont les pauvres; personne ne le veut estre pour tout cela, sinon ceux à qui le Saint Esprit a donné le don de sapience, par lequel il fait gouster à leurs ames la douceur qu'il y a au service de Dieu et en la prattique des vertus.

  A009000630 

 De sorte que ces ames religieuses reçoivent mille suavités et contentemens parmi la pauvreté, la mortification et les exercices de la Religion, car c'est principalement à elles que ce divin Esprit depart ses pretieux dons; partant elles ne doivent rechercher que Dieu et la mortification de leurs passions en la Religion, car si elles y cherchent autre chose elles n'y trouveront jamais la consolation qu'elles pretendent..

  A009000631 

 Les habitudes sont les habits de l'esprit comme les habits exterieurs le sont du corps..

  A009000631 

 Nous devons donques reprendre nostre cœur tout doucement et luy faire embrasser amoureusement tous les moyens propres à nostre avancement, taschant de nous orner de belles habitudes pour paroistre devant nostre celeste Espoux et luy estre aggreables.

  A009000631 

 Tous les anciens Peres donnent plusieurs methodes pour acquerir la perfection.

  A009000634 

 Cela est bon quand Dieu les donne; mais que fait-elle encores pour estre si sainte que vous dites? Elle donne souvent l'aumosne.

  A009000634 

 Lors que les mondains voyent une personne devote ils disent incontinent qu'elle est sainte; et si vous leur demandez: Pourquoy est-elle sainte? Parce, vous respondront-ils, qu'elle demeure long temps aux eglises, qu'elle recite quantité de chapelets et entend beaucoup de Messes.

  A009000635 

 Plusieurs diront à Nostre Seigneur au jour du jugement: S eigneur, nous avons fait des miracles en ton nom, nous avons gueri les malades en ton nom, nous avons ressuscité des morts en ton nom.

  A009000635 

 Si vous pensiez avoir la charité sans l'humilité vous vous tromperiez, car ce seroit faire comme celuy qui voudroit poser le couvert d'une mayson sans avoir auparavant fait le fondement et les murs; il seroit certes un grand sot.

  A009000636 

 Et non seulement devant Dieu, car cela est facile (il est bien aysé à une mouche de se tenir pour rien au respect d'un elephant), mais devant les creatures; s'estimant la moindre et la plus imparfaite de toutes, elle s'aneantit, s'abaisse, se tient pour vile, abjecte et denuée de tout bien.

  A009000636 

 Voyant qu'elles n'estoyent rien qui vaille et qu'elles ne meritoyent pas que le monde les regardast, elles se sont retirées pour estre estimées de luy viles et abjectes..

  A009000637 

 Ainsy, à l'imitation de ce vaysseau d'election, ces ames religieuses ont reputé tout ce qui estoit au monde fange et ordure, car elles ont tout quitté: leurs parens, leurs richesses et les contentemens qu'elles pouvoyent esperer, pour se retirer dans le monastere à fin de gaigner Nostre Seigneur et sa bonne grace en s'adonnant à la prattique de la sainte humilité, par laquelle elles se rendront dignes de recevoir les faveurs de leur divin Espoux..

  A009000637 

 Ne sçavez-vous pas que le grand saint Paul dit que luy et les autres Apostres, parce qu'ils servoyent leur Maistre et mesprisoyent le monde, estoyent reputés des mondains comme les excremens du monde, les balayeures et peleures des pommes, qui sont des choses si viles et que l'on jette là? Voyez comme il parle, ce divin [226] Apostre: J'ay reputé toutes choses fange et ordure pour gaigner Jesus Christ et sa bonne grace.

  A009000638 

 Elles sont bien au contraire de ces damoyselles du monde, lesquelles pour estre bien accommodées, s'en vont enflées d'orgueil et de vanité, la teste levée, les yeux ouverts, desirans estre remarquées des mondains..

  A009000638 

 Lors que quelque personne de qualité entre en une mayson honnorable, les damoyselles qui y sont se vont cacher l'une deçà, l'autre delà, parce qu'elles ne sont pas parées selon leur desir; ainsy ces ames religieuses s'enfuyent en la Religion, de peur qu'on ne les voye, parce qu'elles pensent n'avoir rien qui merite qu'on les regarde et qu'on tienne compte d'elles.

  A009000639 

 Quand je vois que la plus grande partie des hommes ne respirent rien moins que l'humilité, qu'ils la fuyent pour rechercher les honneurs, les charges relevées et les grandes dignités, qu'ils sont pleins de presomption et de superbe, mon Dieu, cela m'est insupportable! Et ne sçavez-vous pas, o mondains, que le mauvais riche pour s'estre enflé d'orgueil, comme il tesmoigna en mesprisant le pauvre Lazare, est maintenant aux enfers pour toute eternité? Mais lors que ces personnes du monde vont [227] un peu aux eglises entendre la sainte Messe, qu'elles communient à Pasques et font quelque aumosne, elles pensent pour cela estre saintes, tellement qu'il ne faut plus que les canonizer et les mettre sur les autels.

  A009000640 

 Et pourquoy pensez-vous que l'humilité n'y est pas? C'est parce que cette infortunée parolle tien et mien n'en est pas bannie; car dès que la communauté et pauvreté n'est pas observée, la presomption et superbe y entre aussi tost, d'autant qu'il n'y a rien qui nous enfle tant que les richesses, par lesquelles nous avons dequoy dire tien et mien.

  A009000641 

 C'est pourquoy tous les anciens Peres et instituteurs de Religions ont tousjours tasché d'establir la communauté de biens en leurs congregations et monasteres.

  A009000641 

 Voyez le grand saint Augustin comme il veut qu'elle soit exactement observée, car il defend tres absolument que l'on ayt «chose quelconque, pour petite qu'elle soit,» non pas mesme une epingle en particulier, ains que tout soit en commun, en sorte que ce mot de tien et mien en soit entierement banni; que les portions et tout le reste soit esgal autant que la necessité le pourra permettre, parce qu'es Religions où toutes choses ne sont communes il y a des portions particulieres.

  A009000642 

 Bienheureuses sont donques les ames auxquelles Dieu a fait tant de misericorde que de les avoir appellées à une Religion où la sainte communauté est exactement observée, car elles ont certes plus de moyens et de facilité pour acquerir la tres sainte humilité; et partant, ayant l'humilité elles ont par consequent la vraye pauvreté d'esprit à laquelle est jointe et attachée la felicité eternelle, puisque Nostre Seigneur et Maistre la leur a promise disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, c'est à sçavoir les humbles, d'autant que le Royaume des cieux est à eux..

  A009000643 

 Et pourquoy font-ils cela? Parce qu'ils tiennent les Religieux comme les excremens, balayeures et peleures de pommes.

  A009000643 

 Helas! voyez comme les mondains se comportent quand ils veulent mettre quelques uns de leurs enfans en Religion: ils regardent pour l'ordinaire d'y mettre les plus laids, inutiles et contrefaits, quoy que Nostre Seigneur veuille tousjours le plus beau et le meilleur, comme il est aussi raysonnable de le luy donner.

  A009000643 

 Toutes les ames religieuses sont en l'estat de perfection, quoy que pour cela elles ne soyent pas tousjours toutes en la perfection.

  A009000644 

 Si nous touchons ses mains sacrées, nous les trouverons percées de gros clous.

  A009000649 

 La premiere est que Nostre Seigneur preschant, une femme se prit à crier tout haut, luy parlant en cette sorte: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées.

  A009000651 

 Et quant aux hommes, qui peut estre homme et ignorer qu'il ne soit changeant et variable? L'experience s'en fait tous les jours en nous mesme.

  A009000651 

 Nostre Dame a eu trois grans privileges au dessus de toutes les pures creatures: le premier est qu'elle a tousjours esté tres obeissante à la volonté de Dieu, c'est à dire à sa parole, et cela dès l'instant de sa conception, sans jamais varier ni discontinuer, non pas mesme un seul moment.

  A009000652 

 Pour cela elle voulut se retirer au Temple, non qu'elle en eust besoin pour elle mesme, ains pour nous enseigner que nous autres estans sujets au changement, nous nous devons servir de tous les moyens possibles pour bien affermir et conserver nos bonnes resolutions tant interieures qu'exterieures.

  A009000652 

 Quant à elle, il suffisoit, pour perseverer en son bon propos, qu'elle se fust donnée à Dieu dès le premier moment de sa vie, sans qu'elle eust besoin pour cela de sortir de la mayson de son pere; elle n'avoit rien à craindre que les objets exterieurs la peussent jamais divertir; mais, comme une bonne Mere, elle nous vouloit enseigner que nous ne devions rien negliger pour bien asseurer nostre vocation, ainsy que saint Pierre nous exhorte..

  A009000653 

 Je dis sous les apparences, parce qu'en effect elle n'estoit point enfant, ains ayant l'usage de rayson, elle menoit une vie purement contemplative; c'estoit un si sage enfant qu'il ne s'en peut jamais imaginer un semblable, excepté son Fils bien aymé.

  A009000653 

 Mais nonobstant cela, elle tint l'espace de trois ans sa resolution close et couverte sous les apparences de l'enfance.

  A009000653 

 On rapporte que c'estoit chose belle à voir comme elle montoit joyeusement les quinze marches du Temple..

  A009000654 

 Saint Joachim et sainte Anne la portoyent vrayement pour satisfaire au vœu qu'ils avoyent fait à Dieu de la luy offrir dans son Temple; mais cette benite Enfant y venoit aussi poussée de sa propre volonté, et, bien que pour se tenir dans les bornes de l'enfance elle ne l'eust point manifestée, l'heure neanmoins luy tardoit fort de se voir absolument toute consacrée au service de la divine Majesté.

  A009000655 

 Au commencement de sa Passion il monstra sa toute puissance lors que, comme lion de la tribu de Juda, il se prit à rugir cette parole: Ego sum, c'est moy, quand les Juifs le cherchant, il leur demanda: Qui cherchez-vous? Ils luy respondirent: Jesus de Nazareth.

  A009000655 

 Mais soudain, les ayant fait relever, il cacha derechef sa toute puissance sous le manteau d'une sainte mansuetude et debonnaireté; si que dès lors ils l'empoignerent et le conduisirent à la mort sans que plus ils vissent en luy aucune resistance, leur permettant de non seulement le tondre comme un doux aignelet, mais encores de luy [234] oster jusqu'à sa propre peau.

  A009000657 

 Car, helas! ne sçavons-nous pas que tout ce qui est remis entre ses mains divines est converti en bien? Ton cœur est-il de terre, de boue ou de fange, ne crains point de le remettre entre les mains de Dieu; quand il crea Adam il prit bien un peu de terre et puis il en fit une ame vivante.

  A009000658 

 En l'ancienne Loy Dieu avoit ordonné qu'un chacun visitast son Temple, mais il defendit que personne n'y vinst les mains vuides, ni pauvres ni riches.

  A009000658 

 Mais que les ames riches en saintes pretentions de faire de grandes choses pour Dieu ne viennent pas apporter l'offrande des pauvres, car il ne s'en contenteroit pas.

  A009000658 

 Pourtant il ne vouloit pas que tous fissent une esgale offrande, car il vouloit que les riches, comme opulens, offrissent selon [235] leurs richesses et les pauvres, selon leur pauvreté; de sorte qu'il ne se fust pas contenté si les riches eussent fait des offrandes convenables aux pauvres, parce que cela eust ressenti l'avarice, non plus qu'il n'eust pas esté content que les pauvres eussent fait l'offrande des riches, d'autant que c'eust esté presomption.

  A009000658 

 Que les seculiers viennent offrir à la divine Majesté l'affection et la volonté qu'ils ont de suivre ses commandemens; Dieu s'en contentera et ils seront bien heureux, puisque s'ils les observent fidellement ils seront sauvés.

  A009000659 

 Nostre Dame fait aujourd'huy une offrande telle que Dieu desirait, car outre la dignité de sa personne qui surpasse toutes les autres apres son Fils, elle offre tout ce qu'elle est et tout ce qu'elle a; et c'est ce que Dieu demande.

  A009000659 

 O mondains, jouissez, si bon vous semble, de vos biens, pourveu que vous ne fassiez tort à personne; prenez les playsirs licites et permis par la tres sainte Eglise, faites vos volontés en tant et tant d'occurrences, Dieu vous permet tout cela.

  A009000660 

 C'est pourquoy, non seulement en la nouvelle Loy, ains en l'ancienne mesme, l'on a tousjours observé de marquer certains temps et certains jours pour encourager les hommes à renouveller leurs bonnes resolutions..

  A009000660 

 Pour nous, au contraire, à cause de la continuelle vicissitude et varieté de nos affections et humeurs, il est necessaire qu'à toute heure, tous les jours, tous les moys et toutes les années nous reconfirmions et renouvellions les vœux et les paroles que nous avons prononcées d'estre tout à Dieu.

  A009000661 

 Les Israëlites, qui estoyent le peuple de Dieu, faisoyent leur renouvellement à chaque nouvelle lune, et pour y inviter un chacun, ils celebroyent des festes solemnelles, sonnant les trompettes pour resveiller l'esprit, non en des fanfares ou choses vaines, ains apres les choses eternelles.

  A009000662 

 Mais outre toutes ces festes, ç'a esté la coustume de tous ceux qui se sont plus specialement dediés à Dieu, comme les Religieux et Religieuses, de prendre un jour particulier pour reconfirmer leurs vœux à fin de mieux [237] obeir au grand Apostre qui nous conseille de bien affermir nostre vocation.

  A009000663 

 Et de cette parole du Sauveur: Bienheureux sont les debonnaires, qui est-ce qui en tient compte? Je viens du monde, et je vous puis asseurer qu'il s'en trouve bien peu qui la pratiquent.

  A009000663 

 Mais escoutez Nostre Seigneur qui dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; et cependant il s'en trouve si peu qui ne veuillent estre riches! Moy je ne me soucie point d'estre riche, mais j'ayme la pauvreté.

  A009000664 

 Vous sçavez que le Sauveur preschant un jour dans le Temple les parolles de la vie eternelle, Nostre Dame estant à la porte, quelqu'un luy vint dire que sa Mere et ses freres le demandoyent (car il y avoit encores quelques uns de ses parens qu'il appelloit ses freres); à quoy il respondit: Qui est ma mere et qui sont mes freres? Ce sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est au Ciel .......................................................

  A009000671 

 Nostre Seigneur ayant enseigné à ses Apostres la perfection de la loy evangelique, disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, bienheureux les debonnaires, bienheureux ceux qui pleurent, et la suite, il adjousta: Vous estes le sel de la terre; ce que l'on attribue non seulement aux Apostres, mais aussi à tous leurs successeurs, tel que fut le grand saint Ambroise duquel la sainte Eglise celebre aujourd'huy la feste.

  A009000672 

 Nostre Seigneur dit donques à tous les hommes apostoliques et aux Religieux et Religieuses: Vous estes le sel de la terre.

  A009000673 

 Car qui ne voit que non seulement ils ont esté touchés, mais esclairés et enflammés du feu du Saint Esprit, en sorte qu'ils n'ont autre attention que d'exterminer et aneantir l'amour charnel et perissable? Qu'est-ce, je vous supplie, qui auroit peu esteindre le feu de la convoitise des richesses ou des honneurs, que les Religieux et Religieuses renoncent pour jamais en faisant le vœu de pauvreté, s'ils n'eussent esté touchés de cette flamme sacrée et tres aymable de l'amour de Dieu, qui les a tirés d'entre le peuple pour les mettre ès lieux où plus à souhait ils peussent monstrer les effects de son infinie misericorde exercée en leur endroit? O Dieu, qu'ils sont heureux d'avoir donné entrée à ce feu celeste! car tout ainsy que le feu du ciel esteint celuy de la terre, de mesme le feu sacré exterminera et consommera celuy de la concupiscence qui regne et domine en nostre chair.

  A009000673 

 Remarquez donques, je vous prie, combien il est vray que les Religieux et Religieuses sont le sel de la terre (s'entend pourveu qu'ils soyent bons Religieux), puisqu'ils ont cette premiere condition du sel.

  A009000674 

 La seconde proprieté du sel c'est qu'il donne goust et saveur aux viandes lesquelles sans iceluy ne sont pas propres à nostre manger, ains meritent plustost d'estre abhorrées et rejettées; car elles sont insipides, sans goust et bonnes plustost à mortifier qu'à consoler et contenter le goust de celuy qui les mange.

  A009000674 

 Quelle plus grande sagesse, je vous supplie, que celle des Religieux qui connoissans leur foiblesse pour demeurer dans le monde, emmi les continuelles occasions de se perdre, s'en retirent pour plus à souhait servir Dieu fidellement? Ils ont esté touchés de ce feu du Saint Esprit lequel leur a fait connoistre, par un petit rayon de sa lumiere, qu'ils ont plusieurs maladies spirituelles auxquelles il faut remedier pour ne point tomber au peril de la mort eternelle..

  A009000675 

 L'Eglise n'est autre chose qu'un hospital où il y a plusieurs sortes d'infirmeries pleines de malades; car les pecheurs ne sont-ce paà des malades? Mais comme aux hospitaux il y a tousjours quelque infirmerie ou chambre pour les convalescens, de mesme les Religions sont destinées aux ames relevées qui desirent grandement de se rendre quittes des maladies qu'elles ont apportées du monde et que Nostre Seigneur par sa grace leur a fait connoistre.

  A009000675 

 Les Religieux ont esté appellés d'un nom grec qui a deux significations, dont l'une vaut autant à dire que remediateur, medecin, remede et medecine.

  A009000676 

 C'est en cette façon que tous peuvent estre appellés et estre par consequent dignes successeurs des Apostres; car si bien tous ne preschent pas et n'administrent pas les Sacremens, qui sont les remedes dont se sert la sainte Eglise pour la guerison de ses malades, tous neanmoins peuvent et doivent prescher d'exemple; et cette predication ne sera peut estre pas moins utile que l'autre.

  A009000676 

 Et comme les medecins jugent que le repos et la tranquillité aydent beaucoup à recouvrer plus promptement la santé, de mesme les Religieux se retirent au port de la tranquillité qui est la Religion, pour plus aysement acquerir la santé de leurs ames qui est la sainteté..

  A009000676 

 Or, les Religieux et Religieuses recherchent la guerison de ces maladies, car si bien ils ne sont pas tenus d'estre parfaits, ils sont neanmoins obligés de tendre à la perfection, puisque en faisant des vœux, nous autres tant ecclesiastiques que Religieux, nous nous obligeons quant et quant de tascher de tout nostre pouvoir d'acquerir la perfection et de vivre selon icelle.

  A009000677 

 Qu'est ce que l'office du Religieux sinon de bien cultiver son esprit, pour en desraciner toutes les mauvaises productions que nostre nature depravée fait bourgeonner tous les jours, si qu'il semble qu'il soit tousjours à refaire? Et comme il ne faut pas que les laboureurs se faschent, puisqu'ils ne meritent pas d'estre blasmés, pour n'avoir recueilli une bonne prise, pourveu neanmoins qu'ils ayent eu soin de bien cultiver la terre et de bien ensemencer, de mesme le Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille pas si tost les fruits de la perfection et des [243] vertus, pourveu qu'il aye une grande fidelité pour bien cultiver la terre de son cœur en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à la perfection à laquelle il est obligé de pretendre, et faisant ce qu'il voit devoir estre fait pour l'acquisition des vertus..

  A009000678 

 De là vient qu'ils tiennent pour malheureux les serviteurs parce qu'ils sont sujets à leurs maistres, et plus encores les esclaves, d'autant qu'ils ne sont pas maistres de leur liberté..

  A009000678 

 La convoitise de l'honneur brusle les uns, celle de l'avarice les autres, et d'autres le sont par la convoitise des playsirs vilains, brutaux et deshonnestes; cependant ils ne sont point malades! ou du moins ils se vantent de ne l'estre pas.

  A009000679 

 Les Religieux ayans esté esclairés par le Saint Esprit constituent toute leur sagesse en la tres sainte sousmission, sujetion, humilité et mespris d'eux mesmes, car ils ont fort bien consideré que c'est l'abus de leur liberté qui a fait [244] descendre les Anges du Ciel et les a precipités en l'abisme de l'enfer, où ils seront eternellement esclaves de ses peines eternelles..

  A009000679 

 Les Religieux ne veulent pas estre si insensés que ceux cy, lesquels le sont d'autant plus qu'ils ne le pensent pas estre, ains s'estiment si sages qu'ils ne tiennent nul compte des autres hommes, ne les croyant pas mesme capables de leur servir de planche, eu esgard à leur grande sagesse et preudhommie.

  A009000680 

 Escoutez le Prophete, lequel introduisant les mondains dit qu'ils ont secoué leur joug, et ayans rompu les liens de charité se sont pris à dire: Qui est nostre maistre? se voulans ainsy gouverner eux mesmes, et protestans: Nous ne servirons pas; c'est à sçavoir, nous ne dependrons de personne sinon de nostre propre volonté, et par ainsy nous jouirons de nostre liberté.

  A009000680 

 Et non seulement cette liberté a ruiné les Anges, mais encores les hommes.

  A009000681 

 Je le remarque en ce qu'on en trouve qui ne sont pas contens s'ils ne disent une grande quantité d'oraisons devant la Messe et apres, et cependant voyez les durant le temps qu'on la dit, ils s'amusent bien souvent à causer et à se distraire.

  A009000681 

 Mais quel est ce sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et sans lequel elles ne sçauroyent meriter que Nostre Seigneur les trouve bonnes ni aggreables à sa bonté? C'est la sainte obeissance qui les rend aussi meritoires de la vie eternelle; ouy, mesme une action qui de soy n'est nullement bonne et de nul merite, si elle est faite par obeissance elle devient bonne, et les indifferentes sont rendues meritoires et aggreables à Dieu.

  A009000682 

 Et ainsy du manger; ils n'y vont que pour la mesme fin et parce que la cloche les appelle.

  A009000682 

 Et quant aux prieres, ils s'y rendent fidelles aux heures marquées, pour les faire avec la perfection qui leur est enseignée.

  A009000682 

 O qu'ils sont heureux ceux cy parce qu'ils ne font rien qui ne soit aggreable à Dieu! Vous estes le sel de la terre; c'est à dire vous assaisonnez les actions mesme terrestres, et par ce moyen vous les rendez celestes..

  A009000682 

 Or les Religieux et ceux qui vivent vertueusement et sagement dans le monde n'agissent pas de la sorte, car ils ne font chose quelconque que par obeissance.

  A009000683 

 C'est pourquoy il est fort à propos de nous lier et engager à la poursuite des biens eternels par le moyen du vœu que nous faisons de l'obeissance à la volonté de Dieu qui nous est signifiée par ses commandemens, ses conseils, nos Regles et les ordonnances des Superieurs..

  A009000683 

 Ce qu'ayant fort bien consideré, ces filles qui se viennent offrir à Nostre Seigneur en sacrifice tres aymable ont fait dessein de renoncer à leur propre liberté; ne s'estimans pas assez sages pour se conduire elles mesmes, elles se viennent abandonner entre les bras de la sainte obeissance pour demeurer à jamais sujettes et sousmises à la volonté de Dieu et de leurs Superieurs.

  A009000684 

 De mesme les Religieux ne seront point tenus pour sages s'ils ne recherchent de tout leur pouvoir d'aller tousjours plus avant au chemin de la perfection, puisqu'ils s'y sont obligés de leur propre mouvement, car nul ne les y a peu contraindre.

  A009000685 

 La droite intention est ce qui rend nos œuvres meritoires de la vie eternelle, et, comme nous avons desja dit, les œuvres indifferentes, voire mesme [247] les necessaires pour la conservation de nostre vie, sont meritoires et fort aggreables à Nostre Seigneur..

  A009000685 

 Les mondains font beaucoup d'œuvres bonnes en elles mesmes, mais le sel de la bonne intention y manquant, elles viennent quasi toutes à se corrompre et à estre desaggreables à la divine Majesté.

  A009000685 

 O Dieu, si nous autres qui sommes drdiés au service de la divine Bonté faisions la centiesme partie des choses que les courtisans des rois et des princes font pour eux, indubitablement nous serions tous saints.

  A009000685 

 Que de veilles insupportables et autres travaux tant du corps que de l'esprit! Et cependant, ces pauvres gens perdent pour la pluspart toute leur peine, faute de relever leurs intentions et de le faire parce que les rois et les princes tiennent la place de Dieu quant aux choses temporelles, et que partant il les faut honnorer et servir de bon cœur.

  A009000686 

 Or, considerez combien le sont davantage les actions penibles et contraires à la nature: la mortification des passions, de la propre volonté, du propre jugement et en fin l'entier renoncement de nous mesmes pour nous laisser conduire et gouverner au gré d'autruy, nous rendre maniables, pliables et entierement sousmis en toutes occasions.

  A009000687 

 O que vous estes heureuses, mille fois plus que les imperatrices et les reynes, non seulement parce qu'apres avoir esté espouses de Jesus crucifié en cette vie vous le serez de Jesus glorifié là haut en sa gloire, mais aussi parce que la Croix du Sauveur est mille fois, et sans comparaison, plus honnorable que les sceptres et couronnes et les royaumes tout entiers de ce monde perissable.

  A009000688 

 Les Religieux sont donques tres justement le sel de la terre, puisqu'ils ont, comme nous venons de le dire, les qualités et conditions du sel.

  A009000688 

 Vous allez devenir esclaves bien aymées de son Fils tres beni Nostre Seigneur, car que voulons-nous signifier quand nous jettons la croix au col de ces filles, ainsy que vous verrez tantost? Que nous les attachons à la Croix de Nostre Seigneur, pour passer le reste de leurs jours sur le mont de Calvaire à fin d'y considerer le renoncement parfait et les travaux qu'il a soufferts pour nous, nous excitant par ce moyen à cette continuelle attention de faire tout pour luy, et preserver ainsy nos actions de la corruption et putrefaction qu'elles contractent en la communication des intentions obliques et impures.

  A009000693 

 Dieu dit comme il fait et fait comme il dit; en quoy il nous monstre qu'il ne nous faut pas contenter de bien dire, mais qu'il faut que nous ajustions les effects à nos propositions et les œuvres à nos parolles si nous luy voulons estre aggreables; et tout ainsy que son dire est faire, il veut de mesme que nostre dire soit incontinent suivi du faire et de l'execution de nostre bon propos.

  A009000693 

 Pour cela, quand les anciens vouloyent representer l'homme de bien, ils se servoyent de la comparaison d'une pesche sur laquelle ils appliquoyent une feuille de pescher, parce que la pesche a la forme d'un cœur et la feuille du pescher celle de la langue.

  A009000693 

 Pour le mesme sujet, les quatre-animaux n'avoyent pas seulement des aisles pour voler, mais aussi des mains au dessous d'icelles, à fin de nous donner à entendre que nous [250] ne nous devons pas contenter d'avoir des aisles pour voler au Ciel par des saints desirs et speculations, si avec cela nous n'avons des mains qui nous portent aux œuvres et à la prattique de nos desirs, estant chose asseurée que les seuls bons propos et saintes resolutions ne nous conduiront point en Paradis, s'ils ne sont accompagnés des effects conformes à iceux..

  A009000694 

 Nostre Seigneur donques pour confirmer cette verité, vient aujourd'huy au Temple pour y estre offert à Dieu son Pere, s'assujettissant à l'observance de la Loy que jadis il avoit donnée à Moyse, escritte sur les tables de pierre.

  A009000694 

 Sur ce sujet je fais trois considerations auxquelles je ne m'arresteray pas beaucoup, ains ne feray que les toucher en passant, les laissant par apres ruminer à vos esprits, comme des animaux mondes, pour en faire une bonne et heureuse digestion.

  A009000695 

 Et premierement, quelle humilité plus grande et plus profonde se peut-il imaginer que celle que Nostre Seigneur et Nostre Dame pratiquent en venant au Temple, [251] l'un pour y estre offert comme tous les autres enfans des hommes pecheurs, et l'autre se venant purifier? C'est chose certaine que Nostre Seigneur ne pouvoit estre obligé à cette ceremonie, puisqu'il estoit la pureté mesme et qu'elle ne regardoit que les pecheurs.

  A009000695 

 Quant à Nostre Dame, quelle necessité avoit-elle de se purifier, puisqu'elle n'estoit ni ne pouvoit estre souillée, ayant receu une grace si excellente dès l'instant de sa conception que celle des Cherubins et des Seraphins ne luy est nullement comparable? car si bien Dieu les prevint de sa grace dès leur creation pour les empescher de tomber en peché, neanmoins ils n'y furent pas confirmés dès cet instant en sorte qu'ils ne peussent plus prevariquer, ains le furent par apres en vertu du choix qu'ils firent de se servir de cette premiere grace, et par la volontaire sousmission de leur franc arbitre.

  A009000696 

 C'est la plus grande de toutes les vertus purement morales, car je n'entens pas parler de l'amour de Dieu et de la charité, celle-cy n'estant pas seulement une vertu particuliere ains une vertu generale qui se respand sur toutes les autres, et dont elles tirent leur splendeur.

  A009000699 

 Il y en a plusieurs qui se trompent grandement en ce qu'ils pensent que l'humilité ne soit propre à pratiquer [253] que par les novices et commençans, et que dès qu'ils ont fait un peu de chemin en la voye de Dieu ils se peuvent bien relascher en cette prattique.

  A009000700 

 C'est une parole des philosophes, mais qui a esté approuvée pour bonne par les docteurs chrestiens: «Connois-toy toy mesme,» c'est à dire, connois l'excellence de ton ame à fin de ne la point avilir ni mespriser.

  A009000700 

 Cependant il faut tousjours demeurer dans les termes et limites d'une sainte et amoureuse reconnoissance envers Dieu de qui nous dependons et qui nous a faits ce que nous sommes..

  A009000700 

 Qu'est-ce qui fit pecher les Anges sinon le defaut d'humilité? car si bien leur peché fut une desobeissance, neanmoins, pour prendre toutes choses en leur origine, ce fut l'orgueil qui les fit desobeir.

  A009000701 

 Nos premiers peres et tous les autres qui ont peché ont presque tous esté esmeus à ce faire par l'orgueil.

  A009000701 

 Nostre Seigneur, comme un bon et amoureux medecin de nos ames, prend le mal en sa racine, et au lieu de [254] l'orgueil il vient premierement planter la belle et utile plante de la tres sainte humilité, vertu qui est d'autant plus necessaire que son vice contraire est plus general entre tous les hommes.

  A009000701 

 Nous avons veu comme l'orgueil s'est trouvé entre les Anges et comme le defaut d'humilité les a fait perdre pour jamais; mais voyons comme entre les hommes, plusieurs, ayans bien commencé, se sont perdus miserablement faute de perseverance en cette vertu.

  A009000701 

 Quelle humilité Judas ne tesmoigna-t-il pas vivant en la compagnie de Nostre Seigneur? et cependant, voyez quel orgueil il avoit en mourant; ne se voulant point humilier et faire les actes de penitence qui presupposent une tres grande et bonne humilité, il desespere d'obtenir le pardon.

  A009000702 

 Bref, c'est un mal commun entre tous les hommes; c'est pourquoy l'on ne peut jamais assez prescher et inculquer dans leurs esprits la necessité de la perseverance en la prattique de la tres sainte et tres aymable vertu d'humilité.

  A009000702 

 Ce n'est pas grand chose ni un abaissement de grande importance que celuy que font les petits en comparaison de celuy des geants.

  A009000702 

 Les chats, les rats et autres telles bestes qui ont presque le ventre rampant sur la terre n'ont pas grande difficulté de se relever quand ils sont une fois cheus ou affaissés; mais les elephans, quand ils sont une fois baissés ou tombés, ils ont une tres grande peine et difficulté à se relever et se remettre sur pied.

  A009000702 

 Mais nous autres miserables qui, comme des rats, des chats et autres tels animaux, ne faisons que ramper et nous traisner sur la terre, dès que nous nous sommes abaissés ou humiliés en quelques legeres occurrences, nous nous relevons tout incontinent, faisons les hautains et recherchons d'estre estimés quelque chose de bon..

  A009000703 

 Nostre glorieuse Maistresse n'estoit nullement fille d'Eve selon l'esprit, ains seulement selon le sang, car elle ne fut jamais qu'extremement humble et rabaissée, comme elle dit elle mesme en son sacré cantique: Le Seigneur a regardé l'humilité de sa servante, c'est pour quoy toutes les nations la prescheront bienheureuse.

  A009000703 

 Prenez, je vous prie, une fille d'Eve: comme quoy n'est-elle pas ambitieuse de l'honneur et de se faire estimer? Certes, si bien ce mal est general entre les hommes, cependant il semble que ce sexe y soit plus enclin que tout autre.

  A009000704 

 Nous pouvons, ainsy que nous l'avons fait pour l'humilité, dire les mesmes paroles de saint Paul: Nostre Seigneur s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il ne fit jamais rien que par obeissance tout le temps de sa vie, ce qu'il nous manifeste luy mesme quand il dit: Je ne suis point venu pour faire ma volonté, ains celle de Celuy qui m'a envoyé.

  A009000706 

 Ce que je dis pour certaines personnes lesquelles, estans resolues de ne point commettre quelques pechés, ne se soucient pas d'eviter les tesmoignages qu'elles rendent qu'elles les commettroyent volontiers si elles osoyent..

  A009000706 

 Elle vient donques aujourd'huy au Temple pour lever tout ombrage aux hommes qui l'auroyent peu considerer, et pour nous monstrer encores que nous ne nous devons pas contenter d'eviter les pechés ains l'ombre des pechés, ne nous arrestans pas non plus à la resolution que nous avons faite de ne point commettre tel ou tel peché, mais fuir mesme les occasions qui nous pourroyent servir de tentation d'y tomber.

  A009000707 

 O combien cet exemple que Nostre Seigneur et Nostre Dame nous donnent de la tres sainte obeissance nous [258] devroit inciter à nous sousmettre absolument et sans aucune reserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encores les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus aggreables à la divine Bonté! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obeir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roy supreme à qui toutes choses doivent estre sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obeissance? Recueillons donques cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous sousmettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la tres sainte obeissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, ains pour tousjours, tout le temps de nostre vie jusques à la mort..

  A009000708 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont marquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher et les affecter tellement que nous mettions toute nostre confiance en icelles, comme ceux qui pensent que pourveu qu'ils fassent tousjours leurs [259] considerations devant les affections, tout va bien.

  A009000708 

 L'on en voit aucuns qui sont en un grand empressement à fin de rechercher tous les moyens possibles pour trouver un certain art qu'il leur semble necessaire de sçavoir pour la bien faire, et ne cessent jamais de subtiliser et pointiller autour de leur oraison pour voir comme ils la pourront faire ainsy qu'ils desirent.

  A009000708 

 Les uns pensent qu'il ne faille tousser ni se remuer, de crainte que l'Esprit de Dieu ne se retire: folie tres grande, comme si l'Esprit de Dieu estoit si delicat qu'il dependist de la methode ou de la contenance de ceux qui font l'oraison.

  A009000709 

 Ce seroit une horrible meschanceté de vouloir exclure Nostre Seigneur Jesus Christ de nostre oraison et de la penser bien faire sans son assistance, puisque c'est une chose indubitable que nous ne pouvons estre aggreables au Pere eternel sinon entant qu'il nous regarde à travers son Fils nostre Sauveur; et non seulement les hommes, mais encor les Anges, car si bien il n'en est pas le Redempteur, il est neanmoins leur Sauveur et ils ont esté confirmés en grace par luy.

  A009000709 

 Voyez, de grace, le saint homme Simeon comme il fait bien l'oraison ayant Nostre Seigneur entre les siens.

  A009000710 

 J'ay dit que l'oraison est «une eslevation en Dieu.» Il est vray, car si bien en allant à Dieu nous rencontrons les Anges ou les Saints en nostre chemin, nous n'eslevons pas nostre esprit à eux ni ne leur addressons pas nos [260] oraisons, comme l'ont voulu dire meschamment les heretiques; ains seulement nous les prions de joindre leurs oraisons aux nostres et en faire une sainte confusion, à fin que par ce sacré meslange les nostres soyent mieux receues de la divine Bonté, qui les a tousjours aggreables si nous menons quant et nous son cher Benjamin, ainsy que firent les enfans de Jacob quand ils allerent voir leur frere Joseph en Egypte.

  A009000711 

 Il est plus probable que ce fut saint Joseph que non pas la sacrée Vierge, pour deux raysons, dont l'une est que les peres venoyent offrir leurs enfans, comme y ayans plus de part que la mere mesme; l'autre, que les femmes n'estans pas encores purifiées n'osoyent pas approcher de l'autel où se faisoyent les offrandes.

  A009000712 

 Ces quatre conditions sont necessaires pour bien faire l'oraison, puisqu'il les faut avoir premier que nous puissions tenir Nostre Seigneur entre nos bras, en quoy consiste la vraye oraison..

  A009000712 

 En plusieurs endroits de l'Escriture Sainte ce mot de timoré nous fait entendre la reverence envers Dieu et les choses de son service.

  A009000712 

 Mais considerons un peu, je vous prie, les conditions necessaires pour obtenir cette faveur de prendre le Sauveur entre nos bras et de le recevoir des mains de Nostre Dame, comme saint Simeon et Anne, cette bonne vefve qui eut le bonheur de se trouver au Temple en [261] ce mesme temps.

  A009000714 

 Mais cela ne se pouvant, il faut que nous nous accoustumions à rechercher l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer, un chacun selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela à la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler, comme saint Simeon, au temps qu'elle a destiné de le faire.

  A009000714 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en attente ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir toutes d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A009000715 

 Car, en quel respect et en quelle reverence ne devons nous pas estre en parlant à la divine Majesté, puisque les Anges qui sont si purs tremblent en sa presence? Mais, mon Dieu, je ne puis point avoir ce sentiment de la presence de Dieu qui cause une si grande humiliation de toute l'ame, c'est à dire de toutes les facultés de nostre ame, en fin cette reverence sensible qui me feroit aneantir si doucement et aggreablement devant Dieu.

  A009000722 

 Les Atheniens, comme la pluspart des hommes de ce temps-là, reconnoissoyent plusieurs dieux, mais en fin ils confessoyent qu'entre tous ceux-là il y en avoit un qu'ils ne connoissoyent point..

  A009000722 

 O bien aymés et tres chers Atheniens, leur disoit ce grand predicateur de la Croix, ce Dieu que vous ne connoissez point encores et que tout maintenant je vous veux faire connoistre n'est autre que Dieu le Pere tout puissant, qui a envoyé son Fils ça bas en terre pour prendre nostre nature humaine; en icelle, bien qu'il fust Dieu comme son Pere, de mesme nature et essence que luy, ce divin Fils a neanmoins souffert la mort, et la mort de la croix, pour satisfaire à la justice de Dieu son Pere justement indigné contre les hommes en suite du peché de nos premiers parens, peché qui nous eust sans doute causé à tous la mort eternelle.

  A009000723 

 Et moy, mes tres cheres [266] Sœurs, ayant à vous entretenir icy quelque peu de temps, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur le tiltre que j'ay veu non au dessus de l'autel des Atheniens, mais au dessus de cet autel incomparable sur lequel nostre Sauveur et Maistre s'est offert pour nous à Dieu son Pere en sacrifice tres aggreable et d'une suavité nompareille, autel qui n'est autre que la Croix, laquelle despuis a tousjours esté honnorée comme tres pretieuse et adorable.

  A009000724 

 Les Chrestiens seront inexcusables de ne l'avoir pas aymé et servi de tout leur cœur, puisqu'ils ont esté si bien enseignés combien il est aymable et comme cherement il les a aymés en donnant sa vie pour eux..

  A009000725 

 Or je n'entens pas vous parler, mes cheres Sœurs, avec combien d'ignominies, de douleurs, d'amertumes, d'angoisses, de vituperes, d'affronts, de mespris nostre divin Maistre souffrit la mort, ni moins vous faire un narré de la cruauté envenimée avec laquelle les Juifs l'attacherent à la croix; car vous sçavez que je vous ay tousjours fait entendre que c'est la moindre consideration en la Passion de nostre Sauveur que celle cy, et celle sur laquelle vous vous devez moins arrester, puisque l'affection de compassion sur ses souffrances est la moins utile.

  A009000725 

 Si nous avons des larmes, pleurons tout simplement, car nous ne les sçaurions jetter pour un plus digne sujet; mais ne nous arrestons pas là, passons à des considerations plus utiles selon que le requiert le patir de nostre Sauveur..

  A009000726 

 C'est chose remarquable combien les Juifs dirent de belles paroles en la mort de nostre Sauveur, quoy qu'ils ne les entendissent pas et les dissent malicieusement et à mauvaise intention.

  A009000726 

 Et les Juifs: Que son sang soit respandu sur nous et sur nos enfans.

  A009000726 

 Quelle sentence plus belle et plus vraye peut estre prononcée, que celle du plus meschant d'entre tous les hommes, ce miserable Caïphe: Il est requis qu'un homme meure (c'est à dire, un homme le plus excellent d'entre tous les hommes), de peur que tous les autres ne perissent, que toutes les gens ne perissent.

  A009000726 

 Qui eust jamais pensé que des paroles si saintes eussent esté prononcées par la miserable bouche d'un si meschant homme qu'estoit Pilate? Pourtant elles furent tres veritables, et Nostre Seigneur les confirma pour telles en sa Passion, ainsy que nous verrons en la suite de nostre discours.

  A009000728 

 Aussi tost que les Anges eurent peché ils furent en mesme temps confirmés en leur malice par la volontaire election qu'ils firent du mal et de ce qui pouvoit estre desaggreable à Dieu; si que dès lors il n'y eut plus d'esperance pour eux de s'en pouvoir desprendre.

  A009000728 

 Mais il faut confesser que les hommes ont un sujet d'une consolation inexplicable en cette Mort et Passion de Nostre Seigneur; car si bien il est le Sauveur des Anges il n'est pas pourtant leur Redempteur, mais ouy bien des hommes.

  A009000730 

 Les felons Juifs ayans presque assouvi leur cruauté barbare et inouïe sur ce tres doux Aigneau, l'ayans attaché à la croix, et vomi de leurs miserables bouches plusieurs execrables blasphemes contre sa divine Majesté, nostre Sauveur se print à crier ces divines parolles comme en contrecarrant ces injustes et indignes blasphemes: Pere, pardonnez-leur, car ils ne sçavent ce qu'ils font.

  A009000731 

 Les hommes pensent presque toute leur vie à ce qu'ils ont à faire à leur mort, comme quoy ils pourront bien establir leurs dernieres volontés à fin qu'elles soyent [270] bien entendues de ceux qu'ils laissent apres eux, soit leurs enfans ou autres qui doivent heriter de leurs biens.

  A009000732 

 Les hommes, pour monstrer que ce qui est escrit est leur volonté et qu'ils entendent qu'il soit ainsy fait, le cachettent de leur sceau, mais ils ne l'appliquent qu'apres que tout est parachevé.

  A009000734 

 O Dieu, quelle misere est la nostre! A peine pouvons-nous pardonner à nos ennemis, et Nostre Seigneur les aymoit si cherement et prioit ardemment pour eux!.

  A009000734 

 O que voicy un document incomparable d'une parfaite charité! Aymez-vous les uns les autres comme je vous ay aymès, disoit-il souvent preschant au peuple ou à ses Apostres, de telle sorte qu'il sembloit n'avoir point tant d'affection pour autre chose que pour inculquer cette tres sainte dilection.

  A009000734 

 Son testament, mes cheres ames, n'est autre que les divines paroles qu'il prononça estant en la croix.

  A009000735 

 Les autres firent comme une biche laquelle estant blessée va neanmoins rendre les abbois encores assez loin du lieu où elle a receu le coup de la mort.

  A009000735 

 Nostre divin Maistre avoit obtenu de son Pere celeste qu'il envoyast des hauts lieux plusieurs traits et sagettes dans les cœurs de ceux pour qui il prioit; ce qu'il fit tout ainsy qu'il avoit desiré.

  A009000736 

 Chose estrange certes, en mesme temps que les hommes pervers et malheureux vomissoyent contre sa divine Majesté et contre celle de son Pere ces blasphemes insupportables: S'il est tout puissant comme il dit, et se confie en son Pere qui l'a envoyé, qu'il l'appelle maintenant et qu'il le sauve; s'il veut que nous croy ions en luy, qu'il se sauve maintenant soy mesme; il dit qu'il restablira le Temple en trois jours, et semblables paroles vrayement diaboliques, Nostre Seigneur, dis-je, à mesme temps eslançoit vers Dieu des souspirs de compassion et des parolles plus douces que le miel et le sucre à fin qu'il leur pardonnast leurs forfaits et leur donnast sa grace.

  A009000737 

 Je me sousmets de tres bon cœur à supporter les effects de vostre justice, prenez sur moy la vengeance de leurs pechés; mais quant aux pecheurs, pardonnez [273] leur, car telle est ma volonté.

  A009000738 

 Le premier legat qu'il fit en son testament fut de donner aux pecheurs sa grace, par le moyen de laquelle ils peussent par apres parvenir à sa gloire, où nul ne peut entrer sans sa grace et sans les merites de sa Passion.

  A009000739 

 Grand a tousjours esté l'amour de Nostre Seigneur envers les penitens.

  A009000739 

 Il n'y a que Nostre Dame, saint Jean Baptiste, saint Joseph et quelques autres qui ayent esté exempts de peché et prevenus de la grace qui les a empeschés d'y tomber.

  A009000739 

 La grace rend les pecheurs penitens, et ceux-ci sont seuls rendus dignes de la gloire.

  A009000740 

 Les Martyrs ont esté penitens en respandant leur sang dans lequel ils ont esté lavés comme dans un bain de penitence; tous les tourmens qu'ils ont soufferts n'ont esté que des actes de penitence.

  A009000740 

 Les Vierges ont esté penitentes, les Confesseurs aussi; bref, nul n'est entré au Ciel sans penitence et sans se reconnoistre pour pecheur, excepté ceux dont nous avons parlé.

  A009000740 

 Tous sans exception ont eu besoin du merite du sang respandu par Nostre Seigneur, lequel, comme je crois, jettoit des odeurs et des parfums si excellens, tant devant la Majesté du Pere eternel que devant les hommes, qu'il estoit presqu'impossible qu'il ne fust reconneu pour estre le sang non d'un homme seulement, mais d'un homme Dieu..

  A009000741 

 N'est-ce pas une vraye marque que Nostre Seigneur estoit vrayement nostre Sauveur, puisqu'il promet si absolument la gloire qu'il ne differe point de la donner, ains dit aujourd'huy? O parolle de grande consolation pour les pecheurs penitens, car ce que sa Bonté a fait pour le bon larron elle le fera pour tous les autres enfans de la Croix qui sont les Chrestiens.

  A009000742 

 Regardant donques de ses yeux pleins de compassion sa tres benite Mere, qui estoit debout au pied de la croix avec son bien aymé disciple, il ne luy voulut pas donner la grace ou la demander pour elle, car elle la possedoit desja fort excellemment, ni moins luy promettre la gloire, car elle en estoit toute asseurée; mais il luy donna une certaine union de cœur et amour tendre pour le prochain, cet amour des uns pour les autres qui est un don des plus grans que sa bonté fasse aux hommes..

  A009000743 

 Nostre divin Maistre nous enseignoit par là que si nous voulons avoir part en son testament et aux merites de sa Mort et Passion, il faut que nous nous aymions tous les uns les autres de cet amour tendre et grandement cordial du fils envers la mere et de la mere envers le fils, qui est en quelque façon plus grand que non pas celuy des peres..

  A009000743 

 O Dieu, quel eschange; du Fils au serviteur, de Dieu à la creature! Neanmoins elle ne refuse point, sçachant bien qu'en la personne de saint Jean elle acceptoit pour siens tous les enfans de la Croix et qu'elle en seroit la chere Mere.

  A009000746 

 Il nous faut passer outre, car je n'ay pas le temps de m'arrester beaucoup sur ce sujet, bien que je prendrais playsir de finir sur cette sainte delicatesse spirituelle, c'est à dire cet amour cordial et tendre que nostre cher Maistre desire tant que nous ayons les uns pour les autres.

  A009000747 

 Bref, les douleurs de la mort s'estoyent desja saisies de toutes les parties de son corps..

  A009000747 

 Mais dites-moy, Nostre Seigneur n'estoit-il pas sur icelle une fleur plustost fletrie, fanée et passée que non pas fleurie? Regardez-le, de grace, comme il ose se nommer fleuri, puisqu'il est si transi, tout couvert et sali de crachats infects et puants, les yeux haves et ternis, sa face meurtrie de coups, pasle et decolorée à force de douleurs et d'avoir respandu son sang tres beni.

  A009000748 

 Elles seroyent trop longues à vous les rapporter toutes, c'est pourquoy je me contenteray d'en remarquer quatre tant seulement, lesquelles je ne feray que toucher en passant, les laissant par apres considerer le reste de cette journée à une chacune de vous autres, à fin que leurs odeurs tres aggreables puissent parfumer toutes vos ames et les embaumer d'un saint propos de les odorer souventesfois, ainsy que le Sauveur le desire pour vostre avancement en la perfection.

  A009000748 

 O mes cheres Filles, grandes et belles à merveille sont les fleurs que cette benite plante de la Mort et Passion de Nostre Seigneur fit esclore et espanouir tandis qu'il estoit sur la croix.

  A009000749 

 Quant à la premiere, Nostre Seigneur ne prattiqua-t-il pas au temps de sa Passion l'humilité la plus profonde, la plus veritable et sincere qui se puisse imaginer, ains [278] la plus inimaginable, dans tous les tourmens et abjections qu'il endura? Ne prattiqua-t-il pas cette vertu tout le temps de sa vie? Elle fut certes tres grande en ce que se pouvant faire appeller Hierosolymitain ou bien de Bethleem, ville où il estoit né et qui appartenoit à son grand pere David, il ne le voulut neanmoins pas, pour monstrer qu'il choisissoit tout au contraire des grans de ce monde, lesquels prennent les noms les plus honnorables qu'ils peuvent.

  A009000750 

 Cette fleur estoit fletrie par les douleurs mortelles dont il estoit desja environné, de sorte qu'il sembloit expiré, car durant tout ce temps là il ne dit pas un seul mot, ains observa un tres profond silence par l'espace de trois heures; d'où vient que l'on a tousjours ordonné quelques heures de silence en tous les monasteres bien reformés, pour imiter celuy de Nostre Seigneur en la croix..

  A009000750 

 La lune ayant rebroussé sa course et se venant opposer devant la lumiere du soleil, les tenebres s'ensuivirent.

  A009000750 

 Or, les Evangelistes nous disent que soudain que nostre Sauveur eut prononcé les trois premieres paroles que nous avons remarquées, les tenebres se firent sur toute la face de la terre par l'espace de trois heures et le soleil s'ecclipsa, non que cette ecclipse fust naturelle, ains elle arriva extraordinairement.

  A009000752 

 Il nous consideroit tous les uns apres les autres, meditant les moyens requis pour nous appliquer le merite de ses souffrances.

  A009000752 

 Mais encores, que pensons-nous que nostre doux Sauveur fist durant ce long silence? Pour moy je crois sans doute qu'il regardoit tous les enfans de la Croix, et tous les hommes voirement bien, mais plus specialement ceux qui tireroyent du fruit de sa Mort et Passion.

  A009000752 

 Mais quant aux Juifs qui crucifierent Nostre Seigneur, le peché qu'ils commirent fut un monstre [280] de meschanceté; et neanmoins Nostre Seigneur avoit des pensées d'amour pour eux, prevoyant les moyens qu'il leur vouloit donner pour tirer le fruit de sa sainte Passion..

  A009000753 

 Or, cette parolle que nous disions nagueres ne fut nullement prononcée pour se plaindre, ains seulement pour nous enseigner comme au fort de nos peines interieures, delaissemens et abandonnemens spirituels nous nous devons addresser à Dieu et ne nous plaindre qu'à luy mesme qui seul doit voir nostre affliction, ne souffrant pas que les hommes s'en apperçoivent sinon le moins qu'il se peut..

  A009000754 

 Bref, il n'est pas en nostre pouvoir de descrire ni mesme imaginer quelles furent les souffrances de nostre Maistre en sa Passion..

  A009000754 

 Et en outre, quel devoit estre l'attendrissement que luy causoit la douleur de sa tres sainte Mere qui l'aymoit si cherement? Les cœurs du Fils et de la Mere se regardoyent avec une compassion nompareille, mais aussi avec une generosité et constance incomparables; car ils ne se plaignoyent point, ils ne destournoyent point leur veue l'un de dessus l'autre pour rendre leur peine moins sensible, ains ils se regardoyent [281] fixement.

  A009000754 

 Mais quelle fut la douleur de nostre Maistre oyant ces detestables blasphemes que ses ennemis vomissoyent contre luy et contre son Pere celeste, et voyant que leur rage ne se pouvoit assouvir à force de le tourmenter? Sans doute, cela luy outreperçoit le cœur plus sensiblement encores que les clous ne perçoyent ses pieds et ses tres benites mains.

  A009000756 

 En fin c'est grande compassion de voir combien nous sommes peu observateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses souffrances et ne taschoit point de les faire remarquer [282] par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les enduroit, les considerast, et apaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A009000756 

 Nostre mal, pour petit qu'il soit, est incomparable, et ceux que les autres souffrent ne sont rien en comparaison; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A009000757 

 Bienheureuse donques sera l'ame qui perseverera à bien vivre et à faire ce pour quoy elle a esté envoyée, comme Nostre Seigneur qui persevera jusques à la mort en la prattique de toutes les vertus, comme saint Paul escrit de l'obeissance: Il a esté obeissant jusques à la mort; c'est à sçavoir tout le temps de sa vie jusques à la mort.

  A009000757 

 Que les Religieux et Religieuses seroyent heureux si à la fin de leur vie ils pouvoyent dire bien veritablement avec le Sauveur: Tout est consommé; j'ay fait tout ce qui m'estoit commandé soit par les Regles, soit par les Constitutions ou par les ordonnances des Superieurs; j'ay persevere fidellement en tous mes exercices, il ne me reste plus rien à faire..

  A009000759 

 Nostre Seigneur ayme donques d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner entierement en son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence comme il luy plaist, sans s'amuser à considerer si les effects de cette providence leur sont utiles, profitables ou dommageables; estant tout asseuré que rien ne nous sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres aymable, ni qu'il ne permettra que rien nous arrive de quoy il ne nous fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy, et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit entre vos mains; et non seulement mon esprit, mais mon ame, mon corps et tout ce que j'ay, à fin que vous en fassiez selon qu'il vous plaira..

  A009000760 

 Nostre cher Sauveur expose son ame, c'est à dire sa vie, à la cruauté des ennemis des hommes, pour les defendre de tous malheurs et leur redonner la paix qu'ils avoyent pour jamais perdue par le peché.

  A009000760 

 Pour nous restablir en sa [284] grace et nous rendre dignes de sa misericorde, il a pris sur soy les coups de la justice divine, justice qui se devoit exercer sur nous qui estions les seuls contre qui elle fust irritée à bon droit.

  A009000761 

 Il veut que nous apprenions de luy ces vertus en la consideration de sa Mort et Passion, et desire que nous luy tesmoignions par icelles nostre amour et nostre fidelité, puisque ç'a esté en les pratiquant qu'il nous a monstré l'excellence et l'ardeur du sien envers nous qui en estions si indignes.

  A009000761 

 Nous luy devons nos corps, nos cœurs et nos esprits à fin qu'il en fasse comme de choses siennes, et que jamais nous ne les employions pour contrevenir à ses lois divines.

  A009000771 

 La seconde paix est celle que les saints Peres ont distinguée en trois parties: la paix avec Dieu, [286] la paix les uns avec les autres et la paix avec nous mesme.

  A009000771 

 Les Apostres et les disciples de Nostre Seigneur, comme des enfans sans pere et des soldats sans capitaine, s'estans retirés dans une mayson tout craintifs qu'ils estoyent, le Sauveur s'apparut à eux pour les consoler en leur affliction et leur dit: Paix vous soit.

  A009000772 

 Grand certes est le chastiment que Dieu tire de nous lors qu'il nous laisse entre les mains de nos ennemis, qu'il retire son divin secours et ne nous tient plus en sa tres sainte protection.

  A009000772 

 Les Iraëlites ayans quitté l'observance des commandemens de Dieu et s'estans departis de sa grace, le Seigneur justement indigné contre eux, les laissa, en punition, tomber entre les mains des Madianites, leurs ennemis jurés; partant il leur osta sa paix en laquelle il les avoit tousjours tenus tandis qu'ils avoyent esté fidelles.

  A009000772 

 Quand il nous laisse à l'abandon c'est un tres grand signe et indice certain de nostre perte, car indubitablement les Madianites, qui sont nos ennemis spirituels, auront prise sur nous et nous demeurerons vaincus..

  A009000773 

 L'Ange l'ayant rencontré dans un lieu où il battoit du blé, le salua en cette sorte: Le Seigneur est avec toy, homme fort entre tous les hommes.

  A009000773 

 Les Madianites donques ayans resolu de brusler les Israelites à petit feu, venoyent tous les ans trouppe à trouppe dans leurs villages au temps de la cueillette, de sorte qu'ils ne leur laissoyent rien pour vivre.

  A009000773 

 Or, la bonté de Dieu qui est si grande envers les hommes, ayant abandonné les Israelites par l'espace d'environ sept ans, se resolut d'avoir pitié d'eux et envoya un Ange annoncer à Gedeon qu'il vouloit les restablir en leur premiere paix, et par son moyen.

  A009000773 

 Puis il luy dit de quitter son occupation, de prendre les armes contre les Madianites et que sans faute il remporteroit la victoire et terrasseroit ses ennemis.

  A009000774 

 Vous me dites, poursuit-il, que je prenne les armes et que je demeureray victorieux; hé, ne sçavez-vous pas que je suis le moindre de tous les hommes? C'est tout un, respond l'Ange, Dieu veut que ce soit toy qui delivres les Israelites de l'affliction en laquelle ils sont.

  A009000775 

 Il n'y a point de cloute, mes cheres ames, que la Croix ne represente merveilleusement bien cet autel sur lequel fut offert le sacrifice de la paix, et lequel fut nommé ensuite la paix du Seigneur; ou que plustost le sacrifice de Gedeon et son autel ne fust la figure de celuy que Nostre Seigneur et Maistre accomplit sur la croix, puisque ce sacrifice a esté appellé le sacrifice d'accoisement et de pacification; car les hommes ayant esté pacifiés avec Dieu, receurent la paix en eux mesmes au moyen de la grace que le Sauveur leur acquit par sa Mort et Passion.

  A009000776 

 Mais en cette Pasque ou en ce sacrifice que celebra Nostre Seigneur au jour de sa Passion, il s'offrit luy mesme non seulement comme un aigneau tout doux, tout benin, gracieux et plein de pureté, mais aussi comme un chevreau qui porte les pechés de son peuple.

  A009000777 

 Et tout ainsy que par ce signe Gedeon demeura confirmé en l'esperance de l'evenement de la paix et de la victoire qu'il devoit remporter sur les Madianites, comme l'Ange le luy avoit predit, de mesme le sacrifice de la Croix [289] estant consommé et Nostre Seigneur ayant dit: Mon Pere, je remets mon esprit entre vos mains, les hommes furent soudain confirmés en l'esperance que les Prophetes leur avoyent donnée par tant de siecles, que la paix seroit un jour faite en eux, et que l'ire de Dieu estant accoisée par le moyen de ce sacrifice, qui est un sacrifice de pacification, ils seroyent rendus victorieux et triomphans de leurs ennemis..

  A009000778 

 N'ayez point peur, car j'ay fait la paix entre mon Pere celeste et les hommes, et c'est en ce sacrifice que j'ay offert à la divine Bonté sur l'arbre de la croix que s'est accomplie cette sainte reconciliation.

  A009000780 

 Allez, leur avoit-il dit auparavant, annoncez aux hommes les choses que je vous ay apprises, et entrant aux maisons dites: La paix soit ceans.

  A009000781 

 Il a esté commencé par la paix, comme nous voyons en l'Evangile qui se lit en la Nativité de Nostre Seigneur, en laquelle les Anges chantoyent: Gloire à Dieu ès lieux hauts, et paix en terre aux hommes de bonne volonté.

  A009000781 

 Le monde, semble-t-il dire, ne donne point ce qu'il promet, car il est un trompeur; il amadoue les hommes, leur promettant beaucoup, et puis en fin ne leur donne rien, se moquant ainsy d'eux apres qu'il les a trompés.

  A009000782 

 Nul homme, fors les enfans de l'Eglise, ne peut avoir de tels moyens pour se reconcilier avec Dieu, à faute desquels aussi ils demeurent tousjours enfans d'ire et miserables..

  A009000783 

 La guerre n'est entre les Chrestiens sinon entant qu'ils ne sont pas en la grace de Dieu; car, s'ils y demeurent, le diable, le monde et la chair n'ont nul pouvoir sur eux.

  A009000783 

 La paix n'appartient qu'aux enfans de l'Eglise, il est vray; car tous les autres n'ont point les moyens de reconciliation que nostre Sauveur nous a donnés pour nous remettre en la bonne grace de Dieu son Pere autant de fois que nous la perdons, bien que veritablement nous la perdions par nostre faute.

  A009000784 

 Apres cette victoire, il s'en retourneroit tout triomphant dans la ville principale, chargé neanmoins de blesseures, et rencontrant ses sujets il leur diroit: Courage, mes amis, voyla les playes avec lesquelles je vous ay acquis la paix; demeurez en repos, ne craignez plus, car j'ay terrassé nos ennemis.

  A009000784 

 Imaginez-vous un prince revenant de la guerre en laquelle il a battu à dos et à ventre ses ennemis et les a fait passer par le fil de l'espée, sans en laisser aucun en vie, sinon quelques fuyars, quelques laquais et couards auxquels il auroit fait grace par compassion.

  A009000785 

 Nostre Seigneur et Maistre, qui est appellé le Prince de paix, revenant de la guerre où il avoit veritablement receu quantité de playes, mais playes non point dignes de mespris ains d'honneur incomparable, et desquelles il fait trophée et merite une eternelle louange, il s'addresse à ses Apostres comme à son peuple bien aymé et les leur monstre: Pax vobis, voyla mes playes.

  A009000785 

 Touchez, dira-t-il Dimanche à saint Thomas, touchez de vos doigts les playes de mes pieds et de mes mains; mettez, si bon vous semble, toute vostre main dans mon costé, et voyez que je suis bien moy mesme; ayant fait cela, ne soyez plus incredule mais fidelle.

  A009000785 

 Voyez mes playes et sçachez que je les ay receues en terrassant et vainquant vos ennemis, lesquels j'ay desconfits et exterminés.

  A009000786 

 Car, d'où vient, je vous prie, [293] tant de pauvreté que plusieurs souffrent, sinon des miserables pretentions que les autres ont d'accroistre leurs biens et d'estre riches, quoy que ce soit aux despens du prochain? Les uns ont trop et les autres n'ont rien.

  A009000786 

 Le defaut d'icelle est la source de tous les malheurs, afflictions et miseres que l'on voit en ce monde parmi les hommes.

  A009000786 

 Le second point de cette paix est de l'avoir les uns avec les autres.

  A009000786 

 Qu'est-ce qui ruine la paix, sinon les proces, les ambitions, les desirs des honneurs, des dignités, des preeminences? Si la paix estoit entre les hommes l'on ne verroit point de telles miseres.

  A009000787 

 Il n'y a rien qui ne puisse estre rangé et gouverné par l'homme que le seul homme; car si bien le pouvoir que Dieu avoit donné à Adam au paradis terrestre sur tous les animaux a receu quelque deschet par le peché, si est-ce pourtant que l'homme peut dompter les bestes les plus farouches, par l'entremise de la rayson dont Dieu l'a doué, ainsy que l'experience s'en fait tous les jours.

  A009000787 

 Que craindroyent-ils? de quoy auroyent-ils peur? Des lions? Nullement; car, comme nous disions tout à cette heure, ils auroyent suffisamment d'industrie en eux mesmes pour eviter leur rage et celle de tous les autres animaux, pour brutaux qu'ils puissent estre..

  A009000787 

 Si les hommes vivoyent en paix les uns avec les autres rien ne pourroit troubler leur tranquillité.

  A009000788 

 Nostre Seigneur sçachant fort bien la grande necessité que les hommes en avoyent, n'a rien tant presché que cette paix qui procede de l'amour qu'il nous a tant recommandé d'avoir les uns pour les autres.

  A009000788 

 Si nous ne vivons en paix et en union les uns avec les autres nous ne devons pas attendre de recevoir la grace de voir Nostre Seigneur ressuscité..

  A009000790 

 Or, si ces soldats estoyent fideles, l'esprit n'auroit aucune crainte, ains il se moqueroit de ses ennemis, comme font ceux qui, ayans des munitions suffisantes, se trouvent au donjon d'une forteresse imprenable; et ce, bien que les ennemis soyent aux fauxbourgs, voire que la ville fust prinse, ainsy qu'il arriva en la citadelle de Nice, devant laquelle les forces de trois grans princes n'estoyent pas capables d'estonner ceux qui estoyent au donjon.

  A009000791 

 Ce sont les vrayes armes des Chrestiens que la paix; avec icelle ils demeureront victorieux en tous combats.

  A009000791 

 Mais quand il vient à escouter les raysons et les harangues que la chair luy represente pour le destourner de cette attention aux divines verités, incontinent tout est perdu; l'experience s'en fait tous les jours..

  A009000792 

 En somme, tout ce que la chair desire est absolument contraire à l'esprit qui, estant esclairé de la lumiere celeste, ne peut s'empescher de voir que ces raysons inspirées par la chair sont bestiales et impertinentes, et qu'il ne les sçauroit approuver.

  A009000792 

 La chair dicte miserablement à l'entendement que les pauvres ne sont pas estimés; il escoute ces opinions, le voyla perdu.

  A009000792 

 Nous disons voirement tous [296] que nous avons la foy, mais nous ne la monstrons pas par les œuvres.

  A009000792 

 Nul ne peut douter que nostre cher Maistre n'ayt dit: Bienheureux les pauvres et ceux qui souffrent persecution; et l'entendement, au lieu de demeurer fermement attentif à cette verité, va recevoir la suggestion que la chair luy represente qu'il faut avoir des biens et beaucoup, à fin de luy donner ses ayses et commmodités: voyla quant et quant la guerre.

  A009000792 

 Si nous voulons garder en nous mesme la paix parmi la guerre il faut tenir l'entendement fermement attaché aux verités que Nostre Seigneur nous a enseignées, et l'empescher d'escouter ou recevoir les opinions et raysons humaines..

  A009000793 

 Les Anges apostats escouterent cette fausse opinion qu'ils devoyent estre comme Dieu, et se perdirent en leurs pensées.

  A009000794 

 Au lieu de l'arrester et attacher à se conduire en tout selon que Nostre Seigneur nous l'a enseigné, nous nous servons des considerations de la sagesse humaine laquelle nous represente qu'il faut bien estre discret, et moderer les choses selon la prudence pour que tout aille bien.

  A009000794 

 Certes, on ne sçait plus de [297] quel biais prendre ces personnes qui se servent de cette fausse prudence, parce que, faute de simplifier leur entendement, elles ne veulent pas entendre les raysons qu'on leur donne et en apportent cent contraires pour soustenir leurs opinions, quoy que bien souvent mauvaises; dès qu'elles s'y sont une fois attachées, l'on ne sçait plus que faire avec elles..

  A009000795 

 Ce tres bon Maistre voyant les Apostres entortillés en diverses considerations et doutes de l'accomplissement de ses parolles, n'ayans pas la patience d'attendre que le soir du jour auquel il avoit dit qu'il ressusciteroit fust venu (estans seulement au matin ils commençoyent à douter), Pax vobis, leur dit-il; vostre entendement soit pacifié par le rejet de tant de reflexions.

  A009000796 

 Les Apostres ne voyoient pas si promptement Nostre Seigneur ressuscité, et les voyla bien tost en perplexité.

  A009000796 

 Oh! pensoyent-ils en eux mesmes, que nous eussions esté heureux si nous eussions eu un Maistre immortel! et plusieurs telles raysons par lesquelles ils monstroyent qu'ils estoyent en doute de l'effect de la promesse du Sauveur; et partant il leur dit pour les accoiser: La paix soit avec vous.

  A009000797 

 La pluspart des troubles que nous avons en nostre ame viennent dequoy l'imagination de la chair presente des souvenirs à l'imagination de l'esprit, lesquels estans receus par nostre memoire, nous nous laissons aller à de vaines craintes de n'avoir pas assez de cecy et de cela, au lieu de nous occuper à nous resouvenir des promesses que Nostre Seigneur nous a faites, et ainsy demeurer fermes en cette confiance que tout perira plustost que ces promesses viennent à manquer, et partant les inquietudes arrivent.

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000799 

 Bref, nostre volonté est si pleine de pretentions et de desseins que bien souvent elle ne fait rien que s'amuser à les regarder l'un apres l'autre, ou bien tous à la fois, au lieu de s'occuper à en faire reussir quelques uns des plus profitables..

  A009000800 

 De mesme, pourriez-vous bien dire, en aymant Dieu je rencontre plusieurs autres choses, comme les livres, les vertus, [300] l'oraison, le prochain que j'ayme voirement bien; cependant mon dessein principal estant de n'aymer que Dieu, fait que j'ayme toutes ces choses et que je m'en sers, mais ce n'est qu'en passant, pour m'exciter à l'aymer davantage, et tousjours plus parfaitement, car tel est mon vouloir et je n'en veux jamais point d'autre..

  A009000800 

 Mais, me repliquerez-vous, ne faut-il pas vouloir aymer le prochain? Puisque vous dites qu'il ne faut aymer que Dieu et ne vouloir que luy seul, pourquoy donques tant de livres spirituels, tant de predications et tous les autres exercices de devotion? Un exemple vous fera entendre cecy: vous regardez cette muraille qui est blanche, et je vous demande ce que vous voyez.

  A009000801 

 Ainsy puissions-nous faire, mes cheres ames, car nous possederons comme luy la vraye paix; nos puissances et nos facultés estans toutes ramassées en nous mesme, nostre doux Sauveur, pour l'amour duquel nous les aurons accoisées, ne manquera pas, sans doute, d'estre en nous et de nous apporter cette paix qu'il donne aujourd'huy à ses Apotres bien aymés..

  A009000802 

 Mais, mon Dieu, quelle paix est celle cy, et qu'elle est differente de celle que le monde donne! Les mondains se vantent aucunesfois d'avoir la paix, mais c'est une paix fausse, laquelle est en fin suivie d'une tres grande guerre.

  A009000802 

 Pendant son sommeil les vents se lavent, la tourmente se fait grosse, les vagues si impetueuses qu'elles semblent à tous momens faire perir le navire; les Apostres bien esmeus du present danger courent de proue en poupe et de poupe en proue; en fin ils resveillent Nostre Seigneur, disant: Maistre, nous perissons, si tu ne nous secours.

  A009000802 

 Son bien aymé Apostre saint Pierre en fit tout de mesme apres luy, car il dormoit paisiblement quand l'Ange le vint tirer de la prison, le soir devant le jour auquel on le devoit faire mourir; tant les vrays amis de Dieu sont tranquilles et possedent la paix que Nostre Seigneur leur a acquise..

  A009000803 

 De mesme en font les hommes pecheurs lors qu'ils pensent fuir l'ire de Dieu.

  A009000803 

 Et soudain les pilotes le jetterent en la mer.

  A009000803 

 Ils se vantent de dormir d'un bon repos, comme s'ils possedoyent la paix, mais en fin ils se trouvent bien trompés à leur resveil, se voyant environnés de mille troubles qui sont pres de les precipiter en la mer des tourmens eternels, s'ils ne se repentent et ne se retournent du costé de la divine Bonté pour implorer sa misericorde sur eux, à fin de pouvoir par leur contrition, recouvrer la grace qu'ils ont perdue emmi leur paix et tranquillité.

  A009000803 

 La tempeste estant grande et les matelots ne sçachant plus que faire pour eviter le peril eminent auquel ils se voyoient presque reduits, s'en vont au fond du navire, où trouvant le pauvre Jonas qui dormoit, non d'un sommeil de paix mais d'un sommeil de detresse, ils luy dirent: Quoy, miserable, tu dors en cette affliction! Et s'estant enquis d'où il estoit: Oh! respondit-il, je suis un miserable homme qui fuis de devant la juste indignation de Dieu irrité contre moy.

  A009000804 

 La paix, mes cheres ames, ne se trouve qu'emmi les enfans de Dieu et de l'Eglise, qui vivent selon la volonté divine en l'observance de ses commandemens.

  A009000804 

 Les enfans de la paix font une continuelle guerre à la chair qui leur cause des attaques tres violentes, laquelle n'a pourtant pas le pouvoir de troubler leur repos, non plus que le diable et le monde, ainsy que nous avons desja dit..

  A009000804 

 Mais beaucoup plus vraye et plus grande est celle que possedent [302] ceux qui ne vivent pas seulement selon les commandemens, ains en l'observance des conseils et selon la regle de la vertu, car la vraye paix se trouve en la parfaite mortification.

  A009000805 

 Elle a des ruses estranges pour dresser des embusches à nostre esprit; mais si nous nous tenons fermes dans le donjon, accompagnés des trois soldats dont nous avons parlé, nous serons tousjours les plus forts et possederons la vraye paix qui nous tient contens emmi les injures, les mespris, les afflictions, les contradictions et en fin emmi tout ce qui nous arrive de contraire à la nature..

  A009000806 

 Il faut que je vous raconte sur ce sujet un bel exemple que je lisois l'autre jour dans les Vies des Peres nouvellement recueillies.

  A009000807 

 Il faut passer par tous les degrés, commençant par les plus bas et montant l'un apres l'autre jusqu'au plus haut.

  A009000807 

 Lors le bon Pere adjousta: Mon fils, il faut que trois ans durant, outre la generale prattique de toutes les vertus, vous entrepreniez de soulager tous les freres; de sorte que, par exemple, si vous rencontrez le cuisinier qui va puiser de l'eau ou qui va querir ou fendre du bois, vous y alliez pour luy.

  A009000807 

 Puis si vous en rencontrez d'autres qui sont chargés, vous preniez leur charge et les soulagiez en la portant pour eux; bref, que vous vous rendiez le valet de tous en les servant en toute chose, sans reserve.

  A009000808 

 Les trois ans expirés, le bon novice revient trouver son maistre pour sçavoir s'il estoit parfait.

  A009000809 

 Ce qu'il promit d'accomplir, et le fit fort fidellement, bien qu'il ne manquast pas d'exercice; car le bon Pere donna le mot du guet aux Religieux pour l'esprouver comme il failloit, si qu'à tous propos il estoit en peine de faire des presens, d'autant que les mespris, mortifications et humiliations ne luy manquoyent point..

  A009000809 

 La prattique que le Pere luy recommanda fut de recevoir si bien les mortifications, mespris, corrections et humiliations que jamais il ne manquast de faire quelque service ou quelque present à ceux qui les luy procureroyent, et cela tout promptement; et s'il n'avoit rien autre chose à donner, qu'il fist des bouquets pour leur presenter, ou des stolles, ou telles et semblables choses.

  A009000810 

 Ce qui surprenoit fort les assistans et contentoit grandement le bon Pere qui le regardoit pendant cette espreuve..

  A009000810 

 Le Pere donques le fit tout barbouiller et le mena dans une ville qui estoit proche de là, à la porte de laquelle il y avoit des soldats qui n'avoyent pas autre chose à faire qu'à [305] regarder les passans et prendre d'eux sujet de rire, de maniere que si tost qu'ils virent ce pauvre jeune homme ils commencerent à se mettre apres luy: qui le brocardoit de parolles, qui venoit jusques aux coups, d'autres l'injurioyent; bref, ils s'en jouoyent tout ainsy que s'il eust esté fol.

  A009000811 

 Lors le bon novice respondit: Certes, il me semble que j'ay bien rayson de rire et d'estre content, car je possede la paix en mon ame parmi toutes les attaques et risées que vous me faites; mais de plus, j'ay un grand sujet de contentement, car en verité vous m'estes bien plus doux et gracieux que n'a pas esté mon maistre que vous voyez là, lequel m'a icy amené; car il m'a tenu trois ans en telle sujetion, qu'il failloit que je fisse quelque present à tous ceux qui me maltraittoyent pour recompense de l'offence qu'ils m'avoyent faitte.

  A009000811 

 Voyez-vous, Nostre Seigneur permet tousjours que les vertus de ses vrays amis et serviteurs soyent reconneues par quelques-uns.

  A009000812 

 C'est la vraye paix, mes cheres ames, que je vous desire, qui se conserve, ains qui s'accroist emmi la guerre et les tourbillons des vents des persecutions, [306] humiliations, mortifications et contradictions que nous rencontrons en cette vie mortelle, afflictions et peines qui seront en fin suivies des consolations et repos eternel, pourveu que nous les ayons souffertes avec paix interieure à l'imitation de ce bon Religieux.

  A009000812 

 Grande estoit la paix que ce jeune homme possedoit en son ame, puisque les injures, les moqueries et les risées d'une trouppe desbauchée ne l'avoyent nullement esbranlé.

  A009000812 

 Or, telle paix ne s'acquiert en cette vie que par l'union de l'entendement, de la memoire et de la volonté avec l'esprit, ainsy que nous avons monstré tantost; de plus, elle ne se peut trouver hors de la sainte Eglise, ainsy que l'experience nous l'enseigne tous les jours, et en fin finale elle ne se rencontrera jamais qu'en l'obeissance du saint Evangile lequel n'est que paix.

  A009000819 

 En la primitive Eglise on celebroit la feste d'aujourd'huy fort solemnellement, parce que c'estoit la feste des nouveaux convertis et catechisés; c'est pourquoy on l'appelle le Dimanche blanc, d'autant que les nouveaux baptizés se revestoyent à tel jour de robes toutes blanches.

  A009000819 

 Jadis, en l'ancienne Loy, l'on n'avoit pas accoustumé de faire feste à la naissance des enfans, comme on fait en beaucoup de lieux, ains seulement quand on les sevroit, ainsy que nous apprenons en l'histoire d'Abraham, lequel ne fit pas de festin à la naissance d'Isaac son cher fils, ains au jour qu'on le retira de la mammelle et qu'on le sevra.

  A009000819 

 Les Chrestiens ne doivent pas solemniser le jour de leur naissance, ains celuy de leur renaissance, qui est celuy de leur Baptesme; c'est pour cette cause que le grand saint Louys roy de France ne vouloit pas estre appellé Louys de France, mais Louys de Poissy, parce que c'estoit le lieu où il avoit esté baptizé et celuy de sa naissance spirituelle..

  A009000821 

 Ce n'est donques pas sans juste rayson que l'on a accoustumé de faire des grandes solemnités en la reception ou Profession des Religieux et Religieuses, puisque ce n'est pas seulement le jour où ils sont sevrés et retirés de la mammelle, de la jouissance des consolations terrestres et perissables, à fin d'estre sustentés de viandes plus solides et qui les nourrissent à l'immortalité, le bon Pere celeste les fortifiant petit à petit par l'exercice des vertus appartenantes aux plus forts, telles qu'elles se trouvent en Religion.

  A009000821 

 Ce n'est pas non plus seulement pour ce que c'est le jour de leur naissance spirituelle auquel ils reçoivent la grace divine et renouvellent les promesses qu'ils ont faittes, ou que l'on a fait pour eux en leur Baptesme, de vivre selon les commandemens de Dieu; mais ils solemnisent beaucoup plus parfaittement et se resjouissent davantage en cette journée, d'autant que c'est celle de leur renaissance.

  A009000821 

 En effect, ils ne se contentent pas de renouveller les vœux, à sçavoir les promesses d'observer les commandemens de Dieu, ains se resolvent d'entreprendre la prattique des conseils de Nostre Seigneur et de vivre selon la perfection du saint Evangile.

  A009000822 

 Cependant, la Religion est un continuel exercice de mortification, de renoncement et despouillement de soy mesme; il faut crucifier la chair avec toutes ses sensualités, la propre volonté avec tous ses desirs, renoncer au monde et à toutes les [309] choses terrestres pour n'aspirer plus qu'apres les biens eternels et n'avoir plus autre desir que de plaire à Dieu, plus de volonté que la sienne et celle des Superieurs qui ont la charge des Religieux..

  A009000822 

 Grande donques, pour toutes les raysons que nous venons de dire, doit estre la joye de ces ames qui se presentent aujourd'huy à fin d'estre dediées au service amoureux de la divine Bonté.

  A009000823 

 Lors que nous venons en Religion l'on ne nous amorce point par les promesses des consolations, comme fait le monde quand il veut attirer quelqu'un à sa suite; l'on ne nous fait point d'offre de biens terrestres, ni des honneurs, grandeurs ou dignités, ains des humiliations, des abjections, et au lieu des consolations on nous presente des mortifications.

  A009000824 

 O qu'il est bon, dit le saint Prophete, que les freres habitent par ensemble! Ouy certes, d'autant qu'ils s'entreporteront les uns les autres au bien.

  A009000825 

 Pendant qu'il estoit absent, Nostre Seigneur s'apparut aux autres Apostres; et luy, ayant ouÿ d'eux tous la grace qu'ils avoyent receüe, il dit qu'il ne croiroit point que son Sauveur fust ressuscité s'il ne le voyoit et ne mettoit ses doigts dans les trous de ses playes, et ne fourroit toute sa main dans l'ouverture de son costé.

  A009000826 

 Les Peres ont fait beaucoup de considerations sur cette incredulité de saint Thomas pour en reconnoistre la source et la racine.

  A009000827 

 O Dieu, quelle dureté de cœur! car pour tout cela il ne s'amollissoit pas, ains perseveroit en son obstination, disant tousjours qu'il ne croiroit point s'il ne touchoit et voyoit luy mesme les playes de son Maistre.

  A009000827 

 Quant au premier point, c'est une chose toute claire que le chagrin produit l'incredulité, car la preuve s'en fait tous les jours.

  A009000828 

 Cette vanité de faire estime de son propre jugement produit l'incredulité et la mesestime des jugemens des autres, et fait que l'on raysonne en cette sorte: Pourquoy m'assujettiray-je à croire que ce que l'on me dit est vray? Ne l'aurois-je pas aussi bien compris ou sceu comme les autres? O que les ames qui faisans estime d'elles mesmes se laissent ainsy gouverner par leur propre jugement sont en grand danger! Nous le voyons en l'exemple du pauvre saint Thomas qui faillit se perdre..

  A009000828 

 La seconde source de l'incredulité de saint Thomas fut l'orgueil et la vanité; car s'estimant aussi capable de cette grace que tous les autres, il pensoit: Et pourquoy seroit-il apparu à tous sinon à moy? S'il estoit vray qu'il fust ressuscité, je l'aurois veu aussi bien que les autres; ne suis-je pas autant qu'eux? Vanité tres grande qui le porta à commettre un tel peché.

  A009000829 

 Son chagrin faisoit qu'il ne vouloit pas croire ce qu'on luy asseuroit; l'orgueil luy faisoit dire que si son Maistre ne se monstroit à luy comme il vouloit, avec les conditions qu'il luy marquoit, il ne croiroit pas, et le desespoir survenant le rendit opiniastre en son obstination..

  A009000830 

 C'est une chose toute ordinaire entre les jeunes apprentifs de la perfection d'estre attaqués de cette sorte de tentation; car dès qu'ils rencontrent de la difficulté en leur chemin, voyla quant et quant le chagrin qui les pousse à faire tant de plaintes qu'il semble qu'il y ayt grand pitié en eux.

  A009000830 

 L'orgueil ou la vanité ne leur peut permettre un petit defaut que tout incontinent ils n'entrent en de grans troubles qui les portent par apres au desespoir: O Dieu, il ne faut plus rien attendre de moy, je ne feray jamais rien qui vaille! C'est bien dit; hé, pensiez-vous estre si brave que de ne point faillir? En toutes sortes d'arts il faut estre apprentif, premier que d'estre maistre..

  A009000831 

 Nostre Seigneur tout bon et tout misericordieux, ne pouvant plus souffrir que cette chere brebis de son troupeau demeurast errante et vacillante en la foy, vient tout doux et debonnaire trouver saint Thomas en presence des autres Apostres, et apres les avoir salués selon son [313] accoustumée, disant: Paix vous soit, il s'addresse au plus malade de tous.

  A009000831 

 Voyez, je vous supplie, comme amiablement il contrecarre de point en point son incredulité; car premierement il l'appelle par son nom et luy dit: Thomas, mets ton doigt dans les ouvertures de mes mains, et fourre si tu veux toute ta main dans la playe de mon costè, et prens si tu veux mon cœur (car, bien qu'il ne die pas: Prens mon cœur, il semble qu'il le vouloit signifier, luy donnant liberté de le toucher); considere que l'esprit n'a ni chair ni os, et reconnois que je suis moy mesme.

  A009000832 

 C'est donc pour la conserver ou acquerir que ces ames viennent maintenant se dedier au service de la divine Majesté, resolues qu'elles sont de luy consacrer si entierement leurs cœurs, leurs corps et de plus leurs volontés, qu'elles ne s'en puissent jamais plus servir que pour suivre en toutes choses la volonté de Dieu qui leur sera signifiée par la direction des Regles et Constitutions de la Religion, direction qui les conduira à l'entiere mortification d'elles mesmes, «pour le service de la dilection» de leur celeste Espoux.

  A009000832 

 Or, Thomas perdit cette paix pour s'estre separé de la communauté; car les Apostres estoyent dans le cenacle comme dans une Religion, où les Religieux qui veulent se conduire selon leur sens et leur volonté, se retirans du train de l'observance commune, ne peuvent conserver la paix, ains vivent en de continuels troubles.

  A009000847 

 Nous celebrons aujourd'huy la feste des presens et du don des dons qui est le Saint Esprit, lequel fut envoyé du Pere et du Fils sur les Apostres, sous la forme et figure de langues de feu.

  A009000848 

 Bien qu'en l'ancienne Loy il octroyast de tres grans presens à son peuple, toutefois ce n'estoit que par mesure; mais en la nouvelle, dès qu'il revit son cher Benjamin, c'est à dire, dès que Nostre Seigneur fut entré en sa gloire, il ouvrit sa main pour respandre ses dons et ses faveurs sur tous les fidelles, ainsy qu'il estoit escrit qu'il deverseroit son Esprit sur toute chair, à sçavoir sur tous les hommes, et non point seulement sur les Apostres..

  A009000848 

 Il les renvoya tous-jours chargés de blé et de viandes; mais lors qu'on luy amena le petit Benjamin, il les renvoya non pas comme auparavant, chargés de grains et de vivres donnés par mesure, ains accompagnés de riches dons, avec des chariots remplis de tout ce qu'ils pouvoyent desirer.

  A009000849 

 Ne sçavez-vous pas qu'il est dit que le Sauveur receut des graces infinies et que les dons du Saint Esprit reposerent sur son chef? Et pourquoy cela, puisque estant la grace mesme il n'en avoit ni pouvoit avoir nulle sorte de necessité? Ce ne fut donques sinon pour nous faire entendre que toutes les graces et benedictions celestes nous devoyent estre distribuées par luy, les laissant couler sur nous qui sommes membres de l'Eglise de laquelle il est le Chef.

  A009000849 

 Or, la rosée et les gouttes de la nuit ne sont qu'une mesme chose.

  A009000849 

 Ouvre-moy, dit-il, mais ouvre-moy vistement, car j'ay mes cheveux t ous pleins de la rosée, et les flocons de ma cheveleure pleins des gouttes de la nuit.

  A009000849 

 Que pensez-vous que veuille signifier ce Bien-Aymé de nos ames, sinon qu'il desire ardemment que son Espouse luy ouvre promptement la [316] porte de son cœur, à fin qu'il y puisse respandre les dons et les graces qu'il avoit si abondamment receus de son pere comme une rosée et liqueur tres pretieuse..

  A009000850 

 Les Apostres l'avoyent desja receu lors que Nostre Seigneur soufflant sur eux leur dit: Recevez le Saint Esprit, les constituant prelats de son Eglise et leur donnant le pouvoir de lier et deslier les ames; mais ce ne fut pas avec la gloire et magnificence qu'ils le receurent aujourd'huy, et ne leur laissa pas de tels effects.

  A009000850 

 Voyons donques maintenant comment Dieu envoya son Saint Esprit sur tous les hommes qui se trouverent assemblés au cenacle, lesquels estoyent au nombre de six vingts et parloyent tous selon que le Saint Esprit leur donnoit.

  A009000851 

 Les presens sont estimés grans selon l'amour avec lequel ils sont faits; or, celuy ci n'est pas seulement fait avec un grand amour, ains c'est l'amour mesme qui est donné, car chacun doit sçavoir que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A009000853 

 Par la suite que nous ferons de ces sept dons en remontant comme par une eschelle, nous connoistrons si nous avons receu le Saint Esprit ou non, puisqu'il a accoustumé de les communiquer aux ames dans lesquelles il descend et qu'il trouve preparées pour le recevoir..

  A009000854 

 Cette crainte ne leur a pourtant point fait eviter le peché ni l'iniquité pource qu'ils n'avoyent pas receu le Saint Esprit; car la crainte qui s'appelle don du Saint Esprit non seulement nous fait redouter les divins jugemens, la mort et l'enfer, mais elle nous fait craindre Dieu comme nostre Seigneur et nostre Juge, et partant nous porte à fuir le mal et tout ce que nous sçavons luy estre desaggreable.

  A009000854 

 Le don de crainte est le plus universel, car nous voyons que les meschans mesme ont de la crainte et frayeur entendans parler de la mort, du jugement et des peines eternelles.

  A009000854 

 Nous devons donc sçavoir qu'il en fut rempli pour la respandre sur un chacun de nous, tant parfaits qu'imparfaits, parce que les parfaits doivent craindre de [318] descheoir de leur perfection, et les imparfaits de ne la pouvoir acquerir.

  A009000854 

 Remarquons, je vous prie, qu'il est dit que les dons du Saint Esprit, de sapience et les autres, reposerent sur le chef de nostre divin Sauveur, et puis ensuite qu'il fut rempli de la crainte du Seigneur.

  A009000857 

 Par le don de science, le Saint Esprit nous ayde à reconnoistre les vertus dont la prattique nous est necessaire et les vices qu'il faut eviter..

  A009000858 

 Il est aussi tres necessaire que le Saint Esprit nous baille le quatriesme don qui est celuy de la force, car autrement les precedens ne nous serviroyent de rien, puisqu'il ne suffit pas d'avoir la volonté d'eviter le mal et celle de faire le bien, encores moins de connoistre l'un et l'autre, si nous ne mettons la main à l'œuvre.

  A009000858 

 Il n'avoit pas le don de force, combien qu'on le luy attribue pour ses conquestes; sa force consistoit en des balles de plomb qui fracassoyent les murailles des villes et abattoyent les chasteaux.

  A009000858 

 Voyez-le se vautrer, et pleurer lors qu'un certain philosophe luy vint dire qu'il y avoit encores d'autres mondes que celuy qu'il avoit subjugué et assujetti: il eut un tel regret de ne les pouvoir conquerir qu'il ne s'en peut resoudre..

  A009000859 

 Au contraire, nostre grand Apostre semble vouloir subjuguer et parcourir toute la terre pour renverser non les murailles mais les cœurs des hommes, et les sousmettre à son Maistre par sa predication; et non content de cela, voyez, je vous prie, le pouvoir qu'il a sur soy mesme, debellant et assujettissant ses affections et passions à la regle de la rayson, et le tout à la tres sainte volonté de la divine Majesté.

  A009000859 

 Celuy ci ruine les villes, abat les chasteaux, s'assujettit le monde à force d'armes et se laisse à la fin vaincre par soy mesme.

  A009000860 

 Mais estans ainsy resolus et fortifiés pour embrasser la vraye prattique des vertus, il faut que nous ayons le don de conseil pour choisir celles qui nous sont le plus necessaires selon nostre vocation; car, bien qu'il soit [320] tousjours bon de prattiquer les vertus, si faut-il pourtant les sçavoir prattiquer par ordre.

  A009000860 

 Que sçay-je moy, si en telle occasion il ne sera point plus expedient que je ne prattique la patience sinon interieurement et non pas exterieurement, ou bien si je dois joindre l'une avec l'autre? Il faut donques avoir le don de conseil à fin de suivre l'exercice que le don de force et de courage nous a fait commencer, et pour que nous ne nous trompions point nous mesmes, choisissant les vertus selon nos inclinations et non selon nostre necessité, regardant seulement à l'escorce et non point à la vraye essence des vertus..

  A009000861 

 Apres le don de conseil vient celuy d' entendement, lequel nous fait penetrer les mysteres de nostre foy par le moyen des meditations, et choisir les maximes de la perfection interieure au fond de ces mysteres.

  A009000861 

 Mais remarquez, je vous supplie, que je dis par la meditation et oraison, et non par la curiosité, speculation et estude, comme font les theologiens; car une simple et pauvre femmelette sera plus capable de le faire que non pas les plus excellens docteurs qui auront moins de pieté.

  A009000861 

 Vous voyez donques bien clairement les effects du don d'entendement, lequel, outre ce que nous avons dit, nous fait comprendre la verité des mysteres de nostre foy et combien il nous est necessaire de regarder à la vraye essence des vertus et non pas à l'apparence exterieure seulement, combien aussi il nous est utile de suivre les verités conneues, soit par le don de conseil ou par celuy d'entendement..

  A009000861 

 Voyons cette pauvre femme: elle s'en ira promptement reconnoistre sur la Croix du Sauveur, voire mesme dans le cœur de Dieu, cette maxime de la perfection: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; au mystere de l'Incarnation elle remarque la mesme maxime, et de plus celle de l'humilité et abjection.

  A009000862 

 Ainsy, faisant tout au contraire des gens du monde, qui estiment bienheureux les riches, ceux qui sont honnorés et qui vivent delicieusement, elle tient pour bienheureux les pauvres d'esprit, puisqu'elle a trouvé cette vertu dans le cœur de Dieu mesme; bienheureux les humbles, bienheureux ceux qui portent et font paroistre dans leur exterieur la mortification procedante de l'interieure renonciation et mespris de tout ce dont le monde fait estat..

  A009000863 

 David dit que les cieux annoncent la gloire de Dieu.

  A009000863 

 Et comment cela? car les cieux ne parlent point.

  A009000863 

 Il adjouste que les jours et les nuits se laissent la charge l'un à l'autre d'annoncer la gloire de Dieu.

  A009000863 

 Il veut entendre que la beauté des cieux et du firmament convie les hommes à admirer la grandeur du Createur et à prescher ses merveilles.

  A009000863 

 Je finis par cette consideration que tous ceux qui estoyent dans le cenacle receurent le Saint Esprit et parloyent tous selon que le mesme Saint Esprit leur donnoit; mais non pas tous d'une mesme façon, n'ayans pas tous esté commis pour prescher l'Evangile comme saint Pierre et les autres Apostres; car nous ne pouvons pas nier qu'il n'y eust des femmes, puisque l'Evangeliste escrit qu' ils estoyent six vingts avec Nostre Dame et les autres femmes.

  A009000863 

 Or, ils parloyent selon que le Saint Esprit leur donnoit, c'est à dire, ceux qui ne preschoyent publiquement s'entrencourageoyent les uns les autres à louer Dieu.

  A009000863 

 Qui ne sçait que lors que nous regardons le ciel en une nuit bien sereine, nous sommes excités à admirer et adorer la toute puissance et sapience de Celuy qui l'a parsemé de tant de belles estoiles? Il en est de mesme lors que nous voyons un beau jour esclairé de la lumiere du soleil, voire quand le mesme Seigneur nous envoye la pluye, puisqu'elle sert à produire les plantes..

  A009000864 

 N'est-ce pas une plus grande merveille de voir une ame decorée de plusieurs grandes vertus que non pas le ciel decoré d'estoiles? Les jours se donnent charge l'un à l'autre d'annoncer la gloire de Dieu; et qui ne sçait que les Saints en ont fait de mesme, se resignant leurs vertus les uns aux autres? A saint Anthoine succeda saint Hilarion, à saint Hilarion d'autres Saints, et ils iront ainsy tousjours perseverant..

  A009000864 

 Que veux-je dire par tout cecy, sinon que nous, qui [322] sommes plus que les cieux et que tout ce qui est creé, puisque le tout a esté fait pour nous et non point nous pour eux, sommes beaucoup plus capables d'annoncer la gloire de Dieu que non pas les cieux ou les astres.

  A009000869 

 Apres que saint Augustin a raconté ce grand conteste et divorce, ce grand combat et contention qu'il avoit sur le point de sa conversion, en ses deux parties, l'inferieure et la superieure, combat le plus grand qui se puisse voir, appercevant en fin les yeux de la misericorde qui desja le regardoyent, il s'escrie au commencement du Livre neufviesme de ses Confessions: O Seigneur, vous avez regardé vostre serviteur et le fils de vostre servante.

  A009000869 

 Ayant donques à m'entretenir avec vous, quel meilleur sujet pourrois-je prendre que ces paroles du Psalmiste: Dirupisti, et ce qui suit? Mais pour rendre mon discours plus familier, je le diviseray en trois points: au premier nous verrons quels sont les liens desquels saint Augustin estoit lié; au second, quel sacrifice de louange il a offert à Nostre Seigneur; et au troisiesme, quel est ce calice du salutaire..

  A009000870 

 Je ne m'arresteray pas à vous en beaucoup parler, car vous avez ce livre où vous le lirez avec bien plus de playsir, parce que vous y verrez les choses tout au long, mieux que je ne les vous sçaurois rapporter.

  A009000870 

 Quant au premier, c'est chose merveilleuse comme ce [324] grand saint Augustin parle de luy mesme au divin livre de ses Confessions, et comme il raconte d'un style admirable les liens desquels il estoit enchaisné.

  A009000871 

 Ces liens, comme dit le mesme saint Augustin, nous sont merveilleusement bien representés par les chaisnes et manottes de fer dont saint Pierre fut lié en la prison; car, bien qu'il fust emprisonné pour la justice, ses liens neanmoins ne laissent pas de nous representer le peché qui, comme manottes et chaisnes de fer, tient le pecheur si estroittement enserré qu'autre que Dieu ne le peut desenchaisner..

  A009000871 

 Le diable a des liens et cadenes par lesquels il tient les hommes enchaisnés et les rend ses esclaves et sujets.

  A009000871 

 Les theologiens, parlans des liens dont les hommes sont liés, disent qu'il y en a de trois sortes.

  A009000872 

 Les seconds liens sont du monde, et ne sont autres que la sensualité et volupté, liens grandement dangereux et difficiles à rompre..

  A009000873 

 Ce sont ces ames qui, sans aucune consideration de crainte, ains attirées par les suaves et amiables attraits de la dilection de nostre cher Maistre, viennent se dedier et consacrer entierement à son divin service..

  A009000873 

 Ceux de fer, comme dit nostre grand Pere saint Augustin, ne sont autres que la crainte des jugemens, de la mort et de l'enfer; ces menaces que nous lisons dans l'Evangile et celles par lesquelles l'Apostre saint Paul espouvantoit les roys et les princes, les laboureurs et artisans, les petits et les grans, leur disant: Je vous advertis qu'il y a un souverain Juge [325] des vivans et des morts, et c'est à luy à qui vous rendrez compte.

  A009000873 

 Les liens d'or sont des liens d'amour et dilection desquels Nostre Seigneur lie plusieurs ames et les rend ses sujettes et esclaves, mais d'un esclavage doux et grandement amoureux.

  A009000873 

 Mais Dieu a aussi des liens, des ceps et cadenes desquels il enchaisne ses serviteurs: les uns sont de fer et les autres d'or.

  A009000873 

 Or, plusieurs oyans telles et semblables paroles et redoutans les terribles jugemens de Dieu, faisoyent penitence, et se laissant enchaisner par la crainte et vive apprehension, ils se convertissoyent.

  A009000874 

 Saint Augustin estoit lié de trois divers liens desquels il parle dans ses Confessions, mais certes en telle sorte qu'il fait pleurer ceux qui les lisent avec attention, voyant comme ce pauvre jeune homme estoit embarrassé et si fort pressé qu'il ne se pouvoit desprendre.

  A009000876 

 J'ay accoustumé de dire qu'entre les beaux et les bons esprits il y a la mesme difference qu'entre le paon et l'aigle.

  A009000876 

 Les aigles, au contraire, qui n'ont point cette beauté en leur plumage et cette apparence exterieure, font neanmoins des œuvres plus nobles et solides.

  A009000876 

 On ne les voit presque jamais sur terre, ains elles se guindent tousjours en haut; aussi les naturalistes disent que c'est le roy des oyseaux, non à cause de sa beauté mais pour sa generosité..

  A009000877 

 Au contraire, les bons esprits font des œuvres bonnes et solides et ne s'enflent point, ains deviennent plus humbles et rabaissés.

  A009000877 

 C'est ainsy que fit saint Augustin apres sa conversion: il changea la beauté de son esprit en bonté, ou plustost joignit la bonté avec la beauté, car certes ç'a esté le phenix entre les Docteurs, et l'on partage la [327] gloire entre saint Thomas d'Aquin et saint Augustin, l'un pour la theologie en general, l'autre pour la scholastique en particulier..

  A009000877 

 Et que faire à cela? Les beaux esprits sont sujets à telles vanités et folies; mais un bon esprit fait, comme j'ay dit, des œuvres bonnes et solides, ne s'enfle ni glorifie point, ains se tient tousjours bas et humble.

  A009000877 

 Les uns estans vains, ne s'amusent qu'à des vaines imaginations, et pour peu qu'ils fassent deviennent enflés à merveille.

  A009000879 

 O Dieu, combien grans sont les effects de vostre puissance et misericorde!.

  A009000879 

 O Dieu, qu'il failloit bien une main toute puissante pour le deslier de tant et de si fortes chaisnes! Helas! qui pourroit concevoir les combats et convulsions qu'enduroit cette pauvre ame lors qu'elle vouloit reprendre sa liberté et se desfaire des fers et manottes dont elle estoit enferrée? Mais lors que Dieu, par sa misericorde infinie, eut touché ces liens, se sentant en liberté, il commença, comme tout ravi, à chanter le cantique des misericordes divines et s'escria saisi d'estonnement: Dirupisti vincula mea! O Seigneur, mon Dieu, vous m'avez desliè des fers et cadenes de mes passions, vicieuses coustumes et habitudes.

  A009000882 

 Et la doctrine chrestienne nous enseigne qu'il faut en tout temps louer Dieu: en beuvant, en mangeant, en veillant et dormant, de jour, de nuit, d'autant qu'en tout temps nous sentons les effects de sa misericorde.

  A009000882 

 Les philosophes payens ont esté contrains de le confesser, encores qu'ils ne fussent pas esclairés de la lumiere de la verité.

  A009000882 

 Tous les bons Chrestiens le font lors qu'ils assistent aux Offices ou vont aux eglises pour connoistre Dieu, le louer [329] et adorer, et lors que parmi leurs autres occupations ils le benissent et invoquent..

  A009000884 

 C'est ce que le divin Espoux a signifié lors que parlant de l'Espouse au Cantique des Cantiques, il dit: Ma bien-aymée, ma mie qui est parmi vous et que vous connoissez, laquelle s'est donnée toute à moy, ne prend playsir qu'à me louer et me repaistre des fruits de son jardin; et non contente de m'en donner les fruits, elle me donne encores l'arbre.

  A009000884 

 Et qui est cette Sulamite sinon l'ame devote? Qu'est-ce que des chœurs sinon des lieux designés pour chanter les louanges divines? Donc, l'ame devote qui s'essaye de louer et glorifier Dieu ressemble à des chœurs.

  A009000884 

 Quelles sont ces armées sinon les diverses affections d'amour, d'humilité, componction et sousmission avec lesquelles elle accompagne les louanges qu'elle chante à son Bien-Aymé?.

  A009000885 

 Ce que voyant, le grand Archange saint Michel s'escria: Qui est comme Dieu? qui est comme Dieu? Ce qu'il repeta souventesfois, et fut suivi de tous les autres Esprits bienheureux qui respondirent de chœur en chœur ce mesme mot: Qui est comme Dieu? et donnerent par ce moyen la fuite à Lucifer et à ses complices.

  A009000885 

 Certes, il n'y a point de meilleur moyen que celuy cy pour donner la fuite au diable, parce que le miserable ne peut supporter les louanges de Dieu ni de le voir adorer et glorifier..

  A009000885 

 Cette douce Sulamite donques est semblable à des chœurs et à des armées, car elle accompagne ses louanges d'affection et ses affections de louange; elle donne les fruits de son jardin lors quelle loue, et l'arbre, lors qu'elle unit aux louanges ses affections amoureuses; [330] et avec cette belle varieté elle va, comme une armée celeste, mettant en fuite les ennemis de Dieu, qui ne taschent rien tant sinon d'empescher ce saint exercice.

  A009000885 

 Ceux cy furent donc precipités en l'abisme pour n'avoir voulu entonner ce divin motet comme les autres Anges, lesquels furent confirmés en grace.

  A009000886 

 En somme, aux livres et traittés qu'il a faits sur la grace, il en parle avec tant d'efficace et d'un style si haut et si eloquent qu'il surpasse tous les autres Docteurs, de sorte que l'on voit clairement combien il l'aymoit et prisoit..

  A009000886 

 Or, nous pouvons dire que l'ame de saint Augustin fut cette amante Sulamite parce que dès l'instant de sa conversion il ne cessa jamais de louer Dieu, de jour, de nuit, en beuvant, en mangeant, en parlant, en escrivant, chantant les cantiques de sa misericorde et de sa grace.

  A009000887 

 Qu'est-ce en effect que l'Eglise de Dieu sinon des chœurs et des armées, et qui sont ces chœurs sinon, comme j'ay desja dit, tous les Chrestiens qui [331] chantent continuellement les louanges divines en toutes sortes d'estats et de conditions? Saint Louys (duquel nous avons celebré la feste ces jours passés), le plus grand Saint entre les roys et le plus grand roy entre les Saints, estoit arrivé au plus haut point de la perfection chrestienne.

  A009000887 

 Toutefois, par ces chœurs et ces armées nous devons entendre particulierement les Religieux et ecclesiastiques, lesquels non seulement louent Dieu par psalmes, hymnes et cantiques, ains de plus, tant par les sermons que par les fonctions propres à leur estat, taschent d'attirer les autres à la connoissance de la verité, à fin de les exciter à louer Dieu..

  A009000888 

 Ce sont les discours des mondains.

  A009000888 

 Et que la prudence humaine ne vienne point apporter icy ses raysons et dire: Oh! cela est bon pour les ecclesiastiques, predicateurs et docteurs, lesquels par leurs labeurs continuels assistent au public; mais à quoy servent ceux qui sont enfermés dans ces cloistres? A rien; ils sont inutiles à l'Eglise de Dieu.

  A009000888 

 O Dieu, les pauvres gens! ils sont aveugles en leurs opinions.

  A009000889 

 Ceux qui ne chantent pas sont les esperviers, qui vont tousjours à la queste pour apporter quelque provision à leur maistre.

  A009000889 

 Il y a deux sortes d'oyseaux dans les maysons des grans: les uns ne chantent pas et les autres chantent.

  A009000889 

 Ils representent les Evesques et pasteurs qui veillent sur leurs troupeaux, qui sont en continuelle action pour gaigner quelque ame à Dieu et, comme de vaillans soldats, font de bons exploits en la sainte Eglise.

  A009000890 

 Et qu'est-ce que cela? disoyent les uns; à quoy servira cet estourneau? car ils l'appelloyent ainsy.

  A009000890 

 Hé, pauvres gens, que vous estes grossiers et terrestres! Il est vray que les chevaux eussent esté utiles, mais ce petit estourneau ne l'est pas moins parce que, dans cette cage, il n'a autre soin et estude que de resjouir son maistre par son chant melodieux; il est mesme trescontent de perdre sa liberté pour demeurer en cette prison toute sa vie à fin de donner du contentement à son seigneur.

  A009000890 

 Les murmurateurs ne manqueent pas, le monde a trop de prudence pour ne sçavoir à qui s'en prendre.

  A009000891 

 Et non seulement cela, mais de plus, ceux qui travaillent pour l'Eglise sont merveilleusement fortifiés pour s'acquitter de leurs fonctions et perseverer aux travaux qui les accompagnent, par cette douce harmonie, c'est à dire par les prieres que les ames religieuses appliquent pour ce sujet..

  A009000891 

 L'on en peut dire autant des ames qui se sont enfermées dans les cloistres, lesquelles, comme des petits oyseaux, recreent leur Maistre par la melodie de leurs chants; elles quittent leur liberté, qui est la vie de l'ame, pour vivre en prison, et se privent de toutes sortes de contentemens pour le resjouir par leurs prieres, souspirs et continuelles meitations.

  A009000892 

 Il ne s'est pas contenté de louer Dieu, comme nous avons dit, ains a tasché d'amener à luy plusieurs ames, preschant les uns et donnant aux autres une maniere vie tre parfaite.

  A009000893 

 Pour bien qu'on leur fasse ils se font accroire que cela leur est deu, et ne pensent pas qu'on leur puisse rien donner gratuitement; ains, s'ils reçoivent quelques graces, ils croyent qu'ils les ont meritées par quelque signalé service..

  A009000893 

 Telles sortes de gens sont tres superbes et infectés d'une dangereuse maladie, car il leur semble que nul ne les sçauroit obliger, mais ils croyent au contraire qu'ils peuvent obliger tout le monde.

  A009000895 

 J'ay souvent dit qu'il y a deux amours: le premier est l'affectif, le second, l'effectif; et faute de les connoistre et sçavoir discerner il arrive de grans abus et tromperies.

  A009000898 

 Voyez-vous la Magdeleine? Elle estoit touchée de l'amour affectif quand voyant son Maistre et luy voulant bayser les pieds, elle s'escria: Rabboni.

  A009000899 

 Combien pensez-vous qu'il souffrit lors qu'il rembarra les heresies des Manicheens, des Donatistes et autres Africains? O Dieu, ce ne fut pas sans grand travail et peine.

  A009000899 

 Il donne sa Regle à une assemblée de filles, et soudain les heretiques se levent contre luy.

  A009000899 

 Saint Augustin ayant gousté les douceurs de l'amour affectif passe aux travaux de l'effectif.

  A009000900 

 Et encores ce n'est pas grande merveille d'aymer ses amis, c'est naturel, les payens en font bien autant; mais d'aymer ses ennemis, o certes, voyla qui est digne d'un vray Chrestien.

  A009000900 

 On en trouve assez qui, venant en Religion, renoncent à toutes les commodités, biens et amis; mais on en trouve peu qui renoncent absolument à eux mesmes par cette parfaite et entiere abnegation.

  A009000900 

 Plusieurs disent bien qu'ils ayment les travaux, et mesme qu'ils les desirent, mais peu les souffrent avec la perfection requise..

  A009000900 

 Que nous serions heureux si nous observions cecy! Il s'en trouve prou qui cherissent leurs amis, mais ils ne les ayment pas en Dieu, car ils commettent de grandes injustices pour les favoriser, et les ayment aux despens de l'honneur et gloire de Dieu.

  A009000900 

 Saint Augustin, dit au sujet de ces paroles addressées par Nostre Seigneur à Magdeleine, Va-t-en à mes freres: Pour marcher il faut faire deux pas: mourir et renoncer à toutes les choses qui sont hors de nous, et mourir et renoncer à soy mesme, qui est le plus difficile.

  A009000904 

 Je vous repeteray ce qu'un predicateur disoit un jour à ses auditeurs, les entretenant du trespas d'un grand Saint: Je finiray, concluoit-il, de peur qu'en vous parlant de la mort d'un tel (et il le nomma), je ne vous fasse mourir, voyant l'attention avec laquelle vous avez ouy ce que j'en ay touché.

  A009000904 

 Pour vous laisser suivre vostre Office, je finiray donques en vous disant: Que Celuy qui a beni ce glorieux Saint vous benisse, que Celuy qui l'a sanctifié vous sanctifie, et que Celuy qui l'a glorifié vous glorifie là haut, par tous les siecles des siecles.

  A009000909 

 C'est une verité qui a tant et tant de fois esté dite par la Sainte Escriture et par les anciens Peres, que la perfection chrestienne n'est autre chose qu'une abnegation du monde, de la chair et de la propre volonté, qu'il semble qu'elle n'aye plus besoin d'estre repetée.

  A009000909 

 Ce grand Pere de la vie spirituelle, Cassian, parlant de cette perfection, dit que la base et le fondement d'icelle n'est qu'une parfaite abnegation de toutes les volontés humaines.

  A009000911 

 Cela ne se faisoit pas seulement pour [341] la bienseance et civilité, mais comme remarque l'Escriture, d'apres l'ordonnance de Dieu, qui monstra souvent par diverses figures et exemples les faveurs et graces qu'il devoit faire à la sacrée Vierge Nostre Dame..

  A009000911 

 Certes, quand Dieu delivra les Israëlites de l'Egypte pour les mener en la terre de promission, il les mit sous la main et conduite de Moyse, lequel fut declaré pour capitaine et conducteur de ce peuple.

  A009000911 

 Et lors que, par inspiration divine, il commanda à toute son armée de passer à travers la mer Rouge pour eschapper la furie et tyrannie de Pharaon qui la poursuivoit, la mer se separant laissa le chemin sec et libre aux Israëlites, et engloutit et submergea les Egyptiens.

  A009000912 

 Certes, cette glorieuse Dame a esté un mirouer et abbregé de la perfection chrestienne; mais bien que Dieu l'aye fait passer par tous les estats et degrés pour servir d'exemple à tous les hommes, si est-elle le particulier modele de la vie religieuse..

  A009000913 

 Elle fut presentée au Temple en sa jeunesse, n'ayant que trois ans, pour apprendre aux peres et meres avec quel soin ils doivent eslever leurs enfans et avec quelle affection ils les doivent instruire en la crainte de Dieu et les porter à son service.

  A009000913 

 La divine Providence l'a donc fait passer par tous les estats à fin que toutes les creatures puissent puiser en elle, comme en une mer de grace, ce qu'elles auront besoin pour se bien former et dresser en leur condition..

  A009000914 

 Et qu'est-ce que le monde sinon une affection desreglée que l'on a aux biens, à la vie, aux honneurs, dignités, preeminences, propre estime et semblables bagatelles apres lesquelles les mondains courent et desquelles ils se rendent idolatres? Je ne sçay comme cela est arrivé, mais le monde est tellement entré dans le cœur de l'homme, que l'homme est devenu monde et le monde homme.

  A009000914 

 Et saint Augustin parlant du monde dit: Qu'est-ce que le monde? Ce n'est autre chose que l'homme; et l'homme, qu'est-ce autre chose que le monde? Comme s'il vouloit dire: L'homme a tellement mis et attaché ses affections aux honneurs, richesses, dignités, preeminences et propre estime qu'il a pour cela perdu le nom d'homme et receu celuy de monde; et le monde a si fort tiré à soy les affections et appetits de l'homme qu'il ne s'est plus appellé monde mais homme..

  A009000914 

 Les anciens philosophes semblent l'avoir voulu dire lors qu'ils ont appellé l'homme un microscorne, à sçavoir un petit monde.

  A009000914 

 Quant au [342] monde, la sacrée Vierge en fit en sa naissance les plus parfaits et les plus entiers renoncemens qui se puissent faire.

  A009000915 

 C'est de ce monde ou de ces hommes que le grand Apostre parle lors qu'il escrit: Le monde n'a point conneu Dieu, et pour ce il ne l'a point receu ou voulu entendre ses loix, ni moins les recevoir et garder, d'autant qu'elles sont entierement contraires aux siennes.

  A009000916 

 C'est pourquoy tous les chefs et fondateurs des Ordres religieux, dans lesquels regnoit l'esprit de Dieu qui les gouvernoit et conduisoit en leurs entreprises, ont tous commencé par là.

  A009000916 

 Saint Antoine entendant les mesmes paroles quitta tout et fit ce qu'elles requeroyent de luy..

  A009000917 

 Si vous voulez demeurer au monde, servez-vous des choses qui se trouvent en iceluy, usez-en et en prenez ce qui est requis pour vostre usage; mais, pour Dieu, ne vous y affectionnez pas, ni vous y attachez en sorte que vous veniez à oublier les biens celestes et eternels pour lesquels vous estes creés, car toutes ces choses passeront.

  A009000918 

 Le bon homme Syncleticus estant grand senateur quitta son estat pour se faire moine; mais ce qu'il ne possedoit pas en effect il le possedoit de cœur, et alloit promenant ses pensées parmi les delices, playsirs, honneurs et autres fatras du monde.

  A009000919 

 Approchez-vous de ce berceau, considerez les vertus de cette sainte Enfant, et vous trouverez qu'elle les prattique toutes d'une façon tres eminente.

  A009000919 

 Interrogez les Anges, les Cherubins et Seraphins, et leur demandez s'ils esgalent en perfection cette petite fille, et ils vous respondront qu'elle les surpasse infiniment.

  A009000919 

 Voyez-les à l'entour de son berceau, et oyez comme tout esmerveillés de la beauté de cette Dame ils dient ces paroles du Cantique des Cantiques: Qui est celle-cy qui monte du desert comme une verge de fumée sortant de la myrrhe, de l'encens et de toutes sortes de parfums odoriferans? Puis, la considerant encores de plus pres, ravis et hors d'eux mesmes ils poursuivent leur admiration: Qui est celle-cy qui chemine comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, choisie comme le soleil, terrible comme un [345] bataillon de soldats rangés? Cette fille n'est pas encor glorifiée, mais la gloire luy est promise; elle l'attend non en esperance comme les autres, mais en asseurance.

  A009000920 

 Elle estoit là, cette sacrée et benite Vierge, prattiquant toutes les vertus, mais d'une façon admirable celle du renoncement du monde.

  A009000922 

 Aristote dit que les abeilles naissent comme des petits vers, puis il leur vient des aisles et en fin elles deviennent abeilles; mais leur roy ne naist pas en cette sorte, ains il naist comme roy.

  A009000922 

 Nous sommes certes comme des mouches, nous naissons comme des petits vers foibles et impuissans; mais la sacrée Vierge naist comme nostre Reyne, avec l'usage de rayson, et en cette naissance elle fait desja les mesmes renoncemens qu'elle fit puis apres avec tant de perfection..

  A009000923 

 Les enfans sont aggreables en leur enfance et innocence, car ils n'affectionnent rien, ils ne sont attachés à rien, ils ne [347] sçavent que c'est de ces points d'honneur, de reputation ou de vitupere.

  A009000923 

 Mais en la Sainte Vierge qui, paraissant petit enfant et faisant tout ce qu'ils font, a neanmoins les mesmes discours et rayson que lors qu'elle mourut, o Dieu, c'est une chose qui est non seulement aymable et aggreable, ains tres admirable.

  A009000924 

 Il faut avoir bon courage pour entreprendre ce combat; mais pour nous y animer, jettons les yeux sur nostre Chef et souverain Capitaine et sur nostre capitainesse la sacrée Vierge..

  A009000926 

 Il est vray que les petits enfans font mille actes de renoncement, car on leur en fait faire en cent et cent façons; le trop grand soin que l'on a d'eux est cause qu'on ne suit jamais leurs affections et inclinations.

  A009000926 

 Il veut estendre ses petits bras, on les prend et on les luy replie; il veut manier ses petits pieds, et on les lie avec des bandelettes; il voudroit bien voir le jour, mais on le couvre de peur qu'il ne l'apperçoive; il veut veiller, et on le berce pour l'endormir; en somme, on le contrarie en tout.

  A009000926 

 Neanmoins les enfans ne sont certes point louables pour tout cela, car ils n'ont pas l'usage de rayson; mais la sacrée Vierge qui l'avoit d'une maniere tres parfaitte, a souffert volontairement toutes ces mortifications et contradictions en son enfance; et voyla comme elle a fait ce second renoncement..

  A009000928 

 Elles imitent en cecy les nochers et rameurs, lesquels pour bien conduire leur navire ne regardent point le lieu où ils veulent aborder ains luy tournent le dos, et conduisant ainsy leur barque, ils arrivent en fin à bon port; de mesme en prendra-t-il à ces ames: regardant la terre pour s'humilier et confondre, elles parviendront au Ciel qui est un port tres asseuré.

  A009000928 

 On ne leur voit point aussi les oreilles, pour leur apprendre qu'elles n'en doivent avoir que pour entendre ces paroles de l'Espoux sacré: Audi filia; Escoute, ma fille, vois et me preste l'oreille.

  A009000928 

 Or, quoy que ces filles pretendent au Ciel comme au lieu où est l'unique objet de leur cœur, si est-ce qu'on ne leur fait point lever les yeux pour le regarder, mais ouy bien la terre où elles ne veulent point s'arrester.

  A009000928 

 Que veut signifier ce silence qu'elles gardent, sinon qu'elles ne doivent plus avoir de langue que pour chanter avec Moyse ce beau cantique de la divine misericorde, qui les a non seulement retirées comme des Israelites de la tyrannie de Pharaon, c'est à dire du diable qui les tenoit en esclavage et servitude, mais encores qui n'a point permis qu'elles fussent englouties dans les ondes de la mer Rouge de leurs iniquités..

  A009000929 

 Or, les exercices de ce renoncement doivent estre continuels, car tant que vous vivrez vous trouverez tous-jours de quoy renoncer à vous mesme; et ce renoncement sera d'autant plus excellent que vous le ferez avec plus de ferveur.

  A009000929 

 Quant au troisiesme renoncement, qui est le plus important de tous, à sçavoir de renoncer à soy mesme, [350] il est bien plus difficile que les deux autres.

  A009000930 

 Les Anges devindrent diables et tresbucherent [351] en enfer pour n'avoir voulu s'assujettir à Dieu; car quoy qu'ils n'eussent point d'ame humaine ils avoyent neanmoins leur esprit propre, lequel n'ayant pas voulu renoncer pour le rendre sujet et sousmis à leur Createur, ils se perdirent miserablement.

  A009000931 

 Les devots qui sont dans le monde font en quelque maniere les deux premiers renoncemens dont nous avons parlé, mais pour celuy cy, o certes, il se fait seulement en Religion; car bien que les seculiers renoncent au monde et à la chair et qu'ils s'assujettissent en certaine façon, ils retiennent tousjours quelque chose, et tous se reservent au moins la liberté du choix des exercices spirituels.

  A009000932 

 O Dieu, quelle abnegation est celle cy! Il est vray que le cœur tendrement amoureux de cette dolente Vierge estoit transpercé de vehementes douleurs; et qui pourroit [352] exprimer les peines et convulsions qui se passoyent alors dans ce cœur sacré! Neanmoins nous voyons qu'il suffit à cette sainte Dame de sçavoir que c'estoit la volonté du Pere eternel que son Fils mourust et qu'elle le vist mourir, pour la faire tenir debout au pied de la croix comme aggreant et acceptant cette mort..

  A009000933 

 C'est sur ce bois que nostre cher Sauveur et souverain Capitaine a fait ce parfait renoncement de luy mesme; c'est à cette croix que tous les Saints se sont attachés, ce sont ces douleurs qu'ils ont pris pour sujet particulier de leurs oraisons; et certes, le vray Religieux doit tousjours avoir la Croix et le Crucifix devant ses yeux pour apprendre de luy à se bien quitter et renoncer.

  A009000942 

 L'honneur que la sainte Eglise a tousjours porté à la sacrée Vierge a esté cause qu'outre les festes qu'elle solemnise le long de l'année, elle en fait encores une particuliere qui est celle que nous celebrons aujourd'huy; je veux dire que l'Eglise, pour monstrer le grand honneur et amour qu'elle professe pour cette sainte Dame, luy dedie le samedi de chaque semaine quand en iceluy il n'escheoit point de feste double..

  A009000943 

 Or, à la sainte Messe de ce jour on recite pour l'ordinaire l'Evangile où il est dit qu'une bonne femme oyant parler Nostre Seigneur s'escria: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles qui t'ont allaitté.

  A009000943 

 Voyez-vous par où commence cette femme qui veut louer Nostre Seigneur? Par le ventre qui l' a porté et par les mammelles qui l'ont allaitté; comme si elle eust voulu dire, poussée de la grande estime qu'elle avoit conceue de la grandeur et excellence de nostre divin Maistre: O qu' heureux [355] sont le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! et par consequent, que la Dame qui a esté esleue pour ta mere est bienheureuse!.

  A009000944 

 Voyla pourquoy, o femme, il est vray ce que tu dis; mais d'autant que le sein et les mammelles que tu loues n'ont point d'intelligence et par consequent ne meritent point de louanges, je t'asseure que bienheureux sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000945 

 Laissant donques les premieres paroles prononcées par Nostre Seigneur pour considerer la derniere, je diviseray ce mien discours en trois points: au premier nous verrons que c'est qu'ouyr la parole de Dieu; au second, comme il la faut garder; au troisiesme, comment sont bienheureux ceux qui l'oyent et qui la gardent..

  A009000946 

 Ce n'est pas que l'on n'entende bien les semonces qui nous sont faites tant par les predicateurs que par les Superieurs; l'on en est mesme quelquefois touché, mais pour la pluspart des Chrestiens ces enseignemens ne font que passer par une oreille et sortir par l'autre..

  A009000946 

 Certes, nous les devons escouter avec beaucoup de reverence et attention, comme aussi nos Superieurs et toutes personnes inspirées et esclairées de l'Esprit de Dieu, par lesquelles il nous signifie ses volontés et son bon playsir.

  A009000946 

 La premiere c'est par le moyen des hommes qui ont [356] l'intelligence et connoissance de la Sainte Escriture, comme les docteurs et predicateurs qui journellement nous preschent et annoncent la divine parole, la laideur du vice et la beauté de la vertu.

  A009000946 

 Mais ces paroles, quoy qu'inspirées de Dieu, sont paroles d'hommes, et pour l'ordinaire ne demeurent pas dans les cœurs, ou au moins fort peu.

  A009000947 

 De plus aussi, ces sacrées semonces sont proferées par les hommes qui ne peuvent pas donner à leurs discours la force et vertu qu'ils desireroyent.

  A009000947 

 Ils ont beau crier, exhorter, se peiner, si la vertu de Dieu ne les anime et que de vostre costé vous n'y apportiez quelque disposition, rien ne vous en demeurera dans le cœur..

  A009000948 

 Ces bienheureux Esprits annoncent aux hommes les divins vouloirs avec une telle force que leurs paroles sont en quelque façon [357] operatives et apportent quant et elles un certain respect et reverence.

  A009000948 

 Cette-cy est plus relevée et fait dans les ames de merveilleux effects.

  A009000948 

 En tesmoignage dequoy tous ceux que la divine Majesté a tant favorisés en leur enseignant ses volontés et son bon playsir par le moyen de ces glorieux messagers, se sont tousjours grandement humiliés, les uns se jettant par terre en signe de profond abaissement, les autres escoutant avec crainte et tremeur ce qui leur estoit dit par iceux.

  A009000948 

 Que s'ils parlerent à Moyse, suivant l'opinion de ce Docteur, o Dieu, combien grans furent les effects que leurs paroles opererent en iceluy!.

  A009000948 

 Voire, il y en a qui les ont voulu adorer, pensans voir Dieu mesme qui leur partait, tant estoit grande la majesté de ces celestes Esprits et merveilleux les effects que leurs paroles operoyent dans les cœurs, le Seigneur s'en servant pour fidelles interpretes de ses volontés.

  A009000950 

 Ils ont penetré et sondé le fond de leur cœur, et leur ont fait quitter tout ce qu'elles avoyent pour suivre Nostre Seigneur où il les appelloit; et ce contre l'esprit et jugement du monde qui condamne et tient pour folie le tiltre de bienheureux que nostre divin Maistre donne aux pauvres d'esprit.

  A009000950 

 Puis aussi en d'autres endroits: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre.

  A009000951 

 Helas! qui est-ce qui nous couvre les yeux de fange, pour n'admirer point ces merveilles et pour nous estonner si fort de ce que font les hommes à l'endroit de leurs semblables? Cet estonnement de saint Antoine ne procedoit d'autre cause sinon de la connoissance qu'il avoit du grand bien et honneur qui nous revient d'entendre la parole de Dieu.

  A009000951 

 Un jour le grand saint Antoine ayant receu des lettres de l'Empereur et voyant ses Religieux tout estonnés de l'honneur que ce prince luy faisoit, il les reprint en leur monstrant leur aveuglement.

  A009000952 

 Et comment? Dans la bouche de nostre ame qui n'est autre que les oreilles du corps par lesquelles elle vient jusqu'à nous; car tout ainsy que l'on ne sçauroit manger les viandes corporelles sans les avoir premierement receuës dans la bouche, aussi ne sçaurions-nous mascher, c'est à dire mediter la parole de Dieu, sans l'avoir bien ouye.

  A009000952 

 Pour manger les viandes corporelles il les faut mettre dans la bouche, puis les mascher et les avaler; ainsy pour cette manducation spirituelle il faut prendre la viande qui nourrit l'ame, la mascher, c'est à dire la mediter, pour puis apres l'avaler et convertir en soy mesme.

  A009000952 

 Qu'est-ce [359] que la mascher sinon la mediter? En latin, mediter n'est autre chose que mascher; il n'y a autre difference sinon que le mot mascher est employé pour les choses corporelles, et celuy de mediter pour les spirituelles.

  A009000953 

 C'est une chose si importante de bien mediter cette divine parole que le Seigneur en l'Ancien Testament ne vouloit point recevoir en son sacrifice les animaux qui ne ruminoyent pas.

  A009000953 

 Ce sont des animaux qui engloutissent la viande sans la mascher, et pour cela Dieu les rejettoit en l'ancienne Loy, comme au contraire il aggreoit ceux qui ruminent, tels que les taureaux et aigneaux lesquels luy estoyent ordinairement offerts et immolés.

  A009000953 

 Ils reçoivent dans la bouche de [360] l'ame c'est à sçavoir ils escoutent avec les oreilles du corps, ce qu'on leur dit de l'horreur de l'enfer, de la beauté du Paradis et autres telles choses; mais ils l'enloutissent, et faute de le ruminer ils ne peuvent le digerer ni en tirer de la nourriture, et n'en ont aucune apprehension..

  A009000953 

 Voyla pourquoy les corbeaux, les ours, lions et autres semblables estoyent declarés immondes et ne s'en servoit-on jamais pour les sacrifices.

  A009000954 

 Ce que saint Bernard entendoit fort bien lors qu'il exhortoit ses Religieux à garder diligemment ce pain sacré de la parole de Dieu: Soyez bien soigneux de garder vostre pain, si vous en avez, leur disoit-il; mettez-le en quelque lieu où il ne vous puisse estre desrobé par les larrons.

  A009000954 

 Ne peut il pas aussi estre mangé par les rats ou par les souris? Que si vous voulez bien faire, vous le devez manger, et non seulement cela, mais en faire aussi une bonne digestion par le moyen de laquelle vous le convertissiez en vostre propre substance..

  A009000954 

 Voyez-vous, pour que les viandes nous profitent il faut faire une bonne digestion par le moyen de laquelle elles aillent en l'estomach et se convertissent en sang, qui passant par toutes les veines se change puis apres en nous mesme.

  A009000955 

 Certes, il se trouve des estomachs si indigestes que si tost qu'ils ont receu les alimens ils les rejettent.

  A009000955 

 Il faut donques bien digerer ce que nous meditons, en tirant de bons desirs, de bonnes affections et resolutions, lesquelles nous cacherons ensuite en un coin de nostre cœur pour nous en servir aux occasions et les prattiquer en toutes sortes [361] de rencontres, en telle sorte que nous ne soyons plus nous mesme, mais que les affections et resolutions prises en l'oraison paroissent en toute nostre vie..

  A009000956 

 Les naturalistes disent qu'il y a un animal terrestre auprès de la mer qui va si souvent s'y jetter qu'il se nourrit de ses eaux, et les conserve et digere en telle sorte par les frequentes entrées et sorties qu'il fait en icelles qu'il change en fin de nature, car luy qui estoit animal des champs devient poisson comme ceux qui vivent dans la mer.

  A009000957 

 Lors que Dieu punit les hommes par le fleau de la famine, nous voyons que quoy qu'ils mangent une grande quantité de pain ils ne sont point rassasiés, d'autant que la benediction de Dieu n'est pas sur iceluy; mais pour peu qu'il y ayt de pain beni par le Seigneur il rassasie l'homme.

  A009000958 

 Et pour commencer par la sacrée Vierge, comme celle qui l'a mieux escoutée et gardée, que diray-je sinon emprunter pour ce sujet les paroles de ce grand saint Hierosme en l'epistre qu'il escrit à Eustochium sur la mort de sa mere Paula? Si toutes les parties de mon corps se convertissoyent en langues, si tous mes nerfs resonnoyent en voix humaines, je ne publierois encores assez dignement combien la Sainte Vierge est bienheureuse pour avoir entendu et gardé la parole de Dieu, car elle l'a fait avec tant de perfection que pour cela elle a esté dite bienheureuse par la bouche de sainte Elizabeth, qui estoit poussée de l'Esprit Saint.

  A009000959 

 Le grand saint François fut admirable en la digestion qu'il fit des maximes sacrées qu'il entendit en l'Evangile, car il se convertit absolument et les changea tellement en soy qu'il n'estoit plus luy mesme, ains estoit devenu ce que ces maximes signifioyent.

  A009000960 

 Et que l'on ne pense pas que les vocations puissent venir d'autres que de Dieu.

  A009000960 

 Je sçay bien que plusieurs (je veux dire quelques-uns) entrent en Religion poussés ou forcés par les hommes, et ceux-là veritablement ne sont pas meus par l'Esprit de Dieu; aussi en arrive-t-il souvent de grans malheurs, et si la divine misericorde ne touche ces pauvres cœurs ils viennent non pas à se convertir en leur vocation mais à la corrompre.

  A009000960 

 O non certes, les hommes ont beau nous exciter; qu'ils fassent tout ce qu'ils pourront, qu'ils employent toute leur rhetorique et philosophie pour persuader à une ame d'entrer en Religion, de faire choix d'une vocation, tout leur travail sera inutile; il faut que Dieu touche et parle à ce cœur.

  A009000960 

 O que vous estes heureuses, mes cheres Filles, car vous estes du nombre de celles qui ont entendu cette divine parole de Celuy qui seul peut penetrer les cœurs.

  A009000960 

 Or, vivans licentieusement dans la Religion, que doivent-ils attendre que la damnation? O Dieu, qu'il vaudroit bien mieux qu'ils fussent demeurés au monde pour s'y sauver, puisqu'on le peut faire en gardant les divins commandemens..

  A009000961 

 Mais ces filles sont venues parce que Dieu les a appellées, car c'est luy qui va touchant ceux qu'il luy plaist pour les conduire où il veut.

  A009000961 

 On ne le fait pas sans peine, mais certes les roses ne se trouvent pas sans espines, et nous ne devons pas craindre de nous piquer pour cueillir ces belles roses parmi les difficultés, car puis apres, elles s'espanouiront et jetteront une odeur qui nous resjouira tout le cœur.

  A009000961 

 Que vous reste-t-il plus sinon de bien entendre et garder la parole divine, à sçavoir vos Regles et Constitutions, et vous convertir tellement en elles que vous soyez desormais vostre vocation mesme? Les Religieuses ne doivent avoir autre soin que celuy là, d'autant que dans leurs Regles et Constitutions elles voyent la volonté de Dieu qui leur [364] signifie et monstre ce qu'elles ont à faire pour parvenir à la perfection et union avec sa divine Majesté.

  A009000961 

 Vous voyez que quand on veut joindre deux pieces de bois l'on y apporte la regle, ensuite on retranche ce qui est superflu, puis on les ajuste; et ainsy des pierres que l'on taille pour mettre en quelque edifice, et lors on dit: Voyla qui est bien ajusté.

  A009000966 

 Cette feste est pleine d'un grand nombre de matieres propres à monstrer sa grandeur et solemnité, et les predicateurs s'esgayent parmi la varieté et l'affluence des sujets dont on peut traitter à ce jour.

  A009000966 

 D'autres expliquent cet admirable sermon de la montagne auquel Nostre Seigneur prononça les huit beatitudes.

  A009000966 

 Les uns parlent de la gloire des Saints et de leur felicité, les autres, autant utilement que louablement, discourent de leurs vertus et sainteté par laquelle ils ont acquis cette felicité.

  A009000967 

 Cette communion se peut comprendre et expliquer en diverses façons, comme nous voyons en la Sainte Escriture; mais nous vous monstrerons qu'elle se doit sur tout entendre de deux sortes d'amours lesquels se declarent beaucoup mieux quand on parle de ce qui concerne Nostre Seigneur que non pas les creatures.

  A009000967 

 On peut donc exercer cet amour envers Dieu, mais pour celuy de bienveuillance il semble impossible, car puisqu'il est infini et l'infinité mesme, on ne luy sçauroit souhaitter plus de sainteté et de perfection qu'il n'en a. Il est immense en grandeur, il surpasse infiniment en gloire les Cherubins et Seraphins, les Vertus, les Throsnes, tous les Anges et Esprits celestes; il a plus de perfection que tous les Saints et Saintes ensemble, et toute la leur, voire mesme celle de la glorieuse Vierge Marie, n'est rien en comparaison de celle du Fils de Dieu.

  A009000967 

 Sa beatitude est au dessus de celle de tous les Bienheureux, des Anges, de la Vierge, et leur bonheur derive de Dieu, car c'est luy qui le leur donne et communique.

  A009000968 

 Cette charité n'est autre que la communion des Saints, et quand nous mourrons nous serons plus unis avec eux que nous ne sommes pas avec les plus chers amis que nous ayons ça bas en terre..

  A009000968 

 Ne pensez pas que quoy que les Bienheureux soyent au Ciel et que nous soyons miserables mortels en terre, que cela empesche cette communion.

  A009000968 

 Nous n'avons tous qu'un mesme chef qui est Jesus Christ; or, nostre amour et union sont fondés en luy, comme donques la mort aura-t-elle le pouvoir de les rompre? Saint Paul disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Ni les Anges, ni les Vertus, ni le ciel, ni la terre, ni l'enfer ne nous pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000968 

 Quand nous disons: «Je crois en la communion des Saints,» cela monstre que leurs biens [367] nous sont communs, c'est à dire que nous participons à tous les biens qu'ils ont au Ciel, et que les Saints participent aux petits biens que nous autres mortels avons icy bas.

  A009000969 

 C'est pourquoy aujourd'huy nous faisons la feste de tous en general, non seulement des Saints, mais encores des Seraphins, des Cherubins, et de tous les Anges, lesquels se resjouissent en cette solemnité, louant Dieu des graces qu'il a octroyées aux Bienheureux que nous festons.

  A009000969 

 Les biens auxquels nous participons par ce moyen sont inexplicables, tant à cause de leur grandeur que de la multitude innombrable d'Anges et d'ames bienheureuses qu'il y a dans la gloire.

  A009000969 

 Saint Hierosme, parlant de la multitude des Saints qui sont au Ciel, dit que si l'Eglise vouloit faire la feste de tous les Martyrs il y en auroit chaque jour de l'année sept cents de ceux que l'on sçait asseurement avoir esté martyrisés; or, combien y en a-t-il qu'on ne [368] connoist pas! Et s'il y a tant de Martyrs, combien y aura-t-il de Docteurs, de Confesseurs et autres? Le nombre en est indicible.

  A009000971 

 C'est de la mesme maniere que se prattique l'amour de complaisance envers les Saints..

  A009000971 

 Les Bienheureux ayment Nostre Seigneur; aussi le Ciel est rempli de cet amour de complaisance, qui est la cause principale de leur beatitude; car connoissans clairement la grandeur et perfection de Dieu et tous les divins attributs qu'ils voyent en luy, ils l'ayment souverainement de cet amour de complaisance, et par ainsy attirent en eux ses perfections.

  A009000972 

 Nous pouvons leur souhaitter et desirer les biens qu'ils n'ont pas encores, à sçavoir la resurrection de la chair, la reunion avec leurs corps, car en cette reunion consiste une partie de leur gloire; non pas de l'essentielle, qui appartient à l'ame, car celle cy ne sera point accreuë par la resurrection de la chair, mais de l'accidentelle, qui appartient au corps aussi bien qu'à l'ame..

  A009000973 

 Les Saints sont des hommes comme nous, composés d'ame et de corps.

  A009000973 

 Les ames bienheureuses jouissent là haut au Ciel de la gloire essentielle et de l'accidentelle, d'autant qu'elles sont rassasiées et ne peuvent rien desirer qu'elles ne possedent desja, si ce n'est d'estre reunies à leurs corps; c'est pourquoy elles souspirent tousjours apres cette reunion, laquelle rendra leur gloire accidentelle pleine et entiere.

  A009000973 

 Nous disons donc que l'homme est composé d'ame et de corps; et, bien que la mort, qui est entrée au monde par le peché, les separe, cependant nous esperons et croyons en «la resurrection de la chair,» par laquelle nos miserables corps seront reunis à nos ames, et par cette reunion ils participeront à leur gloire et felicité, ou à leur peine et condamnation eternelle.

  A009000974 

 Car que signifient ces paroles: Vostre royaume nous advienne, sinon que nous representons le desir que nous avons de la reunion des ames avec leurs corps? Comme si nous disions: Seigneur, vostre royaume est desja venu, il est fait et preparé pour les Saints, il est preparé pour tous; et non seulement pour tous ceux qui sont saints, mais encores pour ceux qui ne le sont pas.

  A009000974 

 L'Eglise exerce donc en ce jour l'amour de complaisance et de bienveuillance à l'endroit des Saints, et se resjouissant de la gloire que desja ils possedent, elle les congratule et provoque ses enfans à s'y complaire et à glorifier Dieu qui les a sanctifiés.

  A009000974 

 Mais elle veut encor que tous ses enfans la desirent et demandent; ce que nous faisons tous les jours en l'Oraison Dominicale ou Pater noster, en laquelle nous souhaittons aux Saints cette resurrection.

  A009000974 

 Mais, vostre royaume nous advienne, c'est à sçavoir, ce royaume que vous avez fait pour les ames et pour les corps; que cette resurrection de la chair se fasse, car les Saints ont encores leurs corps en terre, et partant ils ne sont pas entierement glorifiés.

  A009000974 

 Quant à nous autres, qui sommes ça bas en terre, il nous est aussi desja advenu; car, Seigneur, vous nous en laissez le choix et disposition, et les justes le possedent par desir et esperance.

  A009000975 

 Ils chantent un cantique continuel, sans se lasser ni se reprendre; ils benissent Dieu avec une joye et complaisance pleine d'une incomparable suavité, s'excitant et provoquant les uns les autres à le tousjours magnifier, mais d'un desir doux, tranquille et qui les rassasie pleinement.

  A009000975 

 Ils louent Dieu en luy mesme de ce qu'il est Dieu et des biens qu'il a en soy et de soy, de la veuë desquels ils ont une parfaite complaisance; ils le louent encores de ce qu'il les a faits saints, reconnoissant que leur sainteté procede de luy comme de son principe et cause fondamentale, et luy en donnent toute la gloire.

  A009000975 

 Premierement, les Saints louent et glorifient perpetuellement Dieu sans pause ni intermission.

  A009000975 

 Puis ils se felicitent aussi les uns les autres de ce qu'ils sont bienheureux et de ce que Dieu les a sanctifiés, prenant un singulier playsir à voir comment il leur a fait sentir les effects de sa grande et infinie misericorde..

  A009000976 

 Et quoy que les louanges que nous donnons à Dieu doivent estre continuelles et invariables, neanmoins ce sera tousjours avec quelque pause; car il n'y a homme, pour saint qu'il soit, qui ose dire qu'il a sa volonté si collée et unie à celle de Dieu qu'il n'en peut point estre separé un seul moment ou distrait par aucun accident de cette vie, ni qui puisse tenir son cœur si attentif à louer Dieu, qu'il ne fasse quelque interruption en l'exercice de l'amour et benediction qu'il luy doit..

  A009000976 

 Or, les Saints nous ayment souverainement, et desirent que nous fassions ça bas en terre ce qu'ils font là haut au Ciel, c'est à dire que nous louions incessamment et perpetuellement Dieu.

  A009000977 

 En toutes les heures du jour et de la nuit il se trouve des ames qui louent et glorifient Dieu..

  A009000977 

 L'Eglise, non plus que les Saints, ne pretend pas que nous louions tousjours le Seigneur sans intermission, ni moins encores que nous passions les nuits entieres ou tous les jours en prieres; ains tousjours signifie que nous le fassions le plus souvent que nous pourrons, que nous rejettions frequemment nos cœurs en luy, que nous le louions en quelque temps et heure de la nuit et du jour, comme il se fait en l'Eglise.

  A009000977 

 Les uns disent: Louez Dieu perpetuellement; et en d'autres endroits: Que Dieu soit loué de jour et de nuit; mais il faut entendre cecy en cette façon.

  A009000978 

 La sainte Eglise en fait de mesme lors qu'elle celebre leurs festes: elle loue Dieu en eux, car qui voudroit celebrer la feste de tous les Saints à leur honneur et non à celuy de Dieu ne feroit rien d'aggreable ni à Dieu ni aux Saints mesmes, puisqu'ils ne peuvent recevoir de gloire sinon de voir que le Seigneur est exalté en eux et eux en luy..

  A009000978 

 Les Saints desirent donques que nous le magnifiions en la terre comme ils font au Ciel, mais selon nostre condition et la portée de nos esprits; que nous chantions et souhaittions que tous chantent comme eux: Saint, Saint, Saint, et que tous correspondent à ses desirs.

  A009000978 

 Mais apres que nous avons correspondu à ce desir qu'ont les Bienheureux de nous voir louer le Seigneur, nous devons encores les congratuler eux mesmes de ce qu'ils sont Saints et benir Dieu en eux; et c'est icy un autre acte de bienveuillance en leur endroit.

  A009000979 

 Un autre acte de bienveuillance que nous pouvons exercer envers les Saints est de correspondre au desir qu'ils ont que nous devenions saints comme eux; et quand nous correspondons à ce desir nous leur donnons un surcroist de gloire.

  A009000980 

 La passion de l'amour est la premiere et la plus forte qui soit en l'ame; de là vient que l'amour nous rend tellement propre ce que nous aymons, que nous disons communement que les biens de la chose aymée sont plus à celuy qui ayme qu'à celuy qui les possede.

  A009000980 

 La sympathie est une certaine participation que nous avons aux passions de ceux que nous aymons; et cet amour d'imitation fait que nous attirons en nous les vertus ou les vices que nous voyons en eux.

  A009000980 

 Mais que veut dire sympathie? Les gens du monde l'entendent bien, mais vous qui n'estes pas du monde, peut estre ne l'entendrez vous pas si je ne le vous dis.

  A009000981 

 Dites à une personne qu'il est expedient qu'elle se corrige de la colere ou de la fierté, ou qu'elle quitte un point d'honneur dont elle est si amoureuse qu'elle s'esleve bien fort si tost qu'on la touche en sa reputation (c'est une chose dequoy tous les hommes sont tellement jaloux qu'il semble qu'ils ne soyent nés que pour se faire estimer, louer et aymer; aussi applique-t-on son principal soin à acquerir des honneurs et de la renommée devant tous).

  A009000982 

 Bien que nous ayons dit que cet amour d'imitation vient d'une certaine sympathie des uns avec les autres, il ne faut pas entendre neanmoins que les ambitieux de l'honneur et gloire humaine s'accordent mieux avec ceux qui sont coleres et fiers qu'avec ceux qui ne le sont pas.

  A009000982 

 O non, car les ambitieux sont tousjours à contester qui d'entre eux aura plus d'honneur et telles autres choses, chacun voulant devancer son compagnon.

  A009000983 

 Les Grecs aymoient tant leur Empereur qu'ils desiroyent que leurs enfans ressemblassent à sa personne; pour cela, quand ils venoyent au monde ils taschoyent de leur façonner tant qu'ils pouvoyent la face à la ressemblance de celle de leur Empereur..

  A009000983 

 Les peres ayment bien leurs enfans, mais singulierement quand ils leur ressemblent, ou à quelques uns de leurs predecesseurs; ils se regardent en eux comme dans un mirouer et se plaisent à les voir representer leurs façons, mines et contenances.

  A009000984 

 Donques, pour bien celebrer la feste des Saints, il les faut aymer d'un amour d'imitation, de complaisance et de bienveuillance.

  A009000984 

 En fin, bienheureux les debonnaires..

  A009000984 

 Il est escrit en iceluy qu' estant assis il ouvrit sa bouche sacrée et dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, bienheureux ceux qui pleurent; bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy des autres.

  A009000984 

 Il s'addressa à ses Apostres pour nous faire voir que c'estoit pour eux et ceux qui les ensuivroyent qu'il prononçoit principalement la premiere et la derniere des beatitudes: Bienheureux les pauvres d'esprit, bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice; car ils devoyent pratiquer cette pauvreté d'une façon speciale, et souffrir plusieurs persecutions comme personnes dediées plus particulierement à Nostre Seigneur.

  A009000984 

 Puis, regardant le reste du peuple il dit: Bienheureux ceux qui pleurent, qui ont faim et soif de justice, qui sont purs et nets de cœur; monstrant par là que ces conseils evangeliques estoyent non seulement pour les Apostres, mais pour tous, puisque tous doivent faire penitence, tous doivent estre purs et nets de cœur.

  A009000985 

 Je ne nie pas que les gens de cette sorte ne soyent facilement heureux, neanmoins ce n'est pas en ce sens que Jesus Christ a proclamé bienheureux les pauvres d'esprit; mais il entendoit parler de la pauvreté qu'il a pratiquée luy mesme et de celle qu'exerceroyent ceux qui, apres avoir tout quitté, supporteroyent volontiers [376] les incommodités et mesayses qu'elle tire apres soy.

  A009000985 

 Les uns ont pensé que quand le Sauveur dit: Bienheureux les pauvres d'esprit, il entendoit parler de ceux qui sont simples et qui n'ont guere d'intelligence.

  A009000985 

 Or, sur ces beatitudes les hommes ont fait mille interpretations.

  A009000986 

 Bienheureux ceux qui ne font point misericorde, qui gardent ce qu'ils ont sans se mettre en souci de servir les pauvres, ains seulement de tousjours amasser biens sur biens et de ne les donner à personne, de peur qu'ils ne diminuent.

  A009000986 

 Bienheureux ceux qui ne pleurent point, ains qui se recreent et prennent du bon temps, car les larmes sont ennuyeuses.

  A009000986 

 Mais les Apostres et ceux qui les ont imités de plus pres ont prattiqué la pauvreté d'esprit selon l'intention de Nostre Seigneur, car ils quitterent tout pour le suivre et supporterent beaucoup d'incommodités qui sont ordinaires aux pauvres.

  A009000986 

 Nostre divin Maistre ayant prononcé ces beatitudes, le monde en a prononcé d'autres et a dit: Bienheureux les riches, car la richesse fait que l'on n'a besoin de rien, que l'on est honnoré, que l'on gaigne des proces; en un mot, les riches sont bienheureux, car ils n'ont besoin de personne et chacun a à faire d'eux.

  A009000986 

 Saint Paulin, Evesque de Nole, donna tout ce qu'il avoit aux pauvres, à l'exemple de saint Paul, et non content de cela il se donna luy mesme pour racheter les captifs..

  A009000987 

 Et quelle pauvreté fut celle du grand Apostre, lequel apres avoir tout quitté pour l'amour de son Maistre voulut servir les Corinthiens et autres pour rien! En effect, [377] apres avoir presché, sué et souffert pour l'Evangile et pour monstrer la voye du salut, il ne vouloit point vivre des aumosnes des Chrestiens, ains du travail de ses mains et à la sueur de son corps; car il travailloit pour gaigner sa vie, disant: Pour monstrer combien j'ayme mon Maistre pour l'amour duquel je vous sers, et que la peine que je prens n'est point pour m'enrichir de vos moyens, ains purement pour l'amour de Celuy à qui je sers, je ne veux pas qu'apres vous avoir aydé à vous sauver vous me nourrissiez de vos aumosnes comme vous faites les autres Apostres, ains je veux gaigner ma vie à la sueur de mon front et vous servir pour rien, vous donnant ainsy tout ce que j'ay.

  A009000987 

 Je veux donques, mes chers enfans, estre battu pour vostre salut, flagellé, garrotté et emprisonné, non par moy mesme mais par les autres et à leur gré, donnant tout ce que j'ay pour vous, sans reserver ni mon corps ni ma peau..

  A009000988 

 Car que pensez-vous qui aye fait supporter avec tant de suavité l'aspreté des deserts à nos anciens Peres, en sorte qu'elle leur sembloit peu de chose, sinon cette pauvreté qu'ils cherissoyent si tendrement que rien plus? Saint François [378] n'en estoit-il pas passionné comme un jeune homme de sa maistresse qu'il aymeroit grandement? Aussi l'appelloit-il sa dame et estoit-il tousjours en attention pour en ressentir les incommodités, prenant en icelles tous ses delices.

  A009000988 

 Or, comme les Saints sont tous entrés au Ciel par la pauvreté d'esprit, par les larmes, par la misericorde, par la faim et la soif de la justice et autres beatitudes, l'Eglise nous propose ces beatitudes au jour de leur feste, nous invitant de les suivre et marcher apres leurs vestiges.

  A009000988 

 Plusieurs Saints l'ont pratiquée fort exactement et s'en sont rendus si amoureux qu'ils ont enduré avec playsir les miseres et incommodités qui l'accompagnent.

  A009000988 

 Travaillez donques avec fidelité en cette vie, mes cheres Filles, et perseverez jusques à la fin, à ce que vous puissiez estre congregées et unies avec les bienheureux Esprits en cette felicité, pour aymer et jouir de Dieu à toute eternité.

  A009000988 

 Voyla une parfaite pauvreté; et c'est de celle là que Nostre Seigneur a dit: Bienheureux les pauvres d'esprit.

  A009000999 

 Ce qui fut fait, mais d'une façon si admirable qu'il n'y avoit rien, jusques dans les moindres ageancemens, qui ne fust plein de grans misteres.

  A009000999 

 Cette divine Majesté avoit donc commandé à Moyse que l'on fist une cuve d'airain, laquelle on rempliroit d'eau, à fin que les prestres de la Loy s'y lavassent les pieds et les mains avant que d'aller offrir les sacrifices; et que pour l'embellissement d'icelle on l'entourast toute de miroüers tels qu'estoyent ceux des dames juifves.

  A009000999 

 En l'ancienne Loy, la divine Majesté commanda à Moyse de faire l'Arche et de dresser le tabernacle selon les particularités desquelles il l'informa tres minutieusement lors qu'il luy parla sur la montagne.

  A009000999 

 Je m'arresteray seulement à trois de leurs conceptions, à sçavoir: premierement, que signifie cette cuve et ce que nous devons entendre par icelle; deuxiesmement, pourquoy elle estoit entre les deux tabernacles; troisiesmement, que veulent representer les mirouers dont elle estoit environnée..

  A009000999 

 Les anciens Peres, apres avoir tout consideré, s'arrestent avec admiration sur la plus vile et abjecte partie de toutes; car entre autres choses, Dieu avoit ordonné qu'on mist une cuve entre le tabernacle exterieur auquel demeuroit le peuple qui venoit pour offrir des sacrifices, et le tabernacle interieur où demeuroyent les prestres de la Loy; ou bien entre les deux autels, c'est à dire entre l'autel des holocaustes et celuy des parfums.

  A009001000 

 Ces eaux purifient, justifient et effacent toutes les taches du peché dont les hommes sont souillés; et pour offrir et sacrifier à Nostre Seigneur quelque victime et holocauste il est tellement necessaire d'estre lavé de cette eau, par effect ou du moins par un tres ardent desir d'icelle, que sans cela toutes les offrandes et oblations ne sont pas offrandes mais execrations..

  A009001001 

 Il ne s'y faut point tromper, car nos anciens peres ont tous passé par là: jeunes et vieux, petits et grans, en somme tous ont lavé leurs pieds et leurs mains dans les eaux de la penitence.

  A009001001 

 Je sçay bien qu'autre est la penitence à laquelle nous obligent les pechés mortels et autre est celle qu'il faut faire pour les veniels; toutefois elle est absolument necessaire pour les uns et pour les autres, et qui ne la fera en cette vie la fera indubitablement en l'autre.

  A009001001 

 Voyla pourquoy, disent nos Peres, cette cuve estoit entre les deux tabernacles, l'exterieur et l'interieur, pour signifier que les eaux de la penitence sont entre le tabernacle exterieur de l'Eglise militante, et l'interieur de la triomphante, et que pour passer de la militante à la triomphante il faut se laver dans ces eaux..

  A009001002 

 C'est dans cette eau sacrée qu'il faut tremper tous nos membres, c'est à dire laver nos œuvres et affections, pour les purifier, les former et dresser selon la loy de l'Evangile.

  A009001002 

 Vous voyez donques que cette cuve placée entre les deux tabernacles represente le Baptesme, la penitence et la doctrine evangelique, qui sont les liens par lesquels l'Eglise militante est unie à la triomphante.

  A009001003 

 Elle les possedera en telle sorte qu'elle les gouvernera souverainement; et quant à eux ils participeront à sa gloire, par le moyen de laquelle ceux qui estoyent mortels seront rendus immortels comme l'ame..

  A009001003 

 Lors nous les verrons avec un contentement indicible, tout glorieux par leur reunion à l'ame avec laquelle ils n'auront plus aucun divorce ni rebellion, ains luy seront absolument sousmis et sujets.

  A009001004 

 Car bien que nous n'ayons pas besoin de miroüers comme ces dames hebreuses, pour mirer nos corps qui pourriront avec les chiens et autres animaux, neanmoins nous devons tous-jours avoir devant les yeux les mirouers des vertus et exemples des Saints pour former et dresser sur iceux toutes nos actions..

  A009001004 

 Ceux cy nous representent les exemples des Saints, qui ayans receu la doctrine chrestienne, l'ont pratiquée si parfaitement et au pied de la lettre, que nous pouvons dire que les histoires de leur vie sont autant de mirouers qui ornent et enrichissent cette cuve de la Loy evangelique.

  A009001004 

 Et tout ainsy que cette Loy les a ornés et enrichis, et que s'estans plongés dans icelle ils se sont purifiés et rendus capables d'offrir à la divine Bonté des sacrifices d'un prix et valeur inestimable, ils luy ont aussi, de leur costé, fait ce que faisoyent à cette cuve les mirouers des dames hebreuses et juifves; car ils l'ont embellie par la pratique des preceptes et conseils qu'ils ont puisés en icelle, nous laissant à imiter des admirables exemples, qui sont comme des mirouers dans lesquels nous [383] nous pouvons continuellement regarder.

  A009001005 

 Elle a un grand avantage par dessus tous les Bienheureux, qui est qu'elle s'est donnée et totalement dediée au service de Dieu dès l'instant de sa conception, puisqu'il n'y a nul doute qu'elle n'ayt esté toute pure et n'ayt eu l'usage de rayson dès que son ame fut mise en ce petit corps formé dans les entrailles de sainte Anne..

  A009001005 

 Me voyci maintenant sur le sujet de la feste de nostre tres chere Mere et Maistresse que nous celebrons aujourd'huy; car, je vous prie, quel plus beau et pretieux mirouer vous sçauroit-on presenter que celuy-cy? N'est-ce pas le plus excellent qui soit en la doctrine evangelique? N'est-ce pas elle qui l'a le plus ornée et enrichie, tant par ce qu'elle mesme a prattiqué que par les exemples admirables qu'elle nous a laissés? Certes, il n'y a point de Saint ni de Sainte qui luy puisse estre parangonné, car cette glorieuse Vierge surpasse en dignité et excellence non seulement les Saints, mais aussi les plus hauts Seraphins et Cherubins.

  A009001006 

 Comme cette glorieuse Vierge devoit naistre de pere et de mere ainsy que les autres enfans, aussi semble-t-il que, comme eux, elle devoit estre tachée du peché originel; mais la divine Providence en ordonna tout au contraire, et estendant sa main tres sainte la retint, de peur qu'elle ne tombast dans ce precipice.

  A009001006 

 Les theologiens nous asseurent que Nostre Seigneur jettant un rayon de sa lumiere et de sa grace dans l'ame de saint Jean Baptiste lors qu'il estoit encor aux entrailles de sainte Elizabeth, le sanctifia et luy [384] donna l'usage de rayson avec la foy, par laquelle ayant reconneu son Dieu dans le ventre de la tres sainte Vierge il l'adora et se consacra à son service.

  A009001007 

 C'est donc une chose toute asseurée que dès l'instant de sa conception Dieu la rendit toute pure, toute sainte, avec l'usage parfait de la foy et de la rayson en une façon du tout admirable et qui ne peut assez estre admirée; car il avoit fait cette pensée de toute eternité parce que ses cogitations sont tres hautes, et ce qui n'avoit jamais peu entrer en l'entendement des hommes, Dieu l'avoit medité avant tous les temps.

  A009001007 

 Oh combien de faveurs, graces et benedictions la divine Bonté versa dans le cœur de la glorieuse Vierge! Mais elles estoyent si secrettes et interieures que personne n'en pouvoit rien connoistre qu'elle qui les experimentoit, et encores sa mere sainte Anne; car il est croyable qu'à l'instant que le Seigneur respandit tant de graces dans l'ame de cette benite Enfant, la mere s'en ressentit, et receut de grandes douceurs et consolations spirituelles à cause de sa Fille qui en estoit comblée..

  A009001008 

 Certes, cette glorieuse Vierge a esté comme une belle rose parmi les espines; et, bien qu'elle ayt tousjours respandu une odeur de parfaite suavité tout le temps de sa vie, si est-ce qu'au matin de sa douce enfance elle a jetté une senteur merveilleusement suave..

  A009001008 

 Il y a deux sortes de fleurs, les roses et les œillets, qui jettent la suavité de leur odeur differemment; car les roses sont plus odorantes dans la matinée, et leur parfum en ce temps-là est plus suave; les œillets, au contraire, [385] sont plus odorans sur le soir et leur senteur est plus forte et aggreable.

  A009001009 

 Cette aymable Pouponne ne fut pas plus tost née qu'elle commença d'employer sa petite langue à chanter les louanges du Seigneur, et tous ses autres petits membres pour le servir.

  A009001009 

 Cette glorieuse Vierge se comportoit en ce bas aage avec tant de sagesse et discretion en la mayson de ses parens qu'elle leur donnoit de l'estonnement, si qu'ils jugerent bien, tant par ses discours que par ses actions, que cette Enfant n'estait pas comme les autres, mais qu'elle avoit l'usage de rayson, et partant qu'il failloit anticiper le temps et la conduire au Temple pour servir le Seigneur avec les autres filles qui y estoyent pour ce sujet.

  A009001010 

 Les dames hebreuses et juifves le chantoyent encores avec grande devotion [386] quand elles y alloyent.

  A009001010 

 O Dieu, combien estoyent grans les souspirs et eslans d'amour et de dilection que jetta cette petite Pucelle ainsy que ses pere et mere, mais elle sur tout, comme celle qui alloit pour se sacrifier derechef à son divin Espoux qui l'appelloit et luy avoit inspiré cette retraitte, non seulement à fin de la recevoir comme son espouse, ains encores pour la preparer à estre sa mere! Oh qu'elle alloit doucement chantant ce cantique sacré du Psalmiste: Beati immaculati in via.

  A009001011 

 De mesme nostre glorieuse Vierge vint avec tant de parfums de sainteté qu'il ne s'en estoit jamais veu autant en toutes les dames qui s'estoyent dediées au Temple qu'il s'en trouva en elle seule.

  A009001011 

 Elle s'y offrit et consacra avec telle ferveur, amour et humilité que les Anges et plus hauts Seraphins qui se promenoyent sur le balustre et galerie du Ciel en demeuroyent tout ravis, s'estonnant comme en la terre il se peust trouver une creature si pure, et qu'une ame revestue de corps humain peust faire une offrande et oblation si parfaite.

  A009001012 

 Mais encores que toutes les ames puissent pretendre et desirer ce bonheur, neanmoins toutes n'en reçoivent pas la grace; c'est pourquoy j'ay accoustumé de dire qu'il y a deux sortes d'enfance.

  A009001012 

 O que bienheureuses sont les ames qui, à l'imitation de cette sacrée Vierge, se dedient comme des primices au service de Nostre Seigneur dès leur jeunesse! O qu'elles sont heureuses de s'estre retirées du monde avant que le monde les ayt conneùes, car n'ayans point esté mariées, ni par consequent flestries par l'ardeur de la concupiscence, elles donnent une odeur de grande suavité par leurs vertus et bonnes œuvres.

  A009001013 

 Cette feste n'est point nouvelle, car les Grecs en font mention.

  A009001014 

 Au plus fort de ces blasphemes et injures une femme esleva sa voix (laquelle les saints Peres disent estre sainte Marcelle, mais comme l'Evangeliste ne la nomme pas, il vaut mieux dire seulement que c'estoit une femme), et surprise d'admiration pour le divin Maistre s'escria: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! Alors le peuple tout estonné se tut, et le Sauveur se retournant du costé de cette femme lu y respondit: Plustost bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009001014 

 Les Pharisiens, pleins d'envie, commencerent à murmurer et à le calomnier, disant que ce n'estoit pas en son nom qu'il operoit ces choses, ains par la puissance du prince des tenebres.

  A009001014 

 Voyez-vous, en cette feste nous n'avons point d'autre Evangile que celuy qui se lit toutes les fois qu'on fait l'office de Nostre Dame; or, vous trouverez en iceluy tout ce qu'il faut faire pour l'imiter.

  A009001015 

 Bienheureuses donques, dit-elle, les mammelles qui t'ont allaitté et le ventre qui t'a porté.

  A009001015 

 Ce grand aumosnier Abraham fut estimé bien favorisé parce qu'en logeant les pelerins il eut un jour la grace d'avoir le Roy et Seigneur des pelerins en sa mayson, de manger avec luy et luy laver les pieds; comme n'estimerons-nous heureux ce ventre de la Vierge qui l'a logé non un jour ains neuf mois tout entiers, et ces mammelles qui l'ont nourri non de pain mais de lait, de la propre substance de cette glorieuse Vierge?.

  A009001015 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Il est vray que le ventre qui m' a porté est bienheureux et les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses; car quel plus grand bonheur pouvoit arriver à une femme que de porter dans son sein Celuy qui est esgal au Pere, «Celuy que les cieux ne peuvent comprendre?» O que veritablement ce sein dans lequel le Fils de Dieu a pris chair humaine est heureux, et que cette Vierge a receu d'honneur ayant donné son plus pur sang pour former la sacrée humanité du Sauveur de nos ames! Partant, il est bien vray, o femme, ce que tu dis que non seulement ce sein, mais encores les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses, d'autant qu'elles ont nourri Celuy qui sustente toutes les creatures.

  A009001016 

 O que ce que tu dis, femme, est veritable! Ces chastes entrailles ressemblent à l'Arche dans laquelle estoyent la manne, la verge et les tables de la Loy de Moyse.

  A009001016 

 Qu'est-ce que cette manne sinon le Fils de Dieu qui est descendu du Ciel? N'est-il pas aussi cette verge et ces tables de la Loy? Ouy, il est la pierre vive; sur son propre corps ont esté escrits et gravés les dix commandemens de la loy de grace avec les burins des clous, de la lance et des fouets.

  A009001018 

 O sainte, divine et admirable semonce que Dieu fait au cœur de tant de creatures, et qui a esté escoutée et entendue par un grand nombre! Cependant je ne sçay [390] comment cela est arrivé, plusieurs ont ouy la parole sacrée de la vocation et ne sont pourtant point sortis ni allés où Dieu les appelloit.

  A009001019 

 Ils sont bien tous, en la cour et en la presence du prince, lequel regarde les uns, jette des œillades plus particulieres sur les autres, rit contre cestuy cy, parle à celuy là, donne des dignités aux uns, favorise les autres, que sçay-je moy, telles ou semblables choses qui se passent tous les jours parmi les cours des roys.

  A009001019 

 Tous sont appellés, et plusieurs entendent l'inspiration, differemment neanmoins; les uns plus, les autres moins.

  A009001020 

 De ce nombre a esté la sacrée Vierge; c'est elle qui a esté menée au cabinet de Dieu et à laquelle ont esté descouverts mieux qu'à nulle autre creature les plus hauts mysteres.

  A009001020 

 Mais outre les faveurs qu'il octroyé à tous les enfans de son Eglise, il en a de particulieres pour ceux qu'il retire en son cabinet, c'est à dire en la Religion; là il leur parle plus familierement au cœur, leur revele ses secrets et leur descouvre ses intentions.

  A009001020 

 Nostre cher Sauveur les regarde tous: il favorise les uns, il esleve les autres, en somme il depart ses graces à qui il luy plaist et comme il luy plaist.

  A009001020 

 Tous les Chrestiens sont ces princes et chevaliers qui demeurent en la cour de ce souverain Roy Nostre Seigneur, qui n'est autre que l'Eglise.

  A009001021 

 En fin elles peuvent estre aussi entendues de l'inspiration et volonté divine; car c'est le propre des vrays fidelles de porter le sacré nom de Jesus gravé dans leur cœur, non avec un burin autre que les clous, lance et espines qui percerent son saint corps; et de plus, tout bon Chrestien doit escouter et garder la parole de Dieu, ouyr son inspiration et faire sa volonté..

  A009001021 

 Je sçay qu'il y a diverses interpretations sur cecy, car les uns tiennent que par ce nom l'on doit entendre le saint et sacré nom de Jesus qui signifie Sauveur, par lequel il est venu sauver le monde, nom qui est demeuré gravé en son Eglise et dans le cœur de tous les vrays enfans d'icelle.

  A009001021 

 Les autres ont voulu dire que ces paroles d'Isaïe se devoyent interpreter de l'Eglise mesme.

  A009001022 

 Mais helas, c'est un grand malheur que si peu entendent comme il faut ces saintes inspirations! Plusieurs vivent au monde et usent des richesses, honneurs et dignités dont la loy divine permet d'user, mais non point d'abuser; ils ajustent aux commandemens de Dieu leur affection pour la jouissance des biens et dignités, [392] quoy qu'il ne leur faille pas parler des conseils, d'autant qu'ils se contentent seulement d'eviter ce qui les peut condamner.

  A009001023 

 Je rendray à Dieu ce qui luy est deu, mais je me reserveray ce qui est deu au monde, à sçavoir les yeux, les cheveux, que sçay-je moy, telles autres bagatelles, sans toutefois rien faire en cela qui soit contraire à la loy divine.

  A009001025 

 Elle vous doit tousjours estre devant les yeux, mes tres cheres Filles, pour former vostre vie sur la sienne et ajuster toutes vos actions et affections au niveau des siennes; car vous estes ses filles, vous la devez donc suivre et imiter, et vous servir de ses exemples comme d'un mirouer dans lequel vous vous regardiez sans cesse.

  A009001025 

 Oh! quand on considere le cours de la tres sainte vie de cette Dame, je vous asseure qu'on a le cœur tout rempli de douceur et suavité; et quand on regarde les rares exemples qu'elle nous a laissés, l'on est tout [393] ravi en admiration.

  A009001027 

 Oh! quel aveuglement est celuy cy! N'est-ce pas la parole et volonté de Dieu qu'il vous annonce? Or, si vous aymez cette divine parole, et Dieu qui vous l'envoye et qui commande qu'on fasse sa volonté, pourquoy ne la recevrez-vous pas d'aussi bon cœur de celuy cy comme d'un autre? Si un prince ou un roy vous envoyoit quelques lettres par un sien page, regarderiez-vous, pour avoir ces lettres aggreables, si le page est vestu de gris, vert ou jaune? Non certes, ains vous prendriez ces lettres et les mettriez sur vostre teste en signe de resjouissance et reverence, sans avoir esgard à la livrée de celuy qui les apporte.

  A009001027 

 Tous les manquemens que nous faisons à l'obeissance procedent pour l'ordinaire du defaut de ces deux conditions.

  A009001029 

 Quand nos Superieurs et ceux qui gouvernent sont à nostre goust, fantasie et inclination et selon nos humeurs, nous ne trouvons rien de difficile; mais s'ils ne sont pas selon nostre affection, les moindres choses ordonnées par eux nous sont rudes.

  A009001030 

 Faites-les donques avec une grande ferveur d'esprit, une profonde humilité et ardente charité.

  A009001030 

 Jettez des souspirs et eslancemens amoureux à nostre cher Sauveur; accompagnez cette glorieuse Vierge, mettez vos cœurs et vos vœux entre ses mains et elle les presentera à son Fils, lequel les recevra et offrira à son Pere eternel qui vous benira avec iceluy et le Saint Esprit.

  A009001030 

 Tous les Saints ont fait ainsy, et mesme ce renouvellement se prattiquoit en l'ancienne Loy, d'autant que nostre nature est de soy si infirme que facilement elle se refroidit et vient à descheoir.

  A009001041 

 La premiere est comme quoy saint Jean estant en prison pour la verité, envoya deux de ses disciples à Nostre Seigneur pour sçavoir s'il estoit le Messie promis ou s'ils en devoyent attendre un autre; la seconde est la response que leur fit le Sauveur; et la troisiesme, de ce qu'il dit apres que les disciples de saint Jean s'en furent retournés..

  A009001042 

 C'est une chose admirable que nos anciens Peres, qui ont esté si clairvoyans et ont eu de si grandes lumieres pour expliquer et developper les plus grandes et obscures difficultés que presente la Sainte Escriture, se soyent neanmoins tous trouvés estonnés sur le premier point de cet Evangile pour sçavoir comme se doit entendre cela, que saint Jean qui connoissoit Nostre Seigneur envoya [398] ses disciples pour apprendre s'il estoit ce grand Prophete, ce Messie promis, ou s'ils en devoyent attendre un autre.

  A009001043 

 Il fut l'escolier de Nostre Dame, et lors qu'elle alla visiter sa cousine Elizabeth il fut sanctifié par le cher Sauveur de nos ames, lequel il conneut; et tressaillant d'ayse dans les entrailles de sa mere, il l'adora et se consacra à son divin service.

  A009001045 

 J'ay esté comme un cerf qui a couru et sautelé par les fourrés les plus entourés de ronces et d'espines, mais vous estes ce divin chasseur qui de loin avez remarqué mes pas et mes vestiges; vous m'avez apperceu au lieu où j'estois, d'autant que vos yeux voyent et penetrent tout.

  A009001045 

 Si, comme l'aube du jour et la belle aurore, je m'en vay courant sur les eaux, vous y serez plus tost que moy.

  A009001047 

 La seconde cause pour quoy la divine Majesté fait des questions aux hommes est pour les esclairer ou instruire sur ce qui concerne les mysteres de la foy, comme il fit à l'endroit des deux disciples qui alloyent en Emmaus.

  A009001047 

 S'apparoissant à eux en forme de pelerin, il leur demanda dequoy ils parloyent, les interrogeant et esclaircissant sur le doute qu'ils avoyent touchant sa resurrection.

  A009001048 

 Puis, passant un peu plus avant, elle apperceut Nostre Seigneur, en forme de jardinier, lequel luy demanda encores: Femme, pourquoy pleures-tu? que cherches-tu? Certes, ce n'estoit pas merveille que les Anges fussent estonnés de voir pleurer Magdeleine ni moins qu'ils luy en demandassent la rayson, car ils ne sçavent comme l'on pleure; et bien que mistiquement l'on dise que les Anges pleurent, la Sainte Escriture s'exprime ainsy pour representer la terreur de quelque chose formidable, car en effect ils ne pleurent point.

  A009001050 

 A la naissance de nostre Sauveur, les Anges allerent trouver les pasteurs pour leur annoncer sa venue, chantans avec une melodie merveilleusement aggreable ces sacrées paroles que l'Eglise repete si souvent: Gloria in excelsis Deo.

  A009001050 

 C'est pourquoy nostre glorieux Saint, apres avoir long temps presché la venue de Nostre Seigneur à ses disciples, les envoye maintenant à luy à fin que non seulement ils le connoissent, mais encores qu'ils le fassent connoistre aux autres.

  A009001050 

 Certes, ce doit estre le principal but de tous les docteurs et predicateurs de faire connoistre Dieu.

  A009001050 

 Il avoit desja tant presché sa venue, ses merveilles et ses grandeurs, qu'il les envoya voir Celuy qu'il leur avoit annonce.

  A009001050 

 Les maistres et ceux qui gouvernent et ont charge des ames ne doivent chercher ni procurer sinon que Celuy qu'ils preschent et au nom duquel ils enseignent soit conneu de tous.

  A009001051 

 Certes, les docteurs et predicateurs, les maistres des novices et ceux qui ont charge d'ames ne feront jamais rien qui vaille s'ils n'envoyent leurs disciples et ceux qu'ils enseignent à l'escole de Nostre Seigneur, s'ils ne les plongent dans cette mer de science, s'ils ne les sollicitent et portent à rechercher nostre cher Sauveur pour estre instruits de luy.

  A009001051 

 La seconde cause pour laquelle il les manda fut parce qu'il ne les vouloit pas attirer à luy ains à son Maistre, à l'escole duquel il les envoyoit pour estre instruits de sa propre bouche.

  A009001052 

 Au contraire, les serviteurs de Dieu ne preschent et n'enseignent ceux qu'ils conduisent que pour les porter à Dieu, tant par leurs paroles que par [403] leurs œuvres.

  A009001052 

 C'est ce que fait aujourd'huy saint Jean et à quoy tous les Superieurs doivent bien prendre garde, car ils ne proffiteront jamais qu'en portant et envoyant leurs disciples à Nostre Seigneur pour sçavoir de luy quel il est, et apprendre de luy mesme à le connoistre et faire tout ce qu'il faut pour son amour et service..

  A009001052 

 Ces maistres et ceux qui gouvernent les ames qui, par leurs belles paroles, taschent d'attirer à eux les disciples qu'ils enseignent et les ames qu'ils gouvernent, ressemblent à ces payens, heretiques et telles autres canailles de gens qui causent et babillent, et estans dans leurs chaires s'efforcent et donnent peine de faire de beaux discours, subtils et bien dits par merveille, non pour conduire les ames à Jesus Christ, mais à eux mesmes.

  A009001052 

 Ils les attirent à eux par leurs paroles et leur langage composé, ne se servant pour ce sujet que de la babillerie et caquetterie, et par ce moyen seduisent plusieurs esprits foibles.

  A009001053 

 Ce qu'entendant saint Jean, et voyant que l'amour et l'estime que ses disciples luy portoyent alloyent au mespris de Jesus Christ, il les envoye à cette divine Majesté pour estre instruits et informés de la verité..

  A009001053 

 La troisiesme raysort pour laquelle saint Jean envoya ses disciples à Nostre Seigneur fut à fin de les destacher de sa personne, de peur qu'ils ne vinssent à un si grand abus que de faire plus d'estat de luy que du Sauveur; car se plaignant à saint Jean comme ils se plaignoyent à Nostre Seigneur: Maistre, disoyent-ils, toy et nous tes disciples, avec les Pharisiens nous jeusnons, nous sommes mal vestus et faisons grande penitence; mais cet homme, ce grand Prophete qui opere tant de merveilles parmi nous n'en fait pas ainsy.

  A009001054 

 Ce n'est donques pas que saint Jean doutast en aucune façon que Nostre Seigneur fust le Messie, qu'il luy envoya ses disciples luy faire une telle demande, ains pour leur bien et utilité, pour le faire connoistre à tout le monde, pour ne point les attirer à soy, mais pour les en destacher, à fin que voyant les merveilles que Jesus Christ operoit, ils vinssent à en concevoir l'estime qu'il failloit.

  A009001054 

 Il les luy pouvoit mander pour l'adorer et reconnoistre, mais s'accommodant à leur foiblesse et infirmité, il les envoye seulement luy demander qui il est, et s'il est Celuy qui doit venir ou s'ils doivent en attendre un autre. Certes, il faut que ceux qui gouvernent les ames se fassent tout à tous, comme dit [404] l'Apostre, pour les gaigner tous: qu'ils soyent doux avec les uns et severes avec les autres, enfans avec les enfans, forts avec les forts, foibles avec les foibles, en somme, ils ont besoin d'une grande discrétion pour s'accommoder à un chacun..

  A009001054 

 Il les traitte comme des petits enfans, car pour luy il croit asseurement qu'il est le Fils de Dieu, l'Aigneau qui oste le peché du monde.

  A009001054 

 Il pouvoit bien, par ses paroles, leur faire entendre cette verité, mais il ne le fait pas, ains les addresse à Nostre Seigneur pour estre instruits.

  A009001055 

 Saint Paul luy mesme a merveilleusement prattiqué cecy, car il se faisoit enfant avec les enfans, et pour cela il appelloit les Chrestiens mes petits enfans.

  A009001056 

 Aux autres qui ont quatre ou cinq ans, elle leur commence à apprendre à mieux parler, à manger des viandes un peu plus grossieres; et ceux qui sont un peu plus grans elle les dresse à la civilité et modestie..

  A009001056 

 Saint Chrysostome Evesque de Constantinople, qui certes est tousjours admirable en tout ce qu'il escrit, mais particulierement au sujet de cet Apostre, dit en commentant une parole de l'Epistre aux Hebreux (je ne sçay toutefois si je le pourray bien rapporter): Chose admirable, ce grand Apostre estoit parmi ses Corinthiens comme une mere nourrice parmi ses enfans: il les nourrissoit de viandes simples, douces et propres aux petits enfans.

  A009001057 

 Je crois bien, vous n'avez point encores de dents! Ne voyez-vous pas que si l'on vous donnoit les mesmes pratiques qu'on conseille aux autres vous ne pourriez les mascher? Oh, il me semble que j'ay assez de dents, dites-vous.

  A009001057 

 Or, escrit ce saint Pere, lors que le grand Apostre dit: Je suis avec vous comme une mere nourrice, que veut-il signifier sinon qu'il fait à l'endroit de ses disciples ce qu'une [mere nourrice fait à l'endroit de ses enfans? Il est certes necessaire que ceux qui gouvernent les ames ayent une grande industrie pour les sçavoir toutes conduire comme il convient, selon leur capacité et portée.

  A009001058 

 (Il compte icy comme un miracle que les pauvres sont evangelisés.) Ces docteurs disent que le Sauveur n'opera pas beaucoup de prodiges devant les disciples de saint Jean, mais que les Apostres leur rapporterent ceux qu'il faisoit.

  A009001058 

 Dites à Jean ce que vous avez veu et ce que vous avez ouy: les aveugles voyent, les sourds entendent, les boiteux marchent droit, les ladres sont gueris, les morts ressuscitent, les pauvres sont evangelisés.

  A009001058 

 Il est tres certain que les Apostres avoyent une grande suavité à raconter à ces deux disciples les œuvres admirables de leur bon Maistre; mais Nostre Seigneur [406] ne laissa pas pourtant de faire beaucoup de miracles en leur presence, c'est pourquoy il leur respond: Dites à Jean ce que vous avez veu et entendu..

  A009001059 

 Vous me demandez si je suis ce grand Prophete, le Messie promis, Celuy qui tonne dans les deux et qui doit venir briser la teste à l'ennemy.

  A009001060 

 Qui estes-vous? Il faut faire voir de quelle extraction, de quelle race, il faut faire paroistre les lettres de noblesse, que sçay-je, moy? telles folies et niaiseries; il faut examiner si ses ancestres sont descendus d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

  A009001061 

 Cette Sainte donques, parmi les grans tourmens qu'on luy faisoit souffrir lors qu'on la martyrisoit, alloit doucement repetant: Je suis Chrestienne, se servant de ce mot comme d'un baume sacré pour guerir toutes ses playes.

  A009001061 

 Mais je veux dire qu'il ne suffit pas de se nommer Chrestien, si l'on ne fait les œuvres de Chrestien.

  A009001061 

 Ne vous contentez donc pas lors qu'on vous interroge vous disant: Qui estes-vous? de respondre comme les petits enfans au catechisme: Je suis Chrestien; mais vivez en telle sorte que l'on puisse adjouster qu'on a veu un homme qui ayme Dieu de tout son cœur, qui garde les commandemens de la Loy, qui frequente les Sacremens, et telles autres choses dignes d'un vray Chrestien.

  A009001062 

 Dites à Jean que les aveugles voyent.

  A009001062 

 O Dieu, quel plus grand aveuglement que le nostre! Estans si pleins d'abjection et misere, nous voulons cependant estre estimés quelque chose! Qui nous aveugle de la sorte sinon nostre amour propre lequel, outre qu'il est aveugle de soy mesme, aveugle encores celuy en qui il demeure? Ceux qui ont peint Cupidon luy ont bandé les yeux, disant que l'amour est aveugle.

  A009001063 

 Aussi adjouste-t-il: Dites à Jean que les boiteux marchent droit..

  A009001063 

 Il s'en trouve beaucoup qui ont les deux parties gastées, et ceux icy boitent des deux costés; les autres ne clochent que d'un seul.

  A009001063 

 Il y en a qui ne sont pas avaricieux, mais ils ont la partie irascible si forte que lors qu'elle n'est pas bien sousmise à la rayson ils se troublent et ressentent vivement les moindres choses qui leur sont faites; ils s'eslevent et recherchent tousjours des inventions pour se venger d'une petite parole ou d'un petit tort qui leur aura esté fait.

  A009001063 

 Les boiteux vont droit.

  A009001063 

 Nostre Seigneur est venu pour redresser les boiteux; il est venu pour les faire marcher droittement devant sa face en l'observance de ses commandemens.

  A009001063 

 Nous avons tous deux parties qui sont comme les deux jambes sur lesquelles nous marchons, à sçavoir, l'irascible et la concupiscible; et quand ces deux parties ne sont pas bien reglées ni mortifiées elles rendent l'homme boiteux.

  A009001063 

 Soit que les infirmes dont parle Nostre Seigneur fussent boiteux des deux costés ou d'un seulement, cela n'importe gueres; mais la pluspart de ceux qui vivent en ce monde sont boiteux des deux costés.

  A009001064 

 Ainsy font ces lepreux spirituels: quoy qu'ils soyent tout couverts d'un nombre infini de petites et menues imperfections, ils sont si hautains qu'ils ne veulent point qu'on les voye ni moins qu'on les touche, et pour peu que vous les repreniez ils se retournent pour vous mordre..

  A009001064 

 Certes, ceux qui sont entachés de cette lepre ressemblent proprement aux petits lezards, animaux vils et abjects, les plus foibles et imbecilles de tous; neanmoins, avec toute leur foiblesse et infirmité, pour peu qu'on les touche ils se retournent pour mordre.

  A009001064 

 Et la plus grande de toutes les miseres c'est qu'en cet estat l'on ne sçauroit nous toucher sans nous piquer jusques au cœur.

  A009001064 

 Les lepreux sont gueris.

  A009001065 

 Les sourds oyent.

  A009001066 

 C'est cette parole sacrée qui ressuscite les morts; c'est en escoutant les predications que l'on reçoit de bons mouvemens, que l'on passe du peché à la grace; c'est aussi par le moyen de la lecture que le cœur est vivifié et prend tousjours nouvelle force et vigueur..

  A009001066 

 Les morts sont ressuscités.

  A009001067 

 Aussi pouvons-nous dire avec verité que non seulement les pauvres sont evangelisés mais qu'ils ont evangelisé, Dieu se servant d'eux pour porter la verité par tout le monde..

  A009001067 

 Ce cher Sauveur de nos ames estoit venu pour les pauvres et prenoit un singulier playsir d'estre avec eux.

  A009001067 

 Certes, les disciples de saint Jean ne trouverent pas Nostre Seigneur parmi les princes et premiers du monde, mais avec les pauvres, lesquels l'escoutoyent et le suivoyent par tout où il alloit.

  A009001067 

 Il refuit les cœurs altiers et orgueilleux et se communique aux simples; il leur oste leur esprit grossier et pesant et leur donne le sien par lequel ils operent choses grandes, et par ce moyen il confond les choses hautes et relevées par des basses et simples.

  A009001067 

 Il repose son Esprit sur les pauvres et sur les humbles, car la pauvreté engendre l'humilité.

  A009001067 

 Les pauvres sont evangelisés.

  A009001067 

 O Dieu, avec quelle douceur les enseignoit-il! Comme s'accommodoit-il à leur ignorance! Il se faisoit tout à tous pour les sauver tous.

  A009001067 

 Or, soit qu'il se doive [410] entendre ainsy ou autrement, c'est quasi une mesme chose; mais j'ayme mieux m'en tenir au texte de nostre Evangile et dire avec Nostre Seigneur que les pauvres sont evangelisés.

  A009001067 

 Quelques uns disent: Les pauvres evangelisent.

  A009001068 

 Il est vray que nostre cher Sauveur et Maistre estoit bien venu pour enseigner aux grans et petits, doctes et ignorans, neanmoins on l'a quasi tousjours trouvé parmi les pauvres et simples.

  A009001068 

 Mais l'Esprit de Dieu fait tout le contraire; il rejette les superbes et [411] converse avec les humbles, et Nostre Seigneur met cecy au nombre des miracles: Dites à Jean que les pauvres sont evangelisès..

  A009001068 

 O que l'Esprit de Dieu est different de celuy du monde qui ne fait estat que de ce qui paroist et a de l'esclat! Les anciens philosophes ne vouloyent recevoir en leurs escoles sinon ceux qui avoyent un bel esprit et un bon jugement; que s'ils ne les rencontroyent pas tels ils disoyent librement: Ce n'est pas là un tableau propre pour mon pinceau.

  A009001068 

 On ne prend playsir que d'estre parmi les beaux esprits; encores qu'ils soyent hautains, fiers et superbes, n'importe, l'esprit du monde supporte bien cela.

  A009001069 

 Mais quoy, que dites-vous, Seigneur? Comme se pourroit-il faire que vous voyant operer tant de prodiges, vous voyant exercer les oeuvres d'une si grande charité et misericorde, l'on peust se scandalizer? Je seray, dit ce Seigneur, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple; je seray scandale aux Juifs et pierre de tresbuchement aux Gentils.

  A009001070 

 Tant d'extases, tant d'eslevations d'esprit, tant d'eslancemens et ravissemens que vous voudrez; ravissez mesme, si vous le pouvez, le cœur du Pere eternel; si avec cela vous ne demeurez en la Croix du Sauveur et ne vous exercez en la mortification de vous mesme, je vous dis que tout le reste n'est rien, qu'il s'en ira tout en fumée et vanité, et vous demeurerez vuides de tout bien, sujets et disposés à vous scandalizer avec les Juifs de la Passion de Nostre Seigneur.

  A009001071 

 Les disciples donques s'en retournerent rapporter à saint Jean ce qu'ils avoyent veu et entendu.

  A009001071 

 O Dieu, quels pensez-vous qu'estoyent les cœurs de ces [412] bons disciples? Combien doux et pleins d'une grande consolation! Qu'il leur tardoit d'estre pres de leur Maistre pour luy dire ce qu'ils avoyent veu et entendu.

  A009001071 

 Ou'ils estoyent remplis de grandes lumieres et connoissances touchant la venue de Nostre Seigneur! Qu'ils s'alloyent doucement entretenais de ces grans miracles et merveilles qu'il avoit faits en leur presence, et des choses qui leur avoyent esté racontées par les Apostres! Comme ils furent sortis, le Sauveur se tourna du costé du peuple qui l'environnoit et leur dit: Qui estes-vous allés voir au desert? Peut estre que vous y aurez veu un roseau, exposé aux orages et tempestes, ou bien un rocher immobile au milieu de la mer? (De mesme peut-on dire: Qui avez-vous veu au desert, ou en Religion? car desert signifie Religion, et la Religion n'est autre chose qu'un desert.) Donc, qui estes-vous allés voir? Peut estre y aurez-vous trouvé des roseaux? O non, saint Jean n'est point un roseau, car il est demeuré ferme comme un rocher au milieu de toutes les vagues et tempestes des tribulations..

  A009001074 

 Vous n'avez point veu un roseau, car saint Jean est tel en l'adversité qu'en la prosperité; tel dans la prison parmi les persecutions que dans le desert parmi les applaudissemens; autant joyeux en l'hiver de l'adversité qu'au printemps de la prosperité; il fait les mesmes fonctions en la prison qu'il faisoit au desert..

  A009001075 

 D'autres ayment mieux l'adversité; la tribulation, disent-ils, les fait mieux retourner à Dieu.

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Il y en a d'autres lesquels pendant qu'ils sont joyeux on ne les peut retenir, et quand ils sont tristes on ne les sçauroit consoler.

  A009001075 

 Quand on fait tout ce qu'ils desirent, qu'on escoute tout ce qu'ils disent, qu'on ne les contrarie en rien, o Dieu, ils sont si braves et font des merveilles; mais si on les touche, qu'on les contrarie tant soit peu, tout est perdu.

  A009001076 

 Dites que vous avez veu un homme doux, charitable et zelé pour la gloire de Dieu; un vigilant pasteur, en fin un homme accompli en toutes vertus et qui s'acquittoit soigneusement de tous les devoirs de sa charge, ayant les deux portions de l'ame si bien reglées qu'il n'avoit point de haine que pour le peché ni d'amour que pour la dilection de nostre cher Sauveur..

  A009001076 

 Vous luy devez une particuliere devotion, car il a esté le pere spirituel de saint Augustin, lequel raconte en ses Confessions comme non seulement les doctes predications de ce grand Saint, mais encores sa douceur et debonnaireté luy desroba le coeur.

  A009001077 

 Si l'Empereur veut la faire comme luy, les portes de l'eglise luy seront ouvertes, autrement non.

  A009001090 

 Sçachant donc ainsy par sa propre experience comme l'orgueil et l'ambition sont une puissante amorce, il en usa pour tenter nos premiers parens, leur proposant le fruit defendu avec une telle outrecuidance qu'il les asseura que s'ils en mangeoyent ils seroyent semblables à Dieu.

  A009001091 

 Les autres tiennent que la cause de leur cheute fut l'envie; car ces esprits voyans comment le Seigneur devoit creer l'homme, comme il vouloit enrichir la nature humaine et comme il se devoit communiquer à cette nature s'incarnant et s'unissant à icelle d'une union hypostatique, en sorte que ces deux natures ne feroyent qu'une personne, ils furent touchés d'envie et marris de ce que le Createur pensoit relever cette nature par dessus la leur, et se dirent: Pourquoy Dieu voulant sortir de soy mesme pour se communiquer, ne choisit-il pas plustost la nature angelique et seraphique pour faire cette communication? n'est-elle pas plus noble et excellente que l'autre? Et de là ils vindrent à estre pleins de jalousie, d'ambition et d'orgueil, et tresbucherent miserablement..

  A009001091 

 Les theologiens philosophant sur la cause de la cheute de Lucifer et des autres anges, disent que ce fut une certaine complaisance spirituelle qu'ils eurent en eux mesmes, laquelle leur causa un tel orgueil par la connoissance de la grandeur et excellence de leur nature, qu'ils voulurent avec une outrecuidance insupportable estre comme Dieu, mettre leur siege à l'esgal du sien.

  A009001093 

 Mais en ce temps là les serpens n'estoyent pas serpens, c'est à dire ils ne mordoyent point, ils n'avoyent point de venin.

  A009001094 

 L'homme, par son orgueil et outrecuidance, a perdu la justice originelle en laquelle il estoit creé et s'est fait un enfer ça bas en terre; car les maux que ses vices traisnent apres eux ne sont qu'un enfer, lesquels d'une peine temporelle conduisent aux eternelles..

  A009001095 

 Les Scribes estoyent les docteurs de la Loy, et les Pharisiens, les prestres et religieux.

  A009001095 

 Les princes des prestres et les docteurs, qui avoyent en main la Loy, gouvernoyent toute la republique; ils envoyerent donc à saint Jean.

  A009001095 

 Or, voyci que l'une des plus fortes, subtiles et dangereuses tentations qui se puissent voir s'addresse à saint Jean, non par des ennemis, comme j'ay desja dit, ni par des gens revestus de quelque masque d'hypocrisie, mais par ses amis, envoyés à luy de Hierusalem par les princes et docteurs de la Loy.

  A009001096 

 Remarquez un peu, je vous prie, les fantasies de l'esprit humain: ils attendoyent le Messie, ils voyoient que toutes les propheties estoyent accomplies, car ils avoyent en main la Sainte Escriture; le Sauveur estoit venu et alloit parmi eux enseignant sa doctrine, faisant des miracles, et confirmant tout ce qu'il disoit par ses œuvres; neanmoins, au lieu de le reconnoistre, ils en vont chercher un autre..

  A009001097 

 Il confessa et ne le nia point. Ce sont les parolles des Evangelistes qui sont briefves et succinctes, car ils en ont tousjours fait ainsy en tout ce qu'ils ont rapporté.

  A009001098 

 Il estoit homme comme nous autres, il estoit [420] sujet à commettre des pechés veniels, et neanmoins il estoit arrivé à une telle humilité qu'il triomphe excellemment de l'orgueil et de l'ambition, repoussant et refusant d'accepter les dignités et honneurs qui luy estoyent presentés..

  A009001098 

 Mais considerez un peu la tres parfaitte humilité de ce glorieux Saint à rejetter non seulement les honneurs, les preeminences et tiltres qui ne luy appartenoyent pas, ains, ce qui est plus admirable, à refuser ceux qu'il pouvoit recevoir.

  A009001099 

 C'est par luy que les demons commencerent d'estre, car avant sa cheute il n'y en avoit point..

  A009001099 

 Les Anges estans au Ciel ont recherché non pas d'estre dieux, car Lucifer estoit trop bon philosophe pour commettre une telle incongruité; il comprenoit bien qu'il ne le pouvoit, que c'estoit une chose impossible.

  A009001100 

 Nos premiers parens au paradis terrestre estoyent en la justice originelle, ils n'avoyent jamais peché, non seulement mortellement comme les Anges (car le premier peché qu'ils commirent fut mortel, et par consequent digne de mort eternelle), mais non pas mesme veniellement.

  A009001102 

 Combien fut grande cette tentation et combien grande aussi l'humilité avec laquelle il la repoussa! Mais remarquez, je vous prie, comme les envoyés des princes des prestres luy parlent: Nous sommes icy mandés de la part des Scribes et Pharisiens et de toute la republique pour vous dire que les propheties sont accomplies et que le temps est arrivé auquel nous doit venir le Messie.

  A009001102 

 Il est vray que nous voyons parmi nous beaucoup de personnes qui vivent bien et sont fort vertueuses, mais il nous faut confesser que nos yeux n'en ont point veu qui soyent semblables à vous ou desquelles nos cœurs goustent les œuvres comme nous goustons les vostres.

  A009001102 

 Voyez-vous, ils luy mettent le marché entre les mains; s'il eust voulu accepter ils l'eussent reconneu pour le Christ.

  A009001103 

 Ces prestres et Levites ont donques rayson de dire que toutes les propheties sont accomplies et que le temps est venu auquel ils doivent voir Celuy qui a esté le Desiré de toutes les nations..

  A009001103 

 Je sçay bien que c'estoyent des erreurs; mais nous voyons ainsy le desir que Dieu avoit infus dans tous les cœurs de l'Incarnation de son Fils, de cette union de la nature divine avec l'humaine.

  A009001103 

 Les anciens Peres expliquans ces paroles disent qu'elles nous representent le desir que les Anges avoyent de l'Incarnation; d'autres tiennent que par icelles nous devons entendre le desir que Dieu avoit de toute eternité d'unir la nature humaine avec la divine, desir qu'il communiqua aux Anges et aux hommes, quoy qu'en differentes façons.

  A009001103 

 Les uns, tels que les Patriarches et les Prophetes, [422] le souhaittoyent ardemment, et par les souspirs qu'ils jettoyent au Ciel ils demandoyent l'Incarnation du Fils de Dieu.

  A009001103 

 Que signifie donc ce bayser sinon l'union hypostatique de la nature humaine avec la divine? Les autres le desiroyent, mais comme imperceptiblement; car de tout temps l'on a veu les hommes enclins à rechercher une Divinité, et ne pouvans se faire un Dieu humanisé, parce que cela appartenoit à Dieu seul, ils recherchoyent des inventions pour faire des deités.

  A009001103 

 Salomon, au Cantique des Cantiques, nous foit entendre ce souhait par les paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche.

  A009001104 

 Certes, s'ils eussent demandé qui il estoit pour simplement sçavoir quelle estoit sa profession, il les eust sans doute bien informés de la verité, et avec plus de paroles; mais voyant qu'ils le tenoyent pour ce qu'il n'estoit pas, il se contente de dire en un mot qu'il n'est pas celuy qu'ils croyent..

  A009001105 

 Et pour l'ordinaire, telles gens ne sont rien, et les moindres sont ceux qui veulent le plus paroistre.

  A009001105 

 Nous autres nous sommes tant soigneux de bien recevoir les honneurs qui nous sont faits; cette nature humaine va tant retirant à soy tout ce qui est à son advantage, l'on est si amoureux des dignités et preeminences! O Dieu, disons-nous à ceux qui nous flattent, il est vray, j'ay receu telle grace, cela est bien en moy; [423] mais c'est une faveur de Dieu, c'est un effect de sa misericorde, et telles autres paroles.

  A009001106 

 Les envoyés luy demanderent: Puisque tu n'es pas le Christ, n'es-tu pas Elie? Et il declara: Non, je ne le suis pas.

  A009001107 

 Les Juifs donques entendans cette seconde negation le rechargent d'une troisiesme demande: Si tu n'es ni le Christ ni Elie, tu es pour le moins quelque grand Prophete; tu ne nous sçaurois nier cette verité, car tes oeuvres en font foy et nous en donnent de suffisantes preuves et tesmoignages.

  A009001107 

 Mais comment saint Jean pouvoit-il faire cette troisiesme negation avec verité, luy qui estoit non seulement Prophete, ains plus que Prophete? Nostre Seigneur le dit tout haut de sa propre bouche au peuple Juif; comme donques ose-t-il affirmer: Non sum, je ne le suis pas? Tous les anciens Peres, admirans les trois negations de ce glorieux Saint, s'estonnent de celle-cy et disent que ce fut en icelle que saint Jean alla aux dernieres extremités, et que pour peu qu'il eust passé plus avant, il eust menti: neanmoins il ne le fit pas..

  A009001108 

 [425] Comme s'il eust voulu dire: Si vous me demandiez seulement qui je suis, je vous respondrois simplement; si vous vouliez sçavoir si je suis un simple Prophete, je vous advouerois franchement que je le suis, et mesme que je suis envoyé pour preparer les voyes au Messie.

  A009001109 

 Et il n'y a point de doute que l'on peut parler sans aucune crainte de mentir avec cet artifice et prudente dissimulation; les theologiens sont tous d'accord sur ce sujet..

  A009001110 

 Si on les en reprend et qu'on leur dise: Mais en telle action ou façon de parler vous estes menteurs.

  A009001111 

 A la verité, les ambassadeurs ont besoin de patience, et c'est une grande vertu que celle cy, laquelle est du tout necessaire non seulement aux ambassadeurs mais à tous les Chrestiens; aussi j'ay accoustumé de dire que la patience est la vraye vertu des Chrestiens..

  A009001111 

 Or ces ambassadeurs tout estonnés repartirent: Si tu n'es pas le Christ, ni Elie, ni Prophete, pourquoy est-ce que tu baptises, pourquoy as-tu des disciples et fais-tu des œuvres si merveilleuses? En quel esprit les fais-tu? Certes, tu as beau te cacher et dissimuler, tes œuvres nous font bien voir que tu es quelque chose de grand, c'est pourquoy dis-le-nous, à fin que nous sçachions ce que nous rapporterons à ceux qui nous ont envoyés.

  A009001112 

 (La langue hebraïque est certes admirable, elle est toute divine; c'est celle cy que Nostre Seigneur parloit quand il estoit en ce monde, et selon quelques Docteurs, c'est celle que les Bienheureux parlent là haut au Ciel. Les phrases hebraïques ont tousjours une merveilleuse grace en tout ce qu'elles expriment.) Il confessa et ne le nia pas.

  A009001113 

 Et non seulement ils s'excusent en s'accusant, mais encores ils accusent les autres.

  A009001114 

 Elles ressemblent à ces servantes qu'on envoye faire quelque message, lesquelles vont bien où on les mande, mais en allant elles s'amusent à chaque boutique qu'elles rencontrent en leur chemin, parlant tantost à celuy cy, tantost à l'autre; la moindre petite chose qu'elles voyent les arreste.

  A009001115 

 Ces ambassadeurs veulent donques sçavoir qui est saint Jean, à fin de le rapporter à ceux qui les ont envoyés; mais il ne leur dit autre chose sinon: Je suis la voix de Celuy qui crie au desert: Applanissez le chemin du Seigneur.

  A009001115 

 O noble vertu d'humilité tant necessaire à l'homme en cette basse terre! Ce n'est pas sans rayson qu'on dit [428] qu'elle est la base de toutes les vertus, car sans elle il n'y en a point; et bien qu'elle ne soit pas la premiere, la charité et l'amour de Dieu la surpassant en dignité et excellence, si est-ce que la charité a une telle convenance et sympathie avec l'humilité, qu'elles ne vont jamais l'une sans l'autre..

  A009001116 

 C'est elle qui prepare les voyes; c'est une voix qui crie: Applanissez le chemin du Seigneur; et tout ainsy que Jean Baptiste vint devant le Messie, il faut aussi que l'humilité vienne vuider les cœurs pour puis apres recevoir la charité, car elle ne pourra jamais demeurer en une ame que l'humilité ne luy aye premierement preparé le logis..

  A009001116 

 Il rapporte donques que plusieurs de ces bons Religieux estans assemblés et parlans les uns avec les autres (c'estoit une conference spirituelle, un entretien familier), l'un d'eux louoit hautement l'obeissance, un autre la charité, un troisiesme la patience.

  A009001116 

 Je vous raconteray à ce propos, puisqu'il fait à mon sujet, un beau trait que j'ay leu avec playsir ès Vies des Peres tout fraischement imprimées; l'autheur les a recueillies fort curieusement et soigneusement.

  A009001116 

 L'un d'entre eux ayant ouy ce que tous ses freres alleguoyent sur les vertus, dit: Pour moy, il me semble que l'humilité est la premiere de toutes et la plus necessaire; et il fit cette comparaison qui revient bien à mon propos.

  A009001117 

 Comme s'il vouloit dire: O pauvres gens, que vous estes bien trompés en moy! Vous pensez que je suis le Messie parce que je suis tout nud, c'est à dire que je ne suis pas vestu comme les autres hommes, mon vestement estant tissu de poils de chameaux.

  A009001117 

 Il leur dit: J'ay veu le monde tout rempli de filets propres à faire non seulement chopper, mais encores tomber lourdement les hommes dans des profonds precipices.

  A009001117 

 Je baptise avec l'eau pour la penitence; mais il y en a un parmi vous, lequel vous ne connoissez pas, qui en baptizant remet les pechés.

  A009001117 

 Je ne mange point de pain ni de viande, et ne me nourris que de sauterelles et du miel sauvage que les avettes m'apportent; je ne bois point de vin, je n'ay point de mayson, ains j'habite clans le desert avec les bestes; je suis sur le fleuve Jourdain, baptizant avec de l'eau et preschant la penitence, et pour cela vous croyez que je suis le Messie.

  A009001119 

 C'est ce que vostre glorieuse Maistresse nostre Dame et Mere a chanté en son divin cantique: Deposuit, etc. Ceux qui s'exaltent seront humiliés; ceux qui veulent mettre leur siege sur les nuées seront rabaissés, et les pauvres qui s'abaissent et humilient seront exaltés.

  A009001119 

 Certes, c'est de tout temps que la divine Sapience a regardé les humbles de bon œil, qu'elle a humilié ceux qui s'exaltent et rehaussé ceux qui s'humilient.

  A009001119 

 Ceux-cy ne se faschent pas si on leur dit qu'ils sont imprudens, qu'ils n'ont point d'esprit ni de jugement, ains ils s'abaissent, et Dieu les exalte et releve, leur donnant son Esprit par lequel ils operent de grandes choses..

  A009001119 

 Oh! Dieu les humilie, il les laisse, et regarde les pauvres humbles qui sont sur la plate terre, lesquels n'ont point de siege sinon la bassesse.

  A009001120 

 Il ne doit pas seulement estre regardé des prelats et predicateurs, mais encores des Religieux et Religieuses qui doivent considerer son humilité et mortification pour estre, à son exemple, des voix les uns parmi les autres, criant que l'on prepare les voyes et que l'on applanisse le chemin du Seigneur, à ce que, le recevant en cette vie, nous jouissions de luy en l'autre, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009001132 

 par toutes les contrées d'alentour le.

  A009001137 

 Le glorieux saint Jean, ainsy que je vous le monstray Dimanche, donna suffisamment et excellemment des preuves et tesmoignages de son humilité lors qu'il fut enquis s'il estoit le Christ, Elie ou Prophete; car sçachant que Moyse parlant de la venue de Nostre Seigneur dit qu'il devoit venir un grand Prophete, et voyant que les Juifs croyoient que ce fust luy qui estoit promis, il advoua franchement: Non sum, je ne le suis pas.

  A009001137 

 Mais comme ceux qui estoyent venus à luy le pressoyent de dire qui il estoit à fin de le faire sçavoir à ceux qui les avoyent envoyés, il respondit: Je suis la voix de celuy qui crie au desert: Applanissez le chemin du Seigneur.

  A009001138 

 Là donc il crioit: Faites penitence, preparez les voyes et les sentiers, car le Seigneur est proche.

  A009001140 

 Or ce choix ou eslection est commun et ordinaire, et l'on ne doit point desirer ni rechercher des vocations particulieres et extraordinaires, car telles vocations sont dangereuses et suspectes quand elles ne sont pas approuvées ni autorisées par les pasteurs et maistres de la vie spirituelle.

  A009001141 

 Il devoit annoncer sa parole, prescher la penitence et faire les autres fonctions de sa charge..

  A009001141 

 Nous sommes enseignés par là que lors que Dieu depart quelque charge à ceux qu'il a choisis pour son service, comme sont les predicateurs, ils doivent soigneusement s'appliquer à leur devoir et communiquer aux autres ce qu'ils ont receu et ce que Dieu leur a donné pour ce sujet.

  A009001141 

 Secondement, cette parole signifie que le Seigneur luy donna un office auquel il devoit travailler pour les autres en leur annonçant la penitence.

  A009001142 

 Car qu'eust-il servi aux Israëlites que Dieu leur eust envoyé la manne au desert pour leur nourriture, s'ils ne l'eussent point voulu recueillir et ramasser? Et que leur eust-il profité de la recueillir s'ils ne l'eussent point voulu manger pour s'en substanter? Certes, quand la divine Providence fit tomber la manne du ciel elle obligea les enfans d'Israël à se lever le matin pour l'aller recueillir avant que le soleil parust; et non seulement cela, mais encores de la manger et avaler pour en estre nourris et substantés.

  A009001142 

 Mais comme il estoit obligé de crier que l'on preparast les voyes, que l'on applanist les sentiers et les chemins du Seigneur, le peuple auquel il s'addressoit estoit de mesme obligé de l'ouyr, de recevoir le baptesme qu'il luy presentoit et de faire ce qu'il luy disoit; car si le predicateur a le devoir de vous prescher, vous avez aussi celuy de l'escouter et de bien recevoir ce qu'il vous annonce de la part de Dieu.

  A009001145 

 Certes, entre les ordonnances que Dieu fit aux enfans d'Israël il leur enjoignit de ne recueillir qu'une mesure de manne, à sçavoir ce qui estoit suffisant pour la prebende et portion d'un chacun.

  A009001145 

 Et quels sont ces vers sinon les vifs et puissans remords de conscience qui piqueront et rongeront l'ame au souvenir et à la veue de tant de moyens et d'occasions qu'on a eus de servir Dieu? Quels remords de conscience aura-t-on à l'heure de la mort, voyant le nombre de documens, advis et instructions qui nous ont esté donnés [436] pour nostre perfection! Ce seront les plus grandes douleurs que l'on ressentira que celles cy.

  A009001145 

 Il est vray que dans les viandes qui sont gardées il s'y engendre des vers, et pour moy je crois que les vers qui rongent les consciences des damnés ne sont point les moindres, ains les plus grandes peines qu'ils souffrent.

  A009001145 

 Vivez au jour la journée, mangez ce que l'on vous donne et vous en nourrissez bien par les prattiques que vous en ferez, et laissez le soin du reste à la divine Providence, car elle vous pourvoira assez selon vostre besoin; usez bien seulement de ce qui vous est donné et soyez libres de tout autre souci.

  A009001146 

 C'est une chose merveilleusement suave que de lire les escrits de ce saint Prophete; ses paroles sont toutes emmiellées et fluides, et accompagnées d'une science incomparable; dès son premier chapitre on descouvre un style admirable, et certes, c'est un fleuve et torrent d'eloquence..

  A009001146 

 Nous prendrons pour l'explication de ces paroles celles qu'Isaïe dit aux Israelites au quarantiesme chapitre de ses propheties, lesquelles sont les plus douces et aggreables qui se puissent entendre.

  A009001147 

 Lors donc que le peuple d'Israël fut mené en servitude par les Gentils et envoyé prisonnier parmi les Persans et Medes, le bon Cyrus, apres une longue captivité, se resolut de le retirer de cette servitude et le ramener en la terre de promission.

  A009001148 

 Les anciens Peres enseignent que ces parolles se doivent entendre en cette sorte: Lors qu'ils sont au plus fort de leurs travaux et afflictions, qu'ils sentent le plus le faix de leurs iniquités en cet esclavage et servitude, apres les avoir punis de leur meschanceté par ce fleau de tribulations, je les ay regardés et en ay eu compassion; et au comble de leur malice, c'est à sçavoir au plus mauvais de leurs journées, je me suis contenté de ce qu'ils ont souffert pour leurs pechés, et à cause de cela leurs iniquités leur seront pardonnées.

  A009001150 

 A la verité, ce sont de grans effects de la bonté de Dieu de departir ses graces à ses creatures, de leur pardonner continuellement les fautes qui journellement sont commises contre luy et de recompenser de si petits services par de si grandes faveurs; de sorte que celuy qui correspond à la premiere grace se dispose à recevoir la seconde, et correspondant à la seconde il se prepare à obtenir la troisiesme, puis de la troisiesme à une quatriesme, et ainsy consecutivement, selon le dire de la theologie scholastique, qui est tres veritable.

  A009001150 

 C'est pour cela qu'en tant et tant d'endroits de la Sainte Escriture Dieu nous recommande la fidelité à suivre les bons mouvemens, lumieres et inspirations; en quoy certes reluit la grandeur de sa misericorde..

  A009001150 

 Car les theologiens enseignent que Dieu ne manque jamais de son costé; que si l'ame est fidelle à correspondre aux premieres graces elle se dispose à recevoir les secondes, troisiesmes et quatriesmes, et par cette correspondance elle se rendra digne de participer à de grans biens et d'obtenir de signalées faveurs.

  A009001151 

 Lors qu'il vint en ce monde c'estoit au temps où les hommes estoyent au plus fort de leur malice, lors que les Juifs vivoyent sans roy et que les lois estoyent entre les mains d'Anne et Caïphe, hommes meschans, lors que Herode regnoit et que Ponce Pilate presidoit; ils n'avoyent point de prestres, du moins ceux qu'ils avoyent ne valoyent rien, c'estoyent de mauvaises gens que tous ces miserables là.

  A009001152 

 Certes, les entrailles de nostre cher Sauveur et Maistre estoyent toutes remplies de misericorde et de douceur pour le genre humain; il en donna à ce coup de suffisantes preuves et tesmoignages, comme il fit en diverses autres occasions où sa clemence parut tousjours en son esclat et grandeur.

  A009001152 

 O Dieu, combien furent grandes les richesses de vostre bonté à l'endroit de cet Apostre!.

  A009001153 

 Je ne lis jamais la conversion de David sans tremblement et sans admiration, en voyant qu'il a commis de si grans pechés et qu'il est demeuré un an tout entier en iceux sans les connoistre, dormant d'un sommeil lethargique, sans se resveiller ni s'appercevoir de son crime.

  A009001153 

 Lors que les pecheurs sont le plus endurcis en leurs pechés, qu'ils sont venus à un tel point qu'ils vivent comme s'il n'y avoit pas de Dieu, de Paradis ni d'enfer, c'est alors que le Seigneur leur descouvre les entrailles de sa pitié et douce misericorde.

  A009001153 

 Neanmoins nous en voyons tous les jours de semblables effects.

  A009001154 

 C'est chose admirable que l'esprit humain ne veuille point qu'on voye ses fautes, en sorte que quand il en a fait il les pense couvrir en commettant de plus oriefves.

  A009001154 

 Le pauvre David entortilla tellement cette affaire qu'il commit une milliace de pechés, entassant l'un sur l'autre et faisant les seconds pour couvrir les premiers.

  A009001154 

 Mais n'ayant pas bien reussi en son dessein, car Urie estoit un honneste homme, brave cavalier qui ne pouvoit estre surpris en un tel vice, il s'avisa et resolut, pour cacher cette faute, d'en commettre une troisiesme plus griefve que les deux premieres, c'est à dire de le faire perdre.

  A009001155 

 Il luy parla de quelque faute qui avoit esté commise par un de ses sujets, et soudain David jettant sa sentence dit: Il a desrobé la brebis de ce pauvre homme, il le faut faire mourir, monstrant en cela jusqu'à quel point il estoit endurci en son peché et n'en avoit aucun sentiment; mais pour les fautes des autres il les connoissoit fort bien et [441] sçavoit leur imposer le chastiment condigne à leur demerite.

  A009001155 

 Voyla donc comme nous devons entendre les parolles d'Isaïe..

  A009001156 

 Quant à ce qu'il adjouste: Preparez les voyes, applanissez les chemins, bien que ces parolles ayent esté prononcées au sujet du grand Cyrus qui devoit ramener les Israelites de la captivité en la terre de promission, si est-ce que le principal but du Prophete estoit de parler de l'avenement de Nostre Seigneur.

  A009001157 

 Applanissez, dit-il, le chemin du Seigneur, remplissez les vallées, abaissez les monts et les collines, d'autant qu'ils font bien de la peine aux voyageurs, ainsy que les fossés et vallées.

  A009001157 

 C'est elle qui remplit les vallées, qui rabaisse les monts, qui dresse et esgale les chemins.

  A009001157 

 Dressez les sentiers qui ne sont pas droits; en [442] effect quand on en trouve plusieurs qui s'entortillent l'un dans l'autre ils fatiguent et lassent grandement le pelerin.

  A009001158 

 Le regard sur les grandes fautes commises apporte quant et soy une certaine horreur et estonnement, une certaine crainte et frayeur qui abat le cœur et le porte souvent au descouragement.

  A009001158 

 Les vallées que le glorieux saint Jean veut que l'on remplisse ne sont autres que la crainte, laquelle, quand elle est trop grande, nous porte au descouragement par les regards sur les pechés commis.

  A009001158 

 Remplissez les vallées, c'est à sçavoir, remplissez vos cœurs de confiance et d'esperance parce que le salut est proche.

  A009001158 

 Voyla les fossés et vallées qu'il faut combler pour l'avenement de Nostre Seigneur..

  A009001159 

 Ce bon Saint luy respondit: Garde toy bien de lever les yeux pour regarder le Ciel, toy qui tant et tant de fois t'en es servie pour jetter des regards dangereux, pour muguetter et pour telles autres choses; ne leve point ces mains par lesquelles tu as fait tant d'œuvres malignes, mais exerce toy toute ta vie en humilité et te confie en la bonté de Dieu.

  A009001159 

 Il faut donques remplir ces vallées creusées par les frayeurs provenantes de la connoissance des grosses imperfections et des pechés commis; il faut, dis-je, les remplir par la confiance meslée avec la crainte de Dieu..

  A009001160 

 Abaissez, dit le glorieux saint Jean, les montagnes et collines.

  A009001160 

 Et ce pauvre publicain, qui devant le monde estoit une montagne haute et raboteuse, fut rabaissé et applani devant la divine Majesté lors qu'il vint au Temple; car n'osant lever les yeux pour regarder le ciel à cause des grans pechés qu'il avoit commis, il se tenoit à la porte avec un cœur contrit et humilié; partant il fut digne de trouver grace devant Dieu.

  A009001160 

 Il disoit asseurement: Seigneur, je te rends graces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes: je paye les dismes, je jeusne tant de fois la semaine, et autres choses semblables qu'il alleguoit.

  A009001160 

 Quels sont ces monts sinon la presomption et l'orgueil, qui sont un tres grand empeschement pour l'avenement de Nostre Seigneur; car il a coustume d'humilier et rabaisser les superbes et de penetrer le fond du cœur pour descouvrir l'orgueil qui y est caché.

  A009001161 

 Applanissez les chemins, adjouste le glorieux saint Jean; c'est à dire, redressez ceux qui sont tortus, rendez-les droits et esgaux.

  A009001161 

 Les chemins trop entortillés ne sont [444] propres qu'à lasser et fourvoyer ceux qui voyagent; il les faut donques redresser et esgaliser pour la venue de Nostre Seigneur.

  A009001161 

 Tout ainsy que le marinier, quand il conduit sa nacelle a tousjours l'œil sur l'aiguille marine, et que ceux qui conduisent ces petites barques tiennent tousjours le timon, de mesme devons-nous avoir sans cesse l'œil ouvert pour embrasser les actes de la penitence et pour nous y exercer.

  A009001162 

 Redressez les chemins du Seigneur, c'est à dire, esgalez vos humeurs par la mortification de vos passions, inclinations et aversions.

  A009001162 

 Tous les autres Saints ont bien travaillé en l'acquisition de cette perfection, mais quoy qu'ils ayent fait, il n'y en a pas un qui n'ayt esté quelque peu raboteux; leur esgalité n'a point esté si esgale qu'il ne s'y soit trouvé quelqu'inesgalité, non pas mesme en saint Jean Baptiste, car il avoit, [445] selon l'opinion de quelques Docteurs, commis des pechés veniels..

  A009001163 

 O Dieu, que ce seroit une chose amiable et suave de voir en un homme cette esgalité d'humeur! Nous en sommes tant esloignés, nous sommes si variables et inconstans! L'on trouvera des personnes qui estans de bonne humeur sont encores d'une conversation aggreable; mais tournez la main, vous les trouverez chagrines et inquietes.

  A009001164 

 Ce sont les chemins que nous devons redresser pour l'avenement de Nostre Seigneur; et pour le bien faire, il nous faut aller à l'escole du glorieux saint Jean Baptiste, et nous mettre, ou plustost le prier de nous recevoir, au nombre de ses disciples; car voyez-vous, ce grand Saint les envoya au Sauveur pour estre instruits de luy, il les remit entre ses mains et Nostre Seigneur les garda, car apres la mort de saint Jean ils furent ses disciples.

  A009001164 

 Si donques ce glorieux Precurseur nous reçoit, il nous remettra entre les mains de nostre Sauveur, qui à son tour nous remettra entre celles du Pere eternel, lequel nous louerons à toute eternité avec iceluy et le Saint Esprit.

  A009001169 

 Plusieurs s'efforcent de les prescher et bien faire saisir, mais il y en a peu qui les croyent et les entendent bien.

  A009001169 

 Tous sont obligés, selon saint Thomas, d'entendre les mysteres de la foy et de sçavoir ce qu'ils doivent croire; non pas comme les theologiens pour en disputer, o non, je ne dis pas cela, mais en la façon qui convient aux simples fideles.

  A009001170 

 Les anciens Docteurs, particulierement saint Bonaventure, rapportent plusieurs similitudes de cecy pour nous le faire entendre; mais pour vous le rendre plus intelligible je l'accommoderay à nostre façon.

  A009001171 

 C'est ainsy que nous pouvons entendre comment les trois Personnes de la tres sainte Trinité se sont aydées au mystere de l'Incarnation, quoy qu'il n'y ait eu que le Fils qui se soit revestu de nostre nature.

  A009001171 

 Mais encores que les autres l'habillent, il ne laisse pas pourtant de faire quelque chose, il remue les bras et les mains pour s'ayder; cependant, de ces trois personnes il ne demeure que le prince d'habillé.

  A009001172 

 C'est de part et d'autre le mesme Dieu homme [449] qui estoit dans les entrailles de la Vierge; de sorte que la manne, qui a esté figure du Sacrement de l'Eucharistie, le sera aussi bien du mystere de l'Incarnation.

  A009001172 

 La manne donques estoit une certaine viande de laquelle le Seigneur nourrissoit les enfans d'Israël.

  A009001172 

 Or, que cela soit ainsy ou, comme d'autres tiennent, que Dieu la fist luy mesme sans se servir de l'ayde d'aucune creature, l'une et l'autre opinion se peut bien appliquer au mystere de l'Incarnation; car en iceluy Dieu se servit de l'Ange Gabriel pour annoncer ce mystere à Nostre Dame, et d'autre part ce ne furent point les Anges qui firent cette oeuvre admirable, mais la tres sainte Trinité seule, sans le concours d'aucune creature..

  A009001173 

 Le miel ne vient point de la terre ains du ciel; c'est une liqueur qui tombe sur les fleurs, et quand il tombe dans quelque belle fleur il s'y conserve merveilleusement bien, en sorte que les avettes l'y viennent recueillir avec une subtilité nompareille et s'en nourrissent.

  A009001174 

 Il n'en prit pas du corps de Nostre Seigneur comme de celuy des autres hommes, lequel demeure quarante jours sans estre animé dans les entrailles de la mere, estant là comme une masse de chair; mais aussi tost que le consentement de la glorieuse Vierge fut donné, le Saint Esprit forma le corps du Sauveur, et en mesme temps sa tres sainte ame vint l'animer.

  A009001174 

 L'huile ne vient point de la terre ni du ciel: elle ne sort point de la terre comme d'autres plantes, ni moins tombe-t-elle du ciel comme le miel, car les olives croissent sur des arbres eslevés; c'est une liqueur qui surnage au dessus de toutes les autres.

  A009001176 

 Je n'ignore pas que de tout temps l'on a sceu qu'il y avoit une Divinité, tous les anciens philosophes l'ont confessé; mais cette connoissance estoit si obscure qu'elle ne meritoit pas d'estre appellée de ce nom.

  A009001177 

 Certes, en cette Incarnation il a fait voir ce qui n'eust jamais peu entrer ni estre compris de l'esprit humain, c'est à dire que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu; l'immortel mortel, l'impassible passible, sujet au chaud, au froid, à la faim, à la soif; l'infini fini, l'eternel temporel; en somme, l'homme divinisé et Dieu humanisé, en sorte que Dieu sans laisser d'estre Dieu soit homme, et l'homme sans laisser d'estre homme soit Dieu; tellement qu'on peut dire que les Mages qui bayserent les pieds de ce petit Enfant nouveau né, bayserent les pieds de Dieu.

  A009001177 

 Ces deux natures sont tellement unies par ensemble que l'on peut prononcer sans blasphemer: Ce sang est le sang de Dieu, le sang de l'Aigneau mort pour les pechés des hommes; Dieu a esté flagellé, fouetté; les mains de Dieu ont esté tendues et clouées à la croix.

  A009001177 

 Mais comment de Dieu? car Dieu entant que Dieu n'a point de corps; et s'il n'a point de corps comme est-ce que les Mages luy ont baysé les pieds? Neanmoins il en est ainsy à cause de cette union des deux natures qui ne font qu'une personne.

  A009001179 

 Prenez une lame de fer et la jettez dans une fournaise bien ardente, puis prenez les pinces et la retirez de là; vous verrez que cette lame qui nagueres estoit fer seulement, est à present toute enflammée, en sorte que vous ne sçauriez discerner si c'est fer ou feu, car ce fer est tellement enflammé qu'il paroist plustost feu que fer, tant ces deux natures se sont meslées ensemble; si bien que vous pouvez dire que ce feu est un feu enferré et ce fer un fer embrasé.

  A009001181 

 Quand Moyse voulut retirer les Israelites de l'Egypte Dieu l'instruisit et luy ordonna tout ce qu'il falloit faire.

  A009001182 

 Gedeon voyant la toison toute detrempée de la rosée, et l'eau surnageant par dessus en sorte qu'elle estoit soustenue par la toison à ce qu'elle ne vinst à mouiller la terre, il la fit tordre et en separa l'eau; mais en l'Incarnation, les deux natures estans une fois unies ne se sont jamais separées.

  A009001183 

 Les poetes fabuleux disoyent pour certaine rayson que c'estoit une incivilité de parler de l'esponge.

  A009001183 

 Mais certes, despuis que les Juifs la presenterent à Nostre Seigneur lors qu'il dit en sa Passion qu'il avoit soif, et que cette esponge eut touché les levres sacrées de ce [455] divin Sauveur, elle fut canonizée, et dès lors aussi on n'a point fait de difficulté de la nommer dans les discours des choses saintes, et ce n'a plus esté une incivilité d'en parler mais au contraire une chose honnorable et bienseante; c'est pourquoy je m'en serviray pour vous faire entendre que c'est que l'Incarnation.

  A009001183 

 Mais remarquez cecy, que bien que la mer soit dans toutes les parties de l'esponge, celle-cy n'est point par toute l'estendue de la mer, car la mer est un grand et vaste ocean qui ne peut estre compris par l'esponge.

  A009001184 

 Ainsy les hommes qui vivent non point selon la rayson mais selon leurs appetits desordonnés, se jettent à corps perdu à la recherche de leurs satisfactions sensuelles; mais Nostre Seigneur, voulant les en sortir, leur vient tirer la bride en s'incarnant, à fin de les retenir leur enseignant par ses œuvres à mespriser toutes choses..

  A009001184 

 Avant l'Incarnation les hommes vivoyent ainsy que des bestes brutes, courant apres les dignités et voluptés de cette vie comme les chevaux, chiens et tels autres animaux font apres ce qu'ils appetent.

  A009001185 

 Il n'y a beste, pour brute qu'elle puisse estre, qui ne reconnoisse celuy qui luy fait du bien; car le cheval reconnoist tres bien l'estable où il a autrefois logé parce qu'en icelle on luy a donné de l'avoine; le chien connoist son maistre, et de mesme tous les autres animaux ont du ressentiment de ceux qui leur font du bien.

  A009001185 

 Lors donques que l'homme vivoit brutalement, Nostre Seigneur l'est venu retirer d'entre les animaux, il luy a donné des exemples d'une admirable sobrieté et, pour peu de jugement et de rayson qu'on ayt eu, il n'y a personne qui le sçachant n'en ayt esprouvé quelque sorte de ressentiment..

  A009001186 

 Or, le Sauveur s'est incarné pour nous enseigner aussi la sobrieté spirituelle, qui consiste en la soustraction et privation volontaire de toutes les choses delectables et aggreables qu'il pouvoit avoir et recevoir en cette vie; car il se chargea volontairement et de son plein gré de tous les travaux et tribulations, pauvreté et mespris qui se peuvent endurer en ce monde.

  A009001187 

 Alors il estendit ses bras sacrés, et s'offrant avec une dilection nompareille à patir toutes ces choses, il les embrassa et mit sur son cœur avec tant d'amour qu'il commença dès cet instant à ressentir tous les tourmens qu'il devoit par apres endurer au temps de sa Passion.

  A009001187 

 Il se priva dès lors, par une entiere soustraction, de toutes les consolations qu'il pouvoit recevoir en cette vie, ne se reservant que celles dont il ne se pouvoit priver, faisant que la partie inferieure de l'ame souffrist et fust sujette pour nostre salut et redemption aux tristesses, peines, craintes, apprehensions et frayeurs; et tout cela, non par force ni pour ne pouvoir faire autrement, mais volontiers et de son plein gré à fin de nous monstrer son amour..

  A009001187 

 Nostre cher Sauveur vit donques à l'instant de son Incarnation tous les fouets et escourgées, tous les clous et espines, toutes les injures et blasphemes que l'on devoit vomir contre luy, en somme tout ce qu'il devoit souffrir.

  A009001188 

 Aussi Nostre Seigneur merita plus en jettant un seul souspir amoureux que ne firent jamais tous les Saints et Saintes ou que tous les Cherubins et Seraphins; et Dieu fut plus honnoré par un seul acte d'amour et d'adoration que la tres benite ame du Sauveur fit à l'instant de sa creation, qu'il ne l'a esté et ne le sera jamais par toutes les creatures angeliques et humaines.

  A009001188 

 Et non seulement un seul de ses souspirs, une seule de ses larmes eust suffi pour les racheter tellement quellement, mais encor pour satisfaire à la justice divine, d'autant qu'ils procedoyent d'un amour infini et d'une personne infinie.

  A009001189 

 C'est pourquoy l'on a tousjours accoustumé de dire à ces filles quand elles entrent au Monastere, que la Religion «est une escole de l'abnegation de toutes les volontés,» une croix où il se faut crucifier, en somme, qu'il y faut venir pour patir et non point pour y estre consolées.

  A009001189 

 Si vous voulez du sucre et de la dragée, allez en querir chez les apothicaires; car l'on ne mange icy que des viandes ameres et fascheuses à la chair, lesquelles sont toutefois profitables au cœur.

  A009001189 

 Venez y à fin d'y vivre en une profonde humilité et entiere resignation, pour y recevoir d'un cœur esgal les desolations comme les consolations, les douceurs et les tribulations, les secheresses et les degousts.

  A009001190 

 Certes, c'est une grande pitié que l'on voye Nostre Seigneur tant souffrir, se soustraire à tous les playsirs et consolations qu'il pouvoit recevoir parmi ses souffrances, ne se servant que de ce dont il ne se pouvoit priver, et que nous autres nous soyons tant amateurs de ces gousts qu'il semble que l'on ne travaille que pour en avoir! Pour peu qu'on en ayt l'on s'amuse tant à les regarder et les sentir que l'on ne fait rien qui vaille.

  A009001190 

 Helas! elles ne sont pas necessaires, vous n'en estes pas meilleures pour cela; Dieu ne les accorde pas seulement aux justes ains aux pecheurs, car il en donne bien quelquefois à des ames qui sont en estat de peché et hors de sa grace: pourquoy donques vous y arrestez-vous tant? Considerez, je vous prie, ce petit nouveau né dans la creche de Bethlehem, escoutez ce qu'il vous dit, regardez l'exemple qu'il vous donne.

  A009001190 

 Il a choisi les choses les plus aspres et souffreteuses qui se puissent imaginer pour le temps de sa Nativité.

  A009001198 

 suaves que les onguens les plus exquis..

  A009001201 

 Le Saint Esprit ne resout point si ces paroles du Cantique des Cantiques sont de l'Espoux à l'Espouse ou de l'Espouse à l'Espoux, ou bien des compagnes de l'Espouse à la maistresse Espouse; c'est pourquoy les Docteurs ne l'ont pas aussi voulu resoudre, mais ils disent qu'elles se peuvent entendre en toutes ces manieres.

  A009001201 

 Or, avant que de dire comment, il faut sçavoir que par les mammelles sont representées les affections, parce qu'elles avoisinent le cœur et sont assises sur iceluy, et que du cœur sortent les affections de douceur, de mansuetude et de charité vers les pauvres, les infirmes et les petits enfans; aussi donne-t-on premierement la mammelle aux petits enfans, [462] qui sont vrayement pauvres, puisqu'ils n'ont rien et ne peuvent en aucune maniere gaigner leur vie, de sorte que si on ne leur donnoit la mammelle ils mourroyent incontinent..

  A009001202 

 La longanimité nous signifie la patience avec laquelle il attend les pecheurs à penitence; et la debonnaireté, l'amour et la compassion avec laquelle il les reçoit lors que, pleins de contrition et de larmes, ils viennent, à l'imitation de sainte Magdeleine, luy bayser les pieds par la conversion de leur cœur et de leurs affections, c'est à dire par un veritable regret de leurs pechés..

  A009001202 

 Mais quelles sont les mammelles de Nostre Seigneur? L'une de ses mammelles est la longanimité, et l'autre, la debonnaireté.

  A009001202 

 Premierement, si ces paroles sont de l'Espouse, c'est à dire de l'ame devote à l'Espoux, qui est Nostre Seigneur, vrayement elle a bien rayson de luy tenir ce propos; car les mammelles de Nostre Seigneur sont infiniment meilleures que le vin de tous les contentemens terrestres.

  A009001203 

 O que cette longanimité et debonnaireté de Nostre Seigneur reduit et ramene bien mieux les ames à leur devoir, et a beaucoup plus d'efficace et de pouvoir pour les retirer du peché que n'ont pas les corrections des hommes lesquelles sont signifiées par le vin! Nous en avons plusieurs exemples, entre lesquels en voicy deux signalés.

  A009001203 

 Voyla donques quelles sont les mammelles de l'Espoux..

  A009001204 

 Car encores que les mammelles de Nostre Seigneur soyent tres douces et meilleures mille fois que le vin des delices mondaines, neanmoins nous ne nous en approcherions jamais s'il ne nous attiroit par le moyen de ses divines odeurs..

  A009001204 

 Mais apres que l'Espouse luy a dit: Meliora sunt ubera tua vino; Vos mammelles sont meilleures que le vin, elle adjouste: Fragrantia unguentis optimis; car elles respandent des odeurs tres suaves, qui ne sont autres que les saintes inspirations que Nostre Seigneur va respandant dans les cœurs des fidelles, par lesquelles il les sollicite à se convertir et retirer leurs affections des choses de la terre.

  A009001205 

 Avons-nous esté consolés aupres de Nostre Seigneur, retournons-y si souvent que nous voudrons, nous y trouverons tousjours de nouvelles consolations; car cette source de sa poitrine sacrée est inepuisable et ne se tarit jamais, de sorte que c'est avec tres grand sujet que nous pouvons dire que ses mammelles sont infiniment meilleures que le vin de tous les contentemens du monde..

  A009001205 

 O certes, les mammelles de ce divin Sauveur, c'est à dire ses consolations saintes et sacrées, ne sont pas de cette sorte, car plus elles sont tirées et plus elles sont fecondes.

  A009001205 

 Quelques Docteurs ont encores interpreté ces paroles: Meliora sunt ubera tua, etc., en une autre maniere, entendant par les mammelles de Nostre Seigneur les consolations celestes et divines; car qui ne sçait que les consolations divines sont infiniment meilleures que le vin des consolations de la terre? Aussi n'est-ce pas merveille si les unes sont comparées au lait et les autres au vin, d'autant que le vin, comme vous sçavez, se tire du raisin.

  A009001206 

 Osculetur me osculo oris sui; Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, dit cette Espouse à son Bien-Aymé; bayser qui ne signifie autre chose, au dire de ce grand Saint, que le doux repos de la contemplation, où l'ame, par une affection amoureuse, desengagée de toutes les choses de la terre, s'occupe à considerer et contempler les beautés de son celeste Espoux, sans se resouvenir d'assister le prochain et le secourir dans ses necessités; à quoy ce divin Espoux, qui veut que la charité soit bien ordonnée, luy respond: Tu desires, ma sœur et ma bien-aymée, que je te bayse d'un bayser de ma bouche à fin de t'unir à moy par la contemplation.

  A009001207 

 Mais si ce sont les compagnes de l'Espouse qui luy disent: Meliora sunt ubera tua vino; Tes mammelles sont meilleures que le vin, le mesme saint Bernard l'explique en cette sorte: O que vous estes heureuse, nostre chere compagne, de jouir ainsy des chastes et amoureux baysers de vostre celeste Espoux! Mais ce pendant que vous estes ainsy submergée dans cet ocean de delices, nous autres chetifves demeurons privées de l'ayde et du secours qui nous est necessaire, au defaut duquel nous sommes en danger de nous perdre; donques, vos mammelles sont meilleures que le vin..

  A009001208 

 Or, quelles sont les mammelles que les compagnes de l'Espouse desirent si ardemment, et sans lesquelles elles ne peuvent subsister ni se maintenir? La premiere est la mammelle de compassion, par laquelle l'on supporte et l'on a pitié des foibles, des infirmes et des pecheurs; ce qui fait qu'avec une grande charité on leur compatit, on les console, et on les flatte et caresse pour les attirer à Dieu et leur ayder doucement à se retirer du mauvais estat auquel ils sont plongés: en un mot, par cette compassion on se fait en certaine façon semblable à eux pour les gaigner plus facilement, et c'est la marque de la vraye devotion et de la bonne oraison, que de se faire, à l'exemple du grand Apostre, tout à tous, pour les gaigner tous..

  A009001209 

 Voulez-vous sçavoir si vous avez fait une bonne oraison, et si vous avez baysé Nostre Seigneur du bayser de la bouche? regardez si vous avez la poitrine pleine de douces et charitables affections envers le [466] prochain, et si vostre coeur est disposé de le secourir en tputes ses necessités et le supporter amoureusement en toutes sortes d'occasions; car l'oraison qui nous enfle et nous fait presumer d'estre quelque chose de plus que les autres, et qui nous porte à mespriser le prochain comme imparfait, nous le faisant corriger de ses defauts avec arrogance et sans compassion, n'est pas bonne et n'est point faite en charité, verité et sincerité.

  A009001210 

 Courage, luy devons-nous dire, nous avons desja quelque peu avancé au chemin de la vie spirituelle; allons un petit plus avant, nous ferons bien encores une lieue de chemin, puis nous en ferons davantage; et ainsy se passionner pour acheminer les ames à Dieu..

  A009001210 

 La seconde mammelle que desirent les compagnes de l'Espouse est la mammelle de congratulation, par laquelle on se console et resjouit du bien et avancement du prochain comme du sien propre.

  A009001210 

 Trouvez-vous quelqu'un qui ayt commencé à servir Dieu fidellement et qui ayt fait quelque progres au chemin de la sainte devotion? il s'en faut resjouir avec luy, et luy donner courage non seulement de perseverer mais encores de s'avancer, et ne se point lasser ni descourager pour les difficultés qu'il rencontrera, luy representant l'excellence du bien auquel nous pretendons, l'exhortant à marcher diligemment et fidellement tandis qu'il est jour et qu'il y a de la lumiere.

  A009001211 

 Nous avons un rare et excellent exemple de cecy au glorieux saint Paul, quand il disoit avec un cœur plein d'une ardente charité: Je meurs tous les jours pour vous, o Corinthiens; Quotidie morior propter vestram [467] gloriam; c'est à dire: L'extreme soin et le grand desir que j'ay de vostre salut, me fait mourir tous les jours.

  A009001212 

 Ce qu'entendant ce grand serviteur de Dieu, touché d'une affection paternelle et despouillé de son propre interest, levant les mains et les yeux au Ciel où son cœur avoit desja pris place, il dit ces belles paroles: Domine, si adhuc populo tuo sum necessarius, non recuso laborem; O Seigneur, quoy que par vostre grace je me voye prest à jouir du bien apres lequel j'ay tant souspiré, neanmoins, si je suis encores necessaire à ces ames pour leur salut, je ne refuse point de demeurer davantage en cet exil, je me resigne entierement à vostre tres sainte volonté.

  A009001213 

 Voyla en fin quelles sont les mammelles de l'Espouse et de l'Espoux; voyla les fruits d'une parfaitte oraison, laquelle se fait non seulement à certaines heures et à certains temps limités, mais encores par des eslevations d'esprit et des eslancemens du cœur en Dieu, que l'on appelle oraisons jaculatoires, et par des actes frequens d'union de nostre volonté avec celle de Dieu, qui se peuvent faire à tous momens et en toutes sortes d'occasions..

  A009001214 

 Certes, la crainte d'enfer est un motif des plus puissans que nous puissions avoir pour nous tenir en bride et nous empescher de transgresser la loy de Dieu, c'est pourquoy cette crainte est bonne; mais pour les espouses ce motif est trop grossier et trop bas, car elles ne veulent point d'autre mammelle que celle de l'amour..

  A009001214 

 Mais cette mammelle de la crainte n'est pas la mammelle des espouses, ains celle des serviteurs et des valets, à qui il faut donner la crainte des chastimens pour les ranger à leur devoir et à l'observance des commandemens de Dieu.

  A009001214 

 Mais outre ce que nous avons dit pour l'explication de ce passage: Meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis; Vos mammelles sont meilleures que le vin, et respandent des odeurs plus suaves que les onguens les plus exquis, plusieurs Docteurs qui ont escrit sur ce sujet disent que par ces mammelles nous sont representés les deux Testamens: à sçavoir, par la mammelle gauche l'Ancien Testament, qui contenoit une loy de crainte, et par la mammelle droite le Nouveau Testament, qui contient une loy toute d'amour; et disent qu'avec ces deux mammelles il faut eslever les enfans de l'Eglise, qui sont les Chrestiens, d'autant qu'il les faut soustenir par la crainte et les animer par l'amour, lequel sans la crainte vient aysement à se relascher, et la crainte sans l'amour abat et allanguit le cœur et l'esprit.

  A009001215 

 D'autres Docteurs ont dit que les mammelles de Nostre Seigneur nous representent la foy et les Sacremens.

  A009001215 

 La foy nous est donnée par la parole: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei; car la parole de [469] Dieu est un lait qui nourrit les ames, et nous ne pouvons avoir la foy que par cette divine parole, ni participer aux saints Sacremens si nous ne sommes fideles à croire ce qu'elle nous enseigne..

  A009001216 

 Et David mesme, duquel l'ame estoit vrayement espouse, puisqu'il estoit selon le cœur de Dieu, confesse neanmoins qu'il se servoit de ce motif: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; O Seigneur, dit-il, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent..

  A009001216 

 Mais je n'aurois jamais fait si je me voulois estendre sur toutes les considerations que font les Docteurs sur ce passage: je m'arresteray seulement sur les deux suivantes, et diray que les mammelles de Nostre Seigneur sont l'esperance et l'amour.

  A009001218 

 Mais l'Espouse, toute esprise de l'amour de son divin Espoux, ne se contente pas de l'esperance de le posseder un jour en la gloire eternelle, ains elle veut encores jouir de sa presence des cette vie mortelle; et à fin d'obtenir ce bien, voyez quelle diligence elle fait pour le trouver, apres que par la negligence qu'elle eut à luy ouvrir sa porte il fut passé outre: Surgam, et Circuibo civitatem, per vicos et plateas quaeram quem diligit anima mea; Je me leveray, dit-elle, et chercheray celuy que mon ame cherit, par toutes les rués et les carrefours de la cité.

  A009001218 

 Voyez, je vous prie, avec quelle promptitude elle court apres luy, et comme elle passe parmi les gardes de la ville, sans craindre aucune difficulté; puis en fin l'ayant trouvé, voyez avec quelle ardeur elle se jette à ses pieds, et l'embrassant par les genoux:, toute transportée de joye: Inveni quem diligit anima mea, tenui eum nec dimittam, donec introducam illum in domum matris meae; Ah, je le tiens, dit-elle, le Bien-Aymé de mon ame, je ne le laisseray point aller que je ne l'aye introduit dans la mayson de ma mere..

  A009001220 

 Je dis en premier lieu que pour tetter les mammelles de Nostre Seigneur, il se faut rendre semblable aux petits enfans; car vous sçavez que ce n'est qu'à eux à qui on donne les mammelles.

  A009001220 

 Nous avons, ce me semble, bien monstré par ce que nous avons dit quelles sont les mammelles de Nostre Seigneur; il faut maintenant sçavoir comment et de quelle sorte on les peut tetter.

  A009001221 

 Certes, si nous n'avons un grand desir de l'amour divin nous ne l'obtiendrons jamais; car comment pourrions-nous l'obtenir et recevoir des consolations de Nostre Seigneur, venant à luy nostre entendement tout distrait, nostre memoire remplie et occupée de mille choses vaines et inutiles, et [472] nostre volonté attachée aux choses de la terre? Il faut donques avoir l'estomach de nos ames vuide, si nous voulons tetter les mammelles de Nostre Seigneur et recevoir ses saintes graces, ainsy que Nostre Dame nous l'apprend en son sacré Cantique, quand elle dit que Dieu a rempli de biens ceux qui avoyent faim, mais que pour les riches, c'est à dire ceux qui estoyent pleins et rassasiés des choses de la terre, il les a rejettés et ne leur a rien donné: Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes; paroles par lesquelles cette Sainte Vierge nous apprend que Dieu ne communique ses graces et ne remplit de biens sinon ceux qui ont cette faim spirituelle, et qui sont vuides d'eux mesmes et des choses terrestres et mondaines.

  A009001221 

 Il faut donques avoir faim pour tetter les divines mammelles de nostre Sauveur.

  A009001221 

 Vous voyez quelquefois des enfans qui ne veulent point prendre la mammelle parce qu'ils ont l'estomach tout rempli de catarrhe, de maniere que n'ayans point de faim, on ne les peut faire tetter, quoy que la nourrice les provoque et leur presente son sein.

  A009001222 

 Cela veut dire que si nous n'avons la simplicité, douceur et humilité d'un petit enfant, et si nous ne nous reposons par une entiere resignation et parfaite confiance entre les bras de Nostre Seigneur, comme l'enfant entre les bras de sa mere, nous n'entrerons point en son Royaume..

  A009001222 

 L'Escriture Sainte nous enseigne que quand ce divin Sauveur de nos ames estoit en ce monde conversant avec les hommes, il caressoit les petits enfans, les embrassoit et prenoit entre ses bras, comme il fit le petit saint Martial, ou saint Ignace martyr, suivant l'opinion de plusieurs Docteurs, qui disent que Nostre Seigneur le tenant un jour entre ses bras et le considerant, il se tourna vers ses disciples et leur dit: En verité, si vous n'estes faits comme ce petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume des cieux; Amen dico vobis, nisi efficiamini et conversi fueritis sicut parvulus [473] iste, non intrabitis in Regnum caelorum.

  A009001223 

 Il veut dire: Encor que vous m'ayez eslevé à des honneurs et à des faveurs si grandes que de me porter dessus vostre poitrine et me donner vos divines mammelles à succer, neanmoins je n'ay point eslevé mon regard en choses hautes, ni n'ay point retiré mes yeux de dessus la terre, qui est mon origine et en laquelle je dois retourner, ains j'ay tous-jours porté la veuë basse, en la consideration de mon neant et de mon abjection; mon cœur ne s'est point enflé d'orgueil pour les grandes graces que vous m'avez faites.

  A009001224 

 [474] O certes, il est vray que cette vertu a un pouvoir incomparable par dessus toutes les autres de nous eslever à Dieu et nous rendre capables de succer ses divines mammelles, lesquelles il ne donne qu'aux petits et humbles de cœur; c'est pourquoy je vous exhorte, mes cheres Filles, pour finir ce discours, de vous exercer fidelement en la prattique de cette vertu; car par icelle vous recevrez de tres grandes graces en cette vie, et parviendrez en fin en la gloire eternelle, où nous conduise le Pere, le Fils et le Saint Esprit.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A010000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A010000012 

 Sermons recueillis par les Religieuses de la Visitation.

  A010000062 

 Ce tres haut mystere de l'Incarnation est si profond que jamais il n'estoit entré et ne pouvoit entrer dans l'esprit des anciens payens et philosophes; voire mesme les docteurs de la Loy de Moyse, quoy qu'ils maniassent la Sainte Escriture, ne l'ont peu comprendre parce qu'il estoit invisible et d'une telle hauteur qu'il surpasse tous les entendemens humains et angeliques.

  A010000062 

 Je sçay bien qu'il les faisoit aussi entant que Dieu, car ce que fait le Pere, le Fils et le Saint Esprit l'operent de mesme; mais quant au miracle de Cana c'est proprement le Fils qui le fait..

  A010000062 

 Mais bien que ces signes fussent faits pour manifester la gloire de Nostre Seigneur, ce n'estoit pas luy qui les operoit, ains le Pere et le Saint Esprit les faisoyent pour luy.

  A010000062 

 Mais ce miracle estoit invisible, secret et occulte; c'estoit une œuvre si haute qu'elle surpasse infiniment tout ce que les Anges et Archanges en peuvent comprendre, et partant ce n'estoit pas un signe qui manifestast la gloire de Dieu comme celuy qui se fit aux noces de Cana en Galilée, ainsy que dit l'Evangeliste.

  A010000062 

 Plusieurs merveilles accompagnerent la naissance du Sauveur, comme l'apparition de cette estoile qui amena les Mages d'Orient.

  A010000062 

 Plusieurs prodiges, il est vray, se sont operés avant celuy-cy, les uns par Nostre Seigneur, les autres en Nostre Seigneur et les autres pour l'avenement de Nostre Seigneur, comme celuy de l'Incarnation qui est le plus grand de tous et la merveille des merveilles.

  A010000063 

 En deuxiesme lieu, il faut expliquer ce qu'avancent les anciens Peres, à sçavoir, que nostre divin Sauveur fit plusieurs prodiges (et il est tres probable, car diverses histoires en sont toutes remplies) pendant qu'il demeura en Egypte et mesme en la mayson de ses parens; mais ils furent tres secrets et invisibles, parce que Nostre Seigneur n'estoit point conneu en ce temps-là; de sorte que, bien qu'il en operast un grand nombre, le signe de Cana en Galilée, duquel parle l'Evangeliste, fut vrayement le premier qu'il fit pour manifester sa gloire..

  A010000064 

 Or, puisque nous qui vous annonçons la parole de Dieu, sommes obligés de vous dire sur chaque mystere les choses qui peuvent servir à la consolation de nostre foy quand les occasions s'en presentent, comme à ce coup icy de celuy de l'Eucharistie, j'en toucheray ce qui fait à nostre propos.

  A010000065 

 C'est pourquoy les Egyptiens voulant representer la Divinité et la faire comprendre en quelque façon, ils peignoyent un serpent qui mordoit sa queue, ce que faisant, il estoit tout rond et ne se pouvoit voir en iceluy ni commencement ni fin: sa teste, qui estoit le commencement, touchoit la fin qui estoit la queue.

  A010000066 

 Il a tousjours monstré ce rapport en toutes ses œuvres; car si nous le prenons dès sa premiere entrée au monde, [4] nous verrons qu'il naquit tout nud, du ventre de sa Mere, et, selon les revelations de sainte Brigide, la tres sainte Vierge le vit ainsy devant ses yeux, ayant produit ce fruit tres beni sans aucun travail ni prejudice de sa virginité.

  A010000066 

 Il naquit en pleurant ainsy que les autres enfans qui tous passent par là, car il ne s'en est jamais veu aucun qui ne soit né en pleurant, sinon Zoroastre, qui fut un tres meschant homme, «lequel se prit à rire en naissant.» Mais Nostre Seigneur n'est pas né en riant, ains en pleurant et gemissant, comme le tesmoigne un passage de l'Escriture qu'on luy peut bien appliquer, quoy que ce passage regarde Salomon, lequel parlant de soy dit: Bien que je sois un roy grand et admirable, si est-ce que je suis né sur la terre comme les autres enfans, en pleurant et gemissant.

  A010000067 

 Il changea l'eau en vin aux noces de Cana en Galiléo, et en ce dernier souper qui fut comme les noces de cet lispoux sucré, il convertit le pain en sa chair et le vin en son sang; de sorte qu'en cette transformation il commença à solemniser ces noces qu'il acheva sur l'arbre de la croix, car la mort du Sauveur fut le jour de ses noces..

  A010000069 

 Au reste, plusieurs des anciens Peres pensent que Nostre Seigneur et sa tres sainte Mere estans invités, les Apostres le furent aussi à cause d'eux.

  A010000069 

 C'estoit une petite villette proche de Nazareth, où demeuroyent les parens de la Vierge, et par consequent ceux de Nostre Seigneur.

  A010000069 

 Ils y allerent; mais comment? O certes, il est croyable que la Sainte Vierge s'y rendit dès la veille, car lors qu'il se fait des noces, les dames et parentes n'y vont pas le jour mesme mais dès la veille, et non seulement pour estre receues, ains encor pour ayder à recevoir les autres invités, et par ce moyen faire honneur à l'espouse.

  A010000069 

 Quelques Docteurs se plaisent à disputer si les Apostres y furent conviés ou non.

  A010000070 

 Certes, les noces où Nostre Seigneur et Nostre Dame assistent sont bien reglées et l'on y observe une grande modestie; mais celles de ce temps icy sont pleines de desbauches et toutes farcies de menteries, car quand on veut marier une fille, combien de mensonges dit-on! Elle est cecy, elle est cela, elle a tant d'heritage; ce jeune homme a toutes telles conditions et qualités.

  A010000070 

 Les Apostres allerent donc aux noces, et Nostre Seigneur y estant convié ne refusa point de s'y trouver; car voyez-vous, il estoit venu pour racheter, reformer et recreer l'homme, et pour ce faire il ne voulut pas prendre un maintien et une contenance grave, austere et rigide, mais bien une façon de proceder toute suave, civile et courtoise.

  A010000070 

 Les noces de Cana ne furent pas ainsy, parce que le mensonge ne se peut point trouver là où est Nostre Seigneur.

  A010000070 

 Puis viennent les regrets et reproches de part et d'autre, mais il n'est plus temps, car c'en est fait.

  A010000071 

 Il est croyable en effect que ces noces estoyent de gens pauvres, c'est pourquoy Nostre Seigneur y fut invité; il est vray, car il se plaist tant à traitter et converser avec les pauvres qu'il les favorise tousjours.

  A010000071 

 Il estoit ordinairement parmi eux; il ayme par tout la pauvreté, voirement dans les palais des roys, et prend un singulier playsir de se trouver où la pauvreté demeure.

  A010000071 

 Les serviteurs en furent un peu esmeus et effrayés, et voyant que les flacons s'en alloyent vuides, ils commencerent à en parler entr'eux pendant qu'ils versoyent le vin.

  A010000071 

 Que si ce cher Sauveur de nos ames se plaist à la rencontrer ès maisons des grans et parmi les noces, quel sera son contentement de la voir dans les Religions où l'on fait vœu de la garder! combien se plaira-t-il d'y trouver l'indigence parmi la suffisance, je veux dire, non pas le defaut des choses necessaires, mais neanmoins que l'on y est pauvre des superflues.

  A010000072 

 Ces bonnes gens qui vous ont invité s'en vont tomber en une grande ignominie si vous ne les secourez; mais je sçay que vous estes tout puissant, que vous pourvoirez à leur necessité et empescherez qu'ils ne reçoivent une telle honte et abjection.

  A010000074 

 C'est donques une bien bonne priere que celle cy de se contenter de representer ses necessités à Nostre Seigneur, les mettre devant les yeux de sa bonté et le laisser faire, avec asseurance qu'il nous exaucera selon nos besoins, luy disant à l'exemple de la Vierge, quand on se trouve aride, desolé et desconforté: Seigneur, me [9] voicy, pauvre fille que je suis, desolée, affligée, pleine de secheresses et aridités.

  A010000074 

 Me voicy, Seigneur, pauvre homme que je suis, le plus pauvre de tous les hommes et rempli de pechés.

  A010000075 

 En l'Oraison Dominicale que nous disons tous les jours, nous demandons premierement que le Royaume de Dieu nous advienne, comme le but et la fin à laquelle nous visons, et puis, que sa volonté soit faite, comme l'unique moyen pour nous conduire à cette beatitude; mais outre cela, nous faisons une autre requeste, à sçavoir, qu'il nous donne nostre pain quotidien.

  A010000075 

 La sainte Eglise a mesme des prieres speciales pour demander à Dieu les choses temporelles, car elle a des oraisons propres pour impetrer la paix en temps de guerre, la pluye en temps de secheresse et la serenité en temps de trop grande pluye; voire il y a des messes toutes particulieres pour le temps de la contagion.

  A010000076 

 Il y a deux manieres de les demander à Nostre Seigneur: l'une est en la façon que fit la Vierge; l'autre est de le prier qu'il nous donne telle ou telle chose ou qu'il nous delivre de quelque mal, avec cette condition toutefois, qu'il fasse en cela sa volonté et non la nostre.

  A010000077 

 Vous vous trompez; dites plustost: Je voudrois avoir les extases, les sentimens d'amour et d'humilité d'une sainte Therese, d'une sainte Catherine de Sienne, car ce n'est point l'amour que vous demandez, ains le sentiment et la suavité de cet amour.

  A010000078 

 Quelles paroles icy entre le Fils et la Mere, entre deux cœurs les plus aymans et les plus aymables qui furent jamais! Qu'avez-vous à demesler avec moy, femme? Ha, Seigneur, qu'a à faire la creature avec son Createur de qui elle tient l'estre et la vie! qu'a à faire la mere avec son fils, qu'a à demesler le fils avec la mere de qui il a receu le corps, c'est à dire l'humanité, la chair et le sang! Ces paroles semblent estre bien estranges, et en effect estans mal entendues par des ignorans qui les ont voulu interpreter, ils en ont formé trois ou quatre heresies.

  A010000079 

 Combien qu'en apparence elle soit un peu rude, ce n'est rien pour vous qui entendez le langage de l'amour, lequel ne s'explique pas seulement par les parolles, mais aussi parles yeux, par les gestes et par les actions.

  A010000079 

 Et quant aux yeux, les larmes qui en deseoulent sont des preuves de l'amour; c'est en cette façon que le Psalmiste donnoit des tesmoignages du sien lors qu'il respandoit une grande abondance de larmes devant son Dieu..

  A010000079 

 Il y a parmi les Docteurs une grande varieté d'opinions sur ces paroles de Nostre Seigneur: Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? Aucuns disent qu'il vouloit signifier: Qu'avons-nous à faire, vous et moy, de nous mesler de cela? Nous ne sommes que des invités, nous ne devons donc point avoir soin de ce qui manque; et plusieurs semblables raysons.

  A010000079 

 Mais demeurons fermes en celle que la pluspart des Peres tiennent, laquelle est que le Sauveur respondit à sa sainte Mere: Qu'ay-je à demesler avec vous? pour apprendre aux personnes qui sont constituées en quelque benefice ecclesiastique, de prelature et autres telles dignités, à ne se point servir de ces charges pour gratifier les parens selon la chair et le sang, ou faire en leur faveur chose aucune qui soit [12] tant soit peu repugnante à la loy de Dieu; car ils ne se doivent jamais oublier jusques là qu'à leur occasion ils viennent à s'esloigner de la droiture avec laquelle ils sont tenus à exercer leurs offices.

  A010000080 

 Aussi cette divine Amante, la tres sacrée Vierge, prit les paroles de Nostre Seigneur comme un faisceau de myrrhe qu'elle mit entre ses mammelles, au milieu de son amour; elle receut la goutte qui descouloit de cette myrrhe, laquelle raffermit son cœur en telle sorte qu'en entendant la responce qui aux autres sembloit un refus, elle creut sans aucun doute que le Sauveur luy avoit accordé ce qu'elle luy demandoit; et pour cela elle dit aux officiers: Faites tout ce qu'il vous dira.

  A010000081 

 Ainsy, les souspirs d'amour de Nostre Dame, comme disent les anciens Docteurs, avancerent l'Incarnation de Nostre Seigneur.

  A010000081 

 Cependant, Dieu avoit veu de toute eternité que Rebecca concevroit et auroit des enfans, mais avec cette condition qu'elle les obtiendroit par ses prieres; et si elle n'eust prié avec son mary Isaac elle n'eust point conceu.

  A010000081 

 Voyant donc qu'ils ne pouvoyent avoir des enfans à cause de sa sterilité, elle et son mary s'enfermerent en une chambre et prierent si fervemment que Dieu les ouyt, les exauça, et Rebecca devint grosse de deux jumeaux, Esau et Jacob.

  A010000083 

 J'ay veu une de ces cruches à Paris en une mayson de Religieux de l'Ordre de Cisteaux: elles sont fort grandes et ont en icelles des caracteres hebreux, mais je ne les leus pas, parce que je ne la vis que de loin.

  A010000083 

 Vin tres excellent que celuy cy dont nous sommes nourris, car c'est par la reception du corps et du sang du Sauveur que nous sont appliqués les merites de sa Mort et Passion..

  A010000084 

 Ce Sacrement nous a esté figuré par les miracles qui se sont faits en l'ancienne Loy.

  A010000084 

 D'aller chercher les raysons de telles disputes cela n'est point propre pour nous; mais tenons-nous à cette heure du costé de ceux qui disent qu'il y a des licornes et que leur poudre a la proprieté de chasser le venin.

  A010000084 

 Il faisoit au moyen d'icelle, sortir de l'eau des rochers, il convertissoit les eaux en sang, en somme il faisoit des prodiges qui tous estoyent des figures de ceux qui devoyent arriver en la loy de grace..

  A010000084 

 Les roys et grans princes ont pour l'ordinaire tousjours [15] avec eux de la poudre de la corne de licorne qui est propre à garantir du venin; et quand ils ont quelque incommodité ils prennent de cette poudre dans du vin pour s'en preserver.

  A010000084 

 Tous peuvent avoir de cette poudre aussi bien que les princes; neanmoins ces derniers ont cet advantage par dessus les autres qu'on leur fait des gobelets de cette corne, et ils prennent dans iceux la poudre de la licorne.

  A010000085 

 Voyla une bonne femme qui a un fils malade; o Dieu, il faut employer le Ciel et la terre, car cet enfant est unique, c'est le fruit de mon sein, c'est [16] en luy que j'ay mis toute mon esperance; et quand les remedes humains n'y peuvent plus rien on recourt aux vœux qu'on fait aux Saints.

  A010000086 

 Benissez-le en cette vie et vous le glorifierez avec tous les Bienheureux au Ciel, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000086 

 Faisons bien ce que le Sauveur nous dira, remplissons bien nos cœurs de l'eau de penitence, et l'on nous changera cette eau tepide en vin de fervent amour; faites soigneusement ce que vous avez aujourd'huy entre les mains, et demain on vous ordonnera autre chose.

  A010000094 

 L'avare la cherche dans les richesses, [18] mais il ne l'y sçauroit trouver, d'autant que les richesses ne sont qu'amertume; d'autres la cherchent dans les voluptés, mais ils ne l'y peuvent rencontrer, car les voluptés sont plus propres aux bestes qu'aux hommes, et au lieu de contenter le cœur elles l'abrutissent; d'autres recherchent leur felicité dans les honneurs et satisfactions de cette vie, mais ils ne l'y trouvent pas non plus, car tous les playsirs sont sujets à mille vicissitudes et accidens, et ceux qui possedent le plus de ces biens l'experimentent journellement; les plus grans roys et princes le ressentent mesme tous les jours, voire bien souvent avec plus de rigueur que le reste des hommes..

  A010000094 

 Quant au premier point, tous les hommes sont ces marchans et negociateurs qui cherchent des perles, lesquelles ne sont autre chose que la felicité et beatitude.

  A010000095 

 Il y a un negociateur qui cherche des perles, lequel est par dessus tous les autres.

  A010000095 

 Tous les Chrestiens sont ces chercheurs de perles, c'est à dire tous ont un appetit et mouvement par lequel ils appetent et recherchent le bien, la felicité et beatitude.

  A010000097 

 C'est ce qui nous a esté monstré par les anciens Religieux, lesquels furent nommés moines, ce qui signifie reliés, c'est à dire unis et resserrés.

  A010000097 

 La charité donques produit l'union icy bas; c'est elle qui retire et resserre les affections, qui relie et reunit tout ce qui est desuni, en somme c'est par cette union temporelle que l'on arrive à l'eternelle.

  A010000097 

 Mais pour y parvenir, il faut, pendant que nous sommes en cette vie, prendre, embrasser et rechercher les moyens qui nous y peuvent conduire.

  A010000098 

 Cependant, non seulement celles-là se vendent si cher, mais encores les diamans, qui ne sont point propres à sa santé, ains au contraire y nuisent, lesquels s'achetent neanmoins les quinze cens escus; et cela ne vient que de l'estime qu'on en fait..

  A010000098 

 Le negociateur de nostre Evangile cherchoit donques des perles; il represente tous les Chrestiens.

  A010000098 

 Mais quelles sont ces perles sinon les vertus et bonnes œuvres qui sont comme des perles et pierres pretieuses? Or, d'où vient que les pierreries ont un si grand prix parmi les hommes? Leur beauté et esclat les rend sans doute aggreables et prisables, mais ce n'est pas là la principale cause de leur valeur, ouy bien l'estime qu'on en fait parmi les mortels.

  A010000098 

 N'est ce pas une chose horrible et espouvantable de voir cette ehontée Cleopatra porter attachées à ses oreilles deux perles qui valoyent cinq mille escus? N'est ce pas un prodige et une estrange fantasie des humains que ces pierreries qu'ils estiment pretieuses et qui ne sont en effect que des pierres, soyent arrivées à une telle estime parmi eux qu'on vienne à vendre un diamant les cinq cens escus et davantage? N'est ce pas, dis-je, une grande folie? Certes, quand ces pierres, pour pretieuses qu'elles puissent estre, seroyent achetées un escu, c'est tout ce qu'elles vaudroyent, excepté celles qui peuvent servir à la santé de l'homme.

  A010000099 

 Et non content de cela, il est venu ça bas en terre comme un divin negociateur pour chercher ces pierres pretieuses, s'exerçant à la prattique des vertus, leur baillant encores un plus [21] beau lustre par ce moyen, à dessein de nous en rendre amoureux, à ce que, les recherchant et nous adonnant à la conqueste d'icelles, nous puissions obtenir la vie eternelle qui leur est reservée; car c'est aux vertus et bonnes œuvres qu'elle se donne, voyla pourquoy tous les Chrestiens les cherchent..

  A010000099 

 Les vertus, comme ces pierreries, sont d'elles mesmes d'un grand prix à cause de leur esclat qui les rend aggreables et prisables aux yeux des hommes; car elles sont fort belles, et tout ce qui est beau est pretieux.

  A010000100 

 Que s'il y en a quelques uns qui ne les trouvent pas, c'est qu'ils les cherchent et les pensent trouver où elles ne sont point, à sçavoir dans les richesses, dans les honneurs et voluptés; aussi sont-ils pour l'ordinaire trompés, car les vertus ne se tiennent pas emmi ces choses, on les y rencontre difficilement, et de plus, ces richesses, ces honneurs et voluptés n'apportent qu'amertume, degoust et fascherie.

  A010000101 

 De là vient que quoy que nos cœurs soyent [22] creés pour la felicité et qu'ils tendent à icelle, plusieurs n'y arrivent point, parce qu'ils ne font pas ce qui les y peut conduire..

  A010000101 

 Les Chrestiens sont donques ces chercheurs de perles et pierres pretieuses: ils en cherchent plusieurs, ils s'essayent de faire diverses bonnes œuvres; mais helas, miserables que nous sommes, apres beaucoup de peine et de travail pour trouver les vertus et faire des bonnes œuvres, nous n'en trouvons point et pour l'ordinaire n'en exerçons aucune, d'autant que nous ne les recherchons pas où elles sont et que nous ne faisons pas nos bonnes œuvres en la façon requise pour les rendre valables et meritoires.

  A010000102 

 Certes, toutes les perles sont uniques, car quoy qu'il y en ayt plusieurs, neanmoins elles sont toutes differentes l'une de l'autre et n'y en a pas deux qui se ressemblent.

  A010000103 

 C'est ce qu'on fait venant en Religion, par un entier renoncement de toutes les vanités du monde et de ce que l'on y possedoit; car il faut tout quitter, sans se reserver aucune chose pour petite qu'elle soit..

  A010000103 

 Cela se fait entrant en Religion par le renoncement entier et absolu de toutes choses, en rejettant le mal et en embrassant le bien, qui sont les deux principaux points de la perfection chrestienne.

  A010000103 

 Or, bien que tous les Chrestiens doivent rechercher cette perle et vendre tout ce qu'ils ont pour l'acquerir, chacun selon sa vocation, si est-ce que les Religieux, les Religieuses et les personnes dediées à Nostre Seigneur y sont obligés d'une obligation plus estroitte et particuliere.

  A010000103 

 Quoy que cette perle soit la perfection chrestienne, si est-ce que nous pouvons dire encores plus proprement que la perfection religieuse est la vraye perle evangelique, pour laquelle acheter il faut tout quitter, et en une façon bien plus speciale que pour la perfection chrestienne, car pour celle cy on la peut acquerir en gardant les commandemens de Dieu; mais pour la perfection religieuse il ne faut pas seulement garder les preceptes, ains aussi les conseils, les [23] secrettes inspirations et les mouvemens interieurs.

  A010000104 

 Ananias et Saphira sa femme ayans vendu leurs terres, en deposerent les deniers aux pieds de saint Pierre; mais ayans voulu user de quelque reserve, ils furent aigrement repris par iceluy et rigoureusement chastiés de Dieu pour leur feintise et dissimulation.

  A010000104 

 Les premiers Chrestiens vendoyent tout ce qu'ils avoyent pour acheter cette perle et apportoyent leurs biens aux pieds des Apostres.

  A010000104 

 Nous en devrions dire autant à ceux qui entrent en Religion: Si vous voulez garder quelque proprieté, restez au monde; vous y pouvez bien vivre et vous y sauver en observant les commandemens, sans venir en Religion pour retenir quelque chose, voulant encores user de vostre liberté et volonté.

  A010000105 

 (Il est hors de doute qu'il y a des lieux où les hommes naissent plus beaux qu'ailleurs. Or, l'Escosse a cet advantage par dessus les autres païs du monde, mais d'en vouloir deduire les raysons il n'est pas à propos icy; tout cela importe peu, pourveu que nous allions en Paradis c'est assez.).

  A010000105 

 Elle naquit en Escosse; c'estoit une fille extremement belle, car les Escossois sont naturellement beaux et on trouve en ce païs les plus belles creatures qui se puissent voir.

  A010000106 

 Donques, parmi les filles de cette contrée, qui sont naturellement belles, sainte Brigide l'estoit singulierement; c'est pourquoy, bien qu'elle fust de basse extraction selon sa mere, elle fut recherchée en mariage par les plus advantageux partis de toute l'Escosse, lesquels s'oubliant de la bassesse de son origine, la desiroyent pour son extraordinaire beauté qui la rendoit fort aggreable.

  A010000107 

 (Je sçay que plusieurs ne veulent pas nommer ces biens futurs biens de fortune, voire mesme le grand saint Augustin, parce que les payens appelloyent un de leurs dieux, le dieu de [25] Fortune; mais despuis ce temps, la chose a esté raccommodée, ou pour mieux dire spiritualisée, de sorte qu'on les appelle communement de ce nom.).

  A010000107 

 C'est beaucoup fait que d'avoir quitté les pretentions et esperances; il est mesme plus malaysé de s'en desprendre que des biens que l'on possede.

  A010000107 

 Elle renonça donques à tous les honneurs, richesses et playsirs que le monde luy presentoit, et aux biens de fortune, c'est à dire à ces biens à venir qui sont si difficiles à delaisser.

  A010000108 

 Elle auroit peu estre duchesse, marquise et mesme princesse, car puisque l'amour releve les amans, la fille de basse qualité espousée à un grand seigneur est faite telle que son mary, c'est à dire, elle perd la bassesse de son extraction pour participer et estre transformée en celle de son espoux.

  A010000108 

 Elle refusa cet honneur avec les richesses qui l'accompagnoyent; elle rejetta, pour suivre l'attrait de la grace, les playsirs et voluptés que telles choses luy presentoyent, nonobstant qu'elle vist bien qu'en les acceptant elle seroit, selon le monde, la plus heureuse fille qui se puisse rencontrer..

  A010000108 

 Sainte Brigide les quitta en une façon admirable, et d'abord elle renonça aux honneurs.

  A010000109 

 Mais quant à celuy de la beauté et de la santé, oh! ce sont ces deux cy dont elles se prisent; car les femmes et filles ont une jalousie toute particuliere de les conserver, et leur plus grand soin et estude ne tend à autre chose sinon à faire ce qui peut les accroistre et entretenir, comme si leur felicité en dependoit..

  A010000110 

 Entre autres choses, elle m'a advoué qu'elle se lavoit d'eau fraische, puis s'en alloit demeurer les trois heures entieres [26] au serein jusqu'à ce que son visage fust tout congelé.

  A010000110 

 Et que dirons-nous des femmes de Venise qui, apres avoir lavé leurs cheveux, se vont percher sur les toits les heures entieres aux rayons du soleil pour faire devenir leurs cheveux blonds, et de celles qui portent des emplastres sur leur visage tout le long de la semaine pour les arracher le Dimanche, à fin de paroistre blanches et aggreables aux yeux de quelques fous? En somme, c'est une chose estrange de ce que ce sexe met en œuvre pour conserver sa beauté; c'est pourquoy, d'autant plus qu'il est curieux de cecy, d'autant plus le renoncement que l'on en fait est excellent..

  A010000110 

 Une grande dame et princesse m'a souventefois raconté les folies qu'elle faisoit pour se rendre belle; elle me les a racontées, comme je dis, non une fois mais plusieurs.

  A010000113 

 Or, comme il ne suffit pas en Religion d'observer les commandemens de Dieu, ains encores ses inspirations particulieres et generales qui sont marquées dans les Statuts, Regles et Constitutions, pour les prattiquer il faut necessairement renoncer à sa propre volonté.

  A010000114 

 Certes, quand le jugement et la volonté propres sont renoncés, tout est fait; mais il faut bien travailler pour en arriver là, et ne pas s'estonner des difficultés ou de la peine que l'on esprouve tant pour les ruiner comme pour acquerir les vertus, car on ne les sçauroit avoir sans travail.

  A010000114 

 Or, de penser parvenir à ce point de perfection sans peine et d'obtenir les vertus sans difficulté, c'est une heresie plustost qu'autre chose, car la sainte Eglise a declaré, et c'est une verité infaillible, que l'homme sera toute sa vie sujet à des passions, changemens et vicissitudes; de sorte que pour aller contre ces passions, pour demeurer ferme et esgal parmi ces variations et marcher avec la pointe de l'esprit et de la rayson, il faut de necessité supporter du travail et de la peine.

  A010000115 

 Quand est-ce que nous vendons tout ce que nous possedons pour acquerir cette perle sinon quand nous nous dedions au service de Dieu? Quand on prend l'habit de Religion on commence [29] à tout rejetter, on quitte les biens, les honneurs, les parens, renoncemens fort difficiles à faire pour quelques uns; et neanmoins l'amour et amitié des proches est bien foible et fade parce que, s'il n'a point d'autre fondement que la nature, il se perd pour le moindre accident qui arrive.

  A010000115 

 Voyla donques comme cette grande sainte Brigide quitta les honneurs, biens, richesses et playsirs, les biens de fortune, les biens naturels et soy mesme, assujettissant pour jamais sa liberté et sa volonté à celle d'autruy, à fin de trouver et avoir cette unique perle, l'union temporelle de son ame avec Dieu, pour parvenir à l'eternelle en l'autre vie.

  A010000116 

 Mais il n'en est pas ainsy en Religion, ains l'on y souffre les reprehensions continuelles..

  A010000116 

 Pour nous autres mondains personne ne nous reprend; nous marchons par les grandes rues de ce monde avec des robes toutes boueuses, et pas un ne nous dit mot ni s'essaye de nous nettoyer; on nous laisse aller nostre chemin sans nous rien dire, ce qui fait que nous demeurons tousjours tout crotteux.

  A010000117 

 Au reste, quand mesme nous quitterions de grans biens [30] pour aller souffrir en Religion toutes les disettes et les incommodités que la pauvreté traisne apres soy, o Dieu, que ce seroit bien peu au prix de ce que Nostre Seigneur a quitté pour nous! car ne pouvant estre pauvre au Ciel, où il n'y a ni peut avoir aucune disette, il s'est humanisé et il est venu en ce monde endurer la plus grande pauvreté des choses necessaires à l'usage de sa vie, et ce, pour nous enrichir et donner des preuves de son amour..

  A010000117 

 Or, bien que cela se commence à prattiquer quand on se dedie au service de Dieu, si est-ce qu'il se fait bien plus entierement quand on prononce les vœux.

  A010000118 

 Je vous dis derechef que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous vous donnez tellement à Dieu que desormais vous viviez non plus selon vos humeurs et fantasies, mais selon les Regles et Constitutions et la volonté de ceux qui vous gouverneront..

  A010000118 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si aujourd'huy que vous voulez vous dedier à Dieu vous vous donnez toute à luy sans aucune reserve, et si, à l'imitation de sainte Brigide, vous quittez et renoncez toutes choses pour acheter cette perle unique de la perfection religieuse! Vous serez bienheureuse si de bon cœur vous venez chercher en cette mayson la vraye paix et tranquillité d'esprit, qui consiste et se trouve non pas dans les consolations ou mignardises, comme plusieurs pensent lesquels se trompent, mais dans le renoncement parfait et absolu de vostre propre volonté et jugement, en la sujetion et sousmission de vostre liberté, vous laissant conduire et gouverner par autruy.

  A010000118 

 Vous suivrez ainsy l'exemple de sainte Brigide qui estoit entre les mains de ses Superieurs comme une boule de cire, prenant toutes les impressions qu'on luy vouloit donner et se laissant manier au gré des autres sans aucune resistance.

  A010000120 

 Voicy donques ces lepreux venir à nostre Sainte pour estre gueris, laquelle les voyant, print de l'eau toute claire, la benit, puis leur commanda de se laver les uns les autres.

  A010000121 

 En quoy elle nous fait une belle leçon de la charité et dilection mutuelle qui doit regner parmi les Chrestiens, et qui doit estre tout particulierement gravée dans le cœur des Religieux et Religieuses; car ils se doivent nettoyer reciproquement de la lepre spirituelle par le moyen de la reprehension et correction fraternelle qui s'exerce en tout Ordre bien reformé..

  A010000121 

 Voyez-vous ce que fait cette Sainte, guidée de l'Esprit de Dieu, pour guerir ces lepreux? Elle leur dit: Lavez-vous les uns les autres.

  A010000122 

 C'est la leçon que noir, l'ait aujourd'huy sainte Brigide quand elle commande à ces ladres de se laver les uns les autres..

  A010000122 

 Il s'en trouve bien quelquefois, mais aussi tost qu'on les apperçoit on estend les mains les uns sur les autres.

  A010000122 

 Mais les lepreux sur lesquels il faut entendre la main sont les foibles et infirmes qu'il faut servit avec patience et charité.

  A010000122 

 Quand on vient à dire: Moy qui suis net je n'oserois toucher celuy là qui est encores malade; ou bien: C'est un membre pourri, la correction ne luy proffite point, c'est en vain qu'on se travaille apres luy, il vaut mieux le laisser, o Dieu, ne voyez-vous point le danger où vous estes de devenir vous mesme lepreux? Car, qui veut-on guerir sinon celuy qui est malade? Et pourquoy Nostre Seigneur est-il venu sinon pour les infirmes? Le juste, comme dit le glorieux Apostre, n'a pas besoin de loy; il n'est pas requis de luy persuader d'aymer Dieu, il l'ayme assez, ni encores d'aymer le prochain, car il sçait à quoy l'amour de Dieu l'excite et oblige.

  A010000123 

 Certes, il estoit bien raysonnable qu'elle illuminast les aveugles, puisqu'elle avoit choisi et demandé d'estre aveugle pour mieux servir son Sauveur..

  A010000123 

 La Superieure du monastere envoya la Sainte pour la guerir; elle y alla, mais voyant tant de beauté et [33] sçachant comme cet advantage est un grand obstacle à la beauté spirituelle, et combien les sens, principalement la veuë, sont dangereux et propres à nous faire perdre la pureté de l'ame quand ils sont mal gouvernés, Brigide se mit en priere.

  A010000124 

 Mais elle se sentit aussi tost esclairée d'une autre lumiere qui eschaufïa son cœur et qui luy fit appeter les biens eternels et perdurables, beaucoup plus excellens que ceux qu'elle appercevoit par ses sens; et lors, considerant combien cette veuë corporelle la pourroit empescher et retarder au dessein d'acquerir le souverain bien qui est Dieu, elle desira de la perdre une autre fois pour jouir plus pleinement de la veuë spirituelle.

  A010000125 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous quittez vostre veuë et si vous renoncez à tout pour tout avoir, embrassant en telle sorte la vraye mortification de vos sens et passions, que mesprisant toutes les choses temporelles et transitoires, [34] vous recherchiez avec cette bonne Urie les biens eternels et perdurables! Si vous vous livrez toute à Dieu et luy donnez tout ce qu'il vous demande, il vous octroyera tout ce qu'il est luy mesme et ne vous refusera rien de ce que vous requerrez de luy.

  A010000125 

 Vous quitterez le rien pour avoir le tout sans fin; vous arriverez là haut au Ciel pour jouir de cette felicité apres laquelle nos cœurs tendent continuellement, et où nous serons unis de cette union indissoluble et eternelle par tous les siecles des siecles.

  A010000132 

 Vous avez, mes tres cheres Filles, choisi un jour fort propre pour renoncer au monde et vous donner a Nostre Seigneur, car c'est un jour de joye pour les fidelles; aussi faites-vous une action de grande resjouissance en quittant le tracas de ce siecle pour vous mieux dedier à nostre cher Sauveur..

  A010000133 

 La mer de Galilée signifie le monde avec ses tracas et remuemens, où l'on a grande peine à entendre Nostre Seigneur, c'est à dire ses inspirations, si l'on ne va sur la montagne et qu'on ne se retire en la mayson de Dieu; car pourquoy ne peut-on pas parler en secret parmi les rues de Lyon, sinon à cause que l'on fait trop de bruit? Ainsy malaysement peut-on ouyr les paroles que le Sauveur dit au fond de nostre cœur au milieu de [36] tant d'embarrassemens.

  A010000134 

 Dieu a esté si bon en nostre endroit qu'il a institué des Sacremens en son Eglise pour toutes sortes de vocations, et sa Providence a voulu qu'en toutes les conditions il y eust des Saints: des rois, des empereurs, des princes, des prelats, des mariés, des vefves, des clercs, des religieux.

  A010000134 

 Mes cheres Filles, vous avez mieux fait que tous ceux-là, car encores qu'ils se puissent sauver chacun selon sa vocation, bien qu'avec grande peine, ils sont si enfoncés dans la terre, dans les richesses, dans les vanités, que malaysement ils s'acquittent de leurs devoirs envers Dieu; bienheureux neanmoins sont-ils si, parmi tant d'empeschemens, ils suivent Nostre Seigneur selon leur capacité.

  A010000134 

 Tous se peuvent sauver en observant les commandemens; et pourtant il y en a si peu dans le Christianisme qui s'adonnent à la veritable vertu! Grace à Dieu il y a par tout des Chrestiens: en France, en Europe, en Asie, en Afrique, en fin dans tous les païs du monde; mais le malheur est qu'il y en a si peu qui fassent profession de vrays Chrestiens que c'est grand pitié.

  A010000135 

 Si nous voulons que Nostre Seigneur ayt soin de nous il le faut suivre emmi les croix et les espines.

  A010000136 

 Ainsy vos mains, vous ne les tiendrez plus dans des manchons, vous ne prendrez plus tant de peine pour les entretenir, mais les employerez à tout ce que l'obeissance ordonnera.

  A010000136 

 De mesme vos autres sens, les mortifiant tous selon qu'on vous enseignera.

  A010000136 

 Vos yeux, vos oreilles, seront assujettis pour ne regarder ni entendre des choses vaines comme les passetemps, ains vous porterez la veue basse.

  A010000137 

 Mais souvenez-vous que quand Nostre Seigneur vit la multitude qui l'avoit suivi avec tant de peine, il en eut compassion et luy prepara un banquet; ainsy, mes cheres Filles, si vous avez une grande fidelité à marcher apres luy tant en l'affliction qu'en la consolation, il vous preparera un festin là haut au Ciel, car pendant cette vie il le faut suivre en la souffrance et parmi les tentations..

  A010000138 

 De mesme, il y a plusieurs Sacremens en la sainte Eglise pour acheminer un chacun à la perfection: le Sacrement du Baptesme, pour nous laver et purger de tous nos pechés, celuy de Confirmation pour nous fortifier, et ainsy des autres; celuy de l'Ordre pour nous enseigner et celuy du Mariage pour multiplier les fideles..

  A010000138 

 Les uns le suivoyent pour estre enseignés, les autres pour estre gueris, une autre partie alloit apres luy pour se renforcer, en fin chacun pour estre soulagé selon sa necessité.

  A010000139 

 Il ne faut pas faire comme les charbonniers lesquels, encores qu'ils soyent tout noircis et maschurés ne s'en soucient point, se contentant d'avoir des yeux et un nez et de paroistre hommes; de mesme les gens du monde pensent que quand ils se [39] gardent des gros pechés ils font assez.

  A010000139 

 Mais les courtisans du roy, au contraire, sont tousjours apres à se parer et mirer pour voir s'ils n'ont rien de mal accommodé; ainsy, pour estre aggreables à Nostre Seigneur, il faut avoir un grand soin de ne laisser rien entrer en nostre ame qui la puisse salir et enlaidir, car ce celeste Espoux est si jaloux de nostre cœur qu'il ne veut pas que rien le possede sinon luy qui est la consolation mesme, et sans lequel tout n'est qu'amertume.

  A010000139 

 Si vous luy estes fidelles, les Regles vous seront du miel, les Constitutions du sucre et les mortifications des roses; l'obeissance vous sera un doux repos et vous vivrez comme des vrayes espouses de Jesus Christ crucifié; et de mesme qu'on appelle reynes les espouses des roys, vous, on vous appellera les crucifiées, parce que vostre Espoux c'est Jesus Christ crucifié, pendant cette vie, mais en l'autre il sera Jesus Christ glorifié.

  A010000149 

 meilleures que le vin et respandent les.

  A010000150 

 parfums des onguens les plus exquis..

  A010000153 

 Ton nom est comme un huile respandu, lequel estant composé de tous les parfums plus pretieux, rend des odeurs souverainement delectables; c'est pourquoy les jeunes filles t'ont aymé.

  A010000154 

 Il luy fut donné par son celeste Espoux au jour de l'Annonciation que nous celebrons aujourd'huy, au mesme moment qu'elle eslança ce souspir tres amoureux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Ce fut alors que cette divine union du Verbe eternel avec la nature humaine, representée par ce bayser, se fit dans les entrailles sacrées de la glorieuse Vierge..

  A010000154 

 Les Peres, considerant cette parolle du Cantique des Cantiques que l'Espouse addresse à son Espoux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, disent que ce bayser qu'elle desire si ardemment n'est autre que [41] l'execution du mystere de l'Incarnation de Nostre Seigneur, bayser tant attendu et souhaitté pendant une si longue suite d'années par toutes les ames qui meritent le nom d'amantes.

  A010000155 

 O consentement digne de grande resjouissance pour les hommes, d'autant que c'est le commencement de leur bonheur eternel.

  A010000156 

 En effect, les mammelles representent les affections, d'autant qu'elles sont posées sur le cœur et, ainsy que disent les medecins, [42] le lait dont elles sont remplies est comme la moelle de l'amour maternel des meres envers leurs enfans, cet amour le produisant pour leur nourriture..

  A010000156 

 Les mammelles de Nostre Seigneur sont ses amours.

  A010000157 

 Le vin, qui resjouit et fortifie le cœur, figure, selon les Docteurs, les joyes et les contentemens terrestres.

  A010000157 

 Les amours de Nostre Seigneur ont, au dessus de tous les playsirs terriens, une force incomparable et une proprieté indicible pour recreer le cœur humain, non seulement plus que toute autre chose, ains rien n'est capable de luy donner un parfait contentement que le seul amour de Dieu.

  A010000157 

 Prenez, si vous voulez, tous les plus grans de la terre et considerez leur condition les uns apres les autres; vous verrez qu'ils ne sont jamais vrayement satisfaits, car s'ils sont riches et eslevés aux plus hautes dignités du monde ils en desirent tousjours davantage..

  A010000158 

 Il avoit presque la seigneurie universelle de toute la terre, il en estoit quasi maistre absolu, de sorte que tout le monde observoit le silence en sa presence et les princes n'osoyent souffler mot; tout trembloit, par maniere de parler, sous son authorité, pour la grande reverence qu'on luy portoit.

  A010000158 

 L'exemple d'Alexandre, que les mondains appellent le Grand, certifie assez mon dire.

  A010000158 

 Mais de quoy? Hé, disoit-il, parce que, y ayant plusieurs mondes, il n'en avoit pas conquis entierement un seul; si qu'il desesperoit de ne les pas tous avoir en sa domination.

  A010000159 

 N'estimeroit-on pas bien fol et de [43] peu de jugement un marchand qui travailleroit beaucoup à faire quelque commerce dont il ne luy reviendroit que de la peine? Donques, je vous prie, ceux dont l'entendement estant esclairé de la lumiere celeste sçavent asseurement qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse donner un vray contentement à leurs cœurs, ne font-ils pas un trafic inutile logeant leurs affections aux creatures inanimées ou bien à des hommes comme eux? Les biens terriens, les maysons, l'or et l'argent, les richesses, voire les honneurs, les dignités que nostre ambition nous fait rechercher si esperduement, ne sont-ce pas des trafics vains? Tout cela estant perissable, n'avons-nous pas grand tort d'y loger nostre cœur, puisque, au lieu de luy donner un vray repos et quietude, il luy fournit des sujets d'empressement et d'inquietude tres grande, soit pour les conserver si on les a, soit pour les accroistre ou acquerir si on ne les a pas?.

  A010000160 

 Je passe plus avant et veux que nous aymions les Anges; parlant communement, quel gain en tirerons-nous? car ce sont comme nous des creatures, esgalement sujettes à Dieu, nostre commun Createur.

  A010000160 

 Je veux que nous logions nos affections et nostre amour aux hommes, qui sont creatures animées, capables de rayson; qu'est-ce qui nous en reviendra? Nostre trafic ne sera-t-il pas vain, puisqu'estans hommes comme nous, esgaux en la nature, ils ne peuvent que nous rendre un contreschange en nous aymant parce que nous les aymons? Mais ce sera tout, car n'estans pas plus que nous, nous ne ferons nul profit, et ne recevrons pas plus que nous ne leur donnons: nous leur donnerons nostre amour et ils nous donneront le leur, et l'un pour l'autre.

  A010000160 

 Les Cherubins et les Seraphins n'ont aucun pouvoir de nous aggrandir ni de nous donner un contentement parfait, d'autant que Dieu s'est reservé cela, ne voulant pas que nous trouvions a loger nostre amour hors de luy, tant il en est jaloux..

  A010000161 

 Or, le Pape pensant en soy mesme par quel moyen il le pourroit ravoir, s'avisa de cet artifice: il fit escrire à tous les princes et à tous les grans que si ce chantre s'en alloit presenter à eux ils ne le receussent point à leur service, jugeant que ne trouvant point d'autre meilleure retraitte, le pauvre chantre retourneroit en fin à luy.

  A010000162 

 Folie insupportable! car quel bonheur, ains quel honneur, quelle grace et quel sujet d'un parfait contentement que d'estre aymé de Dieu et de demeurer en la mayson de sa divine Majesté, c'est à dire d'avoir logé en luy tout nostre amour, sans autre pretention que de luy estre aggreable! Et cependant, voyla que ce cœur humain se laisse emporter à sa fantasie et s'en va de creature en creature, de mayson en mayson pour voir s'il ne pourra point trouver quelqu'un qui le veuille recevoir et luy donner du contentement parfait; mais en vain, car Dieu, qui s'est reservé ce chantre pour luy seul, a commandé à toutes les creatures, de quelque nature qu'elles soyent, de ne luy donner satisfaction ni consolation quelconque, à fin que par ce moyen il soit contraint de retourner à luy qui est ce Maistre bon d'une incomparable bonté.

  A010000162 

 Vous ne sçauriez croire combien Dieu se recrée à ouyr les louanges qui luy sont données par le cœur qui l'ayme; il se plaist grandement aux eslans de nos voix et en l'harmonie de nostre musique.

  A010000163 

 O que la bonté de nostre Dieu est grande! C'est pourquoy l'Espouse à juste rayson s'escrie: O mon Bien-Aymé, que meilleures sans comparaison sont tes mammelles, que tes amours et tes delices sont mille fois plus aggreables que celles de la terre! car les creatures, fussent-elles des plus hautes et relevées et des Anges mesme, fussent-elles des freres ou des sœurs, elles ne nous sçauroyent satisfaire ni contenter.

  A010000164 

 O que cette sainte Amante, nostre Dame et Maistresse, avoit bien gousté la douceur de ces divines mammelles lors qu'en l'abondance des consolations qu'elle recevoit en la contemplation, toute transportée d'ayse et d'un contentement indicible, elle se prit à les louer! Elle nous incite par son exemple à quitter toute autre pretention des satisfactions de la terre, à fin d'avoir l'honneur et la grace de les succer, et recevoir le lait de la misericorde qui en distille goutte à goutte sur ceux qui s'en approchent pour le recevoir..

  A010000165 

 Mais l'Espouse ne s'arreste pas là, car poursuivant elle dit que le nom de son Bien-Aymé est comme un huile respandu, composé de plusieurs excellentes odeurs, lesquelles ne se peuvent imaginer, voulant signifier: Mon Bien-Aymé n'est pas seulement parfumé, ains il est le parfum mesme; c'est pourquoy, adjouste-t-elle, les jeunes filles t'ont aymé.

  A010000165 

 O Dieu, quelle grace de reserver tout nostre amour pour Celuy qui nous recompense si bien en nous donnant le sien! En donnant nostre amour aux creatures nous ne recevons nul gain, d'autant qu'elles ne nous rendent pas plus que nous ne leur donnons; mais nostre divin Sauveur nous donne le sien, qui est comme un baume pretieux lequel respand des odeurs souveraines en toutes les facultés de nostre ame..

  A010000165 

 Qu'est-ce que la divine amante desire que nous entendions par ces jeunes filles? Les jeunes filles representent en ce sujet certaines jeunes ames qui n'ayans encores logé leur amour nulle part, sont merveilleusement propres à aymer le celeste Amant de nos cœurs, Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A010000165 

 Ton nom, poursuit la sainte Espouse, respand des odeurs si delicates que les jeunes filles t'ont aymé, te dediant toutes leurs amours et toutes leurs affections.

  A010000167 

 Les saints Peres s'arrestent à considerer ce que cette Espouse veut signifier par ces paroles: Tirez-moy et nous courrons, d'autant que c'est comme si elle disoit: Bien que vous ne tiriez que moy, nous serons toutefois plusieurs qui courrons.

  A010000168 

 Nous voicy maintenant à l'autre partie de nostre exhortation, qui est la Profession et dedicace que ces filles viennent faire de leur cœur à la divine Majesté, dedicace et offrande qu'elles n'eussent pourtant jamais eu volonté de faire si le souverain Espoux de nos ames ne les eust attirées et prevenues de sa grace.

  A010000168 

 O qu'heureuses sont les Religieuses qui vivent sous l'Institut de cette divine Abbesse et qui sont instruites par cette grande Doctoresse, laquelle a puisé la science dans le co ur mesme de son cher Fils nostre Sauveur, qui est la sapience du Pere eternel....

  A010000169 

 Les Religieuses que font-elles autre chose sinon de se tenir dans leurs chambres? ains, non contentes de cela, elles s'enfoncent en elles mesmes pour demeurer plus seules, et par ce moyen se rendre plus capables de jouir de la conversation de leur Espoux.

  A010000169 

 Mais vous avez beau vous cacher, les Anges vous sçauront bien trouver; ne voyez-vous pas que Nostre Dame estant toute seule fut bien trouvée par saint Gabriel?.

  A010000170 

 La beauté de la fille de Sion est au dedans, dit le Psalmiste, parce qu'elle sçait bien que le divin Espoux regarde luy seul le dedans, tandis que les hommes ne voyent que le dehors.

  A010000170 

 Les vierges et les Religieuses ne sont jamais mieux à leur contentement que lors qu'elles sont toutes seulettes pour contempler à leur ayse la beauté du celeste Amant.

  A010000171 

 Mais considerons un peu à part, je vous prie, les vertus qu'elle prattiqua et fit paroistre plus excellemment que toutes autres au jour de sa glorieuse Annonciation, vertus que je ne feray que marquer en passant et [49] puis je finiray.

  A010000171 

 Premierement, une virginité et pureté qui n'a point de semblable entre les creatures; secondement, une souveraine et profonde humilité, jointe et unie inseparablement avec la charité..

  A010000173 

 C'est à son imitation, comme nous l'avons dit, que les vierges ont voué leur chasteté; mais la virginité de cette divine Mere a encores cette proprieté de restablir et reparer celle mesme qui auroit esté souillée et tachée en quelque temps de leur vie.

  A010000173 

 L'Escriture Sainte tesmoigne que du temps qu'elle vivoit elle appel la desja une grande quantité de vierges, si que plusieurs l'accompagnoyent par toutou elle alloit: sainte Marthe, sainte Marcelle, les Marie et tant d'autres.

  A010000173 

 Mais en particulier, n'est-ce point par son moyen et par son exemple que sainte Magdeleine, qui estoit comme un chaudron noirci de mille sortes d'immondicités et le receptacle de l'immondicité mesme, fut par apres enroollée sous l'estendart de la pureté de Nostre Dame, estant convertie en une fiole de cristal toute resplendissante et transparente, capable de recevoir et retenir les plus pretieuses liqueurs et les eaux plus salutaires?.

  A010000175 

 Les Anges ne sont nullement louables de ce qu'ils sont vierges et chastes, car ils ne peuvent pas estre autrement; mais nostre sacrée Maistresse a une virginité digne d'estre exaltée, d'autant qu'elle est choisie, esleue et vouée; et si bien elle fut mariée à un homme, ce ne fut point au prejudice de sa virginité, parce que son mari estoit vierge, et avoit comme elle voué de l'estre tousjours.

  A010000175 

 O que cette tres sainte Dame ayma cherement cette vertu! c'est pourquoy elle en fit le vœu, elle s'accompagna tous-jours de vierges et les favorisa particulierement..

  A010000176 

 A Dieu ja ne plaise que nous pensions que cette espreuve ressemble aux nostres, car estant toute pure et la pureté mesme, elle ne pouvoit [51] recevoir les attaques que nous recevons et qui nous tourmentent nous autres qui portons la tentation en nous.

  A010000176 

 Ces tentations n'eussent pas seulement osé approcher les murs inexpugnables de son integrité.

  A010000176 

 Elles sont si importunes que le grand Apostre saint Paul escrit qu'il pria par trois fois Nostre Seigneur de les luy oster, ou bien d'en moderer de telle sorte la fureur qu'il peust y resister sans offense et sans cheute..

  A010000177 

 Et tout ainsy que la sacristaine d'une eglise a un grand soin de bien fermer les portes, de peur que l'on ne vienne à despouiller ses autels, et regarde tousjours autour d'iceux si on n'a point pris quelque chose, de mesme la pudeur des vierges est sans cesse aux aguets pour voir si rien ne viendra point attaquer leur chasteté ou mettre en peril leur virginité, de laquelle elle est extremement jalouse; et dès qu'elle apperçoit quelques choses noires, quand ce ne seroit que l'ombre du mal, elle s'esmeut et se trouble comme fit la tres auguste Marie..

  A010000178 

 Certes, elle estoit familiere avec les Anges, mais elle n'avoit neanmoins jamais esté louée par eux [52] jusqu'à cette heure là, d'autant que ce n'est point leur coustume de louer personne, si ce n'est quelquefois pour encourager en quelque grande entreprise.

  A010000180 

 Ces deux vertus sont [53] semblables à l'eschelle de Jacob sur laquelle les Anges montoyent et descendoyent.

  A010000186 

 La tres sainte Vierge fut tirée seule et la premiere par le celeste Espoux pour se consacrer et se dedier totalement à son service, car elle fut la premiere qui consacra son corps et son ame par le vœu de virginité à Dieu; mais soudain qu'elle fut tirée elle tira quantité d'ames, qui luy ont fait offre d'elles mesmes pour marcher sous ses auspices sacrés en l'observance d'une parfaite et inviolable virginité et chasteté; si que despuis qu'elle a tracé le chemin, il a tousjours esté couvert et chargé d'ames qui se sont venues consacrer par les vœux au service de la divine Majesté.

  A010000187 

 Oh! si la Mere de Dieu eust esté de la nature angelique, combien les Cherubins et les Seraphins s'en glorifieroyent et tiendroyent honnorés! Nostre Dame est bien aussi l'honneur, le prototype et le patron des hommes et des femmes qui vivent vertueusement, et des vefves; mais pourtant nul ne peut nier que les filles n'ayent une certaine alliance avec elle plus particuliere que non pas le reste des hommes, parce que cette ressemblance de la virginité, qui est du sexe et de la condition, y apporte une grande capacité et un grand advantage pour s'en approcher de plus pres..

  A010000188 

 Et pour dire la verité, les hommes ne font pas un si grand renoncement de leur liberté comme font les filles, qui se tiennent resserrées dans les celestes prisons de Nostre Seigneur, qui sont les Religions, pour passer le reste de leurs jours sans en pouvoir jamais sortir, si ce n'est pour de certaines occasions fort rares et signalées, comme d'aller establir et fonder des monasteres..

  A010000188 

 Et pour moy, je pense que ce qu'on a fait de tout temps une feste plus grande pour leur entrée et Profession en Religion qu'on ne fait pas pour les hommes, n'est pour autre rayson sinon que le sexe estant plus fragile et faisant un acte de si grande vaillance comme est celuy qu'elles font entrant en Religion, qu'il requiert aussi plus d'honneur, et Dieu merite plus d'estre honnoré et admiré en cette solemnité, que non pas en la [55] profession que les hommes font de vivre en Religion.

  A010000189 

 Car on ne les trompe point, leur disant qu'estans Religieuses, Nostre Seigneur leur donnera du sucre, comme l'on fait aux petits enfans, pour les amadouer; on ne leur dit point non plus qu'on les conduira sur la montagne de Thabor où elles diront avec saint Pierre: Bonum est nos hic esse; Il fait bon icy.

  A010000189 

 Ils quittent voirement bien le monde d'affection, car tous les Religieux le doivent faire; mais neanmoins on les void tousjours avoir quelque conversation avec les personnes du monde, ce qui soulage un peu la rigueur des lois qui sont dans l'enclos du monastere.

  A010000189 

 Les hommes qui entrent en Religion y entrent bien pour y vivre en obeissance selon les Regles et Statuts d'icelle; mais si faut-il confesser que le renoncement qu'ils font de leur liberté n'est pas si extreme que celuy des filles, d'autant qu'ils ont encores la liberté de sortir, d'aller de couvent en couvent, de prescher, de confesser et faire ainsy plusieurs autres exercices qui leur servent de divertissement.

  A010000189 

 Où les filles qui se viennent dedier à Dieu, rejettent et abandonnent tout cela, renonçant à cette derniere piece que la nature veuille quitter, qui est la liberté; si que nous pouvons bien dire que ces filles font une chose au dessus de la nature, estant besoin que Dieu leur donne une force surnaturelle pour faire cet acte si parfait de se dedier à son divin service par un renoncement si grand comme est celuy qu'elles font.

  A010000190 

 Dites-moy donques, s'il vous plaist, n'est-ce pas un acte de tres grande consideration, et digne d'estre honnoré, que celuy que font ces filles en passant outre, bien qu'on ne leur represente que croix, qu'espines, que lances, que clous et en fin que mortifications en la Religion? O ames grandement genereuses et qui monstrez qu'en verité vous bataillez et marchez sous les auspices de nostre sainte et glorieuse Maistresse, qui est la tres sainte Vierge! O sans doute, il faut bien que ces filles ayent consideré que c'est le propre de l'amour de rendre leger ce qui est pesant, doux ce qui est amer et facile ce qui est insupportablement difficile sans amour.

  A010000191 

 Allez donc, mes cheres Filles, ou plustost venez amoureusement vous dedier à Dieu et au service de son tres pur amour; et bien que vous rencontriez du travail, la peine vous en sera bien aymée, en l'asseurance que vous contenterez Dieu et vous rendrez aggreables à vostre chere Patronne, laquelle bien qu'elle n'aye pas eu le nom de Religieuse, n'a pas laissé pourtant d'en pratiquer les exercices, et laquelle, bien qu'elle soit Protectrice de tous les hommes et de chaque vocation en general, s'est neanmoins rendue particuliere Protectrice des vierges qui se sont dediées au service de son Fils en la Religion, d'autant qu'elle a esté comme une Abbesse qui leur a monstré l'exemple de tout ce qu'elles [57] devoyent faire pour vivre religieusement.

  A010000192 

 Ceux qui sont passagers font la transmigration, d'autant qu'ils passent d'un lieu à l'autre, comme font les arondelles et les rossignols qui ne demeurent pas ordinairement en ces quartiers, ains ils n'y sont qu'au temps des chaleurs et du printemps, et l'hiver venant ils font la transmigration, se retirans aux autres pais où le printemps et les chaleurs sont en mesme temps que nous avons icy les froidures de l'hiver; mais nostre printemps revenant, ils reviennent et font derechef la transmigration, c'est à dire le passage d'une contrée à l'autre, nous venant recreer par leur petit gazouillement..

  A010000192 

 Sur quoy il faut que vous sçachiez qu'il y a de deux sortes d'oyseaux, les uns qui sont passagers et les autres qui ne le sont pas.

  A010000193 

 Les Religieux et Religieuses ne sont-ils pas au païs de transmigration, et ne font-ils pas le passage du monde en la Religion, comme en un lieu de printemps, pour chanter les divines louanges et pour s'exempter de souffrir les froidures et les gelées du monde? Hé! n'est-ce pas pour cela qu'ils entrent en la Religion, où il n'y a que printemps et que chaleur, le Soleil de justice dardant fort ordinairement ses rayons sur les cœurs des Religieux, lesquels il n'eschauffe pas moins en les esclairant qu'il les esclaire en les eschauffant? Et qu'est-ce que le monde sinon un hiver extremement froid, où il n'y a que des ames gelées et froides comme glace? J'entens ceux qui estans au monde vivent selon les lois du monde, car je sçay bien qu'on peut vivre parfaittement en toutes sortes de vocations, mesme dans le monde, aussi bien [58] qu'en Religion; et pourveu qu'on le veuille, l'on peut en tous lieux parvenir à un tres haut degré de perfection.

  A010000193 

 Mais pour parler selon que nous voyons estre le plus ordinaire, l'on ne rencontre presque au monde que des cœurs de glace, tant ils sont froids et peu eschauffés de ce feu supresme dont tous les autres feux prennent leur origine et leur chaleur.

  A010000194 

 Nostre Dame donques, comme les Religieuses, estoit au païs de transmigration; mais, o Dieu, qu'elle fit admirablement bien cette transmigration, passant d'un degré de perfection en un autre degré plus haut! Bref, sa vie ne fut autre chose qu'un passage continuel de vertu en vertu, en quoy toutes les Religieuses la doivent imiter le plus parfaittement qu'elles pourront, puisqu'elles sont celles qui l'approchent de plus pres que tout le reste des creatures; car c'est sans doute qu'elles sont de ces vierges dont parle le Psalmiste quand il dit qu'elles seront amenées au Roy, les plus proches d'elle: Adducentur Regi virgines post eam, proximae ejus.

  A010000195 

 La seconde remarque que je fais sur les paroles de l'Evangile est que Nostre Dame fut trouvée par l'Ange en la cité de Nazareth.

  A010000195 

 O que cette cité represente bien à propos la Religion! car qu'est-ce que la Religion, sinon une maison ou une cité fleurie et toute parsemée de fleurs, d'autant qu'on n'y fait chose quelconque, quand on y vit selon les Regles et Statuts d'icelle, que ce ne soyent autant de fleurs? Les mortifications, les humiliations, les oraisons, bref, tous les exercices, qu'est-ce autre chose que des pratiques de vertus, qui sont comme de belles fleurs qui [59] respandent une odeur extremement suave devant la divine Majesté? Or, qu'est-ce que la Religion sinon un parterre tout semé de fleurs tres aggreables à la veuë et d'odeur tres salutaire à ceux qui les veulent odorer?.

  A010000196 

 A qui appartiennent, je vous prie, tant de fleurs dont l'Eglise a esté remplie et a esté tant embellie et ornée, sinon à la tres sainte Vierge, l'exemple de laquelle les a toutes produites? Et n'est-ce pas par son moyen que l'Eglise a esté parsemée des roses des Martyrs invincibles en leur constance, des soucis de tant de saints Confesseurs et des violettes de tant de saintes Vefves, qui sont petites, humbles et basses comme ces fleurs, mais qui respandent une tres bonne et suave odeur? Et en fin, n'est-ce pas à elle à qui appartiennent plus particulierement tant de lys blancs, tant de puretés et de virginités toutes candides et toutes innocentes? d'autant que ç'a esté à son exemple que tant de vierges ont consacré leurs cœurs et leurs corps à la divine Majesté, par une resolution et un vœu tres indissoluble de conserver leur virginité et pureté..

  A010000196 

 Il est donc dit de la tres sainte Vierge qu'elle estoit en la cité fleurie; mais qu'estoit-elle elle mesme, sinon une fleur choisie entre toutes les autres fleurs pour sa rare beauté et son excellence? fleur qui par son odeur tres suavement incomparable a la proprieté d'engendrer et de produire d'autres fleurs.

  A010000202 

 Or, celle cy est si excellente que tous les philosophes n'ont point encores fini ni resolu leur admiration, en voyant comme Dieu a conjoint l'ame et le corps, mais d'une jonction tellement estroitte que le corps, sans laisser d'estre corps, et l'esprit, sans laisser d'estre esprit, ne font neanmoins qu'une seule personne.

  A010000203 

 La premiere est celle de [61] la nature divine avec la nature humaine dans ses sacrés flancs, laquelle est si eslevée qu'elle surpasse infiniment tout ce que les entendemens humains et angeliques en peuvent concevoir ou comprendre.

  A010000205 

 L'humilité fait tout le contraire; elle [62] rabaisse l'ame au dessous d'elle mesme et de toutes les creatures, ayant cela de propre, que plus elle est grande plus elle ravale à ses propres yeux l'ame dans laquelle elle demeure.

  A010000205 

 Voyez un peu les extremités de ces deux vertus, et vous direz: Comment peut-on accorder, unir et joindre ensemble l'humilité et la charité, puisque la nature de l'une est de monter en haut, et celle de l'autre de descendre en bas? C'est une chose naturellement impossible..

  A010000207 

 Certes, nostre tres glorieuse Maistresse pratiqua ces deux vertus en un souverain degré au temps de l'Incarnation, lors que l'Ange Gabriel luy avant annoncé ce mystere ineffable, elle respondit: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car pendant qu'il la declaroit Mere de Dieu et Reyne des Anges et des hommes, qu'il luy faisoit entendre qu'elle estoit eslevée par dessus toutes les creatures angeliques et humaines, elle s'abaissa aux pieds [63] de toutes, disant: Voicy la chambriere du Seigneur.

  A010000207 

 Humilité grande que celle cy! La Sainte Vierge eut alors une telle et si claire connoissance de la misere de nostre nature et de la distance qu'il y a entre Dieu et l'homme, que, se voyant rehaussée et esleue au dessus de tous, elle se rabaissa au plus profond de son neant devant les incomprehensibles et inespuisables abismes de l'immense bonté de Dieu..

  A010000209 

 Ce qu'elle nous fait entendre elle mesme par ces paroles de son sacré Cantique: Parce que le Seigneur a regardé ma vileté, ma bassesse et ma misere, toutes les nations m'appelleront bienheureuse.

  A010000209 

 Voyla comment l'humilité est jointe à la charité en Nostre Dame, et comment son humilité la fait exalter; car Dieu regarde les choses basses pour les relever; c'est pourquoy, voyant cette sainte Vierge humiliée au dessous de toutes les creatures, il jetta les yeux sur elle et la rehaussa au dessus de toutes.

  A010000210 

 Donc, si nous voulons monstrer que nous aymons bien Dieu, et si nous voulons qu'on nous croye quand nous l'asseurons, il nous faut bien aymer nos freres, les servir et ayder en leurs besoins.

  A010000210 

 Or la Sainte Vierge, sçachant cette verité, se leva promptement, dit l'Evangeliste, et s'en alla diligemment vers les montagnes de Juda, en la ville d'Hebron ou, comme d'autres disent, de Hierusalem (cela importe peu), pour servir sa cousine Elizabeth en sa viellesse et grossesse.

  A010000211 

 Elle ne sortit donc pas le jour mesme de l'Incarnation, ains quelques jours apres, et s'en alla en grande diligence par les montagnes de Juda.

  A010000211 

 Que si nous luy voulons donner un nom digne de son excellence il nous la faut nommer Mere de Dieu; car ce mot est si sureslevé que tous les tiltres, les louanges et eloges que nous luy sçaurions donner sont compris dans iceluy.

  A010000212 

 Mais que de benedictions et de graces entrerent en cette maison avec la sacrée Vierge! Ce qui se connoist par les parolles de sainte Elizabeth, laquelle avec un esprit de prophetie s'escria d'une voix claire et intelligible: D'où me vient ce bonheur que la Mere de mon Dieu vienne me visiter? Puis, poursuivant elle dit: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A010000212 

 O Dieu, qui pourroit comprendre les douceurs et suavités qui s'escoulerent dans le cœur de sainte Elizabeth en cette Visitation? Comme est-ce qu'elle meditoit ce grand mystere de l'Incarnation et les graces et faveurs que le Seigneur luy avoit accordées? Que de paroles amoureuses, que de divins colloques faisoit saint Jean dès le sein de sa mere avec son cher Maistre [66] qu'il reconnoissoit et adoroit dans celuy de Nostre Dame! Que de benedictions et de lumieres ce cher Sauveur de nos ames respandoit dans le cœur de son Precurseur! Il luy avança donc à cette heure l'usage de rayson; mais je ne vous en diray rien pour le present parce que je me souviens fort bien de vous en avoir desja parlé autrefois..

  A010000212 

 Vous estes benite entre toutes les femmes, et beni est le fruit de vostre ventre, Jesus.

  A010000213 

 Il failloit bien que saint Jean reconneust le Sauveur dans les entrailles de Nostre Dame, puisqu'à son arrivée il tressaillit de joye dans celles de sa mere; il failloit bien aussi qu'ill'aymast, car on ne tressaille point de joye pour la venue de ceux qu'on ne connoist et qu'on n'ayme point.

  A010000213 

 Nostre Seigneur et saint Jean Baptiste estans encores dans les entrailles de leurs meres, se connoissoyent, se parloyent, s'aymoient, avoyent l'usage du sentiment, du jugement et de la rayson.

  A010000213 

 Or, sainte Elizabeth fait foy de cette verité par les parolles qu'elle dit à la Vierge..

  A010000214 

 En effect, si vous regardez un cheval, ne connoissez-vous [67] pas sa fierté à son crin, à sa teste, à son alleure? Il bat le pavé, il fait le feu avec les pieds.

  A010000214 

 Mais que fait Nostre Dame parmi toutes ces louanges et benedictions? Elle n'agit point comme les femmes du monde, lesquelles si on les hausse, au lieu de s'humilier elles se rehaussent encores davantage.

  A010000215 

 Cecy arrive pour l'ordinaire aux esprits foibles; aussi les plus imparfaites sont les plus sujettes à telles sottises, niaiseries et lanterneries.

  A010000215 

 La foiblesse de leur sexe les porte bien à cela: pour peu qu'on les touche elles s'eslevent; souvent elles se forgent des pensées et opinions d'elles mesmes qui les font presumer d'estre quelque chose au dessus des autres.

  A010000216 

 Lors que l'Ange l'appelle Mere de Dieu, s'enfonçant dans l'abisme de son neant, elle se dit sa chambriere, et lors que sainte Elizabeth la proclame bienheureuse et benite entre les femmes, elle respond que cette benediction procede de ce que le Seigneur a regardé sa bassesse, sa petitesse et son abjection.

  A010000216 

 [68] O Dieu, que l'humilité de cœur est un bon signe en la vie spirituelle! Que c'est une bonne marque qu'on reçoit efficacement les graces divines quand ces graces abaissent et humilient, et qu'on voit que tant plus elles sont grandes, tant plus elles aneantissent profondement le cœur devant Dieu et les creatures, en sorte que, comme la Sainte Vierge, l'on tient tout son bonheur de ce que les yeux de la divine Bonté ont regardé nostre vileté et misere!.

  A010000217 

 Comme elle l'avoit conceu par l'obombration du Saint Esprit, elle le portoit sans incommodité et l'enfanta sans douleur, Nostre Seigneur luy reservant les douleurs de l'enfantement pour le jour de son crucifiement auquel sa sainte Mere devoit assister..

  A010000217 

 Une profonde humilité et une ardente charité tant envers Dieu qu'à l'endroit du prochain, voyla donc les effects operés par la grace du Seigneur dans le cœur de Nostre Dame.

  A010000218 

 Je sçay bien qu'Elizabeth estoit une sainte matrone qui avoit desja l'Esprit Saint en elle; comme est-ce donques que se doit entendre cecy, qu'elle le receut à la venue de la Vierge? Il n'y a point de doute qu'elle ne le receust alors, car les effects admirables qu'il opera en elle en fournissent de suffisantes preuves.

  A010000220 

 Anciennement il se faisoit aussi plusieurs visites et salutations en priant, d'autres avec des complimens, comme il se prattique encores par les bonnes gens qui se rencontrent, lesquelles disent: Dieu soit avec nous, Dieu vous donne un bon jour, un bon an, Dieu nous ayde.

  A010000220 

 En ce temps icy on se sert plus de compliment et on dit: Monsieur, je suis vostre serviteur, je vous bayse les mains; et pour l'ordinaire on ne pense rien moins qu'à cela..

  A010000220 

 Les Grecs se saluoyent en cette sorte: Dieu soit avec nous, Dieu nous benisse; les Hebreux: Pax Christi, la paix de Nostre Seigneur soit avec vous; et parmi les Latins: Laus Deo, Deo gratias; gloire soit à Dieu, loué soit Dieu.

  A010000220 

 Nostre Dame va donques pour visiter sainte Elizabeth; mais cette visite ne fut point inutile ni semblable à celles qui se font par les dames de ce temps, seulement par ceremonie, esquelles on tesmoigne bien souvent des affections plus grandes qu'on ne les sent pas et où l'on discourt frequemment des uns et des autres, si que l'on en sort avec des consciences interessées.

  A010000221 

 Or, les principaux effects de l'Esprit Saint sont ceux qu'il opera en sainte Elizabeth; vous pourrez donc connoistre par iceux si vous l'avez aussi receu.

  A010000222 

 Aussi, bien qu'on doive à la sacrée Vierge un culte et un honneur plus grand qu'à tous les autres Saints, neanmoins il ne faut pas qu'il soit esgal à celuy que l'on rend à Dieu.

  A010000222 

 En quoy vous voyez que le second effect du Saint Esprit est de nous faire demeurer fermes en la foy et d'y confirmer les autres; puis de retourner à Dieu, reconnoissant qu'il est la source de imites les graces.

  A010000222 

 Il est vray, semble dire sainte Elizabeth la Vierge, que vous estes benite entre toutes les femmes, mais il est vray aussi que cette benediction [71] vous vient du fruit de vostre sein, lequel est le Maistre des benedictions; car on ne benit pas le fruit à cause de l'arbre, ains l'arbre à cause de la bonté de son fruit.

  A010000222 

 Secondement, Elizabeth dit: O que vous estes heureuse parce que vous avez creu! Et par apres: Vous estes benite entre toutes les femmes, et le fruit de vostre ventre est beni.

  A010000224 

 C'est pour cela qu'il a tellement uni l'Eglise militante avec la triomphante, que les deux n'en font qu'une, n'ayans qu'un Seigneur qui les regit, conduit, gouverne et nourrit, quoy qu'en [72] differentes manieres; aussi nous addressons-nous à luy pour luy demander nostre pain quotidien, tant celuy qui est necessaire au corps que celuy qui est requis à la nourriture de l'ame.

  A010000224 

 Il a voulu que ceux-cy fussent servis par les Esprits celestes, et que la conversion des hommes fust pour iceux une augmentation de gloire à cause de cette union..

  A010000224 

 Mais pourquoy employe-t-il l'entremise des Anges pour nous garder et nous conferer ses graces? ne pourroit-il pas bien le faire luy mesme sans se servir d'eux? Il le pourroit, sans doute, mais pour operer cette union dont je vous parle il a resolu d'unir les Anges avec les hommes et de les assujettir les uns aux autres.

  A010000225 

 Mais, me direz-vous, comme est-ce que les hommes peuvent causer de la joye aux Anges? n'ont-ils pas en la vision de Dieu une parfaite beatitude? De cecy il n'y a nul doute; neanmoins, la Sainte Escriture ne tesmoigne-t-elle pas qu' il se fait plus de feste au Ciel pour un pecheur converti que pour nonante neuf justes? par lesquelles parolles vous voyez la joye des Anges sur la conversion d'un pecheur.

  A010000225 

 Or, quand je dis que les Anges font feste au Ciel et se resjouissent, il faut aussi l'entendre des Saints qui sont avec eux; car si bien l'Evangile ne parle que des bienheureux Esprits, c'est parce que devant la Passion de Nostre Seigneur il n'y avoit encores point d'hommes dans le Ciel; mais despuis que les Saints y sont entrés ils ont esté tellement unis avec les Anges qu'ils participent à leur joye sur le retour des pecheurs.

  A010000226 

 Certes, quand nous parlons d'eux nos cœurs doivent estre prosternés par terre, car il y a une si grande distance entre nous et ces Esprits celestes qu'il ne se peut imaginer; et neanmoins un si grand rapport, que tout ainsy que la terre ne peut rien produire sans les influences du ciel, aussi ne pouvons-nous rien de nous mesmes si nous ne sommes assistés des Saints.

  A010000226 

 Il n'y a point de doute que nous ne puissions demander à Dieu, par l'intercession de Nostre Dame, non [73] seulement les biens spirituels, tels que les vertus, ains aussi les temporels.

  A010000226 

 Mais il faut nous prevaloir de leur assistance en des choses qui nous servent pour l'eternité, les priant de nous impetrer la grace de Dieu, les vertus, employant pour ces sujets et autres semblables le credit qu'ils ont aupres de nostre cher Sauveur et Maistre, et non point à fin d'obtenir par leur intercession la beauté, les richesses et telles bagatelles.

  A010000229 

 Il s'en est trouvé quelques uns qui ont voulu railler et discourir sur les escrits de ce glorieux Saint, et certes à tort, car saint Gregoire a esté l'un des plus grans Papes qui ayent siegé en la chaire de saint Pierre; peu d'années apres son exaltation il se retira en solitude et fit le livre de ses Dialogues.

  A010000230 

 Cette petite Musette estoit grandement devote à nostre sacrée Maistresse et luy baysoit tous les jours ses saints pieds.

  A010000231 

 Nous voudrions bien avoir des revelations, mais que ce fust par forme de recreation, pour passer le temps, parce que c'est une chose bien douce et aggreable; or, Dieu ne les donne pas ainsy, il faut tousjours qu'il nous en couste quelque chose.

  A010000237 

 De là naissent les inquietudes que nous experimentons sans cesse en cette vie mortelle et qui nous sont comme naturelles.

  A010000237 

 Lors, pensant s'en affranchir par l'election d'un vray bien, il vient à se troubler davantage par ce moyen, car pour l'ordinaire il laisse les choses hautes et excellentes pour les basses, les utiles et bonnes pour les mauvaises, tant il est sujet à se tromper.

  A010000238 

 Cette verité paroist claire et manifeste ès Israëlites, ce peuple choisi et esleu de Dieu; car qui en a esté plus favorisé, aymé et caressé que ce peuple? Dieu le traittoit avec tant de bonté que c'est merveille; il le conduisoit par le desert avec autant de soin qu'une nourrice fait ses petits quand elle les mene esgayer par les campagnes.

  A010000238 

 Grand cas de l'esprit humain! Les Israëlites avoyent esté conduits dans le desert avec mille sollicitudes par Moyse et Aaron, Dieu leur avoit fourni abondamment tout ce qui leur laisoit besoin, et les miserables ne font par apres que murmurer et se plaindre de ce qu'ils n'ont point de roy.

  A010000238 

 Hé, disent-ils, les autres peuples sont sous la juridiction des roys et princes, ils ont des sceptres et des couronnes imperiales; pour nous, nous sommes sans roy et sans loy..

  A010000239 

 Or, les princes du peuple de Dieu ne faisoyent pas comme ceux de cette heure, parce que le Seigneur leur communiquoit tellement son Esprit qu'ils ne commandoyent ni ordonnoyent que ce qu'ils sçavoyent estre de la divine volonté, laquelle ils connoissoyent par le moyen des Prophetes et souverains Prestres de la Loy auxquels ils s'addressoyent.

  A010000240 

 Il vous baillera des lois et constitutions lesquelles vous suivrez et observerez; car puisque vous vous plaignez d'estre sans roy, estimant les autres nations bien heureuses d'en avoir, nonobstant qu'ils soyent cruels et tyrans, or sus, vous en aurez un desormais, et vous luy obeirez.

  A010000241 

 Il ne prendra point ceux que vous voudrez, mais ceux qu'il voudra, et vous n'aurez pas le pouvoir de les employer selon vos desseins, car il vous les enlevera et s'en servira comme il trouvera bon.

  A010000241 

 Il prendra aussi vos filles, et fera les unes ses panetieres et boulangeres, les autres cuisinieres et les autres parfumeuses; vous ne pourrez donc plus dire: Je dedie cette mienne fille à cecy ou à cela, car le roy les employera en la façon qu'il luy plaira..

  A010000241 

 Or, quelles seront les lois et constitutions que ce roy donnera aux Israelites? Les voyci: Vous aurez, dit le Seigneur, un roy qui prendra vos fils: il fera les uns ses charretiers et carrossiers, les autres ses cuisiniers, d'autres ses soldats et corps de garde; en somme il vous les ostera et s'en servira en sorte que leur vie se passera en continuelle servitude et esclavage.

  A010000242 

 Et il agit ainsy envers tous les Chrestiens; mais pour ne parler à cette heure que des femmes, nous dirons que Nostre Seigneur en appelle plusieurs à son service.

  A010000242 

 Les unes, il les rend ses parfumeuses, les autres ses cuisinieres, les autres ses panetieres et boulangeres; ce qu'il n'a pas fait seulement apres avoir establi son Eglise, ains encores durant le cours de sa vie.

  A010000242 

 On le voit en l'admirable sainte Magdeleine de laquelle nous celebrons aujourd'huy la feste; car elle fut comme la reyne et maistresse de toutes les parfumeuses de Nostre Seigneur, qui la choisit et appella à luy pour exercer cet office..

  A010000242 

 Or, ce que ce roy faisoit à l'endroit des enfans d'Israël nous represente les diverses [80] vocations par lesquelles nostre divin Maistre appelle ses creatures à son service, non point en usant de tyrannie comme ce prince terrien, mais doucement et avec des entrailles pleines de misericorde.

  A010000243 

 Considerez icy comme ce bon Maistre reduit toutes les vocations à deux principaux chefs, à sçavoir, parfumeuses et de cuisinieres et panetieres.

  A010000244 

 Voyla les deux principaux chefs de toutes les vocations..

  A010000245 

 La pauvre Samaritaine n'estoit point venue chercher Nostre Seigneur; neanmoins, attirée et allechée par les offres et promesses qu'il luy fit, elle le suivit et se convertit à luy.

  A010000245 

 Les femmes qui l'accompagnoyent au mont de Calvaire le faisoyent par une pitié et compassion naturelle, qui estoit cause qu'elles pleuroyent sur luy, dequoy Nostre Seigneur les reprit.

  A010000247 

 Il n'y a donques point de doute qu'elle ne le fust et qu'elle ne commist ces grans pechés pour lesquels les femmes sont nommées pecheresses.

  A010000247 

 On auroit tort d'user de ces termes, puisque nous ne les trouvons en aucun lieu de la Sainte Escriture, ouy bien qu'elle estoit pecheresse: les Evangelistes le disent, et il les faut croire.

  A010000248 

 L'experience nous le monstre journellement: au commencement du printemps on remplit la terre de [83] fumier, et les plantes qui y croissent en tirent une substance qui les rend plus aggreables et excellentes.

  A010000248 

 Nous voyons tous les jours cette merveille en la nature: les fleurs prennent leur accroissement et beauté d'une matiere puante et pourrie, et plus la terre en est remplie, plus aussi les lys et les fleurs qui y sont plantées croissent et sont belles.

  A010000249 

 Les uns sont voirement pecheurs, mais ils ne veulent pas mourir en leur peché; les autres sont les pecheurs opiniastres qui ne veulent point de pardon, ains qui meurent en leur iniquité.

  A010000249 

 Nous la pouvons donques justement nommer la reyne de tous les Chrestiens et enfans de l'Eglise, lesquels sont divisés en trois bandes: les premiers sont les justes, les seconds les penitens, et les troisiesmes les pecheurs.

  A010000250 

 Ce n'est pas de ces pecheurs que sainte Magdeleine est la reyne, ains de ceux qui veulent sortir de leur iniquité; car ayant esté pecheresse, comme nous avons dit et comme l'Evangile nous l'enseigne, elle sortit de son peché et en demanda pardon à Dieu avec une vraye contrition et ferme resolution de le quitter, provoquant ainsy tous les pecheurs à imiter son exemple.

  A010000250 

 Quant à sa penitence, combien a-t-elle esté genereuse! combien pleura-t-elle ses pechés, que n'a-t-elle fait pour les effacer et pendant la vie et apres la mort du Sauveur! Elle a jette des larmes en si grande abondance qu'elles surpassent celles de David lequel disoit: Je pleurois nuit et jour mon iniquité en telle sorte que mon lit nageoit dans le torrent des eaux que je respandois.

  A010000251 

 C'est pourquoy elle se peut bien nommer reyne des penitens, puisqu'elle les a tous surpassés..

  A010000251 

 Ceux, dit le sacré Texte, qui portoyent des habits [84] de soye les quitterent pour se revestir de la haire et du cilice; ceux qui couvroyent leurs cheveux de poudre d'or les couvrirent de cendre.

  A010000251 

 Comme elle avoit offencé Dieu de tout son cœur, de toute son ame et d'une grande partie des membres de son corps, aussi les employa-t-elle à faire penitence; elle la lit de tout son cœur, de tout son corps et de toute son ame, sans reserve quelconque, ains elle s'employa generalement et totalement ès œuvres d'icelle.

  A010000251 

 Ils jeusnoyent tous les jours jusques aux petits enfans; et, ce qui est davantage, ils faisoyent jeusner leurs chevaux et leurs bœufs pour plus grande austerité, en penitence des fautes de leurs maistres.

  A010000251 

 La Sainte Escriture ne parle et ne nous remet rien tant devant les yeux que la penitence des Ninivites, laquelle fut si grande que c'est chose admirable de voir ce qu'ils firent et les effects operés par les paroles de Jonas.

  A010000252 

 Elle l'ayma autant que les Seraphins, ains elle fut encores plus admirable qu'eux en cet amour, parce qu'ils ont l'amour sans peine et le conservent aussi sans peine; mais cette Sainte l'acquit avec beaucoup de sueur et de soin et le conserva avec crainte et sollicitude.

  A010000252 

 Il faut croire qu'elle disoit souvent ces paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, bayser tant desiré de la nature humaine, tant demandé par les Patriarches et Prophetes, qui n'est autre que l'Incarnation et l'union de la nature divine avec l'humaine: c'est cette estroitte union apres laquelle cette sainte amante souspiroit.

  A010000253 

 Voyez donques comment sainte Magdeleine est reyne des justes; car qu'est-ce qui la pouvoit rendre plus juste que cette dilection, jointe avec sa grande humilité et componction qui la faisoit tousjours estre aux pieds du Sauveur? Aussi l'aymoit-il de l'amour tendre et delicat dont il ayme les justes, lequel estoit cause qu'il ne pouvoit souffrir qu'on la touchast ou reprist de quelque chose sans prendre son parti.

  A010000254 

 Sainte Magdeleine se peut donc nommer à bon droit la reyne de tous les Chrestiens en la façon que nous avons monstrée.

  A010000254 

 Tous les Chrestiens doivent l'aymer [86] et sont obligés de faire ce qu'ils font par le motif de l'amour, et si ce n'est avec tant de pureté, c'est du moins avec quelque amour interessé; car il faut de necessité aymer Dieu et le prochain pour estre sauvé et pour aller en Paradis, autrement l'on ira aux enfers..

  A010000255 

 Mais d'autant que les tracas du monde refroidissent et mettent en hazard la charité, l'on entre en Religion.

  A010000256 

 Cette Sainte fut admirable en cecy, parce que dès l'instant de sa conversion jusques à la mort elle ne quitta point les pieds de son bon Maistre.

  A010000256 

 En sa resurrection elle se jetta tout aussi tost à ses pieds, les luy voulant bayser comme de coustume; en somme, elle ne les quitta jamais, ains elle y a constamment tenu son cœur et ses pensées, vivant en tres profonde humilité et bassesse..

  A010000256 

 Je ne me souviens pas d'avoir veu en aucun lieu qu'elle soit jamais sortie de ces sacrés pieds: à sa conversion, elle entra par derriere et se jettant à ses pieds, les lava de ses larmes et les essuya de ses cheveux; quand elle l'alla trouver au festin qui se fit apres la resurrection du Lazare, elle portoit la boëte de parfums et onguens pretieux et se prosterna encores à ses pieds.

  A010000256 

 [87] A la mort du Sauveur, lors qu'il fut attaché à la croix, elle demeura tousjours sous ses pieds, et quand on le descendit elle les gaigna promptement.

  A010000257 

 Il luy respondit qu'il desiroit se tenir comme un novice, aussi petit, sousmis, mortifié et sujet à de continuelles censures, reprehensions et mortifications; en un mot, qu'il ne vouloit jamais pour rien au monde, laisser les pieds de Nostre Seigneur.

  A010000257 

 Là elle mena une vie plus divine qu'humaine, estant sept fois le jour eslevée par les Anges, sans que pour cela son cœur sortist des pieds de son Sauveur..

  A010000257 

 O qu'il estoit heureux! Et que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si toute vostre vie vous ne quittez pour rien que ce soit ces sacrés pieds, si vous vivez en humilité et sousmission, imitant et suivant vostre reyne, et encores plus la Reyne de toutes les reynes, la sacrée Vierge, nostre chere Maistresse, à laquelle sainte Magdeleine fut si devote qu'elle ne l'abandonna jamais.

  A010000258 

 Ne venez donques pas en Religion pour estre consolées, ains pour vous sacrifier, pour estre les panetieres et cuisinieres de Nostre Seigneur, voire ses parfumeuses, quand il luy plaira et non quand il vous plaira.

  A010000258 

 Nous voyons que les hommes estans offencés exigent qu'on leur satisfasse selon l'offence; par exemple, si on leur a desrobé un escu, ils veulent qu'on leur rende un escu; si on a apporté dommage à autruy, il requiert satisfaction à l'esgal de la perte qu'on a causée..

  A010000259 

 Ce n'est point trop exiger de nous que cela, car si nous avons tant fait pour le monde, nous laissant attirer par ses vains attraits, que ne devons-nous faire pour les attraits de la grace qui sont si doux et si suaves? Certes, ce n'est pas nous faire tort que de demander cela de nous; c'est pourquoy, comme on a employé son cœur, son ame, ses affections, ses yeux, ses paroles, ses cheveux pour le monde, il les faut aussi employer et sacrifier au service de la dilection sacrée..

  A010000259 

 Il leur fait les mesmes demandes, à sçavoir, qu'on luy rende, autant qu'on peut, à l'esgal de la faute commise; c'est à dire, il veut que nous fassions autant pour luy que nous avons fait pour le monde.

  A010000259 

 Or, bien que cette loy soit entierement abolie entre les hommes, si se prattique-t-elle encores aujourd'huy entre Nostre Seigneur et ceux qui se consacrent à luy.

  A010000260 

 Il s'en trouve bien qui donnent leurs cheveux, mais ils ne donnent pas leurs yeux; d'autres donnent encor leurs yeux, mais pour leurs paroles, nullement; d'autres donnent les trois ensemble, mais ils ne donnent pas leurs parfums.

  A010000260 

 Nostre Seigneur demande donc les cheveux.

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000260 

 Qu'est ce que les cheveux? C'est ce qu'il y a de plus vil et abject au corps humain, les excremens de la nature, une superfluité et chose de nul prix; on n'en tient aucun compte, non pas mesme de ceux des roys, car on les foule aux pieds comme n'ayant nulle valeur, et neanmoins l'esprit humain constitue sa gloire en iceux.

  A010000261 

 Mais cela n'est encores rien, il faut de plus sacrifier ses yeux; car pourquoy croyez-vous qu'on vous aye mis des voiles sur la teste, sinon à fin de vous apprendre à ne vous plus servir de vos yeux pour voir et pleurer que quand la grace vous y excitera, et non pour les niaiseries et tendretés pour lesquelles les femmes sont sujettes aux larmes, larmes folles et vaines, certes! Je voudrois bien faire telle chose, mais je ne peux.

  A010000261 

 Une autre sera tendre à pleurer, ce qui est encores pardonnable, pourveu qu'on ne nourrisse ces imperfections, ains qu'on les mortifie pour faire vivre le surnaturel..

  A010000262 

 C'est par les yeux et par les cheveux que le divin Espoux dit au Cantique des Cantiques que son Espouse luy a navré le cœur; neanmoins les paroles qui sortent de la bouche expriment bien mieux encores que les yeux les mouvemens et sentimens interieurs.

  A010000262 

 Il est vray pourtant que la langue exprime mieux le courroux et ressentiment que les yeux..

  A010000262 

 On connoist par les yeux et par les paroles quelle est l'aine et l'esprit de l'homme, les yeux servant à l'ame comme la monstre à l'horloge.

  A010000262 

 On s'offence quelquefois par la croyance qu'on nous regarde de travers; en quoy l'on se trompe bien souvent, car cela peut arriver parce qu'on a les yeux bouffis, n'ayant assez dormi, ou pour avoir quelque chose en teste, ce qui est cause qu'on n'a pas les yeux doux.

  A010000264 

 Ces larmes sont bien pures, et toutes les autres sont vaines et inutiles..

  A010000264 

 Oh! cela ne me console point, car ce ne sont pas les Anges que je cherche, mais mon Maistre.

  A010000264 

 Pourquoy pleurez-vous? disent les Anges.

  A010000264 

 Toutes les autres larmes de cette Sainte furent de contrition et d'amour.

  A010000265 

 Grande folie que celle cy! Ensuite on se surestime par dessus les autres et l'on vient par apres à dire: Je suis d'une telle mayson et celle là d'une telle..

  A010000267 

 En Religion on fait mourir la nature, on contrarie les affections et inclinations pour faire regner la grace; en somme on vous despouille du viel Adam pour vous revestir du nouveau, et cela ne se fait pas sans souffrir..

  A010000268 

 Elle le pria de les porter à Theophile, qui les ayans receues les admira et demeura tout esperdu; ensuite il se convertit, confessant que Jesus Christ estoit le vray Dieu vivant.

  A010000269 

 Et qui n'aymeroit saint Bonaventure pour sa grande humilité? Qui ne s'estonneroit de celle qu'il prattiqua lors que, ayant eu commandement des Cardinaux d'eslire un Pape tel qu'il voudroit, ou d'accepter luy mesme le siege pontifical, à cause des grandes difficultés qu'il y avoit à se resoudre sur ce choix, non seulement il refusa cette souveraine dignité, mais de plus il ne voulut pourvoir aucun de ses parens ni amis, ains nomma Pape, Thibaut, vicomte de Plaisance, qui estoit à la guerre et parmi les armes.

  A010000271 

 Considerez bien les paroles de ce grand Apostre et regardez comme elles vont tousjours croissant.

  A010000272 

 Puissiez-vous, mes cheres Filles, estre toutes des Marie, c'est à dire des lumieres par vos bons exemples, et ayder les autres par vos prieres à parvenir au port de salut; des mers, pour recevoir les amples benedictions que Dieu communique à ceux qui se consacrent à son service; ameres, avalant et devorant les difficultés qui se rencontrent en l'exercice de la vie spirituelle; des dames exaltées, pour avoir excellemment mortifié vos puissances, vos appetits, vos sens et inclinations, leur commandant d'un pouvoir absolu; illustrées par la lumiere celeste, et illustratrices par une vraye humilité et mortification..

  A010000273 

 Je conclus ce discours en vous souhaittant, mes cheres Filles, l'une des benedictions de sainte Marie Magdeleine; et si, je ne vous souhaitte point d'extases, de ravissemens, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle fut à la Sainte Baume, ni de vous apparoistre comme elle fit à plusieurs, ni de jetter une grande abondance de larmes, ni le don tres excellent de la contemplation.

  A010000273 

 Non, mes cheres Filles, ne faites point les contemplatives ni les extatiques; mais bien vous souhaitté-je de demeurer tout le temps de vostre vie aux pieds de Nostre Seigneur, d'avoir un grand courage pour devorer toutes les difficultés qui vous empescheroyent de jouir de vostre Dieu et qui vous pourroyent tant soit peu separer de luy.

  A010000275 

 Vous l'emporterez? Mais il est parmi les Juifs et soldats; vous n'estes qu'une femme, comment ferez-vous? O Dieu, respond-elle, ne craignez point cela, car je l'iray prendre au milieu des Juifs et je l'emporteray; je me sens assez de force pour le faire.

  A010000276 

 Et, comme Magdeleine, vous respondrez: Rabboni, mon Maistre! Maistre que nous avons suivi, Maistre auquel nous avons obei, Maistre auquel nous nous sommes conformées, et pour et avec lequel nous nous sommes «crucifiées, pour apres cette vie estre glorifiées avec luy» en l'eternité de la vie bienheureuse, et là chanter avec nostre reyne sainte Magdeleine les cantiques eternels par tous les siecles des siecles.

  A010000276 

 Ne vous estonnez point de sa pesanteur; et si bien il vous semble que vous estes trop foibles pour vous changer d'un mort crucifié, aggrandissez vostre courage et ne laissez de prester vos espaules, car la glorieuse Magdeleine vous viendra au secours, et joignant ses espaules avec les vostres, son amour avec le vostre, vous triompherez de toutes les difficultés et demeurerez victorieuses.

  A010000284 

 Non point dans les desbauches, etc..

  A010000287 

 Ce pauvre jeune homme sentoit en son cœur de rudes combats, d'autant qu'il abusoit miserablement de tous les dons de nature et de grace que le Seigneur luy avoit liberalement departis; car estant entre autres choses doué d'un grand esprit, d'un bon jugement accompagné d'une heureuse memoire, il s'en servoit pour se bander contre Dieu, comme il raconte luy mesme, disant: Je me servois de mon esprit humain pour resister au divin.

  A010000287 

 Ce sont les paroles desquelles la divine Providence s'est servie pour convertir tout à fait le glorieux saint Augustin.

  A010000287 

 Et encores qu'il eust un bon naturel, il estoit neanmoins tout corrompu par les mauvaises habitudes, il vivoit en toutes sortes de libertés, se vautrant ès impudiques playsirs, estant attaché à ses vicieuses coustumes en telle sorte qu'il compare les liens de son iniquité a une chaisne de fer, laquelle il luy sembloit ne pouvoir aucunement rompre et qu'il luy estoit impossible de s'en jamais affranchir..

  A010000288 

 Là, pressé de cette violente conteste qui se passoit entre son homme interieur et l'exterieur, il commença, comme un autre saint Paul, d'exprimer sa douleur par les paroles du mesme Apostre: Qui me delivrera de ce corps de mort, et qui m'affranchira de cette incomparable convulsion que je ressens ès deux parties de mon ame? Oh! qui me delivrera de cette chair si contraire à l'esprit? Hé, Seigneur, disoit-il (car ce sont ses propres mots, comme il raconte luy mesme au livre de ses Confessions ), jusques à quand, jusques à quand serez-vous courroucé contre moy? jusques à quand vous souviendrez-vous de mes pechés? O cieux, jusques à quand serez-vous irrités contre moy? jusques à quand y aura-t-il un si grand divorce entre vous et moy, et quand vous reconcilierez-vous avec mon ame? Au plus fort de ses plaintes, il entendit chanter ces paroles derriere la muraille où il estoit: «Prens et lis, prens et lis;» puis, prestant l'oreille pour mieux escouter, il ouyt encores: «Prens et lis.» Et pensant en soy mesme si ce ne seroit point une compagnie de filles qui repetoit cette chanson, il taschoit de se resouvenir s'il n'en couroit point pour lors auxquelles on trouvast ces paroles: «Prens et lis.» Car, comme vous sçavez, et si vous ne le sçavez pas vous l'apprendrez, en toutes les villes il court tousjours quelques chansons parmi le vulgaire et menu peuple, qui certes devroyent plustost estre mesprisées qu'escoutées.

  A010000291 

 Les uns n'ont rien eu en eux que de saint, suave et aggreable; ils ont fait des commencemens tres fervens, des progres et des fins pretieuses.

  A010000291 

 Tout a esté bon en eux, les feuilles, les fleurs et les fruits: leur enfance, leur jeunesse et le reste de leur vie.

  A010000292 

 Nous voyons plusieurs plantes desquelles tout sert à quelque chose, les feuilles, les fleurs et les fruits.

  A010000292 

 Tels sont les figuiers: leur commencement est rude et n'a rien de doux; leurs fruits sont certes fort aspres avant leur maturité, ils n'ont aucune saveur, au contraire ils sont insipides.

  A010000293 

 Le voyla donques sous ce figuier, lisant les Epistres de saint Paul, lesquelles luy sembloyent dire au cœur: O Augustin, te voicy desja en l'an trente troisiesme de tes jours; jusques à quand demeureras-tu couché dans le lit de tes voluptés et sensualités? Sors, quitte ces jeux, ivrogneries, gourmandises, contentions et envies.

  A010000294 

 Aussi estoyent-ils fiers, bien qu'avec cette difference, qu'Alexandre ne vouloit point recevoir de louanges que pour des choses de grande valeur en elles mesmes, tandis que pour les menues actions qu'il faisoit ou pour les qualités qui estoyent en luy il n'en pretendoit point; au contraire, Philippe ne tiroit sa gloire que des actions basses et petites, comme à bien sçavoir jouer du luth et telles autres bagatelles..

  A010000294 

 Or, quoy que son esprit fust non seulement beau ains encores bon et accompagné d'un excellent naturel, si est-ce qu'il avoit enté sur iceluy une tres mauvaise plante, à sçavoir la vanité et appetit de sa propre gloire, qui le rendoit hautain, querelleur, envieux, contentieux et tellement amateur de son excellence qu'il surpassoit en cecy les Philippe et les Alexandre desquels les humanistes parlent tant, nous les representant esgaux en la vaine gloire.

  A010000295 

 Il dit en effect qu'il se glorifioit parmi ses compagnons et jeunes libertins en des oeuvres tres mauvaises, vilaines et insolentes, et qu'il rougissoit de n'avoir commis les mesmes impertinences et meschancetés dont les autres se vantoyent, ayant honte de ne se trouver aussi vicieux.

  A010000296 

 Il escrit qu'estant encor petit il se vantoit et glorifioit de ce qu'il desroboit les fruits des jardins de ses voysins, s'en estimant d'autant plus que le larcin, quoy que leger, estoit subtil et secret; car en le racontant il faisoit voir les ruses et inventions de son esprit..

  A010000296 

 On le voit lors qu'en hiver ces jeunes fols s'assemblent et vont par les rues faisant milles bouffonneries et tintamarres; celuy là est tenu parmi eux pour le plus brave qui fait davantage le fol et le fantasque; c'est en de telles actions qu'ils mettent leur gloire.

  A010000296 

 Remarquez un peu que c'est des miseres de l'esprit [103] humain, en quelle extremité va la desbordée jeunesse et de quoy se prisent les troupes des escoliers qui vivent sans crainte et sans retenue.

  A010000297 

 Cependant les paroles de saint Paul qu'il trouva à l'ouverture de son livre, et qui luy estoyent envoyées par le Saint Esprit, nous font conjecturer qu'il estoit encores entaché de ce vice.

  A010000298 

 Nous dirons un mot sur chacune, bien que courtement et briefvement, car je ne feray que les toucher, vous les laissant ruminer et digerer à part vous, chacune à vostre loysir..

  A010000298 

 Par les vertus opposées à nos vices nous connoistrons les habitudes de l'homme et celles de Nostre Seigneur, celles desquelles il nous faut despouiller d'avec celles que nous devons revestir et dont il faut nous couvrir.

  A010000298 

 Qu'est-ce se devestir de ses habits pour se revestir de Jesus Christ? Despouillez-vous, dit l'Apostre, de vos habitudes, qui sont vos vestemens; car les vestemens environnent de toutes parts celuy qui en est couvert, et les habitudes en font de mesme au cœur que les vestemens au corps.

  A010000299 

 Il met l'austerité comme gardienne de la sobrieté, car il est bien difficile d'estre sobre parmi les bombances et alïluences.

  A010000300 

 Là il commença ses deux Ordres de Religieux: il envoya les uns au desert pour y prattiquer plus facilement cette pauvreté; ensuite il fonda en l'eglise episcopale qui luy estoit escheue une assemblée de prestres ou chanoines reguliers auxquels il donna sa Regle.

  A010000300 

 Mais tant aux uns qu'aux autres de ses enfans spirituels, il preschoit grandement la pauvreté, ne voulant pas mesme que les livres auxquels ils estudioyent fussent en particulier, ains ordonna qu'on les demandast à l'obeissance et qu'on les rendist à celuy qui en avoit le soin..

  A010000301 

 Ce que ce bon peuple faisoit, car il luy sembloit que ses charités n'estoyent point bonnes si elles ne passoyent par les mains de ce saint et digne Prelat.

  A010000301 

 Despuis qu'il fut prestre et Evesque, il prattiqua la pauvreté en telle sorte qu'il ne se laissa rien, donnant tout son vin et son blé aux pauvres, jusques là qu'il vendit les tapisseries et ornemens de l'eglise pour subvenir à leurs necessités; ce qu'il faisoit par une inspiration particuliere de Dieu, d'autant qu'il n'est pas loysible de devestir l'autel pour nourrir les indigens, sinon en cas de besoin.

  A010000301 

 Maintenant donques je vous prie de les ayder de vos moyens, les leur communiquant liberalement de vos propres mains, ou bien me donnez les aumosnes que vous leur voulez bailler et je les leur distribueray.

  A010000301 

 Quand il n'avoit plus rien pour leur donner il s'addressoit à son peuple et luy disoit avec une simplicité, candeur et liberté du tout admirable: Mon tres cher peuple, je n'ay plus rien pour pourvoir aux miseres des pauvres, j'ay donné [106] tout ce que j'avois, j'ay mesme vendu les ornemens de l'eglise pour ce sujet.

  A010000303 

 Il a gardé avec tant de soin sa chasteté, il l'a tant estimée et louée qu'il en a composé des livres dignes de l'admiration de tous ceux qui les lisent, lesquels ils rendent amateurs de cette belle vertu.

  A010000304 

 Aussi saint Augustin s'en servoit-il pour conserver cette chasteté par laquelle il surpassoit la virginité des vierges; et, poussé de l'Esprit divin, de l'amour et connoissance qu'il avoit de la beauté et grandeur d'icelle, il en composa des livres, comme nous avons dit, addressés aux vierges et aux vefves, lesquels ravissent en admiration et portent à l'amour de cette vertu tous ceux qui les lisent.

  A010000304 

 Je sçay bien que le jeusne, la haire, la discipline et la sobrieté (qui ne consiste pas seulement à retrancher la gourmandise, mais encores à se priver des viandes exquises et par trop nourrissantes, à se contenter de ce qui est necessaire et à user d'alimens simples et grossiers), je sçay bien, dis-je, que tout cela est bon pour conserver la chasteté infuse dans une ame; mais certes, ce seroit peu s'il n'estoit accompagné de l'humble priere, parce que c'est à l'humilité que sont attachés tous les dons de Dieu.

  A010000304 

 Mais la chasteté est un don de Dieu qui ne s'acquiert pas à force de bras et qui ne peut estre conservé par artifice et industrie; car les dons de Dieu ne s'arrachent pas de ses mains par force ni par contrainte, ils se donnent gratuitement et selon la disposition du cœur.

  A010000305 

 Cette vertu, vouloit-il dire, bien que petite en apparence, est neanmoins la plus grande, sans icelle toutes les autres ne sont rien; et de mesme que l'orgueil et la vaine gloire est la pepiniere de tous les pechés et la mere nourrice de tous les vices, l'humilité est la nourrice de toutes les vertus..

  A010000305 

 Il eust tousjours respondu ainsy si on eust poursuivi les demandes.

  A010000305 

 L'humilité est la vertu des vertus, puisque c'est elle qui attire et conserve les autres en l'aine.

  A010000306 

 Ce grand Saint donna des preuves de sa tres profonde humilité en plusieurs choses tres remarquables qui peuvent estre utiles et profitables au lieu où je suis; c'est pourquoy je ne me sçaurois empescher de les dire.

  A010000306 

 Certes, tous deux ont excellé entre les philosophes payens, mais je ne veux point traitter de ceux-cy.

  A010000306 

 Je n'ignore pas qu'ès escoles les uns disent que Platon estoit le plus grand esprit, d'autres, que c'estoit Ciceron.

  A010000310 

 Pour les inferieurs, o certes, il n'en faut pas parler: si cela m'estoit dit par un de mes Superieurs je le souffrirois encores, mais par un tel je ne l'endureray pas, je ne luy donneray point cette authorité sur moy, Neanmoins c'est là où gist un des principaux points de l'humilité et de la perfection de la vie chresienne.

  A010000311 

 Certes, nous serions bien heureux nous autres si nous empoignions le test de la correction pour nettoyer les ordures de nos consciences; mais vous estes bien plus heureuses, mes cheres Sœurs, d'habiter en une mayson où l'on fait la correction avec tant d'exactitude que par le moyen d'icelle on vous corrige des moindres petites imperfections.

  A010000312 

 C'est certes là la sainteté de cet aage, comme aussi de ne les point connoistre ni souffrir la correction d'icelles..

  A010000312 

 Mais à qui donques? A tous les hommes en general: jeunes et vieux, doctes et ignorans; à ceux qui admireront son humilité et s'en edifieront, et à ceux qui se mocqueront de luy et qui s'en scandalizeront; aux hommes et aux femmes; en somme il veut que la miserable vie qu'il a menée en sa jeunesse soit declarée et manifestée à toute creature.

  A010000313 

 Or, dit l'Apostre, ne vous revestez point de soye, de peau de buffle ni de chameau, mais revestez-vous des habitudes de Jesus Christ, de la Passion de Nostre Seigneur, revestez-vous du sang du Sauveur; et tout ainsy que les vestemens environnent le corps, environnez aussi tout vostre cœur et vos affections du Sauveur, c'est à dire ne vous appuyez point sur vos merites, mais sur les merites de sa Mort et Passion.

  A010000314 

 Non, mes cheres Sœurs, n'ayez point de pretention ni pour le Ciel ni pour la terre que par les merites du sang et de la mort de nostre Sauveur.

  A010000314 

 Nous le devrions tous avoir gravé en nostre esprit, d'autant que parmi les hommes l'on n'entend autre chose sinon: Vous aurez bien du merite à faire cecy ou à laisser cela; ou encores: Je meriteray ou ne meriteray rien en cecy ou en cela.

  A010000315 

 Appuyez-vous tousjours sur les merites du sang de Nostre Seigneur, et apres avoir tout fait fidellement, dites que vous estes serviteurs inutiles.

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000315 

 O les pretieux vestemens que ceux qui sont faits du sang du Sauveur, sans lequel toutes nos œuvres ne sont point meritoires! Il est vray qu'en donnant un verre d'eau pour l'amour de [114] Dieu on merite la vie eternelle; mais d'où prend-il sa valeur sinon (le la Passion du Sauveur qui rend meritoire cet acte de charité? Haussant donques vos cœurs et vos affections, n'estimez point meritoires les desirs de la chair, c'est à dire les desirs de ceux qui vivent en cette chair, mais fondez toutes vos esperances en ceux du Fils de Dieu, qui vit et regne en l'eternité avec le Pere et le Saint Esprit.

  A010000315 

 Que si vous le confessez, Nostre Seigneur ne le dira pas, car il vous recompensera à l'esgal de la fidelité que vous aurez eue à son service; et quoy que vous ne travailliez pas pour les merites, vous ne lairrez pas d'en avoir au Ciel la recompense.

  A010000324 

 Or, il vous salue en ces deux qualités a fin que vous appreniez et deveniez non seulement medecineuses et guerisseuses, mais encores peintresses, puisque la profession que vous faites et la Religion où vous estes n'est autre chose, comme disent les anciens Peres, qu'une maladiere, une assemblée de guerisseurs et de gens qui ne font que se medeciner et guerir.

  A010000324 

 Saint Paul escrivant aux Colossiens, de Rome où il estoit, les saluoit de la part du glorieux saint Luc; et entre toutes les autres salutations que l'on trouve dans cette Epistre on y remarque celle cy: Luc, le bien aymé disciple, le tres excellent et tres cher medecin, vous salue.

  A010000325 

 Quant au premier, je me souviens fort bien vous en avoir desja parlé et vous avoir monstré que la Religion est une maladrerie toute pleine de gens malades, qui sont neanmoins tous medecins, car ils se guerissent les uns les autres, voire aussi eux mesmes, et ce continuellement, malades; disant et purgeant de leurs defauts.

  A010000326 

 L'homme, disent les philosophes, est composé de plusieurs humeurs, lesquelles les medecins reduisent à quatre principales, à sçavoir: la colere, le flegme, le sang et la melancolie.

  A010000327 

 Les maistres de la vie spirituelle reduisent toutes ces humeurs à quatre principales: la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye.

  A010000327 

 Quand l'une de ces passions predomine sur les autres elle cause des maladies en l'ame; et parce qu'il est extremement difficile de les tenir en regle, de là vient que les hommes sont bigearres et variables, et que l'on ne voit que fantasies, inconstances et niaiseries parmi eux.

  A010000328 

 Les salutations qui se font par lettres ne sont que des souhaits exprimés par les amis absens; et quel souhait plus utile et profitable pour le coeur se peut-il faire que celuy de la paix? C'est en icelle que consiste le plus haut point de la vie spirituelle, et c'est pour l'acquerir et conserver qu'il faut continuellement veiller et travailler; car despuis la cheute de nos premiers parens nostre ame est demeurée une terre seche et sterile ne peut porter ni produire aucun fruit de bonnes oeuvres si l'on n'a soin de la cultiver..

  A010000328 

 Or, le principal remede à tout cecy c'est de veiller continuellement sur son cœur et sur son esprit pour tenir les passions en regle et sous l'empire de la rayson; autrement on ne verra que bigearreries et inesgalités.

  A010000328 

 Pour obvier à tel [118] inconvenient les Peres de la vie spirituelle ont opposé à ces passions la paix et tranquillité interieure, d'où naist cette douce esgalité de cœur et d'esprit tant recommandée et inculquée par les anciens Chrestiens, ainsy que le tesmoigne la salutation qu'ils se faisoyent par ces paroles: La paix soit avec vous.

  A010000329 

 Adam cultivoit la terre par recreation, courboit les jeunes entes pour en faire des treilles et pavillons, Dieu luy ayant ordonné cela pour son exercice et pour eviter l'oysiveté.

  A010000329 

 Adam et Eve estans au paradis terrestre en estat de justice originelle, n'avoyent point besoin de labourer la terre, car ce paradis estoit plein de bons et beaux arbres: les uns portoyent des fruits aggreables, doux et gracieux; les autres en produisoyent de propres à la nourriture et entretien de l'homme.

  A010000329 

 Il y faut souvent avoir l'oeil et la main pour en arracher les espines et chardon qu'elle jette perpetuellement, et ne s'y faut [120] point lasser ni ennuyer, si l'on ne veut que ces mauvaises herbes viennent à tout ruiner et perdre.

  A010000329 

 Le bon jardinier ne doit pas seulement se contenter de dresser son parterre, mais il faut qu'il y remette la main en deux ou trois temps et qu'à tout propos il veille sur iceluy pour destruire les continuelles productions que fait cette terre, lesquelles viendroyent à estouffer ces chiffres et compartimens qu'il a faits avec tant de peine..

  A010000330 

 Cet exercice est necessaire à tous les mortels, n'y ayant homme si parfait qui n'ayt besoin de travailler, tant pour accroistre la perfection que pour la conserver, d'autant que nul ne se peut dire maistre de ses passions ou pretendre n'estre plus sujet à leur detraquement..

  A010000330 

 Or, pour empescher ce renversement et detraquement de nos humeurs et pour les tenir en regle, il faut avoir un grand soin et une grande constance, et veiller sans cesse sur son cœur pour, avec un invariable courage, en arracher les mauvaises herbes et tenir nos passions calmes et sujettes à la rayson, gardant parmi tout cela la tranquillité.

  A010000330 

 Que s'il faut user de ce soin et patience apres les jardins materiels, à plus forte rayson en faudra-t-il avoir, mes cheres Filles, à cultiver la terre et le jardin de vos cœurs et de vos esprits, tant pour en arracher les mauvaises herbes de vos inclinations, habitudes et passions, que les nouvelles et continuelles productions que l'amour propre fournit; c'est à dire les chagrins, bigearreries, inquietudes, fantasies et telles autres niaiseries qui attaquent à tout propos nos pauvres esprits, et qui, si l'on n'y prend garde, gastent et ruinent tout ce qui est de beau et de bon dans le parterre de nos ames.

  A010000331 

 C'est pour cela qu'il n'y a point parmi eux cette varieté d'exercices ni de façon de proceder que nous voyons entre les mondains: ceux cy jeusneront aujourd'huy et feront demain festin; ils se leveront aujourd'huy à la pointe du jour, et demain ils demeureront fort tard au lit avec [120] une grande poltronnerie; en somme, tout ce qu'ils font n'est qu'inconstance, inesgalité et changement de mœurs et de conduite.

  A010000331 

 Là on fait tousjours les mesmes exercices; on se leve à mesme heure, on disne et soupe à mesme heure, et ainsy tout y va selon l'ordre marqué; ce qu'on fait aujourd'huy on le fera encore demain, et de mesme passé demain; ce qui se prattique apres demain, on le prattiquera tout le long de l'année, et ce qui se fait tout le long de l'année se fera tout le reste de la vie.

  A010000331 

 Mais on voit tout le contraire en Religion, ou les Regles et Constitutions ordonnent une maniere de vie ferme, constante et invariable.

  A010000331 

 Mais quoy que tous les Chrestiens soyent obligés de se medeciner en cette sorte, si est-ce que cecy est plus propre aux Religieux, lesquels doivent reluire par dessus les seculiers en cette si desirable esgalité.

  A010000332 

 Il n'a onques varié en ses entreprises et resolutions, ains les a tousjours gardées, tant en l'estat du celibat comme en l'election qu'il fit de suivre Nostre Seigneur sans chanceler jamais ni peu ni d'un costé ou d'un autre, ce qui ne se lit pas des Apotres et de quelques autres disciples de nostre divin Sauveur.

  A010000334 

 Que vous serez heureuses si vous en faites de mesme, et ce, par une vive et meure consideration de ses vertus et perfections, les imprimant en vostre cœur par une affection amoureuse, meditant sa sainte vie et conformant la vostre à icelle.

  A010000335 

 Il faut donc avoir bon courage, car lors qu'on sera lavé et net on recevra facilement les traits du visage de la Vierge..

  A010000335 

 Mais helas! cela ne se fait pas, car venant en Religion on y apporte des cœurs marqués de tant de traits, je veux dire qu'ils sont si rudes, grossiers, aigres, mal façonnés et peu civilisés que c'est pitié de les voir.

  A010000335 

 O qu'on seroit heureux si on entroit en Religion comme une toile ou autre matiere bien nette et bien disposée à recevoir tous les traits que l'on nous voudroit donner, si on y entroit sans aucune affection aux biens et commodités, contre la pauvreté; aux playsirs et delicatesses, contre la chasteté; aux volontés et desirs particuliers, contre l'obeissance, sans aucun attachement au monde, à ses vanités et sensualités.

  A010000335 

 Premierement, il est necessaire que la chose sur laquelle on veut peindre soit nette et qu'il n'y ayt sur icelle [122] aucune autre peinture; car si cela estoit, il la faudroit d'abord laver, d'autant qu'elle seroit incapable de recevoir les traits du visage que l'on pretend tirer.

  A010000336 

 C'est de ces personnes que les anciens Peres parlent avec tant de severité; car celuy qui quitte le monde et retient en son cœur les affections du monde est du tout incapable de recevoir les traits de la grace et les consolations celestes.

  A010000336 

 Mais voicy, ce semble, qui est un peu plus gracieux: on quitte bien les affections de ce siecle, mais on se reserve un certain amour pour soy qui nous fait tant chercher ce qui nous est propre et fuir ce qui nous incommode! On ayme tant sa vie et son propre interest, on a si grand peur de mourir! O la grande mollesse et tendreté que celle cy! Il faut certes se bien purger et laver de semblables choses à fin d'estre disposé à recevoir les traits de la face de Nostre Dame.

  A010000337 

 Devotion imaginaire et niaise, nullement sortable à leur condition, et tellement meslée d'amour propre, que ces personnes mesmes, non plus que les autres, ne peuvent discerner ce que c'est de cela, et ne sçait-on si l'amour propre est leur devotion ou si leur devotion est amour propre; fantasie et niaiserie, devotion fade, molle, effeminée et propre aux femmes de peu de courage.

  A010000337 

 En effect, quelques personnes entrent en Religion avec certaines habitudes de pieté tres hautes et relevées ce leur semble; elles se veulent gouverner à leur fantasie, se forgeant une devotion toute extatique et sureminente qui n'ayme point les choses simples, basses et humbles.

  A010000337 

 Il se faut donques purger de telles choses, bien que bonnes en apparence, et s'assujettir à la conduite d'autruy, embrassant la simplicité et l'humilité qui se trouvent parmi les considerations basses des choses ordinaires, et non point se complaire dans les subtiles, excellentes et qui sont au delà de la portée de nos esprits..

  A010000337 

 Par où vous voyez que pour estre bonnes peintresses il ne suffit pas de purger vos cœurs de tout ce qui est mauvais, mais encores de toutes autres teintures desquelles vous les auriez voulu enrichir.

  A010000338 

 Combien de mariages verrions nous se dissoudre s'ils n'estoyent affermis par le Sacrement qui empesche de varier en cette sorte de vie! Combien d'ecclesiastiques verrions nous quitter le sacerdoce et s'oublier de la promesse qu'ils ont faite à Dieu en recevant l'ordre de prestrise! O Dieu, quel bonheur d'avoir eu necessité d'estre attachés par ces vœux pour vous garder fidelité! car sans cette necessité nous n'eussions jamais esté disposés à recevoir les traits de la peinture spirituelle, d'autant que nous eussions tousjours esté mobiles et sans aucune fermeté en nos resolutions..

  A010000338 

 La troisiesme condition requise pour peindre est que ce qui est preparé pour recevoir la peinture soit attaché en sorte qu'il ne se puisse point remuer, ains demeure ferme et immobile à fin de recevoir les traits du pinceau.

  A010000338 

 O Dieu, quel bonheur et quelle grace d'avoir necessité d'estre attachés et cloués comme des tableaux d'attente, pour jouir et posseder en cette vie le bien qui nous est offert et donné, et duquel nous jouirons en l'eternité! Helas! combien y a-t-il d'ames qui, s'il n'estoit point requis de se lier aux vocations esquelles elles ont esté appellées, vacilleroyent et les quitteroyent à la moindre difficulté, fantasie et bigearrerie dont leurs esprits se trouveroyent assaillis et preoccupés.

  A010000339 

 Mais ceux qui viennent avec tant d'entendement et de clarté, qui sçavent si bien comme il se faut conduire et auxquels il semble n'avoir plus besoin de la direction d'autruy, ne seront jamais bons peintres; car cette trop grande lumiere les empeschera de remarquer les traits de de la face de Nostre Dame.

  A010000339 

 O que bienheureux sont ceux qui n'apportent pas en Religion de beaux et grans entendemens! Ceux cy sont les meilleurs, parce que n'ayans pas tant de lumiere naturelle ils sont plus propres pour recevoir celle du Saint Esprit qui leur est communiquée par autruy.

  A010000340 

 C'est pourquoy les peintres veulent qu'on les regarde et qu'on arreste l'œil sur eux.

  A010000340 

 La cinquiesme chose necessaire pour bien tirer un portrait c'est que le peintre regarde plus d'une fois celuy qu'il veut tirer à fin de bien imprimer en son imagination toute la forme et les traits de sa face, et que celuy qu'on tire arreste sa veuë sur quelque objet.

  A010000341 

 Nostre glorieux Saint la regarda donques plusieurs fois à fin du bien imprimer en son imagination, et encores plus dans son coeur, la forme et les traits de la face de cette sainte Dame, pour la mieux rapporter au naturel sur son tableau d'attente, à la consolation de tous les mortels..

  A010000342 

 Quelle pudicité virginale y apperceut-il! Que si les filles, pour peu qu'elles soyent de bon naturel, monstrent leur pudeur en leur face, rougissant pour la moindre parole qu'on leur dise, o Dieu, quel pensez-vous devoit estre celle qui se voyoit en la face de cette sainte Vierge lors qu'elle estoit regardée de son peintre? Que d'admirables vertus il descouvrit en ce pudique et chaste regard! Quel contentement de considerer celle qui est plus belle que le Ciel ou que la pleine diaprée de la varieté de tant de fleurs, et qui surpasse en beauté les Anges et les hommes! Mais qui pourroit penser l'humilité avec laquelle saint Luc la pria de le regarder, et la douceur et simplicité avec laquelle Nostre Dame le fit? O que de lumieres il receut par ce regard sacré, que son cœur demeura enflammé de son amour, que de connoissances il tira quand les yeux de cette douce Vierge s'arresterent sur luy! Ils imprimerent alors en son cœur un si grand amour de la pureté qu'il y persevera constamment tout le temps de sa vie et garda le celibat..

  A010000343 

 Ce qu'il fit à l'endroit de saint Paul, lequel il ne quitta point, ains le suivit par tout, autant en l'adversité comme en la prosperité, parmi les chaisnes et les persecutions.

  A010000343 

 Or, quoy que ce grand Apostre estant en prison et escrivant à son cher disciple [127] Timothée pour se consoler avec luy, le saluast luy disant: Je suis icy tout seul, ce n'est pas qu'il fust le seul qui creust en Jesus Christ, car il y en avoit plusieurs, mais il vouloit signifier qu'il estoit seul dans les fers.

  A010000344 

 Mais il rapporte dans le sien des [128] mysteres plus simples, qui peuvent estre entendus par les Anges et par les hommes, pour nous apprendre que nous devons mediter et considerer ces mysteres simples et humbles, et non ceux qui sont au delà de nostre capacité.

  A010000344 

 Quant à vous autres, mes cheres Filles, vous devez souvent mediter la vie de cette sainte Dame et tousjours avoir devant les yeux ses vertus pour les imiter, car c'est vostre Abbesse, vostre Superieure et vostre Maistresse, laquelle vous devez suivre et obeir.

  A010000344 

 Saint Luc n'a pas esté seulement instruit de saint Paul, mais encores de nostre divine Maistresse, laquelle luy apprit à escrire avec un style humble, quoy que plein d'une admirable science, et à traitter des mysteres bas et cachés, comme de celuy de la Nativité de Nostre Seigneur, faisant voir ce petit Enfant dans les langes et maillots, parmi le foin et la paille.

  A010000345 

 Mais voyez encores mieux ce que je vous veux dire touchant les escrits de saint Luc. Ce glorieux Saint estoit souvent envoyé en mission par saint Paul pour le bien de l'Eglise; or, quand il raconte ses voyages, il le fait avec une simplicité et humilité admirables, sans parler des merveilles qu'il operoit ni des peines qu'il souffroit, ains il dit simplement: Nous allasmes, nous vinsmes, nous retournasmes.

  A010000346 

 C'est pourquoy il fait mention de l'election de saint Mathias, car Nostre Seigneur ne voulut point, n'avant que de monter au Ciel, nommer un Apostre pour mettre en la place de Judas, ains en laissa le choix et nomination au college apostolique pour destruire l'erreur [129] de ceux qui croyent que despuis l'Ascension du Sauveur la generation des Apostres a failli, ce qui n'est pas; car Jesus Christ luy mesme a voulu que les Apostres se soyent assemblés pour eslire ceux qui leur devoyent succeder, à commencer par saint Mathias.

  A010000346 

 Mais il faut d'abord que je die cecy en passant: Pourquoy est-ce que saint Luc escrit les Actes des Apostres? Pour rapporter leurs actions et rien autre.

  A010000346 

 Quand, aux Actes des Apostres, il parle de l'election qu'ils firent de saint Mathias pour succeder à Judas, lequel vendit son Maistre et de desespoir se pendit, saint Luc dit que les Apostres et les disciples, les femmes devotes et Nostre Dame estoyent assemblés.

  A010000347 

 Ce n'est pas qu'ils soyent moindres que les autres, car saint Pierre est le prince et le premier de tous; mais apres avoir demandé au nom de tous les autres, elle nomme saint Pierre et saint Paul tout à part pour monstrer leur excellence.

  A010000347 

 Donques, quand saint Luc escrit: Là estoyent les Apostres, les disciples, les femmes et puis Marie, Mere de Jesus, ce n'est pas à dire qu'elle soit moindre que les personnages desja mentionnés, ains il veut monstrer qu'elle seule vaut mieux que tous ceux là ensemble..

  A010000347 

 En effect, on trouve en cent endroits de la Sainte Escriture que les plus grans sont nommés les derniers; voire mesme aux supplications que l'Eglise addresse à Nostre Seigneur par les merites des Apostres, elle met saint Pierre et saint Paul à la fin.

  A010000347 

 On en fait de mesme quand on parle du roy, d'autant qu'on dit: Là estoyent les princes, tout le peuple ou l'armée, puis le roy; mais ce n'est pas que le roy pour estre nommé le dernier soit au dessous des autres, o non, car chacun sçait qu'il est plus que tous; aussi le nomme-t-on tout à part.

  A010000348 

 [130] Sçachant donc cecy, et voyant qu'il la pouvoit contenter et suivre son intention, sans pour cela prejudicier tant soit peu à l'honneur qu'il luy devoit ni à l'estime qu'il en falloit avoir, il la nomma la derniere et tout à part, declarant par là en mesme temps qu'elle estoit plus grande que les Apostres et disciples, voire mesme que tous les Anges et les hommes ensemble..

  A010000349 

 La fidelité du serviteur se connoist en ce qu'il s'acquitte de ses devoirs en l'absence de son maistre aussi bien que s'il luy estoit present; car voit-on jamais un serviteur, pour negligent qu'il soit, ne point faire ce qu'il doit quand il sçait que les yeux de son maistre sont sur ses mains? Or, ne pas faire ce que l'on fait pour les [131] mains du Maistre, c'est agir par amour et non par crainte de chastiment..

  A010000349 

 Mais quand il leur recommande de ne tenir point les yeux fichés sur les yeux de leur Maistre il n'entend pas qu'ils ne fassent pas ce qu'ils font pour plaire aux yeux de Dieu et pour l'imiter, o non; mais que, lors mesme qu'ils ne seroyent pas regardés de leur Seigneur ils ne devroyent pas laisser de faire ce qui luy est aggreable.

  A010000349 

 Or, quand il dit d'avoir les yeux sur les yeux, il veut signifier qu'ils fassent ce qu'ils font pour plaire à Dieu; et sur ses mains, qu'ils regardent ses œuvres à fin de l'imiter.

  A010000349 

 Resouvenez vous des paroles du Psalmiste qui dit que le bon serviteur a tousjours les yeux sur les mains de son maistre, et la bonne servante sur celles de sa maistresse.

  A010000349 

 Saint Paul, qui a une merveilleuse grace en tout ce qu'il escrit, exhorte quelquefois les serviteurs de Jesus Christ d'avoir les yeux sur les yeux de leur Maistre, d'autres fois sur ses mains, et d'autres fois encores de ne point faire ce qu'ils font pour les yeux ni pour les mains d'iceluy.

  A010000350 

 Ayez donques desormais les yeux sur vostre Maistre qui est Jesus Christ, et s ur les mains de vostre Maistresse, la Sainte Vierge, imitant ses vertus, particulierement son humilité.

  A010000350 

 Peignez son image dans vos cœurs et l'y conservez avec fidelité, perseverant constamment en ce que vous avez voué et promis, car c'est la perseverance qui rend nos œuvres aggreables à Dieu et qui les couronne.

  A010000354 

 Il est dit dans la Genese que lors que Dieu eut creé le ciel et la terre, il les regarda, les trouva bien et s'y compleut; car considerant la lumiere il dit qu'elle estoit bonne; voyant ensuite la terre comme la pepiniere des arbres, herbes et plantes, et la mer qui retenoit dedans soy tant de poissons, il dit derechef que cela estoit bon.

  A010000354 

 Mais, comme les anciens Peres remarquent, lors que la divine Majesté eut separé la Mesopotamie et fait le paradis terrestre, il crea l'homme, puis il tira une de ses costes et en fit la femme; et regardant par apres tout son ouvrage, il le trouva non seulement bon, ains plus que tres bon.

  A010000355 

 Lors qu'elle les considere et les honnore en particulier, voyant la ferveur des Martyrs, l'amour des Apostres, la pureté des Vierges, elle dit à l'imitation du Createur que cela est bien; mais quand elle vient à tout ramasser et faire à tous ensemble [133] une feste, contemplant les couronnes, les palmes, les victoires et triomphes de tous les Saints, elle en ressent une complaisance nompareille et s'escrie: O que cela est bon, ains plus que tres bon! C'est cette feste que nous celebrons aujourd'huy..

  A010000355 

 Or, la sainte Eglise qui non seulement est espouse de Nostre Seigneur, mais encores son imitatrice, se voulant en tout et par tout conformer à luy, celebre les festes des Saints avec un playsir admirable.

  A010000356 

 C'est qu'elle est instituée pour honnorer plusieurs Saints et Saintes qui sont au Ciel, les noms desquels n'estans point conneus ça bas en terre, l'Eglise ne peut solemniser leur feste en particulier.

  A010000356 

 Ne pensez pas que ce soyent les miracles et les vocations speciales qui ont rendu saints tous ceux qui sont en Paradis; o non certes, car il est vray qu'il y en a un nombre infini qui ont esté ignorés en cette vie, qui n'ont point fait de prodiges et dont on ne fait aucune mention sur la terre, lesquels neanmoins sont au dessus de ceux qui ont operé beaucoup de merveilles et qui ont esté et sont honnorés parmi l'Eglise de Dieu.

  A010000356 

 O Dieu, combien pensez-vous qu'il y a eu de Saints dans les cavernes, dans les boutiques, dans les maysons devotes, dans les monasteres, qui sont morts inconneus et qui à cette heure sont exaltés dans la gloire par dessus ceux qui ont esté bien conneus et honnorés sur la terre? C'est pourquoy l'Eglise considerant la feste qui se celebre au Ciel en fait par consequent une en terre, en laquelle elle exalte ceux qu'elle connoist et aussi ceux dont elle ne connoist ni les noms, ni les vies..

  A010000357 

 Et que rend la terre au ciel en recompense? Elle luy expose ces plantes, ces fleurs et ces fruits, et elle luy renvoye des vapeurs qui montent comme la fumée de l'encens bruslé, et le ciel les reçoit.

  A010000357 

 Je ne veux pas icy parler de ces influences dont traittent les astrologues, ce n'est pas pour ce lieu; je parle de celles que, d'apres les platoniciens, le ciel respand sur la terre, lesquelles luy font produire les fruits, les arbres [134] et les plantes.

  A010000358 

 Elle tasche de les eslever et conformer en tout ce qui est possible aux habitans du Ciel; c'est pourquoy considerant les festes qui s'y celebrent pour le martyre et triomphe de chaque Saint en particulier, elle en fait de mesme icy bas.

  A010000358 

 Je diray donques quelque chose, le plus briefvement qu'il me sera possible, touchant ce qu'il faut faire pour bien celebrer cette feste, le reduisant en trois points, le premier que je marqueray et les deux autres que je deduiray..

  A010000360 

 C'est le propre de sa justice de recompenser ceux qui travaillent pour acquerir le Royaume de Dieu, cette divine Majesté nous ayant mis en cette terre où nous pouvons meriter et demeriter; neanmoins le loyer qu'il nous donne pour les travaux et labeurs que nous prenons est infiniment au dessus de nos merites, et voyla où reluit sa grande misericorde..

  A010000360 

 Dieu, de toute eternité, a desiré de nous donner sa grace et de nous faire ressentir les effects de sa misericorde, et par consequent de sa justice, par laquelle il nous veut donner sa gloire.

  A010000360 

 Or est-il que ces Esprits bienheureux, les Cherubins, les Seraphins et tous les autres Anges nous aymans souverainement, non seulement nous desirent, ains aussi nous procurent les celestes faveurs, poussés par le motif de la charité; car l'amour du prochain procedant et naissant de l'amour de Dieu comme de sa source et origine, il s'ensuit que du grand amour des Bienheureux envers nostre Sauveur et Maistre procede un desir tres ardent qu'il nous donne et departe sa grace en ce monde et sa gloire en l'autre.

  A010000361 

 Mais les Saints ont encores un autre motif qui leur fait demander et desirer que Dieu nous donne sa grace: c'est qu'ils voyent en luy ce vehement desir qu'il a de la nous departir; cela fait qu'ils nous la souhaittent et procurent avec un amour d'autant plus grand qu'ils le voyent grand en Dieu.

  A010000362 

 Aussi l'Eglise conjure-t-elle Nostre Seigneur de provoquer les Saints à prier pour nous.

  A010000362 

 Il faut donques prier et invoquer les Saints, et c'est en cette sorte que l'on doit celebrer leurs festes, implorant leur secours et l'employant pour obtenir les graces et faveurs dont nous avons besoin.

  A010000362 

 Luy mesme les provoque à prier eu leur tesmoignant le desir qu'ils implorent les graces dont nous avons besoin.

  A010000362 

 Voyla donc comme nous devons nous addresser à eux avec toute confiance, specialement le jour de leur feste, car il n'y a point de doute qu'ils ne nous escoutent et fassent volontiers ce dequoy nous les supplions..

  A010000363 

 Pour cela, lors que nous prions les Saints nous ne leur demandons pas qu'ils nous accordent ou qu'ils nous departent quelque vertu ou faveur, mais bien qu'ils la nous impetrent, parce qu'il n'appartient qu'à Dieu seul de donner ses graces comme il luy plaist et à qui il luy plaist..

  A010000363 

 Quant à la premiere, qui est celle que l'on prie, ce ne peut jamais estre que Dieu, car c'est luy seul qui possede en soy tous les tresors de la grace et de la gloire.

  A010000365 

 La Chananée, apres avoir prié immediatement le Sauveur, se sentant rejettée par luy, luy parla mediatement par l'entremise des Apostres, les suppliant d'estre advocats pour elle.

  A010000366 

 O Dieu, que c'est une parole pleine d'amour que celle cy, et qu'elle remplit le cœur de douceur et de confiance filiale! Ce que vous verrez par les demandes qui se font en la mesme Oraison, en laquelle on parle immediatement à Dieu; car apres l'avoir appellé du nom de Pere on luy demande son Royaume et que sa volonté soit faite ça bas en terre comme elle se fait là haut au Ciel.

  A010000367 

 C'est une question qui est debattue en la theologie scholastique, à sçavoir mon, si Nostre Seigneur entant qu'homme prie maintenant pour nous, car il est nostre Advocat et Mediateur; aussi faut-il que les advocats prient de mesme que les mediateurs.

  A010000367 

 Cecy est fort discuté entre les theologiens; mais il me semble que l'on s'en doit rapporter à ce que nostre divin Maistre a declaré: Je ne dis pas que je prieray pour vous; car il y a difference entre prier et demander, comme nous venons de le voir.

  A010000367 

 Il n'y a point de doute que Nostre Seigneur Jesus Christ ne demande pour nous le Royaume des Cieux, qui luy appartient et qu'il nous a gaigné au prix de son sang et de sa vie, et pour ce il le demande comme chose qui luy est deuë par justice; de mesme pour toutes les autres demandes qu'il addresse à son Pere.

  A010000368 

 Nous autres Chrestiens, qui vivons en cette vallée de miseres, prions et envoyons nos requestes et nos souspirs au Ciel, implorant le secours de Dieu et luy demandant sa grace; pour cela nous nous servons de l'invocation des Saints, les suppliant d'interceder pour ce qui nous regarde, nous qui sommes advenaires et pelerins sur cette terre, et qu'ils nous aydent à parvenir à cette felicité de laquelle ils jouissent..

  A010000369 

 Et les nostres, chetifves, viles et impures, estans meslées parmi les leurs reçoivent une force et vertu admirable.

  A010000369 

 Mais helas! nous sommes de pauvres gens; nos prieres sont si froides, si foibles, lasches et tiedes! Certes, il y a bien de la difference et disproportion entre celles des Bienheureux et les nostres.

  A010000369 

 O Dieu, ces glorieux Saints prient continuellement et sans se lasser; leur felicité est [139] de perpetuellement chanter les louanges de Dieu, mais avec tant de ferveur, de profonde humilité, d'amour et de fermeté qu'elles sont d'un prix et d'une valeur incomprehensibles.

  A010000370 

 Cecy estoit mon second point, que les Bienheureux prient d'autant plus ardemment et fortement pour nous qu'ils voyent davantage dans l'Essence divine combien sa Bonté desire nostre salut et beatitude.

  A010000370 

 Les Saints au Ciel ne cessent, comme nous avons dit, de desirer et demander que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, et que par ce moyen nous arrivions à la felicité qu'ils possedent; ils sont poussés à ce faire par cette charité vraye et non envieuse qui n'a d'autre objet que la gloire de Dieu; de là vient qu'ils souhaittent que nous la possedions.

  A010000372 

 L'humilité avec laquelle elle prononça ces paroles: Voicy la servante du Seigneur, fut si excellente qu'elle estonna les Anges mesmes.

  A010000372 

 Voyla comme l'humilité se prattique dans la gloire; il n'y a donques point de doute que les prieres des Saints, estans faites et accompagnées d'une telle humilité, ne soyent bien meritoires et ne nous puissent beaucoup ayder..

  A010000373 

 Mais avant d'en ressentir les effects il faut que nous scachions nous en prevaloir; car si de nostre costé nous ne cooperons, asseurement nous nous rendrons incapables de leurs suffrages.

  A010000373 

 Nous les prions de nous obtenir des vertus et nous ne voulons pas nous mettre en l'exercice d'icelles ni en faire aucun acte; neanmoins nous pretendons que les Saints les nous obtiennent, nonobstant que nous fassions les actes contraires aux vertus que nous demandons.

  A010000373 

 O quel abus est celuy cy! Certes, la misericorde de nostre Dieu veut que nous cooperions à sa grace et à ses dons; aussi, quand nous luy requerons quelques vertus par l'entremise des Saints, il nous les accorde si nous commençons d'abord à les pratiquer.

  A010000374 

 Aussi les Bienheureux supplient avec ferveur sa Bonté de se respandre sur nous, estans incités à ce faire, comme nous l'avons dit, par le desir et le playsir qu'ils voyent que Dieu prend à se respandre et communiquer..

  A010000374 

 Il n'y a point d'autre porte pour entrer en Paradis que celle de la redemption du Sauveur; c'est pourquoy l'Eglise termine toutes ses prieres par le nom de Nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous monstrer que les prieres des Anges ni celles des hommes ne peuvent estre ouyes du Pere eternel si ce n'est au nom de son Fils.

  A010000374 

 Les Saints donques prient à fin que le merite de cette Passion nous soit appliqué.

  A010000374 

 Par consequent aucune creature, non pas mesme la sacrée Vierge, quelles que soyent les prieres qu'elle fasse, ne peut parvenir à la gloire sinon par la Mort et Passion de Nostre Seigneur qui nous l'a achetée et meritée par icelle.

  A010000375 

 Et pour ce faire nous devons agir comme eux, à scavoir, embrasser les preceptes que nostre Sauveur a prononcés sur la montagne où il se retira, se voyant suivi d'une grande multitude de peuple.

  A010000375 

 Lors il dit ces sacrées paroles dans lesquelles est comprise toute la perfection chrestienne: Bienheureux les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; bienheureux en fin ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux..

  A010000375 

 Voyez-vous, si nous voulons nous rendre bien capables [142] des suffrages des Saints et les esmouvoir à prier pour nous, il nous faut fidellement prattiquer les vertus que nous demandons par leur intercession, et nous bien disposer à recevoir les dons du Seigneur: c'est icy mon troisiesme point.

  A010000376 

 Pendant que Nabuchodonosor regardoit la beauté d'icelle il apperceut une petite pierre se destacher de la montagne, laquelle heurtant les pieds de cette statue la renversa par terre et la reduisit en cendre, et il n'en resta rien.

  A010000376 

 Voicy une estrange doctrine qui est directement contre l'esprit du monde; mais vous l'entendrez mieux par la comparaison de cette statue que Nabuchodonosor vit en songe, laquelle avoit la teste d'or, les bras d'argent, le ventre d'airain, les pieds de terre et tout le reste comme vous l'avez souvent ouÿ dire.

  A010000377 

 Mais Nostre Seigneur voyant la folie et misere des mondains et en quoy ils constituent leur beatitude, jette cette pierre aux pieds de cette statue et dit en premier lieu: Bienheureux les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; et au contraire, malheur aux riches, car outre qu'ils ne possederont point ce Royaume, ils seront malheureux, d'autant qu'ils n'auront pour recompense que l'enfer et la compagnie des diables..

  A010000377 

 Nostre Seigneur dit: Bienheureux les pauvres d'esprit; et le monde: Bienheureux ceux qui sont riches, qui ont de l'or, de l'argent; qu'heureux sont ceux qui ont toutes sortes de commodités en cette vie! Comme au contraire, malheureux sont les pauvres qui n'ont rien de tout cela: on n'en tient aucun compte, on les estime dignes de compassion.

  A010000378 

 Nostre Seigneur jette derechef cette pierre et declare: Bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; et par ces paroles il destruit cette fierté et arrogance en laquelle le monde fonde sa beatitude..

  A010000378 

 Nostre divin Maistre poursuit: Bienheureux sont les debonnaires, car ils possederont la terre.

  A010000378 

 Or, d'autant que cette debonnaireté veut que l'on reprime les mouvemens de colere, que l'on soit doux, cordial et plein de mansuetude envers tous, que l'on pardonne à l'ennemy, que l'on supporte les mespris, la vanité du siecle, qui a un esprit tout contraire à celuy cy, dit: Bienheureux celuy qui se venge de son ennemy, qui se fait craindre et redouter de tous, auquel on n'oseroit faire un affront ni addresser un mot de mespris; qu'il est heureux celuy-là! tandis qu'elle regarde comme malheureux celuy qui est doux et benin parmi les mespris et adversités.

  A010000379 

 Et le monde dit: Bienheureux ceux qui rient et se donnent du bon temps, ceux qui dansent aux bals, ceux qui vont en mascarade et qui suivent les playsirs et vanités; malheur à ceux qui pleurent.

  A010000380 

 C'est dequoy se plaint saint Augustin, car il est bien difficile de posseder beaucoup de biens et honneurs sans les affectioner.

  A010000380 

 Hé, dit-il, ce n'est pas tout de se faire Religieux: quitter tout pour avoir toutes choses à souhait, se faire pauvre en entrant en Religion et vouloir que rien ne nous manque, vouer la pauvreté et ne vouloir en ressentir aucune incommodité, et qui pis est, rechercher en Religion ce que nous n'avons pas peu trouver au monde, pretendre nonobstant ce vœu, d'avoir mieux nos ayses et commodités qu'avant de nous estre rendus pauvres, o Dieu, quelle pauvreté molle, fade et blasmable! Il est vray pourtant, et c'est un malheur, que les plus difficiles [145] à contenter dans les monasteres ce sont ceux qui avoyent le moins de biens avant que d'y entrer..

  A010000380 

 Mais le monde voyant sa gloire renversée et qu'on le quittoit pour la pauvreté, les mespris, les larmes et la persecution, la prudence humaine s'y est glissée et a trouvé mille et mille interpretations de ces beatitudes; et c'est elle qui a tout gasté.

  A010000380 

 O Dieu, dit-elle, veritablement les pauvres d'esprit sont bienheureux.

  A010000381 

 Il est mort tout nud, et ses Saints l'ont suivi en cette pauvreté, quittant tout et s'exposant courageusement à tous les mesayses qu'elle entraisne apres soy.

  A010000381 

 Voyla comme la pauvreté nous porte à embrasser les incommodités qui la suivent..

  A010000382 

 Or, ce que la prudence humaine trouve contre la pauvreté, elle le trouve de mesme de la debonnaireté, des larmes et en somme de toutes les autres beatitudes.

  A010000382 

 Si nous voulons faire profession d'embrasser la pauvreté, embrassons de bon cœur les miseres et incommodités qu'elle mene quant et soy; soyons doux, cordials envers tous; pleurons si nous voulons estre consolés, je veux dire, versons des larmes spirituelles.

  A010000395 

 Cette superstition a passé si avant parmi les hommes que l'on a eu peine de l'arracher; c'est pourquoy la sainte Eglise la voulant extirper a dedié ces jours aux Saints, et a mieux aymé nommer du nom de ferie ceux auxquels il n'escheoit point de feste dont elle fasse l'office, plustost que de se servir des noms dont les anciens prophanes usoyent.

  A010000395 

 Je sçay que les anciens avoyent tellement accommodé ces jours et années qu'ils les nommoyent et distinguoyent selon le cours de la lune, et leur donnoyent des noms propres et appartenans à leurs fausses deités, comme de Mercure, de Mars, de Jupiter et autres semblables.

  A010000395 

 Les jours, les moys et les années appartiennent tous a Dieu qui les a faits et creés.

  A010000395 

 Mais combien que l'on dedie les jours de l'année aux Saints, si ne laissent ils pas pourtant d'estre tous consacrés à Nostre Seigneur comme à Celuy qui les a faits et à qui ils appartiennent tout c'est pour cela que l'Eglise luy dedie celuy d'aujourd'hui, qui est le premier, et en iceluy toute l'année.

  A010000398 

 Il y a un nombre infini d'interpretations et de raysons pour monstrer que le Sauveur n'estoit point sujet à cette loy, mais il faudroit bien du temps pour les rapporter; il suffira donc de dire qu'il n'y estoit aucunement obligé, et que s'il s'y est voulu assujettir ç'a esté pour nous donner un rare exemple de la circoncision spirituelle que nous devons faire..

  A010000398 

 Secondement, la circoncision estoit comme une marque par laquelle le peuple de Dieu estoit reconneu d'entre les autres; mais Nostre Seigneur n'avoit pas besoin d'estre marqué de cette marque, puisqu'il estoit luy mesme le sceau ou le signacle [148] du Pere eternel.

  A010000399 

 Certes, c'est un grand malheur que plusieurs, et presque tous les Chrestiens, voulans bien se circoncire spirituellement pour avoir part à la feste d'aujourd'hui, fassent cette circoncision en la partie la moins interessée.

  A010000399 

 En voyla qui seront enfoncés dans les voluptés sensuelles (je diray cet exemple un peu grossier jusqu'à ce que je m'en souvienne d'autres) et qui courront apres ces playsirs brutaux; ils veulent faire la circoncision spirituelle, ils tirent de l'argent de leur bourse et s'adonnent à plusieurs aumosnes.

  A010000400 

 Retranchez de vostre cœur tant d'affections desreglées qui s'y trouvent pour les richesses, honneurs et commodités; mettez asseurement et hardiment à ce cœur, à ces affections le couteau de la circoncision, et commencez par là comme par la partie la plus malade qui est en vous..

  A010000403 

 Voyla donques en quoy consiste la circoncision spirituelle, à sçavoir, à rechercher les passions, affections, humeurs et inclinations à fin d'en retrancher et couper les superfluités; et pour cela il est besoin d'un soigneux et serieux examen pour bien reconnoistre quelle est la partie la plus atteinte, quelle forte passion, inclination [150] et humeur est en nous, à fin de commencer par la cette circoncision interieure..

  A010000404 

 Il y a bien de la difference entre la circoncision et l'incision; car l'incision est requise aux malades qui ont quelque playe ou aposteme sur lesquels on applique le couteau ou le fer pour les ouvrir et en tirer l'ordure; mais il n'en est pas de mesme de la circoncision.

  A010000404 

 Or, il faut que je vous dise cecy comme par maniere de preface: tous sont obligés de faire la circoncision, mais differemment, non pas esgalement; car les ecclesiastiques, Prestres, Evesques, Religieux et Religieuses ont une particuliere obligation à la faire et d'une façon toute autre que ceux qui vivent dans le monde, d'autant qu'ils sont plus specialement dediés à Nostre Seigneur..

  A010000405 

 Il y a des Chrestiens qui coupent tout ce qui les empesche de garder la loy de Dieu; ils sont bien heureux ceux cy, car ils auront en fin le Paradis, puisque pour l'avoir il ne faut que bien garder et observer les divins commandemens.

  A010000406 

 Je dis toute, et non pas seulement une partie d'icelle; c'est pourquoy celuy qui n'aura fait qu'une incision, qui se sera contenté d'observer un commandement ou deux, retranchant la mauvaise coustume qu'il avoit d'y contrevenir, sans se soucier de circoncire les habitudes vicieuses qui le rendent refractaire aux autres preceptes de Dieu, il sera damné.

  A010000407 

 Ce couteau n'est autre qu'une bonne et forte resolution laquelle les fait passer au delà de toutes les difficultés pour entreprendre genereusement cette circoncision interieure.

  A010000407 

 Il ne suffit pas que les Religieux et Religieuses se contentent de couper et combattre un vice ou une mauvaise inclination, mais ils doivent aller tout autour du cœur.

  A010000407 

 Nous la devons prattiquer non seulement en la façon que font les seculiers, mais encor en une autre maniere à laquelle ils ne sont pas tenus parce qu'ils n'ont pas comme nous les moyens propres à [153] cela, et aussi parce qu'ils ne sont pas si particulierement dediés à Nostre Seigneur.

  A010000407 

 On oste mesme les causes du mal, et fait-on passer le couteau tout autour du futur, qui est la partie qu'il faut tousjours couper pour cette circoncision interieure, prenant garde à ce cœur et veillant sur luy pour voir quelles sont ses pensées, ses desirs, ses passions et inclinations, ses sentimens, repugnances et aversions à fin de les retrancher.

  A010000407 

 Pour cela ils usent d'un soin special à lin de regarder et remarquer exactement leurs passions, humeurs, propensions, aversions et habitudes pour les circoncire, employant à cet effect un soigneux examen.

  A010000407 

 Quant aux personnes dediées et consacrées au service divin, nous autres ecclesiastiques, Religieux ou Religieuses, nous sommes plus obligés que les autres à cette circoncision spirituelle.

  A010000407 

 Voyla pourquoy la Religion est appellée une maladiere et hospital auquel on guerit non seulement les maladies perilleuses et mortelles, ains encores les petites et non dangereuses.

  A010000411 

 Circoncisez, o mondains, ces blasphemes, ces juremens, ces paroles injurieuses, et pleines de detraction qui naissent de la colere, lesquelles sont veritablement peché et maladie mortelle; circoncisez, mes cheres ames, ces pensées de murmure, regardées, considerées et entretenues dans le cœur les jours, les semaines et les moys entiers, ces repugnances volontairement fomentées sur les obeissances contraires goust et fantasie.

  A010000412 

 Certes, je sçay assez combien sont recommandables ces anciens hermites et anachoretes qui vivoyent parmi les deserts, et en quelle estime il les faut avoir pour les admirables triomphes et victoires qu'ils ont remportés en mortifiant ou circoncisant eux mesmes leur cœur et leurs passions interieures, aydés à ce faire par la grace de Dieu, et sollicités et poussés par l'inspiration du Saint Esprit, des Saints et de leurs bons Anges.

  A010000412 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions des Docteurs et anciens Peres sur cecy, mais je ne les rapporteray pas maintenant; j'en diray seulement une, qui est que Nostre Seigneur a voulu estre [155] circoncis par la main d'autruy pour nostre exemple, à fin de nous monstrer qu'encores que ce soit une bonne chose de se circoncire soy mesme il est encores meilleur d'estre circoncis par les autres.

  A010000413 

 Ils sont en l'oraison, et là leur cœur s'enflamme du desir de cette circoncision; en effect, se tournant sur eux mesmes, ils commenceront à la faire, voire avec une telle ferveur qu'elle ne leur coustera rien, et avec tant de douceur et consolation qu'ils en jetteront une grande abondance de larmes qui descouleront de leurs yeux avec une suavité nompareille; en un mot, ce qui vient de nostre invention ou que nous faisons par nostre propre choix et election ne nous couste quasi rien, tant les subtilités de nostre amour propre sont grandes.

  A010000413 

 Neanmoins dans les familles et maisons religieuses il y a tousjours des personnes qui, outre cela, se tiennent en attention et qui veillent continuellement sur leur propre cœur pour connoistre ce qu'il faut tordre et mortifier, et par consequent elles ont le couteau entre les mains à fin de se circoncire elles mesmes; ce qui ne les empesche pas pourtant de vouloir l'estre par autruy, et il n'y a point de doute que cette circoncision ne soit plus douloureuse et sensible que l'autre.

  A010000413 

 Tous les Chrestiens sont sujets à se circoncire les uns les autres.

  A010000414 

 Il luy failloit plustost abattre celle cy que l'autre, a ce qu'il fust plus apte et prompt à ouyr les inspirations et les parolles divines et celestes; mais parce que vous avez agi tout au contraire, la circoncision n'en est pas bien faite.

  A010000414 

 Le premier des Apostres, saint Pierre, estant au jardin des Olives et voyant venir les soldats pour prendre son bon Maistre, fut soudain saisi d'un tremoussement d'ire, et s'addressant à Nostre Seigneur il luy demanda s'il frapperoit du glaive, comme s'il eust dit: Je n'ay qu'un petit couteau, mais s'il vous plaist que je frappe ces canailles, je feray du carnage.

  A010000414 

 Vous luy avez coupé l'oreille droite, qui est celle par laquelle ou reçoit et on entend les choses spirituelles, les inspirations et bons mouvemens, et vous luy avez laissé la senestre de laquelle on entend les choses mondaines et Vaines.

  A010000415 

 (Ce jeune prince se nommoit luy mesme Sichem, et son pere s'appelloit Hemor.) Puis il en fut si espris qu'il la fit ravir; ce qui luy fut facile, car les grans trouvent tousjours prou de gens qui les aydent et favorisent en leurs mauvais desseins.

  A010000416 

 L'Escriture dit en effect que l' ame de Sichem estoit collée avec celle de Dina; mais c'estoit d'une colle qui n'estoit guere forte, c'estoit un amour de paille, tel que les amours du monde qui ne sont point solides et qui ne durent que trois jours.

  A010000417 

 Estans tous assemblés au lieu prefix pour les consultations, la circoncision leur fut proposée et on apporta plusieurs raysons pour les esmouvoir à aggreer ce que le Roy desiroit pour le contentement de son fils.

  A010000417 

 Mais les inventions de l'esprit humain sont estranges.

  A010000420 

 Nous portons à cette heure le nom de Christ, à sçavoir Chrestien, et nous sommes tous oints par les Sacremens que nous recevons; quand nous serons au Ciel nous porterons celuy du Sauveur, d'autant que là nous jouirons tous du salut et nous serons tous des sauvés.

  A010000420 

 Voyla comme nous serons nommés de l'autre nom de Nostre Seigneur, car là haut nous serons appellés les sauvés..

  A010000421 

 Ce nom ne doit pas estre seulement prononcé tellement quellement; il n'est pas suffisant de sçavoir qu'il composé de deux syllabes, ni moins encores de le dire seulement de bouche; les perroquets en font bien autant, les mahometains et autres infidelles le nomment bien de la sorte, et ils ne sont point sauvés pour cela.

  A010000421 

 Nostre Seigneur nous monstre comme il le faut repeter lors qu'en le prenant il donne son sang, car il tesmoigne par là qu'il est prest à faire ce que ce saint nom signifie, à sçavoir sauver les hommes.

  A010000422 

 Il est rapporté dans le Livre des Juges que Jephté, grand capitaine, remporta la victoire contre les Ammonites par le vœu qu'il fit au Seigneur.

  A010000422 

 Mais apres avoir sacrifié sa fille et fait tout ce que porte l'histoire, alors qu'il pensoit estre en paix et en repos, voicy qu'une sedition s'esleve; les enfans d'Ephraïm se prindrent à luy reprocher qu'il ne les avoit pas invités ni menés avec luy à la guerre, combien qu'ils fussent de braves soldats, et que sans doute il avoit agi ainsy pour les mespriser.

  A010000422 

 Or Jephté plaça un corps de garde et des sentinelles sur le quay du Jourdain et leur donna le mot du guet, disant: Demandez à ceux qui voudront avoir le passage quels ils sont; s'ils vous respondent qu'ils sont d'Ephraïm, massacrez-les, et s'ils le nient faites-leur dire vostre mot du guet: Scibboleth.

  A010000422 

 Que s'ils prononcent sibboleth, mettez-les à mort, mais s'ils disent scibboleth, donnez-leur libre passage.

  A010000423 

 C'est pourquoy il nous le faut graver profondement dans nos cœurs et nos esprits, à ce que le benissant et honnorant en cette vie, nous soyons dignes de chanter avec les Bienheureux: Vive Jesus! Vive Jesus! [163].

  A010000423 

 C'est un nom par dessus tout nom, il est tout divin, tout doux et suave; c'est un baume respandu, propre à guerir toutes les playes de nos ames.

  A010000423 

 C'est à ce nom sacré que tous les genoux flechissent; c'est luy qui resjouit les Anges, qui sauve les hommes et qui fait trembler les diables.

  A010000427 

 Le second nom est celuy de la Purification de la Vierge, parce que la Loy ordonnoit que les femmes iroyent au Temple quarante jours apres leur accouchement pour se purifier, et qu'elles apporteroyent deux animaux pour offrande (les deux tourterelles offertes par la Vierge sacrée estoyent un signe et tesmoignage de sa purification); ou, comme disent quelques autres, la feste du Rencontre, parce qu'en ce jour les differentes sortes de gens qui sont en l'Eglise de Dieu se rencontrerent quasi toutes au Temple.

  A010000427 

 Les Grecs et ceux d'Orient l'ont appellée la Presentation du Fils de Dieu au Temple, parce qu'en icelle Nostre Dame alla en Hierusalem pour presenter le Fils unique de Dieu à son Pere eternel, dans son Temple mesme.

  A010000428 

 Cette feste est la fin de toutes celles qui se celebrent en l'honneur de l'Incarnation, car celles que nous solemniserons desormais ne regarderont plus ce mystere ni l'enfance du Sauveur, mais ouy bien sa Mort, sa Resurrection et Ascension; en somme, ce seront les festes de nostre Redemption.

  A010000428 

 Cette offrande nous est merveilleusement bien representée par les ceremonies que l'on fait aujourd'hy en l'Eglise; car la procession avec les cierges allumés nous rappelle cette divine procession de Vierge, quand elle alla au Temple portant entre ses bras son Fils, qui est la lumiere du monde.

  A010000428 

 De tous les sacrifices qui avoyent esté offerts à la divine Majesté dès le commencement du monde, aucun autre que celuy cy n'avoit esté esgal à ses merités; d'autant que si bien on luy immoloit plusieurs holocaustes et victimes, c'estoyent des sacrifices de bestes viles et abjectes, comme de moutons, veaux, taureaux ou oyseaux.

  A010000428 

 Lors donc que les Chrestiens portent les cierges en leurs mains, cela ne veut dire autre chose sinon que s'il leur estoit possible de porter Nostre Seigneur entre leurs bras comme firent Nostre Dame et le bienheureux Simeon, ils iroyent l'offrir au Pere eternel d'aussi bon cœur comme ils portent ces cierges qui le leur representent.

  A010000429 

 Ce mystere nous est bien representé par les cierges que nous portons à ce jour, auxquels se trouvent trois natures fort differentes l'une de l'autre, qui neanmoins sont tellement jointes et unies par ensemble qu'elles ne [165] font qu'un cierge: à sçavoir, la nature du feu, la nature de la meche ou luminon, et celle de la cire.

  A010000429 

 Il existe mesme une telle liaison entre ces deux natures que les attributs, louanges et eloges que l'on donne à l'une sont aussi donnés à l'autre; en sorte que nous disons que par cette jonction Dieu s'est fait homme et l'homme a esté fait Dieu.

  A010000430 

 D'abord, le feu est le premier de tous les elemens; la Divinité est le prince ou principe de tout estre et nature.

  A010000430 

 Le feu est une lumiere qui esclaire; la Divinité est une lumiere qui esclaire les tenebres, mais ce qui est davantage, sa lumiere est si lumineuse et esclattante qu'elle en est toute tenebreuse et obscure, en sorte qu'elle ne peut estre regardée ni apperceuë en cette vie que par des ombres et figures.

  A010000431 

 En cette vie, l'ame sans le corps est bien ce qu'elle est, par maniere de dire, mais elle est tout obscure, et ne peut faire paroistre ses passions et mouvemens, ses discours et pensées que par les organes, membres et sens d'iceluy.

  A010000431 

 La nature du luminon est sans doute plus noble que celle de la cire, car les luminons sont faits pour l'ordinaire de coton, lequel croist sur des arbres grandement hauts; au contraire, chacun sçait que la cire est recueillie comme le miel par les avettes dans les fleurs qui mi sur la terre.

  A010000431 

 Or, quoy que, [167] comme nous l'avons dit, la nature de la cire et celle du luminon soyent bien differentes l'une de l'autre, l'une venant de la terre et estant façonnée par les avettes, l'autre croissant sur de grans arbres sans avoir besoin de l'industrie d'aucune creature pour le façonner, ayant esté fait tel qu'il est par le Createur mesme, neanmoins ces deux natures sont tellement unies et meslangées l'une dans l'autre ès cierges que nous portons, qu'elles ne font qu'un seul cierge, ce qui certes est admirable..

  A010000432 

 Le sacré corps de Nostre Seigneur ne fut pas spirituel, non plus que ceux des autres hommes, bien qu'il fust plus noble et excellent que les nostres, n'ayant point esté conceu par œuvre d'homme, mais du Saint Esprit, lequel print pour le former le plus pur sang de la Vierge; de sorte qu'en verité ce corps est esgal aux nostres quant à la substance.

  A010000434 

 Or, cette nature divine ainsy jointe et unie à l'humaine, elles ont fait une telle liaison et communication entre elles, que l'homme a esté Dieu et Dieu a esté homme; de plut, les t rois substances qui se trouvent reunies en la personne de Nostre Seigneur ne forment que deux natures parfaites, à sçavoir la divine et l'humaine, lesquelles, quoy qu'infiniment esloignées l'une de l'autre, ne font neanmoins en l'Incarnation qu'une seule Personne.

  A010000435 

 Comment donc va-t-elle aujourd'huy au Temple pour se purifier? Certes, jusqu'à cette heure-là toutes les femmes qui devenoyent meres estoyent souillées, ce qui estoit une des consequences du peché originel; c'est pourquoy non seulement elles, mais aussi les enfans qui naissoyent en peché avoyent besoin de cette purgation, laquelle ils recevoyent en une façon bien rigoureuse.

  A010000435 

 Or, le Fils n'en estant point souillé, la Mere ne l'estoit pas non plus; car bien qu'il ne fust pas impossible que la Vierge n'eust quelque coulpe, et qu'estant née de pere et de mere elle en eust peu estre entachée comme les autres enfans, neanmoins il n'eust pas esté seant que la mere d'un tel Fils eust esté souillée du peché originel.

  A010000436 

 Comme est-ce donques que cette tres sainte Dame, estant toute pure et sans macule, a voulu aller au Temple pour se purifier comme les autres femmes, veu que, outre [170] tout cela, cette loy n'estoit pas une loy generale, ains seulement legale, instituée par Moyse? Il y a mille et mille raysons de cecy chez les anciens Peres, c'est à dire chez les anciens Docteurs; mais nous en trouvons en la Genese desquelles je me serviray pour vous monstrer pourquoy la sacrée Vierge, n'estant point obligée à la loy de la purification, s'y est neanmoins voulu assujettir..

  A010000437 

 Le Seigneur les mit en cet estat là dans le paradis terrestre et leur fit un seul commandement et defense, à sçavoir qu'ils ne mangeroyent point du fruit de l'arbre de science du bien et du mal; que s'ils en mangeoyent, ils mourroyent..

  A010000437 

 Or, il est escrit que Dieu avoit creé l'homme et la femme en la justice originelle, ce qui les rendoit extremement beaux et tellement capables de la grace qu'il n'y avoit point en eux de peché, ni par consequent fin rebellion de la chair à l'esprit.

  A010000438 

 Le voyla donques qu'il prend à cet effect un corps de serpent; il s'entortille à un arbre, et s'addressant à Eve comme à la partie la plus foible, il commence à l'arraisonner en cette sorte: Pourquoy Dieu qui vous a mis dans ce lieu vous a-t-il defendu de manger de tous les fruits qui y sont? Elle luy respondit ainsy, mais certes tout effrayée et tremblottante: Il ne nous a pas defendu de manger de tous les fruits, mais seulement de ne point toucher ni manger de celuy cy.

  A010000438 

 Lucifer en sa cheute vint premierement à se degouster du commandement avant de desobeir; voyla pourquoy, connoissant la force de cette tentation, quoy qu'il sceust bien que Dieu n'avoit pas defendu à nos premiers parens de ne point manger de tous les fruits, il ne laissa pas de le leur dire à fin de leur faire haïr cette ordonnance..

  A010000438 

 Mais voyez-vous la malice et la ruse de cet esprit infernal et menteur? Pourquoy, dit-il, Dieu vous a-t-il defendu de manger de tous ces fruits? Voyez-vous comme il exagere la defense de Dieu? Il n'avoit pas defendu de manger de tous les fruits ains d'un seul, mais il parloit ainsy à Eve à dessein de luy faire haïr le commandement du Seigneur; car le premier degré de la desobeissance c'est de haïr la chose commandée, et cette haine est une tres grande tentation contre l'obeissance.

  A010000439 

 Remarquez, je vous en prie, combien cette tentation s'accroist par la responce d'Eve: Nous mangeons bien, dit-elle, de tous les fruits, mais pour celuy de science, il nous a defendu d'en manger et de le toucher; et vous me demandez pourquoy? C'est, adjouste-t-elle, de peur que nous ne mourions.

  A010000440 

 Or, nous voyons aussi que tous ces miserables qui se perdent en se retirans de l'Eglise passent par ce degoust et cette haine des commandemens; car Dieu a ordonné que les prestres et les ecclesiastiques garderoyent inviolablement la chasteté et virginité, et le diable est venu demander: Pourquoy a-t-on fait ce commandement? Et, voyla qu'il parvient à le faire haïr et persuader à plusieurs de se retirer de l'Eglise pour avoir la liberté de ne le pas observer.

  A010000441 

 Un pere ou une mere aura defendu à une fille de ne pas aller au bal à ce carnaval, ou de ne pas aller en telle compagnie, et voyla que cette fille vient à haïr cette defense et dit: On n'oseroit regarder les bals ni les mascarades, ni on n'oseroit lever les yeux pour regarder un homme; il vaudroit autant les avoir cousus, ou bien il nous les faudroit arracher, ou nous les boucher comme à des esperviers.

  A010000442 

 Il est vray, mais les autres femmes, desquelles je dois estre l'exemple, en ont besoin; j'obeis donc à cette loy tant pour l'amour que je luy porte que pour le profit de celles qui y sont tenues.

  A010000442 

 O que bienheureux sont ceux qui ayment les commandemens de Dieu, et qui ne font pas seulement ce qu'ils sont obligés de faire, mais encores ce qui ne les oblige pas, s'y sousmettant pour le bien et edification des autres! C'est cet amour, que la sacrée Vierge portoit à l'obeissance et à l'edification du prochain qui la fit assujettir à la loy de la purification..

  A010000444 

 Je sçay bien que l'on peut avoir des degousts et des aversions non seulement pour le commandement, ains encor pour ceux qui commandent; mais de dire quelque chose ou d'entretenir les pensées que ces degousts et repugnances fournissent, c'est ce qu'il ne faut jamais faire.

  A010000444 

 Neanmoins, c'est à quoy vise le malin esprit, et pour ce sujet il demande à Eve, comme en mesprisant l'ordre du Seigneur: Pourquoy Dieu vous a-t-il fait ce commandement? Quelle rayson, vouloit-il dire, de vous mettre en ce paradis terrestre et de vous defendre de manger de tous les fruits qui y sont? Mais il estoit un grand menteur, d'autant que Dieu n'avoit pas fait une telle defense; et certes, s'il l'eust faite, il semble qu'elle eust esté insupportable, car de mettre un homme et une femme dans un beau verger tout plein de fruits et leur l'aire une defense generale de n'en toucher pas un, c'eust esté un commandement bien difficile à observer.

  A010000445 

 C'est la façon des heretiques de faire ce choix et c'est pour cela qu'ils sont nommés heretiques; mais entre les Chrestiens il ne faut point de choix en ce qu'ils doivent croire et observer, ains il faut simplement croire.

  A010000445 

 Elle auroit sans doute eu plus de consolation de demeurer dans la pauvre grotte de Bethleem aupres de son sacré Enfant, et d'y continuer les doux et saints colloques qui se faisoyent entre ce Fils et cette Mere; mais comme elle estoit vrayement obeissante, elle ne faisoit aucun choix des commandemens, ains se sousmettoit à tous indifferemment; car ce n'est pas le propre des vrays enfans de Dieu de faire election de ceux qu'ils veulent prattiquer.

  A010000445 

 Les uns ayment la discipline, les autres la haire; qui voudra faire les choses de conseil et non celles de commandement; tel voudra jeusner le jour de Pasques, que l'Eglise ne commande pas, et ne voudra pas jeusner le jour des Cendres.

  A010000445 

 Neanmoins il se trouve parmi les Chrestiens des heresies, non point certes telles que celles des heretiques qui sont hors de l'Eglise; cependant il y a des Chrestiens qui le veulent bien estre, et qui malgré cela ne veulent obeir qu'aux commandemens qu'ils affectionnent.

  A010000446 

 N'est-ce pas une chose pouvantable de voir un saint Paul hermite au fond d'un desert, enfermé dans une grotte comme un sauvage, ne mangeant que du pain et ne beuvant que de l'eau? Certes, ce sont des choses du tout admirables, et neanmoins avec cela il usoit de sa liberté, ce qui soulageoit en quelque façon les austerités qu'il faisoit, parce qu'il y avoit du propre choix en cette maniere de vivre, ci ne travailloit que pour son salut particulier.

  A010000446 

 Or, cette obeissance absolue et sans reserve est ce qui releve les Religieux au dessus mesme des hermites [176] et anachoretes qui demeuroyent ès solitudes, y menant une vie plus admirable qu'imitable.

  A010000447 

 Les uns tiennent que cet enfant fut saint Martial, qui fut despuis Evesque de Limoges, mais la plus commune opinion est que ce fut saint Ignace martyr, duquel nous celebrasmes hier la feste et dont on fera demain l'Office, car il est transferé.

  A010000447 

 Pour vous, deduire ce troisiesme point, je vous presenteray un exemple profitable; et bien que j'en aye ja parlé d'autres fois, et mesme en ce lieu, je ne laisseray pas de vous le dire, car la plus grande partie de celles qui sont à present icy n'y estoyent pas alors; et puis, encores que l'on reparle d'un mesme sujet on ne dit pas tousjours les mesmes choses.

  A010000448 

 Or dites-moy, je vous prie, lequel estimez-vous estre le plus heureux, ou saint Ignace qui fut porté entre les bras de Nostre Seigneur, ou saint Simeon le juste qui le porta entre les siens? Dites-moy ce que vous aymeriez le mieux, ou d'estre portées par ce cher Sauveur comme saint Ignace, ou de le porter entre vos bras comme fit Simeon? Certes, tous deux sont bien heureux, et saint Ignace d'estre manié et porté non point où il veut mais où il plaist à Nostre Seigneur, et saint Simeon de porter entre ses bras Celuy qui luy causa tant de contentement qu'il respandit sur ce divin Seigneur une abondance de larmes de douceur et de consolation.

  A010000449 

 C'est ce que l'on fait quand on obeit aux inspirations generales qui sont marquées dans les Regles et Constitutions, et aux particulieres et secrettes qui se font au cœur.

  A010000449 

 Ce sont icy toutes les affections de Dieu, sur lesquelles nous devons marcher, suivant non seulement ses preceptes, mais encores ses intentions au plus pres que nous pourons.

  A010000449 

 De celuy cy viennent tous les autres: Tu ne tueras point, tu ne desroberas point, en somme tu ne feras à ton prochain que ce que tu voudrois estre fait à toy mesme.

  A010000449 

 Le grand saint Ignace fut bien heureux d'estre porté entre les bras du Sauveur et de ne plus marcher sur ses pieds mais sur les siens, puisque celuy qui est porté ne marche pas sur ses pieds ains sur ceux de celuy par lequel il est porté.

  A010000449 

 Mais pour cheminer asseurement en celles-cy selon les affections divines, il faut estre simple et veritable à les descouvrir, et suivre la direction que l'on nous donne là dessus; par ce moyen nous serons portés par Nostre Seigneur et ne marcherons plus sur nos propres affections ains sur celles de Dieu..

  A010000449 

 Mais que cette ame est heureuse quand elle ne chemine plus sur ses affections sur celles de son Dieu! Et quelles sont les affections Dieu sinon ses commandemens, d'autant que c'est en iceux qu'elles sont encloses? et tous sont compris en ce premier: Tu aymeras ton Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme toy mesme.

  A010000449 

 Nous n'avons donques pas besoin de nous mettre en peine pour sçavoir quelles sont les affections de Dieu, parce qu'elles nous sont toutes marquées dans ses commandemens et dans les conseils que Nostre Seigneur nous a luy mesme donnés sur la montagne quand il a dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, bienheureux lex debonnaires, et les autres beatitudes.

  A010000450 

 Nous faisons cela quand nous endurons les travaux et les peines avec amour, c'est à dire, que l'amour que nous avons à la loy de Dieu nous rend son joug suave et plaisant, nous faisant aymer ces peines et travaux, et cueillir la douceur parmi les amertumes: cela n'est autre que porter Nostre Seigneur entre nos bras.

  A010000450 

 Or, le porter en cette façon n'est autre chose que de vouloir endurer et souffrir de [179] bon cœur tout ce qu'il luy plaist que nous souffrions, pour dure et pesante que soit la charge et le fardeau que Dieu nous met sur les espaules.

  A010000451 

 Mais pour vous dire lequel est le plus heureux je ne le sçaurois, vous y penserez à part vous; ce pendant taschez de les imiter en cette vie, et vous benirez le Sauveur et en serez benites en l'autre avec ces glorieux Saints.

  A010000451 

 O que nous serons heureux si nous nous laissons bien porter par ce cher Seigneur, et si nous le portons sur nos espaules comme saint Christophe, et entre nos bras comme saint Simeon, nous abandonnant tout à luy pour nous laisser conduire comme il luy plaira! Remettez-vous donc entierement entre les bras de sa divine Providence, sousmettez-vous à ce qui est de sa loy et vous disposez à endurer toutes les peines qui vous pourront arriver en cette vie; ce faisant, les choses les plus dures et penibles vous seront rendues douces et suaves, et vous participerez au bonheur de saint Simeon et de saint Ignace.

  A010000456 

 C'est pourquoy j'ay pensé de vous parler en cette exhortation des conditions qui rendent le jeusne bon et meritoire, mais briefvement et le plus familierement qu'il me sera possible; ce que j'observeray tant aujourd'huy comme ès discours que je vous addresseray tous les jeudys de ce Caresme, lesquels seront des plus simples et propres pour vos cœurs, si j'y puis rencontrer..

  A010000457 

 Les anciens philosophes le gardoyent [181] et le recommandoyent: ce n'est pas qu'ils fussent vertueux pour cela, ni qu'ils pratiquassent une vertu en jeusnant, o non, puisque le jeusne n'est vertu sinon entant qu'il est accompagné des conditions qui le rendent aggreable à Dieu; de là vient qu'il proffite aux uns et non aux autres parce qu'il n'est pas fait esgalement de tous.

  A010000457 

 Mais pour traitter à ce coup icy du jeusne et de ce qu'il est requis de faire pour bien jeusner, il faut sçavoir avant toute chose que de soy le jeusne n'est pas une vertu, car les bons et les mauvais, les Chrestiens et les payens l'observent.

  A010000458 

 C'est pourquoy nostre divin Maistre, qui a institué le jeusne, a bien voulu dans son sermon sur la montagne apprendre à ses Apostres comme il le failloit prattiquer, ce qui est d'un grand proffit et utilité (car il n'eust point esté seant à la grandeur et majesté de Dieu d'enseigner une doctrine inutile, cela ne se pouvoit faire); mais sçachant que pour tirer la force et l'efficace du jeusne il failloit observer autre chose que de s'abstenir des viandes prohibées, il les instruit, et par consequent les dispose à recueillir les fruits propres du jeusne, qui sont plusieurs, et entre tous les autres ces quatre icy: le jeusne fortifie l'esprit, mortifiant la chair et sa sensualité; il esleve l'ame en Dieu; il abat la concupiscence et donne force pour vaincre et amortir ses passions; en fin il dispose le cœur à ne chercher qu'à plaire purement à Dieu.

  A010000458 

 Ce n'est donques pas inutile de declarer ce qu'il faut faire pour bien s'acquitter du jeusne de la Quarantaine; car quoy que tous soyent tenus de le sçavoir et prattiquer, si est-ce que les Religieuses et les personnes dediées à Nostre Seigneur y sont plus particulierement obligées.

  A010000458 

 Or, entre toutes les conditions requises pour bien jeusner, je vous en marqueray trois principales, sur lesquelles je vous diray familierement quelque chose..

  A010000459 

 Si je vous rapporte les paroles de saint Bernard touchant le jeusne, vous sçaurez non seulement pourquoi il est institué, mais encores comme il se doit garder..

  A010000460 

 Combien de pechés sont entrés en l'ame par les yeux, que la Sainte Escriture marque pour la concupiscence de la veuë? C'est pourquoy il les faut faire jeusner, les portant bas et ne leur permettant pas de regarder des objets frivoles et illicites; les oreilles, les privant d'entendre les discours vains qui ne servent qu'à remplir l'esprit d'images mondaines; la langue, en ne disant point des paroles oyseuses et qui ressentent le monde ou les choses d'iceluy.

  A010000460 

 Mais, adjouste ce glorieux Saint, comme ce n'est pas nostre bouche seule qui a peché, ains encor tous nos autres sens, il est requis que nostre jeusne soit general et entier, c'est à dire que nous fassions jeusner tous les membres de nostre corps; car si nous avons offensé Dieu par les yeux, par les oreilles, par la langue et par nos autres sens, pourquoy ne les ferons-nous pas jeusner? Et non seulement il faut faire jeusner les sens du corps, ains aussi les puissances et passions de l'ame, ouy mesme l'entendement, la memoire et la volonté, d'autant que l'homme a peché par le corps et par l'esprit.

  A010000460 

 On doit aussi retrancher les discours inutiles de l'entendement, ainsy que les vaines representations de nostre memoire, les appetits et desirs superflus de nostre volonté, en somme luy tenir la bride à ce qu'elle n'ayme ni ne tende qu'au souverain Bien; et par ce moyen nous accompagnerons le jeusne exterieur de l'interieur..

  A010000461 

 Et en ce premier jour elle nous addresse ces paroles: «Souviens-toy, o homme, que tu es cendre et que tu retourneras en cendre;» comme si elle nous vouloit dire: O homme, quitte à cette heure toutes les joyes et liesses, toutes les considerations joyeuses et plaisantes, et remplis ta memoire de pensées ameres, aspres et douloureuses, faisant par telles cogitations jeusner l'esprit avec le corps..

  A010000462 

 C'est aussi ce que nous signifioyent les Chrestiens de la primitive Eglise, lesquels se privoyent en ce temps des conversations ordinaires avec leurs amis et se retiroyent en de grandes solitudes et lieux escartés du commerce du peuple pour mieux faire le Caresme.

  A010000462 

 De mesme les anciens Peres et les Chrestiens de l'an 400 ou tant apres la venue de Nostre Seigneur, estoyent si soigneux de bien faire la sainte Quarantaine qu'ils ne se contentoyent pas de s'abstenir des viandes prohibées, mais encores ils ne mangeoyent ni œufs, ni poisson, ni lait, ni beurre, ains se nourrissoyent d'herbes et de racines.

  A010000462 

 Et non contens de faire jeusner le corps de la sorte, ils faisoyent jeusner l'esprit et toutes les puissances de l'ame.

  A010000462 

 Ils prattiquoyent en ce temps de grandes et aspres penitences par lesquelles ils matoyent leur corps et faisoyent jeusner tous les membres d'iceluy, et cela d'une franche liberté, non point forcée ni contrainte.

  A010000462 

 Voyla comme leur jeusne estoit accompli d'un cœur entier et general; car ils sçavoyent bien que puisque ce n'est pas la bouche seulement qui a peché, mais encores tous les autres sens de nostre corps et puissances de nostre ame, ses passions et appetits se sont par consequent trouvés remplis d'iniquités.

  A010000463 

 Les pecheurs jeusnent en cette sorte, mais parce qu'ils n'ont pas l'humilité cela ne leur profite aucunement.

  A010000463 

 Les philosophes payens ont ainsy jeusné, et leur jeusne n'a point esté regardé de Dieu.

  A010000463 

 Ouand vous vous disciplineriez, quand vous feriez de fraudes prieres et oraisons, si vous n'avez la charité cela n'est rien; quand mesme vous opereriez des miracles, si vous n'avez la charité ils ne vous profiteront point; voire si vous souffriez le martyre sans la charité, vostre martyre ne vaudroit rien et ne seroit point meritoire aux yeux de la divine Majesté; car toutes les œuvres, petites ou grandes, pour bonnes qu'elles soyent en elles mesmes, ne valent et ne nous profitent point si elles ne sont faites en la charité et par la charité.

  A010000463 

 Saint Paul en l'Epistre qu'il escrit aux Corinthiens, laquelle nous lisions Dimanche passé, declare les conditions requises pour se bien disposer au jeusne de la Quarantaine.

  A010000463 

 Voicy le Caresme qui approche; preparez vous à jeusner avec charité, car si vostre jeusne est fait sans icelle, il sera vain et inutile, d'autant que le jeusne, comme toutes les autres bonnes œuvres, s'il n'est pas fait en charité et par la charité n'est point aggreé de Dieu.

  A010000464 

 Et qu'est-ce que jeusner par sa propre volonté? C'est jeusner comme on veut, et non point comme les autres veulent; jeusner en la façon qui nous plaist, et non point comme on nous l'ordonne et conseille.

  A010000465 

 Grande folie que celle-là! Mais voyez que c'est de l'esprit humain: parce que le jeusne que ces personnes s'imposent le samedy à l'honneur de nostre glorieuse Maistresse vient de leur propre volonté et election, il leur semble qu'il soit plus saint et qu'il les conduise à une plus grande perfection que ne feroit pas le jeusne du Caresme qui est commandé.

  A010000465 

 Nous y avons une certaine complaisance qui nous facilite les choses les plus ardues et difficiles, et cette complaisance est presque tousjours vanité.

  A010000465 

 Vous trouverez des femmes qui veulent jeusner tous les samedis de l'année et non le Caresme; elles veulent jeusner à l'honneur de Nostre Dame et non à celuy de Nostre Seigneur, comme si Nostre Seigneur et Nostre Dame ne tenoyent pas rendu à l'un le culte qui est deferé à l'autre, et qu'en honnorant le Fils par le jeusne fait à son intention l'on ne contentast pas [186] la Mere, ou qu'en honnorant la Vierge l'on n'aggreast pas au Sauveur.

  A010000466 

 C'est avec ceux cy que nous avons le plus à faire: nous monstrons clairement aux premiers qu'ils contreviennent à la loy de Dieu, et qu'en ne jeusnant pas autant qu'il faut, tout en le pouvant faire, ils enfreignent les commandemens du Seigneur.

  A010000466 

 C'est ce qui faisoit que le grand Apostre se plaignoit, disant: Nous nous trouvons bien empeschés avec deux sortes de gens pour ce qui regarde le jeusne; car les uns ne veulent pas jeusner autant qu'ils doivent et ne se peuvent contenter des viandes permises (ce que l'ont encores aujourd'huy plusieurs mondains lesquels pour ce sujet alleguent mille raysons; mais je ne suis pas icy pour parler de telles choses, car c'est à des Religieuses à qui je m'addresse).

  A010000466 

 Ces gens ne jeusnent point par humilité ains par vanité; ils ne reconnoissent pas qu'estans foibles et infirmes, ils feroyent beaucoup plus pour Dieu de ne pas jeusner par le commandement d'autruy et de se servir des viandes qui leur sont ordonnées, que de vouloir s'en abstenir par leur propre volonté; car si bien, à cause de leur foiblesse, leur bouche ne peut faire abstinence, il faut qu'ils fassent [187] jeusner les autres sens du corps et les passions et puissances de l'ame..

  A010000466 

 Il y en a d'autres qui pretendent jeusner plus qu'il ne la ut, et avec ceux cy l'on a plus de peine qu'avec les premiers.

  A010000466 

 Les autres, dit saint Paul, veulent plus jeusner qu'il ne faut.

  A010000466 

 Mais nous avons plus de peine avec les foibles et infirmes qui n'ont pas la force de jeusner; car ils ne veulent point ouyr de raysons ni se persuader qu'ils n'y sont pas tenus, et malgré que nous en ayons ils s'opiniastrent à jeusner plus qu'il n'est requis, ne voulans point user des viandes que nous leur ordonnons.

  A010000467 

 Mais quand Nostre Seigneur dit: Faites vostre jeusne en secret, il veut entendre: Ne le faites point pour estre veus ni estimés des creatures, ne faites point vos œuvres pour les yeux des hommes; soyez soigneux de les bien edifier, mais non pas à fin qu'ils vous estiment saints et vertueux.

  A010000467 

 Ne faites point, dit Nostre Seigneur, comme les hypocrites, lesquels quand ils jeusnent sont tristes et melancoliques à fin d'estre loués des hommes et estimés grans jeusneurs; mais que vostre jeusne se fasse en secret; lavez alors vostre face, oignez vostre chef, et vostre Pere celeste qui voit le secret de vostre cœur vous sçaura bien recompenser.

  A010000467 

 Ne soyez pas comme les hypocrites, ne taschez point de paroistre meilleurs que les autres en pratiquant plus de jeusnes et de penitences qu'eux..

  A010000468 

 Car quoy que le jeusne et les autres penitences soyent bonnes et louables, si est ce neanmoins que n'estans pas pratiquées par ceux avec lesquels vous vivez, il y auroit de la singularité et partant de la vanité, ou du moins quelque tentation de vous surestimer par dessus ceux qui ne font point comme vous, et cela par une certaine complaisance en vous mesmes, comme si vous estiez plus saints qu'eux en faisant de telles choses.

  A010000468 

 Le glorieux saint Augustin, en la Regle qu'il a escrite pour ses Religieux, et encores en celle de ses Religieuses (car il les a dressées toutes deux, et l'une apres l'autre), ordonne qu'on suive la communauté autant qu'il se peut, comme voulant dire: Ne soyez pas plus vertueux que les autres, ne veuillez pas faire plus de jeusnes, plus d'austerités, de mortifications qu'il ne vous en est ordonné; faites seulement ce que les autres font et ce qui vous est commandé par vos Regles, selon la maniere [188] de vivre que vous tenez, et vous contentez.

  A010000468 

 Que les forts et robustes mangent ce qui leur est donné, gardent les jeusnes et austerités qui sont marqués, et qu'ils se contentent de cela; que les foibles et infirmes reçoivent ce qui leur est presenté pour leur infirmité, sans vouloir faire ce que font les robustes; et que les uns et les autres ne s'amusent point à regarder ce que celuy cy mange et ce que celuy là ne mange pas, ains que chacun demeure satisfait de ce qu'il a et de ce qui luy est donné: par ce moyen vous eviterez la vanité et particularité..

  A010000469 

 Dieu luy inspira cette retraitte si extraordinaire à fin de rendre recommandables les deserts qui estoyent pour lors inhabités et qui par apres devoyent estre habités par tant de si saints Peres; mais ce n'estoit pourtant pas à fin que chacun suivist saint Paul, ains seulement pour qu'il fust un mirouer et prodige de vertus, digne d'estre admiré et non imité de tous.

  A010000469 

 Que l'on ne me rapporte point non plus un saint Simeon Stylite lequel demeura quarante quatre ans sur une colonne, luisant chaque jour deux cens actes d'adoration par des [189] genuflexions; car il agissoit de la sorte, aussi bien que saint Paul, par une inspiration toute particuliere, Dieu voulant faire voir en iceluy un miracle de sainteté, et comment les hommes sont appellés et peuvent mener en ce monde une vie toute celeste et angelique..

  A010000470 

 L'araignée ourdit sa toile à la veue de tout le monde et jamais en secret; elle la va filant par les vergers, d'arbre en arbre, dans les maisons, aux fenestres, aux planchers, en somme sous les yeux de tous: elle ressemble en cela aux vains et hypocrites qui font toutes choses pour estre veus et admirés des hommes; aussi leurs œuvres ne sont-elles que des toiles d'araignées, propres à estre jettées dans le feu d'enfer.

  A010000470 

 Mais les avettes sont plus sages et prudentes, car elles mesnagent leur miel dans la ruche où personne ne les peut voir, et outre cela elles se bastissent des petites cellules où elles continuent leur travail en secret; ce qui nous represente fort bien l'ame humble, laquelle est tousjours retirée en soy mesme, sans chercher aucune gloire ni louange de ses actions, ains elle tient son intention cachée, se contentant que Dieu la voye et sçache ce qu'elle fait..

  A010000470 

 Ne faites pas comme l'araignée, qui represente les orgueilleux, ains comme l'avette, qui est le symbole de l'ame humble.

  A010000470 

 O non, dit saint Augustin, ne paroissez point plus vertueux que les autres, contentez-vous de faire ce qu'ils font; accomplissez vos bonnes œuvres en secret et non pour les yeux des hommes.

  A010000470 

 Que l'on admire donques toutes ces choses, mais qu'on ne me dise point qu'il seroit mieux de se retirer à part, à l'imitation de ces grans Saints, sans se mesler avec les autres ni faire ce qu'ils font, et de s'adonner à de grandes penitences.

  A010000471 

 Ceux cy le virent bien, mais pas un ne pensa pourquoy il faisoit cela, car ils n'alloyent point picotant sur les actions des autres; ils creureut donques que leur Frere faisoit cela tout simplement; aussi n'en tirerent-ils aucune consequence.

  A010000471 

 Ils ne censuroyent point les actions d'autruy, ils n'estoyent pas comme ceux qui vont tousjours espluchant les faits du prochain, faisant sur tout ce qu'ils voyent des livres, des commentaires et des interpretations..

  A010000471 

 [190] Donques, pendant cette conférence un des Religieux qui avoit fait deux nattes en un jour, vint les estendre au soleil en la presence de tous ces Peres.

  A010000472 

 Ces bons Religieux ne penserent donques rien de celuy qui estendoit ainsy ses deux nattes; mais saint Pacome, qui estoit son Superieur et à qui seul il appartenoit d'examiner le mouvement qui le poussoit, entra un peu en consideration sur cette action; et comme Dieu donne tousjours sa lumiere à ceux qui le servent, il luy fit connoistre que ce Frere estoit conduit par un esprit de vanité et de complaisance pour ses deux nattes, et qu'il avoit fait cela à fin que luy et tous les autres Peres vissent qu'il avoit bien travaillé ce jour-là.

  A010000472 

 Mais saint Pacome, qui avoit l'Esprit de Dieu, les luy fit jetter au feu et demander à tous les Religieux de prier pour celuy qui avoit travaillé pour l'enfer; puis il le fit mettre cinq mois en prison pour penitence de sa faute, à fin de servir d'exemple aux autres et leur apprendre à faire leurs œuvres avec humilité..

  A010000472 

 Or, leur occupation plus ordinaire estoit de tresser des nattes et chacun en devoit faire une par jour; le Frere dont nous parlons en ayant fait deux pensoit pour cela estre plus vaillant que les autres, c'est pourquoy il les vint estendre au soleil devant tous à ce qu'on le conneust.

  A010000473 

 Or, dit Nostre Seigneur, ne faites pas comme ceux-là, ains que vostre jeusne se fasse en secret, pour les yeux de vostre Pere celeste, et il vous regardera et recompensera..

  A010000473 

 Que vostre jeusne ne ressemble point à celuy des [191] hypocrites, qui font les mines melancoliques et qui n'estiment saints que ceux qui sont maigres.

  A010000473 

 Voyez-vous un peu que c'est de l'esprit humain: il ne considere que l'apparence et, comme vain, fait toutes ses œuvres pour paroistre devant les hommes.

  A010000474 

 (Plusieurs Saints en faisoyent un si grand estât qu'ils ne se couchoyent jamais sans en avoir leu un chapitre pour recueillir leur esprit en Dieu.) Il dit donc: Que te proffitera-t-il de faire ce que tu fais pour les yeux des creatures? Rien que vanité et complaisance, qui ne sont bonnes que pour l'enfer; mais si tu accomplis ton jeusne et toutes tes œuvres pour plaire à Dieu seul, tu travailleras pour l'eternité, sans te complaire en toy mesme, ni te soucier si tu es veu ou non des hommes, d'autant que ce que tu fais n'est pas pour eux, et que ce [192] n'est point d'eux que tu attens ta recompense.

  A010000474 

 Cependant, quoy que tous les hommes doivent chercher de ne plaire qu'à Dieu, si est-ce que les Religieuses et les personnes qui luy sont dediées doivent avoir un soin tout particulier de cecy, ne visant qu'à luy, se contentant que luy seul voye leurs œuvres et n'attendant aussi que de luy leur recompense.

  A010000475 

 O non, car nul n'ignore que les enfans n'y sont point tenus, ni les personnes de soixante ans..

  A010000476 

 Laissons donques cela, et voyons plustost, par trois exemples que je vous rapporteray, combien c'est une chose dangereuse de vouloir faire les discrets sur les commandemens de Dieu ou de nos Superieurs.

  A010000477 

 Le second exemple est de certains disciples de Nostre Seigneur lesquels, entendans qu'il parloit de leur donner sa chair et son sang en viande et breuvage, voulurent faire les discrets et prudens, demandant comment pourroit-on manger la chair et boire le sang d'un homme? Mais comme ils vouloyent raysonner là dessus, nostre divin Maistre les rejetta.

  A010000478 

 Ce que voyant, ceux qui les traittoyent penserent que c'estoit chose perdue d'en faire cuire puisque nul n'en prenoit que ces enfans..

  A010000478 

 Comme la sainteté de ces Peres du desert s'estoit espanchée par tout, de pauvres jeunes enfans y accouroyent et prioyent le Saint de les recevoir en leur maniere de vivre.

  A010000478 

 Luy, connoissant qu'ils estoyent envoyés de Dieu, les avoit receus et en avoit une sollicitude toute particuliere; c'est pourquoy en s'en allant il recommanda fort soigneusement qu'on les recreast et qu'on leur fist manger des herbes cuites.

  A010000478 

 Mais le saint Pere estant parti, les anciens Religieux pretendant estre plus austeres, ne voulurent plus manger d'herbes cuites, ains se contenterent d'en manger de crues.

  A010000478 

 Voyla toutes les mignardises qu'on faisoit à ces enfans.

  A010000479 

 Sur cela le saint Pere luy fit en presence de tous une bonne correction, puis il commanda que l'on jettast au feu toutes ses nattes ou stolles, disant qu'il failloit brusler ce qui estoit fait sans obeissance; car, adjousta-t-il, je sçavois bien ce qui estoit propre pour ces enfans, lesquels il ne faut pas traitter comme les anciens; et cependant vous avez voulu, contre l'obeissance, faire les discrets.

  A010000479 

 Voyla comme ceux qui oublient [194] les ordonnances et commandemens de Dieu, qui font des interpretations ou qui veulent faire des prudens sur les choses commandées se mettent en peril de mort; car tout leur travail accompli selon la propre volonté ou la discretion humaine n'est digne que du feu..

  A010000480 

 La premiere chose est que vostre jeusne soit entier et general, c'est à sçavoir que vous fassiez jeusner tous les membres du corps et les puissances de l'ame: portant la veuë basse, ou du moins plus basse qu'à l'ordinaire; gardant plus de silence, ou du moins le gardant plus ponctuellement que de costume; mortifiant l'ouye et la langue pour n'entendre ni dire rien de vain et inutile; l'entendement, pour ne considerer que des sujets saints et pieux; la memoire, en la remplissant du souvenir de choses aspres et douloureuses et quittant les joyeuses et gracieuses; en fin tenant en bride vostre volonté, et vostre esprit aux pieds du Crucifix et en quelque sainte et dolente pensée.

  A010000480 

 La seconde condition est que vous n'accomplissiez pas vostre jeusne ni vos œuvres pour les yeux des hommes, et la troisiesme, que vous fassiez toutes vos actions, et par consequent vostre jeusne, pour plaire à Dieu seul, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000491 

 Ainsy que les Evangelistes nous racontent, il fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; sur lequel mystere je tireray des documens pour nostre instruction particuliere, le plus familierement qu'il me sera possible..

  A010000492 

 C'est pourquoy les Evangelistes disent que Nostre Seigneur fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; ce ne fut donques point par son choix (je dis quant à sa nature humaine) qu'il alla au lieu de la tentation, ains porté par l'obeissance qu'il devoit à son Pere celeste..

  A010000493 

 David, au temps que les rois devoyent aller à la guerre et que mesme son armée estoit au front de l'ennemy, s'en alla promener sur une galerie, demeurant oyseux comme s'il n'eust eu rien à faire.

  A010000494 

 Il fut vendu par ses freres, et la femme de son maistre le porta dans le peril; mais luy, qui n'avoit jamais mignardé ni regardé les doux yeux de sa maistresse, resista genereusement à ses assauts et demeura vainqueur, triomphant ainsy et de la tentation et de celle-là mesme qui la luy donnoit.

  A010000495 

 Ananias et Saphira font vœu de se consacrer, eux et leurs biens, à la perfection dont tous les premiers Chrestiens faisoyent profession, se sousmettans à l'obeissance des Apostres.

  A010000495 

 Ils n'ont pas si tost fait leur dessein que la tentation les attaque, ainsy que dit saint Pierre: Qui vous a tentés de mentir au Saint Esprit? Et le grand Apostre saint Paul, dès qu'il se fut donné au service divin et rangé du parti du Christianisme, le voyla tout incontinent tenté pour le reste de sa vie, luy qui tandis qu'il estoit ennemy de Dieu et qu'il persecutoit les Chrestiens n'avoit jamais senti les atteintes d'aucune tentation; au moins ne nous en tesmoigne-t-il rien par ses escrits, ains seulement dès qu'il fut converti par Nostre Seigneur..

  A010000496 

 C'est donques un document fort necessaire de preparer nostre ame à la tentation; c'est à dire que, où que nous soyons et pour parfaits que nous puissions estre, il se faut tenir asseurés qu'elle nous attaquera; partant l'on s'y doit disposer et se pourvoir des armes necessaires pour combattre vaillamment à fin de remporter la victoire, puisque la couronne n'est que pour les combattans et vainqueurs.

  A010000496 

 Nous ne nous devons jamais confier en nos forces ni en nostre vaillance et aller rechercher la tentation pensant la terrasser, mais si nous la rencontrons où l'Esprit de Dieu nous a portés, il nous faut tenir fermes en la confiance que nous devons avoir qu'il nous fortifiera contre les attaques de nostre ennemy, pour furieuses qu'elles puissent estre.

  A010000497 

 Il dit donques ainsy, comme s'il ne se fust addressé aux Chrestiens ou à quelqu'un en particulier: O que vous estes heureux, vous qui estes armés de la verité de Dieu, car elle vous servira comme d'un bouclier contre les traits de vos ennemis, et fera que vous demeurerez victorieux.

  A010000497 

 Non autres, mes cheres ames, sinon celles dont parle le Psalmiste dans le Psalme que nous recitons tous les jours à Complies: Qui habitat in adjutorio Altissimi, dans lequel nous apprendrons une doctrine admirable.

  A010000497 

 Non, ni les craintes nocturnes, car vous n'y tresbucherez point; ni les sagettes qui volent en l'air en plein jour, car elles ne vous sçauroyent offencer; ni les negociations qui se font en la nuit, ni moins l'esprit qui marche et se monstre en plein midy..

  A010000498 

 Or, nostre cher Maistre surmonta son ennemy en se servant des parolles de la Sainte Escriture pour toutes les tentations qu'il luy presenta..

  A010000499 

 Tout de mesme qu'un homme qui seroit vestu du haut en bas de fin acier ne pourroit en façon quelconque estre offencé par les coups de pique, d'autant qu'elle glisseroit de part et d'autre sans seulement esgratigner les armes; ainsy la tentation pouvoit bien environner Nostre Seigneur, mais non jamais entrer en luy ni faire aucune lesion à son integrité et à sa parfaite pureté.

  A010000500 

 Saint Bernard, sur ces parolles du Psalme que nous avons allegué, dit que les craintes nocturnes dont parle le Psalmiste sont de trois sortes; d'où je tire le troisiesme document.

  A010000501 

 Les paresseux et couards apprehendent tout et trouvent toutes choses dures et difficiles, et cela parce qu'ils s'amusent plus à penser à la niaise et lasche imagination qu'ils se sont forgée de la difficulté future, que non pas à ce qu'ils ont presentement à faire.

  A010000501 

 Ne vous estonnez donques point, et ne faites pas comme les paresseux qui se troublent quand ils se resveillent la nuit par l'apprehension que le jour viendra bien tost auquel il faudra travailler.

  A010000501 

 Oh, disent-ils, si je m'adonne au service de Dieu il me faudra tant travailler pour resister aux tentations qui m'attaqueront! Vous avez bien rayson, car vous n'en serez pas exempts, d'autant que c'est une regle generale que tous les serviteurs de Dieu sont tentes, ainsy que l'escrit saint Hierosme en cette belle epistre qu'il addresse à sa chere fille Eustochium..

  A010000502 

 A qui voulez-vous, je vous prie, que le diable presente ses tentations sinon à ceux qui les mesprisent? Les pecheurs se tentent eux mesmes, le demon les tient desja pour siens: ils sont ses confederés parce qu'ils ne rejettent point ses suggestions, ains au contraire ils les cherchent et la tentation reside en eux.

  A010000502 

 Au monde le diable ne se travaille pas beaucoup pour tendre ses embusches; mais ès lieux retirés, c'est là où il pense avoir un grand gain en faisant descheoir les ames qui s'y enferment pour servir plus parfaittement la divine Majesté.

  A010000502 

 Laissons-les, je vous prie, et retournons à cette crainte des paresseux..

  A010000502 

 Saint Thomas s'esmerveilloit grandement dequoy les plus grans pecheurs s'en alloyent par les rues, rians et joyeux comme si leurs pechés ne leur pesoyent point sur la conscience.

  A010000505 

 Les enfans, si vous y prenez garde, sont grandement craintifs dès qu'ils sont hors du sein de leur mere; de sorte que s'ils voyent un chien qui abbaye, soudain ils se prennent à crier et ne cessent point qu'ils ne soyent aupres de leur maman.

  A010000505 

 Ne voyez-vous pas que saint Pierre, quand il croyoit enfoncer dans la mer, apres qu'il eut fait cet acte si genereux de s'y jetter et de marcher sur les eaux pour s'approcher plus promptement de nostre divin Sauveur qui l'appelloit, soudain qu'il commença à craindre et en mesme temps à s'enfoncer, Seigneur, s'escria-t-il, sauvez-moy.

  A010000506 

 Chimere et enfance tres grande! Telles sont bien souvent les personnes qui viennent nouvellement au service de Dieu: elles font les hardies, il semble qu'elles ne [203] mangeront jamais assez le crucifix et que rien ne leur sçauroit suffire; elles ne pensent rien moins que de vivre tousjours'en repos et tranquillité, et que chose aucune ne pourra surmonter leur courage et generosité..

  A010000506 

 Il faut remarquer qu'il y en a aucuns, lesquels faisans les courageux vont de nuit seuls en quelque part; mais dès qu'ils entendent tomber une petite pierre du plancher, ou qu'ils oyent seulement courir une souris se prennent à crier: O mon Dieu! Qu'est-ce, leur dit-on, qu'avez-vous trouvé? J'ay ouy.

  A010000506 

 Ou bien il s'en rencontre d'autres qui, allans aux champs, des qu'ils voyent de loin l'ombre des arbres s'espouvantent bien fort, croyant que c'est quelqu'un qui les attend.

  A010000507 

 O Dieu, qu'il fut bien trompé quand il se vit si lasche et craintif en l'execution de ses promesses au temps de la Passion de son Sauveur! Il eust bien mieux valu au pauvre saint Pierre de se tenir en humilité et de s'appuyer sur les forces de Nostre Seigneur, que non pas de se confier vainement en la ferveur qu'il sentoit pour lors..

  A010000508 

 De mesme en arrive-t-il à ces jeunes ames qui tesmoignent tant d'ardeur en leur conversion: tandis que ces premiers sentimens de devotion durent elles font des merveilles; il leur semble que rien n'est difficile au chemin de la perfection et que rien ne peut attiedir leur courage; elles desirent tant d'estre mortifiées, d'estre bien esprouvées à fin de monstrer leur generosité et le feu qui brusle dans leur poitrine! Mais helas, attendez un peu, car si elles entendent courir une souris, je veux dire, si la consolation et les sentimens de devotion qu'elles ont eus jusqu'alors viennent à se retirer, et si quelque petite tentation les attaque: Helas, disent-elles, qu'est-ce que cecy? Elles commencent à craindre et à se troubler.

  A010000508 

 O que ma condition est miserable! disent-elles; je suis au service de Nostre Seigneur où je pensois vivre eu repos, et cependant les tentations, et de diverses sortes, sont venues et ne font que me travailler; mes passions m'importunent merveilleusement, bref, je n'ay pas une pauvre heure de vraye tranquillité..

  A010000509 

 Il n'y a aucun lieu où la tentation n'ayt acces; ouy mesme dans le Ciel, où elle nasquit dans le cœur de Lucifer et de ses Anges, et les jetta quant et quant dans la damnation et perdition.

  A010000509 

 L'emmemy la porta au paradis terrestre; avec icelle il fit descheoir nos premiers peres de la justice originelle dont Dieu les avoit doués.

  A010000509 

 Pensez-vous, mes cheres ames, leur peut-on respondre, qu'en la solitude et en la retraitte il ne se rencontre point de tentations? O que vous estes bien trompées! Nostre divin Maistre ne fut point attaqué de l'ennemy tandis qu'il vivoit parmi les pharisiens et publicains, ains seulement lors qu'il se retira au desert.

  A010000510 

 Ce qu'il fit non seulement ces trois fois dont l'Evangile fait mention, ains plusieurs autres durant les quarante jours qu'il demeura au desert; mais les Evangelistes se sont contentés de marquer ces trois, comme estans les plus grandes et les plus signalées..

  A010000510 

 Nous eussions bien eu de l'espouvante, car le diable y vint tout à descouvert; il ne fit pas avec Nostre Seigneur comme avec saint Pacome ou avec saint Antoine, lesquels il effraya par des bruits et tintamarres qu'il fit autour d'eux, faisant fendre le ciel et la terre devant leurs yeux pour les faire craindre et fremir comme des enfans.

  A010000511 

 Helas, disent ces jeunes apprentifs de la perfection, que ferons-nous? Mes passions, que je pensois avoir mortifiées par la fervente resolution que j'avois faite de ne les plus suivre, me tourmentent grandement.

  A010000511 

 Mon Dieu, la grande pitié que le seul desir de la perfection ne suffise pas pour l'avoir, mais qu'il la faille acquerir à la sueur de nostre visage et à force de travail! Hé, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulut estre tenté durant les quarante jours qu'il fut au desert, pour nous apprendre que nous le serions tout le temps que nous demeurerions au desert de cette vie mortelle, qui est le lieu de nostre penitence? car la vie du parfait Chrestien est une continuelle penitence.

  A010000512 

 Il suffit que vous ne les aymiez pas et qu'elles ne vivent point dans vostre cœur, c'est à dire que vous les commettiez pas volontairement et que vous ne veuilliez pas perseverer en vos defauts.

  A010000513 

 Or, ceux cy ne craignent pas seulement ce qui les peut porter au mal, mais ce qui peut en quelque façon destourner ou troubler leur repos; ils ne voudroyent pas qu'un seul petit bruit de je ne sçay quoy se mist entre Dieu et eux, d'autant qu'ils se sont fourré bien avant en l'imagination qu'il y a une certaine quietude et accoisement tel que qui le peut avoir se trouve tousjours en paix si bien heureux.

  A010000513 

 Partant ils veulent en jouir, demeurant tousjours pieds de Nostre Seigneur comme Magdeleine, pour y savourer continuellement les suavités, les douceurs et tout ce qui est emmiellé et qui distille de la bouche sacrée de leur Maistre, sans que jamais Marthe ne le vienne resveiller ni murmurer contre eux, pour prier Nostre Seigneur de les faire travailler.

  A010000514 

 Ouy certes, pourveu qu'il continue les consolations et à les traitter tendrement; car au demeurant, s'il cesse de le faire, c'est tout perdu: il n'y a rien de si affligé qu'il sont, leur peine est insupportable, ils ne cessent de se plaindre.

  A010000514 

 Vous devez sçavoir que ceux qui ont une vraye charité ne peuvent souffrir de voir quelque defaut au prochain qu'ils ne taschent de l'arracher par la correction, et sur tout en ceux qu'ils estiment saints ou fort avancés en la perfection, parce qu'ils les croyent plus capables de la recevoir; ils veulent aussi par ce moyen les faire croistre tousjours plus en la connoissance d'eux mesmes qui est si necessaire à un chacun..

  A010000515 

 C'est bien dit, certes; hé, croyez-vous qu'en cette vie vous puissiez avoir une quietude si permanente qu'elle ne doive point recevoir de divertissement? Il ne faut pas desirer les graces que Dieu ne fait pas communement; ce qu'il a fait pour une Magdeleine ne doit pas estre souhaitté de nous autres.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus que la Magdeleine eust la jouissance de cette tant aymable contemplation qui la tenoit en un si doux repos avant d'avoir passé par des espineuses difficultés, par la voye d'une aspre penitence et avant d'avoir avalé les amertumes d'une confusion tres grande; car allant chez le Pharisien pour pleurer ses pechés et en obtenir le pardon elle souffrit les murmures que l'on faisoit contre elle, la mesestimant et nommant pecheresse et femme de mauvaise vie.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus vous rendre dignes de recevoir ces divines suavités et consolations, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle l'estoit plusieurs fois le jour, si vous ne voulez premierement souffrir avec elle les confusions, les mespris et censures que meritent tres bien nos imperfections, lesquelles nous exerceront de temps à autre, veuillons-nous ou non; car cette regle est generale, que nul ne sera si saint en cette vie qu'il ne soit sujet à en commettre tousjours quelqu'une..

  A010000516 

 Mais je ne seray jamais capable de recevoir les divines caresses de Nostre Seigneur tandis que je seray si imparfaite, puisque je ne pourray m'approcher de luy qui est si souverainement parfait.

  A010000517 

 Ces sagettes sont les vaines esperances et pretentions que nourrissent ceux qui aspirent à la perfection.

  A010000517 

 Mais il passe plus outre, et dit qu'il ne craindra non plus les sagettes qui volent en plein jour; et cecy est le quatriesme document que je tire du Psalme sus allegué.

  A010000517 

 Ne voyla pas de belles esperances, lesquelles nonobstant leur vanité ne laissent pas de consoler beaucoup ceux qui les ont? Mais d'autant plus que ces [209] esperances et pretentions portent à la joye du cœur tandis qu'il y a lieu d'esperer, plus aussi la douleur des effects contraires apporte de la tristesse à ces esprits si fervens; car se voyant estre non pas des saints comme ils pensoyent, ains au contraire des creatures prou imparfaites, ils se trouvent bien souvent descouragés à la poursuite de la vraye vertu qui conduit à la sainteté.

  A010000518 

 Mes cheres ames, il y a encores d'autres sortes de vaines esperances, dont l'une est de vouloir tousjours des consolations, des suavités et des tendretés à l'oraison durant le cours de cette vie mortelle et passagere; esperance frivole et niaise à merveille, comme si nostre perfection et bonheur dependoit de cela! Ne voyons-nous pas que Nostre Seigneur pour l'ordinaire ne donne ces tendretés que pour nous amorcer et amadouer, comme on fait les petits enfans auxquels on baille du sucre? Mais passons outre, car il faut finir..

  A010000519 

 Les avares ne peuvent non plus dormir, ains sont tousjours apres à resver quels moyens ils pourront tenir pour accroistre leurs biens et remplir leur bourse.

  A010000519 

 Pour moy il m'est advis (et cecy est le cinquiesme document que je vous presente) que ces negociations qui se font dans les tenebres nous representent l'avarice et l'ambition, vices qui font leur trafic en la nuit, c'est à sçavoir par dessous main et en cachette.

  A010000519 

 Voyez-vous, les ambitieux n'ont garde d'aller tout à descouvert au pourchas des honneurs, des preeminences, des charges ou des offices relevés; ils marchent en l'obscurité, craignans d'estre apperceus.

  A010000520 

 Quant à ce qui est de l'ambition, malheur à ceux qui taschent d'estre promeus aux charges ou superiorités, et [210] qui les obtiennent par leurs poursuites ou les embrassent par leur choix, car ils cherchent la tentation; c'est pourquoy ils periront en icelle, s'ils ne se convertissent et n'usent par apres avec humilité de ce qu'ils ont embrassé avec et par l'esprit de vanité.

  A010000521 

 Les avares spirituels sont ceux qui ne sont jamais rassasies d'embrasser et rechercher beaucoup d'exercices de piete pour parvenir tant plus tost à la perfection, disent ils; comme si la perfection consistoit en la multitude des choses que nous faisons, et non pas en la perfection avec laquelle nous les faisons.

  A010000522 

 Ils voudroyent tousjours porter la haire sur le dos, faire la discipline à tout propos, prier continuellement les genoux nuds, vivre en solitude, et que sçay-je moy, et encores cela ne les satisferoit point.

  A010000522 

 Les Capucins et de mesme tous les Ordres religieux sont bien bons, mais ils n'ont pas tout ce que telles gens cherchent, à sçavoir les exercices d'un chacun meslés et assemblés en un.

  A010000524 

 Mais quiconque sera armé du bouclier de la verité et de la foy surmontera ces ennemis aussi genereusement que tous les autres: ainsy l'asseure David..

  A010000524 

 Voyla comme l'esprit du midy deçoit les ames, se transfigurant en ange de lumiere, pour les faire tresbucher amuser autour de leurs consolations et vaines suavité la complaisance qu'elles tirent de ces tendretés et gousts spirituels.

  A010000525 

 Il est dit en effect que Nostre Seigneur ayant surmonté son ennemy et rejetté ses tentations, les Anges vindrent et luy apporterent à manger des viandes celestes.

  A010000525 

 Il jeusna quarante jours, et les Anges ne luy apporterent à manger qu'au bout de la quarantaine.

  A010000526 

 Nous n'apprehenderons pas non plus les craintes nocturnes qui sont de trois sortes, ni moins les vaines esperances d'estre ou vouloir estre des saints dans trois moys.

  A010000537 

 En ce jour les predicateurs prennent divers biais pour louer les vertus de la Chananée; mais moy je prendray pour sujet la foy, en vous monstrant ce qu'elle est.

  A010000537 

 Si j'y puis rencontrer, nous marierons ce que je vous en diray à ce qui se passa en l'Evangile entre Nostre Seigneur Chananée; et par ce moyen vous connoistrez les qualités que doit avoir la foy..

  A010000538 

 Elles sont belles parce qu'elles sont vrayes, car la beauté n'est point sans la verité, ni la verité sans beauté; aussi les beautés qui ne sont point veritables ne sont non plus point belles, d'autant qu'elles sont fausses et mensongeres..

  A010000538 

 Et d'abord, quand le Sauveur dit: Femme, que ta foy est grande, estoit-ce que la foy de cette femme fust plus grande que la nostre? O non quant à l'objet, parce que la foy a pour objet les verités revelées de Dieu ou de l'Eglise, et elle n'est autre chose qu'une adhesion que nostre entendement fait à ces verités qu'il trouve belles et bonnes.

  A010000538 

 Partant il vient à les croire, et la volonté à les aymer; car, comme la bonté est l'objet de la volonté, la beauté l'est aussi de l'entendement.

  A010000539 

 Ensuite, l'amour que ces deux puissances portent aux verités conneuës fait que la personne quitte tout pour les croire et les embrasser.

  A010000539 

 Or, les verités de la foy estans tres veritables sont aymées à cause de la beauté de cette verité qui est l'objet de l'entendement.

  A010000540 

 Ainsy, je dois en croire autant que vous, et vous autant que moy, et tous les Chrestiens semblablement; de sorte que celuy qui ne croit pas tous ces mysteres n'est pas catholique, et partant n'entrera jamais en Paradis.

  A010000540 

 Il est vray qu'il n'y a qu' une seule foy laquelle tous les Chrestiens doivent avoir, neanmoins un chacun ne l'a pas en un mesme degré de perfection; de la vient que pour faire entendre la grandeur ou la petitesse d'icelle, on parle des conditions qui la rendent grande et des vertus qui l'accompagnent.

  A010000540 

 Tous sont esgaux en cecy, parce que tous doivent croire toutes les verités de la foy, tant celles que Dieu a revelées par luy mesme, que celles qu'il a revelées par son Eglise.

  A010000541 

 Cette foy morte est celle qu'ont plusieurs Chrestiens, gens mondains; ils croyent bien tous les mysteres de nostre sainte Religion, mais leur foy n'estant pas accompagnée de la charité, ils ne font nulle bonne operation qui soit conforme à leur foy.

  A010000541 

 La foy est la base et le fondement de toutes les autres vertus, mais particulierement de l'esperance et de la charité.

  A010000541 

 La foy morte est celle qui est separée de la charité, separation qui fait que l'on n'opere point les oeuvres conformes à la foy de laquelle on fait profession.

  A010000542 

 Il en prend de cecy comme d'une personne qui va trespasser: quand [217] il luy survient quelque defaillance ou qu'il semble qu'elle ayt expiré, on luy met une plume sur les levres et la main sur le cœur; si l'ame est encores là, on sent que le cœur bat, on voit à la plume qui est devant sa bouche qu'elle respire encores, et de là on conclud, comme chose certaine, que bien que cette personne soit mourante, elle n'est pas neanmoins du tout morte; puisqu'elle fait des actions vitales, il faut de necessité que l'ame soit unie avec son corps.

  A010000543 

 La foy morte ressemble à un arbre sec lequel n'a point d'humeur vitale; et pour ce, lors qu'au printemps les autres arbres jettent des feuilles et des fleurs, celuy cy n'en jette point, parce qu'il n'a pas cette seve comme ceux qui ne sont pas morts ains seulement mortifiés.

  A010000544 

 On connoist par les operations que fait la charité si la foy est morte ou mourante; quand elle ne produit point de bonnes œuvres nous disons qu'elle est morte, et quand elles sont petites et lentes, qu'elle est mourante.

  A010000545 

 Ainsy la charité unie à la foy n'est pas seulement suivie de toutes les vertus, ains comme reyne elle leur commande, et toutes obeissent et combattent pour elle et selon son gré: de là vient la multitude des bonnes operations de la foy vivante..

  A010000545 

 Et en ce que ces vertus luy obeissent, elle monstre son excellence et grandeur, tout ainsy que les rois ne sont pas grans seulement quand ils ont plusieurs provinces et de nombreux sujets, ains quand avec cela ils ont des sujets qui les ayment et leur sont sousmis.

  A010000546 

 Ainsy cette foy dormante a bien les yeux ouverts, car elle croit les mysteres, elle entend assez ce que l'on en declare; mais c'est avec je ne sçay quelle pesanteur et engourdissement qui l'empesche de comprendre ce qu'il en est.

  A010000546 

 Cette foy ressemble encores à ces personnes qui ont l'esprit lourd [219] et songear: à la verité, elles ouvrent les yeux, vous les verrez bien pensives et, ce semble, attentives à quelque chose, mais elles ignorent que c'est.

  A010000546 

 De mesme en est-il de ceux qui ont la foy dormante: ils croyent tous les mysteres en general, mais demandez-leur ce qu'ils en entendent, ils n'en sçavent rien; et leur foy estant ainsy endormie est en grand danger d'estre assaillie et seduite par plusieurs ennemis, et mesme de tomber en de perilleux precipices..

  A010000546 

 Elle est lasche à s'appliquer à la consideration des mysteres de nostre Religion, elle est toute engourdie, d'où il s'ensuit qu'elle ne penetre point les verités revelées; elle les void bien et les entend parce qu'elle n'a pas les yeux tout à fait fermés, d'autant qu'elle ne dort pas, mais elle est dormante ou assoupie.

  A010000546 

 Elle ressemble à ces gens tout endormis lesquels, quoy qu'ils portent les yeux ouverts, ne voyent toutefois presque rien, et encores qu'ils oyent parler ne sçavent ni no comprennent ce que l'on dit.

  A010000547 

 Mais la foy veillante fait non seulement de bonnes operations comme la vivante, ains elle penetre et comprend avec subtilité et promptitude les veités revelées; elle est active et diligente à rechercher et embrasser ce qui la peut aggrandir et fortifier; elle veille et apperçoit de fort loin tous ses ennemis; elle est tousjours aux aguets pour descouvrir le bien et eviter le mal; elle se garde de ce qui pourroit servir à sa ruine, et, comme veillante, elle marche fermement et s'empesche aysement de tomber en des precipices..

  A010000548 

 Les hommes ont bien cette force, ils ont puissance et seigneurie sur tous les animaux; mais parce que nous ne connoissons pas qu'elle est en nous, il s'ensuit que nous craignons comme foibles et couards, et fuyons comme des lourdeaux devant les bestes.

  A010000549 

 Elle employe la prudence pour acquerir ce qui la peut fortifier et augmenter; elle ne se contente pas de croire toutes les verités revelées par Dieu et declarées par [220] l'Eglise, ce qui necessaire pour estre sauvé, mais elle veille pour, de plus en plus, en descouvrir de nouvelles; et non seulement cela, ains aussi les penetre à fin d'en tirer le suc et la moelle dont elle se nourrit, se delecte, s'enrichit et s'aggrandit.

  A010000549 

 Fausse prudence que celle cy! car bien qu'elle me fist gaigner les villes, les principautés et royaumes, de quoy me proffitera-t-elle si avec cela je suis damné? Que me servira ma vaillance si je n'use d'icelle que pour acquerir les choses transitoires de cette vie mortelle? Certes, quand je serois le plus fort et prudent homme du monde, si je ne me sers de cette vaillance et prudence pour la vie eternelle cela n'est rien..

  A010000549 

 Or, cette prudence n'est point comme elle de plusieurs mondains, qui sont fort soigneux d'amasser des biens, des honneurs et tels autres fatras qui les enrichissent et relevent aux yeux des hommes, mais qui ne leur proffitent de rien pour la vie eternelle.

  A010000550 

 Il faut peu de chose pour estre sauvé: croire tous les mysteres de nostre Religion et garder les commandemens de Dieu.

  A010000550 

 Vous n'estes pas de ces serviteurs veillans qui ont tousjours l'œil ouvert sur les mains de leur maistre, qui sont grandement soigneux et vigilans à faire tout ce qu'ils sçavent luy pouvoir rendre leurs services aggreables.

  A010000551 

 Il y en a plusieurs, escrit saint Bernard, qui disent: Je garde les commandemens de Dieu.

  A010000552 

 Elle estoit en attention comme un chien qui est attentif ou mis en relay pour guetter la proye qui doit s'eschapper par là; car c'est ainsy que l'on peut interpreter les paroles de saint Marc, qui est un de ses Evangelistes..

  A010000552 

 Nostre Seigneur traversant les confins et frontieres de Tyr et de Sidon, et se voulant cacher pour ne pas manifester sa gloire, il cuyda se retirer dans une mayson à fin de n'estre point veu ou apperceu; car sa renommée allant de jour en jour croissant, il estoit suivi d'une grande multitude de peuple qui estoit attiré par les miracles et œuvres merveilleuses qu'il faisoit.

  A010000554 

 Il n'y a point de doute que l'attention que nous apportons pour comprendre les mysteres de nostre Religion et celle avec laquelle nous les meditons et contemplons ne rendent nostre foy plus grande..

  A010000554 

 Pourquoy voyons-nous que l'on fait si peu de profit des predications ou des mysteres que l'on nous explique ou enseigne, ou de ceux que l'on medite? C'est parce que la foy avec laquelle nous les entendons ou meditons n'est pas attentive; de là vient que nous les croyons bien, mais ce n'est pas avec une aussi grande asseurance.

  A010000555 

 Cette foy ou priere attentive est suivie et accompagnée d'une grande varieté d'autres vertus marquées en la Sainte Escriture; mais parce qu'il y en a un nombre innombrable, je me contenteray de vous toucher celles qui sont les plus propres pour vous autres et qui reluisent tout particulierement en la priere de la Chananée.

  A010000555 

 Donques les vertus particulieres dont cette femme accompagna sa requeste furent quatre: la confiance, la perseverance, la patience et l'humilité, sur chacune desquelles je vous diray un mot, car je ne veux pas estre long..

  A010000555 

 Mais qu'est-ce que oraison et meditation? Il semble que ces mots-là soyent venus de l'autre monde; peu de gens les veulent entendre.

  A010000557 

 Certes, le plus grand defaut que nous ayons en nos prieres et en tout ce qui nous arrive, specialement en ce qui regarde les tribulations, c'est nostre peu de confiance; de là vient que nous ne meritons pas de recevoir le secours tel que nous le desirons ou demandons.

  A010000557 

 Et le Sauveur les reprint et leur dit: Homme de petite foy; comme s'il eust voulu signifier: Que vostre foy est petite, d'autant qu'en cette occasion en laquelle vous deviez la monstrer davantage vous manquez de confiance; or, parce que la confiance qui vous reste est petite, vostre foy l'est aussi..

  A010000557 

 Saint Pierres et les autres Apostres estans dans la nacelle avec leur Seigneur, et voyant la tempeste s'eslever, commencement à craindre et invoquer l'assistance d'iceluy; et en cela ils faisoyent bien, car c'est à luy à qui nous devons recourir et de qui nous devons attendre tout nostre secours.

  A010000558 

 Mais la Chananée eut une grande confiance quand elle fir sa priere, voire mesme parmi les bourrasques et les tempestes, qui ne furent point suffisantes pour esbranler tant soit peu cette confiance; car elle l'accompagna de de la perseverance par laquelle elle continua fermement à [225] crier: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy.

  A010000559 

 Helas! si l'on a quelques degousts à l'oraison, si Dieu nous retire ou soustrait la suavité ou facilité ordinaire que nous y avions, on se plaint, on s'afflige et on dit: C'est que je ne suis point humble, Dieu n'a que faire de m'entendre, il ne me regardera point, car il ne regarde que les saints, et que sçay-je? telles autres niaiseries et mille pensées que l'on entretient pour se laisser aller à l'ennuy et au descouragement.

  A010000560 

 Ce n'est pas ainsy qu'a fait la Chananée, car bien qu'elle vist Nostre Seigneur ne tenir compte de sa priere, [226] d'autant qu' il ne luy respondoit rien et sembloit quasi qu'il fist en cela une injustice, neanmoins cette femme persevera de crier apres luy, tellement que les Apostres furent contraints de luy dire qu'il la congediast parce qu'elle ne faisoit que crier apres eux.

  A010000560 

 Mais je ne veux pas m'arrester icy; pour moy je tiens cette derniere opinion, et que quand les Apostres dirent: Seigneur, congediez-la, ou bien, renvoyez cette fermme, car elle ne fait que crier apres nous, ils vouloyent signifier apres vous, car c'estoit bien crier apres eux que de crier apres leur Maistre..

  A010000560 

 Sur ce, les uns pensent que, voyant que le Sauveur ne luy respondoit rien, elle s'addressa aux Apostres pour leur demander d'interceder pour elle; voyla pourquoy ils dirent: Elle ne fait que crier apres nous. D'autres croyent qu'elle ne les pria point, ains qu'elle cria tousjours apres Nostre Seigneur.

  A010000563 

 Il est vray qu'elle est encores appellée un paradis par ceux qui la comprennent bien; mais aussi la peut-on nommer un martyre, car l'on y martyrise continuellement les fantasies de l'esprit humain, et toutes les propres volontés.

  A010000563 

 Il faut tant de cuisiniers, tant de diverses sortes d'apprests! et puis presentez-les-leur! Oh! disent-ils, ostez-moy cela, cecy n'est pas bon, ou! Cela me rendra malade, et telles bigearreries.

  A010000563 

 Mais en Religion l'on ne l'ait point d'artifice, l'on mange ce que l'on donne; et c'est un martyre que celuy cy, comme aussi de faire tousjours les mesmes exercices..

  A010000563 

 N'est-ce pas un martyre, je vous prie, d'aller tousjours habillé d'une mesme façon sans avoir la liberté de se chamarrer et decouper ses vestemens comme font les mondains? N'est-ce pas un martyre de manger tousjours à une mesme heure et quasi des mesmes mets, comme c'est une grande perseverance aux paysans de n'avoir [228] ordinairement pour leur nourriture que du pain, de l'eau et du fromage? Neanmoins ils n'en meurent pas plus tost, sins se portent mieux que ces delicats auxquels l'on ne sçait quelle viande est propre.

  A010000563 

 Qu'est-ce cecy sinon des bigearreries de l'esprit humain qui n'a point de perseverance en ce qu'il entreprend? C'est pourquoy les mondains, qui vivent selon leurs fantasies, sçavent si bien diversifier les saisons par des passetemps et recreations.

  A010000563 

 Tantost ils font des ballets, des danses, des masques en temps de carnaval, en somme ils employent les saisons en une varieté d'amusemens qui ne sont que bigearreries et inconstances de l'esprit humain.

  A010000564 

 Ceux qui connoissent que c'est que de la chasse sçavent bien que l'hiver les chiens ne peuvent sentir la proye, l'air estant froid, et les gelées les empeschant de flairer comme en un autre temps; tout de mesme au printemps, la varieté et l'odeur des fleurs leur oste aussi la facilité de sentir le flair de la beste, pour à quoy remedier le chasseur prend du vinaigre dans sa bouche, et tenant la teste du chien il jette le vinaigre dans son museau.

  A010000564 

 Tout de mesme, quand Nostre Seigneur nous soustrait les douceurs et les consolations ce n'est point pour nous esconduire ou nous faire perdre courage, mais il nous jette du vinaigre dans la bouche à fin de nous exciter à nous approcher tant plus pres de sa divine Bonté, et nous exercer à la perseverance..

  A010000565 

 C'est comme si Jesus Christ vouloit dire: Les faveurs que je fais aux Gentils, pour lesquels je n'ay point esté envoyé, sont si petites et en si petit nombre au regard de celles que je depars aux Israëlites, qu'ils n'ont nul sujet d'en avoir de la jalousie..

  A010000565 

 C'est encor pour tirer des preuves de nostre patience, la troisiesme vertu qui accompagna la priere de la Chananée; car le Sauveur voyant sa perseverance aussi esprouver sa patience, vertu par laquelle nous conservons, autant qu'il se peut, l'esgalité parmi les inesgalités des accidens de cette vie.

  A010000565 

 Je ne suis pas venu pour toutes les brebis esgarées, mais pour trouver les brebis perdues de la mayson de mon Pere.

  A010000565 

 Mais quand il dit: Je ne suis pas venu pour toutes les brebis esgarées, ains seulement pour les brebis perdues de la mayson de mon Pere, il veut faire entendre qu'il estoit seulement promis aux Juifs lesquels estoyent nommés enfans de Dieu; c'est à dire qu'il avoit esté predit qu'il viendroit et marcheroit sur ses propres pieds parmi ce peuple, qu'il l'enseigneroit de sa propre bouche, gueriroit ses malades de ses propres mains, feroit des miracles en propre personne en Israël, et partant qu'il ne failloit pas oster le pain des enfans de Dieu, à sçavoir au peuple Juif, pour le jetter aux chiens ou au peuple Gentil, nation qui ne le connoissoit pas.

  A010000566 

 Certes, l'on void ordinairement qu'il n'y a rien qui offesse tant que les paroles piquantes et qui sont dites pour mepriser ceux à qui l'on parle, principalement si elles sont dites par des personnes de marque et authorité.

  A010000566 

 Et cette femme entendant Nostre Seigneur n'en entra point en impatience, elle ne s'en attrista ni offença point, mais se prosternant a ses pieds elle respondit: Il est vray, je suis une chienne, je le vous confesse; mais je vous prens au mot, car les chiens suivent leurs maistres et se nourrissent des miettes qui tombent sous leur table..

  A010000566 

 Mais comme est-ce donques que se doit entendre que Nostre Seigneur est venu pour les Gentils aussi bien que pour les Juifs? Voyez-vous, c'est que, comme il estoit venu pour marcher sur ses propres pieds parmi les enfans d'Israël, il devoit marcher sur les pieds de ses Apostres parmi les Gentils; il devoit guerir leurs malades non de ses propres mains mais par celles des Apostres, leur prescher sa doctrine mais par la bouche de ses Apostres, retrouver la brebis esgarée mais par le moyen et le labeur de ses Apostres.

  A010000567 

 Certes, toutes les vertus sont bien cheres à Dieu, mais l'humilité luy plaist par dessus toutes, et semble qu'il ne luy peut rien refuser.

  A010000567 

 J'adjousteray encores ce mot en passant, puisqu'il me vient dans l'esprit: les confesseurs seroyent bien heureux s'ils pouvoyent tousjours faire confesser à leurs penitens qu'ils sont pecheurs; mais non, encores qu'on leur monstre leurs fautes et que l'on s'essaye de leur faire [231] advouer qu'ils ont tort, bien souvent ils ne le veulent ni ne le peuvent croire.

  A010000567 

 Or cette femme fit voir la grandeur de la sienne en confessant qu'elle estoit une chienne et que, comme chienne, elle ne demandoit pas les faveurs reservées aux Juifs, qui estoyent les enfans de Dieu, ains seulement de ramasser les miettes qui tomboyent dessous la table.

  A010000567 

 Quant à nostre Chananée, non seulement elle ne s'offença pas pour se voir appellée chienne, mais elle le creut, le confessa et ne demanda que ce qui appartenoit aux chiens; en quoy elle fit paroistre une admirable humilité qui merita d'estre louée de la bouche de Nostre Seigneur, ce qu'il fit disant: O femme, que ta foy est grande! soit fait comme tu veux; et en louant sa foy, il loua toutes les autres vertus qui l'accompagnoyent..

  A010000587 

 Le grand Apostre saint Paul ayant esté ravi et eslevé jusqu'au troisiesme Ciel, ne sçachant si ce fut hors de son corps ou en son corps, dit qu' il n'est nullement loysible ni possible à l'homme de raconter ce qu'il y vit, ni les merveilles admirables qu'il apprit et qui luy furent monstrées en son ravissement.

  A010000587 

 Or, si celuy qui les a veuës n'en peut parler, si ayant esté ravi jusqu'au troisiesme Ciel il n'en ose dire mot, beaucoup moins donques nous autres qui n'avons esté eslevés ni au premier ni au second ni au troisiesme..

  A010000588 

 Elle luy dit bien: Le soleil et les estoilles sont ainsy faits et respandent une grande clarté; mais c'est en vain, car l'enfant ne le peut nullement entendre, n'ayant point eu d'experience de cette clarté dont sa mere luy parle..

  A010000589 

 Et bien que sa mere ayt en main quelques feuilles de ces arbres et qu'elle luy die: Mon enfant, ils sont couverts de telles feuilles; et luy monstrant une pomme ou une orange: Ils sont encores chargés de tels fruits, ne sont-ils pas beaux? ne les fait-il pas bon voir? l'enfant neanmoins demeure en son ignorance, d'autant qu'il ne peut comprendre en son esprit ce que sa mere luy enseigne, tout cela n'estant rien au prix de ce qui est en verité..

  A010000590 

 De mesme en est-il, mes cheres ames, de ce que nous pouvons dire sur la grandeur de la felicité eternelle et des beautés et amenités dont le Ciel est rempli; car il y a encores plus de proportion entre la lumiere d'une lampe avec la clarté de ces grans luminaires qui nous esclairent, entre la beauté de la feuille ou du fruit d'un arbre et l'arbre mesme chargé de fleurs et de fruits tout ensemble, entre tout ce que cet enfant comprend de ce que sa mere luy dit et la verité mesme des choses dont elle parle, que non pas entre la lumiere du soleil et la [234] clarté dont jouissent les Bienheureux en la gloire; entre la beauté d'une prairiediaprée au printemps et la beauté de ces campagnes celestes, entre l'amenité de nos colines chargées de fruits et l'amenité de la felicité eternelle.

  A010000592 

 Il rapporte donques qu'il avoit conneu un medecina à Carthage, qui estoit fort fameux aussi bien à Rome qu'en cette ville, tant parce qu'il estoit excellent en l'art de la medecine comme parce qu'il estoit un grand homme de bien, faisant beaucoup de charités, servant les pauvres gratis; et cette charité qu'il exerçoit à l'endroit du prochain fut cause que Dieu le tira d'une erreur en laquelle il estoit tombé estant encores jeune homme.

  A010000592 

 La premiere difficulté est à sçavoir mon si les ames bienhereuses estans separées de leur corps peuvent engtendre, voir, ouÿr et considerer, bref avoir les fonctions de l'esprit aussi libres que si elles estovent unies avec iceluy.

  A010000593 

 Confesse donques, que puisque tu me vois, tes yeux estans fermés, que tu me connois fort bien et que tu as ouy la musique quoy que tes sens soyent endormis, que les fonctions de l'esprit ne dependent pas des sens corporels, et que l'ame estant separée du corps elle ne lairra pas pourtant de voir, ouyr, considerer et entendre.

  A010000594 

 Aussi nostre memoire n'a pas une si pleine liberté en ses fonctions, de maniere qu'elle ne peut avoir plusieurs souvenirs, au moins les avoir tous à la fois, sans que l'un empesche l'autre; de mesme nostre volonté affectionne moins fort quand elle ayme plusieurs choses ensemble; ses desirs et ses vouloirs sont moins violens et ardens quand elle en a davantage..

  A010000594 

 Nostre volonté voudra plusieurs choses et aura beaucoup de divers vouloirs sans que ces vouloirs divers soyent cause qu'elle les veuille ou qu'elle les affectionne moins; ce qui ne se peut en cette vie, tandis que nostre ame reside dans nostre corps.

  A010000595 

 La seconde difficulté est touchant l'opinion que plusieurs ont que les Bienheureux dans la Hierusalem celeste sont tellement enivrés de l'abondance des divines consolations, que cela leur oste l'esprit en l'esprit mesme, je veux dire que cet enivrement leur enleve le pouvoir de faire aucune action.

  A010000595 

 La tranquillité est l'excellence de nostre action; or, au Ciel [237] nostre action n'empeschera pas la tranquillité, ains elle la perfectionnera de telle sorte qu'elles ne se nuiront point l'une à l'autre, voire elles s'entr'ayderont merveilleusement à continuer et perseverer pour la gloire du pur amour de Dieu qui les rendra capables de subsister ensemble..

  A010000597 

 C'est pourquoy la multiplicité des sujets que nous aurons en nostre entendement, des souvenirs de nostre memoire, ni moins les desirs de nostre volonté ne feront nullement que l'un empesche l'autre ni que l'un soit mieux compris que l'autre.

  A010000598 

 Si en ce monde l'on estime bien heureux un esprit qui peut avoir plusieurs attentions à la fois, ainsy que le tesmoignent les louanges que l'on donne à celuy qui pouvoit estre attentif à sept choses en mesme temps, ou bien à ce valeureux capitaine de ce qu'il connoissoit cent ou cinquante mille soldats qu'il avoit sous sa charge, un chacun par leur nom, combien nos esprits seront-ils estimés bien heureux en cette beatitude où ils pourront avoir tant de diverses attentions! Mais, mon Dieu, que pourrions-nous dire de cette indicible felicité qui est eternelle, invariable, constante, permanente, et pour parler comme les anciens François, sempiternelle?.

  A010000599 

 Je ne veux pas, mes cheres Sœurs, vous entretenir de la felicité que les Bienheureux ont en la claire veuë de la face de Dieu, qu'ils voyent et verront sans fin en son essence, car cela regarde la felicité essentielle, et je n'en veux pas traitter, sinon que j'en dise quelques mots sur la fin.

  A010000599 

 O quelle divine conversation! Mais avec qui? Avec trois sortes de personnes: avec eux mesmes, avec les Anges, les Archanges, les Cherubins, les saints Apostres, les Confesseurs, les Vierges, avec la Vierge glorieuse, Nostre Dame et Maistresse, avec la tres sainte humanité de Nostre Seigneur et en fin avec la tres adorable Trinité mesme, le Pere, le Fils et le Saint Esprit..

  A010000600 

 Mais, mes cheres Sœurs, il faut que vous sçachiez que tous les Bienheureux se connoistront les uns les autres, un chacun par leur nom, ainsy que nous l'entendrons mieux par le recit de l'Evangile, lequel nous fait voir nostre divin Maistre sur le mont de Thabor, accompagné de saint Pierre, saint Jacques et saint Jean.

  A010000601 

 Les Apostres virent donques alors sa face plus reluisante et esclattante que le soleil, voire cette clarté et cette gloire s'espancha jusques sur ses vestemens pour nous monstrer qu'il n'en estoit pas si chiche qu'il n'en fist part à ses habits mesme et à ce qui estoit autour de luy.

  A010000601 

 Les trois Disciples virent encores Moyse et Elie qu'ils n'avoyent jamais veus et qu'ils reconneurent cependant tres bien; l'un ayant repris son corps ou bien un autre formé de l'air, et l'autre estant en son mesme corps auquel il fut eslevé dans le char triomphal.

  A010000601 

 Tous deux s'entretenoyent avec nostre divin Maistre de l'exces qui devoit arriver en Hierusalem, exces qui n'est autre sinon la mort qu'il devoit souffrir par son amour; et soudain apres cet entretien les Apostres ouyrent la voix du Pere eternel lequel disoit: C'est icy mon Fils bien aymé, escoutez-le..

  A010000602 

 Je remarque premierement qu'en la felicité eternelle nous nous connoistrons tous les uns les autres, puisque en ce petit eschantillon que le Sauveur en donna à ses Apostres il voulut qu'ils reconneussent Moyse et Elie qu'ils n'avoyent jamais veus.

  A010000602 

 Les amitiés qui auront esté bonnes dès cette vie se continueront eternellement en l'autre.

  A010000602 

 Nous aymerons des personnes particulierement, mais ces amitiés particulieres n'engendreront point de [240] partialités, car toutes nos affections prendront leur force de la charité de Dieu qui, les conduisant toutes, fera que nous aymerons un chacun des Bienheureux de cet amour eternel dont nous aurons esté aymés de la divine Majesté..

  A010000602 

 Si cela est ainsy, o mon Dieu, quel contentement recevrons-nous en voyant ceux que nous avons si cherement aymés en cette vie! Ouy mesme nous connoistrons les nouveaux Chrestiens qui se convertissent maintenant à nostre sainte foy aux Indes, au Japon et aux antipodes.

  A010000603 

 O Dieu, quelle consolation recevrons-nous en cette conversation celeste que nous aurons les uns avec les autres! Là nos bons Anges nous apporteront une joye plus grande qu'il ne se peut dire quand ils se feront reconnoistre à nous, et qu'ils nous representeront si amoureusement le soin qu'ils ont eu de nostre salut durant le cours de nostre vie mortelle; ils nous resouviendront des saintes inspirations qu'ils nous ont apportées, comme un lait sacré qu'ils alloyent puiser dans les mammelles de la divine Bonté, pour nous attirer à la recherche de ces incomparables suavités dont nous serons lors jouissans.

  A010000604 

 Nostre glorieux pere saint Augustin (je me plais à parler de luy car je sçay que le souvenir vous en est fort aggreable) faisoit un jour un souhait de voir Rome triomphante, le glorieux saint Paul preschant et Nostre Seigneur allant parmi le peuple, guerissant les malades et faisant des miracles.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000605 

 Supposez que Nostre Dame, sainte Magdeleine, sainte Marthe, saint Estienne et les Apostres fussent veus l'espace d'un an, comme pour un grand jubilé, en Hierusalem: quel d'entre nous autres, je vous supplie, voudroit demeurer icy? Pour moy je pense que nous nous embarquerions tous et nous mettrions au peril de tous les hazards qu'encourent ceux qui vont d'icy là, pour avoir cette grace de voir nostre glorieuse Mere et Maistresse, Magdeleine, Marie Salomé et les autres qui s'y trouveroyent, puisque nos pelerins s'exposent bien à tant de dangers pour aller seulement reverer les lieux où ces saintes personnes ont posé leurs pieds.

  A010000606 

 O si nous pouvions comprendre quelque chose de la consolation que les Bienheureux ont en parlant de cette amoureuse mort, combien nos ames se delecteroyent d'y penser!.

  A010000608 

 Quelle delectation admirable pour un chacun des Bienheureux quand ils verront dans ce cœur tres sacré et tres adorable les pensées de paix qu'il faisoit pour eux et pour nous à l'heure mesme de sa Passion! pensées qui nous preparoyent non seulement les moyens principaux de nostre salut, mais aussi tous les divins attraits, inspirations et bons mouvemens desquels ce tres doux Sauveur se vouloit servir pour nous attirer à la suite de son tres pur amour.

  A010000609 

 Nous entendrons, dis-je, comme le Fils entonnera melodieusement les louanges deuës à son Pere celeste et comme il luy representera, en faveur de tous les hommes, l'obeissance qu'il luy a rendue tout le temps de sa vie.

  A010000609 

 Nous ouyrons aussi, en contreschange, le Pere eternel prononcer d'une voix esclattante et avec une harmonie incomparable ces divines paroles que les Apostres entendirent au jour de la Transfiguration: Celuy cy est mon Fils bien aymè auquel je me suis compleu, et le Pere et le Fils parlant ensemble du Saint Esprit: C'est icy nostre Esprit, procedant de l'un et de l'autre, dans lequel nous avons mis tout nostre amour..

  A010000610 

 Non seulement il y aura conversation et entretien entre les Personnes divines, ains encores entre Dieu et les hommes.

  A010000610 

 Representez-vous tous ceux qui se peuvent prononcer pour attendrir un cœur et les noms les plus affectionnés qui se puissent ouyr, et puis dites en fin que ce n'est rien au prix de celuy que Dieu donnera à un chacun là haut au Ciel.

  A010000611 

 Et poursuivant elle adjoustera: Meilleur est sans nulle comparaison le lait qui coule de ses cheres mammelles que non pas tous les vins les plus delicieux, et le reste.

  A010000611 

 Quelles divines extases, quels embrassemens amoureux entre la souveraine Majesté et cette chere amante quand Dieu luy donnera ce bayser de paix! Cela sera pourtant ainsy, et non pas avec une amante seule, ains avec un chacun des citoyens celestes, entre lesquels se fera un entretien admirablement aggreable des souffrances, des peines et des tourmens que Nostre Seigneur a endurés pour un chacun de nous durant le cours de sa vie mortelle, entretien qui leur causera une consolation telle que les Anges, au dire de saint Bernard, n'en sont pas capables; car si bien Nostre Seigneur est leur Sauveur et qu'ils ayent esté sauvés par sa mort, il n'est pourtant pas leur Redempteur, d'autant qu'il ne les a pas rachetés, ains seulement les hommes.

  A010000612 

 En la Hierusalem celeste nous jouirons donques d'une conversation tres aggreable avec les Esprits bienheureux, les Anges, les Cherubins et Seraphins, les Saints et les Saintes, avec Nostre Dame et glorieuse Maistresse, avec Nostre Seigneur et en fin avec la tres sainte et tres adorable Trinité, conversation qui durera eternellement et qui sera perpetuellement gaye et joyeuse.

  A010000612 

 O que cette asseurance augmentera nostre consolation! Marchons donques gayement et joyeusement, cheres ames, parmi les difficultés de cette vie passagere; embrassons à bras ouverts toutes les mortifications et afflictions que nous rencontrerons en nostre chemin, puisque nous sommes asseurés que ces peines prendront fin et qu'elles se termineront avec nostre vie, apres laquelle il n'y aura que joyes, que contentemens et consolations eternelles.

  A010000612 

 Or, si nous avons en cette vie tant de suavité à ouyr parler de ce que nous aymons que nous ne pouvons nous en taire, quelle joye, quelle jubilation recevrons-nous d'entendre eternellement chanter les louanges de la divine Majesté que nous devons aymer et que nous aymerons plus qu'il ne se peut comprendre en cette vie! Si nous prenons [246] tant de playsir en la seule imagination de la perdurable felicité, combien en aurons-nous davantage en la jouissance de cette mesme felicité! felicité et gloire qui n'aura jamais de fin, ains qui durera eternellement sans que jamais nous en puissions estre rejettés.

  A010000618 

 Dieu la donne tousjours suffisante à quiconque la veut recevoir; cecy est une chose toute claire, tous les theologiens en sont d'accord, et le Concile de Trente a declaré que jamais la grace ne nous manque, mais que c'est nous qui manquons à la grace, ne la voulant recevoir ou luy donner nostre consentement.

  A010000618 

 Les damnés seront contraints de confesser, comme l'escrit saint Denis l'Areopagite, que c'est par leur faute et non par celle de la grace qu'ils ont esté precipités et condamnés aux flammes eternelles, parce qu'ils ont manqué à la grace et non point parce qu'elle leur a manqué; ce qu'ils connoistront fort clairement, et cette connoissance accroistra de beaucoup leurs tourmens..

  A010000618 

 Nous y trouverons aussi dequoy condamner ceux qui censurent et parlent injustement contre la Providence divine, et ne veulent adorer ni approuver les effects et evenemens d'icelle touchant l'election des bons et la reprobation des mauvais; car lors qu'on voit l'ejection de ceux cy, la prudence humaine se met à la recherche des motifs et raysons de leurs cheutes, et au lieu de regarder la douce Providence de Dieu, elle se jette sur le defaut de la grace et dit: Si ce [248] pecheur en eust receu autant que le juste il ne fust pas tombé en tel defaut.

  A010000618 

 Or, telles sortes de gens auroyent quelque rayson s'ils disoyent seulement que la grace n'est pas offerte aux pecheurs comme aux justes; mais s'ils passoyent plus outre à fin de s'enquerir pourquoy les premiers ne reçoivent pas cette grace comme les seconds, certes, ils seroyent contraints de confesser que ce n'est pas le defaut de la grace qui est cause de leur perte, car jamais elle ne manque.

  A010000619 

 Nostre Seigneur n'avoit pas encores dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; aussi en ce temps-là Dieu favorisoit ses amis en leur faisant part des richesses et commodités temporelles par lesquelles il les obligeoit à le servir..

  A010000619 

 Or, si c'est tousjours l'homme qui manque à la grace et que jamais la grace ne nous manque, si l'on voit en toutes sortes d'estats, de conditions et de vocations un si grand nombre de reprouvés et peu d'esleus, qui s'asseurera et vivra sans apprehension de perdre cette grace ou de luy refuser son consentement? qui ne craindra de descheoir en ne rendant pas à Dieu le service qui luy est deu, chacun selon son devoir et obligation, puisque si bien nous voyons un Lazare et un saint Mathias au nombre des esleus, nous trouvons ce riche de l'Evangile et Judas parmi les reprouvés? Mais quoy, le mauvais riche n'estoit-il pas appellé à une mesme vocation que le Lazare, et Judas à la mesme que saint Mathias? Ouy, sans doute, cecy est tout clair en l'Evangile; car le mauvais riche estoit Juif, puisqu'il appelle Abraham pere: Pere Abraham, luy dit-il, le priant de luy envoyer le Lazare.

  A010000620 

 Nous voyons donques que ce riche estoit appellé de Dieu aussi bien que le Lazare, et qu'il avoit encores plus d'obligation que luy d'observer les divins commandemens.

  A010000621 

 Voyez d'abord comme la vocation et election de Judas estoit advantageuse par dessus celle de saint Mathias; car Judas, le plus meschant homme qui se puisse trouver, fut appellé à l'apostolat de la propre bouche de Nostre Seigneur qui l'appella mille fois par son nom; il fut instruit de luy comme les autres Apostres, il l'entendit parler et prescher, il fut tesmoin des œuvres merveilleuses qu'il faisoit et comment il confirmoit sa doctrine par de tres grans miracles; son cher Maistre luy avoit fait beaucoup de graces singulieres lesquelles saint Mathias ne receut point, car il ne fut pas appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur ni de son vivant, ains par les Apostres apres [250] son Ascension, de sorte qu'il vint comme un avorton succeder à ce miserable Judas.

  A010000622 

 Qui dit enfant de consolation veut signifier de la plus grande consolation ou de tres grande consolation; fils de joye s'entend de la plus grande joye ou de tres grande joye: de mesme Judas estant tombé dans cette iniquité que de vendre son Seigneur et Maistre, est dit fils ou enfant de perdition, c'est à sçavoir de la plus grande ou tres grande perdition, telle que celle des diables, car il estoit pire qu'un diable; aussi brusle-t-il avec eux dans les flammes eternelles.

  A010000623 

 Lucifer traisna apres soy [251] dans les enfers la troisiesme partie des Anges, qui estoyent innombrables; et ceux qui estoyent au sein mesme de la gloire devindrent diables et furent condamnés aux peines eternelles.

  A010000623 

 Quand Dieu crea les Anges dans le Ciel il les establit en sa grace, de laquelle il sembloit qu'ils ne devoyent jamais descheoir; neanmoins Lucifer vint à se revolter, et luy et tous ses sectateurs refuserent de rendre à la divine Majesté la sujetion et obeissance de leur propre volonté, disant qu'ils ne se vouloyent point sousmettre, ce qui fut cause de leur ruine.

  A010000624 

 D'autres ont peu parler avec plus de ferveur ou d'eloquence, mais quant à la sagesse, tant pour les choses transitoires que pour les spirituelles, il les a tous surpassés.

  A010000624 

 Luy, le plus sage de tous les hommes, à qui Dieu avoit si amplement donné son Esprit, sa sapience et la connoissance de toutes choses, luy qui penetroit jusques au centre de la terre, traittant si hautement de tout ce qui s'y trouve, et qui montoit jusques au cedre du Liban, luy qui parloit avec tant de sagesse non seulement des choses corporelles et materielles mais encores des spirituelles! Ce qui se voit en cet admirable Livre de l'Ecclesiaste et en celuy de ses Proverbes qui sont tout remplis de sentences pleines d'une sapience telle que nous voyons clairement que personne n'en a jamais esté doué comme Salomon.

  A010000625 

 C'est une chose perilleuse de vivre dans le monde en la conversation des meschans; c'est pourquoy demeurer bon parmi iceux sans descheoir de la grace est une faveur tres speciale de Dieu, et pour ce, dit saint Hierosme, il en retire plusieurs hors de ce siecle et les appelle dans le desert où ils n'ont point la societé des pervers..

  A010000625 

 Job, comme dit saint Gregoire, demeurant juste entre les meschans avoit receu une grande grace de Dieu, car pour l'ordinaire l'on est tel que ceux avec qui l'on converse; partant il avoit grand sujet de louer le Seigneur de ce qu'il le maintenoit dans le bien parmi les impies.

  A010000625 

 Qui donques ne tremblera? Y aura-t-il societé, Religion, Institut, Congregation ou maniere de vivre qui se puisse asseurer et dire exempte de crainte et apprehension de tomber dans les precipices du peché? Et quelle compagnie, assemblée ou vocation trouvera-t-on qui soit exempte de peril? O Dieu, nulle que ce soit.

  A010000625 

 Tenez-vous bien à l'arbre de vostre profession chacun selon vostre vocation; mais ne laissez pas de cheminer craintifs et comme à taston tout le temps de vostre vie, de peur que voulant marcher avec trop [252] d'asseurance et de hardiesse vous ne tombiez dans les ruines du peché.

  A010000626 

 Chose estrange que dans l'Eglise triomphante (non pas triomphante pour lors, mais angelique), parmi des esprits si purs, doués d'une si noble et excellente nature, parmi une si sainte compagnie où il n'y avoit aucune occasion de peril, sans tentation ni suggestion des esprits malins, car il n'y en avoit point encores, il y ayt eu un si petit nombre d'Anges qui ayent perseveré, et que la troisiesme partie se soit revoltée contre Dieu et ayt esté precipitée dans les enfers! Chose espouvantable aussi que Judas, qui avoit esté appellé du Sauveur mesme à l'apostolat, ayt commis un si execrable peché et une si estrange trahison que de vendre son Maistre au temps qu'il alloit en sa compagnie, qu'il oyoit sa parole et qu'il voyoit les œuvres merveilleuses [253] qu'il faisoit! Ce sont des exemples qui doivent faire trembler toutes sortes de personnes, de quel estat, condition ou vocation qu'elles soyent..

  A010000626 

 Et pourquoy? Parce qu'il ne suffit pas d'estre en cette sainte vocation et admis avec les bons si l'on n'y persevere.

  A010000626 

 Or, ce bienfait de la perseverance est tres grand, d'autant que quand on vient à manquer à la grace en telle maniere de vie les cheutes en sont plus graves et perilleuses, comme ont esté celle des Anges dans le Ciel, celle d'Adam dans le Paradis terrestre et de Judas au college de Nostre Seigneur.

  A010000626 

 Or, ceux qu'il a placés en quelque bonne et sortable vocation ont un grand sujet de le louer et remercier, il est vray, car ils ont receu un singulier benefice d'estre separés de la compagnie des meschans et associés avec les bons; mais sont-ils hors de danger? O non.

  A010000627 

 Pour bien entendre cecy il faut que vous sçachiez qu'il y a deux sortes d'avarice: l'une est temporelle, et c'est celle par laquelle on a une avidité d'acquerir les biens, les honneurs et commodités de cette vie; d'où vient que l'on en voit tant dans le monde qui ne pensent et semblent n'avoir autre chose à faire icy bas qu'à amasser des richesses et à mettre mayson sur mayson, pré sur pré, champ sur champ, vigne sur vigne, tresor sur tresor.

  A010000629 

 C'est une grande pitié à qui taste le pouls de la pluspart des mondains et à qui regarde un peu de pres les [254] mouvemens de leurs cœurs! L'on descouvre facilement qu'ils veulent jouir du monde et de ce qu'il contient, mais quant à Dieu ils se contentent d'en user.

  A010000629 

 S'ils prient, s'ils gardent les commandemens ou prattiquent quelques autres bonnes œuvres c'est de crainte que Dieu ne les chastie par quelque desastre ou infortune, ou à fin qu'il leur conserve leurs maysons, leurs champs, leurs vignes, leur femme, leurs enfans desquels ils veulent jouir, se contentant d'user de Dieu pour ce sujet ou tels autres.

  A010000630 

 Il y en a une autre qui serre et ne veut point quitter pour quoy que ce soit ce qu'elle a. Celle cy est grandement dangereuse et se glisse par tout, mesme clans les Religions et dans les choses spirituelles.

  A010000630 

 On verra des riches qui n'auront point cette premiere avarice d'amasser tresor sur tresor, mais ils enfonceront tellement leur cœur dans celuy qu'ils ont, à dessein de le mieux conserver, qu'il est presque impossible de les tirer de là.

  A010000630 

 Un vilain aymera [255] tant sa volupté et la tiendra si chere qu'il ne quitterait la delectation qu'il prend en icelle pour toutes les richesses et honneurs du monde..

  A010000631 

 Ce desir luy estoit si cher qu'il ne trouvoit rien de si difficile à quitter pour Dieu, car il se fust plus aysement desfait et eust plus volontiers cedé tous les biens et playsirs du monde, s'il les eust eus, que cette passion de s'instruire.

  A010000631 

 Saint Gregoire Nazianzene dit qu'il delaissa facilement les biens et honneurs de cette vie, en sorte qu'il n'avoit point d'ambition ni de tentation pour acquerir toutes ces choses; mais il luy restoit un si grand desir de sçavoir et estudier que toutes les richesses ne luy estoyent rien au prix de cette envie qu'il avoit d'apprendre les lettres.

  A010000632 

 En un mot, d y a bien de la difference entre voir et regarder les choses de ce monde, ou en vouloir jouir comme si nostre felicité consistoit en icelles.

  A010000632 

 Il y a aussi difference entre user des richesses et les adorer: en user selon son estat et condition, car il faut dire cela, c'est une chose permise quand on le fait comme il faut; mais de s'en faire des idoles c'est une condamnation et damnation.

  A010000632 

 Il y a bien de la difference entre boire du vin et s'enivrer, entre user des richesses et les adorer.

  A010000632 

 Ils estoyent avides d'amasser des richesses et de mettre argent sur argent, mais encores ils cachoyent et serraient si fort les biens qu'ils avoyent et les aymoient si demesurement qu'ils les adoroyent et en faisoyent leur dieu.

  A010000633 

 Or, ce ineschant homme Judas (pour ne parler que de luy et laisser à part le mauvais riche) estoit grandement avaricieux et cupide d'amasser de l'argent, mais non pas seulement ce qui estoit requis pour l'entretenement de Nostre Seigneur et de ses Apostres, car il leur failloit peu de chose, d'autant que le Sauveur establissoit son apostolat sur la pauvreté et qu'il devoit envoyer ses disciples apres luy prescher son Evangile avec commandement de ne porter ni bourse, ni besace, ni baston, ni bourdon, et de n'user d'aucune prevision pour le lendemain, ains de se confier en leur Pere celeste qui les nourriroit par sa providence.

  A010000633 

 Tel fut le noviciat des Apostres, et tout le reste de leur vie devoit estre fondé sur cette beatitude: Bienheureux sont les pauvres d'esprit..

  A010000634 

 Cependant, comme ils ne devoyent estre envoyés qu'apres avoir receu le Saint Esprit et qu'ils vivoyent tous ensemble avec Nostre Seigneur, il leur permettoit bien d'avoir quelques petites choses à leur usage pour subvenir à la journaliere necessité, mais non point de les posseder en particulier, ains vouloit que l'un d'eux portast la bourse et eust soin de la depense; car luy, qui estoit le modele de toute perfection et sainteté, ne se mesloit point de cela; o non, il n'y vouloit point penser, ni manier les deniers avec ses divines mains.

  A010000635 

 Et lequel d'entre les Apostres sera celuy qui trahira son Seigneur? C'est celuy qui garde la bourse et qui pour la remplir d'argent, par ambition et avarice, le vendra et le livrera à la mort..

  A010000635 

 Tous les saints Peres, comme j'ay dit, exagerent grandement cette faute, quoy que quelques uns disent que Judas ne pensoit point, en vendant Nostre Seigneur, le livrer à la mort; car bien que les Juifs l'achetassent pour le faire mourir, si est-ce, disent-ils, que ce miserable croyoit qu'il opereroit quelque miracle pour se delivrer de leurs mains.

  A010000636 

 Si on taxe les riches du monde d'estre avaricieux ils ne s'en mettent pas beaucoup en peine; mais de voir l'avarice dans l'apostolat et d'accuser un Religieux de ce vice, cela est un tres grand blasme, car c'est vendre Nostre Seigneur que d'estre avare en la Religion.

  A010000637 

 C'est une chose tres difficile de declarer quels sont les commencemens de la cheute des pecheurs; il est neanmoins tres asseuré, comme disent les theologiens, que ce n'est pas que la grace leur ayt manqué, ains ce sont eux qui ont manqué à la grace; mais de sçavoir comme ils ont commencé à luy manquer, c'est bien difficile..

  A010000638 

 Quelques anciens Peres disent que cela peut arriver pour avoir rejetté un advertissement, une inspiration; car quoy que ce rejet ne soit qu'un peché veniel qui ne nous oste pas la grace, neanmoins il en empesche le cours, la ferveur s'amoindrit, on s'affoiblit contre les vices; si qu'aujourd'huy que vous manquez à la grace luy refusant vostre consentement et commettant ce peché veniel, vous vous disposez à en commettre bien tost un autre, et par la multitude des veniels à tomber petit à petit dans les mortels, et par iceux à perdre la grace.

  A010000639 

 D'autres disent qu'on tombe dans les ruines du peché à cause des inclinations mauvaises qui sont en l'homme.

  A010000639 

 En somme, ni le naturel ni les inclinations ne nous peuvent point empescher d'arriver à la perfection de la [260] vie chrestienne, quand on veut se prevaloir de la grace pour les mortifier et les assujettir à la rayson; mais quand nous vivons selon ces inclinations mauvaises nous nous perdons.

  A010000639 

 Hé bien, la grace de Dieu vous manque-t-elle pour mortifier cette inclination que vous avez à rire? Mettez la main bien avant dans le cœur où sont ces passions de la joye, de la tristesse, de la vanité ou de la colere, travaillez avec le secours de Dieu, et vous les rangerez toutes à la rayson.

  A010000639 

 Il est vray que nous avons tous des inclinations au mal: les uns sont portés à la colere, les autres à la tristesse, d'autres à l'envie, d'autres à la vanité et vaine gloire, d'autres à l'avarice; et si nous vivons selon telles ou semblables inclinations nous sommes perdus.

  A010000639 

 Mais j'ay tant de mauvaises inclinations! Et quel est celuy qui n'en a pas? N'avez-vous pas la grace divine pour les combattre? Il y en a d'autres qui s'excusent sur leur naturel: Hé, disent-ils, nous ne sçaurions jamais rien faire qui vaille, nous avons un si mauvais naturel.

  A010000640 

 Comme s'il vouloit dire: J'estois un grand roy, j'avois plusieurs choses propres à recreer ma veuë, les magnifiques et somptueux palais qui m'appartenoyent, les tapisseries, la varieté des riches vestemens, en somme je ne refusois rien à mes yeux de tout ce qu'ils desiroyent.

  A010000640 

 De là nous pouvons conclure que la mort entra par ses yeux et que cecy fut la cause de sa cheute, car par les yeux entre la convoitise, et avec icelle toutes sortes de maux.

  A010000640 

 Entre toutes les raysons qu'on en rapporte je me contenteray d'en toucher une qu'il dit luy mesme: Je n'ay jamais refusé à mes yeux de regarder ce qu'ils avoyent desir de voir.

  A010000641 

 Les Apostres s'estans assemblés par le commandement de Dieu, apres beaucoup de ceremonies en esleurent un autre pour occuper sa place.

  A010000641 

 Saint Pierre, le chef des Apostres, les fit reunir avec les disciples de Nostre Seigneur qui estoyent en tout six vingts, et ce à dessein d'en choisir un des six vingts, ou plustost des cent neuf, car il ne faut pas compter les Apostres qui estoyent onze.

  A010000642 

 Cecy est fort propre à confondre les huguenots qui disent que l'apostolat a manqué quand les Apostres sont morts; ce qui est tres faux, car encores qu'ils soyent morts, l'apostolat ne l'est pas, puisque de mesme que saint Pierre et tous les autres Apostres et disciples estans assemblés en choisirent un pour succeder à Judas, celuy là pouvoit aussi en choisir un autre, et cet autre un autre, et ainsy consecutivement; de sorte que l'apostolat a passé jusqu'à nous et durera jusques à la fin du monde.

  A010000642 

 Il y a un grand danger que delaissant la place que vous aviez en la Religion, vous ne perdiez par consequent celle qui vous estoit preparée au Ciel, et que, comme Judas, vous ne l'ayez dans les enfers.

  A010000642 

 Nous sommes donques enseignés que bien que Judas quittast l'apostolat, neanmoins l'apostolat ne perit pas pour cela, il demeura tousjours en estre; car le college des Apostres dura non seulement pendant la vie de Nostre Seigneur qui les appella et les receut, mais apres sa mort [261] ils en esleurent un autre pour remplacer le traistre.

  A010000643 

 (Il y auroit plusieurs choses à dire sur le sort, mais [262] je n'en parleray pas icy. Je diray seulement que cela se peut quand les parties sont esgales ou qu'il n'y a pas grande disproportion, comme il n'y en avoit pas entre saint Joseph, car il a esté saint, et saint Mathias.) Le sort estant jetté il tomba sur ce dernier, et il fut Apostre..

  A010000643 

 Comme ils estoyent tous deux d'une singuliere vertu, il y eut un peu de difficulté pour sçavoir lequel on retiendroit, tellement que pour mieux rencontrer ce qui estoit de la volonté de Dieu ils les mirent au sort.

  A010000643 

 Joseph estoit juste et craignant Dieu, homme d'une extraordinaire sainteté et pureté de vie, si qu'il estoit en grande estime parmi les Apostres et disciples.

  A010000643 

 Or, les Apostres en choisirent deux: l'un s'appelloit Joseph, surnommé Barsabas, et l'autre Mathias qui n'estoit point autrement surnommé, mais certes, c'estoit un beau nom que le sien.

  A010000644 

 Or, Joseph, qui estoit juste, ne perdit point sa justice encores qu'il ne fust pas retenu pour Apostre, ains sa sainteté luy demeura, pour nous apprendre que Dieu ne choisit pas tousjours les plus saints pour gouverner et avoir des charges en son Eglise.

  A010000644 

 Partant ceux qui y sont appellés ne doivent pas se glorifier et presumer d'eux mesmes, pensant estre meilleurs ou plus parfaits que les autres, et ceux qui ne sont point receus à tels offices ne s'en doivent point troubler, puisque cela ne les empeschera pas d'estre justes et aggreables à Dieu..

  A010000644 

 Quelques uns pensent que les Apostres receurent une inspiration ou une parole interieure qui leur donnoit à entendre que Mathias estoit choisi de Dieu pour Apostre, et qu'alors tous d'une commune voix dirent qu'il le seroit; tout ainsy que lors qu'on fit Evesque saint Ambroise, le peuple estant en grand peine au sujet de cette election, l'on ouyt la voix d'un petit enfant qui dit: Ambroise sera Evesque, et alors tous crierent qu'Ambroise le devoit estre.

  A010000645 

 Mais celle du Lazare fut portée au sein d'Abraham, et de là dansje Ciel, où avec saint Mathias, qui vescut et mourut en grand Apostre, il jouira sans fin de l'eternité qui est Dieu mesme, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000645 

 Mais ces prestres sinagogiques et mosaïques le rejetterent, disant qu'ils ne s'en soucioyent point, que s'il avoit mal fait c'estoit son dam et que pour eux ils n'en avoyent que faire; car en la Loy de Moyse il n'en prenoit pas comme en celle de grace sous laquelle nous sommes; les prestres de ce temps icy ne rejettent pas ainsy les pecheurs quand ils viennent à eux, d'autant qu'il n'y a peché, pour grand et grief qu'il soit, qui ne puisse estre pardonné en cette [263] vie, si on le confesse: cecy est un article de foy.

  A010000656 

 Ces paroles sont des plus remarquables, des plus considerables et qui portent plus de poids que nostre divin Maistre ayt dites; c'est pourquoy les anciens Peres se sont beaucoup arrestés à en tirer des interpretations.

  A010000656 

 La premiere est la concorde que doivent avoir les sujets avec leur roy, demeurans sousmis et obeissans à ses lois.

  A010000656 

 La seconde est l'union qu'il nous faut avoir en nous mesme, au royaume que nous avons en nostre interieur, dont la rayson doit estre la reyne, à laquelle toutes les facultés de nostre esprit, tous nos sens et nostre corps mesme doivent demeurer absolument assujettis; car sans cette obeissance et sousmission nous ne pouvons nous empescher de la desolation et du trouble, [265] non plus que le royaume où les sujets ne sont pas obeissans aux lois du roy..

  A010000656 

 Tout royaume qui sera divisé et qui ne sera pas uni en soy mesme sera desolé, dit Nostre Seigneur en l'Evangile d'aujourd'huy, où par contre, tous royaumes qui seront bien unis en eux mesmes par la concorde, ne laissant point entrer de divisions, seront indubitablement remplis de consolations; car les propositions estans contraires, les consequences le doivent estre de mesme.

  A010000657 

 Cette union et concorde nous a esté preschée, recommandée et enseignée tant d'exemple que de parolle, par Nostre Seigneur, mais avec une exageration nompareille et avec des termes admirables; de sorte qu'il semble qu'il se soit oublié de nous recommander l'amour que nous luy devons porter, et à son Pere celeste, pour mieux nous inculquer l'amour et l'union qu'il vouloit que nous eussions les uns avec les autres; il a mesme appellé le commandement de l'amour du prochain son commandement, comme estant le sien le plus cheri.

  A010000657 

 Mais d'autant qu'il faudroit trop de temps pour parler de toutes ces unions, je m'arresteray seulement à la troisiesme, qui est celle que nous devons avoir les uns avec les autres.

  A010000658 

 Et pour monstrer qu'il ne parloit pas seulement pour les Apostres ains pour tous nous autres: Je ne te prie pas seulement pour ceux [266] cy, avoit-il dit auparavant, mais pour tous ceux qui croiront en moy par leur parolle.

  A010000658 

 Mon Pere, dit-il en la derniere cene, lors qu'il eut rendu ce tesmoignage incomparable de son amour pour les hommes en instituant le tres saint Sacrement de l'Eucharistie, mon tres cher Pere, je te supplie que tous ceux que tu m'as commis soyent un, comme toy et moy, Pere, sommes un.

  A010000659 

 Aussi, nous ne devons pas entendre de pouvoir parvenir à l'esgalité de cette union, car il ne se peut, comme le remarquent les anciens Peres; il nous faut contenter d'en approcher au plus pres qu'il nous sera possible, selon la capacité que nous avons.

  A010000660 

 Comme s'il disoit: De mesme que Dieu, nostre Pere tout bon, nous a aymés si cherement qu'il nous a tous adoptés pour ses enfans, ainsy monstrez que vous estes vrayement ses enfans en vous aymant cherement les uns les autres en toute bonté de cœur..

  A010000660 

 J'ay pris d'autant plus de playsir à traitter de ce sujet aujourd'huy, que j'ay trouvé que saint Paul nous recommande cet amour du prochain avec des termes admirables dans l'Epistre que nous avons leuë à la sainte Messe, en laquelle il dit escrivant aux Ephesiens: Bien aymés, marchez en la voye de la dilection des uns envers les autres comme enfans tres chers de Dieu; marchez en icelle comme Jesus Christ y a marché, lequel a donné sa propre vie pour nous, s'offrant à Dieu son Pere en holocauste et en hostie d'odeur et de suavité.

  A010000660 

 Oh que ces paroles sont aymables et dignes d'estre considerées! Ce sont paroles toutes dorées, par lesquelles ce grand Saint nous fait entendre quelle doit estre nostre concorde et nostre dilection les uns envers les autres.

  A010000661 

 Aymez-vous les uns les autres comme Jesus Christ nous a aymés, non pour aucun merite qui fust en nous, ains seulement parce qu'il nous a creés à son image et semblance.

  A010000661 

 C'est cette image et semblance que nous devons honnorer et aymer en tous les hommes, et non pas autre chose qui soit en eux; car rien n'est aymable en nous de ce qui est de nous, puisque non seulement cela n'embellit pas cette divine ressemblance, ains l'enlaidit, souille et barbouille, en sorte que nous ne sommes presque plus reconnoissables.

  A010000662 

 Mon Dieu, quelle disproportion entre les objets de ces deux amours! et cependant les commandemens sont semblables, en telle sorte que l'un ne peut subsister sans l'autre; il faut necessairement que l'un perisse ou s'accroisse en mesme temps que l'autre descroit ou augmente, ainsy que parle saint Jean..

  A010000662 

 Pourquoy donc Nostre Seigneur a-t-il voulu que nous nous aymassions tant les uns les autres, et pourquoy, demandent la pluspart des saints Peres, a-t-il pris tant de soin de nous inculquer ce precepte comme estant semblable au commandement de l'amour de Dieu? Cecy fait grandement estonner, que l'on dise que ces deux commandemens sont semblables, veu que l'un tend à aymer Dieu, et l'autre la creature: Dieu qui est infini, et la creature qui est finie; Dieu qui est la bonté mesme et duquel tous biens nous arrivent, et l'homme qui est rempli de malice et duquel nous viennent tant de maux; car le commandement de l'amour du prochain contient [268] aussi l'amour des ennemis.

  A010000663 

 Ce que Marc Antoine ayant sceu, et que non seulement ils n'estoyent pas jumeaux, voire qu'ils ne venoyent pas de mesme païs, et qu'ils n'estoyent pas nés sous un mesme roy, il se mit grandement en colere et fut fort courroucé contre celuy qui les luy avoit vendus.

  A010000663 

 Ces deux enfans se ressembloyent tellement et si parfaittement que le maquignon luy fit accroire qu'ils estoyent jumeaux, n'estant pas croyable qu'ils peussent avoir une si parfaitte ressemblance autrement; car estans separés l'un de l'autre l'on ne pouvoit nullement juger quel c'estoit des deux, rareté dont Marc Antoine fit un si grand estat qu'il les acheta fort cherement.

  A010000663 

 Mais les ayant fait conduire chez luy, il trouva que ces deux enfans parloyent un langage tres different, d'autant que Pline raconte que l'un estoit de ces quartiers du Dauphiné et l'autre de l'Asie, lieux si distans l'un de l'autre qu'il ne se peut presque dire.

  A010000663 

 Marc Antoine acheta un jour deux jeunes jouvenceaux que luy presenta un certain maquignon; car en ce temps là, comme il se fait encores en quelques contrées, l'on vendoit les enfans: il y avoit des hommes qui en faisoyent provision et usoyent de ce traffic comme l'on fait des chevaux en nos païs.

  A010000665 

 La loy de nature a tousjours appris ces deux preceptes au cœur de tous les hommes; de sorte que si Dieu n'en eust point parlé, tous neanmoins eussent sceu qu'ils estoyent obligés de ce faire.

  A010000665 

 Nul ne se peut excuser de ne pas sçavoir qu'il faut aymer nostre prochain comme nous mesme, Dieu ayant gravé cette verité au fond de nos cœurs en nous creant tous à la ressemblance les uns des autres; car portant tous en nous l'image du Createur, nous sommes par consequent l'image les uns des autres, ne representant tous qu'un mesme portrait qui est Dieu..

  A010000666 

 Et premierement, pourquoy appelle-t-il ce commandement nouveau, puisqu'il avoit desja esté donné en la Loy de Moyse, et que mesme, comme nous l'avons ja veu, il n'avoit pas esté ignoré en la loy de nature, ains reconneu, voire observé par quelques uns dès la creation de l'homme? Nostre divin Maistre appelle ce commandement nouveau d'autant qu'il [270] le vouloit renouveller; et comme quand on met du vin nouveau en quantité dans un tonneau où il y en a encor un peu de vieux, l'on ne dit pas que tel tonneau contient du vin viel ains du nouveau, parce que la quantité de celuy cy surpasse sans comparaison celle de l'autre, de mesme Nostre Seigneur appelle ce commandement nouveau, d'autant que, si bien il avoit esté donné auparavant, il n'avoit pourtant esté observé que par un fort petit nombre de personnes; si qu'il pouvoit le nommer tout nouveau, parce qu'il vouloit qu'il fust tellement renouvellé que tous s'aymassent les uns les autres..

  A010000666 

 Je vous donne, dit-il parlant à ses Apostres, un commandement nouveau, qui est que vous vous aymiez les uns les autres.

  A010000667 

 Ainsy faisoyent les premiers Chrestiens, qui n'avoyent tous qu' un cœur et qu' une ame, entretenant une telle union par ensemble que jamais on ne voyoit entr'eux nulle division; aussi jouissoyent-ils d'une consolation tres grande par le moyen de leur concorde.

  A010000667 

 Tout ainsy que de plusieurs grains de froment moulus et petris ensemble on fait un seul pain, pain qui est composé de tous ces grains de blé qui estoyent auparavant separés et qui ne sont plus separables maintenant, de maniere qu'ils ne peuvent plus estre remarqués ni reconneus en particulier, de mesme ces Chrestiens avoyent un amour si fervent les uns pour les autres, que leurs volontés et leurs cœurs estoyent tous saintement confus et pesle meslés.

  A010000668 

 Et comme nous voyons encores que de plusieurs raisins pressurés les uns avec les autres se fait un seul vin, et qu'il n'est plus possible de remarquer quel est le vin sorti d'une telle graine ou d'une telle grappe, ains tout estant pesle meslé ne forme qu'un vin tiré de plusieurs graines de raisins, de mesme ces cœurs des premiers Chrestiens, esquels regnoit la sainte charité et dilection, n'estoyent qu'un vin composé de plusieurs cœurs comme de plusieurs raisins.

  A010000668 

 Mais ce qui establissoit une si grande union entr'eux n'estoit autre, mes cheres ames, sinon la [271] tres sainte Communion, laquelle venant à cesser ou à se faire rarement, la dilection est venue par mesme moyen à se rafroidir entre les Chrestiens et a grandement perdu sa force et sa suavité..

  A010000669 

 Ce commandement estoit tellement negligé entre les hommes qu'il sembloit n'avoir pas esté fait, tant il y en avoit peu qui s'en resouvinssent ou du moins qui l'observassent.

  A010000670 

 Aussi, avant de renouveller ce commandement de l'amour du prochain, il nous a aymés et monstré par son exemple comment nous le devions prattiquer à fin que nous ne nous en excusassions point comme si c'estoit une chose impossible; il s'est donné au tres saint Sacrement, puis il nous a dit: Aymez-vous les uns les autres comme je vous ay aymés.

  A010000670 

 Les hommes de l'ancienne Loy sont damnés s'ils n'ont pas aymé le prochain, car ou la loy de nature les y obligeoit ou bien celle de Moyse; mais les Chrestiens qui, apres l'exemple que Nostre Seigneur nous en a laissé, [272] ne s'ayment pas les uns les autres et n'observent ce divin precepte de la charité mutuelle seront damnés d'une damnation incomparablement plus grande..

  A010000671 

 Les hommes d'autrefois, je veux dire ceux qui vivoyent avant la glorieuse Incarnation de nostre cher Sauveur et Maistre, peuvent avoir quelques excuses, car si bien l'on sçavoit desja en ce temps là que Nostre Seigneur, unissant nostre nature humaine à la nature divine, viendroit reparer par sa Mort et Passion l' image et semblance de Dieu imprimée en nous, ce n'estoyent que quelques uns des plus grans, comme les Patriarches et les Prophetes qui avoyent cette connoissance, les autres hommes l'ignoroyent quasi tous.

  A010000671 

 Mais maintenant que nous sçavons non pas qu'il viendra, ains qu'il est venu, et qu'il nous a recommandé tout de nouveau cette sainte dilection les uns envers les autres, combien serons-nous dignes de punition si nous n'ajnrions nostre prochain!.

  A010000672 

 Mais Nostre Seigneur estant venu au monde a tellement relevé nostre nature au dessus de tous les Anges, des Cherubins et de tout ce qui n'est point Dieu, il nous a tellement faits semblables à luy, que nous pouvons dire asseurement que nous ressemblons parfaitement à Dieu, lequel s'estant fait homme a pris nostre [273] semblance et nous a donné la sienne.

  A010000672 

 Se faut-il donques estonner si ce Bien-Aymé de nos ames veut que nous nous aymions comme il nous a aymés, puisqu'il nous a tellement restablis en cette parfaitte ressemblance que nous avions avec luy qu'il semble qu'il n'y ayt plus aucune difference? Certes, nul ne peut douter que l'image de Dieu qui estoit en nous avant l'Incarnation du Sauveur ne fust grandement distante de la vraye ressemblance de Celuy que nous representions et duquel nous estions les portraits; car quelle proportion y a-t-il, je vous prie, entre Dieu et la creature? Les couleurs de ce portrait estoyent infiniment blasfardes et decolorées; il n'y avoit simplement que quelques traits, quelques petits lineamens, ainsy que l'on voit en un portrait ou en un tableau qui est seulement esbauché, et où les couleurs n'estans encores posées, on n'y remarque qu'un air bien petit et bien mince de celuy qu'il represente.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000674 

 Hé donques, n'en devrions-nous pas faire de mesme quand nous nous rencontrons les uns les autres? Oh, devrions-nous dire à nostre frere, que vous ressemblez à un grand homme de bien, car vous me representez mon [274] Sauveur et mon Maistre! Et sur l'asseurance qu'il nous donne ou que nous nous donnerions les uns aux autres que nous reconnoissons tres bien la ressemblance du Createur et que nous sommes ses enfans, quelles tendres caresses ne devrions-nous pas nous faire! Mais pour mieux dire, combien devrions-nous recevoir amoureusement le prochain, honnorant en luy cette divine ressemblance, renouant tousjours de nouveau ces doux liens de charité qui nous tiennent liés, serrés et conjoints les uns aux autres.

  A010000675 

 De ces paroles nous tirons la connoissance du degré auquel doit parvenir nostre amour mutuel et à quelle perfection il doit monter, qui est de donner les uns pour les autres ame pour ame, vie pour vie, bref tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons hors le salut; car Dieu veut que cela seul soit excepté.

  A010000676 

 Il faut que nous en fassions de mesme, dit le saint Apostre, c'est à dire que nous fabriquions nostre croix, que nous souffrions les uns des autres comme le Sauveur nous l'a enseigné, que nous donnions nostre vie pour ceux mesmes qui nous la voudroyent oster, comme il fit si amoureusement; que nous l'employions pour le prochain non seulement ès choses aggreables, mais ès [275] plus penibles et desaggreables, telles que de supporter amoureusement ces persecutions qui pourroyent en quelque façon attiedir nostre amour envers nos freres..

  A010000676 

 Nostre divin Maistre nous a donné sa vie non seulement l'employant à guerir les malades, faire des miracles et nous enseigner ce que nous devions faire pour nous sauver ou pour luy estre aggreables; mais il l'a donnée aussi en fabriquant sa croix tout le temps d'icelle, souffrant mille et mille persecutions de ceux mesmes auxquels il faisoit tant de bien et pour lesquels il livroit sa vie.

  A010000678 

 Neanmoins il ne resista ni [276] s'excusa de se laisser conduire et tourner à toute main, ainsy que la cruauté suggeroit à ces malheureux; car il regardoit en cela la volonté de son Pere celeste, qui estoit qu'il mourust pour les hommes, volonté à laquelle il se sousmettoit avec un amour incomparablement grand et digne d'estre plustost adoré qu'imaginé ou compris..

  A010000679 

 C'est à ce souverain degré de perfection que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, c'est à ce degré de l'amour du prochain, dis-je, que nous sommes appellés et auquel nous devons pretendre de toutes nos forces.

  A010000679 

 Nous voudrions prescher, et l'on nous envoye servir les malades; nous voudrions prier pour le prochain, et l'on nous envoye servir le prochain.

  A010000680 

 Aymez-vous donques les uns les autres, dit saint Paul, comme Nostre Seigneur nous a aymés.

  A010000680 

 Il s'est offert en holocauste: ce fut lors qu'estant sur la croix il respandit jusqu'à la derniere goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré duquel il devoit et vouloit cimenter, unir, joindre et attacher l'une à l'autre toutes les pierres de son Eglise, qui sont les fidelles, à fin qu'ils fussent tellement unis, que jamais il ne se trouvast aucune division entre eux, tant il craignoit que cette division ne leur causast la desolation eternelle.

  A010000680 

 O combien ce motif est pregnant pour nous inciter à [277] l'amour de ce commandement et à son exacte observance: nous avons esté esgalement arrousés de ce sang pretieux, comme d'un ciment sacré, pour serrer et unir nos cœurs les uns aux autres! O que la bonté de nostre Dieu est grande!.

  A010000683 

 Les enfans qui ont un bon pere le doivent imiter et suivre ses commandemens en toutes choses.

  A010000685 

 Aussi son saint Apostre nous l'a-t-il plus particulierement exprimé, ne voulant pas que nous nous amusions à imiter ni les Anges ni les Cherubins en cette prattique tant necessaire, ains Nostre Seigneur mesme qui nous l'a enseignée beaucoup plus par œuvres que par paroles, principalement estant attaché à la croix..

  A010000685 

 Ou bien nous pouvons considerer les Apostres comme estant la barbe de Nostre Seigneur, qui est nostre Chef et dont nous sommes les membres, d'autant qu'ils furent comme attachés à sa face, puisqu'ils virent ses exemples, ses œuvres, et receurent ses enseignemens immediatement de sa bouche [279] sacrée.

  A010000685 

 Quant à nous autres, nous n'avons pas eu cet honneur, ains ce que nous sçavons nous l'avons appris des Apostres; nous sommes donques comme les vestemens de nostre grand Prestre, nostre Sauveur, sur lesquels neanmoins descoule encores cet onguent pretieux de la tres sainte dilection qu'il nous a tant commandée et recommandée.

  A010000685 

 Que si nous faisons cela, o qu'à bon droit nous pourrons bien chanter, et non certes sans beaucoup de consolation, ce Psalme dont la consideration estoit si suave au grand saint Augustin: Ecce quam bonum! O qu'il fait bon voir les freres habiter ensemble en une sainte union, concorde et paix, car ils sont comme l'onguent pretieux que l'on respandit sur le chef du grand Prestre Aaron, lequel par apres couloit le long de sa barbe et sur ses vestemens.

  A010000686 

 C'est au pied de cette Croix que nous devrions nous tenir continuellement, comme au lieu auquel les imitateurs de nostre souverain Maistre et Sauveur font leur plus ordinaire demeure; car c'est de là qu'ils reçoivent cette liqueur celeste de la sainte dilection qui sort à grans randons, comme une divine source, des entrailles de la divine misericorde de nostre bon Dieu qui nous a aymés d'un amour si fort, si solide, si ardent et si perseverant que la mort mesme ne l'a pas peu attiedir, ains au contraire l'a infiniment rehaussé et aggrandi.

  A010000686 

 Les eaux des plus ameres afflictions n'ont peu esteindre le feu de cette dilection qu'il nous portoit, tant il estoit ardent, et les persecutions envenimées de ses ennemis n'ont pas eu assez de force pour vaincre la solidité et fermeté incomparable de l'amour dont il nous a aymés.

  A010000691 

 Et luy ayant presenté leur requeste, Nostre Seigneur s'approcha du lit de la malade, et se penchant sur elle il la regarda, et l'empoignant par la main, commanda à la fievre de la quitter, ou, comme dit saint Luc, il tança la fievre, et elle la quitta; lors cette bonne femme se voyant saine se leva et les servit à table.

  A010000691 

 Voyci le contenu de l'histoire: nostre divin Maistre estant en cette ville où il publioit les effects et grandeurs de la providence de son Pere celeste, apres avoir fait plusieurs guerisons et delivré un demoniaque, c'est à dire une personne tourmentée du diable, il entra en la mayson de Simon et d'André et guerit la belle mere de Pierre qui estoit travaillée des fievres.

  A010000692 

 Plusieurs esprits bigearres en ont tiré qu'il failloit donques qu'en ce temps là saint Pierre ne gardast pas le celibat, et les huguenots ont dit que puisqu'il avoit une belle mere il devoit quant et quant avoir une femme, et partant qu'il estoit pour lors marié; ce qui n'est point, car il n'eust peu suivre Nostre Seigneur s'il eust esté chargé d'une femme..

  A010000694 

 Mais les ecclesiastiques qui se sont tout à fait dediés à Dieu ne doivent point avoir d'autre Seigneur que luy; c'est pourquoy ils se separent de la creature quant à cette union qui se fait avec elle par le mariage, à fin de s'unir plus estroittement [282] avec leur Dieu; car le Sacrement de Mariage est une union de la creature avec la creature, et celuy de l'Ordre ecclesiastique est en quelque façon une desunion de la creature d'avec la creature.

  A010000696 

 Certes, telles gens ne croyent point à cet article du Symbole, puisque c'est une chose tres certaine que, comme nous participons icy bas aux prieres les uns des autres, ces mesmes prieres et bonnes œuvres profitent aux ames du Purgatoire qui en peuvent estre aydées.

  A010000696 

 Pour ce qui est escrit que les Apostres, à sçavoir Pierre, André, Jean et Jacques, s'assemblerent pour demander la guerison de la belle mere de Simon, c'est une chose bien considerable; car cette demande nous represente la communion des Saints par laquelle le corps de l'Eglise est tellement uni que tous ses membres participent au bien de chacun: de là vient que tous les Chrestiens ont part à toutes les prieres et bonnes œuvres qui se font en la sainte Eglise.

  A010000698 

 Disons maintenant moralement quelque chose sur les maladies.

  A010000698 

 Mais j'ay pensé de ne point traitter aujourd'huy de celles là, ains des corporelles dont les Religieux et Religieuses ne sont pas plus exempts que les autres, car ces maladies corporelles vont dans les Religions aussi bien que dans le monde; et puis c'est de celles-cy qu'il est question dans nostre Evangile, et c'est une chose de grande importance de sçavoir comme il en faut bien user.

  A010000698 

 Neanmoins, d'autant que les vertus que prattiqua cette femme sont en tres grand nombre, je ne vous en marqueray que trois sur lesquelles je diray quelque chose.

  A010000698 

 Nous le verrons en nostre febricitante, laquelle prattiqua tant et de si admirables vertus en sa maladie que je pense que l'histoire en devroit estre escritte par toutes les infirmeries des monasteres, à fin de servir d'exemple à tous ceux qui y souffriroyent quelque maladie et leur apprendre à en faire leur proffit.

  A010000698 

 Quant à ce qui est des maladies spirituelles, elles sont en si grand nombre que si j'entreprenois d'en parler je n'aurois jamais fait, d'autant plus qu'elles sont l'exercice de toute l'année; et, bien que les Religieuses soyent exemptes de quelques unes, neanmoins elles ne le sont pas de toutes.

  A010000700 

 Il y en a encores beaucoup en ce temps icy qui conduisent les ames, et d'autres à qui le Saint Esprit depart aussi de saintes et devotes pensées, lesquelles ils nous dressent pour nostre usage; car le mesme Dieu qui estoit hier est encores aujourd'huy pour faire tout autant de graces et faveurs aux hommes de cet aage comme à nos peres anciens..

  A010000700 

 La premiere est de se servir des considerations pieuses dressées par plusieurs qui ont eu la conduite des ames, lesquels ont fait de belles conceptions tant sur la vie et mort de Nostre Seigneur que sur les autres mysteres de nostre foy, conceptions dont on peut user en la meditation.

  A010000700 

 On peut considerer la sainte Bible, c'est à dire les mysteres qu'elle contient, et principalement les Evangiles, en deux manieres.

  A010000701 

 Pour representer les convulsions et les douleurs de la tres sainte Vierge Nostre Dame, les uns se la sont figurée toute alarmée, toute pasmée et defaillie de douleur à la mort de son Fils, et nos peintres l'ont ainsy representée au pied de la croix, comme s'il luy eust pris quelque foiblesse ou defaillance; ce qui ne luy arriva jamais ni en la vie ni en la mort de Nostre Seigneur, car, dit l'Evangeliste, elle demeura ferme et debout au pied de la croix.

  A010000702 

 Mais l'on ne s'est pas contenté de ce qu'ils ont laissé, ains on a fait plusieurs autres imaginations; c'est icy où il faut prendre garde pour n'en pas user dans la meditation à tort et à travers, selon nostre fantasie, ains sobrement, selon l'advis de [286] nos directeurs et de ceux qui nous conduisent, ou selon qu'il est marqué dans les livres bien approuvés qui nous mettent hors de doute et danger.

  A010000702 

 Or, je ne dis pas qu'il ne se faille servir de l'imagination pour mediter, ni des considerations pieuses qui nous ont esté laissées par les saints Peres et par tant de bonnes ames.

  A010000702 

 Puisque ces saints et grans personnages les ont faites, qui n'osera s'en servir, et qui refusera de penser ou croire pieusement ce que pieusement ils ont creu? O certes, il faut aller asseurement apres des personnages de telle authorité.

  A010000703 

 Il n'estoit pas sans commencement, puisque, comme homme, il eut une naissance, et non plus sans fin, d'autant qu'il mourut comme tous les autres.

  A010000703 

 La seconde maniere est de ne point faire d'imaginations, mais de se tenir au pied de la lettre, c'est à dire de se contenter de mediter purement et simplement les Evangiles et les mysteres de nostre foy.

  A010000703 

 Mais quand il dit que Melchisedech estoit sans pere et sans genealogie, il ne veut pas signifier qu'il n'eust eu un pere et une mere comme les autres hommes, car il nasquit comme eux, et partant il avoit une genealogie.

  A010000704 

 L'inquietude est un mal dont pour l'ordinaire les febricitans sont grandement agités; il les empesche de reposer et fait qu'ils s'ennuyent et qu'ils ne trouvent playsir à quoy que ce soit; il faut remuer le ciel et la terre pour les soulager, et tout cela ne leur sert de rien..

  A010000705 

 Or, cette grande remise de nostre febricitante entre les mains de ses superieurs est cause qu'elle ne s'inquiete point, qu'elle ne se met point en soucy de sa santé ni de sa guerison; elle le laisse à ceux qui la gouvernent, se contentant de demeurer dans son lit et de souffrir sa maladie avec douceur et patience.

  A010000705 

 Que les malades qui sont parmi le monde seroyent heureux s'ils se laissoyent gouverner par ceux qui ont charge d'eux, et les Religieux et Religieuses s'ils faisoyent cette grande remise de nostre febricitante entre les mains de leurs Superieurs!.

  A010000706 

 Cette charité est plus forte et presse de plus pres que la nature, elle n'espargne rien; c'est donc pur ce motif que les Superieurs et Superieures des Religions pourvoyent aux necessités de ceux qu'ils ont en charge.

  A010000706 

 Si les gens du monde ont sujet de se delaisser ainsy à ceux qui les soignent, à cause de l'amour ou compassion [288] naturelle qu'ils leur portent, à plus forte rayson les Religieuses qui vivent sous des Superieures lesquelles, par le motif de la charité, les servent et pourvoyent à leurs besoins.

  A010000708 

 O Dieu, combien y eut-il de malades en Capharnaum qui, sçachant que Nostre Seigneur, souverain Medecin, estoit là, tesmoignerent un tres grand empressement et avidité pour faire connoistre leur estat à celuy qu'ils sçavoyent les pouvoir guerir.

  A010000708 

 Que ne fit pas la Chananée, combien ne cria-t-elle pas apres nostre cher Maistre et comme ne persevera-t-elle pas à l'importuner pour obtenir ce qu'elle demandoit? Comme ne cria-t-elle pas apres les Apostres à ce qu'ils le priassent pour elle, ou que du moins, voyant son importunité, ils fussent meus à ce faire? Et quelles instances ne fit pas le prince de la Synagogue pour induire Nostre Seigneur à descendre en sa mayson? En somme, tous tesmoignerent beaucoup d'inquietude et de desir de leur guerison..

  A010000709 

 Ce qui monstre que les moines de ce temps là n'usoyent point de vin ni de viande, comme estans contraires à la pauvreté evangelique..

  A010000709 

 Il leur mande qu'il n'est point loysible aux Freres de saint Anastase de penser aux remedes propres à recouvrer la santé, ni moins de les demander; qu'ils ne doivent point sçavoir quelle medecine il leur faut prendre, ni s'ils ont besoin [290] ou non de la saignée.

  A010000709 

 Ils ne doivent user ni de medecin ni de medecine; cela estant propre aux gens du monde de faire venir avec grand empressement les medecins, et d'employer frequemment des remedes, mais aux moines il ne leur est point licite.

  A010000709 

 Les moines qui se sont consacrés au service de Nostre Seigneur, adjouste-t-il, ne doivent plus avoir soucy des maladies corporelles, mais bien des spirituelles, et pour les premieres il leur faut s'en remettre à la providence de Dieu qui les permet, et au soin des Superieurs qui ont charge d'eux.

  A010000709 

 Mais encores en ce temps cy, que ne feroyent pas nos malades s'ils sçavoyent qu'il y eust un homme de grande experience, pour le prier de les visiter et de remedier à leurs maux? Avec quelle impatience n'attendroyent-ils pas sa venue? O certes, cette inquietude ne procede que d'un amour desreglé de soy mesme, maladie à laquelle sont sujets non seulement les gens du monde, mais aussi ceux qui vivent en Religion.

  A010000711 

 O certes, les Religieux et Religieuses de saint Bernard, non plus que les autres, ne sont plus comme ils estoyent alors.

  A010000712 

 Les medicamens aussi estoyent grandement chers; c'est peut estre la cause pour laquelle les anciens Religieux s'en servoyent si peu.

  A010000712 

 Mais comme il permet le peché, il envoye les infirmités pour nous chastier et purifier d'iceluy; alors il se faut sousmettre à sa justice et à sa misericorde, et nous tenir dans un humble silence qui nous fasse tranquillement embrasser les evenemens de sa providence, comme faisoit David, lequel disoit dans ses afflictions: J'ay souffert et me suis teu, parce que je sçay que c'est vous qui me les avez envoyées pour me chastier et me purger de mon iniquité..

  A010000712 

 Mais il n'en prend pas ainsy en ce temps; car outre que les drogues sont à meilleur prix, les medecins ne sont point non plus si rares; de là vient qu'on les employe plus facilement, si que pour le moindre mal il faut se medicamenter et courir à la haste pour appeller le medecin.

  A010000712 

 Mais l'on ne se contente pas de cela, ains on veut se gouverner selon sa fantasie: on a tant de soin de soy! On s'inquiete et s'empresse à rechercher des moyens pour sa guerison, on voudroit volontiers sçavoir tout ce qui nous est propre ou non, connoistre tous les remedes du monde pour s'en servir, et pretendroit-on que chacun s'y employast.

  A010000713 

 Elle n'estoit pas semblable à plusieurs personnes de ce temps, lesquelles si elles ont la migraine ou la colique il faut que chacun en soit empesché et que tout le voysinage en soit instruit, autrement elles ne sont pas contentes; ni à ceux qui pour le moindre mal veulent estre retirés à part dans une infirmerie à fin que chacun les plaigne et souffle sur iceluy; ni à ceux qui courent au medecin pour la plus petite incommodité qu'ils ressentent.

  A010000718 

 Il y a des personnes qui voudroyent, quand elles sont malades, employer tout le monde, si elles pouvoyent, pour estre gueries, et envoyent de costé et d'autre à ce que l'on prie Dieu de les delivrer de ces maladies corporelles.

  A010000719 

 Cependant les Apostres, meus de compassion, dirent pour elle à Nostre Seigneur une parole de grande humilité.

  A010000720 

 C'est pourquoy il est requis de les retirer dans une infirmerie à part, de les traitter de viandes particulieres et de leur faire plusieurs dorlotteries jusqu'à ce qu'elles en soyent bien relevées.

  A010000720 

 Elle n'estoit point de ces femmes tendres et delicates qui ayans eu une maladie de quelques jours il leur faut les semaines et les moys pour les refaire, à fin que ceux qui n'ont pas appris qu'elles estoyent malades le sçachent en ce temps qu'elles prennent pour se remettre, et que par ce moyen ils ayent encores le loysir de les plaindre.

  A010000721 

 Imaginez-vous aussi ce que faisoyent de leur costé les Apostres qui avoyent veu ce miracle, et apprenez comment on se doit comporter aux maladies corporelles et le profit que l'on en doit tirer..

  A010000722 

 En somme, il faut observer en icelles la regle generale, qui est de ne rien demander et ne rien refuser, mais se remettre entre les mains de nos Superieurs, leur laissant le soin de pourvoir aux medecins, aux remedes et à tout ce qui est requis pour nostre santé et soulagement.

  A010000723 

 Aussi cette grande Sainte ne pouvant mourir en effect en cette pauvreté evangelique, y mourut du moins par desir et affection; et à ces deux saintes ames, comme à tous ceux qui les imitent, on peut dire: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux.

  A010000732 

 Jesus prit donques les pains, et ayant.

  A010000733 

 rendu graces, il les distribua à ceux.

  A010000739 

 L'histoire que la tres sainte Eglise nous represente en l'Evangile d'aujourd'huy est un tableau dans lequel sont depeints mille beaux sujets propres à nous faire admirer et louer la divine Majesté; mais ce tableau nous represente sur tout la providence admirable, tant generale que particuliere, que Dieu a pour les hommes, et nommement pour ceux qui l'ayment et qui vivent selon ses volontés dans le Christianisme..

  A010000740 

 Dieu exerce il est vray cette providence envers toutes les creatures et specialement envers les hommes, tant payens et heretiques qu'autres quels qu'ils soyent, car autrement ils periroyent indubitablement; pourtant, il faut sçavoir qu'il a une providence beaucoup plus particuliere pour ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000740 

 Or, entre ceux cy il se trouve encores quelques troupes, comme nous voyons en nostre Evangile, qui meritent que Nostre Seigneur ayt d'eux un soin plus special: ce sont ceux qui pretendent parvenir à la perfection et lesquels, pour ce faire, ne se contentent pas de le suivre en la plaine [298] des consolations, ains ont le courage de le suivre encores parmi les deserts jusques sur la cime de cette haute montagne.

  A010000740 

 Plusieurs virent le Sauveur tandis qu'il alloit instruisant et guerissant les hommes, et ne le suivirent pourtant pas; d'autres le voyant le suivirent, mais seulement jusqu'au pied de la montagne, se contentant de l'accompagner en la plaine et ès lieux aggreables et faciles; mais plus heureux mille fois ceux qui le virent et le suivirent non pas seulement jusqu'au pied de la montagne, ains transportés de l'amour qu'ils luy portoyent, monterent avec luy, despourveus de tout autre soin que de luy plaire, car ils meriterent que la divine Bonté prinst soin d'eux, et de leur faire mesme un festin miraculeux de peur qu'ils ne vinssent à defaillir de faim..

  A010000741 

 Je le dresse donc sur la confiance que ceux qui pretendent à la perfection doivent avoir en la Providence pour ce qui regarde les necessités spirituelles, d'autant que j'ay parlé d'autres fois, je pense en ce mesme lieu, de cette providence generale que Dieu a pour tous les hommes, et de la confiance que nous devons avoir en luy pour les choses temporelles.

  A010000741 

 O que ces troupes estoyent aymables en cette prattique si parfaite du delaissement total d'elles mesmes entre les bras de la divine Providence! N'ayons pas peur que Dieu leur manque, car il en prendra soin et en aura compassion, ainsy que nous verrons tantost en la suite de nostre discours.

  A010000742 

 Ceux cy ont une plus grande capacité que les autres pour bien entendre la parole de Dieu et estre attirés par la douceur de ses suavités.

  A010000743 

 Je ne dis pas tant cecy pour ce qui est des choses temporelles comme pour les spirituelles; luy mesme l'enseigna à sa bien aymée sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» luy dit-il, «et je penseray en toy.» O qu'heureuses sont les ames qui sont si amoureuses de Nostre Seigneur que de bien suivre cette regle de penser en luy, se tenant fidellement en sa presence, escoutant ce qu'il nous dit continuellement au fond du cœur, obeissant à ses divins traits et attraits, mouvemens et inspirations, respirant et aspirant sans cesse au desir de luy plaire et d'estre sousmises à sa tres sainte volonté; pourveu toutefois que cela ne soit point sans cette divine confiance en sa toute bonté et en sa providence, car il nous faut tousjours demeurer tranquilles, et non point troublés ni pleins d'anxieté apres la recherche de la perfection que nous entreprenons..

  A010000744 

 Ceux qui suivent ce divin Sauveur les doivent imiter en cela, retranchant tant de soucis, tant d'anxietés pour ce qui regarde leur avancement, tant de plaintes qu'ils font de se voir imparfaits.

  A010000745 

 Hé, ne voyez-vous pas que les oyseaux, lesquels ne moissonnent ni ne recueillent, et qui ne servent à rien qu'à recreer l'homme par leur chant, ne laissent pas pourtant d'estre nourris et sustentés par l'ordre de cette divine providence? Vous sçavez que l'on tient de deux sortes d'animaux dans les maysons: les uns pour l'utilité, et les autres pour le simple playsir que l'on en tire.

  A010000745 

 Par exemple, on a des poules pour pondre, et des rossignols ou tels autres oyselets dans des cages pour chanter; tous sont nourris, mais non pas à mesme fin, car les uns le sont pour l'utilité et les autres pour le playsir..

  A010000746 

 C'est pourquoy il a ordonné que nous fussions sustentés et nourris par le moyen des dismes qui se recueillent sans sollicitude; je veux dire nous autres qui, estans consacrés à son service, sommes les oyseaux propres à recreer sa divine Bonté par le [301] moyen de nostre chant et des continuelles louanges que nous luy donnons.

  A010000746 

 Entre les hommes c'en est de mesme.

  A010000746 

 L'Eglise est la mayson du Pere de famille qui est Nostre Seigneur et Maistre; il a un soin tres grand de pourvoir aux necessités de tous les fidelles qui y sont associés, avec cette difference neanmoins, qu'entre eux tous il en choisit quelques uns qu'il veut estre tout à fait employés à chanter ses louanges et qui pour cela soyent desgagés de tout autre soin.

  A010000746 

 Les Religieux et les Religieuses que sont-ils autre chose sinon des oyseaux en cage pour repeter sans cesse les louanges de Dieu? Nous pouvons dire que tous les exercices de la Religion sont autant de cantiques nouveaux qui nous annoncent les divines misericordes, et qui nous provoquent continuellement à magnifier la divine Majesté en reconnoissance de la speciale et toute particuliere providence qu'elle a eue pour nous, nous ayant retirés d'entre le reste des hommes pour plus aysement et tranquillement suivre le Sauveur sur la montagne de la perfection..

  A010000748 

 Les enfans d'Israël n'eurent pas la manne jusques à tant qu'ils n'eurent plus de la farine d'Egypte; et cecy est le second point.

  A010000748 

 Mais au contraire, mettez Elie pres du torrent de Carith ou bien dans le desert de Bersabèe, et vous verrez que là Dieu le sustente, en un lieu par l'entremise des Anges, et en l'autre par celle d'un corbeau qui luy apporte tous les jours des pains et de la chair pour son entretien..

  A010000748 

 Mettez Abraham dans sa famille et Elie entre les Prophetes; le Seigneur n'operera aucun prodige pour les nourrir, Pourquoy? Parce qu'il veut qu'Abraham fasse recueillir son blé, le fasse battre, moudre, et en fin en fasse du pain pour se sustenter.

  A010000749 

 Il en eut une pitié extreme parce que, pour son amour, ils s'estoyent oubliés eux mesmes, de sorte qu'ils ne portoyent quant et eux nulle provision, excepté le petit Martial qui avoit les cinq pains d'orge et les deux poissons.

  A010000749 

 Partant, appellant à soy saint Philippe, il luy dit: Ces pauvres gens s'en vont defaillir si on ne les secourt de quelques vivres: où pourrions-nous trouver de quoy les sustenter? Ce qu'il ne demandoit pas par ignorance, ains pour le tenter..

  A010000749 

 Quand donc les appuis humains nous manquent, tout ne nous manque pas, car Dieu succede et prend soin de nous par sa speciale providence.

  A010000750 

 De mesme il tente quelquefois ses serviteurs en la confiance qu'ils ont en sa divine providence, permettant qu'ils soyent si alangouris, si secs et pleins d'aridité en tous leurs exercices spirituels qu'ils ne sçavent de quel costé se tourner pour se secouer un peu de l'ennuy interieur qui les accable..

  A010000750 

 Nous ne devons pas entendre que Dieu nous tente pour nous porter au mal, car cela ne se peut, ains il tente les hommes et ses serviteurs les mieux aymés pour esprouver leur fidelité et l'amour qu'ils luy portent, à fin de leur faire accomplir quelques œuvres grandes et [303] esclattantes, comme il fit à Abraham quand il luy commanda de luy sacrifier son fils tant aymable Isaac.

  A010000751 

 Cecy nous represente merveilleusement bien certaines ames qui n'attendent pas que Nostre Seigneur les plaigne, ains le font soigneusement elles mesmes.

  A010000751 

 De mesme en est-il des tribulations purement spirituelles, qui sont ces degousts, aridités, secheresses, aversions et repugnances au bien que les ames les plus adonnées au service de Dieu ressentent fort souvent.

  A010000751 

 Les passions m'inquietent grandement, je ne puis rien souffrir sans repugnance interieure, tout m'est extremement pesant; j'ay un si grand desir d'acquerir l'humilité, et cependant je sens une si grande aversion à estre humiliée; je n'ay point cette tranquillité interieure qui est si aymable, d'autant que les continuelles distractions m'importunent fort.

  A010000751 

 Les peines, les douleurs qu'un chacun a sont tousjours les plus grandes: ces pauvres femmes qui ont perdu leur mari estiment tousjours leur affliction plus griefve que celle de toutes les autres.

  A010000754 

 Nous pouvons bien dire: Il est vray que je n'ay nulle vertu, ni moins les conditions propres pour estre employé à telle ou telle charge; mais apres il nous faut tellement mettre nostre confiance en Dieu que nous devons croire que quand il sera necessaire que nous les ayons et qu'il se voudra servir de nous, il ne manquera pas de nous les donner, pourveu que nous nous laissions nous mesme pour nous occuper fidellement à louer et procurer que nostre prochain loue sa divine Majesté, et que sa gloire soit augmentée le plus que nous pourrons..

  A010000755 

 Lors Jesus prit les pains, les benit, les rompit et ordonna aux Apostres d'en faire la distribution, laquelle estant achevée il y en eut de reste, tous en ayant eu à suffisance pour se rassasier selon leur necessité..

  A010000755 

 Nostre Seigneur, nonobstant que saint Philippe et saint André affirmassent que ce n'estoit rien des cinq pains et des deux poissons pour cette multitude, ne laissa pas de dire qu'on les luy apportast, et commanda à ses Apostres de faire asseoir le peuple.

  A010000757 

 A la resurrection, comme se pourra-t-il faire qu'un chacun ressuscite en son mesme corps, puisque les uns [306] auront esté mangés par les vers, les autres par les bestes farouches, qui par les oyseaux, d'autres en fin auront esté bruslés et leurs cendres jettées au vent? Comme donques se pourra-t-il faire qu'en mesme temps que l'Ange appellera un chacun pour venir au jugement, tous, dis-je, en ce mesme instant, sans aucun delay, se releveront ressuscités en leur propre chair; raov, en ce corps que je porte à cette heure, lequel ressuscitera par la toute puissance de Dieu qui le produira de nouveau? car comme il ne luy a pas esté difficile de le produire tel qu'il est, il ne le sera pas davantage de le reproduire derechef..

  A010000758 

 Ainsy Nostre Seigneur fit que les cinq mille hommes mangerent tous des cinq pains et des deux poissons, les reproduisant autant de fois qu'il estoit requis pour que chacun en eust une partie selon sa necessité.

  A010000759 

 Cela nous signifie que les mondains, qui sont figurés par les Israelites, lesquels pretendoyent voirement bien d'acquerir et parvenir en la terre de promission terrestre, les mondains, dis-je, et [307] ceux qui vivent dans le monde mais qui desirent le Ciel, ne laissent pas pourtant de s'aggrandir en la terre, et de rechercher encores au delà de la necessité leurs commodités et leurs ayses icy bas.

  A010000759 

 Cependant ce peuple l'aymoit tant et ne murmuroit point comme les Israelites, lesquels le faisoyent mesme sans sujet, car rien ne leur manquoit, puisque la manne avoit le goust de tout ce qu'ils eussent sceu desirer.

  A010000759 

 Je considere en troisiesme lieu que Nostre Seigneur pouvant faire tomber la manne sur cette montagne, comme autrefois au desert pour les enfans d'Israël, il ne le fit neanmoins pas, ains dressa son festin avec des pains d'orge.

  A010000759 

 Mais ceux qui pretendent de suivre Nostre Seigneur jusques sur la montagne de la perfection se doivent contenter de la suffisance en tout ce qui regarde les necessités tant corporelles que spirituelles, fuyant l'abondance et la superfluité en toutes choses, demeurant contens en la simple suffisance, voire mesme en estant privés du necessaire quand il plaist à Dieu que cela arrive..

  A010000759 

 Mon Dieu, qu'est-ce que cecy nous represente? Les Israëlites murmurateurs sont sustentés du pain des Anges, c'est à dire de cette manne qui estoit petrie par leurs mains; et ceux qui suivoyent Nostre Seigneur avec une affection nompareille et un cœur tout benin et despouillé du soin d'eux mesmes ne sont nourris avec luy que de pain d'orge.

  A010000760 

 Plus honnorées mille fois sont ces pauvres troupes mangeant un morceau de pain d'orge à la table de nostre doux Sauveur, que d'estre nourries de perles et des viandes les plus exquises du monde à celle de cette miserable Cleopatra..

  A010000761 

 De mesme il ne veut pas que les Religieux retournent dans le monde pour rechercher de la consolation à fin d'entretenir leurs esprits, d'autant que c'est par son inspiration qu'ils sont venus en Religion; ains il veut les nourrir là dans ces deserts non de Bersabée mais de sa divine Majesté..

  A010000761 

 Dieu, comme nous avons dit, ne commanda pas à Elie dans le desert de retourner entre les Prophetes pour estre sustenté, ains il luy envoya un Ange parce qu'il estoit allé là par l'ordre de la divine Providence.

  A010000761 

 Les vrays amis de Dieu et ceux qui le suivent fidellement par tout où il va, poussés de l'amour ardent qu'ils portent à sa divine Majesté, et, pour dire en un mot, les Religieux et les Religieuses, qui ont fait profession de l'accompagner par les chemins les plus difficiles et aspres jusques sur la montagne de la perfection, doivent à l'imitation de ce peuple, n'avoir plus qu'un pied en la terre, tenant toute leur ame avec toutes ses puissances et ses facultés occupée aux choses celestes, laissant tout le soin d'eux mesmes à Nostre Seigneur au service duquel ils se [308] sont dediés et consacrés; partant ils ne doivent rechercher ni desirer autre chose que simplement ce qui est necessaire, et tout particulierement pour ce qui regarde les besoins spirituels; car quant aux temporels cela est tout clair, puisqu'ils ont abandonné le monde et toutes les commodités qu'ils avoyent d'y vivre selon leur volonté.

  A010000762 

 Je veux dire ainsy: Nostre Seigneur veut que ces ames choisies pour le service de sa divine Majesté se nourrissent aucunefois d'une resolution ferme et invariable de perseverer à le suivre parmi les degousts, les secheresses, les repugnances et les aspretés de la vie spirituelle, sans consolations, sans saveurs, sans tendretés, mais en une tres profonde humilité, croyant de n'estre pas dignes d'autre chose, prenant ainsy amoureusement ce pain non de la main d'un Ange ains de celle du Sauveur, qui nous le donne conformement à nostre necessité; car c'est une chose certaine que, si bien il n'est pas grandement savoureux au goust, il est neanmoins grandement proffitable à nostre santé spirituelle..

  A010000763 

 Par exemple, si nous avons des bons desirs ou des bons documens, et que nous n'ayons pourtant pas assez de force pour les prattiquer et mettre en effect, presentons-les-luy et il les rendra capables d'estre digerés; si nous mettons nostre confiance en sa Bonté il reproduira ces desirs autant de fois qu'il sera necessaire pour nous faire perseverer en son service..

  A010000764 

 Là nous ne pourrons jamais manquer de glorifier cette divine Majesté que nous aurons si cherement aymée et suivie, selon qu'il nous aura esté possible, par les deserts de ce monde miserable jusques au plus haut de la montagne de la perfection, où nous parviendrons tous par sa grace, pour l'honneur et gloire de Nostre Seigneur qui est nostre divin Maistre.

  A010000769 

 De là vient le reproche que luy en firent les Nazareens, se plaignant de ce qu'il n'en faisoit pas autant en Nazareth comme en Capharnaum.

  A010000771 

 La fille du prince de la Synagogue fut rendue à la vie par les prieres de son pere lequel supplia Nostre Seigneur d'aller à cet effect en sa mayson; en somme, toutes les resurrections rapportées en l'Evangile furent demandées par quelques uns.

  A010000772 

 C'est le propre de la bonté de se communiquer [312] car de soy mesme elle est communicative, et pour cet effect elle se sert de la misericorde et de la justice: de la premiere pour faire du bien, et de la seconde pour punir et arracher ce qui nous empesche de ressentir les effects de cette bonté de nostre Dieu dont la misericorde est sa justice, et la justice sa misericorde.

  A010000773 

 L'attouchement du Sauveur n'estoit pas necessaire pour ce miracle, non plus que pour aucun autre; il pouvoit bien, sans toucher la biere, faire arrester ceux qui la portoyent et ressusciter cet adolescent sans aucune ceremonie, par sa toute puissance et vertu divine; mais il ne le voulut pas, ains se servit de l'imposition de ses mains pour monstrer qu' aux jours de sa chair, à sçavoir quand il conversoit en sa chair parmi les hommes, il exerçoit sa vertu et puissance divine par l'entremise de son humanité.

  A010000773 

 Les anciens disoyent que Dieu habitoit avec eux, qu'il enseignoit et instruisoit son peuple à faire ce qui estoit de ses divines volontés; neanmoins, comme le disent nos saints Peres, il n'y habitoit pas visiblement ains invisiblement.

  A010000773 

 Mais despuis que le Verbe s'est incarné, il a conversé avec nous visiblement, il a habité parmi nous en sa chair; et pour nous monstrer cela, il s'est voulu servir d'icelle, c'est à sçavoir de son humanité, comme d'un outil ou instrument pour accomplir les œuvres qui appartenoyent à sa divinité..

  A010000774 

 Aussi, comme saint Hierosme l'escrit en ses epistres, la coustume de sepulturer les Chrestiens dans les eglises n'est venue qu'apres l'Incarnation du Fils de Dieu et ne s'est prattiquée que despuis la mort de Nostre Seigneur, d'autant que par cette mort nous a esté ouverte la porte du Ciel.

  A010000774 

 En troisiesme lieu, quant à ce qui est dit qu'il trouva ce mort à la porte de la ville, c'est qu'on le portoit [313] hors d'icelle, car en cette ancienne Synagogue l'on enterroit les morts hors des villes à cause de l'infection des corps et par crainte du mauvais air.

  A010000774 

 Il semble en effect qu'il n'estoit pas raysonnable d'enterrer dans les temples ceux dont les ames n'alloyent point en Paradis, ains descendoyent dans les enfers ou dans les Limbes.

  A010000774 

 Mais despuis que la porte du Ciel a esté ouverte aux hommes on a trouvé le moyen d'enterrer les Chrestiens dans les eglises ou dans des cimetieres faits à l'entour d'icelles pour ce sujet..

  A010000776 

 Les morts n'entendent pas: qui donques luy respondra? Il parle aux morts tout ainsy que s'ils estoyent vivans, pour monstrer que la voix de Dieu n'est point seulement ouye de ceux qui ont des oreilles, mais encores par ce qui n'est pas; qu'il a puissance sur les choses creées et sur les increées, de sorte que s'il addressoit sa voix aux choses increées elles luy respondroyent, tant sa parole est efficace..

  A010000777 

 Au jour du jugement, ou un peu devant iceluy, l'Archange viendra, qui par le commandement de Dieu dira: «Levez-vous, morts, venez au jugement.» Et à cette voix tous les morts ressusciteront pour estre jugés.

  A010000777 

 Et pourquoy l'Archange addresse-t-il ses paroles à ces cadavres tout reduits en cendre et poussiere? Ne sçait-il pas que les morts n'entendent rien? et s'il le sçait, pourquoy donc leur commandet-il ainsy: «Levez-vous, morts?» Comme se leveront-ils, puisqu'ils n'ont point de vie? Neanmoins c'est bien à ces carcasses mortes que l'Archange parle, et cette parole estant proferée par le commandement de Dieu, est tellement puissante et efficace qu'elle donne la vie à ceux qui ne l'ont pas; en disant elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas elle en fait ce qui est, si que ces morts qui estoyent reduits en cendre se leveront en corps et en ame, vrayement vivans, c'est à sçavoir ressuscités, tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita de soy mesme et par sa propre vertu au troisiesme jour..

  A010000777 

 Mais à qui parle cet Archange? Aux morts qui sont dans les tombeaux, à des charognes puantes, car nos corps ne sont que pourriture quand ils sont separés de l'ame.

  A010000778 

 Alors nous verrons cet admirable miracle de la transsubstantiation qui s'opere tous les jours au Sacrement de l'Eucharistie; car en cette resurrection generale se fera la transsubstantiation des cendres qui estoyent dans les tombeaux ou ailleurs, en vrays corps vivans, lesquels en un instant se trouveront au lieu destiné [315] pour le dernier jugement.

  A010000778 

 Donques, si la parole non de plusieurs Anges, ains d'un seul Archange, proferée par le commandement de Dieu est si operatrice qu'elle donne l'estre à ce qui n'est point, pourquoy ne croirons-nous pas à toutes les paroles de Dieu? Pourquoy aurons-nous de la difficulté à croire que par icelles, qu'elles soyent dites par luy mesme ou par ceux à qui il en a donné la charge et le pouvoir, il ne puisse faire ce qui est de ce qui n'est pas, encores que nous ne le comprenions point? Et quelle difficulté y a-t-il en cet article de la resurrection des morts, puisqu'elle se fait par la toute puissance de Dieu?.

  A010000780 

 A quoy nos saints Peres ont respondu que cela ne peut estre; car bien que les Chrestiens ne doivent point craindre la mort pource qu'ils doivent tousjours estre prests à bien mourir, neanmoins ils ne sçauroyent pour cela estre exempts de cette crainte; car qui est-ce qui sçait s'il est en estat pour bien faire ce passage, puisque pour bien mourir il faut estre bon? Et qui est asseuré d'estre bon, c'est à dire d'avoir la charité necessaire pour estre trouvé tel à l'heure de son trespas? Personne ne le peut sçavoir s'il n'en a receu une revelation particuliere; et encores ceux là qui en ont eu n'ont pas esté exempts de craindre la mort..

  A010000781 

 Et comme le disoyent-ils, puisque les plus courageux et sçavans philosophes d'entre eux, estans sur un basteau, sont demeurés tout pasles et transis voyant les flots et tourmentes de la mer qui les menaçoyent d'une mort prochaine? C'est ce que raconte saint Augustin, adjoustant les paroles que respondit l'un d'eux en cette occurrence: Vous autres estes des canailles et gens qui n'avez point de cœur et point d'ame à perdre, car vous les avez ja perdus; mais moy, dit-il, je redoute la mort parce que j'ay une ame et que je crains de la perdre.

  A010000781 

 Les Stoïciens disoyent qu'il ne failloit pas l'apprehender, et que la redouter c'estoit une marque de defaut [316] d'entendement et de courage.

  A010000782 

 Ceux qui veulent traverser des ruisseaux ou des rivieres sur quelque planche sont en grand peril de se perdre s'ils portent des bericles; car il y a deux sortes de bericles: les unes font les caracteres plus grans qu'ils ne sont, les autres les font plus petits, et ceux qui ont la veuë courte en usent.

  A010000782 

 Les extremités sont tousjours tres dangereuses et perilleuses.

  A010000782 

 Or, pour eviter les inconveniens qui se trouvent en la consideration de la mort, il faut, disent nos anciens Peres, la craindre sans la craindre..

  A010000782 

 Or, si ces gens voulant passer sur cette planche employent des bericles qui aggrandissent les objets, elles la luy representeront beaucoup plus large qu'elle n'est; si que s'asseurant là dessus ils se mettront en danger de poser les pieds hors d'icelle et par consequent de se perdre, car rencontrant le vuide ils tomberont dans le precipice.

  A010000782 

 Que s'ils se servent des bericles qui rapetissent les choses, elles leur feront paroistre cette planche si petite qu'ils n'oseront jamais entreprendre de passer sur icelle, ou s'ils y passent ils seront saisis d'une si grande frayeur qu'elle sera suffisante pour les perdre.

  A010000783 

 C'est ce qui fait que les plus grans serviteurs de Dieu ont redouté ce passage comme une chose à la verité tres redoutable..

  A010000783 

 Il la faut craindre, car qui n'en auroit peur, puisque tous les Saints l'ont redoutée, et mesme le Saint des Saints, nostre Sauveur? car la mort n'est pas naturelle à l'homme, ains il a esté condamné à icelle à cause de son peché.

  A010000783 

 Or, despuis la faute d'Adam tous les hommes sont sujets au peché, et chacun sera jugé en l'estat dans [317] lequel il mourra, car on sçait qu'à cette heure là mesme il faudra rendre compte de toute sa vie et que l'on sera jugé sur ce que l'on aura fait: de là vient que l'on apprehende la mort.

  A010000784 

 Quel est le malade qui ne craigne le rasoir quand il faut que le chirurgien s'en serve pour luy couper un membre pourri à fin qu'il n'infecte et gaste les autres? Mais quoy qu'il le craigne il ne laisse pas de le souhaitter et mesme demander, de peur que la gangrene ne se mette à son membre gasté; c'est ce qui luy fait demander le rasoir qu'il craint, et se resjouir en quelque façon quand on l'approche.

  A010000787 

 Il y a plusieurs personnes qui la demandent à Nostre Seigneur, et quand on les interroge pourquoy: C'est, respondent-elles, pour estre delivrées des miseres de cette vie.

  A010000788 

 Considerez ces paroles, je vous prie: Que le jour perisse auquel je suis né, et celles qui s'ensuivent, lesquelles l'auroyent rendu [320] coulpable si Dieu n'eust pris en main sa cause, et asseuré qu'il ne pecha point en tout le temps qu'il fut reduit sur le fumier, affligé en toutes les façons qui se peuvent imaginer..

  A010000788 

 Hé, qu'est-ce que l'excessive douleur où il se trouvoit abismé ne luy fit pas dire? Certes, si les plaintes de Job ne fussent sorties d'un cœur extremement pressé d'angoisse elles eussent esté sujettes à de grandes censures.

  A010000790 

 Il failloit qu'il conneust combien ce Saint l'aymoit, puisqu'il l'avoit choisi pour le donner comme un prodige de patience à la posterité; aussi je pense qu'il luy faisoit comprendre qu'il le traittoit de la sorte pour le laisser comme un mirouër et exemplaire de sainteté à tout le monde, et que les afflictions qu'il luy envoyoit et l'estat où il le reduisoit procedoyent de l'amour qu'il luy portoit: ce que ce saint homme entendoit fort bien..

  A010000790 

 Or donques, comme Job estoit un grand amoureux de Dieu, toutes les paroles qu'il prononça sur son fumier cstoyent certes des paroles amoureuses; la flamme qui embrasoit son cœur luy faisoit faire des extravagances, mais le Seigneur, qui penetroit le fond de ce cœur, voyoit bien que ce n'estoit ni l'ennuy ni l'impatience qui le faisoit parler de la sorte, ains l'amour dont il estoit animé; car nostre cher Maistre sçait bien que c'est que d'aymer, il connoist bien le langage de l'amour, et pour ce il declare que Job n'a point peché en tout ce qu'il a dit.

  A010000792 

 De plus, ces paroles qui en apparence semblent estre rudes, sont les plus douces et obligeantes qu'un cœur amoureux puisse dire à une ame amoureuse; et pour ce, je vous repete encores, faites seulement tout ce qu'il vous dira..

  A010000794 

 Et que l'on ne me vienne pas alleguer ce que disent plusieurs, qu'il faut en chasser le souvenir pour vivre joyeusement, d'autant que ce souvenir là est plein de frayeur; car puisque une telle crainte n'est point mauvaise, ains bonne et utile, nous en devons quelquefois espouvanter nos ames et les y porter à cause de nos pechés, pourveu que cela se fasse de guet à pens..

  A010000795 

 Mais nos anciens Peres enseignent que nous devons craindre la mort sans la craindre: que veut dire cecy? C'est que, quoy qu'il faille la redouter ce ne doit pas estre d'une crainte excessive qui ne soit pas accompagnée de tranquillité; car les Chrestiens doivent marcher sous l'estendart de la providence de Dieu et estre prests à embrasser tous les effects et evenemens de cette douce providence qui sçaura bien prendre soin de nous.

  A010000796 

 Dieu a compté tous les cheveux de nostre teste, il prendra donques soin de nous.

  A010000797 

 Ceux qui meurent dans leur lit se desespereroyent sans doute s'ils ne voyoyent l'image du Crucifix qui les fait souvenir que le Sauveur a esté attaché pour eux à la croix, et s'ils ne luy parloyent ou pensoyent en luy mentalement.

  A010000797 

 Il est vray que mesme en vivant bien vous craindrez la mort, mais vostre crainte sera toute douce et tranquille, appuyée sur les merites de la Passion de Nostre Seigneur, sans laquelle certes la mort seroit effroyable et redoutable.

  A010000797 

 L'horreur de ce dernier passage et la veuë de la multitude de leurs pechés les porteroyent au desespoir; [324] mais les merites de la Passion de Nostre Seigneur les remplissent de confiance, d'autant que par sa mort il a satisfait pour tous nos mesfaits..

  A010000798 

 Outre cela, nous avons encores les Sacremens de la sainte Eglise pour nous laver de nos iniquités, car ils sont comme des canaux par lesquels les merites de la Passion du Sauveur descoulent en nous, si que par iceux l'on recouvre la grace quand on l'a perdue.

  A010000799 

 C'est aussi une cogitation bien utile toutes les fois que l'on se va mettre au lit de penser, comme font quelques uns, que cela nous represente comment on nous mettra dans le tombeau, parce que de là on vient à tirer cette consequence: Donques, puisque le sommeil me represente la mort, il s'ensuit que je mourray, que je seray estendu dans le tombeau, et là couvert de terre et reduit en poudre et cendre.

  A010000799 

 C'est ce qu'ont fait tous les Saints.

  A010000799 

 Il faut ainsy s'entretenir quelque heure de la journée en de semblables pensées, à ce que l'on soit tous les jours prest à mourir, employant celuy où nous vivons comme nous ferions si nous sçavions devoir en iceluy sortir de ce monde..

  A010000799 

 Il y en a mesme eu qui ont prins pour prattique de destiner quelque temps de l'année pour s'appliquer tout particulierement à la consideration de la mort; les autres tous les moys une fois, d'autres toutes les semaines et les autres tous les jours, prenant une certaine heure pour y penser, le soir ou le matin; et par ce frequent souvenir ils se disposoyent à bien faire ce passage.

  A010000800 

 Ils donnerent aux uns des amendes, ils deschargerent les autres de leurs fonctions, et mesme ils en envoyerent quelques uns en galere.

  A010000800 

 Le Roy d'Espagne envoya faire la visite des Estats en une province dans laquelle tous les officiers de la police se trouverent coulpables en quelque chose, et pour cela les visiteurs se monstrerent fort exacts et severes à les punir et chastier.

  A010000800 

 Les visiteurs le caresserent fort et luy demanderent comment il avoit fait pour demeurer si fidelle à son Prince qu'ils n'avoyent rien à reprocher en sa vie.

  A010000800 

 O que nous serions heureux si tous les jours de nostre vie nous pensions tellement au compte qu'il nous faudra rendre, que nous nous tinssions continuellement au mesme estat auquel nous voudrions estre à l'heure de la mort! Ce seroit un bon moyen de bien vivre et de n'estre point trouvés reprehensibles à ce dernier jour..

  A010000801 

 Estant en sa mayson je le fis demander; mais il me renvoya ces pieces, me mandant qu'il s'estoit desgagé de toutes les affaires de la cour à fin de prendre du temps pour penser à sa conscience et dresser ses comptes, et qu'il me rendoit mes papiers en priant Nostre Seigneur de donner une bonne issue à ma cause et de me garder mon bon droit.

  A010000801 

 Je l'allay trouver, adjousta-t-elle, pour traitter avec luy de quelque mien proces duquel il avoit les pieces en main.

  A010000801 

 Quelque temps apres j'y retournay, et il me dit qu'il estoit tous-jours à dresser ses comptes en attendant le moment qui luy seroit assigné pour les rendre.

  A010000810 

 Celuy qui est de Dieu escoute les paroles.

  A010000812 

 ne les escoutez pas, parce que vous.

  A010000819 

 Mais l'on ne doit pas l'entendre des pecheurs tels quels, ains des grans et signalés pecheurs; car autrement, qui l'annonceroit, veu que tous les hommes sont pecheurs et que quiconque dira le contraire mentira meschamment? Les Apostres mesmes n'ont pas esté sans peché; celuy qui pretendroit n'estre point pecheur commettroit une tres grande imposture, et feroit bien voir le contraire de son dire en mesme temps qu'il prononceroit ce mensonge.

  A010000819 

 Saint Augustin nous l'apprend tout clairement lors qu'il escrit que cette demande du Pater noster que nous recitons tous les jours: Pardonnez-nous nos offenses, n'est pas seulement une parole d'humilité, ains de verité, car nous en commettons à tout propos à cause de la fragilité de nostre nature!.

  A010000820 

 Or, bien que tous les hommes soyent pecheurs, tous ne doivent pourtant pas se taire et ne point enseigner la parole de Dieu, ains seulement ceux qui menent une vie du tout contraire à cette divine parole.

  A010000820 

 Que si neanmoins il arrive qu'elle nous soit presentée par les meschans, [329] nous ne la devons pas rejetter, ains la recueillir, et faire comme les abeilles, lesquelles cueillent le miel sur toutes les fleurs des prairies, excepté sur une ou deux; et bien que quelques unes de ces fleurs soyent veneneuses et ayent du poison en leur propre substance, elles en tirent dextrement le miel qui, estant une liqueur toute celeste, n'est point meslé avec le venin..

  A010000821 

 Apres avoir demeuré desja longuement dans les deserts, il fut un jour inspiré de Dieu de venir à Edesse, qui estoit sa propre ville; et luy, qui avoit exposé son cœur devant la divine Majesté pour recueillir cette pretieuse rosée des inspirations celestes, et qui avoit tousjours eu une fidelité tres grande à les recevoir et à leur obeir, se rendit fort docile à celle cy..

  A010000821 

 Pour confirmation de mon dire, je vous raconteray volontiers un bel exemple qui se trouve en la Vie du grand saint Ephrem; je dis grand non seulement parce qu'il fut diacre de deux illustres Docteurs de l'Eglise, mais aussi parce qu'il fut grand Docteur luy mesme, ayant escrit des choses infiniment belles qui causent une merveilleuse suavité à ceux qui les lisent.

  A010000823 

 Caïphe, le plus miserable d'entre les hommes, profera aussi cette parole tant veritable, qu'il estoit requis qu'un homme mourust pour le salut du peuple..

  A010000823 

 Lors ce grand Saint fit un tel cas des documens que luy donnoit cette miserable femme, que non content de les recevoir humblement, il luy en tesmoigna mesme de la gratitude, la remerciant bien fort; et despuis, il fit une si grande estime de ce document que non seulement il porta tousjours les yeux corporels bas et regardant la terre, mais beaucoup plus les yeux interieurs et spirituels en la consideration de son neant, de sa vileté et de son abjection, si qu'il fit un continuel progres en la vertu de la tres sainte humilité tout le reste de ses jours.

  A010000823 

 Nous sommes donques enseignés par cette histoire comme nous ne devons pas mesestimer la parole de Dieu ni les bons enseignemens, quoy qu'ils nous soyent presentés par des personnes de mauvaise vie.

  A010000825 

 L'Escriture toute sage nous tesmoigne encores cecy lors qu'elle nous renvoye aux bestes les plus infirmes, mesme les plus brutes, pour estre instruits de ce que nous devons faire, disant que nous allions aux fourmis à fin d'apprendre d'elles le soin et la prevoyance que nous devons avoir, d'autant qu'elles amassent tandis que le temps est beau pour se nourrir par apres au temps qui n'est point propre à la cueillette.

  A010000826 

 C'est pourquoy Nostre Seigneur en l'Evangile d'aujourd'huy, demande aux scribes et aux pharisiens: Qui d'entre vous m'arguera de peché? Vous dites que je suis un samaritain, que je bois et mange avec les publicains, [332] que je suis un buveur de vin, que je defends de payer le tribut à Cesar, que je n'observe pas le sabbat; vous me mettez ainsy à sus plusieurs calomnies et impostures, mais respondez-moy, qui est celuy d'entre vous autres qui me reprendra de pechè? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Il faut sans doute que le mal soit tout en vous, car il n'y en peut avoir en moy..

  A010000826 

 Nous devons tirer du fruit de la parole de Dieu n'importe par qui elle nous soit presentée; mais pourtant les pecheurs qui ne veulent pas s'amender, ains qui perseverent en leur meschanceté, offencent grandement en l'exposant et en proferant les louanges de la souveraine Majesté, puisqu'ils mettent cette divine parole en danger d'estre mesprisée à cause de leur mauvaise conduite.

  A010000829 

 Quand il est escrit que Nostre Seigneur estoit plein de grace et de verité, cela se doit entendre qu'il estoit plein de foy et de charité; non pas qu'il eust la foy pour luy mesme, car il n'en avoit pas besoin, ayant la claire vision des choses que cette foy nous apprend, mais il estoit plein de foy pour la distribuer à ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000830 

 C'est donques pour nous autres qu'il a esté rempli de ces dons; c'est pourquoy il se peinoit tant pour les faire recevoir aux scribes et aux pharisiens, et se courrouçant, Pourquoy, disoit-il, ne voulez-vous pas croire en mes paroles? elles ne sont point vaines, ains tres veritables..

  A010000830 

 Certes, il n'avoit pas besoin de ce lait tres delicieux pour soy mesme, non plus que les femmes du lait qu'elles ont dans leur poitrine, lequel ne leur est donné de Dieu et de la nature que pour la nourriture de leurs enfans.

  A010000831 

 L'Ange se destournant de [334] la consideration de Dieu, qui est la verité eternelle, et retirant les yeux de son entendement de dessus cet objet infiniment aymable, les abaissa soudain sur sa propre beauté estoit dependante de cette Beauté supreme laquelle il devoit regarder continuellement.

  A010000832 

 Car le malin esprit trouvant Eve qui, au lieu de considerer les grandes graces qu'ils avoyent receuës, se promenoit oysifve dans le paradis terrestre, il luy proposa de quitter la meditation de cette verité: Si vous mangez du fruit defendu vous mourrez.

  A010000832 

 Quelle plus grande verité que celle-cy, puisque Dieu mesme avoit proferé cette sentence? Mais cet ancien serpent commençant à arraisonner la femme: Hé, dit-il, ou vouloit-il dire, ne soyez pas si exacts à prendre les paroles du Seigneur à la rigueur, vous ne mourrez point.

  A010000833 

 Despuis, tous ses enfans ont esté entachés de cet esprit d'orgueil qui les rend habiles à pourchasser les honneurs, [335] les richesses, les playsirs, et que sçay-je moy, telles choses qui ne sont que folie, puisqu'elles sont plus propres à les destourner de la verité que non pas à les rendre capables de se tenir attentifs à icelle.

  A010000833 

 Helas! ne voyons-nous pas que ceux qui sont fort affectionnés à ces choses si vaines et frivoles ne pensent point, ou du moins il le semble par leur mauvaise conduite, à cette verité qu'il y a un Paradis rempli de toutes sortes de consolations et de bonheur pour ceux qui vivront selon les commandemens de Dieu et qui marcheront apres luy à la suite de ses volontés? Or, ces commandemens et volontés sont tout à fait contraires à la vie qu'ils menent, car ils ne laissent point pour cela de s'adonner aux playsirs bas et caducs, quoy qu'ils voyent bien qu'ils les priveront eternellement, s'ils ne s'amendent, de la jouissance de cette felicité sans fin.

  A010000833 

 Hé, ne voit-on pas aussi combien la vanité les possede, puisqu'ils ne se tiennent point attentifs à cette verité, qu'il y a un enfer où tous les tourmens et malheurs qui se peuvent imaginer, voire qui ne se peuvent imaginer, sont assemblés pour punir ceux qui ne craindront pas Dieu en cette vie et qui ne vivront pas en l'observance de ses commandemens? Neanmoins cette consideration est grandement necessaire pour nous maintenir en nostre devoir..

  A010000833 

 L'experience nous l'apprend tous les jours.

  A010000834 

 Lors ces ardeurs font un brasier de desirs de plaire à cet Amant sacré, si qu'il luy semble qu'elle ne pourra jamais rien trouver de difficile à faire ou à souffrir; rien ne luy paroist impossible; les Martyrs n'ont rien fait pour Dieu au prix de ce qu'elle voudroit faire.

  A010000836 

 Il a dit, ce souverain Maistre: Bienheureux sont les debonnaires, et tous se veulent faire craindre et redouter; bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice, et tous se veulent venger et ne rien souffrir de peur d'estre mesprisés; bienheureux ceux qui pleurent, et tous neanmoins se veulent resjouir en cette vie perissable et mortelle, comme si c'estoit le lieu de nostre allegresse.

  A010000836 

 Nostre Seigneur nous a enseigné que bienheureux sont les pauvres, et un chacun rejette cette verité pour embrasser la vanité; tous desirent et pourchassent d'estre riches et que rien ne leur manque.

  A010000837 

 Nous la croyons bien, pourrions-nous respondre, mais nous ne l'ensuivons pas; en quoy nous ne serons nullement excusables, non plus que les payens, lesquels ayans reconneu qu'il y avoit un Dieu ne l'ont pourtant pas honnoré comme tel.

  A010000837 

 Nous serons dignes d'une tres grande punition, si ayant sceu que nous avons esté si cherement aymés de nostre doux Sauveur, nous sommes si miserables que de ne pas l'aymer de tout nostre cœur et pouvoir, et de ne pas suivre de toutes nos forces et avec tout nostre soin les exemples qu'il nous a donnés en sa vie, en sa passion et en sa mort, car il nous addressera le mesme reproche qu'il fait en l'Evangile d'aujourd'huy: Si je vous ay enseignés, moy qui ne puis estre accusé de peché, moy dont la vie est irreprochable, moy qui vous ay presché la verité que j'ay apprise de mon Pere celeste, pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Ou si vous croyez que je dis la verité, pourquoy ne la recevez-vous pas et ne demeurez-vous pas en icelle, ains vivez tout au contraire de ce qu'elle requiert de vous? Nous serons alors convaincus par sa divine Majesté, et il faudra qu'à nostre confusion nous confessions que le defaut vient de nostre costé et que c'est nostre malice qui en est la cause.

  A010000839 

 Oyons avec esprit de devotion et d'attention les verités que le predicateur nous propose; mettons cette parole sur nos testes, à l'imitation des Espagnols, lesquels quand ils reçoivent une lettre de quelque grand, ils la posent aussi tost sur leur teste pour monstrer l'honneur qu'ils portent à celuy qui leur a escrit, comme aussi pour tesmoigner qu'ils se sousmettent aux commandemens qui leur sont faits par cette lettre.

  A010000839 

 Sousmettons-nous à l'obeissance des choses qui nous sont enseignées, par lesquelles nous apprenons quelles sont les volontés de Dieu pour ce qui regarde nostre perfection et nostre avancement spirituel; escoutons-les et les lisons avec resolution d'en faire nostre proffit.

  A010000843 

 En fin il faut conclure en disant que nous ne devons point rejet ter la parole de Dieu ni les documens que Nostre Seigneur nous a laissés, à cause des defauts des predicateurs qui nous les proposent, d'autant que nostre divin Maistre les ayant proferés le premier par sa divine bouche, nous sommes inexcusables de ne les pas recevoir, parce que si bien ce baume pretieux nous est presenté dans des vases de terre, tels que sont les predicateurs, il ne laisse pas pourtant d'estre infiniment propre à guerir nos playes, et ne perd point ses proprietés et sa force.

  A010000848 

 Or, d'autant que Dieu est le premier principe de tous les estres, il ne s'en trouve aucun qui n'ayt quelque chose de beau et d'aymable en soy; mais entant qu'ils tirent leur origine du neant, il y a en tous quelque imperfection..

  A010000848 

 Toutes les choses qui sont au monde ont deux visages parce qu'elles ont deux extractions ou deux principes: le premier est Dieu, qui est la cause premiere de tout ce qui existe; le second est le neant duquel tout a esté tiré.

  A010000849 

 Ces deux visages ne se trouvent pas seulement ès creatures raysonnables, mais en toutes les autres qui sont creées de Dieu..

  A010000850 

 Comme toutes les creatures ont en soy de la perfection et de l'imperfection la Sainte Escriture s'en sert pour nous representer tantost le bien tantost le mal; il n'y en a point desquelles elle ne tire des similitudes à fin de nous signifier l'un et l'autre: aussi toutes peuvent estre accomodées à figurer et le bien et le mal.

  A010000852 

 Ailleurs les escrivains sacrés comparent les choses belles et apparentes, mais passageres et de peu de durée, à la rose qui se flestrit et fane sur le soir.

  A010000852 

 La rose n'est point si parfaitte qu'il ne s'y trouve de l'imperfection; car, quoy qu'elle soit belle, et que le matin elle soit incarnate et jette une suave et aggreable odeur, si est-ce que le soir elle est toute fanée et flestrie, de sorte qu'on s'en sert pour representer la volupté et les delices de la vie mondaine.

  A010000852 

 Les voluptueux, lisons-nous en la Sainte Escriture, disent: Donnons-nous du bon [343] temps, environnons-nous de roses.

  A010000853 

 Cependant je n'ay jamais trouvé en la Sainte Escriture que l'on se soit servi de la palme pour representer autre chose que la perfection et pour donner des comparaisons de choses excellentes et honnorables; il semble qu'on ne puisse rien trouver en icelle de vil et mesprisable, tout ainsy que le lys, parmi les fleurs, paroist ne rien avoir d'abject.

  A010000853 

 En somme, toutes les creatures ont en elles de la perfection et de l'imperfection; c'est pourquoy elles sont propres à fournir des similitudes pour l'un et l'autre.

  A010000853 

 Il semble donc que celles cy soyent uniques en ce point, quoy qu'elles tirent aussi bien que les autres leur extraction du rien duquel Dieu a creé toutes choses..

  A010000854 

 En toutes les autres, quelles qu'elles soyent, il se rencontre generalement de la perfection et de l'imperfection; c'est pourquoy celuy qui diroit à un homme qu'il n'a aucune [344] imperfection seroit aussi menteur que celuy qui diroit qu'il n'a point de perfection; car tout homme, pour saint qu'il puisse estre, a des imperfections, et, pour meschant qu'il soit, il a quelque perfection.

  A010000854 

 Entre toutes les creatures raysonnables il n'y a que la Sainte Vierge qui ayt eu toutes sortes de biens en elle sans aucun meslange de mal, car elle a esté seule exempte de toutes tares et souilleures de pechés et imperfections.

  A010000854 

 Je dis seule entre toutes les pures creatures, car quant à son Fils Nostre Seigneur il n'estoit pas simple creature, estant Dieu et homme tout ensemble; je n'entens donques pas parler de luy, d'autant qu'estant la source de toutes les perfections il ne pouvoit y avoir en luy rien d'imparfait.

  A010000854 

 Mais la tres Sainte Vierge, qui tenoit son extraction du neant comme les autres creatures, a esté la seule en laquelle il ne s'est jamais trouvé aucune imperfection.

  A010000855 

 Cecy est tellement general qu'il ne se trouve pas seulement aux creatures humaines ains encores ès Anges, car leur perfection n'a pas esté exempte d'imperfection; l'iniquité s'est trouvée parmi eux, et Dieu les a precipités parce qu'ils s'estoyent rebellés contre luy.

  A010000855 

 Et non seulement elle s'est rencontrée parmi les Anges avant qu'ils fussent confirmés en grace, mais aussi du despuis, d'autant qu'ils n'ont point esté si entierement parfaits qu'il ne leur soit resté une certaine imperfection negative, laquelle neanmoins ne les rend point desaggreables à Dieu; elle ne les peut non plus faire descheoir de la beatitude, ni leur faire commettre aucun peché, car ils sont confirmés en grace.

  A010000856 

 L'on ne fait donques point de tort aux Saints quand on [345] raconte leurs defauts et pechés en parlant de leurs vertus; ains au contraire, ceux qui escrivent leur histoire font un grand tort à tous les hommes en les celant, sous pretexte de les honnorer, ou en ne racontant pas le commencement de leur vie, crainte que cela diminue ou amoindrisse l'estime que l'on a de leur sainteté.

  A010000856 

 Le glorieux saint Hierosme, escrivant l'epitaphe, les louanges et les vertus de sa chere Paula, dit clairement ses defauts et les met aupres de ses vertus; il condamne luy mesme avec une verité et naïfveté tres grandes quelques unes de ses actions comme imparfaites, et fait tousjours marcher la verité en rapportant ses perfections et imperfections, car il sçavoit bien que l'un seroit autant utile que l'autre..

  A010000856 

 Tous les grans Saints escrivant les vies des autres Saints ont tousjours dit ouvertement et naïfvement leurs fautes et imperfections, pensant, comme il est vray, rendre en cela autant de service à Dieu et aux Saints mesmes qu'en racontant leurs vertus.

  A010000857 

 C'est ainsy que faisoit le grand saint Antoine, lequel s'estant retiré du monde s'en alloit parcourant les deserts dans toutes les grottes des anachoretes pour non seulement remarquer et recueillir, comme une avette sacrée, le miel de leurs vertus à fin de s'en sustenter, ains encor pour eviter et se garder de tout ce qu'il trouveroit de mal ou d'imparfait en eux; de sorte qu'en fin il devint un grand Saint..

  A010000857 

 Il est bon de voir les defauts aux vies des Saints, non seulement pour reconnoistre la bonté que Dieu a exercée en leur pardonnant, mais encores pour apprendre à les abhorrer, eviter et à en faire penitence comme eux.

  A010000857 

 Nous y voyons aussi leurs vertus pour les imiter; et en effect, les vrays Chrestiens, les vrayes Religieuses doivent estre comme des avettes qui vont voltigeant sur toutes les fleurs pour y ramasser le miel et s'en nourrir.

  A010000858 

 Cependant il se trouve des ames qui font tout le contraire: elles ressemblent non à des abeilles, mais à des guespes, meschans animaux qui vont voirement bien volant sur les fleurs, mais pour en tirer non point le miel ains le venin; que si elles recueillent le miel, c'est pour [346] le convertir en fiel.

  A010000858 

 Certes, il y a des Chrestiens lesquels sont non point comme des abeilles, mais comme des guespes qui voltigent tousjours sur les fleurs, c'est à dire sur les œuvres et actions de leur prochain, non pour mesnager le miel d'une sainte edification par la consideration de leurs vertus, mais pour en tirer le venin, en remarquant les fautes et imperfections soit des Saints dont on leur raconte la vie, soit de ceux avec lesquels ils conversent, en prenant occasion de commettre les mesmes defauts..

  A010000859 

 Par exemple, entendant comme saint Hierosme rapporte que sainte Paule avoit cette imperfection de pleurer et ressentir si vivement la mort de ses enfans et de son mary qu'elle en tomboit malade et failloit presque en mourir: Hé, disent-ils, si sainte Paule, qui estoit une si grande Sainte, avoit tant et de si vifs ressentimens à se separer de ceux qu'elle aymoit, se faut-il estonner si j'en ay, moy qui ne suis ni saint ni sainte, et si je ne me puis resigner en tous les evenemens, quoy qu'ils soyent ordonnés de la divine Providence pour mon bien? De là vient que quand on nous reprend de quelque manquement ou imperfection, l'on n'a point envie de se corriger; l'on objecte promptement: Un tel Saint faisoit bien cela, je ne suis pas meilleur ni plus parfait que luy; ou: Si une telle fait cela, ne le puis-je pas bien faire? Belle rayson que celle-cy! Pauvres gens que nous sommes, comme si nous n'avions pas assez à travailler chez nous pour nous desfaire et detortiller de nos imperfections et mauvaises habitudes, sans nous aller encor revestir de celles que nous remarquons aux autres..

  A010000860 

 Nous sommes si miserables, qu'au lieu d'eviter les manquemens que nous voyons dans le prochain, nous nous en servons pour nous en surcharger ou pour nous confirmer ès nostres.

  A010000861 

 Certes, à telles gens s'approprie tres bien ce que saint Basile dit des chiens: si tost que l'un abbaye et jappe, tous les autres en font de mesme, sans prendre garde s'ils ont tort ou droit, ains seulement pour y estre excités et provoqués..

  A010000861 

 Il y a des ames tellement malignes et malicieuses, que non contentes de remarquer les fautes d'autruy pour se confirmer en leur malice, elles passent jusques là que de faire tant de regards et d'interpretations sur les œuvres du prochain qu'elles changent le miel en poison, tirant des mauvaises consequences de ses actions; et non seulement cela, mais elles excitent et provoquent les autres à en faire de mesme, tout ainsy que la guespe, par son bourdonnement, attire les autres à venir sur la fleur où elle a trouvé du venin.

  A010000861 

 La nature des guespes est telle que si elles ne trouvent du venin dans les fleurs, elles y recueillent bien le miel, mais elles le convertissent en venin.

  A010000862 

 Aussi tous les Saints ont tasché de se rendre sages de cette folie et ont souffert pour icelle tous les mespris, censures et humiliations qui leur sont arrivés de la part des sages du monde; car cette perfection de la croix requiert que l'on endure pour la justice les travaux, les reprehensions, les persecutions.

  A010000862 

 Mais, comme l'enseignent plusieurs saints Peres, ne laissez pour les abbayemens des chiens de perseverer en vostre chemin.

  A010000862 

 Que la sagesse [348] du siecle constitue s'il luy plaist son excellence en la gloire mondaine; le vray Chrestien, et, pour parler nostre langage, c'est à dire le langage du lieu où nous sommes, les vrays Religieux et Religieuses qui tendent à la perfection chrestienne, doivent, contre toutes les raysons de la prudence humaine, constituer toute leur perfection en la folie de la croix; car c'est en cette folie de la croix que Nostre Seigneur a esté parfait.

  A010000863 

 Cette doctrine est toute contraire à celle du siecle; car quoy que Nostre Seigneur crie et recrie: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, les pacifiques, les debonnaires, ceux qui ont faim et soif de justice, le monde, qui ne peut approuver cette sagesse, dit tous-jours: O que bienheureux sont les riches, les braves, ceux qui se vengent de leurs ennemis et que l'on n'oseroit offenser! Voyez-vous comme la perfection de la croix est une folie devant les sages du monde, car elle embrasse ce que la prudence humaine abhorre? Elle ayme la correction, s'y sousmet et se complaist de n'estre rencontrée que pour estre corrigée, et n'a point de plus grand playsir que d'estre reprinse et advertie de ses defauts et manquemens.

  A010000863 

 Qu'elles soyent humbles et fidelles, et qu'elles prennent bon courage, car malgré toutes les tricheries de la prudence humaine elles arriveront au plus haut point de la perfection chrestienne..

  A010000865 

 (De cartes ou de dés il n'y failloit pas seulement penser, car ce grand Preat estoit trop pieux.) Quel jeu donques? Oh, dit-il, il nous faut jouer à ce jeu icy de nous dire clairement et nettement nos veités les uns aux autres, mais sans nous flatter ni espargner en rien.

  A010000865 

 (Ç'a tous-jours esté chose louable et recommandable parmi les Saints de bien la faire; aussi est-elle ordonnée dans toutes les familles religieuses pour un peu relascher [350] l'esprit, car quand il est tousjours bandé il ne va pas si bien.) Or, demanderent-ils, que ferons-nous pour bien nous recreer? car ils ne vouloyent pas le faire en sorte que cette recreation fust demesurée.

  A010000865 

 Chacun les dira à celuy qui sera pre de luy, et ainsy conseutivement les uns aux autres..

  A010000866 

 Certes, le Saint Esprit regnoit en cette reretion; et c'est bien la recreation des Saints que de s'advertir humblement et charitablement les uns les autres avec grande verité et naïfveté.

  A010000866 

 Or, vous eussiez veu ceux-cy rougir, ceux-là paslir, les uns d'une façon, les autres d'une autre, selon les divers mouvemens avec lesquels ils recevoyent l'advertissement..

  A010000867 

 Saint Charles entendant cecy: Monsieur, dit-il ostant son chapeau, je vous remercie, il est vray qu'il en est ainsy; mais je vous prie de me specifier quelque chose de particulier, car cela est trop general; j'attens maintenant, s'il vous plaist, les particularités; parlez donques et ne m'espargnez point..

  A010000868 

 Mais à quoy bon tout cecy? Je ne sçay, cependant quand les choses sont utiles je ne regarde pas à quel propos je les dis..

  A010000868 

 Monseigneur, respondit l'autre, l'on tient que c'est en vous une grande indiscretion de ne pas dormir la nuit et de le faire le jour; car si vous estes à l'eglise pour ouyr la Messe ou les predications vous vous endormez.

  A010000869 

 Or, comme je ne me souviens pas bien de ce que je vous ay autrefois entretenues sur le sujet de cette feste en laquelle Nostre Seigneur fait son entrée en Hierusalem, j'ay pensé de vous declarer les raysons qui l'esmeurent à choisir une asnesse et un asnon pour cette entrée royale.

  A010000870 

 Ce n'est certes pas sans cause qu'ils remarquent que l'asnesse avoit desja porté le faix et que l'asnon n'avoit jamais rien porté, car Dieu avoit ja chargé le peuple Juif de sa loy, tandis que [353] les Gentils ne l'avoyent pas encores receuë: Nostre Seigneur venoit donques pour leur imposer son joug, voyla pourquoy il monta l'asnon.

  A010000870 

 Les anciens Peres disputent si Nostre Seigneur monta sur l'asnon ou sur l'asnesse, et à ce sujet il y a une grande varieté d'opinions entre les Docteurs; mais cela n'est point propre pour le lieu où nous sommes.

  A010000870 

 Pour moy, je suis l'advis de ceux qui pensent que nostre cher Maistre monta et sur l'asnesse et sur l'asnon; non point sur tous les deux ensemble, mais tantost sur l'un tantost sur l'autre.

  A010000871 

 Il n'a point d'orgueil ni de vanité, il n'est point comme le cheval, qui est orgueilleux; pour cela l'homme vain et superbe est comparé aux chevaux qui sont fiers et morgans, car non seulement ils donnent des ruades, ains encores ils mordent, et il s'en trouve de si furieux qu'on n'ose les approcher.

  A010000871 

 Ils levent la teste, dressent le crin, marchent à courbelles, en somme ils donnent de la vanité à celuy qui les monte; celuy-cy n'entend pas plus tost son cheval jetter les pieds sur le pavé qu'il se brave avec luy, et leve la teste pour regarder s'il verra point aux fenestres quelques dames ou damoyselles qui l'admirent; en fin l'on ne sçait lequel est le plus vain, ou le cheval ou son chevalier.

  A010000871 

 Quand ils ont leurs chevaliers sur eux ils dressent les oreilles en telle sorte que vous diriez qu'ils veulent escouter ce que l'on dit d'eux.

  A010000872 

 Il s'est humilié et aneantisoy mesme; on ne l'a point humilié ni mesprisé qu'il ne l'ayt voulu, c'est luy mesme qui s'est abaissé et qui a fait choix des abjections; car luy, qui estoit en tout et par tout esgal à son Pere, sans laisser de demeurer ce qu'il estoit, a voulu estre le rebut et rejet de tous les hommes.

  A010000872 

 Or, Nostre Seigneur, qui venoit destruire l'orgueil, ne voulut point se servir de cette beste pour sa monture, car il estoit humble; il choisit donques entre tous les animaux le plus simple et le plus humble, parce qu'estant grandement amoureux de l'humilité et de la bassesse, nul ne luy peut servir de monture qu'il ne soit humble.

  A010000873 

 Il a par sa douceur et son humilité captivé tous leurs cœurs, au lieu que s'il fust allé en quelqu'autre equipage il les eust tous effrayés.

  A010000874 

 Or, l'humilité a une si grande convenance et rapport avec la patience qu'elles ne peuvent guere aller l'une sans l'autre: celuy qui veut estre humble il faut [355] qu'il soit patient pour supporter les mespris, les censures et reprehensions que les humbles souffrent; de mesme, pour estre patient il faut estre humble, car on ne sçauroit supporter longuement les travaux et les adversités de cette vie sans avoir l'humilité, laquelle nous rend doux et patiens.

  A010000875 

 O que bienheureuses sont les ames qui sont souples et sousmises, qui se laissent charger comme on veut, s'assujettissant à toutes sortes d'obeissances sans repliques ni excuses, supportant de bon cœur le faix qu'on leur impose! Il faut, pour se rendre digne de porter Nostre Seigneur, estre revestu de ces trois qualités, d'humilité, de patience et sousmission; alors le Sauveur montera sur nos cœurs, et, comme un divin escuyer, il nous conduira sous son obeissance..

  A010000876 

 Ce qu'entendant, ils sortirent tout de ce pas et allèrent où leur bon Maistre les envoyoit; ils mirent la main sur l'asnon et l'asnesse et les luy amenerent.

  A010000876 

 Il y a differentes opinions sur ce sujet: les uns pensent que [356] c'estoit saint Jacques et saint Philippe; les autres, saint Jean et saint Pierre; en somme chacun tient son parti, mais personne ne sçait lesquels ils furent..

  A010000876 

 Nostre Seigneur donques, ayant choisi l'asnesse pour sa monture, envoya deux de ses disciples en un petit village qui estoit là aupres, leur disant: Allez vous-en en ce village, desliez l'asnesse et l'asnon et me les ameneque si quelqu'un y trouve à reprendre dites luy que le Seigneur en a besoin.

  A010000876 

 Si vous me demandiez qui estoyent ces deux disciples je ne sçaurois que vous respondre, car les Evangelistes n'en disent rien; aussi, puisqu'ils ne les nomment pas je ne pourrais non plus les nommer.

  A010000877 

 Certes, il y a des ames si reflechissantes qu'elles trouvent tant de regards, tant d'interpretations et mille repliques à faire sur toutes les obeissances qu'on leur donne; l'on ne voit point en elles de sousmission, aussi vivent-elles en de perpetuelles inquietudes.

  A010000877 

 Hé, ne pouvoyent-ils pas dire: Vous nous ordonnez de vous amener ces deux bestes; mais comment connoistrons-nous que ce sont celles que vous voulez? N'y a-t-il que celles-là? Nous les laissera-t-on bien prendre? et plusieurs autres semblables raysons que la prudence humaine leur pouvoit fournir.

  A010000877 

 Neanmoins quels qu'ils soyent je les ayme bien, car ils se monstrerent extremement simples et parfaittement obeissans en ne faisant aucune replique.

  A010000879 

 C'est pourquoy prevoyant cela, il leur dit: Si quelqu'un vous veut empescher de les amener respondez-luy que le Seigneur en à besoin, et ils les laisseront aller.

  A010000879 

 Ils partirent donques avec ces paroles de leur bon Maistre, et entendant ceux qui les vouloyent empescher de prendre ces animaux ils dirent: Le Seigneur en a besoin, et tout aussi tost ces gens se teurent et les laisserent aller.

  A010000879 

 J'ayme bien les gens de cette bourgade, car ils estoyent bien courtois, d'autant que si tost qu'ils ouyrent que le Seigneur avoit besoin de leurs bestes ils les cederent volontiers..

  A010000879 

 Le Sauveur sçavoit bien que ses Apostres trouveroyent des gens qui leur demanderoyent ce qu'ils vouloyent faire de ces bestes et où ils les menoyent; et il arriva [357] ainsy, car non seulement celuy à qui elles appartenoyent mais encores les voysins s'en meslerent.

  A010000880 

 Pourquoy entrer en Religion? à quel propos s'aller enchevetrer et se laisser bander les yeux comme un faucon? Le Seigneur en a besoin.

  A010000880 

 Pourquoy jeusnez-vous, vous confessez-vous et communiez-vous si souvent? disent les sages du monde.

  A010000881 

 Cet asnon et cette asnesse furent couverts des manteaux des Apostres; puis Nostre Seigneur monta dessus et fit en cette abjection et humilité son entrée triomphale en Hierusalem, confondant par là le monde, qui renverse toutes les maximes de l'Evangile, qui ne veut gouster l'humilité et le mespris, et qui ne cesse de dire que malheureux sont les pauvres et souffreteux.

  A010000881 

 Il faut aussi remarquer qu'il leur commanda de les deslier pour les luy amener, et non sans cause; car si nous voulons aller au Sauveur il faut souffrir qu'on nous deslie de nos passions, habitudes, affections et des liens des pechés qui nous empeschent de le servir.

  A010000881 

 Les Apostres donques amenerent l'asnon et l'asnesse à Nostre Seigneur.

  A010000881 

 Les autres se croiront bien heureuses pour estre les mieux frisées, pour avoir les cheveux mieux reliés, pour avoir un beau cotillon.

  A010000882 

 Bienheureuses aussi les ames qui s'exercent icy bas en humilité, car elles seront exaltées là haut au Ciel.

  A010000882 

 Nostre Seigneur renverse tout cela aujourd'huy, en faisant son entrée en Hierusalem, non comme les princes du monde, qui voulant entrer en quelque ville, le font avec tant de pompe, d'appareil et de frais, ains il ne veut d'autre monture qu'une asnesse couverte des vils et pauvres manteaux de ses Apostres.

  A010000882 

 O que bienheureuses sont les ames que nostre divin Maistre choisit pour sa monture et qui sont couvertes des manteaux des Apostres, c'est à dire revestues des vertus apostoliques, pour estre capables de porter nostre cher Sauveur et estre conduites par luy.

  A010000891 

 D'autant qu'il y a peu d'heures pour parler de la Passion par laquelle nous avons tous esté rachetés, je ne prendray pour sujet de ce que j'ay à vous dire que les paroles du tiltre que Pilate fit escrire sur la croix: Jesus Nazarenus, Rex Judœorum; Jesus de Nazareth, Roy des Juifs.

  A010000891 

 En ce tiltre sont comprises les causes de cette divine Passion qui sont toutes reduites à deux, signifiées par ces mots: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs; car bien qu'il y ayt quatre paroles, elles ne signifient pourtant pas quatre causes de sa mort, ains seulement deux..

  A010000894 

 Voyla donques les causes de la mort de Jesus Christ: la premiere c'est qu'il estoit Sauveur, saint et Roy; la [360] seconde, qu'il vouloit racheter ceux qui le confesseront, qui est la signification du mot de Juif que Pilate escrivit sur le tiltre de la croix..

  A010000895 

 C'est ce qui nous a esté representé dans l'Ancien Testament par tant de figures et de similitudes, particulierement par le serpent d'airain que Moyse dressa sur la colonne pour garantir les Israëlites des morseures des serpens.

  A010000895 

 Dieu ayant retiré son peuple de la servitude d'Egypte pour l'introduire en la terre de promission sous la conduite de ce grand capitaine Moyse, il survint un estrange accident; car de petits serpenteaux s'esleverent ou sortirent de terre dans le desert où estoyent les pauvres Israëlites, de sorte qu'il en fut tout rempli.

  A010000896 

 Ce que Moyse executa promptement, enjoignant à ceux qui seroyent mordus des serpens de jetter les yeux sur celuy qui estoit eslevé sur cette colonne.

  A010000897 

 Mais voyci un estrange accident: il s'esleva de petits serpenteaux qui nous piquerent en la personne de nos premiers pere et mere, Adam et Eve, et les compagnons et complices de celuy qui avoit piqué nos premiers parens s'espancherent tellement par toute la terre du desert de ce monde que nous en avons tous esté mordus.

  A010000898 

 Elle a esté privilegiée et preferée par dessus toutes les autres creatures, et ce privilege est si grand et si singulier qu'il n'y en a aucune, quelle qu'elle soit, qui ayt jamais receu la grace en la façon que cette sainte Dame et glorieuse Maistresse la receut.

  A010000900 

 Il est mort pour les pechés des hommes sans avoir en luy aucune iniquité, puisqu'il estoit, comme dit le tiltre de la croix, Nazareen, à sçavoir fleurissant en toute sainteté.

  A010000901 

 Ou encores, s'il se vouloit servir pour [363] cette redemption de l'entremise de quelque creature, n'en pouvoit-il pas creer une d'une telle excellence et dignité que, par ce qu'elle eust fait ou souffert, elle eust suffisamment satisfait pour les pechés de tous les hommes? Asseurement, et il pouvoit nous racheter par mille autres moyens que celuy de la mort de son Fils; mais il ne l'a pas voulu, car ce qui estoit suffisant à nostre salut ne l'estoit pas à assouvir son amour; et pour nous monstrer combien il nous aymoit, ce divin Fils est mort de la mort la plus rude et ignominieuse qui est celle de la croix..

  A010000902 

 Que reste-t-il donques, et quelle consequence pourrons nous tirer de cela, sinon que, puisqu'il est mort d'amour pour nous, nous mourions aussi d'amour pour luy, ou, si nous ne pouvons mourir d'amour, que du moins nous ne vivions pour autre que pour luy? Que si nous ne l'aymons et ne vivons pour luy, nous serons les plus desloyales, infideles et perfides creatures qui se puissent trouver.

  A010000903 

 O Dieu, que c'est une consideration de grande utilité et proffit que celle de la Croix et de la Passion! Est-il moyen, je vous prie, de contempler en icelle l'humilité de nostre Sauveur sans devenir humble et sans avoir de l'affection aux humiliations? Peut-on voir son obeissance sans estre obeissant? O non certes, nul n'a jamais regardé Nostre Seigneur crucifié, qui soit mort ou resté malade; comme au contraire, tous ceux qui sont morts, ç'a esté pour ne l'avoir pas voulu regarder, de mesine qu'entre les enfans d'Israël ceux là moururent qui n'avoyent pas voulu considerer le serpent que Moyse avoit fait dresser sur la colonne..

  A010000904 

 Certes, encor que son cœur eust esté chatouillé par les discours et raysons de cet esprit infernal et qu'en suite de cela elle n'eust fait que regarder ou toucher le fruit de l'arbre de science, voire qu'elle en eust cueilli et mesme presenté à Adam son mary, ils ne seroyent pas morts pour cela, car Dieu avoit seulement dit: Si vous en mangez vous mourrez.

  A010000904 

 La cheute de nos premiers pere et mere au paradis [364] terrestre fut encores une figure de cecy: Dieu leur avoit donné beaucoup de fruits pour l'entretenement de leur vie; mais il y en avoit un, qui estoit le fruit de science du bien et du mal, duquel il leur avoit defendu de manger, les menaçant de la mort s'ils le faisoyent.

  A010000904 

 Mais voicy un grand accident qui survint; car le serpent infernal, sçachant qu'ils avoyent ce pouvoir, de mourir ou ne mourir pas, se resolut de les tenter et de leur faire perdre la justice originelle dont Dieu les avoit doués et enrichis, les sollicitant de manger du fruit defendu; et pour ce faire plus commodement, il print les escailles et la forme d'un serpent, et en cette sorte il tenta Eve.

  A010000905 

 C'est chose merveilleuse qu'il ayt tellement meslé la nature divine avec l'humaine que, quoy que ce soit tres asseuré que l'humanité seule a souffert et non la Divinité car elle est impassible, neanmoins quand on voit la façon avec laquelle le Sauveur a enduré, l'on ne sçait, pour ainsy parler, si c'estoit Dieu ou l'homme qui souffroit, tant les vertus qu'il prattiquoit sont admirables..

  A010000906 

 Je diray bien davantage: quand elles viendroyent à souffrir toutes les peines qui se pourroyent trouver dans cent mille millions d'enfers, s'il y en avoit autant, et ce avec la plus grande perfection possible à une creature humaine, tout cela ne seroit rien en parangon d'un petit souspir de Nostre Seigneur, d'une petite goutte du sang qu'il a respandu pour l'amour de nous, d'autant que c'est sa personne, qui est d'une excellence et dignité infinie, qui donne le prix et la valeur à telles actions et souffrances; car la Divinité est tellement meslée avec l'humanité que nous disons avec verité que Dieu a souffert la mort, et la mort de la croix, pour nous racheter et nous donner la vie..

  A010000906 

 Mais quoy qu'il ne souffrist rien entant que Dieu, si est-ce que la Divinité qui s'estoit unie avec l'humanité donnoit un tel prix, valeur et merite à ses souffrances, qu'une petite larme, un petit mouvement de son sacré cœur, un petit souspir amoureux estoit plus meritoire, plus pretieux et aggreable à Dieu que n'eussent esté tous les tourmens imaginables de corps et d'esprit, voire mesme les tortures de l'enfer, endurées par les creatures douées de la plus grande perfection.

  A010000907 

 Je sçay bien qu'entre les hommes ce mot de mort signifie en nostre langage que la mort n'est qu'un passage d'une vie à l'autre; mourir c'est donques outrepasser les confins de cette vie mortelle pour aller à l'immortelle.

  A010000910 

 Ç'a esté sa vocation que d'estre Sauveur; c'est pourquoy le Pere eternel a tant contesté pour la prouver aux hommes, non seulement par les Patriarches et Prophetes, mais par luy mesme; voire, chose estrange, il s'est mesme servi pour cet effect de la bouche des impies et des plus scelerats qui se puissent trouver, comme nous dirons tantost.

  A010000911 

 Comme s'il vouloit dire: O pauvre peuple, vous m'aviez tellement fasché par vos vices et iniquités que j'avois resolu de vous perdre et abismer tous; mais voyci que je vous envoye mon Fils pour vous reconcilier avec moy, car tout mon playsir est à le regarder et considerer, et en ce regard je trouve tant de complaisance que je m'oublie de tous les desplaysirs que je reçois de vos pechés; escoutez-le donc.

  A010000913 

 Pilate fit escrire sur la croix: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs sans sçavoir ce qu'il faisoit, et, pour chose qu'on luy dist, il ne voulut oster ni permettre qu'on changeast ce tiltre; car Dieu vouloit qu'en iceluy fussent mises les deux causes de la mort de son Fils.

  A010000914 

 Et voyci ce que nous avions à dire sur la seconde cause, d'autant qu'en rendant à Nostre Seigneur amour pour amour et les louanges et benedictions que nous luy devons pour sa Mort et Passion, nous le confesserons nostre Liberateur et Sauveur..

  A010000916 

 Ses aisles, qui l'estoyent desja, le deviennent davantage; puis le ventre, les pieds, en fin toutes ses plumes et tout son petit corps, tandis que l'homme, son grand amy, devient blanc, net et tout à fait quitte de sa haute jaunisse.

  A010000917 

 Certes, Nostre Seigneur est ce divin oyseau de paradis, divin loriot qui fut attaché sur l'arbre de la croix pour nous sauver et delivrer de la haute jaunisse du peché; toutefois, pour en estre rendu quitte, il faut que l'homme le regarde sur cette croix à fin de l'exciter à commiseration par ce regard; lors il tirera à soy toutes les iniquités de l'homme et mourra librement pour luy.

  A010000919 

 Nostre Seigneur donc, voyant l'ignorance et la foiblesse de ceux qui le tourmentoyent, commença à les excuser et à offrir pour eux ce sacrifice à son Pere celeste, car la priere est un sacrifice.

  A010000919 

 Nous connoissons cela par les paroles que nostre divin Maistre dit sur la croix, par les larmes et souspirs amoureux qu'il y jetta.

  A010000920 

 Mais, mon Dieu, quelle charité ardente estoit celle cy et quelle puissance avoit une telle priere! Certes, les prieres de Nostre Seigneur estoyent si efficaces et si meritoires que rien ne luy pouvoit estre refusé; et pour ce il fut exaucé, comme dit le grand Apostre, à cause de la reverence que le Pere luy portoit.

  A010000920 

 Or, ce divin Seigneur s'estant employé à demander pardon [372] pour les hommes, il est tout certain que sa demande luy lut accordée, car son divin Pere l'honnoroit trop pour luy denier quelque chose de ce qu'il luy requeroit..

  A010000922 

 C'est pourquoy il ne faut nullement douter que les prieres faites avec une si grande et si admirable reverence par une personne d'un merite et perfection infinis ne fussent tout aussi tost accordées.

  A010000922 

 Jesus Christ fit donques cette priere à son Pere; mais avec quelle reverence! Certes, la sacrée Vierge Nostre Dame a surpassé toute creature en l'humilité et respect avec lesquels elle a prié et traitté avec son Dieu; tous les Saints ont prié avec grande reverence; les colonnes du Ciel tremblent, les plus hauts Seraphins fremissent et se couvrent de leurs aisles pour l'honneur qu'ils portent à la divine Majesté; mais toutes ces humilités, tous ces honneurs, toute cette reverence que la Vierge, les Saints, tous les Anges et les Seraphins rendent à Dieu ne sont rien en comparaison de celle de Nostre Seigneur.

  A010000923 

 En cette parole il commença à chanter d'un autre air, d'autant qu'auparavant il prioit, et prioit pour les pecheurs, mais maintenant il monstre qu'il est Redempteur, car ayant [373] pardonné les pechés, il fait ja gouster les fruits de sa redemption au bon larron.

  A010000924 

 Grand accident que celuy cy, lequel perça le cœur de Nostre Seigneur! Hé, pauvre saint Pierre, que faites-vous et que dites-vous? Vous ne sçavez quel il est, vous ne le connoissez pas, vous qui avez esté appellé de sa propre bouche à l'apostolat, vous qui avez confessé qu'il estoit le Fils du Dieu vivant! Ah! miserable homme que vous estes, comment osez-vous dire que vous ne le connoissez pas? N'est-ce pas Celuy qui nagueres estoit à vos pieds pour les laver, qui vous a repeu de son corps et de son sang? Et vous asseurez que vous ne le connoissez pas! Oh, comme est-ce que la terre vous peut supporter? comment ne s'ouvre-t-elle pas pour vous engloutir dans le plus profond des enfers?.

  A010000924 

 Il y en avoit deux de chaque sorte: les uns estoyent deux Apostres, les autres deux larrons.

  A010000925 

 De plus, pour gaigner entierement son cœur et ne laisser aucune chose de ce qui le pouvoit rendre plus affectionné à sa divine Majesté, sçachant qu'il avoit une inclination de trafiquer et manier les affaires, il voulut le faire procureur en son college sacré.

  A010000925 

 O Dieu, mes cheres Sœurs, que terribles et espouvantables sont les cheutes des serviteurs de Dieu, principalement de ceux qui ont receu de grandes graces; car quelle plus grande grace que celle qui avoit esté donnée à saint Pierre et à Judas? Celuy [374] cy avoit esté appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur mesme, qui le prefera à tant et tant de millions d'autres lesquels eussent fait des merveilles en ce ministere; le Sauveur luy fit des faveurs signalées, car outre qu'il luy accorda le don des miracles, il luy predit encores ce qui luy devoit arriver touchant sa trahison à fin que, le sçachant, il eust moyen de l'eviter.

  A010000926 

 O miserable viellesse que celle cy! Que c'est une chose espouvantable de tomber entre les mains du Dieu vivant! Que ses jugemens sont inscrutables! Que celuy qui est debout craigne donques de tomber, dit l'Apostre; que personne ne se glorifie pour se voir bien appellé de Dieu, et en quelque lieu où il semble n'avoir rien à craindre.

  A010000926 

 Oh, que les cheutes de ceux qui sont sur la montagne sont effroyables et dangereuses! car dès que l'on a commencé de tomber, l'on roule puis apres jusques à ce que l'on soit au fond du precipice.

  A010000926 

 Telles ont esté les cheutes de plusieurs qui sont descheus du service de Dieu.

  A010000928 

 Je sçay bien que ce furent les regards sacrés de nostre Sauveur qui luy penetrerent le cœur et luy ouvrirent les yeux pour luy faire reconnoistre son peché; neanmoins l'Evangeliste nous dit qu'il sortit pour le pleurer quand le coq chanta, et non point aussi tost que Nostre Seigneur le regarda..

  A010000929 

 L'on rapporte mesme, et il est vray, qu'il jettoit des larmes en telle abondance qu'elles luy avoyent creusé les joues et s'estoyent fait comme deux canaux: par ce moyen, de grand pecheur qu'il estoit il devint un grand Saint.

  A010000930 

 Hé, le malheureux, ne sçavoit-il pas bien que Nostre Seigneur estoit celuy qui seul la luy pouvoit donner, qu'il estoit le Sauveur et tenoit la redemption entre ses mains? L'avoit-il pas bien veu en ceux auxquels il avoit remis les pechés? Certes, il le sçavoit, mais il ne voulut ni n'osa demander pardon, car le diable, pour le tirer au desespoir, luy monstra l'enormité et laideur de son crime, et luy fit peut estre craindre qu'en demandant pardon à son Maistre il ne luy donnast pour iceluy une penitence trop grande.

  A010000930 

 Il fit voirement bien la confession de son peché, car en rapportant aux princes des prestres les deniers pour lesquels il avoit vendu son bon Maistre, il dit tout haut qu'il avoit vendu le sang de l'innocent.

  A010000930 

 Je sçay bien qu'il y a de la difference entre la grace efficace et la grace suffisante, comme disent les theologiens; mais je ne suis pas en ce lieu pour prouver et disputer si cette inspiration du peccavi de Judas fut efficace aussi bien que celle de David, ou seulement suffisante; elle fut certainement suffisante.

  A010000931 

 En la seconde nous voyons deux larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur, hommes meschans au possible, qui n'avoyent jamais fait de bie; c'estoyent les plus scelerats, les plus perfides et insignes voleurs qui se puissent voir; aussi les avoit-on choisis comme tels pour mettre aux costés de nostre cher Sauveur à fin de le declarer par ce moyen maistre de tous les voleurs.

  A010000933 

 D'autres qui font les mesmes cheutes apres avoir receu pareilles graces, viennent à faire penitence comme [378] saint Pierre.

  A010000933 

 «Nous avons veu,» dit un grand Saint, «tomber les estoilles du Ciel,» lesquelles par apres s'obstinent et meurent sans penitence.

  A010000935 

 O Dieu, combien de fois nostre divin Sauveur l'offrit-il à Judas et au mauvais larron! Avec quelle patience attendit-il l'un et l'autre! Que ne fit pas le cœur sacré de ce cher Sauveur à l'endroit de celuy de Judas? combien de mouvemens, d'inspirations secrettes ne luy donna-t-il pas, tant en la cene, quand il estoit à genoux devant luy, luy lavant les pieds, qu'au jardin des Olives, lors qu'il l'embrassa et le baysa, comme aussi durant le chemin et en la mayson de Caïphe lors que ce malheureux confessa sa faute.

  A010000936 

 Donques si Nostre Seigneur remet si librement de si grans et enormes pechés, voire s'il offre mesme le pardon aux obstinés et les attend à penitence avec tant de patience, o Dieu que ne fera-t-il à celuy qui le luy demande, et avec quel cœur ne recevra-t-il pas le penitent contrit?.

  A010000936 

 Helas! ce miserable, en refusant ainsy le salut, [379] ne meritoit-il pas que Dieu le precipitast à l'instant dans les enfers? Mais il ne le fit point, ains l'attendit à penitence jusques à ce qu'il expirast.

  A010000937 

 Elle estoit ce pendant crucifiée en son cœur avec les mesmes doux que Nostre Seigneur l'estoit en son corps, car elle s'en alloit estre sans enfant et sans mary..

  A010000937 

 La troisiesme parole de Nostre Seigneur fut une parole de consolation qu'il dit à sa sacrée Mere laquelle estoit au pied de la croix, transpercée du glaive de douleur, mais certes non pasmée ni à cœur failli comme la peignent faussement et impertinemment les peintres; car l'Evangeliste dit clairement le contraire et qu'elle demeura debout avec une fermeté nompareille.

  A010000939 

 Et les meres se glorifient de dire à leurs filles en ce dernier abois: Allez-vous-en en un tel coffre, vous trouverez encores toute neuve la robe avec laquelle je fus espousée, vous y trouverez mes chaisnes et mes bagues que je vous ay conservées, et telles autres bagatelles.

  A010000939 

 Les hommes voulant bien favoriser leurs enfans ou heritiers, leur disent avant de trespasser: Allez-vous-en en un tel buffet, vous trouverez là tant de mille escus.

  A010000940 

 Mais cette sacrée Vierge passa plus outre, d'autant qu'elle vit que Nostre Seigneur en luy donnant saint Jean pour fils luy donnoit par consequent tous les Chrestiens, desquels il vouloit qu'elle fust la mere, comme enfans de grace, car Jean signifie grace.

  A010000940 

 Neanmoins, comme tres sousmise, elle l'accepta avec un cœur doux et tranquille, et son divin Fils luy donna pour saint Jean un amour plus tendre que n'eurent ni n'auront jamais toutes les meres ensemble envers leurs enfans.

  A010000941 

 C'est qu'aussi tost que le Sauveur eut dit cette troisiesme parolle le soleil retira sa clarté et les tenebres couvrirent toute la terre, mais elles estoyent si espaisses que c'estoit une chose espouvantable.

  A010000941 

 Je sçay bien qu'il y a une dispute entre les Docteurs, à sçavoir si ces tenebres couvrirent toute la terre, ou bien seulement une partie d'icelle; j'ay souvent veu les opinions des uns et des autres.

  A010000942 

 Aussi saint Denis, qui pour lors n'estoit pas Chrestien et qui par apres ayant esté converti par les predications du grand Apostre saint Paul, vint en ces quartiers et fut Apostre de la France, s'escria en voyant ce prodige: Il faut de deux choses l'une, «ou que le Dieu de la nature souffre, ou que la fin du monde approche,» car cette ecclipse est tout à fait surnaturelle, puisqu'elle est en plein midy et au plein de la lune, et que de plus elle surpasse le terme ordinaire des ecclipses (elle dura trois heures entieres).

  A010000942 

 Pour moy je suis l'opinion de ceux qui tiennent que les tenebres couvrirent toute la terre, car le grand saint Denis Areopagite, qui estoit alors en Egypte, en fait mention, et plusieurs historiens font foy de cecy.

  A010000943 

 O Dieu, combien de larmes amoureuses jetta-t-il pendant ces trois heures de meditation, combien de souspirs et sanglots! Mais helas, de combien et de quelles douleurs fut transpercé le sacré cœur de mon Sauveur! O certes, personne ne le sçait que Celuy qui les souffrit, et peut estre la sacrée Vierge Nostre Dame qui estoit au pied de la croix, à qui il les communiquoit, laquelle les ruminoit en soy mesme..

  A010000943 

 Or, que fit Nostre Seigneur pendant ces trois heures là? Il les employa à offrir des sacrifices de louange.

  A010000944 

 Mais d'autant que ces douleurs n'estoyent conneuës que de luy seul qui les souffroit et de sa sainte Mere à qui il les communiquoit, voulant faire voir à tout le monde qu'il n'estoit pas là sans souffrir, il cria tout haut en se plaignant à son Pere eternel, de sorte qu'il fut entendu de tous: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'avez-vous delaissé?.

  A010000945 

 Mais la partie inferieure fut tellement abandonnée de tout secours humain et divin, que se trouvant privée de toute consolation et sentant les douleurs du corps et de l'esprit avec toute l'aspreté et rigueur qui se puisse souffrir, il se plaignit disant: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? pour faire entendre à tous la vehemente douleur qu'il enduroit alors.

  A010000945 

 O Dieu, combien estoyent grandes les angoisses de sa tres sainte ame qui estoit delaissée non seulement de toutes les creatures, mais encor du Pere eternel lequel avoit pour un peu retiré sa face de son Fils bien aymé! Ce ne fut point cependant qu'il endurast cette privation en la partie superieure de son ame, car elle jouissoit tousjours de la claire vision de la Divinité, estant bienheureuse dès l'instant de sa creation et n'ayant jamais esté sans cette gloire.

  A010000946 

 Elie estoit mort il y avoit plusieurs années, du moins il n'estoit pas de ce monde, ains avoit esté emporté dans un chariot de feu par les Anges; partant ils penserent que nostre cher Maistre l'appelloit à son secours parmi une si grande affliction.

  A010000946 

 En somme nostre bon Sauveur souffrit pendant ce temps-là toutes les injures et calomnies qui se puissent excogiter..

  A010000946 

 Et ceux cy, meschans qu'ils estoyent, ne croyoient pas que les Saints puissent aucune chose pour ceux qui sont affligés ni pour ceux qui les invoquent.

  A010000946 

 Ils estoyent donc huguenots puisqu'ils nioyent le pouvoir que les Saints ont aupres de la divine Majesté.

  A010000946 

 Les autres disoyent: Il invoque Elie, mais que luy peut-il faire? il ne le peut pas delivrer.

  A010000946 

 Les autres murmuroyent par ensemble: S'il est si saint que l'on dit, que ne se sauve-t-il soy mesme! Il en a tant sauvé d'autres; il est fol s'il ne fait pour luy ce qu'il a fait pour eux.

  A010000946 

 Les autres, se riant, disoyent: Le voyla qu' il crie tout haut à Elie qu'il luy vienne au secours; attendons, je vous prie, et voyons s'il viendra le delivrer.

  A010000946 

 Mais helas! combien cette parole mal entendue causa de peines à Nostre Seigneur; car les uns dirent qu'il prioit Elie.

  A010000947 

 Gracieuse offre que celle cy au cœur de nostre doux Sauveur qui estoit tant amoureux du salut de nos ames! Plusieurs blasphemoyent contre [384] luy, l'appellant sorcier et enchanteur, reputant ces tenebres à quelque trait de magie; d'autres disoyent que ce n'estoyent pas des tenebres, mais qu'ils avoyent les yeux sillés et esblouis par ses enchantemens; et par tels et semblables discours ce tres sacré cœur de Nostre Seigneur souffroit des douleurs incomparables..

  A010000947 

 On luy fit aussi les plus belles offres, les plus desirables semonces qui se peuvent imaginer, d'autant que les uns luy crioyent: Toy qui te vantes d'estre Fils de Dieu, descens de la croix, et nous t'adorerons et te reconnoistrons pour tel.

  A010000952 

 D'autres encores veulent bien obeir, pourveu qu'on ne les contrarie point en leurs caprices; celuy cy se sousmettra à l'un, mais non pas esgalement à un autre; et peu de chose esprouve la vertu de telle sorte de gens qui obeissent en ce qu'ils veulent et non pas en ce que Dieu veut.

  A010000952 

 Ils parlent bien des cinq degrés d'obeissance; nanmoins ils ne font rien plus que les theologiens qui en discourent si excellemment.

  A010000952 

 O que bienheureux sont les obeissans, disent-ils.

  A010000952 

 Or, ce n'est pas le tout d'en parler; il faut venir à la seconde façon d'entendre cette vertu, qui est de se mettre à la prattique d'icelle dans les occasions petites et grandes qui se presentent.

  A010000952 

 Partant, s'il vous vient des inspirations ou mouvemens quels qu'ils soyent qui vous portent à faire chose aucune qui vous tire hors de l'obeissance, rejettez-les hardiment et ne les suivez point..

  A010000953 

 Que les mariés demeurent en la croix de l'obeissance, c'est à dire du mariage; car c'est leur croix la meilleure et celle de la plus grande prattique, d'autant que l'on est presque en perpetuelle action et que les occasions de souffrir y sont plus frequentes qu'en aucune autre.

  A010000954 

 Que le prelat et celuy qui a charge d'ames ne desire point d'estre destaché de cette croix à cause du tracas de [387] mille soucis et empeschemens qu'il y rencontre; ains qu'il fasse ce qui est de son devoir en son office, ayant soin des ames que Dieu luy a commises, instruisant les uns, consolant les autres, tantost parlant, tantost se taisant, donnant le temps à l'action et, quand il le doit, à la priere.

  A010000957 

 Nous y voyons ce parfait abandonnement de Nostre Seigneur entre les mains de son Pere celeste, sans reserve quelconque.

  A010000958 

 C'est la quintessence de la vie spirituelle que ce parfait abandonnement entre les mains du Pere celeste et cette parfaite indifference en ce qui est de ses divines volontés.

  A010000959 

 Il s'en trouve assez qui, venant au service de Dieu, disent bien à Nostre Seigneur: Je remets mon esprit entre vos mains, avec cette reserve neanmoins, que vous nourrirez mon cœur dans les douceurs et consolations sensibles, et que je ne souffriray point d'aridités ni de secheresses.

  A010000959 

 Je remets mon esprit entre vos mains, mais aussi vous ferez en sorte que du moins je seray tous-jours bien aymé de ceux qui me conduiront, entre les mains desquels je me delaisse pour l'amour de vous; vous ferez qu'ils approuvent et trouvent bon tout ce que je feray, du moins la plus grande partie, car de n'estre pas aymé et de ne pas sentir cet amour cela ne se peut supporter..

  A010000960 

 Helas, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là remettre son esprit entre les mains de Dieu comme fit Nostre Seigneur? Certes, c'est d'icy que naissent tous nos maux, nos troubles, nos inquietudes et autres telles niaiseries; car si tost que les choses n'arrivent pas selon que nous attendions ou comme nous nous promettions, voyla que soudain la desolation saisit nos pauvres esprits qui ne sont pas en cette parfaitte indifference et remise entre les mains divines.

  A010000960 

 O que nous serions heureux si nous prattiquions bien ce point icy qui est l'abbregé et la quintessence de la vie spirituelle! Nous arriverions à la haute perfection d'une sainte Catherine de Sienne, de sainte Françoise, de la bienheureuse Angele de Foligny et de plusieurs autres qui estoyent comme des boules de cire entre les mains de Nostre Seigneur et de leurs Superieurs, recevant toutes les impressions qu'on leur vouloit donner..

  A010000962 

 Que me reste-t-il maintenant sinon de remettre mon esprit entre vos mains à la fin et sur le declin de ma vie, comme je vous l'ay remis au commencement et au milieu d'icelle? Mais pour le pouvoir bien faire, mes cheres Sœurs, employons les trois heures de tenebres de cette vie comme nostre cher Sauveur et Maistre les a employées.

  A010000962 

 Si nous faisons cela nous pourrons bien dire à l'heure de nostre mort comme nostre cher Maistre: Tout est consommé; o Dieu, j'ay accompli tout ce qui estoit de vos divines volontés en tous les evenemens.

  A010000978 

 On voit par ces mots, chacun de vous, qu'il n'y a celuy lequel vivant ça bas, ne soit compris et enserré dans cette regle qui est sans exception aucune, tant pour ceux qui demeurent emmi le tracas et les distractions ordinaires de ce monde erroné, que pour ceux qui, desirans mener une vie de plus haute perfection, se sont separés d'iceluy; bref, soit grans soit petits, tous sont [392] compris dans cette proposition.

  A010000981 

 Pour acquerir quelque science que ce soit, il faut, selon l'opinion de tous les philosophes, se fonder sur des propositions generales; autrement il seroit impossible de jamais atteindre à une parfaitte connoissance d'icelle.

  A010000982 

 Et la devise de Jesus Christ est tout au rebours: Bienheureux ceux qui souffrent persecution pour l'amour de la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy de toutes les autres maximes.

  A010000982 

 Les maximes du monde sont: Bienheureux ceux qui ont leurs playsirs et contentemens, qui abondent en biens et possessions de la terre, car ils sont estimés et honnorés.

  A010000982 

 Mais celles de Dieu nous enseignent tout au contraire que [393] bienheureux sont les pauvres d'esprit, carie Royaume des cieux est à eux.

  A010000982 

 Mais les maximes de Nostre Seigneur aneantissent celle cy de fond en comble, disant: Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront saoulés.

  A010000982 

 Mais puisqu'un contraire est chassé par son contraire, il est infaillible que les leçons de Nostre Seigneur renversent et abolissent totalement celles du monde.

  A010000982 

 Par où nous voyons clairement que celles que Dieu est venu donner au monde sont directement opposées à celles de ce siecle et qu'elles les destruisent totalement..

  A010000983 

 Ces paroles devroyent estre gravées et empreintes en nos cœurs d'une impression telle que la mort seule les peust effacer, puisque sans Jesus Christ nostre vie est plustost une mort qu'une vie, sans la verité qu'il a apportée au monde, tout eust esté plein de confusion, et si nous ne suivons ses traces, [394] vestiges et voyes nous ne pourrons trouver le chemin qui conduit au Ciel..

  A010000983 

 Pour revenir à nostre texte, qui est fort utile et advantageux si les paroles en sont deuement pesées et digerées, nous pouvons en tirer quatre considerations qui seront le sujet et la division de la presente exhortation.

  A010000984 

 La deuxiesme consideration est plus relevée et excellente que la premiere et appartient principalement à ceux qui aspirent à une plus haute perfection: c'est de quitter tout ce qu'ils possedent, non point seulement par un esprit d'abnegation, mais aussi de fait, et se despouiller de toutes les choses de ce monde caduc et transitoire.

  A010000985 

 Il semble de prime abord qu'il y a de la superfluité en ces paroles: Quiconque ne renoncera à tout ce qu'il possede; car pouvons-nous renoncer à ce que nous ne possedons pas? Ouy, nous le pouvons en quelque façon, parce que nous pouvons quitter les choses futures que nous esperons avoir, comme seroit quelque succession, honneur ou chose semblable.

  A010000985 

 La troisiesme consideration, qui n'est pas de peu d'utilité si elle est bien goustée, consiste à reconnoistre les choses que nous possedons, à fin que par adventure nous ne soyons point trompés en l'abnegation de celles qui ne sont pas en nostre puissance.

  A010000986 

 Il est tres asseuré que les vielles gens sont proches de la mort et que les jeunes peuvent bien tost mourir; neanmoins, parlez à un jeune homme esventé et l'interrogez de l'estat de son salut: Quoy, dira-t-il, ne suffit-il pas que je dedie à Dieu mes vieux jours? Si faut-il se donner du bon temps tandis qu'on est jeune.

  A010000987 

 La quatriesme et derniere consideration est de prendre garde que le ferme propos que nous avons de tout quitter ne soit vain, dissimulé et par flatterie; car si celuy qui fait edifier une tour est si imprudent qu'il ne considere point avant de la commencer s'il a des biens et des commodités suffisantes pour mettre à chef son edifice, et que par cette imprudence il ne puisse faire reussir son dessein, ne jugerez-vous pas qu'il est un sot et un mal advisé? De mesme, un roy ne seroit-il pas bien despourveu de jugement, si sçachant qu' un autre roy a mis vingt mille hommes sur pied pour luy donner la bataille, il ne consultoit pour sçavoir s'il pourra avec dix mille hommes aller au devant de celuy qui vient avec vingt mille? Autrement, s'il ne le fait, il sera contraint, et avec grande confusion et detriment de son honneur, d'envoyer au devant de l'ennemy demander les moyens de paix.

  A010000989 

 Mais, ce qui est bien davantage, ils estoyent esgalement riches, car, à proprement parler, nous ne possedons pas les biens de ce monde: cecy est fort clair.

  A010000989 

 Pensons-nous posseder une grosse somme d'argent, les voleurs et les larrons s'en rendent souvent les maistres et proprietaires.

  A010000994 

 de loysir que le tracas du monde nous laisse sera cause que je vous entretiendray fort simplement et familierement (car il me semble que les choses en sont meilleures) des deux points que je ne vous peus expliquer jeudy dernier, c'est à dire comme il faut celebrer les festes et quelles sont les festes et mysteres que nous celebrons.

  A010000995 

 En premier lieu il faut sçavoir qu'il y a trois sortes de festes: celles que l'Eglise nous commande, celles qu'elle nous recommande, et les festes politiques, comme est celle qui se celebre aujourd'huy pour l'entrée du Roy en cette ville, laquelle estant ordonnée par les Messieurs de ville est ainsy rendue politique.

  A010000995 

 Les festes nous sont recommandées à fin de rendre à Dieu l'honneur, le culte et l'adoration que nous luy devons comme à nostre souverain Maistre et Seigneur.

  A010000995 

 Saint Hierosme et saint Bernard nous la recommandent dans le breviaire et les homelies de ce jour..

  A010000997 

 La premiere est renfermée dans le Symbole des Apostres, lequel s'appelle ainsy parce que ce sont les Apostres qui l'ont composé.

  A010000997 

 Or, mes cheres ames, je vous dis qu'il y a cent articles en nostre foy qui ne sont point exprimés dans le Symbole, lesquels pourtant tous les Chrestiens doivent croire; et ne faut point dire: Je me contente de croire ce que l'Eglise croit, et demeurer ainsy en cette ignorance crasse..

  A010000998 

 Tout ce que nous devons esperer et demander à Dieu est contenu dans les sept demandes du Pater, que nous appelions communement Oraison dominicale, laquelle Nostre Seigneur nous a laissée..

  A010000999 

 (Asseurement l'oranger est tousjours en un mesme estat sans se flestrir jamais; neanmoins il a cela, qu'il ne nourrit pas.) Ainsy l'Eglise a ses feuilles, qui sont ses ceremonies, ses fleurs, qui sont ses actions, et ses fruits, qui sont ses bonnes œuvres et les bons exemples qu'elle donne au prochain en toutes occasions..

  A010000999 

 Pour la troisiesme nous avons les divins commandemens, par lesquels nous sommes instruits à aymer Dieu et le prochain; car de ces deux commandemens dependent toute la Loy et les Prophetes.

  A010000999 

 Vous sçavez aussi les autres qui suivent au Decalogue et ceux de l'Eglise, [400] laquelle ressemble à un bel arbre, ou bien à l'oranger qui est tousjours verdoyant en toute saison.

  A010001000 

 De plus, il y a en icelle sept Sacremens, lesquels pourtant nous ne sommes pas obligés de prattiquer tous, ains seulement chacun selon sa vocation, comme celuy des Ordres pour les prestres et celuy du Mariage pour ceux que Dieu y a appellés.

  A010001000 

 Quant aux autres il nous en faut servir en temps et lieux, et les recevoir selon que l'Eglise nous le commande, car nous y sommes tenus..

  A010001001 

 Ce premier Ange donc, qui estoit Lucifer, se trouvant si beau et excellent en sa nature, car il estoit le plus parfait de tous, dit en soy mesme: Je me feray semblable au Tres Haut et me sieray sur les flancs d'aquilon, qui sont les plus hauts, et tous me rendront honneur.

  A010001001 

 Considerons d'abord que Dieu estant un Esprit pur et libre, voulant faire quelque chose hors de soy il crea les Anges, et ensuite Adam et Eve en estat d'innocence et de justice originelle; de plus il leur laissa leur franc arbitre, accompagné de toutes les prerogatives et privileges de grace qui se puissent desirer.

  A010001001 

 Or, vous sçavez que tous les Anges furent creés en grace, mais ils ne furent pas aussi tost confirmés en icelle, Dieu leur ayant laissé leur franc arbitre et pleine liberté.

  A010001001 

 Venons à nostre second point, à sçavoir quelles sont les festes que nous celebrons.

  A010001002 

 C'est à dire: Nous sommes tous conceus en peché, et toutes les conceptions despuis le commencement du monde jusques à la fin se feront en peché..

  A010001002 

 Elle, ouvrant les oreilles à ce propos (car si tost qu'on parle de nous eslever il nous semble que tout nostre bien depend de cela), donna son consentement et mangea du fruit defendu, voire passa plus outre, en faisant manger à son mary, si que tous deux succomberent et desobeirent à Dieu.

  A010001003 

 Bien est-il vray que nostre premier pere et Eve aussi furent creés et non pas conceus; neanmoins toutes les conceptions des hommes se font en peché.

  A010001003 

 Nostre Seigneur et saint Jean Baptiste se visiterent dans le ventre de leurs meres (les entrailles de nos meres sont des petits mondes), et l'on tient que le glorieux Precurseur se mit à genoux pour adorer son Sauveur, et que l'usage de rayson luy fut donné à mesme instant.

  A010001003 

 Tous les hommes naissent enfans d'ire à cause du peché originel qui les rend ennemis de Dieu; mais par le Baptesme ils sont regenerés et faits ses enfans, capables de sa grace et de l'heritage de la vie [402] eternelle.

  A010001005 

 Elles viennent sur les ondes de la mer au temps de la plus grande fraischeur, qui est à [403] la pointe du jour, principalement au mois de may; comme elles sont là, elles ouvrent leurs escailles du costé du ciel, et les gouttes de la rosée tombant en icelles, elles les resserrent ensuite en telle sorte qu'elles couvent cette rosée dans la mer et la convertissent en perles, dont puis apres l'on fait tant d'estat.

  A010001005 

 Sçavez-vous comme se font les perles? (Plusieurs dames desirent des perles, mais elles ne se soucient pas du reste.) Les meres perles font comme les abeilles: elles ont un roy, et prennent pour cela la plus grosse d'entre elles et la suivent toutes.

  A010001007 

 Les mondains s'imaginent pour l'ordinaire que la devotion à Nostre Dame consiste à porter un chapelet à la ceinture, et leur semble qu'il suffit d'en dire quantité sans faire autre chose, en quoy ils se trompent grandement; car nostre chere Maistresse veut que l'on fasse ce que son Fils commande, et tient pour fait à elle mesme l'honneur que l'on rend à son Fils en gardant ses commandemens..

  A010001008 

 La mere de l'empereur Neron, ce cruel qui a tant persecuté l'Eglise de Dieu, estant en ceinte de luy, fit venir tous les enchanteurs et devins pour sçavoir ce que son fils deviendroit.

  A010001008 

 Lors cette miserable mere respondit: N'importe, «pourveu qu'il regne.» Voyla comme les cœurs superbes desirent les honneurs et playsirs qui souventefois leur sont nuisibles.

  A010001008 

 Or, si les meres ont naturellement tant de desir que leurs enfans regnent et soyent honnorés, à plus forte rayson Nostre Dame qui sçait que son Fils est son Dieu: aussi l'honneur du Fils est celuy de la Mere..

  A010001009 

 Vous, mes tres cheres Sœurs, qui avez quitté le monde pour vous mettre sous les auspices de la tres sainte Vierge, si vous l'interrogez et luy dites: Madame, que vous plaist-il que nous fassions pour vous? Elle vous respondra sans doute qu'elle desire et veut que vous fassiez ce qu'elle enjoignit de faire en ce celebre banquet de Cana en Galilée où le vin estoit failli; elle dit à ceux qui en avoyent le soin: Faites tout ce que mon Fils vous dira.

  A010001014 

 En ce siecle où nous sommes, les historiens en font de mesme pour ce qui regarde les faits des grans de la terre, car ils cachent et seellent la verité en tout ce qui a apparence de mal, de sorte que l'on ne peut rien apprendre d'eux.

  A010001014 

 Nous voyons d'ordinaire que l'Escriture sacrée nous descouvre apertement les cheutes les plus enormes de plusieurs grans Saints; comme quand elle nous veut monstrer la penitence d'une Magdeleine, les larmes d'un saint Pierre, la conversion d'un saint Paul, elle nous fait lire premierement leurs fautes avant que de parler de leur repentir.

  A010001015 

 Et de vray, il tomba en une tres grande faute, laquelle est presque indicible; nous pouvons faire cette remarque apres tous les saints Peres.

  A010001015 

 Voyons donques premierement comme l'Evangeliste nous raconte que saint Thomas ne se trouva pas avec les autres le jour de la Resurrection; secondement, comme il ne voulut pas croire, en quoy il fit une tres grande impudence; et en troisiesme lieu, comme il exagera ces paroles: Je ne croiray point si je ne le touche et si je ne le voy..

  A010001016 

 Il ne faut point dire: C'est peu de chose de ne se pas trouver avec la Communauté tant à la priere qu'à quelqu'autre exercice; car si saint Thomas se fust trouvé avec les autres Apostres, il eust esté saint et fidelle huit jours plus tost.

  A010001016 

 Le premier manquement, à sçavoir de ne se pas sousmettre et trouver avec les autres, fut le commencement de son mal et ce fut de là qu'il prit sa source; car il faut remarquer une chose de tres grande importance, qui est que l'homme ne monte pas à la perfection tout d'un coup, mais petit à petit, de degré en degré.

  A010001016 

 Ne croyons pas que ce soit petite chose de demeurer huit jours en infidelité et de retarder nostre perfection pour peu que ce soit; au contraire c'est un grand mal, d'autant que les momens nous sont bien pretieux et nous doivent estre tres chers..

  A010001017 

 Le second degré de la cheute de saint Thomas fut que oyant à son retour ses confreres et condisciples luy dire: Nous avons veu le Seigneur, il respondit: Je ne le crois pas, et se laissa ainsy emporter à l'opiniastreté et au despit, se voyant privé de la grace que les autres avoyent receuë en cette visite.

  A010001018 

 Le troisiesme defaut de saint Thomas et sa cheute entiere fut qu'il se laissa emporter à sa passion jusques à s'opiniastrer et ensuite à exagerer ces paroles: Non, je ne croiray pas qu'il soit ressuscité si je ne mets mon doigt dans les trous de ses playes, de ses mains, de ses pieds, et si je ne mets ma main dans son costè percé.

  A010001019 

 C'est un grand mal de se laisser entraisner de la sorte, car les theologiens enseignent que lors que nous cedons à nos passions elles nous portent jusques au peché mortel.

  A010001019 

 Le grand saint Paul, ou plustost Nostre Seigneur en saint Paul, apres le Prophete, nous dit: Courroucez-vous, mais ne pechez point, parce que ce n'est pas pecher d'avoir ses passions esmeuës; mais c'est bien autre chose d'entrer en colere et de suivre les sentimens d'icelle, comme de se despiter et opiniastrer en suite: c'est cela qui fait le peché.

  A010001020 

 Il nous donne en cecy des preuves de la douceur avec laquelle il traitte les pecheurs, car il a deux bras: l'un de sa justice toute puissante et equitable, et l'autre de sa misericorde qu'il exalte par dessus celuy de sa justice..

  A010001020 

 Mais aussi les Apostres ne rejetterent pas le coulpable de leur compagnie, ains prierent pour luy, et Nostre Seigneur, par sa misericorde ineffable, vint une seconde fois pour saint Thomas seul.

  A010001020 

 Saint Thomas passa jusques au troisiesme degré et commit le peché d'infidelité, qui fut tres grand; ce que voyant, les autres Apostres en furent extremement touchés.

  A010001022 

 Il mit donques ses doigts dans les cicatrices sacrées de son Sauveur.

  A010001022 

 Il vint dans le cenacle une fois pour tous les Apostres et une autre fois pour saint Thomas seulement, huit jours apres sa Resurrection, lors qu'ils estoyent tous assemblés; et s'addressant à Thomas seul il luy dit: Tu ne veux pas croire; tiens, touche, manie, car l'esprit n'a ni chair ni os.

  A010001022 

 Lors tout estonné, il s'exclama et dit: O mon Seigneur et mon Dieu! et en mesme temps il fut changé et rendu fidelle, si qu'il a esté predicateur de la foy comme les autres Apostres, et apres avoir grandement travaillé pour icelle, il est à la fin mort pour cette mesme foy..

  A010001023 

 Nous ne sçavons rien des mysteres de nostre foy que ce qu'ils nous ont appris, bien que leur foy fust pour lors imparfaite parce qu'ils n'estoyent pas confirmés en grace, à ce que disent les theologiens.

  A010001024 

 Ainsy en est-il des ames qui estans parmi la meslée du monde y engagent toutes leurs affections, car à grand peine de deux cens s'en sauve-t-il une ou deux au plus, parce qu'elles ne pensent point aux choses eternelles et sont tousjours attentives aux honneurs, playsirs et richesses; pour cela nous sommes obligés de prier pour elles à fin que Dieu leur donne une parfaite foy qui les fasse desprendre de toutes les choses de la terre..

  A010001024 

 De mesme ès Religions, entre vous autres, quand l'une tombe, les autres l'aydent à se relever par la correction fraternelle, par les prieres et bons exemples; aussi les ames se perdent rarement en Religion sinon qu'elles le veuillent, s'obstinant et opiniastrant en leur mal.

  A010001025 

 Il semble que la feste d'aujourd'huy nous invite à prier pour les infidelles et mescroyans, notamment pour ceux qui sont en ce Royaume, à fin que tous s'assujettissent à l'obeissance du Roy.

  A010001032 

 Entre toutes les festes que nous solemnisons en la sainte Eglise il y en a trois qui ont esté celebrées de tout temps, lesquelles prennent leur source et origine de cette grande feste de Pasques qui se faisoit en l'ancienne Loy.

  A010001032 

 Le troisiesme nous le festons à la Pentecoste, jour auquel Dieu adoptant les Gentils, les fit passer de l'infidelité au bonheur d'estre ses enfans bien aymés, bonheur le plus grand que l'Eglise peust recevoir.

  A010001034 

 Il est né dans le Ciel de son Pere, sans mere, lequel tout en estant l'origine de la tres sainte Trinité, demeure neanmoins vierge entre toutes les vierges.

  A010001034 

 Pourtant le Fils nous est né du Pere, comme qui diroit de son sein, de sa propre substance; c'est ainsy, par exemple, que nous disons que les rayons du soleil sortent de son sein parce que le soleil et ses rayons ne sont qu'une mesme chose.

  A010001035 

 Les naturalistes remarquent que le miel se fait d'une certaine gomme que nous appelions manne, laquelle descoule du ciel et se vient joindre ou mesler avec la fleur [414] qui de l'autre costé tire sa substance de la terre; or, ces deux substances se meslant ensemble ne forment qu'un seul miel.

  A010001036 

 En effect, comme le Pere eternel voulut que son Fils unique fust Chef et Seigneur absolu de toutes les creatures, de mesme voulut-il que la tres sainte Vierge fust la plus excellente entre toutes, puisqu'il l'avoit choisie avant tous les siecles pour estre la Mere de son divin Fils.

  A010001037 

 En la naissance de Nostre Seigneur nous avons des preuves de sa Divinité et des preuves tres evidentes: l'on voit les Anges descendre du Ciel pour annoncer aux pasteurs qu' un Sauveur leur est né, et les Rois Mages le venir adorer.

  A010001037 

 Tout cela nous monstre qu'il est plus qu'homme, comme au contraire, par les gemissemens qu'il fait en la creche, tremblottant de froid, nous le voyons vrayement homme..

  A010001042 

 Et par consequent il est impossible que ce que fait l'une des Personnes divines les autres deux ne le fassent semblablement; et, comme dit le Symbole de saint Athanase, le Pere est createur, le Fils est createur et le Saint Esprit est createur, et toutes les œuvres de la creation et autres ont esté et sont esgalement faites par les trois Personnes divines.

  A010001042 

 Neanmoins, parce que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils on luy attribue les œuvres qui procedent de la bonté de Dieu, comme est la justification et sanctification des ames, ainsy que les œuvres qui procedent immediatement de la toute puissance, comme celles de la creation, sont attribuées au Pere; c'est pourquoy nous disons: «Je crois en Dieu, le Pere tout puissant, createur du ciel et de la terre.» Mais les œuvres de la sagesse sont attribuées au Fils parce qu'il est la Parole du Pere, [417] Mot Patris; c'est pourquoy l'œuvre de la redemption luy est attribuée, d'autant que, comme un tres sage medecin, il a sceu guerir la nature humaine de tous ses maux..

  A010001042 

 Toutes les œuvres de Dieu qui regardent le salut des hommes et des Anges sont attribuées d'une façon particuliere au Saint Esprit, d'autant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A010001043 

 Les autres les considerent et partagent en dons de science, d'interpretation et autres, ainsy que rapporte le mesme Apostre en son Epistre premiere aux Corinthiens.

  A010001043 

 Les œuvres donques qui procedent de la bonté de Dieu sont attribuées au Saint Esprit parce qu'il est l'amour, c'est à dire le souspir amoureux du Pere et du Fils.

  A010001043 

 Mais pour les ramasser, je suis content de les considerer sous les sept dons desquels il est parlé en Isaïe..

  A010001043 

 Or, en cette feste, ayant à considerer les œuvres du Saint Esprit, les uns les regardent comme fruits, ainsy qu'ils sont descrits par l'Apostre saint Paul en l'Epistre aux Galates: Fructus autem Spiritus est charitas, gaudium, pax, patientia, longanimitas, bonitas, benignitas, mansuetudo, fides, modestia, continentia, castitas; Les fruits de l'Esprit sont charité, joye, paix, patience, longanimité, bonté, benignité, mansuetude, foy, modestie, continence et chasteté.

  A010001046 

 Le Prophete les rapporte selon l'ordre de leur dignité, et d'autant que le don de sapience est le plus excellent et le plus relevé, il le met le premier, et les moins excellens il les met à la fin.

  A010001046 

 Mais nous, qui en devons parler pour nous instruire, commençons par le bas bout pour monter au plus haut, et puisque nous sommes en terre, commençons par le premier degré; quand nous serons parvenus en haut, je veux dire au Ciel, nous pourrons puiser les tresors dans le sein du Pere eternel..

  A010001048 

 C'est pourquoy le saint Prophete David parlant à Dieu, au Psalme CXLIX, luy dit: Vous assujettirez sous vostre empire les rois et les grans, et les emprisonnerez avec des menottes de fer; Ad alligandos reges eorum in compedibus, et nobiles eorum in manicis ferreis..

  A010001048 

 De mesme il y a plusieurs personnes lesquelles ne quitteroyent jamais leur mauvaise [419] vie s'ils ne craignoyent la mort, le jugement et les peines d'enfer; et cette crainte est la plus generale entre les hommes, ainsy que l'experience le fait voir tous les jours; car de dix mille penitens, il n'y en a peut estre pas un qui ne commence son salut par cette crainte de la mort, du jugement et de l'enfer.

  A010001048 

 Mais cette [première] crainte est servile et semblable à celle des forçats de galere, qui ne voguent que par force et ne vogueroyent jamais s'ils ne craignoyent qu'on les accablast de coups de nerfs de bœuf.

  A010001048 

 Or, il faut sçavoir que cette crainte est double; car on craint Dieu ou entant qu'il chastie les malfaiteurs ou entant qu'il recompense les bienfaiteurs.

  A010001049 

 C'est pourquoy les philosophes, comme Platon, Aristote et les autres, ont craint et ont pensé que Dieu apres cette vie chastieroit les offences..

  A010001049 

 Ces menottes et chaisnes de fer, dit saint Augustin, c'est la crainte d'estre damné, et cette crainte est bonne pour commencer son salut, parce que les hommes reconnoissans qu'il est impossible que Dieu ne se venge des pecheurs qui l'ont offensé, ils craignent et redoutent ses chastimens, et cette apprehension est naturelle; car comme la nature nous enseigne qu'il y a un Dieu, aussi, dit saint Chrysostome, il est impossible de penser qu'il y a un monde regi et gouverné par sa providence, [sans] que sa justice ne soit exercée sur les hommes pour punir les pechés.

  A010001050 

 Et ne lisons-nous pas ès Actes des Apostres que Felix, president de Judée, trembla et fut saisi d'une grande crainte, nonobstant qu'il fust payen, entendant parler saint Paul du jugement dernier, et toutefois il ne se convertit pas? Ainsy plusieurs craignent les divins jugemens, mais leur cœur n'est [pas] transpercé de cette crainte.

  A010001050 

 Il leur vient bien une certaine crainte laquelle n'estant que dans la partie inferieure et dans les sens n'opere rien dans leurs ames; où la crainte don du Saint Esprit entre et penetre le cœur, et opere des fruits dignes [420] de penitence.

  A010001052 

 C'est pourquoy les [421] ames genereuses pour s'encourager à travailler, à l'exemple de David, se proposent la gloire eternelle.

  A010001052 

 La generosité relevant donques nostre cœur apres ces biens eternels, nous l'ait dire avec le Psalmiste: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; Ah, Seigneur, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent.

  A010001053 

 Et quoy que les heretiques disent qu'elle est mauvaise ils se trompent grandement, et les paroles de Jesus Christ les condamnent absolument.

  A010001054 

 Le don de pieté est une vertu particuliere laquelle depend de la justice, qui n'est autre que l'honneur, le respect et l'amour que nous rendons non seulement à Dieu comme à nostre souverain Createur et nostre Pere tres aymable, mais encores à ceux que nous tenons pour superieurs, soit spirituels ou temporels, comme les peres, meres, prelats et magistrats.

  A010001056 

 Ainsy devons nous faire, mes cheres Sœurs, envers Dieu, le reverant comme nostre Pere, le servant avec amour, sans apprehension des supplices ni pretention des recompenses, nous laissant porter entre les bras de sa sainte providence tout ainsy qu'il luy plaira.

  A010001056 

 Les petits enfans vivent en une grande confiance: ils ne pensent point que leur pere les veuille battre ni qu'il leur prepare un heritage, ains seulement s'occupent à l'aymer sans penser à autre chose, parce qu'ils sont portés entre ses bras, qu'ils sont nourris, dorlottés et en fin entretenus par le soin de leur bon pere.

  A010001057 

 Declina a malo et fac bonum; Destournez-vous du mal et faites le bien, dit le Prophete, car c'est la science des sciences et celle qui nous est donnée du Saint Esprit, laquelle les enfans du monde n'ont point euë; car bien qu'ils fussent grans philosophes, si n'ont-ils point appris à glorifier Dieu ni à suivre la justice, parce qu' ils ont tenu la verité captive et prisonniere en l'injustice, dit l'Apostre: Veritatem Dei in injustitia detinent.

  A010001057 

 Le troisiesme don du Saint Esprit, en remontant, est le don de science, non pour sçavoir les choses humaines, comme Aristote, Platon, Homere, Virgile et les autres philosophes qui ont eu cette science qui ne leur a de rien servi.

  A010001057 

 Or la science don du Saint Esprit est necessaire pour bien exercer les deux premiers dons, pour sçavoir comme nous nous comporterons envers Celuy que nous voulons craindre et aymer, et pour descouvrir et sçavoir discerner le mal qu'il faut fuir et le bien qu'il faut suivre.

  A010001058 

 Dieu sçait le mal, mais pour le detester, et le bien pour le prattiquer: Vous serez comme des dieux; Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, dit le serpent à nos premiers parens pour les tromper miserablement, leur faisant prattiquer le mal.

  A010001058 

 N'avons-nous pas aussi veu plusieurs grans theologiens qui ont dit merveille des vertus, non pour les exercer, comme au contraire il y a eu tant de saintes femmes qui ne sçavoyent pas parler des vertus, lesquelles neanmoins en sçavoyent tres bien l'exercice? car on a veu les unes [424] avec un soin extreme de conserver leur virginité, les autres avec un cœur pur et net en leur viduité, les autres en la chasteté conjugale.

  A010001058 

 Saint Augustin, en une homelie de ce jour, dit que les philosophes ont parlé des vertus magnifiquement, mais pour les mespriser, et des vices pour les prattiquer, parce qu'ils estoyent aveugles, d'autant qu'il n'y a point de vraye science que celle du Saint Esprit, laquelle il ne depart qu'aux cœurs humbles.

  A010001059 

 D'autres ont esté ignorantes, et en leur ignorance elles ont esté admirablement sçavantes, comme sainte Catherine de Genes; mais la presence du Saint Esprit les rendoit sçavantes, et parce qu'elles avoyent la crainte, la pieté et l'humilité, Dieu leur fit ce riche present du don de science qu'Eve a tant desiré, mais par orgueil, pour estre semblable à Dieu..

  A010001059 

 La peste de la science est la presomption, laquelle rend les esprits enflés et hydropiques, ainsy que sont d'ordinaire les sçavans du monde.

  A010001061 

 Mais, me direz-vous, puisque nous recevons le Saint Esprit et avec luy tous ses dons, lors que nous recevons les Sacremens avec les dispositions requises, d'où vient que nous retombons si souvent au peché? C'est par lascheté, d'autant que nous n'osons pas entreprendre la guerre contre le vice avec la fermeté et le courage necessaires pour surmonter nos ennemis.

  A010001061 

 Par exemple, l'on vient à la Confession où l'on reçoit le Saint Esprit avec la remission des pechés; et neanmoins combien y en [425] a-t-il qui recidivent aux mesmes pechés apres la Confession! Et d'où vient cela, sinon faute de courage? On pense: Qu'est-ce qu'on dira de moy si je deviens devote, si je fais penitence, si je quitte les conversations mondaines? On craint une parole dite en l'air; et n'est-ce pas tout à fait manquer de force que cela?.

  A010001062 

 Et c'est pourquoy le Saint Esprit nous communique le don de force par lequel tant de Martyrs ont vaincu les tyrans et surmonté les tourmens avec tant de constance que rien ne les a espouvantés, ainsy qu'on peut voir en lisant les histoires d'une sainte Agnes, d'une sainte Agathe et d'une infinité d'autres..

  A010001062 

 Mais il faut remarquer qu'encores que nous ayons receu les dons du Saint Esprit, si nous ne sommes grandement sur nos gardes nous les pouvons perdre à toute heure, quoy que nous nous puissions servir de l'un sans l'autre, parce qu'ils ne sont en nous que par maniere d'habitude, ce qui fait que nous ne nous en servons que quand nous voulons.

  A010001063 

 Jusques à present j'ay esté avare, sensuel, sujet aux playsirs de la bouche; je vois que cela est mal, j'ay le desir de m'en retirer: que feray-je donques pour petit à petit me desfaire de ces meschantes habitudes et me mortifier? Le Saint Esprit conseille les moyens qu'on doit tenir pour surmonter le mal et prattiquer le bien..

  A010001063 

 Le don suivant en remontant, est le don de conseil, sans lequel la force est temerité; comme vous voyez que les soldats, bien qu'ils ayent de la force, neanmoins il leur faut un capitaine pour le conseil.

  A010001064 

 D'autres aymeront les conversations esquelles la mesdisance regne, à laquelle ils se laissent emporter; ils font resolution de ne plus mesdire, mais la conversation les emporte insensiblement à la mesdisance: que faire là? Le Saint Esprit leur dit interieurement qu'il faut quitter ces conversations.

  A010001065 

 J'ay accoustumé de dire que presque tous perissent faute de suivre les maximes du Christianisme, comme celles cy: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car à eux appartient le Royaume des cieux, Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est Regnum cœlorum; Bienheureux sont les debonnaires, Beati mites, quoniam ipsi possidebunt terram.

  A010001065 

 Mais qui est-ce qui void la beauté de ces maximes sinon ceux à qui le Saint Esprit les fait voir?.

  A010001065 

 On entend les predications, on lit beaucoup, et toutefois on demeure tousjours dans l'ignorance de ces saints mysteres parce qu'on n'a pas ce don d'entendement.

  A010001066 

 Lors que nous voyons les beaux palais dorés, les perles et joyaux: Ah, disons-nous, que ces choses sont belles! Mais à qui? Aux yeux des mondains.

  A010001067 

 Ah, si nous les penetrions bien et si nous voyions leur beauté, certes, nous quitterions et renoncerions pour jamais aux malheureuses maximes du monde, qui ne valent rien, pour suivre celles de nostre divin Maistre.

  A010001067 

 Mais particulierement les ames religieuses doivent bastir et fonder toute leur perfection sur ses saintes maximes, [428] et les establir fortement en leur cœur à fin de n'y laisser jamais entrer des maximes contraires, suivant l'exemple de tant de Saints et Saintes lesquels on a veu aymer plus les larmes que la joye, la tribulation que la prosperité, la pauvreté que les richesses..

  A010001068 

 Plusieurs sçavans sont fols, mais la sapience est une science par laquelle on savoure, on gouste et penetre la bonté de la loy et les choses les plus relevées de l'Evangile, non pour en parler ou prescher, ains pour les prattiquer, et, comme l'abeille, l'ame va dessus les fleurs de la loy, sucçant le miel de la bonté de Dieu.

  A010001068 

 Quam dulcia faucibus meis eloquia tua! super mel ori meo; O Seigneur, combien vos paroles sont douces à mon gosier! dit le Psalmiste; elles surpassent la douceur du miel quand je les savoure en la bouche de mon cœur, lors que vous me donnez à gouster vos divines maximes contre celles du monde.

  A010001069 

 Il faut quitter ces dons, car ils sont incompatibles avec ceux du Saint Esprit; puis il luy faut abandonner nostre cœur, et le prier de nous departir ses pretieux dons et les conserver [429] en nos ames au peril de toutes nos affections, de nous donner le don de crainte pour operer nostre salut et d'oster de nos cœurs les autres craintes que le diable nous suggere.

  A010001069 

 Les malades ne savourent pas les viandes à cause du catarrhe qui occupe les parties destinées au goust; les malades spirituels veulent tout à rebours de bien: ils n'ont ni crainte ni force ni pieté ni science.

  A010001069 

 Nous avons la langue, c'est à dire l'ame, chargée de catarrhe; il faut quitter les dons du monde pour recevoir ceux du Saint Esprit.

  A010001069 

 Qui veut recevoir les dons du Saint Esprit [il luy] faut se purger des humeurs peccantes.

  A010001070 

 O que nous serons heureux, si nous recevons ces pretieux dons! car sans doute ils nous conduiront au sommet de cette eschelle mystique, où nous serons receus de nostre divin Sauveur qui nous y attend les bras ouverts pour nous rendre participans de sa gloire et felicité.

  A010001070 

 Plaise donques à la divine Majesté de nous donner le don de crainte à fin que nous le servions finalement; le don de pieté pour le reverer comme nostre Pere tres aymable; le don de science pour connoistre le bien que nous devons faire et le mal que nous devons fuir; le don de force pour surmonter courageusement toutes les difficultés que nous rencontrerons en la prattique de la vertu; le don de conseil pour discerner et choisir les moyens propres à nous perfectionner; le don d' entendement pour penetrer la beauté et l'utilité des mysteres de la foy et des maximes evangeliques, et en fin le don de sapience pour gouster combien Dieu est aymable et pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté.

  A010001078 

 Si le ciel, l'air et la terre et tout ce qui est en iceux semble de rajeunir et resusciter quasi de mort a vie en ceste douce sayson printaniere, auditoyre devot, ame chrestienne treschere et trescherie, recompense des travaux du Sauveur et Seigneur; puysque le ciel, lequel a demeuré si long tems sombre et obscur, semble s'estre revestu de la plus belle roubbe de ses clartés; l'air, ci devant tout plein de froides humidités, de brouillards et [431] melancolique nuage, se descouvre si pur, si calme et si bien [attrempé] assaysonné maintenant; la terre, toute ridëe, crottee et ternie par les rigueurs de l'hiver, comparoist maintenant toute diapree de son verdissant et fleurissant esmail; si l'Eglise nostre Mere, laquelle est demeurëe toute mortifiëe ce Caresme, ne portant que des habitz lugubres, ne chantant que des chans lamentables, ne faysant autre contenance que triste et faschee, comme celebrant le dueil de son cher Espoux, maintenant, comme pour fayre nouvelles nopces avec son mesme resuscité Seigneur et Espoux, faict tapisser et parer le mieux qu'elle peut toutes ses maisons, tient un maintien de cæremonies joyeuses et allegres, ne chante que des chans de liesse et de consolations; si l'enfer tenebreux a esté mesme changé en clarité par le lumineux aspect de Nostre Seigneur qui est descendu, si les Anges comparoyssent avec leurs roubbes plus blanches que l'ordinayre, demeurerons nous, o Chrestiens, entre toutes les creatures, morts et immuables en nostre laydeur et tristesse? Pour quoy ne prendrons nous nos beaux vestemens?.

  A010001082 

 Je n'oserois pas penser que quelqu'un fust ja mort despuys, etc. Ne mourons donq plus, etc. Et c'est pourquoy, ayant donné les moyens de venir a grace, je donne pour i continuer, sachant que qui perseveraverit, etc..

  A010001115 

 des Juges: Les Ephraites interrogés par les Galaadites, Sciboleth, Sibollet [ ad ] vada Jordanis.

  A010001117 

 Il donne du pain [ cuit ] [436] sous la cendre (des affections de l'humilité); mais pour le bien prendre il faut avoir les conditions cottees:.

  A010001130 

 Si les biens sont telz, qui ne s'y disposera? Frumento et vino stabilivi eum; et ultra tibi post hœc, fili mi, quid faciam?.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A011000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A011000016 

 — Epidémie parmi les étudiants. 13.

  A011000040 

 — Ordre que doivent suivre pendant le trajet les pèlerins d'Annecy et de Chambéry. 42.

  A011000045 

 — Encouragements à suivre les exemples de leur père.

  A011000047 

 Les prévenances d'un ami commun attribuées à la recommandation du Sénateur.

  A011000050 

 — Premières difficultés suscitées par les ministres protestants.

  A011000078 

 Ebranlement qui se produit parmi les héretiques; ingénieuse tactique du Saint pour les provoquer à la discussion. 83.

  A011000079 

 — Accueil fait par les hérétiques à la Centurie premiere. — L'avocat de Prez adresse des vers à l'auteur. 84.

  A011000081 

 Nécessité pour le Saint d'obtenir la permission de lire les livres hérétiques.

  A011000081 

 — Remarques sur les Institutions de Calvin et sur un ouvrage de Théodore de Bèze.

  A011000086 

 — Eloignement du Saint pour les dignités ecclésiastiques. 93.

  A011000087 

 Joie qu'éprouvent les Savoisiens de la nomination du Nonce.

  A011000088 

 — Ebranlement général parmi les hérétiques du Chablais. 96.

  A011000091 

 — Nécessité d'y envoyer un nombre suffisant de prédicateurs, et de nommer aux cures des prêtres dignes de les occuper. 100.

  A011000100 

 Espoir de solenniser à Thonon les fêtes de Noël.

  A011000102 

 Opposition apportée par les syndics de Thonon à l'érection d'un autel, — Combien la protection du duc est nécessaire aux nouveaux Catholiques.

  A011000106 

 — Combien il importe que les Chevaliers de Saint-Lazare cèdent les revenus ecclésiastiques qu'ils détiennent en Chablais. 117.

  A011000107 

 Instances afin d'obtenir que les revenus ecclésiastiques dont les Chevaliers jouissent en Chablais soient affectés au rétablissement du culte catholique. 118.

  A011000108 

 — Proposition d'une conférence publique avec les ministres.

  A011000110 

 — Les hérétiques prétendent retirer à M. d'Avully la dignité de juge de leur consistoire. 124.

  A011000110 

 — Promesse faite par les Religieux d'Ainay.

  A011000116 

 — Tyrannie exercée par les Genevois sur les Catholiques.

  A011000118 

 Heureux résultats que promet la conférence projetée avec les hérétiques.

  A011000118 

 — Pression qu'exercent les Genevois sur les Catholiques de Gex et de Gaillard.

  A011000121 

 — La permission de lire les livres hérétiques est nécessaire aux missionnaires. 144.

  A011000121 

 — Poursuites à faire pour obtenir la conférence avec les ministres.

  A011000122 

 Affaires du Chablais: démêlés avec les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare; encore la conférence de Genève. 148.

  A011000129 

 Instantes prières pour que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare soient contraints à payer les pensions dues aux curés du Chablais.

  A011000131 

 Projet de célébrer les Quarante-Heures à Thonon, et de les faire suivre de disputes publiques sur les matières controversées.

  A011000138 

 Les exercices des Quarante-Heures à Thonon sont fixés aux 23 et 24 août. 168.

  A011000139 

 Supplications collectives des missionnaires du Chablais pour obtenir que les troupes espagnoles ne traversent pas cette province. 169.

  A011000141 

 Prière de se rendre en Chablais pour protéger les habitants si les troupes espagnoles traversent la province.

  A011000141 

 — Recommander au duc les intérêts de la mission et l'engager à assister aux Quarante-Heures de Thonon. 172.

  A011000143 

 — Mesures à prendre contre les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A011000145 

 CXIX. A Sa Sainteté Clément VIII. Fruits merveilleux produits par les Quarante-Heures de Thonon.

  A011000174 

 Dès que parut le premier volume (1892) de la nouvelle édition des œuvres de saint François de Sales, publiée par les soins des Religieuses de la Visitation du I er Monastère d'Annecy, avec l'intelligent concours du docte Bénédictin P. Mackey, il obtint l'applaudissement universel des érudits..

  A011000176 

 Ce qu'ayant moi-même exposé à Notre Saint-Père le Pape, si grand est son zèle pour la discipline sacrée et pour les lettres qu'il acquiesça de grand cœur à cette pensée..

  A011000176 

 Or, les principaux ouvrages du Saint ayant été déjà édités jusqu'aux Sermons, parmi lesquels il ne s'en est pas peu trouvé d'inédits, l'impression des lettres allait être commencée, lorsque les éditeurs constatèrent qu'un grand [XXX] nombre demeurent encore cachées dans les bibliothèques et dans les archives des institutions publiques et privées.

  A011000177 

 C'est pourquoi, non seulement en mon nom et au nom des Salésiennes d'Annecy, mais aussi, en quelque sorte, de la part du Saint-Père, j'invite et je prie les Evêques d'Italie de faire faire des recherches dans les bibliothèques et les archives dépendantes de leur juridiction, pour savoir s'il s'y trouve des Lettres ou autres écrits inédits du saint Evêque de Genève.

  A011000177 

 Et en ayant trouvé, je les prie d'en tirer une copie authentique et de l'expédier ou directement à la Supérieure du I er Monastère des Salésiennes d'Annecy ou à moi..

  A011000188 

 L'absence de cette indication distingue les Lettres empruntées à des publications antérieures.

  A011000188 

 La plupart des Lettres insérées dans ce volume ont été confrontées sur les originaux, comme l'atteste l'indication de provenance placée au bas de chacune.

  A011000189 

 Ces lettres ne portant pour toute adresse que ces deux mots: A Monseigneur, ce serait embarrasser le lecteur de les placer après la clausule et la signature..

  A011000189 

 Il n'y a d'exception que pour les lettres envoyées au duc de Savoie par intermédiaire.

  A011000189 

 Les éditeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précèdent chaque pièce; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original.

  A011000190 

 Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le texte..

  A011000191 

 Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont données au bas des pages.

  A011000191 

 Les passages biffés dans l'Autographe sont enchâssés dans des [ ]..

  A011000192 

 Dans les variantes des lettres latines et italiennes les seuls passages qui diffèrent considérablement du texte ou qui n'y figurent pas du tout ont été traduits.

  A011000204 

 J'auroys bien bonne volonté de vous escrire des nouvelles de pardeça, mays les nostres ne sont que de colleges, outre ce qu'elles sont si incertaynes (on a faict le prince de Condé mille foys mort) que pour ce seul respect il me semble que je suys asses excusé d'en escrire..

  A011000205 

 Atant je vous bayse bien humblement les mains, et prie Dieu, Monsieur, qu'il vous tienne en santé et tres heureuse vie, vous suppliant de vous resouvenir de moy comme de celluy qui est et sera a jamays.

  A011000208 

 Monsieur Deage vous bayse bien humblement les [mains].

  A011000227 

 Je ne sais ce que Dieu veut faire de la France, car les péchés y sont très grands..

  A011000228 

 A la première occasion j'en ferai part à M. Benoît Pracho, car nous ne nous voyons jamais sans parler de Votre Seigneurie, dont je baise les mains, en mon nom et au nom de M. Jean Déage; pareillement je me recommande à sa bienveillance et m'offre à son service..

  A011000239 

 Les lettres que je vous ay envoyëes se sont peut estre perduës, pour autant que nous payons le port avant qu'elles partent, et partant besogne païee, malfaicte.

  A011000298 

 J'ai reçu à la fois, ces jours-ci, les lettres que vous m'avez écrites le 29 novembre 1590 et le 23 janvier 1591.

  A011000298 

 » [9] Si vous l'expliquez de la sorte: « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » c'est bien, mais à la condition que vous me dispenserez de vous prouver mon affection en redoutant tout de votre part..

  A011000299 

 En effet, bien qu'elles semblent au début engendrées par l'amour, souvent dans la suite, par de très petits, d'insensibles changements, elles tuent, avec le temps, celui-là même qui les a engendrées.

  A011000299 

 Quant aux paroles que vous semez sur mon compte, par ci par là, auprès de vos amis, surtout auprès de celui que vous appelez votre maître, prenez garde qu'on ne les interprète comme si vous semiez votre champ.

  A011000300 

 Sur ce sujet, je garde en mon cœur bien des choses que je ne puis entièrement révéler, et, le pourrais-je, que le temps laissé par le porteur ne me permettrait pas de les écrire..

  A011000300 

 pour que les autres pensent ce que je pense moi-même, c'est-à-dire que vous proclamez vos vertus, que vous savourez votre propre miel.

  A011000301 

 Antoine de Mérindol que, par sympathie, vous appelez François, de sa propre main se consigne entièrement entre les vôtres.

  A011000335 

 Il ne faut pas trop ajouter foi aux paroles [15] d'un père aussi indulgent que l'est mon Evêque lorsqu'il rend témoignage de son fils; car bien souvent les parents les plus prudents se persuadent trouver dans leurs enfants les qualités qu'ils désirent.

  A011000335 

 J'ai reçu vos deux lettres qui m'ont été très agréables, surtout par les assurances qu'elles me donnent de votre affection pour moi.

  A011000335 

 Je vous remercie de tout mon cœur des paroles si aimables que vous m'écrivez, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les mériter..

  A011000336 

 Comme j'entends dire que les populations auxquelles vous consacrez vos talents sont si grossières qu'elles ne veulent pas vous affranchir des charges publiques, et n'ayant nulle autorité pour le faire par moi-même, je le fais du moins par l'autorité de l'empereur Constantin, qui a édicté le décret suivant dans la VI e Loi du Titre LII, intitulée: De Professoribus et Medicis, Livre X du Code: « Les médecins, les maîtres d'école et les docteurs en droit avec leurs femmes, leurs enfants et les biens qu'ils possèdent dans la ville (ce mot-là vous affranchit complètement) sont exempts de tout impôt et charge soit municipale, soit publique, de toute corvée et obligation de logement.

  A011000336 

 La dernière Loi du même [16] Titre, si l'on compare exactement le commencement avec la fin, et les derniers mots de la dernière Loi du Titre des Pandectes, De Muneribus et Honoribus, le confirment.

  A011000362 

 Si j'avais pu vous témoigner l'inclination que j'éprouve depuis longtemps à vous honorer et à vous aimer, vous auriez compris que j'avais moins besoin d'être excité à vous aimer, comme vous le dites avec tant de modestie, que d'obtenir la permission de vous exprimer ouvertement les sentiments intimes de mon âme.

  A011000363 

 Je le fais non seulement parce qu'il est impossible de rencontrer ailleurs des talents supérieurs aux vôtres, et difficile d'en rencontrer de semblables, mais surtout parce que les exemples que nous trouvons dans nos provinces, dans nos villes, et pour ainsi dire à notre foyer, ont plus de force, d'énergie et d'efficace..

  A011000365 

 Lorsque je suis allé à Chambéry me faire inscrire au nombre des avocats, j'espérais qu'une fois admis, je pourrais saluer tous les Sénateurs, les remercier selon l'usage, et, à cette occasion, obtenir place parmi vos amis en vous laissant mon nom écrit de ma main; mais voilà que la noblesse est appelée aux armes, et que je suis contraint de partir à une heure indue, sans vous avoir vu; car j'aurais considéré comme un [21] plus grand mal de vous saluer seulement à la hâte, surtout vous étant inconnu, que de ne pas vous saluer du tout.

  A011000369 

 Que l'admiration excite le désir de connaître, c'est une maxime assurée qui s'apprend avec les rudiments de la philosophie..

  A011000370 

 Toutes les fois que je la prends (je la lis et relis sans fin) je me sens pris de la volonté et de la joie de vous estimer davantage, à tel point que mon âme reste prise dans son impuissance.

  A011000386 

 C'est bien l'œuvre d'un [habile] artisan, très digne Monsieur, de parvenir, grâce à votre éloquence, à faire aimer des personnages les [25] plus illustres ceux que vous aimez vous-même.

  A011000386 

 Il faut pour cela posséder une vertu dont la splendeur non seulement illustre celui qui en est doué, mais encore rejaillisse sur tous les autres..

  A011000387 

 Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on vous attribue, c'est précisément à François Girard, d'après ce que vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les rencontrer... Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose..

  A011000388 

 Je ne vois rien en moi qui puisse provoquer (pour me servir de la propre expression de François Girard) l'amitié de ce personnage si grave, déjà vénérable par l'âge, et si magnifiquement [27] orné de toutes les sciences et de toutes les vertus.

  A011000388 

 Tous m'aiment pour cela seulement qu'ils me voient honoré de votre estime, tant il est vrai qu'on suit facilement les grands hommes, même quand ils se trompent..

  A011000413 

 Pareillement l'estime que je vous porte à tous deux étant établie comme elle l'est dans mon âme, s'identifie avec elle, et participe à sa nature qui est, selon les termes de l'école, d'être tout entière dans le tout et tout entière dans.

  A011000415 

 Que du moins cette indignité soit atténuée par l'aveu que j'en fais, et que je compense les qualités qui me manquent par le vif désir que j'éprouve de les acquérir..

  A011000416 

 Après les avoir relues plus de dix fois, comme j'ai coutume de faire pour toutes les vôtres, pendant que je remettais d'y répondre au lendemain, afin qu'en un jour où la plupart des avocats vont prêter serment entre vos mains, j'eusse aussi moi-même des protestations à vous faire....

  A011000416 

 Du reste, si j'ai mis quelque retard à répondre soit à votre lettre soit à celle de François Girard, la raison de ce délai, qui vient de ma famille, est, je pense, également légitime en soi et agréable pour [31] vous qui aimez à remplir les devoirs de l'amitié.

  A011000434 

 J'ai donc été obligé, pour préparer ce sermon, de renvoyer ma lettre à la semaine suivante, car ni mon caractère ni mon talent ne me permettent de prêcher sans avoir consulté les Docteurs..

  A011000438 

 De plus, j'ai entendu dire qu'il y a en cette affaire je ne sais quoi qui relève de la justice criminelle, c'est pourquoi j'ai été près de m'exclamer; Eloignez-vous de moi, [35] hommes de sang; car en telles matières les ecclésiastiques ne doivent pas intervenir..

  A011000438 

 On me sollicite en ce moment d'intercéder auprès de vous en faveur d'un de nos paysans de Thorens au sujet du différend qu'il a avec Soudan, notaire dans la même localité, et de vous prier de faire prévaloir les droits du villageois.

  A011000454 

 A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce, je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.

  A011000455 

 Et certes, si je ne me trompe, il ne saurait rien arriver de plus difficile et de plus périlleux à l'homme que d'être appelé à tenir entre ses mains et à produire par sa parole, selon l'expression de saint Jérôme, Celui que les Anges, ces intelligences que nous sommes incapables de concevoir ou de louer dignement, ne peuvent pas même embrasser par la pensée ni célébrer par de justes louanges.

  A011000456 

 Assurément je n'ignorais pas, mon vénérable Ami, que d'effroyables responsabilités ne fussent jointes à une si sainte et si auguste dignité; mais l'éloignement trompe les yeux, et c'est chose bien différente de mesurer un objet de près ou de l'apprécier de loin.

  A011000456 

 Vous êtes le seul, Monsieur le Sénateur, qui me paraissiez capable de comprendre le trouble de mon esprit; car vous traitez les choses divines avec tant de respect et de vénération que vous pouvez facilement juger combien il est dangereux et redoutable d'en présider la célébration, combien il est facile de pécher et de pécher gravement, et combien difficile de remplir dignement ces saintes fonctions.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000458 

 D'autre part, ne vous persuadez pas que les saints mystères m'inspirent un effroi tel qu'il ne laisse en moi place à une espérance et à une allégresse bien supérieures à ce que pourraient me valoir mes propres mérites.

  A011000484 

 En effet, quoi de plus doux, de plus avantageux pour un convalescent que de quitter l'obscurité d'une [41] maisonnette pour aller souvent contempler des jardins les plus agréables et les plus émaillés de fleurs et d'y respirer à souhait l'air embaumé des parfums les plus suaves! Telle est l'impression que me fait éprouver la lecture de votre lettre si amicale..

  A011000485 

 Cependant une chose m'attriste, c'est d'apprendre les angoisses que vous a causées ma maladie, d'autant plus que je n'ai rien ou presque rien souffert.

  A011000485 

 Même, comme par l'effet d'une souveraine affection vous ressentiez ma fièvre, je dirais presque notre fièvre, si entre nous les maux étaient communs comme les biens (et de ceux-là je pourrais vous enrichir sans m'appauvrir, car j'en suis de beaucoup le mieux pourvu), j'en aurais été pour ma part tout glorieux; mais alors j'aurais souffert à mon tour de vos douleurs, à moins qu'il n'eût été préférable de mettre un terme à cette communication de peines..

  A011000486 

 Si vous vouliez faire remonter à saint Antoine l'origine de ce mot, vous vous [42] tromperiez; car dans la vie de ce Saint il n'est question d'aucun banquet, si ce n'est celui dont l'amphytrion était un corbeau, les convives, Paul et Antoine, et où, à la place de mets somptueux, l'on ne servait que du pain et de l'eau pour boisson..

  A011000487 

 Alors renaîtra pour nous cette antique forme de l'urbanité chrétienne selon laquelle les amis avaient coutume, aux approches du jeûne de la sainte Quarantaine, de s'accorder quelque honnête récréation en s'invitant à de gracieux festins, et de diminuer aussi quelque chose du travail ordinaire.

  A011000487 

 Ils prenaient en quelque sorte congé les uns des autres avant cette longue retraite..

  A011000487 

 Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragésimal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire après le carnaval.

  A011000490 

 Le baron de Chivron a facilement obtenu que nos princes entrassent dans les vues de notre Evêque, relativement à l'affaire dont il vous a entretenu.

  A011000504 

 Ainsi, comme nous l'avions espéré, mon bien aimé Frère, nous passerons ensemble ces jours de liberté si les Favergiens ont le bonheur de voir Favre à Faverges.

  A011000504 

 Les choses se sont arrangées autrement, et c'est ma mère elle-même qui me remplace.

  A011000504 

 Pour ne pas garder un silence absolu, j'ai jugé à propos de vous écrire cette courte lettre comme avant-coureur de salutations que je pense vous adresser sous peu de vive voix; car voici où en sont les choses.

  A011000504 

 Quant à moi, dès que j'aurai connaissance de votre arrivée dans cette ville, je prendrai mes mesures pour que vous puissiez voir parmi les Favergiens votre inhabile mais diligent apprenti; nous irons ensuite à la maison Tulliane, qui ne saurait être plus illustrée que de recevoir son nom de vous.

  A011000505 

 Ce qui m'a le plus réjoui, [47] c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum d'un baume odorant dans son esprit....

  A011000535 

 Il me semblait à peine nécessaire de le faire parce que nos dernières lettres, comme les précédentes, témoignent si bien de l'unité de nos esprits, que volontiers je croirais superflu de vous communiquer mes pensées autrement qu'en concentrant sur elles une profonde attention.

  A011000535 

 J'apprends qu'il prêche avec une si grande ferveur qu'elle semble réaliser cette parole: Dieu s'élève et prend son vol, porte sur les Chérubins..

  A011000535 

 Toutefois cette hypothèse est détruite [51] par votre vif désir d'assister à mes petites prédications, lesquelles vous devriez pouvoir entendre de la seule oreille spirituelle, puisque je les prononce avec autant d'attention que de force.

  A011000536 

 Quant à M. de Montrottier, les siens jusqu'à présent n'ont encore rien appris sur son état.

  A011000568 

 Quant à votre dernière lettre, elle offre une telle harmonie de pensées avec celle que je vous ai adressée le même jour, qu'elle montre clairement la parfaite unanimité de sentiments qui existe entre les deux frères, surtout en matière d'amitié, bien que ces sentiments ne soient pas exprimés de la même manière, car par l'élégance de votre style vous me laissez bien loin derrière vous.

  A011000569 

 Adieu, mon excellent Frère; faites en sorte que nous vous ayons en ces fêtes de Pâques; votre présence augmentera pour nous les charmes du printemps..

  A011000585 

 Je ne pouvais supposer que les gens de M. de [56] Charmoisy, de M. de Beaumont, que M. Portier, chanoine de notre Eglise, aussi bien que Chappaz, dussent partir sans m'avertir, et c'est la principale raison pour laquelle je ne m'informai pas de l'époque de leur départ.

  A011000585 

 La seule chose dont je sois accablé, ce sont les bienfaits si nombreux et si grands par lesquels, non sans peine, vous avez montré à nos gens de la Thuille votre amitié pour la famille de Sales; et si d'une part cette preuve d'affection me réjouit, de l'autre je déplore le sacrifice de vos précieux instants de loisir..

  A011000587 

 L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impatience; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à [58] raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus d'impatience..

  A011000587 

 Vous viendrez donc immédiatement après les fêtes de Pâques: je ne pouvais recevoir de M. de Charmoisy une nouvelle plus agréable.

  A011000606 

 Le silence entre frères est toujours pénible, inopportun (voyez que je suis loin du sentiment que parfois je craignais un peu vous voir adopter); mais [59] ce silence serait bien plus amer, plus dur, aujourd'hui que les lois de la saison printanière semblent nous permettre non seulement une conversation sérieuse, mais un babillage amical..

  A011000606 

 en dehors de toutes les lois de la bienséance d'assimiler au temps du Carême, par je ne sais quel triste silence, ces jours de Pâques si pleins de joie, alors surtout que les prairies, les arbres, les oiseaux célèbrent le printemps avec tant de suavité.

  A011000607 

 D'ailleurs, la saison si favorable aux voyages nous fournira plus d'une occasion de nous rapprocher, alors que les plaideurs, même par simple divertissement, se rendront bien souvent auprès de vous.

  A011000608 

 J'imiterai en cela certains gourmands lesquels ont la coutume extravagante de célébrer les fêtes de Pâques à la manière du carnaval, et semblent vouloir retenir le Carême comme prisonnier, en le faisant précéder et suivre de bacchanales..

  A011000608 

 S'il en va autrement, je le suivrai le plus tôt possible; les mets de Carême chargeraient trop douloureusement mon estomac, si, au commencement et à la fin, je ne les relevais par le condiment très salutaire de votre présence.

  A011000626 

 Que ferais-je, mon Frère, et de quel côté me tourner, moi qui n'ai pas encore satisfait à votre désir, et qui ne puis maintenant y répondre, faute de temps? Car nous voici à l'époque très solennelle du synode, auquel tous les membres de notre clergé sont tenus d'assister; et m'en dispenser, ce serait attirer sur moi l'excommunication.

  A011000628 

 Lorsque je l'appris (c'était hier au soir), je sentis la rougeur me monter au visage, à tel point que je n'osais plus jeter les yeux sur votre lettre.

  A011000629 

 Qu'il plaise à Dieu, mon Frère, me délivrer au plus tôt du trouble que je ressens jusque dans les profondeurs de mon être, sans quoi je cours risque de ne plus oser vous regarder en face!... [64].

  A011000647 

 Je ne puis guère vous dire l'heure précise, puisque, contre notre gré, une foule nombreuse s'est jointe à nous pour ce pèlerinage, principalement quelques dames que tous nos arguments n'ont jamais pu faire changer de résolution, notre Confrérie les ayant, dès le commencement, admises à la [66] Communion et autres pieux exercices.

  A011000647 

 Le cérémonial ne sera pas différent de celui que vous avez vu dernièrement quand vous étiez ici, et nous dirons les mêmes Litanies de Jésus crucifié.

  A011000647 

 Nous ôterons les souliers de nos pieds, car nous regardons comme saint le lieu où nous nous rendons, ce lieu orné du bois très précieux sur lequel Dieu s'est montré à nos pères avec une charité bien plus ardente que dans le buisson de Moïse.

  A011000648 

 Ainsi, mon Frère, il sera impossible qu'elle ne soit pas véritable cette fraternité, laquelle doit être jurée en la présence de ce bois qui a réconcilié les immortels des Cieux avec les mortels d'ici-bas.

  A011000648 

 Et il ne faut pas que j'oublie une chose merveilleuse: vous avez su que notre pèlerinage était décidé au moment où nous venions à peine de prendre cette détermination, car c'est mercredi soir seulement que nous avons délibéré à ce sujet; de sorte qu'on peut attribuer à une inspiration divine ce fait que, portant les regards sur la même Croix, nous [67] avons eu les uns et les autres le même sentiment.

  A011000649 

 Je vous envoie les Statuts de notre Confrérie mis en ordre; si quelque point vous paraît offrir des inconvénients à cause de la variété des lieux, vous le modifierez.

  A011000650 

 Nous vous saluons encore une fois, tous tant que nous sommes, et nous saluons aussi tous les autres enfants de la très sainte Croix, espérant de vous voir au plus tôt et de vous parler bouche à bouche, afin que notre joie soit pleine dans le Seigneur.

  A011000687 

 Comme vous aviez écrit à notre parent, M. de Charmoysi, que vous viendriez vendredi ou samedi soir, M. de Chissé, grand-vicaire de notre Révérendissime Evêque, M. de Montrottier, M. de Novery et moi nous sommes tenus chaque jour en embuscade entre les deux chemins jusqu'au coucher du soleil, afin de vous attendre, ainsi que je vous l'avais écrit précédemment, un peu plus tôt qu'un grand nombre d'autres.

  A011000687 

 Notre déconvenue ne nous a pas empêchés de vous envoyer force compliments en soupant chez M. de Charmoisy, où [71] nous avons discuté jusque bien avant dans la nuit sur les raisons qui vous avaient arrêté, mon Frère.

  A011000688 

 Songez seulement que les sept premières heures du jour en constituent la majeure partie..

  A011000690 

 « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » parce qu'il est facile, quand on n'a pas une très bonne volonté, de trouver des excuses.

  A011000706 

 A quel point j'ai été jusqu'ici inconsidéré et coupable en passant tant de mois sans vous écrire, je le sens mieux que personne, et j'en suis d'autant plus affligé que personne n'apprécie mieux que moi les grands avantages de votre amitié.

  A011000706 

 Ils voudraient bien rentrer dans le devoir et reconquérir les bonnes grâces de leur professeur; mais flottant entre la crainte et l'espérance, ils ne savent se déterminer pour l'heure où ils devront paraître en présence du maître irrité: faut-il éviter sa colère présente en sacrifiant le pardon espéré, ou obtenir leur pardon en s'exposant à être punis? Dans une [74] telle hésitation l'esprit de l'enfant a bien de la peine à discerner ce qui lui est plus avantageux.

  A011000723 

 C'est ainsi que l'oracle d'Apollon répondait, dit-on, avec tant de subtilité, que s'il eût posé lui-même des questions, la sagesse humaine aurait été incapable de les résoudre.

  A011000741 

 Ayez jour et nuit, mes [79] très chers Amis, les yeux fixés sur le modèle éclatant qui resplendit devant vous; suivez-le religieusement.

  A011000758 

 Je m'en réjouis vivement et je vous félicite tous deux de ce que, suivant le proverbe, vous ne jetez pas des épines sous les pieds du voyageur de bonne foi..

  A011000759 

 Certes, je félicite aussi grandement ma sœur de pouvoir jouir longuement de votre agréable présence; mais pourquoi vouloir être prié, pressé et presque contraint dans cette affaire? Pourquoi n'occuper qu'après les nombreuses instances de plusieurs, la place que vous avez choisie vous-même, si ce n'est par une extrême finesse digne des hommes de cour, à la manière de notre Locatel? C'est bien.

  A011000760 

 Vous m'avez envoyé fort à propos les Méditations sur la pénitence, afin que je m'y exerce pendant que je suis privé de votre [81] présence.

  A011000795 

 Ce n'est certainement pas la science seule qui a élevé si haut les Martin, les Chrysostome, les Hilaire, les Damascène; mais bien plutôt cette magnanimité chrétienne avec laquelle ils ont déclaré la guerre pour le Christ aux empereurs et aux autres faux frères, et se sont montrés intrépides à combattre les combats du Seigneur..

  A011000795 

 O bienheureux combat dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons pour le Christ! Qu'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et [85] d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de l'Eglise? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié.

  A011000795 

 Oui sans doute, il est très facile à un Chrétien, et c'est une chose pour ainsi dire à la portée de tous, de suivre Jésus-Christ guérissant les infirmes, ressuscitant les morts; mais de suivre Jésus-Christ souffrant et mourant, voilà ce qui n'est accordé qu'à un fort petit nombre.

  A011000796 

 En conséquence nous participons aux avantages les uns des autres: nous, à la gloire de vos combats, vous, au mérite de nos prières et de nos sacrifices..

  A011000796 

 Il serait en effet déraisonnable qu'un vétéran accoutumé à porter la plus lourde armure reçût les leçons d'un nouvel enrôlé.

  A011000808 

 Il pleut a Son Altesse, il y a quelque tems despuys ces guerres, declairer pour l'eglise de ce diocæse estre de son intention et playsir que tous les biens qui se trouveroyent en ses estats avoir esté de l'eglise anciennement, devant que Geneve eut chassé les ecclesiastiques, retournassent a l'eglise, comme vray patrimoyne de Jesuchrist.

  A011000808 

 Qui a faict que le Chappitre de Saint Pierre ayant esté advisé, ou pensant quil se devoit tenir quelque journëe a Thurin touchant ces balliages et autres affayres, il a pris resolution, en l'asseurance de vostre zele et pieté, de vous supplier tres humblement de leur faire ausmosne de vostre credit et intercession en cest endroict, affin qu'en cas de quelque restitution de païs, ils ressentent le prouffit de la devote intention de sa dicte Altesse, et que les biens qui se trouveront avoir esté dudict Chappitre au tems de la subversion de Geneve leur soient restitués.

  A011000829 

 Après votre départ, il n'a pas cessé de voiler de plus en plus les [90] esprits de ces hommes.

  A011000829 

 Le gouverneur, avec quelques autres Catholiques, n'a rien négligé pour attirer, par de secrètes persuasions, les paysans des environs et les bourgeois d'Evian à nos sermons, et pour faire avancer, avec un zèle ardent et éclairé, les affaires de la religion.

  A011000829 

 Mais le démon s'en est bien vite aperçu; car les principaux de Thonon ayant assemblé leur conseil, se sont juré, par une souveraine perfidie, que ni eux ni le peuple n'assisteraient jamais aux prédications catholiques.

  A011000830 

 Certes, il me semble voir où tendent les desseins de ces hommes perdus.

  A011000830 

 Mais il n'en sera pas ainsi; car aussi longtemps qu'il nous sera permis par les trèves et par la volonté du prince tant ecclésiastique que séculier, nous sommes absolument résolus de travailler sans relâche à cette œuvre, de ne pas laisser une pierre à remuer, de supplier, de reprendre avec toute la patience et la science que Dieu nous donnera.

  A011000831 

 Je soutiens à quiconque voudra discuter avec moi sur cette affaire, que non seulement les prédications sont nécessaires, mais encore qu'il faut rétablir la célébration du saint Sacrifice le plus tôt qu'il se pourra, afin que l'homme ennemi voie que par ses artifices il nous donne du courage au lieu de nous l'enlever.

  A011000851 

 Et apportent pour excuse le mauvais traittement qu'ilz recevroyent des Bernois et Genevois, qui les traitteroyent comme des deserteurs de leur creance, s'ilz les [94] voyoyent seulement venir a nous d'autre façon qu'avec des injures a la bouche ou des pierres a la main.

  A011000852 

 Dans les discours familiers, les ministres mesmes ont confessé que nous tirions de tres bonnes conclusions des Saintes Escritures touchant nostre foy, mesme sur le tres auguste Mistere de l'autel; les autres confessent la mesme chose, et plusieurs viendroyent a nous s'ilz n'estoyent empeschés par ceste trop grande crainte du monde.

  A011000883 

 ... Tandis que [la mère] pensera au père et au parrain, la ressemblance avec tous les deux se produira chez l'enfant, car vous savez [97] que l'imagination fait son œuvre.

  A011000902 

 Les choses étant ainsi, il appartiendra à votre bonté et à votre magnanimité, Monseigneur, de m'attribuer entre ceux qui vous sont dévoués une place si sûre et si stable que je ne puisse jamais être moins vôtre que vous n'aurez daigné me croire.

  A011000903 

 Pour nous, unissant nos prières à celles de tous vos Albigeois et [101] de ceux qui cultivent les lettres, nous demanderons au Seigneur de vous conserver longues années et de rendre vos diocésains parfaitement soumis au joug de la religion.

  A011000912 

 L'orayson, l'aumosne et le jeusne sont les trois parties qui composent le cordon difficilement rompu par l'ennemi; nous allons, avec la divine grace, essayer d'en lier cest adversaire....

  A011000934 

 Pleut a Dieu seulement que j'y portasse quelque mediocrité de vos perfections pour le service [de] sa divine Majesté, laquelle je prie continuer longuement en santé Vostre Paternité, a laquelle baysant les mains, je demeureray.

  A011000956 

 Notre ami de la Servette est sur le point de partir; d'autre part je roule en mon esprit des Méditations sur les mutations des hérétiques de notre temps.

  A011000970 

 En effet, j'ai pensé que dans ce temps solennel de pénitence où vous me remettriez même les péchés commis contre vous, j'obtiendrais facilement grâce pour les omissions.

  A011000970 

 Vos lettres me sont si agréables [109] que, bien que le papier en soit tout endommagé par un continuel maniement, je trouve chaque jour tant de charme à les relire qu'elles me paraissent toujours récentes, surtout lorsqu'elles ne sont pas datées.

  A011000970 

 » Puisque me voilà prêt à recevoir toutes les conditions que vous voudrez m'imposer, oubliez tout..

  A011000984 

 Mais je sens la difficulté de l'entreprise, et de plus, il me manque les troupes auxiliaires dont j'aurais besoin: je veux dire les livres nécessaires à un homme qui ne garde en sa mémoire qu'un très petit bagage de connaissances..

  A011000984 

 Vous désirez voir les premières pages de mon ouvrage contre les hérétiques; je le désire aussi extrêmement, et je ne porterai pas mes enseignes dans les rangs de l'ennemi avec toute l'ardeur que mérite cette cause, avant que vous ayez approuvé mon dessein, le plan de la bataille et la tactique adoptée.

  A011001015 

 Supposer que, si bien protégé et défendu, vous pouviez être blessé par quelque changement survenu dans les choses d'ici-bas, ce ne pouvait être que vaine imagination d'un esprit faible.

  A011001021 

 Ceux-ci se confient dans des chariots et ceux-là dans des chevaux; mais nous, c'est dans le nom du Seigneur que nous espèrerons, si toutefois les paroles de David peuvent être citées au milieu de ces rodomontades.

  A011001022 

 Des prédications plus nombreuses m'empêchent de donner à nos Méditations contre les hérétiques toute l'attention qu'il faudrait.

  A011001022 

 Je n'ignore pas, mon Frère, combien mes lettres vous sont agréables; je le devine en effet facilement, puisque les vôtres me causent un si vif plaisir.

  A011001023 

 Attends, attends encore; commande, commande encore; et plaise au ciel, pour continuer à employer les paroles d'Isaïe, qu'ils ne se retirent pas, qu'ils ne tombent pas en arrière et qu'ils ne se brisent..

  A011001023 

 Il m'écrit qu'il a un très ardent désir de donner à l'œuvre commencée ici une plus grande impulsion par son industrie et son action personnelles, et voici ce qu'il nous recommande: Si ceux qui sont conviés à la noce refusent l'invitation d'un premier, d'un deuxième, d'un troisième serviteur, il faut en appeler un quatrième qui les force à entrer.

  A011001023 

 Qu'il vienne donc lui-même, qui vaudra tous les autres ensemble, et qu'un quatrième lui succède enfin.

  A011001035 

 Par la grace de Dieu, nous sçavons que celuy qui perseverera sera sauvé, et que l' on ne donnera la couronne qu'a celuy qui aura legitimement combattu, et que les momens de nos combatz et de nos tribulations operent le prix d'une gloire eternelle..

  A011001062 

 C'est grand cas combien de pouvoir a la commodité de ceste vie sur les hommes.

  A011001062 

 Ce pendant je ne perds point d'occasion de les accoster; mays une partie ne veulent pas entendre, l'autre partie s'excuse sur la fortune quilz courroyent quand la trefve romproit avec Geneve, silz avoyent faict tant soit peu semblant de prendre goust aux raysons catholiques; qui les tient tellement en bride quilz fuyent tant quilz peuvent ma conversation.

  A011001062 

 Et ne faut pas penser d'apporter aucun remede a cela, car de leur apporter en jeu l'enfer, la damnation, ilz se couvrent de la bonté de Dieu; si on les presse, ilz vous quittent tout court.

  A011001062 

 Et toutefois, ayant presché en ceste ville ordinairement toutes les festes, et bien souvent encor parmi la semayne, je n'ay jamays esté oùy des huguenotz que de troys ou quatre qui sont venuz au sermon quatre ou cinq fois, sinon a cachetes, par les portes et fenestres, ou ilz viennent presque tous-jours, et les principaux.

  A011001062 

 Neant-moins il y en a quelques uns qui sont desja du tout [120] persuadés de la foy; mays il ni a point de moyen de les tirer a la confession d'icelle pendant l'incertitude de l'evenement de ceste trefve.

  A011001063 

 Au reste, tous les benefices de ce pais sont es mains des seculiers, ou bien peu s'en faut; on attendoit que leurs Altesses en fissent lascher quelques uns pour l'entretenement de quelques prædicateurs, mays nous en sommes encor là, sans autre ordre que celuy que le Gouverneur y a mis par provision..

  A011001064 

 Aussy seroit il bien dommage qu'un autre employast icy sa peyne pour neant, qui pourroit faire plus de fruict ailleurs que moy, qui ne suys encor gueres bon pour præcher autre que les murailles, comme je fais en ceste ville..

  A011001084 

 Revu sur l'Autographe conservé à Enghien (Belgique), chez les RR. PP. Jésuites, maison Saint-Augustin.

  A011001090 

 Dirai-je, mon Frère, avec quelle joie intime j'ai reçu avant-hier votre lettre et celle du très digne P. Antoine Possevin? Si le seul souvenir de l'un de vous séparément suffît d'ordinaire pour délecter toute mon âme, qu'en a-t-il été, je vous le demande, non du souvenir seulement, mais de ce gage précieux de la bienveillance de l'un et [122] de l'autre à mon égard? Une lettre est déjà comme un portrait de celui qui écrit; mais l'image de Possevin est si naturelle dans ce charmant ouvrage de la Poésie et de la Peinture que, pour se représenter et se peindre soi-même avec tant de grâce et d'exactitude, il n'a certainement pas emprunté les pensées d'autrui.

  A011001091 

 En effet, voici enfin que commencent à jaunir quelques épis de cette grande moisson, et si, à cette époque malheureuse, je ne les [123] recueillais à temps, il serait à craindre que les grains de la vraie foi ne fussent dispersés, surtout si le vent du nord venait à souffler plus fort en ces quartiers; car tout mal vient du côté de l'aquilon, selon l'expression du Prophète.

  A011001091 

 La crainte de la perte de ses biens, les reproches des amis, l'incertitude de la durée des trèves, tout se réunit pour entraver sa conversion.

  A011001091 

 Malgré ses erreurs grossières sur presque tous les points de notre croyance, il avait depuis longtemps des idées justes sur la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie; ainsi ce fut chose aisée de le détacher de la secte de Calvin, laquelle se trompe et trompe les autres en ce qui concerne cet auguste Sacrement.

  A011001092 

 Ainsi, par leurs présents si pieux et si saints, tous les deux, remplis de bienveillance à mon égard, impriment plus profondément Jésus-Christ dans mon cœur.

  A011001092 

 Cependant je ne veux pas vous laisser ignorer avec quelle unanimité de sentiments les PP. Possevin et Chérubin m'ont prévenu.

  A011001105 

 Revu sur l'Autographe conservé à Enghien (Belgique), chez les RR. PP. Jésuites, maison Saint-Augustin.

  A011001110 

 Mais je dois prévenir les Annéciens du jour de son arrivée, afin que, si sa bienveillance pour moi le décide à venir, ils ailllent l'attendre à mi-chemin et ne soient pas privés de la visite d'un tel homme... vous salue... [129].

  A011001123 

 Cet ecclésiastique veut être chanoine, mais nous nous y opposons; car, en vertu de nos Constitutions, confirmées par un décret apostolique, nous devons exclure tout candidat qui ne serait pas noble dans les deux souches ou n'aurait pas le grade de docteur.

  A011001123 

 Martin V menace d'excommunication les chanoines, et le Prévôt nommément, s'ils donnent leur consentement en telle occasion..

  A011001124 

 Si la chose peut se faire en sûreté de conscience, je n'y mets pas d'obstacle, les autres non plus; au contraire, nous désirons tous qu'il soit chanoine dans les meilleures conditions, car c'est un homme docte et pieux.

  A011001148 

 A peine ai-je pu jusqu'ici en savourer quelques pages, entraîné que j'étais, soit par les prédications, soit par d'autres affaires.

  A011001149 

 Fallait-il les poursuivre ou les abandonner?.

  A011001179 

 Je rends les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par le malheur d'un ami commun.

  A011001182 

 Qui ne sait, en effet, que des écrits tels que les vôtres ne sortent pas de mon pauvre atelier et que de petits esprits ne peuvent traiter de si grands sujets? Et en vérité, si j'ai énoncé le premier ou rappelé à votre mémoire quelques idées que sans doute vous connaissiez déjà, soit, attribuez-le moi; mais ce ne sont là que des tables rases et brutes qui doivent disparaître sous une peinture si achevée.

  A011001183 

 Pour moi, étant chez nos parents de Sales, au milieu des oiseaux qui chantent le printemps, j'ai admiré et admiré encore dans tous ses détails ce très suave poème, et il ne faut pas que vous ignoriez ceci: je ne crois pas [138] qu'on ait jamais chanté plus belle ode que celle où, avec autant d'esprit que d'élégance, vous rappelez les larmes d'Alexandre le Grand, au point.

  A011001188 

 Portez-vous bien; aimez, comme vous le faites, votre très humble frère, et s'il vous plaît, saluez en mon nom tous les nôtres, en particulier ma très illustre sœur qui ne m'est pas autrement....

  A011001216 

 C'est pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur; car vous n'êtes pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'emploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour le Christ.

  A011001216 

 Il n'est pas étonnant que celui qui a écrit si souvent à tous les Chrétiens reçoive aussi des lettres de plusieurs, pour cela seul qu'ils sont Chrétiens..

  A011001216 

 Tel est l'éclat de la vertu, vous le savez mieux que personne, très vénéré Père, qu'aucune distance ne peut l'empêcher d'être aperçue [140] et, par sa lumière, d'illustrer ceux qui la possèdent et les rendre aimables à quiconque honore au moins le nom de la vertu.

  A011001217 

 Ayant donc su que je n'étais pas à une grande distance de vous, et que nous n'étions séparés, pour ainsi dire, que par le seul lac Léman, j'ai pensé ne point vous être désagréable et m'être extrêmement utile [141] à moi-même, si, ne pouvant m'entretenir avec vous, je vous adressais par lettres, à l'occasion, des questions sur les matières théologiques et sur les difficultés qu'elles présentent, afin de recevoir aussi par lettres vos instructions.

  A011001217 

 Il est écrit en effet: Interroge l'ancienne génération, recueille avec soin les souvenirs de nos pères, et ils t'enseigneront; ils te parleront et te feront entendre le langage de leur cœur..

  A011001218 

 Voyant dans des entretiens familiers, que le témoignage de l'antiquité faisait impression sur lui, je lui prêtai votre Catéchisme qui contient les enseignements des Pères rapportés au long par Busée.

  A011001219 

 Comme dernièrement j'appliquais au libre arbitre de l'homme ce passage de la Genèse: Ton appétit sera sous ta puissance et tu le domineras, Poncet objecta, d'après Calvin, que les mots ejus et illius se rapportent à Abel, en sorte qu'on doit interpréter: tu domineras ton frère, et non le péché.

  A011001219 

 Or, je ne pouvais suffisamment réfuter cette objection, même avec le secours des œuvres de Bellarmin; les livres nécessaires pour cela me manquent ici, car il est arrivé que je n'en ai apporté avec moi qu'un petit nombre traitant des controverses de notre temps.

  A011001261 

 Ces officiers laïques croyaient pouvoir châtier indifféremment pour ces délits aussi bien les ecclésiastiques que les laïques, et cela en vertu d'un privilège spécial accordé par Sa Sainteté aux sérénissimes prédécesseurs de Son Altesse.

  A011001261 

 Les officiers de l'illustrissime duc de Nemours et de Genevois commençaient à faire la recherche des délits d'usure commis par [148] les ecclésiastiques dans le diocèse de Genève, et même de la contravention faite à un édit annuel de Son Altesse Sérénissime défendant la vente des blés et autres grains hors du marché.

  A011001261 

 Or, le Sénat ne trouve aucun semblable privilège dans les archives ducales, et sachant que depuis peu en pareil cas Son Altesse avait interdit à ses ministres de porter la main sur l'Arche du Seigneur, et que même elle avait ordonné qu'on laissât cette affaire aux prélats, il a écrit encore sur ce sujet à Son Altesse pour connaître d'une manière générale sa volonté..

  A011001262 

 Il ne sera pas difficile à Son Altesse d'interdire de nouveau de tels actes à ses ministres et subordonnés, puisqu'une fois déjà elle les a défendus et qu'elle a toujours porté un grand respect à la sainte Eglise.

  A011001274 

 Je voudrois bien vous salluer avec autre occasion que cellecy, mays les occasions ne sont pas en nostre pouvoir; elles viennent, nous ne les allons pas querir..

  A011001280 

 A Necy, le dernier julliet 95, ou je bayse bien humblement les mains de monsieur et madame de Monthou, mes cosin et cosine..

  A011001302 

 Bien plus, les Genevois allaient répétant avec orgueil qu'un certain Démosthène de leur école avait réfuté les arguments de Sponde avec tant d'éloquence et des raisons si [154] probantes que l'auteur avait d'abord renoncé à sa religion, puis, bientôt après, perdu la raison.

  A011001302 

 Ce qui m'empêchait de m'en rapporter à leur témoignage, c'était d'une part leur supériorité dans l'art de mentir, et de l'autre, l'insigne impudence avec laquelle ces mêmes hommes affirmaient dernièrement que Poncet était affreusement tourmenté du démon, et que je passais les nuits à l'exorciser en secret pour chasser l'esprit immonde.

  A011001302 

 Les prédicants de Genève et du Chablais, ne sachant comment tondre un personnage si important, disaient qu'en punition du serment violé, cet homme, devenu fou furieux, était caché dans quelque coin de la France.

  A011001318 

 On ne saurait croire combien de pensées inquiétantes agitaient mon âme attristée, relativement à vous et à tous les vôtres, qui deviez, des premiers, comme il arrive, être mis en péril.

  A011001334 

 Voici enfin, mon Frère, qu'une porte plus large et plus belle s'ouvre à nous pour entrer dans cette moisson de Chrétiens, car il s'en fallut peu hier que M. d'Avully et les syndics de la ville, comme on les appelle, ne vinssent ouvertement à la prédication, parce qu'ils avaient ouï dire que je devais parler du très auguste Sacrement de l'autel.

  A011001335 

 De mon côté, j'ai fait encore ceci dans cette chasse: j'ai promis qu'à la prédication suivante je mettrais, par les Ecritures, ce dogme en plus grande lumière que le plein midi, et que je l'appuierais [158] d'arguments si puissants que nos adversaires, sans aucune exception, à moins qu'ils n'aient renoncé au bon sens et à la raison, reconnaîtraient qu'ils sont aveuglés par les épaisses ténèbres dans lesquelles ils sont plongés.

  A011001335 

 Ils savent bien que ces espèces de rodomontades les invitent à descendre dans l'arène, en sorte que s'ils ne venaient pas ils seraient tenus pour gens tout à fait pusillanimes, qui redouteraient de se mesurer avec la religion catholique, même quand elle est défendue par je ne sais quel homme de rien..

  A011001336 

 En effet, ainsi que nous l'a appris l'avocat du Crest, les Thononais ont résolu d'un commun accord de nous présenter par écrit leur confession de foi dans les points où elle diffère de la nôtre, afin que nous puissions les discuter en particulier ou dans des entretiens familiers ou par écrit.

  A011001336 

 Quelques-uns voulaient charger le ministre de cette négociation, mais d'autres plus prudents furent d'avis contraire, [159] craignant qu'il n'engageât la lutte avec nous et ne fût vaincu par les subtilités scholastiques, car il ne sait rien de la philosophie..

  A011001337 

 Assurément nous sommes en bonne voie puisqu'ils acceptent le combat par leur lieutenant, que nos si petites forces les effraient et qu'ils pensent à nous proposer des conditions.

  A011001355 

 Quant à ce que vous m'écrivez de notre baron, c'est une mauvaise nouvelle pour les méchants qui suivent une religion de fer; et moi je souffre parce que l' espérance différée afflige l'âme.

  A011001355 

 Voilà bien en effet un des grands malheurs de notre temps: la crainte est plus nuisible que le mal lui-même à ceux qui, entre les honnêtes gens, ou pour employer l'expression du Texte sacré, les hommes de cœur, voient les choses de loin.

  A011001355 

 » [161] S'il en est ainsi, que la paix règne par la force du Seigneur! J'augure que cette paix sera d'autant plus heureuse que je la vois être plus désagréable à tous les hérétiques de Genève..

  A011001356 

 Je presse maintenant davantage ces messieurs de Thonon, et les presserai encore beaucoup plus lorsque j'aurai conduit à terme, suivant ma capacité, le petit ouvrage que je méditais depuis longtemps, et que vous aurez approuvé mon entreprise.

  A011001357 

 Mais parce qu'il sent sa conscience ébranlée par les arguments des Catholiques, il fuit le Christ Notre-Seigneur qui le poursuit..

  A011001357 

 Son désir serait, si j'ai bien compris, que je vous les fisse parvenir pour vous féliciter non pas en son nom, mais au mien.

  A011001380 

 J'ai en effet, dans mes Commentaires, un chapitre où, d'après cette règle, je voudrais forcer les hérétiques à produire leurs preuves, bien que leur théologie soit plus négative qu'affirmative.

  A011001380 

 Je vous enverrai le plus tôt possible un chapitre de mes Commentaires contre les hérétiques, dans lequel je m'efforcerai de montrer que, loin d'être les vrais réformateurs de l'Eglise, ils font revivre les anciennes hérésies.

  A011001380 

 Mettez, s'il vous plaît, tous vos soins à le bien établir, afin que désormais les ministres me redoutent d'autant plus qu'ils verront plus clairement que je combats sous votre égide..

  A011001380 

 » Veuillez ajouter les preuves a priori et a posteriori, et cela en français.

  A011001392 

 En fin, en ce balliage chacun manie les Institutions; je suis es lieux ou chacun sçait ses Institutions par cœur.

  A011001392 

 Quant a Beze, [166] j'ay sceu despuis, que tant s'en faut qu'il escrive pour appoincter de religion, que son livre monstre le differend estre inappoinctable et rejette l'opinion d'un autre de mesme forme qui vouloit mesler les tenebres avec la lumiere; mays comme je n'en sçavois rien que par ouÿ dire, aussy j'avois esté trompé de l'autre costé pour trois relaps, gens de simple condition et de peu d'importance..

  A011001394 

 Si est il, a mon advis, necessaire que les necessités particulieres [soient] sceües, et revelees par ceux qui les voyent.

  A011001409 

 Puysqu'il plaict a Vostr' Altesse de sçavoir les moyens que je pense estre plus pregnans pour faire sortir en effect le saint desir qu'ell'a de voir ces peuples de Chablaix reunis a l'Eglise Catholique, comme j'ay appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pleu d'en escrire, je diray purement et fidellement ce que j'en crois..

  A011001410 

 A faute dequoy voyci la second'annëe qui se passe des qu'on a commencé de precher icy a Thonon, sans jamais interrompre, avec fort peu de fruict, tant par ce que les habitans n'ont voulu croire qu'on prechast par commandement de Vostr'Altesse, ne nous voyans entretenir que du jour a [168] la journee, qu'aussy par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni dequoy les nourrir, puysque les frais mesmes qui s'y sont faitz jusqu'a present ne sont encor paÿés.

  A011001410 

 Et a cecy pourroyent suffire les pensions qu'on employoit avant la guerre a l'entretenement de passé vingt ministres huguenotz qui prechoyent en ces balliages, sil playsoit a Vostr'Altesse de commander qu'avec une prompt'execution elles y fussent appliquëes..

  A011001411 

 Encores seroit il necessaire de faire redresser les eglises et y establir revenu convenable pour les curés qui en auront la charge, ne pouvans les precheurs s'attacher a aucun lieu particulier, mays devans estre libres pour aller par tous ces balliages comme la necessité portera.

  A011001411 

 Et sur tout il est besoin au plus tost de dresser et parer les eglises de ceste ville de Thonon et de la parroisse des Alinges, et y loger des curés pour l'administration des Sacremens, veu qu'en l'un et en l'autre lieu il y a ja bon nombre de Catholiques et plusieurs autres bien disposés qui, faute de commodités spirituelles, se vont perdans; outre ce, que cela servira beaucoup pour apprivoiser le peuple a l'exercice de la religion Catholique, principalement sil y a moyen de faire les offices honnorablement, comm'avec orgues et semblables solemnités, au moins en ceste ville qui est le rapport de tout le duché..

  A011001412 

 Ce leur sera, Monseigneur, une douce violence qui les contraindra, ce me semble, de subir le joug de vostre saint zele, et fera une grand'ouverture en leur obstination.

  A011001412 

 Mays l'on prechera pour neant si les habitans fuyent la prædication et conversation des pasteurs, comm'ilz ont faict cy devant en ceste ville.

  A011001412 

 Playse donques a Vostr'Altesse fair'escrire une lettre aux scindiques de ceste ville, et commander a l'un des messieurs les [169] Senateurs de Savoÿe de venir icy convoquer generalement les bourgeois, et en pleyn'assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr' Altesse a prester l'oreille, entendre, sonder et considerer de pres les raysons que les precheurs leur proposent pour l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz furent arrachés sans rayson, par la pure force des Bernois; et ce, en termes qui ressentent la charité et l'authorité d'un tres bon prince, comm'est Vostr'Altesse, vers un peuple desvoÿé.

  A011001413 

 Monsieur d'Avully aussy, avec son exemple et la sollicitation familiere quil pourra faire vers les particuliers, aydera beaucoup a l'œuvre; ce que je crois quil fera volontiers selon la bonne volonté et disposition quil a, en laquelle mesme je l'ay tous-jours veu des le commencement que je vins icy..

  A011001414 

 Apres cela, dresser une compaignie de gens d'armes ou cavallerie pour engager la jeunesse, suyvant l'advis de feu monsieur le baron d'Hermance, pourveu qu'elle fut dressëe religieusement, avec quelques institutions chrestiennes, ne seroit pas un moyen inutile d'attirer les courages a la religion; ny aussy, en cas d'obstination, de priver a forme des edictz de tous offices de justice et charges publiques les persistans en l'erreur.

  A011001430 

 A faute dequoy voicy la second'annëe que l'on preche icy a Thonon sans beaucoup de fruict, tant par ce que les habitans ne peuvent croire que ce soit par l'aveu ou bon playsir de V. A., ne nous voyans entretenir que du jour a la journee, que par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste sainte besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni moyen de les y nourrir, mesme que la despence qui s'y est faite jusqu'a present n'a encor esté payëe.

  A011001430 

 A quoy pourroyent suffire les pensions qu'on employoit avant ces guerres a l'entretenement de vingt et tant de ministres huguenotz qui [172] prechoyent en ce duché, sil playsoit a V. A. de commander qu'avec une prompt'execution elles y fussent appliquëes..

  A011001431 

 Encores seroit il necessaire de faire redresser quelques eglises en quelques lieux qui seroyent jugés plus a propos, avec les autelz bien proprement parés, pour apprivoyser les habitantz a l'exercice de la religion catholique; et en ces lieux la establir revenu competent pour les curés qui en auront charge, ne pouvans les precheurs demeurer fermes en aucun lieu, mays devans discourir de costé et d'autre pour l'instruction de tout le duché, et mesme des deux autres balliages, s'il y eschoit.

  A011001431 

 Et puys, de main en main, a mesure qu'on jugera convenable, faudra ainsy par toutes les parroisses remettre sus l'exercice de la foy catholique et y colloquer des pasteurs..

  A011001431 

 Mays sur tout il faudroit qu'au plus tost on dressat l'autel et fit on parer l'eglise en ceste ville et de la parroisse des Alinges, et qu'on y logeat des prestres pour y administrer les Sacremens, y ayant en l'un et en l'autre lieu bon nombre de Catholiques, et plusieurs autres prestz a se convertir quand ilz verront bon ordre en cest affaire, qui, faute de ce secours, se perdent bien souvent.

  A011001432 

 Ceste bonté et authorité fera, ce me semble, une bien grande ouverture a leur obstination, et mettra les voysins en admiration de la suavité de vostre domination.

  A011001432 

 Et par ce que l'on precheroit pour neant, sur tout en ceste ville, si les habitans fuyoyent les precheurs et la predication, comm'ilz ont faict cy devant, et ne veulent prester l'oreille a l'instruction ni conferer avec ceux qui viendront, je crois, Monseigneur, que sil plaict a V. A. fair'escrire une lettre au cors de ceste ville, et commander encores a l'un de messieurs les Senateurs de Savoÿe de venir icy faire assembler le conseil general des bourgeois de ceste ville, et en pleyne assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse a prester l'oreille, ouyr, sonder et considerer de [173] pres les raysons et predications de l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz ont estés arrachés par les Bernoys sans aucune rayson, et ce en termes qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon prince, vrayement catholique comm'est V. A., vers un peuple desvoÿé, ce leur sera une douce violence qui les contraindra de subir librement le saint joug de vostre zele.

  A011001433 

 Monsieur d'Avully aussy, avec son exemple et la sollicitation familiere quil pourra faire vers les particuliers, aydera beaucoup a l'œuvre, ce que je crois quil fera volontiers, selon la bonne volonté et disposition quil a, en laquelle mesme je l'ay tousjours veu des le commencement que je vins icy..

  A011001460 

 Au matin, comme nous longions les remparts de Genève, j'appris que vous en étiez parti à l'aube de ce même jour.

  A011001460 

 Comme pour attiser, si toutefois la chose eût été possible, le désir dont je brûlais de jouir de votre présence, vous sembliez imiter l'industrie de celle « qui s'enfuyait vers les saules, tout en cherchant auparavant à se faire voir.

  A011001460 

 Sur les instances de nos amis, je fus obligé de me rendre, partie de jour et partie de nuit, au lieu et au jour convenus pour y traiter certaines affaires concernant le clergé.

  A011001462 

 Si notre nacelle occupe un rang inférieur, que du moins elle soit en sécurité dans le port, de peur que si elle voulait livrer sa voile au vent, elle ne s'exposât à une grande tempête et ne fût couverte par les flots..

  A011001463 

 Récemment, dans une lettre très élégante et très aimable, il [179] m'a écrit les jugements avantageux que portaient sur moi le prince et le Nonce apostolique, et exposé amplement son inclination personnelle pour moi, qui lui suis d'ailleurs inconnu.

  A011001464 

 Je désire le voir avec autant d'ardeur que d'autres aiment à voir les enfants légitimes de leurs amis.

  A011001464 

 Quant au poème sur les mystères de l'Eucharistie, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez le dédier à l'Evêque.

  A011001466 

 Mille saluts à tous les nôtres..

  A011001506 

 Que les autres disent ce que bon leur semble; quant à moi je dis que pour remédier aux maux et aux afflictions de ces églises savoisiennes, il fallait un guide, un médecin qui fût non seulement capable et très prudent, mais encore zélé et compatissant..

  A011001507 

 Afin de commencer [184] à exécuter les ordres qui me sont intimés par sa lettre, je la renseignerai fidèlement, et aussi souvent que faire se pourra, sur tout ce que je jugerai digne d'être porté à sa connaissance et à celle de Sa Sainteté pour le bien spirituel de la Savoie.

  A011001508 

 Bon nombre des habitants, plus touchés du fracas des arquebuses que des prédications qui leur étaient faites par ordre de Monseigneur l'Evêque, revinrent à la foi et rentrèrent dans le sein de notre mère la sainte Eglise; mais ensuite ces contrées ayant été infestées par les incursions des Genevois et des Français, le peuple retomba dans son bourbier.

  A011001508 

 Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir produire d'heureux fruits; dès lors, soit par moi-même le plus souvent, soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été contraints de l'omettre.

  A011001508 

 Son Altesse Sérénissime d'un côté, et Monseigneur notre Révérendissime Evêque de l'autre, voulant remédier à ce mal, je vins ici par ordre de mondit [185] Révérendissime Evêque, non comme médecin capable de guérir tant d'infirmités, mais plutôt comme explorateur et comme fourrier, afin d'examiner les moyens à prendre pour pourvoir le pays de remèdes et de médecins.

  A011001508 

 Une partie de ce diocèse de Genève fut envahie par les Bernois, il y a soixante ans, et demeura hérétique; mais, ces années passées, ce pays, par la force des armes, rentra sous la domination de Son Altesse et fut réuni à son antique patrimoine.

  A011001509 

 Ce serait un grand secours pour nous si Son Altesse commandait au gouverneur de la province de favoriser les convertis, d'inviter les obstinés, et de les priver [en cas de refus] de toute charge et de tout honneur public, et surtout s'il ordonnait à l'un des membres du souverain Sénat de Savoie de venir ici à Thonon exhorter les habitants..

  A011001509 

 Et en outre, il devrait être pourvu dans le même temps aux besoins de quatre ou cinq paroisses qui ont demandé des prêtres pour les [187] desservir.

  A011001509 

 Il faudrait avoir des moyens et des revenus assurés pour nombre de prédicateurs qui pussent répandre la sainte parole dans les diverses parties de cette province hérétique.

  A011001509 

 Il faudrait d'autres revenus destinés aux prêtres qui doivent demeurer dans les paroisses converties pour y administrer les Sacrements; car les prédicateurs ne peuvent se fixer dans un lieu particulier, mais doivent être libres pour se rendre là où les besoins des populations les réclameront.

  A011001509 

 Pour [186] que le saint désir de Son Altesse Sérénissime s'effectue, [plusieurs mesures sont à prendre,] selon les articles que je lui en envoyai, il y a longtemps, dans lesquels je lui indiquai ce que j'estimais nécessaire.

  A011001510 

 Le plus important consiste à prendre les moyens pour avoir les revenus nécessaires; car bien qu'il y ait en ce pays bon nombre de bénéfices, ils sont détenus par diverses personnes, et surtout par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A011001522 

 La disposition en laquelle je vois maintenant ce peuple de Chablaix est telle que si, en execution de la sainte intention de Vostr'Altesse, on dressoit prontement l'eglise a Thonon et quelques autres lieux, je ne doute point d'asseurer Vostr'Altesse qu'elle verroit dans peu de moys le general de tout ce pais reduict, puysqu'en la ville plusieurs sont si bien disposés et les autres, tant esbranlés en leur conscience, que si on leur presente l'occasion ilz prendront infalliblement le port que Vostr'Altesse leur desire.

  A011001559 

 Dans cette ville de Thonon, rendez-vous de toute la province, beaucoup sont bien disposés, et presque tous les autres, si ébranlés dans leur conscience que s'ils voyaient l'exercice de la religion catholique rétabli, ils se rendraient facilement et en peu de jours.

  A011001559 

 Quant aux lieux circonvoisins, les [190] principaux de dix ou douze paroisses sont déjà venus demander l'exercice du culte catholique, si bien que différer en semblable affaire me paraît grand dommage..

  A011001560 

 Il pourra se faire qu'on en soit empêché par les Chevaliers de Saint-Lazare qui détiennent les revenus ecclésiastiques de ce pays, revenus nécessaires pour la réparation des églises et pour l'entretien des curés et des prédicateurs.

  A011001560 

 Ils ne peuvent trouver remède et soulagement que dans le signe de la Croix, l'eau bénite, les cierges bénits, les Agnus Dei et semblables pratiques sacrées que jusqu'ici ils avaient en si grande horreur.

  A011001560 

 Je crois voir en cela une douce invitation de la [191] souveraine Providence pour engager ce peuple à rentrer dans le giron de la sainte Eglise, et pour déterminer ceux qui en ont le pouvoir à leur procurer les secours nécessaires.

  A011001560 

 Mais Son Altesse se souviendra que la religion catholique est le fondement de tous les Ordres religieux, et que jamais les intérêts du prince ne seront aussi bien servis par aucune autre croix que par celle que nous tâchons de graver dans les cœurs de ses sujets.

  A011001584 

 Combien il est vrai que l'espérance différée afflige l'âme! Je le savais très certainement par les Livres Saints; mais aujourd'hui, en punition de mes péchés, j'en fais personnellement une dure expérience.

  A011001620 

 Je ne puis néanmoins indiquer à Votre Seigneurie Illustrissime, ainsi qu'elle me l'a ordonné, les noms, prénoms, patrie et diocèse des intéressés, faute d'avoir reçu la réponse de leur curé qui demeure assez loin..

  A011001620 

 Je vous en remercie avec toute humilité, comme du souvenir que vous avez eu de moi en la nécessité dans laquelle je me trouve d'obtenir la licence de lire les livres défendus.

  A011001622 

 Encore qu'ils fussent aptes au ministère des âmes dans les lieux où tout est en paix, beaucoup d'entre eux toutefois ne sauraient s'en acquitter convenablement où l'on doit lutter et combattre.

  A011001622 

 Et pour ce qui est des bénéfices, je ne crois pas expédient de les rendre à ceux qui précédemment en avaient été pourvus, même par Sa Sainteté, à moins qu'ils ne mettent à leur place d'autres prêtres capables.

  A011001623 

 Ce serait hors de propos de vous communiquer les renseignements promis, jusqu'à ce que la paix soit rendue à ce pays désolé.

  A011001623 

 Je le ferai alors avec le plus grand soin, avec tout le dévouement que je dois au service de la sainte Eglise, et peut-être pourrai-je les porter moi-même à Votre Seigneurie Illustrissime.

  A011001637 

 Et c'est la ou se rapporte la premiere partie du commentaire, quand il dict: « Mortui vero nihil valent adjicere; » c'est a dire, ilz ne peuvent plus acquerir de merites ni de justice, mais ilz peuvent bien percevoir le fruict de celle quilz ont eu en ce monde, et en vertu de la communion des Saintz, en laquelle ilz sont decedés, peuvent estr'aydés par les prieres, ausmones et satisfactions.

  A011001637 

 Et le secours que les ames qui sont en Purgatoire reçoyvent, n'est autre qu'une recompense de la communion de l'Eglise en laquelle les personnes chrestiennes meurent, communion par laquelle elles ont merité d'estr' aydëes par nos prieres.

  A011001637 

 Je vous envoye le commentaire de saint Hierosme tout au long, duquel ont estés tirees les paroles qui [198] vous faysoyent difficulté.

  A011001638 

 [199] Je ne sçai si elles auront esté instruittes a plein fons, et partant je vous supplie, ou par lettre ou autrement, les consoler.

  A011001644 

 A Sales, le 10 may 96, ou je bayse les mains de madame vostre compaigne et de toute vostre honorable brigade..

  A011001678 

 J'ai le cœur brisé de me voir hors d'état de satisfaire des paroisses entières qui désirent être rassasiées de la sainte doctrine catholique, faute d'avoir les moyens de leur envoyer à cet effet un nombre suffisant de prédicateurs et de pasteurs.

  A011001678 

 Que si, comme il convient, on donne promptement des ordres, je reviendrai sûr et certain de voir bientôt mûrir une heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes; si au contraire on ne les donne pas, je demanderai votre bénédiction et la permission d'abandonner cette entreprise à d'autres plus capables que moi.

  A011001679 

 Contre toutes ces langues je trouve une protection suffisante dans la bonté de Votre Seigneurie; du reste, les calomniateurs ne lanceront jamais les eaux de leurs détractions avec tant de profusion qu'elles puissent éteindre le zèle dont brûle le cœur de leurs Altesses Sérénissimes..

  A011001680 

 Ils sont en cela favorables aux hérétiques, qui calomnient toutes les conversions opérées de notre temps afin d'empêcher l'effet que produit ordinairement l'exemple des plus notables sur les consciences du peuple.

  A011001712 

 Et en cela, il n'y a de toute façon aucun péril à courir, si ce n'est celui d'abandonner l'entreprise et de fuir de Bethléem, au cas où ces négociations de paix aboutiraient à une guerre; ce qui traverserait [les intérêts de la religion] non seulement en Chablais, mais dans plusieurs autres lieux de ce diocèse.

  A011001737 

 Les affaires m'assiégeaient de toutes parts, à tel point que, je vous le dis en parfaite sincérité, je ne me suis pas appartenu un seul instant à Annecy.

  A011001738 

 [208] Si vous permettez que l'on vous considère comme Président (c'est ainsi que je parle à la façon des hommes de cour), nous aurons un Président non seulement très désiré ici, mais tel qu'il nous le faut dans les circonstances où nous nous trouvons.

  A011001740 

 De notre affaire de Thonon, que vous dirai-je, mon Frère? M. de Jacob nous a fait les plus belles promesses.

  A011001740 

 Nous saisissons toutes les occasions d'intéresser le prince à notre cause, soit par l'entremise du Nonce apostolique, soit par celle des Jésuites et des Capucins.

  A011001801 

 Il faut faire à ce sujet les considérations [213] suivantes: l'une, que les curés de ces églises n'ont eu que depuis peu de temps connaissance de ces legs et qu'ils connaissaient moins encore le décret romain; c'est donc de leur part une ignorance invincible.

  A011001801 

 L'autre, que si les susdits curés ont été dans une ignorance crasse, ce n'est pas aux paroisses ni aux églises à en subir le dommagé et la peine.

  A011001801 

 L'on doit aussi avoir égard à la calamité qui a jusqu'ici fermé les passages d'Italie; ces curés de campagne n'étaient pas obligés à des démarches pour obtenir des passeports de Son Altesse, car ainsi ces legs auraient été consumés en dépenses qu'ils ne sont pas en mesure de faire.

  A011001801 

 Les administrateurs de cette fabrique, voyant que ces legs n'ont pas été payés au temps marqué, prétendent les retenir.

  A011001801 

 Or, il existe à Rome, à ce que l'on dit, un décret d'après lequel les legs pour oeuvres pies qui ne sont pas acquittés dans le cours de l'année, doivent être appliqués à la fabrique de [Saint-Pierre de] Rome.

  A011001802 

 Je ne laisserai pas de la prier en toute humilité de poursuivre, avec son zèle accoutumé, les instances auprès du duc pour la restauration spirituelle de cette province du Chablais.

  A011001822 

 Dans le cas où vous échangeriez difficilement la [217] compagnie des pasteurs de la ville contre la société de ceux de la campagne, nous comptons du moins que vous viendrez avec les Rois de l'Orient.

  A011001822 

 Elle m'a fait d'autant plus de plaisir qu'elle me permet de conjecturer votre arrivée auprès de nous; car, ainsi qu'il advient ordinairement dans les grands désirs, le moindre indice de leur réalisation produit une espérance qui tient de la certitude.

  A011001822 

 Si donc ce que nous attendons s'effectue par la grâce de Dieu: qu'en ces lieux, durant les jours consacrés aux fêtes de sa Nativité, le Christ, redevenant pour ainsi dire petit enfant, naisse enfin de nouveau parmi ce peu de fidèles qu'il a ici, je vous préviendrai très certainement de tout, puis je vous appellerai pour être témoin oculaire.

  A011001823 

 J'écris à plusieurs personnes pour recommander ces hommes, mais à condition qu'ils remettront immédiatement mes lettres à qui de droit, si vous le jugez utile; sinon, ils les rapporteront... [218].

  A011001823 

 Je vous supplie donc instamment de les aider de votre action et de votre influence en cette affaire.

  A011001854 

 J'ai reçu l'ordre de Son Altesse pour percevoir les trois cents écus destinés à couvrir les dépenses déjà faites, en même temps que la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime.

  A011001854 

 J'en remercie très humblement votre bonté, ainsi que de l'autorisation d'absoudre les relaps: j'userai avec toute la discrétion qu'il plaira au Seigneur m'accorder de cette permission dont nous avions vraiment grand besoin..

  A011001855 

 Depuis que je suis revenu ainsi dépourvu des expéditions nécessaires pour cette œuvre, j'ai été la fable de ces mécréants, et néanmoins quatre-vingts personnes ont été gagnées, tant parmi les petits [219] que parmi les grands.

  A011001855 

 Si, conformément à son saint zèle, Son Altesse envoie ici un sénateur pour inviter les habitants de Thonon à l'audition de la sainte parole, ainsi que je le marquai dans le mémoire que je lui ai laissé, j'espère que cela produira un très bon effet..

  A011001856 

 Votre Seigneurie m'a rendu la vie en m'assurant que, nonobstant les plaintes des Chevaliers, nous aurons bientôt le moyen de commencer à donner un peu d'extension au culte catholique parmi ces populations; car je me suis convaincu plus que jamais qu'il est extrêmement nécessaire de leur ouvrir de saints pâturages.

  A011001857 

 Je suis bien aise que messieurs les Chevaliers estiment peu considérables les biens ecclésiastiques du Chablais, car étant si généreux, ils les cèderont volontiers pour le service de Dieu.

  A011001858 

 Si les intentions de Son Altesse s'exécutent avec zèle, il se produira un grand mouvement de conversions, surtout les négociations pour le traité de paix étant confiées à de si pieuses et saintes mains.

  A011001859 

 Mais je ne laisserai pas de vous dire que l'ennemi ne manque point de diriger contre ce chevalier tous les assauts possibles, afin d'obscurcir l'éclat qu'a eu sa conversion; il suscite contre lui beaucoup de haines, tant de la part des hérétiques que de celle des Catholiques.

  A011001861 

 Plût à Dieu que ce fût Votre Seigneurie, dont je baise les mains sacrées avec un très humble respect, suppliant le Seigneur de vous combler de bonheur..

  A011001874 

 Les scindiques de ceste ville y ont apporté de l'opposition, a laquelle par apres ilz ont renoncé.

  A011001874 

 On ne forçoit [225] personne, et ne faisoit on autre que se mettr'en la posture et au train auquel Vostre Altesse avoit laissé les Catholiques despuys ne fut elle icy, duquel ayant esté levés par force, on ne sçauroit dire pourquoy ilz ne puyssent s'y remettre toutes les fois qu'ilz en auront commodité, sous l'obeissance de Vostre Altesse..

  A011001875 

 Le zele que j'ay au service de Vostre Altesse me faict oser dire qu'il importe, et de beaucoup, que layssant icy la liberté qu'ilz appellent de conscience, selon le traitté de Nyon, elle præfere neanmoins en tout les Catholiques et leur exercice; et que partant elle se layss'entendre a ces gens quilz doivent simplement et seulement user de la permission quilz ont, sans se mesler d'empecher ceux qui, par toute rayson et par l'exemple mesme de leur souverain Prince, taschent d'avancer la foy catholique.

  A011001911 

 Ceci est le dernier effort que le démon tente contre cette œuvre, en mettant à profit les délais que l'on apporte à l'exécution des bonnes intentions de Son Altesse.

  A011001911 

 J'écris à Son Altesse Sérénissime au sujet de l'opposition que m'ont faite les habitants de Thonon quand j'ai voulu, pour célébrer ces fêtes de Noël, commencer à dresser un autel dans l'église où j'ai prêché jusqu'à présent.

  A011001911 

 Je vois toujours un plus grand nombre de personnes disposées à embrasser notre sainte foi, bien que d'autres nous suscitent des orages par les propos de leur mauvaise langue, des calomnies et semblables autres artifices diaboliques..

  A011001939 

 Le seigneur chevalier Bergere, connoissant bien que l'assignation des six pensions que l'on a faicte sur les revenus de la Religion de Saint Lazare ne peut pas joindre a l'œuvre de la reduction de ces peuples a la foy catholique, a trouvé raysonnable la proposition que je luy ay faicte que la Religion rendist absolument les cures a cest effect.

  A011001967 

 Cet expédient consiste en ce que, étant donné le traité de paix désiré, Vos Seigneuries voulussent bien céder absolument toutes les cures dont elles jouissent en ce pays avec leurs dépendances; en y ajoutant celles qui sont provenues des particuliers, on pourrait faire en ce bailliage un service religieux si éclatant que la lumière s'en répandrait de tous côtés..

  A011001967 

 Il m'a [233] donc semblé devoir proposer une fois pour toutes à Vos Seigneuries Illustrissimes un expédient qui nous mettrait à l'abri du besoin dans l'accomplissement de cette œuvre, et préviendrait l'importunité que leur occasionneraient les demandes de secours que nous serions obligés de faire de temps en temps.

  A011001967 

 Néanmoins, puisque je me vois destiné à être le fourrier et le procureur d'un grand nombre de prédicateurs et d'autres honorables ecclésiastiques qui viendront ici combattre les combats du Seigneur des armées, je ne saurai manquer de me rendre peut-être importun à Sa Sainteté, à Leurs Altesses et à Vos Seigneuries pour leur demander de nous alléger les dépenses qui croîtront de jour en jour, selon le nombre des ouvriers nécessaires au progrès de cette œuvre.

  A011001968 

 Baisant très humblement leurs mains et leur souhaitant du Seigneur notre Dieu tout vrai contentement, je les prie de me tenir pour.

  A011001992 

 A la vérité, lesdites lettres me parvinrent le jour même où j'expédiai les miennes; mais j'attendais mon retour ici pour y répondre, et à mon retour j'attendis de jour en jour la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, ce qui n'a pas encore été fait jusqu'à présent: telle est la raison pour laquelle j'ai tant tardé à vous écrire.

  A011001992 

 Il me semble [235] qu'il n'était nullement besoin d'user à mon égard du commandement in virtute sanctæ obedientiæ pour m'obliger à vous donner plus souvent des nouvelles de nos affaires, puisque votre simple volonté me presse assez fortement pour me faire accomplir les plus grandes choses qui soient en mon pouvoir..

  A011001993 

 Et pour les défrayer (car ils chercheraient en vain l'aumône parmi ces gens-ci), il faudra faire l'une de ces deux choses: ou réserver à cet effet, pendant quelque temps, deux des six pensions, ou bien prélever par voie de contribution une partie des revenus que les particuliers tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage; car des Chevaliers il ne faut rien espérer de plus.

  A011001993 

 J'ai été bien consolé en voyant que Votre Seigneurie Illustrissime goûte le projet de la conférence, pourvu qu'elle se fasse dans les conditions voulues; car je persiste à dire que depuis longtemps il ne se sera rien fait de plus avantageux à la gloire de Dieu, si les Genevois persévèrent dans cette intention, comme il me semble qu'on peut l'espérer d'après une lettre écrite au P. Chérubin le 19 février par un bourgeois de Genève.

  A011001994 

 De même, je ne vous ai point encore parlé des [238] trois cents écus destinés à couvrir les dépenses faites jusqu'ici, vu que le paiement n'en est pas achevé.

  A011001994 

 Il est vrai que M. le chevalier Bergera, porteur de ces lettres, m'a promis, moyennant l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime, de faire tous ses efforts auprès du Conseil de l'Ordre des Chevaliers, afin que toutes les cures de ce bailliage nous soient complètement abandonnées pour que le service divin puisse s'y faire entièrement; mais cela, à la condition qu'on ne leur demanderait plus rien.

  A011001994 

 Toutefois, ce bienfait et tous les autres qui nous sont venus de Son Altesse, je reconnais les devoir à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime....

  A011002019 

 Depuis quinze jours j'ai reçu les trois lettres qu'il plut à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime m'écrire: l'une du 10 décembre [239] de l'année passée, la seconde du 4 janvier et la troisième du 6, et la quatrième du 4 février.

  A011002020 

 Pour la seconde, j'ai à vous remercier le plus humblement que je le puis d'avoir, avec tant de bienveillance, pris sous votre protection les intérêts de ce diocèse, surtout en procurant que le legs de Rome nous soit réservé, nonobstant les prétentions de la fabrique de Saint-Pierre.

  A011002020 

 Puisque Votre Seigneurie me commande par sa dernière lettre d'écrire à quelque savoyard habitant Rome, afin qu'il traite de cette affaire avec les mandataires de la fabrique et qu'il recoure au Cardinal Aldobrandino, ainsi sera-t-il fait..

  A011002021 

 Hier on commença le paiement du blé: [241] demain, à ce qu'il m'a dit, on commencera les paiements en vin et en argent..

  A011002021 

 Je vois les grands embarras que Votre Seigneurie Illustrissime aura eus pour obtenir la provision en faveur des six curés, et je ne puis que m'étonner du peu de zèle de ceux qui font des difficultés en [240] un pareil sujet.

  A011002021 

 Or, à mon arrivée, ce gentilhomme me parut si bien disposé, que je dois lui rendre ce témoignage: si tous les membres du même Ordre lui ressemblaient, Votre Seigneurie Illustrissime n'aurait pas été si fort importunée.

  A011002022 

 Cependant messieurs les Chevaliers devraient penser que, dans ce pays, les prêtres souffriront disette de toutes choses, si ce n'est de procédés désobligeants.

  A011002022 

 J'avoue que cela pourrait suffire là où les desservants auraient la jouissance d'une maison et habitation et la facilité de demeurer plusieurs ensemble.

  A011002023 

 Ce Carême, j'espère en placer quatre en [242] divers endroits, et si je le pouvais je les placerais tous six.

  A011002023 

 Mais on ne saurait les introduire sans leur préparer d'abord les voies par quelques sermons catéchistiques faits par un prédicateur expérimenté; et maintenant il est impossible d'en avoir parce qu'ils sont tous retenus par les prédications quadragésimales.

  A011002023 

 Pour moi, je suis contraint de passer le Carême ici; je ne puis non plus beaucoup me déplacer, étant désormais obligé, à défaut d'autres, d'entendre les confessions pascales..

  A011002024 

 Afin d'aider à nous pourvoir de ce qui est encore requis, soit à Thonon soit dans les autres paroisses, il a bien voulu affecter à cette dépense le montant [243] des six pensions à partir du 15 janvier jusqu'au 1 er mars, époque à laquelle on a commencé le paiement.

  A011002024 

 Depuis le 1 er mars jusqu'à ce que les six curés soient installés, ces pensions courant toujours, nous pourrons peut-être réaliser une avance de soixante à soixante et dix écus pour acheter les choses les plus nécessaires et faire le moins mal possible.

  A011002024 

 Mais afin que messieurs les Chevaliers n'excitent pas la compassion de Sa Sainteté par leur pauvreté prétendue, j'assure Votre Seigneurie Illustrissime que le revenu qu'ils tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage est en moyenne de quatre mille bons ducats..

  A011002025 

 A la vérité, je ne puis comprendre comment ces clercs armés prétendent [244] qu'un curé confidentiaire puisse être capable de compter parmi les six, qui doivent avoir des mœurs un peu plus réglées que n'en ont il'ordinaire les confidentiaires..

  A011002025 

 Par un billet de M. de Ruifia, les Chevaliers témoignent désirer que plusieurs curés qui prêtent leur nom à des laïques, possesseurs actuels de certaines cures en ces bailliages, remettent ces cures, s'ils ne sont pas aptes à les desservir, à l'Ordre qui est propriétaire, par concession de Sa Sainteté, des bénéfices des bailliages; et, s'ils ont les qualités requises, qu'ils soient compris au nombre des six curés pensionnés.

  A011002026 

 Je loue le Dieu béni de ce que Sa Sainteté a quelque intention de placer dans l'abbaye d'Abondance les réformés de Saint-Bernard, et je supplie le Seigneur lui en donner une volonté absolue pour le bien des finies.

  A011002053 

 C'est surtout que j'attendais de jour en jour le départ du chevalier Bergera et la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, afin de faire ensuite une réponse plus satisfaisante, plus sûre et plus complète..

  A011002055 

 Depuis le départ de M. le chevalier Bergera je n'ai plus reçu ni argent ni autre chose, sinon les trente coupes de froment qu'il laissa.

  A011002056 

 Je n'espère donc pas un grand résultat de ces pensions avant la fin du Carême, soit parce que je manque d'argent, soit parce que nous ne pourrions retirer les prêtres des églises où ils sont occupés à entendre les confessions et à exercer d'autres ministères.

  A011002056 

 Quant à moi, je ne puis les accompagner ni les installer, me trouvant retenu ici pour la même raison..

  A011002056 

 qui ont affermé les biens de la Religion [247] et auxquels déjà il avait ordonné de payer; néanmoins ils diffèrent tant qu'ils peuvent d'un jour à l'autre.

  A011002057 

 Outre les six pensions assignées par l'Ordre de Saint-Lazare, nous en aurons après Pâques une septième des Religieux d'Ainay, de Lyon, qui, ayant ici un bon prieuré, m'ont promis d'en donner une telle que je la demanderai, sans se régler sur les pensions des Chevaliers.

  A011002058 

 Votre Seigneurie Illustrissime voit donc la cause pour laquelle les affaires de la religion ne se font pas avec l'ardeur désirable: c'est l'avarice de ceux qui détiennent les biens ecclésiastiques et le mauvais usage qu'ils en font..

  A011002059 

 Il n'a point voulu le souffrir, disant que ce consistoire n'étant établi que pour la correction des vices, sa conversion au catholicisme ne lui a point ôté le zèle et le jugement nécessaires à cette correction, mais qu'elle les lui a grandement augmentés, en sorte qu'il ne doit point être tenu pour incapable..

  A011002072 

 Dernierement, quand j'eu (sic) cest honneur de bayser les mains a Vostre Altesse, je luy repræsentay six ou sept pauvres gens, vieux et impuyssans a gaigner leur vie, qui ont vescu icy avec une admirable constance en la loi catholique.

  A011002072 

 Maintenant je sçai que ces aumosnes se reduysent aux Alinges pour la munition de la garnison; mays je ne laisseray pas pour cela d'oser supplier Vostre Altesse quil luy plais'ordonner que, d'une si grande quantité, quattre ou cinq muys en soyent appliqués a ces pauvres gens vieux et a un autre qui, estant encores de bon aage, ne laisse pas d'estre pauvre et, moyennant cest'aumosne, pourra servir au clocher pour les Catholiques..

  A011002074 

 Les gens du consistoire supreme de ce balliage taschent de lever a monsieur d'Avully la judicature qu'il y tient de Vostre Altesse; mays puysque ce consistoire n'est que pour la correction des meurs et qu'il n'en est faitte aucune mention au traitté de Nion, a ce que j'ay peu apprendre, comm'on ne perd pas le jugement pour se faire catholique, aussy n'en devroit on pas perdre la judicature, specialement quand elle depend de la volonté de Vostre Altesse, pour la santé de laquelle je ne cesseray de prier Dieu nostre Seigneur, comm'ayant ce bien [de] me pouvoir et devoir dire,.

  A011002106 

 En somme, si l'on en excepte Thonon, les âmes nous sont partout offertes comme une proie; il ne manque que des chasseurs.

  A011002106 

 J'ai placé à Cervens un bon prêtre qui, au commencement de ces guerres, avait [254] déjà été nommé pour desservir cette paroisse si les choses réussissaient et il était connu d'une grande partie des habitants.

  A011002140 

 Je crois que cet arrangement serait avantageux; mais je ne voudrais pas que les Chevaliers eussent le droit de patronage sur ces cures: ce serait ruiner le concours, et, avec le temps, on verrait des nominations peu avouables.

  A011002140 

 Mais parce que je ne sais qui voudrait fournir les revenus nécessaires à tant de personnes, j'ai toujours été d'avis qu'environ dix-huit curés suffiraient.

  A011002140 

 Pour dire ce que je crois, les paroisses étant très étendues, ils doivent avoir une pension convenable, suffisant à leur entretien [257] et à celui d'un vicaire qui les seconde, en sorte qu'ils puissent remplir leur ministère avec bienséance, et qu'ils n'aient pas à exiger des aumônes pour les confessions, sépultures, Messes et autres choses; car si cela est peut-être licite, toutefois il n'est en aucune manière expédient.

  A011002140 

 Si les Chevaliers consentaient à céder les cures et les bénéfices-cures, et si les particuliers qui en détiennent ici faisaient de même, on pourrait les réunir en un lot qu'on diviserait en parties égales entre les paroisses rurales; car à Thonon l'exercice du culte demande plus de solennité.

  A011002141 

 Ayant été naguère mandé à Genève, du commun consentement de M gr notre Evêque et du P. Chérubin, pour approfondir un peu mieux cette affaire, il vit en cette ville une grande porte ouverte au très saint Crucifix, pourvu qu'il y soit porté secrètement par des personnes humbles, patientes et familiarisées avec les mœurs des hérétiques.

  A011002141 

 Quant aux considérations faites à Rome au sujet de la conférence, elles sont vraiment très sages; j'ai écrit de très amples mémoires sur ce qu'il m'en semble, et je les ai envoyés à M. Louis de Sales, chanoine de Genève, homme expérimenté, zélé, éloquent dans la prédication, très prudent pour ce qui regarde le service de Dieu et [258] qui connaît mes pensées aussi bien que moi-même.

  A011002142 

 Je dirai ingénuement mon avis: Sa Sainteté ne pourrait faire mieux que de laisser toute autorité et liberté d'action en cette affaire et en d'autres semblables à Votre Seigneurie et à M gr notre Evêque, puisque [259] cette guerre doit se diriger par l'œil et non par l'oreille; car bien souvent les occasions se présentent et passent sans retour pour ceux qui ne savent pas les saisir.

  A011002142 

 Je serais allé volontiers jusqu'à Annecy pour me consoler un peu avec M gr le Révérendissime et ces bons Pères, puisque je suis seul ici, comme un lépreux hors de l'armée; mais un petit ressentiment de fièvre que j'eus ces jours passés, les confessions que je dois forcément entendre, et d'autres devoirs me tiennent lié ici jusqu'à Pâques.

  A011002143 

 Hier les paroissiens me firent inviter à y retourner parce qu'ils désirent se faire catholiques; mais mon insuffisance d'une part, et de l'autre les affaires spirituelles et les confessions pascales de Thonon et des Allinges m'ont contraint de différer ce bien jusqu'après Pâques, où nous serons aidés par d'autres prédicateurs..

  A011002143 

 J'y ai laissé un bon prêtre, qui déjà au commencement de ces guerres avait été désigné pour être curé de cette paroisse si les affaires réussissaient; il était déjà connu d'un grand nombre d'habitants.

  A011002144 

 Cependant il me semble qu'on ne devrait pas se limiter à ce petit nombre, mais l'augmenter d'autres encore si les âmes en avaient besoin, car en ceci je ne vois pas qu'il puisse y avoir aucun abus.

  A011002144 

 Les Pères Capucins que, pour le moment, je voudrais voir destinés à cette œuvre sont le P. Chérubin, le P. Esprit, l'un et l'autre très doctes, très saints, très humbles; tous deux prêchent dans ce [260] diocèse.

  A011002144 

 Partant, on pourrait procéder ainsi: Votre Seigneurie Illustrissime donnerait ordre aux Provinciaux d'envoyer des Religieux selon les occasions; nous ferons ensuite venir autant de prêtres séculiers que nous pourrons..

  A011002145 

 Je dis en vérité que cent écus par tête sont nécessaires, parce qu'il faudra à chacun un compagnon, et [261] à ceux qui ne sont pas Capucins il faut encore un cheval pour aller d'un lieu à un autre; mais les cures fourniront à cette dépense, pourvu qu'elles nous soient cédées, jusqu'à l'établissement des curés.

  A011002146 

 Je n'ajouterai qu'une seule chose: c'est qu'il importe infiniment de réformer les abbayes de ce pays pour répandre dans tout le voisinage un parfum d'édification....

  A011002155 

 Je suppliay nagueres Vostre Altesse par une lettre qu'il luy pleust accorder une portion de cinq ou six muys de froment des aumosnes de Ripaille et de Filly pour le soulagement de sept ou huit vieux bons Catholiques, pauvres et indigens, et pour un qui servist a Thonon au clocher pour les Catholiques.

  A011002156 

 Je supplie encor Vostre Altesse pour certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse des Alinges et en furent distraitz sous les Bernois, lesquelz desirent estre reunis a leur ancienne eglise et y faire l'exercice catholique; a quoy personne ne contrediroit, si ce n'estoit que Vostre Altesse a, par sa liberalité, exempté la parroisse des Alinges des charges et subsides, a quoy ilz auroyent part par consequent.

  A011002162 

 Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation..

  A011002191 

 Comme je l'écrivais à Votre Seigneurie Illustrissime, je n'ai encore reçu pour les curés que cent florins et trente coupes de froment, dont je rendrai bon et fidèle compte afin que les Chevaliers sachent que notre pauvreté ne recherche pas leurs biens pour s'enrichir et devenir opulente.

  A011002191 

 Je loue le Seigneur de ce qu'il a donné à Sa Sainteté l'intention de rendre au service de Dieu et des âmes les revenus des cures, ainsi que le demande la justice.

  A011002191 

 Je voudrais pouvoir lui en donner chaque jour de vraies et réjouissantes nouvelles; mais jusqu'ici les choses sont allées si lentement et si tristement qu'elles fatiguaient les estomacs les plus sains et les plus forts.

  A011002192 

 Jamais non plus je ne cesserai de presser, voire même de crier afin d'obtenir par les entrailles de Jésus-Christ, que l'on prenne des mesures pour la réforme ou le changement des Religieux des abbayes d'Aulps, d'Abondance, et d'autres encore qui sont en cette province des séminaires de scandales..

  A011002228 

 L'année dernière le P. Esprit de Beaume, prédicateur de l'Ordre des Capucins, et moi-même, persuadés par les sérieuses affirmations d'un grand nombre, avions commencé à bien espérer de la conversion de Bèze et de son retour à l'Eglise Catholique.

  A011002229 

 J'ai dû mettre Votre Béatitude au courant de toute cette affaire, car je ne voudrais pas passer pour négligent ou peu attentif à exécuter les ordres qui m'ont été transmis, soit par les Lettres Apostoliques de Votre Clémence, soit par la bouche du P. Esprit..

  A011002229 

 Quand enfin je me retirai après avoir tenté tous les moyens de [269] lui arracher l'aveu de sa pensée, sans avoir laissé une pierre à remuer, je trouvai en lui un cœur de pierre, jusqu'ici immobile, ou, du moins, insuffisamment remué; c'est-à-dire, un vieillard endurci, plein de jours mauvais.

  A011002230 

 Aussi bien, Très Saint Père, vaut-il déjà la peine d'avoir tenté un essai dans les choses difficiles et graves.

  A011002230 

 Et puisque votre bonté si grande m'y autorise, je ne veux pas manquer l'occasion de vous dire que les populations hérétiques jusqu'ici, qui de tous côtés environnent Genève, celles des pays qu'on nomme bailliages de Gex et de Gaillard, demandent avec les plus humbles prières, le rétablissement de la foi et du culte catholiques afin de pouvoir vivre en catholiques.

  A011002230 

 Je croirais volontiers que si le roi lui-même était averti par le Siège Apostolique, les choses se passeraient tout autrement.

  A011002230 

 Le roi connaît-il cette tyrannie que l'on fait peser sur les consciences catholiques? Ce n'est pas probable, puisque tout récemment il a poursuivi avec tant d'ardeur sa réunion à l'Eglise Catholique.

  A011002230 

 Si j'ai osé présenter à Votre Béatitude ce trop long exposé, [271] c'est que je n'ignore pas quel zèle Sa Clémence apporte à restaurer la discipline chrétienne, et que, dans les conditions de cette vie mortelle, on ne peut apprendre ce qui se passe au loin que par ceux qui sont présents..

  A011002286 

 Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apocalypse; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre bruit est suspect..

  A011002286 

 Nous étant retrouvés ensemble ces jours passés, le P. Chérubin, le P. Esprit et moi, et conférant des incidents particuliers qui sont arrivés dans les localités où nous avons prêché le Carême, nous avons jugé que la conférence pour laquelle on attend l'autorisation de Rome sera, moyennant la grâce de Dieu, une chose très fructueuse.

  A011002287 

 J'écris à Sa Sainteté sur le sujet que Votre Seigneurie verra; je vous envoie à cet effet la lettre sous cachet volant, en vous priant de la fermer aussitôt après l'avoir lue, afin que personne autre ne la voie, parce qu'il est très important pour moi que l'on ne sache pas d'où viennent les avis qu'elle contient.

  A011002287 

 Lorsque le roi le saura, il donnera sans doute ordre de les laisser jouir au moins de la liberté de conscience ou de l' Intérim, comme ils l'appellent..

  A011002287 

 Mais Votre Seigneurie acquerra un grand mérite en sollicitant fortement auprès de Sa Sainteté l'affaire de Gex et de Gaillard; car à la vérité c'est une chose honteuse que [276] les Genevois, occupant ces pays au nom du roi de France, contraignent les Catholiques à mal vivre.

  A011002288 

 Certes, dans ces choses si importantes, il vaut mieux tenter et espérer beaucoup, lorsque l'échec ne peut apporter grand dommage, que de perdre par trop de discrétion les occasions de faire le bien.

  A011002288 

 Ces jours passés le bruit s'en étant répandu à Genève, je ne sais de quel côté ni sur quel fondement, on voyait déjà de nombreux dissentiments surgir entre les citoyens.

  A011002289 

 Ces fêtes, les nouveaux Catholiques m'ont lassé par leurs confessions générales; mais j'ai éprouvé une immense consolation de les voir si pieux, M. d'Avully à leur tête, lequel n'a pas manqué une seule occasion de donner le bon exemple.

  A011002289 

 J'espère y conduire, au commencement du mois de mai, les PP. Capucins et les autres prêtres nécessaires en plus grand nombre possible; et si on nous procure la paix et le moyen de continuer, je crois que le Seigneur en sera bien servi.

  A011002304 

 Ce pendant que j'attens plusieurs graces de la liberalité de Vostre Altesse, desquelles je l'ay suppliee ci devant, les occasions me naissent tous les jours de luy en demander des autres.

  A011002305 

 La ou, Monseigneur, je me sens obligé en mon ame de supplier tres humblement Vostre Altesse de faire meshuy sçavoir a ces gens qu'elle aura aggreable qu'ilz oyent et sondent les raysons catholiques, sans plus alleguer de si impertinentes excuses comm'est cellecy, de mettr'en doute le bon desir que Vostre Altesse a de leur conversion.

  A011002305 

 Le P. Esprit, docte et signalé prædicateur Cappucin, estant icy ces festes, ou il a apporté tres grande consolation a tous les gens de bien, et a luy mesme esté consolé d'y en voir plus qu'il ne pensoit, voyant que ceux de la ville s'opiniastroyent si fort a ne point ouyr les prædicateurs catholiques, voulut vendredy dernier remonstrer publiquement, mais gratieusement, au ministre la fauseté de sa doctrine.

  A011002305 

 Le traitté avec les Bernois ne peut en estr'alteré puysque, sans forcer personne au changement de religion, on les invite seulement a la consideration de l'estat de leur conscience..

  A011002305 

 Sur quoy les bourgeois dirent que Son Altesse ne vouloit pas quilz traittassent avec nous.

  A011002347 

 Sur cette déraisonnable supposition que j'ai reçu de Son Altesse le moyen et l'autorité d'avancer les affaires de la religion, on me demande l'exercice du culte catholique..

  A011002348 

 On m'a raconté que le peuple, les larmes aux yeux, priait à genoux le curé de rester; mais, voyant bien que tant que les prêtres seront regardés comme des agneaux le loup les mangera, il résolut, malgré tout, de quitter ses paroissiens, avec l'intention néanmoins de retourner chaque Dimanche les consoler..

  A011002349 

 Ces lettres sont en français, mais Votre Seigneurie pourra se les faire lire par M. de Lullin ou par d'autres.

  A011002349 

 Je vous adresse aussi les lettres [284] du juge-mage de Gex et du baron de Viry, personnage distingué et influent, afin que les Chevaliers voient que je suis seulement avocat et non point partie, car la partie n'est autre que le bien public.

  A011002349 

 Je vous prie instamment de ne pas les égarer, afin que je puisse m'en servir contre ceux qui trouveraient mauvais que je m'entremette en tant de choses.

  A011002350 

 Toutefois, les fruits seront encore plus abondants lorsque ces prédicateurs et d'autres viendront ici pour y séjourner; ce que le P. Esprit n'a pu faire, ayant été rappelé par le P. Provincial.

  A011002351 

 Sur ces entrefaites, un incident est survenu: le Père, voyant les habitants de Thonon suivre si opiniâtrément leur ministre hérétique sans vouloir écouter nos prédications, résolut vendredi passé de démontrer à celui-ci la fausseté de sa doctrine, et cela en public.

  A011002352 

 Chose étrange, mais non point miraculeuse, car elle est ordinaire: ces misérables enfants de ténèbres sont plus avisés et prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière! Pour mon compte, j'ai été très consolé de voir ici ce bon P. Esprit qui pourra certifier de l'état des choses..

  A011002352 

 De sorte que si Son Altesse donnait le moindre témoignage du désir qu'elle a de leur salut, sans rompre avec les Bernois, on en verrait d'heureux fruits.

  A011002352 

 Voilà l'excuse d'un petit nombre d'obstinés de la ville (dans la campagne nous n'avons pas ces difficultés), lesquels ensuite, par divers moyens et sous divers prétextes, empêchent les autres de se [287] convertir.

  A011002353 

 Il est vrai qu'on m'en a offert environ soixante-quinze, mais de si mauvaise qualité que je n'ai pu les accepter.

  A011002353 

 Je vous dirai de plus que les choses vont mal au sujet de ces pensions; jusqu'ici je n'ai pu en tirer que cent soixante florins et trente-cinq coupes de froment.

  A011002353 

 Nous manquons de logements pour les curés, nous manquons de tout ameublement pour les églises et il faut tout acheter: je vous laisse à penser en quel état nous nous trouvons.

  A011002354 

 Votre Seigneurie m'encourage si fort à lui écrire souvent, que je lui parlerai librement même des choses les plus minimes (bien que dans le service de Dieu les moindres choses soient importantes), Comme au Père très affectionné de ces populations.

  A011002397 

 A la vérité, l'Abbé ne serait pas trop chargé d'avoir deux prédicateurs à son compte; il me semble, au contraire, qu'il le serait bien davantage s'il ne les avait pas..

  A011002397 

 Ce pays est dans la gueule des hérétiques et n'a aucun autre moyen d'entretenir un prédicateur; l'Abbé perçoit toutes les dîmes, c'est donc justice qu'il paisse la brebis dont il tond la laine.

  A011002397 

 J'envoie à Votre Seigneurie Illustrissime une copie du Bref de Sa Sainteté en faveur du feu P. Papard: vous y verrez les motifs pour lesquels le Pape jugea raisonnable que l'Abbé donnât cette prébende, motifs qui actuellement sont plus pressants que jamais.

  A011002398 

 Les Religieuses d'Evian sont non seulement pauvres, mais elles [293] endurent la faim, et je sais que l'Abbé leur fait l'aumône; pour ce qui est de leur donner une prébende, comme il le prétend, je pense qu'il faut distinguer entre prébende et prébende.

  A011002402 

 Un bénéfice-cure, c'est-à-dire une cure, est maintenant vacant; il peut rapporter environ deux cents écus de revenu les bonnes années, et doit, comme de coutume, se donner au concours.

  A011002403 

 Ayant ainsi de quoi vivre selon ma condition, je ne chercherai plus autre chose sinon de servir le Seigneur et l'Eglise de ce diocèse par les petits travaux auxquels je serai [298] employé.

  A011002403 

 Je désire aussi prier Votre Seigneurie Illustrissime d'obtenir qu'il me soit loisible, avec l'agrément de Sa Sainteté, de garder le canonicat simple, afin que, venant ici, j'aie une place dans notre chœur; car les offices s'y célèbrent si dignement que c'est là une de mes plus grandes consolations.

  A011002404 

 Je ne sais pas encore s'il aura plu à Sa Sainteté d'accorder à MM. Grandis et Roget, docteurs en théologie, la permission de lire les livres défendus; mais je sais bien que, sans cette permission, il ne faut pas se mêler de prêcher parmi les hérétiques.

  A011002404 

 La conférence me retiendra longtemps ici; en attendant, M. Roget ira à Thonon pour remplir les devoirs du ministère..

  A011002411 

 Cette lettre était écrite et non encore expédiée, quand le P. Esprit m'en a fait remettre une que je joins à celle-ci; je crois qu'il vous renseignera sur les affaires de Thonon.

  A011002434 

 Les lettres de Votre Seigneurie et le Bref de Sa Sainteté me furent envoyés si promptement par M. le président Pobel, qu'ils me parvinrent à Thonon le 23 juin.

  A011002436 

 Au sujet de ce qui a été promis par les Chevaliers, il est vrai que le chevalier Bergera obligea les fermiers en ma faveur; mais il est vrai aussi que j'ai protesté ne point vouloir plaider avec ces gens, qui sont tous habitants de Thonon; et il ne faut pas que ceux qui tâchent de les convertir aient ces démêlés avec eux, surtout en des temps si calamiteux, et en des pays où tout le monde est pauvre..

  A011002437 

 Pour ce qui est d'augmenter le nombre des curés, je persiste à dire qu'il est très convenable que non seulement les Chevaliers, mais encore tous ceux qui détiennent des bénéfices en Chablais les remettent à M gr le Révérendissime afin qu'il les donne ensuite aux plus capables.

  A011002437 

 Sur les cinq je n'en connais qu'un qui ne soit pas molesté [302] par les Chevaliers mêmes, et celui-ci n'en a pas tiré un seul liard parce qu'il en a été empêché par les Genevois.

  A011002437 

 Toutefois, il me semble que MM. les Chevaliers ne doivent pas, sous de vains prétextes, retarder cette œuvre et dire que presque toutes les cures sont entre les mains des ecclésiastiques; car il n'y a pas cinq prêtres qui jouissent paisiblement de ces bénéfices.

  A011002438 

 Il est vrai que les temps sont bien mauvais pour ce pays.

  A011002439 

 Je crains que les mouvements des troupes en Maurienne ne nous causent de grands embarras, surtout pour la venue du P. Jésuite que Votre Seigneurie Illustrissime veut nous envoyer.

  A011002439 

 Les Genevois, il est vrai, font grande difficulté d'admettre des Jésuites à cette conférence, disant qu'ils sont hommes d'Etat et explorateurs d'Espagne; cependant nous emploierons de notre côté toutes sortes d'instances.

  A011002439 

 Nous avons à Chambéry deux Pères Jésuites de grand mérite: le P. Saunier et le P. Alexandre, écossais; si les passages et les routes [d'Italie] étaient fermés, il me semble que ces Religieux suffiraient.

  A011002440 

 On m'avertit que M. le chantre de la métropole de Lyon adresse à M gr l'Illustrissime Cardinal Légat de France certains avis touchant les affaires de Genève; comme il est un homme digne de foi, j'ai cru devoir vous en informer, afin que si par hasard Votre Seigneurie écrit audit Légat et qu'Elle en ait occasion, Elle daigne le favoriser... [305].

  A011002488 

 Pendant que je différais de jour en jour d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime en attendant que je pusse me concerter avec le P. Chérubin pour le faire plus amplement, il est arrivé tant de choses dignes de vous être communiquées, que je ne sais si je pourrai les rappeler toutes à mon souvenir..

  A011002489 

 Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales, [308] le curé d'Annemasse (tous prédicateurs, et le baron de Viry, conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les populations des environs de Genève; voici ce qui a été conclu. Il est absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres cèdent les cures qu'ils possèdent; qu'un collège de PP. Jésuites, ou du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon.

  A011002489 

 Mais afin d'empêcher les habitants de conserver quelque froideur à l'égard des Pères, ce qui entraverait beaucoup le progrès de leur conversion, on proposa de prier Son Altesse de vouloir bien, en dédommagement de ce prieuré, abandonner à la commune l'impôt ou taille qu'elle perçoit maintenant de la ville de Thonon.

  A011002489 

 Tel est le résumé des propositions faites unanimement par les Pères et autres qui assistaient à l'assemblée.

  A011002490 

 En somme, les ministres redoutent incroyablement cette entreprise.

  A011002490 

 On traita ensuite des moyens à prendre pour acheminer le projet de la conférence; mais je laisserai le P. Chérubin écrire sur ce sujet, puisque c'est à lui que les réponses ont été données.

  A011002491 

 Il avait été aussi question de célébrer les prières des Quarante-Heures audit lieu d'Annemasse pour réveiller les ministres de Genève.

  A011002491 

 Mais les projets relatifs aux cures et au collège ont été remis entre les mains de MM. de Lullin et de Jacob, qui doivent aviser comment on pourrait les mettre à exécution; maintenant, à ce qui m'est dit, on attend pour en finir l'arrivée de M. le chevalier de Ruffia..

  A011002492 

 Là, autour de l'église, qui a été tout endommagée par les huguenots, on construisit avec des toiles, des boiseries, des tapisseries et autres choses semblables une tente très vaste, afin que tout le peuple pût demeurer... [311].

  A011002502 

 Monsieur le president Favre est a Chambery, et m'asseure qu'il mettra au jour les calomnies de ceux qui n'ont point d'autre religion que le mensonge, et reformera les accusations de ces si mal formés reformateurs.

  A011002533 

 Revu sur les deux textes insérés dans le I er Procès de Canonisation.

  A011002540 

 Mais voyant que lesdites lettres vieillissent, je crains qu'il y ait quelque danger en ce retard, et il me semble devoir les envoyer à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, protectrice très dévouée de toute cette affaire, afin qu'Elle les retienne si Elle le juge bon, ou qu'Elle les expédie pour hâter cette œuvre, laquelle ne se terminera jamais aussi promptement qu'on peut le désirer..

  A011002540 

 Or, parce que dans ces lettres je suis [314] mentionné comme devant en être le porteur, avec charge d'expliquer la nécessité de la révocation désirée, j'ai différé jusqu'à présent de les expédier, espérant pouvoir les remettre moi-même sous peu.

  A011002540 

 Son Altesse, avec toutes les démonstrations de piété que l'on pouvait espérer, donna ordre d'écrire trois lettres, l'une à Sa Sainteté et les autres à deux Cardinaux, afin de prier instamment le Saint-Siège de révoquer l'union de ces bénéfices avec ceux des Chevaliers.

  A011002541 

 Il y a vraiment urgence: ce qui le prouve, c'est que pendant [315] les fêtes de Noël, Son Altesse ayant envoyé à Thonon M. le président Favre, homme d'une piété singulière et d'un grand mérite, pour connaître le sentiment des habitants du Chablais sur l'exercice du culte catholique, presque tous ont témoigné le désirer et ils attendent d'heure en heure qu'il soit rétabli..

  A011002542 

 On m'a dit que Son Altesse a saisi à son profit le revenu des Chevaliers, et je l'ai fait prier de donner la provision nécessaire aux ecclésiastiques qui sont dans les trois cures déjà établies..

  A011002543 

 Aussitôt qu'ils ont connu l'existence de cette Bulle, touchés d'un grand sentiment de pénitence, les larmes aux yeux, ils ont eu recours à moi pour recevoir quelque consolation.

  A011002543 

 Sixt est un monastère de Chanoines réguliers, sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance; mais les moines qui l'habitent sont des hommes de bien, vivant en la crainte de Dieu, ainsi que me l'a rapporté M. le chanoine de Sales qui a prêché là ces fêtes passées.

  A011002550 

 Les médecins, qui ne trouvent pas bon que j'écrive, m'ont obligé à me servir de la main d'autrui.

  A011002557 

 Je crois que Vostre Altesse se resouviendra que l'annee passee, appres plusieurs declarations de la bonne intention qu'elle avoit de prouvoir a l'entretenement des gens d'Eglise qui seroient emploiés pour le service de Dieu au duché de Chablais, messieurs les Chevaliers de Saint Lazare promirent en fin finale a Monseigneur le Nonce de donner chasque annee six pensions pour autant de gens d'Eglise; mais pour ne se forcer pas de premier coup, ilz ne firent ceste premiere annee la que la moytié de ce quilz avoient promis, qui fut cause de reduire les six a troys.

  A011002557 

 Or pensois je que ceste annee ilz envoieroient les commandementz necessaires a leurs fermiers pour faire delivrer tout entierement les six pensions [319] promises, affin non seulement de conserver l'exercice commencé en trois lieux par les trois ecclesiastiques dejaz establys....

  A011002558 

 Autrement, Monseigneur, le service cessera tout a coup la ou il est commencé, qui sera un grand scandale et perte d'ames, et ne se trouvera personne qui veullie plus y aller pour y estre a la mercy de la provision de messieurs les Chevaliers..

  A011002558 

 Mais voiant quilz n'en tiennent aucun conte, je suis contraint de recourir a la bonté de Vostre Altesse pour la supplier tres humblement que, comme par son authorité et zele elle tira la promesse desditz seigneurs Chevaliers, il luy plaise aussy d'en faire sortir l'effait, commandant a ses officiers et ministres de Chablais de faire saisir sur le revenu des cures ces six pensions, au prouffit des trois curés dejaz constitués et de trois autres qu'on y establira tout aussi tost que l'on aura le moien de les entretenir.

  A011002559 

 Aussi est ce l'ordinaire que les pauvres et simples embrassent plus vollontiers le Crucifix que les riches et sages mondains.

  A011002559 

 Ce furent des bergers qui les premiers adorerent Nostre Seigneur né..

  A011002559 

 Je puis dire avec verité que la pluspart des vilages du balliage de Thonon sont de mesme vollonté; pour tous lesquelz je prie Dieu de tout mon cœur quil les fasse jouir des desirs quil a mis en eux, et supplie Vostre Altesse en toutte humilité qu'elle leur fasse voir la grandeur de l'affection qu'ell'a a l'honneur de Dieu, puisque l'acueil et faveur que leur simplicité recepvra de Vostre Altesse servira de mesure et de reigle a tout le reste de Chablais, et en fin mesme a ceux de la ville de Thonon, quoy quilz semblent maintenant revesches et rebelles a la lumiere.

  A011002560 

 Je pensois bien obtenir de Sa Sainteté la restitution universelle des cures des balliages, suivant l'expres consentement que Vostre Altesse en avoit donné par escrit, [320] si Dieu n'eust retardé par une longue maladie le voiage de Rome pour lequel j'avois prins a Barraux les commandementz et le congé de Vostre Altesse.

  A011002572 

 C'est ce que j'escris a Son Altesse, et la supplie que si ceux de Thonon s'addressent a elle pour luy presenter requeste de ceste affaire, elle les renvoye sans decret ou avec nouvelle defense de [321] sonner.

  A011002572 

 La cloche n'est pas si legere qu'elle semble; car ilz sçavent faire valoir la moindre chose qu'on leur accorde pour contrister les bons Catholiques..

  A011002573 

 Desirant donq infiniment, pour l'honneur de Dieu, que Son Altesse daigne lire ou faire lire promptement ma lettre affin que je ne sois prevenu par les requestes de ces huguenotz, je n'ay sceu a qui mieux m'addresser qu'a vous, pour vous supplier tres humblement de bailler ma lettre et prier Son Altesse la voir, et, s'il ne la veut voir, luy discourir du sujet.

  A011002599 

 J'ai reçu des lettres du P. Chérubin et de M. d'Avully touchant le dessein qu'ils ont conçu ensemble de célébrer les prières des [322] Quarante-Heures à Thonon le plus dignement possible; puis, après les Quarante-Heures, de proposer officiellement des disputes théologiques.

  A011002599 

 Tous les hérétiques des environs seraient invités à y assister, afin de ne négliger aucune tentative pour ébranler ces âmes infectées d'hérésie..

  A011002600 

 Un grand mouvement se produisit alors dans les consciences des hérétiques qui en furent témoins; un certain nombre d'entre eux se convertirent, et les Catholiques en reçurent une grande consolation.

  A011002601 

 Du reste, ce n'est pas chose nouvelle d'inviter les hérétiques à des disputes, puisque les ministres du Vivarais et du Languedoc y ont été invités fort souvent par le collège de Tournon.

  A011002601 

 Quant aux disputes, j'ai la ferme confiance qu'elles apporteront une très grande édification, malgré toutes les raisons qui sembleraient contraires; car, ou les hérétiques ne viendront pas, et alors la victoire nous demeurera, ou bien ils viendront, et dans ce cas, nous [323] prouverons que la raison et la vérité sont de notre côté; nous aurons de plus le grand avantage de nous tenir sur la défensive et de pouvoir, en répondant, faire de petites exhortations.

  A011002602 

 Samedi et Dimanche il se prit à argumenter et disputer avec le P. Chérubin en présence d'un grand nombre d'assistants; l'on écrivit de part et d'autre les réponses et les arguments.

  A011002612 

 Ce pendant que je ne puis aller en Chablais, les bons Catholiques qui y sont me font part a toutes heures [326] de leurs nouvelles, et sur tout de leurs ennuis, leur semblant bien qu'ilz en sont a moitié allegés quand ilz les ont declairés.

  A011002612 

 Je les ay asseurés que Vostre Altesse a trop de fermeté et reconnoist trop bien les obligations qu'elle a a la faveur que Dieu luy a fait en ces dernieres victoires, pour vouloir accorder aux Bernois chose qui apportast aucune incommodité au service de sa divine Majesté, et que je ne croyois pas qu'il y eust personne aupres de Vostre Altesse, si mal appris de son zele et sa pieté, qui osast entreprendre d'en faire la proposition..

  A011002647 

 Ayant été averti de Rome que les expéditions de la cure du Petit-Bornand en ma faveur sont déjà depuis longtemps entre les mains de M. Favret, j'ai envoyé l'argent nécessaire par deux voies, sans que malgré cela j'aie pu jusqu'ici recevoir ces expéditions, ni un seul mot dudit Favret.

  A011002647 

 En attendant, le frère du curé défunt jouit du bénéfice, plaidant pour ne pas l'abandonner jusqu'à ce que les expéditions soient arrivées.

  A011002647 

 Il administre même les Sacrements, [328] nonobstant la défense très expresse du Révérendissime Ordinaire, ce qui ne se fait pas sans scandale.

  A011002647 

 Je vous prie très humblement de commander à votre agent à Rome, de retirer lesdites expéditions des mains de Favret et de vous les envoyer.

  A011002648 

 J'espérais pouvoir aller bientôt moi-même traiter ces affaires sur les lieux; mais la peste ayant éclaté à Annecy après mon départ, [329] M gr notre Révérendissime Evêque n'a pas voulu en sortir; ainsi je crains beaucoup que nous ne puissions partir de sitôt, faute d'obtenir de la part de Monseigneur les papiers nécessaires.

  A011002649 

 A ce que je vois, rien ne manquera du côté de MM. les Chevaliers pour ruiner les affaires du Chablais, puisqu'ils ne se mettent aucunement en peine de faire payer les pensions promises, sans lesquelles on ne peut continuer l'exercice du culte commencé dans les trois paroisses, et bien moins encore l'augmenter.

  A011002649 

 Il ne se peut dire quelles excellentes dispositions on trouve en ce pays pour la foi catholique; mais elles demeurent infructueuses par le manque d'exercice du culte, lequel ne peut être rétabli sans des ecclésiastiques, et les ecclésiastiques ne peuvent être envoyés sans faire des dépenses et avoir besoin de revenus.

  A011002649 

 J'ai les lettres que Son Altesse Sérénissime adressait à Sa Sainteté pour prier le Saint-Siège de daigner retirer les paroisses du Chablais des mains profanes et les remettre à la disposition de [330] l'Evêque; mais, par suite de ma maladie, elles sont restées ici.

  A011002649 

 Si Votre Seigneurie juge bon de les envoyer avant que j'entreprenne le voyage [de Rome], afin d'accélérer cette affaire, qui ne peut être retardée d'une seule heure sans compromettre le salut de beaucoup d'âmes, je me ferai un devoir de les lui expédier aussitôt..

  A011002650 

 Le R. P. Chérubin est ici avec nous depuis deux jours, attendant des nouvelles du couvent d'Annecy; ce qui, à mon grand contentement, m'a donné lieu d'être renseigné sur la marche de sa conférence avec Herman Lignarius, fameux lecteur de théologie parmi les huguenots.

  A011002651 

 Cependant, il se prépare à célébrer les Quarante-Heures à Thonon avec la plus grande solennité possible.

  A011002651 

 La nouvelle s'en étant répandue dans les environs, on se dispose de tous côtés à venir assister à cette dévotion, non seulement des régions catholiques, comme de Fribourg, de Schwitz et du Valais; mais aussi des territoires hérétiques, comme de ceux de Berne et de Genève, ce qui nous donne une très grande espérance de recueillir beaucoup de fruits, à la grande confusion des ministres.

  A011002652 

 J'y dresserai la liste des personnes rentrées dans le sein de l'Eglise durant ces trois dernières années, pour en informer Votre Seigneurie, afin que par ce moyen Sa Sainteté soit encouragée à nous accorder les grâces qui sont nécessaires à cette entreprise..

  A011002653 

 Il a déjà commandé plusieurs fois de les saisir, cette mesure étant justifiée par la promesse que nous avons reçue des Chevaliers; mais les subordonnés font tant de considérations pour ne pas offenser celui-ci et celui-là, qu'ils finissent par offenser grièvement le Seigneur..

  A011002690 

 Je désirais extrêmement entreprendre ce voyage avec lui, parce qu'étant le seul laïque bien au courant de ce qui s'est fait et de ce qui reste encore à faire pour la sainte foi dans ces pays, il nous aurait certainement été d'un grand secours dans les affaires que nous devrons traiter à ce sujet auprès de Sa Sainteté.

  A011002690 

 [334] Mais M gr notre Révérendissime Evêque n'ayant pas terminé la quarantaine usitée en temps de peste, n'a pas voulu préparer les écritures nécessaires à ce voyage, ni demander la permission de Son Altesse pour le passage, afin de ne donner aucune alarme au Saint-Père ni à Votre Seigneurie Illustrissime..

  A011002691 

 J'ai entre les mains les lettres que Son Altesse a écrites à Sa Sainteté et à MM. les Cardinaux, pour prier instamment le Saint-Siège de rendre la jouissance des cures des bailliages aux prêtres qui doivent y faire le service divin.

  A011002691 

 Je n'ai pas voulu les exposer au danger qui jusqu'ici a été sur les routes, d'autant plus que je croyais de jour en jour pouvoir en être le porteur.

  A011002691 

 Mais maintenant je vois que ces lettres vieillissent; en outre, si le décret de Sa Sainteté touchant la restitution des bénéfices ne nous parvient pas avant la récolte, cette [335] affaire sera retardée jusqu'à l'année prochaine, et Dieu seul sait si nous serons en vie! Pour toutes ces raisons, j'ai donné lesdites lettres à M. le Président afin qu'il les remette à Votre Seigneurie, protectrice de l'entreprise.

  A011002691 

 Vous pourrez ensuite, les accompagnant d'une très pressante et très chaude recommandation, en rendre porteur le même Président; car l'on ne saurait trouver quelqu'un de plus fidèle et de plus zélé..

  A011002692 

 Quant au payement des six pensions promises en 1596 par les Chevaliers, aucun ordre n'a été donné, sinon l'année dernière pour trois; et cette année, pour aucune.

  A011002693 

 Les hérétiques publient à chaque instant des livres très pernicieux, tandis que plusieurs ouvrages catholiques demeurent entre les mains de leurs autcurs parce qu'on ne peut les envoyer sûrement à Lyon, et qu'ils n'ont pas d'imprimeur à leur disposition.

  A011002693 

 Si l'on prélevait sur les abbayes et autres bénéfices les plus considérables du diocèse une certaine somme chaque année jusqu'à la concurrence de cent écus, cela ne chargerait personne et suffirait à l'entretien d'un imprimeur..

  A011002694 

 J'ai déjà par trois fois envoyé les autres lettres ci-jointes, mais elles n'ont pu passer..

  A011002727 

 Entre les incalculables avantages spirituels que plusieurs serviteurs de Dieu espèrent de cette bénite paix, ils se promettent que le roi de France, sur l'invitation du Saint-Siège Apostolique, s'emploiera vigoureusement pour obtenir que la ville de Genève ouvre ses portes à l'exercice du culte catholique au moyen de l' Intérim, afin que le Seigneur et Prince de paix ait sa place dans une pacification si importante et tant désirée.

  A011002727 

 Le R. P. Chérubin a plusieurs vues spéciales et bonnes sur ce sujet; je suis [339] sûr qu'il les communiquera à Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime, partant je la supplie de les prendre en grande considération..

  A011002728 

 En attendant le jour où je pourrai la voir et lui offrir les hommages qui lui sont dus, je baise très humblement ses mains vénérées, priant le Seigneur de la conserver de très longues années pour le service de sa divine gloire..

  A011002741 

 Je la dois du tout a vostre bonté, laquelle j'honnore d'autant plus que je me vois tous les jours obliger davantage a elle par tant d'effetz, qui me fait extremement desirer d'estre tel que je devrois estre pour estre digne sujet de ses bienfaitz; la ou je n'av rien de sortable a ce bon heur qu'une tres humble affection d'estre et vouloir estre, et confesser devoir estre vostre tres redevable..

  A011002742 

 Je desirois bien fort de vous baiser les mains en præsence, mais je suis lié sur le banq pour ceste semaine.

  A011002757 

 Puisque Son Altesse veut que les Quarente Heures se facent le quinziesme de ce moys, et qu'elle veut qu'elles se facent le plus solemnellement que l'on pourra, baillant partant esperance de vouloir rembourser les frais qui s'y feront, ne voyant point d'argent prest, il m'a semblé que on ne pouvoit point avoir de meilleur moyen pour loger les musiciens et autres semblables personnes necessaires et les nourrir, que de faire que [342] les fermiers qui sont reliquateurs de plus de mille florins vaillant pour les pensions de ceste annee, respondent vers quelqu'un de la despence que lesditz musiciens pourront faire, a rate dequoy je les dechargeray de ladite dette.

  A011002757 

 Restera qu'il vous plaise d'essaier si l'on pourra trouver qui veuille fournir aux frais a ceste condition, en advançant, et je tiendrois main a les faire bien paier dans le terme quilz prendroient; et si vous le trouvies, il faudroit faire marcher (sic) a combien par jour ilz entretiendroient la personne honnestement et sans superfluité..

  A011002758 

 Item, je vous prie de trouver un logis parmi les Catholiques pour Monseigneur l'Evesque.

  A011002765 

 Je baise tres humblement les mains a madame ma tante, a madamoyselle du Maney et a toutte la conversation, a laquelle je me rendray dans quattre ou cinq jours..

  A011002769 

 Encor aurons nous besoin d'un logis pour sept ou huit personnes ecclesiastiques qui iront la, en payant comme dessus; sinon que celuy qui fournira pour les musiciens fournit encor a cela, comm'il se pourroit bien faire..

  A011002783 

 Mais aussi je voudrois que personne ne perdit courage de venir pour ceste retardation, puisque la tardiveté sera recompensee d'une bien grande consolation si Dieu nous fait les graces que nous esperons..

  A011002815 

 Des multitudes considérables, venues soit du côté du Valais, soit du [347] côté de Fribourg, comme aussi de tous les environs, se mettront en route cette semaine afin d'assister à une fête qui a été préparée pour la conversion de ces hérétiques.

  A011002815 

 Les préparatifs nécessaires à cette solennité n'ont pas été faits sans de grandes dépenses, couvertes en partie par les aumônes du Saint-Siège, en partie par celles de Son Altesse.

  A011002815 

 Nous sommes sur le point de célébrer Dimanche, 23 de ce mois, les prières des Quarante-Heures en cette ville, avec l'agrément de Sa Sainteté et de Son Altesse.

  A011002816 

 Ainsi cette dévotion, préparée avec tant de frais et de fatigues, tant d'espoir de succès, avec une spéciale autorisation de Sa Sainteté et de Son Altesse et un si grand retentissement parmi les ennemis de notre sainte foi, s'en ira en fumée.

  A011002816 

 Cela n'arrivera pas sans produire un très mauvais exemple et même sans occasionner un très grand scandale parmi les Catholiques et les [348] hérétiques.

  A011002816 

 S'il en est ainsi, très certainement la célébration des Quarante-Heures ne pourra aucunement se faire, car les habitants, chargés de soldats, ne sauront y assister; au contraire, comme ils l'ont déjà résolu, ils laisseront les maisons vides et passeront de l'autre côté du lac.

  A011002817 

 C'est pourquoi, nous supplions avec toute l'humilité possible Votre Excellence, et nous la conjurons par les entrailles de Jésus-Christ, par tout le sang qu'il a répandu pour ces âmes dont nous tâchons de procurer le salut au moyen de ces exercices, de daigner prendre un autre chemin pour son voyage et de laisser celui-ci libre au Sauveur.

  A011002821 

 Les très humbles et très dévoués serviteurs en Jésus-Christ.

  A011002847 

 C'est agir assurément de la façon la plus généreuse et la plus chrétienne, et nous vous en rendons les plus vives actions de grâces..

  A011002847 

 Vous les auriez même ornées de votre présence, si la chose eût été possible.

  A011002848 

 Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de [351] la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions.

  A011002866 

 Leur religion ne merite pas ceste faveur; mais qui sçait si Dieu se veut servir de vostre courtoisie pour les faire penser a leur conscience? Ilz promettent bien quilz n'en seront pas ingratz.

  A011002867 

 Il ne coste rien a Son Altesse, car ces benefices de ce pais ne peuvent avoir moindre emploite [353] que de demeurer aux Chevalliers de Saint Lazare; il sera bien employé qu'on les reduyse a leur premier usage en une si belle occasion.

  A011002867 

 Sil nous baille moyen de loger honnestement des curés par tout ce balliage apres les 40 heures, tout est emporté pour la foy catholique.

  A011002869 

 Ilz ont bien fait leurs monstres de la milice ordinaire, que je metz en mesme conte que les monstres du papegai de Neci..

  A011002869 

 Quand au bruit qui a couru que les Bernois avoyent des trouppes de reitres dela le lac, c'est une bride a veau: est spaventa velliacho.

  A011002888 

 Puysque nous avons observé jusques a præsent de mettre nos dires de part et d'autre par escrit, je vous prie d'escrire le vostre encores sur le particulier de l'intention des messieurs vos superieurs touchant vostre venue, ce pendant qu'en responce (sachans que ce ne sera autre que ce que vous aves proposé a bouche) nous dressons les articles demandés..

  A011002927 

 Il n'y a autre chose à demander sinon un concours actif, prompt et libéral du Saint-Siège Apostolique, afin qu'il embrasse cette entreprise du même bras favorable avec lequel il a coutume de soutenir les œuvres de Dieu.

  A011002928 

 De même encore, nous avons besoin de quelques pouvoirs qui puissent être communiqués, selon les occurrences particulières, à une ou plusieurs personnes; et si nous n'étions pas aussi proches de l'année du Jubilé, je dirais qu'il serait nécessaire pour nous d'obtenir une année de parfait et grand Jubilé..

  A011002929 

 C'est non seulement pour les grâces spirituelles, mais encore pour les temporelles que nous avons besoin d'un Jubilé, et ceci ne se peut différer qu'au grand détriment des consciences.

  A011002929 

 Il faudrait que Sa Sainteté, conformément à la bonne intention de Son Altesse, fît restituer les bénéfices détenus par MM. les Chevaliers, aux pasteurs et ecclésiastiques qui s'établiront maintenant en ce bailliage par manière de provision.

  A011002929 

 Il n'est pas nécessaire de procéder en ceci selon les formalités ordinaires qui exigent beaucoup de temps, puisque en attendant les âmes rachetées par Jésus-Christ se perdent, et il est très vrai que « le salut du peuple doit être la suprême loi.

  A011002929 

 Les intérêts de Jésus-Christ sont maintenant en tel état dans ces provinces, que [358] si nous pouvons donner au culte la splendeur convenable, la tête du serpent sera brisée.

  A011002930 

 Les Bulles par lesquelles Sa Sainteté concède aux Chevaliers de Saint-Lazare les bénéfices de cette province exigent que dans le cas où la sainte foi y serait rétablie, ils donnent à chaque curé une provision de cinquante ducats.

  A011002930 

 Malheur à l'homme seul, surtout dans le voisinage des léopards, des ours et des loups! Il faut même, au besoin, vendre les calices et objets précieux non nécessaires aux autres églises, pour faire ces dépenses et nourrir ces âmes affamées, qui autrement sont exposées d'heure en heure à périr, afin qu'on ne puisse pas nous appliquer ces paroles: « Vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris.

  A011002930 

 Où en prendrons-nous? Les curés que l'on aura à placer ici ne doivent pas être des personnes à cinquante ducats; ils doivent avoir un autre ecclésiastique avec eux.

  A011002930 

 Voici que la sainte foi est rétablie à peu près partout, mais les églises sont ruinées, sans ornements sacrés, sans calices, sans croix.

  A011002930 

 » Je veux dire qu'il faut que Sa Sainteté, ayant égard à l'importance de cette affaire, intime des ordres pour que les Chevaliers permettent [359] que les revenus des biens donnés à cet effet par la piété et la religion de nos pères et de nos ancêtres soient employés au service de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

  A011002931 

 Je ne parle pas du P. Chérubin, tellement consolé jusqu'ici, que, n'étaient les fatigues très grandes qu'il ressent, il croirait que Thonon est un paradis, voyant tant de conversions et recueillant en pleine maturité le fruit de ses sueurs..

  A011002931 

 Je voudrais pouvoir et savoir vous donner la relation de ce que Dieu a fait ici pendant les premières Quarante-Heures célébrées le 20 et 21 du mois dernier, avant l'arrivée de Son Altesse, et pendant les secondes célébrées le I er et le 2 courant; je suis sûr que je vous dédommagerais de l'ennui que je vous ai causé par mes désirs de Jubilés.

  A011002932 

 Je dirais encore de moi-même que je suis très consolé, si un bruit qui se répand de nos côtés ne m'attristait beaucoup: c'est que le roi très chrétien veut que l'infâme Babylone de Genève soit comprise dans la paix honorable faite par la médiation du Saint-Siège entre les puissances catholiques.

  A011002954 

 En effet, Dieu a disposé si heureusement les choses, que ce grand Cardinal a pris [363] la route de son retour par cette ville, où il s'est rencontré avec le duc au temps où l'on y célébrait les Quarante-Heures.

  A011002954 

 Une multitude innombrable d'hommes, qui avaient résolu de renoncer à l'hérésie et d'embrasser la foi catholique, ont fait leur abjuration, partie entre les mains de l'Illustrissime Légat, partie entre les miennes.

  A011002955 

 Cette nouvelle inspire une incroyable audace à tous les hérétiques et leur ferme l'entrée à la foi catholique; si elle n'abat pas entièrement le courage des nouveaux convertis, du moins les trouble-t-elle grandement, et nous ôte, aussi bien à moi qu'à mes chanoines, tout espoir de recouvrer les biens ecclésiastiques que les Genevois retiennent par une souveraine injustice..

  A011002955 

 Mais pendant que nous nous réjouissons heureusement devant le Seigneur comme ceux qui se réjouissent au temps de la moisson, comme se réjouissent les victorieux lorsqu'ils se partagent les dépouilles de l'ennemi, voici que nous arrive une nouvelle fort inopportune et affligeante: le roi très chrétien prévient sérieusement par lettres le duc de Savoie qu'il entend que Genève, mère et source de l'hérésie calviniste, soit comprise dans le traité de paix que Votre Sainteté a fait conclure à la grande satisfaction de l'univers catholique, bien [364] que, comme il était raisonnable, nulle mention n'ait été faite de cette ville dans les articles du traité.

  A011002956 

 Que, selon la clémence [365] paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies, et qu'ils n'en goûtent point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de divisions la paix de l'Eglise; mais que plutôt ils soient contraints de rendre l'honneur à qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent le tribut, et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du Seigneur et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues années pour le bien de son Eglise.

  A011002970 

 Il y a longtemps que Révérend François de Sales, Prévôt de ma Cathédrale, aurait visité en mon nom les tombeaux des Apôtres, s'il n'en avait été empêché par une très dangereuse maladie qui l'a tenu alité plusieurs mois, et si les voies d'Italie ne nous eussent été fermées par la peste qui a affligé et afflige encore presque toute cette province.

  A011002970 

 Mais enfin il s'est mis en route, et ayant, comme je l'espère, surmonté les difficultés des chemins, il a dû se prosterner déjà aux pieds de Votre Sainteté..

  A011002971 

 C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutilement dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages des fatigues qu'il a soutenues..

  A011002971 

 Or, parce que l'affaire pour laquelle il est allé à Rome ne pouvait être différée sans un très grand danger, et que je n'avais pas, lors de son départ, tous les documents nécessaires pour un voyage ad limina, j'ai jugé bon de les envoyer maintenant, afin qu'en mon nom il rendit ses devoirs à Votre Sainteté, espérant que Sa Clémence l'aura [367] pour agréable.

  A011003007 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A011003257 

 Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation.

  A011003328 

 Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation..

  A011003449 

 Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation.

  A011003481 

 Je ne suis plus marry que, pour faute de porteur, j'aye retardé plus que je ne voulois de respondre a voz premieres lettres, qui me furent rendues ces jours passés avec les sonnetz de ma Seconde Centurie par monsieur de Chavanes; car je me fusse plaint fort aigrement de nostre monsieur Portier, auquel j'avois remis mes precedentes lettres, avec celles du Pere Possevin et le livre quil m'avoit adressé pour vous faire tenir.

  A011003481 

 Maintenant je suis hors de ceste peine, voyant par les vostres dernieres qu'en fin le tout vous a esté rendu..

  A011003482 

 J'ay pris fort a mon avantage ce que vous m'escrivez, que noz messieurs de Tonon facent estat de ma Premiere Centurie; car outre ce, que malaisement peut il estre ainsy quilz ne facent sans comparaison plus d'estat de vous a qui je la rapporte toute, comme je doy, il me semble que c'est un commencement de tesmoignage quilz donnent de leur resipiscence, sil est vray ce que j'ay tousjours ouy dire, [407] que les heretiques ne veullent point ouyr parler de penitence, du moins en la façon que j'en parle..

  A011003483 

 Les vers desquelz monsieur Després m'a honoré m'ont esté fort aggreables, et vous remercie de la recommandation que vous y avez adjousté du vostre, et luy de la faveur.

  A011003483 

 Non que j'estime quil y aye en tous de la malice (j'en ay congnu qui, hors le faict de la religion, pouvoient passer en monstre pour honestes hommes); mais je ne peux les excuser que je ne les accuse tous, et tant plus ceux qui sont les plus habiles entre eux, d'un grand deffaut de jugement et de trop de presomption en ce quilz osent faire plus d'estat de leur jugement particulier que de celuy de l'Esglise universelle, fondés seulement sur l'opinion d'un homme, lequel sil eust esté de moins ilz seroient maintenant des nostres..

  A011003486 

 Noz loix dient que celuy qui dit et afferme quelque chose [est tenu de le prouver, mais que celui qui soutient la négative] n'est tenu de la preuver; la raison est parce que la preuve d'une negative semble estre impossible par la nature mesme, dautant que ce n'est qu'une pure privation qui en somme n'est rien selon les philosophes.

  A011003490 

 Encor avois je a vous prier de m'ayder a me faire avoir responce des lettres que j'ay escrit a Geneve et addressé a l'hoste du Lyon d'Or, pour sçavoir si ces imprimeurs mettront la main a imprimer mes derniers Livres de Conjectures suyvant les promesses qu'ilz m'en ont faites toute ceste annee.

  A011003490 

 Je ne peux attendre davantage pour le desir que j'ay de faire sçavoir en Allemagne et en l'Italie, aussy bien qu'en France, que nous sommes freres; et comme tel je vous baise les mains.

  A011003590 

 Je me doubte fort que la lettre que je vous escrivis la semaine derniere par la voye de monsieur de Crans ne vous aye pas esté rendue, par les dangers de contagion continués et accreus, comme l'on nous dit, du costé de Necy.

  A011003591 

 Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma consolation j'aye veu nostre bon frere, qui m'a bien au long entretenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes tres aggreables, mesme celle du françois converti; car elle vise a l'honneur de Dieu premierement, puis au vostre, qui sont les deux plus grandes grandeurs que j'apprehende dans ce monde.

  A011003592 

 Apprestes vous seulement d'estre le president du President, et de rabbattre trois ou quattre heures tous les jours de vostre plus serieuse estude.

  A011003592 

 Je ferois tort a ceste lettre, pleine d'un sujet tant desiré, si je la chargeois d'autre matiere, sinon pour vous dire que j'ay fait tenir voz pacquetz a monsieur de Lullin par le secretaire mesme de monsieur de Jacob, qui m'a promis de les delivrer en mains propres..

  A011003629 

 Je n'eusse pas laissé partir ces bons villageois sans les charger de mes lettres si j'eusse esté adverty de leur despart; mais la faute n'en est qu'a leur procureur qui m'avoit promis de me les faire voir, ce qu'il n'a fait.

  A011003631 

 J'espere que de nostre court monsieur de Jacob les apportera a son retour; mais ce ne sera pas, comme je croy, avant Pasques, car il fait estat de se treuver a Paris seulement pour le quinziesme du mois prochain, a ce que dit monsieur de Trollioux qui est passé pour luy aller preparer son logis.

  A011003631 

 Je suis retenu plus que jamais d'aller en Genevois jusques a ce que j'y aille pour une bonne fois, pour ne sembler vouloir courir au devant des honneurs; sinon que les lettres de monsieur de Charmoisy, mon cousin, ou quelque sien commandement ou vostre m'en fist naistre l'occasion.

  A011003636 

 Je resalue infiniment tous ces messieurs qui se resouviennent de moy, et outre les messieurs, madame du Foug, de laquelle je suis bien humble et obligé serviteur..

  A011003651 

 Estant au plus fort des Meditations poetiques que j'ay commencées despuis quelques jours sur les misteres du tressainct Rosaire, pour faire quelque provision de devotion pour ces bonnes festes, j'ay sceu par monsieur l'advocat Salteur, lequel m'a remis voz dernieres lettres, quil y avoit commodité de vous faire responce par le [419] greffier de Thonon; et a l'instant, sans poser la plume, j'ay seulement changé de papier pour vous faire ce mot, non moins pour accroistre en moy cet esprit de devotion par l'imagination que je conçoy de vostre conversation, que pour vous advertir comme du jour mesme que je receus vostre pacquet, ou, pour ne mentir, du lendemain, je le remis a la poste avec les autres que le Conseil d'Estat depechoit par courrier expres a Son Altesse et soubs une mesme couverture, de sorte que je m'asseure quil aura esté bien et seurement rendu; dequoy je n'eusse pas tant tardé de vous advertir si j'eusse heu la commodité d'un porteur..

  A011003652 

 J'espere que le retour de monsieur de Marclaz, mon cousin, m'apportera ce contentement avec les autres..

  A011003656 

 Je vous baise bien humblement les mains, et a monsieur nostre cousin, sans oublier tout ce quil y a de bon et d'honeste en vostre ville de Tonon.

  A011003674 

 Je ne treuve pas moins estrange que vous l'empechement que vous font ces messieurs de Tonon, et en ay conferé bien a plein avec monsieur le Gouverneur lequel m'a dit les mesmes raisons lesquelles il a discouru avec vous sur ce sujet.

  A011003674 

 Tout ce que je treuve de plus considerable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de Monsieur le Nonce a vous, il est fait mention des depeches qu'en veut faire Son Altesse, lesquelz ne sont encor venus; car sans doute s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beaucoup plus de reputation.

  A011003676 

 Et en ceste attente, vous baisant bien humblement les mains, comm'aussy ma maistres.se avec voz neveux, sans oublier madame du Foug, monsieur le Procureur fiscal et monsieur du Crest, je prie Dieu vous donner la santé longue et contente vie..

  A011003695 

 je l'ay aussy sceu de monsieur le prenaient Pobel, qui a tousjours presidé au Conseil d'Estat en l'absence de monsieur de Jacob; j'en ay encores parlé a monsieur de Jacob, qui me dit n'avoir ouy aucunes plaintes de vous, ny deça ny dela les monts, au contraire toutes les voix du monde favorables a vostre reputation, et l'un et l'autre treuvent bon ce que vous avez fait et que vous continuiez, estant bien resolus, si quelqu'un de ces messieurs vient se plaindre a eux, de luy bien laver la teste sans savon.

  A011003703 

 Ma maistresse et voz neveux vous baisent les mains; aussy fay je moy a tous ceux de qui vous m'escrivez.

  A011003720 

 Il m'a dit de plus que s'y estant une fois treuvé et convié par Son Altesse d'en dire son advis, il le dit tel qu'il devoit pour la cause de la religion, et se promet qu'a son retour, s'il reste a faire quelque chose, il s'y employera si chaudement que nous en verrons les effects.

  A011003720 

 Monsieur de Jacob m'a dit que monsieur de Lullin fait merveilles contre les Chevaliers de Sainct Lazare, et que Son Altesse la combat pour nous a spada tratta.

  A011003721 

 Il y a plusieurs autres choses en ma derniere lettre, a laquelle je suis contraint de me remettre pour le peu de loisir que me donnent les occupations du Senat, ou je me treuve en rapport et chargé d'ailleurs d'une infinité d'affaires.

  A011003721 

 Mais je n'ay encores point receu des lettres de Leurs Excellences, et croy que monsieur de Jacob a son retour de France, ou il n'est pas encores allé, me les apportera, et que par consequent la chose ira a la longue..

  A011003721 

 Si faut il qu'encor je vous die que j'ay receu par monsieur de Jacob les patentes de Son Altesse, qui me permet d'aller en Genevois en retenant mon estat de senateur avec mes gaiges.

  A011003722 

 Il attend que monsieur Trollioux les luy apporte dans peu de jours, parce qu'il en a chargé ses memoires et escrit a Son Altesse de bonne encre.

  A011003722 

 Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est en ceste volonté, et que cela seroit ja fait, sans l'advis qui vint a nostre court de la contagion reprise a Necy, lors qu'on estoit sur le poinct d'en faire les depeches.

  A011003723 

 Ceste cy ne laissera, s'il luy plaist, d'estre pour vous deux, comme encores les tres humbles recommandations que ma maistresse et moy presentons a ses bonnes graces et a celles de Madame nostre mere, Messieurs nos freres, et Mesdemoiselles nos sœurs, priant Dieu vous donner a tous, Monsieur mon Frere, une santé longue et contente vie..

  A011003742 

 Ce pendant tenez vous joyeux, nonobstant les traverses ou nonchalances de ceux qui devroyent vous ayder en ceste vostre si saincte entreprise; vostre patience a desja vaincu les plus grandes difficultés, j'estime que ce qui reste a faire ne vous peut estre que subjet d'honneur et de contentement.

  A011003743 

 J'ayme mieux vous parler de monsieur Locatel, nostre frere, qui m'a chargé par sa derniere lettre de vous baiser bien humblement les mains, et vous advertir qu'il est pere d'une Marguerite.

  A011003743 

 J'espere qu'avec vostre bonne ayde je pourray dans cinq mois estre pere d'un François, si ma maistresse ne me trompe, laquelle en ceste apprehension vous baise bien humblement les mains, comm'aussy je fay, et a madame du Foug et a tous ces messieurs nos communs amis, priant Dieu vous donner a tous une santé longue et contente vie..

  A011003759 

 Je ne pouvois desirer lettres plus favorables que celles qui m'ont esté escrittes par Leurs Excellences, outre les patentes.

  A011003760 

 Et pour ceste cause, je ne refuse pas d'estre le premier a vous aller au devant, si messieurs du Senat et du Conseil treuvent bon que j'aille prendre possession de mon presidentat, affin qu'a nostre premiere veuë je vous mette un president entre les bras.

  A011003760 

 J'espere que si ce n'est pour les derniers jours de la semaine prochaine, ce sera pour la suyvante.

  A011003762 

 Vostre commere vous salue pour elle et pour son petit François qui se fait tous les jours plus gros que grand; nostre frere de mesme, avec toute la brigade; mais moy plus que tous, qui suis,.

  A011004061 

 En responce de celle que avez escript, vous disons que treuvons bon qu'ayez faict dresser un autel en l'esglise de Sainct Hipolite, comme aussy les aultres bonnes œuvres qu'a la louange de Dieu et extirpation des heresies vous y allez exercitant; et Nous desplaict des oppositions que l'on vous y a faictes, que neantmoings avez surmonté ainsy que vous Nous escrivez.

  A011004079 

 A ceste cause, ayant remarqué la doctrine, vie exemplaire et autres rares qualitez qui reluisent en nostre tres cher et bien aymé Orateur Messire François de Sales, Prevost de Sainct Pierre de Geneve, heu d'allieurs esgard aux travaux que cy devant il a supportez et a present supporte a la conversion des devoyés de nostre religion riesre nostre Duché du Chablais, de quoy nous sçavons aussy Sa Saincteté estre bien informee, avons par ces presentes, en vertu des concessions et indultz que Nous avons du Sainct Siege Apostolique, icelluy nommé et presenté, nommons et presentons audict Evesché de Geneve, suppliant Tres Sainct Pere le Pape et le Sacré College des Cardinaulx quilz veuillent a nostre nomination prouvoir ledict Messire François de Sales dudict Evesché, soit par coadjutorie ou autrement, luy octroyant les despeches sur ce necessaires..

  A011004079 

 A tous ceux qui ces presentes verront sçavoir faisons qu'estant deuement informé du sainct zele que tres Reverend Pere en Dieu, nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur Messire Claude de Granier, Evesque de Geneve, a de faire colloquer en son Evesché, par coadjutorie ou autrement, homme cappable de telle charge, conforme a nostre intention, qu'a tousjours esté qu'es benefices dependantz de nostre nomination les personnes mentantes soient preferez aux aultres.

  A011004080 

 Et pour meilleure asseurance de nostre volonté, avons signé les presentes de nostre main et y faict apposer nostre seel accoustumé..

  A011004099 

 Nous avons receu un singullier contentement de l'asseurance que me donnez par vostre lettre du unziesme du present, de differer les Quarente Heures pour le vingtiesme du present mois, auquel jour je ne faudray de me treuver a poinct nommé, sans aulcune aultre sorte de dilation; ayant esté tres aise de l'expedient qu'a treuvé le sieur de Lambert pour arrester le Pere Cherubin, qu'indubitablement seroit tumbé mallade s'il heust voullu suivre sa deliberation d'aller a Saluces pour rendre son obeissance, que je m'asseure sera excusable aupres de son General, auquel j'en escris la cy enclose pour le prier de le nous laisser pour achever l'œuvre qu'a esté si bien encommencee par luy.

  A011004113 

 Sur l'advis que Nous avons heu du passage du Legat par nostre Estat et par le pays de Valley, nous depeschames hier un courrier au Pere Cherubin pour le prier de differer les Quarente Heures jusques [449] au [28] du present, qui sera justement le jour de son arrivee a Thonon.

  A011004115 

 De Villeneufve[-les-Chambéry], ce 17 septembre 1598..

  A011004129 

 Par mes antecedentes lettres, vous aurez sceu de la venue du Legat et le desir qu'avons qu'il se treuve aux Quarente Heures, qui les sollempnisera beaucoup plus; et seroit bien marry si pour un peu de temps luy et moy en perdions la commodité.

  A011004143 

 A quoy Nous sommes tout disposé pour les y assister de nostre presence et y appourter tout ce que Nous pourrons, soit en luminaires que pour fournir a la despense, ainsy qu'escripvons au sieur de Lambert de faire.

  A011004161 

 Nous ayant, appres vostre despart, le Reverend Monsieur Louys Perrucard faict apparoir de la nomination faicte en sa personne, des l'annee 1589, lhors que nous estions a Gex, du prieuré de Sainct Jean soubz le vocable de Sainct Jean hors les murs de Geneve, riesre ledict pays, et supplié de ne luy prejudicier en son anterieurité par l'aultre nomination qu'en avons faict au Baron de Viry: ce que [451] Nous semblant raysonnable, et estant d'ailleurs bien memoratif des causes que Nous meurent de le faire, Nous a semblé par ce de vous dire qu'ayez a vous desporter de la charge et sollicitation qu'en pourriez faire pour l'union dudict prieuré a la Collegiale de Viry, ains faire instance pour en obtenir les provisions necessaires en faveur dudict Perrucard, docteur es droictz et esleu de Seseri, en escripvant en ceste conformité a monsieur l'Ambassadeur Arconat et au Cardinal Aldobrandin.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A012000008 

 Quatrième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A012000015 

 — Oppositions faites par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare à l'exécution du Bref pontifical concernant les biens ecclésiastiques du Chablais.

  A012000018 

 Retard que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare apportent à l'exécution du Bref apostolique.

  A012000018 

 — Activité des Genevois pour entraver les conversions.

  A012000022 

 — Les intérêts de la mission activement poursuivis à Rome.— Aumône faite par le duc à une protestante convertie.

  A012000023 

 — Il est urgent que les pouvoirs spéciaux concédés aux missionnaires ne soient pas suspendus pendant l'année du Jubilé.

  A012000026 

 — Les bonnes intentions du duc de Savoie en faveur du chanoine Nouvellet restent sans effet.

  A012000028 

 Dangers que courent les Catholiques du Chablais; leur constance en face du péril.

  A012000028 

 — L'Archevêque de Vienne expulsé par les Valaisans.

  A012000031 

 — Les poursuites entreprises au sujet de la coadjutorerie de Genève restent stationnaires.

  A012000032 

 Constance des Catholiques de Thonon et de Ternier opprimés par les Genevois.

  A012000032 

 — Prière de solliciter les prébendes d'Abondance promises à M. Nouvellet. 42.

  A012000034 

 — Mauvais vouloir de ceux qui devraient les favoriser.

  A012000040 

 — Son désir de restituer au clergé les biens ecclésiastiques usurpés par les Genevois.

  A012000045 

 — Ne pas refuser les avances du procureur Chappaz. 62.

  A012000049 

 — Un mot sur les dépenses à faire au sujet de la coadjutorerie.

  A012000050 

 Difficulté et lenteur des poursuites faites à Paris; espérance de les voir aboutir.

  A012000064 

 — Confiance que les Religieux doivent avoir en la divine Providence.

  A012000064 

 — Pressante exhortation à supprimer les pensions particulières.

  A012000064 

 — Redouter les plus légers abus en matière de pauvreté.

  A012000070 

 — Il réclame les conseils de M gr Ancina et la continuation de son affection.

  A012000071 

 Caractères auxquels on peut reconnaître les consolations célestes.

  A012000077 

 — Il implore sa protection pour un curé fait prisonnier par les Genevois. 104.

  A012000078 

 — La trop grande multiplicité de désirs est contraire à la perfection; il faut exécuter ceux qui sont le plus à notre portée et restreindre les autres.

  A012000079 

 — Les ecclésiastiques persécutés par les Genevois. 106.

  A012000085 

 Il les engage à accepter une fondation qui leur est offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur.

  A012000090 

 — Les usages des Chapitres de Paris ne peuvent faire loi pour ceux d'Annecy. 120.

  A012000100 

 Désir de connaître les résultats obtenus par la visite épiscopale.

  A012000102 

 Exposé des causes qui ont provoqué l'apostasie du Chablais: pression exercée par les Genevois.

  A012000103 

 Tous les monastères de Savoie, ceux des Chartreux exceptés, ont besoin de réforme; autorité requise à celui qui entreprendrait cette œuvre.

  A012000106 

 Union créée entre les deux Prélats par les persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques.

  A012000109 

 — Estime pour les Pères Jésuites: joie de les savoir rentrés en France. 141.

  A012000115 

 Le désir de la sainteté et l'amour de la viduité sont pour une veuve les deux supports de l'édifice spirituel: comment les affermir.

  A012000115 

 — Devoir de prier pour les pasteurs et prédicateurs.

  A012000116 

 En quoi consiste la perfection propre aux femmes du monde: s'unir à Dieu par la méditation, l'usage des Sacrements, les pieuses lectures et les fréquentes oraisons jaculatoires.

  A012000116 

 — S'unir au prochain par l'affabilité, les œuvres de miséricorde, la condescendance envers ses proches.

  A012000118 

 Sans certaines conditions les conférences sont infructueuses.

  A012000118 

 — Les hérétiques doivent prouver leurs négations.

  A012000118 

 — Prières pour les morts.

  A012000118 

 — Promesse de ne pas refuser une conférence avec les Genevois s'ils la demandent. 152.

  A012000121 

 Opportunité de quelques modifications dans les lois relatives à l'immunité des églises 155.

  A012000122 

 — Chercher un remède à la tristesse et à l'ennui dans les plaies de Notre-Seigneur.

  A012000122 

 — Combien sont indissolubles les liens formés par la charité.

  A012000128 

 — Disposition des matières; différentes méthodes à adopter selon la diversité des genres: sermons sur les mystères et les vertus, homélies, panégyriques.

  A012000128 

 — Eviter les citations mythologiques.

  A012000128 

 — Objet de la prédication: l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens dont elle est susceptible; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples des Saints; interpréter le « grand livre » de la création.

  A012000129 

 — Ce qu'est la sagesse pour les jeunes gens et ce qu'elle doit être pour les vieillards.

  A012000130 

 — A quel âge admettre les jeunes filles à la première Communion.

  A012000133 

 — « Lien admirable » établi par Dieu entre les deux Saints.

  A012000135 

 Requête pour obtenir que les Feuillants soient mis en possession de l'abbaye d'Abondance.

  A012000139 

 — Combattre les désirs empressés.

  A012000140 

 » — Comment on peut servir Dieu dans les maladies.

  A012000140 

 — Les longues veilles du soir « debilitent le cerveau.

  A012000140 

 — « Baume pretieux » pour les adoucir.

  A012000140 

 — « Dequoy les Anges nous portent envie.

  A012000151 

 CCLI. A Sa Sainteté Clément VIII pour les Catholiques de Thonon.

  A012000154 

 Les Bernois prétendent s'emparer des bailliages de Thonon et de Ternier.

  A012000155 

 Encore les affaires du Chablais.

  A012000155 

 — Il n'est pas possible d'accorder au baron du Villars les bénéfices ecclésiastiques qu'il sollicite pour son fils. 221.

  A012000157 

 Violences exercées contre les Catholiques en l'absence de M. de Sancy.

  A012000158 

 Les Jésuites en Chablais: toute la province bénéficie de leur apostolat.

  A012000158 

 — Il faudra y employer les mêmes Religieux, secondés par une élite de missionnaires séculiers.

  A012000159 

 Plaintes contre les syndics de Thonon qui refusent de remettre aux Jésuites le prieuré de Saint-Hippolyte; combien il est urgent d'obtenir cette cession.

  A012000161 

 Sollicitations pour obtenir l'intervention du Nonce dans les affaires du pays de Gex. 228.

  A012000166 

 — Le Pape « attend de jour a autre les premieres nouvelles » de cette évangélisation.

  A012000168 

 Rien ne s'est fait pour l'emploi des revenus ecclésiastiques du Chablais sans avoir entendu les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A012000171 

 L'Evêque de Genève sollicite l'autorisation de communiquer la faculté d'absoudre les hérétiques et de lire leurs ouvrages.

  A012000193 

 Nous allions attendant la commodité de quelques plus asseurees addresses que ne sont les ordinaires en ce tems si troublé, pour envoyer nos lettres de dela, et quelque resolution du chemin que nos affaires prendroyent pour vous en donner quelque advis; et l'un et l'autre nous est seulement arrivé maintenant.

  A012000193 

 Nous avions proposé dix articles a Sa Sainteté de vostre part, et il nous a prouveu sur quelques uns; sur les autres il nous a renvoyés au Nonce, et les autres il a presque refusés (sic).

  A012000194 

 Il a accordé que la provision desditz pasteurs se fit par vous absolument pour ceste premiere fois; que vous puissies donner portion congrue a tous curés etiam extra visitationem; absoudre les hæretiques comme ci devant, pour cinq ans a venir, licence laquelle ilz estiment icy perpetuelle par ce qu'il ne couste sinon d'envoyer pour demander la continuation avant qu'elle soit passee..

  A012000195 

 Quand a vos decimes, il renvoye l'affaire au Nonce affin quil advise comme l'on pourra jetter vostre rate sur les autres benefices moins chargés que l'evesché de Geneve.

  A012000196 

 Quand a la dispense pour nos chanoynes, il l'accorde, pourveu que les chanoynes puyssent servir a leurs cures; mais ce point n'est encores pas du tout bien esclairci..

  A012000197 

 Quand aux theologales, il ne les veut establir sur les monasteres, ne voulant, comme il dit, descouvrir un autel pour en recouvrir un autre.

  A012000198 

 Neanmoins, ni Sa Sainteté ne les Cardinaux ne le goustent pas trop, estimant que ceux d'Annessi desirent nostre sejour en leur ville, et quilz nous tiennent en tel pris que toutes villes font semblables pieces comm'est la personne de l'Evesque et son Chapitre, et disent qu'on peut suppleer le fruit de ceste mutation autrement.

  A012000199 

 Mays au reste il y reluit presque par tout une courtoisie et maintien angelique, sur tout en nos trois commissaires, les Cardinaux Burghesio, Arigo ne et Bianchetto, et par excellence au Cardinal Baronius, qui nous a portés de toute sa faveur tant vers Sa Sainteté que vers les Cardinaux..

  A012000199 

 Sa Sainteté ne feroit pas une grace, pour petite qu'elle soit, qu'elle ne soit pesee et contrepesee par conseil de Messieurs les Cardinaux, lesquelz, voyans il Santissimo di questo parere, sont aussi eux mesmes d'iceluy.

  A012000200 

 Le seul Cardinal Mathæi estant malade, nous retient encor sans autre [3] response, sinon quil reçoit vostre Visitation et si quid erroris admissum esset in mora, absolvit ad cautelam, et fera droit touchant la prætention que vous aves d'estre mis au nombre des ultramontains pour les termes de vostre Visitation; mais il ni a pas moyen de tirer aucun'escriture de luy, dautant quil ne peut signer..

  A012000201 

 Voyla, ce crois-je, une partie de ce que nous estions venu faire en chemin, nonobstant la peyne que l'on a eu de les pousser pour les ennuys que le Tybre nous a fait..

  A012000202 

 Le Cardinal Sainte Severine me dit que Monseigneur le Nonce sollicitoit de me faire depescher pour aller vers vous en l'absence du bon P. Cherubin, lequel, a ce qu'on nous advise de deça, est tumbé en une tres lamentable [4] infirmité; et Sa Sainteté et ces messieurs du Saint Office, bref tous les bons, regrettent infiniment cest accident, et pour la valeur de la personne, qu'il rend inutile, et pour le bruit qu'en feront les adversaires, qui, n'ayant aucune rayson pour leur opiniastreté, font bouclier de tous les sinistres evenemens qui nous arrivent, pour naturelz et ordinaires quilz soyent.

  A012000204 

 Or, nous esperons entre cy et Pasques vous bayser les mains et rendre conte en presence du tems et loysir que nous avons fait des nostre despart; ce ne sera jamais si tost que je le desire.

  A012000221 

 Ce fidele amy ne s'empressera que trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine; mays quoy que nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagerent aussi souvent nostre bien que nos ennemis exagerent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu.

  A012000255 

 Bien que je ne sois pas encore au terme de mon voyage de retour, ayant été misérablement cloué en cette cour un mois entier, je dois cependant donner à Votre très Révérends Paternité le détail de toutes [7] les faveurs que j'ai reçues en sa considération.

  A012000255 

 Ils nous firent célébrer dans la Sainte Maison, toucher la sainte image et voir tous les objets précieux.

  A012000255 

 M gr l'Evêque, quoiqu'il eût le désir de me gratifier de ses Œuvres, ne put le faire, n'ayant d'autre exemplaire que celui dont il se sert habituellement; mais il me chargea, l'occasion de quelque porteur se présentant, de le faire ressouvenir de me les envoyer.

  A012000258 

 mais, comme je dis, ce fut un ressentiment affectueux et non point amer; alors je lui fis connaître ce que j'en avais appris de vous, et l'entretien se termina dans les mêmes termes honorables avec lesquels il avait été commencé..

  A012000259 

 Cependant MM. les Chevaliers de Saint-Lazare sachant que j'étais porteur du Bref de Sa Sainteté qui confère à M gr de Genève l'autorité d'appliquer à la subsistance des curés, des pasteurs et des prédicateurs les revenus qu'ils ont sur les paroisses converties, me font citer pour rendre raison de mon administration.

  A012000259 

 Je rendrai compte à Votre Paternité de tous les évènements remarquables, et aussi de moi-même, comme d'une chose absolument sienne..

  A012000260 

 La contagion est très grande en Savoie, à Genève et dans les environs de Montmélian; le reste est tout à fait libre.

  A012000260 

 On espère que Son Altesse ira en France, où elle est ardemment [10] désirée par le roi, qui a chargé le prince de Conti et le comte de Soissons d'aller à sa rencontre jusqu'aux frontières, et de le conduire ensuite là où se trouvera Sa Majesté, avec tous les honneurs que l'on a coutume de lui rendre à elle-même; c'est ce que la princesse de Conti écrivit par un exprès à son chargé d'affaires en cette cour de Savoie.

  A012000261 

 C'est tout ce que j'ai à vous communiquer pour le moment, distrait comme je le suis par les poursuites que je fais pour nos affaires ecclésiastiques.

  A012000261 

 En attendant je baise les mains sacrées de Votre Paternité, en la priant de se souvenir de moi dans ses prières, comme pour acquitter ma dette de reconnaissance, je prie continuellement Notre-Seigneur qu'il la conserve pour le bien d'un grand nombre..

  A012000267 

 Je baise les mains au R. P. Jean-Matthieu, votre frère, aux deux RR. PP. Thomas et au R. P. Antoine, et si l'occasion se présente [12] ce serait pour moi une grande faveur de me rappeler au souvenir de M gr votre Illustrissime Cardinal..

  A012000299 

 Je supplie donc Votre Seigneurie de daigner considérer que, dans cette conjoncture, le retard de l'œuvre équivaut à sa ruine; car les ouvriers se trouvant sans provision, ne peuvent demeurer ainsi que fort peu de temps.

  A012000368 

 Parmi les nombreuses raisons pour lesquelles la difficulté des passages nous est préjudiciable, il me semble que la plus importante est que nous sommes privés de la consolation de recevoir des lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime et que, de notre coté, nous ne pouvons lui en expédier aussi facilement que nous le devrions et désirerions..

  A012000369 

 Et même les ecclésiastiques établis de ces côtés n'ont pas les provisions strictement requises à leur entretien; de sorte que si M gr notre Révérendissime Evêque ne les avait charmés par des caresses et de belles paroles, il n'en serait pas resté la moitié.

  A012000369 

 La cause de ceci est que Son Altesse Sérénissime ayant député M. le premier Président du Sénat et M. le chevalier de Ruffia pour assister à la répartition que M gr l'Evêque doit faire, selon l'ordre du Saint-Siège, des parts nécessaires aux curés, prises sur les bénéfices des bailliages, le susdit chevalier, qui, lorsque je partis de Turin, devait venir immédiatement, n'a jamais paru.

  A012000369 

 Me trouvant maintenant à Chambéry, je puis écrire à Votre Seigneurie, et lui dire que si bien les affaires de la conversion du Chablais et des autres bailliages ne reculent pas, de même aussi n'avancent-elles pas beaucoup; car le progrès dépend des offices et des exercices du culte catholique qui, faute d'argent et d'autres moyens [17] nécessaires, ne peuvent se faire avec la décence et l'éclat qui seraient convenables dans ces commencements.

  A012000370 

 Cependant il est très vrai que parmi les convertis aucun n'a jamais fait mine de regarder en arrière; toujours ils se fortifient dans la foi, tandis qu'il s'en convertit d'autres qui étaient des plus obstinés dans l'hérésie.

  A012000370 

 D'autre part, les Genevois et d'autres ennemis des environs ne [18] manquent pas de s'opposer au progrès de la sainte négociation en répandant des menaces et des bruits de guerre.

  A012000371 

 J'attends aussi l'annonce de la dérision que Sa Sainteté aura prise relativement à la mission des [19] PP. Jésuites, dont Votre Seigneurie me parla quand je lui baisai les mains près de Chieri.

  A012000371 

 J'attends avec un grand désir l'extension en dehors de la confession sacramentelle de la faculté qui m'est concédée d'absoudre les hérétiques, car cela est nécessaire.

  A012000371 

 Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité.

  A012000372 

 M gr de Genève est à Thonon, et il n'ose en partir jusqu'à ce que les choses soient établies et solidement affermies; le P. Bernardin Castorio Jésuite est aussi avec lui.

  A012000373 

 Et parce qu'il me semble que Votre Seigneurie a le pouvoir d'absoudre et de dispenser pour tels mariages, surtout entre les pauvres, je la supplie de daigner leur faire cette grâce.

  A012000373 

 Leurs noms sont Claude Fenoland, d'une part., et Pernette Mermillod de l'autre; celui-là de la paroisse île Thorens, et celle-ci de La Roche, tous les deux de ce diocèse..

  A012000374 

 Que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime me pardonne si j'outrepasse les règles de la discrétion en lui écrivant avec tant d'importunité, car je n'ai vraiment personne à qui recourir sinon [21] à sa bonté; Elle me l'a témoignée tant de fois que je ne puis faire difficulté de la réclamer.

  A012000381 

 Les passages de Rome étant fermés, je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de faire expédier le pli ci-joint..

  A012000416 

 Quant à la première, je me mettrai avec toute diligence au service de M gr de Vienne pour tout ce qu'il voudra me commander; et quant à l'informer de l'état des choses, je l'ai fait jusqu'à présent et je le ferai toujours plus avec une entière fidélité; mais c'est un Prélat [23] de tant de mérite et de prudence, que, jetant les yeux autour de lui, il découvre par lui-même et pénètre jusqu'aux moëlles de l'affaire..

  A012000417 

 Il vous envoie donc son rapport, après lequel il ne me reste plus rien à dire, sinon que les choses vont assez bien ici, et que l'on espère de plus grands progrès à l'avenir, surtout en voyant que Sa Sainteté les prend à cœur et veut nous aider, ce dont nous avons un très grand besoin.

  A012000418 

 Pour cette raison et d'autres affaires très importantes, M gr notre Révérendissime Evêque prit Dimanche dernier la route d'Annecy, comptant passer de là à Chambéry, afin de traiter avec Son Altesse Sérénissime et terminer une bonne fois la négociation fondamentale de cette œuvre, en sorte que les curés, hommes de mérite qui se fatiguent ici, n'aient plus à souffrir les privations et les nécessités qu'ils ont endurées jusqu'à présent.

  A012000419 

 Ce sera un singulier avantage pour [26] ouvrir le collège projeté par Son Altesse, jusqu'à ce qu'il soit parfaitement pourvu de bâtiments et autres ressources, sans lesquelles on ne peut si tôt commencer les leçons et les autres exercices; mais en attendant, la mission établie si à propos y suppléera.

  A012000419 

 J'écris au P. Provincial des Jésuites pour hâter la venue des six Pères que Sa Sainteté veut entretenir à ses frais; je suis sûr que nous les aurons au commencement du mois prochain, ce qui sera une grande consolation pour les pasteurs et pour le peuple.

  A012000420 

 Je n'écrirai pas encore à Votre Seigneurie Illustrissime touchant les particularités nécessaires à connaître pour la supplique que j'ai présentée relativement aux prébendes théologales; car je n'ai conservé ni dans mes papiers ni dans mes souvenirs le nombre des abbayes et des monastères capables de supporter cette dépense; mais M gr le Révérendissime étant à Annecy m'en enverra l'indication exacte, tirée de ses livres de visite, et aussitôt j'en donnerai un compte-rendu détaillé [27] à Votre Seigneurie, que je supplie de vouloir bien me pardonner si, étant distrait par une multitude d'affaires, je lui écris si mal..

  A012000453 

 Si je vous remerciois au long par escrit de la souvenance que vous aves de moy, selon vostre lettre receüe par les mains de monsieur le Præsident mon frere, je meriterois que vous ne leussies pas ma lettre, car vous seres tant empressé a recevoir et caresser ces jeunes gentilshommes nouveaux venuz, que vous n'aures pas le loisir de parler avec ma lettre.

  A012000493 

 Etant enfin arrivé ici, j'ai tardé de jour en jour à expédier les lettres et les pièces ci-incluses, espérant les envoyer par le fils du baron de Chevron qui se croyait toujours sur le point de partir; mais voyant passer le temps, j'ai résolu de ne plus attendre et de livrer plutôt le pli aux courriers..

  A012000493 

 Venant de Thonon à Chambéry dans l'espoir de me rendre utile à M gr de Genève, j'ai été contraint de m'arrêter quelque temps en chemin afin d'attendre les mémoires nécessaires pour traiter en cette [31] cour différentes choses touchant le service de Dieu; car Monseigneur ne pouvait s'y rendre, vu qu'à Annecy, où il se trouvait, les communications sont interrompues avec Chambéry et avec tous les autres lieux où ira le prince.

  A012000494 

 J'ai reçu en route une lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et [32] Reverendissime du 14 octobre, et une autre du 2 de ce mois, ainsi que deux autres qui y étaient jointes, pour M gr l'Archevêque de Vienne auquel je me suis empressé de les faire parvenir sûrement.

  A012000495 

 Et quoique Son Altesse aille en France, j'estime pourtant qu'elle aura assez d'autres affaires sans penser à ce détail; je crois cependant qu'elle ne repassera pas les monts sans s'en occuper..

  A012000496 

 Je vous envoie une longue information au sujet de l'érection des prébendes théologales; vous y trouverez tous les renseignements que vous désiriez de moi.

  A012000496 

 Le P. Bartoloni a reçu les cent huit écus expédiés par Votre [33] Seigneurie Illustrissime; il a aussitôt envoyé à Thonon un Père prédicateur, qui y est arrivé le dernier jour d'octobre.

  A012000497 

 Je sais que c'est au zèle, à la bonté et prudence de Votre Seigneurie que l'on doit de toute façon en attribuer le succès; s'il est [34] tel que je l'espère, il sera très glorieux à Sa Sainteté, très honorable à Votre Seigneurie, principal instrument d'une si grande œuvre, très utile à la sainte Eglise, particulièrement à ces populations; et, ce qui importe davantage, plus agréable au Seigneur notre Dieu que tout ce que l 'on a vu par le passé: Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons..

  A012000497 

 Jusqu'ici je n'ai eu aucune lettre du P. Chérubin mais seulement de Révérend Clerici, qui m'a renseigné sur les affaires que l'on traite à Rome avec beaucoup d'ardeur.

  A012000498 

 On ne peut dire autre chose de M gr le Révérendissime de Vienne sinon que, par antipéristase, il prend toujours nouvelle vigueur et s'échauffe d'autant plus dans le combat contre les ministres et les hérétiques qu'il a eu la grande satisfaction de ramener à Jésus-Christ un gentilhomme, son neveu, lequel en conséquence il a retiré chez lui..

  A012000499 

 J'ai obtenu de Son Altesse une aumône de trente écus d'or pour les frais de voyage d'une femme milanaise qui, étant sortie de Genève aces trois fils et quatre filles en âge de se marier, veut retourner catholique à Milan; mais je ne crois pas qu'elle puisse passer de [35] si tôt.

  A012000500 

 Bien que nous soyons ici à la cour, nous ne savons aucune nouvelle sinon que Son Altesse partira pour la France le 25 de ce mois; toutefois, cette date pourra être changée si les circonstances l'exigent.

  A012000500 

 Son Altesse m'a promis toutes sortes de provisions pour le Chablais, ayant commandé les lettres d'expédition et autres papiers nécessaires, et ses ministres montrent plus d'empressement qu'à l'ordinaire; c'est pourquoi j'espère que nous aurons cette année et le Jubilé et une jubilation très grande, mais nous avons besoin d'un secours puissant, efficace et persévérant..

  A012000501 

 Il ne me reste plus autre chose à communiquer à Votre Seigneurie sinon de la prévenir, avec cette confiance que sa bonté me permet, et la priant de n'en rien dire à personne, que Son Altesse a trouvé un peu étrange de n'avoir pas été mise au courant avant tout autre, d'une manière exacte et très circonstanciée, de la manière dont les [36] affaires de Thonon sont traitées à Rome; je m'en suis aperçu par quelques mots relatifs à ce sujet; au reste, le prince se montre très affectionné à l'entreprise.

  A012000508 

 M gr de Genève m'a ordonné de baiser en toute humilité les mains de Votre Seigneurie en son nom; c'est ce que je fais.

  A012000534 

 Depuis ma dernière lettre à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime rien de nouveau n'est survenu dans les affaires du Chablais, sinon que Son Altesse a commandé au Sénat et à la Chambre de vérifier tous les ordres que, sur les instances du P. Chérubin, elle a donnés il y a un an pour la maison de refuge de Thonon.

  A012000534 

 J'ai écrit à Votre Seigneurie qu'un Père Jésuite prédicateur s'était rendu à Thonon; maintenant ils sont deux, car un de ses confrères l'a rejoint le jour [38] de saint André, et bientôt arriveront les autres qui nous sont envoyés d'Avignon..

  A012000535 

 Je ne crois pas pourtant que Sa Sainteté veuille suspendre les nôtres, qui non seulement ne sont pas moins nécessaires cette année qu'en tout autre temps, mais qui le sont même davantage.

  A012000535 

 Le P. Recteur des Jésuites m'a soulevé une difficulté touchant les pouvoirs qui nous ont été concédés pour absoudre les hérétiques; à savoir, que la veille de Noël de l'année jubilaire Sa Sainteté a coutume de déroger généralement à tous les privilèges précédemment accordés.

  A012000535 

 Les termes dans lesquels ils nous sont accordés ne souffrent pas de dérogation générale, de sorte que je m'en servirai sans crainte au nom du Seigneur; mais pour trancher toute difficulté, Votre Seigneurie Illustrissime voudra bien en juger Elle-même..

  A012000536 

 Et cependant, bien que j'aie été nommé et élu au concours, selon les prescriptions du saint Concile de Trente, le frère du curé mon prédécesseur m'a suscité un procès, [39] se basant sur une simple signature [donnée en Cour de Rome] à raison de résignation pour cause de maladie, dont la date est postérieure de trente-six jours à la mort dudit curé, sans aucun consentement indiqué au dos de la pièce et après la tenue dudit concours.

  A012000536 

 Il y a deux ans que Sa Sainteté par Bulles sub plumbo me pourvut de la cure du Petit-Bornand, avec dispense de l'incompatibilité de la Prévôté dont les revenus sont nuls.

  A012000537 

 Les Genevois croient que Sa Sainteté fait d'extrêmes instances auprès du roi très chrétien pour obtenir le libre exercice du culte catholique dans leur ville.

  A012000538 

 En attendant je prie Dieu d'accorder toutes sortes de contentements à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, à qui je baise les mains en toute humilité, la suppliant de me pardonner si j'ose lui exposer avec tant de liberté les choses qui me sont personnelles; mais les témoignages d'extrême bienveillance tant de fois reçus m'encouragent en ces rencontres....

  A012000538 

 Je me rends demain à Annecy, afin d'aller ensuite à Thonon pour les fêtes, si c'est nécessaire, et je m'empresserai de vous renseigner selon les occasions.

  A012000564 

 Si l'œuvre difficile et laborieuse de la conversion de ces provinces ne provenait de Dieu, il y a longtemps qu'elle serait ruinée; car les empêchements et les obstacles n'ont point manqué, et ils ont été en si grand nombre et de telle nature qu'ils n'auraient jamais pu [42] être surmontés par des moyens humains.

  A012000566 

 Pour moi, non seulement j'ai beaucoup espéré ces faveurs, mais j'en ai reçu même le gage très assuré lorsque, traitant naguère auprès de vous d'autres affaires également saintes, vous daignâtes les embrasser avec tant d'ardeur..

  A012000591 

 Deux lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime me sont arrivées simultanément les derniers jours de l'année passée: l'une est du 7 décembre, l'autre est le duplicata d'une lettre précédente du 20 octobre, avec la copie de celle que le P. Chérubin vous écrivit de Rome le 2 du même mois d'octobre (les originaux de ce double et de cette copie ne sont jamais tombés entre mes mains), et, dans le même pli, une autre lettre datée du 7 décembre.

  A012000592 

 Le P. Chérubin a oublié les uns, et il ne connaît pas les autres parce qu'ils sont venus après son départ: tels les chanoines Déage, Grandis, Gottry, Bochut, tous docteurs et très savants.

  A012000593 

 En attendant elle pensait écrire à l'abbé d'Abondance afin qu'il donne audit docteur, pour cette [47] année, deux des cinq ou six prébendes vacantes de son abbaye, lesquelles sont mises dans le trésor commun par les administrateurs.

  A012000593 

 Il a fait venir pour mille écus de livres, avec intention d'employer les années qui lui restent au bien de sa patrie, et cependant, faute de ressources, il n'a pas encore pu ouvrir ces livres ni utiliser son savoir; car, bien qu'il soit chanoine de l'Eglise de Genève, néanmoins, étant maladif et âgé déjà de cinquante-cinq ans, il endure, à la faim près, une grande pauvreté.

  A012000593 

 Il en serait de même de tous les autres s'ils n'avaient recours à leurs familles.

  A012000594 

 C'est pourquoi on peut dire avec le P. Chérubin que, le moyen étant donné, il y aurait à faire une œuvre bonne et utile dans ce diocèse, en fondant une espèce de séminaire de prêtres qu'on pourrait employer en toute occasion, particulièrement dans les alentours..

  A012000594 

 J'ai voulu dire ceci à Votre Seigneurie Illustrissime pour lui exposer sommairement les obstacles qui s'opposent au progrès du service de Dieu dans ces contrées.

  A012000595 

 Quant à ces bonnes populations, nous avons déjà célébré solennellement la fête de la conception avec toutes les octaves; plaise à Dieu que nous puissions célébrer la fête de l'enfantement et de la naissance, au moins en cette année du Jubilé! ... [48].

  A012000604 

 Cependant que j'ay suivi le proces que j'ay eu avec messire Nicolas Balli pour la parrochiale du Petit Bornand par devant les juges lais pour le possessoire, j'ay laissé en surseance la poursuitte de l'adjournement que j'avoys eu a Vienne des que maistre Coquin se presenta pour moy et vous constitua mon procureur, il y a environ deux ans.

  A012000604 

 Maintenant, desirant reprendre les arremens dudit proces, auquel je m'estois præsenté, je vous supplie de m'envoyer les lettres necessaires a ces fins pour, au moyen d'icelles, poursuivre par apres mon droit ainsy que je seray conseillé.

  A012000639 

 Menacés tantôt par les incursions des Genevois, tantôt par celles des Bernois, ils sont cependant demeurés fermes en notre sainte religion.

  A012000640 

 La plupart des curés restent dans leurs paroisses, bien que quelques-uns des plus timides se soient retirés pour voir comment finiront les choses..

  A012000640 

 Les Pères de la mission sont encore en Chablais, quoique dispersés en différents endroits par crainte des Genevois et des Bernois.

  A012000641 

 Les passages étant occupés comme ils le sont, il sera très difficile [51] d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime aussi souvent qu'il conviendrait; néanmoins, j'en chercherai toutes les occasions, car parmi ces calamités je ne tiens pas pour une petite consolation de pouvoir me rappeler fréquemment à son souvenir et à sa bienveillance..

  A012000659 

 Mais voyant que le sujet ne portoit point ceste presse, je vous envoye les deux lettres et demeure icy au devoir que j'ay au service de mon pere, lequel de jour a autre avance a grans pas a l'autre vie, s'affoiblissant tellement en cellecy que, si Dieu ne nous preste sa main miraculeuse, je me vois dans peu de jours privé de la [53] consolation que, avec toute ceste mayson, j'ay tous-jours eu en la presence de ce bon pere.

  A012000663 

 A Sales, ou ma mere avec tous les siens et mon pere mesme vous baysent tres humblement les sacrees mains, 19 janvier..

  A012000697 

 Ce n'est pas sans peine, il est vrai, que les choses se sont ainsi maintenues..

  A012000697 

 Les ministres de Genève n'ont pas manqué de vouloir occuper les églises; mais M gr notre Révérendissime Evêque s'en étant plaint au roi de France, celui-ci leur ordonna [55] de renoncer à de semblables desseins.

  A012000697 

 Nos ecclésiastiques installés dans les nouvelles églises ont incroyablement souffert, mais avec tant de constance que c'est une grande consolation de s'en ressouvenir.

  A012000697 

 Toutefois, Dieu soit loué de ce que ni parmi les anciens Catholiques, ni parmi les nouveaux convertis il n'y a eu d'autre mouvement que celui d'une plus grande ardeur et ferveur.

  A012000698 

 L'espoir d'une prochaine paix nous réjouit tous; mais si à cause de nos péchés elle ne se concluait pas, nous aurions grand besoin de l'appui du Saint-Siège auprès du roi, afin de n'être pas maltraités par les Genevois.

  A012000735 

 Ainsi l'on a reconnu que leur saint changement était l'œuvre de la droite du Très-Haut, puisque, par antipéristase, ils célébrèrent les fêtes de Noël avec un entrain tout à fait inusité.

  A012000735 

 Je lui donnerai en [57] même temps une consolation: celle de lui apprendre que si bien à Thonon et à Ternier, d'où je revins seulement le Dimanche de la Quinquagésime, on a beaucoup souffert sous le gouvernement de M. de Montglat, huguenot, et par les diverses embûches des Genevois (à Ternier surtout ils ont exercé une tyrannie, et commis à l'égard des choses sacrées des indignités qui ne se peuvent dire), néanmoins, malgré tout cela, parmi un si grand nombre de convertis il ne s'en trouvera pas quatre qui soient retombés, et encore sont-ils de basse condition.

  A012000736 

 M. de Villette suppliera Votre Seigneurie d'user de sa charité accoutumée pour obtenir à M. Nouvellet les prébendes promises par l'Abbé d'Abondance, non pour cette année passée, puisque M. de Sancy a saisi tout le revenu de cette abbaye, mais pour l'année prochaine.

  A012000737 

 D'Annecy, où je demeure pour les prédications du Carême, le 18 mars 1601..

  A012000742 

 M gr notre Révérendissime Evêque m'a chargé de baiser en son nom les mains de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime.

  A012000796 

 Aux fêtes de Pentecôte j'ai prêché à Thonon, où les nouveaux Catholiques ont fait en grand nombre la Communion avec beaucoup de fruit..

  A012000796 

 J'ai été ce mois-ci à Thonon et dans le bailliage de Chablais pour visiter toutes les églises, savoir en quel état elles se trouvent et par quel moyen on pourrait les doter, comme il m'avait été enjoint par M gr notre Evêque.

  A012000796 

 Pour ce qui concerne les âmes, j'ai trouvé que, malgré la guerre, le nombre des convertis s'est accru depuis Noël, bien que sous la domination du lieutenant du gouverneur donné par le roi de France, lequel pendant qu'il était là était huguenot au suprême degré, quelques brebis se fussent d'abord égarées; mais elles sont peu en quantité et nulles en qualité.

  A012000797 

 Mais quant au moyen de doter les églises, la difficulté est très grande pour les mêmes raisons qui ont existé jusqu'ici: c'est-à-dire Tous cherchent leurs intérêts, jusqu'à M. le Prévôt du Grand-Saint-Bernard qui, sous certaines prétentions de nominations qu'il [63] avait avant l'invasion de l'hérésie, traverse cette œuvre partout où il peut, et lui, qui n'a jamais paru au temps du labeur, veut maintenant s'emparer des bénéfices; de sorte que, craintes au dehors, combats au dedans.

  A012000797 

 Quant à MM. les Chevaliers, l'on n'en peut dire autre chose sinon que leurs agents persistent eux aussi à vouloir contester, si bien qu'on ne voit pas la fin de cette affaire; et cependant il serait nécessaire de la terminer pour donner commencement à celle que voici..

  A012000798 

 Deux Pères de la mission et deux autres curés du Chablais, proches du bailliage de Gaillard, apprenant que Son Altesse était maîtresse de ce bailliage et qu'il s'y trouvait un capitaine très catholique, allèrent s'offrir à lui pour commencer la prédication évangélique et l'exercice du culte, lequel n'existait pas en ce lieu parce que les Genevois l'avaient jusqu'alors occupé au nom du roi de France.

  A012000798 

 Il est vrai que ce bailliage n'étant pas très éloigné des nouveaux Catholiques du Chablais d'un côté, et des anciens de notre côté du Genevois, les habitants étaient déjà à moitié instruits de la sainte religion.

  A012000798 

 Presque toutes les autres sont fort disposées au même bonheur, sans que soient intervenus ni force ni artifice autre que la simple parole.

  A012000798 

 Voilà donc que M gr notre Evêque aura de nouvelles fatigues pour envoyer des ouvriers en cette vigne, et leur procurer les provisions nécessaires..

  A012000799 

 Je crois qu'ils doivent l'être, malgré [65] cette clause du traité de paix, que chacun doit rentrer dans les domaines qu'il possédait avant la guerre; car je ne pense pas que le Saint-Siège en faisant la paix ait entendu que les huguenots gardassent les biens de l'Eglise, dont ils sont usurpateurs et non possesseurs..

  A012000799 

 Là aussi il faudra pourvoir de pasteurs, car ce bailliage est maintenant entièrement huguenot et occupé par les Genevois, qui demeureront bien compromis par l' Intérim s'ils sont contraints de restituer les biens ecclésiastiques.

  A012000800 

 Tel est l'état de nos affaires, auxquelles je supplierai très instamment Votre Seigneurie Illustrissime de daigner continuer sa sollicitude accoutumée, et surtout de les recommander vivement à son illustrissime successeur.

  A012000801 

 C'est pourquoi les Pères Jésuites ont jugé qu'il serait à propos de l'en faire [66] relever afin qu'elle puisse se marier.

  A012000802 

 Je vous demande en dernier lieu de me permettre de vous écrire quelquefois soit à Rome, soit à Bari, et de vous renseigner sur nos affaires, dont je crois que Votre Seigneurie gardera toujours un agréable souvenir, se rappelant les travaux qu'Elle leur a consacrés pour le service de Dieu.

  A012000821 

 Si ce jour s'écoulait sans que la question fût réglée, je craindrais d'être responsable du retard devant Dieu et devant les hommes.

  A012000847 

 C'est pourquoi M. le baron de Lux, bon Catholique, a mandé au roi pour avoir la solution de cette difficulté, et M gr l'Evêque a aussi, de son côté, écrit à Sa Majesté et à M. le Nonce de France, afin que ses droits et les nôtres soient sauvegardés..

  A012000847 

 Ce bailliage a été occupé jusqu'à présent par les Genevois au nom du roi de France; mais depuis quinze jours il a été de nouveau [70] soumis à sa couronne et arraché aux mains desdits Genevois.

  A012000847 

 Mais parce que l' Intérim français veut que les biens ecclésiastiques et les églises soient rendus aux prêtres, aux évêques et autres, les Genevois, qui détiennent les terres et les revenus de M gr de Genève, de son Chapitre et d'autres églises, ont protesté que cet Intérim ne devait leur préjudicier en rien.

  A012000848 

 Sans cette mesure, la religion ne pourra être rétablie; car il est impossible de pourvoir ce pays de pasteurs si on ne pourvoit les pasteurs des ressources nécessaires et d'une église.

  A012000849 

 Cette église est dépouillée de la plus grande partie de ses revenus, qui sont entre les mains des ennemis de la foi; de plus, il y a tant de travaux à supporter que son Evêque ne peut manger qu'au prix de beaucoup de sueurs le peu de pain qu'elle lui donne..

  A012000849 

 L'autre chose est que, en étant vivement sollicité par M gr l'Evêque de Genève et aussi, pour le dire franchement, par toutes les personnes les plus notables et les plus distinguées du diocèse, non seulement ecclésiastiques mais encore laïques, cédant enfin à leurs instances j'ai consenti à ce que l'on reprit les négociations commencées pour m'obtenir la coadjutorerie de cet évêché avec future succession.

  A012000850 

 Si cependant la chose doit réussir, je ne cesserai de me prévaloir de la bienveillance et de la bonté de Votre Seigneurie chaque fois que je le croirai opportun, désirant en ceci comme en tout autre dessein demeurer toujours sous les ailes de sa protection..

  A012000851 

 Je lui remets donc entièrement le succès de ceci et de tous mes autres projets, la suppliant de conserver pour l'utilité de son Eglise Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, à qui je baise très humblement les mains... [74].

  A012000877 

 Puisque les divers besoins de ce diocèse me donneront souvent occasion de recourir à l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, il m'a semblé que je pouvais et devais commencer par celui-ci, qui est remarquable et très important..

  A012000878 

 Le pays de Gex, occupé jusqu'à présent par les Genevois, est tombé, par les articles du traité de paix, entre les mains du roi de France, au nom de qui le baron de Lux en a pris possession depuis peu, en déclarant que l'intention du roi était d'y rétablir l'exercice de la foi catholique au moyen de l' Intérim de la même manière qu'il se [75] pratique en France.

  A012000878 

 Mais parce que ledit Interim exige que les églises et les biens ecclésiastiques soient rendus aux Catholiques, les Genevois, qui détiennent en ce bailliage un grand nombre de terres, décimes et autres revenus de M gr l'Evêque de Genève, de son Chapitre et de plusieurs églises, ont protesté que l' Intérim ne devait leur préjudicier en rien.

  A012000880 

 C'est en baisant très humblement les mains vénérées de Votre Seigneurie que je lui souhaite de Dieu notre Seigneur, avec tout vrai [76] contentement, un bon commencement, un meilleur progrès et une excellente fin de son importante nonciature..

  A012000895 

 Apres que Monsieur l'Evesque de Geneve a eu establi les eglises en tout ce balliage, horsmis en deux [77] ou trois lieux, et entr'autres en ceste ville, faute de moyens convenables, il m'a layssé icy pour quelques jours pour essayer d'attirer ce peu qui reste d'huguenotz hors du fort de leur obstination.

  A012000895 

 J'y ay employé tout mon cœur, et espere que Dieu en aura touché quelques uns par les motifz quil luy a pleu m'inspirer.

  A012000896 

 Le saint effect de l'edit que je propose rendra tous-jours plus admirable a tous les vrays [78] Catholiques la religion et grandeur de courage de Vostre Altesse, et la douceur d'iceluy forcera tous ses adversaires d'en reconnoistre la clemence, mesme apres tant de soin qu'ell'a eu de faire proposer les instructions a ce peuple, duquel maintenant ell'est maistresse sans dependence d'aucun traitté ni condition, ne le tenant que de Dieu..

  A012000896 

 Plusieurs, par ce moyen, eviteront le bannissement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie; les autres, qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost commun parti que comme une religion.

  A012000897 

 Chacun sçait qu'elle desire extremement de voir ses païs netz du mal de l'heresie, personne n'ignore l'ardeur de son zele en cest endroit; si elle ne le fait pas, le pouvant si aysement faire, plusieurs croiront que le desir de ne mescontenter pas les huguenotz qui sont en son voysinage en soit l'occasion.

  A012000898 

 Mais puisque les grans princes ont soin de toutes les pieces de leurs estatz, il est raysonnable que chacune leur contribue les advis qui semblent estre pour leur service; ce que je fay avec toute franchise a l'endroit de Vostre Altesse, pour la singuliere debonaireté que Dieu luy a donnée, et de laquelle je me prometz le bonheur d'estre tousjours avoué,.

  A012000909 

 Puisqu'il vous a pleu me dispenser d'aller en personne aupres de vous pour vous donner l'advis que vous desires avoir de moy avant que de vous acheminer a Gex, je vous diray simplement sur ce papier que Monsieur l'Evesque se tient tout prest avec la petite trouppe pour arborer la Croix et en publier les mysteres par tout ou vous luy en marqueres les lieux et occasions; il attendra seulement l'assignation du jour que vous luy donneres pour vous rencontrer sur le chemin.

  A012000936 

 Autant que j'ai pu le découvrir, le roi voudrait de toute façon avoir quelque bon prétexte pour enlever lesdits revenus à cette ville, sans offenser les cantons hérétiques des Suisses et la reine d'Angleterre qui font beaucoup d'instances en faveur des Genevois; et ce qu'il désire c'est d'en être pressé au nom du Saint-Siège, auquel il n'y aurait pas lieu de refuser une si juste requête..

  A012000936 

 Entre autres choses, on a parlé des revenus de l'Evêque et du Chapitre de Genève et de ceux de Saint-Victor, usurpés par les [82] Genevois, ainsi que des moyens à prendre pour les recouvrer.

  A012000937 

 De cette manière, la négociation réussirait très bien; et ce ne serait pas un petit préjudice pour les Genevois, [83] qui demeureraient très pauvres, ni peu de lustre à la religion catholique; ce serait aussi ouvrir peu à peu la voie pour amener à quelque plus grand bien la ville même de Genève..

  A012000937 

 Il me semble qu'il serait très bon que Votre Seigneurie écrivît une lettre à M gr l'Evêque de Genève, encourageant les poursuites qu'il fait à ce sujet, et en même temps une autre à M. le Nonce de France pour lui ordonner d'en traiter énergiquement avec Sa Majesté.

  A012000938 

 Pour toutes ces choses nous n'avons, après Dieu, rien à espérer sinon de la Sainteté et bonté de notre Saint-Père et du zèle de Votre Seigneurie, à qui je baise très humblement les mains..

  A012000947 

 Et au progres des discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre recherché et pressé par Sa Sainteté.

  A012000949 

 Neanmoins, encor ay je apprins que c'est par ce [que] les cantons huguenotz et la Reyne d'Angleterre s'entremettent pour ceux de Geneve, qui sont les possesseurs ou usurpateurs desdits biens, et le Roy voudroit avoir un juste prætexte pour les esconduire.

  A012000959 

 Il y a un article en la paix qui porte que un chacun des deux princes possederà les terres qui luy demeurent a mesmes termes qu'elles estoyent auparavant la guerre.

  A012000959 

 Or, auparavant la guerre, ceux de Geneve possedoyent paysiblement les biens de l'Evesque et du Chapitre: donques, encor les doivent ilz posseder..

  A012000960 

 La response peut estre: Que l'article remet les scindiques de Geneve en la nue et simple possession de fait, mays il ne la rend pas legitime si elle ne l'estoit pas.

  A012000974 

 Un mien ami demeurant a Lion m'a demandé quelques memoires sur les particularités de la revolte de Geneve, des conversions qui se font aupres et du tems auquel le P. Justinien en a esté Evesque.

  A012000975 

 Je vous prieray m'excuser si je ne vous envoye pas pour l'heure les memoires que vous desires au premier article, par ce que je suis en voyage et ne puis pas obtenir de ma souvenance tout ce que je luy en demande, avec l'asseurance des particulieres circonstances qui sont requises pour s'en bien servir.

  A012000975 

 Mays estant de retour au diocsese, qui sera dans peu de jours, j'en iray a la queste par tout [88] ou je cuyderay en pouvoir rencontrer des pieces, et bientost apres je les vous envoyeray..

  A012000976 

 Mays touchant les conversions qui se font autour de Geneve....

  A012001007 

 Je vais maintenant rendre compte à Votre Seigneurie des progrès [de la religion] dans ce diocèse, en lui disant qu'ils sont très heureux, non seulement à Thonon et Ternier, car cela est désormais ancien; mais aussi, tout récemment, dans les bailliages de Gex et de Gaillard, qui s'étendent jusqu'aux portes de Genève.

  A012001008 

 Il reste que non seulement en trois paroisses, mais en toutes, qui sont au nombre de vingt-six, on rétablisse le saint exercice [du culte] et que les revenus ecclésiastiques soient enlevés aux ministres hérétiques et aux Genevois; car, lorsque le peuple sera obligé d'entretenir les ministres à ses frais, il s'en lassera bientôt, et d'autant plus qu'il verra de bons prêtres lui offrir gratuitement de salutaires pâturages.

  A012001009 

 Aujourd'hui elle est dans l'état et a l'apparence d'une maison sortie depuis peu d'entre les mains des soldats et des hérétiques, c'est-à-dire ruinée, et semblable à une cabane destinée à retirer les fruits..

  A012001009 

 Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons; ce sera un asile assuré et une maison de refuge, afin que des âmes innombrables soient sauvées.

  A012001009 

 Pour répondre aux points touchés par Votre Seigneurie, je dirai [91] au sujet de la Maison de Thonon que, par son moyen, la bienheureuse Vierge, à qui elle est dédiée, foulera et brisera la tête venimeuse du serpent qui s'est refugié à Genève et à Lausanne; la religion sera rétablie dans le Valais, pays très corrompu et ravagé en ce qui concerne l'Eglise; elle illuminera les ténèbres des Bernois et autres Suisses; en un mot, le bien que ce dessein peut apporter à toutes ces provinces est indicible.

  A012001010 

 Mais il est surtout requis qu'on mette bientôt la main à l'œuvre, réellement et sérieusement, car les bonnes intentions servent de peu.

  A012001010 

 On pourrait y remédier par les moyens suivants: il faudrait que le Saint-Siège prît sous sa très spéciale protection cet établisse-ment de Thonon, et que, dans ce but, il employât le concours des princes catholiques; que le Sérénissime duc fît ceindre cette ville de murailles, ce qui, de l'avis de personnes expérimentées, peut se faire [92] en peu de temps; que l'on usât d'une grande charité et libéralité [à l'endroit de cette œuvre] et qu'on y appliquât largement les revenus de bon nombre d'abbayes inutiles et de bénéfices, en observant les réserves de droit.

  A012001010 

 Si ce bien ne peut s'exécuter tout d'un coup, que du moins on le fasse petit à petit, commençant par les parties les plus nécessaires, telles que le collège, le séminaire, et ainsi successivement..

  A012001010 

 Un si beau dessein peut être entravé par les incursions des Genevois et des Bernois, s'ils voulaient en faire, et par la pauvreté de ces pays.

  A012001011 

 Au sujet de Jules-César Paschali, je dois dire qu'il a habité de longues années à Genève, où il n'eut jamais ni fonds ni revenu assuré; au contraire, il était pauvre et vivait de son travail à une imprimerie, où il était correcteur de livres, et de l'argent de la caisse et bourse de la nation italienne, comme les pauvres honteux ont coutume de faire en cette Babylone, où, pour ce regard, ils sont plus prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière.

  A012001046 

 Nous ne sommes pas contens de si peu, car nous demandons tout, tant pour l'exercice, qui va premier, que pour les biens; non seulement par ce que cela nous accommodera, mais encor plus par ce que cela incommodera la religion huguenotte, laquelle devant estre entretenue aux despens du peuple, manquera bien tost et indubitablement.

  A012001047 

 J'espere d'estre a Paris dans 10 ou 12 jours, la ou sil vous plait m'escrire dans les pacquetz de Madame, les lettres ne se perdront point.

  A012001048 

 A mon despart du pais j'ay laissé tout en santé, les vostres et les nostres, specialement madame vostre partie, laquelle estoit a Polinge quand Monseigneur le R me estoit a Gaillart a la benediction des eglises, ou je fus; et, sur mon chemin, visitay les freres et seurs audit Pollinare et Mairens..

  A012001049 

 Je bayse mille fois les mains a nostre R. P. Juvenal, auquel j'escriray des Paris de statu rerum omnium.

  A012001049 

 Touchant la coadjutorie, je vous bayse les mains de la peyne que vous en aves.

  A012001054 

 Monsieur Desdiguieres se treuv'a Gex le jour que nous y fusmes; [100] les ministres recoururent a luy, ausquelz il dit quil ni avoit remede, que le Roy le vouloit, mais quilz gardassent tant quilz pourroyent les biens d'Eglise, car cela maintiendroit leur religion non obstant nostr'exercice..

  A012001054 

 Nous avons laissé a Gex messieurs les chanoynes de Sales, Grandis, Bochuti.

  A012001071 

 Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la tres humble reverence que je vous fay, vous baysant les sacrees mains, et priant Dieu qu'il vous donne, Monseigneur, ce que vous doit desirer et souhaitter.

  A012001075 

 Monsieur Deage vous bayse tres humblement les mains, comme fait aussy le bon Pere Galesius, qui part pour aller prescher a Calais..

  A012001089 

 J'ay receu deux de vos lettres, l'une du 21 janvier, l'autre du 5 febvrier, ausquelles je devois une plus soudaine response que je n'ay pas fait, si j'eusse peu tirer les resolutions qui devoyent servir de matiere a mes responses si tost que j'eusse desiré.

  A012001089 

 Les affaires se vont acheminant en sorte qu'a mon advis, malheur sera bon a quelque chose..

  A012001091 

 Touchant l'affaire pour lequel je suys icy, je vous diray en deux motz que je ne fus jamais tant empesché, renvoyé que je suis au Conseil, dans lequel je trouve tout le monde reconnoissant que ma demande est extremement juste; mays au reste, tout y va sur les respectz et retardations mal fondees a mon advis.

  A012001092 

 Au demeurant, j'ay escrit au païs pour faire envoyer les 200 escus requis pour l'accomplissement de l'entreprinse de la coadjutorie, me retreuvant en lieu ou je ne sçaurois y donner aucun ordre.

  A012001094 

 Attendant l'issue de mes affaires, j'ay esté forcé, par [104] honnesteté, de precher en la chapelle de la Reyne trois lois la semaine, devant les princesses et courtisans, n'ayant peu refuser aux prieres et commandemens qui m'en ont esté faitz.

  A012001095 

 Je vous prie humblement de luy bayser les mains de ma part..

  A012001096 

 Jay receu une lettre de monsieur nostre Ambassadeur, outre ce que vous aves escrit pour le seigneur Persiani; marri de ne l'avoir receu sur les lieux ou j'eusse peu faire ce quil me commande, j'escriray au plus tost pour le faire faire.

  A012001097 

 J'attendray de vous le signe pour faire les remercimens necessaires, et vous salue de toute mon ame, vous suppliant croire que vous obliges l'un des plus humbles et asseurés serviteurs que vous puissies avoir par tant de bons offices que vous me faittes.

  A012001115 

 L'affaire pour la sollicitation duquel je suis icy est de si delicate conduitte et bigearre poursuitte que je n'ose encor vous en rien promettre, si ce n'est que je continueray d'y mettre tout le soin et affection que vous desires pour le faire resoudre; ce que j'espere pouvoir bien tost obtenir, sinon avec toutes les bonnes conditions que tous les bons desirent, au moins avec quelque advantage qui nous puisse servir de sujet pour une meilleure esperance.

  A012001116 

 Ce pendant je prie Dieu, Monseigneur, qu'il comble vos souhaitz de ses graces, et vous bayse tres humblement les mains, comme fait monsieur Deage..

  A012001134 

 J'apprehende infiniment de m'en retourner sans autre expedition que d'esperances; neantmoins ma conscience me tesmoigne que j'ay fait tout ce que je pouvois, et estime que si la moisson ne suit pas de si pres le travail et la semence que j'ay fait en ce voyage, elle s'en recueillira neantmoins une fois et dans quelques moys; en fin, qu'en faysant nostre devoir et ce qui est en nous, il faut subir les effectz que la providence de Dieu a establis..

  A012001152 

 Ce sera tous-jours beaucoup, a ce que disent les expertz..

  A012001154 

 Monseigneur, je suis si pressé qu'il ne me reste plus de loysir que pour vous bayser tres humblement les mains et supplier de me continuer la faveur de vos graces, comme a celuy qui est a jamais,.

  A012001159 

 Monsieur le President vous bayse humblement les mains..

  A012001173 

 Vos premiers desirs ayans tenu lieu de commandemens sur ma volonté lhors que vous jettastes les yeux sur ma petitesse pour le discours funebre de feu monsieur le duc de Mercœur, je dois recevoir avec le mesme respect les tesmoignages des seconds, souffrant, Madame, que la piece soit mise au jour et donnee au public, puisque vous l'aggrees..

  A012001174 

 De moy, je confesse n'y avoir contribué que ma foible enonciation et ma voix pour servir d'echo, dans l'estendue d'une petite heure, a la reputation de ce grand prince, qui parloit [111] asses d'elle mesme et qui esclatera a jamais par les beaux exploitz dont non seulement la France et l'Allemaigne, mays toute l'Europe, voire toute la chrestienté, ont esté tesmoins.

  A012001174 

 Et si bien l'escrit que j'en donne semble avoir plus de subsistance et de duree que ma voix n'en a eu en les prononçant, ce sera plus par la consideration des vertus de ce prince que par le tissu et l'ordre que j'ay tasché d'y apporter en l'escrivant..

  A012001174 

 Vous n'y verres rien de moy, Madame, que les simples tesmoignages de ma bonne volonté et les seules marques de mon obeissance, en un sujet, au reste, ou je n'ay pas eu moins de propension que de devoir.

  A012001175 

 Que si, apres cela, on veut considerer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la sincerité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la memoire de ce prince, qui ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais principalement en la vostre, Madame, qui trouves advantageusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation; quoy que la plus solide, la veritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisee dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et ceste absolue resignation qui paroist en vostre esprit..

  A012001176 

 Ce n'est pas qu'apres cela, s'il est permis, comme il l'est sans doute, de rechercher quelque adoucissement au dehors, vous n'en ayes un tres grand dans le pretieux gage que ce grand prince vous a laissé de vostre mariage; je veux dire en madamoyselle de Mercœur, laquelle estant une image vivante du pere, elle est aussi la legitime heritiere de ses vertuz, dont il a laissé le soin a vostre conduitte, Madame, pour les cultiver par la noble et chrestienne education que vous luy reserves.

  A012001176 

 Si elle [112] avoit besoin hors de soy de quelque memorial de celles du grand prince que le Ciel luy avoit donné pour pere, je la prierois, sous vostre adveu et bon playsir, Madame, d'aggreer le sommaire que j'en ay dressé en ceste piece; vous conjurant, puisqu'aussi bien vous desires qu'elle voye le jour, que ce soit sous les auspices et a la faveur du nom de ceste princesse, vostre unique et tres chere lille..

  A012001189 

 J'ay receu vostre lettre du 17 avril, et, pour response, je vous diray que nous allons avançant le plus que nous pouvons aupres de Madame, affin que vous puissies recevoir la consolation de vostre retour que vous desires; non que j'y puisse guiere, mais j'y contribue et contribueray le soin que je pourray, et voy Madame asses disposee; niais les executions des desseins sont un petit lentes et tardifves, non seulement en cela, mais en tout le reste.

  A012001190 

 Il m'a dit despuis que pour tout cela il ne laisseroit de vous cherir sincerement, et faire tous les offices que vous sçauries desirer de luy.

  A012001190 

 Touchant monsieur le President, il n'a esté fasché sinon par ce qu'on luy a exaggeré que vous escrivies a Madame que luy seul estoit cause du proces, et seul d'opinion quii fut soustenable, et que les voix quii se promettoit pour nous n'estoyent que vanité; et così discorrendo.

  A012001191 

 Au demeurant, je crains beaucoup que ma negociation ne me soit guere utile, non obstant beaucoup de faveur que je reçois de presque tous les grans, et mesme du Roy despuis que j'ay eu presché devant Sa Majesté; car auparavant je ne luy avois pas parlé..

  A012001191 

 Mes freres m'escrivent que par deux diverses voÿes ilz ont donné ordre a vous faire tenir les [114] 200 escus quil faut pour les escritures, propines, etc., et ne doute pas que des-ores vous ne les ayes receuz.

  A012001192 

 Je desirerois fort de sçavoir quelle resolution le seigneur Persiani aura prinse pour garantir son prieuré en ceste court; car j'apprens tous les jours qu'il y survient des nouveaux competiteurs, et entr'autres un filz de monsieur Des-Aires, conseil (sic) en la court de Parlement.

  A012001193 

 Je bayse les mains a monsieur Reydet, a messieurs Gojon et autres de ma connoissance, mays sur tout a nostre R. P. Juvenal, s'il est encor a Rome, [115] dequoy je suis entré en doute par ce que on m'a dit quii venoit et estoit deputé pour Thonon..

  A012001193 

 Je vous supplie de me faire ceste faveur de bayser les mains a monsieur nostre Ambassadeur en mon nom et m'entretenir en sa grace, que je cheris autant que nul autre de ce monde.

  A012001213 

 Mais trefves je vous supplie, Monsieur; mon cœur ne peut pas garder les regles de la contenance au sujet de vostre amitié, il en est trop vivement esmeu.

  A012001215 

 J'ay esventé parmi les bonnes ames le desir qui vous avoit esté proposé de la Congregation de l'Oratoire, mais je ne voy pas encor la sayson bien arrivee: Dieu fera son œuvre..

  A012001244 

 Mais puisque je ne puis pas, et qu'aussi est ce un foible tesmoignage de l'affection des serviteurs d'aller faire bonne chere a la table de leurs maistres, je vous conjure, par nostre ancienne connoissance et reciproqu'amitié, de faire treuver bonne mon excuse a mesdits sieurs d'Acy et de Manœuvre, et de les asseurer que je prise leur bienveüillance autant qu'autre homme auquel ilz en puissent faire part, et que je suis infiniment obligé a la courtoisie dont ilz m'ont prevenu, et m'en tiens pour redevable serviteur.

  A012001245 

 Quant a vous, je me prometz que vous m'aymeres au travers de toutes les distances du monde, lequel n'est pas asses grand pour borner l'activeté de nostre amitié; car je juge de la vostre par celle que je sens en mon ame, nonobstant la difference que l'object y peut apporter, qui se treuve aussi grand pour mon action quii est petit pour [121] la vostre; mais l'agent de vostre part ne doit estre vaincu.

  A012001296 

 C'est ce qui nous a fait penser a un autre remede, qui est d'emprunter sil se peut, quelque bonne somme de deniers, pour, par apres, vendre et mesnager a l'aise nos desseins; et nous sommes advisés de monsieur de Prangin, lequel on estime en semblables occasions asses bon medecin, pour autant quil a les drogues necessaires, pourveu que son urgent soit bien asseuré.

  A012001296 

 Et pour le reste, si on en pouvoit treuver d'avantage, nous nous essayerions de treuver caution bonne et raysonnable, et payerions les interestz comme il seroit traitté, fort bien et sans peyne..

  A012001297 

 Nous vous en supplions donques humblement, et de nous en donner les advis le plus tost que vostre commodité le permettra..

  A012001299 

 J'attens de jour a autre les despeches de Romme necessaires pour la resolution et execution de l'affaire de l'evesché; les ayant, je vous en feray sçavoir des nouvelles et ne parleray plus que des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses [126] temporelles, que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entierement acquise et servente, et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie,.

  A012001328 

 Ce Prélat eut à ce sujet de fréquentes et sérieuses conférences, tant avec le roi lui-même qu'avec les plus intimes conseillers de Sa Majesté; il semblait donc que rien ne contrariait l'espoir du succès désiré.

  A012001328 

 Mais, ô misère de notre temps! après avoir fait tant de démarches pour cette sainte négociation, à peine avons-nous gagné l'autorisation de célébrer les saints mystères en trois localités, avec la concession à cet effet, d'un revenu annuel pour nos prêtres.

  A012001330 

 Ce grand homme, Très Saint Père, peu de temps avant sa mort, avait demandé de m'avoir pour coadjuteur et successeur, quoique je ne lui appartinsse aucunement par les liens du sang et de la parenté, et il l'avait obtenu, à sa très grande joie, de l'ineffable bienveillance de Votre Sainteté; j'ai en conséquence reçu les Lettres apostoliques du Saint-Siège qui m'établissent successeur de l'Evêque défunt.

  A012001331 

 Et à vous, Père très saint et très clément, je rends autant qu'il est en moi les plus vives actions de grâces pour les immenses bienfaits dont votre munificence apostolique m'a comblé.

  A012001331 

 Non content de m'élever à l'épiscopat, Elle a voulu, par une libéralité souveraine, bien digne de la suprême grandeur, me remettre les droits qu'à cette occasion j'aurais dû payer, d'après la coutume, au trésor apostolique..

  A012001351 

 Pendant mon séjour à Paris, où je traitais l'affaire dont j'ai récemment écrit l'issue à Votre Sainteté, je dus accepter de faire de nombreuses prédications devant le peuple et devant le roi lui-même et les princes.

  A012001352 

 Ils pourraient ainsi au fur et à mesure remédier à chacune des difficultés que les circonstances des lieux et des temps feraient surgir..

  A012001354 

 Pour moi, Très Saint Père, qui ai assisté à presque toutes les conférences tenues à ce sujet, je me suis engagé à vous déclarer ce que j'en pense, bien que mon témoignage soit très indigne d'être entendu, et je ne puis m'empêcher d'assurer qu'il sera très utile à la religion que Votre Sainteté favorise de ses bénédictions apostoliques cette céleste inspiration, vu le temps et surtout le lieu où elle s'effectuera.

  A012001355 

 Daigne Dieu très bon et très grand conserver Votre Sainteté de très longues années pour notre consolation personnelle et pour celle de tous les gens de bien..

  A012001373 

 Messieurs les Scindics d'Annessy..

  A012001385 

 Je pense que les tuniques blanches que vous portes en sont le signe.

  A012001386 

 Je n'ose pas pourtant rejetter ces inclinations, parce qu'elles sont bonnes et sinceres, mays sur tout parce que je croy fermement que c'est Dieu qui me les a donnees.

  A012001387 

 Mais [ne] penses [pas], je vous supplie, que ce fut un vent [de quelque rapport leger, envieux, ou mesdisant; non, a la verité, ce fut un vent venant] du midy d'une entiere charité; ce fut un rapport auquel je fus obligé de donner creance par la consideration de toutes les circonstances.

  A012001388 

 Dieu employe bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz: que puis-je sçavoir s'il veut porter son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous escrire? J'ay prié; je diray bien plus et je ne diray que la verité, mais cecy suffira: j'ay arrousé ma bouche du sang de Jesus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables et pregnantes.

  A012001388 

 Je les planteray donq icy sur ce papier; Dieu les veuille conduire et addresser en vos espritz pour y servir a sa gloire..

  A012001389 

 Mes cheres Seurs, on m'a dit qu'il y a en vostre mayson des pensionnettes particulieres et des proprietés, dont les malades ne sont pas esgalement secourues, et les saines ont des particularités aux viandes et habitz sans necessité, et que les entretiens et recreations n'y sont pas fort devotes.

  A012001390 

 Certes, il faut que vous soyes sans tache ou macule apparente; mays ne sont ce pas des macules bien noires et manifestes que ces defautz et grans manquemens que j'ay marqués ci devant, et principalement en une telle mayson? Il les faut donq corriger.

  A012001391 

 Il est aysé de destourner les fleuves en leur origine, ou ilz sont encor foibles; mais plus avant ilz se rendent indomptables.

  A012001391 

 L'aspic de dissolution et de desreglement n'est pas encor esclos en vostre mayson, mais prenes bien garde a vous: ces defautz en sont les œufz; si vous les couves en vostre sein, ilz esclorront un jour a vostre ruine et perdition, et vous n'y penseres pas..

  A012001391 

 La fille de Babylone est miserable; oh, que bienheureux est celuy qui escrase et brise tes petitz contre la pierre. Le desordre, le desreglement des Religions est vrayement une fille de Babylone et de confusion; ah, que bienheureux sont les espritz qui n'en souffrent que les commencemens, ou plustost les terrassent ou fracassent a la pierre de la reformation.

  A012001391 

 Les enfans d'Israël disent en un Psaume: Filia Babylonis misera; beatus qui tenebit et allidet parvulos tuos ad petram.

  A012001391 

 Prenes moy, dit le Cantique, ces petitz renardeaux qui ruinent les vignes; ilz sont petitz, n'attendes pas qu'ilz soyent grans, car si vous attendes, non seulement il ne sera pas aysé de les prendre, mais quand vous les voudres prendre ce sera lhors qu'ilz auront des-ja tout gasté.

  A012001391 

 Vous les deves corriger, a mon advis, parce qu'ilz sont petitz, ce semble, et partant il les faut combattre pendant qu'ilz le sont; car si vous attendes qu'ilz croissent, vous ne les pourres pas aysement guerir.

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001392 

 » Vostre mayson excelle en beaucoup d'autres perfections et est incomparable en icelles a toute autre: ne sera-ce pas un grand reproche d'en laisser ternir la gloire par ces chetifves imperfections? On vous appelle par une ancienne estime et prerogative de vostre mayson, Filles de Dieu: voules vous perdre cest honneur par le defaut d'une reformation en ces petites defectuosités? pour un potage de lentilles, perdre la primogeniture que vostre nom semble vous avoir donnee par le consentement de toute la France? C'est, a la verité, une marque de tres grande imperfection au lion et a l'elephant, qu'apres avoir vaincu les tigres, les boeufs, les rhinoceros, ilz s'effrayent, s'espouvantent et tremoussent, le premier devant un petit poulet, et l'autre devant un rat, dont la seule veuë leur fait perdre courage: cela est un grand deschet de leur generosité.

  A012001393 

 Ils sont, a la verité, petitz si on les met en comparaison des plus grans, car ce ne sont que commencements, et tout commencement, soit en mal soit en bien, est tous-jours petit; mais si vous les consideres en comparaison de la [141] vraye et entiere perfection religieuse a laquelle vous deves aspirer, ilz sont sans doute tres grans et tres dangereux.

  A012001395 

 Ce sont les raysons que Dieu m'a donnees pour vous prier de vouloir reformer vostre mayson touchant ces petites ou grandes fautes que l'on m'a dit y estre; mays je ne puis assouvir le desir que j'en ay..

  A012001395 

 Je veux que les manquemens et defautz de vostre mayson ne soyent que mouches, mais le mal est qu'elles s'arrestent sur vostre unguent, elles y arrestent et y sont ensevelies avec faveur.

  A012001395 

 Les mouches mourantes perdent la suavité du bausme et unguent.

  A012001395 

 Pour petit que soit le mal, il croist aysement quand on le flatte et qu'on le maintient: nul ennemy, disent les soldatz, n'est petit quand il est mesprisé.

  A012001396 

 Bien souvent les Superieures plient ce qu'elles ne peuvent rompre, et permettent ce qu'elles ne peuvent empescher; et la permission, par apres, a ceste ruse et malice, qu'ayant duré quelque tems elle s'en fait accroire et, au contraire des choses qui viellissent, elle se renforce et semble perdre petit a petit sa laideur et difformité.

  A012001396 

 C'est des-ja un mauvais mot que celuy de permission et licence parmi l'esprit de perfection: il seroit mieux de vivre sous les lois et ordonnances que d'avoir des exemptions, licences et permissions.

  A012001396 

 Les permissions n'entrent jamais que par grace dans les monasteres; mais y ayant pris pied, elles y veulent demeurer par force, et n'en sortent jamais que par rigueur..

  A012001397 

 Appellés cela comme vous voudres, mais c'est une pure proprieté; car la ou il n'y a point de proprieté « il n'y a point de mien et de tien, qui sont les deux motz qui ont produit le malheur du monde.

  A012001397 

 Mays ce sont les pensions d'une telle Seur et non pas d'une autre: voyla l'idole de la proprieté.

  A012001397 

 » Le Religieux qui a un liard ne vaut pas un liard, disoyent les Anciens..

  A012001398 

 L'amour et tendre affection que vous portes a vostre mayson peut aussi estre un grand empeschement a la reformation d'icelle, par ce que ceste passion ne peut permettre que vous pensies mal d'elle, ni que vous oÿes de bon cœur les reprehensions qu'on vous en fait.

  A012001398 

 Les abeilles ayment leurs ruches, qui sont comme leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux); mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems.

  A012001399 

 C'est bien fait de ne point dire inutilement les defautz que l'on voit dans les maysons et de ne les point [145] manifester; mays de ne les vouloir pas reconnoistre ni confesser a ceux qui peuvent estre utiles pour y donner remede, c'est un amour des-ordonné.

  A012001400 

 Il y a en Italie deux nobles republiques, Venise et Gennes; a Venise les particuliers ne sont pas si riches qu'a Gennes, [mais la republique est bien plus riche que celle de Gennes.] La richesse des particuliers empesche celle du public.

  A012001401 

 Il n'est pas requis en un homme laïc et mondain de s'appuyer en la providence de Dieu en la sorte que nous [146] autres ecclesiastiques devons faire; car il nous est defendu de thesaurizer et faire marchandises, mais il n'est pas defendu aux mondains; ni les ecclesiastiques seculiers ne sont pas obligés d'esperer en ceste mesme Providence comme les Religieux; car les Religieux y doivent esperer si fort qu'ilz n'ayent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens.

  A012001401 

 Ilz ne sement ni ne recueillent, et le Pere celeste les nourrit.

  A012001401 

 Les uns l'y jettent sous le travail et industrie que Dieu leur a donnee et par laquelle Dieu les nourrit; les autres, plus purement, sans l'entremise d'aucune industrie, tendent a cela.

  A012001401 

 Or, entre les Religieux, ceux de saint François excellent en cest endroit, qui est la confiance et resignation qu'ilz ont en la Providence divine, n'ayant nul moyen ni en particulier ni en general, pratiquant pleinement la parole du Psalmiste: Jacta cogitatum tuum in Domino, et ipse te enutriet; Jette tout ton soin en nostre Seigneur, et il te nourrira.

  A012001401 

 Or, vostre condition religieuse vous oblige a vous resigner en la Providence de Dieu sans l'ayde ni faveur d'aucune pension ni proprieté particuliere; c'est pourquoy vous les deves rejetter..

  A012001402 

 David admire comme Dieu nourrit les petitz poussins des corbeaux; aussi est ce chose admirable.

  A012001402 

 Les Cordeliers ont estimé qu'ilz ne pourroyent vivre en ceste estroitte pauvreté que leur Regie primitive requeroit; les Capucins leur ont fait voir clairement que si.

  A012001402 

 Mais ne nourrit il pas aussi les autres animaux? Si fait, mais non pas de la [mesme] sorte ni si immediatement, d'autant que les autres sont aydés de leurs peres et meres [et de leur travail; mais par ce que la condition naturelle de ces petitz poussins porte qu'ilz sont abandonnés de leurs peres et meres,] et n'ont d'ailleurs moyen de travailler, nostre Seigneur les nourrit presque miraculeusement.

  A012001402 

 Pendant que les enfans d'Israël estoyent en Egypte il les nourrissoit de la viande que les Egyptiens donnoyent; lhors qu'ilz furent au desert, ou il n'y en avoit aucune, il leur donna la manne, viande commune a tous et particuliere a nul, et laquelle, si je ne me trompe, represente une certaine communauté.

  A012001402 

 Pendant que saint Pierre se fia en Celuy qui l'appelloit il fut asseuré; quand il commença a douter et perdre la confiance il enfonça dans les eaux.

  A012001402 

 Vous estes sorties de l'Egypte mondaine, vous estes au desert de la Religion: ne recherchés plus les moyens mondains, esperés fermement en Dieu; il vous nourrira sans doute, quand il devroit faire pleuvoir la manne..

  A012001403 

 J'ay accoustumé de dire que nous devons recevoir le pain de correction avec beaucoup d'estime, encor que celuy qui le porte soit desaggreable et fascheux, puisque Helie mangeoit le pain [148] porté par les corbeaux.

  A012001403 

 Je loue leur methode, bien que ce ne soit pas la mienne, sur tout a l'endroit des espritz nobles et bien nourris comme sont les vostres; je croy qu'il est mieux de leur monstrer simplement le mal, et leur mettre le fer en main affin qu'ilz fassent eux mesmes l'incision.

  A012001403 

 Mays voudries vous bien pour cela rejetter vostre guerison? Les chirurgiens sont quelquefois contrains d'aggrandir la playe pour amoindrir le mal, lhors que sous une petite playe il y a beaucoup de meurtrisseures et concasseures; ç'a esté peut estre cela qui leur a fait porter le rasoir un petit bien avant dans le vif.

  A012001405 

 Lhors vostre Espoux vous regardera avec ses Anges, comme nous faysons les abeilles quand elles sont doucement empressees a la confection de leur miel, et je ne doute point que ce saint Espoux ne parle a vostre cœur pour vous dire ce qu'il dit a [149] son serviteur Abraham: Chemines devant moy et soyes parfait; entrés plus avant au desert de la perfection.

  A012001405 

 Ne tenes plus vostre parti ni celuy de vostre mayson, [mays simplement celuy de vostre bien et du bien de vostre mayson.] Faites tout ainsy que si vous voulies instituer une nouvelle Congregation selon vostre Ordree et vostre Regle; traittes en les unes avec les autres en esprit de douceur et de charité.

  A012001405 

 Pries Dieu par des oraisons communes et distinctes a cest effect, qu'il vous fasse voir les defautz de vostre mayson et les moyens pour y remedier et pour recevoir la grace.

  A012001405 

 Puisqu'il est le Dieu de paix, apaises vos espritz, mettes les en repos; ne permettes pas que la [coustume, la difficulté, je diray clair et nel, ne permettes pas que la] contention que vos espritz auront peut estre faite contre ceux qui vous auront cy devant voulu corriger, fasse aucun prejugé contre la lumiere celeste.

  A012001406 

 J'en nommerois quelques uns, mais vous les nommeres mieux que moy, et ceux la mesme, a l'adventure, que je voudrois nommer.

  A012001406 

 Voyes toutes les excellentes Dames de la Mere de misericorde jusques a present, et vous treuveres que je dis vray; mays en tout je presuppose que l'authorité de Madame de Fontevrault tienne son rang..

  A012001407 

 C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les oreilles des-ja trop [150] battues; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup plus d'affection que de paroles en cest endroit.

  A012001407 

 Il me fasche de voir de si grandes qualités, comme sont celles de vostre mayson, esclaves sous ces menues imperfections, et, comme parle l'Escriture, de voir vostre vertu reduite en captivité, et vostre beauté spirituelle entre les mains des ennemis. C'est pitié de voir une pretieuse liqueur perdre son prix par le meslange d'une petite souilleure, et un vin exquis, par le meslange de l'eau.

  A012001408 

 Et je prie Dieu qu'il [151] vous donne les resolutions necessaires a vostre bien, pour la plus grande sanctification de son saint nom en vous, affin que vous soyes de nom et d'effect ses vrayes filles.

  A012001424 

 Ma mere et tous les siens vous baysent humblement les mains, et a madame ma tante, du soin que vous aves [152] de nostre bonheur.

  A012001458 

 Les deux conditions que vous mettes pour l'execution de ce dessein ne me semblent revenir qu'a une seule, d'autant que si vous avés la liberté, je ne doute point que Nostre Seigneur ne [155] vous face connoistre quil se veut servir de vous pour l'administration de son saint Evangile..

  A012001481 

 Ce sera tous-jours, Monsieur, quand il plaira a Nostre Seigneur de m'en donner les occasions, que je m'y porteray avec beaucoup d'affection et de fidelité.

  A012001481 

 Je vous supplie de le croire et d'en tirer les preuves par les effectz ou vous me jugerés sortable..

  A012001517 

 Veuillez, en conséquence, me donner souvent les conseils et les instructions que le Saint-Esprit vous inspirera, vous ressouvenant que vous avez été l'instrument de ma promotion et que celui « qui donne l'être doit donner ce qui s'ensuit.

  A012001517 

 [159] C'est pourquoi, les Bulles et le mandatum qui m'appellent à lui succéder étant arrivés, j'ai reçu la consécration épiscopale le jour de la Conception de la Vierge Marie, Notre Dame, entre les mains de laquelle j'ai remis mon sort, et le samedi suivant je me suis rendu ici, lieu de ma résidence.

  A012001519 

 En attendant je baise humblement les mains de Votre Révérendissime Seigneurie, et je prie Dieu de nous guider dans ces voies difficiles du gouvernement des églises, et que son bon [161] Esprit nous conduise dans la terre droite, moi surtout qui suis maintenant dans ce pays montueux et tortueux, appartenant à des provinces diverses, et où règne l'abomination de la désolation.

  A012001535 

 Vous me demandes si vous deves recevoir et prendre des sentimens; que sans eux vostre esprit languit, et neanmoins vous ne pouves les recevoir qu'avec soupçon et vous semble que vous les deves rejetter.

  A012001536 

 C'est donques une bonne marque quand on ne s'arreste pas aux sentimens; car le malin, donnant les sentimens, veut qu'on s'y arreste, et, qu'en ne mangeant que la saulce, nostre estomach spirituel en soit affoibli et gasté petit a petit.

  A012001536 

 Les sentimens et douceurs peuvent estre de l'ami ou de l'ennemi, c'est a dire du malin ou du tres bon.

  A012001537 

 Secondement, les bons sentimens ne nous suggerent point de pensee d'orgueil, mays au contraire, si le malin prend occasion d'iceux de nous en donner, ilz nous fortifient a les rejetter; si que la partie superieure demeure toute humble et sousmise, reconnoissant que Caleb et Josué n'eussent jamais rapporté le raysin de la terre [164] de promission pour amorcer les Israëlites a la conqueste d'icelle, s'ilz n'eussent pensé que leurs courages estoyent foibles et avoyent besoin d'estre piqués.

  A012001537 

 Si qu'en lieu de s'estimer quelque chose par le sentiment, la partie superieure juge et reconnoist sa foiblesse, et s'humilie amoureusement devant son Espoux, qui respand son bausme et son parfum affin que les jeunes fillettes et tendres aines comme elle, le reconnoissent, l'ayment et le suivent; la ou le mauvais sentiment nous arrestant, en lieu de nous faire penser a nostre foiblesse, nous fait penser qu'il nous est donné pour recompense et guerdon..

  A012001539 

 Elles sont comparees au vin parce qu'elles res jouissent, animent et font faire bonne digestion a l'estomach spirituel, lequel, sans ces petites consolations, ne pourroit pas quelquefois digerer les travaux qu'il luy faut [165] recevoir.

  A012001539 

 Par ces quattre ou cinq marques vous pourres connoistre d'ou viennent vos sentimens; et, venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Pere, qui, par la compassion qu'il vous porte, vous fait encor office de mere.

  A012001539 

 Receves les donq au nom de Dieu, avec ceste seule condition, que vous soyes preste a ne les recevoir pas, et a ne les aymer pas et les rejetter quand vous connoistres, par l'advis de vos superieurs, qu'ilz ne sont pas bons ni a la gloire de Dieu, et que soyés preste de vivre sans cela, quand Dieu vous en jugera digne et capable.

  A012001539 

 Recevés les donq, dis je, ma tres chere Seur, vous estimant foible de l'estomach spirituel, puisque le Medecin vous donne du vin, nonobstant les fievres des imperfections qui sont en vous.

  A012001540 

 Mais quand ilz seroyent de la creature, encor ne seroyent ilz pas a rejetter, puisqu'ilz conduisent a Dieu, ou au moins qu'on les y conduit; il faudroit seulement prendre garde a ne se point laisser surprendre, selon les regles generales de l'usage des creatures..

  A012001540 

 Neanmoins vous deves croire que, quand Dieu vous envoyera ces sentimens, c'est pour vostre imperfection, laquelle il faut combattre, non pas les sentimens qui servent contre elle.

  A012001542 

 C'est cest empressement que je vous defens expressement, comme la mere imperfection de toutes les imperfections..

  A012001543 

 En voyci deux raysons: l'une, que pour neant examinons-nous cela, puisque, quand nous serions les plus parfaitz du monde, nous ne le devons jamais sçavoir ni connoistre, mais nous estimer tous-jours imparfaitz.

  A012001544 

 L'autre rayson est que cest examen, quand il est fait avec anxieté et perplexité, n'est qu'une perte de tems; et ceux qui le font ressemblent aux soldatz qui, pour se preparer a la bataille, feroyent tant de tournois et d'exces entr'eux que, quand ce viendroit a bon escient, ilz se treuveroyent las et recreuz; ou comme les musiciens qui s'enrouëroyent a force de s'essayer pour chanter un motet; car l'esprit se lasse a cest examen si grand et continuel, et, quand le point de l'execution arrive, il n'en peut plus.

  A012001545 

 Faites comme les abeilles, succes le miel de toutes les fleurs et herbes..

  A012001545 

 Partant, n'espluchés gueres ce que font les autres ni ce qu'ilz deviendront, mais regardés les d'un œil simple, bon, doux et affectionné.

  A012001546 

 Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans: pendant qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire: ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité.

  A012001547 

 Au demeurant, quand il vous viendra des doutes en ceste vie que vous aves entrepris de suivre, je vous advertis de ne vous pas attendre a moy, car je suis trop loin de vous pour vous assister, cela vous feroit trop languir; il ne manque pas de peres spirituelz pour vous ayder: employés les avec confiance.

  A012001547 

 Ce n'est pour desir que j'aye [169] de ne recevoir pas de vos lettres, car au contraire elles me donnent de la consolation, et je les desire, voire avec toutes les particularités des mouvemens de vostre esprit (et la longueur de la presente vous tesmoignera asses que je ne me lasse pas de vous escrire); mais affin que vous ne perdies pas tems, et, qu'attendant le secours de si loin, vous ne soyes battue et endommagee de l'ennemi..

  A012001548 

 Asseurés de mesme nostre Seur Anne Seguier, ma fille tres chere en Jesus Christ, et madame vostre Maistresse, de laquelle j'ay presenté les salutations au bon monsieur Nouvelet, qui en a fait grand feste.

  A012001548 

 Tous les jours je vous presente sur l'autel avec le Filz de Dieu; j'espere que Dieu l'aura aggreable.

  A012001561 

 J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire beaucoup, [171] et me donne advis des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine inclination que Dieu m'en a donné..

  A012001562 

 Il faut avoir esgard aux vielles: elles ne peuvent s'accommoder si aysement; elles ne sont pas souples, car les nerfz de leurs espritz, comme ceux de leurs cors, ont des-ja fait contraction..

  A012001562 

 Je vous supplie seulement, Madame (et pardonnés a la simplicité et confiance dont j'use), que, parce que ceste porte est estroitte et malaysee a passer, vous prenies la peyne et la patience de conduire par icelle toutes vos Seurs l'une apres l'autre; car de les y vouloir faire passer a la foule et en presse, je ne pense pas qu'il se puisse bien faire.

  A012001562 

 Les unes ne vont pas si viste que les autres.

  A012001565 

 Je vous supplie de les contrechanger de vos prieres et plus ferventes devotions.

  A012001596 

 Cependant, Monsieur, je vous supplie, croyes que tout tel que je suis, je ne cederay jamais a pas un de ceux qui vous sont acquis en affection et fidelité; dequoy quand il vous plaira de tirer les preuves en m'employant, je le prendray en singuliere faveur, comme j'eusse fait a vous rendre service sur le particulier sujet pour lequel vous m'escrivies que [175] vostre agent s'addresseroit a moy, ce quil n'a pas fait jusques a l'heure..

  A012001597 

 Je demeureray donques attendant les occasions, et priant Dieu quil vous conserve et donne le comble de ses graces, comme doit celuy qui est.

  A012001624 

 Aussi bien faut il que tous, les uns apres les autres, nous en sortions selon l'ordre qui est establi; et les premiers ne s'en trouvent que mieux, quand ilz ont vescu avec soin de leur salut et de leur ame, comme a fait monsieur mon oncle et mon aisné, duquel la conversation a esté si douce et si utile a tous ses amis, que nous, qui avons esté de ses plus familiers et intimes, ne sçaurions nous empeseher d'avoir beaucoup de regret de la separation qui s'en est faitte.

  A012001624 

 C'est la principale pensee que nos amis decedés requierent de nous, en laquelle je vous supplie de vous entretenir, laissant les desmesurees tristesses pour les espritz qui n'ont point de telles esperances..

  A012001624 

 Ce sera la ou nous accomplirons et parfairons sans fin les bonnes et chrestiennes amitiés que nous n'avons fait que commencer en ce monde.

  A012001624 

 Si je ne sçavois que vostre vertu vous peut donner les consolations et resolutions necessaires a supporter avec un courage chrestien la perte que vous aves faitte, je m'essayerois a vous en presenter quelques raysons par ceste lettre; et, s'il estoit requis, je vous les porterois moy mesme.

  A012001646 

 Lieutenant general de S. A. deça les montz,.

  A012001660 

 C'est une maladie d'esprit a ceux qui sont malades au cors de desirer les medecins esloignés et les preferer a ceux qui sont presens.

  A012001660 

 Il ne faut desirer les choses impossibles, ni bastir sur les difficiles et incertaines.

  A012001661 

 Demandés les remedes a Nostre Seigneur et aux peres spirituelz que vous aves aupres de vous; car iceux, touchant vostre mal avec la main, connoistront bien quelz remedes il y faut appliquer.

  A012001661 

 Quand l'ame a quitté les concupiscences et qu'elle s'est purgee des affections mauvaises et mondaines, rencontrant les objetz spirituelz et saintz, comme toute affamee elle se remplit de tant de desirs et avec tant d'avidité qu'elle en est accablee.

  A012001662 

 Cela est entierement en vostre pouvoir, et partant vous deves les executer; car en vain feres vous dessein d'executer les choses dont le sujet n'est pas en vostre puissance ou est bien esloigné, si vous n'executes celles que vous aves a vostre commandement.

  A012001662 

 Il faut que Magdeleine lave premierement les piedz de Nostre Seigneur, les bayse, les torche, avant que de l'entretenir cœur a cœur au secret de la meditation, et qu'elle respande l'unguent sur son cors avant que de verser le bausme de ses contemplations sur sa Divinité..

  A012001662 

 Mays par quel ordre? Il faut commencer par les effectz palpables et exterieurs, qui sont le [181] plus en nostre pouvoir: par exemple, il n'est pas [requis] que vous n'ayes desir de servir aux malades pour l'amour de Nostre Seigneur, de faire quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité; car ce sont desirs fondamentaux, et sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés.

  A012001662 

 Partant, executés fidellement les desirs bas et grossiers de la charité, humilité et autres vertuz, et vous verrés que vous vous en treuveres bien.

  A012001663 

 Il est bon d'empescher cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous..

  A012001663 

 Il est bon de desirer beaucoup; mais il faut mettre ordre aux desirs, et les faire sortir en effect, chacun selon sa sayson et vostre pouvoir.

  A012001663 

 On empesche les vignes et les arbres de porter des feuilles affin que leur humidité et suc soit par apres suffisant pour rendre du fruict, et que toute leur force naturelle ne s'en aille en la production trop abondante des feuilles.

  A012001664 

 [182] Faites sortir les enfans de vostre ame, c'est a dire les desirs du service de Dieu, les uns apres les autres, et vous sentires un grand allegement..

  A012001665 

 Faittes comme ceux qui sentent les ennuis et desvoyemens d'estomach sur la mer; car apres qu'ilz ont roulé et leur esprit et leur cors par tout le navire pour treuver allegement, ilz viennent en fin embrasser l'arbre et le mat d'iceluy, et le serrent estroittement pour s'asseurer contre le tournoyement de teste qu'ilz souffrent.

  A012001679 

 D'ou je ne suis de retour que des trois jours en ça, ayant esté despeché seulement au dernier jour que Son Altesse fut en Piemont, apres lequel il partit pour aller a Nice conduire Messeigneurs les Princes sur la mer pour le voyage d'Espagne, lequel, autre chose ne survenant, je tiens des ormais pour fait: et ce sont toutes les nouvelles de Piemont..

  A012001680 

 Et quant a celles de ce pais, elles sont si desagreables que je ne pense pas vous en devoir entretenir, puis qu'elles ne consistent qu'en volleries et pilleries que font ceux de Geneve sur nous, et particulierement sur les gens d'Eglise qui seulz ne sont receuz a aucune contribution [185] ni composition, dont s'en est ensuivi l'abandonnement d'une grande quantité d'eglises.

  A012001708 

 J'ay receu deux de vos lettres, ausquelles je n'ay pas encor fait response parce que, quand elles arriverent icy, je n'y estois pas, mais en Piemont, ou j'ay esté contraint de faire un voyage pour les biens temporelz de cet evesché.

  A012001709 

 L'autre partie de ma promesse m'est plus malaysee a mettre en effect pour les infinies occupations qui m'accablent; car je pense estre a la plus fascheuse charge qu'aucun autre de cette qualité.

  A012001710 

 Et pour faire cette grande et solemnelle mutation, il faut renverser vostre esprit et le remuer par tout; et pleust a Dieu que nos charges, plus tempestueuses que la mer, eussent aussi la proprieté de la mer, de faire jetter et vomir toutes les mauvaises humeurs a ceux qui s'y embarquent.

  A012001711 

 Pour vous ayder a ce changement il faut que vous employes les vivans et les mortz: les vivans, car il vous faut treuver un ou deux hommes bien spirituelz, de la conversation desquelz vous puissies vous prevaloir.

  A012001712 

 De la premiere sorte vous en deves avoir avant que d'entrer en charge, et les lire et mettre en usage; car il faut commencer par la vie monastique avant que de venir a l'œconomique et politique.

  A012001712 

 Il faut le lire avec reverence et devotion, comme un livre qui contient les plus utiles inspirations que l'ame peut recevoir d'en haut; et par la, reformer toutes les puissances de l'ame, les purgeant par detestation de toutes leurs mauvaises inclinations, et les addressant a leur vraye fin par des fermes et grandes resolutions..

  A012001712 

 Mays ce n'est pas la son principal usage: c'est qu'il dressera vostre esprit a l'amour de la vraye devotion et a tous les exercices spirituelz qui vous sont necessaires.

  A012001712 

 Quant aux mortz, il faut que vous ayes une petite bibliotheque de livres spirituelz de deux sortes: les uns pour vous entant que vous seres ecclesiastique, les autres pour vous entant que vous seres Evesque.

  A012001713 

 Apres Grenade, je vous conseille fort les Œuvres de Stella, notamment De la vanité du monde, et toutes les Œuvres de François Arias, Jesuite.

  A012001713 

 Bellintani, Capucin, est encores propre pour y voir distinctement plusieurs belles considerations sur tous les mysteres de nostre foy, et les Œuvres de Costerus, Jesuite.

  A012001713 

 Les Confessions de saint Augustin vous seront extremement utiles, et, si vous m'en croyes, vous les prendres en françois de la traduction de Monsieur Hennequin, Evesque de Rennes.

  A012001713 

 Mais apres tous, il me souvient de [190] vous recommander les Epistres spirituelles de Jan Avila, esquelles je suis asseuré que vous verrés plusieurs belles considerations et leçons pour vous et pour les autres; et, tout d'un train, je vous recommande les Epistres de saint Hierosme, en son excellent latin..

  A012001714 

 Lises les Morales de saint Gregoire et son Pastoral; saint Bernard en ses Epistres et es livres de la Consideration.

  A012001717 

 L'autre point est que je vous desire beaucoup de confiance et une particuliere devotion a l'endroit du saint Ange gardiateur et protecteur de vostre diocese, car c'est une grande consolation d'y recourir en toutes les difficultés de la charge.

  A012001717 

 Tous les Peres et theologiens sont d'accord que les Evesques, outre leur Ange particulier qui leur est donné pour leur personne, ont l'assistence d'un autre commis pour leur office et charge.

  A012001717 

 Vous deves avoir beaucoup de confiance en l'un et en l'autre, et, par la frequente invocation d'iceux, contracter une certaine familiarité avec eux, et specialement pour les affaires avec celuy du diocese, comme aussi avec le saint Patron [192] de vostre cathedrale.

  A012001718 

 Je voy que vous escrives si bien vos lettres, et fluidement, qu'a mon advis, pour peu que vous ayes de resolution, vous feres bien les sermons; et neanmoins je vous dis, Monsieur, qu'il n'en faut pas avoir peu de resolution, mais beaucoup, et de la bonne et invincible..

  A012001718 

 Le tres saint Conncile de Trente, apres tous les Anciens, a determiné qie « le premier et principal office de l'Evesque est de prescher; » et ne vous laisses emporter a pas une consideration qui vous puisse destourner de cette resolution.

  A012001732 

 Je luy proposay que, venant un agent de Madame, il seroit expedient de commander a quelques uns des officiers de la justice de terminer en une journee amiable toutes les difficultés qu'elle avoit, soit avec le seigneur Dom Amedeo, soit avec autres; ce que Son Altesse accorda fort volontier, et monstra de priser extremement tout ce qui appartenoit au contentement de Madame, comme sa parente proche et vefve d'un prince son parent, et des louanges duquel il me dit merveilles..

  A012001732 

 Je reviens naguere de Piemont, ou je vis Son Altesse et l'entretins quelque tems sur les affaires que Madame a de deça, et le treuvay fort disposé a luy donner toute assistence et faveur pour en chevir.

  A012001733 

 Mais ce pendant que je traittoys ces choses en Piemont, la Chambre des Comptes acheminoyt le proces que Madame a avec le seigneur Dom Amedeo pour Conflens, si que, a mon arrivee, je le treuvay prest a juger; et, selon l'advis du juge, j'escrivis tout aussi tost a Son Altesse [194] pour avoir surseance et ordre que tout fut retardé, suivant l'accord qu'il m'avoit fait de terminer les differens sans proces.

  A012001734 

 Je treuvay en Piemont monsieur le referendaire Millet, et passay en Maurienne pour parler a Monsieur l'Evesque touchant Faverges; ilz persistent, et s'offrent de solliciter, ayant procure de Madame, pour faire rendre les deniers sans que Madame en face la despence, suivant les memoires que je vous en laissay.

  A012001735 

 Je m'essayeray de la contenter au plus tost, n'ayant aucun affaire mondain en mon esprit que celluy-la, et de luy rendre tous les services quil me sera possible en toutes occurrences, comme tres-obligé que j'y suis.

  A012001754 

 C'est pourquoy j'envoye le porteur aupres de vous, Monsieur, pour vous les representer, estimant de ne treuver pas moins de faveur pour nostre droit que nous y en avons tous-jours treuvé, et que je me prometz d'en treuver ci apres..

  A012001754 

 J'ay consideré l'expedient que le sieur cappitaine de Moyron propose pour descharger les ecclesiastiques du logement de guerre et y ay veu plusieurs inconveniens, et, entre les autres, celuy que je crains le plus, [196] qui est que la liberté et immunité ecclesiastique en seroit, ce me semble, directement violee.

  A012001755 

 Cependant, et moy et tous les ecclesiastiques qui sont icy, nous prierons Dieu pour vostre santé, et je demeureray,.

  A012001769 

 Nos nouvelles ne sont que des [197] vielles miseres, entre lesquelles les plus grandes sont celles qui concernent l'abandonnement de cent eglises autour de Geneve, presque desolees.

  A012001787 

 J'ay veu les propositions que monsieur Loquet fait pour fonder a ses despens l'entretenement de quattre enfans de chœur en vostre eglise et, quant et quant, j'ay aussi veu les responses que vous y aves faittes.

  A012001787 

 Or, cela est fort raysonnable; car quand il ni auroit aucune clausule obligatoire, si est ce que vous ne laysseries d'estre redevables de maintenir soigneusement et en bons peres de famille telz biens et fondz; mais pour tout cela vous ne seriés pas tenuz ni a l'impossible ni a la charge, si les moyens se perdoyent sans vostre faute et coulpe.

  A012001804 

 Il me reste a vous en ramentevoir aux occasions, qui m'a fait maintenant vous en rafraischir la premiere supplication que je vous en ay faite, laquelle vous gratifieres, je m'en asseure, non seulement pour l'humble et entiere affection de laquelle je vous honnore, mais aussi en contemplation de ce bon Prælat decedé, duquel les merites vivent devant Dieu et en vostre souvenance..

  A012001822 

 Les fievres spirituelles, aussi bien que les corporelles, sont ordinairement suivies de plusieurs ressentimens, qui sont utiles a celuy qui guerit pour plusieurs raysons, mais particulierement parce qu'ilz consument les restes des humeurs peccantes qui avoyent causé la maladie, affin qu'il n'en demeure pas un brin; et parce que cela nous remet en memoire le mal passé, pour faire craindre de la recheute, a laquelle bien souvent nous nous porterions par trop de licence et de liberté, si les ressentimens, comme menaces, ne nous retenoyent en bride pour nous faire prendre garde a nous jusques a ce que nostre santé soit bien confirmee..

  A012001823 

 A cette occasion, elle multiplioit des desirs inutiles, qui, comme des bourdons et freslons, devoroyent le miel de la ruche, et les vrays et bons desirs demeuroyent affamés de toutes consolations.

  A012001823 

 Car je suis asseuré que vous remarqueres aysement que les travaux interieurs que vous aves souffertz ont esté causés par une multitude de considerations et de desirs, produitz avec un grand empressement pour atteindre a quelque perfection imaginaire.

  A012001823 

 Tenés pour suspectz tous ces desirs qui, selon le commun sentiment des gens de bien, ne peuvent pas estre suyvis de leurs effectz: telz sont les desirs de certaine perfection chrestienne qui peut estre imaginee mais non pas prattiquee, et de laquelle plusieurs font des leçons, mais nul n'en fait les actions..

  A012001824 

 Ceux qui aspirent au pur amour de Dieu n'ont pas tant besoin de patience avec les autres comme avec eux mesmes.

  A012001824 

 Sçachés que la vertu de patience est celle qui nous asseure le plus de la perfection, et s'il la faut avoir avec les autres, il faut aussi l'avoir avec soy mesme.

  A012001827 

 On peut bien faire des simples souhaitz qui tesmoignent nostre reconnoissance; je puis bien dire: Hé, que ne suis je aussi fervent que les Seraphins pour mieux servir et louer mon Dieu! Mais je ne doy pas m'amuser a faire des desirs comme si en ce monde je devois atteindre a cette exquise perfection, disant: Je le desire, je m'en veux essayer, et si je ne puis y atteindre je me fascheray.

  A012001829 

 Je ne sçai si je vous escris a propos; mais il m'est venu au cœur de vous dire cecy, estimant qu'une partie de vostre mal passé vous est arrivee de ce que vous aves fait des grandes preparations; et voyant que les effectz estoyent tres petitz et les forces insuffisantes pour prattiquer ces desirs, ces desseins et ces idees, vous aves eu des certains creve cœur, des impatiences, inquietudes et troubles; puis ont suivi des desfiances, allanguissemens, abbaissemens ou defaillances de cœur.

  A012001830 

 Ce sont les vertuz qui s'exercent plus en descendant qu'en montant, et partant elles sont sortables a nos jambes: la patience, le support des prochains, le service, l'humilité, la douceur de courage, l'affabilité, la tolerance de nostre imperfection, et ainsy ces petites vertuz.

  A012001831 

 Il faut faire provision de manne pour chasque jour, et non plus; et ne doutons point, Dieu en pleuvra demain d'autre, et passé demain, et tous les jours de nostre pelerinage..

  A012001832 

 J'appreuve infiniment l'advis du Pere N., que vous ayes un directeur, entre les bras duquel vous puissies doucement deposer vostre esprit.

  A012001834 

 Vous me deves cette charité par les loix de nostre alliance, et puisque je vous contrechange par la continuelle souvenance que je porte de vous a l'autel et en mes foibles prieres.

  A012001856 

 Pour moy, a cette derniere allarme, a peu que je ne perdis courage, comm'ayant des-ja esté longuement debout et en faction pour les præcedentes difficultés; outre ce, quil me sembloit que meshuy la chose devoit estr'asseuree, puisque la court de Parlement avoit interposé son arrest..

  A012001856 

 [Monsieur] de la Bastie de Dombes me fait une recharge de toute autre façon; car il vient (sic) a Farges [208] et Asserens, ou il monstra un'extreme affection et resolution pour empescher la jouissance des biens qui estoyent clairement donnés et ouctroyés pour l'entretenement du pasteur de ces lieux en l'ordonnance que vous, Monsieur, en avies faitte par les patentes de l'establissement.

  A012001858 

 J'ay deduit ce fait un peu bien au long affin que, par ce moyen, vous sceussies les accidens survenuz en une besoigne que je vous ay veu embrasser avec tant de ferveur, au milieu de la rigueur du plus grand froid de l'annee, avec tant de consolation de tous ceux qui furent presens, et specialement de feu Monsieur l'Evesque mon predecesseur, qui, pendant quil a vescu despuis, ne sceut onques s'empescher d'en faire feste..

  A012001859 

 Au demeurant, Monsieur, j'ay tous-jours esté extremement curieux de sçavoir des nouvelles de vostre santé, et les dernieres que j'en ay eues ont esté que vous avies esté prendre congé de Monsieur et Madame de Nemours pour venir de deça pour le service du Roy; qui m'a fait mettre en doute si ceste lettre vous rencontreroit encor a Paris ou si vous series des-ja en chemin: c'est pourquoy j'en ay fait un duplicat, affin que l'un fut envoyé d'un costé et l'autre de l'autre.

  A012001872 

 En quoy la verité est que je n'ay pas liberté de faire election d'aucun expedient, comme j'aurois si j'en estois le juge souverain, puisque le Saint [211] Siege Apostolique et le siege de Vienne, qui est metropolitain de ce diocsese, m'ont entierement lié les mains, et particulierement pour le regard de la façon de proceder que monsieur le Præsident de Genevoys m'a proposee, qui fut celle que feu Monsieur l'Evesque Justinien fit prattiquer une fois.

  A012001873 

 Aussi, a la verité, les exemples de la Sainte Chapelle et Sainte Geneviefve ne reviennent nullement a ce sujet, dautant que ni la Sainte Chapelle ni Sainte Geneviefve ne sont point eglises sujettes a l'Evesque, mais exemptes, et partant n'ont autre devoir que de reverence a l'eglise cathedrale du diocaese ou elles se treuvent, mais non pas d'aucune subordination ni dependence.

  A012001873 

 Et bien que la Sainte Chapelle et Sainte Genevieve soyent des eglises exemptes, si est ce qu'elles n'iroyent pas a costé de la cathedrale si elles n'avoyent des privileges speciaux du Saint Siege a cest effect; ce que tesmoigne le docteur Chassanee en son Cathalogue, disant que les Rois de France ont obtenu cela par privilege special, que leur chapelle estant prés de leur personne, sont esgalees (sic) avec toutes cathedrales.

  A012001883 

 Je luy represente maintenant la [213] mesme supplication, et qu'il luy playse de se faire dire les raysons qui m'ostent le pouvoir d'employer l'expedient que monsieur le president Favre m'a proposé.

  A012001883 

 Je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la supplication que je luy fis, pour avoir son congé de terminer par le droit et les constitutions de l'Eglise le different de precedence qui est entre le Chapitre de Saint Pierre et celuy de Nostre Dame en cette ville.

  A012001884 

 Mais je me resouviens aussi, Monseigneur, que vous estes si entier en la pieté, que vous ne voudres jamais en rien authoriser ceux qui voudront rompre les ordonnances de l'Eglise, sous le voyle et pretexte d'estre advoüés vos chapelains.

  A012001884 

 Vostre Excellence me face la grace de prendre la peyne de les considerer, et je suis asseuré qu'elle me commandera de passer outre a l'execution de l'intention de l'Eglise, et a Messieurs de Nostre Dame de n'y apporter plus aucune difficulté.

  A012001895 

 Je me suis fort peu meslé des affaires de la Mayson de Thonon jusques a præsent; neanmoins, ayant icy un creancier d'icelle, homme de merite et qui est en extreme necessité, je me suis des-ja essayé de le faire payer par autre voye, selon les moyens que le Pere Cherubin m'avoit proposés.

  A012001895 

 Mais n'estans reussis et voyant la necessité de ce creancier croistre tous les jours, je me suis enquis sil y auroit aucun autre moyen pour faire ce payement; et on m'a dit que Son Altesse avoit ordonné certaine pension annuelle a ladite Mayson, delaquelle on pourroit bien prendre la somme requise, qui n'est que de 80 escus, et particulierement sil vous playsoit d'en dire un mot de faveur.

  A012001902 

 Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les montz..

  A012001913 

 Au demeurant, hier vostre brave Henri me fit lhonneur de me venir faire mille caresses ceans et me donner les signes de l'hereditaire bienveüillance quil me portera a l'advenir, comme estant filz de pere et mere a qui je suis inviolablement,.

  A012001939 

 Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les montz..

  A012001951 

 C'est pourquoy, si je suis creu, vous ne le laisseres pas revenir sans traitter avec luy, et mesme pour les prises des annees passees, desquelles il desire avoir honneste prix en payant argent content.

  A012001952 

 Il seroit bon de donner ordre une fois pour toutes a tous ces affaires de deça, et mesme a celuy que Madame a avec les enfans de feu monsieur le chancelier Millet, [219] dequoy ayant escrit plus d'une fois, je m'estonne de n'en avoir nulle response..

  A012001971 

 En cette volonté, je m'essayeray de vaincre toutes les difficultés qui me pourroyent destourner de me rendre aupres de vous au teins que vous m'aves marqué en vostre lettre..

  A012001972 

 Ce sera pour l'Advent que j'auray beaucoup a debattre pour m'eschapper des grandes incommodités qui se presentent contre l'extreme desir que j'ay de vous contenter; et neanmoins, plus tost que de vous donner aucun sujet de croire que je veüille user d'aucune exception a vos volontés, je vous asseure des maintenant que si vous mesme ne me donnés le pouvoir de demeurer icy l'Advent, je n'y demeureray non plus que le Caresme, mays forceray tous les empeschemens pour me treuver en tous deux les tems en vostre ville.

  A012001978 

 Messieurs les Viconte majeur et Eschevins de la ville de Dijon..

  A012002006 

 » Sil ne tient qu'a cela, il me semble, Monsieur, que je les doy envoyer; mais je ne puis si je ne l'ay, ni l'avoir que par vostre moyen, que j'implore a cet effect, et vous supplie de m'aymer tous-jours et croire que, priant Dieu pour vostre santé, je demeure toute ma vie,.

  A012002037 

 Je ne doute point que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'ait appris par le P. Chérubin avec quel soin ont été faits les comptes de la Sainte-Maison de Thonon pour ce qui a été trouvé au deçà des monts.

  A012002037 

 Le Conseil m'a surtout chargé de remercier très humblement Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de la grande charité et de la paternelle sollicitude qu'Elle a témoignées jusqu'ici pour les affaires de cette Maison, la priant de vouloir bien continuer.

  A012002037 

 Reste à dresser ceux qui concernent les affaires d'au delà des monts.

  A012002052 

 Je desire fort de sçavoir quelz effectz auront suivi les ordonnances faittes en nostre visite, tant de vostre costé que de celuy de monsieur l'Abbé.

  A012002053 

 Monsieur de Saint Paul me dit que monsieur l'Abbé avoit laissé d'accenser l'abbaye, selon qu'il m'avoit donné parolle, pour quelques parolles laschees de vostre part, qui estonnerent les fermiers qui s'offroyent.

  A012002059 

 A Messieurs les Prieur et Religieux de Sixt..

  A012002104 

 Pour être complet, il sera nécessaire de reprendre les choses d'un peu plus haut..

  A012002105 

 C'est ce qui donna l'idée aux Bernois de songer sérieusement à restituer les provinces dont ils s'étaient rendus maîtres.

  A012002105 

 Certes, la clause était tout à fait inique, mais on s'y résigna dans l'espérance de jours meilleurs; d'ailleurs les circonstances des temps et des lieux n'en comportaient pas d'autre..

  A012002105 

 Cédant à leurs persuasions, les habitants de Genève secouèrent le joug très suave du Christ et, du même coup, l'autorité de leur propre souverain.

  A012002105 

 D'autre part, on n'était pas en mesure de se faire justice par la force des armes; voici donc ce qui fut conclu et ce qui fut fait: le duc reprendrait ce qu'on appelle les quatre bailliages de Thonon, Ternier, Gaillard et Gay ou Gex, qui confinent à Genève de quatre côtés et s'étendent tout autour de cette ville, à la condition expresse toutefois qu'il ne s'y ferait aucun exercice de la religion catholique.

  A012002105 

 Or, comme les armes des Français avaient occasionné cette irruption des Bernois et leur domination si funeste à nos Savoisiens, par contre, quand la paix se fit entre Henri, fils de François I er, et Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, ce fut avec la condition de rétablir l'ancien [229] état de choses.

  A012002105 

 Pendant que la Savoie presque tout entière était au pouvoir du roi de France François I er, les Suisses Bernois, infectés depuis peu du venin de l'hérésie luthérienne et zwinglienne, se jetèrent sur ces quartiers de Savoie qui confinent à leur pays.

  A012002105 

 Toutefois on ne put les amener à faire une entière restitution, et même les restitutions auxquelles ils se résignèrent étaient accompagnées d'une condition injuste.

  A012002106 

 Brisant [230] alors avec la parole donnée précédemment, ils envahirent de nouveau les quatre bailliages susdits.

  A012002106 

 Comme si l'entreprise ne pouvait être exécutée sans le méritoire concours d'un grand nombre de personnes, elle coûta bien des labeurs, de longues guerres, sanglantes à la fois pour les deux partis, car les succès furent partagés selon la vicissitude des armes..

  A012002106 

 En effet, il y avait quelques années que les Bernois et les Genevois avaient allié leurs troupes à celles de la France.

  A012002107 

 Aussitôt, dans le temps même où se concluait la trêve, il pria l'Evêque mon prédécesseur, dont la mémoire est en bénédiction, d'envoyer à ces populations des prédicateurs catholiques pour les convertir, en affirmant sa volonté formelle de rétablir chez elles la religion catholique.

  A012002107 

 Dès ce moment, encore que les choses fussent à peine assurées, Charles-Emmanuel se sentit délivré de la clause inique imposée par les hérétiques.

  A012002107 

 Enfin la trêve fut résolue, quand déjà le duc occupait les deux bailliages de Thonon et de Ternier.

  A012002108 

 Des temples la plupart détruits ou dépouillés; plus, absolument plus de croix, plus d'autels, mais partout les vestiges de l'ancienne et vraie foi anéantis.

  A012002108 

 Nous avions devant nous soixante-quatre paroisses; or, si l'on excepte les officiers catholiques du duc, qui n'en voulut jamais avoir que de tels, on n'eût pas trouvé une centaine de fidèles sur une population de plusieurs milliers d'âmes.

  A012002108 

 Partout des ministres, comme on les appelle, c'est-à-dire des maîtres d'hérésie, pervertissant les familles, insinuant leur doctrine, envahissant les chaires, en vue d'un gain honteux. Les Bernois, les Genevois, et autres semblables enfants de perdition, terrorisaient le peuple, par le moyen de leurs [232] émissaires, pour les détourner de nos prédications.

  A012002108 

 « La trêve, » disaient-ils, « n'est qu'une trêve, la paix n'est point conclue; bientôt nous chasserons par les armes duc et prêtres, et notre parti, défiant toute insulte, restera seul triomphant.

  A012002109 

 Six paroisses furent érigées en divers lieux: trois dans le bailliage de Thonon et autant dans celui de Ternier (on ne put en établir davantage, faute d'ouvriers évangéliques, faute de fonds suffisants pour leur subsistance, et aussi parce que la paix n'ayant rien de stable, les choses flottaient dans l'incertitude), et l'Ordre des Capucins envoya de nouveaux aides, moissonneurs intrépides dont chacun, par son zèle infatigable, réalisait le travail de plusieurs..

  A012002110 

 Aussi se décida-t-il à venir lui-même à Thonon pour réunir les principaux de la ville et traiter en personne avec eux.

  A012002110 

 Une partie abjura entre ses mains; il adressa les autres à l'Evêque mon prédécesseur ou à moi.

  A012002111 

 Alors l'hiver ayant fui, le printemps souriait; partout on voyait se dresser « l'arbre précieux et resplendissant » de la Croix vivifiante; de toutes parts l'Eglise faisait entendre ses chants comme la voix de la tourterelle, et renouvelées, fleurissant de nouveau, les vignes exhalaient leur parfum.

  A012002111 

 Il apparaissait vraiment comme le prince établi par Dieu sur son peuple, pour annoncer ses préceptes, et il ne se donna du repos que le jour où les affaires changèrent de face.

  A012002111 

 Pendant les quelques mois que le prince s'occupa d'amener la conversion du pays, durant son séjour à Thonon, son cœur, par une grâce singulière, semblait être dans les mains de Dieu, tant il en suivait docilement les impressions.

  A012002111 

 Sans doute, « il est digne et juste » de rapporter au suprême, à l'immuable Moteur de toutes choses le mouvement si remarquable et si profond qui s'est fait dans les âmes; mais, avouons-le sincèrement, Dieu a daigné se servir surtout du duc de Savoie et de son zèle, comme du principal instrument.

  A012002111 

 Tantôt il faisait publiquement des exhortations au peuple; tantôt il entamait des conférences privées avec ceux qui passaient pour les plus fortes [234] colonnes de l'hérésie.

  A012002112 

 La scène eut lieu sous les yeux des députés Bernois indignés; car ils étaient venus précisément avec la mission officielle de parer ce coup.

  A012002112 

 Plusieurs conseillers soutinrent obstinément que le moment n'était pas venu de rien entreprendre, que les évènements s'y opposaient.

  A012002112 

 Pourtant le bailliage de Gaillard restait toujours aux mains des Genevois, d'après les articles de la trêve; il était donc fermé à la foi catholique.

  A012002112 

 Terrifiés par cet ordre sévère, quelques-uns se convertirent; car les piquants des épines et de l'affliction donnent l'intelligence à l'ouïe.

  A012002112 

 Toutefois, pendant que la majeure partie de ces populations était rentrée dans l'Eglise, au milieu d'elles restèrent quelques hérétiques de l'un et de l'autre sexe, qui, plus obstinés que les autres, s'entêtaient dans leurs erreurs.

  A012002113 

 Aujourd'hui, dans les mêmes quartiers, l'Eglise Catholique étend de part et d'autre ses branches, avec des poussées si vigoureuses que l'hérésie n'y a plus de place.

  A012002113 

 Jadis on avait peine à compter cent Catholiques entre toutes les paroisses réunies; aujourd'hui on n'y verrait pas cent hérétiques.

  A012002113 

 Partout l'on célèbre et l'on fréquente les mystères de la foi catholique; chaque paroisse est pourvue de son curé; enfin ces trois bailliages, que les clauses du traité ont remis au duc, sont tout à fait restitués à l'Eglise, et, ce qui importe le plus, c'est qu'après avoir recouvré la foi et la religion, leurs habitants ont persévéré sans que [237] ni les persécutions des dernières guerres, ni les menaces des hérétiques aient jamais pu les ébranler.

  A012002113 

 Voilà bien, certes, le seul et unique avantage que les guerres passées ont valu à ce diocèse..

  A012002114 

 C'est avec de très humbles et très vives instances que je les sollicite de la clémence de Votre Sainteté, et, dans l'espoir de les obtenir, je prie le Christ de vous être toujours propice..

  A012002115 

 C'est pourquoi j'ai cru que leurs signatures ne seraient [238] pas sans utilité, car les faits attestés par un grand nombre de témoins obtiennent du même coup une grande et solide créance..

  A012002115 

 En outre, plusieurs chanoines de mon Eglise cathédrale, et d'autres personnes d'une probité et d'une doctrine éprouvées ont vu et en quelque sorte touché les choses dont je vous fais le récit, car ils ont collaboré dans le Seigneur à l'instruction de ces peuples et ils ont été pour « une grande part » dans tout ce qui s'est fait.

  A012002138 

 Ceci pourrait se faire sans préjudice des juridictions ecclésiastiques, [240] puisque le bras séculier n'interviendrait que pour faire exécuter au besoin les mesures jugées nécessaires..

  A012002138 

 Il est certain que le relâchement de tous les monastères de Savoie, excepté toutefois ceux des Chartreux, est tellement invétéré qu'un remède ordinaire ne suffirait pas à les assainir.

  A012002138 

 Pour réussir, il faudrait un réformateur de grande autorité et prudence, muni de tres amples pouvoirs dont il userait selon les occasions; je dis non seulement très amples, mais absolus et sans appel, car les moines sont très expérimentés et habiles dans la chicane.

  A012002139 

 Il serait expédient, me semble-t-il, qu'en certains monastères on introduisît des Religieux d'une Congrégation différente, tels que des Feuillants ou des Chartreux, et qu'en d'autres on remplaçât les moines par des prêtres séculiers ou des chanoines.

  A012002140 

 C'est pourquoi, à mon avis, l'une de ces deux mesures serait nécessaire pour en éloigner le scandale: ou bien y placer d'autres moines réformés, ou en faire des collégiales séculières; ou encore, comme troisième expédient, les soumettre à une Congrégation réformée de l'Ordre auquel ils appartiennent; enfin, un quatrième moyen serait de les soumettre à l'Ordinaire, ainsi que l'étaient jadis plusieurs excellents monastères avant que les exemptions fussent en usage.

  A012002140 

 Il est vrai que ceux de Sixt et de Peillonnex sont visités par l'Evêque; c'est ainsi que je les ai visités moi-même, mais je n'ai pu les astreindre à l'observance de la Règle puisqu'ils n'en ont pas; seulement je leur ai fait observer les Constitutions ordinaires, comme s'ils eussent été chanoines séculiers, en attendant que leur situation puisse être régularisée... [243].

  A012002140 

 Quant aux autres, tels que les monastères de Sixt, de Peillonnex, [242] du Sépulcre en cette ville, et semblables, il est nécessaire de les séculariser, vu que les moines sont Chanoines réguliers de Saint-Augustin, mais d'une certaine Congrégation qui n'a ni général, ni provincial, ni Chapitre, ni visite, ni forme expresse de vœu, ni Règle, ni Constitutions.

  A012002166 

 Je suis chaque jour tellement fatigué des difficultés et contre-temps que provoque la mesure imposée depuis peu, de ne pas laisser passer les simples signatures sans expédier les Bulles pour les petits bénéfices, que je me vois contraint de recourir de nouveau à la charité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, la suppliant de daigner... [245].

  A012002189 

 C'était l'usage parmi les anciens prélats de l'Eglise de s'écrire des lettres: tout le monde le sait, et vous, Révérendissime Père, vous l'ignorez moins que personne.

  A012002190 

 Je pense donc que si je vous salue par lettres (et le puis-je faire autrement?), vous me recevrez d'un air souriant et vous m'embrasserez selon les effusions de votre charité..

  A012002190 

 Les hérétiques, à ce qu'on dit, Révérendissime Seigneur, vous tiennent bloqué dans votre ville assiégée, et vous n'avez que votre seule cité épiscopale en votre possession.

  A012002190 

 Quant à moi, c'est tout le contraire; en me chassant, les hérétiques m'ont presque tout laissé, à l'exception de ma ville épiscopale.

  A012002191 

 En vérité, votre parole et votre éloquence ont un singulier effet: jadis, au bruit strident des trompettes, les murs de Jéricho tombèrent; mais au son de votre voix, pareille à un clairon évangélique, Bois-le-Duc a vu ses murailles et ses défenses se tenir debout et demeurer jusqu'ici hors de toute atteinte..

  A012002191 

 Il se plaît souvent à dire que vous [247] méritez de grandes louanges, principalement pour ceci: ses concitoyens, si attachés qu'ils soient à leurs princes, doivent surtout à votre vigilance de n'avoir pas vu leur ville tomber au pouvoir des ennemis, malgré les stratagèmes inouïs tant de fois employés pour la séduire.

  A012002192 

 Aussi je vous le recommande volontiers et avec toutes les instances possibles.

  A012002192 

 Il n'est pas besoin de dire avec quel zèle il s'est appliqué, pendant tout ce temps, au droit et aux belles-lettres; mais ce qui importe davantage à mes yeux, il a embrassé avec une exactitude scrupuleuse et qui ne s'est jamais démentie, les devoirs de la piété et de la religion.

  A012002202 

 J'entens que l'on fait certaines aumosnes generales en Abondance et La Chapelle le jour mesme de Pentecoste, au moyen dequoy plusieurs circonvoysins abandonnent les offices de leurs parroisses, et ceux du lieu sont fort distraitz de leurs devoirs et devotions au prejudice de lhonneur qui est deu a un jour de si grande solemnité.

  A012002217 

 Il m'a fallu dire ce mot pour vous tesmoigner l'ayse que je reçois de vostre vray bien parmi les phantosmes de vostre mal apparent; mais le bon est qu'apres tout cela la victoire vous demeure, comme indubitablement elle fera tous-jours, et cela me donne encor du contentement selon le monde et selon Dieu..

  A012002217 

 Je participeray tous-jours a tous les evenemens aggreables et desaggreables qui vous toucheront; mais je me res-jouis de cettuy-ci qui vous a donné sujet de prattiquer la charité chrestienne au pardon que vous aves fait a celuy qui, sans sujet, avoit prattiqué la desloyauté mondaine en vostre endroit.

  A012002218 

 Car si je ne puis par autre voye chevir de ce saint dessein, sur le souvenir que Sa Majesté a de cette affaire et de sa promesse par vostre moyen, je recourray a elle pour faire faire un commandement absolu audit Archevesque, plustost que de plaider a Dijon, comme j'ay fait ci devant, considerant bien que les proces entre gens de la qualité de laquelle luy et moy sommes ne peuvent estre que scandaleux.

  A012002218 

 Neanmoins, la parole ayant esté donnee avant leur retour, et les necessités de mon diocese le requerant, je m'essayeray de cooperer avec eux a l'œuvre de Nostre Seigneur, estudiant tous-jours en theologie, comme il a pleu au Roy de me faire resouvenir, comme n'ayant nul autre desir que celuy la, ni aucune autre occupation qui me soit agreable.

  A012002218 

 Vostre seconde lettre me donne advis de quelques bons offices qu'avés pris la peyne de faire pour les affaires de Gex en mon nom, lesquelz ont esté faitz si a propos que non plus, sur les difficultés que Monsieur Fremyot, Archevesque de Bourges, me fait au relaschement des biens ecclesiastiques qu'il avoit obtenuz du Roy par surprise, au prejudice de la concession que Sa Majesté en avoit faitte precedemment a l'Eglise et aux curés.

  A012002227 

 L'argent de bon qui doit estre a Gex, les pensions des ministres payees, est entre les mains des ministres mesmes qui opiniastrent autant pour ne le rendre pas que pour aucun article de leur foy; mais je verray si a Dijon je pourray y mettre du remede..

  A012002240 

 Si Dieu m'accompagne, Monsieur, je reviendray bien tost appres Pasques, avec un dessein inviollable de ne jamais sortir du diocese, je ne dis plus sans le congé, mais bien sans le commandement de Son Altesse, et espere que les jours suyvans jugeront les precedens de [255] ma vie et que le dernier les jugera tous.

  A012002250 

 Sur ceste asseurance je m'y en vay, Monseigneur, toujours esgal a moy mesme au desir extreme que j'ay de rendre tres humble service et obeissance a Vostre Altesse, avec touttes les preuves d'un'inviollable fidellité.

  A012002251 

 Que pleut a Dieu, Monseigneur, que les nouvelles qui courent il y a quelques moys de deça de la restitution de Gex a Vostre Altesse ne soyent autant certaines qu'elles sont desirables; j'en auroy ce particulier contentement de voir la sainte religion asseuree en tout mon diocese, sans employer ny tant de peine ni tant de soing comme je suis obligé de faire maintenant.

  A012002272 

 Parmi les nombreuses difficultés que présente l'administration de ce diocèse, l'une des plus considérables vient de ce qu'il est soumis à deux juridictions temporelles différentes; bien qu'il soit en grande partie sous la domination du Sérénissime duc de Savoie, néanmoins une partie très considérable est soumise à la couronne de France.

  A012002273 

 La première question est relative au bailliage de Gex; quoique les biens ecclésiastiques soient peu considérables dans ce bailliage (l'exercice du culte catholique n'ayant été rétabli que dans trois lieux seulement), il faut néanmoins plaider contre un conseiller dudit Parlement.

  A012002274 

 J'y ai volontiers consenti, pensant que cet apostolat contribuerait à terminer plus promptement et plus heureusement les affaires que j'ai avec eux.

  A012002274 

 Jamais je ne pourrai croire que Votre Béatitude doive désapprouver cette courte absence que je suis contraint de faire pour les besoins du diocèse.

  A012002274 

 Surtout les notables de Dijon, sachant que je devais me rendre dans leur ville, m'ont prié d'y prêcher [259] le Carême.

  A012002285 

 Ce que je crains [est] le deschet de l'opinion que vous m'asseures vous aves de mon affection, laquelle, si elle pouvoit croistre, s'augmenteroit tous les jours comme vous en faites naistre en tout tems de nouveaux sujetz, comme est la patience qu'il vous a pleu avoir a ma priere a l'endroit de M. de Bellecombe; de laquelle ne voulant plus abuser, Monsieur, on ne vous priera point de la continuer plus avant, [craignant] de la voir employer avec vostre incommodité et sans leur prouffit, puisqu'ilz ne s'en sont servis a faire l'appointement que vous desires..

  A012002286 

 J'ay sceu le trespas de monsieur vostre pere, mon Oncle, bien tost apres qu'il fut advenu, et en ressentis les afflictions que je devois a l'amitié de laquelle il avoit tous-jours honnoré nostre mayson et a la perte que vous aves faitte, laquelle je sçeus bien [apprehender] par la memoire de celle que peu d'annees auparavant j'avois l'ait moy mesme sur un pareil sujet.

  A012002286 

 Je n'attendis pas, croyés le bien je vous supplie, de recommander son ame a Nostre Seigneur que vous m'en eussies adverti, mais luy rendis ce devoir sur le champ a la premiere nouvelle; et n'eusse pas retardé non plus a vous escrire pour vous faire la ceremonieuse offrande du service de nostre mayson et du mien en particulier, si je n'eusse sceu que vous nous croyes tout vostres pour une bonne fois, sans qu'il soit necessaire d'en renouveller si souvent [261] les reconnoissances.

  A012002293 

 Dieu, ce me semble, m'a donné a vous; je m'en asseure toutes les heures plus fort.

  A012002301 

 J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme: chacun le va voir et cherit pour l'amour da plantateur; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy: Dieu vous croisse, o bel arbre planté; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a maturité, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger.

  A012002301 

 Madame, ce desir doit estre en vous comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de l'arbre de vostre dessein; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs: c'est la l'une des colomnes de vostre tabernacle..

  A012002302 

 Loüé soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour; faites le croistre tous les jours de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'edifice de vostre bonheur est appuyé sur ces deux colomnes.

  A012002302 

 Mais je dis, si vous l'aymes mieux, car en tout et par tout je desire que vous ayés une sainte liberté d'esprit touchant les moyens de vous perfectionner; pourveu que les deux colomnes en soyent conservees et affermies, il n'importe pas beaucoup comment..

  A012002302 

 Ne vous lies pas toutefois a cette mesme meditation, car je ne la vous envoye pas a cet effect, mais seulement pour vous faire voir a quoy doit tendre l'examen et espreuve de soy mesme que vous deves faire tous les moys, affin que vous sachies vous en prevaloir plus aysement.

  A012002302 

 Saint Paul nous commande d'honnorer les vefves qui sont vrayement vefves; mays celles qui n'ayment pas leur viduité ne sont vefves qu'en apparence, leur cœur est marié.

  A012002303 

 Tenes vous fort en la presence de Dieu par les moyens que vous sçaves.

  A012002304 

 Apres l'amour de Nostre Seigneur je vous recommande celuy de son espouse l'Eglise, de cette chere et douce colombe laquelle seule peut pondre et faire esclorre les colombeaux et colombelles a l'Espoux.

  A012002304 

 Jettés vos yeux sur l'Espoux et sur l'Espouse, et dites a l'Espoux: O que vous estes Espoux d'une belle Espouse! et a l'Espouse: Hé, que vous estes Espouse d'un divin Espoux! Ayés grande compassion a tous les pasteurs et predicateurs de l'Eglise, et voyés comme ilz sont espars sur toute la face de la terre, car il n'y a province au monde ou il n'y en ayt plusieurs.

  A012002305 

 Je vous envoye un escrit touchant la perfection de la vie de tous les Chrestiens.

  A012002319 

 A vous, Madame, qui estes mariee, les moyens sont de vous bien unir a Dieu et a vostre prochain et a ce qui despend d'eux..

  A012002319 

 Les moyens de parvenir a la perfection sont divers selon la diversité des vocations; car les Religieux, les vefves et mariés doivent tous rechercher cette perfection, mais non pas par mesme moyen.

  A012002319 

 Vous avés un grand desir de la perfection chrestienne: c'est le desir le plus genereux que vous puissies avoir, nourisses-le et le faittes croistre tous les jours.

  A012002320 

 Neanmoins, si vous n'avies pas les commodités requises pour se confesser, la contrition et repentance suppleeroit..

  A012002321 

 Et a cet effect, il faut que vous ayés les autheurs qui ont couché les pointz des meditations sur la vie et mort de Nostre Seigneur, comme Grenade, Bellintani, [268] Capillia, Bruno, dans lesquelz vous choysirés la meditation que vous voudrés faire, et la lirés attentivement pour vous en resouvenir au tems de l'orayson, et n'avoir autre chose a faire que de les remascher, suyvant tous-jours la methode que je vous mis par escrit en la meditation que je vous donnay le Jeudy Saint..

  A012002321 

 Faittes en donques tous les jours une petite heure le matin avant que de sortir, ou bien avant le souper, et gardés vous bien de la faire ni apres le disner ni apres le souper, car cela gasteroit vostre santé.

  A012002322 

 Outre cela, faittes souvent des oraysons jaculatoires a Nostre Seigneur, et ce a tous (sic) les heures que vous pourres et en toutes compaignies, regardant tous-jours Dieu dans vostre cœur et vostre cœur en Dieu.

  A012002322 

 Prenes playsir a lire les livres que Grenade a fait de l'orayson et meditation, car il ni en a point qui vous instruise mieux ni avec plus de mouvemens.

  A012002322 

 Voyla les principaux moyens de se bien unir avec Dieu..

  A012002323 

 Il faut rapporter a ce point les oraysons et meditations, car apres avoir demandé l'amour de Dieu il faut tous-jours demander [269] celuy des prochains, et particulierement de ceux ausquelz nostre volonté n'a null'inclination..

  A012002324 

 Je vous conseille de prendre quelquefois la peyne de visiter les hospitaux, consoler les malades, considerer leurs infirmités, attendrir vostre cœur sur icelles et prier pour eux en leur faysant quelqu'assistence.

  A012002324 

 Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu..

  A012002325 

 Les malades aymeront vostre devotion silz en sont charitablement consolés; vostre famille, si elle vous reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a reprendre, et ainsy du reste; monsieur vostre mari, sil void que a mesure que vostre devotion croist vous estes plus cordiale en son endroit et plus soüefve en l'affection que vous luy portés; messieurs vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu.

  A012002346 

 Je l'en supplie de tout mon cœur et l'en supplieray tous les jours de ma vie..

  A012002346 

 Je suis infiniment consolé du playsir que vous prenes a lire les Œuvres et la Vie de la Mere Therese, car vous verrés le grand courage qu'elle eut a reformer son Ordre, et cela vous animera sans doute a reformer vostre Monastere, ce qui vous sera bien plus aysé qu'il ne fut pas a elle, puisque vous estes Superieure perpetuelle.

  A012002346 

 Je vous recommande sur tout l'esprit de douceur, qui est celuy qui ravit les cœurs et gaigne les ames.

  A012002363 

 Si les conferences ne se [273] font bien conditionnees et accompagnees de loysir et de commodités de les parachever, elles sont infructueuses.

  A012002364 

 Les jurisconsultes vous le tesmoigneront, puisque c'est d'eux que la maxime est tiree: vous n'en refuseres pas l'explication..

  A012002365 

 La priere pour les trespassés a esté faitte par toute l'ancienne Eglise, Calvin mesme le reconnoist; les Peres l'ont preuvee par l'authorité du Livre des Maccabees et l'usage general de leurs predecesseurs.

  A012002365 

 Ni les Livres des Maccabees, ni l'Apocalipse n'ont pas esté si tost reconneus que les autres; l'un et l'autre neanmoins le fut esgalement au Concile de Carthage, ou saint Augustin assista.

  A012002365 

 On a douté loysiblement de quelques Livres canoniques pour un tems, desquelz il n'est pas loysible de douter maintenant; les passages que j'ay cités sont si expres qu'ilz ne peuvent estre divertis a autre sens..

  A012002366 

 Je vous conjure, par les entrailles de Jesus Christ, de vouloir meshuy lire et l'Escriture et les anciens Peres avec un esprit deschargé de preoccupations: vous verrés [274] que les parties principales et essentielles de la face de l'Eglise ancienne sont entierement conservees en celle qui est maintenant.

  A012002366 

 On me dit que Dieu a mis en vous beaucoup de dons de nature; n'en abusés pas pour forclorre ceux de la grace, et consideres attentivement les qualités de la part en laquelle vous desires conferer..

  A012002368 

 Conferes a vostre salut l'attentive meditation sur nos raysons et sur les anciens Peres, et j'y confereray mes pauvres et chetives prieres, que je presenteray a la misericorde de nostre Sauveur, auquel et pour l'amour duquel je vous offre mon service et suis.

  A012002381 

 J'ay receu commandement de Vostre Altesse de luy donner advis certain de l'estat du prieuré et monastere de Bellevaux, par ce que sil est si miserable que l'on [275] luy a fait entendre, elle veut relascher les decimes au Prieur.

  A012002381 

 J'obeis donques a la voulonté de Vostre Altesse, et sur une particuliere connoissance que j'ay de la verité, je la puis asseurer que ce monastere, qui fust jadis asses celebre, est presque ruiné quant aux bastimens, et tellement appauvri quant au revenu qu'il ne sçauroit de long tems rendre cent ducatons annuels a son Prieur; et pour la presente annee, ayant receu un grand degast par la tempeste, il n'y a pas, a beaucoup pres, dequoy supporter les charges.

  A012002398 

 Et quant au scrupule que vous aviés de m'avoir demandé mon advis pour l'addresse de toute vostre vie, je vous dis que vous n'aviés non plus contrevenu aux loix de la submission que les ames devotes doivent a leur pere spirituel, par ce que mes conseilz ne seroyent rien plus qu'un escrit spirituel duquel la pratique seroit tous-jours mesuree par le discernement de vostre directeur ordinaire, selon que la presence de son œil et la plus grande lumiere spirituelle, avec la plus entiere connoissance qu'il a de vostre capacité, luy donnent le moyen de le mieux faire que je ne puis, estant ce que je suis; joint que les advis que je pensois vous donner seroyent telz quilz ne pouvoyent estre que bien [278] accordans avec ceux du Pere directeur.

  A012002398 

 Madame, si vous vous en resouvenés, je vous dis bien cela mesme, quand vous me dites que vous craignés de [277] l'avoir offencé ayant receu les petitz advis que je vous donnay verbalement sur le sujet de vostre affliction interieure qui vous troubloit en la sainte orayson.

  A012002399 

 Pour certain, ni recevoir les advis et enseignemens des autres, ni recourir a eux en l'absence du directeur, n'est nullement contraire a ce respect, pourveu que le directeur et son authorité soit tous-jours præferé.

  A012002419 

 J'ay eu tant de distractions pour ne l'avoir pas voulu permettre, que j'ay bien occasion aussi de mon [281] costé de souhaitter que les loix de l'immunité des eglises soyent moderëes a cet effect.

  A012002419 

 Le desir que vous avés que les soldatz puissent estre tirés des lieux sacrés pour estre chastiés selon leurs demerites est fort juste et propre a la conservation du bien publiq.

  A012002420 

 Je vous supplie, Monsieur, d'avoir aggreable que j'attende puisque ma condition le requiert, en laquelle je prie Dieu tous les jours pour vous, et suis,.

  A012002426 

 Chevallier de l'Ordre de S. A. et son lieutenant general deça les mons..

  A012002438 

 Je suis bien d'accord avec ceux qui vous ont voulu donner du scrupule, quil est expedient de n'avoir qu'un pere spirituel, l'authorité duquel doit estre en tout et par tout præferee a la volonté propre, et mesme aux advis de tout autre particuliere personne; mais cela n'empesche nullement le commerce et communication d'un esprit avec un autre, ni d'employer les advis et conseilz que l'on reçoit d'ailleurs.

  A012002438 

 Outre cela, elle ne laissoit pas d'avoir tous-jours quelque particulier et grand confident auquel elle se communiquoit, et duquel elle recevoit les advis et conseilz pour les prattiquer soigneusement, et s'en prævaloir en tout ce qui ne seroit contraire a l'obedience vouée; dont elle se treuva fort bien, comm'elle mesme a tesmoigné en plusieurs endroitz de ses escritz.

  A012002439 

 Je ne vous sçaurois pas expliquer ni la qualité ni la grandeur de cett'affection que j'ay a vostre service spirituel; mais je vous diray bien que je pense qu'ell'est de Dieu et que pour cela je la nourriray cherement, et que tous les jours je la voy croistre et s'augmenter notablement.

  A012002440 

 Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quii y eut nulle liayson entre nous qui portast aucune obligation, sinon celle de la charité et vraÿe amitié chrestienne, delaquelle le lien est appellé par saint Paul le lien de perfection, et vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit jamais aucun relaschement.

  A012002440 

 Tous les autres liens sont temporelz, mesme celuy des vœuz d'obeissance, qui se rompt par la mort et beaucoup d'autres occurrences; mais celuy de la charité croit avec le tems et prend nouvelles forces par la duree.

  A012002440 

 Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté.

  A012002442 

 Interpretés a bien cette longueur, car j'en ay usé pour eschapper, sil m'est possible, les repliques et scrupules qui naissent asses volontiers es espritz de vostre sexe.

  A012002443 

 Je me suis souventesfois animé parmi mes petites difficultés par les paroles de nostre doux Sauveur qui dit: La femme, quand elle enfante, a une grande detresse; mais apres l'enfantement elle oublie le mal passé parce qu'un enfant luy est né. Je pense qu'elles vous consoleront aussi, si vous les consideres et repetes souvent.

  A012002443 

 Quand il vous surviendra quelqu'ennuy, ou interieur ou exterieur, prenes entre vos bras vos deux resolutions et colomnes de l'edifice, et, comme une mere sauve ses enfans d'un danger, portés-les es playes de Nostre Seigneur et le pries quil les vous garde et vous avec elles, et attendés la dedans ces sainte cavernes jusques a ce que la tempeste soit passee.

  A012002443 

 Vous aures des contradictions et amertumes; les tranchees et convulsions de l'enfantement spirituel ne sont pas moindres que celles du corporel: vous aves essaÿé les unes et les autres.

  A012002445 

 Je desire sçavoir le nom et l'aage de vos enfans, parce que je les tiens pour miens selon Dieu..

  A012002446 

 Je n'ose pas presser les dames que vous me nommes du voyage parce qu'il ne me seroit pas seant; je le desire neanmoins, et me console en l'esperance que j'en ay..

  A012002474 

 C'est pourquoi, Très Saint Père, sachant que Votre Béatitude pourvoit avec une très diligente sollicitude les églises cathédrales et qu'Elle veut user d'une bienveillance apostolique toute spéciale à l'égard de l'Eglise de Belley, j'ose, quelque chétif et indigne que je sois, la supplier de favoriser le théologien susnommé, pour l'honneur du Seigneur notre Dieu et le bien des âmes.

  A012002474 

 Or, quoique cette Eglise vacante soit très [289] pauvre, elle est néanmoins importante, car elle se trouve dans le voisinage des hérétiques et sur les frontières; le bien de ce diocèse peut contribuer beaucoup à celui du diocèse de Genève.

  A012002487 

 Je ne voy point d'autre moyen de servir en cette affaire le seigneur Lobet, eu esgard a la haste qu'il a de s'en retourner en Piemont, et puisque les affaires de cette Sainte Mayson ne sont pas au pouvoir de moy seul, qui, en cette occasion et en tout'autre, feray tous-jours joindre [292] ma volonté a vos desirs, comme doit celuy qui, priant Dieu pour vostre prosperité, sera toute sa vie....

  A012002499 

 Il sera bon, re me semble, de tenir la chose secrette pour quelque tems, cependant que je feray chercher dans les visites quid juris et que je penseray aux remedes propres.

  A012002518 

 Je vous diray donq, Monsieur, que, despuis les dernieres nouvelles que vous aves euës de moy, j'ay esté perpetuellement parmi les travaux et traverses que le monde fait naistre en ma charge, et me semble que cette annee m'a esté encor plus aspre que celle du noviciat; mays je puis dire aussi que nostre bon Maistre m'a beaucoup assisté de ses saintes consolations, qui m'ont fortifié en sorte que je puis dire d'avoir nagé parmi les eaux d'amertume sans en avoir avalé une seule goutte.

  A012002518 

 Que Dieu est bon! Il connoist bien mon infirmité et ma delicatesse; c'est pourquoy il ne me permet point de seulement gouster les eaux de Mara que premierement il ne les ayt adoucies par le bois sacré de son assistence et consolation..

  A012002519 

 Encor vous diray-je cecy: j'y ay reconneu plusieurs centaines de personnes laïques et seculieres qui font une vie fort parfaitte, et, parmi le tracas des affaires du monde, font tous les jours leur meditation et saintz exercices de l'orayson mentale..

  A012002519 

 Je ne rencontray jamais un si bon et gratieux peuple, ni si doux a recevoir les saintes impressions.

  A012002520 

 A mon retour, en suitte de ce que j'y avois traitté et [295] qui avoit esté le sujet qui m'avoit fait sortir de mon diocese, je vins a Gex, ou M. le baron de Lux et quelques uns de cette court de Parlement estoyent arrivés pour, de la part du Roy, affermir l'establissement de l'exercice catholique que les huguenotz avoyent totalement esbranlé, et resoudre de plusieurs difficultés que l'esprit chicaneur de l'heretique y avoit fait naistre.

  A012002521 

 Or, beni soit Dieu qu'il ne sçait pas mes maladies, puisqu'il ne les voudroit guerir que par la mesdisance.

  A012002522 

 Mais les anciens Evesques n'en faysoyent pas moins, et la communication que vous me permettes d'avoir avec vous m'est d'autant plus douce que nous sommes plus esloignés l'un de l'autre; car je pense que c'est de la largeur ou longueur du royaume de France.

  A012002523 

 Je ne suis jamais a l'autel que je ne l'en supplie, et nommement pour vous, Monsieur, de qui je me prometz un riche contreschange, a qui je bayse tres humblement les mains, et suis inviolablement,.

  A012002560 

 C'est leur premiere et grande charge; on le leur dit en les consacrant.

  A012002560 

 Je ne dis rien de la mission ou vocation; seulement je remarque que les Evesques ont non seulement la mission, [300] mais ilz en ont les sources ministerielles, et les autres predicateurs n'en ont que les ruysseaux.

  A012002560 

 Pour abondans que soyent les ruysseaux, on se plaist de boire a la source..

  A012002564 

 » Comme reprendrons nous les superfluités du monde si nous faysons paroistre les nostres?.

  A012002565 

 L'hospitalité ne consiste pas a faire des festins, mais a recevoir volontier les personnes a table, telle que les Evesques la doivent avoir et que le Concile de Trente determine: Oportet mensam Episcoporum esse frugalem.

  A012002566 

 Aussi, les disciples d'Emmaüs ayans communié, eurent les yeux ouvertz..

  A012002570 

 La fin donques du [303] predicateur est que les pecheurs mortz en l'iniquité vivent a la justice, et que les justes qui ont la vie spirituelle l'ayent encores plus abondamment, se perfectionnans de plus en plus, et, comme il fut dit a Hieremie, ut evellas et destruas les vices et les pechés, et ædifices et plantes les vertuz et perfections.

  A012002571 

 Enseigner les vertuz et les vices: les vertuz pour les faire aymer, affectionner et prattiquer; les vices pour les faire detester, combattre et fuir.

  A012002573 

 Saint Paul deteste les auditeurs prurientes auribus, et par consequent les predicateurs qui leur veulent complaire.

  A012002575 

 Saint François, duquel aujourd'huy nous faysons la feste, explique cela, commandant a ses Freres de prescher les vertuz et les vices, l'enfer et le Paradis.

  A012002576 

 Au contraire donq il faut s'en servir, car ilz ont esté les instrumens par lesquelz Dieu nous a communiqué le vray sens de sa Parole..

  A012002578 

 Et des histoires prophanes, quoy? Elles sont bonnes, mais il s'en faut servir comme l'on fait des champignons, fort peu, pour seulement resveiller l'appetit; et lhors encor faut il qu'elles soyent bien apprestees, et, comme dit saint Hierosme, il leur faut faire comme faisoyent les Israëlites aux femmes captives quand ilz les vouloyent espouser: il leur faut rogner les ongles et couper les cheveux, c'est a dire les faire entierement servir a l'Evangile et a la vraye vertu chrestienne, leur ostant ce qui se treuve de reprehensible es actions payennes et prophanes, et faut, comme dit la sainte Parolle, separare pretiosum a vili.

  A012002579 

 Leurs vers sont utiles: les Anciens les ont parfois employés, pour devotz qu'ilz fussent, mesmes jusques a saint Bernard, lequel je ne sçay pas ou il les avoit appris.

  A012002580 

 Ce livre est bon pour les similitudes, pour les comparaysons a minori, ad majus et pour mille autres choses.

  A012002580 

 Les anciens.

  A012002583 

 Ipse dixit, Hæc dicit Dominus, disoyent tous les Prophetes.

  A012002583 

 La premiere partie de cette matiere ce sont les passages de l'Escriture, lesquelz a la verité tiennent le premier [307] rang et font le fondement de l'edifice; car en fin nous preschons la parole, et nostre doctrine gist en l'authorité.

  A012002583 

 Mais il faut, tant qu'il est possible, que les passages soyent naïfvement et clairement bien interpretés.

  A012002583 

 Or, on peut bien user des passages de l'Escriture, les expliquant en l'une des quattre manieres que les Anciens ont remarquees:.

  A012002587 

 Ainsy ce mot diligere doit estre pesé, par ce qu'il vient de eligo et represente naïfvement le sens litteral, qui est qu'il faut que nostre cœur, nostre ame et nostre esprit choisissent et preferent Dieu entre toutes choses, qui est le vray amour appreciatif duquel les theologiens interpretent ces paroles..

  A012002587 

 Pour le regard du sens litteral, il se doit puiser dans les commentaires des Docteurs, c'est tout ce qu'on en peut dire; mays c'est au predicateur de le faire valoir, de peser les motz, leur proprieté, leur emphase.

  A012002588 

 Mais on peut bien apporter plusieurs interpretations, les louant et faysant valoir toutes l'une apres l'autre, comme je fis, le Caresme passé, de six opinions et interpretations des Peres sur ces paroles: Dicite quia servi inutiles sumus, et dessus ces autres paroles: Non est meum dare vobis; car, si vous vous en resouvenes, je tiray de chacune de tres bonnes consequences, mais je teus celle de saint Hilaire, ce me semble; ou si je ne le fis, je fis faute, et le devois faire, parce qu'elle n'estoit pas probable..

  A012002588 

 Quand il y a diversité d'opinions entre les Peres et Docteurs il se faut abstenir d'apporter les opinions qui doivent estre refutees, car on ne monte pas en chaire pour disputer contre les Peres et Docteurs catholiques; il ne faut pas reveler les infirmités de nos maistres et ce qui leur est eschappé comme hommes, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A012002590 

 Secondement, ou il n'y a pas une tres grande apparence que l'une des choses ayt esté la figure de l'autre, il ne faut pas traitter les passages l'un comme figure de [309] l'autre, mais simplement par maniere de comparayson; comme, par exemple, le genevrier sous lequel Helie s'endormit de detresse est interpreté allegoriquement par plusieurs de la Croix; mais moy j'aymerois mieux dire ainsy: Comme Helie s'endormit sous le genevrier, ainsy nous devons reposer sous la Croix de Nostre Seigneur par le sommeil de la sainte meditation; et non pas: Ainsy qu'Helie signifie le Chrestien, le genevrier signifie la Croix.

  A012002593 

 Cinquiesmement, il faut que l'application se face clairement et avec grand jugement, pour rapporter dextrement les parties aux parties..

  A012002594 

 Il faut presque observer les mesmes regles au sens anagogique et tropologique; dont l'anagogique rapporte les histoires de l'Escriture a ce qui se passera en l'autre vie, et le tropologique les rapporte a ce qui se passe en l'ame et conscience.

  A012002594 

 J'en mettray un exemple qui servira pour tous les quatre sens.

  A012002595 

 Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob: Duæ gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex utero tuo dividentur, populusque populum superabit, et major serviet minori, en Genese, XXV, litteralement s'entendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaü et de Jacob, c'est a sçavoir les Idumeens et les Israëlites, dont le moindre, qui fut celuy des Israëlites, surmonta le plus grand et l'aisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David..

  A012002596 

 Allegoriquement, Esaü represente le peuple Juif, qui fut l'aisné en la connoissance de salut; car les Juifz furent les premiers preschés.

  A012002596 

 Jacob represente les Gentilz, qui furent les puisnés; et neanmoins les Gentilz ont en fin surmonté les Juifz..

  A012002598 

 L'amour propre est l'aisné, car il est né avec nous; l'amour de Dieu est puisné, car il s'acquiert par les Sacremens et penitence; et neanmoins il faut que l'amour de Dieu soit le maistre, et quand il est en une ame, l'amour propre sert et est inferieur..

  A012002599 

 Or, ces quattre sens donnent une grande, noble et bonne matiere a la predication, et font merveilleusement bien entendre la doctrine: c'est pourquoy il s'en faut servir, mays avec les mesmes conditions que j'ay dit estre requises a l'usage du sens allegorique..

  A012002600 

 Apres les sentences de l'Escriture, les sentences des Peres et Conciles tiennent le second rang; et pour le [311] regard d'icelles, je dis seulement que, si ce n'est bien rarement, il faut les choisir courtes, aiguës et fortes.

  A012002600 

 En vostre saint Bernard il y en a une infinité; mais il faut, les ayant citees en latin, les dire en françois avec efficace, et les faire valoir, les paraphrasant et deduisant vivement..

  A012002600 

 Les courtes sentences et fortes sont comme celle de saint Augustin: « Qui fecit te sine te, non » salvabit « te sine te; » et l'autre: Qui pœnitentibus veniam promisit, tempus pœnitendi non promisit; et semblables.

  A012002600 

 Les predicateurs qui en alleguent de longues allanguissent leur ferveur et l'attention de la pluspart des auditeurs, outre le danger auquel ilz s'exposent de manquer de memoire.

  A012002601 

 S'ensuyvent les raysons qu'une belle nature et un bon esprit peut fort bien employer; et pour celles ci, elles se treuvent chez les Docteurs, et particulierement chez saint Thomas plus aysement qu'ailleurs.

  A012002602 

 Et toy, Chrestien, tu es si tenant, si froid, si peu resolu a immoler, je ne dis pas ton filz ni ta fille, ni tous tes biens, ni une grande partie, mais un seul escu pour l'amour de Dieu a secourir les pauvres, une seule heure de tes passetems pour servir Dieu, une seule petite affection, etc..

  A012002602 

 Il faut choisir des histoires belles et esclattantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement, comme font les Peres proposans l'exemple d'Abraham qui immole son filz, pour monstrer que nous ne devons rien espargner pour faire la volonté de Dieu; car ilz remarquent tout ce qui peut rendre recommandable l'obeissance d'Abraham.

  A012002602 

 Les exemples ont une force merveilleuse et donnent un grand goust au sermon; il faut seulement qu'ilz soyent propres, bien proposés et mieux appliqués.

  A012002603 

 Mais il faut prendre garde a ne faire pas des descriptions vaines et flacques, comme font plusieurs escoliers qui, en lieu de proposer l'histoire naïfvement et pour les mœurs, se mettront a descrire les beautés d'Isaac, l'espee tranchante d'Abraham, l'enceinte du lieu du sacrifice et semblables choses' impertinentes.

  A012002604 

 Ainsy ceux qui par la meditation ont rencontré des colloques, doivent observer deux regles en la predication: l'une, de voir s'ilz sont solidement fondés sur une apparente probabilité; l'autre, de ne point les proposer fort longs, car cela refroidit et le predicateur et l'auditeur..

  A012002604 

 Il faut aussi se garder de faire des introductions de colloques entre les personnes de l'histoire, sinon qu'elles soyent tirees des parolles de l'Escriture, ou tres probables.

  A012002605 

 Les exemples des Saintz sont admirables, et sur tout de ceux de la province ou on presche, comme de saint Bernard a Dijon..

  A012002606 

 Les similitudes des choses triviales, estans subtilement appliquees, sont excellentes; comme Nostre Seigneur fait en la parabole de la semence.

  A012002606 

 On les tire des actions humaines, passant de l'une a l'autre; comme de ce que font les bergers a ce que doivent faire les Evesques et pasteurs, [313] comme fit Nostre Seigneur en la parabole de la brebis perdue; des histoires naturelles, des herbes, plantes, animaux, et de la philosophie, et en fin de tout.

  A012002607 

 Or, il y a un secret en ceci qui est extremement proufitable au predicateur: c'est de faire des similitudes tirees de l'Escriture, de certains lieux ou peu de g'ens les sçavent remarquer; et ceci se fait par la meditation des paroles..

  A012002608 

 L'autre: quand un grand riche meurt, on sonne toutes les cloches, on luy fait des grandes funerailles; mais, passé le son des cloches, qui le benit? qui parle de luy? Personne.

  A012002608 

 On tire une similitude de la cloche, qui appelle les autres a l'eglise et n'y entre point; car ainsy un homme qui fait des œuvres sans charité, il edifie les autres et les incite au Paradis, et il n'y va point luy mesme..

  A012002608 

 Quand on casse un verre, en se cassant il perit en sonnant; ainsy les mauvais perissent avec un peu de bruit; on parle d'eux a leur mort.

  A012002609 

 Les navires donques qui chomment au port, si tost que le vent propice les saysit aux voiles et qu'il les emplit et fait enfler, elles singlent.

  A012002609 

 Or maintenant, il faut voir les choses qui vont plus viste par dilatation, et vous en treuveres quelques unes, comme les navires quand le vent estend leurs voiles.

  A012002609 

 Or, pour rencontrer ces similitudes, il faut considerer les motz, s'ilz sont point metaphoriques; car quand ilz [314] le sont, tout aussi tost il y a une similitude a qui les sçait bien descouvrir.

  A012002610 

 Apres tout cela, je vous advise qu'on se peut servir de l'Escriture par application avec beaucoup d'heur, encores que bien souvent ce qu'on en tire ne soit pas le vray sens; comme saint François disoit que les aumosnes estoyent « panis Angelorum, » parce que les Anges les procuroyent par leurs inspirations, et applique le passage: Panem Angelorum manducavit homo.

  A012002614 

 Exemple: En la Resurrection je voy les Maries, les Anges, les gardes du sepulchre et nostre doux Sauveur.

  A012002618 

 Ainsy donques, ayant descouvert en la sentence que vous voules manier la vertu a laquelle elle vise, vous pourres reduire vostre sermon a methode, considerant en quoy gist la vertu, les vrayes marques d'icelle, ses effectz et le moyen de l'acquerir ou exercer; qui a tous-jours esté ma methode, et j'ay esté consolé d'avoir rencontré le livre du Pere Rossignol, Jesuite, conforme a cette methode.

  A012002619 

 Il y a une autre methode, monstrant combien cette vertu dont il s'agit est honnorable, utile et delectable ou playsante, qui sont les trois biens qui se peuvent desirer.

  A012002620 

 Mais cette façon de passer sur tout un Evangile sentencieux est moins fructueuse, d'autant que le predicateur ne pouvant s'arrester que fort peu sur chacune sentence, ne peut les bien demesler, ni inculquer a l'auditeur ce qu'il desire..

  A012002620 

 Quand on traitte un Evangile ou il y a plusieurs sentences, il faut regarder celles sur lesquelles on se veut arrester, voir de quelles vertuz elles traittent, et en dire succinctement selon ce que j'ay dit d'une seule sentence, et les autres les parcourir et paraphraser.

  A012002621 

 Celle que j'ay tenue en l'orayson funebre de Monsieur de Mercure est bonne parce qu'elle est de saint Paul: Ut pie erga Deum, sobrie erga seipsum, juste erga proximum vixerit; et rapporter les pieces de la vie du Saint chacune a son rang.

  A012002622 

 C'est pourquoy les discours affectifz doivent estre logés a la fin..

  A012002622 

 Il me reste a dire pour la methode, que je mettrois volontier les passages de l'Escriture les premiers, les raysons secondement, les similitudes troisiesmement, et quatriesmement les exemples, s'ilz sont sacrés; car s'ilz sont prophanes, ilz ne sont pas propres a fermer un discours: il faut que le discours sacré soit terminé par une chose sacree.

  A012002623 

 Mais apres tout ceci, il faut que je vous die comme il faut remplir les pointz de vostre sermon, et voir comment.

  A012002623 

 Pour remplir de conceptions, vous chercheres en la table des autheurs les motz humilitas, humilis, superbia, superbus, et verrés ce qu'ilz en disent; et treuvant des descriptions ou definitions, vous les mettres sous le tiltre: « En quoy gist cette vertu, » et tascheres de bien esclaircir ce point, monstrant en quoy gist le vice contraire..

  A012002624 

 S'il y a des exemples de l'une et de l'autre, vous les apporteres; et ainsy des autres deux pointz.

  A012002625 

 Les autheurs ou ces matieres se treuvent sont saint Thomas saint Antonin, Guillelmus Episcopus Lugdunensis, in Summa de virtutibus et vitiis, Summa prædicantium Philippi Diez et tous ses Sermons, Osorius, Grenade en ses Œuvres spirituelles, Hylaret en ses Sermons, Stella in Lucam, Salmeron et Barradas, Jesuites, sur les Evangiles.

  A012002625 

 Saint Gregoire entre les Anciens excelle, et saint Chrysostome avec saint Bernard..

  A012002626 

 Entre tous ceux qui ont escrit des sermons, Diez m'aggree infiniment: il va a la bonne foy, il a l'esprit de predication, il inculque bien, explique bien les passages, fait de belles allegories et similitudes, des hypotyposes nerveuses, prend l'occasion de dire admirablement, et est fort devot et clair.

  A012002626 

 Il y a un Espagnol qui a fait un gros livre qui s'appelle Sylva Allegoriarum, lequel est tres utile a qui le sçait bien [320] manier, comme aussi les Concordances de Benedicti.

  A012002629 

 Dites merveilles, mais ne les dites pas bien, ce n'est rien; dites peu et dites bien, c'est beaucoup.

  A012002630 

 J'ay dit sainte, pour forclorre les muguettes courtisanes et mondaines.

  A012002630 

 J'ay dit un peu lente, pour forclorre une certaine action courte et retroussee, qui amuse plus les yeux qu'elle ne bat au cœur..

  A012002632 

 Il me semble que nul, mais sur tout les Evesques, ne doivent user de flatterie envers les assistans, fussent ilz rois, princes et Papes.

  A012002632 

 Les ordinaires appellations doivent estre, mes freres, mon peuple (si c'est le vostre), mon cher peuple, Chrestiens auditeurs..

  A012002635 

 J'ayme la predication qui ressent plus a l'amour du prochain qu'a l'indignation, voire mesme des huguenotz, qu'il faut traitter avec grande compassion, non pas les flattant, mais les deplorant..

  A012002637 

 Je n'ayme point les plaisanteries et sobriquetz; ce n'en est pas le lieu..

  A012002638 

 Je finis disant que la preédication c'est la publication et declaration de la volonté de Dieu faitte aux hommes par celuy qui est la, legitimement envoyé, affin de les instruire et esmouvoir a servir sa divine Majesté en ce monde, pour estre sauvés en l'autre..

  A012002640 

 Je n'ay point cité les autheurs que j'ay allegués en certains endroitz; c'est que je suis aux chams, ou je ne les ay pas.

  A012002641 

 Dieu le veut, les hommes s'y attendent; c'est la gloire de Dieu, c'est vostre salut: hardiment, Monsieur, et courage, pour l'amour de Dieu..

  A012002641 

 Il faut, avant que je ferme cette lettre, que je vous conjure, Monsieur, de ne la point faire voir a personne duquel les yeux me soyent moins favorables que les vostres, et que j'adjouste ma tres humble supplication que [323] vous ne vous laissies emporter a nulle sorte de consideration qui vous puisse empescher ou retarder de prescher: plus tost vous commenceres, plus tost vous reuscires.

  A012002642 

 Saint Jan mourant ne sçavoit que repeter cent fois en un quart d'heure: « Mes enfans, aymés vous les uns les autres, » et avec cette provision il montoit en chaire: et nous faysons scrupule d'y monter si nous n'avons des myrobolans d'eloquence! Laissés dire a qui alleguera la suffisance de Monsieur vostre predecesseur: il commença une fois comme vous..

  A012002656 

 La charité est esgalement facile a donner et a recevoir les bonnes impressions du prochain; mais si a sa generale inclination on adjouste celle de quelque particuliere amitié, elle se rend excessive en cette facilité.

  A012002657 

 Or, Monsieur, les.amitiés fondees sur Jesus Christ ne laissent pas d'estre respectueuses pour estre un peu fort simples et a la bonne foy.

  A012002659 

 Si faut-il que je vous obeisse encores en ce que vous me commandes de vous escrire les principaux pointz de vostre devoir.

  A012002660 

 Chose estrange, mais que l'experience et les autheurs tesmoignent: un cheval, pour brave et fort qu'il soit, cheminant sur les passees et alleurs du loup s'engourdit et perd le pas.

  A012002660 

 Nos anciens peres, Abraham et les autres, presentoyent ordinairement a leurs hostes le lavement des piedz; je pense, Monsieur, que la premiere chose qu'il faut faire c'est de laver les affections de nostre ame pour recevoir l'hospitalité de nostre bon Dieu en son Paradis..

  A012002661 

 » Ceux qui s'arment avant que l'alarme se donne le sont tous-jours mieux que les autres qui, sur l'effroy, courent ça et la au plastron, aux cuissars et au casquet.

  A012002662 

 Je ne dis pas qu'il faille rudement rompre toutes les alliances que nous y avons contractees (il faudroit a l'adventure des effortz pour cela); mais il les faut descoudre et desnouer.

  A012002662 

 Les arbres que le vent arrache ne sont pas propres pour estre transplantés parce qu'ilz laissent leurs racines en terre; mays qui les veut porter en une autre terre, il [329] faut que dextrement il desengage petit a petit toutes les racines l'une apres l'autre.

  A012002663 

 Quel ordre a vos affaires s'il failloit que ce fust bien tost? Je sçai que ces pensees ne vous seront pas nouvelles; mais il faut que la façon de les faire soit nouvelle en la presence de Dieu, avec une tranquille attention, et plus pour esmouvoir l'affective que pour esclairer l'intellective..

  A012002664 

 La sagesse et consideration de la philosophie accompagne souvent les jeunes gens: c'est plus pour recreer leur esprit que pour creer en leurs affections aucun bon mouvement; mais entre les bras des anciens, elle n'y doit estre que pour leur donner de la vraye chaleur de devotion.

  A012002665 

 Vostre saint Bernard dit que l'ame qui veut aller a Dieu doit premierement bayser les piedz du Crucifix, purger ses affections et se resoudre a bon escient de se [330] retirer petit a petit du monde et de ses vanités; puys bayser les mains, par la nouveauté des actions qui suit le changement des affections; et en fin le bayser en la bouche, s'unissant par un amour ardent a cette supreme Bonté.

  A012002666 

 Ceux qui pretendent au païs eternel, quoy que singlans en la haute mer des affaires de ce monde, ont un certain pressentiment du Ciel qui les anime et encourage merveilleusement; mays il faut se lenir en prouë et le nés tourné de ce costé la..

  A012002668 

 C'est bien assés, Monsieur, si ce n'est trop pour cette annee, laquelle s'enfuit et s'escoule de devant nous, et dans ces deux moys prochains nous fera voir la vanité de sa duree, comme ont fait toutes les precedentes qui ne durent plus.

  A012002668 

 Vous m'aves commandé que toutes les annees je vous escrive quelque chose de cette sorte: me voyla quitte pour celle ci, en laquelle je vous supplie d'oster le plus de vos affections de ce monde que vous pourres, et, a mesure que vous les arracheres, de les transplanter au Ciel.

  A012002684 

 Bruno et Capiglia vous pourront servir pour les festes et Dimanches, et les autres deux le long de la semaine.

  A012002684 

 Les livres que je vous conseille, ce sont Bruno, Jesuite; Capiglia, Chartreux; Bellintani, Capucin; mais sur tout Grenade, au Vray Chemin, pour ce commencement.

  A012002684 

 Quant a la matiere de vos meditations, je desire que pour l'ordinaire ce soit sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur, car ce sont les plus aysees et les plus proufitables.

  A012002685 

 Faites tous-jours l'entree de l'orayson en vous mettant en la presence de Dieu, l'invoquant et proposant le mystere; et apres les considerations, faites tous-jours les actes des affections, non pas de toutes, mays de quelques unes, et les resolutions; apres cela l'action de graces, l'offre, la priere; en fin lisés bien le petit memorial que je vous envoye et le prattiqués..

  A012002686 

 Il faut donq, qu'ayant consideré [333] la grandeur des peynes, et l'eternité, et vous estant excitee a la crainte d'icelles et fait resolution de mieux servir Dieu, vous vous representies le Sauveur en croix, et, recourant a luy les bras estenduz, vous l'allies embrasser par les piedz, avec des acclamations interieures pleines d'esperance: O port de mes esperances, ah, vostre sang me garentira; Je suis vostre, Seigneur, et vous me sauveres.

  A012002686 

 Quant a la meditation de la mort, du jugement et de l'enfer, elle vous sera fort utile, et vous en treuveres les matieres en Grenade bien au long.

  A012002686 

 Vous pourres donq faire ces meditations des quatre fins de l'homme tous les trois mois une fois, et ce en quatre jours..

  A012002688 

 A la Messe, je vous conseille plustost de dire vostre Chapelet qu'aucune autre priere vocale; et, le disant, vous le pourres rompre quand il faudra observer les pointz que je vous ay marqué, a l'Evangile, au Credo, a l'Eslevation, et puis reprendre ou vous aves laissé.

  A012002689 

 Au repas, j'appreuverois que vous observassies de faire [334] dire le Benedicite et les Graces ecclesiastiques qui sont a la fin du Breviaire; et cela vous le pourres introduire au meste tems que vous introduires le Breviaire de Trente, ou devant, s'il vous semble, et, petit a petit, faire que chaque Dame le die a son tour; car l'Eglise ne l'a pas fait mettre sinon a fin que nous l'observions.

  A012002690 

 Apres cela les Litanies de Nostre Dame, et apres, l'orayson de Nostre Dame, ou celle qui est apres: Visita, quæsumus, Domine, habitationem, et ce qui s'ensuit.

  A012002690 

 Apres cela: In pace in idipsum; les autres respondent: Dormiam et requiescam.

  A012002691 

 Au demeurant, ma chere Dame, sur tout il faut que vous la premiere, et puis les autres, tenies un ordre non seulement pour les Offices, mais aussi pour s'aller coucher et lever; autrement vous ne pourres pas continuer en santé: et cela s'observe en toutes assemblees.

  A012002691 

 Les veillees du soir sont dangereuses pour la teste et l'estomach.

  A012002691 

 Mais [334] il faut que, pour n'en pas tant dormir, la cause soit bien reconneuë; car entre les filles, il semble que six heures soyent presque requises, et voulant faire autrement on demeure sans vigueur le long de la journee..

  A012002692 

 Aux jours de jeusne on peut faire collation a sept heures; et pour le regard du jeusne, pour vous, il suffira de commencer par le vendredy et vous en contenter pour quelque tems, et mesmement parce qu'il faut que vous soyes avec les autres et qu'il faut les conduire petit a petit..

  A012002693 

 Estant malade, ne faites point d'autre orayson que jaculatoire, et ayés soin de vous, obeissant soigneusement au medecin, et croyes que c'est une mortification aggreable a Dieu; et quand vos Seurs le seront, soyes fort affectionnee a les visiter, secourir et faire servir et consoler.

  A012002693 

 Mesme s'il y en a de maladives, monstrés leur une tendre compassion, les dispensant aysement des charges de l'Office, selon que vous jugeres convenable, car cela les gaignera infiniment..

  A012002694 

 Je n'ay pas icy les livres qui en traittent, et peut estre le disent-ilz mieux que moy; mais il n'importe: si vous le treuves ailleurs, tant mieux..

  A012002694 

 Pour le regard des Communions et Confessions, je treuve bon que ce soit tous les huit jours, et que le soir du samedi vous adjousties au Visita l'orayson du Saint Sacrement.

  A012002696 

 Il vous faut bien garder de donner ni peu ni prou aucune alarme de vouloir reformer; car cela ferroit que tous les espritz chatouilleux dresseroyent leur larmes contre vous et se roidiroyent.

  A012002697 

 Le premier c'est de leur commander souvent, mais des choses fort petites, douces et legeres, et ce devant les autres; et puis, la dessus, les en louer modestement, et les appeller a l'obeissance avec des termes d'amour: Ma chere Seur, ou Fille, et semblables; et plustost leur dire avant que de le faire: Si je vous prie de ceci ou de cela, le feres-vous pas bien pour l'amour de Dieu?.

  A012002698 

 Le second c'est de leur jetter devant des livres propres a cela, et entr'autres il y en a trois admirables que je vous conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire a part les pointz plus sortables.

  A012002698 

 Par exemple: Mon Dieu, que les [337] Abbesses qui ont des Superieures qui leur commandent, ou bien des Superieurs, sont bien plus ayses! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs actions sont bien plus aggreables a Dieu; et semblables petites amorces..

  A012002700 

 Et je suis experimenté de semblables accidens pour les avoir veuz advenir en France, en des Monasteres ou il n'y a pas eu peu de peyne d'apayser ces orages..

  A012002700 

 Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par l'advis et conseil de vostre pere spirituel, auquel neanmoins vous n'attribueres nullement aucun tiltre de commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obeissance, de peur d'exciter des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont Superieurs de vostre Monastere, car cela gasteroit tout.

  A012002701 

 Il faut les y conduire petit a petit, en sorte qu'inspirees en cette douce façon, dans quelque tems toutes leurs pensions soyent mises ensemble en une bourse, de laquelle on tirera tout ce qui sera necessaire, esgalement et a propos, selon la necessité d'une chacune, comme il se fait en plusieurs monasteres de France que je sçay.

  A012002701 

 Mais pourtant il ne faut donner nulle alarme de tout cela, ains les y conduire par des douces et souëfves inspirations, a quoy aussi serviront les livres susditz..

  A012002702 

 Mays que ce soit en sorte qu'il semble que vous ne le dites que pour vostre particulier, et vous verres que, petit a petit, elles seront bien ayses de retrancher les sorties au monde et les entrees des mondains; et en fin, un jour (il suffira bien si c'est apres une annee, voire deux) vous feres passer cela en constitution et en ordre, car c'est en fin la gardienne de la chasteté que la clausure..

  A012002702 

 Quant a la chasteté il faut commencer ainsy: tesmoigner vous mesme que vous n'estes jamais si contente que quand vous estes seule avec elles; qu'il vous semble que c'est la plus grande consolation d'estre ainsy en vostre conversation particuliere entre vous autres Seurs; que vous voudries que chacun demeurast en son lieu, les mondains chez eux et vous avec elles; qu'aussi bien les mondains ne viennent aux monasteres que pour en tirer, [338] ou pour en faire des contes ça et la et se mocquer des Religieuses; et semblables petites inspirations.

  A012002703 

 Au monastere de Montmartre, pres Paris, les jeunes, avec leur Abbesse encores plus jeune, ont fait la reformation..

  A012002703 

 Je suis consolé de sçavoir que presque tout est de jeunesse, car cet aage est propre a recevoir les impressions.

  A012002704 

 Il faut avoir un cœur de longue haleyne; les grans desseins ne se font qu'a force de patience et de longueur de tems; les choses qui croissent en un jour se perdent en un autre.

  A012002704 

 Quand vous rencontreres des difficultés et contradictions, ne vous essayes pas de les rompre, mais gauchisses dextrement et pliés; avec la douceur et le tems, si toutes ne se disposent pas, ayés patience, et avancés le plus que vous pourres avec les autres.

  A012002705 

 En particulier, je suis bien d'advis que vous relevies son esprit avec douceur et que vous invities a en faire de mesme toutes les Dames, car l'Apostre dit tout net que les plus spirituelz doivent relever les defaillans en esprit de douceur, quand ilz viennent en esprit de penitence.

  A012002705 

 Ma Fille, j'appreuve la charité que vous voules faire a cette pauvre creature esgaree, pourveu qu'elle revienne avec esprit de reconnoissance et penitence; et si elle vient en cette sorte, elle treuvera plus doux que sucre et miel d'estre reculee au dernier rang et de ne point avoir part aux honneurs de la Mayson, jusqu'a ce que les vertuz qu'elle pourra faire paroistre en contreschange [339] des fautes passees la puissent relever aux autres honneurs, horsmis le rang, qu'il est bien raysonnable qu'elle perde absolument.

  A012002706 

 Je treuverois bon que l'exercice de l'examen ne se fist qu'une grosse demie heure ou trois quartz d'heure apres souper, et que pendant les trois quartz d'heure on fist un peu de recreation a deviser honnestement, voire a chanter des chansons spirituelles, au moins pour ce commencement..

  A012002707 

 Et la premiere fois qu'elles communient, il est bon de prendre vous mesme la peyne de les bien instruire de la reverence qu'elles y doivent porter, et de leur faire marquer le jour et l'an en leur Breviaire pour en remercier Dieu toutes les annees suivantes..

  A012002722 

 Je vous supplie par les entrailles de Nostre Seigneur de croire, sans aucunement douter, que je suis entierement et irrevocablement au service de vostre ame, et que je m'y employeray de toute l'estendue de mes forces, avec toute la fidelité que vous sçauries jamais souhaitter.

  A012002727 

 Il faut disposer petit a petit la matiere de l'entiere reformation, et la plus grande preparation c'est de rendre les cœurs doux, traittables et desireux de la perfection.

  A012002727 

 Vous feres bien de vous arrester aux devotions que je vous ay presentees et de ne point varier sans m'en advertir; Dieu aura aggreable vostre humilité en mon endroit et vous les rendra fructueuses..

  A012002729 

 Les livres que vous pouves avoir pour le present, sont: Platus, Du Bien de l'Estat de religion; Le Gerson des Religieux, de Luc Pinel; Paul Morigie, De l'institution et commencement des Religions; les Œuvres de Grenade, imprimees nouvellement a Paris; Bellintani, De l'Orayson mentale, les Meditations de Capiglia, Chartreux; celles de saint Bonaventure; Le Desirant; les Œuvres de François Arias et sur tout l' Imitation de Nostre Dame; les Œuvres de la Mere Therese; le Catechisme spirituel de Cacciaguerre et ses autres Œuvres.

  A012002742 

 Ce m'a esté un extreme contentement d'avoir eu et veu vostre lettre; je voudrois bien que les miennes vous en peussent donner un reciproque, et particulierement pour le remede des inquietudes qui se sont eslevees en vostre esprit despuis nostre separation.

  A012002743 

 Je vous ay dit une fois, et m'en resouviens fort bien, que j'avois treuvé en vostre confession generale toutes [345] les marques d'une vraye, bonne et solide confession, et que jamais je n'en avois reçeu qui m'eust plus entierement contenté.

  A012002744 

 Toutes les regles du Rosaire et du Cordon n'obligent nullement ni a peché mortel ni a veniel, ni directement ni indirectement; et, ne les observant pas, vous ne pecheres non plus que de laisser une autre sorte de bien a faire.

  A012002745 

 Ceux qui sont simplement gens de bien cheminent en la voye de Dieu; mays les devotz courent, et quand ilz sont bien devotz, ilz volent.

  A012002746 

 Comme, par exemple, il est commandé aux Evesques de visiter leurs brebis, les enseigner, redresser, consoler: que je demeure toute la semayne en orayson, que je jeusne toute ma vie, si je ne fay cela je me pers.

  A012002746 

 Il faut avant toutes choses observer les commandemens generaux de Dieu et de l'Eglise, qui sont establis pour tout fidelle chrestien, et sans cela il n'y peut avoir aucune devotion au monde: cela, chacun le sçait.

  A012002746 

 Outre les commandemens generaux, il faut soigneusement observer les commandemens particuliers qu'un chascun a pour le regard de sa vocation; et quicomque ne le fait, quand il feroit resusciter les mortz, il ne laisse pas d'estre en peché, et damné, s'il y meurt.

  A012002747 

 Voyla donq deux sortes de commandemens qu'il faut soigneusement observer pour fondement de toute devotion; et neanmoins la vertu de devotion ne consiste pas a les observer, mais a les observer avec promptitude et volontier.

  A012002748 

 Helas, tous les jours nous luy demandons que sa volonté soit faitte, et quand ce vient a la faire nous avons tant de peyne! Nous nous offrons a Dieu si souvent, nous luy disons a tous coupz: Seigneur, je suis vostre, voyla mon cœur; et quand il nous veut employer nous sommes si lasches! Comme pouvons-nous dire que nous sommes siens si nous ne voulons accommoder nostre volonté a la sienne? [347].

  A012002749 

 Et qu'est ce donques qui vous les rend fascheux? Rien, a la verité, sinon vostre propre volonté, qui veut regner en vous a quel prix que ce soit; et les choses que peut estre elle desireroit si on ne les luy commandoit, luy estant commandees elle les rejette.

  A012002749 

 La deuxiesme consideration c'est de penser a la nature des commandemens de Dieu, qui sont doux, gratieux et souëfves, non seulement les generaux, mays encores les particuliers de la vocation.

  A012002750 

 C'est grand cas, Dieu avoit donné de la manne aux enfans d'Israël, une viande tres delicieuse; et les voyla qu'ilz n'en veulent pas, mais recherchent en leurs desirs les aulx et les oignons d'Egipte.

  A012002751 

 Ceux qui ont la fievre ne treuvent nulle place bonne; ilz n'ont pas demeuré un quart d'heure en un lict qu'ilz voudroyent estre en un autre: ce n'est pas le lict qui en peut mais, c'est la fievre qui les tourmente par tout.

  A012002753 

 faites la meditation tous les jours, ou le matin avant disner, ou bien une heure ou deux avant le souper, et ce, sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur; et a cest [349] effect, serves vous de Bellintani, Capucin, ou de Bruno, Jesuite.

  A012002754 

 Avant que de faire ou vous preparer a faire aucune des choses de vostre vocation qui vous faschent, pensés que les Saintz ont bien fait gayement d'autres choses plus grandes et fascheuses: les uns ont souffert le martyre, les autres ont souffert le deshonneur du monde.

  A012002754 

 Saint François et tant de Religieux de nostre aage ont baysé et rebaysé mille fois des ladres et ulcerés; les autres se sont confinés es desers; les autres, sur les galeres avec les soldatz; et tout cela pour faire chose aggreable a Dieu.

  A012002759 

 Il me semble que, faysant le matin une demi heure d'orayson mentale, vous deves vous contenter d'ouÿr tous les jours une Messe, et, parmi la journee, lire une demi heure de quelque livre spirituel, comme de Grenade ou de quelque autre bon autheur.

  A012002759 

 Les Dimanches et festes vous pourres, outre la Messe, ouÿr Vespres (mais cela sans adstriction) et le sermon..

  A012002760 

 N'oubliés pas de vous confesser tous les huict jours et quand vous aures quelque grand ennuy de conscience.

  A012002760 

 Pour la Communion, si ce n'est au gré de Monsieur vostre mari, n'excedes point pour le present les limites de ce que nous en dismes a Saint Claude: demeurés ferme, et communiés spirituellement; Dieu recevra en conte la preparation de nostre cœur..

  A012002761 

 Quand il vous surviendra quelque contradiction, resignés vous fort en Nostre Seigneur, et vous consolés sçachant que ses faveurs ne sont que pour les bons ou pour ceux qui se mettent en chemin de le devenir..

  A012002774 

 Pleust a nostre bon Dieu que j'eusse autant de moyen de me bien faire entendre par cest escrit comme j'en ay de volonté; je m'asseure que pour une partie de ce que vous desires sçavoir de moy vous series consolee, et particulierement pour les deux doutes que l'ennemy vous [352] suggere sur lo choix que vous aves fait de moy pour estre vostre pere spirituel.

  A012002775 

 Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec consolation; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y consentir; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent; ce que nous avons donné du loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondees; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu..

  A012002775 

 Pour le premier, le choix que vous aves fait a toutes les marques d'une bonne et legitime eslection; de cela n'en doutés plus, je vous supplie.

  A012002776 

 Ilz pressent, ilz veulent qu'on trousse marché avant que de l'avoir traitté, et se contentent d'une courte priere, qui ne sert que de pretexte pour establir des choses les plus importantes..

  A012002776 

 Les mouvemens de l'esprit malin ou de l'esprit humain sont bien d'autre condition.

  A012002778 

 Chasque affection a sa particuliere difference d'avec les autres; celle que je vous ay a une certaine particularité qui me console infiniment, et, pour dire tout, qui m'est extremement prouffitable.

  A012002778 

 Mays maintenant, ma chere Fille, il y est survenu une certaine qualité nouvelle qui ne se peut nommer, ce me semble; mais seulement son effect est une grande suavité interieure que j'ay a vous souhaitter la perfection de l'amour de Dieu et les autres benedictions spirituelles.

  A012002780 

 Il faut, en cette tentation, tenir la posture que l'on tient en celle de la chair: ne disputer ni peu ni prou, mais faire comme faysoyent les enfans d'Israël des os de l'Aigneau pascal, qu'ilz ne s'essayoient nullement de rompre, mays les jettoyent au feu.

  A012002780 

 Il ne faut nullement respondre ni faire semblant d'entendre ce que l'ennemy dit; qu'il clabaude tant qu'il voudra a la porte, il ne faut pas seulement dire: Qui va la? Il est vray, ce me dires-vous, mais il m'importune, et son bruit fait que ceux de dedans ne s'entendent pas les uns les autres a deviser.

  A012002780 

 Pour le troysiesme, vous me demandes les remedes au travail que vous donnent les tentations que le malin vous fait contre la foy et l'Eglise; car c'est cela que j'entens.

  A012002782 

 Les tentations de la foy vont droit a l'entendement pour l'attirer a disputer, a resver et songer la dessus.

  A012002785 

 Au bout de tout cela, ces tentations ne sont que des afflictions comme les autres, et faut s'accoiser sur le dire de la Sainte Escriture: Bienheureux est qui souffre la tentation, car ayant esté esprouvé, il recevra la couronne de gloire. Sachés que j'ay veu peu de personnes avoir esté avancees sans cette espreuve, et faut avoir patience; nostre Dieu, apres les bourrasques, envoyera le calme.

  A012002786 

 Pour le quatriesme point, je ne veux point changer les offres que vous fistes la premiere fois que vous voüastes, ni la place qui vous fut donnee, ni tout le reste..

  A012002787 

 Adjoustés le Pater noster, l' Ave Maria, le Credo, le Veni Creator Spiritus, l' Ave maris Stella, l' Angele Dei et une courte orayson pour les deux saintz Jan et les deux saintz François d'Assise et de Paule, que vous treuveres dans le Breviaire, ou peut estre les aves vous des-ja dans le livret que vous penses m'envoyer.

  A012002787 

 Ayant salué les Saintz qui sont au Ciel, dites un Pater noster et l' Ave pour les fidelles trespassés et un autre pour tous les fidelles vivans.

  A012002787 

 Salués tous les Saintz avec cette oraison vocale: « Sainte Marie et tous les Saintz, veuilles interceder pour nous vers Nostre Seigneur, affin que nous obtenions d'estre aydés et sauvés par Celuy qui vit et regne es siecles des siecles.

  A012002788 

 Oyés tous les jours la Messe, quand il se pourra, en la façon que j'ay descritte en l'escrit de la meditation, et, soit a la Messe, soit le long du jour, je desire que le Chapelet se dise tous les jours, le plus affectueusement qui se peut.

  A012002789 

 Or, la recollection se pourra faire avec une entree de l'ame en l'une des cinq playes de Nostre Seigneur pour cinq jours; le sixiesme, dans les espines de sa couronne, et le septiesme, dans son costé percé, car il faut commencer la semaine par la et la finir de mesme; c'est a dire, les Dimanches il faut revenir a ce cœur..

  A012002790 

 C'est bien asses pour tous les jours; les festes vous y pourres adjouster d'estre a Vespres et dire l'Office de Nostre Dame..

  A012002790 

 Il est vray qu'il est malaysé a treuver, ce me semble, et partant, ne les treuvant pas, celles de Nostre Dame suffiront.

  A012002790 

 Le soir, environ une heure ou une heure et demie apres souper, vous vous retireres et dires le Pater noster, l' Ave, le Credo; cela fait, le Confiteor jusques a mea culpa; puis l'examen de conscience, apres lequel vous acheveres le mea culpa, et dirés les Litanies de Nostre Dame de l'eglise de Lorette; ou bien, par ordre, les sept Litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, des Anges, et ainsy des autres, telles qu'elles sont en un livre fait expres.

  A012002790 

 Tous les jours, une bonne demi heure de leçon spirituelle.

  A012002794 

 Je desire que vous ayes une traduction françoise de toutes les prieres que vous dires; non pas que je veuille que vous les disies en françois, ains en latin, car elles vous rendront plus de devotion; mais c'est que je veux que vous en ayes aucunement le sens, mesme les Litanies du Nom de Jesus, de Nostre Dame et des autres.

  A012002795 

 J'appreuve que vous employés les Exercices de Taulere, les Meditations de saint Bonaventure et celles de Capiglia; car c'est en fin tous-jours la vie de Nostre Seigneur que ses Evangiles.

  A012002795 

 J'ayme les cantiques spirituelz, mais chantés avec affection.

  A012002795 

 Les meditations des quatre fins de l'homme vous seront utiles, a la charge que vous les finissies tous-jours par un acte de confiance en Dieu, ne vous representant jamais ni la mort ni l'enfer d'un costé, que la Croix ne soit de l'autre, pour, apres vous estre excitee a la crainte par l'un, recourir a l'autre par confiance.

  A012002797 

 J'ay cette consolation particuliere les festes de sçavoir que nous communions ensemble..

  A012002798 

 Ayés les Confessions de saint Augustin, et lisés soigneusement des le huitiesme Livre; vous verrés sainte Monique vefve, avec le soin de son Augustin, et plusieurs choses qui vous consoleront..

  A012002798 

 Puisque Dieu vous a donné ce cœur de les desirer totalement au service de Dieu, il les faut nourrir a ce dessein, leur inspirant souëfvement des pensees conformes a cela.

  A012002799 

 Il n'est pas croyable combien cet advis est utile; l'experience me le rend recommandable tous les jours..

  A012002799 

 Quant a Celse Benine, il faut que ce soit avec des motifz genereux, et qu'on luy plante dans sa petite ame des pretentions au service de Dieu toutes nobles et vaillantes, et luy ravaler fort les apprehensions de la gloire purement mondaine; mays cela petit a petit.

  A012002800 

 Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les Anges font, par des mouvemens gracieux et sans violence.

  A012002800 

 Je sçai que vous aves les Epistres de saint Hierosme en françois: voyés celle qu'il escrit de Pacatula, et les autres pour la nourriture des filles; elles vous recreeront.

  A012002800 

 Si Françoise veut de son gré estre Religieuse, bon; [360] autrement je n'appreuve pas qu'on previenne sa volonté par des resolutions, mais seulement, comme celle de toutes les autres, par des inspirations soüefves.

  A012002802 

 Taschés de [361] vous rendre tous les jours plus aggreable et humble a l'un et l'autre des peres, et procurés leur salut en esprit de douceur.

  A012002803 

 Je luy propose cela, a mon advis, asses clairement et doucement, et avec ce terme, qu'il faut non pas du tout rompre les liens d'alliance qu'on a aux affaires du monde, mais les descoudre et desnoüer.

  A012002803 

 Mon advis gist en deux pointz: l'un, qu'il face une generale reveuë de toute sa vie, pour faire une penitence generale ou confession, c'est une chose sans laquelle nul homme d'honneur ne doit mourir; l'autre, qu'il s'essaye petit a petit de se desprendre des affections du monde, et luy en dis les moyens.

  A012002806 

 Vous entendres aysement ce que je veux dire si Dieu me donne la grace de vous proposer les marques, signes, effectz et occasions de cette liberté..

  A012002808 

 Je ne dis pas aussi qu'il ne les ayme, mays je dis qu'il ne s'y attache pas.

  A012002808 

 Je ne dis pas qu'il n'ayme et qu'il ne desire les consolations, mais je dis qu'il n'engage pas son cœur en icelles.

  A012002808 

 Le cœur qui a cette liberté n'est point attaché aux consolations, mais reçoit les afflictions avec toute la douceur que la chair peut le permettre.

  A012002809 

 Les effectz de cette liberté sont une grande suavité d'esprit, une grande douceur et condescendance a tout ce qui n'est pas peché ou danger de peché; c'est cette humeur doucement pliable aux actions de toute vertu et charité.

  A012002809 

 Les occasions de cette liberté sont toutes les choses qui arrivent contre nostre inclination; car quicomque n'est pas engagé en ses inclinations ne s'impatiente pas quand elles sont diverties..

  A012002810 

 A la moindre occasion on change d'exercice, de dessein, de regie; pour toute petite occurrence on laisse sa regie et sa louable coustume, et par la, le cœur se dissipe et se perd, et est comme un verger ouvert de tous costés, duquel les fruitz ne sont pas pour le maistre mais pour tous passans..

  A012002811 

 Exemple: Je desseigne de faire la meditation tous les jours au matin; si j'ay l'esprit d'instabilité ou dissolution, a la moindre occasion du monde je differeray au soir: pour un chien qui ne m'aura laissé dormir, pour une lettre qu'il faudra escrire, bien que rien ne presse.

  A012002812 

 C'est qu'une personne ne doit jamais laisser ses exercices et les communes regles des vertus sinon qu'il voye la volonté de Dieu de l'autre costé.

  A012002814 

 C'estoit l'esprit le plus exacte, roide et austere qu'il est possible d'imaginer; il ne beuvoit que de l'eau et ne mangeoit que du pain; si exacte que, despuis qu'il fut Archevesque, en vingt quatre ans, il n'entra que deux fois en la mayson de sus freres, estans malades, et deux fois dans son jardin: et neanmoins, cet esprit si rigoureux, mangeant souvent avec les Suisses ses voysins, pour les gaigner a mieux faire, il ne faisoit nulle difficulté de faire deux carouz [365] ou brindes avec eux a chasque repas, outre ce quii avoit beu pour sa soif.

  A012002817 

 J'ay pensé souvent quell'estoit la plus grande mortification de tous les Saintz de la vie desquelz j'ay eu connoissance, et apres plusieurs considerations je treuvay celle ci.

  A012002820 

 Resouvenes vous de faire estat que tout le passé n'est rien et que tous les jours il [367] vous faut dire avec David: Tout maintenant je commence a bien aymer mon Dieu.

  A012002820 

 Resouvenes vous que sur les grandes resolutions que vous declairastes de vouloir estre toute a Dieu de cors, de cœur, d'esprit, je dis Amen de la part de toute l'Eglise nostre mere, et a mesme tems la Sainte Vierge, avec tous les Anges et Bienheureux, firent retentir au Ciel leur grand Amen et Alleluya.

  A012002821 

 Il fit deux voyages outre mer; en tous deux il fit perte de son armee, et au dernier il mourut de peste, apres avoir longuement visité, secouru, servi, pensé (sic) et gueri les pestiferés de son armee, et meurt gay, constant, avec un verset de David en bouche.

  A012002821 

 Il fut Roy a douz'ans, eut neuf enfans, fit perpetuellement la guerre ou contre les rebelles ou contre les ennemis de la foy, vescut passé 40 ans Roy; et, au bout de la, apres sa mort, son confesseur, saint homme, jura que, l'ayant confessé toute sa vie, il ne l'avoit treuvé estre tombé en peché mortel.

  A012002821 

 Je vous donne ce Saint pour vostre special patron pour toute cett'annee; vous l'aures devant vos yeux avec les autres sus nommés.

  A012002824 

 Je vous prie de benir Dieu avec moy des effectz du voyage de Saint Claude; je ne vous les puis dire, mais ilz sont grans.

  A012002825 

 Croyes bien que je ne les oublie point, ni feu monsieur leur pere vostre mari, en la sainte Messe..

  A012002853 

 Ici, Très Saint Père, placés au front même de la bataille, nous subissons les premiers chocs de l'ennemi, dont c'est précisément la tactique de profiter de la dépravation des nôtres pour s'en prendre à la pure doctrine de l'Eglise et pour démoraliser les esprits faibles, [371] Certes, il est très affligeant qu'entre plusieurs monastères de divers Ordres établis dans ce diocèse, on n'en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée, et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu'on ne voit plus même un vestige de l'antique et céleste ferveur, tant l'or s'est obscurci, tant son vif éclat s'est altéré..

  A012002853 

 Il n'est rien de meilleur que les bons Religieux, rien de pire que les mauvais.

  A012002853 

 Les anciens l'ont dit, et de nos jours l'expérience le vérifie si bien qu'on pourrait justement citer à ce propos la parole de Jérémie: Si les figues sont bonnes, elles sont très bonnes; mauvaises, elles sont très mauvaises.

  A012002854 

 Le meilleur remède à ce mal, au dire de personnes éclairées, c'est de choisir dans les Congrégations nouvellement réformées, embrasées et enflammées du feu du Saint-Esprit, de vrais Religieux afin de les substituer à ceux qui, pour ne rien dire de plus, ont occupé indignement la terre.

  A012002855 

 Aussi ai-je cru de mon devoir, en baisant les pieds [373] de Votre Béatitude, de la supplier très humblement qu'Elle daigne favoriser cette affaire de sa paternelle et apostolique bienveillance..

  A012002855 

 Pour assurer le succès de l'entreprise, toutes les dispositions jugées nécessaires ont été prises et concertées avec le Général des Feuillants.

  A012002870 

 C'est pourquoy je ne doute nullement que Vostre Altesse n'ayt fort aggreable le dessein que le sieur Abbé d'Abondance a fait d'introduire en son monastere les bons Peres de Saint Bernard, lesquelz, par leur bonne vie et doctrine, repareront les ruines que les autres ont faittes par leur mauvais exemple.

  A012002870 

 Je dois neanmoins en faire ma tres humble supplication a Vostre Altesse, comme celuy qui en recevra autant de consolation que les peuples de ce diocæse en recevront d'ædification..

  A012002870 

 Je sçai des long tems combien Vostre Altesse desire la reformation des monasteres de deça les mons, et qu'ell'a tous-jours jugé que le meilleur moyen d'y parvenir c'estoit d'oster par voye raysonnable les moynes et [374] Religieux qui, jusques a present, s'y sont mal comportés, et y mettre en leur place des autres Religieux des Congregations reformees.

  A012002871 

 Permettes moy, Monseigneur, que je supplie encor Vostre Altesse que le bon docteur monsieur Nouvelet puisse avoir la præbende theologale d'Evians comme les autres theologaux præcedens l'ont eue, puisqu'il ne la meritera pas moins qu'eux, et que cette pauvre ville n'en a pas moins necessité maintenant qu'ell'a eu ci devant.

  A012002887 

 Il a des-ja esté condamné devant les officiers de Vostre Altesse; il a neanmoins recouru a Sa Sainteté, laquelle a deputé Monsieur de Tharantayse, devant lequel il me fait appeller, et ou, j'espere, son tort sera reconnu sil ne cesse de nous travailler..

  A012002887 

 Je ne fus pas plus tost en cette charge que le sieur Praevost de Montjou m'a fait appeller pardevant Monsieur l'Archevesque de Tharantayse, et avec moy ledit curé, pour voir rompre toutes les provisions faittes de laditte cure par feu Monsieur l'Evesque mon praedecesseur, de devote memoire.

  A012002888 

 Avec ces raysons, je me prometz que Vostre Altesse aura aggreables mes procedures, et qu'en sachant les fondamens (sic), elle commandera au sieur Prævost de cesser et faire cesser les siennes..

  A012002888 

 Vostre Altesse a la Mayson de Saint Bernard en sa protection, mais elle n'a pas moins sous sa grace et singuliere faveur cette miserable evesché de Geneve, pour conserver, avec ses commandemens, les droitz de l'un'et de l'autre; qui est tout ce que je puis souhaitter en cette occasion particuliere, en laquelle j'ay trois grans advantages.

  A012002905 

 J'ay de l'advantage par tout, car ledit sieur de Montjou a esté condamné devant les officiers de Son Altesse, et je suis defendeur et en possession, et respons non de mes actions mais de celles de feu Monsieur de Geneve mon prædecesseur, et en faveur d'un curé qui, des le fin commencement, a servi fort utilement a la gloire de Dieu en cette parroisse la.

  A012002923 

 Mais monsieur l'Abbé d'Abondance se treuve fort empesché a la vouloir payer, d'autant quil entre en une bonne despense pour introduire les Peres Feuillans en son Abbaye, et que d'ailleurs il est fort chargé de pensions; il dit neanmoins que si ceux qui ont les pensions vouloyent supporter charitablement la moytié de laditte praebende, il contribueroit volontiers l'autre moytié.

  A012002924 

 Mais cela ne se peut ni attendre ni esperer sinon de la bonté et providence de Vostre Altesse qui le commandast a l'Abbé et aux pensionnaires, en faveur des ames qui en seroyent assistees et du bon monsieur Nouvelet, duquel la pauvreté seroit soulagee et la viellesse consolee, et qui ne respire ni devant Dieu ni devant les hommes que la grandeur et sainte prosperité de Vostre Altesse, de Messeigneurs ses enfans et de la posterité, pour laquelle je prie aussi tous les jours sa divine Majesté, comm'estant,.

  A012002942 

 C'est que j'ay veu que le contract des moulins et la transaction de la succession ont esté faitz a mesme jour, mesme heure, par le mesme notaire, en la mesme mayson, devant les mesmes tesmoins.

  A012002942 

 Car, puisque vous voules oster les quatorse mille francz a celuy a qui ilz avoyent esté donnés pour le faire transiger, il est bien raysonnable que la transaction quil a faitte pour les avoir soit aussi gastee.

  A012002942 

 Cela les rend correspectifz l'un a l'autre, et dela s'ensuit que, voulant faire casser et rompre celuy des moulins a cause de l'enorme lesion, il faut aussi rompre et casser celuy de la transaction qui luy est correspectif, et laysser les affaires au mesme estat auquel elles estoyent avant la transaction et l'achapt des [381] moulins.

  A012002943 

 Prenes garde, en la poursuite du proces, de ne point relascher de la pure et entiere charité du prochain, et faittes les sollicitations religieusement; et, moyennant cela, ne vous laysses nullement inquieter d'aucun scrupule, car il ni a nul danger..

  A012002945 

 Je viens a vostre croix, et ne sçai si Dieu m'aura bien ouvert les yeux pour la voir en ses quattres boutz.

  A012002946 

 Ces deux enfans en un mesme ventre s'entrebattent comm'Esau et Jacob; c'est pour quoy Rebecca s'ecrie: M'estoit il pas mieux de mourir que de concevoir avec tant de douleurs? De ces convulsions s'ensuit un certain degoustement qui fait que vous ne savoures pas les meilleures viandes.

  A012002947 

 Je crains infiniment que vous n'ayes un petit trop d'ardeur a la proÿe, que vous ne vous empressies et multipliies les desirs un petit trop dru.

  A012002947 

 L'oyseau attaché sur la perche se connoit attaché et sent les secousses de sa detention et de son engagement seulement quand il veut voler; et tout de mesme, avant qu'il aye ses aisles il ne connoit son impuissance que par l'essay du vol. Pour un remede donques, ma chere Fille, puisque vous n'aves pas encor vos aysles pour voler et que vostre propre impuissance met une barriere a vos effortz, ne vous debattes point, ne vous empressés point pour voler; ayes patience que vous ayes des aisles pour voler comme les colombes.

  A012002947 

 Vous voyes la beauté des clartés, la douceur des resolutions; il vous semble que presque presque vous les tenes, et le voysinage du bien vous en suscite un appetit demesuré, et cet appetit vous empresse et vous fait eslancer, mais pour neant; car le Maistre vous tient attachee sur la perche, ou bien vous n'aves pas encor vos aisles, et ce pendant vous amaigrisses par ce continuel mouvement du cœur et alanguisses continuellement vos forces.

  A012002949 

 Le saint homme, arrivé sur le mont de Phasga, il vit toute la terre de promission devant ses yeux, terre a laquelle il avoit aspiré et esperé quarant'ans continuelz, parmi les murmurations et seditions de son armee et parmi les rigueurs des desers: il la vit et ni entra point, mais mourut en la voyant.

  A012002950 

 Saches, ma tres chere Seur, que je vous escris ces choses avec beaucoup de distractions, et que si vous les treuves embrouïllees ce ne sera pas merveille, car je le suis moymesme, mais, Dieu merci, sans inquietude.

  A012002951 

 Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien), dites moy, Dieu n'est il pas meilleur que l'homme? mais l'homme n'est il pas un vray neant en comparaison de Dieu? Et neanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray neant de tous les neans, la fleur de toute la misere, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy, encor que vous en ayes perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les senti mens du monde; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans nul sentiment? Je suis, disoit David, comm'une vessie sechee a la fumee du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy elle peut servir.

  A012002952 

 J'appreuve neanmoins que vous remonstriés a [386] nostre doux Sauveur, mais amoureusement et sans empressement, vostre affliction, et, comme vous dites, qu'au moins il se laisse treuver a vostre esprit; car il se plait que nous luy racontions le mal qu'il nous fait et que nous nous plaignions de luy, pourveu que ce soit amoureusement et humblement, et a luy mesme, comme font les petitz enfans quand leur chere mere les a fouettés.

  A012002953 

 Ce Seigneur sçait si j'ay jamais communié sans vous des mon despart de vostre ville... Dieu veut que je le serve en souffrant les sterilités, les angoisses, les tentations, comme Job, comme saint Paul, et non pas en preschant.

  A012002953 

 Les livres que vous lires demi heure sont Grenade, Gerson, la Vie de Jesus Christ mise en françois, du latin de Ludolphe Chartreux, la Mere Therese, le Traitté de l'Affliction, que je vous ay marqué en la precedente lettre.

  A012002955 

 Je garde les livres des Psaumes, et vous remercie de la musique, en laquelle je n'entens rien du tout, bien que je l'ayme extremement quand elle est appliquee a la louange de Nostre Seigneur..

  A012002957 

 Je veux bien neanmoins vous defendre de m'appeller Monseigneur; car encor que c'est la coustume de deça d'appeller ainsy les Evesques, ce n'est pas la coustume de dela, et j'ayme la simplicité..

  A012002958 

 La Messe de Nostre Dame que vous voules vouer pour toutes les semaines le pourra bien estre, mais je desire que ce ne soit que pour une annee, au bout de laquelle vous revoüeres, s'il y eschoit; et commencés le jour de la Conception Nostre Dame, jour de mon sacre, et auquel je fis le grand et espouvantable vœu de la charge des ames et de mourir pour elles s'il estoit expedient.

  A012002965 

 Je suis si pressé que j'ay transposé les pages, mais vous les remettres par la marque.

  A012002981 

 Tous vos degoustemens ne m'estonnent point; ilz cesseront un jour, Dieu aydant, et si bien vous aves donné peu de satisfaction a ce bon Pere, [390] je m'asseure qu'il ne s'en troublera point; car je le tiens pour capable de connoistre les divers accidens d'une ame qui commence a cheminer au chemin de Dieu.

  A012002983 

 Pour le coucher je ne changeray point d'opinion, s'il vous plait; mais si le lict vous desplait et que vous n'y puissies pas tant demeurer que les autres, je vous permettray bien de vous lever une heure plus matin; car, ma chere Seur, il n'est pas croyable combien les longues veilles du soir sont dangereuses et combien elles debilitent le cerveau.

  A012002983 

 Tous vos autres exercices vous les continueres en la façon que je vous les ay marqués.

  A012002984 

 Faites estat que le fer qui ouvrira vostre jambe soit l'un des cloux qui perça les pieds de Nostre Seigneur.

  A012002984 

 O quel honneur! Il a choysi pour luy ces sortes de faveurs, et les a tant cheries qu'il les a portees en Paradis; et voyla qu'il vous en fait part..

  A012002986 

 Prenes tous les jours une goutte ou deux du sang qui distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la meditation, et avec imagination trempés reveremment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec l'invocation du doux nom de Jesus, qui [392] est un huyle respandu, disoit l'Espouse aux Cantiques, et vous verrés que vostre douleur s'amoindrira..

  A012002987 

 Pendant ce tems la, ma chere Fille, dispenses vous de l'Office pour tous les jours que les medecins vous le conseilleront, encor qu'il vous semblera que vous n'en ayes pas besoin: je vous l'ordonne comme cela au nom de Dieu.

  A012002989 

 Quand Nostre Seigneur fut a la croix il fut declairé Roy, mesme par ses ennemis; et les ames qui sont en croix sont declairees reynes..

  A012002990 

 O jambe laquelle estant bien employee vous portera plus avant au Ciel que si elle estoit la plus saine du monde! Le Paradis est une montaigne a laquelle on s'achemine mieux avec les jambes rompues et blessees qu'avec les jambes entieres et saines..

  A012002990 

 Quand vous aures la jambe percee, dites a vos ennemis la parole du mesme Apostre: Au demeurant, que nul ne me vienne plus fascher ni troubler, car je porte les marques et signes de mon Seigneur en mon cors.

  A012002990 

 Saint Paul, qui avoit esté au Ciel et parmi les felicités du Paradis, ne se tenoit pour heureux qu' en ses infirmités et en la Croix de Nostre Seigneur.

  A012002990 

 Vous ne sçaves pas dequoy les Anges nous portent envie.

  A012002991 

 Il n'est pas bon de faire dire les Messes dans les chambres; adorés des le lict Nostre Seigneur a l'autel et contentes vous.

  A012002991 

 Mais je suis bien d'advis que vous communiies tous les Dimanches et bonnes festes au lict, autant que les medecins vous le permettront: Nostre Seigneur vous visitera volontier au lict de l'affliction..

  A012002996 

 Demandés en ce tems la a Dieu les vertuz qui vous seront plus necessaires..

  A012003005 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de voir en vostre lettre le grand courage que vous aves de vaincre toutes les difficultés pour estre vrayement et saintement devote en vostre vocation.

  A012003006 

 Et bien, il faut retendre l'arc et recommencer avec tant plus de soin; mais une autre fois il ne faut pas que les chams vous apportent cette incommodité.

  A012003021 

 Cela est contraire a l'advis de tous les serviteurs de Dieu et a l'experience et a la rayson.

  A012003021 

 Despuis le despart de vostre homme j'ay feuilleté tous les escritz que vous m'avies envoyés, et ni ay rien treuvé qui ne soit bien bon, sinon le point qui regarde la confession, ou il est dit quil faut tous-jours changer de [396] confesseur.

  A012003022 

 J'ay bien opinion que dedans ces escritz il y a plusieurs pointz de tres diffidile prattique, et qui font une abstraction d'esprit un petit excessive a qui voudroit les empoigner de haute lutte.

  A012003022 

 Mais il faut aussi y apporter le remede convenable, qui est de ne point se roydir en leur exercice qu'avec advis et moderation, et apres qu'on aura fort usé les pointz plus aysés.

  A012003023 

 Mais voyla que vous me dirés: C'est que les testamens n'ont point d'effect que par la mort du testateur.

  A012003023 

 O que les sentiers de la providence que Dieu a des siens sont admirables et imperscrutables!.

  A012003024 

 Si cet homme ne passoit a Geneve je vous eusse renvoyé tous vos papiers; mais je craindroys quil ne fut recherché la dedans, et qu'ilz les voulussent voir et s'en mocquassent, comm'ilz ont accoustumé de faire des choses qui ne sont pas a leur goust.

  A012003025 

 J'attens tous les jours un assault, comme je vous escrivois par la derniere, mais il ne sçait venir.

  A012003026 

 Ma chere Seur et ma Fille, tous les jours je donne vostre cœur a Dieu avec celuy de son Filz en la sainte Messe; donnes luy le mien, et je vous advoüeray au jour du jugement.

  A012003032 

 Dieu benie nostre Celse Benine et ses trois seurs; c'est ainsy que je les salue.

  A012003047 

 Je vous envoye l'original que vous avés desiré de moy, avec quelques autres papiers qui regardent le mesme sujet, et ne sçai pourquoy les scindiques de Thonon prenent ce biais de nier une chose si claire et quilz ne peuvent ignorer.

  A012003073 

 Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les mons..

  A012003084 

 J'ay receu vostre lettre par les mains de ce mesme porteur, duquel le droit sera conservé fort soigneusement, non seulement pour le devoir que j'ay de rendre cet office a tous ceux de ce diocæse, mais aussi pour la recommandation que vous m'en faites, laquelle aura tous-jours autant de pouvoir sur moy que null'autre.

  A012003103 

 Entre plusieurs embarassemens qui rendent ma charge pesante, j'en a y un pour les cures de Saint Sergue, Perrigni, Fessi, Lully, Brenthonoz et Lulin, desquelles les portions congrues furent tirees par feu Monsieur mon prædecesseur, en partie sur les revenuz de l'abbaye d'Aux, d....

  A012003114 

 Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage.

  A012003123 

 Ce n'est pas pusillanimité d'avoir tesmoigné dans les yeux le coup que l'on ressent au cœur.

  A012003123 

 Je me resoudray encor plus avant de ce que nous aurons a faire et, l'ayant bien dressé par ordre, je vous tesmoigneray que les offres que je vous fis partoyent [d'une] volonté bien asseuree a vostre service.

  A012003123 

 Que sil y a de l'extraordinaire, tant plus doit on croire que le coup vient d'en haut, puysque les coups ordinaires n'ont pas ce pouvoir.

  A012003160 

 C'est par les lettres de nos dévoués amis de Rome, c'est surtout de la bouche de l'Archevêque de Vienne, arrivé parmi [406] nous, que nous en avons reçu l'assurance.

  A012003160 

 Nous voyons là, justifié sans aucun doute, l'enseignement recueilli à l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile: c'est qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême, auquel le Christ a confié ses brebis, mais si absolument et si indistinctement qu'il est de toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui a remises toutes; » et c'est pourquoi celui-ci, en portant le poids de ses préoccupations quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif sur toutes les Eglises..

  A012003161 

 C'est pourquoi, prosternés aux pieds de Votre Béatitude, nous lui rendons les plus vives actions de grâces.

  A012003161 

 De Pierre, Elle occupe le siège, mais Elle imite aussi et de très près la conduite, car il est consolant de voir qu'Elle ne veut pas seulement commander aux brebis, mais qu'Elle tient surtout à les assister, toutes sans doute, mais nous autres en particulier, avec un absolu dévouement.

  A012003161 

 Qu'Elle daigne continuer, nous l'en supplions, à nous et à toute cette province, les bienfaits dont votre âme apostolique s'est plu déjà à nous [407] enrichir.

  A012003162 

 Dans cette vue, que Dieu immortel daigne conserver le plus longtemps possible à son Eglise les jours de Votre Béatitude!.

  A012003164 

 Les serviteurs très humbles et très dévoués fils dans le Christ,.

  A012003165 

 LES HABITANTS CATHOLIQUES DE THONON. [408].

  A012003185 

 Il en résulterait un grand scandale pour tous les bons et une grande douleur pour le Pape.

  A012003185 

 Le bruit s'est répandu, dans le diocèse de Genève, que Sa Majesté très Chrétienne a conclu avec la république de Berne et de Genève un accord, par lequel elle autorise celle-ci à saisir, garder et posséder les bailliages de Chablais et de Ternier.

  A012003185 

 Sa Sainteté entoure d'une telle sollicitude ces bailliages que pour leur utilité Elle entretient une mission de Pères Jésuites sur les revenus de la Chambre Apostolique.

  A012003186 

 C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de vouloir bien traiter des affaires du Chablais avec Sa Majesté le roi très chrétien, afin qu'il daigne faire à ces peuples la [410] grâce de ne pas les livrer entre les mains de ces républiques hérétiques; ou, si absolument il veut les livrer, que ce soit du moins sous cette réserve, que nulle innovation ne sera faite en ce qui concerne la religion, mais que toutes choses seront maintenues dans l'état où elles se trouvent maintenant....

  A012003196 

 Dequoy ayant fait recit a Sa Sainteté, elle m'envoya un Brief apostolique affin que je reprinse les revenus ecclesiastiques de ces balliages et, par tout ou il me sembleroit, je restablisse les eglises, y constituant absolument des curés, pasteurs et prædicateurs.

  A012003196 

 Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y planterent l'hæresie, delaquelle ces pauvres ames demeurerent empestees, jusques a ce qu'appres, par la grace de Dieu, y avoir fait [412] prescher la foy catholique trois annees continuellement, en fin, des trois annees en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze mill'ames) ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siege Apostolique.

  A012003196 

 J'entens un gros bruit qui porte que les Bernois taschent par toutes voyes d'avoir congé de Sa Majesté de se saysir des balliages de Thounon (sic) et Ternier, qui sont de mon diocæse; je me sens obligé en ma conscience de vous representer la dommageable consequence qui s'ensuivroit d'une telle saysie.

  A012003198 

 Entre lesquelz, le plus aspre et dangereux pour elles, pour tous les bons, qui leur peut arriver, seroit celuy duquel il court des-ja certain bruit, venant, a l'adventure, de ceux qui sont ennemis de leur conscience, ennemis de toute l'Eglise tressainte, pour le service delaquelle je supplie le grand Pere de famille de vous conserver longuement, et faire vivre saintement en toute prosperité, selon la volonté de Celuy qui m'en donne une d'estre eternellement.

  A012003198 

 Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre aux armes du Roy [413] le passage et chemin a ces balliages, il me semble que je vous dois supplier tres humblement et par les entrailles de Jesus Christ, comme je fais, de prendre en singuliere protection aupreès de Sa Majesté la conservation de ces saintes nouvelles plantes, lesquelles sont autant plus cheres a l'Eglise leur mere, a ceux qui les ont plantees et a Sa Sainteté, qui les a arrousees de tant de bienfaitz, qu'elles sont encor tendres et exposees a beaucoup de vens.

  A012003213 

 Dequoy je me suis d'autant plus res-joüy en Jesus Christ que tout a l'heure j'avois eu advis comme asseuré que l'exercice de l'heresie se devoit restablir a Thonon sous vostre permission; ce que toutefois je ne voulois ni pouvois me persuader, tant pour la ferme creance que j'ay en la franchise avec laquelle vous chemines au service de Dieu, qu'aussi pour les saintes intentions que Sa Majesté tres Chrestienne a touchant ce point, comm'elle me declaira ouvertement estant en ceste ville; sans l'asseurance desquelles j'eusse imploré le credit que nostre Saint Pere a en son endroit, ainsi que je dois et que Sa Sainteté m'a commandé de faire a toutes les occasions qui se presenteront pour le bien de ces nouvelles plantes qui luy sont si cheres.

  A012003214 

 Et outre ce, de prendre sur tous autres benefices desdits balliages, de quelle qualité qu'ilz fussent, et sur tous biens dependantz de l'Eglise, ce qui seroit necessaire pour les portions des curés et prædicateurs, en cas que les benefices de Saint Lazare ne fussent suffisans, avec tout pouvoir d'unir les parroisses ensemble ou les diviser selon que je jugerois a propos..

  A012003214 

 Et touchant la provision de la cure de Saint Mathieu et doyenné de Vullionnex, que vous desiries de moy en faveur du filz de monsieur le baron du Villars, je vous prie, Monsieur, de faire consideration de l'estat auquel je suis touchant les benefices de ces balliages.

  A012003214 

 Sa Sainteté sachant fort distinctement la disposition de ces pauvres peuples, me depescha un Brief expres et bien ample par lequel elle me charge de desunir tous les benefices, tant curés qu'autres, des balliages de Thonon et Ternier, lesquelz jusques a l'heure avoyent estés unis a la Milice de Saint Lazare.

  A012003215 

 Or, Monsieur, j'estois sur le point de voir la derniere execution de ceste volonté du Saint Siege quand ces troubles de guerre survindrent, et, en consideration de la ruine de beaucoup d'eglises et du peu de revenu des autres, j'avois presque par tout uni plusieurs parroisses en une, selon les distances et autres circonstances des lieux, et entr'autres j'avois joint les cures de Vullionnex, Confignon et Bernex, tant pour la commodité des revenuz que par ce que l'eglise de Vullionnex est en masures; et du tout j'ay envoyé au Saint Siege distincte et vraye instruction.

  A012003233 

 J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon.

  A012003234 

 Faittes moy donq ce bien, Monsieur, et croyes, je vous prie, qu'en toutes occasions ou j'auray le pouvoir esgal a la volonté vous me rencontreres tous-jours prompt et prest pour le contentement de vos desirs; de quoy je prie Dieu me mettre bien tost en main les occasions et vous donner, Monsieur, heureuse et longue vie en sa grace et protection..

  A012003248 

 Les huguenotz, sachans bien quilz n'oseroyent en vostre præsence user de la violence quilz ont accoustumé d'employer a l'advancement de leur hæresie, ne vous eurent pas si tost perdu de vëue qu'ilz font sortir de Geneve des ministres et autres telles gens, non seulement pour precher publiquement, mais aussi pour honnir et profaner nos eglises, renverser nos autelz et desrobber les cloches et autres meubles sacrés, comm'ilz ont fait a Veyri, Saint Julien et en deux lieux de Chablais, injurians et menaçans les personnes.

  A012003248 

 Soudain que je me suis apperceu de vostre retour es balliages desquelz vous aves le gouvernement, je me suis deliberé de vous faire les plaintes lesquelles pendant vostre absence j'ay esté contraint addresser ailleurs.

  A012003249 

 Il reste, Monsieur, qu'estant maintenant sur les lieux, vous facies prendre une finale resolution ausditz huguenotz et ministres de ne plus nous troubler ni attaquer l'Eglise, soit en ses personnes ou en ses choses.

  A012003269 

 C'était un coup d'audace dont le succès égala l'à-propos, car il y eut du côté de Dieu très [421] bon, très grand, une si particulière assistance, et parmi les âmes, un tel élan, qu'en l'espace de cinq semaines, plus de cinq cents personnes des deux sexes furent arrachées à l'horrible gouffre de l'hérésie, et leurs noms rétablis sur les registres de la catholicité..

  A012003269 

 Deux d'entre eux, le jour même de la solennité de la Pentecôte, prirent quelques aides parmi les prêtres séculiers qui depuis longtemps se sont voués dans le champ des âmes de Thonon aux labeurs évangéliques, puis, ensemble, ils entrèrent soudainement dans les localités les plus voisines de Genève, comprises sous le nom de bailliage de Gaillard.

  A012003269 

 Ils instruisent le peuple par leurs prédications, s'adonnent au ministère des confessions, et forment les enfants aux éléments des belles-lettres aussi bien qu'aux principes de la foi.

  A012003269 

 La cause chrétienne faisait dans cette province de consolants progrès, lorsque les guerres récentes lui occasionnèrent par leur [420] violence de sérieuses entraves; soudain Votre Béatitude Apostolique nous ménagea son intervention, et aussitôt, comme par enchantement, l'hiver et les pluies, cause de tant de désastres, s'enfuirent et prirent fin; cette vigne répandit son parfum, mais il était bien plus doux; le figuier poussa ses premières figues, mais elles étaient beaucoup plus belles.

  A012003270 

 Dans la suite, la maison serait comme un Séminaire, d'où bon nombre de prêtres et de jeunes gens se répandraient de ci de là, à travers les bourgades et les villes pour y implanter l'Evangile.

  A012003270 

 Dès maintenant il fournirait quelques Religieux qui s'occuperaient à parcourir tous les quartiers du diocèse.

  A012003270 

 Notre ville de Thonon est en effet placée de telle sorte entre ces deux dernières, qu'un soldat, s'il pouvait combattre des deux mains, pourrait les attaquer toutes deux en même temps..

  A012003270 

 Nous aurions ainsi une puissante citadelle, d'où prenant l'offensive contre les communautés de Genève et de Lausanne, nous pourrions soutenir leurs furieuses attaques.

  A012003271 

 Aussi semble-t-il presque impossible de l'assainir, si tout d'abord on ne jette dans les eaux elles-mêmes le bois salutaire de la Croix.

  A012003271 

 Aussi, tandis que Votre Sainteté prépare de plus grands projets, il suffirait, en attendant, que dans ces deux chantiers Elle doublât les ouvriers, ce qui porterait la Mission au [423] nombre apostolique de douze.

  A012003271 

 C'est, au fond, la liberté laissée à chacun de mal penser et d'agir [424] de même; voilà ce qui multiplie étrangement les difficultés de propager l'Evangile.

  A012003271 

 Non seulement, en effet, nous devons en ce moment garder les positions acquises, mais chercher à regagner pied à pied le terrain perdu; non seulement défendre les citadelles conquises, mais tâcher d'en enlever de nouvelles.

  A012003271 

 Pour conquérir les bailliages de Thonon, de Ternier et de Gaillard il a fallu des labeurs extraordinaires; c'est donc un devoir strict de les défendre.

  A012003271 

 Situé entre les gouvernements de Berne et de Genève, comme entre deux marais pestilentiels, il s'abreuve à leurs eaux empoisonnées.

  A012003271 

 Toutefois, la fondation d'un collège de ce genre ne serait peut-être pas si prompte ni si facile à faire; et pourtant les champs blanchissent déjà pour la moisson.

  A012003281 

 A quoy personne n'avoit apporté de la difficulté pendant que les scindiques y ont esté catholiques; [426] mais des l'annee passee, que la guerre ouvrit la porte a ceste poignee d'heretiques qui y est pour faire entrer ceux de leur secte au scindicat et maniement de la ville, les ditz Peres Jesuites y ont receu plusieurs empechemens, et sur tout n'agueres que lesditz scindiques se sont opposés a leur jouissance, sous prætexte que les assignations n'ont pas eu effect; ce que la guerre a causé.

  A012003281 

 Ce pendant que par l'heureuse reprise que Vostre Altesse fait de la possession de son balliage de Galliard, l'Eglise va regaignant sous son authorité les ames lesquelles y estoyent perdues par l'heresie, l'ennemi sousleve des secrettes embusches aux desseins qui furent si saintement faitz a Thonon.

  A012003281 

 Si que, par ces menees, le dessein du college est presque aneanti; dont les Peres Jesuites se fussent retirés, silz n'eussent esté retenuz par les offices que ceux ausquelz ilz ont de l'amitié y ont apporté..

  A012003295 

 Dequoy, bien que je ne doute nullement, si est ce que sur ce poinct je me sens redevable de supplier tres humblement Vostre Majesté qu'en suite de l' Interim publié par tout le royaume, il luy plaise donner libre et favorable acces a l'exercice catholique en ce petit coin de Gex, lequel meshuy depend de ce grand theatre auquel Vostre Majesté fait si heureusement les actions royales, et, qu'en execution, les biens ecclesiastiques jadis destinés a ce service, soyent restablis a ceux qui le feront et ausquelz ilz appartiennent, avec les temples et eglises..

  A012003295 

 Je loüe Dieu de la reception que Vostre Majesté a faitte de son païs de Gex, qui est dependant de mon diocese, par la fidelité que les habitans d'iceluy luy ont juree, croyant que leur reduction a son obeissance serviroit de porte a la reduction de leurs ames en l'Eglise Catholique.

  A012003325 

 En conséquence j'ai recouru à M. le baron de Lux, lieutenant de Sa Majesté en ce pays, et j'ai aussi écrit au roi afin d'obtenir le rétablissement du culte catholique et la restitution des églises, avec leurs revenus, aux pasteurs et autres qui en sont les possesseurs canoniques, ainsi que cela s'est fait dans toute la [429] France conformément à l'édit de l' Interim.

  A012003325 

 Je vous baise humblement les mains, priant Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A012003325 

 Le pays de Gex, qui avoisine Genève et fait partie de mon diocèse, a été soumis de nouveau à la domination du roi très chrétien: les serments, hommages et protestations de fidélité usités en pareil cas ont été rendus par les habitants.

  A012003355 

 Assurément, si les travaux qu'il a, pendant plusieurs années, soutenus pour la conversion des hérétiques, et ceux qu'il est sur le point d'entreprendre en ce champ laborieux sont pris en considération, je crois que Sa Sainteté lui multipliera ses faveurs et réduira les frais qu'il devrait faire et que, sans cette réduction, il n'est pas en mesure de soutenir..

  A012003355 

 Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pourquoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions [431] de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne employer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt; c'est la seule qui nous reste à surmonter.

  A012003356 

 [432] En vous baisant humblement les mains, je vous souhaite de Dieu notre Seigneur tout vrai contentement..

  A012003386 

 Ce pays, qui fait partie [433] de mon diocèse, a été jusqu'à présent occupé par les Genevois.

  A012003388 

 Je la prie vous conserver de longues années pour le bien de la sainte Eglise, et je vous baise humblement les mains..

  A012003403 

 Mays voyant maintenant que sa bonne volonté ne pourra pas si tost estre mise en son entier effect pour les difficultés que le tems y a despuis fait naistre, j'ay estimé qu'en attendant de voir sur pied le college de ceste ville, il seroit fort a propos que lesdits Peres Jesuites entrassent au college d'Annessi, pour disposer les escoliers qui y sont a ce dessein, et donner advancement a ceux qui se commencent a former en la petite escole [436] quilz ont icy, laquelle il seroit sur tout requis de continuer.

  A012003419 

 Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclesiastiques qui ont esté saysis au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge; et par ce que monsieur de Rovinoz, juge du lieu, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre commandement pour les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les delivrer ou faire delivrer entre les mains du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay deputé œconome, comme de mesme la rente de Colonge sur l'abbaye de Bellerive et autres revenuz ecclesiastiques, affin que, comme je puys prouvoir de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant necessaire a l'autre..

  A012003426 

 Lieutenant general deça les montz pour S. A..

  A012003437 

 A ceste intention, j'ay retenu quelques bons hommes d'Eglise, de mes chanoynes et autres, que je n'ay voulu employer ailleurs, pour les reserver a ceste moisson, laquelle je desire extremement voir sous la faucille de la parole de Dieu et instruction catholique.

  A012003437 

 Et par ce que je n'en puis esperer sinon ce que le Roy en ordonnera, je vous envoye ce chanoyne de mon Eglise pour apprendre de vous ce que je m'en dois promettre; dequoy je vous prie luy vouloir donner les advis pour me les apporter, et de trouver bonne l'ardeur de mon desir en un affaire qui me doit estre si recommandable, et au succes duquel j'auray l'un de mes plus chers contentemens, et Sa Sainteté encores, laquelle en attend de jour a autre les premieres nouvelles..

  A012003455 

 Et neanmoins, a cause du manquement de moyens, j'avois reduit les neuf præstres a cinq, y comprenant le curé, sans y mettre aucun autre prædicateur..

  A012003455 

 Je me suis essayé d'establir les eglises de Chablaix et Ternier et l'ay presque fait, Dieu merci, en la façon [440] de laquelle je donnay n'a guere advis a Vostre Altesse; n'en demeurant que trois pour l'establissement desquelles je n'ay encor peu treuver les moyens necessaires, et entre autres pour celle de Thonon, en laquelle Sa Sainteté m'avoit ordonné par son Brief que j'establisse huit præstres avec un curé, outre trois prædicateurs qui devoyent estre communs pour les deux balliages.

  A012003471 

 Il est vray que, n'ayant pas jugé lesdites raysons considerables pour empescher ledit establissement des curés, sans lequel des lhors toutes les eglises demeuroyent despourvëues, puysque les pasteurs, entretenuz jusques a l'heure avec tous les artifices possibles, estoyent resoluz d'abandonner silz ne se voyoyent en asseurance de leurs [443] provisions, ayant sur ce prins l'advis de gens tres zeléz au service de Vostre Altesse et qui sont capables de semblables conseilz, sans la presence desquelz je n'ay rien voulu faire, je passay outre a l'execution du Brief; en telle sorte neanmoins, que je retranchay de beaucoup son estendue, laquelle si j'eusse voulu suyvre, j'eusse esté contraint de lever tout le bien d'Eglise que ladite Milice tient es balliages: encor ni eut il pas esté suffisant.

  A012003471 

 J'avois des-ja amplement donné advis a Vostre Altesse de tout ce que j'avois fait en Chablais et Ternier pour l'establissement des cures, quandj'ay receu la lettre quil luy a pleu m'escrire, du... octobre, par voye du seigneur chevallier Bergeraz, par laquelle j'ay conneu que mon action avoit esté bien mal representee a Vostre Altesse, en ce qu'on luy a dit que j'avois procedé sans ouÿr les seigneurs de la Milice de Saint Maurice; car j'ay trop de bons et irreprochables tesmoins au contraire, qui m'ont veu ouïr fort au long toutes les raysons et allegations que ledit sieur Bergeraz a voulu advancer, comme procureur general de ladite Milice, et, avec luy encores, le sieur juge de Prez, conseil ordinaire d'icelle.

  A012003471 

 Mays le respect que je porte aux intentions de Vostre Altesse m'a fait tenir le plus court quil m'a esté possible, et en telle sorte que, n'ayant du tout rien touché a Ripaille, je n'ay prins de Filly et Doveynoz sinon justement ce qui estoit requis pour les curés des parroisses riere lesquelles ces deux benefices prenoyent les diesmes; et ce, pour autant quil estoyt impossible de faire autrement..

  A012003472 

 Et avec tout cela, le demeurant de ces deux benefices est si bon que, quant a Filly, le revenu de messieurs les Chevalliers y est aussi grand, ou peu s'en faut, quil estoit au paravant (ce que j'ay assigné aux curés n'estant de plus grande valeur que ce qui estoit ci devant assigné aux ministres huguenotz sur laditte Abbaye); si que lesdits seigneurs Chevalliers ne sont que peu ou point interessés pour cest esgard.

  A012003472 

 Sur quoy j'ay, par une mienne lettre, demandé tres humblement la bonté de Vostre Altesse a secours, affin quil luy pleut me permettre de prendre encor d'avantage sur lesdits benefices que j'ay espargnés, ou bien me donner les moyens d'y appliquer quelqu'autre revenu, ne treuvant aucun autre expedient pour eviter le scandale, [444] qui sera extremement grand si Thonon et les autres deux lieux demeurent destitués de curés..

  A012003473 

 Aussi n'en sçauroient ilz jamais rien prouver, puysque la verité est que j'ay tous-jours eu en singuliere recommandation l'honneur que je dois aux volontés de Vostre Altesse en tout le progres de cest'œuvre, de laquelle ell'a esté le principal instrument sous la main de Dieu, lequel je prie tous-jours quil luy playse multiplier ses saintes benedictions sur la personne et les catholiques desseins d'icelle, a laquelle faysant humble reverence je demeure a jamais,.

  A012003515 

 C'est pourquoi Votre Sainteté est très humblement suppliée de la part de l'Evêque de Genève, qui a la mission et le devoir de rappeler à l'Eglise du Seigneur les brebis [447] égarées, de lui accorder plein pouvoir de leur en ouvrir la porte toutes les fois qu'elles reviendront avec un vrai repentir, en les absolvant de toute hérésie, lapses ou relapses.

  A012003515 

 Plusieurs n'osent comparaître devant l'Evêque, comme sont pour la plupart les hommes âgés et les femmes, surtout quand elles sont enceintes; en conséquence, Votre Sainteté est suppliée de les prendre en pitié, et d'autoriser encore ledit Evêque à communiquer le pouvoir d'absoudre les hérétiques, en différents lieux de son diocèse, à ceux qu'il en estimera dignes..

  A012003516 

 En outre, comme il est nécessaire aux prédicateurs qui travaillent à la conversion des hérétiques de lire les livres prohibés, afin de les réfuter plus commodément, ceux surtout que les Genevois et autres gens du voisinage font paraître chaque jour, l'Evêque demande très humblement le pouvoir d'autoriser ceux qu'il jugera convenable, tel le Prévôt de la cathédrale de Genève, à lire et garder les livres susdits pendant qu'ils travaillent à cette mission.

  A012003517 

 Là, ces bannis pour le Christ, surtout les enfants et les jeunes gens des deux sexes, pourraient être accueillis, élevés et instruits chrétiennement.

  A012003517 

 On enseignerait à chacun selon sa capacité, ou les sciences ou quelque métier qui lui permettrait ensuite de gagner sa vie.

  A012003517 

 Parmi les milliers de personnes qui, par la bonté de Dieu notre Seigneur, se sont converties et soumises à la sainte Eglise cette année dernière aux environs ou sur les confins du territoire de Genève, bon nombre ont été, par suite de leur conversion, dépouillées de tous leurs biens: les unes, parce qu'elles sont sorties de Genève ou de quelque autre ville; et d'autres, parce qu'elles trouvaient dans leur commerce avec les Genevois la majeure partie des ressources nécessaires à cette misérable vie temporelle.

  A012003540 

 Au sujet des difficultés qui se rencontrent dans les articles proposés de la part de l'Evêque de Genève, Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est très humblement suppliée de soumettre ce qui suit à la considération de Sa Sainteté:.

  A012003541 

 Or, il n'est pas de moyen plus convenable que d'appliquer à cette œuvre les dîmes et les prémices que les fidèles payent à cet effet.

  A012003541 

 Qu'en droit il faut prélever la portion congrue sur les autres bénéfices, d'après la teneur de la Bulle d'union qui exige que cinquante ducats au moins soient donnés à chaque pasteur sur lesdits bénéfices indistinctement.

  A012003541 

 Quant à l'application des bénéfices à l'entretien des pasteurs des paroisses revenues à la vraie foi: Que les biens des cures sont en partie aliénés de par l'autorité apostolique, et en partie ruinés et [451] abandonnés par suite du peu de soin qu'en ont eu les possesseurs; partant ils ne suffiraient en aucune manière à l'entretien des susdits pasteurs.

  A012003542 

 Quant aux prébendes théologales: Bien que le Concile n'oblige à les établir que dans les localités considérables, en exigeant le moins il n'exclut pas le plus; au contraire, il le désire et le loue.

  A012003542 

 Que les localités où s'établiraient telles prébendes sont considérables dans le pays.

  A012003542 

 Que les monastères desquels on demande les prébendes sont, à une exception près, situés en des lieux inhabités et éloignés des [452] centres; de sorte que leurs théologaux, si toutefois ils en avaient, seraient peu utiles au diocèse, tandis qu'en appliquant ces prébendes à l'entretien de chanoines théologaux, elles seraient infiniment plus utiles au bien public..

  A012003543 

 Quant à la dispense sollicitée par les chanoines de Genève pour avoir une église paroissiale: Qu'ils pourront desservir ces églises de temps en temps; que ce privilège leur a été concédé par d'autres Pontifes en semblable occasion; que si on le leur refuse il faudra les dispenser du statut établi et confirmé par le Pape Martin (à la teneur de ce statut, ils ne peuvent admettre dans leur Chapitre personne qui ne soit noble ex utroque parente, ou docteur); ou bien il faudra pourvoir convenablement à leur entretien d'une autre manière, jusqu'à ce que l'on recouvre les revenus usurpés par les hérétiques.

  A012003544 

 Quant aux décimes de l'Evêque: Que lui seul, sans le concours d'aucun autre, ayant obtenu du duc de Savoie que les douze mille écus d'or que le clergé de Savoie donne à ce prince fussent payés en écus de monnaie, il n'a pas cru devoir faire instance pour ses intérêts personnels, et le clergé, jouissant de la faveur qu'il lui a obtenue, ne sera pas grevé beaucoup de décharger l'Evêque de la contribution qui lui incomberait, laquelle n'excède pas cent écus..

  A012003545 

 Et en somme, Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est suppliée de considérer combien graves et combien nombreux sont les besoins de ce diocèse, car « aux maux extrêmes il faut appliquer des remèdes extrêmes, et le salut du peuple est la suprême loi.

  A012003573 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A012003587 

 Ceux de la Religion de Sainct Maurice et Lazare nous ont faict entendre le prejudice que leur appourteroit l'union du prieuré de Sainct Jean hors les murs de Geneve a la Collegiale de Viry, si elle s'en ensuivoit, ainsy qu'au Baron de Viry en avons accordé le placet; ce qu'avons faict, ne Nous resouvenant que ledict prieuré fust approprié a ladicte Religion.

  A012003604 

 Quant a l'establissement de la Maison de vertu ou Refuge de Thonon, mise en avant par le Pere Cherubin a Romme, vous en traicterez avec ledict President, et par ensemble avec ledict Evesque, vous adviserez de ce qui est necessaire que faisions pour icelle; et Nous en envoyerez les memoires pour, sur icelles, y faire les dheues considerations et y prendre la resolution que verrons estre convenable..

  A012003619 

 Cecy je dis a l'occasion de quelques mauvaises relations qu'ont esté faictes a Sa Sainteté, qu'ont besoin de vostre soustien par le moyen d'une bien ample attestation qu'il faut que vous Nous envoyez de l'estat auquel vous avez veu vostre diocese auparavant les guerres en ce que concerne le spirituel; mais particullierement en combien d'endroictz l'on y frequentoit l'exercice de la religion pretendue reformee, et par combien de ministres elle y estoit divulguee et maintenue, et si des le commencement des guerres, l'on y a remis les cures et planté heureusement la religion Catholique et Apostolique, Romaine, et abolly ledict exercice de pretendue religion jusques sur les portes de Geneve ou, par tous les lieux, l'on celebre la sainte Messe.

  A012003619 

 Parce que les bonnes œuvres sont tousjours contrepesees par sinistres relations, et que bien souvent les publiques mesmes ont besoin d'appui particulier pour les soustenir et deffendre, aussy est il necessaire que, pour les balancer au poix de la raison, l'on y prenne les expedientz plus necessaires.

  A012003635 

 Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y continuent avec un grand zele.

  A012003635 

 Ce quil est necessaire qu'attestiez bien amplement et comme celluy qui en est mieux informé que les aultres, et Nous l'envoyez au plus tost, sans touttesfoys en icelle faire aulcune mention que Nous vous en ayons escript, mais requis du peuple pour desabuser Sa Sainteté de ce que l'on a dict d'eulx.

  A012003635 

 Il y a quelques sepmaines que Nous vous escripvismes sur quelque mauvays rapport qu'a esté faict a Sa Sainteté de la conversion des heretiques des baillages, luy ayant este donné a entendre que tout estoit en son premier estat, et que les curez n'ont point esté retablis en leurs eglises.

  A012003868 

 Que si vous estimez que par cette voie il se puisse quelque chose davantage, commandez moy librement, comme vous pouvez, faisant estat, Monsieur, que je confesse de ne devoir point tant a homme du monde qu'a vous, l'obligation que je vous ay estant infinie par les bons offices que vous me rendez d'un bien quy n'a point de fin.

  A012003869 

 Aussy que j'ay doubté si j'en avois bien grand besoing, d'autant que despuis, les parties ont revocqué toutes promesses suspectes, et: quod consensu et pacto contractuel est, contrario consensu et pacto dissolvitur, et obligatio inde nata (quy est icy ex delicto per pactum illicitum contracta ) ipso jure tollitur.

  A012003869 

 Cela estant, et les susdites maximes veritables jure Poli, comme elles le sont jure fori, il y a que doubter s'il est besoing d'aultre remede.

  A012003870 

 J'ay faict provision des livres que vous m'avez marqué, principalement de tous ceux du premier temps, selon vostre division; entre lesquelz, apres Grenade que j'ay tout en sa langue, au moins ce quy s'en trouve, je trouve admirables les epistres d'Avila; mais il les fauldroit avoir aussy en la langue de l'auteur, car la traduction en françois est tres mal faicte.

  A012003870 

 Je les lirey soigneusement et comme par vostre advis, vous suppliant neantmoins, Monsieur, me departir tousjours de voz bons discours et instructions par les vostres, que je prise et cheris par dessus tout, et ou je trouve plus d'ediffication qu'en livre quelconque, comme venant de personne que je tiens pour un digne exemple a tous ceux quy ont charge en cet estat..

  A012003871 

 Je vous baise tres humblement les mains, et suis a jamais,.

  A012003887 

 En fin, n'en ayant sceu rien apprendre, j'ay creu qu'en tout cas vous n'auriez point desagreable ce tesmoignage de l'affection que je vous doy, [477] vous suppliant de prendre en bonne part que je vous rende conte de moy despuis le temps que vous n'avez eu des miennes, et que je vous donne advis jusques ou je suis advancé en la profession dont vous m'avez faict l'honneur de me donner les premieres instructions..

  A012003888 

 Je les receuz quelques jours advant les festes de Noel passé, et me disposoy apres au sacre, que je receuz le jour de la feste des Roys de la main de Monsieur l'Archevesque d'Aix, assisté de Messieurs de Bologne et de Mascon, aiant auparavant usé de la preparation dont vous me fistes ce bien de m'advertir, le mieux qu'il m'a esté possible; non pas toutes fois si bien que j'eusse desiré..

  A012003894 

 Si vous me faictes l'honneur, Monsieur, de me donner de voz nouvelles, vous pourrez addresser a M. de Soulfour pour les bailler a M. Favier, quy me les fera asseurément tenir en vostre maison de Dol..

  A012003903 

 Les vostres, qui sont de cette qualité, auront le mesme effect et me rendront constant en la resolution d'estre toute ma vie,.

  A012003903 

 Mais je me trompe; il m'en est resté une image si vive et si bien representee, que bien souvent je prends la figure pour le vray naturel, tant les sainctes impressions ont de force en nos ames que ce qu'elles ont une fois gravé y demeure perpetuellement.

  A012003903 

 Nous jugeons des intentions d'autruy par les nostres; ainsi, cherissant voz merites d'une si particuliere inclination, je dois croire que si le sujet manque de mon costé pour vous convier a ce mesme desir, ne pouvant m'aymer pour l'amour de moy, du moins vous m'aymerez par ce que je vous honore et que je vous ayme.

  A012003919 

 Ce vous sera beaucoup d'incommodité, voires aultant qu'a nous de bon heur de vous avoir; touteffois, tascherons par tous les moiens a nous possibles de vous en reverer..

  A012003922 

 LES VICONTE MAJEUR ET ESCHEVINS DE LA VILLE DE DIJON..

  A012003934 

 De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a Monsieur Grandis, a Monsieur Theodore, a Monsieur Chevallier et autres qu'il vous plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez; vous asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet..

  A012003935 

 Attendant donc vostre arrivee en ce pays, et sur tout vostre prompte et favorable response, avec vostre permission je baise tres humblement les mains a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme celuy qui a esté, est et sera, aydant Dieu,.


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A013000008 

 Quatrième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A013000017 

 — Les « petitz livretz » de la Baronne.

  A013000018 

 » — Mépriser les tentations, embrasser les tribulations.

  A013000018 

 — Avoir « les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit.

  A013000018 

 — Les tentations qui viennent de Dieu et celles qui n'en peuvent venir: conduite à tenir à l'égard de ces dernières.

  A013000019 

 Dieu console ses amis en même temps qu'il les afflige.

  A013000019 

 — Les véritables idées du Saint pour la réformation du monastère du Puits-d'Orbe.

  A013000019 

 — Les « livrees » de Notre-Seigneur et les bagues de ses épouses.

  A013000019 

 — Prendre les lumières d'un Religieux Visiteur.

  A013000022 

 Don du Saint pour pénétrer rapidement les consciences.

  A013000022 

 » — Il faut affaiblir peu à peu les répugnances intérieures et leurs manifestations extérieures.

  A013000022 

 — Les désirs dont il convient de se défier.

  A013000022 

 — Les statues dans les palais.

  A013000022 

 — Quels sont les désirs utiles et comment les régler.

  A013000023 

 — Les délices surnaturelles de la souffrance.

  A013000025 

 » — Ne pas se troubler dans les tentations.

  A013000025 

 » — Quelles sont les âmes qu'il faut aider.

  A013000025 

 — Les Sœurs doivent avoir tout en commun.

  A013000025 

 — Pensées consolantes sur les souffrances.

  A013000026 

 — La santé du corps et les consolations de l'âme.

  A013000029 

 — Obligation urgente pour les Chevaliers de Saint-Maurice de fournir « les portions congrues » aux curés.

  A013000033 

 — Les amitiés que la mort ne peut dissoudre.

  A013000034 

 — Ne pas regarder à la substance de nos actions; les plus chétives deviennent honorables si Dieu les ordonne.

  A013000035 

 — En se confiant à un confesseur, éviter de paraître mépriser les autres.

  A013000036 

 Retrancher de notre vie les superfluités mondaines.

  A013000040 

 Détresse de plusieurs paroisses; prière d'ôter les obstacles qui les empêchent d'être pourvues de pasteurs.

  A013000045 

 — « Les hostelz » des princes à Paris et leur nom gravé sur le frontispice.

  A013000048 

 Désir d'avoir des nouvelles; nécessité d'un sage directeur pour conduire les Religieuses.

  A013000051 

 Ne pas trop appréhender les tentations.

  A013000051 

 » — Les abeilles et les tentations.

  A013000051 

 — La joie viendra après les larmes; sinon, servons Dieu quand même.

  A013000053 

 — Les trois petites vertus aimées du Saint.

  A013000054 

 Les douceurs de la clôture.

  A013000054 

 — Les marques de l'amour de Dieu.

  A013000054 

 — Remplacer les Heures par de brèves aspirations.

  A013000056 

 » — Les abeilles au repos.

  A013000056 

 — Dieu parle de préférence « parmi les desertz et halliers.

  A013000058 

 Avec le désir de le servir, Dieu en donne les moyens.

  A013000058 

 — Les aspirations amoureuses.

  A013000059 

 — Retour sur les obligeances qu'il lui a témoignées dans le passé.

  A013000060 

 CCCXV. A Madame de Rye, Religieuse de l'Abbaye de Baume-Les-Dames (Inédite).

  A013000060 

 » — Moyens de guérir les mélancolies spirituelles. 83.

  A013000061 

 Amour du Saint pour les afflictions.

  A013000062 

 — Les frères Rolland.

  A013000063 

 Plaisir du Saint d'apprendre les progrès de l'Ordre du Carmel en France.

  A013000063 

 — Désir de connaître les particularités de son établissement.

  A013000064 

 » — Les petits ennuis.

  A013000065 

 — Les Carmélites à Dijon.

  A013000065 

 — Les mouches et les distractions dans l'oraison.

  A013000065 

 — Une mère de famille doit servir avec prudence les malades contagieux.

  A013000066 

 — Les « alcions » de la mer et leurs nids.

  A013000070 

 » — Lui dérober « les premieres rosees de ses larmes; » leur divine efficacité.

  A013000072 

 Les jeunes filles peuvent chanter à l'église « des Noelz et chansons spirituelles » sans enfreindre le précepte de l'Apôtre saint Paul. 96.

  A013000074 

 — Retrancher les superfluités dans les communications spirituelles.

  A013000075 

 Le Carême, automne de la vie spirituelle; moyen d'en recueillir les fruits.

  A013000075 

 — Les âmes sont la vigne de Dieu.

  A013000077 

 — Ce qui est défendu, ce qui est permis les jours de Communion.

  A013000077 

 — Les jugements bons ou mauvais des hommes; le cas qu'il en faut faire.

  A013000078 

 Conduite à tenir dans les tentations contre la foi; la meilleure tactique, c'est de les mépriser.

  A013000079 

 Estime du Saint pour les Supérieurs du Carmel, et en particulier pour M. de Bérulle. 106.

  A013000081 

 Les places de page en Savoie au XVII me siècle; le Saint s'entremet pour en procurer une.

  A013000083 

 — Les Carmélites de Dijon et la bonne odeur qui émane de leur cloître.

  A013000084 

 « Le mal des maux, » pour les âmes « qui ont des bonnes volontés.

  A013000084 

 » — Prendre modèle sur les abeilles: faire le miel « dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour, » et ne pas désirer une perfection qui nous dépasse.

  A013000085 

 » — Dans les choses conseillées, le Saint ne veut pas qu'on prenne ses paroles en toute rigueur 111.

  A013000091 

 Le Saint remercie les Religieux de Sixt de lui avoir envoyé une pièce favorable à son procès contre l'Abbe du Monastère.

  A013000092 

 — Conseil de suivre les avis d'un Religieux. 117.

  A013000093 

 Les plus pures affections sujettes à la rouille.

  A013000093 

 — Les vignes et les amitiés spirituelles: les unes et les autres ont besoin d'être émondées.

  A013000094 

 Les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare ne tiennent pas leurs promesses.

  A013000095 

 Plainte du Saint aux Chevaliers pour leur retard à doter les églises, ainsi qu'ils y sont tenus.

  A013000097 

 — Les gros et les petits fuseaux.

  A013000097 

 — Les travaux des mains.

  A013000098 

 — Les mille bonnes odeurs qui parfument nos affections.

  A013000099 

 Conseils variés à une personne du monde: servir Dieu par les exercices de sa vocation et par l'accomplissement des devoirs d'état.

  A013000102 

 Saint François de Sales conseille les « appointements.

  A013000104 

 Les « mons espouvantables » de Chamonix.

  A013000105 

 — L'humilité et l'abjection, choses différentes; les meilleures abjections.

  A013000105 

 — L'éducation des filles dans les monastères, d'après les idées du Saint; les enfants de la Baronne, Marie-Aimée, Celse-Bénigne.

  A013000105 

 — Mépriser les tentations; Jésus-Christ crucifié, thème de contemplation.

  A013000105 

 — Saint Pierre sur les eaux; la peur et le mal.

  A013000107 

 — A quelles conditions les confessions annuelles sont utiles.

  A013000107 

 — Comment nous devons juger les actions et ce qui leur donne du prix.

  A013000107 

 — Les emplois dans la maison d'un prince et en la maison de Dieu.

  A013000111 

 Les labeurs de la visite et l'ardeur du saint Evêque; l'accueil qu'il reçoit dans le Faucigny.

  A013000111 

 — Les illuminations d'une petite ville.

  A013000112 

 — Les chevreuils et chamois des Alpes.

  A013000115 

 — Il lui envoie un état de son diocèse et lui en résume les grandes lignes.

  A013000119 

 — Difficultés que lui crée l'hérésie; pour les surmonter, il a besoin de recevoir du Saint-Siège aide et secours. 151.

  A013000120 

 — Les humilités les plus fines.

  A013000121 

 — Les dévotions du Jubilé 154.

  A013000125 

 — La définition du courage d'après les mondains et d'après les chrétiens.

  A013000127 

 Lettre de créance pour les députés envoyés à Turin par l'Evèque et le clergé du diocèse de Genève. 157.

  A013000131 

 — Règle pour traiter dignement les personnes de son rang 162.

  A013000132 

 — Les cantiques de la Baronne.

  A013000132 

 — Les commandements et les avis.

  A013000132 

 — Les « belles humeurs » du Bienheureux avec les enfants, au catéchisme.

  A013000132 

 — Les « maistresses chordes » auxquelles toutes les autres sont attachées.

  A013000138 

 » — Le rendez-vous général de toutes les consolations.

  A013000138 

 » — Les services spirituels profitent à ceux qui les donnent.

  A013000140 

 — Les saules, le myrte et le palmier.

  A013000140 

 — Pour certaines âmes, les veilles démesurées nuisent à l'esprit de dévotion.

  A013000141 

 Il faut supporter avec courage les mauvaises opinions qu'on a de nous.

  A013000147 

 — A quelles conditions les enfants peuvent approcher souvent de la sainte Communion.

  A013000149 

 Les croix de Dieu, pourvu que l'on y meure, sont douces et consolantes.

  A013000149 

 — Dieu, quand il inspire à une âme de le servir, lui en donne aussi les moyens.

  A013000151 

 — Les mortifications qu'il faut pratiquer.

  A013000151 

 — Les plus belles mortifications ne sont pas les meilleures. 183.

  A013000152 

 Les assauts du démon et ses fanfares; ne pas s'en effrayer.

  A013000152 

 — Tenir la croix entre ses bras et les yeux au Ciel 184.

  A013000153 

 Les larmes et les parfums de sainte Madeleine; contemplation de la scène.

  A013000153 

 — Inconvénients des longs voyages pour les femmes de piété.

  A013000153 

 — Les résolutions communes du Saint et de la Baronne.

  A013000154 

 — Les désirs d'une perfection trop douce; leurs dangers.

  A013000154 

 — Les fanfares de l'ennemi des âmes.

  A013000155 

 — Comment les futures Religieuses devront partager les heures.

  A013000155 

 — Notre-Seigneur chez les sœurs de Lazare; contemplation et réflexions du Saint sur cette page de l'Evangile.

  A013000156 

 Les froideurs spirituelles.

  A013000159 

 Servir Dieu soit parmi les épines, soit parmi les roses.

  A013000161 

 Comment Dieu supplée aux commodités de le servir, quand on les laisse pour sa gloire.

  A013000163 

 — Les « petites riottes » entre les officiers du duc de Nemours.

  A013000166 

 — Les confessions générales et la paroisse.

  A013000170 

 — Deux gentilshommes songent à entrer dans les Ordres sacrés.

  A013000176 

 — Le nom sacré de Jésus doit être implanté dans toutes les puissances de notre esprit; pour le bien exprimer, il faut avoir une langue toute de feu.

  A013000178 

 — Les trois points de l'Exercice de l'amour de la volonté de Dieu.

  A013000178 

 — Son affection pour les enfants de la Baronne; celle-ci, commère de M. de Chazelles.

  A013000182 

 Différends entre curé et paroissiens; le Saint veut les régler. 218.

  A013000184 

 — Les cercles qui se font en l'eau et les entortillements d'esprit chez les âmes chatouilleuses.

  A013000184 

 — Les frères du Saint et les enfants de la Baronne.

  A013000184 

 — Les « menues pensees » après les grandes.

  A013000185 

 Le Saint désire qu'on ne prenne pas dans un sens absolu les directions adressées à des personnes particulières.

  A013000187 

 A mesure qu'on savoure les choses divines, on cesse de priser les choses terrestres.

  A013000187 

 — Comment faut-il pleurer nos amis quand nous les voyons mourir 223.

  A013000188 

 Le miel qui doit adoucir toutes les affections et toutes les actions.

  A013000188 

 — Le royaume intérieur, les ennemis, les espions.

  A013000188 

 — Les parfums dont nous serons « confortés et ravigorés.

  A013000191 

 Le signataire présumé de cette lettre réfute les interprétations calomnieuses de sa sortie de Genève. 227.

  A013000193 

 — Les « prieres penetrantes » des petits.

  A013000193 

 — N'affecter ni ne fuir l'humilité visible, c'est-à-dire les offices humbles, l'écorce qui conserve le fruit.

  A013000193 

 — Qui sont les veuves vraiment veuves.

  A013000214 

 Les pieux éditeurs sollicitent notre approbation.

  A013000215 

 Or, la divine Providence, qui adapte toujours les moyens à la fin qu'elle veut atteindre, avait tout disposé pour la glorification de saint François de Sales..

  A013000216 

 Il n'hésitait pas à entreprendre de lointains voyages pour rechercher en quelque coin ignoré de bibliothèque, une lettre, un écrit quelconque du Saint, et il prolongeait volontiers ses veilles, qu'il consacrait à coordonner les textes et à établir les sources des citations par des références très laborieusement notées..

  A013000216 

 Les Religieuses de la Visitation d'Annecy avaient en main des pièces inédites, des écrits inconnus du public, des lettres nombreuses; tous ces documents précieux, elles les avaient recueillis, groupés et mis [V] en ordre.

  A013000216 

 Mais il fallait encore les mettre en œuvre: Dom Bénédict Mackey, chanoine de l'Eglise cathédrale de Newport, s'est rencontré à propos pour commencer la rédaction de ce travail; ce savant, d'une érudition étendue et d'un dévouement à toute épreuve, n'y a rien négligé.

  A013000217 

 Or, parmi les admirateurs des écrits de notre aimable Saint, quelques-uns, considérant la lenteur avec laquelle les volumes se sont succédé, se laisseront peut-être aller au découragement; d'autres peuvent se demander avec inquiétude si ce travail de si longue portée aboutira jamais à son achèvement complet..

  A013000218 

 C'est une œuvre inspirée par le cœur; c'est une tâche entreprise par la piété filiale, que les difficultés présentes ne troublent pas, que les craintes de l'avenir ne découragent jamais..

  A013000218 

 Que les uns et les autres se rassurent! Cette publication n'est pas une œuvre commerciale, assujettie aux diverses fluctuations de l'intérêt.

  A013000219 

 De minutieuses études faites en vue d'une thèse sur sainte Jeanne-Françoise de Chantal, semblent l'avoir providentiellement destiné à l'œuvre qui reste à accomplir; car il arrive au moment précis ou les [VI] écrits du saint Docteur exigent une critique plus pénétrante, une plus parfaite connaissance de la langue française et de l'histoire religieuse du passé..

  A013000219 

 Si les douze premiers volumes ont eu la bonne fortune d'être publiés avec la collaboration d'un vrai savant, ceux qui vont paraître seront édités sous la direction d'un Religieux de grand mérite, érudit et doué d'un incontestable talent littéraire.

  A013000220 

 Les lecteurs qui liront leurs notices rapides ne se douteront pas, peut-être, des labeurs considérables que chacune d'elles a coûtés..

  A013000220 

 Or, ces Lettres, écrites à la hâte, au pied levé, au milieu d'occupations absorbantes, photographient en quelque sorte la vie épiscopale du saint Docteur; elles évoquent aussi les mœurs et les personnages de son temps.

  A013000221 

 Les vénérées Filles du Saint me pardonneront de dire la part qui leur revient dans cette œuvre immense, et le grand public ne sera pas fâché, sans doute, de savoir que les monastères d'aujourd'hui continuent d'être, comme au temps passé, des ruches ferventes où s'amassent silencieusement des trésors d'érudition et de science historique..

  A013000224 

 Entre autres judicieux et fins aperçus, le nouvel éditeur note que saint François de Sales « a dépassé son temps, » et qu'en donnant des conseils pour des états d'âme particuliers, « il les a marqués d'un caractère de vérité générale et profondément humaine.

  A013000225 

 Le temps présent n'offre-t-il pas quelque analogie avec cette époque lointaine qui fut si agitée, et, par suite, cette Edition des Lettres de saint François de Sales n'est-elle pas vraiment opportune? Les âmes, enfiévrées et lasses de l'agitation des événements, trouveront dans cette lecture le repos, la quiétude de l'esprit, avec les saines pensées qui adoucissent les blessures du cœur et amènent par degrés, l'homme vers son Dieu, le souverain pacificateur..

  A013000225 

 Les contemporains du Saint, fatigués des luttes fratricides qui avaient rempli tout le XVI e siècle du fracas des armes et du bruit des discussions politiques et religieuses, aspiraient de tous leurs vœux au calme, à la paix, à la tranquillité dans l'ordre et dans la pratique de la tolérance.

  A013000235 

 Les proscriptions qui ont mis en si grand péril tant d'asiles de la vie monastique en France, ont dispersé au loin de secourables auxiliaires et aussi de précieux documents.

  A013000235 

 Les éditeurs ne songent pas à s'excuser d'offrir au public un peu tardivement ce troisième volume.

  A013000236 

 La nouvelle série de Lettres, qui vont de janvier 1605 à fin mars 1608, montre les mêmes qualités qu'on a pu remarquer dans les lettres précédentes: le charme savoureux de la langue, la finesse des observations morales et surtout l'art de présenter sur un ton gracieux et persuasif les conseils de la perfection chrétienne.

  A013000238 

 Comme toutes les époques de transition, les premières années du XVII e siècle présentent un curieux mélange d'aspirations contradictoires et mal définies; pourtant un sentiment semble dominer tous les autres: c'est un [IX] soupir ardent après le repos, après le calme, après la stabilité.

  A013000238 

 Lasses, recrues, les âmes se tournaient avec un incoercible élan vers les consolations de la vie intérieure..

  A013000238 

 Le temps était fini des luttes, les ardeurs batailleuses commençaient de s'éteindre.

  A013000239 

 Cet appel à la perfection qui sollicitait alors les plus nobles instincts de la conscience humaine, ce travail mystérieux de fermentation religieuse qui mettait en vibration tant de nobles âmes, revit et transpire à travers la plupart des lettres de cette époque..

  A013000240 

 C'est l'étonnante diffusion des FF. Mineurs Capucins établis en Bourgogne et dont l'intrépide apostolat se multiplie dans les environs de Genève, dans les régions Chablaisienne et Valaisanne..

  A013000241 

 Ce sont les monastères d'hommes en Savoie qui se réforment; les tièdes et les récalcitrants se voient remplacés par des Ordres nouveaux.

  A013000241 

 Mais les monastères de femmes semblent plus soucieux de la régularité: celui de Sainte-Claire est fidèle à son glorieux passé; à Sainte-Catherine, près d'Annecy, une élite se prépare d'âmes choisies qui fondera les Religieuses Bernardines réformées de Rumilly..

  A013000242 

 De toutes parts enfin circule une ardeur généreuse pour réparer les brèches faites aux murailles de la cité chrétienne par les assauts des novateurs..

  A013000243 

 Ces débats passionnent encore la foule, mais les pratiques religieuses positives vont plus à son cœur que ces subtiles controverses.

  A013000243 

 Les ministres de l'hérésie aux abois essaient en vain de regagner dans des conférences publiques le peuple qui les abandonne.

  A013000243 

 Les ouvrages de spiritualité se répandent partout; les plus subtils, les plus obscurs eux-mêmes trouvent des lecteurs..

  A013000243 

 Les pèlerinages redeviennent plus que jamais la grande dévotion populaire.

  A013000243 

 Les églises se rouvrent ou se reconstruisent, les cloches remontent dans les clochers si longtemps silencieux.

  A013000243 

 Puis les Archiconfréries de Notre-Dame de Thonon, du Saint Cordon, de la Sainte Croix viennent grouper en de vastes collectivités tous les fidèles que la ferveur renaissante a touchés.

  A013000243 

 [X] La châsse de Saint-Claude, la sainte Hostie miraculeuse de Dijon, les saints Suaires attirent la piété chrétienne.

  A013000244 

 A la faveur des prédications et des exercices du Carême, la religion s'installe dans les âmes et en prend une possession définitive.

  A013000244 

 La jeunesse curieuse et ardente trouve dans les collèges des Jésuites des maîtres habiles pour la discipliner et l'instruire.

  A013000244 

 Les conversions se multiplient dans les foyers les plus contaminés par l'hérésie, et plus d'un père de famille donne à sa maison l'allure d'un monastère..

  A013000244 

 Pour célébrer les Grands Pardons d'Annecy, des multitudes de pèlerins viennent de tous pays et se pressent pendant trois jours dans le sanctuaire de Notre-Dame de Liesse.

  A013000245 

 En les lisant, on a comme la sensation d'entendre le bruissement de cette germination merveilleuse qui devait s'épanouir plus tard en opulentes floraisons de sainteté; ainsi voit-on, aux premiers jours du printemps, la sève lentement circuler à travers les tiges souples des arbres reverdis, puis gonfler les bourgeons, annonciateurs des fleurs et des fruits..

  A013000245 

 Tous ces renseignements, tous ces traits, tous ces détails si précieux pour l'histoire générale des mœurs et de la piété, les Lettres de François de Sales les fournissent à toutes les pages.

  A013000247 

 Ces prédications fécondes, c'est lui qui les organise ou qui les fait; ces fondations, il les conseille, il les protège, il les confirme; les conversions, il les prépare, il les rend durables.

  A013000248 

 Son influence dépasse visiblement les limites de la Savoie, elle s'exerce sur tout et sur tous; rien n'en montre mieux l'étendue que le nombre et la qualité de ses correspondants et la variété des objets qu'il traite avec eux.

  A013000248 

 Un grand Pape sollicite ses vues sur les plus hautes questions de la théologie, l'empereur d'Allemagne l'invite à la Diète, le duc de Savoie suit ses conseils, Baronius lui offre ses services; de Bérulle, le P. Possevin, le P. Fourier s'honorent d'être ses amis, les âmes les plus éminentes recherchent sa direction, et, ce qui n'est pas moins glorieux pour le saint Evêque, les petites gens, les malheureux se recommandent à sa charité..

  A013000249 

 Des jeunes filles, des jeunes gens rêvent de la vie claustrale; mais il s'en faut bien que le Saint fasse à tous ces désirs le même accueil: il encourage les uns, et parfois, mais toujours suavement, il déconseille les autres.

  A013000249 

 Il bénit les espérances d'une jeune femme, il pourvoit les paroisses de pasteurs, et ceux-ci, de subsides convenables qu'il doit arracher à l'odieuse avarice des Chevaliers des saints Maurice et Lazare.

  A013000249 

 Une place de petit page à obtenir, l'échec d'un plaideur malheureux, le désappointement d'un débiteur embarrassé, l'infortune d'une pauvre femme besogneuse, toutes les causes enfin, et surtout les plus délaissées, émeuvent profondément son âme compatissante et lui font écrire de charmantes épîtres..

  A013000252 

 A cette âme capricieuse et turbulente, le Saint prodigua les conseils avec une inaltérable mansuétude; l'ingérence importune de son père, M. de Crépy, compliquait encore les difficultés..

  A013000252 

 Il ne semble pas qu'elle soit jamais bien entrée dans les vues de son Directeur; la réforme lui faisait peur, elle songea même sérieusement à quitter le cloître; il est probable qu'elle y était entrée sans vocation.

  A013000253 

 A les entendre, la douleur s'endort et devient même jouissance..

  A013000253 

 Sans l'humeur changeante et les infirmités de la rétive Abbesse, aurions-nous les admirables lettres qui lui furent écrites en vue de l'en guérir? Si l'on veut consoler ou relever l'âme découragée des malades ou des infirmes, qu'on lise les lettres à Rose Bourgeois; il n'est pas, croyons-nous, dans notre langue, d'exhortations plus lénitives et plus énergiques.

  A013000254 

 Esprit peu compréhensif, dévotieuse plutôt que dévote, pleine de stériles désirs, exagérant le but, puis découragée de ne pas l'atteindre, cette âme, par l'ensemble de ses aspirations et de ses défauts, ne représenterait-elle pas les tendances et l'idéal de beaucoup de femmes du monde? C'est donc à ces dernières que conviennent les lettres envoyées à la Présidente..

  A013000255 

 Les plus scrupuleuses verront par l'exemple d'une femme qui « est arrivee bien haut, » jusqu'où peut aller la condescendance d'une épouse chrétienne..

  A013000255 

 Qu'elles les lisent.

  A013000257 

 Une autre âme, tombée plus tard dans les filets du prestigieux pêcheur, devait aller plus haut que la précédente dans les voies de la piété.

  A013000258 

 Il semble qu'à cette vaillante Philothée les étapes intermédiaires furent épargnées; saint François de Sales prenait plaisir à former cette conscience virile et à la mener par des enseignements progressifs aux joies austères de la vraie dévotion.

  A013000258 

 Les conseils s'accumulaient méthodiques, engageants, riches de belle doctrine et d'exhortations affectives.

  A013000259 

 Un nom venait alors sur ses lèvres avant tous les autres, et le lecteur devine bien que c'est le nom de la baronne de Chantal..

  A013000260 

 Des intelligences vives et curieuses se sont exercées à décrire les délicates opérations de la grâce et l'influence du prêtre dans cette âme vigoureuse.

  A013000260 

 Les plus discrets, pour ne rien dire des pamphlétaires, ont avancé sur le ton grave d'un impertinent pharisaïsme, que cette direction était une domination lente et progressive de l'âme humaine, paralysant la volonté, enfermant les facultés actives dans l'observation exclusive du dedans, quand elle ne les endormait pas, en supprimant tout désir, dans un quiétisme paresseux..

  A013000261 

 Au lieu d'écrire ces fantaisies dans des revues et de les débiter du haut d'une tribune, on ferait bien de lire les lettres adressées à la baronne de Chantal, et surtout on ferait mieux de les comprendre.

  A013000261 

 Qu'on les lise donc, au lieu de rééditer, quoiqu'en les atténuant, les imaginations des historiens romanciers de la Restauration et de l'Empire.

  A013000262 

 Pour établir l'âme dans cet immuable repos, il faut d'abord en chasser les éléments de trouble, c'est-à-dire la vanité, l'amour-propre, l'amour exagéré de soi, les craintes imaginaires..

  A013000263 

 Quels sont les éléments destructeurs de la véritable activité? Au regard de François de Sales, ce sont les vains désirs, la peur de l'opinion, les longs et subtils repliements de l'âme sur elle-même, les rêveries mélancoliques, les songeries creuses, le fléchissement devant la douleur physique ou les angoisses morales, les passions enfin qui excitent, mais qui affaiblissent.

  A013000264 

 Et la volonté de Dieu pour le Saint, si partisan, comme on sait, du positif et du réel, ce n'est ni le désir capricieux du moment, ni le sentiment d'une commotion intérieure: c'est la volonté de Dieu notifiée par ses commandements, ou manifestée par les devoirs de notre vocation.

  A013000268 

 « Les croix de Dieu sont douces, » écrit-il, mais « pourveu que l'on y meure.

  A013000271 

 A son école, l'âme apprendrait à se connaître, à se retourner sur elle-même, à régler sa vie intime et extérieure, mais elle ne songerait pas, comme de nos jours, à s'épanouir au dehors par les œuvres de charité.

  A013000271 

 Il tombe devant les faits et les œuvres qu'a opérés la piété chrétienne au XVII e siècle..

  A013000272 

 Il est vrai, l'effort du Saint et de sa direction va tout d'abord à épurer l'âme, à illuminer l'intelligence, à rectifier la volonté, à mettre de l'ordre dans toutes les puissances; mais la volonté n'est-ce pas la pièce maîtresse, l'instrument des actions humaines dont il importe avant tout de s'assurer? Régler la volonté, la fortifier, lui donner du ressort, de l'élan, est-ce faire autre chose que d'accumuler d'avance, pour l'action ultérieure, les trésors de l'énergie morale? Et les facultés agissantes, qui les excite, qui les met en jeu, sinon le vouloir intérieur? L'activité n'est souple, n'est durable, n'est féconde que si elle jaillit de cette force invisible qui s'appelle la volonté.

  A013000272 

 Saint François de Sales préparait donc merveilleusement à l'action les âmes qu'il dressait à vouloir..

  A013000273 

 Les plus grandes créations charitables datent de cette époque.

  A013000273 

 Pour toutes les misères du corps et de l'âme, des instituts surgissent; mais qui les fonde? De grandes chrétiennes, la plupart admiratrices du saint Evêque de Genève, formées à la piété par ses écrits, ou même encouragées par les exemples de la baronne de Chantal devenue à son tour fondatrice, et laissant à ses filles son esprit de charité active et bienfaisante..

  A013000273 

 Vu à travers les ouvrages de ses grands écrivains, le XVII e siècle peut paraître un siècle d'analyse raffinée et de minutieuse observation morale; mais les âmes chrétiennes formées d'après les principes de saint François de Sales n'ont pas fait que s'observer: elles ont agi.

  A013000275 

 Ils verront croître et grandir avec les années l'amitié sainte, « blanche plus que la neige, pure plus que le soleil » qui devait unir pour une œuvre commune ces deux grandes âmes.

  A013000276 

 Pour les autres traits de la physionomie morale de saint François de Sales, ils sont dessinés en pleine lumière dans les diverses lettres de ce recueil.

  A013000277 

 C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois.

  A013000277 

 Ses impressions d'Evêque en tournée pastorale varient avec les sites gracieux ou terribles de son pittoresque diocèse.

  A013000277 

 Tous les bruits, tous les accents de la nature, depuis le « frifillis des feuilles » jusqu'au « tintamarre » des grands orages alpestres, son âme de poète a tout perçu, tout noté..

  A013000277 

 » Il se laisse prendre à toutes les émotions délicates et profondes qui peuvent remuer une âme sensible.

  A013000278 

 Sous sa plume, les scènes de l'Evangile méditées par manière de contemplation, sous l'inspiration évidente des Exercices de saint Ignace, deviennent des tableaux dignes de la grâce et de la gentillesse d'un Pérugin..

  A013000279 

 Soit qu'il visite ses tenanciers, soit qu'il prêche à son peuple ou qu'il catéchise les enfants, c'est toujours le même cœur, la même joyeuse affabilité.

  A013000279 

 » Les grenouilles ne peuvent troubler le sommeil d'un châtelain [XIX] aussi libéral, et sans doute, les bruyantes voisines durent se taire d'elles-mêmes pendant les nuits qu'il passa dans sa terre marécageuse de Viuz..

  A013000280 

 Les auditoires les plus modestes allaient au cœur de cet homme d'humilité et de simplicité.

  A013000280 

 » Il faut le voir se divertissant des masques avec les enfants de son catéchisme, devant une assistance qui le « convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013000281 

 Quelle humilité que celle qui lui fait accepter avec une gratitude touchante les conseils de sa fille spirituelle! L'illustre ami des Cardinaux, le conseiller vénéré des Papes, le grand convertisseur d'âmes devient un enfant quand il écrit au P. Possevin, son ancien maître, et surtout quand il se remet pour « rabiller » son âme sous la conduite de son vieil ami, le P. Fourier..

  A013000282 

 Peut-on lire sans être ému les effusions de sa piété ardente, quand il porte le Saint-Sacrement à la procession ou, un autre jour, qu'il parle de la Passion devant ses chères filles de Sainte-Claire?.

  A013000283 

 » Installer Jésus-Christ dans les âmes, l'y faire régner, c'est toute son ambition; car il croit, il sait, il affirme que c'est lui qui « redresse tout, purifie tout, vivifie tout... fait tout en tout.

  A013000285 

 Disons simplement que les Lettres de cette série justifient toutes les louanges qu'on a faites de l'Ecrivain.

  A013000285 

 Les descriptions rapides, les petits récits, les allégories, les sentences expressives s'y entremêlent avec une piquante variété.

  A013000285 

 Les plus jolis mots, les plus pittoresques réflexions, qu'on aime toujours à citer, on les rencontrera ça et là dans ces pages..

  A013000285 

 Par un rare bonheur, la fantaisie et le bon sens, la raison et la poésie, qui d'ordinaire s'excluent dans les œuvres de l'esprit, se pondèrent et s'unissent ici sans effort.

  A013000286 

 Une lettre pourtant se détache parmi les autres; c'est la lettre écrite le 2 novembre 1607 à propos de la mort de sa jeune sœur Jeanne de Sales.

  A013000287 

 Comme on s'y [XXI] attend bien, le saint Evêque trouve des accents attendris, il rencontre des expressions d'une délicieuse fraîcheur quand il vient à parler de la « petite defuncte, » cette enfant d'espérance, si « cordialement » aimée, délicate comme « les fraises et les cerises » de nos jardins et, comme elles, prématurément cueillie..

  A013000287 

 Les passages des Confessions où saint Augustin nous fait des confidences sur sa mère ne sont pas plus touchants.

  A013000288 

 Mais bientôt, dominant les « ressentimens » de ses regrets, il s'adresse à sa fille spirituelle qui lui avait paru n'avoir pas assez maîtrisé les siens.

  A013000289 

 Après l'avoir lue, on ne pourra plus douter que le Saint avait véritablement un « cœur « de chair » et que les vues les plus austères de la foi s'unissaient dans son âme, sans les heurter, aux affections les plus profondes et les plus sincères..

  A013000289 

 Cette lettre, en outre des peintures d'âmes variées qu'elle nous offre ramassées dans un même cadre, défend victorieusement la piété catholique contre un reproche odieusement rebattu de nos jours: celui d'altérer et de refroidir les affections de famille.

  A013000291 

 Comme les grands écrivains, saint François de Sales a dépassé son temps.

  A013000291 

 De là, la beauté toujours impressionnante de ces Lettres; elles conviennent aux âmes chrétiennes, à toutes les époques et partout.

  A013000291 

 En adressant les conseils de son intuitive sagesse à des âmes particulières, il les a marqués d'un caractère de vérité générale et profondément humaine.

  A013000292 

 Après les avoir lues, on garde comme conclusion le souvenir de la bonne Pernette Boutey, la sainte villageoise de La Roche, l'une des « grandes « amies » du Saint, qui « devint plus belle après sa mort qu'elle n'avoit esté durant sa vie.

  A013000292 

 Cela ne l'avança ni recula du Saint Sacrement; elle ne laissa pas d'estre aussi tost que les autres a l'eglise.

  A013000292 

 En ce siècle de fiévreuse activité et d'âpres concurrences, les âmes vieillissent de bonne heure et en peu de temps se lassent de tout.

  A013000292 

 Il faut donc leur infuser des goûts qui ne passent pas, des sentiments et des espoirs qui les fixent dans un état tranquille et sûr.

  A013000292 

 Les Lettres de l'Evêque de Genève ne sont-elles pas capables de faire ce miracle? En les lisant, on sentira que le beau de la vie, c'est d'aimer Dieu, de ne pas trop s'aimer soi-même et de beaucoup servir son prochain.

  A013000292 

 » On se rappelle aussi cette pauvre veuve d'Annecy que le Bienheureux aperçut « a la suite du Saint Sacrement, et ou les autres portoyent des grans flambeaux de cire blanche, elle ne portoit qu'une petite chandelle, que peut estre elle avoit faite; encores, le vent l'esteignit.

  A013000301 

 Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux, comme il est indiqué d'ailleurs à la fin de chacune.

  A013000301 

 Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d'Autographes ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures.

  A013000302 

 Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précèdent chaque pièce; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou qu'elles sont authentiques, quoique fournies par les textes imprimés.

  A013000302 

 Les points remplaçant quelque énumération de la date indiquent que cette partie de la date est donnée, mais fautivement, dans l'édition à laquelle notre texte est emprunté..

  A013000303 

 Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le texte..

  A013000304 

 Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas des pages.

  A013000304 

 Les passages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre [ ]..

  A013000305 

 Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois..

  A013000306 

 A la suite de la Table de correspondance se trouve un Index, dans lequel il a été jugé à propos de fondre les noms des destinataires avec les titres des principales notes historiques et biographiques.

  A013000306 

 Toutes les notes concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque, conservés à l'Evêché d'Annecy; elles sont désignées par les deux initiales R. E..

  A013000307 

 Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à la noblesse savoisienne sont empruntés au monumental ouvrage du Comte Amèdèe de Foras: Armorial et Nobiliaire de l'ancien Duché de Savoie.

  A013000327 

 Frere Jean m'a treuvé au sortir d'une fievre continue, de laquelle les effetz ne me permettent en cor de vous escrire que par la main d'autruy, combien que je vous salue et souhaitte mille benedictions du propre fons de mon cœur.

  A013000327 

 Je n'auray pas plustost recouvert mes forces et rencontré quelque commodité de vous escrire [2] que je le feray fort soigneusement, comme j'ay fait cy devant a touttes les occurrences qui s'en sont presentees.

  A013000327 

 Je n'ay pas voulu confier voz petitz livretz a ce porteur, lequel, s'acheminant fort lentement et passant par Chalon et autres lieux, auroit peu les esgarer; je m'imagine aussi que vous n'en estes pas beaucoup necessiteuse..

  A013000348 

 L'autre, que Moÿse, le plus grand amy de Dieu de toute la trouppe, mourut sur les frontieres de la terre de repos, la voyant de ses yeux et ne pouvant en avoir la jouissance..

  A013000348 

 Mais resouvenés vous de deux choses: l'une, que les enfans d'Israël furent quarante ans parmi les dezerts avant que d'arriver en la terre du sejour qui leur estoit promis; et neantmoings, six sepmaynes pouvoyent suffire pour tout ce voyage, et a l'aise.

  A013000348 

 Ny il ne fust pas loisible de s'enquerir pourquoy Dieu leur faisoit prendre tant de detours et les conduisoit par des chemins si aspres; et tous ceux qui en murmurerent moururent avant l'arrivee.

  A013000349 

 Aussy bande-on [5] les yeux a ceux sur lesquels on veut faire quelque grand coup par le fer.

  A013000349 

 Pleust a Dieu que nous regardassions peu a la condition du chemin que nous frayons et que nous eussions les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit et sur le bien heureux pays auquel il nous mene.

  A013000349 

 Que nous doyt il chaloir si c'est par le desert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veüe vous en donnera plus d'apprehension que le sentiment ne vous donnera de douleur.

  A013000350 

 Que voulez vous? il faut voir et parler a Dieu parmy les tonnerres et tourbillons du vent; il le faut voir dans le buisson et parmy le feu et les espines, et pour ce faire, la verité est quil est besoing de se deschausser et faire une grande abnegation de nos volontés et affections.

  A013000352 

 Mais (listes luy, je vous supplie, que cela ne se peut en aucune façon; je trahiroys son ame si je luy permettoys cest abbus. Il faut qu'a la fine premiere confession qu'elle fera, que tout au commencement elle s'accuse de ce peché oublié (j'en dis de mesme sil y en a plusieurs), purement et simplement, et sans repeter aucune autre chose de sa confession generalle, laquelle fut fort bonne; et partant, non obstant les choses oubliees, cett'ame la ne se doit nullement troubler. Et ostez luy la mauvaise apprehension qui la peut mettre en peyne pour ce regard; car la verité est que le premier et principal point de la simplicité chrestienne gist en ceste franchise d'accuser ses pechés quand il en est besoing, purement et nuëment, sans apprehender l'oreille du confesseur, laquelle n'est la presente que pour ouyr des pechés et non des vertus, et des pechés de toute sorte..

  A013000354 

 Je crains qu'elle ne s'engage plus avant et que, par appres, il ne soit malaysé de la reduire a l'indifference avec laquelle il faut ouyr les conseils de Dieu.

  A013000354 

 Je veux bien qu'elle le nourrisse, mais non pas qu'il croisse; car, croyez moy, il sera tousjours meilleur d'ouyr Nostre Seigneur avec indifference et en l'esprit de liberté, ce qui ne se pourra faire si ce desir grossit, car il assujettira toutes les facultés interieures et tyrannisera la rayson sur le choix.

  A013000354 

 Je vous donne bien de la peyne vous rendant messagere [8] de ces responses; mais puisque vous avez bien pris le soin de me proposer les demandes de sa part, vostre charité le prendra bien encores pour luy faire entendre mon opinion..

  A013000356 

 Vous ne pouves croire, ma tres chere Fille, que les tentations contre la foy et l'Eglise viennent de Dieu.

  A013000357 

 Et quoy? pour tout cela, ma bonne Fille, faut il se fascher? Laissés le morfondre et tenes toutes les advenües bien fermees: il se lassera en fin, ou, s'il ne se lasse, Dieu luy fera lever le siege.

  A013000357 

 Sçaves vous comment Dieu fait en cela? Il permet que le malin forgeron de semblables besoignes les nous vienne presenter a vendre, affin que, par le mespris que nous en ferons, nous puissions tesmoigner nostre affection aux choses divines.

  A013000358 

 C'est en fin ceste volonté libre, laquelle, toute nuë devant Dieu, reside en la supreme et plus spirituelle partie de l'ame, ne depend d'autre que de son Dieu et de soy mesme; et quand toutes les autres facultés de l'ame sont perdues et assujetties a l'ennemy, elle seule demeure maistresse de soy mesme pour ne consentir point..

  A013000358 

 O Dieu, mais donques la voyla, la sainte violence qui ravit les cieux.

  A013000359 

 Or, voyes vous les ames afiligees parce que l'ennemy, occupant toutes les autres facultés, fait la dedans son tintamarre et fracas extreme? A peyne peut on ouÿr ce qui se dit et fait en ceste volonté superieure, laquelle a bien la voix plus nette et plus vive que la volonté inferieure; mais celle cy l'a si aspre et si grosse qu'elle estouffe la clarté de l'autre.

  A013000360 

 Je dis donques ainsy: vos tentations sont du diable et de l'enfer, mais vos peynes et afflictions sont de Dieu et du Paradis; les meres sont de Babylone, mais les filles sont de Hierusalem.

  A013000360 

 Mesprisés les tentations, embrassés les tribulations.

  A013000362 

 Il ne m'est rien encor arrivé de la tempeste que je vous dis; mais les nuees sont encor pleines, obscures et chargees dessus ma teste..

  A013000363 

 Vous ne sçauries avoir trop de confiance en moy, qui suis parfaittement et irrevocablement vostre en Jesus Christ, duquel mille et mille fois le jour je vous souhaitte les plus cheres graces et benedictions.

  A013000376 

 J'eusse egalement desiré de pouvoir vous visiter tous les jours par mes lettres et d'estre visité par les vostres, pour participer au bien et au mal que Dieu a mis en vous depuis l'ouverture de vostre jambe.

  A013000377 

 Ce fust une grande gloire que celle de saint Paul quand il disoyt: Au reste, que nul ne m'importune, car je porte les stygmates et marques de mon Seigneur a mon corps.

  A013000377 

 Mais maintenant, vous devez, ce me semble, estre bien glorieuse, ayant receu au moings une de ses marques; car, sans doubte, les marques de Nostre Seigneur ne sont autre chose que des playes: ce sont les [12] livrees qu'il fait porter aux siens et les bagues qu'il donne a ses espouses..

  A013000380 

 Les medecins m'ont tant crié de ne point escrire sitost apres ma maladie que, pour obeir, je vous ay escrit par la main d'autruy.

  A013000397 

 Mais si la providence de Dieu l'exigeoit pour sa gloire et vostre salut, elle sçaura bien faire naistre les occasions encor que nous ne les voyons pas, et les fera sortir de quelque lieu auquel nous ne pensons pas.

  A013000398 

 Les medecins m'ont fort defendu d'escrire de ma main au sortir de cette maladie; c'est pourquoy j'ay employé la main d'autruy jusques icy, adjoustant de la mienne que vous vous resouvenies de ce que je vous ay tant recommandé, et que, le faysant, vous feres chose qui aggreera plus a Dieu que si, sans le faire, vous donnies vostre vie au martyre; parce que Dieu veut l'obeyssance beaucoup plus que le sacrifice.

  A013000400 

 O ma tres chere Dame, ma bonne Seur, cette vie est courte, les recompenses de ce qui s'y fait sont eternelles.

  A013000411 

 Dieu donques nous en veuille donner des plus grandes, mais qu'il luy playse nous donner des grandes forces pour les porter.

  A013000426 

 Et je vous dis, qu'encor que je n'aye pas connoissance des actions que vous faites en mon absence, car je ne suis pas prophete, je pense toutefois que, pour le peu de tems que je vous ay veuë et ouÿe, il n'est pas possible de mieux connoistre vos inclinations et les ressortz d'icelles que je fay, et m'est advis qu'il y a peu de replis dans lesquelz je ne penetre bien aysement; et pour peu que vous m'ouvries la porte de vostre esprit, il me semble que j'y voy tout a descouvert.

  A013000428 

 Il faut que, petit a petit et pied a pied, nous nous acquerions cette domination pour la conqueste de laquelle les Saintz et les Saintes ont employé plusieurs dizaines d'annees.

  A013000429 

 Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de presenter et representer a Dieu [19] vostre neant et vostre misere? C'est la plus belle harangue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulceres et necessités.

  A013000430 

 Les arbres ne fructifient que par la presence du soleil, les uns plus tost et les autres plus tard, les uns toutes les annees et les autres de trois en trois, et non pas tous-jours esgalement.

  A013000430 

 Nous sommes bien heureux de pouvoir demeurer en la presence de Dieu, et contentons nous qu'elle nous fera porter nostre fruit ou tost ou tard, ou tous les jours ou par fois, selon son bon playsir auquel nous devons pleynement nous resigner..

  A013000431 

 La Mere Therese que vous aymes tant, dont je me res-jouys, dit en quelque endroit que bien souvent nous disons de telles paroles par habitude et certaine legere apprehension, et nous est advis que nous les disons du fond de l'ame, bien qu'il n'en soit rien, comme nous descouvrons par apres en la prattique.

  A013000432 

 Il faut regarder ce que Dieu veut, [20] et, le reconnoissant, il faut s'essayer de le faire gayement, ou au moins courageusement; et non seulement cela, mais il faut aymer cette volonté de Dieu et l'obligation qui s'en ensuit en nous, fust ce de garder les pourceaux toute nostre vie et de faire les choses les plus abjectes du monde; car, en quelle saulse que Dieu nous mette, ce nous doit estre tout un.

  A013000433 

 Entre ceux qui sont ou courroucés ou mescontens, il y en a qui tesmoignent leurs desplaysirs seulement en disant: Mon Dieu, que sera cecy? et les autres disent des paroles plus cuisantes et qui ne tesmoignent pas seulement un simple mescontentement, mais une certaine fierté et despit.

  A013000433 

 Je veux dire qu'il faut petit a petit amender ces demonstrations, les faysant moindres tous les jours..

  A013000433 

 Mais, particulierement vous deves combattre pour empescher les demonstrations exterieures de la repugnance interieure que vous aves, ou au moins les rendre plus douces.

  A013000434 

 Mais, Madame, il faut que je confesse la verité: je crains perpetuellement, en ces desirs qui ne sont pas de l'essence de nostre salut et perfection, qu'il ne s'y mesle quelque suggestion de l'amour propre et de nostre propre volonté; comme, par exemple, que nous nous amusions tant a ces desirs qui ne nous sont pas necessaires, que nous ne laissions pas asses de place en nostre esprit pour les desirs, qui nous sont plus requis et plus utiles, de nostre propre humilité, resignation, douceur de cœur et semblables; ou bien, que [21] nous ayons tant d'ardeur en ces desirs, qu'ilz nous apportent de l'inquietude et de l'empressement, et en fin, que nous ne les sousmettions pas si parfaittement au vouloir de Dieu qu'il seroit expedient..

  A013000434 

 Quant au desir que vous aves de voir les vostres fort advancés au service de Dieu et desir de la perfection chrestienne, je le loue infiniment, et comme vous souhaittes, j'adjousteray mes foibles prieres aux supplications que vous en faites a Dieu.

  A013000435 

 Il faut donques, et par exemples et par paroles, semer parmi eux tout bellement des choses qui les puissent induire a vostre dessein, et, sans faire semblant de les vouloir instruire ou gaigner, jetter petit a petit des saintes inspirations et cogitations dedans leur esprit.

  A013000444 

 Que le lict de vostre douleur est bien meilleur que le lict des delices, el que je l'honnore du fons de mon ame! Il me sera advis, en l'imagination [que] j'en feray souvent, de vous voir presser cette croix sur vostre cœur, et dire au [Sauveur crucifié,] comme saint Pierre: [Hé, Seigneur, ] non seulement les jambes, mais ....

  A013000456 

 Vous m'obligés infiniment d'employer, comme vous faites, toutes les occasions qui se presentent a vous pour m'escrire; car j'ay tous-jours beaucoup de consolation a [23] recevoir de vos nouvelles.

  A013000471 

 Mon mal aussi fut peu de chose, s'il me semble; mais les medecins, qui croyoyent que j'estois empoisonné, donnerent tant de crainte a ceux qui m'ayment, qu'il leur estoit advis que je leur eschappois des mains.

  A013000471 

 Vous aures des-ja sceu toutes les nouvelles de ma guerison, laquelle est si entiere que j'ay presché le Caresme tout entierement.

  A013000472 

 J'ay sans doute une extreme compassion a vos souffrances, et les recommande souvent a Nostre Seigneur affin qu'il vous les rende utiles et qu'au sortir d'icelles on puisse dire de vous, comme il fut dit du bon homme Job: En toutes ces choses il ne pécha onques, mays il espera en son Dieu..

  A013000473 

 Comme la rose est entre les espines, ainsy ma bienaymee est entre les filles.

  A013000474 

 Et bien, ma tres aymee Fille, sur ce lict la vous aures descouvert les imperfections de vostre ame.

  A013000474 

 Et pourquoy, je vous prie, plustost la qu'ailleurs, sinon parce qu'ailleurs elles demeurent dedans l'ame et la elles sortent dehors? L'agitation de la mer esmeut tellement toutes les humeurs, que ceux qui entrent sur icelle pensans n'en avoir point, ayant un peu vogué, connoissent bien qu'ilz en sont pleins, par les convulsions et vomissemens que ce bransle desreglé leur excite.

  A013000477 

 Nous voudrions prier dans l'eau de naffe et estre vertueux a manger du sucre, et nous ne regardons point au doux Jesus qui, prosterné en terre, sue sang et eau de destresse pour l'extreme combat qu'il sent en son interieur, entre les [28] affections de la partie inferieure de son ame et les resolutions de la superieure..

  A013000477 

 Si nous n'avons pas les tendretés ou attendrissemens de cœur, les goustz et sentimens en l'orayson, les suavités interieures en la meditation, nous voyla en tristesse; si nous avons quelque difficulté a bien faire, si quelque difficulté s'oppose a nos justes desseins, nous voyla empressés a vaincre tout cela et nous en desfaire avec de l'inquietude.

  A013000480 

 C'est bien estre Prince de paix que d'estre en paix parmi la guerre et vivre en douceur parmi les amertumes..

  A013000480 

 Dequoy Nostre Seigneur nous donna l'exemple au Jardin; car, tout accablé d'amertume interieure et exterieure, tout son cœur se resigna doucement en son Pere et en sa divine volonté, disant: Mais vostre volonté soit faite et non la mienne, et ne laissa pour toutes ses angoisses de venir troys fois voir ses disciples et les admonester.

  A013000480 

 Mais tout ce desbattement d'esprit n'est pourtant pas sans paix, lhors qu'en fin, accablés de cette detresse, nous ne laissons pas pour cela de tenir nostre volonté resignee en celle de Nostre Seigneur et la tenons la, clouee sur ce divin bon playsir, ni ne laissons nullement nos charges et l'exercice d'icelles, mays les executons courageusement.

  A013000481 

 La troysiesme, c'est que toutes les pensees qui nous rendent de l'inquietude et agitation d'esprit ne sont nullement de Dieu, qui est Prince de paix; ce sont donq des tentations de l'ennemy, et partant il les faut rejetter et n'en tenir conte..

  A013000483 

 Si j'avois icy mes papiers, je vous envoyerois un traitté que je fis a Paris pour ce sujet en faveur d'une fille spirituelle et Religieuse d'un digne monastere, qui en avoit besoin et pour soy et pour les autres.

  A013000484 

 Et quant a l'exterieur, j'appreuverois que tous les jours vous fissies [31] quelque acte d'humilité, ou de paroles ou d'effect; j'entens de paroles qui sortent du cœur.

  A013000484 

 L'humilité fait que nous ne nous troublons de nos imperfections, nous resouvenans de celles d'autruy; car pourquoy serions nous plus parfaitz que les autres? et, tout de mesme, que nous ne nous troublons point de celles d'autruy, nous resouvenans des nostres; car pourquoy treuverons nous estrange que les autres ayent des imperfections, puisque nous en avons bien? L'humilité rend nostre cœur doux a l'endroit des parfaitz et imparfaitz: a l'endroit de ceux la par reverence, a l'endroit de ceux ci par compassion.

  A013000484 

 L'humilité nous fait recevoir les peynes doucement, sçachant que nous les meritons, et les biens avec reverence, sçachant que nous ne les meritons pas.

  A013000485 

 Ne vous fasches pas de demeurer au lict sans meditation; car endurer les verges de Nostre Seigneur n'est pas un moindre bien que mediter.

  A013000486 

 Ma chere Fille, vous m'escrives que vous estes par tout la cadette; mays vous vous trompés, les fruitz que j'espere de vous estans plus grans que de nulle autre.

  A013000486 

 Mays vous sçaves le rendes vous de nos cœurs: la ilz se peuvent voir les uns les autres malgré la distance des lieux..

  A013000488 

 Et ne faut nullement donner aucune alarme de rien qui se passe, affin que les benedictions du Ciel viennent en nostre terre comme la rosee sur l'herbe, que l'on voit descendue avant que de s'en appercevoir; et ainsy faut-il conduire imperceptiblement tout vostre dessein jusques au comble de sa perfection.

  A013000489 

 Quant a cet autre bon Pere, j'appreuve que vous l'oyes et l'escouties, et qu'encores vous vous prevalies de ses conseilz en les executant; mais non en ce qu'ilz se treuveront contraires aux projetz que nous avons faitz de suivre en tout et par tout l'esprit de suavité et de douceur, et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur.

  A013000490 

 C'est pourquoy il est expedient d'oster peu a peu les particularités et rendre les [33] necessités et commodités communes et esgales entre les Seurs, et ainsy faire manquer les farines d'Egypte, avec la manne tombee dans vostre desert*..

  A013000490 

 Non, ma chere Fille, je n'ay jamais creu qu'il fust a propos que les Religieuses eussent aucune chose en particulier, tant qu'il sera possible; mays je peux avoir dit que, tant que les Superieures le permettent, les particulieres peuvent user de cette liberté la, avec preparation d'esprit de tout quitter et mettre en commun quand les Superieures l'ordonneront.

  A013000491 

 Ma mere, qui vous offre tout son service et celuy de tous les siens, continue au desir qu'elle avoit d'avoir l'honneur de voir ma seur aupres de vous.

  A013000492 

 Je ne suis nullement tendre et douillet en cet endroit, et particulierement avec les ames, l'amitié desquelles est enracinee sur le mont de Calvaire avec la Croix de Nostre Seigneur..

  A013000493 

 La pauvrette est de la seconde sorte: languissante sous les melancholies et embarrassemens de diversités de foiblesse, qui semblent accabler sa vertu; il faut l'ayder tant qu'on pourra et laisser le reste a Dieu..

  A013000493 

 Oh que nostre saint Bernard dit divinement bien que l'office de la charge des ames ne regarde pas les ames fortes, car celles la vont a leur propre pied; mays il regarde les ames foibles et languissantes, lesquelles il faut porter et supporter sur les espaules de la charité, laquelle est toute puissante.

  A013000505 

 Je vis en perpetuelle apprehension de son mal qu'il n'empire, et en recommande a Dieu les remedes autant qu'il m'est possible.

  A013000520 

 Vous m'aves infiniment consolé a m'escrire si souvent comme vous aves fait; de mon costé, je n'ay jamais manqué de vous escrire par toutes les commodités qui s'en sont presentees.

  A013000522 

 Pour vous, ma chere Seur, je vous ay des-ja dit en une autre lettre que non seulement j'appreuvois le choix que vous avies fait d'iceluy pour estre vostre confesseur, mais que je m'en consolois; et vous disois que vous pourres apprendre de luy ce qui sera convenable touchant les aumosnes et autres charités que vous voules et deves faire.

  A013000523 

 Affermissés tous les jours de plus en plus la resolution que vous aves prise avec tant d'affection de servir Dieu selon son bon playsir et d'estre tout entierement sienne, sans vous rien reserver pour vous ni pour le monde.

  A013000523 

 Embrassés avec sincerité ses saintes volontés, quelles [38] qu'elles soyent, et ne pensés jamais avoir atteint a la pureté de cœur que vous luy deves donner, jusques a ce que vostre volonté soit non seulement du tout, mais en tout, et mesme es choses plus repugnantes, librement et gayement sousmise a la sienne tres sainte; regardant a ces fins, non le visage des choses que vous feres, mais Celuy qui vous les commande, qui tire sa gloire et nostre perfection des choses les plus imparfaittes et chetifves, quand il luy plaist..

  A013000539 

 Le jour sera le samedi suivant l'Ascension, affin que je vous puisse donner les quatre ou cinq jours suivans francs et libres, avant que la feste de Pentecoste arrive, en laquelle il faut necessairement que je vienne icy a Neci pour faire l'Office et mon devoir.

  A013000541 

 Fouillés tous les replis et voyés tous les ressors de vostre ame, et considerés tout ce qui aura besoin d'estre ou rabillé ou remis.

  A013000542 

 En ce qui regarde les ennuys des tentations de la foy ne vous y amuses pas, mais attendes que vous soyes icy, car ce sera bien asses tost.

  A013000559 

 C'est que les parroisses d'Armoy, Reyvre, Draillans, Tonnay sont entierement desprouveües de pasteurs, n'ayant autre assistence que d'une Visitation toutes les semaynes, que les plus voysins curés y font.

  A013000559 

 Or, Monsieur, il n'est possible que de cette privation de gens d'Eglise, il n'arrive beaucoup d'inconveniens, et seroit bien plus raysonnable [43] que messieurs les Chevaliers de Saint Maurice fussent sans biens ecclesiastiques que non pas que les peuples fussent destituëes (sic) de l'office requis a leur salut..

  A013000560 

 Il y a encor plusieurs autres parroisses qui ne sont pas assorties de leurs besoins, comme Thounon, qui n'a point de curé, ains seulement des vicaires; Ivoire en est de mesme et quelques autres, a quoy messieurs les Chevaliers sont tenus de fournir et prouvoir quant aux portions congrues, comme moy quant aux personnes.

  A013000561 

 Il sera requis que tout de mesme, sur chacun d'iceux, on prenne des portions congrues pour les curés, affin que le service pour lequel les biens furent mis en l'Eglise, ne soit pas du tout delaissé; et si en ce commencement cela ne se fait, il sera par apres malaysé de le faire, d'autant que la douceur de la possession rendra les commendeurs difficiles a lascher..

  A013000561 

 Les mesmes sieurs Chevaliers commencent a prendre possession de certaines autres commendes nouvellement erigees sur des prieurés et benefices ecclesiastiques.

  A013000562 

 Il y a quelques honnestes personnes qui veulent revenir a l'Eglise et quitter l'heresie, et desireroyent a cet effect quelques petites faveurs de Vostre Excellence, laquelle, pour ce regard, en entendra les particularités du porteur et luy en dira ses volontés..

  A013000590 

 La mere, au contraire, les esleve, par ce que c'est sur ceux de son Poupon.

  A013000590 

 Les vierges ne levent les yeux que pour voir ceux de leur Espoux, et les vefves les baissent, si ce n'est pour avoir le mesme honneur..

  A013000590 

 Voyés la fille, comme elle tient les yeux baissés: c'est par ce qu'elle ne peut regarder ceux de l'Enfant.

  A013000591 

 Je pense que ce sont les actions de sainteté des vertus humbles et basses, qu'elle veut donner a son mignon tout aussi tost qu'elle l'aura entre ses bras..

  A013000593 

 Tendés les yeux et les bras a l'Enfant; sa Mere, vostre Abbesse, vous le donnera a vostre tour, et luy tres volontier s'inclinera a vous et vous benira glorieusement.

  A013000604 

 Neantmoins, par tout deça les monts, ou les dioceses sont extremement grandes et embroulliees, la coustume porte que les Evesques puissent deputer digniorem sacerdotem; com'il est expressement declairé in Institutione Parrochorum Petri de Villars, Metropolitani nostri, a l'authorité duquel [48] je m'arreste non seulement par ce qu'il est nostre superieur, mais par ce quil est tres-docte et grand personnage.

  A013000607 

 Il nous est arrivé une fascheuse nouvelle de la revolte et reddition de la ville d'Anvers entre les mains du comte Maurice.

  A013000609 

 Il y a quinze jours quil se tint une conference a Dijon entre un Pere Jesuiste et l'un des plus habiles ministres [49] qui soit en France, ou le Jesuiste feit si excellemment, que le ministre, ne pouvant supporter les efforts du combat, demeurast pasmé sur la place, avec une tres-grande confusion..

  A013000624 

 J'oubliay de vous dire, ma chere Fille, que si les oraysons de saint Jan, de saint François et les autres que vous dites, vous donnent plus de goust en françois, je suis bien content que vous les recities comme cela.

  A013000625 

 Je veux que nous les appellions jours de nostre dedicace, puisqu'en iceux vous aves si entierement dedié vostre esprit a Dieu..

  A013000625 

 Je veux, ma Fille, que nous celebrions toutes les annees les jours anniversaires de ceux ci, par l'addition de quelques particuliers exercices a ceux qui nous sont ordinaires.

  A013000639 

 En un mot, estant aggreables a Dieu et reconneuës pour cela, a qui doivent elles estre desaggreables? Prenés garde, ma tres chere Fille, a vous rendre tous les jours plus pure de cœur.

  A013000639 

 Or, cette pureté consiste a priser toutes choses et les peser au poidz du sanctuaire, lequel n'est autre chose que la volonté de Dieu..

  A013000640 

 Ce n'est pas le propre des roses d'estre blanches, ce me semble, car les vermeilles sont plus belles et de meilleure odeur; c'est neanmoins le propre du lys.

  A013000640 

 N'aymés rien trop, je vous supplie, non pas mesme les vertus, que l'on perd quelquefois en les outrepassant.

  A013000640 

 Soyons ce que Dieu veut, pourveu que nous soyons siens, et ne soyons pas ce que nous voulons contre son intention; car, quand nous serions les plus excellentes creatures du Ciel, dequoy nous serviroit cela, si nous ne sommes pas au gré de la volonté de Dieu? Je redis a l'adventure trop cela, mais je ne le diray plus si souvent, puisque mesme Nostre Seigneur vous a des-ja beaucoup fortifiee en cet endroit..

  A013000653 

 Pour me tenir en possession de vous escrire a toutes les commodités qui s'en presenteront, je vous diray ces trois ou quatre choses lesquelles j'ay dittes a madame de Chantal nostre bonne seur, mais non pas si clairement quil ne soit encor utile de vous les representer icy.

  A013000654 

 Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame; il faut que ce soit la lumiere superieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson neanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les executions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales.

  A013000654 

 Or, ma Fille, ni a-il pas moyen de dissoudre petit a petit ces difficultés? Il le faut sans doute, et procurer d'avoir une vraye simplicité chrestienne, delaquelle le principal effect consiste a naifvement se declairer en confession, et bien plus encores; car je ne doute point qu'un jour Dieu vous fera la grace d'estre si humble que vous desireres que non seulement vos peres spirituelz, mais les autres aussi sachent toutes vos imperfections.

  A013000678 

 Ne voyes vous pas que l'on n'esmonde point les vignes a coups de coignee, mais que l'on les coupe avec la serpe doucement et sarment apres sarment? J'ay veu telle piece de sculpture que le maistre a manié dix ans avant qu'elle fust parfaitte, et n'a jamais cessé d'en lever avec le ciseau et le burin, et petit a petit, tout ce qui empeschoit la juste proportion.

  A013000678 

 Ouÿ vrayment, Madame, il faut aller tout bellement a retrancher de nostre vie les superfluités et mondanités.

  A013000701 

 Je ne mesure rien a cett'aulne-la; mon aulne c'est la canne d'or avec laquelle les Anges mesurent le pavé de la Hierusalem spirituelle.

  A013000701 

 Non, ma Fille, je ne crain (sic) point les liens et chaisnes qui m'obligeront a vous, car le grand lien spirituel me serre si fort, que tous les autres me semblent des filetz d'araignees en comparayson.

  A013000703 

 Je m'attendois a sçavoir par vostre lettre, ou vostre inclination vous portoit pour la confession; c'est a dire, si vous receviés pas a plein cœur les advis de monsieur Viardot, si vous y avies pas de la confiance.

  A013000705 

 Les Novices doivent porter le voile selon la difference de leurs habitz avec les vostres.

  A013000705 

 Ma chere Fille, tenes les yeux sur Jesuschrist qui vous a appellee a cette sainte œuvre; faites tout pour l'amour de luy.

  A013000709 

 Item, je vous avois escrit que les Dames pouvoyent, au tems de la recreation, chanter des cantiques spirituelz en françois, selon leur disposition; et je l'ay, du despuis, treuvé de mesme en la Mere Therese..

  A013000709 

 J'ay marqué en l'advis que je donne, les Heures canoniques selon que nous les disons en nostre cathedrale, hormis Matines, qui sont tous-jours dites a 9 heures du [62] soir; et toutes les mesmes Heures se sont treuvees marquees en mesme sorte es Constitutions de la Mere Therese.

  A013000720 

 Courant je vous escris ces quattre motz pour très humblement vous saluer et presenter mon advis sur les articles de la reformation de nostre Puis d'Orbe.

  A013000735 

 Je vous escriray dans peu de jours par le Gardien des Cordeliers d'Aoustun qui doit venir a Lion au jour de saint Bonaventure; je luy envoyeray mes lettres pour les vous faire tenir..

  A013000753 

 Mais je dois, nonobstant cett'asseurance, me resouvenir moy mesme de vous supplier humblement, comme je fay, pour les necessités de nos cures de Chablaix et Gaillart, destituees de pasteurs faute de moyens, suivant ce que vous pristes la peyne d'en apprendre estant a Thonon.

  A013000754 

 Et permettes moy, Monsieur, je vous en supplie, que je vous resouvienne de ce quil vous pleut m'accorder pour mon particulier, qui est, qu'estant a Chamberi, vous me feries lhonneur de considerer, si pour n'avoir pas voulu accorder des excommunications en matiere criminelle et contre les Canons, il est raysonnable que le temporel de l'evesché ou celuy du vicaire soit saysi....

  A013000765 

 Vous termineres par ce moyen les importunités que vous recevés de nostre sollicitation et les incommodités que nous recevons de la retardation du payement, et vous nous obligeres encor de plus fort a vostre service, sur tout moy qui, priant Nostre Seigneur pour vous, me prometz un'entiere asseurance de vostre amitié et suis, Monsieur,.

  A013000781 

 Il n'est pas de besoin que vous en recherchies ni le jour ni les occasions; mais s'il se presente, je veux que vous y porties vostre cœur doux, gracieux et compatissant.

  A013000781 

 Je suis passionné, quand je voy les graces que Dieu me fait, apres tant d'offences que j'ay commises..

  A013000781 

 Ouy, mais que dit l'Escriture? Qu'a l'un et a l'autre il leva les yeux au ciel.

  A013000802 

 Alors, Très Saint Père, vous étiez par le cardinalat, tout proche de la dignité pontificale, tandis que moi-même, en qualité de Prévôt de cette Eglise, je négociais auprès du Saint-Siège; il s'agissait de faire restituer au culte catholique les églises que les hérétiques, à la suite d'une très longue occupation, avaient ruinées.

  A013000802 

 Je le dois à cette province; ballottée en tous sens et presque broyée sous les violences orageuses de l'hérésie, elle a conçu les plus grandes espérances depuis qu'elle a découvert votre charité prévoyante.

  A013000802 

 Je le dois à tous les fidèles de Rome et de l'univers qu'embaume si suavement l'odeur de vos vertus.

  A013000802 

 Mais, Très Saint Père, aujourd'hui que le zèle de tous les grands s'est satisfait et qu'il s'est un peu ralenti, je ne puis plus me taire; je ne puis refuser de proclamer quelle heureuse nouvelle a été l'annonce de votre élévation, et comment tout ce diocèse en a ressenti, avec moi, la plus vive allégresse.

  A013000803 

 Aussi, nous n'en pouvons douter, outre la sollicitude que vous avez de l'universalité des Eglises, vous voudrez aider d'une particulière assistance au relèvement de ce diocèse, qui, plus que les autres, a subi de la part des hérétiques les pires des vexations; et cette assistance sera d'autant plus féconde que vous exercez de plus haut sur nous votre prééminence.

  A013000803 

 Le cœur, cet organe principal du corps humain, fait affluer d'ordinaire avec plus de force, vers les régions affaiblies, le cours bienfaisant de ses esprits vitaux.

  A013000804 

 Et si le trône de Votre Sainteté devait être édifié avec les vêtements de vos sujets, comme le fut, d'après l'Ecriture, le premier trône de Jéhu, en toute hâte je prendrais mes habits, je les étendrais sous vos pieds, je sonnerais de la trompette et je m'écrierais: Que Paul V soit roi! Vive le Pontife suprême que le Seigneur a sacré sur Israël, le peuple de Dieu!.

  A013000804 

 Prosterné jusqu'à terre, incliné jusqu'à vos pieds, je les baise avec un très humble respect.

  A013000826 

 Tous les vostres de deça se portent bien, mais nul ne sçait que je vous escrive.

  A013000851 

 Je confesse la verité: nul soin que j'aye en cette charge ne mord si souvent mon esprit comme celuy-la, et sur tout pour le regard de ces cinq ou six parroisses qui n'ont nul curé; entre lesquelles, Tonnay, qui est sur les portes de Geneve, est digne d'un bon et prompt secours..

  A013000851 

 Mais je ne lairray pas de vous supplier, Monsieur, de faire appeller par devant vous le sieur chevalier Bergeraz, et de me marquer le jour et le lieu auquel je me rende ensemblement pres de vous, pour, par vostre authorité, terminer une bonne fois les portions necessaires a l'entretenement du service de Dieu es eglises des balliages.

  A013000860 

 Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les mons..

  A013000871 

 Je suis tous-jours en peyne de sçavoir si vous aures encor point rencontré de personnage propre pour la conduire de cette trouppe d'ames, qui, sans doute, ne peut autrement estre qu'avec beaucoup de troublement et d'inquietudes, qui sont des herbes qui croissent volontier dans les monasteres mal cultivés, et principalement en ceux des filles.

  A013000880 

 Je ne suis pas si tendre maintenant; les douleurs de l'enfantement me sont passees.

  A013000881 

 O ma Fille, il me semble que je vous ay une bonne fois enfantee sur les genoux de la belle Rachel, de nostre tres chere et sacree Abbesse: elle vous a prise a soy; pour moy, je n'en ay plus le soin principal.

  A013000881 

 Rachel, ne pouvant avoir des enfans, donna en mariage pour sa seconde a son mary la bonne fille Bala (en ce tems la, il estoit permis d'avoir plusieurs femmes pour multiplier le peuple de Dieu), et Bala enfantoit sur les [80] genoux de Rachel; dont Rachel prenoit les enfans a soy et les tenoit pour siens, si que Bala, sa seconde, n'en avoit plus de soin, au moins, elle n'en avoit pas le plus grand soin.

  A013000884 

 Cela ne l'avança ni recula du Saint Sacrement; elle ne laissa pas d'estre aussi tost que les autres a l'eglise..

  A013000884 

 Courés dedans les barrieres, puisqu'on les a mises; vous ne laisseres pas [81] d'emporter la bague, et plus seurement.

  A013000884 

 Je vis dernierement une vefve a la suite du Saint Sacrement, et ou les autres portoyent des grans flambeaux de cire blanche, elle ne portoit qu'une petite chandelle, que peut estre elle avoit faite; encores, le vent l'esteignit.

  A013000884 

 Ne vous efforces point, ne vous mettes point en peyne vous mesme, puisque vous me parles comme cela: apres les pluyes, le beau tems.

  A013000887 

 Je vous dis que vous pouvies voir les huguenotz; je dis maintenant: ouy, voyés-les, mais rarement, et soyés courte et retroussee avec eux, neanmoins douce et reluisante en humilité et simplicité.

  A013000887 

 Le filz de vostre bonne Maistresse escrivoit un jour a la devote Maxime, sa bonne fille spirituelle, et il luy dit presque ces paroles: Soiés avec les heretiques simple et gracieuse comme une colombe a leur parler, ayant compassion de leurs malheurs; soyés prudente comme le serpent a bien tost vous glisser hors de leur compaignie aux rencontres, aux occasions et encor par maniere de quelque rare visite.

  A013000888 

 Ouy, ma Fille, j'appreuve que vous marquies les mouvemens interieurs qui vous auront porté aux imperfections et defautz, pourveu que cela ne vous inquiete point.

  A013000888 

 Pour vos pensees, il n'est pas requis de s'amuser a celles qui ne font que passer, mais seulement a celles lesquelles, comme font les abeilles, vous laisseront leurs germes et esguillons dans leurs piqueures..

  A013000889 

 Jamais plus de suavité, plus de douceur, jusques a hier que les nuages le couvrirent; et maintenant, que je reviens de la sainte Messe, tout est serein et clair.

  A013000889 

 Je feray tous les jours mieux, Dieu aydant; au moins j'en ay la volonté..

  A013000890 

 Je ne vous diray rien de la grandeur de mon cœur en vostre endroit, mais je vous diray bien qu'elle demeure bien loin au dessus de toute comparayson; et cette affection est blanche plus que la neige, pure plus que le soleil: c'est pourquoy je luy ay lasché les resnes pendant cette absence, la laissant courir de son effort.

  A013000893 

 Je souhaitte mille graces a vos petitz et petites, lesquelz je tiens pour miens en Nostre Seigneur: ce sont les paroles du filz de vostre Maistresse, escrivant a Italica, sa fille spirituelle.

  A013000904 

 Que je les souhaite saintes, ma chere Dame, et sortables aux graces que Dieu vous a faites.

  A013000922 

 Il me reste a vous respondre a celle de cette date la, puisque par les precedentes j'ay respondu a toutes les autres..

  A013000922 

 Vous aves maintenant en main, je m'en asseure, ma Fille, les trois lettres que je vous ay escrittes et que vous n'avies pas encor receuës quand vous m'escrivistes le second aoust.

  A013000923 

 Vous ne leur repliques pas, voyla bon, ma Fille; mais vous y penses trop, mais vous les craignes trop, mais vous les apprehendes trop: elles ne vous feroyent nul mal sans cela.

  A013000924 

 Croyés-moy, ne craignés point les tentations, ne les touchés point, elles ne vous offenceront point; passés outre et ne vous y amuses pas..

  A013000924 

 Je voulus y porter la main et les oster.

  A013000924 

 Non, ce me dit un paisan, n'ayés point peur et ne les touchés point, et elles ne vous piqueront nullement; si vous les touchés, elles vous mordront.

  A013000925 

 J'y ay bien eu de la peyne a ce voyage, et un terrible embarrassement, et parce que c'estoit pour les choses temporelles et provisions des eglises, j'y ay esté fort empesché; mais Dieu y a mis une tres bonne fin par sa grace, et encores s'y est il fait quelque peu de fruit spirituel.

  A013000928 

 L'Apostre saint Paul en souffre de terribles et Dieu ne les luy veut pas oster, et le tout par amour.

  A013000928 

 Soyés toute resolue que toutes les tentations d'enfer ne sauroyent souiller un esprit qui ne les ayme pas; laissés les donq courir.

  A013000928 

 Vous apprehendes trop les tentations; il n'y a que ce mal.

  A013000929 

 Vivés, ma chere Fille, avec le doux Jesus et vostre sainte Abbesse, parmi les tenebres, les cloux, les espines, les lances, les derelictions, et, avec vostre Maistresse, vivés long tems en larmes, sans rien obtenir; en fin Dieu vous resuscitera et vous res-joüyra, et vous fera voir le desir de vostre cœur.

  A013000944 

 Aspires y perpetuellement par les courtz mais vifz eslancemens de vostre esprit a son saint amour, desquelz je vous ay souvent parlé..

  A013000959 

 Elle n'ayme que les lieux approfondis par humilité, avilis par simplicité, eslargis par charité; elle se treuve volontier aupres de la cresche et au pied de la Croix; elle ne se soucie point si elle va en Egypte, hors de toute recreation, pourveu qu'elle ayt son cher Enfant avec elle..

  A013000961 

 Non, nous n'avons pas encor les bras asses larges pour atteindre aux cedres du Liban, contentons nous de l'hyssope des.

  A013000961 

 Nous y verrons des roses entre les espines, la charité qui esclatte parmi les afflictions interieures et exterieures; les lys de pureté, les violettes de mortification, que sçai-je moy? Sur tout j'ayme ces trois petites vertus: la douceur de cœur, la pauvreté d'esprit et la simplicité de vie; et ces exercices grossiers: visiter les malades, servir aux pauvres, consoler les affligés et semblables; mais le tout sans empressement, avec une vraye liberté.

  A013000974 

 Nous parlons de la closture; mais j'y suis bien a bon escient, et nos montaignes sont les murailles de mon monastere, et la malice de nostre aage sert de portier qui m'empesche de sortir.

  A013000974 

 Vous exclames de desir de me revoir; mais croyes-moy, ma Fille, mon cœur en pousse des clameurs bien fortes devant Dieu; s'il les exauce, sans doute je vous reverray plus tost que les circonstances de ma charge ne me le promettent pas.

  A013000975 

 Non, ma Fille, demeurés ferme (mais je vous l'ordonne au nom de nostre Maistre), demeurés ferme a ne point dire vos Heures ni l'Office, tant que les medecins vous diront que le recit vous seroit dommageable.

  A013000991 

 Tout aussi tost que nostre bon Dieu mit en l'esprit de madame vostre Abbesse la confiance qu'ell'a au mien, et qu'avec tant de volonté, ell'eut embrassé le dessein de restablir la discipline religieuse en son Monastere, je me sentis aussi tout soudainement lié et voué a vostre service, et commençai a vous souhaiter toutes les benedictions du Ciel, lesquelles je ne doutois point vous devoir bien tost arriver par la disposition en laquelle je voyois vostre teste, et celle en laquelle, par son recit, je vous voyois aussi toutes; car elle me dit tant de louables qualités de vostre bon naturel, que je m'en promis aysement les beaux et dignes effectz desquelz vous jouisses maintenant avec elle, et je m'en res-jouis extremement avec vous..

  A013000993 

 Il gousta de l'un et treuva les figues si estrangement ameres quii fut contraint de s'escrier: O les mauvaises figues, mais tres mauvaises.

  A013000993 

 Il gousta soudainement de l'autre, et treuva les figues si excellemment douces quil exclama: O les bonnes figues, mais tres bonnes.

  A013000994 

 Il me semble que je voÿe escrire vos noms au Ciel, et qu'on adjouste que vous estes les meres de plusieurs autres qui, apres vous et a vostre imitation, embrasseront la Croix en vostre Monastere.

  A013000995 

 Que l'Abbesse est heureuse d'avoir treuvé des cœurs si disposés au bien que Dieu luy avoit inspiré de procurer; que les Religieuses sont heureuses de s'estre rencontrees en un tems auquel leur Abbesse devoit faire tel dessein.

  A013000995 

 Quel bonheur de vous voir, comme seurs en une table, repaistre et l'interieur et l'exterieur d'une mesme tressainte viande; de vous voir au chœur, les yeux couvertz au monde et ouvers a Dieu; de vous voir, avec cett'humilité et renoncement de vous mesme, obeir aux volontés de celle que Dieu vous a donnee pour conductrice en ce voyage de perfection.

  A013000996 

 Ayes aggreable l'affection qui le pousse a vos yeux, et croyes, je vous supplie, que je ne cesseray jamais d'implorer de la misericorde de Dieu les graces qui vous sont requises, pour le saint accomplissement de cette sainte besoigne que vous aves si heureusement commences avec madame vostre Abbesse.

  A013001004 

 Mesdames les Religieuses du Puy [d'Orbe.].

  A013001014 

 Il estoit couché parmi les obscures tenebres, en un lieu fort affreux: il sentit des grans espouvantemens, mais ce fut pour peu, car soudain il vit une clairté de feu et ouyt la voix de Dieu qui luy promit ses benedictions.

  A013001015 

 Allons, allons tout le long de ces basses vallees; vivons la croix entre les bras, avec humilité et patience.

  A013001015 

 Et fermés les yeux a tout respect que vous pourries porter a mon repos, lequel, croyés-moy, je ne perdray jamais pour vous, pendant que je vous verray ferme de cœur au desir de servir nostre Dieu, et jamais, jamais, s'il plait a sa Bonté, je ne vous verray qu'en cette sorte la.

  A013001015 

 Que nous importe-il que Dieu nous parle parmi les espines ou parmi les fleurs? Mais je ne me resouviens pas qu'il ayt jamais parlé parmi les fleurs, ouy bien parmi les desertz et halliers plusieurs fois.

  A013001016 

 Je voyois l'autre jour les abeilles qui demeuroyent a recoy dans leurs ruches parce que l'air estoit embrouillé; elles sortoyent de fois a autre voir que c'en seroit, et neanmoins ne s'empressoyent point a sortir, ains s'occupoyent a repaistre leur miel.

  A013001016 

 O Dieu, courage! Les lumieres ne sont pas a nostre pouvoir, ni aucune autre consolation que celle qui depend de nostre volonté, laquelle estant a l'abry des saintes resolutions que nous avons faittes et pendant que le grand sceau de la chancellerie celeste sera sur vostre cœur, il n'y a rien a craindre..

  A013001017 

 Mon Dieu, que je lis avec beaucoup de consolation les parolles que vous m'escrivistes, que vous desiries de la perfection a mon ame presque plus qu'a la vostre: c'est une vraye fille spirituelle, cela.

  A013001030 

 Sans mentir, Monsieur, son desir est violent et qui sort d'un'ame vivement esprise de devotion et saysie de l'amour celeste, qui me fait croire que ce sera un grand dommage d'en empescher les effectz.

  A013001031 

 Dieu vous consolera plus en un jour, acquiesçant a sa volonté, que tous les enfans du monde ne feront en cent ans.

  A013001044 

 Les marques que j'ay reconneuës en vostre ame d'une sincere confiance en la mienne et d'une ardente affection [103] a la pieté, rendent mon cœur tout paternellement amoureux du vostre.

  A013001044 

 Or sus donq, ma bonne Fille, vous verres que nous ferons prou; car ce cher et doux Sauveur de nos ames ne nous a pas donné ces desirs enflammés de le servir, qu'il ne nous en donne les commodités.

  A013001044 

 Sans doute, il n'esloigne point l'heure de l'accomplissement de vos saintz souhaitz que pour vous la faire rencontrer plus heureuse; car voyés vous, ma tres chere Fille, cet amoureux cœur de nostre Redempteur mesure et adjuste tous les evenemens de ce monde a l'advantage des espritz qui, sans reserve, se veulent asservir a son divin amour..

  A013001045 

 Car il est vray, ma Fille, que nos fautes, lesquelles tandis qu'elles sont dans nos ames, sont des espines; sortant dehors par la volontaire accusation, elles sont converties en roses et parfums, d'autant que, comme nostre malice les tire dans nos cœurs, aussi c'est la bonté du Saint Esprit qui les pousse dehors..

  A013001045 

 Elle viendra donq, cette bonne heure que vous desires, au jour que cette Providence souveraine a nommé dans le secret de sa misericorde; et alhors, avec mille sortes de secrettes consolations, vous desployeres vostre interieur devant sa divine Bonté, qui convertira vos rochers en eau, vostre serpent en baguette, et toutes les espines de vostre cœur en roses et en roses odorantes, qui recreeront vostre esprit et le mien de leur suavité.

  A013001076 

 Et cette année, les bourgeois de Genève et ses habitants ont aussi abjuré en bon nombre leurs erreurs et fait profession de la sainte religion catholique entre mes mains.

  A013001076 

 J'y rencontre, il faut l'avouer, mon Révérend Père, bien de la peine et du travail, mais ce n'est pas sans mélange de consolation, puisque, par la grâce de notre bon Dieu, tous les jours je vois nombre d'âmes quitter l'hérésie pour rentrer dans le giron de la sainte Eglise.

  A013001076 

 Or, c'est moi, mon Père, qui suis l'homme en question, et de plus, je fis, il y a trois ans, un voyage à Paris pour les affaires de ce diocèse, [107] dont une partie se trouve sur les Etats du roi de France.

  A013001078 

 Avant que d'être en cette charge, il me fallut réfuter par écrit un livre que les ministres de Genève avaient publié contre l'honneur de la Croix.

  A013001092 

 C'est ainsy, Madame, qu'il faut faire: recueillir tous-jours avec humilité et consideration les [111] choses qui se disent au nom de Dieu, pour petites qu'elles soyent et quoy que le diseur soit peu de chose.

  A013001093 

 Je seray cependant tous les jours de ma vie,.

  A013001109 

 Ma chair fremit, mais mon cœur les adore.

  A013001110 

 A quel propos cela? Ouy, c'est a propos, ma si chere Fille, car j'adore de mesme affection les vostres, que je tiens pour miennes, et veux (au moins je vous en prie) que vous aymies les miennes de mesme cœur.

  A013001110 

 Mon Dieu, supportés la foiblesse de mes espaules et ne les chargés que de peu, pour seulement me faire connoistre quel pauvre soldat je serois, si je voyois les armees en front..

  A013001111 

 Que vos lettres m'ont consolé, ma chere Fille! je les voy pleines de bons desirs, de courage et de resolution.

  A013001113 

 Les nuitz nous sont des jours, quand Dieu est en nostre cœur, et les jours sont des nuitz, quand il n'y est point..

  A013001127 

 Le pied a l'estriet, pour aller a la visite ces six semaines qui sont entre ci et l'Advent, je vous remercie humblement du soin quil vous a pleu prendre pour les freres Rollans.

  A013001128 

 Il est vray que je voy bien l'incommodité que ces traynemens donne (sic) a vos affaires, dont je suys desplaysant; mais ce sont les princes qui espreuvent ainsy leurs plus fidelles, voulans encor en cela imiter l'Inimitable..

  A013001147 

 Je vous remercie infiniment de la lettre qu'il vous a pleu m'escrire, qui m'a donné un'extreme consolation, [117] et de sçavoir que vous aves souvenance de moy, et d'entendre les heureuses nouvelles du progres des monasteres de la sainte Mere Therese en nos Gaules; car, a la verité dire, j'ay une particuliere devotion et a la Mere et aux filles: dont je loue Dieu d'en voir ces nouvelles plantes a Dijon, ville qui m'est chere autant que si j'en estois.

  A013001169 

 Opprimé et accablé d'affaires en cette visite de mon diocese que je fay, je ne laysse pas de prier nostre bon Dieu tous les jours et luy offrir le saint Sacrifice, affin que vous ne soyes pas accablee des douleurs que vostre jambe vous apporte, ni des difficultés que nos saintes entreprinses ont et doivent avoir en ces commencemens.

  A013001170 

 Je sçai, ma chere Seur, que les petitz ennuys sont plus fascheux, a cause de leur multitude et importunité, que les grans, et les domestiques, que les estrangers; mais aussi je sçai que la victoire en est souventesfois plus aggreable a Dieu que plusieurs autres, qui, aux yeux du monde, semblent de plus grand merite..

  A013001170 

 Quel bonheur que sa divine Majesté vous veuille employer a son service non seulement agissant, mays patissant! Ayés soin de conserver la paix et la tranquillité de vostre cœur; laissés bruire et gronder les vagues tout autour de vostre barque et ne craignes point, car Dieu y est, et par consequent le salut.

  A013001171 

 A Dieu, ma chere Seur; on me ravit les lettres pour les emporter, et n'ay loysir que de me dire,.

  A013001181 

 Et partant, vous pourres prudemment [121] cesser de faire les visites personnelles, esquelles il y auroit une juste apparence de danger et contagion..

  A013001181 

 Il ne faut pas laisser de servir les malades es maux contagieux, mais il les faut servir prudemment, sans hazarder sa santé que le moins quil se peut, et sur tout quand avec nostre danger, celuy de nostre famille se treuve conjoint.

  A013001186 

 Non, je vous prie, ma Fille, ne violentes point vostre teste pour la faire franchir les barrieres; demeures tranquille en vostre orayson, et quand les distractions vous attaqueront, destournes-les tout bellement si vous pouves; sinon, tenes la meilleure contenance que vous pourres, et laisses que les mouches vous importunent tant qu'elles voudront, pendant que vous parles a vostre Roy.

  A013001186 

 Vous pouves les esmoucher avec un mouvement civil et tranquille, mais non pas avec un effray ni impatience qui vous face perdre contenance..

  A013001187 

 Je suis bien content que M me Brulart, nostre bonne seur, les gouverne, pourveu que cet object ne tire point son cœur a des vains desirs de cette vie-la, pendant qu'ell'en doit cultiver un'autre.

  A013001187 

 Mais je sçai bien qu'elle ne gouverne pas tant les filles, qu'elle ne se laisse gouverner a la Mere, laquelle, en un lieu de ses Œuvres, dit presque comme moy.

  A013001187 

 Que je suis ayse que nostre Dijon aye receu les bonnes Carmelines de la Mere Therese! Nostre bon Dieu les face fructifier a sa gloire.

  A013001189 

 Que Satan est mauvais! Jusques ou se va-il fourrer! Mais ne vous en estonnes pas: les choses spirituelles luy sont fort accessibles, par ce quil est esprit; il ne luy faut pas beaucoup d'ouverture, pour se glisser es amitiés des mortelz.

  A013001192 

 J'ay confirmé un nombre innombrable de peuple; et a tous les biens qui se seront faitz parmi ces simples ames, vous aves tous-jours participé, comme a tout le reste de ce qui se fait et se fera en ce diocese, pendant que j'en auray l'administration.

  A013001192 

 J'ay presché ordinairement tous les jours, et souvent deux fois le jour.

  A013001192 

 Que vous diray-je plus? J'arrivay icy samedy au soir, apres avoir battu les chams six semaines durant, sans arrester en un lieu, sinon au plus demi jour.

  A013001192 

 Seulement puis-je dire avec verité que, si ce n'a esté a cheval ou en quelques resveilz de la nuit, je n'ay point eu de loysir de repenser a moy et considerer le train de mon cœur, tant les occupations importantes s'entresuivoyent de pres.

  A013001192 

 Toutes les croix que j'avois preveues, a l'abord n'ont esté que des oliviers et palmiers; tout ce qui me sembloit fiel s'est treuvé du miel, ou peu s'en faut.

  A013001204 

 C'est pourquoy, en ce repos corporel, j'ay pensé au repos spirituel que nos cœurs doivent avoir en la volonté de Dieu ou qu'elle nous porte; mais il ne m'est pas possible d'estendre les [126] considerations qui se doivent faire pour cela, qu'avec un peu de loysir bien franc et net..

  A013001206 

 Et ce nid, pour qui seroit-il fait, ma chere Fille? Pour les petitz poussins de celuy qui l'a fait: pour l'amour de Dieu, pour les affections divines et celestes..

  A013001206 

 Je considerois l'autre jour ce que quelques autheurs disent des alcions, petitz oyseletz qui pondent sur la rade de la mer: c'est qu'ilz font des nidz tout ronds, et si bien pressés que l'eau de la mer ne peut nullement les penetrer; et, seulement au dessus, il y a un petit trou par lequel ilz peuvent respirer et aspirer.

  A013001206 

 La dedans, ilz logent leurs petitz, affin que la mer les surprenant, ilz puissent nager en asseurance et flotter sur les vagues, sans se remplir ni submerger; et l'air qui se prend par le petit trou, sert de contrepoids, et balance tellement ces petitz pelotons et ces petites barquettes, que jamais elles ne renversent.

  A013001206 

 O ma Fille, que je souhaitte que nos cœurs soyent comme cela, bien pressés, bien calfeutrés de toutes partz, affin que si les tourmentes et tempestes du monde les saysissent, elles ne les penetrent pourtant point, et qu'il n'y ayt aucune ouverture que du costé du Ciel, pour aspirer et respirer a nostre Sauveur.

  A013001207 

 Ah! que j'ayme ces oyseaux qui sont environnés d'eaux et ne vivent que de l'air, qui se cachent en mer [127] et ne voyent que le ciel! Ilz nagent comme poissons et chantent comme oyseaux; et, ce qui plus me plaist, c'est que l'ancre est jettee du costé d'en haut et non du costé d'en bas, pour les affermir contre les vagues.

  A013001207 

 Mais pendant que les alcions bastissent leurs nidz et que leurs petitz sont encor tendres, pour supporter l'effort des secousses des vagues, helas, Dieu en a le soin et leur est pitoyable, empeschant la mer de les enlever et saysir.

  A013001207 

 O Dieu, ma Fille, et donq cette souveraine Bonté asseurera le nid de nos cœurs pour son saint amour contre tous les assautz du monde, ou il nous garentira d'estre assaillis.

  A013001207 

 O ma Seur ma Fille, le doux Jesus nous veuille rendre telz, qu'environnés du monde et de la chair nous vivions de l'esprit; que, parmi les vanités de la terre, nous visions tous-jours au Ciel; que, vivant avec les hommes, nous le loüyons avec les Anges, et que l'affermissement de nos esperances soit tous-jours en haut et au Paradis..

  A013001209 

 Mon Dieu, ma chere Fille, qu'est ce que je vous escris? je veux dire, a quel propos cela? O ma Fille, puisque nostre invariable propos et finale et invariable resolution tend incessamment a l'amour de Dieu, jamais les paroles de l'amour de Dieu ne sont hors de propos pour nous..

  A013001220 

 A cett'intention, j'ay fait ces quattre motz pour vous en prier, estant fort desireux de tout ce qui regarde le bien [129] de cette ville la, comme je seray aussi tous-jours de ce qui tendra au service de vostre Chapitre, auquel je souhaite les benedictions cœlestes, et suis,.

  A013001220 

 L'affaire du college de La Roche s'avançoit fort heureusement, si quelques uns, selon leur particuliere opinion, ne se fussent mis a la traverse pour en destourner les effectz: dont il a esté requis de reprendre de nouveau le consentement du general, pour l'opposer au jugement des particuliers.

  A013001240 

 Vous ne seres pas marri, Monsieur mon Frere, si je vous dis qu'outre le devoir que j'avois de cherir avec tout honneur et respect monsieur de Pezieu, les demonstrations et tesmoignages d'amitié quil m'a rendu en vostre absence, me rendent infiniment son serviteur et tout plein de desir de me rendre son agreable frere et digne de sa faveur..

  A013001261 

 Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les mons..

  A013001263 

 Revu sur l'Autographe conservé chez les RR. PP. de l'Oratoire de Naples.

  A013001270 

 Ce n'est pas encores la pluye, ce ne sont que les [133] premieres rosees de ses larmes.

  A013001302 

 Le bon Pere Maurice, qui est icy pour quelques jours, me dit que sil vous playsoit de recommander au [136] sieur juge maje de Ternier, ou au sieur de Rovenoz son lieutenant, l'execution et observation des editz faitz contre les huguenotz, ou plus tost pour eux et leur reduction, en peu de jours les effectz en seroyent tres bons et desirables.

  A013001310 

 Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les mons..

  A013001320 

 La, ma Fille, je pretens de me revoir par tout, et remettre toutes les pieces de mon cœur en leur place, a l'ayde de ce bon Pere qui est esperduement amoureux de moy et de mon bien..

  A013001321 

 Ce ne sont pas des eaux, ce sont des torrens que les affaires de ce diocese.

  A013001321 

 Le bon est que c'est tout a la gloire de nostre Dieu, a laquelle il m'a donné de tres grandes inclinations, et je le prie qu'il luy playse de les convertir en resolutions..

  A013001322 

 Sauveur du monde, que j'ay de bons desirs! mais je ne sçai les parfaire..

  A013001324 

 Si les mousches qui avoyent gasté, ou au moins qui vouloyent gaster la suavité de l'onguent estoyent fort pressantes et en grand nombre, o Dieu, en ce cas la il faut qu'elle se renge a un exacte retranchement de toutes paroles superflues, de tous gestes, de toutes vëues, et que le seul confessional, pour tout, demeure en liberté.

  A013001325 

 Aussi, dit saint Chrisostome, ce sont les deux motz qui ont ruiné la charité au monde..

  A013001326 

 Tous les chemins sont [140] bons a ceux que Dieu tient de sa mayn.

  A013001327 

 C'est bien dit, ma Fille, il faut coupper court et trancher net en ces occasions, il ne faut point amuser les chalans; puisque nous n'avons pas la marchandise quilz demandent, il le leur faut dire destroussement affin quilz aillent ailleurs.

  A013001327 

 Ferme, courage; nos colomnes sont, ce me semble, bien fondees; un peu de vent ne les aura pas esbranslees.

  A013001327 

 Qui sont ces temeraires qui veulent rompre et briser cette blanche colomne de nostre sacré tabernacle? Ne craignent ilz point les Cherubins qui le tiennent deça et dela et le couvrent sous l'ombre de leurs aisles? Et bien, il s'est passé un peu de vanité, un peu de complaysance, un peu de je ne sçai quoy: or, cela n'est rien.

  A013001328 

 Ouy da, ma Fille, lises et lises cherement l' Imitation de vostre Abbesse et les epistres de saint Hierosme; vous y treuveres celle qu'il escrit a sa Furia, et quelques autres qui sont bien belles.

  A013001331 

 Pour moy, je pense bien, Dieu aydant, vous escrire tous les huit jours.

  A013001331 

 Quoy que par les traverses et tribulations, vostre ame va bien, a ce que j'en voy; il reste de la tenir ferme.

  A013001331 

 Tout ce Caresme, si vous m'escrives par Lyon vous en aures une tres grande commodité; car de Lyon a Chambery ce n'est pas comme des icy, car tous les jours les courriers arrivent.

  A013001332 

 Je ne sçai si les Carmelites reçoivent des Religieuses des autres Ordres; je crois que nenny.

  A013001338 

 Le Caresme est l'automne de la vie spirituelle, auquel on doit recueillir les fruitz et les ramasser pour toute l'annee.

  A013001339 

 Assemblés en beaucoup autour de vostre col, pendés en bien a vos aureilles, environnés en vos bras: ces atours ne sont point defendus aux vefves, car ilz ne les rendent point vaines, mays humbles..

  A013001339 

 Les paroles saintes sont des perles, et de celles que le vray Ocean d'orient, l'Abysme de misericorde, nous fournit.

  A013001340 

 Je m'en vay dire maintenant a mes auditeurs que leurs ames sont la vigne de Dieu; la cisterne est la foy, la tour est l'esperance, et le pressoir, la sainte charité; la haye, c'est la loy de Dieu, qui les separe des autres peuples infideles..

  A013001340 

 Pour moy, je suis ici ou je ne voy encor rien, qu'un leger mouvement parmi les ames a la sainte devotion.

  A013001341 

 A vous, ma chere Fille, je dis que vostre bonne volonté, c'est vostre vigne; la cisterne, sont les saintes inspirations de la perfection que Dieu y fait pleuvoir du Ciel; la tour, c'est la sainte chasteté, laquelle, comme il est dit de celle de David, doit estre d'ivoire; le pressoir, c'est l'obeissance, laquelle rend un grand merite pour les actions qu'elle exprime; la haye, ce sont vos vœux.

  A013001341 

 Oh! Dieu conserve cette vigne qu'il a plantee de sa main; Dieu veuille faire abonder de plus en plus les eaux salutaires de ses graces en sa cisterne; Dieu soit a jamais le protecteur de sa tour; Dieu soit celuy qui veuille tous-jours donner tous les tours au pressoir, qui sont necessaires pour l'expression du bon vin, et tenir tous-jours close et fermee cette belle haye dont il l'a environnee, cette vigne, et face que les Anges en soyent les vignerons immortelz..

  A013001351 

 Cette nuit, parmi mes resveilz, j'ay eu mille bonnes pensees pour la predication, mais les forces m'ont manqué en l'enfantement.

  A013001352 

 Ma tres chere Fille, que j'ay d'ardeur, ce me semble, pour vostre advancement au tres saint amour celeste, auquel, en celebrant ce matin, je vous ay derechef dediee et offerte, m'estant advis que je vous eslevois sur mes bras comme on fait les petitz enfans et les grans encor, quand on est asses fort pour les lever.

  A013001352 

 Voyés un peu quelles imaginations nostre cœur fait sur les occurrences.

  A013001352 

 Vrayement, je luy en sçai bon gré d'employer ainsy toutes choses pour la suavité de son incomparable affection, en les rapportant aux choses saintes.

  A013001355 

 Au demeurant, allés de plus en plus, ma chere Fille, establissant vos bons propos, vos saintes resolutions; approfondissés de plus en plus vostre consideration dans les playes de Nostre Seigneur, ou vous treuveres un abysme de raysons qui vous confirmeront en vostre genereuse entreprise et vous feront ressentir combien vain et vil est le cœur qui fait ailleurs sa demeure, qui niche sur autre arbre que sur celuy de la Croix.

  A013001369 

 Il est vray, ma bonne Seur; mais ne taschés-vous pas d'heure a autre de les faire mourir en vous? C'est chose certaine que, tandis que nous sommes icy environnés de ce cors si pesant et corruptible, il y a tous-jours en nous je ne sçai quoy qui manque.

  A013001371 

 En la primitive Eglise, ou tous communioyent tous les jours, pensés vous qu'ilz se tinssent les bras croisés pour cela? Et saint Paul, qui disoit la sainte Messe ordinairement, gaignoit neanmoins sa vie au travail de ses mains.

  A013001372 

 Il y a un autre exemple es gens mariés, qui, ce jour la, peuvent ains doivent rendre leurs devoirs, mais non pas les exiger sans quelque indecence, laquelle neanmoins ne seroit peché mortel.

  A013001372 

 Non, je ne voudrois pas m'abstenir d'aller en un honneste festin ni en une honneste assemblee ce jour la, si j'en estois prié, bien que je ne voudrois pas les rechercher.

  A013001374 

 La voyci, ma chere Fille, telle que les Saintz me l'ont apprise: Si le monde nous rnesprise, res-jouissons nous, car il a rayson, puisque nous reconnoissons bien que nous sommes mesprisables; s'il nous estime, mesprisons son estime et son jugement, car il est aveugle.

  A013001375 

 Au contraire, je voudrois que, tenant les yeux sur Nostre Seigneur, nous fissions nos œuvres sans regarder que c'est que le monde en pense, ni quelle mine il en fait.

  A013001376 

 Comme le sçaves-vous bien, ma chere Sœur? En quoy prefere-je les autres? Non, croyés-moy, vous m'estes chere et tres chere; et je sçai bien que vous ne prefereres pas les autres a moy, bien que vous le deussiés.

  A013001376 

 Nos deux seurs des chams ont plus de necessité d'assistance que vous qui estes en la ville, en laquelle vous abondes d'exercices, de conseil et de tout ce qu'il faut, la ou elles n'ont nul qui les ayde..

  A013001386 

 Contre tous ces nouveaux assautz et tentations d'infidelité ou doute de la foy, tenés vous close et couverte dans les instructions que vous aves eu jusques a present; vous n'aures rien a craindre.

  A013001388 

 J'ay neanmoins bien esté en consideration, pour penser que c'est qui pouvoit permettre au monde l'audace et l'imprudence de penser a les esbranler; car il me semble que nous luy faysons asses mauvais visage pour luy oster le courage de nous vouloir chatouiller.

  A013001388 

 Non, je ne suis nullement en crainte pour les colomnes de nostre tabernacle, car Dieu en est le protecteur.

  A013001427 

 Maintenant je vous diray que toutes les places de page chez monsieur d'Albigny sont pleynes et ni a pas grand'esperance qu'elles puissent estre vuides si tost.

  A013001442 

 Je vous demanday congé pour venir faire l'office que je fay en cette ville; je vous le demande maintenant pour mon retour, duquel je voy bien tost arriver la journee, avant laquelle je ne sçay si j'auray une si [157] bonne commodité de vous bayser les mains, comme est celle que me donne le voyage de M. vostre Official, pour aller pres de vous; qui m'a donné le sujet de vous supplier des maintenant d'avoir pour aggreable l'affection que j'ay eue au service de vostre peuple, et de croire que je suys,.

  A013001454 

 Je receu les lettres de ma petite seur, vostre trop obligee servante, et les fis tenir ou elles s'addressoyent.

  A013001472 

 Les ames qui vous en font scrupule sont bonnes et devotes, comm'elles tesmoignent par leur scrupule, lequel neanmoins n'a nul fondement; c'est pourquoy il ne s'y faut pas arrester.

  A013001472 

 Pleut a Dieu que les hommes qui n'entrent en cette Mayson-la que par curiosité et indiscretion, en fisse (sic) bien scrupule, car ilz auroyent bon fondement pour cela; mais non pas vous, jusques a ce que, comme je dis, la clausure y soit establie, qui ne sera jamais si tost que je le desire..

  A013001473 

 J'ay sceu ce que vous me dites des inquietudes de touttes les Religieuses, et en suis marri.

  A013001473 

 La nature a mis une loy entre les abeilles, que chacune d'icelles face le miel dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour..

  A013001473 

 Mais je ne pense pas que cela se puisse aysement; qui me fait dire qu'elles n'employent pas bien ce bon exemple, qui leur devroyt servir pour les animer a bien embrasser la perfection de leur estat, et non pas a les troubler et faire desirer celuy auquel elles ne peuvent arriver.

  A013001473 

 On me dit que ces bonnes filles sont toutes esprises de l'odeur sainte que respandent les [160] saintes Carmelines et qu'elles desireroyent toutes d'en estre.

  A013001489 

 C'est le grand chemin, ma chere Fille, duquel il ne nous faut pas encores departir jusques a ce que le jour soit un petit plus grand et que nous puissions bien discerner les sentiers.

  A013001489 

 Demeurons, ma chere Fille, encor un peu icy en ces basses vallees, baysons encor un peu les pieds du Sauveur: il nous appellera, quand il luy plaira, a sa sainte bouche.

  A013001490 

 La difficulté est que je n'ay a mon commandement que les octaves de Pentecoste et celle du Saint Sacrement.

  A013001503 

 Il n'est pas croyable combien vous me lies estroittement au grand devoir que je vous ay, par cette continuelle memoire que vous aves de moy, de laquelle vos lettres si frequentes sont les marques.

  A013001505 

 Vous m'escrives, Monsieur mon Pere, que madame la Presidente vostre fille et madame de Chantal ont emporté le prix entre toutes les devotieuses.

  A013001506 

 Cela me gardera de m'estendre plus au long sur ce sujet de la devotion de ces deux dames; mesme, puisqu'il faut que, changeant de propos, je vous supplie d'avoir en recommandation les droitz du sieur de Longecombe, Religieux de Nantua, duquel la famille m'appartient d'un'alliance si estroitte qu'il ne se peut dire plus, et est toute pleyne de vertu.

  A013001506 

 Monsieur Grenaud qui rapporte mes lettres me presse bien fort de les luy donner, et je serois indiscret si je rincommodois apres quil a pris la peyne de venir icy expres pour m'apporter les vostres et prendre celles ci.

  A013001524 

 Ma chere Seur, si vostre confesseur juge a propos que vous communiies plus souvent que tous les huit jours, [166] vous le pourres faire; car je pense qu'il voit et considere soigneusement l'estat de vostre ame pour vous bien conduire en ce point.

  A013001525 

 Haïssés donq vos imperfections parce qu'elles sont imperfections, mays aymés-les parce qu'elles vous font voir vostre rien et vostre neant, et qu'elles sont sujet a l'exercice et perfection de la vertu et misericorde de Dieu, a laquelle je vous recommande incessamment, me confiant que vous en faites le reciproque pour moy, qui, a jamais, suis et seray.

  A013001525 

 Vous aymeries mieux vous voir sans faillir que de vous voir parmi les imperfections; aussi ferois je bien moy, car nous serions en Paradis.

  A013001541 

 Je les ay asseuré (sic) quil ne leur estoit besoin d'aulcun'autre chose, puisque, Monsieur, vous esties tout disposé a les gratifier pour ce sujet, qui, a la verité, est de soi mesme tres recommandable..

  A013001549 

 Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les monts..

  A013001560 

 Mais ce pendant il s'eschappe de tems en tems, et par toutes les dilations qu'il peut obtenir, il fuit la sentence.

  A013001566 

 Messieurs les Prieur et Religieux de Sixt..

  A013001577 

 C'est, Madame, qu'il vous playse commander a Pensabin de ne point vouloir exiger de luy, [170] ni le charger d'interestz et accessoires pour les sommes qu'il doit a Vostre Excellence, sinon a la mesme mesure et quantité que Sa Grandeur en veut retirer, affin que non seulement l'un, mais l'autr'aussi participe a sa charité et liberalité, et que l'un des debiteurs use a l'endroit de l'autre de la debonnaireté et gratification qu'il a obtenue de son seigneur et creancier, selon l'Evangile..

  A013001578 

 Et je sçai bien, Madame, combien moy mesme je devrois rechercher des intercessions, pour impetrer pardon et du retardement du payement de Thorens et d'avoir tant attendu a faire les actions de graces que je doy a Vostre Excellence, pour la douceur dont elle use en mon endroit pour ce regard.

  A013001601 

 A Messieurs Messieurs les Prieur et Religieux de Sixt..

  A013001612 

 Continués seulement a presenter souvent vostre cœur a Dieu et vivés en esprit de douceur et d'humilité devant sa face et parmi les prochains, et ne doutes nullement qu'il ne vous assiste et conduise ou vous aspirés..

  A013001612 

 Les bons desirs et dessains que Nostre Seigneur a mis dedans vostre cœur me donnent beaucoup de sujet de vous honnorer, et voudrois bien pouvoir estre utile a vous servir pour ce regard; en signe dequoy j'ay mis en escrit les petits advis que je vous dis a bouche, et les vous envoÿe de bonne volonté, puis que vous les desirés et qu'aussi je pense qu'ilz vous seront utiles.

  A013001612 

 Vous ni treuverés rien, ce me semble, qui ne vous soit facile, mesmement les ayant oüy declairer de vive voix.

  A013001630 

 Mais il y a cela de plus: c'est quil faut que la main du vigneron qui l'esmonde soit plus delicate, dautant que les superfluités qui surcroissent sont si minces et deliees que, en leur commencement, on ne sçauroit presque les voir, si on n'a les yeux bien essuiés et ouvertz.

  A013001630 

 Ne voyt on pas que les vignes qui produisent le meilleur vin sont plus sujettes aux superfluités et ont plus de besoin d'estre emondees et retranchees? Tell'est l'amitié, mesme spirituelle.

  A013001630 

 Qu'elle ne s'estonne nullement de cet inconvenient; car ce n'est qu'une crasse et rouilleure qui a accoustumé de s'engendrer au cœur humain sur les plus pures et sinceres affections, si on ne s'en prend garde.

  A013001631 

 [175] J'ay respondu a tout le reste de ce qu'elle m'escrivoit, par les precedentes que vous luy aures rendues.

  A013001664 

 J'attens, il y a long-tems, l'ordre que vous deves donner de vostre costé a la juste dotation des eglises de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont encor despourvëues de pasteurs, faute de moyens convenables pour les y loger.

  A013001682 

 Je garderay donques comme vous l'ordonnes les cent escus, et y feray joindre le reste que ma bonne mere vous doit, laquelle, avec tous ses enfans, non seulement se sentent obligés de vous rendre vostre bien a vostre besoin, mais de fondre tout le leur pour vostre service..

  A013001703 

 Nous remettrons purement et simplement a sa Providence la mort et la vie de tous les nostres, pour faire survivre les uns aux autres, et a nous, selon son bon playsir, asseurés que nous sommes que, pourveu que sa souveraine Bonté soit avec nous et en nous et pour nous, il nous suffit tres abondamment..

  A013001705 

 Mais sçaves vous quelle parole je vous donneray bien? C'est d'avoir plus soin de ma santé dores-en-avant, quoy que j'en aye tous-jours eu plus que je ne merite; et, Dieu mercy, je la sens fort entiere maintenant, ayant absolument retranché les veillees du soir et les escritures que j'y soulois faire, et mangeant plus a propos aussi.

  A013001709 

 Et tout de mesme des applications de l'entendement, car aussi ne se font-elles que pour esmouvoir les affections, et les affections pour les resolutions, et les resolutions pour l'exercice, et l'exercice pour l'accomplissement de la volonté de Dieu, en laquelle nostr'ame se doit fondre et resoudre.

  A013001710 

 J'appreuve encor plus que vous facies ces ouvrages de vos mains, comme le filer et semblables, aux heures que rien de plus grand ne vous occupe, et que vos besoignes soyent destinees ou aux autelz ou pour les pauvres; mais non pas que ce soit avec si grande rigueur que, s'il vous advenoit de faire quelque chose pour vous ou les vostres, vous voulussies pour cela vous contraindre a donner aux pauvres la valeur; car il faut par tout que la sainte liberté et franchise regne, et que nous n'ayons point d'autre loy ni contrainte que celle de l'amour, lequel, quand il nous dictera de faire quelque besoigne pour les nostres, il ne doit point estre [184] corrigé comme s'il avoit mal fait, ni luy faire payer l'amende comme vous voudries faire.

  A013001712 

 Or sus donques, soit pour une fois; car sachés que je ne fay pas toutes les annees des habitz, mais seulement selon la necessité; et, pour les autres annees, nous treuverons moyen de bien loger vos travaux selon vostre desir..

  A013001713 

 Et qui est cette divine toyson, sinon le merite, sinon les exemples, sinon les mysteres de la Croix? Il me semble donques que la Croix est la belle quenouille de la sainte Espouse des Cantiques, de cette devote Sulamite; la laine de l'innocent Aigneau y est pretieusement liee: ce merite, cet exemple, ce mystere..

  A013001713 

 Voyés-vous, j'adorois Celuy que je portois, et me vint au cœur que c'estoit le vray Aigneau de Dieu, qui oste les pechés du monde.

  A013001714 

 Car, qui sont ces choses hardies qui se rapportent au fuseau, sinon les mysteres de la Passion filés par nostre imitation? La dessus, je vous souhaittay mille et mille benedictions, et qu'a ce grand jour du jugement nous nous treuvassions tous revestus, qui en Evesque, qui en vefve, qui en mariee, qui en Capucin, qui en Jesuite, qui en vigneron, mais tous d'une mesme laine blanche et rouge, qui sont les couleurs de l'Espoux.

  A013001715 

 Fay-je bien, ma chere Fille, de vous dire mes pensees? Je pense qu'au moins ne fay-je pas mal, et que vous les prendres pour telles qu'elles sont..

  A013001715 

 Mais il est vray, vous me venes presque tous-jours a la traverse en ces exercices divins, sans neanmoins les traverser ni divertir, graces a ce bon Dieu.

  A013001716 

 Ce pendant, vous fileres vostre quenouille, non point avec ces grans et gros fuseaux, car vos doigtz ne les sçauroyent manier, mais seulement selon vostre petite portee: l'humilité, la patience, l'abjection, la douceur de cœur, la resignation, la simplicité, la charité des pauvres malades, le support des fascheux et semblables imitations pourront bien entrer en vostre petit fuseau, et vos doigtz le manieront bien en la conversation de sainte Monique, de sainte Paule, de sainte Elizabeth, de sainte Liduvine et plusieurs autres qui sont aux piedz de vostre glorieuse Abbesse, laquelle, pouvant manier toute sorte de fuseau, manie plus volontier ces petitz, a mon advis, pour nous donner exemple..

  A013001718 

 Je me res-jouys de voir les bons Peres Capucins en vostre Autun, car j'espere que Dieu en sera glorifié.

  A013001720 

 A cet effect, je vous ay envoyé trente escus par Lyon, tant pour la despence qui sera necessaire a l'envoyer prendre, qu'a faire ses petitz honneurs avec les filles qui servent madame l'Abbesse, avec lesquelles elle n'aura pas tant demeuré sans les beaucoup incommoder.

  A013001721 

 Et avec vous, feray je point quelque petite ceremonie pour vous remettre ce fardeau sur les bras? Je vous asseure que cela ne seroit pas en mon pouvoir; mais ouy bien de vous supplier, mais je dis conjurer, et s'il se peut dire quelque chose de plus, que vous ayes a me marquer tout ce qui sera requis pour l'equiper et tenir equipee a vostre guise, comme les princesses d'Espagne font, quand on leur donne des filles pour menines, car cela je le veux, et tres absolument; voire, jusques a luy faire porter un chaperon de drap, si cela appartient a vos livrees.

  A013001722 

 Et puis, vous me defendes de dire vos secretz apres que tout le monde les sçait.

  A013001724 

 Je partiray d'icy a dix jours pour continuer ma visite, cinq mois entiers parmi nos hautes montaignes, ou les bonnes gens m'attendent avec bien de l'affection.

  A013001725 

 J'entens que ses filles souspirent apres les Carmelines, ou elles ne peuvent atteindre, et perdent cœur a la perfection de leur Monastere, laquelle elles pourroyent aysement procurer.

  A013001730 

 Les octaves de Pentecoste et de la Feste Dieu ont esté miennes, ma chere Fille, mais seulement pour demeurer icy, et non pas pour y avoir aucun loysir.

  A013001742 

 Je m'imagine, pour moy, que si nous avions l'odorat un peu bien affiné, nous sentirions les afflictions toutes musquees et parfumees de mille bonnes odeurs; car encor que d'elles mesmes elles soyent d'odeur desplaysante, neanmoins sortant de la main, mais plustost du sein et du cœur de l'Espoux, qui n'est autre chose que parfum et que bausme luy mesme, elles arrivent a nous de mesme, pleynes de toute suavité..

  A013001743 

 Il nous ayme, il nous cherit, il est tout nostre, ce doux Jesus; soyons tous siens seulement, aymons le, cherissons le, et que les tenebres, que les tempestes nous environnent, que nous ayons des eaux d'amertume jusques au col: pendant qu'il nous sousleve le manteau, il n'y a rien a craindre..

  A013001754 

 Aymés tous les prochains, mais sur tout ceux que Dieu veut que vous aymies le plus.

  A013001754 

 Servés Dieu avec un grand courage et, le plus que vous pourres, par les exercices de vostre vocation.

  A013001754 

 Souspirés souvent a l'union de vostre volonté avec celle de Nostre Seigneur; ayés patience avec vous mesme en vos imperfections; ne vous empresses point, et ne multipliés point des desirs pour les actions qui vous sont impossibles..

  A013001781 

 J'ay receu vostre lettre icy, emmy le chemin de ma visite, et l'ay renvovee a mon frere de la Thuille, affin qu'avec mes autres freres, il pourvoye a ce que Madame soit satisfaitte par les moyens plus convenables, puisque je suis en un'occupation qui ne me permet pour le present d'y pourvoir moy mesme.

  A013001798 

 Mais moy je ne le puis croire, car vous aymes trop les appointemens..

  A013001804 

 Monsieur Pergod, Conseiller de S. A., Advocat deça et dela les mons..

  A013001826 

 J'ay veu ces jours passés des mons espouvantables tout couvertz d'une glace espaisse de dix ou douze piques, et les habitans des vallees voysines me dirent qu'un berger, allant pour recourir une sienne vache, tomba dans une fente de douze piques de haut, en laquelle il mourut gelé.

  A013001826 

 Je vis des merveilles en ces lieux la: les vallees estoyent toutes pleines de maysons, et les mons, tout pleins de glace jusques au fond.

  A013001826 

 Les petitesvefves, les petites villageoises, comme basses vallees, sont si fertiles, et les Evesques, si hautement eslevés en l'Eglise de Dieu, sont tout glacés! Ah! ne se treuvera-il pas un soleil asses fort pour fondre celle qui me transit? [199].

  A013001829 

 [200] Demeurons donq en paix, et disons avec le grand amoureux de la Croix: Au demeurant, que nul ne me vienne inquieter, car quant a moy, je porte en mon cœur les stigmates de mon Jesus.

  A013001837 

 Je le [201] desire infiniment, mais je prevois bien que je n'auray pas asses de loysir pour ageancer mes pensees; ce sera beaucoup si je les puis produire..

  A013001838 

 Faites tous-jours cela, mettés un peu la main a l'œuvre; filés tous les jours quelque peu, soit le jour, a la lumiere des goustz et clartés interieures, soit de nuit, a la lueur de la lampe, parmi les impuissances et sterilités.

  A013001838 

 Que je vous dirois volontier quelque chose sur cette parole! Vostre quenouille c'est l'amas de vos desirs: filés tous les jours un peu, tirés a poil vos desseins jusques a l'execution, et vous en chevires sans doute.

  A013001839 

 Ou est ce que Dieu faisoit resider la force divine qu'il avoit mise en Samson, sinon en ses cheveux, la plus foible partie qui fust en luy? Que je n'oye plus ces paroles d'une fille qui veut servir son Dieu selon son divin playsir, et non selon les goustz et agilités sensibles.

  A013001840 

 Dites moy, ma chere Fille, vous sçaves bien qu'a la naissance de Nostre Seigneur les bergers ouÿrent les chans angeliques et divins de ces Espritz celestes; l'Escriture le dit ainsy.

  A013001840 

 Il n'est pourtant point dit que Nostre Dame et saint Joseph, qui estoyent les plus proches de l'Enfant, ouÿssent la voix des Anges ou vissent ces lumieres miraculeuses; au contraire, au lieu d'ouÿr les Anges chanter, ilz oyoient l'Enfant pleurer, et virent, a quelque lumiere empruntee de quelque vile lampe, les yeux de ce divin garçon tout couvertz de larmes, et transissant sous la rigueur du froid.

  A013001840 

 Or, je vous demande en bonne foy, n'eussiés-vous pas choysi d'estre en l'estable tenebreux et plein des cris du petit Poupon, plustost que d'estre avec les bergers a pasmer de joye et d'allegresse a la douceur de cette musique celeste et a la beauté de cette lumiere admirable?.

  A013001841 

 Aymés Dieu crucifié parmi les tenebres, demeurés aupres de luy, dites: Il m' est bon d'estre icy; faysons icy trois tabernacles, l'un a Nostre Seigneur, l'autre a Nostre Dame, l'autre a saint Jan.

  A013001841 

 Trois croix sans plus, et rangés-vous a celle du Filz, ou a celle de la Mere vostre Abbesse, ou a celle du Disciple: par tout vous seres la bien receuë, avec les autres filles de vostre Ordre qui sont la tout autour..

  A013001844 

 Affin que je me fasse mieux entendre, sachés qu'entre les maux que nous souffrons, il y en a des abjectz et des honnorables.

  A013001845 

 Donner l'aumosne et pardonner les offences sont des actions de charité: la premiere est honnorable, et l'autre est abjecte aux yeux du monde..

  A013001845 

 Il y a des actions d'une mesme vertu qui sont abjectes, les autres honnorables.

  A013001845 

 Ordinairement, la patience, la douceur, la mortification, la simplicité, parmi les seculiers ce sont des vertus abjectes; donner l'aumosne, estre courtois et prudent sont des vertus honnorables.

  A013001847 

 Mes seurs me renvoyent a la Visitation des plus miserables, voyla une abjection selon le monde; elles me renvoyent visiter les moins miserables, voyla une abjection selon Dieu; car cette Visitation, selon Dieu est la moins digne, et l'autre, selon le monde.

  A013001847 

 Nous allons, mes seurs et moy, visiter les malades.

  A013001850 

 En fin, ma Fille, vous desires sçavoir quelles sont les meilleures abjections.

  A013001852 

 Croyés-moy, jamais les Israëlites ne peurent chanter en Babylone parce qu'ilz pensoyent a leur païs; et moy je voudrois que nous chantassions par tout..

  A013001853 

 O doux Jesus, que vous diray-je, ma chere Fille? Sa toute Bonté sçait que j'ay fort souvent pensé sur ce point et que j'ay imploré sa grace au saint Sacrifice et ailleurs; et non seulement cela, mais j'y ay employé la devotion et les prieres des autres meilleurs que moy.

  A013001855 

 Demeurés, ma Fille, toute resignee es mains de Nostre Seigneur; donnés luy le reste de vos ans, et le supplies qu'il les employe au genre de vie qui luy sera plus aggreable.

  A013001856 

 C'est a dire, j'appreuve que vous les facies nourrir es monasteres en intention de les y laisser, moyennant deux conditions: l'une, que les monasteres soyent bons et reformés, et esquelz on face profession de l'interieur; l'autre, que le tems de leur Profession estant arrivé, qui n'est qu'a seize ans, on sache fidellement si elles s'y veulent porter avec devotion et bonne volonté, car si elles n'y avoyent pas affection, ce seroit un grand sacrilege de les y enfermer.

  A013001856 

 Il faut les mettre la dedans avec des douces et souëfves inspirations, et si elles y demeurent comme cela, elles seront bien heureuses et leur mere aussi de les avoir plantees dans les jardins de l'Espoux, qui les arrousera de cent mille graces celestes.

  A013001856 

 Nous voyons combien les filles receuës contre leur gré ont peyne de se ranger et resoudre.

  A013001858 

 Dieu en fera a son playsir, et faudra que les hommes s'y accommodent..

  A013001859 

 Allés tout simplement a l'abry de nos resolutions, et rejettés les reflexions d'esprit que vous faites sur vostre mal comme des cruelles tentations..

  A013001859 

 Vous dis je pas la premiere fois que je parlay a vous de vostre ame, que vous appliques trop vostre consideration a ce qui vous arrive de mal et de tentation, qu'il ne failloit le considerer que grosso modo, que les femmes, et les hommes aussi quelquefois, font trop de reflexions sur leurs maux, et que cela entortilloit les pensees l'une dans l'autre, et les craintes et les desirs, dont l'ame se treuve tellement embarrassee qu'elle ne s'en peut demesler.

  A013001860 

 Ne vous efforces point de vaincre vos tentations, car cet effort les fortifieroit; mesprises les, ne vous y amuses point.

  A013001861 

 Mon saint Pierre, dit l'Escriture, voyant l'orage qui estoit tres impetueux, il eut peur; et tout aussi tost qu'il eut peur, il commença a s'enfoncer et noyer, dont il cria: O Seigneur, sauvés moy. Et Nostre Seigneur le print a la main et luy dit: Homme de peu de foy, pourquoy as-tu douté? Voyés ce saint Apostre: il marche pied sec sur les eaux, les vagues et les vens ne sçauroyent le faire enfoncer; mais la peur du vent et des vagues le fait perdre, si son Maistre ne l'eschappe.

  A013001861 

 O Fille de peu de foy, qu'est ce que vous craignés? Non, ne craignes point; vous marches sur la mer, entre les vens et les flotz, mais c'est avec Jesus: qu'y a-il a craindre la? Mays si la peur vous saysit, criés fort: O Seigneur, sauvés moy.

  A013001872 

 Helas, ma chere Fille, disons avec saint Augustin: Que faysons-nous? Les ignorans et les grossiers se levent, et, se levant devant nous, ilz ravissent les cieux; et nous croupissons dans nostre negligence! Au moins, parmy cette misere, soyons humbles, et Dieu nous benira, et relevera nostre bassesse par sa sainte misericorde....

  A013001872 

 Je vous envoyeray bien tost le recueil de la vie d'une [212] sainte villageoise de mon diocese, mariee, et qui, en quarante huit ans de vie, a donné toutes les marques d'une vie parfaitte dans l'interieur et dans l'exterieur; car elle a esté une Monique dans son mesnage et une Magdeleine dans l'orayson.

  A013001874 

 Revu sur les textes insérés dans un ancien Ms.

  A013001882 

 Cet exercice la n'est nullement deshonneste devant les yeux de Dieu; au contraire il luy est aggreable, il est saint, il est meritoire, au moins pour la partie qui rend le devoir et n'en recherche pas l'acte, mais seulement y condescend pour obeir a celuy a qui Dieu a donné l'authorité de se faire obeir pour ce regard..

  A013001884 

 En l'ancienne Eglise, on communioit tous les jours, et neanmoins saint Paul ordonne aux mariés quilz ne se defraudent point l'un l'autre pour le devoir du mariage.

  A013001884 

 En la mayson d'un prince, ce n'est [214] pas tant d'estre souillon de cuisine comme d'estre gentilhomme de la chambre; mais en la mayson de Dieu, les souillars et souillardes sont les plus dignes bien souvent, par ce qu'encor quilz se souillent, c'est pour l'amour de Dieu, c'est pour sa volonté et son amour; et cette volonté donne le prix a nos actions, non pas l'exterieur.

  A013001884 

 Les conceptions mondaines se brouillent et meslent tous-jours parmi nos pensees.

  A013001885 

 Mais la partie qui recherche peche-elle point, si elle sçait que l'autre aÿe communié? Et je vous dis que non, nullement, sur tout quand les Communions sont frequentes; ce que j'ay dit de l'Eglise primitive en fait foy, et la rayson y est toute claire.

  A013001886 

 Et par ce quil me semble que vous m'aves dit qu'ouÿ, il ni a nulle difficulté non seulement que vous les pouves, mais que vous les deves faire.

  A013001886 

 Il faut considerer vos moyens et vos charges, et sur cela proportionner vos aumosnes selon les necessités des pauvres: car en [215] tems de famine, la mayson demeurant sobrement prouveüe, il faut estre plus liberal a donner; en tems d'abonbondance, il est moins requis et est plus loysible de beaucoup espargner..

  A013001887 

 Les confessions annuelles sont bonnes, car elles nous rappellent a la consideration de nostre misere et nous font reconnoistre si nous avançons ou reculons, nous font rafraichir plus vivement nos bons propos; mais il les faut faire sans inquietude et scrupule, non tant pour estre absous que pour estre encouragé, et n'est pas requis de faire si exactement l'examen, mais seulement de gros en gros.

  A013001887 

 Si vous les pouves faire de la sorte, je les vous conseille; si moins, je ne desire pas que vous les facies..

  A013001889 

 Vous faittes trop de faveur a cette petite et vile creature de la desirer aupres de vous, mais ma mere juge que la vie des chams est plus propre pour les filles de ce pais que celle des villes; c'est cela qui luy fit prendre resolution d'en importuner plus tost madame de Chantal que vous.

  A013001901 

 J'ay receu les lettres ci jointes de monsieur le President et madame la Presidente, avec une troysiesme quilz m'escrivent sur un mesme sujet, affin que, selon mon advis, je vous en escrive de mon costé.

  A013001902 

 Quant a ses moyens, ilz sont telz que monsieur et madame la Presidente vous escrivent, et ses incommodités aussi, lesquelles, comme vous pourres aysement juger, peuvent estre bien aysement effacees; ce qui ne sera pas plus tost fait, que l'on verra ce jeune gentilhomme croistre tous les jours en moyens et bonheur, qui me fait dire sans reserve qu'une damoyselle aura tous-jours beaucoup de contentement avec luy..

  A013001903 

 Mais pour adjouster quelque chose du mien a ce que monsieur et madame le President et Præsidente vous en escrivent, je vous diray quil me semble que pour faire une response bien asseuree, il seroit [a] propos que avec quelque bon prætexte, vous allassies jusques a Neci pendant que monsieur le President y est encor, c'est a dire dans huit ou dix jours; et la, vous pourries vous enquerir de toutes les particularités, voir le personnage sans faire semblant d'autre chose, et, par apres, prendre resolution selon ce que vous en connoistrés, puisque mesme ce gentilhomme dont il s'agit ne peut demeurer longtems quil ne prenne parti..

  A013001919 

 Et cett'annee, estant allé en personne audit prieuré pour les visiter, j'ay encor mieux reconneu la grandeur de la pauvreté d'iceluy, y ayant veu les edifices presque tous ruinés, a la reparation desquelz le revenu de plusieurs annees ne sçauroit suffire.

  A013001919 

 Je receu, l'annee passee, commandement de Vostre Altesse de m'enquerir soigneusement des charges et revenuz du prieuré de Bellevaux; ce que je fis, et treuvay qu'a la verité les charges emportoyent tout le revenu, ou peu s'en faut.

  A013001938 

 La lettre que ce secrétaire m'a apportée au nom de son auguste et sacrée Majesté m'est parvenue au moment que j'étais occupé à visiter les églises du territoire de Genève, en ce jour même du 29 septembre consacré par l'Eglise à honorer l'Archange saint Michel, pour la plus grande gloire du Christ.

  A013001947 

 C'est un petit miracle que Dieu fait, car tous les soirs, quand je me retire, je ne puis remuer ni mon cors ni mon esprit, tant je suis las par tout; et le matin, je suis plus gay que jamais.

  A013001948 

 O ma chere Fille, que j'ay treuvé un bon peuple parmi tant de hautes montaignes! Quel honneur, quel accueil, quelle veneration a leur Evesque! Avant hier j'arrivay en cette petite ville tout de nuit; mais les habitans avoyent tant fait de lumieres, tant de festes, que tout estoit au jour.

  A013001949 

 Communies et les festes solemnelles et les Dimanches, quoy que ce soit consecutivement.

  A013001949 

 Levés souvent vos yeux au Ciel pour les divertir des curiosités de la terre..

  A013001957 

 Les conjurations que la bonne madame l'Abbesse me fait d'aller-la sont si puissantes, qu'autre chose ne pourroit me retenir de l'entreprendre maintenant, sinon la plus grande gloire de Dieu qui me tient encor tout cloué sur ce banq..

  A013001958 

 Je seray auditeur d'un vertueux et fervent Capucin, et feray le cathechisme aux enfans et entendray les confessions; et ainsy ne feray que des petits exercices qui n'estourdiront point mon cœur, mais le resveilleront seulement.

  A013001960 

 Il est vray que, faute de devotion, je n'entendois que quelque mot de leur langage, mays il me [223] sembloit bien qu'ilz disoyent de belles choses: vostre saint Augustin les eust bien entendu, s'il les eust veu..

  A013001960 

 ... Je sçay bien que vous n'aves pas besoin d'autres connoissances pour estre consolee que de celle de Dieu, lequel vous treuveres indubitablement icy, ou il attend les pecheurs a penitence et les penitens a sainteté, comme il fait aussi a tous les endroitz du monde; car je l'ay mesme rencontré tout plein de douceur et de suavité parmi nos plus hautes et aspres montaignes, ou beaucoup de simples ames le cherissoyent et adoroyent en toute verité et sincerité, et les chevreuilz et chamois couroyent ça et la parmi les effroyables glaces pour annoncer ses louanges.

  A013001961 

 Devant que nous fussions au païs des glaces, environ huit jours, un pauvre berger couroit ça et la sur les glaces pour recourir une vache qui s'estoit esgaree, et, ne prenant pas garde a sa course, il tumba dans une crevasse et fente de glace de douze piques de profondeur.

  A013001961 

 Mais, ma chere Fille, vous diray-je pas une chose qui me fait frissonner les entrailles de crainte? Chose vraye.

  A013001977 

 Ilz veulent estre maistres, et n'est ce pas la rayson? Si est, certes, en ce qui depend du service que vous leur deves; mais les bons seigneurs ne considerent pas que pour le bien de l'ame, il faut croire les directeurs et medecins spirituelz, et que, sauf les droitz quilz ont sur vous, vous deves procurer vostre bien interieur par les moyens jugés convenables par ceux qui sont establiz pour conduire les espritz.

  A013001978 

 Peut estre aves vous donné occasion a ce bon pere et a ce bon mari de se mesler de vostre dévotion et de s'en cabrer; que sçai-je, moy? a l'adventure que vous vous estes un peu trop empressee et embesoignee, que vous aves voulu les presser eux mesme et les estraindre.

  A013001978 

 Si cela est, sans doute c'est la eause qui les fait tirer a quartier maintenant.

  A013001979 

 Quand vous pourres communier sans troubler vos deux superieurs, faites-le selon l'advis de vos confesseurs; quand vous craindres de les troubler, contentes vous de communier d'esprit, et croyes moy, cette mortification spirituelle, cette privation de Dieu aggreera extremement a Dieu et vous le mettra bien avant dans le cœur.

  A013001980 

 Vous pourres neanmoins gaigner des occasions secrettes pour communier; car, pourveu que vous deferies et compatissies a ces volontés de ces deux personnages et que vous ne les metties point en impatience, je ne vous donne point d'autre regie de vos Communions que celle que vos confesseurs vous diront, car ilz voyent l'estat present de vostr'interieur et peuvent connoistre ce [227] qui est requis pour vostre bien.

  A013001981 

 Je connois une dame, des plus grandes ames que j'aye jamais rencontré, laquelle a demeuré long tems en telle sujettion sous les humeurs de son mari, que, au plus fort de ses devotions et ardeurs, il failloit qu'elle portast sa gorge ouverte et qu'elle fut toute chargee de vanités en l'exterieur, et qu'elle ne communiast jamais (sinon que ce fut a Pasques) qu'en secret et a desceu de tout le monde; autrement ell'eut excité mille tempestes en sa mayson.

  A013001982 

 Il se peut faire que quelque bon [228] pere n'aggree pas que ses enfans spirituelz les lisent, et peut estre le fait-il avec quelque bonne consideration; mais il ne s'ensuit pas que les autres n'ayent d'aussi bonnes considerations, et voire meilleures, pour les conseiller aux leurs.

  A013001982 

 Les Pseaumes de David traduitz ou imités par des Portes ne vous sont nullement ni defenduz ni nuysibles, au contraire vous sont profitables.

  A013001982 

 Lises-les hardiment et sans doute, car il ni en a point.

  A013001982 

 Une chose est bien asseuree, c'est que vous les pouves lire en toute bonne conscience, comme aussi vous pouvies entrer au cloistre du Puys d'Orbe sans scrupule; mais il ni a pourtant pas lieu de vous ordonner pœnitence pour le scrupule que vous en aves l'ait, puisque le scrupule mesme est un'asses grande peyne a ceux qui le nourrissent ou souffrent, sans qu'on en impose d'autres.

  A013002007 

 Mais en l'occurrence que vous me marques, tout le monde sçait que j'ay les mains liees d'un lien indissoluble et que je ne puis les mettre a la provision des cures que par l'entremise du concours, duquel je ne puis forclorre personne..

  A013002008 

 Les manquemens des effectz ont accoustumé d'estre interpretés pour manquemens de volontés; mais je me prometz de la bonté de vostre esprit que vous donneres [230] meilleur'interpretation a ma response, et que, voyant qu'ell'est vrayement veritable, vous ne laisseres pas de croyre que je souhaite autant d'avancement a monsieur vostre frere comme je fay aux miens propres, demeurant,.

  A013002064 

 Tout en envoyant mon frère à Rome pour visiter les tombeaux des Apôtres, je viens, par cette lettre, me rappeler à vous comme votre très affectionné serviteur.

  A013002065 

 Je regrette que le pauvre homme ait tant de démêlés avec ses moines qui vraiment l'empêchent de faire du fruit: il ne faut pas aimer les contestations..

  A013002081 

 Tous les vostres de deça se portent bien et vous honnorent d'un honneur tout particulier..

  A013002095 

 Alors, de même que de vos Annales, plus précieuses que l'or et la topaze, vous avez fait jaillir avec tant de bonheur le souffle de la bouche du Christ et son glaive à deux tranchants, de même vous déploierez l'autorité dont vous êtes revêtu, pour exercer la vengeance [du Seigneur] sur les nations schismatiques et ses châtiments sur les peuples hérétiques..

  A013002095 

 C'est pourquoi, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, élevez-vous avec moi, je vous en supplie, contre les méchants, défendez-moi auprès du Saint-Siège contre les ouvriers d'iniquité.

  A013002095 

 La bienveillance et la sainte amabilité que vous m'avez témoignées pendant mon séjour à Rome, me donnent plus de hardiesse pour implorer l'appui de votre intervention, aujourd'hui que j'envoie mon propre frère, chanoine de mon Eglise, visiter le seuil des saints Apôtres et demander au Saint-Siège Apostolique tous les remèdes nécessaires au relèvement de ce diocèse.

  A013002096 

 Agréez, Illustrissime et Révérendissime Cardinal, les salutations de votre très dévoué serviteur; daignez lui continuer l'appui et [238] l'honneur do votre bienveillance, et qu'en toutes choses le Christ vous soit propice..

  A013002116 

 Quand j'étais Prévôt de l'Eglise qui est aujourd'hui la mienne, et qu'au nom de mon prédécesseur, je visitai les mêmes tombeaux apostoliques, je reçus de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie un accueil plein de bonne grâce et de parfaite obligeance..

  A013002117 

 Je plaide aujourd'hui la cause de ce diocèse qui, plus que tous les autres diocèses du monde chrétien, mérite l'appui de la bienveillance apostolique, la faveur des prélats et la sympathie de tous les gens de bien.

  A013002124 

 Ouy da, ma bonne et chere Fille, benissons Dieu ensemblement de cette heureuse journee en laquelle, par un feu tout nouveau, vous renouvellastes l'holocauste de [241] vostre cœur, offert et voué pieça a la divine Majesté; et que ce jour, donques, soit conté entre les jours memorables de nostre vie.

  A013002125 

 C'est un point tres admirable; car voyes vous, ma Fille, les humilités que l'on voit le moins sont les plus fines.

  A013002125 

 Ce n'est rien de ressentir ces mouvemens de cholere et d'impatience, pourveu qu'ilz soyent mortifiés a mesure que vous les voyes naistre; c'est a dire que vous taschies de vous remettre au lien et pacification du cœur, car cela estant, encor bien que le combat durast tout le jour, ce seroit de l'exercice, mais non pas de la perte pour vous..

  A013002135 

 En vous attendant, madame vostre chere Presidente et moy nous prions pour vostre santé emmi les devotions du Jubilé, et nous entretenons de vostre retour et comme, si une fois nous vous pouvons tenir, nous ne permettrons plus que vous nous laissies.

  A013002136 

 Je suis tous-jours sans nouvelles; vous estes aussi en lieu ou il ne faudroit pas vous en envoyer, car vous les auriés la a meilleur marché.

  A013002150 

 Mais ce pendant, faites bien la besoigne qui est devant vos yeux maintenant; c'est a dire, continués a faire tout doucement vos exercices spirituelz, rendes vostr'esprit et vostre cœur cent fois le jour entre les mains de Dieu, le luy recommandant en toute sincerité.

  A013002150 

 Voyes quelles occasions vous rencontrés tous les jours pour servir sa divine Majesté, soit pour vostr'advancement, soit pour celluy du prochain, et les employes fidellement; car voyes vous, ma Fille, vous pouvés beaucoup proffiter si vous aymes bien Dieu et sa gloire..

  A013002188 

 Vrayement, ma tres chere Fille, les resolutions que vous me communiquies estoyent toutes telles que je les vous pouvois desirer, et faites bien ainsy: ne desmordés nullement de la sainte humilité et de l'amour de vostre propre abjection.

  A013002189 

 Car tel a esté le courage de nostre Capitaine, de sa Mere et de ses Apostres et des plus vaillans soldatz de cette milice celeste; courage avec lequel ilz ont surmonté les tyrans, sousmis les Rois et gaigné tout le monde a l'obeissance du Crucifix..

  A013002189 

 Helas, ma chere Fille, que c'est un mauvais langage [347] d'appeller courage la fierté et vanité! Les Chrestiens appellent cela lascheté et couardise; comme au contraire, ilz appellent courage la patience, la douceur, la debonnaireté, l'humilité, l'acceptation et amour du mespris et de la propre abjection.

  A013002190 

 Soyés esgale, ma tres chere Fille, envers toutes ces bonnes filles; salués-les, honnorés-les, ne les fuyés point; ne les suivés non plus qu'a mesure qu'elles tesmoigneront de le desirer.

  A013002222 

 ... Ces députés du clergé du diocèse se rendent [à Turin], pour remettre à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime les [251] notes des revenus ecclésiastiques et recevoir de vous les ordres nécessaires pour le paiement des décimes, mais aussi parce que son Altesse Sérénissime nous demande maintenant la prestation du serment de fidélité, comme on l'appelle.

  A013002228 

 Je suis vrayement comme les peres, qui ne se contentent jamais ni ne se peuvent assouvir de parler avec leurs enfans des moyens de les aggrandir.

  A013002228 

 Mais que vous diray je pour cela, ma chere Fille? Soyés tous-jours bien petite et vous appetissés tous les jours devant vos yeux.

  A013002230 

 O Dieu, mais que je souhaitte ce cœur du Sauveur pour Roy de tous les nostres!.

  A013002256 

 Cet homme, en effet, que sa noblesse et sa condition plaçaient au premier rang de ses concitoyens, a mieux aimé vivre méprisé dans la maison du Seigneur que d'habiter sous les pavillons des pêcheurs; il y a longtemps qu'il en eût retiré sa femme et ses enfants, si l'évènement avait répondu à son désir.

  A013002256 

 Comme il désirait visiter les saints lieux, il m'a demandé, pour Votre Sainteté, afin d'être plus favorablement et plus librement admis à ses pieds, une lettre où je rendisse témoignage, comme c'est la vérité, de sa religion et de sa foi.

  A013002256 

 Le Siège Romain séduit d'ordinaire par sa majestueuse splendeur tous les chrétiens de l'univers; cependant, Votre Sainteté, par l'attrait [253] de sa douceur, gagne surtout les cœurs de ceux qui, des ténèbres de leurs erreurs, sont venus se ranger sous son autorité.

  A013002279 

 Revu sur l'Autographe conservé dans les Archives de l'ancienne Maison du Gesù à Rome.

  A013002285 

 Cependant, il a toujours eu pour ce qui concerne leurs âmes, le soin et la sollicitude convenables; en effet, par ses lettres, il les a tellement attirés à la connaissance de la vérité, que s'il pouvait les pourvoir d'un abri parmi les Catholiques, tous embrasseraient volontiers la foi.

  A013002285 

 Elevé dans l'hérésie, porté au faîte des honneurs dans sa ville de Lausanne, il a néanmoins sacrifié tous les biens, tous les honneurs terrestres pour servir le Christ Notre-Seigneur.

  A013002285 

 Je dois, comme je le fais en toute humilité, supplier Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, de daigner ouvrir les bras de [255] sa bonté et de sa charité au gentilhomme, porteur de la présente lettre.

  A013002286 

 En finissant, je baise très humblement les mains de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, et je prie le Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A013002302 

 Je m'en res-jouis en Dieu, pour l'amour duquel je vous les ay recommandés et vous les serves..

  A013002303 

 Monsieur vostre bon pere m'escrit qu'affin que ma petite seur n'oublie les exercices de devotion, vous et madamoyselle de Villers luy en faites des repetitions et la conduisés; la dessus je luy dis deux ou troys motz de joye affin qu'il luy plaise de le permettre.

  A013002306 

 Je vous avois dit que vous en fissies selon l'advis de vos confesseurs, mais puisqu'ilz ne sont pas d'accord, je vous diray comme j'ay dit a nostre madame de Chantal: quand les festes seront grandes, nonobstant la Communion ordinaire il ne faut pas laisser de les celebrer par une Communion extraordinaire; car, comme pourrons nous bien celebrer une grande feste sans ce festin? Ce que je vous renvoyois a vos confesseurs, c'est que je ne sçay pas clairement les particularités de vostre necessité.

  A013002307 

 Cette multitude de pensees qui tracassent vostre esprit ne doivent nullement estre attaquees; car, quand auries-vous achevé de les desfaire l'une apres l'autre? Il faut seulement de tems en tems, je veux dire plusieurs et plusieurs fois le jour, les desmentir toutes ensemble et les rejetter en gros; et puys, laisser l'ennemy faire tant de [259] fracas qu'il voudra a la porte de vostre cœur, car pourveu qu'il n'entre point, il n'importe.

  A013002312 

 Il est vray que les regles ecclesiastiques m'y servent de loy et de garant..

  A013002312 

 Vous aves rayson de vous accuser de la superfluité et exces dont vous uses a toutes les compaignies; mais apportés-y donques de la moderation et voyés de garder cette regie: c'est que vous traitties en sorte qu'eu esgard a vostre qualité et de ceux que vous traittes, vous ne facies pas comme les moins liberaux et magnifiques de vostre condition, ni aussi comme les plus magnifiques et liberaux.

  A013002318 

 Que si toutes les lettres que je vous ay escrittes pendant ce tems-la estoyent en un pacquet, elles seroyent bien en plus grand nombre; car, tant que j'ay peu, j'ay tous-jours escrit et par Lion et par Dijon.

  A013002321 

 Vous y verrés des Cordelieres du Tiers Ordre, que l'on loue fort; et peut estre un'Abbesse d'un'autre Religion qui est a quatre liëues de lâ, c'est a dire a Baume les Nonains, qui est fort vertueuse, des plus grandes maysons [262] de mon diocæse et qui m'ayme singulierement.

  A013002323 

 Je voy que toutes les saysons de l'annee se rencontrent en vostre ame: que tantost vous sentes l'hyver de maintes sterilités, distractions, degoustemens et ennuys, tantost les rosees du mois de may, avec l'odeur des saintes fleurettes, tantost des chaleurs de desir de plaire a nostre bon Dieu.

  A013002323 

 Mais bien, il arrive souvent que, en battant les bleds et pressant les raysins, on treuve plus de bien que les moyssons et vendanges n'en promettoyent pas.

  A013002324 

 Ce sont les meres aux vertus; elles les suivent comme les petitz poussins font leurs meres poules..

  A013002324 

 L'humilité et la charité sont les maistresses chordes; toutes les autres y [263] sont attachees.

  A013002325 

 Dieu vous en sçaura bon gré, car il ayme les petitz enfans; et, comme je disoys l'autre jour au cathechisme pour inciter nos dames a prendre soin des filles, les Anges des petitz enfans ayment d'un particulier amour ceux qui les eslevent en la crainte de Dieu et qui instillent en leurs tendres ames la sainte devotion; comme au contraire, Nostre Seigneur menace ceux qui les scandalisent, de la vengeance de leurs Anges.

  A013002327 

 Ce sont des maladies qui sont comme les fievres legeres: elles layssent apres elles une grande santé.

  A013002328 

 Non, vous ne contrevenes pas a l'obeissance n'eslevant pas si souvent vostre cœur a Dieu et ne prattiquant [264] pas si a souhait les advis que je vous ay donné.

  A013002328 

 Sçaves vous que les advis requierent? Ilz requierent qu'on ne les mesprise pas et qu'on les ayme, cela est bien asses; mais ilz n'obligent pas aucunement.

  A013002331 

 J'ay receu vos cantiques que j'aime bien, car si bien ilz ne sont pas de si bonne rime que beaucoup d'autres, ilz ne laissent pourtant pas d'estre de bonn'affection; et si je n'estois point meslé par la dedans, je les ferois chanter en mon cathechisme.

  A013002332 

 Que vous diray-je davantage? Je viens tout maintenant de faire le cathechisme, ou nous avons fait un peu de desbauche avec nos enfans a faire un peu rire l'assistence, en nous mocquant des masques et des balz; car j'estois en mes belles humeurs, et un grand auditoire me convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013002364 

 Si j'eusse sceu plus tost vostre dessein, je vous eusse prié d'y employer mon frere, lequel est a Romme des Noël pour les affaires de ce diocæse, et eut esté glorieux de vous obeir; mais il n'est plus tems maintenant, puis que avant que vos lettres soyent a Romme, il sera en chemin pour son retour.

  A013002378 

 Je vous renvoye les patentes signees; mais, pour l'honneur de Dieu, si c'est monsieur de Pinché, qu'il n'aille pas sur les galoches et friseures, ni galantant comm'il a fait jadis.

  A013002381 

 J'ay receu les lettres de madame de Chantal que vous m'aves envoyees, en eschange desquelles je vous envoye les ci jointes.

  A013002423 

 Je n'avois encor point fait de Caresme en cette chere ville que celle ci (sic), despuis que je suis Evesque, hormis la premiere en laquelle on me regardoit pour voir ce que je ferois; et j'avois asses affaire a prendre contenance et pourvoir au general des affaires du diocese qui m'estoit tombé sur les bras tout fraischement.

  A013002424 

 Je la recommande a vos prieres, affin que Nostre Seigneur establisse en son cœur les resolutions qu'il y a mises.

  A013002425 

 Il y a sept ou huit jours que je n'ay point pensé a moy [275] mesme et ne me suis veu que superficiellement, d'autant que tant d'ames se sont addressees a moy affin que je les visse et servisse, que je n'ay eu nul loysir de penser a la mienne.

  A013002426 

 Oh! ce matin (car il faut encor dire cecy), presentant le Filz au Pere, je luy disois en mon ame: Je vous offre vostre cœur, o Pere eternel; veuillés, en sa faveur, recevoir encor les nostres.

  A013002427 

 Or sus, demeurés tous-jours en paix entre les bras du Sauveur qui vous ayme cherement, et duquel le seul amour nous doit servir de rendés vous general pour toutes nos consolations, ce saint amour, ma Fille, sur lequel le nostre, fondé, enraciné, creu, nourry, sera eternellement parfait et perdurable..

  A013002451 

 Dites seulement de gros en gros les principales fautes que vous aures commises des Pasques dernieres, commençant par le premier commandement, ou vous treuveres vos Offices et oraysons; et puis au second, ou vous treuveres vos vœux, et ainsy de main en main.

  A013002452 

 Je ne veux pas que vous veillies le sepulchre cett'annee, ains qu'avec Madeleyne et les autres bonnes filles, vous præparies des le soir les parfums et unguentz, et que le mattin a bonn'heure vous aillies au sepulchre; car cette demesuree veille vous tiendroit tout le jour hors d'aleyne et estoufferoit l'esprit de devotion..

  A013002456 

 Demeures bien en vostre tabernacle; et quoy que les saules y abondent, ne laisses pourtant pas d'y avoir du meurte, de la palme et du fruit du bel arbre..

  A013002469 

 Et quand ce vint au point auquel je contemplois comme on chargea la croix sur lesaspaules de Nostre Seigneur et comment il l'embrassa, en disant qu'en sa croix et avec icelle il advoüa et prit a soy toutes nos petites croix et qu'il les baysa toutes pour les sanctifier; venant a particulariser qu'il baysa nos secheresses, nos contradictions, nos amertumes, je vous asseure, ma chere Fille, que je fus fort consolé et eu peyne de contenir les larmes.

  A013002470 

 Dieu soit a jamais leur Dieu, et l'Ange qui a conduit leur mere les veuille benir a jamais.

  A013002510 

 Je voudrois bien [284] avoir quelque chose pareille pour les contre changer, mais ce sera lhors que nostre Prieure eslëue, ainsy que vous me dites, viendra fonder un Monastere dans ma miserable Geneve, et que, obstetricante manu Domini, educetur coluber tortuosus.

  A013002530 

 Croyés-moy, Dieu sera glorifié en vostre voyage et venue, d'autant que c'est luy seul qui l'a disposé et m'a osté les empeschemens que je voyois nagueres devant mes yeux pour le faire si tost.

  A013002530 

 Mais avant que vous parties, demandés la benediction a Monsieur d'Autun, s'il se peut, avec permission de vous prevaloir des Indulgences qui vous seront octroyees ou vous passeres par les Evesques.

  A013002559 

 Or sus, je sçai bien que quand par bonne rencontre on treuve Dieu, c'est bien fait de s'entretenir a le regarder et arrester en luy; mais, ma chere Fille, de le penser tous-jours rencontrer ainsy a l'impourveu, sans preparation, je ne pense pas qu'il soit encor bon pour nous qui sommes encor novices, et qui avons plus besoin de considerer les vertus du Crucifix l'une apres l'autre et en detail, que de les admirer en gros et en bloc.

  A013002560 

 Vous feres donques bien de continuer vos confessions vers luy, et prendre les bons advis qu'il vous donnera selon l'occurrence de vos necessités..

  A013002561 

 Il y a difference entre discerner la Communion d'entre les autres participations, et discerner la frequente Communion d'avec la rare Communion.

  A013002561 

 Mais si elle n'a point d'autre chalaur qu'a la Communion et non point a la mortification des petites imperfections de la jeunesse, je pense qu'il suffiroit de la faire confesser tous les huit jours et communier tous les moys.

  A013002562 

 Ne desirés point de n'estre pas ce que vous est es, mais desirés d'estre fort bien ce que vous estes; amusés vos pensees a vous perfectionner en cela et a porter les croix, ou petites ou grandes, que vous y rencontreres.

  A013002563 

 Ma chere Fille, nous sommes au chemin des Saintz; allons courageusement, malgré les difficultés qui y sont..

  A013002577 

 Il m'a rendu, ma chere Fille, et me rend tous les jours plus, ce me semble, au moins plus sensiblement, plus suavement, du tout, en tout et sans reserve, uniquement, inviolablement vostre; mais vostre en luy et par luy, a qui soit honneur et gloire aux siecles des siecles, et a sa sainte Mere.

  A013002577 

 Mais, mon Dieu, ma chere Fille, tenés vostre cœur au large, reposés-le souvent entre les bras de la Providence divine.

  A013002586 

 Mais les croix de Dieu sont elles pas douces et pleines de consolation? Ouy, pourveu que l'on y meure, comme fit le Sauveur.

  A013002588 

 Dieu, qui void les intimes replis de mon cœur, sçait qu'il n'y a rien en ceci que pour luy et selon luy, sans lequel je veux, moyennant sa grace, n'estre rien a personne et que nul ne me soit rien; mais, en luy, je veux non seulement garder, mais je veux nourrir, et bien tendrement, cette unique affection.

  A013002589 

 Maintenant donq, y ayant pensé, je vous dis qu'il n'y a point de danger d'en parler quand l'occasion s'en presente, car cela ne tesmoigne que la memoire que vous en deves avoir; mais je croy qu'il seroit mieux, parlant de luy, d'en parler sans paroles et souspirs qui tesmoignassent un amour attaché et engagé a la presence corporelle; et parlant, en lieu de dire: feu mon pauvre mary, je voudrois [295] dire: mon mary, que Dieu ayt en sa misericorde; et ces dernieres paroles, les dire avec sentiment d'un amour non point affoibli par le tems, mais bien affranchi et espuré par l'amour superieur.

  A013002590 

 Il s'est treuvé que les deux saintz Suaires de Nostre Seigneur sont tout semblables et les mains croisees..

  A013002592 

 Tout ceci ne sont pas des grandes choses, mais je les vous ay voulu dire parce qu'elles me sont venues en l'esprit, apres avoir escrit une douzaine de lettres a ces Messieurs de la cour en recommandation de nostre Chapitre de Saint Pierre..

  A013002593 

 Tenés vostre cœur ferme et haut eslevé en Dieu par une entiere confiance en sa sainte providence, laquelle, sans doute, ne vous a pas donné le dessein de la servir qu'elle ne vous donne tous les moyens de ce faire.

  A013002594 

 Conservés vos vœux et vos resolutions, tenés les a l'abri dans le fond de vostre ame.

  A013002617 

 Baysés souvent de cœur les croix que Nostre Seigneur vous a luy mesme mises sur les bras; ne regardés point si elles sont de bois pretieux ou odorant: elles sont plus croix quand elles sont d'un bois vil, abject, puant.

  A013002617 

 Prattiqués les mortifications desquelles le sujet se presente plus souvent a vous, car c'est une besoigne qu'il faut faire la premiere; apres celle-la nous en ferons d'autres.

  A013002619 

 O Dieu, les plus belles ne sont pas les meilleures.

  A013002619 

 Voyes-vous, ma chere Seur ma Fille, c'est Nostre Seigneur en l'habit de jardinier que vous rencontres tous les jours ça et la, es occurrences des mortifications ordinaires qui se presentent a vous.

  A013002633 

 Croyés moy, ma chere Fille, ne vous lourmentes point pour toutes les suggestions que cet adversaire vous fera.

  A013002633 

 N'ayons point de crainte que de Dieu, et encor, une crainte amoureuse; tenons nos portes bien fermees; prenons garde a ne point laisser ruiner les [300] murailles de nos resolutions et vivons en paix.

  A013002633 

 Ne nous effrayons point de ses fanfares: il ne nous sçauroit faire nul mal, c'est pourquoy il nous veut au moins faire peur, et par cette peur nous inquieter, et par l'inquietude nous lasser, et par la lassitude nous faire quitter; mais contentons-nous que, comme petitz poussins, nous nous sommes jettés sous les aisles de nostre chere Mere.

  A013002633 

 Non, ne vous estonnes de rien; mocqués-vous de ces assautz de nostre ennemy: je dis de ces assautz desquelz vous m'aves fait les monstres pendant vostre sejour en ce païs.

  A013002634 

 Non, ma chere Fille, si vous esties icy, encor ne voudrois-je pas pour cela entreprendre de faire taire les grenouilles; mais ce vous dirois-je bien qu'il ne les faudroit pas craindre ni s'en inquieter, ni ne penser pas a leur bruit.

  A013002634 

 Or, les sujetz estoyent anciennement obligés, par reconnoissance formelle, de faire taire les grenouilles des fossés et marecages voysins pendant que l'Evesque dormoit.

  A013002634 

 Qu'elles crient tant qu'elles voudront; pourveu que les crapaux ne me mordent point, je ne laisseray pas de dormir pour elles, si j'ay sommeil.

  A013002647 

 Non, ma Fille, ne marqués plus ainsy par le menu vos defautz, remarqués-les seulement en bloc; car cela suffira abondamment pour vous faire connoistre a qui vous desires et pour vostre direction..

  A013002649 

 Les grans et esloignés voyages ne sont pas utiles a vostre sexe, ni d'edification au prochain: au contraire, on en parle, on attribue cela a legereté, on murmure contre les peres spirituelz.

  A013002649 

 Nous aurons asses a faire de reduire en effect nos resolutions, lesquelles neanmoins me contentent tous les jours plus, et j'y voy tous-jours plus de la gloire de Dieu, en la seule providence duquel j'espere cet evenement..

  A013002650 

 A la verité dire, les pauvres petites et blanches colombelles sont bien plus aggreables que les serpens; et quand il faut joindre les qualités de l'un a celles de l'autre, pour moy, je ne voudrois nullement donner la simplicité de la colombe au serpent, car le serpent ne laisseroit pas d'estre serpent; mais je voudrois donner la prudence du serpent a la colombe, car elle ne laisseroit pas d'estre belle..

  A013002653 

 Pour vos vielles tentations, n'en affectionnés pas tant la delivrance; dissimulés de les sentir, ne vous effarouchés point pour leurs attaques.

  A013002662 

 Croyés moy, ma Fille, les viandes douces engendrent les vers aux petitz enfans, et en moy qui ne suis pas petit enfant; c'est pourquoy nostre Sauveur nous les entremesle d'amertumes..

  A013002662 

 Mais certains desirs qui tirannisent le cœur, qui voudroyent que rien ne s'opposast a nos desseins, que nous n'eussions nulles tenebres, mais que tout fut en plein mydi; qui ne voudroyent que suavités en nos exercices, sans degoustz, sans resistence, sans divertissements; et tout aussi tost quil nous arrive quelque tentation interieure, ces desirs la ne se contentent pas que nous n'y consentions pas, mais voudroyent que nous ne les sentissions pas; ilz sont si delicatz quilz ne se contentent pas que l'on nous donne une viande de bon suc et nourrissante, si elle n'est toute sucree et musquee; ilz voudroyent que nous ne vissions seulement pas les mousches du moys d'aoust passer devant nos yeux: ce sont ces desirs d'une perfection trop douce, il n'en faut pas avoir beaucoup.

  A013002664 

 Hier au soir, nous eusmes icy des grans tonnerres et des esclairs extremes, et j'estois si ayse de voir nos jeunes gens, mais particulierement mon frere, nostre Groysi, qui multiplioyent les signes de croix et le nom de Jesus.

  A013002665 

 Courage, ma Fille, n'avons nous pas occasion de croire que nostre Sauveur nous ayme? Si avons certes; et pourquoy donques se mettre en peyne des tentations? Je vous recommande nostre simplicité, qui est si jolie et qui est si aggreable a l'Espoux, et encor nostre pauvr'humilité, qui a tant de credit vers luy; et faites moy une charité pareille en me les recommandant a moy.

  A013002666 

 J'ay demeuré douze jours a Viu pour [307] accommoder les affaires de cette terre-la, et le fis asses heureusement.

  A013002667 

 Ma mere et tous les vostres de deça se portent bien.

  A013002683 

 Je dis a Dieu, ma Fille, parce que je me confirme tous les jours plus en la creance que j'ay que c'est Dieu qui m'impose ce devoir: c'est pourquoy je le cheris si incomparablement..

  A013002685 

 Mais de vouloir laisser nostre Sauveur tout fin seul, elle avoit, ce me semble, tort; car il n'est pas venu en ce monde pour vivre en solitude, mais pour estre avec les enfans des hommes..

  A013002687 

 Ne voyla pas un merveilleux secret? Je pense que c'est cela que les Docteurs disent, que pour faire l'orayson il est bon de penser qu'il n'y a que Dieu au monde; car sans doute, cela retire fort les puissances de l'ame et l'application d'icelles s'en fait bien plus forte..

  A013002690 

 Je commence fort a me reserver les matinees et a manger a certaines heures.

  A013002690 

 Or bien, ma Fille, que nostr'ame soit quelquefois comme cela, que la tempeste et les foudres fondent tout au tour: si faut-il avoir courage et se tenir dans nostre petit tabernacle, les colomnes duquel pendant qu'elles sont entieres, il ni a que la peur, mais point de mal..

  A013002690 

 Tous les vostres de deça se portent bien.

  A013002705 

 Estre servante de Dieu, c'est estre charitable envers le prochain, avoir en la partie superieure de l'esprit une inviolable resolution de suivre la volonté de Dieu, avoir une tres humble humilité et simplicité pour se confier en Dieu et se relever autant de fois qu'on fait des cheutes, s'endurer soy mesme en ses abjections et supporter tranquillement les autres en leurs imperfections..

  A013002746 

 Ce serait un moyen de favoriser grandement l'œuvre de la conversion des hérétiques; en effet, les convertis, en s'occupant à l'exercice de ces métiers, pourraient vivre convenablement, sans courir çà et là, comme ils ont été contraints de le faire jusqu'ici.

  A013002746 

 Les deux gentilshommes nommés dans le mémoire ci-joint se disposent à employer une notable somme d'argent pour établir dans [315] la Maison de Thonon bon nombre de métiers mécaniques.

  A013002748 

 Je prie Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre Seigneurie une parfaite prospérité, et je lui baise très humblement les mains..

  A013002760 

 Ne voyes [317] vous pas, ma Fille, que le trouble du jour est esclairci par le repos de la nuit? signe evident que nostre ame n'a besoin d'autre chose que de se resigner fort en son Dieu et se rendre indifferente a le servir, soit parmi les espines, soit parmi les roses..

  A013002761 

 Et je connoissois bien que Dieu me vouloit faire entendre que si les assautz et grandes attaques ne me troublent point, comme a la vérité elles ne font, ce n'est pas moy qui fay cela, c'est la grace de mon Sauveur; et, sans mentir, apres cela je me sens consolé de cette connoissance experimentale que Dieu me donne de moy mesme..

  A013002792 

 Je vous en sçay vrayement bon [320] gré, mais si faut-il que vous ne perdies point courage pour cela; car encor que vous n'aures pas tant d'ayde exterieure, si est ce que, tenant tous-jours vos desirs et resolutions d'estre toute a Dieu bien vifs et formés en vostre ame, le Saint Esprit vous consolera par une secrette assistance qui suppleera aux exercices que vous laysses, puisque vous ne les laysses que pour l'honneur et la gloire de cette mesme divine Bonté..

  A013002793 

 Avec cela, vous pouves justement vous contenter, et suppleer le manquement des autres exercices par des frequentes et ferventes oraysons jaculatoires ou eslancemens d'esprit en Dieu, et les sermons, par une devote et attentive lecture des bons livres..

  A013002794 

 Ce doivent estre vos deux cheres vertus, puisque Nostre Seigneur les a tant recommandees; et la troisiesme, une grande pureté du mesme cœur, et la quatriesme, une grande sincerité en vos paroles, sur tout en vos confessions.

  A013002794 

 Nulle compaignie, nulle sujetion ne vous peut empescher de parler souvent avec Nostre Seigneur, ses Anges et ses Saintz, ni d'aller souvent parmi les rues de sa Hierusalem celeste, ni d'escouter les sermons interieurs de Jesus Christ et de vostre bon Ange, ni de communier tous les jours en esprit..

  A013002806 

 Mais ce qui me contente le plus est mon petit neveu, filz aisné de la mayson: sa nourrice m'asseure qu'ordinairement il tette [322] les mains jointes, avec une posture fort devote.

  A013002811 

 Les Clets, 12 octobre 1607..

  A013002815 

 C'est la verité, Monsieur, je ne me puis assouvir du playsir que je reçois de l'asseurance de vostre amitié: mon frere de Groisy et moy en faysons feste a nos espritz toutes les fois que nous nous voyons; mon cœur est tout plein de ce bonheur.

  A013002816 

 Et m'y plairois bien davantage, si ce n'estoit ces petites riottes qui pullulent tous les jours entre les officiers de Monsieur, desquelz quelques uns se rendent plus aigres qu'ilz ne devroyent contre le bon monsieur Favre, duquel ilz espuisent les belles humeurs et l'aage.

  A013002818 

 Je voudrois avoir envoyé l'Orayson funebre de Madame; mais j'attens des memoires de la grandeur de la mayson d'Este qui me doivent venir d'Italie, n'ayant jamais rien peu apprendre qui fust esclattant comme je desire, par les livres que j'ay peu avoir en ce païs ni aucun recit qu'on m'ayt fait.

  A013002849 

 Je baise humblement les mains sacrées de Votre Seigneurie et prie Dieu notre Seigneur de lui accorder tout vrai contentement..

  A013002864 

 Dimanche matin, elle envoya prendre mon frere le chanoyne; et parce qu'elle l'avoit veu fort triste, et tous les autres freres aussi le soir precedent, elle luy commença a dire: « J'ay resvé toute la nuit que ma fille Jane est morte; dites moy, je vous prie, est il pas vray? » Mon frere, qui attendoit que je fusse arrivé pour le luy dire, car j'estois a la visite, voyant cette belle ouverture de luy presenter le hanap et qu'elle estoit couchee en son lit: « Il est vray, » dit il, « ma mere; » et cela sans plus, car il n'eut pas asses de force pour rien adjouster.

  A013002866 

 Quel bonheur a cette fille d'avoir esté ravie du monde, affin que la malice ne pervertisi son esprit, et d'estre sortie de ce lieu fangeux avant qu'elle s'y fust soùillee! On cueille les fraises et les cerises avant les poires bergamottes et les capendus; mais c'est parce que leur sayson le requiert.

  A013002870 

 Je luy en sçai bon gré; car ces cœurs a demi mortz, a quoy sont-ilz bons? Mais il faut que nous fassions un exercice particulier, toutes les semaines une fois, de vouloir et d'aymer la volonté de Dieu plus vigoureusement, je passe plus avant: plus tendrement, plus amoureusement que nulle chose du monde; et cela, non seulement es occurrences supportables, mais aux plus insupportables.

  A013002885 

 J'ay regretté toutes les pertes qui se sont faites en vostre mayson, de laquelle je suis l'un des enfans, au moins en affection.

  A013002887 

 Vous pourres utilement lire les livres de la Mere Therese et de sainte Catherine de Siene, la Methode de servir Dieu, l' Abbregé de la Perfection chrestienne, la Perl'Evangelique; mais ne vous empresses point a la prattique de tout ce que vous y verres de beau, mais alles [334] tout doucement aspirant apres ces beaux enseignemens et les admirant tout bellement.

  A013002888 

 Estant aux chams, les prestres que vous treuveres es parroisses vous pourront aussi confesser..

  A013002917 

 O ma chere Fille, ne voyci pas grand cas! c'est mon Noé qui va a Lion, et neanmoins je n'ay pas loysir de [337] vous escrire, car je ne sçavois pas quil partist avant qu'aller dire la Messe; et au sortir d'icelle, nos messieurs les chanoynes m'ont prié de l'envoyer pour certaines affaires qui regardent encor le service de Dieu.

  A013002918 

 O Dieu, non: ni la mort, ni les choses presentes ni les futures, ni les prosperités ni les adversités, ne nous separeront jamais de la charité qui est en Jesuscrist.

  A013002922 

 Je sçai bien que du tems de nostre saint Hierosme on appelloyt sains tous les Evesques, a rayson de leur charge; mais ce n'en est pas la coustume maintenant..

  A013002922 

 Je viens tout maintenant de prescher pour annoncer a mon pauvre peuple les Advens; je feray venir icy ma mere pour les festes.

  A013002926 

 J'ay presché sur les paroles de Dieu recitees par Hieremie: Je pense des pensees de paix et non point d'affliction.

  A013002965 

 Oüy, Monsieur mon Oncle, car sur mon chemin de ma visite, on me dit si asseurement que Dieu avoit retiree son ame de ce monde, que je ne la recommanday plus a sa divine Majesté qu'en qualité de trespassé, apres en avoir eu les desplaysirs et tristesses que la sincere affection de neveu et serviteur bien humble que je luy suis me fournissoit.

  A013002966 

 Tous les vostres de deça se portent bien, et particulierement nostre Religieuse de Sainte Claire qui avance bien fort en la sainte devotion.

  A013002967 

 Mais faut il pas que je vous die les resolutions de monsieur le Baron de Menthon et de monsieur d'Autrechese, dont le premier a fait veu de chasteté perpetuelle et, s'estant desja revestu de sottane a l'ecclesiastique, minute son despart entier des affections du siecle pour se lier aux Ordres sacrés; et le second, ayant solemnellement voué, dedié et consacré tous ses biens a l'Eglise pour l'erection d'une Collegiale a Ugine, persiste vaillamment a la resolution de prendre le subdiaconnat a [344] ceste premiere ordination.

  A013002986 

 Les heureuses promesses que le Ciel fait a la terre par la promotion de Vostre Altesse au cardinalat, donnent sujet [345] a toute l'Eglise de benir la Providence divine, laquelle, par ce moyen, fournit au grand Siege Apostolique une colomne de haut prix et d'excellente dignité.

  A013002986 

 Mais ce diocese de Geneve en doit ressentir une joye toute particuliere; car le voyla, Monseigneur, doublement asseuré de la protection de Vostre Altesse, par le sang duquel elle est extraitte et par celuy qui teint son sacré chapeau, puisque la couleur de pourpre n'y tient nulle place que pour representer le sang du Sauveur, dans lequel les grans de l'Eglise doivent tous-jours tremper leur zele..

  A013002987 

 [346] Bon augure, ce me semble, et bonne esperance pour nous, que Vostre Altesse heritant les honneurs de tous ces braves et dignes predecesseurs, elle succedea de mesme en leurs affections..

  A013002988 

 Ce sont les vœux continuelz,.

  A013002988 

 Dieu nous fasse voir, Monseigneur, les jours de Vostre Altesse fleuris en toutes sortes de benedictions, et l'Eglise refleurissante en la pieté de laquelle, comme d'un beau printems, le chapeau de Vostre Altesse, a guise d'une rose vermeille, nous vient donner un doux et gracieux presage.

  A013003027 

 En les portant, selon l'usage, à la connaissance du Saint Siège, je ne puis m'empêcher de déposer l'expression de ma joie aux pieds de Votre Sainteté, comme étant le Père à la fois très aimant et très aimé de toutes les Eglises..

  A013003027 

 Sur les mœurs et l'origine de Pierre Fenouillet, que le roi très chrétien vient de nommer à l'évêché de Montpellier, j'ai recueilli une riche moisson de témoignages.

  A013003028 

 Lorsqu'un père de famille trouve pour sa fille une heureuse et [349] honnête alliance, ses serviteurs, les gens de sa maison s'en réjouissent d'ordinaire et à bon droit.

  A013003028 

 On peut bien lui dire: Votre douleur est grande comme la mer; qui pourra vous consoler? Aussi, selon toute justice, les enfants de la maison de Dieu doivent d'abord féliciter cette Eglise à la veille d'être si bien pourvue, et ensuite l'Eglise Romaine, comme étant leur très bonne mère..

  A013003028 

 Or, l'Eglise de Montpellier avait besoin d'être difficile pour le choix de son époux, après les dures misères qu'elle souffre depuis si longtemps de la part des hérétiques.

  A013003029 

 A cette nouvelle, les Catholiques Montpelliérains ont triomphé de joie et envoyé au roi une députation de notables pour lui rendre grâces, au nom de tous, de ce qu'il leur destinait un Pasteur si éminent..

  A013003029 

 En effet, Très Saint Père, il est mon compatriote; c'est dans notre ville même que, tout jeune, il a fait, sous la direction de son père, un parfait honnête homme, ses [350] premières études; il les a continuées ailleurs, mais en y apportant une telle ardeur, une telle vivacité d'esprit, qu'il est devenu docteur en théologie et bientôt un prédicateur tout à fait célèbre.

  A013003030 

 Aussi, Très Saint Père, c'est une heureuse fortune pour cette Eglise, on le conçoit aisément, d'être confiée à un homme qui a passé par tous les degrés des fonctions ecclésiastiques.

  A013003030 

 Sentinelle vigilante, il se tiendra sur les murs de la cité, la bouche ouverte jour et nuit pour invoquer le nom du Seigneur.

  A013003031 

 C'est la grâce que je demande à Votre Béatitude pour lui, ayant été jusqu'ici son Evêque, et aussi à cause des obligations que lui a l'Eglise de Genève, et je la demande très humblement, par les entrailles du Christ, à vous qui êtes le Père de l'un et de l'autre, prosterné à vos pieds pour les baiser.

  A013003043 

 O quel bausme il respandroit en toutes les puissances de nostre esprit! Que nous serions heureux, ma Fille, de n'avoir en l'entendement que Jesus, en la memoire que Jesus, en la volonté que Jesus, que Jesus en l'imagination! Jesus seroit par tout en nous, et nous, par tout en luy.

  A013003056 

 Je suis bien ayse, ma Fille, que vous facies les litz des pauvres malades; et si, je suis bien ayse que vous y ayes de la repugnance, car cette repugnance est un plus grand sujet d'abjection que la puanteur et saleté qui la provoque..

  A013003057 

 Ces deux Dimanches j'ay treuvé nos Communions diminuees de la moytié; cela m'a bien fasché; car encor que ceux qui les faisoyent ne deviennent pas meschans, mais pourquoy cessent-ilz? Pour rien, pour la vanité.

  A013003057 

 Sçachés, ma chere Seur, ma Fille, que me voyci en mon triste tems, car despuis les Rois jusques au Caresme j'ay des estranges sentimens en mon cœur; car, tout miserable, je dis detestable que je suis, je suis plein de douleur de voir que tant de devotion se perd, je veux dire que tant d'ames se relaschent.

  A013003069 

 Et puis qu'asses demande du pain celuy qui se plaint de la faim, je vous dis, ma Fille: ouy, communiés ce Caresme les mercredis et vendredis et le jour de Nostre Dame, outre les Dimanches..

  A013003070 

 Ainsy, ma Fille, ceux qui font bonne digestion [357] spirituelle ressentent que Jesus Christ, qui est leur viande, s'espanche et communique a toutes les parties de leur ame et de leur cors.

  A013003073 

 Je me feray mieux entendre en vous disant que je crains de rencontrer des secretaires qui, quand on leur dit: Donnés-moy ma botte, bridés ce cheval, faites ce lit, ilz respondent: Je ne suis pas pour cela; car en tout j'employe le premier que je treuve, horsmis les ecclesiastiques.

  A013003075 

 Je veux dire que je les tiens pour mes enfans, et les tiens comme cela du profond de mon cœur, [surtout] Aymee Marie.

  A013003076 

 Pour les conditions que je desire en vostre obeissance, elles sont toutes en une; car je n'y desire que la simplicité, laquelle fait acquiescer doucement le cœur [359] au commandement et fait qu'on s'estime bienheureux d'obeir, mesme es choses repugnantes, et plus en celles-la qu'en nulle autre..

  A013003078 

 Je vous entens bien en la maniere que vous me le dites, avec laquelle vous vous mettés, a l'adventure, en faysant les actions que vous ne reconnoissés pas du tout bien: je l'appreuve, car vrayement elle est bonne, et si, j'en fay de mesme..

  A013003078 

 Tous-jours, quand vostre cœur vous le dira, recommandés moy les vertus.

  A013003080 

 Nous n'avons pas icy qui les face; s'il n'y a pas beaucoup d'incommodité, envoyés m'en un..

  A013003082 

 Les deux pointz que je vous dis en la chappelle de Sales pour la pureté du cœur sont d'eviter le peché et de [360] ne point y laisser entrer aucune affection formee qui ne tende a l'honneur et amour de Dieu.

  A013003085 

 Mais, en vous promenant seule, ou ailleurs, jettés l'œil sur la volonté generale de Dieu, par laquelle il veut toutes les œuvres de sa misericorde et de sa justice au Ciel, en terre, sous terre; et, avec une profonde humilité, appreuvés, loués, puis aymés cette volonté souveraine, toute sainte, toute equitable, toute belle..

  A013003086 

 Et cela il le faut un peu mascher, considerant la varieté des consolations, mais sur tout des tribulations que les bons souffrent; puys, avec grande humilité, appreuvés, loués et aymés toute cette volonté..

  A013003086 

 Jettés l'œil sur la volonté de Dieu speciale, par laquelle il ayme les siens et fait en eux des œuvres diverses de consolation et de tribulation.

  A013003087 

 Considerés cette volonté en vostre particuliere personne, en tout ce qui vous arrive de bien et de mal et qui vous peut arriver, hors le peché; puys, appreuvés, loués et aymés tout cela, protestant de vouloir a jamais honnorer, cherir, adorer cette souveraine volonté, exposant a sa merci et luy donnant vostre personne et celle de tous les vostres, et j'en suis.

  A013003090 

 J'excepte nostre chere M me de Charmoysi, qui est au lit d'un catherre qui luy est tombé sur les yeux.

  A013003095 

 ... beaupere, et tous-jours, quand vous voudres, salues [362] le de ma part... les graces du Saint Esprit.

  A013003132 

 Il ne faut pas, pour peu de chose, se detraquer comme cela, notamment les femmes; car par apres on ne vaut rien tout le long du jour..

  A013003135 

 Mon Dieu, ma Fille, je voudrois que vous eussies la peau du cœur un peu plus dure, affin que vous ne laissassies pas de dormir pour les puces.

  A013003135 

 Quand les tentations vous viendront a gauche, je ne m'en mettray pas en peyne, car elles sont trop grossieres.

  A013003138 

 Dites luy les considerations qui font differer la sortie, et puis celles que j'ay fait pour le genre de vie apres la sortie (mais, outre tout cela, ce sera sans doute [369] la plus grande gloire de Dieu, pour des raysons que je ne puis dire), et vous verres qu'il dira que nos resolutions sont resolutions faites de la main de Dieu.

  A013003138 

 Je les dis au Pere Recteur de Chambery, sans rien nommer, il m'y conforta; je les dis a un autre grand ecclesiastique, il m'y conforta; je les ay dites mille fois a Dieu, mais helas! non pas si reveremment que je devois, et tous-jours il m'y a conforté.

  A013003139 

 Non, nullement: c'est simplement affin que, l'ayant proposé au Pere Gentil, vous puissies non point fortifier ces resolutions, car je les tiens invariables, mais vous y consoler, et moy aussi.

  A013003151 

 Les parroissiens de vostre eglise sont venus aux plaintes vers moy pour le manquement du service, et monsieur [370] Exertier est venu pour son particulier, a rayson de cerlaines dixmes desquelles il dit que vous le frustrés et pour les despens desquelz je me retins de connoistre.

  A013003169 

 Je ne luy sçaurois refuser cet office, et luy ay promis que, le tems en estant venu, je vous en feray les supplications requises; dequoy j'ay voulu vous tenir advertie de bonn'heure pour sa consolation..

  A013003185 

 C'est que tout ce que je vous dis: Ne penses pas ceci, cela; ne regardes pas, et semblables, tout cela s'entend grosso modo; car je ne veux point que vous contraignies vostre esprit a rien, sinon a bien servir Dieu, a le bien aymer, a ne point abandonner nos resolutions, ains a les aymer.

  A013003185 

 Pour moy, j'ayme tant les miennes, que quoy que je voye ne me semble point suffisant pour m'oster un'once de la bonn'estime que j'en ay, encor que j'en voye et considere des autres plus excellentes et relevees..

  A013003187 

 Imagines vous (je veux dire penses) que vous estes un petit saint Jan qui doit dormir et se reposer sur la poitrine de Nostre Seigneur, entre les bras de sa providence.

  A013003187 

 Mocques vous de la plus part de ces brouilleries, ne debrassés point pour les penser rejetter; moques vous en, divertisses a des actions, tasches de bien dormir.

  A013003187 

 Nous n'avons point d'intention que pour la gloire de Dieu, non pas? Non certes, au moins d'intentions descouvertes; car si nous en descouvrions, nous les arracherions tout aussi tost de nostre cœur.

  A013003187 

 Voyes vous (voyci un autr'espanchement d'esprit, mais il ni a remede), ceux qui ne peuvent pas soufrir la demangeayson d'un ciron, en la pensant faire passer, a force de se gratter ilz s'escorchent les mains.

  A013003208 

 C'est a cette seule intention que je vous les envoye, vous priant de ne point les communiquer entieres; ouÿ bien, selon que vous verres, piece a piece, en paroles.

  A013003208 

 En l'examen, il y a des particularités propres a la condition de cett'ame la: vous les sçaures bien discerner..

  A013003208 

 Les resolutions dont il s'agit sont generales de servir Dieu; c'est pourquoy il n'y a nulle difficulté qu'elles ne soyent eternelles.

  A013003208 

 Or sus, j'adjouste que les particulieres le sont encores, quand Dieu et sa gloire sont l'objet de nostre volonté.

  A013003210 

 Si vous escrives deux billetz, un a M me [d'] Equimier, vostre hostesse de Cruselles, l'autre a M me de Lalee, vous les consoleres fort..

  A013003226 

 J'ay sceu par monsieur d'Hostel que nostre R. Pere Recteur est bien malade, et si je croyois de luy estre utile j'irois le visiter en personne; mais puisque cela ne luy rendroit nul service, je le visiteray tous les jours en esprit, offrant le tressaint Sacrifice pour son portement.

  A013003246 

 Quand nous savourerons les choses divines, il ne sera plus possible que les mondaines nous reviennent donner appetit.

  A013003247 

 C'est bien dit, ma Fille bienaymee; quand nous verrons mourir nos amis, pleurons les un peu, regrettons les un peu par compassion et tendreté, mais avec tranquillité et sans impatience; et faysons valoir leur deslogement pour nous preparer tout doucement et joyeusement au nostre..

  A013003259 

 C'est nostre miel, ma chere Cousine, dedans lequel et par lequel toutes les affections, toutes les actions de nostre cœur doivent estre confites et addoucies..

  A013003260 

 Mon Dieu, que le royaume interieur est heureux quand ce saint amour y regne! Que bienheureuses sont les puissances de nostre ame qui obeissent a un roy si saint et si sage! Non, ma chere Cousine, sous son obeissance et dans cet estat, il ne permet point que les grans pechés habitent, ni mesme aucune affection aux plus moindres.

  A013003260 

 [383] Il est vray qu'il les laisse bien aborder les frontieres affin d'exercer les vertus interieures a la guerre et les rendre vaillantes, et permet que les espions, qui sont les pechés venielz et les imperfections, courent ça et la parmi son royaume; mais ce n'est que pour nous faire connoistre que sans luy nous serions en proye a tous nos ennemis..

  A013003262 

 Je presente tous les jours vostre cœur au Pere eternel, avec celuy de son Filz nostre Sauveur, en la sainte Messe.

  A013003274 

 Je regrette seulement que je suis fort peu capable pour respondre a ce que vous desires de moy sur les accidens de vostre orayson.

  A013003275 

 On passera cent fois la main et les yeux sur une chose sans rien appercevoir, lhors qu'on la cherche avec trop d'ardeur.

  A013003276 

 Je ne sçay pas les remedes dont vous deves user, mais je pense bien que si vous pouves vous empescher de l'empressement, vous gaigneres beaucoup; car c'est l'un des plus grans traistres que la devotion et vraye vertu puisse rencontrer.

  A013003277 

 Et pour vous ayder a cela, resouvenes-vous que les graces et biens de l'orayson ne sont pas des eaux de la terre, mais du Ciel, et que partant, tous nos effortz ne les peuvent acquerir, bien que la verité est qu'il faut s'y disposer avec un soin qui soit grand, mais humble et tranquille.

  A013003294 

 Ayes aggreable, Messieurs, je vous supplie, que je vous expose sur ce papier les raysons qui m'ont tiré hors de vostre ville, ma chere patrie.

  A013003294 

 Les arondelles, pour fuir les rigueurs de l'hiver, font passage aux regions plus douces; mais c'est avec un instinct naturel et perpetuelle inclination de retourner es contrees de leur origine [389] quand l'amenité du printems les y invitera.

  A013003295 

 Les uns m'ont depeint comm'un jeun'homme affollé et desesperé de n'avoir peu gaigner les amours d'une damoyselle, laquelle, disent ilz, n'a point de nom.

  A013003296 

 C'est bien parlé, car ilz m'ont fort souvent veu les larmes aux yeux et les plaintes a la bouche sur le malheur de leurs ames qui fuyent si esperduement leur salut et se precipitent a la perdition.

  A013003296 

 Les autres me font un esprit melancolique et triste, qui ne peut se contenter que par le changement d'air et d'objet.

  A013003297 

 Mais le froid si rigoureux, les glaces si fascheuses de l'hiver de la religion qui domine maintenant dans vos murailles, m'a fait passer en une region plus douce et salutaire, en attendant qu'apres les aspretés de cette sayson si tenebreuse, le Soleil de justice, ramenant sa lumiere sur vostre orison, y face renaistre la prime et premiere amænité de la sainte pieté et devotion....

  A013003308 

 Je l'ay tenüe pour bien confiee avec Madame du Puys d'Orbe, si ell'eù (sic) voulu suivre la vocation religieuse; je la tiens trop heureuse aussi d'estre aupres de vous, voulant prendre cet autre chemin, auquel je prie Nostre Seigneur quil la veuille bien conduire selon les bons exemples qu'elle verra..

  A013003321 

 C'est aujourdhuy la feste de tous les Saintz; et faysant l'Office a nos Matines solemnelles, voyant que Nostre Seigneur commence les beatitudes par la pauvreté d'esprit et que saint Augustin l'interprete de la sainte et tres desirable vertu de l'humilité, je me suis resouvenu que vous m'avies demandé que je vous envoyasse quelque [392 a ] chose d'icelle, et il m'est advis que je ne l'aye pas fait en ma derniere lettre, quoy que bien ample et peut estre trop longue.

  A013003322 

 Les vierges ont la leur, les apostres, martirs, docteurs, pasteurs, chacun la sienne comme l'ordre de leur chevalerie, et tous doivent avoir eu l'humilité, car ilz n'auroyent pas estés exaltés silz ne se fussent humiliés.

  A013003322 

 Premierement, ma chere Seur, il m'est venu en memoire que les Docteurs donnent aux vefves pour leur plus propre vertu la sainte humilité.

  A013003323 

 Au jardin de l'Eglise, les vefves sont comparees aux violettes, petites fleurs et basses, de couleur non guere esclattante, ni d'odeur trop piquante, mais soüaifves a merveilles.

  A013003323 

 Et pourquoy desireroit elle les yeux de ceux de qui elle ne desire pas le cœur? L'Apostre commande a son cher disciple quil honnore les [392 b ] vefves qui sont vrayement vefves.

  A013003323 

 Et qui sont les vefves vrayement vefves, sinon celles qui le sont de cœur et d'esprit, c'est a dire qui n'ont leur cœur marié avec aucune creature? Nostre Seigneur ne dit pas aujourdhuy: Bienheureux ceux qui sont netz de cors, mais de cœur, et ne loüe pas les pauvres, mais les pauvres d'esprit.

  A013003323 

 Les vefves sont honnorables quand elles sont vefves de cœur et d'esprit.

  A013003323 

 O que c'est une belle fleur que la vefve chrestienne! Petite et basse par humilité, elle n'est guere esclattante aux yeux du monde, car elle les fuit et ne se pare plus pour les attirer sur soy.

  A013003324 

 Entre les gueux, ceux qui sont plus miserables et desquelz les playes sont plus grandes et effroyables, ilz se tiennent pour meilleurs gueux et plus propres a tirer l'aumosne.

  A013003324 

 Nous ne sommes que des gueux; les plus miserables sont de meilleure condition, la misericorde de Dieu les regarde volontiers..

  A013003325 

 Les hommes regardent ce qui est dehors, mais Dieu regarde le cœur.

  A013003325 

 Mais resouvenes vous de les prescher avec joÿe, vous consolant d'estre toute vuide et toute vefve, affin que Nostre Seigneur vous remplisse de son Royaume.

  A013003327 

 Les offices humbles et d'humilité exterieure ne sont que l'escorce, mais elle conserve le fruit..

  A013003329 

 Il a bien crié autour des Saintz et fait plusieurs tintamarres; mais quoy pour cela? les voyla logés en la place qu'il a perdue, le miserable..

  A013003331 

 Je vous donne, et vostre cœur de vefve et vos enfans, tous les jours a nostre Seigneur, en luy offrant son Filz.

  A013003331 

 Priés pour moy, ma chere Fille, affin qu'un jour nous puissions nous voir avec tous les Saintz en Paradis.

  A013003364 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A013003375 

 Les grandes et rares qualitéz que la bonté et liberalité de Dieu vous a desparties, qui forcent les estrangiers mesmes de les recognoistre et d'en rechercher la jouissance, nous obligent encoures d'en faire l'estat que nous devons et de nous en prevalloir, tant pour nostre particulier que pour le general de ceste province, et principalement de cette ville, laquelle, comme estant le chef de l'Estat, semble avoir quelque droict de rechercher avec nous cet honneur de vous avoir pour predicateur a ce Caresme prochain, si la disposition de voz affaires vous en donnent aultant de commodité comme nous en avons tous de volonté et de desir..

  A013003377 

 Dequoy nous avons encores particulierement chargé le sieur Senateur Favre de vous prier de nostre part et vous asseurer tant plus que nous vous en aurons obligation perpetuelle, et laquelle nous tascherons tous, et en general et en particulier, de recognoistre en vostre endroict par toutte sorte de tesmoignage d'affection a vostre service, d'aussy bon cœur qu'appres vous avoir bien humblement baisé les mains, nous prions Dieu quil luy plaise, Monsieur, vous conserver et accroistre de jour en jour ses sainctes graces, et a nous les vostres..

  A013003379 

 LES GENS TENANTZ LE SOUVERAIN SENAT DE SAVOYE..

  A013003393 

 Que je suis contant et consolé quant je reçois de voz nouvelles! Elles me ravissent; et qui n'en seroit touché, y reconnoissant une affection sans mesure envers moy, qui n'en suis digne que par vostre pure bonté et courtoisie? Les grandes obligations doivent estre plustot ensevelies dans le silence que non assez dignement remercieez.

  A013003394 

 Le progrez que vous faictes en vostre diocese, y gaignant touts les jours quelques ames desvoyeez, resjouit touts les gens de bien.

  A013003396 

 Messieurs nos Presidents, pere et oncle, vous baisent tres humblement les mains et vous remercient le resouvenir qu'avez d'eux, et moy je vous conjure de continuer a m'aymer autant que je vous honore..

  A013003412 

 Je vous baise les mains mille et mille fois de la souvenance que vous avez de moy et de mon chapitre, estant neanmoins bien desplaisant, non tant de la peine que de l'incommodité que ce chapitre vous donne parmy tant d'autres affaires plus importants et plus pressants.

  A013003414 

 Comme j'estois en cest endroit, monsieur Rogex m'est venu advertir de la venue de Monsieur et quil est sur le poinct de partir pour [398] passer outre; qui sera la cause que je ne vous feray ceste plus longue, sinon pour vous dire que l'on n'a poinct de nouvelles de la santé de Son Altesse despuis mercredy dernier, qu'on fut adverty que son acces dernier avoit esté moindre que les autres..

  A013003431 

 Que si le seigneur Gaillon aurà moyen de vous apporter quelcune de mes petites ou grandes pieces qui, possible, ne vous sont pas parvenues es mains, vous plairrà, Monseigneur, les accepter et prendre en gré, comme provenantes d'iceluy qui vous ayme par dessus tous ces (sic) enfans spirituels, et vous revere et honnore à l'egal de quelconque autre Prelat..

  A013003432 

 Le livre ou l'on traite du saint Sacrifice de la Messe sortit en italien, car je le feis pour confirmer les Italiens, desquels [400] à Lyon et en Piedmont plusieurs esbransloient.

  A013003432 

 Pendant que j'estois à Lyon preschant contre les calvinistes, jadis 44 annees, j'escrivis un petit livre et une lettre à un de Geneve qui estoit italien.

  A013003434 

 Et s'il vous plairrà, Monseigneur, me faire donner par fois quelque nouvelle de la conversion des ames et de ce que l'on pourroit faire d'avantage pardela par le moyen de Romme et d'ailleurs, peut estre que m'essayeray d'y songer et de vous y tenir la main, si tant est que l'aage et les indispositions du corps me donnent quelques treves pour m'employer au service de Dieu et de [401] vous, Monseigneur, au quel je prie la continuelle assistence divine, et plenissimam benedictionem de cœlo desuper et de terra deorsum..

  A013003450 

 Le Conseil de la Religion nous a faict voir la lettre que luy avez escrit, comme aussy celle du Berghera, en conformité de la nostre, touchant la provision des benefices qui restent a pourvoir riere les baillages de Chablais, Gaillard et Ternier que Nous desirons et affectionons tout ce qui se peut.

  A013003468 

 Son pere la laissa en enfance sous la charge de sa mere qui l'instruisit soigneusement et syncerement en toute sorte de pieté; c'est pourquoy en sa jeunesse elle conçeut le desir d'estre Religieuse, mais ses parens et alliez n'y voulurent point bailler leur consentement; et certes, la nature ne luy avoit pas baillé la force pour supporter les rigueurs de la Religion..

  A013003469 

 Car en la maison, elle entretenoit la paix et la concorde, quoy que son mary fust assez fascheux, avoit charge de toutes les affaires domestiques, dont elle s'acquittoit fort bien, estant soigneuse, prouvoyante et jamais oisive, tres-liberale envers les pauvres, tousjours de bonne intelligence avec ses parens et voisins..

  A013003470 

 Elle aymoit grandement et honoroit les vierges et chastes..

  A013003470 

 Elle entendoit tous les jours la Messe, quoy que l'eglise fust fort esloignée.

  A013003470 

 Elle jeusnoit exactement tous les vendredys; les jours de veille, des quatre Temps et de Caresme, elle ne mangeoit que du pain et des legumes, et ne beuvoit de vin que la moitié de son verre; si elle avoit plus de soif, elle ne beuvoit que d'eau.

  A013003470 

 Elle ne manquoit à point de predications, et apres les avoir [403] ouyes, elle redisoit les principales choses à ses domestiques, louant les vertus et inculquant la fuite des vices.

  A013003470 

 Elle recitoit le Chappellet tous les jours, non seulement une, mais trois et quatre fois.

  A013003470 

 Elle se confessoit et communioit tous les mois une fois, et bien souvent de quinze en quinze jours, avec une grande preparation.

  A013003470 

 Elle visitoit les malades et assistoit aux ensevelissemens autant qu'il luy estoit possible.

  A013003471 

 Elle se levoit du lict toutes les nuicts à certaine heure, avec la seule chemise, soit en hyver soit en esté, ayant la permission de son mary (avec lequel elle couchoit d'ordinaire), et prioit Dieu, ou meditoit l'espace d'une heure..

  A013003472 

 Presque tous les ans, elle faisoit un pelerinage à Sainct Claude, et envoyoit fort souvent de bonnes aumosnes aux Freres Mineurs de l'Observance, d'Anicy et de Cluses.

  A013003473 

 Elle cachoit ses belles vertus, de sorte que difficilement pouvoit-on les remarquer.

  A013003473 

 En fin, il faudroit que j'employasse bien du temps si je voulois raconter les actions de saincteté que ceste bonne femme a faictes devant les hommes; car des autres œuvres de pieté qu'elle a faictes devant Dieu tant seulement, il n'y a personne qui les puisse raconter.

  A013003473 

 Les deux jours suyvans de lundy et mardy, elle fist reduire en farine quatorze coupes de froment, et separa neuf quarts de febves et de poix et une grande quantité de sols de Savoye, mettant un tres-bon ordre à tout le reste des affaires de la maison.

  A013003473 

 Son mary et tous les domestiques croyoient qu'elle resvast..

  A013003475 

 Ceste nuict là, elle redisoit toutes les predications qu'elle avoit ouyes depuis trente ans, avec admiration d'un chacun.

  A013003478 

 Alors le sieur curé pria Christophle du Monet, vicaire de l'eglise de La Roche, d'aller vistement prendre les Onctions; quoy entendant, la bonne femme dressa la teste et leva les yeux au ciel.

  A013003478 

 Son mary revint avec le sieur Vicaire, pleurant à chaudes larmes; et elle, apres avoir receu le Sacrement, tenant l'image du Crucifix entre ses mains, les yeux levez au ciel, rendit doucement son esprit à Dieu, selon qu'elle avoit predit, le neufviesme de juin, à cinq heures du soir; et alors il fallut haster de faire la biere.

  A013003479 

 La Nicole sa sœur, après avoir receu les Sacremens de Penitence, de l'Eucharistie et de l'Extreme Onction, dans la mesme eglise de La Roche, l'Office des chanoines estant achevé, expira comme elle luy avoit predict, par jeudy, le quinziesme du mesme mois....

  A013003540 

 Je puis bien, Monsieur, vous promettre la même chose pour Monsieur de Bourges, mon fils; car, outre l'inclination naturelle qu'il en a, je vous assure, Monsieur, que son plus grand desir et contentement seroit de pouvoir mériter l'honneur de vos bonnes graces, comme le mien seroit quelquefois d'avoir le bonheur de recueillir les doux et agréables fruits de votre sainte et douce conversation.

  A013003540 

 Mais puisque votre charge et de meilleures et plus importantes raisons vous retiennent par-delà, je vous supplie, Monsieur, de faire souvent part à lui et à moi du doux miel de vos saints et divins discours, pour nous réveiller du sommeil dans lequel nous nous trouvons presque toujours engagés par les affaires du monde, et rappeller notre esprit à la contemplation de la Divinité et de la béatitude éternelle..

  A013003541 

 Le chef donne cette vigueur aux membres, en les animant des saintes inspirations qui découlent d'un esprit tout divin, tel qu'est le vôtre.

  A013003541 

 Les freres de l'Eglise Cathédrale de Monsieur de Bourges sont à la vérité de fort honnêtes gens et d'une société agréable pour leur Prélat.

  A013003541 

 Monsieur de Bourges n'est pas comme cela; cependant je puis dire que de tous les Prélats qui sont en deça, il est le mieux avec ses confreres..

  A013003541 

 Par les lettres qu'il m'en écrit, il s'en loue fort; mais ils ne sont [410] pas tels que les vôtres, ni si remplis qu'eux des graces de Dieu.

  A013003542 

 Les chanoines sont vraiment dignes d'un tel Evêque, et l'Evêque digne de tels chanoines..

  A013003542 

 Si les affaires de ceux de votre Chapitre eussent été en état, je leur aurois volontiers témoigné l'estime que je fais de votre recommandation; mais quand le procès se jugera, je me souviendrai bien des bons et honorables témoignages que vous avez rendus de leur vertu et de leur sainte manière de vivre.

  A013003543 

 Je prie Dieu, Monsieur, qu'il veuille les benir tous et multiplier sur vous toutes ses saintes graces.

  A013003554 

 Ce pendant, Monseigneur, ce porteur vous remettra un rôle tres exact, dans lequel vous verrez de quelle maniere on a emploié l'argent que vôtre charité a envoié pour les eglises.

  A013003554 

 J'ai vû acheter les [411] ornemens sacerdotaux, et le reste de la somme a été donné pour les cloches de Gaillard, de Veri, de Monthouz, de Nôtre Dame d'Annemace et de Tounai.

  A013003554 

 Nous pourrons dire de vous, Monseigneur, ce que saint Paul disoit de lui même: qu'afin que rien ne manque à vôtre apostolat, vous prenéz un soin continuel de toutes les eglises de Dieu sapées par les heretiques et relevées par vôtre travail..

  A013003555 

 Je renvoie les deux autels portatifs que Votre Seigneurie Illustrissime m'avoit confié, afin que celui que vous commettréz en ma place puisse s'en servir, n'étant pas a propos de laisser les choses saintes au gré des profanateurs....

  A013003562 

 Oultre les obligations passees que je vous ay, en voici une nouvelle et bien grande, puisque me voici hors de maladie par voz merites et par l'entremise de voz oraisons plus ferventes et saincts Sacrifices qu'il vous a pleu offrir a Dieu pour ma santé.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A014000008 

 Quatrième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A014000017 

 L'humilité joyeuse dans les légers manquements.

  A014000017 

 — Les exercices de dévotion pendant la journée.

  A014000017 

 — Les prières vocales et l'oraison mentale. 20.

  A014000019 

 Le Saint voudrait savoir de son ami les intentions de Henri IV à son égard.

  A014000023 

 — Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges.

  A014000024 

 Un moyen commode d'acquérir les solides vertus: se mettre en patience avec opiniâtreté.

  A014000024 

 — Les affaires de ce monde et les maisonnettes des petits enfants.

  A014000024 

 — Pour réussir dans les affaires, compter sur l'assistance de Dieu et user d'une douce diligence.

  A014000025 

 — C'est surtout sur les petits lacs d'eau douce que la barque du Saint se plaît à voguer. 29.

  A014000026 

 Différend entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et les Augustins de Seyssel; pour le régler, une entrevue est proposée par le Saint.

  A014000028 

 Dieu protège les vœux qu'il a inspirés.

  A014000028 

 — Les afflictions qui aident à bien servir Dieu.

  A014000030 

 — Les femmes et le culte; la part qu'elles peuvent y prendre.

  A014000030 

 — «Il faut bien que les filles soyent un petit jolies.» — Portrait du P. de Monchy.

  A014000031 

 — Dieu veut être servi par les exercices compatibles avec les devoirs d'état.

  A014000032 

 — Les Savoisiens ne lisent pas de mauvais livres. 38.

  A014000038 

 — Les sujets de se mortifier plus grands dans le monde qu'en Religion.

  A014000041 

 — Quand les mortifications sont interdites par une santé délicate, que faut-il faire? 45.

  A014000046 

 Dieu agrée extrêmement la résignation dans les maladies et l'obéissance au médecin.

  A014000046 

 — Les croix qu'il faut baiser avec amour. 49.

  A014000047 

 Anne-Jacqueline Coste offre spontanément au Saint de servir les futures Religieuses qu'il méditait d'établir. 50.

  A014000048 

 Les ecclésiastiques des pays exemptés des décimes doivent envoyer à Lyon un député pour régler le paiement d'un don. 51.

  A014000050 

 — Son affection pour le père et les enfants de sa fille spirituelle.

  A014000051 

 Témoignages d'affection pour les PP. Jésuites de Chambéry et de sympathique dévouement à une pieuse chrétienne qui soupirait après le cloître. 55.

  A014000052 

 — Les âmes que Dieu aime «en tout et par tout.».

  A014000053 

 La fête de la Dédicace; les cœurs et les corps, temples mystiques dédiés à Dieu par les vœux.

  A014000054 

 Les vendanges.

  A014000054 

 — Les choses temporelles doivent servir «d'eschellon» aux spirituelles.

  A014000054 

 — Les vendanges spirituelles.

  A014000058 

 L'église paroissiale de Rumilly a besoin d'une restauration: difficultés de l'entreprise; encouragements à les vaincre.

  A014000059 

 Les menues pensées de vaine gloire et les mouches.

  A014000059 

 — Les larmes et les résolutions, «la tendreté de cœur et la fermeté de cœur»: choses bien différentes.

  A014000059 

 — Les pensées importunes.

  A014000062 

 Pourquoi il ne faut pas remettre les Vêpres après souper.

  A014000065 

 — La manière de prêcher contre les hérétiques. 67.

  A014000065 

 — Le Saint déplore les dangers que court une âme infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de l'erreur dès son jeune âge.

  A014000065 

 — Les saints Pères et l'hérésie.

  A014000072 

 Comment réprimer les défauts de nos inférieurs.

  A014000072 

 DII. Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain.

  A014000072 

 — Les vainqueurs du mal. 72.

  A014000073 

 DIII. Avoir son âme en ses mains; comment elle nous échappe et les moyens de la reprendre.

  A014000074 

 — Il faut couper les premières, et «auconteau tranchant.» — Le trouble de la Sainte Vierge à la vue d'un Ange doit servir de leçon aux âmes pudiques. 75.

  A014000074 

 — Les amitiés mauvaises et les amitiés de charité; différence de leurs allures.

  A014000074 

 — Les petits renardeaux et les mouches mortes.

  A014000074 

 — Un «point d'importance.» — Les feuilles, les fleurs et les fruits des amitiés mondaines.

  A014000075 

 A qui faut-il laisser les extases et la contemplation de l'Essence divine.

  A014000075 

 — Les petites et les grandes vertus; c'est par les unes qu'on arrive aux autres.

  A014000076 

 DVI. L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la foi; les rébellions du premier n'empêchent pas celui-ci de subsister et d'avoir finalement la victoire.

  A014000076 

 Les assoupissements et les distractions.

  A014000076 

 — La barque, l'aiguille marine et la «belle estoile.» — Que doit faire l'âme chrétienne au temps de la «dereliction.» — Comment se conduire dans les assauts contré la foi et dans les tentations de vanité et de vaine gloire.

  A014000076 

 — Les nuages du ciel atmosphérique et les brouillards de l'esprit.

  A014000078 

 — Blâmons le vice, épargnons les personnes.

  A014000078 

 — Comment nous devons considérer les actions du prochain.

  A014000078 

 — La charité et les pécheurs. 80.

  A014000079 

 Regrets adressés à un supérieur de n'avoir pas su le rencontrer pour lui baiser les mains. 80.

  A014000083 

 Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être tout à Dieu.

  A014000084 

 Quand les mortifications ne manquent pas, n'en pas désirer d'autres.

  A014000084 

 — Après les chutes, il ne faut jamais se décourager.

  A014000084 

 — Les «petites tricheries quotidiennes.» — La confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui aspirent à l'extrême perfection.

  A014000085 

 — Ouvrages moins laborieux qu'il médite d'écrire: «un livret» de l'Amour de Dieu, un petit Calendrier et Journalier pour l'âme dévote, un Traité de la prédication, une méthode de convertir les hérétiques.

  A014000085 

 — Pour quelles raisons l'auteur croit devoir laisser aux grands ouvriers les grands desseins.

  A014000086 

 Saint de voir que tous les siens parlent avec respect et affection de la petite Aimée et de sa mère.

  A014000087 

 — Il faut être douce et suave parmi les siens, et mettre un soin particulier à le devenir. 88.

  A014000087 

 — Les bonnes intentions et les mauvaises pensées.

  A014000087 

 — Pourquoi les vertus des femmes mariées sont agréables à Dieu.

  A014000088 

 — Les heures de sommeil et la santé.

  A014000089 

 Les menues et fréquentes impatiences; moyens de les surmonter.

  A014000092 

 — L'Archevêque ayant refusé le titre de Monseigneur, le Bienheureux s'excuse de le lui donner encore et lui expose les raisons de sa respectueuse obstination. 93.

  A014000093 

 — L'administration des pensions et les avis que doit donner l'Abbesse dans ses Chapitres.

  A014000093 

 — Les confesseurs extraordinaires: manière d'observer la prescription du Concile de Trente.

  A014000101 

 Les sentiments que doit exciter la perte des parents.

  A014000101 

 — Comment il faut supporter les ennuis que donnent les affaires temporelles. 102.

  A014000102 

 — Les Communions que nul ne peut refuser.

  A014000104 

 L'âme humaine et les afflictions de cette vie.

  A014000104 

 — Les progrès d'un Saint dans l'oraison. 104.

  A014000105 

 L'art de cheminer sur la corde et «le baston de contrepoidz» pour marcher assurément parmi les périls du monde.

  A014000106 

 — Les «vrayes continuelles oraysons» et «la pins dign' offrande.» La sainte Communion en dehors de la sainte Messe.

  A014000108 

 — Quand les affaires réussissent-elles plus à souhait.

  A014000109 

 — Les exercices de piété; l'habit, le mobilier, etc.; la «composition exterieure» et son importance dans une Communauté.

  A014000111 

 — Le gui et les imperfections involontaires. 114.

  A014000112 

 Les conditions de la conférence contradictoire proposée par les Genevois sont acceptées par le Saint.

  A014000112 

 — Celui-ci désire y apporter non un esprit de contention, mais de bonne foi; entre les difficultés, il faut choisir les plus importantes et les éplucher.

  A014000113 

 — Les obédiences qui entravent sa liberté.

  A014000115 

 — En quel cas il serait à propos d'engager la controverse sur les Versions.

  A014000117 

 Prière au destinataire de s'entremettre auprès des sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur curé. 122.

  A014000121 

 Les suites d'une chute.

  A014000121 

 — Les Saints ne sont pas «despiteux.» — Les curiosités qu'il faut éviter. 125.

  A014000122 

 Les «ames revesches» et le Saint.

  A014000122 

 — Les promenades dangereuses.

  A014000122 

 — Pourquoi la patience est nécessaire à ceux qui veulent servir les âmes.

  A014000130 

 Les fruits des Exercices de saint Ignace.

  A014000131 

 — Le passage par Genève et les calomniateurs.

  A014000131 

 — Les grands désirs qui remplissent le cœur d'un Saint.

  A014000131 

 — Une affection que les paroles du monde ne sauraient traduire. 139.

  A014000132 

 — Les austérités corporelles et les mortifications spirituelles; celles que le Saint désire pour les filles de sa future Congrégation. 140.

  A014000137 

 — Deux choses conseillées contre les assoupissements en l'oraison. 144.

  A014000142 

 Que faire à mesure que les années s'en vont.

  A014000142 

 — Les mères chrétiennes et Notre-Seigneur, qui se comporte au rebours des autres enfants. 148.

  A014000143 

 Les predications qu'il avait promises à Salins étant empêchées, le Saint les veut «contreschanger en autant d'oraysons» pour la ville. 148.

  A014000144 

 — Les souhaits, le cœur et la plume d'un Saint. 149.

  A014000148 

 — Les petites fleurs et les arbres en Savoie, quand souffle la tempête.

  A014000149 

 — Les regrets dans les séparations.

  A014000153 

 Les sentiments du Saint à la mort de sa mère.

  A014000155 

 — Les postulantes de Dijon.

  A014000156 

 — Avis variés pour les œuvres de sanctification.

  A014000157 

 Parmi les délais imposés à nos désirs, il faut garder la sainte patience. 160.

  A014000160 

 — Consultation particulière sur les divertissements pour M lle Brûlart.

  A014000160 

 — Les aumônes fructifient comme le froment jeté en terre. 164.

  A014000161 

 — Les Supérieures et l'observance. 166.

  A014000162 

 «Il est dangereux de marcher au chemin des proces.» — Par quelles pratiques les âmes chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur. 168.

  A014000163 

 — Le Saint compte les y introduire à la Pentecôte.

  A014000168 

 — La fête du Saint-Suaire et les paroles «extatiques» d'Isaïe.

  A014000171 

 A un Jésuite qui s'intéressait à l'œuvre du Saint, celui-ci raconte les circonstances qui ont donné jour aux commencements de la Visitation.

  A014000172 

 — Les faveurs de Henri IV pour François de Sales.

  A014000173 

 Les soucis du saint Fondateur.

  A014000177 

 Affaire d'argent qui sépare deux frères; intervention du Saint pour les accommoder. 183.

  A014000178 

 Elévation sur la vie de saint Jean-Baptiste: sa nourriture, le miel, les locustes représentent les deux vies, contemplative et active.

  A014000180 

 — Les «petites brebis» de la Mère de Chantal.

  A014000181 

 Les parents et les directeurs spirituels; l'autorité des uns et des autres et la confiance qu'ils méritent dans l'affaire d'une vocation religieuse.

  A014000181 

 — S'il fallait ouïr l'avis des premiers, qu'arriverait-il? — Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les empêchements.

  A014000182 

 DCX. A M. Philippe de Quoex. Pension ou dot requise pour les postulantes de la Visitation.

  A014000182 

 — Les commencements de l'Institut donnent beaucoup d'édification; à quelles âmes offrait-il un refuge. 189.

  A014000183 

 — Quels sont les malades capables de faire oraison.

  A014000184 

 Les premiers jours de la Visitation.

  A014000184 

 — Les «douces amours en Jesus Christ» de l'Evêque de Genève; où se portait nuit et jour sa sollicitude. 192.

  A014000191 

 — L'exercice de l'amour sacré et les tribulations.

  A014000192 

 Parmi les afflictions, les unes sont plus affligeantes, les autres plus dangereuses pour l'âme.

  A014000192 

 — Comment les procès peuvent servir à l'avancement spirituel, — Exemple de Notre-Seigneur.

  A014000193 

 Les débuts de la Congrégation.

  A014000193 

 — Attestation du culte rendu au bienheureux Amédée dans le monastère de Talloires et à Chambéry; à son passage dans cette ville, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie refoit les hommages de François de Sales. 199.

  A014000198 

 — Contrairement à l'esprit du siècle, c'est aux supérieurs à gagner les inférieurs.

  A014000198 

 — En quels cas le monde juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté pour le cloître; celles-ci perdent toujours quelque chose aux sorties.

  A014000198 

 — Une abbesse et une prieure un peu refroidies; exhortation du Saint pour ramener entre les deux sœurs l'amitié fraternelle. 204.

  A014000200 

 Les curés de Valromey et le Parlement de Dijon.

  A014000201 

 Les croix domestiques; il faut savoir les bien prendre. 208.

  A014000202 

 — Quand faut-il augmenter les Communions, au lieu de les diminuer.

  A014000203 

 Quelques bonnes pensées pour passer l'Avent avec dévotion: trois objets capables de ravir les cœurs en la sainte dilection. 209.

  A014000206 

 — Le prieuré de Contamine, les Chevaliers de Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon.

  A014000206 

 — Les Pères Feuillants.

  A014000207 

 — Les additions à une nouvelle édition de l' Introduction à la Vie devote.

  A014000208 

 Les désirs d'un Saint à propos de la manducation quotienne du «Pain vivant et suressentiel.» — Les vertus dont il embaume les âmes qui le reçoivent. 213.

  A014000209 

 — Les vertueux à la philosophique.

  A014000209 

 — Ne pas s'embarrasser parmi les amourettes.

  A014000209 

 — Remèdes: les «viandes spirituelles et divines.» — Eviter les mauvaises lectures, Rabelais, «cet infâme,» et les sceptiques.

  A014000213 

 Dans les appointements, le Saint n'est pour personne.

  A014000214 

 Les «bonnes coustumes» de Savoie.

  A014000214 

 — Rendez-vous pour les âmes chrétiennes unies d'affection.

  A014000217 

 — Les pasteurs et la mélodie sacrée qu'ils entendent durant leur sommeil.

  A014000217 

 — Où se trouvaient en la nuit de Noël, les bons Anges des deux Saints.

  A014000218 

 Les présents du Sauveur aux gens de bonne volonté.

  A014000219 

 — L'espérance de l'éternité, et les motifs philosophiques qui la légitiment.

  A014000220 

 Les Filles de saint Bernard chez les Filles du saint Evêque de Genève.

  A014000221 

 — Mariage princier et les menaces d'une guerre. 225.

  A014000245 

 Il faut supporter les autres, mais premierement, il se faut supporter soy mesme et avoir patience d'estre imparfait.

  A014000245 

 Mon Dieu, ma chere Fille, voudrions nous bien entrer au repos interieur sans passer par les contradictions et contestes ordinaires?.

  A014000247 

 Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le plus d'actes de douceur que vous pourres et es occasions les plus frequentes que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent; car, comme dit Nostre Seigneur, qui est fidele es petites choses, on luy confiera les grandes.

  A014000270 

 Il n'estoit pas besoin que vous prissies la peyne de me faire sçavoir comme j'avois perdu le bien de recevoir de vos lettres ces deux ou trois moys passés, car jamais je ne me fusse voulu donner cette affliction de croire que c'eust esté pour estre esloigné de vostre bonne grace, et toutes les autres causes ne me sont pas ennuyeuses.

  A014000286 

 J'ay cinquante ou soixante curés sous ma charge au balliage de Beugey, sur lesquelz nulle decime n'a ci devant esté imposee de la part de Vostre Majesté, a la bonté delaquelle je recours maintenant pour eux, et eux avec moy, affin quil luy playse les exempter encores ci apres.

  A014000286 

 Si que Vostre Majesté commandant qu'on les laysse, elle leur fera un'excellente aumosne, car elle leur donnera le repos, seule condition qui peut rendre leur disette aucunement supportable, du milieu delaquelle [je prie] Dieu quil prospere Vostre Majeste..............................................................................................qui est....................................

  A014000294 

 J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves escrit, voyant que Nostre Seigneur vous a fait gouster les commencemens de la tranquillité avec laquelle, moyennant sa grace, il nous faut desormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité des affaires ausquelles nostre vocation nous oblige.

  A014000295 

 Je vous diray briefvement les exercices que je vous conseillerois; vous les verres plus clairement en cet escrit que je fay.

  A014000296 

 Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas tous-jours par l'une des mains a Nostre Seigneur.

  A014000297 

 Au tems de paix et de tranquillité, multipliés les actes de douceur; car, par ce moyen, vous apprivoyseres vostre cœur a la mansuetude.

  A014000297 

 Ne vous amuses pas a combattre les menuës tentations qui vous arrivent, par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours de vostre cœur a Jesus Christ crucifié, comme si vous allies bayser son costé ou ses pieds par amour..

  A014000309 

 Si ay, a la verité, et m'y fusse laissé emporter si la connoissance de mon insuffisance ne m'eut arresté; car cet honneur ne m'esblouyt point tant que je ne voye bien les bornes et limites de ma capacité, lesquelles sont sans doute fort courtes et estroittes..

  A014000311 

 Il est vray que je suis en mon pais et entre les miens, avec une certaine suffisance qui me suffit et, ce qui m'est le plus cher, avec un repos aussi grand que ma charge le peut permettre et qui meshuy me semble asses ferme.

  A014000312 

 Si donques Sa Majesté vous dit son intention particuliere, j'examineray avec Dieu et en sa presence mes forces; et si je les sens aucunement assortissantes au service qu'elle desirera, et que Sa Sainteté me le commande (car vous sçaves bien que sans cela je n'oserois me remuer de la sentinelle en laquelle je suis posé), je me rendray tout prest, tout prompt, tout affectionné a suivre la vocation divine, ne doutant nullement qu'elle ne soit telle, quand je verray se joindre les volontés du Pape et du Roy..

  A014000329 

 Je n'ay pas creu, sur une proposition si generale comm'est celle que Sa Majesté me fait faire, de me devoir resoudre; car il se pourroit bien faire que venant a joindre et a voir le lieu ou l'occasion en laquelle on me voudroit tirer, que je me treuverois tout a fait insuffisant au service que l'on praetendroit de moy, ou quil ne seroit pas expedient que je me misse au change, dautant que les changements, a mon advis, sont tous-jours dignes de consideration pour ceux qui ne sont pas mal.

  A014000330 

 Apres tout cela, vous sçaves que sans l'authorité du Pape, je ne puis nullement me remuer; et si, il m'importe que cest' authorité previenne toutes les nouvelles qu'on en pourroit avoir de deça.

  A014000331 

 Je sçai que, la chose n'estant pas preste, il y a asses de tems pour penser a toutes ces choses; mais encor m'a-il semblé que je vous devois ainsy tout dire naivement, affin que, selon les occurrences, vous m'aydies a prendre les resolutions convenables.

  A014000348 

 Ne nous troublons point des sterilités, car les sterilités enfanteront en fin; ni des secheresses, car la terre seche se convertira en sources d'eaux vivantes.

  A014000357 

 Je receu la semaine passee quatre lettres des vostres: l'une, du jour de Pasques, les autres trois, du 27 avril.

  A014000369 

 Je verray dans peu de jours mes cousines a Sainte Catherine, ou je leur offriray tout ce qui est en mon [16] pouvoir; mais elles ont un si bon pere et une si bonne mere, que le reste des parens n'ont nul sujet de les servir.

  A014000386 

 Or, pour le bien faire, prenés le loysir les trois jours precedens, de bien preparer vostre vœu par l'orayson, laquelle vous pourres tirer de ces considerations:.

  A014000389 

 Humiliés vous fort devant la trouppe celeste des vierges et, par l'humble priere, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec elles, non pas pour pretendre a les esgaler en pureté, mais au moins affin que vous soyes advoùee leur servante indigne, en les imitant au plus pres que vous pourres.

  A014000389 

 Suppliés-les qu'elles offrent avec vous vostre vœu a Jesus Christ, Roy des vierges, et qu'elles rendent aggreable vostre chasteté par le merite de la leur.

  A014000390 

 Puis, le jour de Pentecoste, lhors que le prestre eslevera la sainte Hostie, offrés avec luy a Dieu, le Pere eternel, le cors pretieux de son cher Enfant, Jesus, et tout ensemble vostre cors, lequel vous feres vœu de conserver en chasteté tous les jours de vostre vie.

  A014000391 

 Playse vous accepter ce mien vœu irrevocable en holocauste de suavité, et puisqu'il vous a pleu m'inspirer de le faire, donnes moy la force de le parfaire a vostre honneur, par tous les siecles des siecles..

  A014000405 

 C'est un martyre continuel que celuy de la multiplicité des affaires; car, comme les mouches font plus de peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la multitude des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme..

  A014000405 

 Je me resouviens que vous me distes combien la multiplicité de vos affaires vous chargeoit; et je vous dis que c'estoit une bonne commodité pour acquerir les vrayes et solides vertus.

  A014000406 

 Vous aves besoin de la patience, et j'espere que Dieu la vous donnera, si vous la luy demandes soigneusement et que vous vous efforcies de la prattiquer fidellement, vous y preparant tous les matins par une application speciale de quelque point de vostre meditation, et vous opiniastrant de vous mettre en patience le long de la journee tout autant de fois que vous vous en sentires distraite..

  A014000407 

 Je dis douce diligence, parce que les diligences violentes gastent le cœur et les affaires, et ne sont pas diligences, mais empressemens et troubles..

  A014000408 

 Mon Dieu, Madame, nous serons bien tost en l'eternité, et lhors nous verrons combien toutes les affaires de ce monde sont peu de chose et combien il importoit peu qu'elles se fissent ou ne se fissent pas; maintenant, neanmoins, nous nous empressons comme si c'estoyent des choses grandes.

  A014000408 

 Quand nous estions petitz enfans, avec quel empressement assemblions nous des morceaux de tuyles, de bois, de la bouë, pour faire des maysons et petitz bastimens! Et si quelqu'un nous les ruynoit, nous en estions bien marris et pleurions; mais maintenant nous connoissons bien que tout cela importoit fort peu.

  A014000409 

 Faysons nos enfances, puisque nous sommes enfans; mais aussi, ne nous morfondons pas a les faire.

  A014000409 

 Je ne veux pas oster le soin que nous devons avoir de ces petites tricheries et bagatelles, car Dieu nous les a commises en ce monde pour exercice; mais je voudrois bien oster l'ardeur et la chaleur de ce soin.

  A014000410 

 Je suis bien ayse dequoy vous recommences tous les jours: il n'y a point de meilleur moyen pour bien achever la vie spirituelle que de tous-jours recommencer et ne penser jamais avoir asses fait.

  A014000422 

 Pour Ihonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'autant plus que je ne vois rien en moy qui n'en soit extremement indigne, et ne doute point que vostre bienveuillance en mon endroit et celle de nostre amy ne soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un grand danger, puisqu'elle n'est pas pour les eaux salees de l'Ocean, mais pour nos petitz lacs d'eau douce..

  A014000423 

 Monsieur vostre cousin m'arrache cette lettre d'entre les mains, car il veut partir et il est tard.

  A014000434 

 Les sieurs chanoynes de mon Eglise s'accommodent fort volontier au desir que j'ay de vous voir bien ensemblement [24] avec eux, par un appointement amiable de tous les differens qui sont entre vous.

  A014000436 

 Mais les causes estant ostees, tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de Jesuschrist qui est l'Eglise..

  A014000469 

 Je feray souvent pour cela la priere de saint Augustin: Helas! Seigneur, voyla un petit poussin esclos sous les aysles de vostre grace: s'il s'escarte de l'ombre de sa mere, le milan le ravira; faites donq qu'il vive a la faveur et a l'abry de la grace qui l'a produit.

  A014000470 

 Tenés-les en main et n'en faites pas peu de conte, car elles valent beaucoup selon le poids du sanctuaire..

  A014000470 

 Vous m'obliges bien fort de me dire les deux motz que vous m'escrives de vos inclinations; sur lesquelz je vous dis que nos affections, pour petites qu'elles soyent, deschirent nostre ame quand elles sortent mal a propos.

  A014000473 

 Or sus donq, ma bonne Fille, vous voyla affligee comme il faut pour bien servir Dieu, car les afflictions sans abjection enflent bien souvent le cœur en lieu de l'humilier; mais quand on a du mal sans honneur, ou que le deshonneur mesme, l'avilissement et l'abjection sont nostre mal, que d'occasions d'exercer la patience, l'humilité, la modestie et la douceur de cœur! Le glorieux saint Paul s'esjouyt, et d'une humilité saintement glorieuse, dequoy il est, avec ses compaignons, estimé comme les ballieures et racleures du monde..

  A014000475 

 Pour vous rendre fervente en l'orayson, desirés-la bien fort, lisés volontier les louanges de l'orayson qui sont semees en beaucoup de livres: en Grenade, au commencement de Bellintani et ailleurs; car l'appetit d'une viande fait qu'on s'entend fort a la manger..

  A014000498 

 Dès que je m'en suis aperçu, je me suis hâté de recourir à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, pour la prier très humblement de m'accorder les mêmes facultés et, s'il se peut en quelque manière, pour un temps plus long..

  A014000498 

 Il y a déjà longtemps, la Sacrée Congrégation m'avait accordé, pour moi et pour d'autres personnes que je jugerais capables, la faculté et la plus ample autorisation de lire et de garder les ouvrages [30] des hérétiques quels qu'ils fussent, et aussi les livres défendus à un autre titre, de recevoir les hérétiques pénitents, même les relaps, de déléguer des prêtres pour réconcilier les églises et les cimetières pollués et pour bénir tous les ornements nécessaires au culte divin, de revalider les mariages que les hérétiques convertis auraient contractés dans le quatrième degré d'affinité ou de consanguinité, de commuer les vœux simples et d'absoudre les duellistes.

  A014000499 

 De plus, il m'arrive, comme aussi aux autres prédicateurs, d'avoir à combattre de près à travers le diocèse, non seulement les hérétiques, mais aussi les ministres; or, de telles discussions sont presque impossibles si l'on n'a pas lu les ouvrages prohibés.

  A014000499 

 Voici les raisons de ma supplique.

  A014000510 

 Entr'autres choses, il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Rachel sa dame; et me sembloit que si nous mettions, par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle: cela me consoloit beaucoup.

  A014000510 

 Je ne sçaurois pas dire ce que mon cœur disoit, car, comme vous sçaves, les cœurs ont un langage secret que nul n'entend qu'eux.

  A014000511 

 Je demanday voirement a Jan si nostre chere Marie bienaymee portoit le moule, mais je n'y entendois nul mal; car vous sçaves bien que j'ayme les testes bien moulées, et si cette petite teste est moulée par la vostre, je l'en cheriray davantage.

  A014000511 

 Que voules vous? il faut bien que les filles soyent un petit jolies..

  A014000513 

 Vous pourres donq vous confesser a luy, et les autres, et tout.

  A014000514 

 Il ne faut pas que les femmes ni les filles ministrent a l'autel, mais elles peuvent bien respondre; c'est a dire, elles ne doivent pas ni prendre le livre ni donner les burettes.

  A014000514 

 Je vous avois des-ja bien escrit ceci, je ne sçai comme vous n'aves pas receu les lettres..

  A014000514 

 Je vous ay des-ja escrit que vous pouvies accommoder les corporaux apres que le prestre les auroit lavé en deux eaux, et qu'il n'est pas besoin de les rebenir pour s'en servir apres.

  A014000515 

 Helas, quelle cheute avoyent ilz faite! Ce m'a esté une grande consolation de les voir revenir entre les bras de l'Eglise, avec grande violence qu'ilz se sont faite pour cela.

  A014000515 

 J'ay fait ces jours passés une course a Thonon pour recevoir des habiles hommes ecclesiastiques qui s'estoyent mis entre les huguenotz par desbauche.

  A014000515 

 La jeunesse et vaine gloire et la chair les avoient emportés en cet abisme contre leur propre conscience.

  A014000515 

 O Dieu, quelle grace ay-je receue d'avoir esté tant de tems, et si jeune et si chetif, parmi les haeretiques, et si souvent invité par les mesmes amorces, sans que jamais mon cœur aye [37] seulement voulu regarder ces infortunés et malheureux objetz! Benite soit la main debonnaire de mon Dieu qui m'a tenu ferme dans cet enclos..

  A014000516 

 A mon retour, je vis ma mere et fus deux jours avec elle, et, de trois motz, les deux furent de vous et de nostre chere Aymee.

  A014000516 

 C'est hors de confession que je parle, car en confession je la voy tous les huit jours pendant l'absence de son mari.

  A014000529 

 Que je seray marri si les bons projetz de la reformation du Puys d'Orbe s'esvanouissent comme cela! Si est ce pourtant que si l'esperance que j'ay d'aller en Bourgoigne n'est point vayne, je me resoulz d'aller jusques la pour voir ce que c'est.

  A014000532 

 Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy.

  A014000556 

 Mais la vérité, la voici: dans la visite générale de mon diocèse, que j'ai presque achevée, sans laisser aucune paroisse, je n'ai trouvé absolument aucun hérétique dans les paroisses qui n'ont pas été occupées par les Bernois et les [42] Genevois, ni aucun livre prohibé, si ce n'est quelques vieux ouvrages restés ensevelis, soit pure indifférence, soit mépris, dans la poussière de quelque maison.

  A014000556 

 Oui, à Genève, des libelles très corrupteurs se fabriquent en nombre; mais que nos Savoisiens les lisent, cela n'est nullement vrai..

  A014000557 

 Enfin, si les forces et les talents naturels me font défaut, on ne trouvera point en moi de perfidie, ni de manque de courage..

  A014000567 

 Or sus, ce sera a mon tour que je seray le bien venu comme les autres; je dis plus que les autres, car je pense bien cela.

  A014000568 

 J'ay respondu a toutes vos lettres jusques a huy; et si, je n'ay pas beaucoup de loysir maintenant, car voyes vous, en ces grans jours on ne me laisse point en repos, et je fay escrire a nostre Thibaut les advis spirituelz desquelz je vous ay parlé.

  A014000568 

 Mais si faut il que je vous die que la sorte de vie que nous avons choysie me semble tous les jours plus desirable et que Nostre Seigneur en sera fort servi.

  A014000572 

 A Dieu, ma chere Fille, je m'en vay aux prieres du soir qui se font devant le Saint Sacrement pour les necessités de ce pais.

  A014000587 

 Le discours que ce personnage m'a fait de sa cheute et de la peyne quil a eu a prendre les resolutions convenables pour son reddressement, me font dire du fond de mon ame: Nisi quia Dominus erat in nobis, nisi quia Dominus erat in nobis.

  A014000606 

 Ce m'est tous-jours beaucoup d'honneur et de consolation de recevoir par vos lettres les tesmoignages que vous me donnes de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit.

  A014000606 

 Je vous diray seulement que nostr' Academie [48] a receu pour faveur la demande que monsieur Nouvelet luy a faitte d'une place pour vous, entre les academiciens.

  A014000606 

 Mais outre que je croy que vous les aves de dela les mons, j'en suis bien le plus mauvais pescheur de cette ville.

  A014000607 

 Nostre Seigneur vous prosperera tous-jours en l'abondance de ses benedictions, si luy plait d'exaucer les souhaitz que fait continuellement, Monsieur,.

  A014000622 

 Ayant sceu que les bons Peres Religieux de cette ville vous avoyent esleu pour leur Prieur, je m'en suis extremement res-jouy; et ne pouvant aller moy mesme vous faire la priere quilz vous veulent presenter de vouloir accepter cett'election et charge, je vous envoye cet [50] escrit, qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni desiré ni demandé avec plus d'affection et de sincerité que vous l'estes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'essayeray de vous servir si promptement en toutes occurrences, que vous n'aures pas, Dieu aydant, occasion [de vous repentir] d'avoir gratifié mon desir.

  A014000622 

 Les Religieux aussi se disposent a vous obeir et soulager si entierement que vous ne perdres nullement le repos requis a vostr'aage et a vostre contemplation.

  A014000638 

 J'ay voulu neanmoins vous escrire pour simplement vous tesmoigner que je prie tous les jours Nostre Seigneur pour vous; mais je dis d'un'affection toute speciale, le requerant quil vous assiste de ses saintes consolations parmi les travaux que vostre grossesse vous donnera..

  A014000639 

 La bienheureuse Angeline de Foligni disoit que Nostre Seigneur luy avoit revelé quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit fait par force; c'est a dire, que celuy qu'une volonté bien resolue luv fait contre les alanguissemens de la chair, les repugnances de la partie inferieure, et au travers des secheresses, tristesses et derelictions interieures.

  A014000639 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que vous seres heureuse si vous estes fidele en vos resolutions, parmi les croix qui se presentent, a Celuy qui vous ayma si fidelement jusques a la mort, et la mort de la croix..

  A014000649 

 Les occasions de la prattiquer sont quotidiennes, car il ne nous manque pas de contradictions ou que nous soyons; et quand nul ne nous en fait, nous nous en faysons a nous mesmes.

  A014000649 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions bien employer les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz sont plus grans sans doute qu'entre les Religieux; le mal est que nous ne les rendons pas utiles comme eux..

  A014000651 

 Faites seulement cela, avec amour et resignation entre les bras de la bonne volonté de Dieu..

  A014000652 

 Isaïe l'appelle homme de douleurs; il ayme les douleurs et ceux qui les ont.

  A014000652 

 Ne vous mettes point en peyne de ne faire pas bien les actes des vertus; car, comme je vous ay dit, ilz ne laissent pas d'estre tres bons, encor qu'ilz soyent faitz langoureusement, pesamment et quasi forcement.

  A014000712 

 A mesure que je m'esloigne de vous selon l'exterieur, mon esprit retourne plus frequemment ses yeux du costé [58] du vostre, d'avec lequel il est inseparable, et je ne manque point d'invoquer tous les jours la bonté de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de vostre bon Ange pour la conservation de vostre cœur, auquel d'une ardeur nompareille, je souhaitte toutes les plus desirables faveurs du Ciel, et sur tout cette inviolable fidelité au saint amour que vous aves voué par tant de resolutions au cœur debonnaire de ce doux et cher Jesus.

  A014000712 

 Vivés tous-jours, ma chere Cousine, ma Fille, avec ce courage d'aggrandir perpetuellement en la dilection de Dieu; tenés bien estroittement sur vostre poitrine et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy qui, par tant de signes visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu eternellement vostre nom et vostre cœur gravé en sa volonté pleine de bienveuillance en vostre endroit..

  A014000713 

 Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne, a laquelle vos encouragemens seront profitables; car pour le present, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singulierement,.

  A014000726 

 Environ les trois heures, je vous verray, Dieu aydant; car, en passant, je veux bayser les mains de Monsieur vostre bon Evesque, et voir nos Capucins, l'eglise cathedrale et ce quil faut que je voye en vostre Autun, affin que je ne sois pas contraint d'y retourner..

  A014000739 

 Sa divine Majesté vous les donne tres abondantes, et vous veuille fortifier de plus en plus es saintes resolutions quil vous a inspirees.

  A014000754 

 C'est pourquoy je vous veux dire que vous n'espargnies nullement ni le repos, ni les medecines, ni les viandes, ni les recreations qui vous seront ordonnees.

  A014000754 

 Vous feres une sorte d'obeissance et de resignation en cela, qui vous rendra extremement aggreable a Nostre Seigneur; car en fin, voyla une quantité de croix et mortifications que vous n'aves pas choisies ni voulues, Dieu vous les a donnees de sa sainte main: receves les, baysés les, aymés les.

  A014000765 

 Une païsanne de naissance, tres noble de cœur et de desir, me pria, apres l'avoir confessee, de la faire servir les Religieuses que [63] je voulois establir.

  A014000771 

 Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés de Bresse ont obtenu un arrest qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques des pais eschangés, il me semble que pour concourir avec eux a l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous qui aille a Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemption.

  A014000777 

 Messieurs les Ecclesiastiques du diocaese de Geneve,.

  A014000788 

 Ne vous estonnés point si les fruitz ne paroissent pas encor, quia si patienter opus Domini feceris, labor tuus non erit inanis in Domino..

  A014000802 

 J'ay [67] plusieurs choses sur le cœur pour vous dire, je ne sçai si je les pourray mettre sur le papier; car j'ay grandement pensé en vous tout le long de mon retour, je dis grandement..

  A014000804 

 Plusieurs sortent du monde qui ne sortent pour cela pas d'eux mesmes, cherchans par cette sortie leurs goustz, leurs repos, leurs contentemens; et ceux ci s'empressent merveilleusement apres cette sortie, car l'amour propre qui les pousse est un amour turbulent, violent et desreglé.

  A014000805 

 Et m'enquerant des particularités de cette Vie, il me dit qu'ell'avoit esté quarant'ans mariee, et qu'en sa viduité ell'erigea une Congregation de vefves qui demeurent ensemble en une mayson, dans laquelle elles observent une vie religieuse, et personne n'entre en icelle que pour grandes causes; elles, neanmoins, sortent pour servir les pauvres et les malades, en quoy gist leur plus particulier exercice, et que cette mayson rend un fruit et un exemple bien grand a Romme.

  A014000806 

 Il me dit que les [69] impertinentes procedures de ce Religieux duquel nous parlasmes en carrosse et duquel vous aviés parlé a M. de la Curne, estoyent venues aux oreilles du Cardinal de Givry et de l'Inquisition de Romme.

  A014000807 

 veux pour cela que des ames, et que les cors ne s'en meslent point.» Or, j'ay dit tout cela par ce quil m'est ainsy venu, et avec un'ame que je connoy et en laquelle j'ay rayson d'avoir confiance absolue.

  A014000810 

 Je luy suis tout dedié, non seulement pour les obligations exterieures, mais par inclination interieure.

  A014000811 

 Je suis tous-jours bien ayse d'avoir veu tous les enfans de ma chere Fille, car vrayement je les ayme comme miens en Nostre Seigneur..

  A014000812 

 Et donques, dores-en avant, ce dis-je, il faut mettre la Croix au milieu de nos cœurs, pour arrester les mouvemens de nos affections en ce bois et par ce bois, affin qu'elles ne s'espanchent ailleurs, aux inquietudes et troublemens d'esprit.

  A014000813 

 J'escris aussi a nostre M. de la Curne et luy envoyé les escritz ci joins que je vous prie luy faire tenir.

  A014000816 

 J'ay [72] ouvert les lettres de mon frere de Groysi, par curiosité de savoir ce quil vous disoit et a nostr'Aymee; mais celle de M lle de Brechart ça esté par mesgarde, la prenant pour la vostre.

  A014000828 

 Les bons PP. Villardi et Muilet furent receuz [73] icy avec plus de cœur que de demonstrations et plus de demonstrations que de bonne chere.

  A014000828 

 Vostre charité vous trompe saintement en moy, qu'elle vous represente pour digne de vostre affection et de tous vos Peres et Freres, bien qu'en verité je manque de toutes les conditions requises pour recevoir ce bonheur; excepté de lhonneur et respect que je vous dois a tous, et particulierement a vous, car en cela je ne veux ceder a personne.

  A014000829 

 Dieu sçait que je cheris la bonne fille M lle Clement, et voudrois bien la voir assouvie en ses devotz desirs; mais, mon cher Pere, je ne pense pas que son cors puisse porter les.

  A014000847 

 Vous deves vous resigner entierement entre les mains de nostre bon Dieu, lequel, quand vous aures fait vostre petit devoir a la sollicitation de ce dessein que vous aves, aura tres aggreable tout ce que vous feres, encor que ce sera beaucoup moins.

  A014000857 

 Nous celebrons aujourd'huy, ma chere Fille, la Dedicace de nostre Eglise; mais, entre les Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner bien tost a l'autel ou je veux, avec des particulieres affections, faire action de graces a nostre doux Sauveur de la dedicace de nos cœurs et de nos cors que par sa misericorde nous luy avons faitte par nos vœux.

  A014000857 

 O que nous serons heureux, ma bonne chere Fille, si nos temples ne sont point violés! Qu'a jamais le Saint Esprit y reside et ne permette point qu'aucune irreverence y soit commise; que ce soyent des maysons d'orayson et de priere, ou les sacrifices de loüange, de mortification et d'amour soyent immolés..

  A014000858 

 O ma Fille tres chere et tres desiree, je vous laissay en l'hospital de Beaune, [76] pleine de desir d'aymer, d'honnorer, de servir, d'adorer la volonté de Dieu, resignant en toutes choses, grandes et petites, la vostre a la misericorde de la sienne; je vous laissay avec Nostre Seigneur reellement receu en vous mesme, et cela, entre les pauvres de Nostre Seigneur.

  A014000861 

 Ce fut là que les voyageurs se séparèrent.

  A014000871 

 Et pour presser la grace de Dieu, il faut multiplier l'orayson par les courtz, mais vifs eslancemens de nos cœurs; et pour presser sa promesse, il faut multiplier les œuvres de charité, car ce seront elles a qui Dieu donnera l'effect de ses promesses.

  A014000871 

 Or, comme on fait vendange en pressant les raysins, on vendange spirituellement en pressant la grace de Dieu et ses promesses.

  A014000872 

 Combien de grains y ont treuvé les ames saintes, par la consideration de tant de graces et vertus que ce Sauveur du monde y a monstrees!.

  A014000872 

 Encor pensant, ma chere Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent son flanc percé sur la croix, o Dieu, combien cette croix est une sep tortisse, mais bien chargee! Il n'y a qu'un seul raysin, mais qui en vaut plus que mille.

  A014000873 

 Faites belles et bonnes vendanges, ma chere Fille, et que les unes vous servent d'eschellon et de passage aux autres.

  A014000873 

 Saint François aymoit les aigneaux et moutons parce qu'ilz luy representoyent son cher Sauveur; et je veux que nous aymions ces vendanges temporelles, non seulement parce que ce sont choses appartenantes au soin qui correspond a la demande que nous faysons tous les jours de nostre pain quotidien, mais aussi, et [78] beaucoup plus, parce qu'elles nous eslevent aux vendanges spirituelles..

  A014000885 

 N'advoués vous pas le don que je fay tous les jours a Dieu de vostre cœur? Je le luy donne comme tout mien et je le tiens pour tout mien, par ce quil me l'a donné.

  A014000903 

 Hier, apres avoir leu vostre lettre, je me promenay deux tours avec les yeux pleins d'eau, de voir ce que je suis et ce qu'on m'estime.

  A014000903 

 Vos affections fortes s'addouciront tous les jours par les frequentes actions de l'indifference.

  A014000933 

 Mais il a neanmoins esté infructueux jusques a present, ou soit que la generale condition de ce païs despuis plusieurs annees vous ayt osté les moyens d'en chevir, ou que l'union et liaison des espritz, si necessaire a toute bonne entreprise, vous ayt defailly..

  A014000935 

 Il est vray que, comme en toutes les choses de ce monde il y a tous-jours moyen de faire naistre des difficultés, aussi se pourra-il faire qu'en celle-ci quelques uns en pourront susciter.

  A014000935 

 Maintenant, il se presente un parti fort asseuré pour vous faire voir en un an ou deux au plus ce que vous aves si longuement desiré, et oster de devant les yeux des estrangers une mauvaise marque de vostre ville, laquelle, [83] au demeurant, n'en a que des bonnes.

  A014000987 

 Pour les autres suffrages des trespassés, [89] vous pouves bien ne les point dire du tout, car vous n'y estes nullement obligee; si que vous pouves, sans scrupule, les laisser..

  A014001017 

 Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu regne-il pas tous-jours en vostre ame? N'est-ce pas luy qui tient les resnes de toutes vos affections et qui dompte toutes les passions de vostre cœur? Oh je n'en doute nullement; mais, Madamoyselle, il faut que vous permetties a un esprit qui vous ayme cherement, de vous demander ce qu'il sçait, pour le playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre bonheur.

  A014001027 

 Les Confessions de saint Augustin et le chapitre que je luy montray passant vers elle, devoyent suffire pour la retenir, si elle n'estoit lancee a son precipice que par les considerations qu'elle allegue.

  A014001028 

 Il est vray que nous les devons regretter, et souspirer pour elles comme David sur son Absalon pendu et perdu..

  A014001028 

 Ma Fille, accoisons nous en la perte de ces ames, car Jesus Christ a qui elles estoyent plus cheres, ne les laisseroit pas aller apres leur sens, si sa plus grande gloire ne le requeroit.

  A014001028 

 Quelles actions de graces devons nous a ce grand Dieu, ma chere Fille! Mais moy, attaqué par tant de moyens, en un aage fresle et flouet, pour me rendre a l'heresie, et que jamais je ne luy aye pas seulement voulu regarder au visage sinon pour luy cracher sur le nez, et que mon foible et jeune esprit, parcourant sur tous les livres empestés, n'aye pas eu la moindre esmotion de ce malheureux mal: o Dieu, quand je pense a ce benefice, je tremble d'horreur de mon ingratitude.

  A014001029 

 Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie..

  A014001031 

 Despuis j'ay tous-jours dit que qui presche [96] avec amour presche asses contre les heretiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute contre eux; et c'est pour dire qu'en general, tous les escritz des Peres sont propres a la conversion des heretiques..

  A014001031 

 Estant a Paris et preschant en la chapelle de la Reyne, du jour du Jugement (ce n'est pas un sermon de dispute), il se treuva une damoyselle, nommee madamoyselle Perdreauville, qui estoit venue par curiosité; elle demeura dans les filetz, et sur ce sermon prit resolution de s'instruire, et dans trois semaines apres, amena toute sa famille a confesse vers moy et fus leur parrein a tous en la Confirmation.

  A014001046 

 Mais que faites vous donq, chere Fille? Voyci la cinquiesme lettre que je vous envoye despuis mon retour: penses vous pas que ce soit a bon escient que je suis vostre pere? Voyes vous, escrives moy un peu souvent, et envoyes a commodité vos lettres a Dijon et a Montelon, car je les recevray tous-jours asses; et si vous ne pouves pas m'escrire (car je m'imagine que cette mauvaise jambe [97] vous tient souvent au lit), faites que cette bonne seur m'escrive pour vous..

  A014001047 

 Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre! Faites bien vostre prouffit de vos travaux, rendes-les fructueux par une volontaire acceptation des croix que la necessité vous impose.

  A014001047 

 Prattiques fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres et ordonnes a vos plus confidentes filles quelles vous entretiennent de Dieu..

  A014001047 

 Resouvenes vous de vos premiers mouvemens de devotion; car a vostre retour de Dijon, on me dit qu'entre les rasoirs et lancettes, vous chanties des cantiques a Dieu.

  A014001048 

 J'attens que ce primtems nous donne la commodité de nous revoir, et tandis, tous les jours je prie pour vous; et certes, mon cœur vous cherit tres parfaittement en Celuy qui, pour nous, eut le sien transpercé sur la croix.

  A014001063 

 Il y en avoit peu parce que les copies des autres se sont esgarees; mais je les feray rechercher, affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement en Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre [99] vie et auquel nous souhaitons d'expirer a la fin de nos jours.

  A014001063 

 Je vous envoyay des chansons spirituelles par cette porteuse, et ne sçay comme elle ne les vous a donnees.

  A014001104 

 Quand on fait les Religieuses professes, on leur met un crucifix materiel entre les bras; mais moy, ma Fille, je vous donne le vray Crucifix.

  A014001116 

 Ne recevés pas les pretextes que l'amour propre suggere pour excuser le courroux, car saint Jacques dit tout net: L'ire de l'homme n'opere point la justice de Dieu; combien moins celle de la femme.

  A014001117 

 Il faut resister au mal et reprimer les vices de ceux qui sont en nostre charge, puissamment, vaillamment, mais doucement, paisiblement.

  A014001128 

 Chaque moment present doit porter son soin, et l'unique occupation dans les retours a Dieu, est un general abandonnement et desir qu'il destruise tout ce qui s'oppose a ses desseins..

  A014001128 

 Nostre Seigneur desire que vous ne pensies ni a vostre advancement ni a vostre amendement, point du tout; [106] mais a recevoir et employer fidellement les occasions de le servir et prattiquer les vertus dans chaque moment, sans aucune reflexion sur le passé ni l'avenir.

  A014001132 

 Les fruitz sont: distraction de cœur, obscurcissement d'esprit, degoustement d'ame, dissipation des facultés interieures.

  A014001133 

 La vraye marque de ces renardeaux, c'est-qu'ilz ne voudroyent ni dire ni faire ce qu'ilz dient, et voudroyent qu'il ne fust sceu de personne; ilz recherchent les tenebres et fuyent le jour; ilz recherchent des immoderés secretz et silence.

  A014001133 

 Saysisses, dit il au Cantique, ces petitz renardeaux, car ilz demolissent les vignes.

  A014001135 

 Ce n'est qu'au couteau tranchant qu'on les coupe; aussi bien les cordons ne valent rien: qu'on ne les espargne point.

  A014001135 

 Coupés, tranchés ces amitiés, et ne vous amuses pas a les desnouer: il faut les ciseaux et le couteau.

  A014001135 

 Non, les nœudz sont minces, entrefichés, entortillés; vous les penseres desfaire, et les entreficheres plus fort; vos ongles [sont] trop courtes pour passer toutes ces boucles.

  A014001139 

 Car, quant aux extases, insensibilités, et ces unions deifiques, eslevations, transformations et semblables vertus, et qu'on estime distraction de servir Nostre Seigneur en son humanité et membres d'icelle, et ne s'amuse plus qu'a la contemplation de l'Essence divine, il les faut laisser pour les ames rares, eslevees et qui en sont dignes.

  A014001139 

 Chacun doit aymer les vertus qui luy sont convenables, chacun selon sa vocation.

  A014001139 

 Les vertus d'une vefve sont l'humilité, le mespris du monde et de soy mesme, la simplicité.

  A014001140 

 Voyes la avec les Rois: elle ne s'empresse point a leur faire des harangues.

  A014001140 

 Voyes la en Bethleem: elle exerce une vie simple de pauvreté; elle escoute les bergers comme si c'eussent esté de grans docteurs.

  A014001141 

 David apprit premierement a esgorger les bestes et puis a desfaire les armees.

  A014001141 

 Je ne dis pas qu'il ne faille aspirer a ces hautes et supremes vertus, mais je dis qu'il faut s'exercer aux petites, sans lesquelles les grandes sont souvent fauses et trompeuses.

  A014001142 

 Medites, esleves vostre esprit, portes-le en Dieu, c'est a dire, tires Dieu en vostre esprit: voyla les choses fortes.

  A014001143 

 Laisses moy le soin de vos autres desirs, je les vous garderay fort soigneusement; n'en ayes nul souci, car [110] peut estre aussi ne vous les rendray je jamais et ne sera pas expedient; mais asseures vous que je ne les employeray pas mal.

  A014001145 

 Ne disputés jamais ni peu ni prou avec les suggestions de l'ennemy, contre la foy, contre la chasteté, contre l'obeissance vouee et contre le dessein de tendre a la perfection.

  A014001145 

 Vostre cœur est imprenable, et ces articles en sont les fondamentales asseurances.

  A014001149 

 Or, ma Fille, il arrive quelquefois que nostre esprit n'agit que par la clairté naturelle, et que l'esprit humain ne peut acquiescer a cette action, et beaucoup moins l'ame sensuelle, ains se contredisent et s'opposent; et lhors il nous semble que tout est perdu, et l'esprit, presque abandonné de toutes les facultés raysonnables et sensitives, demeure tout esperdu, ce semble, et estonné.

  A014001150 

 Quand donq il vous arrivera de voir vostre ame sensuelle et vostre esprit humain se bander contre vostre esprit chrestien, le troubler, inquieter et faire sous-lever contre luy les facultés de vostre cœur, courage, ma Fille, un peu de patience, car nostre David, en fin, demeurera vainqueur.

  A014001154 

 Helas! ma Fille, il se faut resoudre egalement a sentir les tentations et a n'y point consentir.

  A014001154 

 Quand donq vous les sentires, penches doucement, vostre cœur de l'autre costé et ne vous inquietes point; et bien que vos sens et vostre esprit humain semblent tenir le parti de la tentation, ne vous estonnes nullement, pourveu que l'esprit de la foy et le mouvement intime de vostre cœur se tournent tous-jours a vostre belle estoile..

  A014001156 

 Quand il vous arrive des maux, ou interieurs ou exterieurs, employés contre iceux les remedes que je vous ay marqués, puisque Dieu vous les a donnés, mais laissés a Nostre Seigneur le choix de donner la victoire ou aux tourmens ou aux remedes, selon son bon playsir.

  A014001163 

 J'ay fort prié Nostre Seigneur qu'il vous fist bien sentir comme il faut resigner tout vostre soin, toutes vos agilités et souplesse d'esprit, toutes ces petites pointes de vostre entendement qui veulent tout mesnager, voir et prevoir, entre les mains de sa Bonté souveraine et tres paternelle, ne permettant point que vostre cœur s'inquiete, ains le faysant reposer doucement sur les bras du Sauveur..

  A014001170 

 Il ne faut pas toutesfois favoriser le mal, le flatter ou le couvrir, ains parler rondement et dire franchement mal du mal, et blasmer les choses blasmables, quand l'utilité de celuy de qui l'on parle le requiert; car en cela, Dieu est glorifié.

  A014001171 

 Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons-les] dans le biais qui est le plus doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement a Dieu.

  A014001172 

 La charité craint de rencontrer le mal, tant s'en faut qu'elle l'aille chercher; quand elle le treuve, elle s'en destourne, elle le dissimule, ains elle ferme les yeux avant que de le voir; que s'il faut le voir, elle s'en destourne ................................................................................

  A014001180 

 Je desirois infiniment d'avoir lhonneur de vous bayser [115] les mains et vous vouer, en presence, l'obeissance que je vous veux rendre toute ma vie, et avois marqué la ville d'Àix pour le lieu auquel, avec moins de vostre incommodité, je pourrois jouir de ce bonheur lhors que vous y viendries faire vostre visite.

  A014001189 

 Je vous asseure que ma mere est dans une telle impatience [116] d'estre mere d'une fille que vous luy aves donnee, que les continuelles presses qu'elle m'en fait me bailleroyent avec elle de l'inquietude, si je ne me souvenois de l'edifice auquel je travaille, qui est de bien establir mon ame dans une constante paix.

  A014001197 

 Celuy qui les a portees m'en rapportera bien tost la response, de laquelle je vous feray part comme desireux de vostre consolation spirituelle, estant,.

  A014001205 

 Messieurs les Scindics de Rumilly..

  A014001215 

 Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus librement a vive voix que par escrit; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se presentent.

  A014001215 

 Voyes vous, les assoupissemens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque sorte de tristesse sensuelle; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a craindre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies que pechés ou defautz spirituelz.

  A014001217 

 A faute de cela, ma Fille, vos imperfections, que vous voyes subtilement, vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen se maintiennent, ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquietude et empressement de les oster..

  A014001217 

 Il faut hair nos defautz, mais d'une hayne tranquille et quiete, non point d'une hayne despiteuse et troublee; et si, il faut avoir patience de les voir, et en tirer le prouffit d'un saint abayssement de nous mesme.

  A014001218 

 Dieu soit aupres de madame [de Mieudry] en cette Babilone ou elle va, et luy donne les consolations spirituelles plus grandes que les corporelles.

  A014001219 

 Dieu nous veut parler dedans les espines et le buisson, comm'il fit a Moyse, et nous voulons quil nous parle dans le petit vent doux et frais, comm'il fit a Helie..

  A014001231 

 Je vous renvoye vostre livre corrigé, ma tres chere Fille: vous puisse-il estre aussi utile que je souhaitte! Sans doute, il faut tant faire et refaire les resolutions de s'unir a Dieu, que nous y demeurions engagés.

  A014001231 

 Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des desirs de tentations ni occasions de mortifications; car puisque, [121] par la grace de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les desirer.

  A014001231 

 Occupés le plustost a le preparer et mettre en la posture requise pour les recevoir, non pas quand vous voudrés, mais quand Dieu voudra les vous permettre..

  A014001232 

 D'avoir un peu de joye en la grace divine quand les rencontres nous succedent bien, il n'y a point de mal, pourveu que nous les terminions en humilité.

  A014001233 

 Voyés vous, ma chere Fille, faites un particulier exercice de douceur et d'acquiescement a la volonté de Dieu, non point pour les choses extraordinaires seulement, mais principalement pour ces petites tricheries quotidiennes.

  A014001234 

 C'est bien fait d'aspirer d'une generale aspiration a l'extreme perfection de la vie chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur nostre amendement et sur nostre advancement selon les occurrences quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de nostre souhait general a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses bras, comme un petit enfant qui, pour croistre, mange de jour en jour ce que son pere luy fournit, esperant qu'il luy fournira a proportion de son appetit et de sa necessité..

  A014001235 

 Ne faites point pour le present d'autre penitence, et vangés-vous de vous mesme en esprit de douceur a supporter charitablement le prochain, visiter les malades, et ayés bon courage..

  A014001248 

 C'est un memorial que j'avois dressé pour une belle ame qui avoit desiré ma direction; et cela, emmi les occupations d'un Caresme, auquel je preschois deux fois la semaine.

  A014001249 

 Je vous en representeray briefvement les argumens..

  A014001249 

 Pour cela, laissant aux grans ouvriers les grans desseins, j'ay conceu certains petitz ouvrages moins laborieux, et [125] neanmoins asses propres a la condition de ma vie, non seulement vouee mais consacree au service du prochain pour la gloire de Dieu.

  A014001250 

 Je pense aussi de pousser dehors un jour un petit Calendrier et Journalier pour la conduitte de l'ame devote, auquel je representeray a Philothee des saintes occupations pour toutes les semaines de l'annee..

  A014001251 

 Et en ce dernier livre, je voudrois, par maniere de prattique, desfaire tous les plus apparens et celebres argumens de nos adversaires; et ce, avec un style non seulement instructif mais affectif, a ce qu'il proffitast non seulement a la consolation des Catholiques, mais a la reduction des [126] heretiques: a quoy j'employerois plusieurs méditations que j'ay faites durant cinq ans en Chablais, ou j'ay presché sans autres livres que la Bible et ceux du grand Bellarmin..

  A014001251 

 J'ay de plus quelques materiaux pour l'introduction des apprentifz a l'exercice de la predication evangelique, laquelle je voudrois faire suivre de la methode de convertir les heretiques par la sainte predication.

  A014001254 

 Or, a l'un et a l'autre de ces defautz, je remedieray aysement si jamais cette Introduction se reimprime; car, pour finir par ou j'ay commencé, l'honneur qu'elle me donne m'ayant ouvert le chemin a vostre amitié, et l'opinion que vous aves qu'elle sera proffitable aux ames, sera cause que je l'aymeray et luy feray tous les biens qu'il me sera possible..

  A014001255 

 Mais, mon Dieu, que dires vous de moy, Monseigneur, me voyant espancher mon ame devant vous avec autant de naïfveté et d'asseurance, comme si j'avois bien merité l'accueil que vous me faites et l'acces que vous me donnes? [127] Je suis tel, Monseigneur, et vostre sainte charité me donne cette libre confiance; et, outre cela, me fait vous conjurer, par les entrailles de nostre commun et souverain object et Sauveur, de me continuer ce bien que vous aves commencé a me departir, non seulement me communiquant la suavité de vostre esprit, mais me censurant et advertissant en tout ce que vostre dilection et zele vous dicteront; vous promettant que vous rencontrerés un cœur capable, quoy que indigne, de recevoir de telles faveurs..

  A014001263 

 Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma chere Fille, et comme il m'est advis que mon ame embrasse la vostre cherement! Partes donq au premier beau jour que vous verrés, apres que vostre cheval se sera delassé, lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous renvoyer sinon despuis troys jours en ça, pour les dernieres pluyes qui sont tombees en ce païs.

  A014001270 

 Apportes moy toutes les lettres et memoyres que je vous ay jamais envoyé, si vous les aves encor (ce que je dis a cause du naufrage que vous fistes a vandanges), par ce que sil faut reimprimer l' Introduction, cela me deschargera beaucoup, y treuvant plusieurs choses pour ce sujet; puisque l'on ne m'a encor corrigé pour la substance de ce livre-la que de m'estre trop peu estendu.

  A014001272 

 Elle m'escrit que, pour tous les advis que je luy ay donnés pour le bon ordre de son Monastere, elle ne pourroit pas se resoudre a rien faire sans le consentement de son frere, qui a, dit elle, un grand [131] pouvoir sur sa volonté.

  A014001284 

 Vous aves rayson de ne vous point inquieter pour les mauvaises pensees, tandis que vous aves de bonnes intentions et volontés, car ce sont celles-cy que Dieu regarde.

  A014001286 

 Ah mon Dieu, ma Fille, que les vertus d'une femme mariee sont aggreables a Dieu! car il faut qu'elles soyent fortes et excellentes pour durer en cette vocation; mais aussi, o mon Dieu, que c'est une chose douce a une vefve de n'avoir qu'un cœur a contenter! Mais bien; cette Bonté souveraine sera le soleil qui esclairera cette bonne chere seur, affin qu'elle sache ou prendre son chemin.

  A014001286 

 C'est une ame que j'ayme tendrement, et ou qu'elle aille, j'espere qu'elle servira bien Dieu, et je la suivray par les continuelles prieres que je feray pour elle..

  A014001287 

 Je me recommande a celles de nostre petite fille [Madeleine] et de N. Il est vray que [Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres; et me semble que tout est mien, ma Fille, en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est rendu tout nostre.

  A014001291 

 Faites avec un soin particulier tout ce que vous pourres [134] pour acquerir la douceur entre les vostres, je veux dire en vostre mesnage.

  A014001298 

 J'appreuve que, si ce n'est quelquefois que l'on a besoin de repos, on ne dorme pas du tout son saoul; mais pour faire que cela ne nuyse point, en lieu de dormir, il faut un peu faire plus d'exercice pour dissiper les humeurs que le manquement du sommeil a laissé indigestes.

  A014001298 

 Pour le reste des austerités, ne vous en donnes point d'extraordinaire, car vostre complexion et vocation requiert que vous ne le facies pas; ni je n'appreuve pas une grande retraitte pour le present, car il est mieux, pour l'acquisition des vertus, de les exercer emmi les contradictions; et ne faut [136] point en cela se descourager, ains user de preparation frequente pour s'y bien comporter..

  A014001307 

 Vostre ame s'entretenant souvent aux exercices spirituelz, qui sont doux et aggreables a l'esprit, quand elle revient aux exercices corporelz, exterieurs et materielz, elle les treuve bien aspres et fascheux; c'est pourquoy aysement elle s'impatiente.

  A014001307 

 Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent les choses aigres plus aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent aysement des viandes aspres.

  A014001308 

 Je salue par vostre entremise la bonne Mere et toutes les Seurs Carmelites, implorant l'ayde de leur orayson.

  A014001315 

 Je ne treuve rien de plus doux a mon imagination que de voir ce celeste petit Jesus entre les bras de ce grand Saint, l'appellant mille et mille fois: Papa, en son langage enfantin et d'un cœur filialement tout amoureux..

  A014001315 

 Je prens avidement cette commodité de vous escrire, quoy qu'elle soit un peu pressante, pour respondre a vostre derniere lettre, toute marquee de suavité, du jour [139] du grand Pere saint Joseph, grand Amy du Bienaymé, grand Espoux de la Bienaymee du Pere celeste, qui a voulu que son Filz celeste fust repeu entre les lys de cette Espouse et de cet Espoux.

  A014001316 

 Or sus, venés donq, mon tres cher Frere, et que ce soit par mon ministere que vous soyes orné de ce grand caractere du sacerdoce evangelique, affin qu'en certaine façon [140] tres veritable, mais que le sang et la chair n'entend pas, nous contractions par ce moyen un parentage spirituel que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne pourront desfaire et qui durera eternellement, et pour lequel mon esprit aura une reelle relation de paternité, filiation et fraternité avec le vostre.

  A014001325 

 Mon Dieu, c'est un docteur des-ja! C'est un grand erreur, ce me [141] semble, de tant differer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze.

  A014001328 

 C'est un mal propre a mortifier et les sens et les sentimens, car il ne laisse point de mouvement qu'il n'allanguisse, horsmis celuy du cœur, lequel, pour l'ordinaire, il esmeut et rend plus frequent.

  A014001328 

 Eh bien, ma chere Fille, Dieu soit loué: pourveu que nostre ame soit coloree du vermeil de la charité, il ne nous doit pas chaloir que nous ayons les pasles couleurs.

  A014001329 

 Il faudra corriger les autres sur iceluy, car je l'ay corrigé par tout, tant que j'ay peu..

  A014001329 

 Je pensois vous envoyer plusieurs livres, mais l'imprimeur m'a manqué de parole de les m'envoyer; je crains que vous en aurés la plus tost que moy icy.

  A014001342 

 Cela est clair par l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes.

  A014001342 

 Et a cet argument ne satisfait pas la response, que tous les prestres estoyent censés saintz, heureux, peres, et que par consequent il failloit qualifier les Evesques sur iceux: non, Monseigneur, car tous ces tiltres regardoyent leur estat, leur dignité, leur Ordre..

  A014001343 

 Car, quelle rayson y a-il que j'appelle les princes du siecle Messeigneurs, et non pas ceux quos constituit Dominus principes populi sui? Et ne sert a rien de dire: Non dominantes in cleris; car, comme non debetis dominari, sic nostrum subjici.

  A014001343 

 Je dis secondement, que non seulement je puis vous appeller Monseigneur, mais il est expedient que je le fasse, et seroit bon que cela se fist par tous les Evesques.

  A014001345 

 J'y respons néanmoins, et dis que j'appelle ainsy tous les Evesques a qui j'escris en esprit de liberté, et les rends esgaux quant a cet honneur exterieur, laissant a mon interieur de donner diverses mesures de respect, sous un mesme mot, selon la diversité de mes devoirs; comme a vous, Monseigneur, c'est, je vous asseure, avec une reverence toute cordiale, toute particuliere..

  A014001355 

 Le Concile de Trente ordonne a tous les Superieurs et Superieures des Monasteres qu'au moins trois fois l'annee ilz fassent confesser ceux qui sont sous leurs charges a des confesseurs extraordinaires; ce qui est grandement [146] requis pour mille bonnes raysons.

  A014001357 

 Il sera a propos, en ces petitz Chapitres, de recommander souvent la mutuelle et tendre dilection des unes aux autres, et de tesmoigner que vous l'aves en leur endroit, mais particulierement envers celle de laquelle vous m'escrives, laquelle il faut, par charité, revoquer a une bonne et douce intelligence et confiance avec les autres.

  A014001358 

 Vous treuveres bien, ce croy-je, les premiers advis que je vous escrivis il y a cinq ans, de la façon avec laquelle vous devies doucement reduire tous ces espritz a vostre bon dessein.

  A014001360 

 Lisés tous les jours un quart d'heure dans les livres spirituelz, et ce, devant qu'aller a Vespres ou que les dire, quand vous n'y pourres pas aller..

  A014001360 

 Pour vostre particulier, ne faites point faute de faire l'orayson mentale tous les jours, a la mesme heure qu'elle se fait au choeur, si vous ne pouves pas y aller; et ce pour demie heure.

  A014001361 

 Baysés souvent vostre croix que vous portes; renouvellés les bons propos que vous aves faitz d'estre toute a Dieu, immediatement devant le coucher, ou y allant, ou en vostre oratoire, ou ailleurs; et faites un plus grand renouvellement par demie douzaine d'aspirations et d'humiliations devant Dieu..

  A014001361 

 Vous vous coucheres tous les jours a dix heures, et vous leveres a six.

  A014001386 

 Que vous seres heureuse, ma chere Fille, si vous perseveres a mespriser les promesses que le monde vous voudra faire, car en vray ( sic ) verité ce n'est qu'un vray trompeur.

  A014001388 

 L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin tres heureuse.

  A014001405 

 Ces quattre lignes vous asseureront que je continue de toute mon affection au desir de vous rendre toute ma vie tres humble service, car, quant au reste des nouvelles, le porteur vous les dira suffisamment, sinon que monsieur Valladier m'a escrit n'a guere une lettre toute pleyne de lhonneur et respect quil vous porte, ne m'obligeant pas peu de m'en parler comm'a un homme tout uny et conjoint a vous..

  A014001424 

 Il vint donques, et ayant encor ouy M me de Chantal, il respondit que non obstant toutes les difficultés quil y avoit a la cure de ce mal, il espereroit de vous guerir, mais que pour cela il faudroit du loysir..

  A014001425 

 Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin d'apprendre par monsieur du May toutes les particularités plus exactement, et apporter une bonne et veritable description de toute l'affaire.

  A014001450 

 J'ay veu, ma tres chere Fille, cette petite infirmité qui vous estarrivee ces jours passés sur les divers mouvemens de vostre cœur, entre l'affection de renoncer a vostre [156] propre inclination, et l'inclination de suivre vostre goust particulier.

  A014001485 

 Tenés bien vostre ame en vos mains affin qu'elle ne vous eschappe ni a gauche ni a droitte; je veux dire, ni qu'elle s'amollisse entre les affections des parens, ni qu'elle s'attriste parmi leurs passions et les diversités des humeurs avec lesquelles il vous faut vivre..

  A014001487 

 Puisque toutefois il faut que vous passies par la, multiplies tant plus les communions spirituelles, que nul ne vous peut refuser.

  A014001501 

 Tenes vostre cœur au large, et tous-jours tout remis a la Providence divine, soit pour les grandes choses ou pour les petites, et procurés de plus en plus dans vostre cœur l'esprit de douceur et de tranquillité, qui est le vray esprit de Jesus, qui veuille a jamais regner en nos cœurs..

  A014001514 

 Comment est-il possible, disoit saint Gregoire a un Evesque, que les orages de la terre esbranslent si fort ceux qui sont au Ciel? S'ilz sont au Ciel, comme sont-ilz agités de ce qui se passe en la terre? O Dieu, que cette leçon de la sainte constance est requise a ceux qui veulent serieusement embrasser leur salut!.

  A014001525 

 Et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent tous-jours en leurs mains le baston de contrepoidz, pour balancer leurs cors justement en la varieté des mouvemens qu'ilz ont a faire sur un si dangereux plancher, vous deves aussi fermement tenir la sainte Croix de Nostre Seigneur, affin de marcher asseurement parmi les perilz que la varieté des rencontres et conversations pourront apporter a vos affections; en sorte que tous vos mouvemens soyent balancés au contrepoidz de l'unique et tres aymable volonté de Celuy auquel vous aves voué tout vostre cors et tout vostre cœur.....

  A014001534 

 Il se peut neanmoins faire qu'ilz l'auront aggreable; et si vous connoisses que ce soit tout a la bonne foy et simplement qu'ilz l'auront aggreable, vous pourres fort librement luy donner courage de venir, et venir vous mesme, dans les mesmes conditions.

  A014001534 

 Je vay ainsy reservé en ce dessein, parce que je doute que les congés qu'ilz accordent ne soyent pas donnés de bon cœur, et la dessus se disent mille choses..

  A014001535 

 Or, quand elle se resoudra de venir, il faut que ce soit sans bruit et tout simplement, comme pour venir a Saint Trivier et a Saint Claude, et vous aussi, et la bonne madamoyselle de Puligni aussi, si ell'est de la trouppe, [166] affin d'eviter les curiosités de ceux qui voudront tout enquerir.

  A014001537 

 Quant a la meditation, les medecins ont rayson: tandis que vous estes infirme, il s'en faut sevrer.

  A014001537 

 Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant.

  A014001538 

 Quant a la Communion, continues tous-jours, et il est vray que je vous ay dit quil n'estoit nul besoin d'ouir la Messe pour se communier les jours ouvriers, ni mesme les jours de feste, quand on en a ouy une devant ou qu'on en peut ouir un'apres, quoy qu'entre deux on face beaucoup d'autres choses: cela est vray..

  A014001552 

 Mais je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne fut composé que d'une seule pierre, qui est la perle orientale que la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du ciel; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms des enfans d'Israel estoit ( sic ) tous marqués en iceluy.

  A014001552 

 Mon Dieu, que mon cœur est plein de choses pour vous dire, ma Fille tres uniquement chere, car c'est aujourdhuy le jour de la grande feste de l'Eglise, en laquelle portant le Sauveur a la procession, il m'a, de sa grace, donné mille douces pensees emmi lesquelles j'ay eu peyne de reprimer les larmes.

  A014001552 

 O Dieu, je mettois en comparayson le grand Prestre de l'ancienne Loy avec moy, et considerois que ce grand Prestre portoit un riche pectoral sur sa poitrine, orné de douze pierres pretieuses, et en iceluy se voyoyent les noms des douze tribus des enfans d'Israel.

  A014001566 

 Que vous seres heureuse, tres chere Seur, ma Fille, si vous continues a vous tenir a la main de sa divine Majesté, entre le soin et le train de vos affaires, lesquelles reussiront bien plus a souhait quand Dieu vous y assistera; et la moindre consolation que vous en aures sera meilleure que les plus grandes de celles que vous pourries avoir de la terre..

  A014001576 

 Puisque Dieu a choisi un nombre de personnes fort petit, et encor des moindres de la Mayson en aage et [172] en credit, il faut que le tout s'entreprenne avec une tres grande humilité et simplicité, sans que ce petit nombre face semblant de vouloir reprendre ou censurer les autres par paroles ni par gestes exterieurs; ains que simplement il les edifie par bon exemple et conversation..

  A014001578 

 Qu'on luy apprenne de bien et deuement examiner sa conscience tous les soirs; qu'on luy monstre a faire convenablement l'orayson mentale, selon la disposition des sujetz; sur tout qu'on luy enseigne a obeir au directeur tres volontairement, tres fermement et tres continuellement..

  A014001580 

 Que chacun ayt le sien, et qu'ilz soyent tellement disposés, qu'en se couchant ou levant on ne se voye point les uns les autres, affin que les yeux mesmes soyent mondes et netz..

  A014001581 

 J'appreuverois fort que ceux qui portent barbe fussent bien rasés a la teste et au menton, selon les anciennes coustumes des Benedictins; et que, tant qu'il sera possible, on n'allast plus seul a seul, ains tous-jours avec un compaignon..

  A014001585 

 Sur tout prenes garde d'user de lait et de miel, parce que les viandes solides ne pourroyent pas encor estre maschees par les foibles dens des invités..

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001612 

 Et moy, cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnes, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme.

  A014001623 

 Mais quant a la modestie, outre ce qu'en tous lieux nous en voulons tous-jours observer estroittement les lois, la consideration du lieu ou nous serons nous y conviera asses, et nos parties, a ne se point desfier de nous.

  A014001624 

 Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplucher par les moyens desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble; a quoy, de mon costé, j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures adverti de la reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier..

  A014001643 

 Voyes vous, Monsieur, ce mot d'arch'intime ne m'avoit encor point esté devant les yeux; mais, sur une si grande verité, il a esté receu de mon cœur tres intimement, et le bon monsieur de Santeul ne me dit jamais un mot plus a mon gré..

  A014001646 

 Je vay pensant comme je pourrois faire pour servir d'instrument a la reparation de tout cela, mais je voy la chose malaysee, car les oreilles de Monsieur se remplissent tous les jours de plus en plus de persuasions contraires, que ceux qui n'ayment pas monsieur de Charmoysi ont tout loysir et advantage de faire.

  A014001648 

 Et puis qu'elles favorisent ce chetif livret de l'Introduction a la Vie devote, je vous supplieray, dans trois semaynes, de leur en faire a chacune un present de ceux que je vous envoyeray de la seconde edition, et autant que la commodité le permettra; a laquelle j'ay adjousté beaucoup de petites chosettes, selon les desirs que plusieurs dignes juges m'ont tesmoigné d'en avoir, et tous-jours regardant les gens qui vivent en la presse du monde..

  A014001680 

 Je ne doute nullement que l'offre d'une douce et amiable conference avec ceux de Geneve ne soit tres utile [188] en ce tems, auquel ilz sont venus en quelque sorte de desir d'en avoir une, au moins a ce que j'apprens par les continuelz advis que j'ay de divers propos qu'ilz tiennent.

  A014001682 

 Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer en cette generale proposition, que vous monstreres que leur religion est manifestement contraire aux Saintes Escritures, sans venir a la particuliere declaration des [190] moyens que vous voules tenir pour ce faire; car ainsy vous ne vous obliges a rien qu'a la fin de vostre intention, et laisses les moyens en liberté, pour les choisir par apre a vostre gré.

  A014001683 

 Cette generale controverse des Versions est grandement utile entre les gens doctes, et quand vous ne regarderies que les ministres, elle seroit sans doute extremement a propos.

  A014001683 

 Et quand je dis le peuple, je veux dire les Seigneurs des deux Conseilz, qui ne sont que marchans et certains gens de peu..

  A014001683 

 Mais s'il faut avoir soin d'esbransler le peuple, il faudra entreprendre quelque point auquel plusieurs puissent discerner de la rayson ou du tort; car en celuy des Versions, pour peu que les ministres tiennent contenance (comme ilz feront, estans des plus asseurés menteurs et des plus opiniastres mattois du monde), le peuple, des-ja incliné a leur suite, demeurera plus engagé en leur parti.

  A014001684 

 J'aymerois donq mieux advouer que l'Escriture est tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance est en nous, qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne sçaurions nous determiner du sens qu'elle doit avoir, ni des consequences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus specieuse et plausible a ceux aux oreilles [191] desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes Lettres..

  A014001685 

 Si je croyois que vous ne conneussies pas mon cœur, je ne traitterois pas si librement; mais je me confie en Nostre Seigneur que vous sçaves que je ne fay rien ni dis rien avec vous que sur les gages de vostre sincere amitié, et qu'en vous proposant mes petites pensees, vous les adjusteres a la rayson avec autant de franchise que je les vous presente..

  A014001714 

 [Ayant appris par] les remonstrances que me fait le sieur [194] curé de Beaumont, que plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy payer les premices, lesquelles neanmoins ilz luy doivent comme estant ses parroissiens, avant que de prendre aucun autre expedient pour l'ayder en sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité que vous aves sur ces refusans, pour les reduire a la rayson, esperant que vostre sage entremise aura tout le pouvoir requis pour l'effect de mon equitable desir, comme la mienne aura le credit envers vostre bienveuillance d'en obtenir le secours que je souhaitte a cet honneste et bon curé, lequel, je m'asseure, vous est des-ja asses recommandable, comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore et revere de tout son cœur..

  A014001727 

 Mais la varieté des affaires que M. de Lux a treuvés icy et les resistences des ministres nous ont porté sans rien faire jusques a ce jourdhuy de saint Mathieu, que j'ay dit la premiere Messe a Sessi despuis 73 ans.

  A014001748 

 Il fut des-ja publié l'annee passee, mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë d'un si grand Prince; maintenant qu'il est un peu moins mal accommodé, j'en prens la hardiesse, porté par la seule consideration de cette douce bonté qui a tous-jours aggreablement receu les foibles tesmoignages de mon invariable fidelité.

  A014001750 

 Or, maintenant il desire laisser les mesmes marques a son filz aisné, affin que l'une et l'autre production tesmoigne a la posterité le bonheur qu'il a eu d'avoir esté serviteur aggreable d'un si grand Prince.

  A014001750 

 Oseray-je bien, Monseigneur, présenter encor ce mien [199] souhait a Vostre Altesse? Le sieur president Favre a mis sur le front des beaux livres qu'il a composés et que les nations estrangeres admirent, les marques de sa fidelité envers Vostre Altesse et de l'honneur qu'il a receu d'elle.

  A014001750 

 Pour cela, Monseigneur, sachant que les affections et services hereditaires sont les plus fermes, je souhaitterois qu'il pleust a Vostre Altesse s'incliner a cette requeste, de l'enterinement de laquelle se respandra une bonn odeur qui fera connoistre a chacun que sa providence s'estend jusques a prendre soin des enfans de ceux qui l'ont fidellement servie, pourveu qu'imitateurs de leurs peres, ilz s'en rendent dignes..

  A014001764 

 Quant a moy, Sire, je contemple en ces reparations de la sainte Eglise, une des rares qualités qui font connoistre et reconnoistre en Vostre Majesté, le sang et le cœur du grand saint Louys et de Charles Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu que les Chrestiens ayt ( sic ) jamais veu..

  A014001778 

 Il ne faut voyrement pas se haster de soy mesme; mais de recevoir les graces que Dieu nous donne, ce n'est pas se haster, pourveu qu'on se contienne en humilité et dedans les exercices auxquelz nostre vocation nous oblige..

  A014001792 

 Oüy bien, peut estre, que l'experience m'avoit apris de ne point estre dur aux ames revesches, tandis quil y avoit esperance de les gaigner par douceur..

  A014001793 

 Cette la auroit grand besoin de changer d'air pour estre guerie, car en ce lieu-la il y a des aspicz et basilisques plus quil ne faut pour les tendres ames.

  A014001793 

 Ell' a rayson de dire que je luy parlay a son advantage, car je ne luy parlay que pour son bien, mais sans flatterie et rondement, selon les sentimens que j'en avois..

  A014001793 

 Mais, ma chere Fille, il faut estre patient a ceux qui veulent servir les ames, car tous-jours ainsy au commencement, elles sont volages, bigearres et inventrices de paroles.

  A014001794 

 Vrayement je ne voudrois nullement que si les promenades tendent a la rencontre de ces galantz hommes, vous vous y treuvassies; mais si cette fois-la ce fut par hazart, il n'en faut pas pour cela se scabrer.

  A014001828 

 Que s'il exauce mes prieres, vous vivres tous longuement, heureusement et saintement en ce monde, et eternellement, glorieusement et tres [heureusement] en l'autre; car ce sont les souhaitz continuelz que je feray meshuy devant sa divine Majesté, pour vous et pour vostre ville, estant,.

  A014001834 

 A Messieurs les Magistratz.

  A014001838 

 Baume-les-Dames, 16 novembre [1609.].

  A014001842 

 Je viens de l'orayson, ou, m'enquerant de la cause pour laquelle nous sommes en ce monde, j'ay appris que nous n'y sommes que pour recevoir et porter le doux Jesus: sur la langue, en l'annonçant; sur les bras, en faysant des bonnes oeuvres; sur nos espaules, en supportant son joug, ses secheresses, ses sterilités, et ainsy en nos sens interieurs et exterieurs.

  A014001844 

 Sçaves vous que je dis estendant vostre corporal pour la consecration? Ainsy, dis je, puisse bien estre estendu le cœur de celle qui me l'a envoyé, sous les sacrees influences de la volonté du Sauveur.

  A014001852 

 La nouvelle que mon jeune frere m'a donnee de vostre meilleure santé m'a fort consolé, et neanmoins je ne laisse pas d'appreuver l'advis de mon cosin Chaudens, que le sieur Marcofredo soit consulté sur vostre santé, ou le faysant venir a Sales, ou, si vous le pouvés, allant vous mesme a Geneve pour trois ou quattre jours; mais en ce dernier cas, il faudroit faire le voyage bien tost pour praevenir les grandes froideures..

  A014001853 

 Si mon frere m'eut aussi bien sceu dire en quel estat estoit vostre esprit, ma consolation eut esté plus grande; mais il ne m'a sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois triste, et que vous n'avies pas [212] voulu que l'on vous fit des souliers, estimant que vous ne vivrés pas asses pour les user.

  A014001854 

 Il faut, ma chere Mere, ne plus vous amuser a certaines considerations qui ne servent a rien et sont de trop peu de valeur pour occuper l'esprit; et, ayant mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil ( sic ) vont bien, en louer Dieu, sil ( sic ) ne vont pas si bien que vous desireriés, puisque vous ne pouves pas mieux faire de vostre costé, remettre le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon quil voit expedient a nostre bien..

  A014001856 

 Je vous envoye deux lettres de Dijon, et vous souhaittant toutes les graces que Nostre Seigneur donne a ses loyales serventes, je demeure,.

  A014001872 

 Demeurés ainsy, chere Fille, et, comme un autre petit saint Jean, tandis que les autres mangent a la table du Sauveur diverses viandes, reposés et penchés, par une toute simple confiance, vostre teste, vostre ame, vostre esprit sur la poitrine amoureuse de ce cher Seigneur; car il est mieux de dormir sur ce sacré oreiller, que de veiller en toute autre posture .........................................................[214].

  A014001872 

 Et bien, vous voyla donq toute resignee entre les mains de nostre Sauveur, par un abandonnement de tout vostre estre a son bon playsir et sainte providence.

  A014001872 

 O Dieu, quel bonheur d'estre ainsy entre les bras et les mammelles de Celuy duquel l'Espouse sacree disoit: Vos tetins sont incomparablement meilleurs que le vin.

  A014001877 

 Ayant esté pres de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au duché, pour assister aux noces de mon frere de Groysi, qui doit tant estre vostre serviteur, partie au comté, pour l'execution d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque de Basle et a moy conjointement, j'ay treuvé a mon retour la lettre [215] que vous avies pris la peyne de m'escrire par le bon monsieur de Soulfour, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon voyage; lettre, comme toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous me portés, et duquel je suis reciproquement amoureux de toute l'estendue de mon cœur, et autant glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies departir..

  A014001878 

 Si vos affaires retardent nostre pelerinage a la Sainte Magdeleyne, il n'en sera que tant plus delicieux un'autre fois, quand vous les aures heureusement achevees comme je souhaite.

  A014001878 

 de Sales, Evesque de ce Diocaese (car il se faut un peu estendre a dire les particularités des saillies de ma vaillance).

  A014001881 

 Je les [217] offre a madame vostre chere moytié et un, par son entremise, a madamoyselle de Touteville, sinon que vous en voulussies prendre la peyne vous mesme, et un autre a madame la Marquise de Menelay.

  A014001915 

 Nous n'avons plus aucun hérétique dans les bailliages ou seigneuries de Ternier et Gaillard, ni dans le duché de Chablais, où presque [220] tous l'étaient, lorsque j'y fus envoyé il y a seize ans.

  A014001915 

 Une dame qu'on n'avait jamais pu convertir, est morte ces jours passés, après avoir, néanmoins, fait profession de la foi catholique le jour même de sa mort et reçu les divins Sacrements, grâce aux exhortations d'une paysanne sa voisine: grand sujet d'admirer les secrets de la bonté de Dieu pour ceux qui ont su les considérer dans cet événement..

  A014001916 

 Dans le bailliage de Gex, qui appartient maintenant au roi de France, la plupart des habitants sont encore huguenots; car cette maudite religion a persisté parmi eux depuis soixante-dix ans que les Bernois l'y ont implantée.

  A014001916 

 Les deux derniers rétablissements furent seulement faits en septembre dernier, et depuis lors, quelques personnes se sont converties; notamment, ce mois passé, un gentilhomme de marque.

  A014001919 

 Les séditieux disaient qu'on aurait dû me garder pour me contraindre à renier ma dignité; les plus honnêtes, au contraire, dirent qu'il aurait fallu me retenir pour me traiter avec courtoisie, en qualité de seigneur voisin et ami.

  A014001919 

 Souvent je leur ai offert de me rendre auprès d'eux pour convaincre leur doctrine de fausseté, à la condition d'en recevoir quelque garantie pour ma personne et pour ceux qui viendraient avec moi; je leur ai meme fait porter la parole par des gens de qualité, avec un écrit signé de ma main et cacheté: jamais ils ne l'ont voulu; ils en ont été empêchés par les [224] ministres.

  A014001920 

 L'ouvrage a été bien accueilli en France à cause de la nouveauté de son contenu qui ne vise qu'à aider les gens du monde..

  A014001920 

 Le Père les ayant vus, me pressa fort de les faire imprimer; ce à quoi je n'avais nullement pensé.

  A014001933 

 Mais quand je l'appelle bourrasque, dame, ne penses pas que j'en sois agité, nomplus certes que de la moindre chose du monde; car il ny a en cela pour tout, aucun sujet de mon costé que ce beni passage que je fis a Geneve, que les calomniateurs ne peuvent s'imaginer que j'aye fait sans avoir quelqu'intelligence avec les habitans.

  A014001935 

 Je vous envoye les lettres que j'oubliay a vous porter de M me Vignod, qui est tres bonne fille.

  A014001936 

 La bonne M me de Baume fut bien consolee, quoy qu'accablé de tant de gens qui me demandoyent confession je n'eu pas tout le loysir que je desirois pour l'entretenir, car outre cela, j'avois mon grand affaire sur les bras..

  A014001940 

 Je suis en luy plus vostre que je ne sçauray jamais dire en ce monde, car les paroles de cet amour ny sont pas..

  A014001955 

 La derniere fois qu'elle se confessa, elle me demanda [231] licence, pour se preparer et accoustumer, dit elle, a estre Religieuse, de jeusner les Advens au pain et a l'eau, et d'aller nudz pieds tout l'hiver.

  A014001955 

 O ma Fille, il vous faut dire ce que je luy respondis, car je l'estime aussi bon pour la maistresse que pour la servante: que je desirois que les filles de nostre Congregation eussent les pieds bien chaussés, mais le cœur bien deschaussé et bien nud des affections terrestres; qu'elles eussent la teste bien couverte et l'esprit bien descouvert, par une parfaitte simplicité et despouillement de la propre volonté..

  A014001962 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que rien ne nous peut donner une plus profonde tranquillité en ce monde que de regarder souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy arriverent despuis sa naissance jusques a sa mort; car nous y verrons tant de mespris, de calomnies, de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de tourmens, de nudités, d'injures et de toutes sortes d'amertumes, qu'en comparayson de cela nous connoistrons que nous avons tort d'appeller afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent, et que nous avons tort de desirer de la patience pour si peu de chose, puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit pour bien supporter ce qui nous arrive.

  A014001963 

 Je connois fort bien l'estat de vostre ame et m'est advis que je la voy tous-jours devant moy avec toutes ces petites esmotions de tristesse, d'estonnement et d'inquietude qui la vont troublant, parce qu'elle n'a pas jetté encor asses avant les fondemens de l'amour de la croix et de l'abjection dedans sa volonté.

  A014001963 

 Ma tres chere Fille, un cœur qui estime et ayme grandement Jesus Christ crucifié, ayme sa mort, ses peynes, ses tourmens, ses crachatz, ses vituperes, ses disettes, ses faims, ses soifz, ses ignominies, et quand il luy en arrive quelque petite participation, il en jubile d'ayse et les embrasse amoureusement.

  A014001963 

 Vous deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a part, en vous proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de nostre Redemption, et considerer quel bonheur vous sera d'y participer; voir en quelle occasion ce bien la vous peut arriver, c'est a dire les contradictions que vous pourres avoir en tous vos desirs, mais sur tout es desirs qui vous sembleront plus justes et legitimes, et puis, avec un grand amour de la Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves escrier avec saint André: «O bonne croix,» tant aymee de mon Sauveur, quand me recevres-vous entre vos bras?.

  A014001974 

 Voyci, ma tres chere Fille, cette annee qui se va abismer dans le gouffre ou toutes les autres se sont jusques a present aneanties.

  A014001997 

 Continues donq courageusement a bien ravaler vostre courage par humilité et a l'exalter par charité; car ainsy vous monteres et descendres, comme les Anges sur la sainte eschelle de Jacob.

  A014001997 

 Il faut bien tous-jours faire ainsy, ma chere Fille; car, comme dit Nostre Seigneur, le Royaume des cieux souffre violence et les violens le ravissent.

  A014001999 

 Mais sçaves vous ce qui me plait? C'est que vous me dites que vous me parles a cœur ouvert; car, ma chere Fille, c'est une bonne condition pour avancer selon l'esprit que d'avoir le cœur ouvert pour la fidele et naifve communication que nous devons faire entre nous, d'autant que Nostre Seigneur, qui se plait tant a communiquer son esprit aux siens, se plait aussi beaucoup a voir que nous nous entrecommuniquions les nostres, pour nous entresoulager et ayder..

  A014002000 

 Marches donq comme cela, ma chere Fille, et ne vous troubles point pour vos assoupissemens, contre lesquelz il faut faire deux choses: l'un' est de changer souvent de contenance en l'orayson, comme de tenir tantost les mains croisees sur l'estomach, tantost jointes, tantost bandees, tantost estre debout, tantost a genoux sur un genoux, tantost sur l'autre, a mesure que les assoupissemens vous arriveront.

  A014002022 

 Ni ces liens reciproques ne sont point rompus par la mort, car ce sont des liens de l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort pour les dissoudre..

  A014002023 

 Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la grande estime de la sainteté d'iceluy que sa divine Providence a nourrie dans le cœur des peuples qui ont le bonheur d'estre sous sa couronne et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui celebrent si hautement la pieté de sa vie, ce sont, Monseigneur, tout autant de sommations que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui sont dus a son [240] excellente sainteté.

  A014002037 

 Tandis que les peres exercent leur severité a l'endroit de leurs enfans par necessité, ilz leur doivent preparer de la douceur en leur volonté, affin que la rigueur qui les a chastiés ne les accable pas, degenerant en dureté et fierté.

  A014002059 

 Mais aussi, ma chere Seur, je le vous recommande, vostre pauvre cœur: ayés bien soin de le rendre de plus en plus aggreable a son Sauveur, et de faire que cette annee soit plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions; car a mesure que les annees s'en vont et que l'eternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage et relever nostre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent..

  A014002060 

 Je voudrois bien pouvoir vous envoyer les livres que je vous ay promis et a madame de Cornillon ma commere; mais je ne m'en suis pas treuvé un seul.

  A014002069 

 Ayant appris par messieurs les coeschevins de vostre ville qui ont pris la peyne de venir icy, ce que vous leur aves confié pour me dire, il ne me reste que de vous prier de croire que je conserveray cherement en mon ame l'affection avec laquelle je vous avoys dedié les predications que vous aviés desirees de moy pour ce Caresme, lesquelles je veux contreschanger en autant d'oraysons que je feray pour le bonheur de vostre ville.

  A014002076 

 A Messieurs les Capitaines.

  A014002090 

 J'espere tous les jours plus en luy que nous ferons prou en nostre dessein de vie.

  A014002099 

 Il m'est tombé ce matin dans l'esprit, pensant a elle, que c'est singulierement a son ame que s'addressent les paroles de l'Espoux sacré: Debout, hastés-vous, mon amie; car en fin, Amie c'est son nom, et l'Espoux l'appelle par son nom propre..

  A014002141 

 Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Prêtres de la Mission..

  A014002146 

 Plus elles arrestent, plus je les souhaitte bonnes.

  A014002147 

 Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deça et dela par les affaires; mais, ma chere Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que neanmoins, graces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour ce regard..

  A014002148 

 O ma chere Fille, que vous me fistes un jour grand playsir de me recommander la sainte humilité! car sçavés-vous, quand le vent s'enferme dedans nos vallees, entre nos montaignes, il ternit les petites fleurs et desracine les arbres; et moy, qui suis logé un peu bien haut en cette charge d'Evesque, j'en reçois plus d'incommodités.

  A014002149 

 Que ce Seigneur est bon, ma chere Fille! que son cœur est amiable! Demeurons la, en ce saint domicile; que ce cœur vive tous-jours dans nos cœurs, que ce sang bouillonne tous-jours dans les veines de nos ames..

  A014002150 

 Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme prenant en cette ville et qu'on ne le connoist presque plus! Quelles congratulations en fis-je [253] Dimanche a mon cher peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu toutes conversations pour venir a moy! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des balz sans demander licence.

  A014002163 

 Consolons nous le plus que nous pourrons en ce tres-pas de nostre bonne mere, car les graces que Dieu a [254] exercees en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est doucement receuë entre les bras de sa divine misericorde; si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde.

  A014002165 

 Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre contentement: c'est que cette pauvre bonne mere, avant que de partir de Neci, revit tout l'estat de sa conscience, renouvella toutes les bonnes resolutions qu'elle avoit faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus; car Dieu ne voulut pas qu'elle fust en estât de melancholie quand il la prendroit a soy..

  A014002178 

 Ce mesme Dieu tout puissant face de plus en plus abonder Vostre Altesse en benedictions et consolations celestes, qui sont les continuelz et ardans desirs que fait pour elle,.

  A014002196 

 Je ne sçai pas le pourquoy selon les hommes, mais je croy que Dieu en a ainsy disposé pour une douloureuse satisfaction que j'ay eu ces jours passés, de donner l'extreme benediction et de fermer les yeux a ma bonne mere mourante.

  A014002202 

 Il est vray que je ne les sçaurois apprendre de mon breviaire duquel seul je me mesle, et de prier Nostre Seigneur pour vous.

  A014002216 

 Ce n'est justement que pour vous bayser humblement les mains et vous supplier de me conserver lhonneur de vostre bienveuillance, que cette lettre se presente a vous en mon nom..

  A014002216 

 Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au milieu de cette grande et noble ville, chacun est autour de vous pour puyser les eaux des consolations spirituelles de la vive source que Dieu a mise en vous.

  A014002233 

 Mais, o Dieu, ma tres chere Fille, ne faut il pas en tout et par tout adorer cette supreme Providence, delaquelle les conseilz sont saintz, bons et tres aymables? Et voyla qu'il luy a pleu retirer de ce miserable monde nostre tres bonne et tres chere mere, pour l'avoir, comme j'espere fort asseurement, au pres de soy et en sa main droitte.

  A014002234 

 Sans doute, si ce n'eut esté cela, j'eusse crié hola! sous ce coup; mais il ne m'est pas advis que j'osasse crier ni tesmoigner du mescontentement sous les coups de cette main paternelle, qu'en verité, graces a sa Bonté, j'ay appris d'aymer tendrement des ma jeunesse..

  A014002237 

 Au demeurant, encor vous faut-il dire que j'eu le courage de luy donner la derniere benediction, luy fermer les yeux et la bouche et luy donner le dernier bayser de paix a l'instant de son trespas.

  A014002239 

 Je dis icy, car il ni auroit point de proportion que vous fissies les bons jours aux chams.

  A014002239 

 Les festes passees, vous ordonneries ainsy quil vous plairoit, pour conduire nostre petite chez elle..

  A014002243 

 Maintenant je vay courant sur les chefz de vostre lettre.

  A014002244 

 Mais ces autres sorties sont hors de rayson; aussi on les desseigne et delibere-on sans moy.

  A014002244 

 Vous voyes: je luy avoys tant tesmoigné la necessité de s'assujettir elle mesme a la stabilité en son Monastere, et neanmoins, contre le souhait des siens, elle medite tous les [264] jours des sorties pour ceci et pour cela.

  A014002245 

 Ou il y va du proufit spirituel, il ne faut pas craindre les opprobres..

  A014002246 

 Quand vous seres icy, nous prendrons les resolutions convenables pour commencer nostre dessein, et verrons ce que diront nos filles de deça.

  A014002248 

 Quant a ces preceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne Mere Prieure, je ne vous en diray rien pour le present; seulement je vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les fondemens de tout cela, car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté passé m'estant mis en la presence de Dieu sans praeparation et sans dessein, je me treuvasse extremement bien aupres de sa Majesté, avec une seule tres simple et continuelle affection d'un amour presque imperceptible mais tres doux, si est ce que je n'osay jamais demarcher du grand chemin pour reduire cela en un ordinaire.

  A014002258 

 J'aurois tort d'avoir tant attendu a vous rendre les actions de graces que je vous dois, pour la souvenance que vous aves a moy tesmoignee par le petit poulet que mon frere m'apporta, si je n'avois esté distrait par le trespas de ma pauvre bonne mere, qui m'obligea d'estre a Sales quelque tems, pour rendre cette derniere assistance a cette chere personne.

  A014002273 

 Si ces bonnes dames vefves vous parlent, dites leur qu'ayant esté icy, vous les advertires de tout, bien particulierement; car il ne les faut esmouvoir qu'extremement bien a propos, et apres un peu d'ageancement de nostre dessein, pour lequel je viens de bien prier nostre chere Dame et son saint Joseph..

  A014002275 

 Or bien, venés, chere Fille, venés es montaignes; Dieu vous y face voir l'Espoux sacré qui tressaille es mons et outrepasse les collines, qui regarde par les fenestres et a travers la treille, les ames qu'il ayme.

  A014002283 

 Il n'y eut nulle offence en [269] tout ce qui se passa touchant les presages du peril de monsieur vostre filz; bien qu'il ne faille pas attendrir son esprit a donner creance a ces preoccupations, mais aller doucement remettant tout ce qui nous touche entre les mains de la divine Providence.

  A014002285 

 Pour l'orayson, vous faites bien de vous laisser aller a la mentale, quand Nostre Seigneur vous y semond Ihors que vous dites les vocales..

  A014002286 

 Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons rememorer la mort..

  A014002287 

 Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une Messe le samedy, que de donner tous les jours un liard: ainsy vous soulageres le prochain et louëres la Vierge Marie par une plus excellente action.

  A014002298 

 Or, esperant que la chose, ne peut pas aller beaucoup plus au long, je vous exhorte de vous consoler et conserver la sainte patience, en vivant tous-jours en la crainte de Nostre Seigneur, que je prie vous donner les graces de son Saint Esprit, et suis.

  A014002321 

 D'autre part, quoique les provisions du Saint-Siège doivent être respectées de tous, Sa Sainteté n'entend pas, cependant, porter préjudice à l'alternative des Evêques, à moins qu'elle [272] ne le déclare expressément; ceux-là donc qui demandent les bénéfices, ont tort de prétendre enlever, par des provisions Apostoliques le droit des Ordinaires.

  A014002322 

 Je vous baise très humblement les mains, en vous souhaitant du Seigneur toute vraie prospérité.

  A014002349 

 Je crois qu'il y sera accueilli par la sacrée Congrégation des convertis, car ses mœurs et ses manières sont très honorables, et même il s'est rendu assez remarquable dans les belles-lettres et les sciences mathématiques..

  A014002363 

 Mais puisqu'elle en sort par ordre des Superieures, elle doit estimer que Dieu, se contentant de son essay, veut qu'elle le serve ailleurs; si bien qu'elle fera mal, si, apres les premiers [277] ressentimens de sa sortie, elle n'appaise son esprit et ne prend ferme resolution de vivre toute en Dieu, en quelqu'autre condition; car par plusieurs voyes on va au Ciel.

  A014002363 

 Pourveu qu'on ayt la crainte de Dieu pour guide, il importe peu quelle l'on tienne, bien qu'en elles mesmes, les unes soyent plus desirables que les autres a ceux qui ont la liberté de choysir..

  A014002364 

 Cependant, les bonnes Meres Çarmelines font bien d'observer exactement leurs Constitutions et rejetier les espritz qui ne sont pas propres pour leur maniere de vivre..

  A014002367 

 De mener au bal cette fille fort souvent ou rarement, puisque c'est avec vous qu'elle ira, il importe peu; vostre prudence doit juger de cela a l'œil et selon les occurrences.

  A014002367 

 Si je ne me trompe, cette fille est vive, vigoureuse et de naturel un peu ardent: or, maintenant que son entendement commence a se desployer, il faut y fourrer doucement et suavement les premices et premieres semences de la vraye gloire et vertu, non pas en la tançant de paroles aigres, mais en ne cessant point de l'advertir avec des paroles sages et amiables a tous propos, et les luy faisant redire, et luy procurant des bonnes amitiés de filles bien nees et sages..

  A014002368 

 Vous estes donq bien heureuse, ma chere Fille, d'avoir chez vous les benedictions temporelles et spirituelles..

  A014002370 

 Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tous-jours un peu bien largement et a bonne mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois je vous ay dit ou escrit; car si ce que vous jettes dans le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre; c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement.

  A014002378 

 Nous ne laissons pourtant pas d'estre tous-jours jointz et unis, nous entretenans les uns aux autres par la commune pretention et entreprise que nous avons..

  A014002379 

 C'est pourquoy il nous faut mettre sur le solide, et considerer si nostre volonté est bien affranchie de toutes mauvaises affections, comme seroit dureté de cœur envers le prochain, impatience, mespris d'autruy, amitiés trop ardentes envers les creatures et semblables choses.

  A014002379 

 Je suis bien ayse dequoy vous manques peu aux exercices que je vous ay marqués, car cela monstre que les fautes que vous y faites ne proviennent pas d'infidelité, mais de foiblesse; et la foiblesse n'est pas un grand mal, [281] pourveu qu'un fidele courage la redresse petit a petit, ainsy que je vous conjure de faire, ma chere Fille, pour la vostre, sans vous affliger nullement de ce que vous n'aves ni sentiment ni goust ordinairement en tous vos exercices, car Nostre Seigneur ne requiert pas cela de nous: aussi ne depend-il pas de nous de l'avoir ou de ne l'avoir pas.

  A014002379 

 Que si nous n'avons point de reserve d'estre tout a Dieu, si nous avons le courage de plustost mourir que de l'offenser, et moyennant que telles soyent les resolutions de nos cœurs et que nous les sentions tous-jours plus fortes en nous, il n'y a rien a craindre, ni a prendre de la peyne pour n'en sentir pas lés goustz et les sentimens.

  A014002383 

 Pour les pensions, elles sont bien entre vos mains, puis que nul autre ne s'en veut charger; mais vous pourres bien faire tenir conte d'icelles a une des filles.

  A014002386 

 Combien y a-il de bons medecins qui ne sont gueres sains? et combien se fait-il de belles peintures par des peintres bien laidz? Quand donq vos filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les renvoyés point vuides d'aupres de vous..

  A014002386 

 Helas! ma Fille, si personne ne servoit aux ames que ceux qui n'ont point de difficultés es exercices et qui sont parfaitz, vous n'auriés point de pere en moy; et il ne faut pas laisser de soulager les autres, encor que l'on soit soy mesme en perplexités.

  A014002388 

 Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous.

  A014002389 

 Non, ni la mort, ni les choses presentes, ni celles qui sont a venir, ne me separeront jamais de cette dilection que je vous porte en Jesus Nostre Seigneur, auquel soit honneur et gloire..

  A014002396 

 Ma chere Seur, asseurés toutes vos bonnes et bien-aymees Seurs et filles que je les honnore et cheris tres [284] intimement, et specialement Madame vostre tres chere seu, marry de ne leur pouvoir escrire maintenant.

  A014002403 

 Il y a long tems, ma tres chere Fille, que j'ay la lettre ci jointe pour vous, mays je n'ay treuvé les commodités de l'envoyer.

  A014002404 

 [285] Renouvellés tous les matins la bonn'intention que vous aves en cette poursuite et pries specialement pour cela..

  A014002422 

 Je suis donq d'advis que vous vous disposies a venir pour ce tems-lâ, et cependant nous irons, de deça, ordonnant les choses en sorte que vous treuvies en ce nouveau genre de vie la douceur et consolation que vous sçauries desirer..

  A014002453 

 J'ay receu a beaucoup d'honneur la salutation que le sieur Ramus m'a faitte de vostre part, m'estimant fort heureux de vivre en vostre amitié, comm'en eschange je vous supplie de croire que je vous respecte et revere de tout mon cœur, me sentant extremement redevable a la constante inclination que vous avés au bien de cette mienne evesché, pour laquelle vous vous estes tous-jours affectionné a eslever les jeunes gens qui vous sont envoyés d'icy a toutes sortes de solide vertu, et sur tout au zele de la sainte foy catholique..

  A014002455 

 L'autre est Bernardin du Nant, filz d'un fort honneste [291] pere, et qui a longuement et fidellement servi feu Monsieur le Reverendissime mon praedecesseur, et duquel, pour cela, je doys affectionner le bien; dautant plus que sa pauvreté et toutes les autres conditions pour lesquelles il a esté nommé, le rendent fort recommandable.

  A014002476 

 Neanmoins, maintenant que nous sommes, ce me semble, a la veille de l'execution d'une si sainte entreprise, il faut que je vous parle un peu ouvertement, et que je vous conjure [293] de bien espreuver vostre cœur pour reconnoistre si vous aures asses d'affection, de force et de courage pour embrasser ainsy absolument Jesus Christ crucifié et donner les derniers adieux a ce miserable monde.

  A014002478 

 Si, au contraire (ce que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres commençassent selon leur inviolable desir, et vous, Madame, pensassies a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre gré..

  A014002494 

 Praesupposant que cela ne vous incommode pas, je seray bien ayse que vous logies en vostre logis de la ville M lle d'Escrilles; et pour les meubles, ce qui sera [295] requis je le feray prendre ceans, ou mesme je la logerois, si cela vous estoit beaucoup incommode, parce qu'ell' est icy comm' estrangere..

  A014002506 

 O ma Fille, que je fus consolé hier sur le sujet de la mort et sepulture du Sauveur! car les paroles d'Isaie, qu'on lisoit a la Messe pour la feste du Saint Suaire, estoyent extatiques.

  A014002539 

 De Nantua, on n'a pas autre chose, ni de Bourg non plus, parce que les fondations de ces pays sont du Comte-Vert et non de notre Bienheureux.

  A014002540 

 Elles s'emploieront à plusieurs œuvres de charité en faveur des pauvres et des malades; c'est à leur service que ces bénites âmes veulent en partie se consacrer, en suivant l'usage d'après lequel, en ces [299] pays ultramontains, ce ministère se pratique ordinairement parmi les femmes.

  A014002540 

 Voyant donc que la piété de ces dames les porte vers les pauvres et les malades si chéris de notre Bienheureux, comme le proclament toutes les chaires, j'aimerais bien que cette Maison fût érigée sous son vocable.

  A014002579 

 Les femmes aussi n'y entreront point sans licence du Superieur, j'entens de l'Evesque ou de son commis.

  A014002579 

 Leur clausure sera telle pour le commencement: aucun homme n'entrera chez elles que pour les occurrences qu'ilz peuvent entrer es monasteres reformés.

  A014002581 

 Je sçai que je m'attireray des contrerollemens sur moy, mais je ne m'en soucie pas; car, qui fit jamais bien sans cela? Ce pendant, plusieurs ames se retireront aupres de Nostre Seigneur, treuveront un peu de refrigere et glorifieront le saint nom du Sauveur, qui, sans cela, demeureroyent avec les autres grenouilles es marais..

  A014002582 

 Or, j'espere que les jours suivans jugeront les precedens de ma vie, et le dernier les jugera tous..

  A014002582 

 Vostre candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement tout cecy, et encor adjouster que je suis filz et serviteur bien humble du Pere Recteur, qui sçait bien que nostre Congregation, qui se commencera dans peu de jours, est le fruit du voyage de Dijon, pour [307] lequel je ne peus jamais regarder les choses en leur face naturelle; et mon ame estoit secrettement forcee a penetrer un autre succes qui tumboit si directement sur le service des ames, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons qu'a la cruauté de la.

  A014002591 

 Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme.

  A014002591 

 Ces quinze ou dix huit ans que sa forte complexion et santé, et que tous les vœux de la France et de plusieurs gens de bien hors de la France luy promettoyent encor de vie vigoureuse, eussent esté suffisans pour cela: et voyla qu'une si grande suite de grandeurs aboutit en une mort qui n'a rien de grand que d'avoir esté grandement funeste, lamentable, miserable et deplorable; et celuy que l'on eust jugé [309] presque immortel, puisqu'il n'avoit peu mourir parmi tant de hasars, desquelz il avoit si longuement fendu la presse pour arriver a l'heureuse paix de laquelle il avoit esté jouissant ces dix annees dernieres, le voyla mort d'un contemptible coup de petit couteau et par la main, d'un jeune homme inconneu, au milieu d'une ruë!.

  A014002592 

 Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivieres d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et s'esvanouir de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que le Nil n'a d'emboucheures? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et deceuz en leurs balances et leurs presages ont esté vains..

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002594 

 Au demeurant, le plus grand bonheur de ce grand Roy defunct, fut celuy par lequel, se rendant enfant de l'Eglise, il se rendit pere de la France; se rendant brebis du grand Pasteur, il se rendit pasteur de tant de [310] peuples, et convertissant son cœur a Dieu, il convertit celuy de tous les bons Catholiques a soy.

  A014002595 

 Pour moy, je le confesse, les faveurs de ce grand Roy en mon endroit me sembloyent infinies, mettant en consideration ce que j'estois, lhors qu'en l'annee 1602 il me fit des semonces d'arrester en son royaume, qui estoyent capables d'y retenir, non un pauvre prestre tel que j'estois, mais un bien grand Prelat.

  A014002606 

 Ce sera donq demain que vous aures des pensees et des soucis; car je commence d'en avoir de bien particulieres sur nostre future Mayson, pour les choses temporelles.

  A014002617 

 Or il est vray, chere Seur, ma Fille, j'ay esté un peu las de cors; mais d'esprit et de cœur, comme le pourrois-je [313] estre, apres avoir tenu sur ma poitrine et tout joignant mon cœur un si divin epitheme, comme j'ay fait ce matin tout au long de la procession? Helas! si j'eusse eu mon cœur bien creux par humilité et bien abbaissé par abjection, j'eusse sans doute attiré ce sacré gage en moy, il se fut caché dedans moy; car il est si amoureux de ces vertus, qu'il s'eslance a force ou il les void..

  A014002619 

 En sorte qu'apres qu'on s'est determiné, il ne faut plus s'amuser a souspirer apres les imaginations des choses meilleures, mais a bien passer les difficultés presentes, lesquelles aussi bien ne sçaurions [314] nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes, puisque tout en est plein..

  A014002619 

 Quant a l'affaire, je ne sçaurois que dire, sinon qu'en une heure on se peut resoudre au moins mal; et la resolution prise, on se doit donner du contentement sur ce que, de quel costé que l'on retourne les affaires de ce monde, il se treuvera tous-jours beaucoup de choses a desirer et redire.

  A014002627 

 Si jamais nous sommes capables de vous tesmoigner nostre gratitude par nos services, vous pourres, Monsieur, les exiger comme chose que nous vous devons et que, de bon cœur, nous reconnoissons vous devoir rendre..

  A014002645 

 C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la bien manier; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance..

  A014002645 

 Certes, Monseigneur, rien ne donne tant de douceur a la vie humaine que la droitte administration de la justice, et la justice, quoy que tous-jours une en elle mesme, ayant sa source, comm'une belle eau, en la poitrine des Princes souverains en terre, coulant par les espritz des magistratz rudes, malpolis et raboteux, elle se rend autant nuysible qu'elle devoit estre utile, et mesmes jusques la que, comme parle un sacré Prophete, ell'est convertie en absinte.

  A014002645 

 Mais passant entre les peuples par les mains de gens doctes, bien affectionnés et equitables, elle remplit les provinces de bon heur et de suavité; estant es uns, comm'un torrent impetueux qui ravage tous les bords qu'il accoste, et es autres, comm'une douce riviere qui rend amenes les rivages qu'elle detrempe.

  A014002646 

 Et comm' Alexandre ne vouloit estre peint que par la main de l'unique Apelles, aussi les Princes ne devroyent jamais permettre que leur souveraineté fut exprimee que par les plus rares et dignes espritz du monde, ne pouvans jamais mieux faire connoistre la grandeur de leurs ames qu'au choix de celles qu'elles employent et eslevent..

  A014002646 

 Les magistratz, Monseigneur, representent la souveraine majesté des Princes sur les biens et vies des sujetz; c'est pourquoy les Princes, par une sainte jalousie, doivent avancer es offices, des personnes qui les sachent bien [317] representer.

  A014002647 

 Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres en la promotion de ce grand personnage duquel elles connoissent la doctrine avec admiration, comme les voysines font la probité par experience; et nous la supplions tres humblement d'aggreer ce ressentiment que nous en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prosperer vostre couronne, de laquelle je suis,.

  A014002681 

 Les locustes representent la vie active, car la locuste ne chemine jamais sur terre, ni ne vole jamais en l'air, mays, par un mysterieux meslange, tantost on la voit sautante et tantost touchante la terre pour reprendre son air; car ceux qui font la vie active sautent et touchent terre alternativement.

  A014002681 

 Sa viande est admirable; car le miel represente la suavité de la vie contemplative, toute ramassee sur les fleurs des mysteres sacrés.

  A014002682 

 Helas! pour gens de bien que soyent les Chrestiens, ilz doivent neanmoins se resouvenir qu'ilz sont environnés du peché; et si le peché ne les touche pas, au moins y a-il tous-jours du poil des cogitations, des tentations et des dangers.

  A014002682 

 Mais ce que cet ange terrestre est habillé de poil de chameaux, que signifie-il? Le chameau, bossu et [320] proprement fait a porter les fardeaux, represente le pecheur.

  A014002684 

 Au demeurant, il naist d'une vielle sterile, pour nous apprendre que les secheresses et sterilités ne laissent pas de produire en nous la sainte grace; car Jean veut dire grace..

  A014002686 

 J'ayme ce beau rossignol du bois, qui, estant tout voix et tout chant, sortant sur les advenuës de Judee, annonce le premier la venue du Soleil.

  A014002696 

 Mon Dieu, que nostre grand amy aura esté touché rudement de ce coup! car son merite ne treuvera peut estre pas des yeux qui le regardent clairement, comme faisoyent les yeux de ce digne Monarque.

  A014002709 

 Cela s'entend, ma chere Fille (car vous ne l'entendres pas, si je ne le vous dis), cela s'entend l'annee qui vient, sil y escheoit; car pour [323] celleci, vrayement, il faut estre Juifve aux Juifz et Grentile aux Gentilz, manger avec les mangeans et rire avec les rians, dit le grand Apostre de ce jourdhuy.

  A014002711 

 Ah! les primices des mouvemens de Celuy qu'ell'a en ses entrailles ne se peuvent faire qu'avec de la ferveur.

  A014002711 

 Et comme les vins enfermés dans les caves ressentent sans la sentir l'odeur des vignes florissantes, ainsy le cœur de ce saint Patriarche ressent, sans la sentir, l'odeur, la vigueur et la force du petit Enfant qui fleurit en sa belle vigne.

  A014002711 

 O Dieu, quel beau pelerinage! Le Sauveur leur sert de bordon, de mante et de petite bouteille a vin, a vin dis je, qui res-jouit les Anges et les hommes, et qui enivre Dieu le Pere d'un amour demesuré.

  A014002711 

 O saint empressement qui ne trouble point et qui nous haste sans nous præcipiter! Les Anges se disposent a l'accompaigner, et saint Joseph a la conduire cordialement.

  A014002720 

 Mais si ce sont ceux que Nostre Seigneur vous a donnés pour directeurs es choses domestiques et temporelles, vous vous decevres vous mesme de les croire es choses esquelles ilz n'ont point d'authorité sur vous.

  A014002720 

 Que s'il failloit ouyr les advis des parens, la chair et le sang sur des telles occurrences, il se treuveroit peu de gens qui embrassassent la perfection de la vie chrestienne.

  A014002721 

 Car en fin, vostre cœur, que diroit-il s'il n'estoit empesché? Vous diroit-il pas: Retirons-nous d'entre les mondains? Il a donq encor cette inspiration; mais parce qu'il est empesché, il ne la peut ou ne l'ose pas dire.

  A014002721 

 En quoy vous aves tort (et pardonnés a ma naïfve liberté de langage), vous aves tort, dis-je, d'appeller les [326] empeschemens qui vous sont donnés a l'execution de cette inspiration, volonté de Dieu, et le pouvoir de ceux qui vous empeschent, pouvoir de Dieu..

  A014002721 

 Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que rapidement destpurné par les empeschemens terrestres.

  A014002721 

 Rendés-luy sa liberté affin qu'il la die, car il ne vous sçauroit mieux dire; et cette parole secrette qu'il dit tout bellement en soy mesme: Je voudrois bien, je desirerois bien sortir d'entre les mondains, c'est la vraye volonté de Dieu.

  A014002725 

 Dieu vous donne les saintes benedictions que je vous souhaitte et la douce correspondance [327] qu'il desire de vostre cœur; et je suis en luy, avec toute sincerité,.

  A014002735 

 J'ay conferé sur vostre lettre avec les Dames qui sont desja congregees et avec ceux qui les conseillent, et ont esté d'advis de mettre en condition aux filles et femmes qui entreront en leur Congregation, que, passé la premiere annee, elles apporteront un fons d'argent ou de terre, sur lequel elles puissent estre entretenues; et cela pour autant que, comme vous sçaves, en ce païs on ne fait jamais bien les payemens des pensions, ains tout se revoque en proces..

  A014002736 

 Monsieur le premier Praesident en fera de mesme, hormis en la quantité, car il donnera davantage; et ainsy de toutes les autres.

  A014002737 

 C'est pourquoy, si cette bonne damoyselle peut, il faut qu'ell'ayt une somme de trois ou quatre mille florins pour un coup, ou un fond qui les vaille, ou en fin une piece a jouir par elle mesme, qui porte 200 florins annuelz, reversible a ses parens quand elle mourra.

  A014002738 

 Apres leur Noviciat, on les reçoit solemnellement, non point aux vœux, car on n'en fait point de [329] solemnel, mais a l'establissement ou dedicace, a la forme que le bienheureux Cardinal Borrhomee a dressee pour les Urselines, peu de choses changees, paucis mutatis.

  A014002738 

 Ceste Congregation reçoit femmes vefves et filles indifferemment, mais non pas les filles qu'elles n'ayt ( sic ) 17 ans.

  A014002738 

 En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu et a Nostre Dame, pour estre le tout employé a son honneur, selon les Regles de la Congregation; mais cela se fait par une belle ceremonie..

  A014002739 

 Les hommes n'entrent point en leur mayson en façon que ce soit, ni les femmes aussi qu'avec licence in scriptis.

  A014002739 

 Les jeunes ne sortent point qu'en certains cas fort rares; les anciennes sortent pour servir les pauvres, mais avec une belle police, a la forme des Dames de la Torre di Specchi..

  A014002740 

 Elles communient toutes les festes et Dimanches.

  A014002740 

 Elles disent les Heures de Nostre Dame seulement, en un chant fort devot.

  A014002740 

 Si quelqu'une ne veut pas suivre l'esprit de la Congregation, [330] sa punition est d'estre mise dehors, en luy rendant neanmoins ce qu'ell'a apporté; mais cela seulement apres tout essay de les corriger.

  A014002741 

 Or en fin, c'est une Congregation simple, instituee pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes rigueurs, ne peuvent entrer es Religions formees et reformees; car la elles auront une ( sic ) refuge doux et gracieux, avec la prattique des vertus essentielles de la devotion..

  A014002742 

 La reformation de vostre Talloyres, que j'ay sur les bras, m'empeschera [331] d'aller si tost vers [vous], et quand j'y iray, nous prendrons le logis ou de M me du Foug, ma tante, mon ancienne hostesse, ou de M me d'Allemand, ma comere..

  A014002760 

 Aussi, en ce tems-lâ, il suffit d'employer les prieres jaculatoyres et saerees aspirations; car puisque le mal nous fait souvent souspirer, il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et pour Dieu, de plus que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles..

  A014002761 

 Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations et cette vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous prive d'un si rare bien comm'est celuy de parler cœur a cœur avec son Dieu..

  A014002763 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur pour le remplir et fayre abonder en son saint amour: ce sont les souhaitz journaliers, Madame ma chere Fille, de.

  A014002786 

 Seulement, me parlant d'oster les [scandales qui esto]yent a Belley, je luy dis simplement......me.............................................................................................................................

  A014002787 

 Ma tres chere Fille, soyes tous-jours bien douce et suave, aymant amoureusement les creatures pour lesquelles Nostre Seigneur est mort d'amour.

  A014002804 

 Comme voulons-nous mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les contrarietés? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance..

  A014002804 

 Je vous conjure, ma chere Fille, de bien prier Nostre Seigneur pour moy et qu'il me tienne dores en avant dans les sentiers de sa volonté, affin que je le serve en sincerité et fidelité.

  A014002805 

 Croyés-moy, la vraye vertu ne se nourrit pas dans le repos exterieur, non plus que les bons poissons dans les eaux croupissantes des marais.

  A014002805 

 Non, ma chere Fille, car cela vous sert d'exercice a prattiquer les plus cheres et aymables vertus que Nostre Seigneur nous ayt recommandé.

  A014002826 

 Mais faites, mon cher Monsieur, que je cheris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement sur vous quand vostre amour sera special en son endroit.

  A014002868 

 Mais moy, j'ay bien de la consolation de vous voir recevoir si doucement les essais que je fay au service de vostre chere ame, laquelle voyant marquee de plusieurs graces celestes, je ne puis que je n'ayme tendrement et puissamment.

  A014002869 

 Or, vous sçavés, ma tres chere Fille, que le feu que Moyse vit sur la montaigne representoit ce saint amour, et que, comme ces flammes se nourrissoyent entre les espines, aussi l'exercice de l'amour sacré se maintient bien plus heureusement parmi les tribulations qu'emmi les contentemens.

  A014002870 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que c'est chose douce de voir Nostre Seigneur couronné d'espines sur la croix et de gloire au Ciel! car cela nous encourage a recevoir les contradictions amoureusement, sçachans bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de felicité.

  A014002881 

 J'ay sceu la multitude de vos peynes et je les ay recommandees a Nostre Seigneur, affin qu'il luy pleust de les benir de la sacree benediction de laquelle il a beni celles de ses plus chers serviteurs, affin qu'elles soyent employees a la sanctification de son saint nom en vostre ame..

  A014002882 

 Combien de gens avons-nous veu, en paix dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix interieure dans les tracas [346] des proces exterieurs? Et voyci la rayson, ou plustost la cause sans rayson: nous avons peyne de croire que le mal des proces soit employé de Dieu pour nostre exercice, parce que nous voyons que ce sont les hommes qui font les poursuittes; et, n'osans pas nous remuer contre cette Providence toute bonne, toute sage, nous nous remuons contre les personnes qui nous affligent et nous en prenons a eux, non sans grand peril de perdre la charité, la seule perte delaquelle nous devons craindre en cette vie..

  A014002882 

 Et faut que je confesse qu'encor qu'a mon advis les afflictions qui regardent les personnes propres et celles des proches soyent plus affligeantes, neanmoins celles des proces me donnent plus de compassion, parce qu'elles sont plus dangereuses pour l'ame.

  A014002883 

 Or sus, ma tres chere Fille, quand voulons nous tesmoigner nostre fidelité a nostre Sauveur, sinon en ces occasions? Quand voulons nous tenir en bride nostre cœur, nostre jugement et nostre langue, sinon en ces pas si raboteux et proches des precipices? Pour Dieu, ma tres chere Fille, ne laissés pas passer une sayson si favorable a vostre avancement spirituel, sans bien recueillir les fruitz de la patience, de l'humilité, de la douceur et de l'amour de l'abjection.

  A014002883 

 Souvenés-vous que jamais Nostre Seigneur ne dit un seul mot contre ceux qui le condamnerent, il ne les jugea point; il fut jugé et condamne a tort, et il demeura en paix et mourut en paix, et ne se revengea qu'a prier pour eux.

  A014002911 

 Je réponds par ces quatre lignes à la dernière lettre de Votre très Illustre Seigneurie, en laissant au porteur, M. le collatéral de Quoex le soin de dire le restant, d'après les entretiens que nous en avons eus ensemble..

  A014002913 

 Quant à la Messe célébrée en l'honneur du bienheureux Prince au monastère de Talloires, je n'ai pu recueillir que ceci: M. Claude-Nicolas de Quoex, frère du porteur et prieur claustral de Talloires, étant jeune Novice, servait les Messes.

  A014002914 

 C'est une chapelle tellement authentique et l'image est placée sur l'autel de telle façon, qu'on ne saurait, s'il s'agissait de saint Pierre, disposer les choses autrement, ni avec plus d'apparat.

  A014002929 

 Cette grace si signalee par laquelle il fut retiré d'entre les bras de l'erreur pour estre remis au giron de la sainte Eglise militante, me fait croire que sa divine Majesté ne l'aura pas retiré du giron de la militante que pour le loger en celuy de la triomphante, puisque mesme, quoy qu'il soit mort au milieu de l'heresie, il est neanmoins trespassé en la foy et union de cette sainte Eglise militante, sa mere et mere de tous les enfans de Dieu..

  A014002952 

 Et ce pendant, nourrisses cherement la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté; car si vous jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell'abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle vous appelle..

  A014002968 

 A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes, contre toute rayson, contre toute coustume et contre les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable, mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires aux Conciles.

  A014002985 

 Certes, j'ay bien eu du contentement de sçavoir de vos nouvelles apres tant de tems que j'avois demeuré sans en recevoir, ma tres chere Fille, par vous mesme; car, que me peuvent dire de certain, de vous ni de vos affaires, tous les autres?.

  A014002986 

 Mays, ma tres chere Fille, en fin tous les remedes humains se sont treuvés inutiles pour la guerison de cette pauvre jambe, qui vous donne une peine qu'il faut sagement convertir en pœnitence perpetuelle.

  A014002986 

 O quelz tresors pouvies vous assembler par ce moyen! Il le faut faire dores en avant, et vivre comm'une veritable rose entre les espines..

  A014002987 

 Je le croy; mays croyes moy aussi, ma tres chere Fille, que comme les filles qui ont quitté le monde devroyent ne le jamais vouloir voir, aussi le monde qui a quitté les filles ne le ( sic ) voudroit jamais voir, et pour peu qu'il les voye, il s'en fasche et murmure.

  A014002987 

 Pour cela, si vous escoutes mes advis, vous sortires le moins quil vous sera possible, et mesme pour ouyr les sermons, puisque vous aures bien le credit d'avoir quelquefois le praedicateur en vostre oratoire, qui dira des choses toutes propres pour vostre assemblee..

  A014002988 

 Certes, il faut avoir quelque egard a la voix commune, et faut beaucoup faire de choses pour eviter les bruitz des enfans du monde.

  A014002988 

 Contentes en cela messieurs vos parens, et je croy qu'apres vous pourres confidemment leur demander du secours pour vous bien loger, car il me semble que je les [voy qui disent: Pourquoy loger a] commodité des filles.....qui sortent [359] et vont parmi le monde? Et le desplaysir qu'ilz ont de ces sorties fait qu'ilz en exagerent la quantité et qualité.

  A014002989 

 Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seur? car encor que selon le monde c'est aux inferieurs a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu et les Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les gaigner; car ainsy fait nostre Redempteur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz zelés en l'amour de leur Maistre.

  A014003020 

 Or, nous sommes reduitz a devoir preuver que nous avons ci devant conferé les cures par le concours, et que, quand il est arrivé quelque proces devant le Senat pour ce regard le Senat a jugé selon ce concours et en faveur d'iceluy.

  A014003020 

 Quelques curés de Valromey ont des proces a Dijon ausquelz j'ay deu intervenir pour les droitz de l'evesché.

  A014003037 

 J'ay appris que mon frere et vous, estes tous-jours, et de plus en plus, exercés par les volontés de monsieur vostre pere.

  A014003063 

 Que vous diray je, ma Fille, sinon que la sainte Eglise Romaine, nostre mere, conduit aujourd'huy ses enfans a Sainte Marie la Majeure pour y faire la station et y commencer les Advens.

  A014003063 

 Vous voules, ma tres chere Fille, quelques bonnes pensees qui aydent a nos Seurs a passer les Advens avec autant de devotion qu'elles en ont le desir.

  A014003064 

 Le premier objet, c'est Marie conçeùe sans peché; le second, saint Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins pour FEspoux qui doit arriver; le troisiesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte naissance, qui nous fait chanter joyeusement a Noël l' Emmanuel où Dieu avec nous..

  A014003077 

 Cependant je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et multiplie vos ans en sa benediction, qui est le souhait ordinaire de celuy qui, vous baysant tres humblement les mains, se tient glorieux d'estre,.

  A014003108 

 Je me res-jouis de la bonne volonté du sieur chevalier Buccio; je doute pourtant que Son Altesse n'apporte quelqu'excuse a la nomination, a cause de la praetention que messieurs de Saint Lazare ont d'employer le nom de la Sainte Mayson pour accroistre la leur [de ce bien]; mays les essays ne peuvent point nuyre et peuvent reuscir.

  A014003109 

 Je vous supplie de commander a du Pont de les remettre au premier qui passe en Piemont.

  A014003109 

 Les bons Peres Feuillans escrivent aux leurs de Thurin pour l'affaire de Talloyres, et moy encor avec eux.

  A014003123 

 Certes, je voudrois bien tous les jours vous envoyer quelque petite marque de la souvenance que j'ay de vostre dilection; mais je suis quelquefois sans loysir et d'autres fois sans commodité.

  A014003124 

 Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi, de vous dire que je vous avois envoyé une copie des principaux statutz de la Visitation; et si, je ne me souviens pas par qui je les envoyay.

  A014003125 

 Et puis consoles vous, que quand nous serons au port, les douceurs que nous y [373] aurons, effaceront les travaux pris pour y aller.

  A014003125 

 Gardes bien de laysser convertir vostre soin en troublement et inquietude, et toute embarquee que vous estes sur les vagues et parmi les vens de plusieurs tracas, regardes tous-jours au Ciel et dites a Nostre Seigneur: O Dieu, c'est pour vous que je vogue et navige, soyes ma guide et mon nocher.

  A014003138 

 Ah! Ce [374] dis-je, o Sauveur de nostre cœur, puisque meshuy nous serons tous les jours a vostre table pour manger non seulement vostre pain, mays vous mesme, qui estes nostre pain vivant et sur essentiel, faites que tous les jours nous facions une bonne et parfaite digestion de cette viande tres parfaitte, et que nous vivions perpetuellement embausmés de vostre sacree douceur, bonté et amour..

  A014003147 

 Ainsy, la vanité fait qu'on s'amuse a ces folastres galanteries qui sont a louange devant les femmes et autres espritz minces, et qui sont a mespris devant les grans courages et espritz relevés, et l'ambition fait que l'on veut avoir les honneurs avant que les avoir merités.

  A014003147 

 Je ne suis pas si paoureux que plusieurs autres, et n'estime pas cette profession-la des plus dangereuses pour les ames bien nees et pour les courages masles, car il n'y a que deux principaux escueilz en ce gouffre: la vanité, qui ruine les espritz molz, faineans, feminins et flouetz, et l'ambition, qui perd les cœurs audacieux et presomptueux.

  A014003149 

 Sur tout, gardés vous des mauvais livres, et pour rien du monde ne laissés point emporter vostre esprit apres certains escritz que les cervelles foibles admirent, a cause de certaines vaines subtilités qu'ilz y hument, comme cet infame Rabelais et certains autres de nostre aage, qui font profession de revoquer tout en doute, de mespriser tout et se mocquer de toutes les maximes de l'antiquité.

  A014003151 

 Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embarrasser parmi les amourettes, et a ne point permettre a vos affections de prevenir vostre jugement et rayson au choix des sujetz aymables; car, quand une fois l'affection a pris sa course, elle traisne le jugement comme un esclave, a des choix fort impertinens et dignes du repentir qui les suit par apres bien tost..

  A014003152 

 Constamment, parce que, si vous ne tesmoignes pas avec perseverance une volonté esgale et inviolable, vous exposeres vos resolutions aux desseins et attaques de plusieurs miserables ames qui attaquent les autres pour les reduire a leur train.

  A014003152 

 Et je dis en fin chrestiennement, pour ce que plusieurs font profession de vouloir estre vertueux a la philosophique, qui neanmoins ne le sont ni ne le peuvent estre en façon quelconque, et ne sont autre chose que certains fantosmes de vertu, couvrant a ceux qui ne les hantent pas leurs mauvaise vie et humeurs par des ceremonieuses contenances et paroles.

  A014003154 

 C'est un exercice de faineant; et ceux qui se veulent donner du bruit et de l'accueil jouant avec les grans, disans que c'est le plus court moyen de se faire connoistre, tesmoignent qu'ilz n'ont point de bonne marque de merite, puisqu'ilz ont recours a ces moyens propres a ceux qui, ayans de l'argent, le veulent hazarder; et ne leur est pas grande la louange d'estre connus pour joueurs, mais s'il leur arrive de grandes pertes, chacun les connoist pour folz.

  A014003154 

 Je laisse a part les suites des choleres, des espoirs et forceneries, desquelz pas un joueur n'a aucune exemption..

  A014003154 

 Voyés-vous, Monsieur, je crains que vous ne retournies au jeu, et je le crains parce que ce vous sera un tres grand mal: cela, en peu de jours, dissiperoit vostre cœur et feroit flestrir toutes les fleurs de vos bons desirs.

  A014003156 

 Je veux donq dire que je voudrois que parfois vous gourmandassies vostre cors a luy faire sentir quelques aspretés et duretés, par le mespris des delicatesses et le renoncement frequent des choses aggreables aux sens; car encor faut-il quelquefois que la rayson fasse l'exercice de sa superiorité et de l'authorité qu'elle a de ranger les appetitz sensuelz..

  A014003158 

 Et si vous eussies esté aupres de luy, vous l'eussies veu rire amiablement aux occasions, parler hardiment quand il en estoit tems, avoir soin que tout fust en lustre autour de luy, comme un autre Salomon, pour maintenir la dignité royale; et un moment apres, servir les pauvres aux hospitaux, et en fin marier la vertu civile avec la chrestienne, et la majesté avec l'humilité.

  A014003159 

 Faites souvent cette bonne pensee, que nous cheminons en ce monde entre le Paradis et l'enfer, que le dernier pas sera celuy qui nous mettra au logis eternel et que nous ne sçavons lequel sera le dernier, et que, pour bien faire le dernier, il faut s'essayer de bien faire tous les autres.

  A014003159 

 Pour cela donq il nous faut avoir soin du tems que nous avons a demeurer ça bas, et de toutes nos occupations, affin que nous les employons a la conqueste du bien permanent..

  A014003160 

 Veuille a jamais le vent propice des inspirations celestes enfler de plus en plus les voyles de vostre vaysseau et vous faire heureusement surgir au port de la sainte eternité, que de si bon cœur vous souhaite sans cesse,.

  A014003168 

 En fin ce beau jour, si propre pour aller vers vous, ma tres chere Fille, s'escoule ainsy sans que j'aye ce [381] contentement; au moins faut que je supplee en quelque sorte par ce petit mot, que je sauve d'entre les affaires que certains Religieux m'apportent..

  A014003169 

 Non, ma Fille, car le pauvret n'en peut mais, et Dieu mesme ne luy en sçait aucun mauvais gré pour cela; au contraire, sa divine sagesse se plaist a voir que ce petit cœur va tremblotant a l'ombre du mal, comme un foible petit poussin a l'ombre du milan qui va voltigeant au dessus de luy; car c'est signe qu'il est bon, ce cœur, et qu'il abhorre les mauvaises fantasies..

  A014003170 

 Mais, ma tres chere Fille, nous avons nostre Mere, sous les aisles de laquelle nous faut fourrer.

  A014003171 

 Bon soir de rechef, ma tres chere Fille; ne vous inquietés point, mocqués-vous de l'ennemy, car vous estes entre les bras du Tout Puissant.

  A014003177 

 Je suis marri que vous ayes eu l'incommodité d'envoyer expres ce porteur qui m'a rendu les livres que vous luy avies confiés.

  A014003228 

 Et puis, encor faut-il garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes; car, de m'attendre au bien que nous avions presque esperé, de vous voir a nos beaux Offices en ces si dignes solemnités, c'est chose que le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en cette façon ordinaire par laquelle vous estes tous-jours present a mon ame, et principalement a l'autel et le jour de Nouel, environ lequel j'eu cette si chere grace de vous voir.

  A014003229 

 Dieu vous donn'a tous deux les bonnes et belles festes, et vous conserve longuement et heureusement..

  A014003229 

 Je suis tous-jours un peu en peyne de la santé de madame nostre chere Presidente, bien qu'on m'asseure [388] que son mal n'est pas plus grand quil faut pour seulement luy faire prendre les præservatifz d'un plus grand.

  A014003256 

 Ce n'est pas pour faire les remercimens que je doy a vostre perseverance au desir du bien des nostres, que je vous escris maintenant; ce n'est que pour vous supplier humblement de favoriser de vostre juste protection cette [390] pauvre vefve, que monsieur de Conflens, a mon advis tant de vos serviteurs et de mes amis, m'a instamment recommandee.

  A014003272 

 Hé, vray Jesus! que cette nuit est douce, ma tres chere Fille! «Les cieux,» chante l'Eglise, «distillent de toutes pars le miel;» et moy je pense que ces divins Anges qui resonnent en l'air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel celeste sur les lys ou il se treuve, sur la poitrine de la tres douce Vierge et de saint Joseph.

  A014003273 

 Mais je vous prie, ma chere Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges de vous et de moy se treuverent en la chere trouppe des musiciens celestes qui chanterent en cette nuit? O Dieu, s'il leur playsoit d'entonner de rechef aux oreilles de nostre cœur cette mesme celeste chanson, quelle joye, quelle jubilation! Je les en supplie, affin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté..

  A014003274 

 Mais, o Dieu, que de suavités, comme je pense, a leur sommeil! Il leur estoit advis qu'ilz oyoyent tous-jours la sacree melodie des Anges qui les avoyent salués si [392] excellemment de leur cantique, et qu'ilz voyoyent tous-jours le cher Enfant et la Mere qu'ilz avoyent visité..

  A014003274 

 Revenant donq d'entre les sacrés mysteres, je donne ainsy le bon jour a ma chere Fille; car je croy que les pasteurs encor, apres avoir adoré le celeste Poupon que le Ciel mesme leur avoit annoncé, se reposerent un peu.

  A014003275 

 Hé, Sauveur de nos ames, rendés-la toute d'or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d'encens en orayson, et puis recevés-la entre les bras de vostre sainte protection, et que vostre cœur die au sien: Je suis ton salut aux siecles des siecles.

  A014003282 

 Faites bien cela, ma chere Fille, et parmi les orages des affaires importuns de ce miserable siecle, affermisses-vous souvent aupres de ce Sauveur qui est venu apporter la paix, la douceur, la tranquillité aux gens de bonne volonté..

  A014003283 

 Nostre pauvre M me de Chantal a eu un' attaque pareille a celle du moy s d'aoust dernier, mais maintenant elle est presque guerie, et toute cette petite trouppe fait bien devant Dieu et devant les hommes, nostre Chastel particulierement.

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003292 

 Mais quand je sens que mon desir court apres ma cogitation sur cette mesme eternité, mon ayse prend un accroissement nompareil; car je sçay que nous ne desirons jamais d'un vray desir que les choses possibles.

  A014003292 

 Mon desir donq m'asseure que je puis avoir l'eternité: que me reste-il plus que d'esperer que je l'auray? Et cela m'est donné par la connoissance de l'infinie bonté de Celuy qui n'auroit pas creé une ame capable de penser et de tendre a l'eternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens d'y atteindre.

  A014003293 

 Vives longuement, saintement et heureusement entre les vostres icy bas parmi ces momens perissables, pour revivre eternellement en cette immuable felicité pour laquelle nous respirons..

  A014003301 

 Voyla cette petite trouppe de Sainte Catherine qui vous va voir, m. Vous ne connoisses que ma cousine de Ballon, mais les autres ne laissent pas d'estre bonnes filles; je les vous recommande, m. La chere fille de la haut m'a escrit avec beaucoup de salutation pour vous..

  A014003343 

 Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, chez les PP. Capucins..

  A014003348 

 Il faudra pourtant que le cher pere soit adverti de ce defaut tout doucement; Dieu nous en fera naistre les occasions..

  A014003374 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales..

  A014003406 

 Et je pourrois, je voudrois, je devrois passer outre, et les preferer en ce cas, s'il estoit question de la debattre sur le champ; car l'erreur n'estant que la matiere des heresies et l'obstination la forme, la doctrine qui illumine l'entendement remedie à la matiere; mais la vertu, la devotion, l'ardeur de la pieté qui fleschist la volonté et en desloge l'opiniastreté, domine sur la forme qui tient le preciput en l'essence: de maniere qu'à ce compte, il faut, ou que la doctrine des controverses cede à celle de la pieté et devotion, ou au moins qu'elle se l'associe tellement, qu'en luy concedant sa necessité, elle recognoisse que, sans elle, on n'advance rien, car tout pecheur est ignorant.

  A014003406 

 Et, quoy qu'au syllogisme speculatif il puisse dire: «Je vois le bien et l'appreuve,» parce que l'entendement est vaincu par la verité, si est-ce qu'au syllogisme practic, il confessera qu'il suit le mal, d'autant que la [410] passion mal reiglée l'emporte, de façon que, quand le feu de la concupiscence est tombé sur les ames passionnées, elles ne voyent point le soleil.

  A014003406 

 Il faut donc bonifier la volonté pour empescher qu'elle ne nuyse a l'illumination efficace de l'entendement, attendu mesmes que les livres spirituels commencent par la doctrine purgative, pour despouiller les ames de toutes les mauvaises habitudes incompatibles au vray Christianisme..

  A014003406 

 Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Geneve tel que vous, sinon quelqu'œuvre entre autres, qui mist fin à l'infamie de Geneve, dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie? Je ne nie pas que les livres si doctement escrits par tant de Docteurs excellans, dont le Cardinal Bellarmin est le souverain, n'ayent grandement servy contre les heresies de ce siecle; mais je veux bien aussi dire et sous-tenir que ceux qui ont escrit sur la morale et de la devotion n'y ont pas apporté moins de remede.

  A014003407 

 C'est sans doute que la reformation des mœurs esteindra les heresies avec le temps, comme la depravation les a causées, puis que l'heresie n'est jamais le premier peché..

  A014003407 

 Or, Monsieur, continuez de servir d'instrument à la divine Sapience, r'embarrant l'erreur des heretiques par la doctrine des controverses, et conduisant les volontez depravées au chemin de la vertu par vos traictez de pieté et de devotion.

  A014003415 

 Vostre dessein des deux Traictez sur les deux Tables, disposera des eschelles et degrez aux cœurs de ceux qui seront si heureux que de les lire, relire et retenir; car ils arriveront par ce moyen au supreme faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement le tout homme; comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse estre en tout le reste d'excellence, doit dire: Je ne suis rien..

  A014003416 

 Ces cinquante deux semaines, quoy que reïterées par plusieurs années, ne luy dureront rien, luy representant les deux septenaires de gloire spirituelle et corporelle qui suivront le grand Jubilé qui ne finira jamais..

  A014003416 

 Le dessein du Calendrier sera la tablature dont Philothée se servira sur le clavier de son espinette, organizée pour conserver sa memoire des plus beaux airs spirituels que la necessité du corps et les autres occupations exterieures luy font interrompre actuellement plus souvent qu'elle ne voudroit.

  A014003417 

 Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de predicateurs qui fassent de mesme que vous; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces [411] belles conceptions) une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de semblable methode..

  A014003433 

 Spes enim quæ differtur affligit animam; sed qui venit mittere ignem in terram, nec aliud vult nisi ut ardeat, eam reponit spem in sinu meo, ut quamvis me occiderit, sperem in eam; supliant en toute humilité Vostre Reverendissime Seigneurie d'aggreer recommander le tout a Nostre Seigneur, tant au famillier colloque du tres hault Sacrifice, comme en ses ferventes oraisons et sublimes elevations d'esprit a Dieu, afin que par sa toute puissante misericorde et paternelle providence, il ouvre les portes de salut a ceux qui s'amusent en l'ombre de mort.

  A014003435 

 Et pour l'heureuse conduitte d'un si salutaire ouvrage, je suplieray Dieu, le Createur et Gouverneur de l'univers, Monseigneur, vous conserver en toutes prosperités et vous combler de ses dons celestes, pour les despartir heureusement a tout vostre troupeau, vous remettant les clefs de tout le bercail pour le rameiner au vray pasturage de vie..

  A014003455 

 Je vous supplie tres-humblement, Monseigneur, de me continuer tousjours vos bonnes volontez, et croire que je ne desire rien plus, apres les graces et benedictions de ce bon Dieu que j'implore, et dont j'ay bien besoing, que d'estre conservé en vostre souvenance, et demeurer toute ma vie,.

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils doivent; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur.

  A014003478 

 Il vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes: c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux.

  A014003479 

 L'on voit cette vérité dans ses écrits, où il oblige par témoignages d'honneur et d'estime tout le monde, et particulièrement les Ordres religieux qu'il révérait et aimait, et disait que c'était l'une des plus saines parties de l'Eglise.

  A014003479 

 Oubliez donc, mon très-cher Seigneur, cette offense, à l'imitation du divin Sauveur, qui en avait reçu de bien plus grandes de ceux pour qui il demanda pardon en les excusant, et vous souvenez aussi, mon bon Seigneur, de la modestie et douceur avec laquelle notre Bienheureux Père parle en la préface de l'Amour divin, de celui qui l'avait si insolemment bafoué en pleine chaire: il attribue cette faute à son zèle.

  A014003479 

 Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant qu'il pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à réparer: je l'ai vu dans cette pratique seize années; avec combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait! les sensibles douleurs qu'il ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée par leurs bons exemples..

  A014003479 

 Vous chérissez si tendrement l'esprit de ce Bienheureux, [418] imitez-le, mon très-cher Seigneur, en sa patience à tout supporter, et en cette prudence charitable qui le tenait attentif à ne dire ni écrire jamais aucune chose qui pût tant soit peu blesser le général, ni les particuliers d'aucun Ordre, ni décrier personne du monde, pour vile et chétive qu'elle fût.


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A015000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A015000015 

 L'Evêque de Genève recommande à son ami les négociations dn vicaire général de son diocèse et lui donne des nouvelles de sa fille Marie-Marguerite, Religieuse à la Galerie. 18.

  A015000017 

 A quelle condition les exercices de piété revigorent l'âme, même s'ils sont faits sans goût.

  A015000022 

 » — Quand les « embarassemens » d'une grande maison augmentent, « il faut tant plus appeller Nostre Seigneur a nostr'ayde.

  A015000023 

 » — La Mère de Chantal et les saintes veuves de l'Eglise. 25.

  A015000026 

 — Il est mieux, pour une femme du monde, d'ouïr la sainte Messe tous les jours que de faire l'oraison chez soi.

  A015000030 

 Les « pauvres gens d'Estrembieres; » prière de les défendre contre leurs frères rebelles.

  A015000032 

 Le baume et les « basses herbettes » de la Croix.

  A015000033 

 Compassion du Saint pour les misères du pays au printemps de 1611 32.

  A015000034 

 Les exigences du Créateur et celles du monde. 33.

  A015000035 

 Pourquoi les petites chutes et imperfections ne doivent étonner ni l'âme chrétienne, ni son directeur.

  A015000037 

 — Un Saint qui avait le don d'ouvrir les cœurs. 35.

  A015000040 

 — Les jeunes gens et les difficultés.

  A015000043 

 Les appréhensions et les difficultés d'un voyage à Gex.

  A015000043 

 — Les exigences du service de Dieu et des âmes, plus impérieuses encore.

  A015000045 

 — Ce que font les bergers en Arabie.

  A015000045 

 — La Communion fréquente et les âmes faibles.

  A015000046 

 — Les tribulations et la sainteté.

  A015000047 

 — Les cœurs simples et humbles, et la Croix.

  A015000051 

 La chrétienté de Divonne et les frais dn culte sont confiés au zèle des Religieux de Saint-Claude. 47.

  A015000054 

 Les armes et la devise de la Visitation.

  A015000056 

 — Il a déjà rendu compte de tout ce qu'il a appris discrètement sur les projets des Français.

  A015000056 

 — Les Suisses catholiques et le pays de Berne.

  A015000062 

 Les insistances d'un jeune gentilhomme.

  A015000065 

 — Vouloir savoir d'où procèdent les sécheresses: curiosité superflue.

  A015000068 

 — Les « viandes seches » et les hydropiques.

  A015000068 

 — Servir Dieu parmi les sécheresses nous est chose plus dure, selon notre goût, mais plus profitable selon le goût de Dieu.

  A015000069 

 — Les vertus caractéristiques du grand Docteur, d'après saint François de Sales.

  A015000072 

 » — Pour quels motifs l'Evêque de Genève déteste les contentions et disputes entre catholiques.

  A015000072 

 — La pauvre mère poule et les poussins qui s'entrebecquettent.

  A015000073 

 — Les affaires: leur multiplicité ne doit pas troubler, ni leur difficulté émouvoir.

  A015000077 

 Notre-Seigneur saura bon gré à qui porte et supporte les âmes qui se trouvent faibles.

  A015000078 

 » — Avoir le cœur franc envers les Supérieurs.

  A015000079 

 — Affectueux messages pour les compagnons, les parents et les amis de la Mère de Chantal 71.

  A015000082 

 — Pourquoi ne faut-il pat emporter toutes les couronnes.

  A015000085 

 » — Les questions inutiles.

  A015000091 

 L'Evêque de Genève expose au gouverneur le sujet et les résultats de son voyage à Gex.

  A015000091 

 — Les commissaires, l'un « grand catholique, » et l'autre « grand heretique, » — Exécution de l'édit de Nantes à Gex.

  A015000095 

 — Ce qui arrive entre les enfants des hommes.

  A015000097 

 — C'est Notre-Seigneur qui unit les cœurs indissolublement.

  A015000098 

 Les occupations du Saint privent la maison de la Galerie de ses entretiens.

  A015000099 

 — Cinq élévations propres à sanctifier les souffrances.

  A015000101 

 Le baume sacré du nom de Jésus; quels sont les cœurs qu'il pénètre de son parfum.

  A015000104 

 Bons effets que les amis du Saint attribuaient à ses lettres.

  A015000105 

 Les deux et le soleil comparés à la chair du Sauveur.

  A015000109 

 Entre les deux Fondateurs, il n'y avait « ni second, ni premier.

  A015000109 

 — Une illusion que les Novices ne sauraient avoir. 98.

  A015000112 

 Un remède souverain: les prières de la Mère de Chantal et la relique de sainte Apolline.

  A015000118 

 Les amitiés qui ont Dieu pour auteur, et la distance des lieux.

  A015000119 

 A quoi servent les canonisations; le Saint les jugeait presque nécessaires pour le temps où il vivait.

  A015000122 

 — Ce que doivent faire les prédicateurs.

  A015000122 

 — De quel côté penchent les parlementaires et les hommes d'Etat.

  A015000122 

 — Un remède plus efficace que les discussions des théologiens.

  A015000123 

 — Les deux autorités ne se contrarient pas, mais « s'entreportent l'une l'autre.

  A015000123 

 — Triple alliance qui doit exister entre le Pape et les rois.

  A015000124 

 — Les souhaits de l'Ave Maria 115.

  A015000126 

 — Les ténèbres au pied de la Croix.

  A015000130 

 — Abeilles mystiques et mouches libertines: le bonheur et les exercices des unes et des autres mis en parallèle.

  A015000130 

 — Les spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion, de Thabor.

  A015000137 

 Le Saint revendique son droit, qui était contesté, de conférer les bénéfices dans certaines paroisses situées en France.

  A015000140 

 Pourquoi le Saint désire obtenir l'agrément du duc de Savoie pour les prédications qu'on lui demande à Lyon.

  A015000141 

 » — Les bonnes dispositions des syndics pour les agrandissements de la Visitation.

  A015000144 

 — Pourquoi les membres de la Sacrée Congrégation des Rites doivent faire avancer sa canonisation. 130.

  A015000145 

 — Les PP. Capucins en Savoie. 132.

  A015000149 

 — Pour mourir, tous les moments sont « heureux » à ceux qui craignent Dieu.

  A015000151 

 L' Introduction à la Vie devote attire à son auteur les louanges d'un Prélat étranger.

  A015000154 

 DCCXCII. A Messieurs les Chanoines de Saint-Jean de Lyon (Minute).

  A015000156 

 Les Constitutions de la Visitation.

  A015000158 

 » — Pourquoi et comment les tracas sont utiles au progrès spirituel.

  A015000158 

 — Un sentiment qui rend légers tous les déplaisirs. 141.

  A015000159 

 — Comment les âmes qui prient servent leur pays et leur époque. 143.

  A015000160 

 » — Les jeunes apprentis et les vieux maîtres en l'amour de Dieu.

  A015000167 

 DCCCV. A Madame de Genève, abbesse de Baume-Les-Dames (Inédite).

  A015000167 

 — Ce qui rebutait quelquefois les prétendantes à la Visitation.

  A015000168 

 Le regard des princes et les rayons du soleil.

  A015000170 

 Comment accommoder les prières avec beaucoup d'occupations du matin jusqu'au soir.

  A015000170 

 — Les afflictions du cœur.

  A015000170 

 — Les oraisons jaculatoires.

  A015000170 

 — Quelles sont les âmes que Dieu aime. 153.

  A015000176 

 — Les satisfactions sèches et les consolations savoureuses.

  A015000179 

 — Les consolations du Jubilé.

  A015000179 

 — Les cœurs faibles et les cœurs forts. 162.

  A015000183 

 — Précaution que propose l'Evêque de Genève pour les atténuer.

  A015000184 

 » — Les francs serviteurs de Dieu, peu nombreux. 166.

  A015000184 

 — Une difficulté et une impossibilité se rencontrent dans les lettres de naturalité obtenues pour les curés.

  A015000186 

 — Les entreprises extraordinaires qui ne sont pas hasardées.

  A015000186 

 — Les voies du Ciel.

  A015000186 

 — Précaution contre les « babillardz ».

  A015000189 

 Les bancs des femmes dans les chœurs des églises.

  A015000190 

 Les Ursulines et les petites filles de Chambéry.

  A015000192 

 Comment recevoir les remèdes imposés par l'obéissance et la raison.

  A015000192 

 — Les croix qui répugnent aux sens et à la nature.

  A015000199 

 Les solides consolations.

  A015000203 

 » — Les âmes chrétiennes doivent supporter doucement la perte des parents.

  A015000203 

 — Particulariser les résolutions.

  A015000213 

 Les sentiments que le Saint aimait à trouver dans une postulante.

  A015000215 

 Dans quelles vues de foi il faut considérer les absences et les séparations définitives. 192.

  A015000216 

 — Parmi les tracas temporels, il faut garder la sainte tranquillité et douceur de cœur.

  A015000219 

 Le Saint décline les louanges d'un poète avec une discrète humilité. 194.

  A015000220 

 — Il faut faire souvent revivre les résolutions prises au temps de la ferveur.

  A015000224 

 — Voyage à Turin, à pied ou à cheval, suivant les circonstances.

  A015000227 

 Les embarras d'un héritage.

  A015000235 

 M me de Saint-Cergues expose les raisons de son abjuration.

  A015000235 

 — La lumière n'est pas toujours accompagnée de la facilité pour déduire les raisons de la croyance. 207.

  A015000236 

 — Les Carmes réformés de Paul V. 208.

  A015000250 

 C. Les Grands Pardons d'Annecy.

  A015000269 

 Et si mon impuissance et insuffisance ne m'a pas permis de la cultiver par mes services, ma connoissance pourtant ne m'a jamais permis de demeurer sans une tres forte affection de correspondre a cette faveur par tous les tesmoignages qu'il me seroit possible.

  A015000272 

 Ce pendant, Madame, je veux bien attendre encor quelque tems avant que de faire aucunes poursuites, pour apprendre de vous mesme, puisque vous me faites esperer le bien de vous voir si tost, les raysons de ce venerable personnage.

  A015000273 

 Je me res-jouys que Sa Sainteté ayt ouctroyé le [remède] requis au mal de l'action que fit messire Nacot, et seray encor plus ayse quand je sçauray quil aura esté legitimement appliqué; car, honnorant tres cherement monsieur vostre mari et vous, Madame, comme je fay et feray toute ma vie, je desire que tout ce qui vous est praetieux vive entre les benedictions caelestes et que rien ne demeure jamais en vostre mayson qui les en puisse divertir.

  A015000273 

 Madame, j'ay de l'affection et de lhonneur pour monsieur vostre mari, pour vous et pour les vostres autant que vous sçauries souhaiter d'homme qui vive; [3] mais le plus grand desir que je face, c'est que jamais Dieu ne soit abandonné, non pas mesme pour un moment..

  A015000291 

 L'honneur que j'ay d'estr'aymé de vous, servira de [simple] praeface a ma supplication, laquelle je vous [5] fay [d'estre] favorable protecteur de ce porteur, frere de monsieur le premier President de Savoye et mon Vicayre general, pour les affaires qui le tirent vers vous, qui sont parties siennes et parties miennes; mais, a mieux dire, siennes et miennes tout ensemble, puisque luy mesme est mien par une longue et bonn'amitié..

  A015000307 

 Mais que puis-je faire ni dire, ma tres chere Seur, qui puisse dignement vous satisfaire sur ce sujet? Je confesse ingenuement que je suis vaincu, et que, comme vous me devances infiniment de toutes partz, vous le faites tres particulierement en celle-ci, de me rendre les devoirs et les tesmoignages d'amitié pour celle-la avec laquelle je vous ayme.

  A015000308 

 Croyés, ma tres chere Seur, que mon cœur est fraternellement amoureux du vostre, et que si j'avois la commodité d'assouvir ses desirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme precisement pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre presence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus delicieuses conversations des villes.

  A015000310 

 Je n'ay pas tous les jours le bien de vous pouvoir entretenir; quand j'en ay la commodité, il s'en faut prevaloir.

  A015000316 

 Je suis serviteur tres humble de madame nostre bonne mere et de monsieur le baron d'Origny, et leur bayse les mains avec humilité..

  A015000352 

 Nostre M me de Chantal a esté rudement malade, mais maintenant se porte beaucoup mieux et va tous les jours en amendant de santé, avec une continuelle memoyre de vous, qu'elle cherit et honnore de tout son cœur.

  A015000379 

 Or sus, ma tres chere Fille, la plus grande gloire de Dieu, qui est la souveraine maistresse de nos affections, m'a retenu aupres de cette bonne dame de Saint Cergue, pour la reduction de laquelle vous aves prié; car l'ayant veuë disposee a prendre les finales resolutions de son bonheur, je ne l'ay point voulu abandonner qu'elle ne les eust faites, dont je loüe Nostre Seigneur de tout [15] mon cœur.

  A015000380 

 Nous avons pris jour pour nous voir demain et commencer, a mon advis, sa confession et preparation a la sainte Communion, laquelle nous ferons Dimanche en vostre oratoire aussi; car, ma tres chere Fille, puisque j'espere que les Anges, et sur tout la Reyne des Anges, regarderont le spectacle de la derniere action de la reduction de cette ame, je desire qu'elle se face autour de vostre chere petite trouppe, affin que nous soyons tous regardés avec une joye extraordinaire et qu'avec ces Espritz celestes, nous facions le festin d'allegresse sur cet enfant revenu..

  A015000383 

 Je vous envoye ce Miroir d'amour, et apres vous je le verray, car j'en ay envie, estimant que cette traduction faite par les Chartreux sera parfaite.

  A015000392 

 J'iray ce soir voir M me de Chantal (qui guerit fort lentement, sur tout des jambes et des bras, et qui vous bayse tres affectionnement les mains) pour conferer avec elle sur la reception de la fille dont vous m'escrives, delaquelle les bonnes qualités ne sont pas de peu de consideration.

  A015000394 

 Ma tres chere Fille, je vous voy, ce me semble, bien enfoncee dans une multitude d'embarassemens, que la grandeur du mesnage ou vous estes vous met sur les [18] bras.

  A015000432 

 Il y a ja long tems que la triste nouvelle du trespas de feu monsieur le President Fremiot nous estoit arrivee, et quant et elle un regret extreme, selon les grans devoirs que nous luy avions et la grand'estime en laquelle nous l'avions; mais nous avions empesché que la bonne M me de Chantal n'en apperceut aucun bruit, parce que c'eust esté une cruauté de voir surcharger sa maladie d'un sentiment de si grande douleur, en un tems auquel elle estoit encor fort foible.

  A015000433 

 Et moy j'ay receu de la consolation, ayant sceu que ce bon et digne seigneur defunct avoit eu aggreables les souhaitz que, selon ma naïfveté, j'avois marqués en ces dernieres lettres que je luy escrivis.

  A015000434 

 Non, Monsieur, il n'y a point eu d'apparence en tous les discours qu'on en a fait; de sorte que je persevereray au saint service que je suis obligé de rendre a la chere trouppe en laquelle vous aves un si bon gage.

  A015000455 

 O Dieu! que ce leur seroit chose utile a tous deux de renoncer a ces inutiles et inconsiderees complaysances, et que ce seroit une [24] grande charité de les en retirer! Mais, quant a la personne que je connois, quoy que jadis elle fust aucunement interessee en ce mal, qui pour n'estre pas vicieux ne laisse pas d'estre perilleux, je ne treuve aucun inconvenient que quelquefois, selon les occurrences, elle se confesse en toute liberté a ce personnage-la, dans le cœur duquel, s'il y avoit quelque impureté, elle ne se glisseroit pas par la confession, mais ouy bien par les autres conferences et conversations, ou privautés et hantises.

  A015000456 

 Ne laissés pas de faire la Communion le jeudi et les festes sur semaine, et le mardi du Caresme; mais cela n'en doutés plus, ains employés vostre cœur a estre bien fidele en l'exercice de la pauvreté emmi les richesses, de la douceur et tranquillité emmi le tracas, et de la resignation du cœur et de tout ce qui vous doit arriver en la providence de Dieu.

  A015000457 

 Pour le quatriesme, il est mieux en toute façon que vous oyies la sainte Messe tous les jours et y faire l'exercice de la Messe, que de ne l'ouïr pas, sous pretexte de continuer l'orayson chez vous.

  A015000482 

 Je me res-jouis avec vostre peuple qui a le bien de recevoir de vostre bouche les eaux salutaires de l'Evangile, et m'en res-jouirois bien davantage, s'il les recevoit avec l'affection et reconnoissance qui est deuë a la peyne que vous prenes de les respandre si abondamment.

  A015000482 

 Les quatre motz du grand Apostre nous doivent servir d'epitheme: Opportune, importune; in omni patientia et doctrina.

  A015000482 

 Mays, Monseigneur, il faut beaucoup souffrir des enfans tandis qu'ilz sont en bas aage, et bien que quelquefois ilz mordent le tetin qui les nourrit, il ne faut pas pourtant le leur oster.

  A015000483 

 J'attendray cependant les livres quii vous plaist me promettre, qui tiendront en mon estude le rang convenable a l'estime que je fais de leur autheur, et a l'amour parfait avec lequel je luy porte et porteray toute ma vie honneur, respect et reverence..

  A015000494 

 Ouy, ma chere Fille, ouy sans opiniastreté, nous changerons le nom de Seurs Oblates, puisque cette expression [29] desplait si fort a ces messieurs; mais nous ne changerons jamais le dessein et le vœu eternel d'estre a jamais les tres humbles servantes de la Mere de Dieu.

  A015000506 

 Je vous ay escrit par celuy qui m'a apporté ce matin vostre lettre; mais ces pauvres gens d'Estrembieres me forcent, par leurs remonstrances, d'interceder pour eux, puisqu'ilz recourent a moy pour cela, en qualité, disent-ilz, de mes enfans les plus exposés a la persecution de leurs freres rebelles.

  A015000506 

 Je vous supplie donq tres humblement, en ce qui pourra bonnement et saintement se faire, de les avoir en recommandation..

  A015000527 

 Sur ces paroles: Seigneur, faites bien aux bons et aux droitz de cœur, o vray Dieu, dis je, qu'il falloit que ce Saint fust bon et droit de cœur, puisque Nostre Seigneur luy a fait tant de bien, luy ayant donné la Mere et le Filz! Car, ayant ces deux gages, il pouvoit faire envie aux Anges et desfier le Ciel tout ensemble d'avoir plus de bien que luy; car, qu'y a il entre les Anges, comparable a la Reyne des Anges, et en Dieu, plus que Dieu?.

  A015000528 

 Je supplie ce grand Saint, qui a si souvent dorloté nostre Sauveur et qui l'a si souvent bercé, qu'il vous face les caresses interieures qui sont requises a l'avancement de vostre amour envers ce Redempteur, et qu'il vous impetre abondance de paix interieure, vous donnant mille benedictions.

  A015000542 

 Je prie Nostre Seigneur quil soulage ce peuple de sa grace et le divertisse du desespoir, et les affaires publiques d'une totale ruine..

  A015000599 

 Pressee des desirs de Dieu, elle a tout quitté, et, avec une prudence et force non commune a son sexe fragile, elle a pourveu a son desengagement; en sorte que les bons treuveront beaucoup de choses a loüer en cela, et les enfans malins du siecle ne sçauront sur quoy s'attacher pour former leurs mesdisances..

  A015000600 

 Despuis, il vient des filles de Chamberi, de Grenoble et Bourgoigne, pour s'associer a elles; et j'espere que cette Congregation sera pour les infirmes un doux et gracieux refuge, car, sans beaucoup d'austerités corporelles, elles prattiquent toutes les vertus essentielles de la devotion..

  A015000601 

 Apres leur profession, elles iront servir les malades, [39] Dieu aydant, avec grande humilité.

  A015000615 

 Il faut bien que je vous die que ce matin a la Messe, j'ay prié pour nostre avancement en la pureté, perfection et unité d'esprit avec, certes, un'ardeur extraordinaire; mais en cela, les extraordinaires me sont presqu'ordinaires.

  A015000646 

 Mais les jeunes gens devorent toutes les difficultés de loin et fuyent a toutes les difficultés de pres..

  A015000661 

 Le sieur Martinet, conseiller de Son Altesse et maistre de la Chambre des Comtes de Savoye, sachant avec combien de prudence et de soin les jeunes gens sont [45] conduitz et gouvernés sous vostr'authorité et direction dans vostre college, il desireroit grandement que son filz, qui a des-ja fait son cours en philosophie, eüt le bien d'y estre receu et retiré, affin que plus heureusement il acheve ses estudes; et cela, sans aucunement charger la despense du college, puisque pour icelle, il prouvoyeroit de la pension et fourniture requise..

  A015000707 

 Estant appellé pour restablir le saint exercice de la foy en une bourgade du pais de Gex, qui est de mon diocese, [49] mais hors de l'obeissance de Son Altesse Serenissime, j'ay voulu, avant mon depart, donner connoissance a Vostre Excellence de ce petit voyage auquel ma charge m'oblige, affin qu'en toutes occasions j'observe tant quil me sera possible les loix de mon devoir..

  A015000715 

 Chevalier de S. A. deça les monts..

  A015000725 

 Quel bonheur, ma tres chere Seur, si quelque jour, au sortir de la sainte Communion, je treuvois mon chetif et miserable cœur hors de ma poitrine, et qu'en sa place fut establi ce pretieux cœur de mon Dieu! Mais, ma chere Fille, puisque nous ne devons pas desirer des choses si extraordinaires, au moins souhaitte-je que nos pauvres cœurs ne vivent plus desormais que sous l'obeissance et les commandemens du cœur de ce Seigneur.

  A015000727 

 Laissés, je vous supplie, philosopher les autres sur le sujet que vous aves de communier; car il suffit pour vostre conscience, que vous et moy sçachions que cette diligence de revoir et de reparer souvent vostre ame est grandement requise pour la conservation d'icelle.

  A015000729 

 Quand nous voyons que les persecutions ou contradictions nous menacent de quelque grand desplaysir, il nous faut retirer, et nous et nos affections, sous la sainte Croix, par une vraye confiance que tout reviendra au prouffit de ceux qui ayment Dieu..

  A015000729 

 Sçavés-vous ce que font les bergers en Arabie quand ilz voyent esclairer, tonner et l'air chargé de foudres? Ilz se retirent sous les lauriers, et eux et leurs troupeaux.

  A015000741 

 Escrivant a monsieur vostre mary en recommandation d'un mien amy, chanoine de Lyon, je vous fay ce petit billet pour tout simplement vous saluer de tout mon cœur, non seulement en mon nom, mais de la part encor de la chere et bonne seur madame de Chantal, laquelle va de bien en mieux pour sa santé et, pour le dire encor entre nous deux, pour sa sainteté, a laquelle les tribulations et maladies sont fort propres pour donner de l'avancement, a cause de tant de solides resignations qu'il faut faire es mains de Nostre Seigneur..

  A015000742 

 Et ne pensés pas que Nostre Seigneur soit plus esloigné de vous tandis que vous estes emmi le tracas auquel vostre vocation vous porte, qu'il ne seroit si vous estiés dans les delices de la vie tranquille.

  A015000742 

 Vivés toute pour Dieu, ma chere Fille, et puisqu'il faut que vous vous exposies a la conversation, rendés-vous y utile au prochain par les moyens que souvent je vous ay escritz.

  A015000753 

 Certes, c'est grand cas comme la Croix ayme les cœurs simples et humbles.

  A015000753 

 Neanmoins, c'est le Sauveur que je presche, lequel remplit les vallees et explane ou abbaisse les montagnes..

  A015000753 

 Vrayement je m'en res-jouis aussi dequoy bien tost nous aurons le bien de vous voir icy, en attendant le Caresme prochain, auquel sans doute je porteray une extreme affection de gaigner beaucoup d'ames a Celuy qui, pour les gaigner toutes, voulut bien perdre sa tres digne vie sur la croix.

  A015000768 

 Mays vous en feres a vostre gré, car a cett'intention je vous confie le tout, vous estant des-ja tout confié moymesme, comme Dieu et les hommes sçavent..

  A015000769 

 J'escris simplement qu'ouy, et n'ay pas eu le courage, ou pour mieux dire la temerité, d'entreprendre de contrepointer les belles pointes de la lettre que j'ay receue en leur nom.

  A015000769 

 Sil vous plait d'enrichir mon offrande de complimens, vous le pourres faire en asseurance, car vous ne devanceres point mon affection par tous les ornemens avec lesquelz vous l'exprimeres.

  A015000787 

 Les affaires de la religion, qui s'accroissent icy tous les jours, me feront arrester plus longuement que je ne pensois, ma tres chere Fille; mais certes tres aggreablement, puisque c'est pour la gloire de Dieu et le service des ames qu'il a rachetees, lesquelles, en divers lieux de ce balliage, demandent qu'on leur restablisse le saint exercice.

  A015000788 

 Ces jours suivans, il y a apparence d'en faire de mesme en deux autres, et outre cela, nous prescherons icy et parlerons a quelques ames desvoyees; et bien que peut estre ne les reduirons-nous pas, parce que, pour l'ordinaire, les considerations humaines empeschent celles de leur salut, si est-ce que nous ne pensons pas peu faire quand nous leur faysons confesser que nous avons rayson, comme plusieurs ont fait jusques a present.

  A015000808 

 Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Dames de Saint-Maur.

  A015000823 

 Messieurs les Grand Prieur et Religieux de S t Claude..

  A015000833 

 Ce sera demain, Dieu aydant, car les affaires le requierent ainsy.

  A015000844 

 Oste toy d'icy autour, o vent de bise, et viens, o vent de midy, et souffle dans mon jardin, et les parfums [61] en sortiront abondamment.

  A015000845 

 Ah! que je voudrois bien vous faire quelque don, ma chere Fille; mays, outre que je suis si pauvre, il n'est pas convenable qu'au jour auquel le Saint Esprit fait ses presens, nous nous amusions a vouloir faire les nostres; il ne faut entendre qu'a recevoir au jour de cette grande largesse.

  A015000845 

 J'ayme mieux estre infirme que fort devant Dieu, car les infirmes, il les prend entre ses bras et les fortz il les mene par la main.

  A015000845 

 La Sapience eternelle soit a jamais dans nostre cœur, affin que nous savourions les tresors de l'infinie douceur de Jesus Christ crucifié..

  A015000855 

 Un accommodement qu'il me faut faire ce matin entre deux de nos pasteurs de Gex, me prive de la consolation d'aller voir mes plus cheres brebis et de les repaistre moy mesme du Pain de vie.

  A015000866 

 Quelques vertueux gentilshommes et moy, ayans, Dieu merci, terminé les poursuites que le sieur de Blonnay faysoit a rayson de la perte de son filz contre le sieur [64] de Saint Paul, par un amiable et chrestien appaysement de toute inimitié et dispute, j'ay creu que je devois en donner asseurance a Vostre Altesse, affin quil luy playse de plus facilement incliner sa clemence et donner sa grace a celuy qui, ayant la paix avec sa partie par cet accomodement, et le pardon de Dieu par la contrition et confession, n'a plus a rechercher que la remission de la peyne, que Vostre Altesse seule luy peut ouctroyer et que la debonnaireté d'icelle luy fait esperer..

  A015000883 

 Ayant esté adverti que l'on m'avoit chargé aupres de Vostre Altesse de fayre certains mauvais mesnages d'Estat avec les estrangers, j'en ay esté le plus estonné du monde, ne pouvant m'imaginer sur quell'apparence de fondement on peut bastir cette calomnie.

  A015000883 

 Car encor que ces jours mon devoir m'ayt necessite d'aller a Gex et y arrester quelque tems, si est ce que non plus lâ qu'ailleurs je ne me suis meslé de fayre ou dire chose aucune que selon ma profession, preschant, disputant, reconciliant les eglises, consacrant les autelz, administrant les Sacremens..

  A015000884 

 Car, en vraye verité, les François n'avoyent eu aucun' intention de surprendre a force cette ville-la, ayans trop d'apprehension d'esmouvoir les humeurs des heretiques de France et de leur faire prendre les armes, comm'ilz feront, silz peuvent, toutes fois et quantes qu'on fera de telz coups contr'eux: tellement que ni monsieur le Grand de Bellegarde, ni monsieur de Lux n'oserent jamais y aller, quoy qu'ilz y fussent invités, de peur d'accroistre le soupçon que quelques uns en avoyent..

  A015000884 

 Et non seulement je n'ay point fait de mesnage contre le service de Vostre Altesse (ce qui ne m'est jamais arrivé ni ne m'arrivera jamais, ni en effect, ni en pensee), mais au contraire, autant que la discretion et le respect que je doy a ma qualité me le permettent, j'ay observé tout ce que j'estimois estre considerable pour le service de Vostre Altesse, affin de luy en donner advis, comme [66] j'eusse fait par escrit si, a mon retour, je n'eusse treuvé le commandement qu'elle me donnoit de les porter de bouche a monsieur le Marquis de Lanz, auquel je parlay en toute franchise et naifveté; l'asseurant entr'autres choses, que les bruitz touchant le dessein des François sur Geneve n'estoyent que des vrayes chimeres, que quelques uns avoyent peut estre fabriquées pour rendre probables leurs prætendus services.

  A015000885 

 Et ne sçai si, pour ce regard, il vint point a propos qu'a mesme tems les Souisses qui revenoyent d'aupres de Vostre Altesse dirent en passant des merveilles en faveur des droitz qu'ell'a sur le pais de Vaux; dequoy ceux de Geneve furent extremement esmeuz..

  A015000885 

 Mays, soit quil donnast cett'atteinte par le commandement de la Reyne, soit quil la fit de son propre mouvement (dequoy je n'ay rien sceu apprendre de certain), elle fut si mal receüe, que [67] ceux de la ville, en diverses occurrences, disoyent tout haut qu'ilz se donneroyent plustost au malin qu'a Vostre Altesse et plustost a Vostre Altesse qu'au Roy; d'autant que, non seulement Vostre Altesse les recevroyt a meilleur marché que le Roy, mays quand elle voudroit alterer les conditions de leur donation, ilz auroyent plus de moyen de la rompre par l'assistence des voysins, que quand elle seroit faite en faveur du Roy.

  A015000885 

 Vray est que le sieur de la Noüe proposa la dedans, par maniere de conseil, qu'il seroit expedient de remettre les murailles au Roy de France, pour eviter les perilz qu'elles couroyent a tous momens.

  A015000886 

 Et sur ce propos, j'appris de divers discours des François, que si nostre Saint Pere se remuoyt un peu vivement envers les Soüisses catholiques et la Reyne, comm' il le doit faire en consideration de la religion, il n'y auroit point de difficulté de faire heureusement reuscir les prætentions de Vostre Altesse contre les Bernoys, desquelz la grandeur est de longuemain ennuyeuse aux Suysses catholiques, et puisque la Reyne doit plus desirer l'amoindrissement du parti huguenot, que soupçonner l'aggrandissement de Vostre Altesse..

  A015000887 

 Je dis plusieurs autres particularités a monsieur le Marquis de Lanz, desquelles sans doute il aura eü bonne memoire pour les representer a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de croire que j'ay gravé trop avant en mon cœur le devoir que je luy ay, pour jamais me relascher a faire chose qui puisse tant soit peu nuyre au service de ses affaires, et que j'ay une trop grande [68] aversion au tracas des choses d'Estat, pour jamais y vouloir penser d'un'attention deliberee.

  A015000887 

 Je ne sçai donq comment la calomnie ose me representer avec des affections estrangeres, puisque mesme je vis, Dieu merci, de telle sorte que, comme je ne merite voyrement pas d'estre en la bonne grace de Vostre Altesse, n'ayant qui puisse dignement correspondre a cet honneur la, aussi merite-je de n'estre jamais en sa disgrace, ne faysant ni n'affectionnant rien qui me puisse porter a ce malheur, que je ne crains aussi nullement, moyennant l'ayde de Nostre Seigneur, qui, en faveur de la veritable fidelité que je conserve a Vostre Altesse, ne permettra jamais que les brouillons et calomniateurs m'ostent la gloire que j'ay d'estr'advoüé, Monseigneur,.

  A015000899 

 Nostre Chapitre de Geneve a plus cooperé aux commencemens de l'establissement de l'exercice catholique [69] a Gex qu'aucuns ecclesiastiques; car, outre que monsieur le Prevost, messieurs Grandis, Bochuti et Gottri, chanoynes dudit Chapitre, ont esté les premiers qui ont fait residence a leurs despens en ce pais-lâ durant un'annee, ce fut ce Chapitre qui fournit aux fraitz que je fis, estant encor Prevost, pour la sollicitation de la confirmation de l'establissement.

  A015000900 

 Mays d'autant qu'a l'adventure, les cours laïques, en cas quil y eut quelque controverse ci apres, requerront que les proviseurs ayent le placet ou brevet du Roy, et que la valeur du benefice n'est pas si grande qu'on puisse envoyer expres pour en faire la supplication a Sa Majesté (a laquelle mesme, en tous evenemens, nous n'aurions aussi pas moyen d'avoir bon acces que par vostre entremise), partant nous vous supplions tres humblement tous, que si ce n'est point vostre incommodité, il vous playse [70] impetrer ledit placet.

  A015000901 

 Mais comme ce n'est pas tous-jours l'erreur de l'entendement, ains le defaut de la volonté et l'impureté des affections qui tient les hommes hors de l'Eglise, aussi n'y rentrent-ilz pas tous-jours quand ilz connoissent la verité d'icelle..

  A015000902 

 A mon retour, je treuvay que mon voyage n'avoit pas esté seulement fertile en consolation, selon sa petitesse, mais [71] aussi, de ce costé de deça et de dela les mons, de soupçons et calomnies, que la verité neanmoins effacera, comme je pense, par la suite de quelques jours..

  A015000903 

 Il failloit dire ce mot de confiance avec vous, qui me donnés si abondamment le bonheur de vostre amitié, que tout le monde s'en res-jouit avec moy, et particulierement ces seigneurs dont je viens de dire les noms.

  A015000918 

 Vrayement, nos bonnes Dames de la Visitation font merveilles, et qui les void en est tout consolé.

  A015000928 

 Je le treuve plus que vierge, parce qu'il est vierge mesme des yeux, qu'il a plantés sur les objetz insensibles du desert et ne sçait point par les sens qu'il y ait deux sexes; plus que confesseur, car il a confessé le Sauveur avant que le Sauveur se soit confessé luy mesme; plus que predicateur, car il ne presche pas seulement de la langue, mais de la main et du doigt, qui est le comble de la perfection; plus que docteur, car il presche sans avoir ouy la source de la doctrine; plus que martyr, car les autres martyrs meurent pour Celuy qui est mort pour eux, mais luy meurt pour Celuy qui est encor en vie, et contreschange, selon sa petitesse, la mort de son Sauveur avant qu'il la luy ait donnee; plus qu'evangeliste, car il presche l'Evangile avant qu'il ait esté fait; plus qu'apostre, car il precede Celuy que les Apostres suivent; plus que prophete, car il monstre Celuy que les Prophetes predisent; plus que patriarche, car il voit Celuy qu'ilz ont [74] creu, et plus qu'ange et plus qu'homme, car les Anges ne sont qu'espritz sans cors, et les hommes ont trop de cors et trop peu d'esprit: celuy ci a un cors et n'est qu'esprit..

  A015000929 

 J'ay un goust extreme a le regarder dans ce sombre, mais bienheureux desert qu'il parfume de toutes parts de devotion, et dans lequel il respand jour et nuit des soliloques et devis extatiques devant le grand objet de son cœur; cœur qui, se voyant seul a seul, jouit de la presence de son Amour, treuve en la solitude la multitude des douceurs eternelles, la ou il succe le miel celeste qu'il ira par apres bien tost distribuer dans les ames des Israëlites aupres du Jourdain..

  A015000930 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que voyla un admirable Saint! Il naist d'une sterile, il vit dans les desertz, il presche au cœur aride et pierreux, il meurt parmi les martyrs, et parmi toutes ces aspretés il a son cœur tout plein de grace et de benediction.

  A015000931 

 Le bon saint Jean les veuille benir avec leur chere Mere..

  A015000941 

 Helas! vous estes si souvent en moy, pourquoy suis-je si peu souvent en vous? Vous entres en moy, pourquoy suis-je tant hors de vous? Vous estes dans mes entrailles, pourquoy ne suis-je dans les vostres pour y fouiller et recueillir ce grand amour qui enivre les cœurs?.

  A015000954 

 Ce Pere, que j'honnorois des-ja bien fort pour les fruitz que j'avois veu de son esprit, m'a lié a son amour et respect d'un lien indissoluble quand j'ay conneu en luy un si grand assemblage d'erudition, d'entendement, de [78] vertu, de pieté, et, entre ses vertus, l'estime quil fait de la vostre et du bien de vostre conversation; car c'est une des maximes plus entieres de mon ame, que j'honnoreray quicomque vous honnorera et cheriray quicomque vous cherira..

  A015000975 

 C'est pourquoy je ne vous prie sinon de luy donner les advis convenables a sa conduite pour ce regard, et a moy ceux [de] ce quil pourra esperer, affin que la poursuite ou la retraitte se face a cette mesure-lâ..

  A015000987 

 Ce sera sur les neuf heures et demi, ma chere Fille et tres bonne Mere, a qui je donne mille fois le bon jour..

  A015001013 

 Toutefois, on pourroit bien le faire traitter dextrement, et par mesme moyen luy faire entendre qu'on ne l'invite qu'au seul exercice de charité et en lieu ou il n'y a rien a gaigner que les ames.

  A015001015 

 Ma tres chere Fille, vous faites tous-jours trop de consideration et d'examen pour connoistre d'où les secheresses vous arrivent.

  A015001015 

 Si elles arrivoyent de vos fautes, encor ne faudroit-il pas pour cela s'en inquieter, mais avec une tres simple et douce humilité les rejetter, et puis vous remettre entre les mains de Nostre Seigneur affin qu'il vous en fist porter la peyne, ou qu'il vous les pardonnast, selon [85] qu'il luy plairoit.

  A015001048 

 Or sus, que voules vous que je vous die, ma tres chere Fille, sur le retour de vos miseres, sinon qu'au retour de l'ennemy, il faut reprendre et les armes et le courage pour combattre plus fort que jamais.

  A015001049 

 Et bien que selon nostre goust et l'amour propre les suavités et tendretés nous soyent plus douces, les [89] secheresses neanmoins, selon le goust de Dieu et son amour, sont plus profitables, ainsy que les viandes seches sont meilleures aux hydropiques que les humides, bien qu'ilz ayment tous-jours plus les humides..

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001050 

 Pour vostre temporel, puisque vous vous estes essayee d'y mettre de l'ordre et que vous n'aves peu, il faut donq maintenant user de patience et de resignation, embrassant volontier la croix qui vous est arrivee en partage, et selon que les occasions se presentent, vous prattiqueres l'advis que je vous avois donné pour ce regard..

  A015001071 

 Si M lle de Chapot ou les autres vont la voir, encouragés-la fort a se lier a Nostre Seigneur; elle a besoin de courage, et pour le reste, c'est une bonne fille..

  A015001072 

 Nos filles qui veulent faire les vœux pourront bien faire un peu d'orayson preparatoire sur les vœux de Nostre Dame et de tant de filles et femmes assemblees qui les firent a Nostre Seigneur et qui les gardent avec tant de fidelité, qu'elles souffrent plus volontier pour le divin Maistre que de s'en despartir..

  A015001096 

 C'est la vraye verité, Monsieur, qu'encor que mes amis meurent, mon amitié ne meurt point, ains, s'il s'y fait quelque changement, c'est pour une nouvelle naissance qui la voit plus vive et vigoureuse entre leurs cendres, comme un certain phœnix mystique; car, bien que les personnes que j'ayme soyent mortelles, ce que j'ayme principalement en elles est immortel, et j'ay tous-jours estimé cet axiome fondamental pour la connoissance des vrayes amitiés, qu'Aristote, saint Hierosme et saint Augustin ont tant solemnisé: Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit..

  A015001097 

 Et donq, puisqu'il vous plaist, puisque vous le voules, je vous dis de toute mon affection: prenés la place, Monsieur, en cette communication, et mon cœur vous y regardera, vous y cherira, vous y envoyera ses pensees avec un amour qui ne violera point les loix de respect et un respect qui ne se separera jamais du devoir de l'amour.

  A015001098 

 Je vois en vostre livre deux choses: les traitz et la main de l'artisan d'un costé, et la matiere et sujet de l'autre.

  A015001098 

 Mais commençons donq par icy a parler comme il faut entre les amis parfaitz, et venons au troisiesme point, a ce que je vous dois respondre.

  A015001099 

 Je hais par inclination naturelle, par la condition de ma nourriture, par l'apprehension tiree de mes ordinaires considerations et, comme je pense, par l'inspiration celeste, toutes les contentions et disputes qui se font entre les Catholiques, desquelles la fin est inutile, et encor plus celles desquelles les effectz ne peuvent estre que dissensions et differens, mais sur tout en ce tems plein d'espritz disposés aux controverses, aux mesdisances, aux censures et a la ruyne de la charité..

  A015001100 

 En fin, quand les Rois et les Princes auront une mauvaise impression de leur Pere spirituel, comme s'il les vouloit surprendre et leur arracher leur authorité que Dieu, souverain Pere, Prince et Roy de tous, leur a donnee en partage, qu'en adviendra-il qu'une tres dangereuse aversion des cœurs? Et quand ilz croiront qu'il trahit son devoir, ne seront ilz pas grandement tentés d'oublier le leur?.

  A015001100 

 La pauvre mere poule qui, comme ses petitz poussins, nous tient dessous ses aisles, a bien asses de peyne de nous defendre du milan, sans que nous nous entrebecquetions les uns les autres et que nous luy donnions des entorses.

  A015001100 

 Non, je n'ay pas mesme treuvé a mon goust certains escritz d'un saint et tres excellent Prelat, esquelz il a touché du pouvoir indirect du Pape sur les Princes; [95] non que j'aye jugé si cela est ou s'il n'est point, mais parce qu'en cet aage ou nous avons tant d'ennemis dehors, je croy que nous ne devons rien esmouvoir au dedans du cors de l'Eglise.

  A015001113 

 Ouy, ma Fille, puisqu'il plaist ainsy a la divine Bonté, je suis inseparable de vostre ame et, pour parler avec le Saint Esprit, nous n'avons meshuy plus qu'un cœur et qu'une ame; car ce qui est dit de tous les Chrestiens de la naissante Eglise, se treuve, graces a Dieu, maintenant entre nous.

  A015001114 

 Je suis tous-jours attendant des nouvelles du succes de vostre voyage, que je me prometz avoir esté bon, mais non pas sans crainte pourtant, a cause de la foiblesse de vostre santé et l'excessive chaleur qui a regné quelques heures de ces jours passés; mais je veux croire qu'en ces heures-la vous aures sejourné, et aures employé les matinees et les soirs qu'il a tous-jours fait un peu de vent.

  A015001115 

 Dieu benira vostre bonne intention en ce voyage et en l'entreprise que vous aves faite de mettre en ordre les affaires de cette mayson-la pour vostre filz, et vous recompensera ou par une bonne issue, ou par une sainte humiliation et resignation.

  A015001115 

 Et il vous suffira que, tout a la bonne foy, vous vous soyés essayee de reüscir, puisque Nostre Seigneur et la rayson ne requierent pas de nous les effectz et evenemens, mais nostre fidelle et franche application, employte et diligence; car ceci depend de nous, mays non pas les succes.

  A015001115 

 Mon cœur fera cependant mille millions de bons desirs pour le vostre comme pour soy mesme, et ne cesseray point d'implorer les prieres de la tres sainte Vierge en ce lieu qui est tout consacré a son honneur..

  A015001117 

 Je la vis le jour de Nostre Dame; elle a tous-jours sa bonne mine et les marques de vertueuse fille.

  A015001119 

 Je saluë aussi monsieur de N. et madamoyselle N., mais tout a part, monsieur de N., pour le bonheur duquel je prie tous les jours, et monsieur de N., et en fin monsieur [de Thorens] mon cher frere, auquel je recommande le service de sa mere, sa santé et sa consolation..

  A015001129 

 Je seray tous-jours present a vostre chere ame comme vous mesme, et respandray soigneusement la benediction des Sacrifices divins sur vostre peyne, affin qu'elle vous soit douce et utile au saint amour, pour lequel mieux prattiquer vous estes allee terminer les occasions de vos distractions.

  A015001129 

 Ma chere Fille, tout ce qui se fait pour l'amour est amour; le travail, ouy mesme la mort n'est qu'amour, quand c'est pour l'amour que nous les recevons..

  A015001129 

 Ma tres chere Fille, appliqués le travail et tracas que vous y souffrires, a la gloire de la divine Majesté, pour l'amour de laquelle vous les subisses; traittés des affaires de la terre avec les yeux fichés au Ciel.

  A015001129 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si est-ce que je vous escris soigneusement a toutes les occasions.

  A015001129 

 Or sus, beni soit Dieu qui vous a fait arriver au lieu ou les affaires qu'il vous avoit laissees sur les bras vous ont appellee.

  A015001130 

 Et puisqu'en verité nous desirons, en verité nous parviendrons; car ce grand Amy de nostre cœur ne le remplit, ce me semble, de desirs que pour le combler d'amour, comme il ne charge les arbres de fleurs que pour les recharger de fruitz.

  A015001130 

 J'ay achevé ce bout de visite asses heureusement, et avec esperance de quelque fruit pour les ames.

  A015001130 

 Mays, pour ma sainteté, qui est ce que vous affectionnés le plus, je ne fay gueres de choses, sinon mille continuelz desirs et quelques prieres particulieres, affin qu'il plaise a Nostre Seigneur les rendre utiles [101] et fructueuses pour tout nostre cœur, et, presque ordinairement, je me treuve plein d'une douce confiance que sa divine Bonté nous exaucera.

  A015001132 

 Ma tres chere Fille, helas! que bienheureux sont ceux qui l'ayment et qui la portent! Elle sera plantee au Ciel quand Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les mortz, pour nous apprendre que le Ciel est l'autel des crucifiés.

  A015001142 

 C'est pourquoy j'asseure que ce malheur leur a osté une tres notable partie de leurs biens et, de miserables qu'ilz estoyent, les a rendus la misere mesme, sur laquelle, comme sur un dign'objet, la charité de Vostre Altesse exercera, comm'ilz esperent, son aumosne..

  A015001160 

 Je vous supplie donq, Monsieur, tres humblement, de m'en excuser vers eux pour cett'annee; et si, pour la suivante, les difficultés que vous sçaves se pouvoyent vaincre, je serois bien ayse de leur tesmoigner combien j'estime lhonneur de la semonce quilz me font faire par la personne du monde que j'honnore, respecte et cheris de toute l'estendue de mes forces, et a laquelle je suis sans reserve et sans fin, Monsieur,.

  A015001186 

 Mais vrayement, il faut estre bien brave a surmonter tous ces petitz chagrins et la melancholie qui les produit.

  A015001196 

 Et Dieu me donne les heureuses nouvelles que je souhaite aussi de vostre part, car jusques a present nous en jeunons encores.

  A015001198 

 Je suis a Bons et parmi les chams; soudain que ce devoir me le permettra, je seray a Neci, c'est a dire dans trois semaines..

  A015001215 

 Quel desplaysir viens-je de recevoir en la triste nouvelle du trespas de madame ma tante, qui m'aymoit si tendrement et cherement, et a laquelle j'avois si justement voué tant d'affection! J'irois moy mesme vous tesmoigner ce ressentiment, si je croyois, par ce moyen, de pouvoir alleger le vostre, ou que cet engagement auquel je suis parmi les assignations de ma visite le me permist; mais au moins, voyla mon frere qui va recevoir vos commandemens pour luy et pour moy, et vous asseurer que, comme j'ay honnoré de tout mon cœur la vie de cette chere defuncte, aussi cheriray-je a jamais son honnorable memoire autant qu'aucun de ses parens et serviteurs qu'elle ayt laissés en ce monde..

  A015001216 

 Prenons, je vous supplie, en gré cette petite attente qu'il nous faut faire ici bas, et au lieu de multiplier nos souspirs et nos larmes sur elle, faysons-les pour elle devant Nostre Seigneur, affin qu'il luy [109] plaise haster sa reception entre les bras de sa divine Bonté, si des-ja il ne luy a fait cette grace..

  A015001218 

 Je m'en vay a l'eglise, ou, par le saint Sacrifice, je commenceray les recommandations de cette chere et pretieuse ame, et celle que je dois a jamais continuer pour vous et tout ce qu'elle aymoit le plus.

  A015001231 

 J'attendray le retour du sieur Jacquier, pour les chappelles, et vous saluant mille et mille fois de tout mon cœur, je suis sans fin,.

  A015001249 

 L'on m'a adverti que vous vous accables de peyne, que vous ne vous devestes point plusieurs nuitz de suite, que vous ne manges comme point, que vous faites les services plus penibles de l'infirmerie et puis retournes promptement soustenir le chant du chœur.

  A015001250 

 Croyés le pauvre Pere: prenés du repos et du repas suffisamment; laissés amoureusement du travail aux autres et ne desirés pas d'emporter toutes les couronnes; le cher prochain sera tout ayse d'en avoir quelques unes.

  A015001261 

 Je dis presque, a cause de celuy qui dit: Cum his qui oderunt pacem eram pacificus; autrement, je pense que je ne l'eusse pas dit, car les chasseurs poussent par tout dans les buissons, et retournent souvent plus gastés que la beste qu'ilz ont cuidé gaster.

  A015001284 

 Et vous, mon cher Pere, en contreschange, implorés pour moy et sur moy le secours duquel, entre les vens et les orages, j'ay tant besoin sur ces eaux: Aquæ multæ, populi multi.

  A015001285 

 Et pour vous en donner quelque asseurance des maintenant, je vous dis que mon opinion seroit que vous retranchassies tant, qu'il vous seroit possible toutes les paroles methodiques, lesquelles, bien qu'il faille employer en enseignant, sont neanmoins superflues et, si je ne me trompe, importunes en escrivant..

  A015001289 

 Comme aussi de faire des prefaces pour continuer les [118] matieres: « Postquam egimus de Deo uno, congruum est ut nunc de Deo trino, sive de Trinitate, » etc. Cela est bon pour des gens qui vont sans methode, ou qui ont besoin de faire connoistre leur methode parce qu'elle est extraordinaire ou embarrassee.

  A015001291 

 En celle: « Utrum praedestinatio sit ex praevisis meritis, » soit que l'on tienne l'opinion des saintz Peres qui ont precedé saint Ambroyse, soit qu'on tienne celle de saint Augustin ou celle de saint Thomas ou celle des autres, on peut former les argumens en stile affectif, sans amplifier, ains en abbregeant; et au lieu de dire: « Secundum argumentum sit, » simplement mettre un chiffre, 2..

  A015001291 

 J'appreuverois qu'es endroitz ou commodement il se peut, vous fissies les argumens pour vos opinions en ce stile; comme en la question: « Utrum Mot carnem sumpsisset, Adamo non peccante? » Et en l'une et en l'autre opinion, on peut [119] reduire les opinions en stile affectif.

  A015001308 

 Ce que je ne dis pas pour ce bon chevalier qui vous souhaitte aupres de soy, car vrayement il a rayson de desirer le bien de vostre conversation, qui ne peut que luy estre fort aggreable; mays pour ceux qui en parlent par maniere de conscience et de scrupule, qui, a mon advis, ne sont pas bien fondés en cela, bien qu'en la lettre de monsieur N. je les voye fort doctes et de grand esprit.

  A015001309 

 Au demeurant, pendant vostre sejour, ces bonnes filles font au mieux qu'elles peuvent, affin qu'a vostre retour vous ne treuviés point de decadence en cette heureuse vie en laquelle Dieu les a mises sous vostre conduitte..

  A015001318 

 Je vous prie de faire tenir les presentes a M. de Blonay, et luy escrire que s'il luy plaist que sa fille vienne sans attendre le retour de madame de Chantal, elle sera la bienvenue.

  A015001319 

 Je vous prie de faire la commission que je vous laissay, et de dire a M. de Chastillon qu'il face, pour les reconnoissances, selon qu'il m'escrivoit.

  A015001332 

 Les ecclesiastiques et Catholiques de Gex me conjurant d'aller a leur ayde pour un affaire qui importe a la gloire de Dieu, je m'y en vay tout maintenant.

  A015001365 

 Faites hardiment comme vous m'escrivistes l'autre jour, touchant les reconnoissances.

  A015001381 

 Et pour la Bourgoigne, sous laquelle on comprend les païs eschangés, on commit le sieur de Mazuyer, vicomte d'Ambrieur, maistre des requestes, grand catholique et grand homme d'affaires, et le sieur de Vilarnos, beau-filz du sieur du Plessis Mornay, qui a la survivance de son beaupere au gouvernement de Saumeur, grand heretique, et au reste, gentilhomme de bonne sorte et bien qualifié..

  A015001381 

 Le sujet de mon voyage fut que les huguenotz ayant dressé des plaintes en leur assemblee de Saumeur sur l'inexecution de l'Edit de Nantes, le Roy de France, en son [127] Conseil, a deputé des commissaires en toutes les provinces pour rendre par tout ledit Edit executé.

  A015001382 

 L'un et l'autre estans arrivés a Gex, il fut proposé [128] de venir aux effectz de leur commission, et par consequent, de me remettre toutes les eglises et tous les biens ecclesiastiques possedés par les huguenotz, affin d'estre par moy pourveu en chasque lieu de pasteurs et services convenables.

  A015001383 

 Sur cela, estant adverti et conjuré par les Catholiques de me rendre en praesence pour un coup de si grande importance, j'y allay nuit et jour, et me treuvay asses tost pour une assemblee generale de tout ce païs-la, ou je refis a vive voix mes requisitions et m'essayay de respondre aux allegations des ministres, qui n'ont rien oublié de leur costé pour empescher le fruit de cette commission demandee imprudemment par leurs confreres, qui ne prirent pas garde que, si ailleurs l'execution de l'Edit leur estoit favorable, a Gex elle leur estoit extremement contraire.

  A015001400 

 Helas! que nous serons heureux si nous nous dedions bien entierement a ce saint service, soit en allant ou en demeurant, soit en faysant le bien ou en souffrant le mal; mays sur tout en souffrant, car le tesmoignage de nostre fidelité est bien plus grand en la souffrance qu'en l'action: dont les Martirs sont praeferés aux Confesseurs, et la Passion de nostre Sauveur a esté la grand'œuvre de nostre salut..

  A015001401 

 Mon Dieu, tres chere Fille, que mon cœur souhaite de bien au vostre entre les afflictions de vostre cors! Le tems des afflictions douleureuses [est] le vray tems de la moysson des vrayes affections [spirituelles.].

  A015001418 

 Courage, au nom de Nostre Seigneur, ma pauvre tres chere fille Peronne Marie! Remettons nous du tout en [133] vigueur pour servir de nouveau nostre divin Maistre en sainteté et justice tous les jours de nostre vie.

  A015001434 

 Je ne doute point, ma tres chere Fille, que vous ne soyes grandement exercee de diverses rencontres desplaysantes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidelité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contradictions et au tems des repugnances? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel; mais Celuy pour lequel nous avons resolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison.

  A015001435 

 J'ay esté certes marri quand j'ay sceu cette petite alteration survenue entre les deux chers cousins, pour ce morceau de pain laissé par la pauvre M me de N.: ainsy arrive-il entre les enfans des hommes.

  A015001456 

 Soudain apres disné, qui estoit le tems que j'avois reservé pour nostre cœur, mon bon cousin monsieur de Charmoysi m'est venu treuver jusques a troys heures, qui estoit le terme que j'avois promis d'aller parler en particulier avec les bonnes Dames de Sainte Claire, d'ou je viens maintenant..

  A015001457 

 C'est, de vray, un sevrement aux enfans de demeurer les jours entiers comme cela.

  A015001483 

 Laissons pour un peu la meditation (ce n'est que pour mieux sauter que nous reculons), et prattiquons bien cette sainte resignation et cet amour pur de Nostre Seigneur qui ne se prattique jamais si entierement qu'emmi les tourmens; car d'aymer Dieu dedans le sucre, les petitz enfans en feroyent bien autant, mais de l'aymer dedans l'absinthe, c'est la le coup de nostre amoureuse fidelité.

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001486 

 Mais, ce me dites vous, vous ne pouves gueres arrester vostre pensee sur les travaux que Nostre Seigneur a souffertz pour vous, tandis que les douleurs vous pressent.

  A015001487 

 Il faut donq les appliquer, avec telle resignation neanmoins, que si sa divine Majesté veut que le mal surmonte, vous y acquiescerés; s'il veut que le remede vainque, vous l'en benirés..

  A015001488 

 Il n'y a point de danger, en faysant les exercices spirituelz, d'estre assise.

  A015001501 

 Playse a ce divin Poupon de tremper nos cœurs dans son sang et les parfumer de son saint nom, affin que les roses des bons desirs que nous avons conceus soyent toutes pourprees de sa teinture et toutes odorantes de son unguent.

  A015001523 

 J'eusse pourtant bien desiré d'avoir une copie d'une histoire de si grande pieté et d'un Saint auquel, pour tant de raysons, je suis et dois estre affectionné; car c'est la verité que je n'ay pas la memoyre ferme pour les particularités de ce que je lis, ains seulement en commun.

  A015001536 

 Que si je sçavois que mes lettres eussent quelques secrettes vertus pour vous donner un bon portement, ainsy que vostre affection vous le fait estimer, croyés, Monsieur, que j'en escrirois jour et nuit, et ne vous escrirois point d'autre encre que celuy de mon sang, pour marquer des caracteres si aymables et pretieux [desquels] les effectz me seroyent si chers et desirables..

  A015001537 

 Si cela, comme je n'en doute point, a la force d'attirer les benedictions divines de son sein paternel, je veux esperer qu'il vous en comblera..

  A015001538 

 M. de Granyer est allé, comme je pense, en Languedoc, sans passer icy ou nous l'attendions, plus pour [148] apprendre les particularités des graces et traitz de vostre faveur, que pour autres raysons, bien que je sçai qu'elles sont grandes..

  A015001547 

 Or, la tablette de la sainte Communion est cela mesme qui a esté mis en tablette, affin que nous la puissions mieux prendre; bien que ce soit la tres divine et tres grande table que les Cherubins et Seraphins adorent et de laquelle ilz mangent par contemplation reelle, comme nous la mangeons par reelle Communion.

  A015001547 

 Ouy, ma chere Fille, car nostre Sauveur a pris nostre vraye chair, qui est en somme poudre; mais en luy, elle est si excellente, si pure, si sainte, que les cieux et le soleil ne sont que poussiere au prix de cette poudre sacree.

  A015001548 

 C'est une grande joye au cœur que vous aves icy, de s'imaginer ce grand Saint entre ses hermites, tirer du fond de son esprit des sentences graves et sacrees, et les prononcer avec une veneration incomparable comme des oracles du Ciel; mais entr'autres, il me semble qu'il die a nostre ame ce qu'il disoit parmi ses disciples, pris de l'Evangile: Ne soyés en souci de vostre ame, ou pour vostre ame.

  A015001548 

 Le grand saint Anthoine, duquel les intercessions ont une extraordinaire influence [sur] cette journee, vous fera, par la bonté de Dieu, lever demain toute brave.

  A015001557 

 Mays avec cela, ma chere Seur, il ne se faut pas former des craintes inutiles; il suffira bien de recevoir les maux qui de tems en tems nous arrivent, sans les prevenir par l'imagination..

  A015001559 

 J'escriray a vostre seur qu'elle vous face faire les services comme les autres, car cela est bon..

  A015001560 

 Quand les pensees nous arrivent du mal d'autruy et que nous ne les rejettons pas promptement, ains nous y amusons quelque peu, pourveu que nous ne facions pas un jugement entier, disant en nous mesmes: Il est vrayement ainsy, ce n'est pas peché mortel; quand bien nous dirions absolument: Il est ainsy, pourveu que ce ne fust pas en chose d'importance; car, quand ce dequoy [152] nous jugeons nostre prochain n'est pas chose griefve, ou que nous ne jugeons pas absolument, ce n'est que peché veniel.

  A015001562 

 Ainsy l'en supplie-je, par le merite de sa Passion et les intercessions de sa Mere et de sainte Françoise..

  A015001562 

 Ma tres chere Seur, il ne faut point perdre courage; encor que vous ne prattiquiés pas si fidellement les resolutions que vous faites, vous deves fortifier vostre cœur pour en venir a l'execution.

  A015001576 

 J'ay receu toutes les lettres que vous me marques par celle quil vous pleut m'addresser par les mains de monsieur de Marillac, et m'estonne comm'il est arrivé que vous n'ayes pas eu mes responses que j'ay quelquefois dupliquees, de peur de manquer au devoir que je vous ay et pour l'extreme contentement que je prens en la prattique de vostre sainte amitié.

  A015001582 

 Monsieur, j'ay voirement receu les deux livretz qui me furent renduz par monsieur de Sauzea, et pleut a Dieu que vostre commodité fut de m'en envoyer encor deux autres, car je les employerois utilement..

  A015001596 

 Si vous m'aves souhaité par dela, j'ay bien correspondu de mon costé, estimant que un voyage seroit grandement utile, non aux autres, mays a moy qui, par la conference que j'aurois avec tant de gens de bien, rafraichirois les resolutions et l'esprit qui m'est necessaire en ma vocation..

  A015001612 

 Ce matin, m'estant esveillé un peu a bonn'heure, j'ay pensé que peut estre il seroit a propos demain, qu'avant que de venir a la sainte Messe, vous fissies appeller toutes nos filles vers vous, et puis que vous fissies venir les deux qui doivent estre receües, et qu'en presence des autres, vous leur dissies trois ou quatre paroles en ce sens:.

  A015001615 

 Vous vous tromperies bien si vous pensies estre venues pour avoir plus grand repos qu'au monde, car au contraire, nous ne [159] sommes icy assemblees que pour travailler diligemment a desraciner nos mauvaises inclinations, corriger nos defautz, acquerir les vertus; mays bienheureux est le travail qui nous donnera le repos eternel.

  A015001631 

 Je pense qu'il vous faut caresser la seur de nostre Seur N., car en fin la douce charité est la vertu qui respand le bon odeur edificatif, et les personnes moins eslevees la reçoivent avec plus de prouffit.

  A015001661 

 Ainsy, o mon doux Maistre, je vous demande, sinon vostre digne Cors, au moins les benedictions qu'il respand sur ceux qui en approchent par amour.

  A015001661 

 Demeurés pour un peu en la posture de la Chananee: Ouy, Seigneur, je ne suis pas digne de manger le pain des enfans; je suis vrayement une chienne qui rechigne et mords le prochain sans propos, par mes paroles d'impatience; mais si les chiens ne mangent le pain entier, au moins [ont-ilz] les miettes de la table de leurs maistres.

  A015001662 

 Les sentimens de l'orayson sont bons, mais il ne faut pas pourtant s'y complaire tellement, qu'on ne s'employe diligemment aux vertus et mortification des passions..

  A015001674 

 Ce petit peuple catholique et moy le presentons en toute humilité a Vostre Majesté comme un cahier animé, contenant les moyens plus convenables pour la reduction de ceux de la religion pretendue et pour l'accroissement de la foy catholique au bailliage de Gex; affin que, si tel est le bon playsir [166] de Vostre Majesté, dont je la supplie tres humblement, elle en sçache par luy toutes les particularités plus clairement..

  A015001708 

 Pourquoy vous dis-je cecy, mon cher Amy, sinon pour vous encourager a bien prendre garde que les loups voysins ne se jettent parmi vos brebis, ou, pour dire plus paternellement selon les sentimens de mon ame, sur ces pauvres Genevois.

  A015001723 

 Il faut que je vous advoue, mon cher Pere, selon les loix de nostre inviolable, paternelle, fraternelle et filiale dilection, que la conduitte de Dieu sur tous ses desseins me tient en admiration, mays avec certaine esperance intime qu'il mene sur le bord de la mort pour vivifier; je dis plus, qu'il tue pour resusciter.

  A015001733 

 Mais quand sera-ce donq que j'auray ce contentement de vous revoir, ma tres chere Seur? car je me voy presqu'a la veille de mon despart pour Chamberi; et [171] apres Pasques, on ne quitte pas volontier les chaires.

  A015001734 

 Que vous veut cependant dire ce petit mot de nos nouvelles? La Reyne de France m'escrit qu'elle nous rendra toutes nos eglises et tous nos benefices de Gex occupés par les ministres; dont je prevoy que cet esté je seray grandement occupé a servir a cette besoigne, mays occupation aggreable et pretieuse.

  A015001764 

 Ainsi Dieu est plus exalté dans ses Saints, les peuples mettent plus d'empressement à celébrer leurs louanges et l'Eglise plus de magnificence à publier leur gloire.

  A015001764 

 Enfin, nous trouvons une exhortation bien plus vivement efficace dans les exemples, lorsque la sainteté des personnes ne peut plus être mise en doute..

  A015001765 

 Aussi, puisqu' il n'y a plus de saint en ce monde, il faut, d'entre les justes qui ont été rachetés de la terre, évoquer le souvenir et ramener au milieu de nous la pensée de ceux dont la vie a jeté le plus d'éclat par le rayonnement de la sainteté.

  A015001765 

 Or, Très Saint Père, ce qui a toujours été, « et en tous lieux, juste et louable, » doit paraître non seulement utile, mais presque nécessaire en notre temps où la charité, à cause du débordement de l'iniquité, s'est refroidie chez plusieurs et à peu près chez toutes les âmes.

  A015001767 

 Cette grâce est exigée pour faire suite aux beaux actes de Votre Sainteté; car si naguère, d'entre les princes de l'Eglise, Elle a canonisé le bienheureux Charles, Elle doit lui joindre un prince séculier, afin que, dans l'un et l'autre rang, il y ait un modèle à imiter.

  A015001767 

 Cette requête vous est adressée par la famille des sérénissimes ducs de Savoie, dont la constance dans la foi et les glorieux exploits de [176] vaillance ont jadis et jusqu'à ce jour apporté à l'Eglise une grande consolation.

  A015001767 

 Enfin, c'est ce que demandent les mérites et les miracles du bienheureux Amédée lui-même, très grands et très illustres en qualité et en nombre..

  A015001768 

 Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui.

  A015001769 

 Ce sont les vœux de celui qui désire de toutes ses forces que Votre Sainteté soit longtemps et heureusement, et pour leur bien, à la tête de tous les chrétiens..

  A015001798 

 Elle vous tesmoignera seulement que j'ay un extreme sentiment du bonheur que vous m'aves departi, m'advoüant pour vostre filz, me voyant tous les jours arriver des nouveaux ruysseaux de faveur qui descoulent de cette vive fontaine.

  A015001799 

 En un mot, Madame ma Mere, je n'oublie jamais a l'autel les recommandations que vous me commandastes d'y fere, car je suis fidellement et sans reserve,.

  A015001802 

 Mon Dieu, que j'ay de contentement de voir en cette chere seur qui est icy, non seulement l'air de vostre visage, mais, ce qui est le plus beau, les traitz de vostre esprit et de vos affections.

  A015001833 

 Par des avis particuliers reçus de Paris et de Dijon et par des [183] opuscules imprimés dans ces deux villes, on voit clairement que la discussion touchant l'autorité du Très Saint Père sur les rois s'étend de plus en plus; de même en est-il de celle qui a pour objet de comparer les Conciles avec les Souverains Pontifes.

  A015001834 

 Faire discuter la question par d'habiles théologiens, ne paraît pas être le bon remède, car plus les débats seront brûlants, plus aussi les esprits s'échaufferont et la discorde ne fera qu'augmenter.

  A015001834 

 Il faut ajouter que les raisons des adversaires flattent l'oreille des grands, non pour leur justesse, mais parce qu'elles favorisent leurs vues; il ne manquera pas non plus de théologiens qui, pour diverses considérations, embrasseront le parti de la division..

  A015001835 

 Inutiles pour les catholiques, ces divisions sont encore funestes aux hérétiques; elles détournent et retardent leur conversion, et de plus, leur fournissent la matière d'un triomphe..

  A015001835 

 Se plaindre d'abord de ce que, tandis qu'aucun différend ne s'est élevé entre Sa Béatitude et le roi, tandis que le Pape a [185] témoigné en toute occasion un cœur vraiment paternel, très affectionné et très sympathique au bien et à l'affermissement de la prospérité de cet Etat, on voit maintenant surgir certains esprits piquants, inquiets et ennemis de la sainte union qui existe entre Sa Sainteté et Sa Majesté; ils viennent impudemment mettre en doute l'affection du Saint-Père pour cette couronne, soulèvent ces disputes oisives et inopportunes, et engendrent par ce moyen dans les esprits malades et faibles, une sorte de défiance pour l'attachement sincère de Sa Béatitude à l'égard du roi et du royaume.

  A015001836 

 Il eût été préférable aussi de ne pas en venir aux hypothèses, mais d'inculquer fortement les thèses où les hypothèses sont renfermées implicitement.

  A015001839 

 Aussi faudrait-il que maintenant en France, tous les prédicateurs prissent à tâche d'inculquer suavement, et non violemment, l'unité de l'Eglise et le dévouement des catholiques pour le Pasteur suprême, sans entrer dans la discussion de son autorité particulière sur les princes.

  A015001839 

 Pourvu que les thèses soient bien établies, la meilleure réponse qui se puisse faire aux importunités de ces esprits turbulents, est de ne pas les juger dignes de réponse.

  A015001840 

 Au lieu de répondre à leurs propositions, il vaudrait donc mieux attaquer leurs intentions, afin de les rendre odieux eux-mêmes, comme perturbateurs de la paix; et parmi de tels discours, insinuer doucement ces deux points: l'unité ecclésiastique et chrétienne, et l'amour ou le dévouement pour le Saint-Siège, lien de cette union et communion ecclésiastique..

  A015001840 

 Quant à ceux qui parlent en mauvaise part de l'autorité pontificale, on ne devrait pas leur répondre directement, mais indirectement; se plaindre de ce qu'ils font cela sans nécessité et avec la maligne intention de rendre odieux le Saint-Siège, lequel néanmoins n'a pour ce royaume que les sentiments d'une mère très douce et très aimante.

  A015001841 

 Ce qui pourrait aussi faciliter le succès, serait de recommander l'affaire aux Provinciaux et aux Généraux d'Ordres, d'adresser des Brefs pleins de bienveillance aux Universités, en particulier à la Sorbonne, et aussi aux Prélats, témoignant en tous avec quelle affection paternelle Sa Sainteté souhaite la conservation de ce royaume, et combien elle désire que tous dressent les peuples à la vraie et sincère obéissance et soumission que les sujets doivent à cette couronne..

  A015001841 

 Ceci est très vrai, car si en France, les Prélats, la Sorbonne et les Religieux étaient bien unis, c'en serait [188] fait de l'hérésie en dix ans.

  A015001841 

 Cette union n'est pas si difficile à ménager, pourvu qu'on en fasse bien saisir l'importance à la reine, qu'on ait des hommes capables d'aider adroitement M gr le Nonce et de se familiariser les uns avec les autres.

  A015001841 

 Il serait bon aussi de ménager, par l'entremise de Prélats dévoués et prudents, l'union et la bonne intelligence entre la Sorbonne et les Pères Jésuites, afin que, réunissant deux bœufs sous un même joug, on pût travailler dans le champ sacré d'une manière plus efficace.

  A015001842 

 Mais avant d'en arriver là, on devrait d'abord en avoir traité avec la reine et le Conseil; il serait aussi très utile que Sa Sainteté en conférât à Rome avec l'ambassadeur et les Cardinaux [189] français, témoignant un ardent désir de voir finir ces scandaleuses discussions..

  A015001844 

 J'ai écrit tout ceci pour agréer à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, dont je baise les mains, priant Dieu notre Seigneur d'accorder à votre zèle sincère pour le service de l'Eglise, la récompense qui lui est due sur la terre et au Ciel..

  A015001856 

 Difficile, non pas certes en elle mesme, car au contraire, elle est fort aysee a rencontrer aux espritz qui la cherchent par le chemin de la charité; mays difficile, parce qu'en cet aage qui redonde en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses, il est malaysé de dire chose qui n'offence ceux qui, faysant les bons valetz, soit du Pape, soit des Princes, ne veulent que jamais on s'arreste hors des extremités, ne regardant pas qu'on ne sçauroit faire pis pour un pere que de luy oster l'amour de ses enfans, ni pour les enfans que de leur oster le respect qu'ilz doivent a leur pere..

  A015001857 

 Il les ayme tous tendrement, il souhaitte la fermeté et stabilité de leurs couronnes, il vit doucement et amiablement avec eux, il ne fait presque rien dans leurs Estatz, non pas mesme en ce qui regarde les choses purement ecclesiastiques, qu'avec leur aggreement et volonté.

  A015001857 

 Qu'est-il donq besoin de s'empresser maintenant a l'examen de son authorité sur les choses temporelles, et par ce moyen ouvrir la porte a la dissension et discorde?.

  A015001858 

 Certes, icy je suis dans l'Estat d'un Prince qui a tous-jours fait tres particuliere profession d'honnorer et reverer le Saint Siege apostolique; et neanmoins, nous n'oyons nullement parler que le Pape se mesle, ni en gros ni en detail, de l'administration temporelle des choses du païs, ni qu'il interpose ou pretende aucune authorité temporelle sur le Prince, ni sur les officiers, ni sur les sujetz en façon quelconque: nous nous donnons plein et entier repos de ce costé la et n'avons aucun sujet d'inquietude.

  A015001859 

 Je vous le dis sincerement, ma tres chere Fille: j'ay une douleur extreme au cœur de sçavoir que cette dispute de l'authorité du Pape soit le jouet et sujet de la parlerie parmi tant de gens qui, peu capables de la resolution qu'on y doit prendre, en lieu de l'esclarcir la troublent, [192] et en lieu de la decider la deschirent, et, ce qui est le pis, en la troublant, troublent la paix de plusieurs ames, et en la deschirant, deschirent la tres sainte unanimité des Catholiques, les divertissans d'autant de penser a la conversion des heretiques..

  A015001860 

 Or, je vous ay dit tout cecy pour conclure que, quant a vous, vous ne deves en façon quelconque laisser courir vostre esprit apres tous ces vains discours qui se font indifferemment sur cette authorité, ains laisser toute cette impertinente curiosité aux espritz qui s'en veulent repaistre, comme les cameleons du vent.

  A015001861 

 Et d'autant que les Chrestiens, Princes et autres ne sont pas alliés au Pape et a l'Eglise d'une simple alliance, mays d'une alliance la plus puissante en obligation, la plus excellente en dignité qui puisse estre; comme le Pape et les autres Prelatz de l'Eglise sont obligés de donner leur vie et subir la mort pour donner la nourriture et pasture spirituelle aux Rois et aux royaumes chrestiens, aussi les Rois et les royaumes sont tenus et redevables reciproquement de maintenir, au peril de leurs vies et Estatz, le Pape et l'Eglise, leur [193] Pasteur et Pere spirituel.

  A015001861 

 Grande, mais reciproque obligation entre le Pape et les Rois; obligation invariable, obligation qui s'estend jusques a la mort inclusivement, et obligation naturelle, divine et humaine, par laquelle le Pape et l'Eglise doivent leurs forces spirituelles aux Rois et aux royaumes, et les Rois, leurs forces temporelles au Pape et a l'Eglise.

  A015001861 

 Le Pape est le souverain Pasteur et Pere spirituel des Chrestiens, parce qu'il est le supreme Vicaire de Jesus Christ en terre; partant, il a l'ordinaire souveraine authorité spirituelle sur tous les Chrestiens, Empereurs, Rois, Princes et autres, qui, en cette qualité, luy doivent non seulement amour, honneur, reverence et respect, mais aussi ayde, secours et assistance envers tous et contre tous ceux qui l'offencent, ou l'Eglise, en cette authorité spirituelle et en l'administration d'icelle.

  A015001861 

 Le Pape et l'Eglise sont aux Rois pour les nourrir, conserver et defendre envers tous et contre tous spirituellement; les Rois et les royaumes sont a l'Eglise et au Pape pour les nourrir, conserver et defendre envers tous et contre tous temporellement: car les peres sont aux enfans et les enfans aux peres..

  A015001861 

 Si que, comme par droit naturel, divin et humain, chacun peut employer ses forces et celles de ses alliés pour sa juste defense, contre l'inique et injuste aggresseur et offenseur, aussi l'Eglise ou le Pape (car c'est tout un) peut employer ses forces et celles de l'Eglise et celles des Princes chrestiens, ses enfans spirituelz, pour la juste defense et conservation des droitz de l'Eglise contre tous ceux qui les voudroyent violer et destruire.

  A015001862 

 L'authorité de l'un n'est point contraire a l'autre, ains elles s'entreportent l'une l'autre; car le Pape et l'Eglise excommunient et tiennent pour heretiques ceux qui nient l'authorité souveraine des Rois et Princes, et les Rois frappent de leur espee ceux qui nient l'authorité du Pape et de l'Eglise, ou s'ilz ne les frappent pas, c'est en attendant qu'ilz s'amendent et humilient..

  A015001862 

 Les Rois et tous les Princes souverains ont pourtant une souveraineté temporelle en laquelle le Pape ni l'Eglise ne pretendent rien, ni ne leur en demandent aucune sorte de reconnoissance temporelle; en sorte que, pour abbreger, le Pape est tres souverain Pasteur et Pere spirituel, le Roy est tres souverain prince et seigneur temporel.

  A015001885 

 Et par ce qu'en divers voyages qu'il a fait par deça je n'ay jamais reconneu en luy qu'un esprit franc, candide et vrayement chrestien, et que d'ailleurs plusieurs bons Religieux et gens de bien de cette ville m'ont conjuré de le secourir de ma tres humble intercession aupres de Vostre Altesse Serenissime, je la supplie en toute reverence qu'il luy playse accorder laditte delivrance, tant en consideration de l'innocence du pauvre prisonnier, que les Peres Capucins attestent n'avoir aucunement cooperé a la sortie du P. Bonaventure, seul sujet apparent de son emprisonnement, qu'en faveur de ce saint tems de Caresme, auquel le divin Aigneau d'innocence a si honteusement delivré nos ames coulpables de la perdition.

  A015001885 

 Vostre Altesse fera sans doute une justice charitable en cela, pour laquelle Dieu accroistra les recompenses qu'il luy a preparees..

  A015001902 

 Vous les aves pourtant et en fort bon estat, mais vous n'en jouisses pas, ains estes comme un enfant qui a un tuteur qui le prive du maniement de tous ses biens, en sorte que, tout estant vrayement a luy, neanmoins il ne manie et ne semble posseder ni avoir rien [197] que sa vie, et, comme dit saint Paul, estant maistre de tout, il n'est point different du serviteur en cela; car ainsy, ma tres chere Fille, Dieu ne veut pas que vous ayés le maniement de vostre foy, de vostre esperance et de vostre charité, ni que vous en jouissiés, sinon justement pour vivre et pour vous en servir es occasions de la pure necessité..

  A015001903 

 Helas! Seigneur, si tel est vostre bon playsir que je n'aye nul playsir de la prattique des vertus que vostre grace m'a conferees, j'acquiesce de toute ma volonté, quoy que contre les sentimens de ma volonté..

  A015001906 

 Je dis bien parmi ces tenebres, car je vous laisse a penser: Nostre Dame et saint Jean [198] estans au pied de la Croix, emmi les admirables et espouvantables tenebres qui se firent, ilz n'oyoyent plus Nostre Seigneur, ilz ne le voyoyent plus et n'avoyent nul sentiment que d'amertume et de detresse, et bien qu'ilz eussent la foy, elle estoit aussi en tenebres, car il failloit qu'ilz participassent a la dereliction du Sauveur.

  A015001907 

 Vive sa divine Bonté! J'ay une ardeur incomparable pour l'avancement de nostre cœur, pour lequel je resigne tous mes autres contentemens entre les mains de sa souveraine et paternelle providence..

  A015001918 

 C'est, Monseigneur, qu'il vous playse luy continuer lhonneur de vostre bienveuillance encor apres son trespas, comm'a un serviteur fidele et ancien de Vostre Altesse, qui, en la vie et en la mort, n'avoit rien eü de plus entier en son ame que la tres humble obeissance qu'il devoit a vostre couronne; et que, ne pouvant plus exercer cette sienn'affection en ce monde, il avoit fait choix du filz aysné du sieur de Chenex pour le nommer son heritier, affin qu'avec ce peu de biens qu'il luy laisse, il puisse estre eslevé et nourri en la vertu et en la puissante inclination du service de Vostre Altesse, a laquelle, outre son originaire devoir, le nom et les armes de Lambert, qu'il luy ordonne de porter, le rendront absolument hipothequé et consacré.

  A015001919 

 Et tandis, continuant [200] les vœux que je doys et fay pour la prosperité de Vostre Altesse, je demeure, Monseigneur,.

  A015001950 

 Il m'escrit reciproquement qu'il est tout plein de consolation de voir que la terre qu'il cultive reçoit si utilement la graine sacree de la divine parole, et treuve que la promesse que je luy en avois faite est surmontee par les effectz.

  A015001952 

 Les deux freres que vous aymes vous honnorent et cherissent affectionnement, et parlent fort souvent de vous en ce sens et avec ce goust, mays celuy ci particulierement qui, vous saluant de tout son cœur, et madame ma chere bonne seur, est invariablement,.

  A015001966 

 Seroit-il bien possible que mon esprit oubliast jamais les chers enfans de ses entrailles? Non, mes tres cheres Filles, ma chere joye et ma couronne, vous le sçavés bien, je m'en asseure; et vos cœurs vous auront bien respondu pouf moy que si je ne vous ay pas escrit jusques a present, ce n'est sinon parce que, escrivant a nostre tres unique et bonne Mere, je sçavois bien que je ne vous escrivois pas moins qu'a elle, par cette douce et salutaire union que vos ames ont avec la sienne; et encor, parce que le saint amour que nous nous portons reciproquement, est escrit, ce me semble, en si grosses lettres dans nos cœurs, qu'on y peut bien lire presque nos pensees de Neci jusques icy..

  A015001968 

 Mon Dieu, mes cheres Filles, que je treuve bien plus [205] heureuses les abeilles, qui ne sortent de leur ruche que pour la cueillette du miel, et ne sont associees que pour le composer, et n'ont point d'empressement que pour cela, et dont l'empressement est ordonné, et qui ne font dans leurs maysons et monasteres sinon le mesnage odorant du miel et de la cire! Qu'elles sont bien plus heureuses que ces guespes et mouches libertines, qui, courans si vaguement et plus volontier aux choses immondes qu'aux honnestes, semblent ne vivre que pour importuner le reste des animaux et leur donner de la peyne, en se donnant a elles mesmes une perpetuelle inquietude et inutile empressement.

  A015001969 

 Et ces ames amoureuses du Sauveur, qui le suivent en nostre Evangile jusques sur le haut du desert, y font un plus delicieux festin sur l'herbe et les fleurs, que ne firent jamais ceux qui jouissoyent de l'appareil somptueux d'Assuerus, ou l'abondance estouffoit la jouissance parce que c'estoit une abondance des viandes et des hommes..

  A015001970 

 Quand l'air vous sera nubileux, entre les secheresses et aridités, travaillés au dedans de vostre cœur par la prattique de la sainte humilité et abjection; quand il sera beau, clair et serein, allés, faites vos spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion et de Thabor, et, de la montaigne deserte ou Nostre Seigneur repaist sa chere trouppe aujourd'huy, volés jusques au sommet de la montaigne eternelle du Ciel et voyés les immortelles delices qui y sont preparees pour vos cœurs..

  A015001972 

 La dilection du Pere, du Filz et du Saint Esprit soit a jamais au milieu de vos cœurs, et que les mammelles de Nostre Dame soyent pour tous-jours nostre refuge.

  A015002025 

 Je vous donne le bonjour, et peut estre iray-je vous donner le bon soir en personne, cependant, si je puis; et mesme par ce que M me l'Ancienne est venue, laquelle, [210] on m'asseure, ira vers vous avec intention d'avoir plus de commodité de me parler; bien que je voye qu'ell'en aura peu ou que ce soit, a rayson de nostre Sinode, duquel les abors commencent demain..

  A015002080 

 Helas, quelle sorte d'amitié de s'entreporter les uns les autres du costé de l'enfer! Il faut prier Dieu qu'il leur fasse voir sa sainte lumiere et avoir grande compassion d'eux.

  A015002080 

 Je les voy, certes, avec un cœur plein de pitié, quand je considere qu'ilz sçavent que Dieu merite d'estre preferé, et n'ont pas neanmoins le courage de le preferer quand il en est tems, crainte des paroles des mal advisés..

  A015002082 

 Or sus, demeurés en paix; jettés vostre cœur et vos souhaitz entre les bras de la Providence celeste, et que la benediction divine soit a jamais entre vous.

  A015002105 

 Je suys conjuré de la part de messieurs les doyen et Comtes de Saint Jean de Lion, de leur accorder mes prædications pour le Caresme prochain.

  A015002105 

 La qualité de [217] cett'eglise-lâ, qui est si honnorable entre toutes celles de France, le voysinage et perpetuel commerce de ceux de ces pais ci avec les Lionnois, lhonneur que ces seigneurs m'ont fait de m'envoyer expres monsieur le Comte de Saconay, originaire sujet et vassal de Vostre Altesse et lequel tient un rang fort principal entr'eux, me convie a ne point refuser en une si affectionnee et digne recherche.

  A015002142 

 Ah Dieu! ma chere Fille, les nostres y seront-ilz pas? Si seront, sans doute; car bien que nostre cœur n'a pas l'amour, il a neanmoins le desir de l'amour et le commencement de l'amour.

  A015002142 

 Mon Dieu, ma Fille, que ce Ciel est beau, maintenant que le Sauveur y sert de soleil et la poitrine d'iceluy, d'une source d'amour de laquelle les Bienheureux boivent a souhait! Chacun se va regarder la dedans et y void son nom escrit d'un caractere d'amour, que le seul amour peut lire et que le seul amour a gravé.

  A015002143 

 Je voyois ce matin tous les contentemens celestes estre un vray rien aupres de ce regnant amour.

  A015002143 

 Mon Dieu, ma chere Mere, que j'admire la contrarieté qui est en moy, d'avoir des sentimens si purs et des actions si impures! car vrayement il m'est advis que le Paradis seroit emmi toutes les peynes d'enfer si l'amour de Dieu y pouvoit estre, et si le feu d'enfer estoit un feu d'amour, il me semble que ces tourmens seroyent desirables.

  A015002144 

 Jamais la terre ne vit le jour de l'eternité sur son rond jusques a cette sainte feste, que Nostre Seigneur, glorifiant son cors, donna, comme je pense, envie aux Anges d'avoir de pareilz cors, a la beauté desquelz les cieux et le soleil ne sont pas comparables.

  A015002165 

 Dans ce but, il tâcha par tous les moyens d'effacer le souvenir de leur nom, de profaner leurs reliques, de tourner en ridicule leurs intercessions, de blasphémer contre leurs mérites et les honneurs qui leur sont dus..

  A015002166 

 C'est pourquoi, par une sorte de réaction, les populations catholiques du reste de ce diocèse s'appliquent avec une ferveur spéciale à honorer et à invoquer les Saints.

  A015002166 

 Parmi ceux-ci, le bienheureux Amédée, troisième duc [de Savoie,] fut de la part de nos ancêtres l'objet d'une très grande dévotion: c'est ce qu'attestent ses images, vénérées en plusieurs lieux dans les églises avec les attributs de la sainteté.

  A015002167 

 Aussi, voyant avec quelle ardeur cet évènement est désiré dans tous les Etats du sérénissime duc de Savoie, et particulièrement par les Révérendissimes Archevêque de Turin et Evêque de Verceil, je viens à mon tour supplier de toutes les forces de mon âme le Saint-Siège Apostolique, afin qu'il daigne accorder cette faveur à tous les peuples environnants.

  A015002167 

 Elle causera aux ennemis des Saints une grande confusion, consolera grandement les âmes dévotes, éveillera dans les princes le désir d'imitation, enfin elle sera un sujet d'allégresse et de bénédiction pour toute l'Eglise, mais surtout pour ce diocèse désolé où naquit et fut élevé ce grand Prince qui, ainsi que son nom même l'atteste, fut tant aimé de Dieu et l'aima si ardemment..

  A015002167 

 Or, comme d'ordinaire Sa Béatitude ne fait rien en de telles occasions sans l'avis et l'assentiment de la Sacrée Congrégation de Vos Seigneuries Illustrissimes et Révérendissimes, [225] je les supplie également de vouloir bien servir et favoriser une œuvre de si haute piété.

  A015002168 

 Dans ces pays, en effet, les hérétiques ont un grand mépris pour les Saints; il est donc fort à propos de mettre devant leurs yeux cette lampe qui brilla jadis parmi leurs ancêtres: ils y verront une vie d'une piété admirable et des miracles d'une merveilleuse évidence..

  A015002181 

 Presque toutes nos chaires sont occupees par les RR. Peres Capucins, qui ont huit Maysons, la plus part nouvellement fondees; et si, je vous puys dire que, excepté celle de cette ville, je n'oserois en presenter une [228] a quelque predicateur qui, pour y venir, eut besoin de faire une journee..

  A015002186 

 Revu sur l'Autographe appartenant à M. Léon Clugnet, à Fresnes-les-Rungis (Seine)..

  A015002213 

 Ayant ensuite quitté Genève pour se retirer sur les terres de ce diocèse qui dépendent de la France, il prit, dans une famille très honorable, une femme également hérétique.

  A015002215 

 Dans cet espoir, je baise les mains sacrées de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, et souhaite que Dieu notre Seigneur lui donne tout vrai contentement..

  A015002231 

 Nos messieurs les examinateurs ont estimé que nous devions donner courage a M. de Marteret, puisqu'il a rendu un grand tesmoignage de vouloir dores-en-avant faire merveilles et quil est parti avec vostre licence, ainsy que vous tesmoignes par vostre lettre, me le renvoyant quant au dimissoire..

  A015002260 

 Mays, ma Fille, ayons patience; bien tost nos jours finiront, et nous passerons avec les autres, desquelz alhors nous treuverons la separation fort courte..

  A015002261 

 Mays une si bonne conscience est tous-jours asses preste, et ny a rien a craindre pour ceux qui craignent Dieu: tous les momens leur sont heureux.

  A015002267 

 M me de Chantal n'ayant nul loysir, vous bayse les mains de tout son cœur et n'oubliera pas de rendre le devoir a M me la chere defuncte..

  A015002299 

 Je garderay pretieusement les traductions qu'il vous a pleu m'envoyer, non seulement par ce que ce genre d'escritz m'est fort aggreable, mais par ce que ce me sera un tiltre du bien que j'ay de participer a vos bonnes graces, lesquelles je vous supplie, Monseigneur, me conserver comm'a un homme qui les estime et revere autant que nul autre, et lequel, confessant quil ne les a jamais meritees, espere neanmoins quil ne meritera jamais de les perdre, puisque liberalement elles luy ont esté concedees..

  A015002332 

 Voyés vous une rose, ma tres chere Fille? Elle represente le glorieux saint Jean, duquel la vermeille charité est plus esclattante que la rose, a laquelle encor il ressemble parce que, comme elle, il a vescu emmi les espines de beaucoup de mortifications..

  A015002333 

 Qu'a jamais ce glorieux et divin Jesus vive et regne en nos espritz, entre les bras de sa sainte Mere, comme en son throsne fleurissant!.

  A015002345 

 Or, voyant que jusques a present je n'ay aucune response et que si, par adventure, je la recevois negative dans quelque tems, la faveur que vous m'aves faitte de me souhaitter seroit suivie du desplaysir de n'avoir ni mes sermons, ni peut estre ceux des autres predicateurs sur lesquelz, a mon defaut, vous pourries avoir jetté les yeux, d'autant que ce pendant ilz se pourroyent engager ailleurs: cela, Messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moy l'honneur de vostre attente et de colloquer ce vostre choix en quelqu'autre qui ayt plus de liberté que moy pour l'accepter.

  A015002345 

 Vous ne pourres que beaucoup gaigner au change, si l'on a esgard a la suffisance, puisqu'en cette partie-la je suis inferieur a tous les predicateurs qui hantent les bonnes villes et montent es grandes chaires, comme la vostre.

  A015002412 

 Sçachés que j'ay un particulier contentement, quand je reçois de vos lettres, de voir que, parmi beaucoup [246] d'empeschemens et de contradictions, vous conserves la volonté de servir Nostre Seigneur; car c'est la verité que si vous estes bien fidele entre ces traverses, vous en aures d'autant plus de consolations que les difficultés que vous aves auront esté grandes.

  A015002413 

 Vous deves, a cette consideration, prendre patiemment et doucement les ennuis qui vous arrivent, pour l'amour de Celuy qui ne permet cet exercice vous arriver que pour vostre bien..

  A015002414 

 Tous les objetz de desplaysir vous seront peu de chose, quand vous sçaurés d'avoir un tel Amy, un si grand support et un si excellent refuge..

  A015002434 

 Pendant cette saison d'été, je passais en revue les affaires religieuses de ce pays de Gex, lorsque, de la ville voisine de Saint-Claude, quelques petites vignes, qui auparavant répandaient une [248] odeur de piété très suave, ont exhalé soudain l'amère douleur de leur âme..

  A015002435 

 C'est d'ailleurs le sort ordinaire de ceux qui cherchent d'un peu plus près le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir à subir des traverses sur mer et des traverses sur terre, et surtout de la part des faux frères, c'est-à-dire des renardeaux qui détruisent les vignes.

  A015002435 

 La chose, agréée de tous les gens de bien, allait, semble-t-il, prendre commencement; mais tout à coup, elle a été dérangée par les hommes.

  A015002435 

 Oui, Serenissime Prince, cette association de jeunes filles, quoiqu'elle désirât prendre un Institut approuvé par l'Eglise et depuis longtemps établi en Bourgogne, a rencontré bien des contradicteurs parmi les enfants de ce siècle qui bien souvent, par une effroyable malice, renversent la piété au nom de la piété même; et ainsi, cette œuvre si sainte n'a pu aucunement se faire.

  A015002436 

 Dans un tel embarras, plusieurs ont essayé d'enlever tout espoir à des âmes si simples; toutefois, celles-ci ont repris confiance, et non sans raison, lorsque jetant les yeux sur l'éminente piété de Votre Altesse, elles ont pensé à bon titre en obtenir sans peine le secours qui écarterait tous les obstacles.

  A015002446 

 Que puisse nostre Ange toucher ce jourdhuy nostre flanc, nous donner le resveil de l'attention amoureuse a Dieu, nous delivrer de tous les liens de l'amour propre et nous consacrer a jamais a ce celeste amour, affin que nous puissions dire: Maintenant je sçai, certes, que Dieu a envoyé son Ange et m'a delivré..

  A015002449 

 Les jeunes apprentifz en l'amour de Dieu se ceignent eux mesmes: ilz prennent les mortifications que bon leur semble, ilz choisissent leur penitence, resignation et devotion et font leur propre volonté parmi celle de Dieu; mais les vieux maistres au mestier se laissent lier et ceindre par autruy et se sousmettent au joug qu'on leur impose, et vont par lès chemins qu'ilz ne voudroyent pas selon leur inclination.

  A015002460 

 Ayant esté remis en la possession de toutes les eglises de Gex qui estoyent occupees par les ministres, hormis de celles que ceux de Geneve detiennent, pour le regard desquelles j'ay esté renvoyé au Conseil du Roy de France, je suis revenu a mon ordinaire residence, en laquelle je vous salue tres humblement et vous supplie me conserver lhonneur de vostre bienveuillance..

  A015002461 

 Ceux de Geneve ont esté estonnés et marri (sic) qu'on ayt mis en compromis la restitution des biens quilz tiennent dans la souveraineté de France, et n'ont pas manqué d'avancer que Son Altesse les traittoit mieux pour ce regard..

  A015002461 

 Le commissayre deputé pour me mettre en ladite possession est un simple conseiller de la cour de Parlement de Digeon, qui vint luy troysiesme; et neanmoins, s'est fort bien sceu fair'obeir, non obstant toutes les allegations et repugnances des heretiques.

  A015002478 

 Apres avoir rendu graces a Dieu du restablissement de son Eglise es lieus et biens ci devant occupés et detenus par les ministres de la religion prætendue, au balliage de Gex, j'en remercie tres humblement Vostre Majesté, de la royale providence et pieté delaquelle ce bonheur nous est arrivé.

  A015002480 

 Ce sont les continuelz souhaitz que, par un' immortelle obligation, fait et fera tous-jours, Madame,.

  A015002504 

 Hé, que belle est cette Aube du jour eternel, laquelle montant devers le Ciel, va, ce semble, de plus en plus croissant es benedictions de son incomparable gloire! Qu'a jamais les odeurs d'eternelle suavité esparses sur les cœurs de ses devotz, remplissent celuy de ma tres chere Mere comme mon cœur propre, et que nostre chere petite Congregation, toute voüee a la louange de son Filz et des mammelles sacrees qui l'ont alaité, jouisse des benedictions preparees aux ames qui l'honnorent..

  A015002517 

 Il faut que l'asseurance que j'ay de vostre bienveuillance soit infiniment asseuree, puisque a tous propos et avec tant de liberté, je prens la confiance de vous supplier pour les affaires ecclesiastiques que maintenant il me faut avoir de dela; car, certes, de mon humeur, j'ayme la modestie..

  A015002551 

 C'est pourquoy je le fay, avec la reserve de vostre bon playsir, pour le tems et pour toutes autres conditions, et encor pour la chose mesme, laquelle je ne veux vouloir qu'a mesure que cela se pourra faire sans vostre incommodité, vostre contentement m'estant plus cher que tout l'honneur qui pourroit arriver a ma niece, laquelle, pour ne rien celer a ma tres chere et tres honnoree Mere, je m'essayeray de gaigner pour la Visitation; mais par ce que les humilités quil y faut exercer rebuttent quelquefois les filles, si je ne puis la tourner de ce costé la, j'imploreray encor de plus fort vostre faveur.

  A015002569 

 Dieu veuille que ses mains vous soyent aussi liberales que ses yeux! Il seroit bien raysonnable que, comme les Princes s'estiment les soleilz de ce bas monde, ilz rendissent les rayons de leurs regars effectifz, ainsy que ceux du soleil le sont sur la terre..

  A015002569 

 Je ne doutois point que Son Altesse ne vous regardast comme les grans Princes ont accoustumé de voir leurs grans fideles serviteurs.

  A015002570 

 Nous avons eu la bonne Madame de Baume, que mon cousin saluâ, et luy fit une petite harengue sur le sujet de sa maistresse, qu'elle aggrea extremement; et me dit que si elle luy pouvoit rendre quelque sorte de bon office en ses amours, elle le feroit de tout son cœur, m'asseurant que cette damoyselle dont il est question estoit une perle en bon naturel, en bonn'humeur et en vertu: qui me fait d'autant plus louer le choix que vous en aves fait pour la consolation de vostre viellesse future, et voudrois bien pouvoir contribuer quelque service a ce dessein, comm'aussi a tous les autres qui regarderont vostre contentement..

  A015002572 

 Pour moy, priant Nostre Seigneur qu'il vous conserve a longues annees pour les vostres et pour moy, qui suis le plus humble, je demeure,.

  A015002591 

 Je desesperois du voyage de Milan, par ce que je n'estimois pas avoir les finances requises; mays voyci que tout a coup, il m'arrive un'inopinee esperance d'avoir plus de moyens quil ne m'en faut, pourveu que je ne parte pas de troys semaines.

  A015002592 

 Je vous supplie de l'apprendre de luy, car sil treuve quil soit a propos, nous arriverions pour la feste du Saint et serons de retour pour les Advens.

  A015002611 

 Vous deves mesurer la longueur de vos prieres a la quantité de vos affaires; et puis qu'il a pleu a Nostre Seigneur de vous mettre en une sorte de vie en laquelle vous aves perpetuellement des distractions, il faut que [268] vous vous accoustumies a faire vos oraysons courtes, mays qu'aussi vous les vous rendies si ordinaires, que jamais vous ne les layssies sans grande necessité..

  A015002612 

 Je voudrois que le matin, au lever, vous pliassiés les genoux devant Dieu pour l'adorer, faire le signe de la Croix et luy demander sa benediction pour toute la journee; ce qui se peut faire au tems que l'on diroit un ou deux Pater noster.

  A015002613 

 Ou il y a du remede, il faut tascher de l'apporter doucement et paysiblement; celles ou il n'y en a point, il faut que vous les supportiés comme une mortification que Nostre Seigneur vous envoye pour vous exercer et rendre toute sienne..

  A015002614 

 Croyés-moy, ma chere Fille, [269] Dieu ayme les ames qui sont agitees des flotz et tempestes du monde, pourveu qu'elles reçoivent de sa main le travail et, comme vaillantes guerrieres, s'essayent de garder la fidelité emmi les assautz et combatz.

  A015002659 

 C'est pourquoy, vous suppliant de tout mon cœur de les recevoir tous entre les bras de vostre charité, je vous supplie plus particulierement pour celuy lâ..

  A015002659 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir en vostre bienveuillance par un'occasion si asseuree comm'est celleci, je suis aussi obligé de gratifier les parens de ces jeunes gens par la tres affectionnee recommandation que je vous fay en la faveur d'iceux.

  A015002660 

 Les parens aussi de M. Jean de Rua m'ont prié de le vous recommander; ce que je fay bien affectionnement, quoy que je ne doute pas que sil se comporte aussi modestement au college comm'il a fait tandis quil a esté icy, il ne vous soit asses recommandable de luy mesme, sans que j'y employe mon intercession..

  A015002661 

 Ce sont les seules nouvelles dont je vous puis servir et, comme je pense, les plus agreables et qui vous donneront tant plus de courage de favoriser ce diocaese, eslevant aux lettres et a la pieté ceux qui vous sont envoyés, et priant Nostre Seigneur pour moy qui, reciproquement, vous souhaite toute sainte prosperité et demeure,.

  A015002681 

 Il ne treuva point mauvais cela; de sorte que sil vous plait, en luy tesmoignant de la charité, luy dire que les Seurs seroyent trop troublees si telz accidens arrivoyent, et quil seroit requis qu'on luy fit les remedes necessaires tandis qu'ell'est chez luy, je ne doute point quil ne le treuve bien doux, ouy mesme toute sorte de dilation a luy bailler l'habit apres qu'elle sera receüe, et que cela demeure en nostre discretion.

  A015002692 

 Sachant bien que vostre si soudain despart ne peut estre que pour quelqu'affaire de grand'importance, [276] je prieray tant plus soigneusement Nostre Seigneur quil vous assiste de son saint esprit de conseil et de force, pour persuader les choses justes et convenables a ceux qui, peut estre, n'y sont pas beaucoup disposés..

  A015002693 

 Monsieur le maistre Carrel, revenant de Chablaix, m'a dit que la contagion s'estoit respandue en cinq ou six endroitz du païs de Vaux; cela pourroit rendre vostre passage difficile, mais vostre prudence remediera a cet empeschement, prenant les destours propres a vostre conservation que, sur toute chose, je vous supplie avoir en recommandation..

  A015002712 

 Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne.

  A015002729 

 Certes, j'ay esté en peyne de la pauvre chere Francine, laquelle j'espere devoir estre une bonne servante de Nostre Seigneur et qui ne laissera pas, moyennant la grace cæleste, d'aller au Ciel apres avoir rendu des bons services a Dieu entre les hazars de cette vie mortelle.

  A015002740 

 Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Scitivaux, à Vilet-les-Nancy (Nancy).

  A015002748 

 Dieu vous le fera sçavoir, au plus tard, apres cette vie mortelle; car ce sera devant luy et ses Sains que je feray les principaux exercices de la sainte amitié qu'il m'a donné pour vous, jettant souvent mes tres humbles souhaitz devant son eternelle Bonté, affin qu'elle remplisse vostre cœur de son amour plus parfait.

  A015002750 

 Alles donq maintenant, ma tres chere Seur, en vostre mayson et au pres de ce cher mari qui vous attend; je vous suivray en esprit, et respandray sur vous et sur luy les vœux de beaucoup de benedictions.

  A015002756 

 J'envoyeray les lettres desquelles vous gratifiés ma seur de Mayrens et madame de Charmoysi, laquelle est aux chams, aussi bien que mon frere de Boysi, qui sera bien marri de ne s'estre pas treuvé icy pour vous remercier luy mesme.

  A015002769 

 Et pour vous parler selon nostre confiance, ma tres chere Mere, ne vous faschés point, ni ne vous estonnés point de voir encor vivre en vostre ame toutes les imperfections que vous m'aves confiees.

  A015002769 

 Je ne dis pas le total abandonnement, mais je dis la moderation; car par cette moderation, nous sçavons treuver les heures franches pour l'orayson, pour un peu de lecture devote, pour eslever a diverses rencontres nostre cœur a Dieu, pour reprendre de tems en tems le maintien interieur et la posture cordiale de la paix, de la douceur, de l'humilité.

  A015002769 

 Non, je vous supplie, ma chere Mere, car bien quil les faille rejetter et detester pour s'en amender, si ne faut-il pas s'en affliger d'une affliction fascheuse, mais d'une affliction courageuse et tranquille, qui engendre un propos bien rassis et solide [287] de correction; et ce propos, ainsy pris en repos et avec meureté de consideration, nous fera prendre les vrays moyens pour l'executer, entre lesquelz je confesse que la moderation des affections mesnageres est grandement utile.

  A015002770 

 Les cœurs fortz et puissans ne se deulent que pour des grans sujetz, et encor, pour ces grans sujetz, ne gardent ilz guere le ressentiment, au moins avec trouble et empressement..

  A015002770 

 Sur tout, ma tres chere Mere, il faut bien combattre la haine et les mescontentemens envers le prochain, et s'abstenir d'une imperfection insensible, mais grandement nuisible, de laquelle peu de gens s'abstiennent; qui est que s'il nous arrive de censurer le prochain ou de nous plaindre de luy (ce qui nous devroit rarement arriver), nous ne finissons jamais, mais recommençons tous-jours et repetons nos plaintes et doleances sans fin; qui est signe d'un cœur piqué et qui n'a encor point de vraye santé.

  A015002771 

 Prenes courage, ma tres chere Mere, que ces petites annees que nous avons a couler icy bas nous seront, Dieu aydant, les meilleures [288] et les plus advantageuses pour l'eternité.

  A015002787 

 Le capitaine La Rose est de ceux qui, les premiers, sortirent de cette ville la et de l'heresie qui y regne.

  A015002808 

 Les deux Religieuses de Bon et de Bonlieu ont [292] envie d'arrester ce soir avec vous; vous leur pourres faire cette charité..

  A015002820 

 Mais, Monsieur, comme c'est nostre bonheur d'avoir une foy contraire a celle des huguenotz, aussi nous glorifions-nous d'avoir une esperance opposee a leur presomption; a rayson dequoy, tous les Catholiques de Gex, et moy plus que tous, esperons et espererons tous-jours de voir tous les jours quelque progres de nostre sainte religion en ce petit bout de royaume qui est si heureux d'estre sous vostre gouvernement.

  A015002833 

 Juges je vous supplie, Monsieur, si cela est en la puissance ni des curés ni de moy; car, ou ces benefices estans enclavés au royaume sont par la en cette condition, et lhors, qu'est il besoin d'obtenir le [296] brevet mentionné? ou ilz ne le sont pas, et lhors, quelle temerité a des pauvres ecclesiastiques decousuz, de demander au Pape une chose de telle consequence? car vous sçaves, Monsieur, que les grans estiment leurs droitz cherement, et que ce n'est pas a des chetifs curés d'impetrer telles choses.

  A015002833 

 L'impossibilité est que ces bons prestres obtiennent de Romme un brevet par lequel nostre Saint Pere accordera que les benefices de ces curés venans a vaquer en cour de Romme, il n'en sera prouveu qu'a la nomination du Roy, ou par les Ordinaires.

  A015002834 

 Car, Monsieur, ne pourroyent ilz pas playder, ou au petitoire, ou, pour les tiltres, devant mon official forain resident dans le royaume, ou devant Monsieur l'Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain? Il m'est advis qu'en France les tribunaux ecclesiastiques ne sont pas inhabilités a decider de telles causes; neanmoins je ne le sçai pas bonnement.

  A015002834 

 La difficulté est en ce qu'on les veut astraindre que sil failloit playder pour les tiltres et possessions desditz benefices, ilz poursuivront les proces par devant les officiers du Roy et non ailleurs.

  A015002835 

 Or, je vous represente l'un et l'autre, affin quil vous playse, Monsieur, si vous le juges raysonnable et que je ne me soys pas trompé en mon discours, d'oster l'un et l'autre, en sorte que les lettres puissent estr'utiles a ceux pour lesquelz vostre faveur les a obtenues; car il ne manquera pas d'entrepreneurs qui, par le manquement de l'execution de telles charges, attaqueront ces pauvres curés pour avoir leurs benefices, viande si friande en ce tems, que les plus incapables en veulent plus avoir..

  A015002860 

 Je ne puis pas perdre cett'occasion de vous ramentevoir mon affection qui vous honnore au dessus de toutes les pensees que vous en sçauries jamais avoir.

  A015002861 

 Nos ambassadeurs de deça sont revenus de la diete de Bades, ou ilz pensoyent que l'authorité du Roy et l'entremise des Cantons catholiques auroyent disposé les Bernois a la restitution du païs de Vaux, ou au moins a convenir d'arbitres pour un journee amiable; mays ilz ont treuvé tout au contraire, car les Bernois n'ont quasi pas voulu entendre la proposition, et nul n'a parlé en nostre faveur.

  A015002862 

 Voyla nos nouvelles, et n'est pas besoin que je vous die que je ne desire pas que l'on sache que je les escrive, car aussi ne les escrirois-je pas a un autre qu'a vous, a qui je suis tout extraordinairement,.

  A015002882 

 Que nous sommes bienheureux, ma chere Seur, d'avoir des travaux, des peynes et des ennuis! car ce sont les voyes du Ciel, pourveu que nous les consacrions a Dieu..

  A015002883 

 Je vous renvoye les papiers de devotion, que je treuve bien utiles; mays si on les imprimoit, je ne voudrois pas que vostre nom y fust descouvert, pour ne point donner lieu aux babillardz d'en parler, et sur tout l'œuvre estant si courte..

  A015002886 

 Ce seroit un tres grand bien qu'a Chamberi il y eust des Ursulines et voudrois bien y pouvoir contribuer quelque chose; car en fin, bonheur a ceux qui nourrissent [302] les enfans pour l'amour, crainte et service de Dieu.

  A015002891 

 Et quant aux moyens, rien n'y abonde et rien n'y manque; Dieu a soin de ses servantes et Nostre Dame les pourvoit.

  A015002927 

 Il est vray que nous fismes un decret, il y a environ trois [ans], ma tres chere Fille, que tant qu'on pourroit, on osteroit les bancs a femmes des chœurs de toutes les eglises, parce que cela est juste, bien seant et conforme aux anciennes coustumes des chrestiens.

  A015002927 

 Mais il ne fut pas dit, ni ne le devoit estre, que les femmes n'entrassent pas au chœur; car, pour plusieurs occasions, il est raysonnable qu'elles y entrent, pourveu que ce soit avec la modestie que la sainteté du lieu requiert.

  A015002927 

 Vous sçaves bien qu'en cette ville et en nostre Office le plus solemnel, les femmes se mettent bien dans le chœur et aux treilles..

  A015002929 

 Nous avons accommodé les differences du cher mari et du beaupere au mieux que nous avons sceu.

  A015002941 

 Ce seroit sans doute un grand bien pour ces pauvres petites filles, qui souvent, sous les caresses de leurs meres, aprenent beaucoup de vanités qui croissent avec elles et plus qu'elles..

  A015002942 

 Hier, monsieur le Comte de Saint Alban et madame la Contesse sa femme passerent icy, mays nous n'eusmes pas le bien de les voir..

  A015002977 

 Accommodés vostre imagination a la rayson, vostre naturel a l'entendement, et aymés cette volonté de Dieu en ces sujetz d'eux mesmes desaggreables, comme si elle estoit en des sujetz les plus aggreables.

  A015002977 

 Je vous asseure, ma tres chere Mere, ma Fille, que je voudrois bien porter en mon cors et en mon cœur toutes les peynes que vous aures parmi vos remedes; mais ne pouvant ainsy vous en descharger, embrassés saintement ces petites mortifications, recevés ces abjections en esprit de resignation, et, s'il se peut, d'indifference.

  A015002978 

 O petite croix, tu es aymable, puisque ni les sens ni la nature net'ayment point, ains la seule rayson superieure..

  A015002979 

 N'occupés pas vostre esprit [311] es affaires, et recevés humblement et amiablement les petitz traittemens que vostre infirmité requiert..

  A015003001 

 Et vous sçavés, ma tres chere Fille, que je vous ay tous-jours dit que vous m'escrivissies plus amplement par l'entremise de madame la Presidente, qui aura bien le soin de m'envoyer vos lettres, comme aussi de vous faire tenir les miennes..

  A015003016 

 Employons donq bien ces petitz momens perissables a nous exercer en la sacree douceur et humilité que l'Enfant circoncis nous vient apprendre, affin que nous ayons part aux effectz de son divin nom, lequel je ne cesse point d'invoquer sur vostre chere ame, ma tres chere et tres bonne Mere, a ce qu'il la remplisse de l'odeur de son parfum, et, avec elle, celles de tous les vostres..

  A015003017 

 Je suis, toutes les annees de ma vie,.

  A015003027 

 Les Catholiques de Gex, qui ne peuvent respirer qu'en l'air de vostre royale faveur, sçachans qu'en leur ville il y avoit jadis un monastere de Carmes, lequel estant restabli rendroit beaucoup de bons effectz pour l'accroissement de la foy, ilz supplient tres humblement Vostre [316] Majesté d'aggreer les poursuites qu'ilz en font et de les faire reuscir selon le saint zele dont elle est animee.

  A015003047 

 Non certes, ma tres chere Fille, mais vous n'en sentes pas la consolation si souvent, et ne pouves pas faire les actions exterieures; en quoy ne consiste pas l'amour divin, mais en la resolution du cœur, qui veut a jamais et inseparablement demeurer uni de toutes partz a la volonté divine..

  A015003058 

 Ce n'est pas mal fait de trembler quelquefois devant Celuy en la presence duquel les Anges mesmes tremoussent quand ilz le regardent en sa majesté; a la charge toutefois que le saint amour, qui predomine en toutes ses œuvres, tienne aussi tous-jours le dessus, le commencement et la fin de vos considerations..

  A015003059 

 Corrigés-vous tous-jours de quelque chose; mais ne faites pas ce bon office par force, ains taschés d'y prendre playsir, comme font les amateurs des exercices champestres a esmonder les arbres de leurs vergers..

  A015003070 

 Vostre façon d'orayson est bonne; soyés seulement bien fidelle a demeurer aupres de Dieu en cette douce et tranquille attention de cœur, et en ce doux endormissement entre les bras de sa providence, et en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy est aggreable.

  A015003071 

 Gardés vous des fortes applications de l'entendement, puis qu'elles vous nuisent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travaillés autour de vostre cher objet avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourres.

  A015003075 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veuë, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sur le lit, comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenus en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A015003076 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A015003095 

 Oh! l'humilité et douceur de l'amour de l'Espoux fait demeurer les espouses humblement et doucement attentives a recevoir sa sainte parole..

  A015003103 

 Non, car il est bien juste et raysonnable que vous pleuries un peu; mais un peu, ma chere Fille, en tesmoignage de la sincere affection que vous luy porties, a l'imitation de nostre cher Maistre qui pleura bien un peu sur son amy le Lazare, et non pas toutefois beaucoup, comme font ceux qui, colloquans toutes leurs pensees aux momens de cette miserable vie, ne se resouviennent pas que nous allons aussi a l'eternité, ou, si nous vivons bien en ce monde, nous nous reunirons a nos chers trespassés pour ne jamais les quitter.

  A015003103 

 Or sus, ma tres chere Fille, on me vient de dire que la chere seur est partie, nous laissant encor icy bas avec les passions ordinaires de la tristesse qui a accoustumé d'attaquer les demeurans en telles separations.

  A015003105 

 Il suffit de regarder amoureusement ce divin Amoureux de nos ames, car entre les amans, les yeux parlent mieux que la langue..

  A015003105 

 Pour vos resolutions, vous les pouves bien particulariser en cette sorte: Je veux donq plus fidellement prattiquer les vertus qui me sont necessaires; comme, en telle occasion qui se presente, je me prepare a prattiquer telle vertu; et ainsy des autres.

  A015003115 

 Or, ainsy qu'elle me parla, il a [327] tout plein de bonne volonté pour nostre Congregation; c'est pourquoy il le faut recevoir avec un accueil saintement et devotement aggreable et aggreablement devot et saint, et luy tesmoigner que des-ja la Congregation a beaucoup d'obligation a Monseigneur de* Nemours (quil faut nommer Monsieur tout court), a cause de la bonne volonté quil a eu, tant pour les laouds de ce que vous acheteries de son fief, que pour le four; et que puis quil a pleu a Dieu de donner commencement a cette petite Congregation dans sa ville principale, vous voules avoir une speciale devotion pour son salut et prosperité, et le tenir comme special protecteur.

  A015003127 

 Je l'appellerois excessif, si je considerois seulement l'indignité de celuy qui le reçoit; mais je voy bien que la source d'ou il procede, Monsieur, ne permet pas que l'on puisse nommer ainsy cette faveur, quoy qu'elle excelle au dessus de toutes autres, puis que vous me favorisés selon ce que vous estes, Monsieur, et non selon ce que je suis, qui certes ne suis rien, sinon en l'affection avec laquelle je revere Vostre Grandeur, pour la prosperité de laquelle je respans plusieurs bons souhaitz devant ce grand Dieu du Ciel, qui gratifie volontier les grans de la terre qui gratifient les petitz [329] et qui leur sont doux, gracieux et favorables ainsy que vous m'estes, Monsieur, et que je vous supplie de m'estre tous-jours, me regardant comme.

  A015003151 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que vostre affliction m'a touché vivement, ne doutant point qu'elle ne vous ayt esté fort rude, d'autant que vostr'esprit, comme celuy du reste des hommes, ne voyant pas la fin et intention pour laquelle les choses arrivent, il ne les reçoit pas en la façon qu'elles sont, mais en la façon quil les sent..

  A015003152 

 A vostr'advis, ma chere Fille, vos vœuz et vos devotions ne sont ilz pas bien recompensés? Vous les faysies pour luy, mais affin quil demeurast icy [331] avec vous, en cette vallee de miseres; Nostre Seigneur, qui entend mieux ce qui est [bon] pour nous que nous mesme, a exaucé vos prieres en faveur de l'enfant pour lequel vous les faysies, mais au despens des contentemens temporelz que vous en prætendiés..

  A015003152 

 Et voyla que Dieu l'a retiré de tous ses (sic) perilz, et luy a fait recueillir le triomphe sans battaille et moyssonner les fruitz de la gloire sans labeur.

  A015003154 

 Or sus, voyla donq vostre petit enfant au Ciel, avec les Anges et les saintz Innocens; il vous sçait gré du soin que vous avés eu de luy ce peu de tems quil a esté en vostre charge, et sur tout des devotions faites pour luy.

  A015003189 

 Nous attendrons les nouvelles apportees par le sieur de Farnex, et cependant espererons qu'elles sont bonnes, puisquil n'est pas empressé de les delivrer..

  A015003195 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de m'advertir [339] quand nous pourrons loger un curé a Sacconex, c'est a dire quand nous aurons les moyens..

  A015003255 

 Et pour en retirer plus de gloire, je n'ay pas oublié d'en faire part a tous ceux de cette ville que j'estime capables de peser le bonheur que ce m'est destre aymé de vous, auquel ne pouvant donner avec contreschange, je fay pour le moins humble reconnoissance que mon devoir surpasse mes forces, les-quelles neanmoins vous les dedie toutes a l'honneur de vostre service..

  A015003256 

 Mais quel contretems! Si, j'eusse esté si heureux d'aller a Paris cette annee, selon le desir de monsieur nostre grand [ami,] pour recueillir autour de vous et de luy les fruitz de la plus excellente consolation que je pouvois avoir! J'acquiesce neanmoins a l'ordonnance de la Providence celeste, laquelle au moins a permis que, pour mes pechés, ce playsir me soit interdit.

  A015003258 

 Mais usons doucement et toutesfois, si vous me croyés, un peu avidement de la presence du grand amy, que j'estime si grand pour moy, que je ne voy rien de si grand parmi toutes les grandeurs de Paris qui ne me semble petit en comparayson de sa bienveuillance.

  A015003266 

 A la verité, je ne sçavois pas, ma tres chere Fille, que vostre affliction eust si violemment opprimé vostre cœur; mais quand je l'ay sceu, j'eusse volontier pris resolution d'aller vous porter le mien et, avec iceluy, toutes les consolations qu'il eust pleu a Dieu me fournir.

  A015003277 

 Voyla des lettres qui m'ont esté rendues aujourdhuy, les unes venant de Chamberi, les autres de Bourgoigne.

  A015003278 

 Or, la conclusion neanmoins fut quil se sousmettroit a ce qui en seroit advisé par telz arbitres et amis que l'on jugeroit convenable de choysir pour vuider les pretentions d'eux et de vous a l'amiable, qui est en somme le bon mot; outre que vrayement il ne tesmoigna nullement de treuver mauvaise vostre recherche.

  A015003301 

 Revu sur l'Autographe conservé à Annecy, chez les RR. PP. Missionnaires de Saint-François de Sales..

  A015003345 

 Au reste, pour vostre particulier, faites souvent renaistre toutes les saintes resolutions qu'au commencement de nos ferveurs Dieu nous departoit si abondamment; que si elles ne sont plus si sensibles, il n'importe, pourveu qu'elles soyent fermes et fortes.

  A015003345 

 Dieu, par sa bonté, vous tienne tous les jours de sa tres sainte main; c'est une priere quotidienne que je luy fay..

  A015003346 

 Ce pendant, il faudra donq escrire dans le livre quelque chose, a mesure que, parmi les frequentes pensees que j'ay sur vous, il plaira a Nostre Seigneur jetter dans mon cœur des advis propres pour le vostre..

  A015003361 

 Monsieur Soudan me demande tous-jours de pouvoir playder pour retirer les biens ecclesiastiques de sa parroisse, et dit que tout depend de vous, a rayson des patentes.

  A015003380 

 Maintenant, Vostre Altesse pourra voir les informations prises a charge et descharge dudit sieur Abbé, que ce porteur a en main, et me donner sur cela ses commandemens, ausquelz j'obeiray avec la [356] fidelité qui me fait incessamment supplier Dieu pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je suis, Monseigneur,.

  A015003380 

 Sur les plaintes qui me furent faites de monsieur l'Abbé de la Tour, a rayson des bastonnades qu'il avoyt donnees au sieur Berthelot, la grandeur du respect que je doys a Vostre Altesse me suggera de ne point entreprendre de justice sur la personne dudit sieur Abbé, puys qu'il estoit ambassadeur ordinaire de Vostre Altesse et n'estoit icy que par maniere de passage, et de jour a jour en attente de retourner a l'exercice de son ambassade.

  A015003398 

 Et marqués ces quatre paroles que je vous vay dire: vostre mal vient dequoy vous craignés plus les vices que vous n'aymés les vertus.

  A015003398 

 Lises, au nom de Dieu, tous les jours un peu, je vous en prie..

  A015003399 

 Faites cela pour moy, qui tous les jours vous recommande a Dieu, et je prie son infinie Bonté qu'a jamais elle vous benisse..

  A015003431 

 Et peu s'en est fally que l'un de mes freres, chevalier de Malte, n'a esté ordonné a la prison (bien que tout le tems de la querelle il fut avec moy a Sales), seulement par ce quil est grand ami du sieur Abbé de Talloyres et qu'il l'avoit fort visité apres les bastonnades.

  A015003431 

 Vous verrés, je m'asseure, par la lettre que monsieur de Charmoysi vous escrit, comme des le despart de [361] madame de Charmoysi il a receu le desplaysir de se voir comme banni de cette ville, par un expres commandement que Son Altesse luy a fait de s'en retirer et ne plus y revenir, sur l'impression la plus fause du monde que Monseigneur de Nemours a receu de la part de quelques calomniateurs, que les bastonnades donnees au sieur Berthelot avoyent esté conseillees par monsieur de Charmoysi; dont mondit Seigneur de Nemours a entrepris le ressentiment si chaudement, que nous en sommes tous estonnés.

  A015003438 

 Monsieur, j'escris en sursaut, c'est pourquoy je ne vous envoye pas les papiers du conte fait entre mes freres et les agens de madame la Duchesse de Mercœur, comme je feray bien tost, puisque vostre bonté s'estend a vouloir en recevoir la peyne..

  A015003454 

 Recommandés-vous aux prieres de saint Louys, lequel apres avoir longuement assisté et servi les malades de contagion en son armee, s'estima bienheureux d'en mourir, prononçant cette orayson pour ses dernieres paroles: J'entreray en ta mayson, o mon Dieu, j'adoreray en ton temple et confesseray ton nom.

  A015003455 

 Je prie donq Nostre Seigneur qu'il soit vostre consolation et qu'il vous face bien entendre que par plusieurs travaux et tribulations il vous faut entrer au Royaume des cieux, et que les croix et afflictions sont plus aymables que les contentemens et delectations, puisque Nostre Seigneur les a choisies pour soy et pour tous ses vrays serviteurs.

  A015003476 

 Et les Phi (φφ) redoublés signifient, comme lettres capitales, la philothie et la philanthropie, l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

  A015003476 

 Et les S fermees, avec leurs flesches qui montent d'un costé et descendent de l'autre, demonstrent l'exercice de ces divins amours, dont l'un remonte en Dieu et fait des Philothees, l'autre descend au prochain et fait des Philantropes: qui est l'unique bien de la charité, qui nous rend vrays serviteurs et servantes de la divine Majesté.

  A015003476 

 O vrayement, elle est belle en extremité, la chappe que la plus chere mere qui vive envoye a son tres cher pere; [367] car elle est toute au nom de JESUS et de MARIE, et represente parfaitement le Ciel des bienheureux, ou Jesus est le soleil et Marie la lune luminaires presens a toutes les estoilles de cette sainte habitation; car Jesus y est tout a tous, et n'y a point d'estoille en ce globe celeste en laquelle il ne soit representé comme en un miroüer.

  A015003478 

 Et me voyla revestu d'une chappe admirable pour les festes, chappe belle et de couleur de la Resurrection; et d'une robbe encor pour tous les jours, de la couleur de la robbe [368] que Nostre Seigneur porta sur le mont de la Passion.

  A015003478 

 Il est escrit de la femme forte, que tous ses gens ont double vestement; l'un, je pense, pour les festes, l'autre pour les jours ouvriers.

  A015003487 

 Toutes les apres disnees de ces trois jours sont assignés (sic) en appointemens..

  A015003500 

 Chacun est scandalisé du grand pouvoir que les accusations seules ont: sil suffit d'accuser, qui sera innocent? Ceux qui connoissent M. de Servette, et je croy que Son Excellence le connoist, sçauront bien discerner de l'action d'hier.

  A015003502 

 Si madame la Comtesse nous envoye des bouteilles, on les emplira tant quil y aura du piqu'ardent, et si nous [371] eussions eü des ampolons a suffisance, nous n'eussions pas oublié de vous envoyer vostre part.

  A015003542 

 Je vous supplie de dire a M. Michel qu'il face l'aumosne aux Peres Capucins tout ainsy que si nous y [374] estions, et que si les Dames de Sainte Claire ont besoin de vin, mesme pour les malades, il leur en donne..

  A015003560 

 En somme, il faut tenir les yeux fichés sur la Providence celeste, a la conduite de laquelle nous devons, de toute l'humilité de nostre cœur, acquiescer..

  A015003561 

 Demeurés en paix entre les doux bras de la divine Providence et dans le giron de la protection de Nostre Dame..

  A015003561 

 Dieu nous face brusler de son saint amour et mespriser tout pour cela; Nostre Seigneur soit le repos de nostre cœur et de nos cors! Tous les jours j'apprens a ne point faire ma volonté et faire ce que je ne veux pas.

  A015003572 

 Et en toutes choses, j'ay treuvé que la souveraine gloire deüe a ce souverain Sauveur estoit exactement preschée, inculquée, reconneue et conservée avec une tressainte et religieuse jalousie; chose, certes, comme vous sçaves, bien esloignee du tesmoignage que messieurs les ministres rendent contre les Catholiques..

  A015003572 

 J'ay treuvé qu'on y prioit les bienheureux Saintz, non comme compaignons, mais en qualité d'aggreables et tres humbles serviteurs de Jesuschrist, non point pour desfiance de la bonté et charité divine envers nous, mays pour prattiquer et se prævaloir de la communion des Saintz.

  A015003572 

 Je confesse bien pourtant en bonne foy, que l'une des choses qui m'a le plus aydee a me fayre voir l'erreur auquel je vivoys, a esté la confession de foy que j'ay veu faire icy aux Chrestiens catholiques, mise en comparayson avec l'accusation qui s'en fait ordinayrement es sermons et conferences de messieurs les ministres.

  A015003572 

 Je ny ay point treuvé d'idoles, ains des [378] images de Jesuschrist, exterminateur des idoles, et des portraitz des Saintz, qui ont perdu la vie plustost que de souffrir les idoles.

  A015003573 

 Dont, comm'une pauvre petite brebiette esgaree qui retrouve en fin le trouppeau que par mesgarde ell'avoit laissé, je m'y suis librement, [379] volontairement et par franche election, remise et reunie, n'ayant pas voulu refuser au Saint Esprit l'exercice de sa grace en mon cœur, ni a la verité divine, l'hommage que mon entendement luy devoit; affin que les propheties, qui prædisent en tant d'endroitz le retour des ames a l'Eglise, fussent heureusement accomplies en moy et par moy, et qu'ayant esté une des estoiles errantes, desquelles parle saint Jude, en un ciel apparent et contrefait, je fusse meshuy un'estoile du vray firmament, qui est l'Eglise Catholique, en laquelle on ne connoist le grand dragon roux que pour le combattre et fouler aux pieds, ains escraser et exterminer par la force de la Parole de Dieu, pure, simple et entiere; Parole qui est la vraye espee et le vray bouclier des croyans, et a laquelle nul homme n'a touché pour en oster un seul mot, y adjouster un seul point, ou y broüiller le vray sens, que soudain il n'ayt esté repris, puis condamné par la mesme Esglise..

  A015003574 

 Et si je pouvois aussi bien exprimer les raysons qui m'ont induite a ce desirable retour comme je les ay veüe (sic) clairement pour m'y resoudre, je croy que vous en series fort satisfaite.

  A015003586 

 Mais despuis, le Pere Cherubin m'a remis des Bulles [382] de nostre Saint Pere pour les executer, par lesquelles il m'est commandé de ranger la Sainte Mayson de Thonon a l'observation de certains articles signés par Monsieur le Nonce de Turin et de Son Altesse, lesquelz entr'autres choses, mettent ladite Mayson sous la protection de la Milice des saintz Maurice et Lazare..

  A015003588 

 Je vous bayse les mains en toute reverence, et suis, Monseigneur,.

  A015003604 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A015003618 

 Je n'ay pu vous faire responce plutost a celle qu'il vous a pleu de m'escrire; j'attendoys d'y sçavoir les volontés du Roy qui a eu fort aggreable que vous mettiez au bailliage de Gex les Religieux Carmes reformez que Sa Sainteté vous doit envoyer.

  A015003618 

 Sa Majesté s'asseure que vous les choisirez tels, qu'elle en aura du contentement et les jugerés d'edification.

  A015003619 

 Ne me soyez, Monsieur, s'il vous plaist, siche de vos commandementz; me les [385] departant, vous faictes chose charitable, puisque sans iceux je ne fais chose aucune qui soit digne d'aggreer a la divine Majesté..

  A015003632 

 Nous avons reçu la vostre par les mains du sieur present porteur, et pour response à icelle nous vous assurerons que nous monstrerons tousjours par effects l'affection et volonté que nous avons au service de Dieu pour son honneur et gloire, et mesmement au faict du restablissement de la sainte Messe audit lieu de Dyvonne.

  A015003632 

 Pour les ornements, nous en avons delivré suffisamment pour la celebration du divin service..

  A015003633 

 Nous assurons que plusieurs curés n'en ont pas tant, et que la religion ne nous sauroit contraindre d'en donner davantage, d'autant que nous surpassons la portion congrue; et sommes mary ne pouvoir donner telle pension que celle de Cessy, selon qu'il est porté par la vostre, d'autant qu'il nous est impossible, [386] parce que le revenu n'est pas semblable, pour ce que ledit prieuré de Dyvonne est chargé de la troisiesme partie du revenu de pension annuelle au resignataire, par authorité du Saint-Siege, outre les pensions annuelles qu'il nous faut payer trois cent vingt livres, pour l'argent emprunté pour le remboursement du prix auquel on a esté condamné par arrest à Paris.

  A015003633 

 Vous assurons que la reunion du dit prieuré nous revient à plus de quatre mille ecus en frais, pour l'avoir retiré de la main des heretiques; à quoy l'on doit avoir consideration, mesme les reparations qu'il convient y faire presentement, tellement que nous ne tirerons rien du revenu dudit prieuré durant cinq ou six ans, joint que l'on nous menace des decimes pour ceste annee.

  A015003634 

 Si non, nous vous supplions ne pas trouver mauvais si nous maintenons nos privileges, que nous croyons que vous nous conserverez; qui nous fera sur ce vous baiser tres humblement les mains, et prier Dieu de vous conserver et vous donner santé longue et heureuse vie, nous qui sommes,.

  A015003637 

 LES GRAND PRIEUR ET RELIGIEUX DE S t CLAUDE..

  A015003653 

 Il est vray, Monseigneur, je ne suis qu'un pecheur et le dernier de nostre Compaignie; mais Dieu me donnoit des mouvemens si vifs d'asseurer madame de Chantal que le Ciel luy vouloit donner l'eau de la Samaritaine par le canal de vos levres, que si les Anges fussent venus troupes a troupes pour m'en dissuader, je ne crois pas qu'ilz l'eussent peu faire, parce que l'impression estoit du Roy des Anges..

  A015003653 

 Vostre humilité, ma condition et mon humeur me defendent la flatterie et commandent la congratulation pour les biens que ma Mere, qui, de ses eaux salutaires, m'a engendré en vie eternelle, reçoit par vous.

  A015003654 

 Il est blanc, ce cœur, par la pureté de ses intentions; il est poli, par les diverses afflictions qui, en guise de coups de marteau, ont osté toutes les superfluités et l'ont jointe au point du lieu sacré ou elle devoit estre posee, et vostre ingenieuse main a gravé sur ce marbre poli, pour un monument eternel de gloire a Dieu, ces quatre belles paroles qui sont les devises de vostre cœur: VIVE JESUS! VIVE MARIE! Tout a Dieu, tout pour sa gloire!.

  A015003654 

 Oh! que je me suis ecrié de bon cœur: Benite soit la premiere pierre de cet edifice! Oh, qu'elle est polie! C'est un marbre bien taillé, marbre blanc, que le cœur de cette digne vefve, dont j'ay autrefois tant honoré les vertus et dont je venere maintenant la sainteté.

  A015003655 

 Certainement, [388] Nostre Seigneur a visité son peuple, et faut croire que la benediction de commencement s'estendra avec une amplification nombreuse: car, que manquoit il aux foibles, que cette mediocrité? que falloit il aux vefves, que cette douceur? que pouvoyent desirer les robustes et ferventes, que cette mortification? Vous avez, mon tres cher et digne Seigneur, dressé un temple de Salomon en ce siecle, voyla les trois estages: que reste il a ces ames bienheureuses destinees a l'habitation d'iceluy.

  A015003670 

 Cependant, je vous diray (Monseigneur) comme par la grace et support de mon Dieu je persevere en l'exercise ou il vous a pleu m'acheminer, qui apporte un grand repos à mon ame et contentement à mon esprit parmi les traverses et facheries qui faut supporter en ce monde.

  A015003670 

 Je me raffreschis aussi la memoire tous les jours des bonnes et salutaires instructions qui vous a pleu me despartir, en la lecture des beaux livres que je tiens cherement de vous, Monseigneur, ou je trouve le remede à tous mes maux.

  A015003670 

 Ne reste si non à me les sçavoir bien appliquer et en bien user..

  A015003685 

 Ainsi, Monseigneur, je vay, avec les griffes de ma plume, vous carresser comme mon cher maistre, et vous demander quelques unes des miettes qui tombent sous vostre table, lorsque vous rompé le pain de salut a vos cheres Filles..

  A015003685 

 Les petits chiens, [qui] aiment grandement leurs maistres et que leurs maistres aiment bien, ne laissent pas de les importuner [390] quelquefois de leurs griffes, mesme en leur tesmoignant qu'ils les aiment et en les caressant.

  A015003686 

 Mais, Monseigneur, vous ne [me] pardonnerié jamais si je vous racontois les louanges que l'on donne a ce Pere et a ses Filles.

  A015003687 

 Dieu me rende digne de voir nos terres ensemencees de cette bonne semence, et je prie Dieu de luy donner l'arrousoir d'en haut, par les benedictions, et l'arrousoir d'en bas, par les bons accueils que cette Congregation merite recevoir par tout, quand ce ne seroit qu'a la consideration de son Fondateur et de la Fondatrice, que j'honore sans difficulté, selon le conseil de l'Apostre, comme l'autel sacré de Dieu..

  A015003687 

 Et moy, mon unique Seigneur, quand je considere vostre Congrégation devant Dieu, je la vois aussi haute en amour comme vous l'avez faite profonde en humilité, et j'espere que bientost la France, jalouse du bien de nos montagnes, voudra partager ce bonheur avec elles; j'espere, dis je, que comme les plaines sont plus propres a s'estendre que les monts et vallees, que dés que vous auré fait quelques Maisons en nos quartiers, ce sera jetter madame de Chantal comme un grain dans ces plaines, qui raportera au centuple.

  A015003701 

 J'ey par plusieurs foys prié lesdictz sieurs mes nepveuz de prendre une journee pour y resouldre en vostre presence, lesquelz ne si veullent entendre, ains desmeurent saysis de tout, a mon grand prejudice, veu les grandz charges et debtes qui sont deubz sus noz biens..

  A015003702 

 Et sur ce, j'attendrey d'avoir de vous, nouvelles, en priant Dieu [392] qu'il vous aye en sa protection, et suis, appres vous avoir baisé tres humblement les mains, Monsieur,.

  A015003716 

 Ha! que ce vous est un heureux travail que de combatre et debatre contre les huguenots! (travail qui infalliblement vous acquerrera une couronne de gloire et ça bas et au Ciel.).

  A015003737 

 Il y a quelque temps que nous avez asseuré, monsieur de Gerlande et moy, par vostre reponce à celles que luy et moy vous avions escriptes, que me donneriez tout contentement pour le faict de mes biens de Crozet, pays de Gex, dans les limites de vostre evesché, desquels vous avez prins la possession sans qu'il vous appartienne; car de tout temps, ça esté un membre despandant de ma commanderie, fors des la prinse dudit pays par les seigneurs de Berne, qu'il a esté occuppé par ceux de la religion, ainsi que je [394] vous ay fait entendre par mes lettres et comme le sieur Girod, mon fermier, l'a fait voir sur lieux aux curez de Gex et Farges, qu'aviez a ces fins deputez, tant par mes derniers terriers, que ceux qui sont faiz des cent et quattre vingts ans en ça, desquels il leur a baillé les coppies pour les vous fere tenir des le moys d'octobre dernier; par ou il appert clairement, avec d'autres enseignements, que la chappelle de Crozet ne fust jamais cure ny parroisse, moings que lesdits biens en feussent depandants.

  A015003737 

 Tellement que, par le silence que m en a du despuis fait ledit Girod (auquel j'avois donné charge d'en suivre les poursuittes), a cause d'une maladie qui des lors l'a retenu au lit jusques a present, je croyois que luy en aviez relasché la possession..

  A015003738 

 C'est pourquoy je vous ay encor fait ceste, par laquelle je vous prie [395] mettre le tout en consideration; apres quoy je m'asseure qu'aurez pour agreable a me relascher amiablement lesditz biens, ensemble les fruicts tant de la presente que derniere annee.

  A015003738 

 De sorte que, comme il a pleu a Sa Majesté remettre les Catholiques en la possession de tous les biens ecclesiastiques dudit Gex et les choses au mesme estat qu'elles estoyent anciennement, afin que chacun jouy du sien paisiblement, je m'estois librement dispancé de luy accenser ceux dont il est question; dequoy il me demande de grands dhommages et interests, faute de l'en faire jouir.

  A015003738 

 Mais je vois maintenant le contraire et que me detenez tousjours lesdits biens contre tous nos droits et privilleges; car jamais les Evesques n'ont heu a cognoistre sur ceux qui depandent de nostre Ordre.

  A015003771 

 Sy vous n'aviez esté nourry chez les Princes, je seroys bien enpesché a vous faire conprendre comme l'on sy gouverne et les incomoditez quilz reçoivent, faulte d'avoir pris garde a leurs affaires..

  A015003773 

 Toutes les parroisses ont ceste mesme vollunté et plusieurs des principaulx d'icelles s'en sont addressez a moy.

  A015003774 

 Je luy en escriptz amplement, et luy envoye une lettre que Monsseigneur le Nunce residant en ceste ville, logé, comme vous sçavez, a l'hostel de Clugny, escript a Monsseigneur le Nunce de Thurin, auquel il mande que messieurs les parroissiens de S t Benoist, bien memoratifz du fruict des predications que Monsseigneur de Genevefve (sic) a faict aultrefoys en leur parroisse, d'ou il est maintenant, l'ont pryé luy escripre pour supplier Son Altesse d'avoir agreable que l'on prye Monsseigneur, pour le bien de la relligion, de prendre ceste peinne, et luy donner congé d'accepter la supplication que l'on luy en fera.

  A015003794 

 Et de plus, comme Monseigneur le Reverendissime, a certaine assemblee quil feit faire, feit appeller messieurs les Scindics ausquelz fut remonstré la grande affluence de peuple qui accourera icy au Jubilé qui ce (sic) celebrera vendredy prochain, dont par ce moyen les logis seront remplis, tellement quil sera besoin de rechercher quelques licts pour les plus notables, dans ceste ville, vers les plus riches d'icelle, et ce quy il fault pourvoir.

  A015003795 

 Pour l'affluence des personnes qui arriveront en ceste ville pendant le prochain Jubilé, que en cas de necessité, l'on recherchera quelques licts vers les plus aisés, pour loger ceux que seront representés par mondict Seigneur le Reverendissime; estant donné acte de la remonstrance faicte par messieurs les Scindics, de la volonté de monseigneur le Marquis de Lans continuant le faict de la garde.

  A015003798 

 Cy commence la solemnité du grand Jubilé concedé par Sa Saincteté, de sept en sept ans, a la tres devote Chappelle de la tres sacree et tres heureuse Vierge Marie, fondé (sic) en l'eglise collegiale de ladicte Vierge d'Annessy, ou reside (sic) les Reverends Seigneurs doyen, secretain (sacristain), chantre, chanoines et Chapitre d'icelle..

  A015003801 

 Comme il plaict a Dieu de donner a chascun la commodité de son sauvement, il luy a pleu d'inspirer le tres sainct Siege Apostolique, plus de 200 ans, d'honnorer la Chappelle fondé (sic) en ceste cité d'Annessy, estant en l'eglise dressee soubz son nom, ou resident les Reverends Seigneurs doyen, secretain, chantre, chanoines, prebstres d'honneur de ladicte eglise, de plusieurs privileges et indulgences; et entre aultre d'ung Jubilé de sept en sept ans, lequel a esté continuellement, par le clergé, habitans de la dite cité, circonvoisins et estrangers, tres devotement celebré, ainsy que les livres et registres des archives de l'Hostel de ville ont delaissé par escript et enseigné..

  A015003802 

 Et partant, ce jourdhuy, affin que chascun se contint a son debvoir quant au peuple, suivant l'ordonnance de noble et spectable sieur Jean Flocard, docteur es droitz, noble Jean Crochet, noble Guilliaume Meclard, honnoré de ce tiltre de procureur au Siege presidiai du Conseil du duché de Genevois, et noble François Marvin, scindics et consulz de la cité d'Annessy, et des seigneurs leurs Conseillers: messire Janus de Sales, chevallier de la saincte Religion de Sainct Jean de Jerusalem, residant pour maintenant a Malte, lieutenant de noble sieur Louys de Sales son frere, seigneur dudict lieu de Sales et de Thorens, a deux heures apres midy, auroit faict assembler partie des enfans et habitans de la ville, au son de 4 tambours, accompagnés du fiffre; qui, assemblés a la place du College, les a faict marcher comme cy apres:.

  A015003803 

 Les 4 capitaines des quatre penons de la ville sui voient ledict sieur lieutenant, portant chascun une [401] partisanne (pertuisane) doree, et couverts les manches de velours, deuement garnis de clouz dorés..

  A015003804 

 Le garçon de l'enseigne, portant une partisanne doree couverte de velours verd, garnie aussy de clous dorés, sans aulcune enseigne, pour les causes cy apres.

  A015003804 

 Quatre rangs d'allebardiers, bien armés de cuirasses la pluspart; cinq arquebusiers tenant place de caporaulx; deux rengs de muscataires, et suivoient le tambour sonnant a l'accoustumee, j rangs d'aultres muscataires; et les arquebusiers, de rang a rang et a cinq par rang, suyvoient aussy deux tambours.

  A015003805 

 Et arrivés au devant de l'Hostel de ville, seroit monté noble Monet Falcaz, capitaine enseigne de la ville; auquel Hostel de ville les susdicts sieurs Scindics estoient assemblés, avec leurs Conseillers, cy devant nommez en l'assemblee de ce jourd'huy: ou estant, leur auroit demandé le drappeau neuf, plyé dans une grande baucine d'argent, affin d'estre benict.

  A015003805 

 Lequel drappeau, ledict sieur Falcaz l'auroit reçu, gettant les genoux en terre, des mains du sieur premier Scindic; et apres les remerciations ordinaires, ledict sieur Falcaz seroit descendu portant a deux mains ladicte baucine et le drappeau neuf dans icelle, et auroit trouvé la compagnie qui avoit faict alte jusques a sa venue, et se meit a son rang: estans a ladicte compagnie davantage de 200, sans ledict chief et officiers..

  A015003806 

 Ledict sieur Falcaz seroit entré dans ladicte eglise, et arrivé au marchepied du grand autel, ou il trouva Illustre et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, Esvesque et Prince de Geneve, revestu d'une estolle et la miltre en teste, auroit presente ledict drappeau (est ans messieurs les Scindics, accompagnés de plusieurs Conseillers et de secretaires, dans leurs sieges): lequel drappeau auroit benist, usant de plusieurs sainctes et belles ceremonies; puis, mise (sic) a son baston, mondict Seigneur l'auroit eslevé un peu hault par la poignee, et despuis remis audict sieur Falcaz qui, retournant a sa trouppe qui faisoit aussi alte, a continué son chemin par devant Saincte Croix, ou soit la porte Genotton; et se rendant devant l'Hostel de ville, auroit arborisé aux fenestres ledict drappeau, ou il a demeuré jusques au lundy apres, dixieme de ce moys.

  A015003807 

 Estant a noter que pendant que la trouppe passoit par devant la Porte Genotton, le penon d'icelle s'estoit mis en tout debvoir, s'estant assemblé avec l'enseigne deployee, portee par lé fils ayné de M r Jean Gabriel Compte; qui neanmoins a esté aulcunement altein en sa charge par M e Jean Greyfié, procureur au Conseil de Genevoys, et par M e Claude et François Greyfié ses freres, qui se sont mis en debvoir de luy arracher ladicte enseigne: s'estant tous les pennons esmeus tellement, que les ungs ont levé les armes contre les aultres, estant le tout reucy, par la grace de Dieu, que nul n'a esté offencé..

  A015003808 

 La predication achevee, l'on a sonné la procession a l'eglise de Sainct François, ou reside le tres venerable Chapitre de l'eglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, ou touttes les eglises se sont assemblees avec les croix, sauf celle de Nostre Dame.

  A015003809 

 Finalement, les Reverends sieurs Prevost et Chanoines de Sainct Pierre, avec leurs serviteurs, tous revestus de leur habit viollet, le rocquet au dessoubz; les enfans de cœur (chœur) habillés de tuniques de damas incarnat.

  A015003809 

 Les devots Capucins premier; puis la croix de Sainct François et de Saincte Clare joinctes ensemble, avec les Peres de Sainct François qui les environnoient.

  A015003809 

 Troisiesmement, la croix des devots Orateurs de Sainct Dominique, et apres eulx, les Reverends Chanoines reguliers du prieuré du Sainct Sepulcre.

  A015003810 

 Puis suivoit un enfant de cœur portant un cros (gros) benistier d'argent, deux aultres portans chascun un chandellier d'argent, la grand croix de Sainct Pierre [portée] par un prestre revestu d'une tunique de damas roge; et apres les serviteurs et musiciens habillés de leurs surplis, nos Seigneurs les chanoines, chascun par ordre; enfin les deux chantres que dessus, puis celluy de la croce, et [403] Monseigneur avec ses assistans, a costé le porte miltre.

  A015003811 

 Puis suyvoient quatre petits enfans portans chascun une tocque armizee des armes de la ville, devant et dernier, portant chascun une torche cire blanche qui n'estoit allumee; estans suivis du secretaire de la ville tout seul, puis de messieurs les Scindics portans leurs bastons de scindicat en main, le premier revestu de sa robbe d'audience, ayant les parementz devant et des manches de velours, avec sa cornette.

  A015003812 

 En apres, les prestres d'honneur et les sieurs chanoines, portant leurs aumusses aux bras, et finallement deux chantres portans deux beaux et grands bastons d'argent neuf, ayant de grosses pommes d'argent a la cyme, revestus de chappes d'or tres riches: qui tous, apres avoir salué le clergé, se sont mis audevant la croix de Sainct Pierre avec celle de Sainct Maurice, puis ont commencé a chanter en musique, a leur tour, le reste du Te Deum, etc., avec Messieurs de Sainct Pierre.

  A015003812 

 En devant le dict sieur Doyen marchoit un seigneur chanoine, revestu d'une tunique de pareil estoffe que la chappe dudict sieur Doyen, portant ung grand turibule ou encensoir d'argent; puis les serviteurs de ladicte eglise, faisant la musique.

  A015003812 

 Et ladicte procession arrivee sur le Pont de Nostre Dame (tout ledict Pont, et fort bien loing, bordé de soldats, comme aussy celuy de la Hasle, du pennon de la Procure, l'enseigne desployee, et au devant l'Hostel de ville le drappeau neuf et tantost benist porté par ledict sieur Falcaz), s'est trouvé a costé du bout du Pont, pres la petite maison de M e Jean Baptiste Garbillon, la croix de la venerable eglise de Nostre Dame, avec les Reverends sieurs François de Lornay, doyen, revestu d'une chappe de drap d'or frizé; le porte croix revestu d'une tunique drap d'or parsemé quelque peu de soye viollette, et precedoit le maistre bedeau avec son baston d'argent de ladicte eglise; puis deux enfans de cœur (chœur) revestus de tuniques de diverses couleurs, ainsy'que les aultres enfans d'icelle eglise, portans deux chandelliers d'argent.

  A015003815 

 Premierement, a la premiere porte de l'entree de ladicte eglise, sçavoir celle qui est plus proche de la chappelle de Nostre Dame, au dessus de l'arcade reposoit l'image de la tres sacree Vierge Marie en bosse, et au dessoubz d'icelle estoit escript ce distique en grosse lettre jaune, estant ung anagramme faisant les premieres lettres des motz MARIA VIRGO:.

  A015003828 

 Dont lesdictes 4 colonnes estoient posees deux de chasque costé, soustenues par un lyon du costé de la chappelle, et d'ung chien de l'autre; et entre les deux colonnes estoit une colonne de papier, deuement eslaboree de beaux feullaiges.

  A015003831 

 Au dessoubz du couvert de ladicte porte, pres les degrez de l'Hostel de ville, par ou la procession fait son entree, estoit une Annonciade tres riche, et au dessoubz, aultre distique parlant a ceulx qui desiroient d'entrer:.

  A015003837 

 Et apres que mondict Seigneur a heu en main le tres sainct Corps de Jesus Christ, les deux chantres de Nostre Dame ont commencé Pange lingua, qui a esté chanté en musique par le cœur (chœur) de ladicte eglise, et celluy de Messieurs de Sainct Pierre chante le second verset dudict hymne; et ainsy successivement les ung (sic) apres les aultres, jusque a la fin d'icelle.

  A015003837 

 Et arrivé mondict Seigneur aupres des degrés du jubé, ou estoit paré l'oratoire pour reposer Jesus Christ, a esté conduict par ledict sieur Doyen, avec les deux assistans, audict oratoire richement paré, ou il a reposé le Sainct Sacrement; et cependant, les deux cœurs des deux eglises chantoient en musique divers mottetz a la louange de nostre Dieu..

  A015003837 

 Puis la procession a continué a marcher, sçavoir: les Peres Capucins et tout le reste du clergé, sauf Messieurs de Nostre Dame et de Sainct Pierre, contre l'hostel (autel) de Nostre Dame, au devant la trille de fer duquel s'estant reposés, Monseigneur le Reverendissime seroit allé prendre le tres sainct et tres auguste Sacrement, qui a esté remis par ledict sieur Doyen, qui continuellement, despuis l'arrivee a ladicte eglise, luy a assisté avec les aultres assistans que dessus.

  A015003843 

 Au dessus de la corniche, qui estoit faicte a jour, estoit ung Jesus a bosse, revestu d'une chemise de toyle d'argent; au bas, a l'endroict [406] de ses piedz, ung pommeau, et deux aultres a chasque costé, et au bas d'icelle corniche, sçavoir entre les consoles dorees et argentees estoit escript ce distique en lettre d'or:.

  A015003849 

 L'oratoire estant dressé au jubé de ladicte eglise pres du sainct Crucifix, en lieu fort eminent, dressé d'une merveilleuse façon, sans que ledict Crucifix fut veu; fort bien, de la Vierge et de sainct Jean, la teste seulement et les mains, qui sembloient adorer le tres auguste Sacrement.

  A015003850 

 A l'une des dictes petites, sçavoir a celle du costé du clochier, estoit dressé l'effigie de Moïse en grande statue, tenant les tables de la Loy es mains; icelle arcade bouché (sic) d'une tapisserie de peau doré.

  A015003850 

 Tout au devant et a l'aspect du peuple, y avoit trois arcades a façon de portes: celle du milieu fort grande, les autres deux, petites.

  A015003851 

 Et entre la grande et les petites arcades estoient deux portes ouvertes, et au dessus ung fons despict (peint); chacune porte soustenue [407] avec lesdictes arcades, de quatre grandes colonnes argentees, a façon de chappiteau et a canaulx creux et de relief, et deux autres grandes plattes richement travaillees, ausquelles estoient le soleil et la lune en deux verres rond (sic), et aultres verres en triangle, et les aultres en long, qui rendoient une grande clarté.

  A015003881 

 Et les aultres trois arcades tout au dessoubz, estoient parees richement d'ung estoffe rouge semé de petites croix blanches de sainct Mauris, et aux 4 pilliers estoient mis quatre pillastres enrichies (sic) de diverses couleurs, avec des rosettes de papier dourees, argentees et coulouriees.

  A015003893 

 Au milieu de l'arcade du milieu, pendoient les armes d'heureuse memoire Pape Clement, qui jadis s'appelloit Robertus de Gebennis; au milieu de l'arcade pres le clochier, pendoient les armes d'Illustrissime et Reverendissime Monseigneur Cardinal de Savoye, et au milieu de l'aultre et troisieme arcade, celles de Son Altesse et de Monseigneur.

  A015003893 

 Et sur le pillastre pres du clochier ont esté mises les armes du venerable Chapitre de Nostre Dame; a l'aultre apres, celles d'Illustre et Reverendissime Seigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve; sur le [409] troisieme, celles de monseigneur Sigismond d'Est, marquis de Lans, lieutenant general pour Son Altesse deça les montz, et sur le quatriesme pillastre estant pres la chappelle de Sainct Laurens, les armes de la ville.

  A015003893 

 Puis a costé de celle du milieu, deça et dela au dessus d'icelle, sçavoir aux deux sieges qui sont de pierre, deux anges revestus de rouge, les ailes dorees, tenans chascun ung chandellier d'argent ou estoient deux cierges de cyre blanche.

  A015003895 

 Et arrivés au cuing Gouard, les Peres de Sainct Dominique, apres une profonde salutation, se sont retirés, et les aultres croix aussi, soudain qu'elles sont arrivees au commencement du Pont Morens, estant demeuré, avec la croix de Messieurs de Sainct Pierre, seulement celle de Sainct François.

  A015003895 

 Et comme toutes les croix sont sorties de l'eglise, Messieurs de Nostre Dame sont pareillement sortis par le premier portai, avec leur croix et au mesme ordre que cy devant, et ont attendu aupres du Pont ladite procession qui passoit, saluans tout le clergé a mesure quil passoit, notamment Monseigneur le Reverendissime.

  A015003895 

 Et le tres sainct Sacrement mis au susdict oratoire, mondict Seigneur le Reverendissime est descendu, puis la procession avec tout le clergé a commencé a partir par la porte de la grand allee; et messieurs les Scindics sont demeurés dans Nostre Dame, sans avoir suivy et accompagné ladite procession.

  A015003895 

 Et toute la nuyct l'eglise de Nostre Dame a esté ouverte et plaine de peuple, et sur les autelz, de chandelles pour esclairer les penitens et ceulx qui y abordoient..

  A015003898 

 Encores que la nuict precedente l'eglise fut toute remplie de peuple advenue (sic) a la devotion, tant pour avoir plus de commodité de se confesser que pour adorer le tres sainct Sacrement, n'a resté pourtant que la musique, mays [a] faict sa function avec les orgues, violles, lutz, espinettes et aultres instrumens musicaulx..

  A015003899 

 Et portoit l'enseigne monsieur Jean Rogex, estant sergent honnorable Pierre des Roches, dict des Terres; et estoient en soldatz bien armés, davantaige de 200, sans les officiers, qui ont faict ung corps de garde devant l'Hostel de ville, oultre les quatre des quatre grandes portes..

  A015003900 

 Et aux cinq heures ont esté commencees les Matines par monsieur le doyen François de Lornay, avec le reste de l'Office de tout ce jour la, estant tousjours l'eglise remplie de peuple qui tachoit de se confesser; dont, pour le peu de confesseurs, plusieurs s'en sont allés confesser et communier a leurs parroisses, d'aultant que mondict Seigneur le Reverendissime, par ordonnance quil feit attacher aux portes des eglises, n'en commit la charge des confesseurs sinon a quatre sieurs chanoines de Sainct Pierre et a trois sieurs chanoines de Nostre Dame qui ne pouvoient souffire; estans lesdits quatre de Sainct Pierre: Reverends seigneurs Estienne de la Combe, Claude Grandis, Philibert Rogex et Janus des Oches; et les aultres, Jean Loys Jacques, Thomas Peyssard et Roux des Oches..

  A015003900 

 Puis arrivee la minuyct, l'on a commencé de sonner les cloches grosses et petites, par ce que a la dite heure commençoit le Jubilé, et aux quatre heures semblablement.

  A015003901 

 Ayant messieurs du Conseil de la Chambre et messieurs les Scindics assisté a tous les Offices, sauf a Matines, accompagnés de grand noblesse, respondues a divers cueurs (chœurs) de musique, tantost aux orgues et ores aux violles, lutz et trompettes..

  A015003901 

 Estant si plain l'autel de la Communion, et la devotion des penitens [si grande,] qu'apres avoir esté repeus de ce tant sacré Sacrement, ils s'en alloient par les autelz baiser les linges par humilité.

  A015003901 

 Et es aultres actions de musique, estoient meslees les trompettes, qui estoient en nombre de sept; n'estant a oublier que soudain que le Jubilé fut ouvert, le chasteau ne manqua a rendre son debvoir et de tirer des pieces de canons a la louange de nostre Createur, jusques a 40 coups.

  A015003902 

 Et [après] disné, les escholliers ont faict monstre pour donner a entendre quilz avoient a jouer une histoire le lundy prochain..

  A015003905 

 Et mondict Seigneur prescha a la coustumee, sçavoir apres Vespres; puis, environ les six heures du soir, la procession assemblee a Sainct Pierre et partant dudict lieu, seroit venue droict par dessoubz [la] rue, puis entree a Nostre Dame, chantans.

  A015003905 

 Et tous les cœurs des eglises assemblés en pareil ordre que celle cy devant, Monseigneur a prins le tres sainct Sacrement, puis marchand au mesme reng qu'a l'ouverture du Jubilé, la procession est partie par la grand allee de Nostre Dame, qui est allé (sic) vers le pré Chapuis, au coing Gouard; et puis revinrent a l'eglise, ou Monseigneur a remis le Sainct Sacrement au siboire de l'autel de Nostre Dame, et l'Ave Maria sonnee, la procession s'est retiree..

  A015003906 

 Et le lundy, les escholliers ont representé en vers latins la Vie de sainct Placide, surnommé sainct Heustache; puis apres, au lieu d'une farce, ont esté sonné les pris aux ascendants aux classes..

  A015003919 

 A la verité, s'il m'est permis de parler avec vous sans offenser personne, je ne sçay qui peut avoir conseillé S. A. S. de mander deux Ambassadeurs extraordinaires avec moy, pour demander une simple responce sur les poursuittes et propositions que j'ay desja faict cy devant a sept ou huict assemblees et dietes, suivant les commandements de S. A. S. Pour moy, j'estime sçavoir cette negociation mieux que mon Pater; s'il eut pleu a S. A. Sme de me laisser suivre mes dessins, possible luy aurois-je apporté quelque contentement.

  A015003919 

 Vous priant d'asseurer S. A. S. sur ma parolle, que je suis autant praticque des affaires de Suisse, autant aymé et cognu, que tel qui a demeuré en ce pais les cinq et six ans, au rapport que le seigneur Auditteur Valdengue en fera, s'il veut dire la verité.

  A015003920 

 Si ce feut esté pour une conference, ou bien une [413] assemblee pour disputer les droits de S. A. S., cela estoit bien, car trois sçavent plus que non pas un.

  A015003922 

 Je suis a jamais, appres vous avoir baisé humblement les mains,.


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A016000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A016000014 

 Dépouillé par les Genevois de son pouvoir et de ses biens temporels, l'Evêque de Genève s'excuse de ne pouvoir prêter son concours à l'Empereur. 17.

  A016000023 

 — Les voies les plus faciles ne sont pas toujours les meilleures.

  A016000023 

 — User d'amour et de douceur envers les petits esprits et les cœurs faibles. 24.

  A016000024 

 Une âme dévoyée: pourquoi les «Dames de la Visitation» ne sont pas répréhensibles de l'avoir assistée.

  A016000025 

 — Si le Duc reçoit les plaintes contre les Annéciens, «sans praejudice des defenses des accusés, Dieu sera obei.».

  A016000026 

 Les voyageuses de Lyon et les préliminaires d'une fondation.

  A016000030 

 — Les plaintes de Berthelot contre Janus de Sales, sujet de mortification pour l'Evêque. 29.

  A016000034 

 — Le désir et les effets des vertus.

  A016000044 

 — Les déserts et les fertiles campagnes de la vie spirituelle.

  A016000046 

 — Le plus vif de tous les amours.

  A016000053 

 — Les serpents et le charmeur.

  A016000055 

 — Les «veritables marques des veritables graces surnaturelles.».

  A016000057 

 Pourquoi les âmes religieuses sont heureuses.

  A016000058 

 — Les «pauvres gens» servis comme frères et membres de Jésus-Christ, plus heureux que le «pauvre pere.» — Espérance qui consolait celui-ci de ne voir pas à son gré ses filles de la Visitation. 53.

  A016000059 

 Les déceptions de la vie et ses fugitives consolations.

  A016000060 

 — Les vicissitudes de la vie humaine.

  A016000061 

 — A quoi servent et comment il faut présenter les ablutions.

  A016000067 

 — De Lyon et de Paris on a demandé les Constitutions.

  A016000070 

 — Les chutes graves et le progrès en la dévotion. 64.

  A016000070 

 — Les injures et le Crucifix.

  A016000070 

 — Les «pasquins» et le monde; comment se guérit le mal de la calomnie.

  A016000075 

 — Pourquoi il faut mépriser les calomnies anonymes. 70.

  A016000077 

 — Deux remèdes de François de Sales contre les contradictions.

  A016000078 

 — Les productions de l'amour-propre.

  A016000079 

 Saint François de Sales espère terminer les prédications de l'Avent.

  A016000080 

 — L'haleine du bœuf et de l'âne, et les aspirations de notre cœur.

  A016000088 

 Ce qui tenait occupé le Saint toutes les matinées; l'emploi meilleur qu'il aurait voulu en faire.

  A016000088 

 — Les séparations pour les mondains et les amis de Dieu. 80.

  A016000090 

 Quand faut-il s'abandonner entièrement entre les bras de la Providence.

  A016000091 

 — Attachement du Saint pour la Congrégation de l'Oratoire; il désire en connaître les règlements.

  A016000100 

 — Le moindre brin du divin amour, préférable à tous les trésors du monde. 91.

  A016000102 

 — Les airs de deuil transformés en chants d'allégresse à l'élection de M gr Jost.

  A016000105 

 — Son aversion pour les affaires d'intérét.

  A016000111 

 Les statuts du Chapitre de l'église cathédrale d'Annecy doivent servir de type à la collégiale de Samoëns. 100.

  A016000112 

 — Etre sur la croix, grace insigne pour les âmes dédiées à Dieu. 101.

  A016000118 

 Le duel et les censures de l'Eglise au XVII e siècle.

  A016000121 

 Les Pères Barnabites à Annecy.

  A016000124 

 — Le monde, malgré sa malignité, estime les vrais dévots et la dévotion sérieuse et toute suave. 112.

  A016000128 

 L'Evêque de Genève sollicite l'admission d'une postulante chez les Chartreusines de Mélan. 115.

  A016000129 

 Les brebis gagnent à l'absence des mauvais bergers.

  A016000130 

 Saint François de Sales et les offenses.

  A016000132 

 — Les Œuvres de sainte Thérèse.

  A016000133 

 — Pourquoi Dieu permet les «secousses de l'amour-propre.» — Salutations. 120.

  A016000135 

 — Préservatifs conseillés contre les malignes influences de la cour. 122.

  A016000139 

 Les mauvais procédés et les répugnances de l'amour-propre: excellentes occasions de pratiquer l'humilité. 126.

  A016000141 

 M me des Gouffiers aspirante à la Visitation; accueil que lui préparent le Fondateur et les Religieuses.

  A016000142 

 Un échange qui accommoderait infiniment les monastères de Saint-Dominique et de la Visitation; il se fera, si le prince de Nemours en témoigne le désir.

  A016000146 

 MIII. A MM. les Proviseurs du College de Savoie a Louvain.

  A016000146 

 — Les Proviseurs sont priés d'agréer ce qui a été fait et de correspondre au désir du Saint. 133.

  A016000147 

 Dieu guide les âmes qui remplissent avec humilité quelque mission de sa Providence.

  A016000147 

 — C'est sa «plus grande gloire qu'il y ayt une Congrégation de la Visitation au monde.» — Humilité du Fondateur; son affection pour les Ursulines. 133.

  A016000147 

 — Le vrai esprit de la Visitation, et comment elle doit considérer les autres genres de vie.

  A016000149 

 — A quelles conditions Dieu chérit les âmes tracassées. 136.

  A016000150 

 — Déférence que méritent les Carmélites.

  A016000165 

 — Les agissements du gouvernenr de Milan pour attirer le Valais au parti de l'Espagne.

  A016000169 

 — Les souffrances spirituelles de la Mère de Chantal ne troublent pas son saint Directeur. 156.

  A016000172 

 Pour être tout à Dieu, nous devons crucifier nos affections les plus vives.

  A016000173 

 — L'auteur a su transformer les muses païennes en chrétiennes.

  A016000173 

 — Le pouvoir des vers pour pénétrer les cœurs. 158.

  A016000176 

 Pourquoi le saint Fondateur désire envoyer à Lyon les meilleurs de ses sujets.

  A016000178 

 — On attend à Annecy les délégués de l'Archevêque de Lyon. 161.

  A016000180 

 — Les âmes vraiment inséparables.

  A016000187 

 Les marques du pur amour.

  A016000187 

 — De quel prix ont été payées les vertus des chrétiens. 166.

  A016000189 

 — Désir de savoir les particularités de l'«abord» à Lyon.

  A016000190 

 — Pourquoi il prend patience dans son «buisson.» — Promesse d'adresser à son ami les premiers exemplaires du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A016000191 

 Les pièces pour la cause du bienheureux Amédée de Savoie ont été envoyées et reçues en temps opportun.

  A016000192 

 — Le moyen de rendre les langueurs salutaires et aimables. 171.

  A016000193 

 D'où procèdent les découragements dans la vie spirituelle.

  A016000193 

 — La présence du Saint-Sacrement, trésor de vie pour les maisons qui en jouissent. 171.

  A016000194 

 — Son attendrissement en voyant les pigeons faire place aux petits oiseaux et leur laisser pour leur repas des restes à suffisance. 172.

  A016000196 

 La nuit et les œuvres de la nuit.

  A016000196 

 — Pourquoi les princes sont tenus en conscience de ne pas recevoir sans examen les accusations.

  A016000204 

 — Les sorties, et l'autorité du Père spirituel du Monastère.

  A016000205 

 — Il faut ramener les délinquants au devoir. 182.

  A016000205 

 — Les femmes de Seyssel.

  A016000207 

 Les distractions en l'oraison.

  A016000209 

 — Avis sur les sorties extraordinaires.

  A016000209 

 — Ne pas recevoir les postulantes avant l'âge requis.

  A016000210 

 — Les sorties extraordinaires et pour quelles visites il faut les permettre. 188.

  A016000211 

 Faut-il rechercher la cause de nos sécheresses? — Pourquoi Dieu les envoie.

  A016000211 

 — A quoi servent quelquefois les séparations. 188.

  A016000215 

 Amitié du Saint pour les religieux Feuillants.

  A016000216 

 — Union d'intimité spirituelle entre les âmes des deux Saints. 193.

  A016000217 

 Aucune distance ne peut éloigner les cœurs que Dieu unit.

  A016000218 

 — Que faire pour permettre à Dieu de parachever son œuvre dans les âmes. 194.

  A016000227 

 MLXXXII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel I er, pour les Religieuses de la Visitation.

  A016000229 

 Les Religieuses de la Visitation d'Annecy rendent compte à leur protectrice de leurs consolations: pose de la première pierre de l'église, envoi prochain de trois d'entre elles pour dresser un nouveau monastère à Lyon. 204.

  A016000229 

 MLXXXIV. A la Duchesse de Mantoue, Marguerite de Savoie, pour les Religieuses de la Visitation (Inédite).

  A016000267 

 Je n'attens plus que d'avoir une bonn'audience d'elle, selon qu'elle me la promit a Trein, et une autre de Monseigneur de Nemours: et puis, me voyla de rechef a cheval pour retourner en ma pauvre petite coquille, qui m'est plus chere que tous les palais des grans Princes, desquelz les caressent ( sic ) m'obligent extremement, sans m'engager nullement..

  A016000302 

 Et moy, ma chere Fille, je vous escris encor plus courtement pour responce a vostre lettre du 5 de ce mois, tant pour mille petites affaires et visites que je reçoy, que pour la ferme esperance que j'ay de vous voir bien tost, resolu, Dieu aydant, de partir d'icy samedi ou Dimanche prochain, pour estre a Neci au jour de la sainte Pentecoste, puisque je n'arreste plus que pour l'affaire de ces pauvres bannis; car, quant [5] aux despeches, je laisseray le bon M. de Blonay qui, de bon cœur, demeurera pour les solliciter.

  A016000304 

 Caressés cordialement les messieurs qui s'en revont, en particulier M. Floccard.

  A016000319 

 Je receu a Thurin vostre lettre du 30 mars, avec une extreme confusion d'y voir le remerciment que vous me faites de ma perseverance au desir de servir vostre parroisse le Caresme prochain; puisque ma volonté, [7] ma perseverance, mon esperance demeurent frustrees et inutiles, Son Altesse ne m'ayant pas voulu accorder que je sorte d'icy pour les praedications, avec des paroles tant honnorables que rien plus, mais nullement favorables a mon intention.

  A016000321 

 Mays, pour tout cela, je ne vous supplieray point de prendre la peyne de faire faire les deffences qui seroyent requises pour en empescher la debite, car ce vous seroit une trop grande importunité.

  A016000344 

 Les mains d'un si digne porteur vous rendront, je m'asseure, ce papier aggreable, outre la faveur maternelle delaquelle vous recevés tout ce qui vous est presenté de ma part.

  A016000389 

 Mays puisque cette action de grace ne vous est pas arrivee, je la refay maintenant de tout mon cœur, vous asseurant que c'est avec un grand surcroist de l'estime que j'avois de vostre bienveüillance, par la description plus particuliere que Madame de Baume m'a fait des qualités et conditions de vostre esprit, que j'ay treuvé extremement aymable, priant Dieu qu'il luy playse les affermir et accroistre de plus en plus.

  A016000390 

 C'est un benefice extraordinaire, qu'entre les aggreemens du monde, emmi le printems d'une jeunesse et entre les louanges de plusieurs, vous aymies et estimies les saintes vertus.

  A016000391 

 Pour moy, je me res-jouy infiniment avec vous de quoy l'Espoux sacré a touché les entrailles de vostre ame et vous a fait odorer le parfum de ses attraitz, et ne puys m'empescher de vous dire que vous couries apres luy, et que vous couries de sorte que vous le puyssies attaindre.

  A016000411 

 Neanmoins, puisque je me suis diverti seulement pour aller prendre les arres de cette mesme veuë en la sainte Messe, j'espere qu'il me reviendra quand il en sera tems.

  A016000411 

 O Dieu, ma tres chere et unique Mere, aymons parfaittement ce divin objet qui nous prepare tant de douceur au Ciel; soyons bien tout a luy, et cheminons nuit et jour entre les espines et les roses, pour arriver a cette celeste Hierusalem..

  A016000412 

 Les voyes les plus faciles ne nous menent pas tous-jours plus droitement ni asseurement; on s'amuse quelquefois tant au playsir qu'on y a et a regarder de part et d'autre les veuës aggreables, qu'on en oublie la diligence du voyage..

  A016000413 

 Helas! ma tres chere Mere, que la vanité fait de tort a ces chetifz petitz espritz, qui ne se connoissent pas et se mettent entre les hazars! Mais pourtant, comme vous sçavés, en bien remonstrant, il faut user d'amour et de douceur; car les advertissemens font meilleure operation comme cela, et autrement on pourroit detraquer ces cœurs un peu foibles.

  A016000424 

 Dieu a caché le secret des choses a venir aux hommes, et si nous ne devions servir sinon les ames qui doivent perseverer, nous serions bien en peyne comme les discerner d'avec les autres.

  A016000424 

 Et pleust a Dieu que cette pauvre femme fust demeuree dans les resolutions qu'elle avoit prises a la Visitation! elle eust esté bien heureuse et de bonne odeur a tous les bons.

  A016000424 

 Le monde a tort de prendre a contrepoil l'office de charité que les Dames de la Visitation ont cuidé faire en son endroit.

  A016000426 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vives tous-jours toute a Dieu, qui vous y a tant obligee par les graces et instructions quil vous a departies; et je suis, d'un cœur parfait,.

  A016000449 

 Revu sur l'Autographe qui se trouvait à Lyon, chez les RR. Pères Jésuites,.

  A016000456 

 Faites voir, je vous prie, ces lettres a nostre madame des Gouffier, et les voyes vous mesme; c'est affin qu'elle considere si je dis bien au P. Grangier selon ce qui s'est passé..

  A016000500 

 Ces gentilshommes bourguignons pour lesquelz je fis encor pareille demande a Vostre Grandeur, attendent aussi les effectz de la bonne volonté qu'elle me tesmoigna pour leur regard, et meritent d'autant plus de les recevoir, qu'ilz ne les desirent que pour la jalousie qu'ilz ont de pouvoir sans contradiction porter par tout le nom de tres humbles serviteurs de Vostre Grandeur, puisque [30] soudain qu'ilz auront sa faveur, ilz se retireront en leurs pais, sinon que quelque digne service de Son Altesse ou de Vostre Grandeur les retint; auquel cas, ilz tesmoigneroyent bien le tort qu'on a eu de les accuser de manquement de respect et d'honneur envers elle, a laquelle ilz font speciale profession de tres humble affection, et sont de telle qualité et condition qu'ilz sont dignes d'estre estimés..

  A016000501 

 Et quant aux artifices par lesquelz, aforce deseplaindre, on voudroit faire treuver mauvaise l'intercession que j'ay faite pour tant de gens, je ne les crains nullement; car je sçai que Vostre Grandeur ne se laissera point surprendre par telles ruses, et moyennant cela, je suis trop asseuré de luy faire tous-jours paroistre la sincerité et equité de mes remonstrances et supplications.

  A016000519 

 Vous aures les primices du vin grec de Monpelier, lesquelles, puysque j'avois destinees a monsieur le Marquis de Lans, nostre gouverneur general, se rencontreront a propos entre vos mains pour luy estre donnees, bien que je ne me veuille pas pour cela exempter de luy envoyer les secondes traittes, desquelles aussi, peut estre, reciproquement vous fera-il part..

  A016000521 

 A ce propos, on m'a dit que le sieur Bertelot avoit fait faire des grandes plaintes contre mon frere le chevalier a Son Excellence, mays il se treuvera que c'est a tort et pour des frivoleries: comme de ne le saluer pas, non plus qu'il n'est pas salué de luy, et semblables choses indifferentes et dont les plaintes peuvent estre reciproques, quoy que non egales en l'inegalité des personnes.

  A016000521 

 Or, j'attens tous les jours l'ordre de sa liberté que Monseigneur de Nemours m'a promis; c'est pourquoy je ne luy envoye point jusques a ce que je l'aye.

  A016000551 

 Je luy conferay ses derniers Sacremens, mais je n'eus pas la consolation de la voir expirer; et certes, c'eust esté avec suavité que j'eusse receu les derniers souspirs de cette premiere de mes filles qui est allee voir au Ciel ce que Dieu reserve et prepare aux autres..

  A016000570 

 Maintenant que vous estes, comme vous [36] dites, en solitude, je vous prie, ayes bien reciproquement souvenance de moy, affin quil plaise a Nostre Seigneur me donner les effectz des vertus desquelles il m'a donné le desir..

  A016000630 

 La bonne madame de Chantal part dans huit ou dix jours, pour terminer finalement toutes les affaires qu'elle peut jamais avoir en Bourgoigne.

  A016000632 

 Je vous envoye encor des devotions de saint Charles; [42] les reliques sont de l'epoque que je vous dis.

  A016000679 

 Je presente a Vostre Grandeur une requeste pour les fins de laquelle le Conseil de Genevois a renvoyés mes freres supplians a elle.

  A016000680 

 J'attens de mesme, Monseigneur, la faveur quil vous pleut m'accorder pour les sieurs de Charmoysi et du Noyeret.

  A016000694 

 Comme je vous donnay connoissance de ce petit voyage de Gex, aussi veux-je donner advis a Vostre [47] Excellence de mon retour, et qu'hier, environ les trois heures que j'en partis, je laissay le baillif de Nion et quelques autres Bernois qui vindrent prier monsieur le Grand de France de faire revenir ses trouppes, attendu qu'ilz estoyent asseurés que vous, Monsieur, ne desarmies point et que les trouppes piemontoises et espagnoles passoyent les mons. A quoy monsieur le Grand respondit quil les remercioit de l'advertissement, mays qu'avant que rien remuer, il attendroit M. d'Amanzé, quil avoit envoyé par deça aupres de Vostre Excellence, pour apprendre ce qui est du desarmement.

  A016000701 

 Monsieur, et quant au sujet de mon voyage, nos ecclesiastiques et catholiques sont demeurés consolés par l'accommodement que nous avons fait de toutes les difficultés suscitees par nos adversaires, graces a Dieu..

  A016000711 

 Vous verres bien que, parmi tant de destours, nous ferons prou et que Nostre Seigneur nous conduira par les desertz a sa sainte terre de promission, et que de tems en tems il nous donnera dequoy priser les desertz plus que les fertiles campaignes, dans lesquelles les blés croissent en leurs saisons, mais la manne pourtant n'y tombe pas..

  A016000712 

 O Dieu, ma Fille, mettons nous ainsy devant nostre Soleil crucifié, et puis disons luy: O beau Soleil des cœurs, vous vivifiés tout par les rayons de vostre bonté; nous voyci mi mortz devant vous, d'ou nous ne bougerons point que vostre chaleur ne nous avive, Seigneur Jesus..

  A016000731 

 Celui-là est censé s'inspirer de raisons sérieuses, qui, de bonne foi, est prêt à soumettre, soit au conseil d'hommes sages, soit du moins à l'appréciation des supérieurs, son avis personnel sur le fait de quitter l'épiscopat, son désir et les raisons de ce désir, et qui, en même temps, est disposé à se ranger avec une égale promptitude au pour et au contre..

  A016000732 

 Oui, lever les yeux vers les montagnes, d'où nous viendra le secours, espérer dans le Seigneur et nous glorifier volontiers dans nos infirmités pour que la vertu du Christ habite en nous, c'est bien mieux que de retourner en arrière au jour du combat, comme les enfants d'Ephrem.

  A016000735 

 Au demeurant, une jeune fille de Chamberi s'estant laissee porter trop avant en l'amour d'un jeun' homme de vostre ville, et se desfiant que les pere et mere d'iceluy n'apportent quelque difficulte au mariage necessaire pour couvrir son honneur et pour accomplir les mutuelles promesses sous lesquelles elle proteste d'avoir encouru le hazard de sa reputation, elle m'a fait prier d'interceder vers vous, Monseigneur, affin qu'il vous playse d'employer vostre charite vers lesditz pere et mere du jeune homme, pour les disposer a consentir a un' honnorable conclusion de l'amour d'iceluy et d'elle; attendu mesmes qu'ell' est d'une parentee fort recommandable, fille de la seur de monsieur Boursier, ancien secretaire d'Estat de Son Altesse.

  A016000735 

 Ce gentilhomme, son cousin germain, vous desduira mieux que je ne vous sçaurois escrire ses intentions, lesquelles estant bonnes et raysonnables a [54] mon advis, je ne fay nulle difficulte de vous supplier de rechef de les avoir en recommandation, et moy sur tout en vos saintz Sacrifices, puysque je suis plus que nul homme du monde,.

  A016000749 

 Parmi les lassitudes et autres ressentimens que la maladie m'a laysse, j'ay dresse le Memorial qu'il vous [55] avoit pleu desirer de moy, et ay voulu y adjouster un abbrege, affin qu'il vous fust plus commode en vos confessions de le porter et voir, le grand vous demeurant comme en reserve pour y avoir recours en vos difficultes et en tirer l'esclarcissement de ce qui se treuveroit obscur en l'abbrege.

  A016000752 

 C'est qu'il est entré dedans mon cœur, et mes affections se sont rangees aux loix de l'amour qu'il signifie, le plus grand, le plus vif, le plus fort de tous les amours.

  A016000752 

 En suite duquel il faut que je vous supplie de rechef, Monsieur, de prattiquer diligemment les exercices que je marque es chapitres X, XI, XII et XIII de la seconde Partie de l' Introduction, pour le mattin et le soir, pour la retraitte spirituelle et pour les aspirations en Dieu.

  A016000752 

 La bonté de vostre esprit, le courage noble que Dieu vous a donné, vous serviront grandement a cette prattique-la, laquelle vous sera d'autant plus aysee qu'il n'est besoin d'y employer que des momens desrobbés, ains retirés justement, en diverses occasions, ça et la, sur les autres affaires.

  A016000753 

 L'experience m'a fait toucher, en vingt et cinq ans qu'il y a que je sers les ames, la toute puissante [57] vertu de ce divin Sacrement pour fortifier les cœurs au bien, les exempter du mal, les consoler, et en un mot les diviniser en ce monde, pourveu qu'il soit hanté avec la foy, la pureté et la devotion convenables..

  A016000753 

 Oh! si vous pouviés doucement decevoir vostre chere ame, Monsieur, et en lieu que vous aves entrepris de communier tous les moys un an durant (mais un an de douze moys), quand vous auries achevé le douziesme vous y adjoustassiés le treiziesme, puis le quatorziesme, puis le quinziesme, et que vous allassiés ainsy poursuivant de moys en moys, quel bonheur a vostre cœur, qui, a mesure qu'il recevroit plus souvent son Sauveur, se convertiroit aussi plus parfaitement en luy.

  A016000766 

 Je prie la Vierge Marie qu'elle vous tienne en la protection de sa pitoyable maternite, et vostre bon Ange et le mien, quil ( sic ) soyent vos conducteurs, affin que vous arrivies en prosperite entre les accueilz de ce pauvre tres unique pere et de vos cheres filles, qui tous vous attendrons ( sic ) avec mille souhaitz, et particulierement moy qui vous suis en Nostre Seigneur ne plus ne moins que vous mesme..

  A016000791 

 La lettre est arrivee asses tost, car je n'envoyeray les miennes que demain, n'ayant sceu gaigner de les faire hier ni ce mattin.

  A016000791 

 Mays on pourra indirectement differer, sur ce que sa dote et les autres choses requises ne sont pas encor prestes, et on pourra les retarder par divers moyens; et pendant ce retardement, on taschera de donner ayde a son esprit pour le mieux disposer.

  A016000800 

 Sur tout, il y en a une qui m'a esté d'extreme consolation, y voyant les marques de la parfaite confiance que vous aves en moy, par la communication des accidens et troubles de vostre chere ame.

  A016000801 

 C'est pour nous apprendre deux leçons signalees: l'une, que nous nous devons tous-jours desfier de nous mesme, cheminer en une sainte crainte, requerir continuellement les secours du Ciel, vivre en humble devotion; l'autre, que nos ennemis peuvent estre repoussés, mais non pas tués.

  A016000801 

 Voyés-vous, ma tres chere Seur, il arrive maintes fois que pensans estre entierement desfaitz des ennemis anciens sur lesquelz nous avons jadis remporté la victoire, nous les voyons venir d'un autre costé dont nous les attendions le moins.

  A016000803 

 Saint Pierre marchoit fort asseuré sur les ondes: le vent s'esleve et les vagues semblent l'engloutir; alhors il s'escrie: Ah, Seigneur, sauvés-moy! et Nostre Seigneur l'empoignant: Homme de peu de foy, luy dit-il, pourquoy doutes-tu? C'est emmi les troubles de nos passions, les vens et les orages des tentations, que nous reclamons le Sauveur, car il ne permet que nous soyons agités que pour nous provoquer a l'invoquer plus ardamment..

  A016000804 

 En somme, ne vous faschés point, ou au moins ne vous troublés point dequoy vous aves esté troublee, ne vous esbranlés point dequoy vous aves esté esbranlee, ne vous inquietés point dequoy vous aves esté inquietee par ces passions fascheuses; mais reprenés vostre cœur et le remettés doucement entre les mains de Nostre Seigneur, le suppliant qu'il le guerisse.

  A016000805 

 Reparés ce defaut par les frequens eslancemens de vostre cœur en Dieu, lisés souvent et peu a la fois quelque livre bien spirituel, faites des bonnes pensees en vous promenant, priés peu et souvent, offrés vos langueurs et lassitudes a Nostre Seigneur crucifié; et quand vous seres delivree, reprenés tout bellement vostre train et assujettissés-vous a suivre les matieres de quelque livre propre a cela, affin que [64] venant l'heure de l'orayson, vous ne demeuries pas esperduë comme celuy qui a l'heure du disner n'a rien de prest.

  A016000829 

 Je vay encor un peu traisnant, et ne suis pas si parfaitement remis que je ne porte les marques du mal passé; je le suis toutesfois assez pour faire mes exercices ordinaires..

  A016000830 

 Reprimés les saillies de vostre naturel un peu trop vif et ardant.

  A016000830 

 Tenés ferme, ma chere Fille, entreprenés d'estre parfaitement, le plus que vous pourres, servante de Dieu, selon les advis du livre; car ce sera bien suffisamment pour attirer plus de perfection encor que je n'en ay pas sceu enseigner.

  A016000831 

 Je ne sçai quel mescontentement vous pouves avoir de vos confessions, car vous les faites tres bien.

  A016000831 

 Vos miseres et infirmités ne vous doivent pas estonner: Dieu en a bien veu d'autres, et sa misericorde ne rejette pas les miserables, ains s'exerce a leur faire du bien, faysant le siege de sa gloire sur leur abjection..

  A016000832 

 Je sçai bien que de faire mal de guet a pens vous ne le voules pas; les autres maux ne servent qu'a nous humilier.

  A016000833 

 Je fay incessamment mille souhaitz de benediction sur vous; et sur tout, que vous soyes humble, douce et toute succree, et que vous facies proffit de vos peynes, les acceptant amoureusement pour l'amour de Celuy qui, pour l'amour de vous, en a tant souffert..

  A016000844 

 Nous avons bien un petit quartier ou, despuis peu, on a restabli l'exercice de l'Eglise par l'authorité du Roy et selon l'edit de Nantes; mais cet exercice me met plus en exercice de disputer contre les ministres pour les biens temporelz de l'Eglise qu'ilz nous retenoyent, que de leur persuader, ni au peuple, la verité des biens spirituelz auxquelz ilz devroyent aspirer; car c'est merveille comme ces serpens bouchent leurs oreilles pour n'ouÿr point la voix du charmeur, pour sagement et saintement qu'on les veuille charmer.

  A016000857 

 Voyant l'extreme indigence que les Dames de Sainte Claire de cette ville ont d'estre secourues promptement pour empecher une totale ruyne des bastimens de leur monastere, ce qui ne se peut faire qu'avec une grande somme de deniers, laquelle ne peut estre tiree d'une seule bourse, j'ay advisé de faire inviter, tant les gens d'Eglise que les peuples, de contribuer a cett' intention, un chacun selon ses facultés et devotion, quelqu'aumosne [71] et liberalité.

  A016000874 

 L'humilité et la fidelité interieure, jointes a la vraye charité et constance au bien, sont les veritables marques des veritables graces surnaturelles.

  A016000910 

 Ainsy, demeurés en paix, ma tres chere Fille, jusques a ce que demain, s'il se peut, je porte cette mauvaise jambe en vostre parloir; car je ne nie point que les yeux de ma tres aymee Mere et l'ordonnance de ma tres bonne et brave fille ne luy soyent salutaires.

  A016000920 

 Mon Dieu, que cette vie est trompeuse, Madame ma tres chere Cousine, et que ses consolations sont courtes! Elles paroissent en un moment, et un autre moment les emporte, et, n'estoit la sainte eternité a laquelle toutes nos journees aboutissent, nous aurions rayson de blasmer nostre condition humaine..

  A016000921 

 Ma tres chere Cousine, sachés que je vous escris le cœur plein de desplaysir pour la perte que j'ay faite, mais plus encor pour l'imagination vive que j'ay du coup [78] que le vostre recevra, quand il entendra les tristes nouvelles de vostre viduité si prompte, si inopinee, si lamentable! Que si la multitude de ceux qui auront part a vostre regret vous en pouvoit diminuer l'amertume, vous en auries tantost bien peu de reste; car nul n'a conneu ce brave chevalier decedé, qui ne contribue une particuliere douleur a la reconnoissance de ses merites..

  A016000922 

 Ce fut Dieu, ma tres chere Cousine, qui vous donna ce mari, c'est luy qui l'a repris et retiré a soy; il est obligé de vous estre propice es afflictions que les justes affections, lesquelles il vous avoit eslargies pour vostre mariage, vous causeront meshui en cette privation..

  A016000936 

 Ma santé se va tous les jours plus affermissant, ma tres chere Fille, mais je me treuve grandement affoibli des jambes, et plus que je ne pensois.

  A016000938 

 M me de Chantal est a present un peu occupee, par ce qu'aujourdhuy nous avons receu les oblations de deux Seurs: ma Seur Legros et ma Seur Rousset, de Saint Claude, et les parens font leurs petites affaires sur ce sujet.

  A016000952 

 Ayant sceu que vous prenes quelque sorte de scandale dequoy l'on vous donne l'ablution dans un verre apres [81] que vous aves communié, et parce que l'on conduit les espoux et espouses devant l'autel pour celebrer le Mariage, je vous ay voulu faire ces deux motz pour vous exhorter de ne point vous faire ce tort a vous mesmes que de croire que ce que l'Eglise nostre mere ordonne puisse estre mauvais ou inutile..

  A016000953 

 Or, elle ordonne que les lays reçoivent la Communion es especes du pain seulement, esquelles ilz participent neanmoins parfaittement au cors et sang de Nostre Seigneur, tout autant comme s'ilz le recevoyent encor sous l'espece du vin, puisque ce mesme Sauveur a dit: Qui me mange, il vivra pour moy; et: Qui mange ce pain, il vivra eternellement.

  A016000954 

 Et quant au Mariage, il n'est pas raysonnable de le celebrer ailleurs que devant l'autel, puisque c'est un Sacrement si grand, et que ceux qui le reçoivent ne sont pas hors de l'Eglise, comme les petitz enfans qu'on apporte au Baptesme, ains sont des-ja baptizés et, par consequent, introduitz en l'Eglise et a l'autel..

  A016000968 

 Revu sur l'Autographe qui se trouvait à Evian, chez les RR. PP. Missionnaires de Saint-François de Sales.

  A016000974 

 Je remercie en toute humilité Vostre Grandeur pour la liberté en laquelle il luy a pleu remettre les sieurs de Charmoysi et du Noyeret, selon la promesse qu'elle m'en avoit faite.

  A016000991 

 Mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de Vostre Altesse est requis, lequel ledit Chapitre la supplie tres humblement de luy ouctroyer, comm'un'aumosne a des pauvres bannis et dejettés de leur siege par les ennemis de Dieu et de Vostre Altesse Serenissime; laquelle, certes, pour cela ne les rendra pas riches, puisque ledit prieuré n'est que de cent ducatons de revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce benefice estant en cette ville et [86] fort a la bienseance de cette compaignie qui ne cessera jamais, non plus que moy, de souspirer et aspirer devant la divine Majesté jusques a ce que, sous les auspices de Vostre Altesse, elle retourne en son ancien sejour..

  A016000992 

 Ce sont les souhaitz perpetuelz,.

  A016001023 

 Nous avons icy le bon M. le President de Buttet extremement malade, de la vie duquel les medecins sont encor entre la crainte et l'esperance.

  A016001023 

 Presque tous les gens de bien en sont en peyne et tesmoignent combien ilz l'estimoyent..

  A016001026 

 Ce sont toutes nos nouvelles, au moins les miennes, de moy, qui vis hors des affaires et du commerce de ceux qui les manient.

  A016001043 

 On a envoyé prendre les Constitutions de Lion, ou on projette d'en eriger une, et de Paris, pour voir si on en pourra desseigner un'autre; car il vous faut dire telles nouvelles, comm'aussi que j'ay esté deux fois a Bons, ou il s'est fait un peu de bien, mais je ne sçai ce quil aura produit du despuis.

  A016001044 

 Tenes bien vostre cœur net, debonnaire et pauvre, car bienheureux sont les pauvres, les debonnaires et les netz de cœur.

  A016001057 

 Cependant, ces freres vous porteront ces quatre motz, par lesquelz je vous salue avec tout l'amour et lhonneur qu'un frere le plus aymant peut rendre a une seur la plus aymee, et vous envoye un chapelet de ceux qui ont touché les reliques de saint Charles, n'ayant rien apporté de plus praecieux de ce pais-lâ.

  A016001083 

 Et moy je voudrois bien porter tous-jours vos peynes et travaux, ou au moins vous ayder a les supporter; mais puisque la distance de nos sejours ne permet pas que je vous secoure d'autre sorte, je prie Nostre Seigneur quil soit le protecteur de vostre cœur et quil en bannisse toute tristesse des-ordonnee..

  A016001084 

 Penses vous que le monde croÿe ces pasquins? Il se peut faire que quelques uns s'y amusent et que les autres entrent en quelque soupçon; mays sachés que nostr'ame estant bonne et bien resignee es mains de Nostre Seigneur, toutes sortes de telles attaques s'esvanoüissent au vent comme la fumee, et plus le vent est gros, plus tost elles disparoissent.

  A016001085 

 Bienheureux les [96] pauvres, car ilz seront riches au Ciel, le royaume leur en appartenant; et bienheureux les injuriés et calomniés, car ilz seront honnorés de Dieu..

  A016001085 

 Jettes vous au ( sic ) pieds du Crucifix, et voyes combien d'injures il reçoit; supplies-le, par la douceur avec laquelle il les a receües, quil vous donne la force de supporter ces petitz brins qui, comm'a sa servente juree, vous sont tumbés en partage.

  A016001085 

 Or sus, ma tres chere Seur, je vous veux dire un mot que saint Gregoire disoit a un Evesque affligé: Helas! dit-il, si vostre cœur estoit au Ciel, les vens de la terre ne l'esmouvroyent aucunement.

  A016001086 

 Au reste, la reveüe annuelle de nos ames se fait, ainsy que vous l'entendes, pour les defautz des confessions ordinaires qu'on supplee par celle ci, pour se provoquer et exercer a une plus profonde humilité, mays sur tout pour renouveller non les bons propos, mais les bonnes resolutions que nous devons appliquer pour remedes aux inclinations, habitudes et autres sources de nos offences auxquelles nous nous treuverons plus sujetz.

  A016001086 

 Mays les ames qui, comme vous, n'ont pas cette commodité, peuvent prendre celle de quelqu'autre confesseur, le plus discret et sage qu'elles treuveront..

  A016001086 

 Or il est vray quil seroit plus a propos de faire cette reveüe devant celuy qui auroit des-ja receue la confession generale, affin que par la consideration et rapport de la vie precedente a la suivante, on peut mieux prendre les resolutions requises; et en toutes façons cela seroit plus desirable.

  A016001087 

 Par exemple: vous ne deves pas enquerir combien de fois vous seres tumbee en cholere, car peut estre y auroit il trop a faire; mais simplement vous dires si vous estes sujette a ce desreglement, si lhors quil vous arrive vous y demeurés engagee longuement, si c'est avec beaucoup d'amertume et de violence, et en fin quelles sont les occasions qui vous y provoquent le plus souvent: si c'est le jeu, la hautaineté ou orgueil, si c'est la melancolie ou opiniastreté.

  A016001087 

 Pour vostre seconde difficulté, je vous dis, ma tres chere Seur, quil n'est nullement besoin en vostre reveiie de marquer particulierement le nombre ni les menues circonstances de vos fautes, ains suffit de dire en gros quelles sont vos principales cheutes, quels vos particuliers detraquemens d'esprit, et non pas combien de fois vous y estes tumbee, mais si vous estes fort sujette et addonnee au mal.

  A016001088 

 De sorte que ces reveües annuelles sont grandement salutaires aux espritz qui sont encor un peu foibles; car si bien les premieres resolutions ne les ont pas du tout affermis, les secondes et troysiesmes les affermiront davantage, et en fin, a force de se resoudre souvent, on demeure tout a fait resolu.

  A016001096 

 Mays je viens d'apprendre de plus, que si vous n'acquiesces a cette volonté tant pressante de Monsieur, Son Altesse vous mandera et fera aller recevoir ses commandemens en Piemont, ou si je sçavois que vous peussies effacer les faux entendre sur lesquelz cette persecution vous est faitte, je serois bien ayse que vous allasies; mais je crains, qu'outre la despense, vous ne recevies des nouveaux desplaysirs, car homme d'honneur m'a dit, il ny a pas 24 heures, qu'il sçavoit fort bien qu'en cas que vous vous opposies davantage, on vous fera une nouvelle attaque sur le nom de Gex, lequel ilz presupposent avoir esté pris par vous, quoy que ce soit un nom de prince et d'une terre qui estoit dependante de la couronne de Savoÿe..

  A016001097 

 Ce sont, a la verité, des estranges et tres malignes passions qui enfantent ces recherches; mays, puis qu'il n'y a remede, je persevere a croire que le meilleur sera [99] de se mocquer de tout ceci, tesmoigner que ni vostre honneur, ni l'estime que les gens de bien font de vous ne depend ni du gravement, ni du razement de ces armoyries.

  A016001097 

 Et vous auries, a mon advis, sujet de dire que, tandis que vous aves veu la volonté de Monseigneur de Nemours representee sous le contreseing de ceux que vous croyies estre les autheurs de cette belle poursuite et que vous vous douties user de surprise, vous aves opposé; mays maintenant que vous voyes la main du sieur Defresne, vous voules obeir sans repugnance..

  A016001097 

 Mays il faudroit faire cela sans monstrer ni contre cœur ni desplaysir, car faysant cela, vous feries deux choses: l'une, que Monsieur connoistroit tant plus tost le tort qu'il permet vous estre fait par la trop grande creance quil a en vos hayneux; l'autre, que ceux qui vous pensent fascher n'en auroyent pas le goust qu'ilz s'en promettent, quand ilz verroyent que vous vous mocques et mesprises leurs attaques et les effets de leurs efforts.

  A016001098 

 Voyla mon advis, et vous asseure que si l'on faysoit le mesme tort qui vous est fait, a mes freres, je m'en rirois et voudrois [avoir] tant de courage que de mespriser le mespris et me moquer d'une si maigre vengeance; car en fin, tous les gens d'honneur voyent bien qu'on vous recherche par pure passion, et que le tems ne porte pas qu'on puisse treuver du remede a ce mal, et qu'en somme, il faut ceder aux volontés des puissances superieures, et qu'en somme, il ni va ni peu ni prou de vostre honneur.

  A016001099 

 Croyes moy, Dieu vous aydera, et fera que cette mauvayse sayson estant passee, il en viendra un'autre ou les vrays serviteurs du Prince auront leur tour.

  A016001112 

 Ce n'est pourtant que pour vous saluer et tesmoigner que je vous souhaite bon voyage, avec toute sainte consolation, et encor a toute vostre barque, ce pendant que nous [101] irons attendant les saintz jours de l'Advent de Nostre Seigneur, qui nous preparera beaucoup de benedictions, si nous luy preparons bien nos cœurs..

  A016001113 

 Pour les hommes, ilz ne sont pas du comte ( sic ).

  A016001127 

 Et vous, si vous le faites, conserves vous bien et laissés a l'espousee toutes les bonnes consolations que vous pourres, affin que le grand esloignement des siens ne la tourmente.

  A016001150 

 Chaque jour elles récitent ensemble au chœur les Heures de la très Sainte Vierge, elles font aussi chaque jour l'oraison mentale, vivent dans l'obéissance sous le gouvernement d'une Supérieure qu'elles ont élue, et pratiquent un très rigoureux renoncement aux choses de la terre, à l'instar des monastères les mieux réformés.

  A016001150 

 Les jeunes ne sortent jamais de la maison (les hommes n'y entrent pas), mais seulement les anciennes et mûres d'âge; et c'est pour secourir les malades, les femmes surtout.

  A016001153 

 Deuxièmement, que Votre Altesse fit savoir par lettres cette sienne intention à M. le marquis de Lans et au Sénat de Savoie, afin qu'à l'occasion, ils prennent les intérêts de ladite Congrégation..

  A016001154 

 Et si, comme on l'espère, cette Congrégation se trouve dans quelques années pourvue d'un revenu suffisant pour les dépenses ordinaires, les veuves déchargées de leurs enfants et les vierges qui voudront servir Dieu notre Seigneur dans la chasteté, l'obéissance et la piété, pourront le faire très facilement, puisqu'elles y seront admises moyennant une simple pension assignée par leurs familles, leur vie durant..

  A016001155 

 Votre Sérénissime Altesse fera donc chose très agréable à la divine Majesté et à sa très sainte Mère Notre-Dame si, recevant cette pieuse Congrégation entre les bras de sa protection, elle daigne s'en avouer la dame, la patronne et la mère..

  A016001156 

 Votre Altesse aura par ce moyen toujours droit à la meilleure part de toutes les bonnes œuvres qui se pratiqueront dans la Congrégation et l'oratoire, mais particulièrement aux prières de ces Dames qui, jour et nuit, invoqueront l'Esprit-Saint pour l'éternelle consolation de Votre Altesse..

  A016001181 

 Ah Dieu, que j'ay grand desir de tenir les yeux sur cette belle estoille en nostre navigation!.

  A016001181 

 Ouy, ma tres chere Mere, remettés bien vostre cœur entre les mains de nostre chere Maistresse, qui sera conceuë ce soir en la commemoration que nous en ferons, et je le luy demanderay; car, ma chere Mere, je suis bien resolu de ne vouloir plus de cœur que celuy qu'elle me donnera, cette douce Mere des cœurs, cette Mere de saint amour, cette Mere du cœur des cœurs.

  A016001192 

 Les Anges ont de ces differens in agibilibus, et saint Pierre et saint Paul en eurent, comme aussi saint Paul et saint Barnabas, sans diminution de leur indissoluble charité..

  A016001194 

 J'ay des-ja esté recusé par l'une des parties, qui se plaint de moy; il n'est pas a propos de me jetter les plaintes de l'autre sur les bras..

  A016001195 

 Il va en fin mille raysons, ce me semble, pour lesquelles je dois ouyr parler de part et d'autre sans me mesler de faire des offices ni pour les uns ni pour les autres, jusques a ce que je sois deschargé de l'office de juge qui m'est commis..

  A016001195 

 Je ne sçai nullement que c'est que des autres reformés de N., horsmis de monsieur le Prieur et de M., [115] ne connoissant les autres que de nom et quelques uns de veuë.

  A016001195 

 Je suis delegué commissaire, je ne dois point faire de prejugés, affin que, si les parties alleguent quelque chose contre cette reformation, je puisse encor juger.

  A016001196 

 Je sçay qu'un autre moins discret et charitable que vous pourroit beaucoup dire de choses de moy entre les poursuittes, comme il a esté fait a Chamberi; dont je loue Dieu que ce soit vous plustost qu'un autre, bien que, pour parler franchement entre nous, je me sente fort asseuré de n'estre point blasmé de quicomque, sans passion, voudra conferer les tems et les occasions de ce qui s'est passé par mes mains, et de ce qui s'est passé par celles de ceux qui se deulent.

  A016001207 

 C'est ainsy, ma Fille, qu'il faut tout de bon mettre la main dans les replis de nos cœurs, pour en arracher les ordes productions que nostre amour propre y fait par l'entremise de nos humeurs, inclinations et aversions..

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001208 

 Helas! ma Fille, c'est une grande partie de nostre perfection que de nous supporter les uns les autres en nos imperfections; car, en quoy pouvons nous exercer l'amour du prochain, sinon en ce support? Ma Fille, elle vous aymera et vous l'aymeres, et Dieu vous aymera toutes..

  A016001217 

 O Dieu, ma chere Fille, elles s'en vont ces annees, et courent a la file imperceptiblement les unes apres les autres, et en devuidant leur duree, elles devuident nostre vie mortelle, et se finissant, elles finissent nos jours.

  A016001226 

 Helas, comme il est beau, ce pauvre petit Poupon! Il me semble que je voy Salomon sur son grand throsne d'ivoyre, doré et ouvragé, qui n'eut point d'esgal es royaumes, comme dit l'Escriture, et ce Roy n'eut point de pair en gloire ni en magnificence; mais j'ayme cent fois mieux voir le cher petit Enfançon en la cresche que de voir tous les rois en leurs throsnes..

  A016001226 

 Le grand petit Enfant de Bethlehem soit a jamais les delices et les amours de nostre cœur, ma tres chere Mere, ma Fille.

  A016001227 

 Mais si je le voy sur les genoux de sa sacree Mere, ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un bouton de rose attachee au lis des saintes mammelles, o Dieu, je le treuve plus magnifique en ce throsne, non [120] seulement que Salomon dans le sien d'ivoyre, mais que jamais mesme ce Filz eternel du Pere ne fut au Ciel; car si bien le Ciel a plus d'estre visible, la Sainte Vierge a plus de vertus et perfections invisibles, et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les influences des deux.

  A016001228 

 Voyes-vous pas qu'il reçoit la haleine de ce gros bœuf et de cet asne, qui n'ont sentiment ni mouvement quelconque? Comme ne recevra-il pas les aspirations de nostre pauvre cœur, lequel, quoy que non tendrement pour le present, solidement neanmoins et fermement, se sacrifie a ses pieds, pour estre a jamais serviteur inviolable du sien et de celuy de sa sainte Mere et du grand gouverneur du petit Roy?.

  A016001240 

 Apres y avoir bien pensé devant Dieu, je me suis resolu qu'il faut affermir nostre Congregation a faire ses changemens ce jour auquel Dieu fait les siens, nous faysant tous passer d'une annee a l'autre, donnant une leçon annuelle de nostre instabilité, de nostre changement, du renversement et de l'aneantissement des annees qui nous menent a l'eternité.

  A016001248 

 Mettés-le, ce cher cœur, dans le costé percé du Sauveur, et l'unissés a ce Roy des cœurs, qui y est comme a son throsne royal pour recevoir l'hommage et l'obeissance de tous les autres cœurs, et tient ainsy sa porte ouverte affin que chacun le puisse aborder et avoir audience.

  A016001265 

 Voyla la lettre, ma tres chere Fille; faites la fermer, et soyés bien ferme en la confiance que nous devons avoir en la providence de Dieu, laquelle, si elle vous prepare des croix, vous donnera des espaules pour les porter..

  A016001287 

 C'est, a la verité, une honte bien grande pour vous si les laïcs prennent la connoissance de la correction sur ceux du cors auquel on vous a donné pour chef; mais ce sera encor quelque sorte de reproche pour moy qui vous y ay porté, si je ne surveille pas a vous assister, et sembleray estre coulpable de tout ce qui s'y fera, avec vous, bien qu'en verité, ni vous ni moy ne puissions pas tout empescher..

  A016001287 

 J'ay sceu que les sieurs N. et N. donnent tant de mauvaise odeur de leur jeunesse, que la puanteur en est arrivee jusques au Senat, lequel s'en veut remuer, si leur amendement ne previent.

  A016001287 

 Je souhaite tant le bien et l'honneur de vostre Monastere, que toutes les connoissances des choses contraires m'esmeuvent et me donnent du ressentiment de zele.

  A016001288 

 L'aage les a peu couvrir jusques a present, mais la continuation les rend meshuy inexcusables..

  A016001288 

 Tout cela mis ensemble, me fait vous prier et exhorter [127] de vouloir apporter tout le soin et l'ordre que vous pourres pour reduire ces jeunes gens sur le train de leur devoir, et de me donner advis de leur estat, affin que je puisse rendre tesmoignage de vostre diligence comme de la mienne, et contenter ma conscience, laquelle me pressera par apres a prendre d'autres expediens, si vostre prudence, vigilance et justice ne suffit a la recipiscence de ces discoles, desquelz j'admire d'autant plus la dissolution, que leur naissance les devroit porter a la poursuitte des vertus et de la pieté conforme a leur vocation.

  A016001306 

 Mais ce sont des infinités de petites niaiseries, que le monde par force m'apporte tous les jours, qui me font de la peyne et de la fascherie et rendent mes heures inutiles.

  A016001306 

 O pleust a Dieu, ma tres chere Fille, que ce fust le Traitté de l'Amour celeste qui me tinst occupé toutes [129] les matinees! Il seroit bien tost achevé, et je serois bien heureux d'appliquer mon esprit a de si douces considerations.

  A016001307 

 C'est pour cela que nous n'avons pas la consolation que nous devrions avoir quand nous voyons les autres bien faire; car ce que nous ne voyons pas en nous ne nous est pas si aggreable, et ce que nous voyons en nous, nous est fort doux, parce que nous nous aymons tendrement et amoureusement.

  A016001309 

 Le signe de cela, c'est qu'ordinairement nous aymerions mieux avoir les petitz maux que si un autre les avoit; mais les grans, nous les aymons mieux pour les autres que pour nous.

  A016001309 

 Quant a se plaire plus a faire des choses aspres qu'a les voir faire aux autres, ce peut estre ou par charité, ou [130] par ce que, secrettement, l'amour propre craint que les autres ne nous esgalent ou surmontent.

  A016001309 

 Quelquefois nous nous mettons plus en peyne de voir mal traitter les autres que nous, par bonté de naturel; quelquefois c'est par ce que nous croyons d'estre plus vaillans qu'eux et que nous supporterions mieux le mal qu'eux mesmes, selon la bonne opinion que nous avons de nous.

  A016001310 

 C'est le seul remede qu'il y a, de desadvouer les sentimens, invoquant l'obeissance et protestant de la vouloir aymer non obstant toute repugnance, plus que non pas la propre eslection, louant Dieu par force du bien que l'on void en autruy et le suppliant de le continuer; et ainsy des autres..

  A016001311 

 Il dort quelquefois comme un renard, puis, tout a coup, se jette sur les poules.

  A016001312 

 Or je ne vis que passamment la dame qui devoit venir pour faire sa confession generale, et avec des yeux tout moistes d'avoir laissé sa fille; car les gens du monde [131] [se] laissent en se laissant, mais ceux de Dieu ne se laissent jamais, ains sont tous-jours unis ensemblement avec leur Sauveur..

  A016001324 

 Je viens tout maintenant de recevoir les deux lettres que vous avies confiees a M me de Trevernay, et une autre par laquelle elle me specifie la qualité de vostre desplaysir, que je vois estre grandement fascheux pour la multitude des accidens qui semblent attachés aux sujetz dont il vous est arrivé..

  A016001325 

 En fin, Dieu qui vous a conduite jusques a present, vous tiendra de sa tres sainte main; mais il faut que vous vous jetties, avec un total abandonnement de vous mesme, entre les bras de sa providence, car c'est le tems desirable pour cela.

  A016001325 

 Ma tres chere Seur, ces brouillardz ne sont pas si espais que le soleil ne les dissipe.

  A016001325 

 Se confier en Dieu emmi la douceur et la paix des prosperités, chacun presque le sçait faire; mais de se remettre a luy entre les orages et tempestes, c'est le [133] propre de ses enfans; je dis, se remettre a luy avec un entier abandonneront.

  A016001327 

 Apaises tant que vous pourres, doucement et sagement, les espritz de messieurs vos parens.

  A016001327 

 Helas! en telles occasions, la dissimulation guerit plus de mal en une heure que les ressentimens en un an.

  A016001349 

 Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Dames de Saint-Maur.

  A016001358 

 Et pensés, Monseigneur, de quel cœur je voudrois les servir; mays vous sçaves mes liens, que rien jusques a present n'a peu rompre.

  A016001376 

 Contés ce jour pour celuy auquel je commence d'y employer tous les momens que je pourray tirer de la presse de mes autres devoirs, et invoqués incessamment sur moy l'amour du divin Amant..

  A016001385 

 Il les faut faire escrire [140] aujourdhuy, et outre cela, escrire a madame la Comtesse de Tournon, et luy faire un article par lequel vous luy dires qu'elle face prier Monseigneur de Nemours, au nom de Madame la Serenissimo infante Duchesse de Mantoüe, d'escrire a messieurs du Conseil de cette ville qu'en toutes occurrences, ilz ayent vostre Congregation en speciale recommandation.

  A016001388 

 Il faut attendre de plier les lettres, car François ira faire cet office comme il faut: car je ne puis y aller moy mesme.

  A016001392 

 Voyla donq, ma tres chere Mere, ma Fille, les Pseaumes: vous en pourres prendre, ou les troys derniers pour tous les trois jours, ou varier de trois en trois pour chasque jour..

  A016001401 

 Quand ilz m'ont laissé, j'alloys de rechef; il m'a falu arrester avec les deputés d'un Monastere qui est de ma charge, qui me sont venu proposer leurs necessités pour continuer leur reforme.

  A016001402 

 Il faut aller dire la Messe pour cette Mere aupres d'elle, et elle l'oüyra cordialement des sa chambre, affin qu'elle et moy, d'un cœur, d'un esprit et d'un'ame, offrions a sa divine Majesté la suite de nostre vie, pour consacrer a son service tous les instans qui nous en restent.

  A016001430 

 J'escris pour l'affaire de M me de Gouflier, une lettre au Cardinal Bellarmin, un' autre au Cardinal Lante, qui sont deux colonnes de mes esperances pour toutes les affaires de deça, et la 3 e a la Congregation de Vescovi.

  A016001431 

 Nous avons receu les Indulgences cum summo applausu, et ces bonnes Dames vous en sont infiniment obligees, ainsy que nous vous dirons a vostre retour..

  A016001442 

 Le reste se verra dans les lettres qu'a cett'intention je vous envoye ouvertes.

  A016001460 

 Neanmoins, on ne sçait pas les conseilz de Dieu, et ne faut jamais cesser de cooperer au salut du prochain en la meilleure façon que l'on peut.

  A016001471 

 Je sçay que je ne pourray jamais luy rendre aucun service de l'espece de ce bon office quil m'a fait (aussi bien saint Paul dit que les enfans ne doivent pas thesaurizer pour les peres, ouy bien les peres pour les enfans ); mais si en quelque nature de service, et en celuy ci encor, je pouvois me revancher, je le ferois tres affectionnement..

  A016001506 

 Mais dès que nous eûmes appris la promotion de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, par un vénérable chanoine de [159] votre église qui était venu ici pour une Ordination, et qu'il nous eût dit, avec force détails, les très riches qualités de votre éminente personne, notre tristesse alors se changea en joie et nos airs de deuil en des chants d'allégresse.

  A016001508 

 Vous pouvez compter sur moi, non seulement pour tous les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore pour le concours empressé que vous attendriez d'un très dévoué et très humble serviteur.

  A016001509 

 Cependant, je ne cesserai de demander avec instance à notre Seigneur et Sauveur qu'il vous envoie le secours d'en-haut, pour conduire heureusement votre vaisseau parmi les furieuses tempêtes déchainées contre lui, jusqu'au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001531 

 Ainsi, Illustrissime et Révérendissime Prélat, l'amitié de votre prédécesseur, qui me paraissait brisée pour toujours, va revivre plus ferme et plus suivie que jamais, si j'en juge par les sympathies que témoigne votre lettre.

  A016001531 

 Vous pouvez attendre de moi, non seulement les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore l'assistance la plus humble et la plus dévouée que vous désireriez du plus fidèle et du plus attaché des serviteurs.

  A016001532 

 En attendant, je continuerai avec plus d'instance ce que j'ai fait [164] jusqu'a present, en vous souhaitant, de Dieu notre Sauveur, le secours d'en-haut, afin que, confirme par l' esprit de force, vous conduisiez heureusement votre vaisseau parmi les redoutables tempetes qui 1'assaillent, au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001576 

 J'ay neanmoins pris le loysir de les revoir, de les corriger et d'y mettre les accens, affin que nostre fille de Chastel ayt plus de facilité a les chanter sans y faire des fautes..

  A016001576 

 Je croyois de vous les envoyer escrittes de ma main; mais, comme vous sçavés, je ne suis pas a moy.

  A016001576 

 Voyla les Litanies du glorieux Pere de nostre Vie et [168] de nostre Amour.

  A016001577 

 Mais vous, ma Fille, qui ne pourrés pas chanter les louanges de ce Saint de nostre cœur, vous les ruminerés, comme l'Espouse, entre vos déns; c'est a dire, que vostre bouche estant close, vostre cœur sera ouvert a la meditation des grandeurs de cet Espoux de la Reyne de tout le monde, nommé Pere de Jesus, et son premier adorateur apres sa divine Espouse..

  A016001584 

 J'ay mille fois pensé pourquoy les fideles invoquent cet admirable vierge et austere hermite pour avoir des enfans, et en fin j'ay creu que, parce qu'il a tant aymé la simplicité, la petitesse et les petitz, Dieu accorde ordinairement des petitz enfans a ses devotz, quand ilz les demandent dans l'esprit du Saint, pour la gloire de Dieu, le salut des ames et la paix des familles..

  A016001618 

 Je dis d'abord, par ce qu'en fin il faudra despendre pour faire les commodités domestiques hors de la tour, qu'on avoit projetté de faire dans icelle..

  A016001618 

 L'eglise seroit plus belle dehors, le cœur ( sic ) estant sur la riviere, avec le presbitere; la faysant dedans, il faudra chercher place ailleurs pour une cave pour retirer le bois et pour toutes les commodités que le bas estage de la tour pouvoit fournir.

  A016001622 

 Revu sur l'Autographe conservé chez les RR. PP. Missionnaires.

  A016001631 

 Conferant avec M. vostre Doÿen sur le reglement du service et affaires de vostre eglise, j'ay jugé quil falloit que vous eussies une copie des statutz de nostre cathedrale pour, sur iceux, former les vostres entre vous, et par apres en venir icy traitter avec moy.

  A016001646 

 Et cela estant ainsy, quelle grace d'estre non seulement sous la croix, mais sur la croix, et au moins un peu crucifiee avec Nostre Seigneur! Ayes bien courage, ma chere Seur, convertisses la necessité en vertu, et ne perdes pas l'occasion de bien tesmoigner vostr'amour envers Dieu parmi les tribulations, ainsy quil tesmoigna le sien envers nous parmi les espines..

  A016001660 

 C'est pourquoy Vostre Majesté a regardé l'eglise de Gex, qui est sur le fin bord du royaume, et la voyant extremement miserable, luy a ordonné aumosne de trois cens escus; pour laquelle je vay maintenant [176] en esprit, avec tous les Catholiques de ce lieu-la, en faire action de graces a vostre charité royale, Sire, laquelle nous supplions en toute humilité nous vouloir donner la jouissance de ce bienfait duquel nous avons des-ja la concession, pour laquelle nous implorerons a jamais la souveraine bonté de Nostre Seigneur qu'elle conserve et prospere Vostre Majesté en l'abondance des graces celestes..

  A016001671 

 J'estois il y a un an, et environ ces heures, a Turin, et monstrant le saint Suaire parmi un si grand peuple, plusieurs gouttes de la sueur qui tomboit de mon visage [177] rencontrerent dedans le saint Suaire mesme; et nostre cœur, sur cela, fit ce souhait: Hé, playse vous, Sauveur de ma vie, mesler mes indignes sueurs avec les vostres, et destremper mon sang, ma vie, mes affections dedans les merites de vostre sacree moiteur!.

  A016001672 

 Ma tres chere Mere, le Prince Cardinal se cuyda fascher dequoy ma sueur degouttoit sur le saint Suaire de mon Sauveur; mais il me vint au cœur de luy dire que Nostre Seigneur n'estoit pas si delicat, et qu'il n'avoit point respandu de sueur ni de sang que pour les mesler avec les nostres, affin de leur donner le prix de la vie eternelle.

  A016001673 

 Mais dequoy me vay-je souvenir? J'ay veu que quand mes freres estoyent malades en leur enfance, ma mere les faysoit coucher dans la chemise de mon pere, disant que les sueurs des peres estoyent salutaires aux enfans.

  A016001682 

 C'est seulement aussi pour vous saluer cherement, ma tres chere Fille, que mon cœur souhaite toute sainte, et par consequent toute tranquille, toute juste, toute douce en la poursuite que vous aves a faire maintenant, sachant bien qu'une once de douceur et de charité emmi le soin d'un proces en vaut dix mille parmi les ordinaires occupations.

  A016001711 

 Lhors que j'eu l'honneur de faire la reverence a Vostre Altesse il y a un an, je luy proposay de faire loger les RR. Peres Chartreux en l'abbaye de Filly en Chablaix, pour l'accroissement de la devotion qu'un si saint Ordre feroit en ce pais la et pour l'ornement que la reparation [182] d'une abbaye si remarquable y apporteroit.

  A016001711 

 Mays du despuis, ayant sceu que Vostre Altesse avoit jette ses yeux et son desir sur Ripaille pour le mesme effect, je m'en suis infiniment res-joui; et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost l'execution, affin que nous voyons en nos jours la pieté restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle que Messeigneurs les predecesseurs mesmes de Vostre Altesse y tint si saintement et honnorablement prattiquee; asseurant qu'en meilleures mains le genereux et pieux dessein de cette restauration ne pourroit estre confié, qu'en celles d'un Ordre si ferme et constant comme est celuy des Chartreux, lequel, ayant tous-jours esté des son commencement fort obligé a la serenissime Mayson de Vostre Altesse, luy a aussi reciproquement tous-jours esté et est tres affectionné et dedié..

  A016001723 

 Nous pensons y avoir M. et M me de Charmoysi; car encor que mon frere ne le sçache pas, estant neanmoins tous les deux a Dalmaz pour les noces de madamoyselle de Dalmaz, il y a de l'apparence qu'ilz viendront a Presles, ou estant, il n'y auroit pas de l'apparence de ne les supplier pas, principalement parce que nous n'avons encor point veu la chere cousine..

  A016001736 

 Je ne pense pas qu'il y ait excommunication, [185] car il n'est venu a aucun effect porté par les Canons.

  A016001736 

 Mais, ma tres chere Fille, je confesse que je suis scandalizé de voir des ames bonnes catholiques, et qui d'ailleurs ont de l'affection a Dieu, estre si peu soigneuses du salut eternel, que de s'exposer au danger de ne voir jamais la face de Dieu et de voir a jamais et sentir les horreurs de l'enfer.

  A016001737 

 L'amour que je porte a mes amis, mais specialement au cher mari, me fait herisser les cheveux en teste quand je sçai qu'ilz sont en tel peril, et ce qui me tourmente le plus, c'est le peu d'apparence qu'il y a qu'ilz ayent le vray desplaysir qu'il faut avoir de l'offense de Dieu, puis qu'ilz ne tiennent conte de s'en empescher a l'advenir.

  A016001738 

 Procurés donq que le cher mari se confesse, car encor que je ne pense pas qu'il soit en excommunication, il est neanmoins en un terrible peché mortel, duquel il faut qu'il sorte soudain; car l'excommunication ne se contracte qu'avec les effectz, mais le peché se contracte par la volonté..

  A016001739 

 Je pense que j'auray bien tost le brasselet de la presence de Dieu, que je supplie vous benir de toutes [186] les desirables benedictions que vous puissiés desirer, ma tres chere Fille..

  A016001774 

 Le bien de la venue des Peres Barnabites en cette ville est de si grande consideration, que Vostre Altesse, [189] laquelle l'a si saintement desiré, le fera sans doute puissamment reüscir, non obstant les petites difficultés qui se presentent, qui ne procedent que d'une bonne affection, a laquelle Vostre Altesse donnera, sil luy plait, la mesure et discretion; en sorte que si le Pere General des Barnabites ne pouvoit ouctroyer la dispense qu'on requiert, sa Congregation ne laissast pas pour cela d'estre introduite dans ce college ou, en [190] tous evenemens, ell'apportera un'utilité incomparablement plus desirable que tout ce qui s'y est fait jusques a present..

  A016001790 

 Je m'en vay voir nostre pauvre Mere et la bonne M me d'Escrilles qui m'attendent; je les salueray de vostre part, comme je vous prie de saluer la chere seur..

  A016001806 

 Les Catholiques de Gex et moy avons receu les trois cens escus d'aumosne que Vostre Majesté a donnés pour la reparation des eglises, avec une tres humble reverence et action de graces, non seulement parce que les [192] faveurs qui proviennent de si haut lieu sont tous-jours de grande estime, mais aussi parce que ce sont comme des arrhes de plus grans bienfaitz pour l'avenir; dont nous en esperons que la royale bonté de Vostre Majesté regardera de son œil propice la misere a laquelle l'heresie a reduit ce pauvre balliage, pour respandre a son secours les graces et assistances qui luy peuvent servir de remede..

  A016001819 

 Et puis, [193] vous ne regardés pas, comme je pense, ma personne, mais cet Ordre sacré duquel elle est doüee, qui est le premier de tous les Ordres en l'Eglise, de laquelle vous aves cet incomparable honneur et bonheur d'estre un membre vivant, et non seulement vivant, mais animé de l'amour sacré, qui seul est la vie de nostre vie, comme vos bons desirs tesmoignent..

  A016001819 

 Mays la nature mesme, qui est si sage, a bien fait une pareille singularité en une plante que les arboristes nomment communement le filz avant le pere, parce qu'elle pousse son fruit avant ses fleurs.

  A016001820 

 Car voyés-vous, Monsieur, il appella son cher Benjamin, son filz, avec un cœur si plein d'amour, que pour cela on a despuis appellé ainsy tous les enfans bienaymés de leurs peres.

  A016001820 

 Monsieur, je vous appelleray des-ormais mon Filz: mais parce que vous seriés ennuyé de voir tous-jours les protestations du respect avec lequel j'useray de ce terme d'amour, je vous veux dire une fois pour toutes que je vous nommeray mon Filz avec deux differentes mais accordantes affections, dont Jacob appella deux de ses enfans, enfans et filz.

  A016001822 

 Le monde vous admirera et, malgré sa mauvaise humeur, il vous regardera par honneur quand il vous verra emmi ses palais, ses galeries, ses cabinetz, conserver soigneusement les regles de la devotion, mais devotion sage, serieuse, forte, invariable, noble et toute suave..

  A016001822 

 Que d'ayse, mon cher Filz, quand on me dit que vous estes le seigneur au grand cœur, qui, emmi ces vaines vanités de la cour, demeurés ferme en la resolution que [194] ce cœur a prise de contenter celuy de Dieu! Hé, si faites, mon cher Filz; perseverés a communier souvent et a faire les autres exercices que Dieu vous a si souvent inspirés.

  A016001834 

 Consideres donq, Monsieur, que les huguenotz non seulement ne sont pas du clergé, mais haïssent et le nom et la chose sacree quil signifie, et jamais ne fut veu que les ministres fissent cors a part en France.

  A016001846 

 Nous venons de rendre icy les derniers devoirs a feu mon tres cher frere de Boisy: il est trespassé despuis peu entre mes bras; je luy ay fermé les yeux et la bouche, mais il [195 bis ] m'avoit ouvert son cœur d'une maniere si chrestienne dans le Sacrement de Confession, que j'ay de grans sujetz d'esperer que Dieu a receu son ame dans les douceurs de sa misericorde.

  A016001854 

 J'ay donné en main propre de Monseigneur le Duc de Nemours les deux lettres que vous m'avies addressee ( sic ), comme je feray tous-jours fort exactement tout ce qui sera de vos volontés et en mon pouvoir..

  A016001906 

 Non certes, Monsieur, je ne suis nullement delicat, amant les ceremonies, les complimens; non, pas mesme [203] les offences ne gastent rien avec moy, si elles ne sont faites et appostees expres pour ruiner l'amitié (je parle de l'amitié, et non de la commune charité que rien ne doit ruiner); car celles qui proviennent de negligence, de foiblesse, d'inconsideration, voire mesme de quelque soudaine passion d'ire, de courroux et de haine, il me semble qu'un'amitié un peu forte les doit supporter, en consideration de nostr'humanité qui est sujette a ces accidens..

  A016001908 

 Mays il est mieux de n'avoir mesmement pas a craindre les ombres en françois, comm'on ne les craint pas en espagnol..

  A016001917 

 Revu sur l'Autographe conservé chez les RR. PP. de Saint-Edme, Abbaye de Pontigny (Yonne).

  A016001929 

 Ma tres chere Seur, A cette premiere fois que je vous escris, je vous veux dire deux ou trois motz de preface, qui puissent servir pour toutes les lettres que je vous envoyeray des-ormais selon les occurrences..

  A016001932 

 Dieu sçait, ma tres chere Seur, quelz sont les monasteres esquelz ce saint exercice n'est point prattiqué; Dieu sçait quelle obeyssance, quelle pauvreté et quelle chasteté y est observee devant les yeux de sa divine Providence, et si les assemblees des filles ne sont pas plustost des compaignies de prisonnieres que de vrayes amoureuses de Jesus Christ.

  A016001932 

 Mais nous n'avons pas tant besoin de considerer ce mal la, que de peser au juste poids le grand bien que les ames reçoivent de la tressainte orayson.

  A016001932 

 Vous n'estes donq point trompees de l'avoir embrassee, mais trompees sont les ames qui, s'y pouvant appliquer, ne le font pas..

  A016001934 

 Le frere N. est un vray ignorant, mais ignorant qui sçait plus que beaucoup de sçavans; il a les vrays fondemens de la vie spirituelle, et sa communication ne vous peut qu'estre utile.

  A016001935 

 Je n'ay peu encor lire les livres que vous m'aves envoyé, ce sera a mon premier loysir.

  A016001938 

 En particulier, ce m'a esté de la consolation de sçavoir la bonté et vertu de vostre Pere confesseur, qui, avec un esprit vrayement de pere envers vous, cooperée a vos bons desirs et est encor bien ayse que les autres y contribuent.

  A016001938 

 Pleust a Dieu que tous les autres de vostre Ordre fussent aussi charitables et affectionnés a la gloire de Dieu! les monasteres qui sont en leur charge seroyent plus parfaitz et plus purs..

  A016001968 

 Le pauvre M. de Charmoysi est tous-jours entre les mains des medecins, sans voir goute, mais avec bonne esperance de voir, Dieu aydant.

  A016001982 

 Les meilleurs moyens pour exprimer cette passion sont ceux dont vous me gratifies, pourveu que l'on y entende une merveille que j'appellerois miracle, si je n'en estois l'ouvrier, apres Dieu et vostre commandement: car ordinairement, l'amour paternel est puissant parce qu'il descend comme un fleuve qui prend sa source de la pente; mais en nostre sujet, le mien, qui sort de ma petitesse, en remontant a vostre grandeur, il prend vigueur a la montee et accroist sa vistesse en s'eslevant: c'est parce que, si les autres se [212] contentent de ressembler a l'eau, celuy-ci est comparable au feu.

  A016001983 

 Une grande ame, Monsieur, pousse toutes ses meilleures pensees, affections et pretentions jusques dans l'infini de l'eternité; et puisqu'elle est eternelle, elle estime trop bas ce qui n'est pas eternel, trop petit ce qui n'est pas infini, et surnageant a toutes ces menues delices, ou plustost a ces vilz amusemens que cette chetifve vie nous peut presenter, elle tient les yeux fichés dans l'immensité des biens et des ans eternelz..

  A016001984 

 Et vous purgeant souvent par le doux et gratieux syrop magistral de la confession, Monsieur, j'espererois que vous demeureries comme un celebre pyrauste entre les flammes, sans endommager vos aisles.

  A016001984 

 Oh si le soir vous lisies douze lignes dans quelque livret de devotion, apres avoir fait vostre petite orayson! car cela dissiperoit les qualités contagieuses que les rencontres du jour pourroyent avoir jetté autour de vostre cœur.

  A016001992 

 Je me res-jouis de vostre heureux retour, lequel eut esté comblé de consolation pour vous et pour tous les bons et pour moy, si vostre saint zele eut eu le succes que vos remonstrances requeroyent.

  A016001992 

 Mays ce tems est [214] ainsy fait, il ne produit pas les choses bonnes et desirables qu'avec plusieurs travaux de ceux qui les entreprennent, et au contraire, le mal s'avance sans culture, par la propre malice de cet aage..

  A016002005 

 Mais je regrette pourtant que vostre esprit patisse tant en cette guerre, en laquelle, sans doute, il n'y a presque que les Anges qui puissent conserver l'innocence; et qui tient la moderation emmi les proces, le proces de sa canonization est tout fait pour luy, ce me semble.

  A016002009 

 Je voy bien, Monseigneur, par vostre lettre et par [216] celle de M. de N., qui, en verité, est mon amy et bon pere tres singulier, que nous ne sçaurions conserver les libertés ecclesiastiques que les Ducs nous avoyent laissees es pais estrangers.

  A016002011 

 Et tandis que nostre Josué sera la, nous tiendrons les mains haussees et prierons qu'il ayt une speciale assistance du Saint Esprit; nous invoquerons les Anges protecteurs et les saintz Evesques qui nous ont precedé, qu'ilz soyent autour de vous et qu'ilz animent vos remonstrances..

  A016002027 

 Or, il me dit que c'est cent florins annuelz, et on pourroit les donner tous-jours par provision et sans consequence.

  A016002028 

 Je vous addresse une comission que je ne puis ni eviter ni donner ailleurs; il vous plaira d'en aviser les parties.

  A016002029 

 C'est pitié que chacun veut avoir des volontés! Currebant, et non mittebam eos; et neanmoins ilz veulent que ce soit comme si on les avoyt envoyés.

  A016002029 

 M. Cheynel sçait ou il faut prendre les cent escus du don du Roy qui restent, car je croy quil en a despensé deux cens, dont il faudra aviser avec le P. Commissaire, quand il [220] sera venu, comme on se pourra faire, car avec M. Cheynel je ne sçai qu'en dire, puisque mesme le P. Cotton qui a moyenné cest'aumosne, me le recommande fort.

  A016002056 

 Mais je ne veux plus rien dire sur ce sujet, qui aussi m'est indicible; il me suffit que Dieu m'a fait cette grace, laquelle m'est tous les jours plus delicieuse, quand 0n me dit de toutes parts que vous vives a Dieu, quoy qu'emmi ce monde..

  A016002057 

 Ainsy la varieté des visages de la cour et du monde ne donnera point de changement au vostre, duquel les yeux regarderont tous-jours le Ciel auquel vous aspirés, et la bouche reclamera tous-jours le souverain Bien que vous y esperés..

  A016002057 

 O Jesus mon Dieu, quel bonheur d'avoir un filz qui sçache par merveilles si bien chanter les chansons de Sion emmi la terre de Babylone! Les Israëlites s'en excuserent jadis parce que non seulement ilz estoyent entre les Babyloniens, ains encor captifs et esclaves des Babyloniens; mais, qui n'est point en l'esclavage de la cour, il peut emmi la cour adorer le Seigneur et le servir saintement.

  A016002058 

 Vous seres donq la mon Josué qui combattrés pour la cause de Dieu en presence; et moy je seray icy comme un Moyse qui tendray mes mains au Ciel, implorant sur vous la misericorde divine affin que vous surmonties les difficultés que vostre bonne intention rencontrera..

  A016002068 

 Puisque le brevet requis pour la declaration de la nullité des vœux de madame de Gouffier vostre seur, est expedié en la sorte qu'elle a peu desirer, elle ne peut, ce me semble, mieux tesmoigner qu'elle n'a pas pourchassé sa liberté que pour la reengager plus heureusement a Dieu, qu'en s'approchant de vous pour prendre les resolutions convenables a son entiere retraitte, laquelle ayant choysie en ce lieu et en la compaignie qu'ell'a veüe et consideree plus d'un an, il m'est advis que je dois vous protester, Monsieur, que sa naissance, ses vertus [225] et ses saintes intentions luy ont acquis tout le service que je luy pourray rendre; et que si bien elle sera icy esloignee de la plus part de ses parens, elle sera neanmoins proche de plusieurs personnes qui les honnorent infiniment, et qui l'auront en une consideration si sainte et honnorable, que pour ce regard, Monsieur, vous n'aures nul sujet de blasmer son choix, auquel, puis qu'ell'a eu plus d'attention a contenter Dieu que de servir aux respectz humains, sa divine Majesté sans doute luy donnera toutes les benedictions qu'ell'en doit esperer, et en fera deriver sut vous quelque bonne part, si mes souhaitz sont exaucés: car je le ( sic ) feray toute ma vie pour vostre bonheur, et demeureray de tout mon cœur,.

  A016002082 

 L'extreme necessité que la Visitation a d'une partie du jardin de Saint Dominique, sur lequel le bastiment [226] nouveau regardera, fait que plusieurs gens d'honneur ont pensé de proposer que les Peres de Saint Dominique prissent une partie d'un jardin du college sur lequel ilz regardent, et moyennant une recompense que l'on donneroit au college, que les Dames de la Visitation fourniroyent; et qu'en cette sorte, les Peres de Saint Dominique lascheroyent la partie requise de leur jardin en faveur de la Visitation: dont deux maysons, Saint Dominique et la Visitation, demeureroyent infiniment accommodees, et le college nullement incommodé.

  A016002083 

 Ce que Sa Grandeur fera facilement, puisqu'elle peut prier lesditz Barnabites de voir avec messieurs de son Conseil si cela se pourra bonnement faire, et que s'il se peut sans grande incommodité, il desire fort affectionnement que cela se fasse et qu'il les en prie.

  A016002083 

 Mais maintenant que les Peres Barnabites sont remis, cela dependra aussi d'eux: c'est pourquoy, s'il plaisoit a Monsieur de leur tesmoigner qu'il desire ce commun accommodement, il y a de l'apparence que la chose reusciroit, pourveu que le tesmoignage de son desir fust un peu bien exprimé.

  A016002084 

 Il reste que je vous supplie d'en parler a Monsieur, ce que je feray presentement, sans attendre davantage que les Peres Barnabites montent si haut pour parler a Sa Grandeur; et il sera a propos qu'elle fasse ce bon office en cette occasion.

  A016002108 

 Ilz entreront donq, et je suis d'advis que vous les facies monter vers vous, affin de leur parler, et puis vous les feres accompagner.

  A016002108 

 Le Pere Superieur et le P. Don Chrisostome vont pour voir la situation de vostre mayson et en prendre [231] les mesures, affin de bien instruire le P. General de la necessité que vous avés du jardin des Peres de Saint Dominique.

  A016002123 

 En quoy, toutefois, ni eux, ni moy, qui ay eu la charge d'en faire les propositions, n'avons rien eu en plus grande consideration que de faire les traittés de sorte que l'alliance et correspondance qui est et doit estre entre le college de Savoye Chappuysien de dela et celuy de deça, fut saintement et religieusement conservee en tout ce qui en depend; qui nous fait croire que non seulement vous aggreeres, mais que vous loüeres ce qui a esté fait et en favoriseres davantage ce college, puisque Dieu y sera mieux servi et la jeunesse mieux instruite..

  A016002123 

 Sur l'expres commandement de Son Altesse Serenissime, de Monseigneur le Prince Cardinal et de Monseigneur le Duc de Nemours, seigneur de ce pais de [233] Genevois messieurs les Administrateurs de ce college d'Annessi ont remis ledit college a la direction et conduitte des Peres de la Congregation de Saint Paul, gens de grand zele et doctrine.

  A016002131 

 Messieurs les Proviseurs du College de Savoye..

  A016002139 

 Si la Providence divine vous employe, ma tres chere Fille, vous deves vous humilier grandement et vous [235] res-jouir, mais en cette Bonté souveraine, laquelle, comme vous sçaves, vous a asses fait connoistre qu'il vous vouloit vile et abjecte a vos propres yeux, par les consolations qu'il vous a donné es essays que vous aves faitz de vous avilir et abbaisser.

  A016002140 

 Si que, tout ce qui est le plus a la gloire de Dieu doit estre suivi et aymé et poursuivi: c'est la regle de tous les vrays serviteurs du Ciel..

  A016002140 

 Vous faites extremement bien de tesmoigner une tres absolue indifference, car aussi est ce le vray esprit de nostre pauvre Visitation, de se tenir fort abjecte et petite, et de ne rien s'estimer sinon entant qu'il plaira a Dieu de voir son abjection; et partant, que toutes les autres formes de vivre en Dieu luy soyent en estime et en honneur, et, comme je vous ay dit, qu'elle se tienne entre les Congregations comme les violettes entre les fleurs, basse, petite, de couleur moins esclattante, et luy suffise que Dieu l'a creee pour son service et affin qu'elle donnast un peu de bonne odeur en l'Eglise.

  A016002141 

 Mais s'il se treuve des personnes plus relevees [236] qui ayent aussi des pretentions plus grandes, nous devons les servir et reverer tres cordialement, quand l'occasion s'en presentera.

  A016002142 

 Resalués les de ma part et les asseurés de mon affection a leur service en tout ce que je pourray, qui ne sera pourtant jamais rien a cause de ce que je suis..

  A016002143 

 Tenés bon, ma tres chere Fille, dans l'enclos de nos sacrees resolutions; elles garderont vostre cœur si vostre cœur les garde, avec l'humilité, la simplicité et la confiance en Dieu..

  A016002173 

 L'autre, c'est une certaine Peronne Marie qui a une tres bonne volonté d'estre toute a Dieu, et pour estre toute a Dieu, d'estre toute simplement humble et humblement douce envers tous les prochains; et c'est celle ci qui voudrait imiter saint Pierre, qui estoit si bon apres que Nostre Seigneur l'eut converti; c'est cette Peronne Marie qui est fille de la glorieuse Vierge Marie et, par consequent, de bonn'affection.

  A016002187 

 La mediocrité de nostre Visitation est propre pour estre grandement estendue et multipliee; les hautes et relevees Religions ne peuvent pas estre montees si aysement.

  A016002187 

 Mays, qui pourroit asses admirer non plus qu'asses loüer sa Providence? Cette Bonté paternelle aura regardé de l'œil de son amour une quantité de filles et de femmes qui, pour diverses raysons, demeuroyent entre les hazars des flotz de la mer mondaine, s'il ne leur dressoit un port aysé auquel elles puissent surgir, nonobstant que leurs barques soyent un peu foibles.

  A016002190 

 Je retourne a l'affaire de dela, et puisque je suis a parler, je ne me puis tenir de m'estonner dequoy il semble qu'on se soit comme caché des Jesuites; car au contraire, entre les biens des Congregations, au dessus des Religions, celuy la est de ( sic ) plus grans, que les Congregations peuvent fort aysement avoir l'assistence [245] des Peres Jesuites, comme la Congregation des Guastales, de Milan, celle de Castillon et plusieurs autres d'Italie, qui fleurissent en sainteté et perfection..

  A016002191 

 Et sur ce point, ma tres chere Fille, prenes bien garde a parler des Carmelines avec reverence, car leur vertu et perfection vous y oblige; et puisque ce desordre survenu a la Presentation a eveillé le dessein de les faire venir a Lion, il faut esperer que Dieu en tirera plusieurs autres biens..

  A016002202 

 Je suis marri de n'avoir rien fait aujourdhuy pour les jardins, mais je ne sçai pas mesme si j'ay vescu..

  A016002203 

 Elles n'ont jamais esté icy, et ne sont pas pour y revenir: un peu de devote caresse les edifiera.

  A016002241 

 En verité, Monseigneur, vous ne recevrés jamais des affections si fideles en lieu du monde comme vous feres icy, ou elles naissent avec les hommes, vivent avec eux, croissent sans bornes ni limites quand et eux envers la Mayson serenissime de Savoye, delaquelle les Princes se peuvent vanter d'estre les plus respectueusement aymés et amoureusement respectés de tout le monde par leurs peuples: benediction en laquelle Vostre Grandeur a la part qu'ell'a peu voir et remarquer en toutes occurrences.

  A016002241 

 Ici, Vostre Grandeur a sa mayson paternelle et, sans comparayson, beaucoup mieux accompaignee des commodités requises a son sejour que pas une des autres, puisqu'ell'y peut fournir sans les autres, et pas une des autres sans celle ci..

  A016002242 

 Que si j'osois dire mes pensees sur les autres sujetz que Vostre Grandeur auroit de revenir, je luy marquerois le [253] desir ardent que Son Altesse Serenissime a eu qu'elle demeurast, auquel Vostre Grandeur correspondant par son retour, c'est sans doute qu'elle l'obligeroit non seulement a perseverer en l'amour plus que fraternel qu'ell'a tous-jours protesté envers icelle, mais elle en accroistroit extremement les causes, et par consequent les effectz..

  A016002243 

 Et donq, Vostre Grandeur ne seroit elle pas infiniment marrie de se treuver tant esloignee de Son Altesse et de ses Estatz? Ell'a voyrement commandé que le sieur de la Grange fit passer ses trouppes dela les montz, qui est un bon tesmoignage de la perseverance de Vostre [254] Grandeur au devoir qu'ell'a envers sadite Altesse; mais d'en esloigner sa personne tandis que la fievre de la guerre est en ses Estatz et qu'on ne sçait si Dieu permettra que nous y voyons arriver des acces perilleux, je ne sçai, Monseigneur, ce que l'on en pourra juger, au prejudice de l'affection que je sçai bien neanmoins estre immuable dans vostre cœur..

  A016002243 

 Je luy marquerois encor, qu'en cas que la guerre que Son Altesse Serenissime a sur les bras se rendit plus active et qu'elle passast jusques a quelqu'ardeur (ce que Dieu ne veuille), Vostre Grandeur, comme je pense, ne pourroit alhors retenir son courage quil ne la rapportast a la defense de ce sang, de cette Mayson, de cette couronne, de cet Estat dont ell'est et en quoy ell'a tant de part et tant d'interest, et ou manifestement vostre reputation, Monseigneur, presseroit vostre courage, si vostre courage, grand et bien nourri, ne prevenoit toute autre consideration, voyre mesme celle de la reputation.

  A016002263 

 Je vous remercie tres humblement de la part qu'il vous plait de me faire de vos nouvelles, toutes pareilles aux nostres de deça, car j'ay esté aussi prié d'escrire une lettre a Monseigneur le Duc de Nemours pour luy persuader de revenir; le tout, sur les remonstrances de monsieur son procureur fiscal, qui s'eschauffe infiniment a ce dessein.

  A016002263 

 Mays que pourront ces orateurs mortz, en comparayson des harangueurs continuelz qui vivent, et soufflent perpetuellement dans les aureilles de ce Prince son esloignement de ce païs? Et puis, n'ont ilz pas des-ja fait la moytié de leur besoigne? [257] Et si nous n'avons sceu empescher le depart, quel moyen d'obtenir le retour? Melius non incipient quam desinent.

  A016002263 

 Or, j'ay escrit pour ne sembler pas avoir moins de desir que les autres pour un si grand bien; comm'en verité je l'aurois, ce desir-la, et plus grand et plus sincere que plusieurs autres, si je pensois que cela se peut faire, moralement parlant.

  A016002283 

 Hier, M lle de Monthouz, cousine germaine du cher [260] mary, entra a la Visitation pour faire le premier essay; et madame la Senatrice sa cousine l'amena, qui est aussi une bonne ame, et de la confession generale delaquelle j'ay receu bien du contentement pour les bonnes inspirations que j'ay veu en son esprit.

  A016002284 

 Nostre Mere et les deux autres partent apres la Saint Martin pour Lion, d'ou on les envoyera prendre par des honnorables ecclesiastiques.

  A016002286 

 Nostre seur et la niece viennent faire icy l'hiver et prennent mayson a part; mon frere pourtant est maintenant un peu malade, a cause du tracas quil a fait parmi les affaires que ces trouppes de Monseigneur de Nemours nous donnent.

  A016002311 

 Et nos Savoyards se sont comportés tous-jours fort honnorablement, n'ayant rien fait qui leur puisse causer ce mal, sinon qu'ilz ont esté trop braves et ont obtenu les principales charges..

  A016002311 

 Item, les Cordeliers de ce païs de Savoye ont eu nouvelles que leur Provincial sollicite messieurs du clergé de France affin quilz fassent retrancher leurs couvens de la Province de Saint Bonaventure es Estatz qui se celebrent; en suite de quoy, les Cordeliers savoyards n'auroyent plus acces a l'estude de Paris, [264] ou ilz ont eu tant de doctes et braves docteurs qui ont regenté et gouverné en ce couvent la, comme je l'ay veu moy mesme.

  A016002313 

 J'attendray l'oracle de vostre jugement pour le corriger avant quil viellisse, si vous me faites lhonneur de le voir et de me faire sçavoir les defautz que j'y auray commis, avec autant de liberté comme avec une veritable sousmission je souhaite vostre censure..

  A016002313 

 Je vous confesse a vous, Monseigneur, que cette petite besoigne ne me desplait pas beaucoup; mays j'ay grand peur qu'elle ne reuscisse pas si heureusement que l'autre precedente, pour estre, a mon advis, un peu plus nerveuse et forte, quoy que j'aye tasché de l'adoucir et fuir les traitz difficiles.

  A016002337 

 C'est ce qu'attend de moi Dieu notre Sauveur; il ne nous a faits si proches voisins, qu'afin que nous entreportions autant que possible les fardeaux l'un de l'autre.

  A016002337 

 Ce bon office, je vous le dois encore, Monseigneur, à cause de la bienveillance que vous me témoignez depuis si longtemps et pour les égards que mérite votre souveraine et inviolable affection envers l'Eglise catholique..

  A016002338 

 Je suis aussi résolu de témoigner en toute occasion à Votre Seigneurie Révérendissime les marques de mon absolu respect et de ma sincère amitié..

  A016002351 

 Cependant les nouvelles de la paix se fortifieront, Dieu aydant, et madame ma cousine arrivera pres de vous, qui me gardera de luy faire presentement response..

  A016002351 

 Lhors que monsieur de Corbonnex fut icy, j'estois en un petit voyage que j'ay fait en Tharentayse pour la [268] consecration de 1'eglise que les Capucins y ont dressee nouvellement, selon la recommandation que Monseigneur l'Archevesque de ce lieu-la m'en avoit faite a son depart, et, dans deux jours, je vay en Valey, ou on doit sacrer Monseigneur de Syon le second Dimanche de l'Advent.

  A016002359 

 commandant generalement deça les montz.

  A016002371 

 J'espere de vous voir dans cet hiver, car vous ne le passeres pas sans rendre la pareille de cette visite que vous fait la chere cousine, principalement si monsieur vostre mari fait sejour dela les mons..

  A016002372 

 Or sus, si la quitte-je de tout mon cœur entre les mains de Nostre Seigneur, affin quil face de moy selon son tres bon playsir.

  A016002390 

 Voyla pourquoy je vay encor plus joyeusement voir si Dieu se servira de moy en quelque chose pour sa gloire; car saches, ma tres chere Mere, que j'ay eu en chemin, et ce matin encor plus, des grans sentimens de la grace que Dieu fait a ceux qu'il employe a son service et ausquelz il donne le vray goust des vertus, ayant eu cette pensee sur les paroles que l'Eglise inculque et qui donnerent le dernier coup a la conversion de saint Augustin: Non point es banquetz et ivroigneries, non point es couches et impudicitès, mais revestes vous de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A016002393 

 Le cher filz vous bayse tres humblement les mains; il arriva hier, ainsy que nous entrions a table, c'est a dire a 5 heures..

  A016002404 

 Mays parmi cela, j'ay apperçeu que le seigneur gouverneur de Milan a des grandes prattiques pour attirer cet Estat au parti d'Espagne, et a presque des-ja gaigné pour cet effect les vœux et les voix des quattre dizains, qu'ilz appellent, d'en haut: Rarogne, Vespia, Brighen et Comze, qui auroyent des-ja fait passer leur inclination en resolution, si Monseigneur de Sion et les trois dizains d'embas, Sion, Sierre et Loeïtze, ne se fussent grandement opposés pour empescher ce coup, lequel toutefois il sera malaysé de destourner, si quelqu'un n'arrive promptement entr'eux de la part de Vostre Altesse, avec les provisions requises pour reasseurer ces espritz-la fort esbranslés..

  A016002419 

 Et des-ja les [276] dizains de Comze, de Raroigne, de Brighen et Vespia sont gaignés et auroyent fait faire le coup, n'eut esté la vive resistence de Monseigneur de Syon et des autres troys dizains..

  A016002419 

 Or, revenant de la, je me suis treuvé obligé de donner advis a Son Altesse de l'effort que le seigneur gouverneur de Milan fait pour attirer le pais de Valey au parti d'Espagne et soustraire cett'alliance a Son Altesse; dequoy les fers sont si avant au feu, que si sadite Altesse n'y remedie promptement, je ne sçai comm'on en pourra empescher les effectz.

  A016002421 

 Au reste, il ne se peut dire combien de carouz on a fait a la santé de Son Altesse, de Messeigneurs les Princes et de Vostre Excellence mesmement, Dimanche passé, au festin solemnel qui ne dura sinon despuis un'heure apres mydi jusques a sept heures et demi du soir; et Vostre Excellence peut penser si, passé la premiere heure, les autres devoyent estre longues a ceux qui ne s'estoyent jamais treuvés en tell'histoire.

  A016002421 

 Le bon Monseigneur l'Archevesque de Vienne et moy fusmes exempts des carroux, hormis de quatre, a la santé de Son Altesse, de Messeigneurs les Princes, des sept cantons catholiques et de Monseigneur le Prince et seigneurs dizains du pais de Valey; mays nous les fismes encor dans des verres et selon la mesure que nous voulusmes.

  A016002421 

 Toutes les autres santés ne nous furent point presentees, mais elles ne demeurerent pas sans porteurs..

  A016002438 

 Qu'elle s'en addresse donq a Nostre Seigneur, qui tient les cœurs des siens en ses mains pour les tirer ou bon luy semble.

  A016002449 

 Nostre Mere d'icy l'ayme parfaitement, et nous voyons que c'est un vase bien poly, vuide, ouvert pour recevoir de [280] grandes graces celestes; car c'est une ame droitte, un esprit vuide et desnué de toutes les choses de ce monde, et qui n'a pensee ni dessein que pour son Dieu.

  A016002450 

 Je sçai que vostre ame est de celles desquelles les yeux vont defaillans a force de regarder le sacré object de leur amour, disant: Quand me consolerés-vous?.

  A016002451 

 Ah! vray Dieu, mon cher Pere, moy qui ne fus jamais seulement bon clerc, m'appartient-il d'instruire les saintz Religieux? Portés doucement et amoureusement vostre croix, laquelle, a ce que j'entens, est asses grande pour vous combler de benedictions, si vous l'aymés..

  A016002452 

 Seulement je vous dis que c'est aujourd'huy le jour que je fus consacré a Dieu pour le service des ames; je solemnise tous les ans ce jour avec le plus d'affection que je peux, me consacrant de nouveau a mon Dieu.

  A016002471 

 Ne craignés point, la foy reside tous-jours en la cime [282] et pointe de vostre esprit, et cela vous asseure que ces troubles finiront et que vous jouires du repos desiré au sein de Dieu; mais la grandeur du bruit et des cris que l'ennemy fait dans le reste de l'ame et rayson inferieure, empesche que les advis et remonstrances de la foy ne sont presque point entendus.

  A016002496 

 Maintenant que vous diray-je? Bien des choses sans doute, si je voulois suivre mes affections, lesquelles seront [284] tous-jours pleynes pour vous, comme je desire que les vostres soyent bien pleynes pour moy, quand sur tout vous seres dans le petit oratoire, ou je vous supplie d'en respandre beaucoup devant Dieu a l'intention de mon amendement; ainsy que de mon costé je respans, non les miennes, qui sont indignes a rayson du cœur ou elles sont, mays le sang de l'Aigneau immaculé, devant le Pere eternel, en faveur de la bonne intention que vous aves d'estre toute sienne..

  A016002506 

 Mais toutefois, comme ce sont les grandes lumieres qui descouvrent les atomes, ainsy m'aves vous peu voir..

  A016002507 

 A quoy je suis encor attiré par cette sçavante pieté qui vous fait si heureusement transformer les muses payennes en chrestiennes, pour les oster de ce viel prophane Parnasse et les loger sur le nouveau sacré Calvaire.

  A016002507 

 Et pleust a Dieu que tant de poetes chrestiens qui ont en nostre aage si dignement tesmoigné comme vous, Monsieur, la beauté de leur esprit, eussent aussi, comme vous, fait paroistre la bonté de leur jugement au choix des sujetz de leurs poëmes! La corruption des mœurs ne seroit pas si grande; car c'est merveille combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour penetrer les cœurs et assujettir la memoire.

  A016002507 

 Or, puisque non seulement il vous a pleu, Monsieur, de jetter vostre pensee et, ce qui est encor le plus, vostre bienveuillance sur moy, je vous supplie tres humblement de me continuer cette grace par la mesme courtoisie et bonté qui l'a fait naistre en vostre ame sans aucun merite de ma part; et si je ne puis par les effectz, au moins par affection je m'essayeray de correspondre a cette faveur, vous portant a jamais un honneur, ouy mesme (si vous me permettes ce mot) un amour tres particulier.

  A016002508 

 Et vous, Monsieur, usés, ains jouisses tous-jours ainsy saintement de ce beau, riche et bon esprit que la divine Majesté vous a conferé en cette vie temporelle, affin que vous vous res-jouissies a jamais, contemplant et chantant glorieusement les mesmes mysteres, en la vie eternelle.

  A016002538 

 Si vous aymes les richesses, vous y treuveres l'or que les Rois y ont laissé; si vous aymés la fumee des honneurs, vous y treuveres celle de l'encens, et si vous aymes les delicatesses des sens, sentes-y la mirrhe odorante qui parfume tout l'estable.

  A016002538 

 Soyes riche en amour pour ce cher Sauveur; honnorable en la privauté que vous prendres avec luy par l'orayson, et toute delicieuse en la joye de sentir en vous les saintes inspirations et affections d'estre tres uniquement sienne..

  A016002539 

 En fin, ma chere Cousine, puisque, sans reserve, vous voules estre toute pour Dieu, ne tenes point vostre cœur en peyne, et, entre toutes les secheresses qui vous peuvent arriver, soyes ferme a demeurer entre les bras de la misericorde divine..

  A016002540 

 Or, il faut que vous, au contraire, estendies vostre cœur par une frequente repetition de vostre protestation, que vous ne relascheres jamais, que vous persevereres en vostre fidelité, que vous [291] aymes mieux les rigueurs du service de Dieu, que les douceurs du service du monde, que jamais vous n'abandonneres vostre Espoux..

  A016002579 

 Ce sont les benedictions que Jacob se souhaitoit quand il partit de Bethel, et ce sont celles la que je me souhaite a moy mesme, ma tres chere et tres unique Fille, a [295] vostre despart de ce lieu, ou vous demeures en partant et d'ou vous partes en demeurant..

  A016002580 

 Les ames que Dieu a rendu tout une sont inseparables, car, qui peut separer ce que Dieu a joint? Non, ni la mort, ni chose quelconque ne nous separera jamais de l'unité qui est en Jesus Christ, qui vive a jamais en nostre cœur.

  A016002585 

 Or sus, ma chere Fille, puisque Dieu est l'unité de nostre cœur, qui nous en separera jamais? Non, ni la mort ni la vie, ni les choses presentes ni les futures, ne nous separeront jamais, ni ne diviseront nostre unité.

  A016002591 

 Ma tres chere Fille, la Providence celeste vous assistera: invoqués-la avec confiance en toutes les difficultés desquelles vous vous treuveres environnee.

  A016002598 

 Que bienheureux sont les espritz qui marchent selon la volonté de ce divin Esprit, et le cherchent de tout leur cœur, laissant tout, et le Pere mesme qu'il leur a donné, pour suivre sa divine Majesté!.

  A016002603 

 Les Anges de dela, qui vous attendent, envoyeront a vostre rencontre leurs [297] benedictions, et vous regardent allant vers leurs lieux, avec amour, puisque c'est pour cooperer a leur saint ministere..

  A016002603 

 Nos Anges de deça tiennent les yeux sur vous et sur vostre petite trouppe et ne vous peuvent abandonner, puisque vous n'abandonnes pas le lieu de leur protection, ni les personnes de leur garde, que pour n'abandonner pas la volonté de Celuy pour la volonté duquel ilz s'estiment heureux d'abandonner maintes fois le Ciel.

  A016002604 

 Allés donq, ma Fille, allés avec mille et mille benedictions que vostre Pere vous donne, et sçachés que jamais il ne manquera de respandre, par toutes les aspirations que son ame fera, des combles de souhaitz sacrés sur la vostre.

  A016002615 

 O Seigneur Jesus, sauvés, benissés, confirmés et conservés ce cœur qu'il vous a pleu de rendre unique en vostre divin amour; et puisque vous luy aves donné l'inspiration de se dedier et consacrer a vostre saint Nom, que vostre saint Nom le remplisse comme un bausme de divine charité, qui, en une parfaite unité, respande les varietés des parfums et odeurs de suavité requises a l'edification du prochain.

  A016002616 

 Dieu, qui les a assemblees, les benisse; leurs saintz Anges soyent a jamais autour d'elles, respandant a pleines mains les graces et consolations celestes dans leurs cœurs bienaymés, et que la Sainte Vierge, desployant sa poitrine maternelle sur elles, les conserve en la vertu de son amoureuse maternité.

  A016002622 

 Seigneur Jesus, quel vray bonheur a une ame dediee a Dieu d'estre fort exercee par la tribulation avant qu'elle parte de cette vie! Ma tres chere Mere, comme peut on connoistre le franc et vif amour, que parmi les espines, les croix, les langueurs, et sur tout quand les langueurs sont accompaignees de longueur? Aussi, nostre cher Sauveur a tesmoigné son amour desmesuré par la mesure de ses travaux et passions..

  A016002624 

 A Dieu, ma tres chere Mere, et ma tres chere Fille encor; a Dieu soyons-nous eternellement, et nous et nos affections, et nos petites peynes et les grandes, et tout ce que la divine Bonté veut estre nostre.

  A016002647 

 Les deux premiers jours quil ne se vid plus soymesme, il demeura en une douce tendreté et quelques larmes; mais quand je le portay la premiere fois ou il avoit accoustumé de treuver son ame et quil ne l'y treuva plus, il fut saysi d'un estonnement nompareil qui luy a duré trois ou quatre jours et le resaisit souvent, c'est a dire quand il y pense par maniere de privation du bien quil ayme plus que tout autre du monde.

  A016002648 

 Elle me dit que nostre fille de Rabutin s'attristoit. et pleuroit pour n'avoir pas dequoy se faire brave; et je luy dis quil failloit luy faire faire un beau collet pour les festes, et cela suffiroit au vilage, en attendant mieux a vostre retour.

  A016002648 

 Je ne vis qu'elle, par ce que j'arrestay fort peu; mais au retour, je les verray toutes, et commencerons par les Novices.

  A016002648 

 Mays nostre fille de Thorens se confessa et s'en alla bien brave; elle m'a prié de luy [303] faire un'orayson qu'elle die tous les jours tandis qu'elle sera grosse; ce que je feray, et vous en envoyeray une copie affin que vous sachies tout..

  A016002667 

 Je ne veux point perdre de tems apres Pasque pour tirer au jour ce petit ouvrage de l' Amour de Dieu, que vous aymés et desirés; et voyrement je donneray ordre que vous en aurés les fins premiers exemplaires qui s'en porteront a Paris, comme vous estes aussi le fin premier amy que j'y aye et ailleurs, et que je suis,.

  A016002672 

 J'attens de sçavoir que M. de Grenyer deviendra, car je ne sçai plus ou il est, sinon qu'il soit encor a Monpelier, attendant les nouvelles de son logement que vous luy avés impetré chez Monseigneur de Joyeuse..

  A016002680 

 Or, voyla donq derechef, Monseigneur, des authentiques attestations de lhonneur religieux qui a esté porté a ce bienheureux Prince en divers endroitz, avec un petit memorial pour la correction de ce que le P. Maleto en a escrit en desordre, faute d'avoir entendu les actes que j'avois envoyés en langue françoise..

  A016002681 

 Au demeurant, Monseigneur, Vostre Altesse nous [308] ayant fait le bien de procurer la venue des bons Peres Barnabites en cette ville, dont nous la remercions tres humblement, nous la supplions tres humblement aussi tous, tant que nous sommes ses tres obeissans serviteurs de deça, qu'il playse a sa bonté de vouloir bien prendre en speciale protection cette œuvre, delaquelle le fruit sera incroyable et qui portera sa splendeur a la posterité, si les revenus de ce college estoyent suffisans pour l'entretenement d'autant de personnes quil en faudroit pour faire les functions que ces Peres feroyent excellemment en un lieu si propre, regardé de tant de nations estrangeres, centre, de la Savoye, et a la juste distance qu'il faut pour jetter les bons exemples et la doctrine dedans Geneve..

  A016002698 

 Au moins, ne pouvant rien davantage, je vous donne tous les meilleurs souhaitz que mon ame me peut fournir, et les presente a la majesté de Nostre Seigneur, affin quil luy playse vous donner, avec la patience quil vous a departie il y a long tems, le doux et tres humble aggreement de vos travaux que les plus grans Saints ont eu des leurs, affin que, moissonnant beaucoup de merites en cette arriere sayson de vostre aage, vous vous treuvies riche devant sa divine face, quand vous la verrés..

  A016002699 

 La, les maladies et langueurs sont salutaires [310] et aymables, ou Dieu mesme nous a sauvés par ses langueurs..

  A016002699 

 Ma tres chere Mere, croyes, je vous supplie, que mon ame vous ayme et honnore filialement, et que les foibles prieres que je pourray contribuer a vostre consolation ne vous seront point espargnees.

  A016002720 

 Je vis les pleurs de ma pauvre Seur [Marie-Madeleine,] et il me semble que toutes nos enfances ne procedent d'autre defaut que de celuy ci: c'est que nous oublions la maxime des Saintz, qui nous ont advertis que tous les jours nous devons estimer de commencer nostre avancement ou perfection; et si nous pensions bien a cela, nous ne nous treuverions point estonnés de rencontrer de la misere en nous, ni dequoy retrancher.

  A016002722 

 L'amour de nous mesme nous esblouit souvent: il faut avoir les yeux bien fermés pour n'estre pas deceuz a nous voir nous mesmes.

  A016002731 

 J'y ay eu trois consolations, et vous seres bien ayse de les sçavoir, car ce qui me console vous console aussi comme moy mesme..

  A016002734 

 Et quand ilz eurent vuidé la moytié de la place, une quantité d'oysillons qui les regardoyent vindrent la autour d'eux; et tous les pigeons qui mangeoyent encor se retirerent en un coin, pour laisser la plus grand part de la place aux petitz oyseaux, qui vindrent aussi se mettre a table et manger, sans que jamais les pigeons les troublassent..

  A016002734 

 Jean vint au milieu et balia certaine petite place emmi la neige, et jetta la de la graine a manger pour les pigeons, qui vindrent tous ensemble en ce refectoire la, prendre leur refection avec une paix et respect admirable; et je m'amusay a les regarder.

  A016002734 

 Vous ne sçauries croire la grande edification que ces petitz animaux me donnerent, car ilz ne dirent jamais un seul petit mot, et ceux qui eurent plus tost fait leur refection, s'envolerent la aupres pour attendre les autres.

  A016002735 

 J'admiray cette charité; car les pauvres pigeons avoyent si grand peur de fascher ces petitz oyseaux ausquelz ilz donnoyent l'aumosne, qu'ilz se tenoyent tous [314] ramassés en un bout de la table.

  A016002735 

 J'admiray la discretion de ces mendians, qui ne vindrent a l'aumosne que quand ilz virent que les pigeons estoyent sur la fin du repas et qu'il y avoit encor des restes a suffisance.

  A016002761 

 Commandant generalement deça les montz.

  A016002771 

 La nuit est un mauvais tesmoin, et les voyages et œuvres de la nuit sont sujetz a de mauvaises rencontres, [317] desquelles nul ne peut respondre.

  A016002772 

 C'est pourquoy les Princes ne se peuvent pas [318] dispenser de suivre cette methode, y estans obligés a peyne de la damnation eternelle..

  A016002772 

 Ilz donnent quelquefois des rescritz qui sont emanés par obreption et surreption; c'est pourquoy ilz les renvoyent a leurs cours, Senatz et Conseilz, affin que, parties ouÿes, il soit advisé si la verité a esté teuë, ou la fauseté proposee par les impetrans, desquelz les belles qualités ne servent a rien pour exempter leurs accusations et narrés de l'examen convenable, sans lequel le monde, qui abonde en injustice, seroit tout a fait despourveu de justice.

  A016002772 

 Les Papes, les Rois et les Princes sont sujetz a estre souvent deceuz par les accusations et rapportz.

  A016002773 

 Elle a fait justement de les recevoir, si elle ne les a receuës que dans ses aureilles; mais si elle les a receuës dans le cœur, elle me pardonnera si, estant non seulement son tres humble et tres fidele serviteur, mais encor son tres affectionné, quoy qu'indigne Pasteur, je luy dis qu'elle a offencé Dieu et est obligee de s'en repentir, voire mesme quand les accusations seroyent veritables; car nulle sorte de parolle qui soit au prejudice du prochain ne doit estre creuë avant qu'elle soit preuvee, et elle ne peut estre preuvee que par l'examen, parties ouyes.

  A016002774 

 Et que les accusateurs soyent tant dignes de foy que l'on voudra, mais si faut-il admettre les accusés a se defendre.

  A016002774 

 Les grans Princes ne remettent jamais les places ni les charges qu'a des gens de foy et de confiance, mais ilz ne laissent pas d'estre fort souvent trompés, et ceux qui ont esté fideles hier peuvent estre infideles aujourd'huy; comme ceux qui ont accusé ces pauvres gens peuvent, par leurs deportemens precedens, avoir acquis la creance que Vostre Grandeur leur donne, laquelle ilz meritent de perdre dores-en-avant, puisqu'en abusant, ilz ont fait de si fauses accusations..

  A016002782 

 Estant de retour de Sales, ou j'estois allé passer les jours de carnaval, j'ay treuvé le retour de nos des-ja trop vielles tribulations, par la calomnie faite contre mes freres.

  A016002783 

 Quel mal leur fait-on, ni a vous, disent les meschans? On nous ravit le bien le plus pretieux que nous ayons, qui est la bonne grace de nos Princes, et puis on dit: Quel [320] mal vous fait-on? Mon tres cher Frere, est il possible que Sa Grandeur m'ayme, qui, ce semble, prend playsir aux rapportz qu'on luy fait de mes freres, puisqu'il a des-ja treuvé que c'estoit ordinairement des impostures, et neanmoins il les reçoit, il les croit, il fait des demonstrations de tres particuliere indignation?.

  A016002784 

 Messieurs les Collateraux, gens hors de reproche, sont reprochés par authorité extraordinaire, seulement parce qu'ilz m'ayment de l'amour qui est deu a tous ceux de ma sorte.

  A016002825 

 Or, elle espere principalement en l'entremise de Vostre Altesse Serenissime, Monseigneur, pour obtenir ce soulagement; et je joins ma tres humble supplication a celle que son premier scindique presentera, affin quil plaise a la douceur de [324] Vostre Altesse de favoriser ce pauvre bon peuple qui, avec moy, ne cesse point d'invoquer la divine Majesté sur la personne et les intentions de Son Altesse et de la Vostre,.

  A016002838 

 Et par ce que leur intention, comme je pense, est fort juste et honneste, je n'ay sceu les esconduire; qui me fait vous supplier de les avoir en protection autant comme vous jugerés que vous puissies, sans vostre incommodité, les ayder et favoriser..

  A016002857 

 Hé! Dieu, qui se plaist a tesmoigner sa vertu et sa force en nos infirmités, soit a jamais au milieu de vostre ame pour la tenir enflammee de ce saint amour celeste; qu'il arde emmi les espines et les brusle sans les consumer, affin que l'ardeur de cette fievre amoureuse du Sauveur vous rende douce la fievre ou les restes de la fievre douloureuse que vous aves tant souffert.

  A016002870 

 Voyés-vous, ma tres chere Mere, quand je vay voir nos filles, il leur vient de petites envies de sçavoir de vos nouvelles par moy, et si je leur pouvois monstrer de vos lettres, cela les contenteroit grandement.

  A016002871 

 Dedans les billetz de salutations, quand vous m'en escrires, il ne faut pas me dire: «mon Pere, mon amy,» car je les veux pouvoir monstrer pour la consolation de ceux que vous salueres..

  A016002875 

 Je n'entens pas ce que vous me demandes quand vous me dites que je vous envoye une copie de l'establissement, auquel il faudra specifier les sorties.

  A016002884 

 Il faut que je vous parle a cœur ouvert, car a qui donq? Despuis que je suis en cette charge d'Evesque, rien ne [333] m'est arrivé qui m'ayt tant affligé que ce mouvement fait ces jours passés par les scindiques et plusieurs des habitans de Sessel, contre la pieté et la justice.

  A016002884 

 Si je ne me trompe, il y a eu un extreme mespris du devoir que l'on a aux magistratz, et une trop furieuse passion contre les curés et ecclesiastiques..

  A016002885 

 Je suis donq affligé si cette violence n'est reprimee, car elle croistroit tous les jours davantage; d'ailleurs, je suis aussi affligé si on chastie cette mutinerie, parce que les mutins sont mes diocesains et enfans spirituelz.

  A016002885 

 Toutes choses bien considerees, je desire le second, d'autant qu'en fin il faut un peu d'affliction aux enfans a ce qu'ilz se corrigent, puisque les remonstrances n'ont servi de rien, et vaut mieux que je pleure leur tribulation temporelle que s'ilz se precipitoyent en l'eternelle.

  A016002886 

 Or, forcé de mon devoir, j'envoye ces deux porteurs, qui ont esté plus que tesmoins oculaires de ce fait, sur [334] tout monsieur Roget, doüé d'une incomparable probité et predicateur fort capable, contre lequel ilz esmeurent les femmes, affin de le faire jetter dans le Rhosne par ce sexe facile a s'esmouvoir, comme s'il eust parlé contre l'honneur de toutes.

  A016002912 

 Hier, a mon retour de Sainte Catherine, environ les huit [heures de la nuit, je sus que le sire] Pierre [336] partoit ce matin.

  A016002913 

 Et pour mon pauvre cher esprit, qui est un peu travaillé de distractions en l'orayson, que luy diray-je, sinon quil se garde bien des empressemens, quil se tienne fort en la confiance de son Dieu, qu'il se repose en sa providence pour toutes choses, acquiesçant doucement aux evenemens; et puis, si les distractions nous tracassent, ce sera l'un des evenemens quil faudra recevoir, non pour le nourrir, mais pour le souffrir doucement.

  A016002933 

 Que si j'osois, j'adjousterois encor mon intercession, que vostre extreme bienveuillance envers rnoy rend hardie et forte, et en fin, la sousmission quil fait, ne desirant sa reconciliation aupres de vous que pour accoyser les remors quil a de vous avoir desagreé, et recouvrer lhonneur le plus pretieux quil ayt en ce monde, qui est d'estre advoüé de vous vostre tres humble serviteur..

  A016002934 

 Vous feres donq, je m'asseure, encor ce coup selon vostre bonté, laquelle je remercie tres humblement de la faveur quil vous pleut me faire, passant a Lion, m'ayant fait part de la belle Remonstrance contre les duelz, que je prie Dieu vous rendre autant efficace comme les merites de la cause et de celuy qui l'a playdee le requierent..

  A016002935 

 Il est fort gentil, l'esprit vif et qui ayme tendrement la sainte liberté quil a apprise parmi les pages; mais on tasche de luy en faire gouster un'autre un peu plus sainte et, petit a petit, on y proffite parce quil est bon enfant.

  A016002952 

 Hier, jour de la mort de nostre Vie, au retour des Tenebres, je treuvay vos lettres; ce matin, jour de la sepulture, tout en allant faire les Ordres pour sept a [342] huit personnes de qualité, en nostre chappelle de la Visitation..

  A016002953 

 Pour ma tres chere Seur Marie Jeanne Elizabeth, je ne desappreuve pas son voyage, ni ne l'appreuve; mais il seroit utile que je commette quelqu'un pour ouÿr les tesmoins et recevoir authentiquement leurs depositions, et non seulement les tesmoins, mays Madame du Paraclet et ses Religieuses.

  A016002956 

 On peut faire venir les damoyselles des Capucins pour essayer, et estant treuvees propres, ne les point renvoyer; car il n'y a pas grand hazard de les tenir en leur habit..

  A016002958 

 Prenés garde a retenir la liberté des sorties extraordinaires [344]: entre lesquelles, les Jubilés, la visite des proches malades, ouy mesme de quelques signalés bienfacteurs ou grand amy de la Mayson, et mesme de quelque sermon, comme celuy de la Passion, doivent, ce me semble, estre reservees, et toutes autres occasions esquelles la Communauté des Seurs, avec l'advis du Pere spirituel, treuveront que ce seroit a propos; car il faut reduire la prattique des sorties a la seule bienseance et modestie que la Religion, jointe a la condition du sujet, requiert, car ainsy en fait on es Congregations d'Italie..

  A016002972 

 Quant a celles que les Peres Capucins presentent, il y a moins de hazard, parce qu'on en sera quitte les gardant quelque tems en leurs habitz mondains; et cela tiendra lieu de premiere veuë..

  A016002973 

 Je disois, quant aux sorties extraordinaires, qu'il y failloit enfermer les visites des proches parens malades de maladies de consequence; la visite des eglises es Jubilés generaux, et de venir a certains sermons celebres, comme de la Passion, et toutes autres occurrences que la Congregation des Seurs, avec l'advis du Pere spirituel, jugeroyent dignes de sortir pour quelques insignes charités, comme d'aller visiter quelque insigne bienfactrice et amie..

  A016002982 

 Je vous escris tout vistement parmi les aymables empeschemens de ces saintes festes.

  A016002999 

 Si Dieu a exaucé mes vœux, vous releveres avec un grand accroissement de santé, et sur tout de sainteté; car souvent on sort de telz accidens avec ce double advantage, la fievre dissipant les mauvaises humeurs du cors, et espurant celles du cœur, en qualité de tribulation provenante de la main de Dieu..

  A016003000 

 Remplisses tout vostre cœur de courage, et vostre courage de confiance en Dieu; car Celuy qui vous a donné les premiers attraitz de son amour sacré ne vous abandonnera jamais, si vous ne l'abandonnes jamais.

  A016003009 

 Sans doute, ma tres chere Mere, puisque les maladies sont comme des coupelles, il faut bien que nostre cœur en sorte plus pur et que nous devenions plus fortz parmi les infirmités..

  A016003010 

 Or, quant a vous, je m'imagine que des-ormais l'aage et la petitesse de vostre complexion vous tiendront souvent alangourie et foible; c'est pourquoy je vous conseille de vous fort exercer en l'amour de la tres aymable volonté de Dieu et en l'abnegation des contentemens exterieurs et en la douceur parmi les amertumes.

  A016003018 

 Vous sçaves bien, Monsieur, qu'il faut plus de sujet pour faire remuer les vielles gens que les jeunes, et que les vieux chiens ne prennent jamais le change qu'avec advantage..

  A016003022 

 Il commence a prendre un peu de sentiment de reputation, qui luy sera utile, car les remonstrances qu'on luy fait de la part de l'honneur le touchent..

  A016003022 

 Les Peres n'ont pas encor esté d'advis qu'on le mist aux mathematiques de quelques moys, et j'avois treuvé un de nos chanoines qui l'eust fort volontier enseigné.

  A016003024 

 Son Altesse a battu ces jours passés les Espagnolz, mais non pas avec grande effusion de sang.

  A016003068 

 Combien de fois vous ay je dit, ma tres chere Mere, que le ciel et la terre ne sont point en asses grande distance pour esloigner les cœurs que Nostre Seigneur a jointz! Demeurons en paix sous cette asseurance..

  A016003070 

 Il faut garder comme la prunelle de l'œil la sainte liberté que l'Institut donne pour les communications et conferences spirituelles.

  A016003071 

 Je respons que la vivacité de ces espritz nourris en leur propre jugement ne m'estonneroit point, pourveu qu'on leur eust proposé les maximes generales de la douceur, charité et simplicité, et le despouillement des humeurs, inclinations et aversions naturelles, qui doivent regner en la Congregation; car en fin, qui ne voudroit recevoir que des espritz avec lesquelz il n'y eust point de peyne, les Religions ne serviroyent gueres au prochain, puisque ces espritz-la feroyent presque bien par tout..

  A016003093 

 Vostre lettre m'a certes un peu estonné; mays j'ay, graces a Dieu, les yeux sur cette infinie Providence, delaquelle les decretz seront a jamais les loix de mon cœur.

  A016003094 

 Monsieur Grandis a eu peine a se resoudre d'aller, [362] par ce quil tenoit, d'un costé, la maladie n'estre pas dangereuse puisqu'elle est intermittente, et de l'autre, que les medecins de dela auroyent desja fait tous les remedes quand il arrivera.

  A016003105 

 Nous attendons certes avec une devote impatience M. du Crest, qui n'est encor point arrivé, pour [363] sçavoir un peu de vos nouvelles, car je m'imagine que nous en aurons a force, et par le sire Pierre aussi, par lequel je vous avois envoyé des lettres pour M. des Hayes, ouvertes, affin que vous les vissies.

  A016003106 

 Cependant, que vous diray-je de vostre cœur de deça, sinon que Dieu luy donne tous les jours des nouvelles affections pour son service.

  A016003106 

 O que bienheureuses sont les ames qui vivent de la seule volonté de Dieu! Helas! si pour en savourer seulement un bien peu par une consideration passagere, on a tant de suavité spirituelle au fond du cœur qui accepte cette sainte volonté avec toutes les croix qu'elle presente, que sera ce des ames toutes destrempees en l'union de cette volonté?.

  A016003121 

 Je confesse devant le Ciel et les Anges que vous m'estes pretieuse comme moy mesme; mays cela ne m'oste point la tres resolue resolution d'acquiescer pleinement en la volonté divine.

  A016003130 

 J'avoys un grand desir de vous aller voir en presence, ma tres chere Fille, mais je n'ay pas ceans un prestre a mon commandement, et puis, j'ay un peu d'affaires, comme seroit de me praeparer au sermon que nous faysons demain pour recommencer les prieres et faire un'assemblee tantost pour l'ordre d'icelles.

  A016003139 

 Et comme pourroit on croire que ce brave cœur, qui avoit esté nourri des sa jeunesse en la pieté, et qui avoit en bonne partie entrepris cette si grande separation de tout ce qui luy estoit plus cher pour le zele du service de Dieu, n'ayt aussi esté tres specialement secouru de la grace d'iceluy en son dernier jour, lequel, selon sa profession, il a fini dans les termes de son devoir? Certes, lhonneur de cette mort est extreme, et la posterité la louera sans fin..

  A016003139 

 Helas, monsieur mon Frere, que nous avions des-ja regretté nostre commune perte, entre nous autres freres de deça, car les Peres Capucins nous en avoyent donné quelque sorte de nouvelles.

  A016003139 

 Il faut advoùer que cet evenement si inopiné est capable de troubler les espritz les plus resoluz de ceux qui ont aymé un peu affectionnement [368] ce brave et genereux frere, et rien que le souverain respect que nous devons a la Providence eternelle, qui ne fait jamais rien que saintement et sagement, ne nous sçauroit mettre en repos sur cet accident.

  A016003140 

 Mays, que ne voudrois-je pas faire pour secourir ce pauvre cœur maternel, quand il sera blessé de ce coup si rude! Releves ce pendant le vostre, mon tres cher Frere, vous qui estes masle, et vous disposes a l'ennuy de voir encor, pour surcroist de vostre perte et de la nostre, les desplaysirs d'une si bonne mere.

  A016003159 

 Mais n'est-ce pas une grande partie de la consolation que nous devons prendre maintenant, ma tres chere Mere? [370] car en verité, il semble que ceux desquelz la vie est si digne de memoire et d'estime, vivent encor apres le trespas, puisqu'on a tant de playsir a les ramentevoir et representer aux espritz de ceux qui demeurent,.

  A016003160 

 Et voyla, ma tres chere Mere, que, sous le bon playsir de la Providence divine, il est parti de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus desirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa sayson, et ou vous le verres plus tost que vous n'eussies fait s'il fust demeuré en ce monde nouveau, parmi les travaux des conquestes qu'il pretendoit faire a son Roy et a l'Eglise.

  A016003161 

 Consolés vous donq, ma tres chere Mere, et soulagés vostre esprit, adorant la divine Providence qui fait toutes choses tres suavement; et, bien que les motifz de ses decretz nous soyent cachés, si est-ce que la verité de sa debonnaireté nous est manifeste et nous oblige a croire qu'elle fait toutes choses en parfaite bonté..

  A016003162 

 Et en lieu que vous luy escriviés quelquefois, parlés a Dieu pour luy, et il sçaura promptement tout ce que vous voudres qu'il sache, et recevra toute l'assistence que vous luy ferés par vos vœux et prieres, soudain que vous l'aures faite et delivree entre les mains de sa divine Majesté..

  A016003162 

 Vous estes quasi sur le despart pour aller ou est cet aymable enfant; quand vous y seres, vous ne voudries pas qu'il fust aux Indes, car vous verres qu'il sera bien mieux avec les Anges et les Saintz, qu'il ne seroit pas avec les tigres et barbares.

  A016003163 

 Les chrestiens ont grand tort d'estre si peu chrestiens comme ilz sont, et de violer si cruellement les loix de la charité pour obeyr a celles de la crainte; mays, ma tres chere Mere, il faut prier Dieu pour ceux qui font ce grand mal, et appliquer cette priere-la a l'ame de vostre defunct.

  A016003178 

 Aussi ce bon defunct receut tous les [373] saints Sacremens convenables a ce dernier passage et tesmoigna une grande constance..

  A016003178 

 J'eusse bien desiré de vous donner quelque bonne nouvelle en contrechange, mays je n'ay sceu; car encor que monsieur le President et messieurs les freres et seurs se portent fort bien, si est ce que Nostre Seigneur a retiré a soy le bon oncle, monsieur l'advocat, le jour mesme de l'Ascension, pour bon presage quil luy feroit part du Ciel auquel il estoit monté, menant la captivité captive.

  A016003179 

 Ma tres chere Fille, ma Niece, releves tous-jours bien vostre cœur en Nostre Seigneur, esvertues-vous de surmonter toutes les humeurs melancoliques et chagrines, demeures en paix.

  A016003193 

 La bonté et pieté de Vostre Altesse ne pouvoit jamais mieux paroistre qu'en recepvant sous sa protection une troupe de pauvres filles assemblees au nom de Dieu; et croyons tres assurement que Nostre Seigneur a heu fort agreable de voir la grandeur de Vostre Altesse [375] r'abaissee jusques la, esperans que se ( sic ) rabaissement eslevera tousjours d'avantage Vostre Altesse Serenissime devant les yeux de la divine Majesté..

  A016003202 

 Nous croyons tres [375] assurement que Nostre Seigneur a heu fort agreable de voir la grandeur de Vostre Altesse r'abaissee jusques la, et esperons que se ( sic ) rabaissement vous eslevera tousjours d'avantage devant les yeux de la divine Majesté..

  A016003210 

 Des il y a long tems, vostre charité et pieté m'estant conneue par la reputation qu'elle s'est acquise en nostre [376] France, elle l'est maintenant beaucoup plus par lhonneur que Vostre Illustrissime Grandeur me fait en une affaire que la divine Majesté a permis, ou plustost ordonné, vous estre tumbee entre les mains, pour mon bonheur et advantage; puisque je ne pouvois rencontrer ni une plus grande, ni une plus utile et necessaire faveur que celle quil plaira a vostre bonté, Monseigneur, me departir, et laquelle me licentiant, ce me semble, de representer encor de rechef sur ce papier ma necessité, je ramenteveray en toute humilité a Vostre Illustrissime Grandeur, comm'il y a des-ja quelques annees, pendant son sejour en France, je m'essayay me rendre sous vostre authorité pour le sujet dont il est maintenant question; et sachant bien que de moy je ne meritois pas cet honneur, je fus favorisee de Monseigneur le Duc de Nevers, lequel vous fit offrir quelques supplications [377] pour moy.

  A016003211 

 Je sçai que les difficultés de mon affaire sont grandes, mais j'en espere pourtant un heureux succes, et que vostre charité, Monseigneur, jointe a vostre authorité, me rendra jouissante demon desir, auquel je proteste n'estre portee que pour la gloire de Dieu et la plus grande asseurance de mon ame.

  A016003211 

 Le sieur Philipe de Quoex, recteur de Sainte Catherine, fera voir a Vostre Illustrissime Grandeur combien il me seroit desavantageux d'estre renvoyee par devant Monseigneur l'Evesque de Troyes, et je m'asseure qu'elle considerera et favorisera mes raysons, ainsy que tres humblement je l'en supplie, luy baysant en toute reverence les mains sacrees, et luy souhaitant une grande et abondante recompense de la grace et protection qu'elle exercera pour moy qui suis, Monseigneur,.

  A016003223 

 Le bonheur et l'honneur que nous recevons d'estre sous la maternelle protection de Vostre Altesse Serenissime, nous oblige a luy rendre conte de toutes les saintes consolations que la Bonté divine nous depart, sachant bien que vostre charité, Madame, y prendra du playsir..

  A016003225 

 Dequoy, comme nous avons deu avant leur depart donner advis a Vostre Serenissime Altesse, aussi estimons-nous qu'elle l'aura fort aggreable, et loüera la Majesté divine dequoy elle daigne se servir de nous pour l'accroissement de sa gloire; puisque mesme, a mesure que nostre Congregation se dilatera, les prieres se multiplieront pour Vostre Altesse, qui a si doucement et favorablement arrousé de sa bienveuillance cette petite plante delaquelle les autres auront pris leur origine, et laquelle, se recommandant tres humblement de plus en plus a Vostre Altesse Serenissime, ne cessera jamais de luy souhaiter toute sorte de sainte consolation, [et] demeurera a jamais toute sienne, comme estant composee,.

  A016003236 

 Ayant conferé avec mes Freres de ce que vous m'aves communiqué pour le regard [des] habitz qui furent jadis a Ripaille, nous n'avons jamais sceu treuver qu'ilz ayent esté remis en depost ceans; et si, ne pouvons croire que s'ilz nous avoyent esté confiés, Son Altesse voulut, apres tant de tems, les nous oster, puisque l'eglise a laquelle ilz appartenoyent n'est point en estre pour les repeter, et que nous ne sommes pas moins ses tres humbles et tres obeissans orateurs qu'aucuns autres ecclesiastiques de ses Estatz.

  A016003254 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales..

  A016003269 

 Mais vous diray je pas encore que, quand vos cheres Filles m'eurent descouvert les leurs en confession, je m'escriay: Mon Dieu, si vos Anges avoyent des corps et des confessions a faire, ilz se confesseroyent de ce de quoy les Filles de ce grand Pasteur s'accusent! Continuez, mon unique Pere et Reverendissime Seigneur, a les faire croistre en la profondeur de leur humilité; car, ou mon genie me trompe, ou tout le monde sera trompé en l'admirable progrez que l'on verra faire a vostre Congregation..

  A016003270 

 Je suis insatiable a y penser et a vous en parler, et vous faut advoüer que ce matin, m'estant mis en chemin et ayant commencé mon oraison a quatre heures, je ne me suis jamais souvenu de la finir qu'à la disné, environ les onze heures.

  A016003270 

 Mais aussi ne le faut il pas dire la nuit, puisque sa Bonté le mettra bien tost au jour, et fera dire a plusieurs, voire a tous, ce que maintenant je dis avec le Prophete que vous aymez tant, Monseigneur: Tu m'as donné a conoistre les choses non sceuës et secrettes de ta sapience; voicy que la joye de mon salutaire m'est renduë, puis que tant d'ames seront confirmees de l'esprit principal dans la Visitation, que mon ame visite si souvent par ses souhaits a Dieu; car, Monseigneur, j'estime que si je pouvois servir ceste sainte Congregation, ce seroit vous tesmoigner que je suis.

  A016003281 

 Ce n'est plus une Baronne, c'est une Sulamite; toute cette contree reste pleine de la douce odeur de ses celestes vertus; nos Religieuses de Dijon, comme les filles de Sion, l'annoncent bienheureuse, et toutes nos dames la loüent hautement..

  A016003281 

 Ce n'est plus une Judith que nostre madame de Chantal, c'est une sainte Paule; toutes ses actions font voir l'operation de Dieu en son ame et les traces de vostre direction.

  A016003291 

 C'est l'eslancement que je poussois tous les jours vers le Ciel, estant a l'autel, pour la santé de celuy qui m'a enhardy et donné le courage de m'approcher tous les jours de ceste Table sacrée..

  A016003291 

 Les accez de vostre fiebvre ont poussé leurs excez jusques au plus intime de mon cœur.

  A016003291 

 Quid facient virgultae cum tremunt columnæ? O Dieu, gardez de la mort celuy dont la vie est si necessairement necessaire; plustost, ostez de la vie celuy qui la traine si inutilement et dont les actions sont si miserables.

  A016003292 

 En fin, quand je voy que la charité, dont l'ordre est le desordre, vous a fait postposer l'indisposition de vostre corps à celle de mon cœur pour me tracer des douceurs dans le plus espais de vos douleurs, meslant la myrrhe avec les aromates, comme l'Espouse sacrée et sucrée, je ne peux dire autre chose, sinon que: Si je ne vous puis respondre par paroles, face le Ciel que je vous puisse au moins correspondre d'affection!.

  A016003292 

 Le temps, car l'impatience de l'attente, armée des esperons de mon desir, et les agitations de mes pensées donnoient d'estranges entorses et convulsions à mon indetermination.

  A016003292 

 Or, toutes les circonstances de celle que je viens de recevoir de vous, m'obligent: la matiere, la forme, le temps et, plus que tout, cest extreme amour qui, ne la pouvant escrire, l'a dictée, et au milieu de ses douleurs; ainsi, fortior morte dilectio.

  A016003293 

 Je croy qu'il y a des esprits secrets dans les caracteres qui partent de vous, tant ils sont flexanimes, et que d'en haut decoulent des influences particulieres sur vos persuasions, comme si la Deesse Python avoit estably son throsne sur vos levres jamais livre ne me toucha le cœur comme le vostre, jamais lettres ne me contournarent ( sic ) [389] à leur gré comme celles qui me viennent de vous.

  A016003293 

 Ne vous ennuiez pas de m'escrire, car je ne pense pas, emmy toutes les bonnes œuvres dont vous embaumez et le ciel et la terre, que vous en puissiez faire aucune plus signalée que celle de me conseiller, consoler et consolider.

  A016003294 

 Et pourquoy n'attendray-je de vous en esté ce que je vous ay rendu emmy les rigueurs de l'hyver? Il est vray que j'allois apprendre de vous et vous rendre quelque eschantillon de mon devoir..

  A016003295 

 Venez seulement quand et comment il vous plaira; mon cœur est de si longue main preparé à cherir le vostre, que si le premier mouvement que les Stoïques pardonnent à leur inflexible sagesse donne quelque esmotion au sens par la surabondance de la joye, la partie superieure, partie de l'ame, n'en sentira aucune nouvelle impression.

  A016003300 

 Il nous essaye comme l'or par la coupelle, comme le soldat par les combats, comme le pilotte par les tempestes; il est avec nous en la tribulation, et nous tient, comme la nourrice l'enfant trotinant, par les longes, prest de nous relever de nos tresbuchemens..

  A016003308 

 Faictes qu'elles prient Dieu pour Nous; Nous nous y attandons, comme aussi d'avoir part tous les jours en vos oraisons..

  A016003331 

 Encor que sellon le debvoir que Nous avons d'avoir soing aus affaires importants de nostre Empire, Nous avions assigné l'assemblee generale dans nostre ville Imperiale, a Ratisbonne, par une Nostre dernieredu 22 e octobre de l'annee dernierement escheüe 1613, au premier may de l'annee presente 1614, affin de deliberer et resouldre sur les points contenus en noz propositions faictes pour la derniere diette: Nous avons veu, et avec un extreme regret, cogneu et sceu par des advis tres asseurés, que l'ennemys ( sic ) immortel de toutte la Chrestienneté, tous les jours s'en va d'aultant plus avançant et empietant sur les pais voysins de la province de Sibebourg ( sic? ), laquelle il a soubjugué et reduict en sa puissance avec tout ce qui en despandoit; de sorte que, non content d'avoir, avec un tres grand dommage et cruelle guerre, surmonté ces dictz pais, mais, au tres grand prejudice de la Christienneté, commis plusieurs conflictz tres cruelz et sanglantz et desquelz a present il ne veult desister; car Nous sommes tres asseuré que, pour ce printemps, il se prepare pour attaquer avec touttes ses forces nostre royaume d'Ungrie et les pais Christiens qui luy sont voysins.

  A016003331 

 Et est facile a chequ'un de voir en quel grand danger et doubte doibvent estre lesdictz Estatz voysins, comme aussy noz royaumes frontiers, et par consequent tout le Sainct [393] Empire romain, sy Nous ne taschons de repoulser et empecher ce tyran en la defence de ces dictz pais, contre lesquels il va de plus [en plus] accroisant sa mauvaise volunté pour avancer la ruine, qu'il desire, du Christianisme; et semble avoir desja rencontré et empoigné les commodités pour executer sa tyrannique volunté et cruelz desseins..

  A016003332 

 De quoy Nous vous avons donné advis, comme aussy a tous les Princes Electeurs et Estatz de l'Empire, avec desir de vous convier de Nostre Imperiale autorité, de vous treuver audict jour, 1.

  A016003332 

 Et particulierement, se puissent terminer les propositions avancees pour la derniere diette, et que vostre assistance serve a là resulution de ce qui a esté avancé et proposé contre ce cruel ennemy des Chrestiens, le Turc, et pour les necessités de la conservation des forteresses voysines d'icelluy, que sont les defences de tous les pais Christiens; et que le secour accordé pour trente moys ait lieu par tout l'Empire, et que l'on se puisse accorder pour la levee de quelque bonne armee, affin de l'emploier pour repoulser ledict ennemy des Chrestiens et aneantir ses forces qu'il va tous les jours accroisant.

  A016003332 

 Ou bien, estant V. R. empechee par l'indisposition de sa personne (que Dieu ne permette) ou par quelque ( sic ) aultres importantz affaires, de se treuver en personne, que ce soit par procureur, avec ample instruction et charge, affin que les communs affaires dudict royaume se puissent resouldre, et les malheurs desquelz il est menassé, empecher par l'asistance des Princes Electeurs et autres Princes et Estatz et par la vostre.

  A016003332 

 Sur ce, de Nostre Imperiale autorité et bienveuillance, et expressement, vous avons voulu de rechef exhorter a vous treuver a ladicte assemblee, avec les Princes Electeurs, aultres Princes et Estatz dudict Empire, audict jour, premier de febvrier de ladicte annee 1615..

  A016003332 

 febvrier, en ladicte ville, en personne propre, puisque sans l'assemblee desdictz Princes Electeurs, aultres Princes et Estatz de l'Empire, ne se peult resouldre ce qui touche et le repos commun et le bien public de tout l'Empire; oultre que l'absence de plusieurs de noz Electeurs et Princes en la derniere diette, empecha les effaictz que l'on attendoit d'icelle, au grand prejudice de tout l'Empire.

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003341 

 A cette occasion, Nous escrivons aux Administrateurs dudict College et aux Scindics pour la remission d'icelluy entre les mains desdictz Peres..

  A016003341 

 N'ayant rien plus à cœur que le bien de Noz subjectz, et mesmement de la jeunesse d'iceux, Nous avons estimé devoir remettre [395] le soin du College d'Annessi aux Reverendz Peres Bernabites, les bonnes qualitez desquelz Nous promettent d'en veoir le fruict et commodité que Nous avons tousjours desiré à nosdictz subjectz et à la ville mesme.

  A016003342 

 Et pour ce, vous Nous ferez plaisir bien agreable d'embrasser à Nostre nom l'execution de cette Nostre voulonté et l'establissement desdictz Peres dans ledict College, facilitant touttes les difficultez que l'on y pourroit trouver, afin que Nous puissions recevoir ce contentement sans contredit ne replique..

  A016003384 

 Apres avoir baisé les sacrees mains de Vostre sainte et Illustrissime Seigneurie, je ne puis m'empecher de vous dire que, passant par Lion, tout foible que je suis, j'ay, comme un autre Samson, gousté, odoré et loué la suavité, douceur et pieté du mesnage et du miel de vos cheres abeilles, qui ont jetté leur premier essaim dans cette fameuse ville, ou elles sont en tres grande et rare estime.

  A016003420 

 Les Religieuses d'Annessi..

  A016003429 

 Il me reste donq a vous dire que, comme tous les fleaux que nous souffrons viennent du courroux que, justement, Nostre Seigneur conçoit contre nos pechés, ce quil ne se peut mieux apaiser que par les devotes oraisons des ames religieuses, Nous avons jugé que les vostres seraient tres a propos pour faire souvenir la divine Majesté de sa misericorde et regarder de son œil de pitié nos aflictions publiques.

  A016003443 

 Quand a ce que vous me dites que je debvois faire que les Cardinaux escrivissent que le Nonce commit des non suspectz pro informatione, cela ne se pou voit, puisqu'alhors il ne [403] se parloit que de la volonté de Son Altesse, pour laquelle sçavoir et procurer nous estre favorable, j'obtins lesdites lettres au Sieur Nonce..

  A016003445 

 Quand aux lettres que le bon Pere Diego escrit au Pere Ignace, elles ne me peuvent a present guieres servir, ny autres, puisque, comme je vous ay desja escrit, que le Dataire m'a faict dire ch'io faccia citare la parte, etc.; mais je n'y ay encour rien faict, car j'estoys conseillé de ne rien bouger sans les lettres de Savigny.

  A016003447 

 Item, si vous estes d'advis que mettions la cause en Rote, car le Procureur de Sainct Paul dict que l'y ayant mise, que j'obtiendroys sans delay mandatum de manutenendo, et qu'avec cela je m'en pourrois aller, et que luy auroit le soing de defendre la cause et que, possible, les Peres Feullantz ce voiant, quitteroient..

  A016003447 

 J'ay empronté de Nombride dix ducattons en piece, desquelz je me suis cedulé; je vous prie que, s'il mande la cedule, qu'on les paie a qui la portera.

  A016003449 

 De mesme, que ledict sieur Abbé fit un mot de remerciementz auxdicts Peres, de tant de peine qu'ils ont desja prins a defendre son droit, et de mesme nous ( sic ) Reformés fissent une belle lettre en latin, tant humble qu'ilz pourront; car cela les encouragera au double de m'assister..

  A016003451 

 De luy dire: En cas que Son Altesse vueille, etc.; que deviendront, etc.? Cela est tout clair que ceux qui sont reformés ne seront jamais chassés, mais seulement les autres, ains seroient ad vitam dans leur monastere, au moins s'ilz y vouloient demeurer; mais M. le Prieur n'a point du tout de volonté d'y demeurer.

  A016003451 

 Je n'y peux faire autre que de informer le Dataire, ce qui va a la longue, pour les grandes occupations ou [il] est.

  A016003451 

 Quant a la surprinse de laquelle vous me donnés advis, il ne faut doubter qu'il ( sic ) procureront de se justifier, voyant que par tant de memoriaux je les [406] ay accusé d'avoir mal supplié; mais je ne pense pas pour cela que l'on n'entende et voye mes attestations quand serons en lice.

  A016003456 

 J'ay prié M. Gojon de promptement faire la supplique de Cornier et la solliciter, mais, comme vous sçaves: qui n'aura de quoy expedier les Bulles, je ne le conseille d'envoyer a Rome, car touttes les supplications de nostre pays sont accrochees pour les Bulles..

  A016003459 

 Pour moy, je voudrois que ce fut desja demain, tant je m'ennuy, non pour autre que pour voir si grandz frais et si peu de moiens de les paier; sçaches moy donc, je vous prie tres-humblement, a dire et commander quand il faudra caparrare cavallo..

  A016003460 

 De François Pessard(?), j'attendz [408] responce en finissant ceste, laquelle servira pour tous messieurs mes freres, seurs, parentz et amys, auxquelz, appres vous, je baise tres-humblement les mains, et demeure a [jamais] de tout mon cœur,.

  A016003466 

 J'ay escrit et respondu a M. de Savigny par voye de Lyon, et luy di ( sic ) qu'il obtienne lettre du Roy, [et] qu'il m'envoye procuration ad cautelam pour les Peres S ti Pauli, etc..

  A016003472 

 Et partant, vous avons voulu dire par ceste, qu'ayez a les aider, favoriser et assister en tout ce que vous sera possible pour l'effaict que dessus..

  A016003472 

 L'Infante Duchesse de Mantoue, ma fille, ayant prins en particuliere protection la Congregation de celle devote compaignie de Dames, nouvellement erigee a Nissy a imitation de celles que saint Carlo a establies a Millan, assavoir de vefves et de filles vierges, pour vivre ensemble en perpetuelle chasteté, soubz l'hobeissance d'une Superieure; les jeunes sans sortir jamais, comme es autres Monasteres les plus reformez, et les autres pour secourir les pauvres malades de ce lieu la, ou il ny a qu'un pauvre hospital lequel n'a le moien d'exercer la charité qui seroit necessaire ausditz mallades; sans qu'elles praetendent vivre d'aulmosne, ny d'accroistre jamais leur revenu de plus de mil cinq centz escus d'or l'annee, qu'elles esperent d'avoir ou par voye de rente constituee, ou en aultre [409] façon, sans agraver noz subjectz sur le faict des tailles, et se contentantz de recepvoir les vefves qui sont sans incommodité d'enfans, et les filles qui vouldront entrer en celle Congregation, moyennant seulement une pension annuelle leur vie durant: ce que Nous a esté fort aggreable, pour l'honneur et gloire qu'en doibt resulter a sa divine Majesté et pour le bien et fruict qu'en recevront nos bien amez subjectz.

  A016003483 

 Et ayant faict reflexion sur les bonnes qualités des Reverends Peres Bernabites, despuis que Nous les avons placés en ceste ville de Thurin, les trouvantz tres capables d'apporter a ladicte ville d'Annessy ung grand bien spirituel et temporel, Nous avons estimé de le faire remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, droictz et charges d'iceluy, saufz de moderer ce qui pouvoit estre contraire a leurs Reigles et Constitutions.

  A016003496 

 C'est pourquoy Nous escripvons aux Scindics de le remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, apertenances et aultres droictz d'iceluy, et vous exhortons d'y aporter toute la facilité qui dependra de l'aucthorité que vous y avés, a celle fin de ne retarder ung si grand bien que non seulement la ville, mais toute la province en doibt ressentir.

  A016003496 

 Voyant que le College d'Annessy a besoing d'estre restauré pour l'utilité de la jeunesse, bien et commodité de la ville, il Nous a semblé bon de ne pouvoir faire meilleur ( sic ) ny plus convenable election que des Reverends Peres Bernabites, lesquelz nous recognoissons tous les jours plus habilles et capables d'en avoir le soing.

  A016003502 

 Les Doyen de Nostre Dame et Prieur de S t Dominique,.

  A016003514 

 Leurs Magestez le voulant ayder, il se promettoit quil se mestroit en confiance avec ceux de Berne et de Geneve, ses plus proches voisins, et qu'en ceste occasion luy permettant de lever des troupes, il fut passé, avec sept ou huit mil hommes de pied et quelque cavallerie, en Piedmont, ou estant, si sadite Altesse ne l'eust contenté de son mariage, il s'en fust revenu assisté, comme il se promettoit, [412] et suyvy de ce quil y a de François et Savoyars dans son armee, qui sont en effet les meilleurs hommes qu'elle aye; qu'avec l'ayde de Leurs Magestez, il se seroit fait faire raison, et, en tout cas, ny auroit procedé qu'ainsy quil leur eust pleu.

  A016003514 

 Quil connoist clairement que toute la Savoye, et particulierement ses sugets de Genevois, Foucigny et Beaufort, sont lassés de la souveraineté par trop lisentieuse de S. A., qui n'a aucung esgard a leurs miseres depuis vingt ans, et les a reduit au desespoir; et qu'en la resolution quil prendra, ses voisins, bien conseillés, l'assisteront pour leur interest, et se pourront ensemble maintenir sous la protection de Leurs Magestez.

  A016003514 

 Quil croit qu'estant ainsy mal traité, et ses sugets tant oppressés, il peut justement rechercher d'establir la domination du prince, avec telle condition neantmoins, que luy ny aultre n'en puisse abuser a l'avenir, suyvant ses investitures et privileges, alterés par les declarations de ses predecesseurs qui ne luy doivent nuyre ny prejudicier.

  A016003515 

 Il est aussy extraordinairement pressé par le Duc de passer les monts sans attendre M. de Rambolliet, mais il s'est resollu de n'en rien faire que nous n'ayons de vos nouvelles.

  A016003517 

 Nous verrons aussy si nous pourrons nous confier a quelqu'un pour faire parler au Prince de Piedmont, qui est veillé de tous costez, et sera difficile de le pouvoir faire, si ce n'est par le moyen de quelque ecclesiastique partial d'Espagne, qui luy represente le peril quil y a de voir la religion nouvelle introduitte dans les terres de son pere, qui semble y incliner du tout.

  A016003518 

 Et pour ses troupes quil a en Piedmont, il les retirera toutes les fois qu'on voudra, avec cinq cens hommes de ses sugetz quil fait encores filler, et la trouppe du Conte de Salleneufve; et luy reste quinze cens hommes de pied, cinquante chevaux legers commandés par Noyson, et ses gardes..

  A016003518 

 Et recevons tous les jours des courriers en ce lieu, de S. A., de son fils le Cardinal, et marquis de Lans, pour faire passer mondit Seigneur en Piedmont, et connoissons le repentir quil a de l'avoir laissé sortir de Thurin.

  A016003549 

 Nous avons receu par le porteur present diverses lettres touchant l'incorporation faicte du College de feu Mons r Chappuis, en vostre ville d'Annessy, par Mess rs les Barnabites, par l'authorité, comme vous escrivez, de Son Altesse le Duc de Savoye.

  A016003550 

 Touchant le jeune homme qu'il vous a pleu reccomander par vos lettres a feu Monsr Bayeus, sa mort cause que vous ne pourrez venir a l'effect d'icelle reccomandation, laquelle mort cause aussy que nous devons advertir de n'envoyer aulcuns nouveaux boursiers pour les Pasques prochaines, pour se trouver le College arriere de quelques cents escus, lesquels devront estre ramborsés a la maison mortuaire dudict Bayus, lequel, par sa bienveulliance envers ceux de vostre nation, a receu et porté plus de charge que le revenu du College ne portoit..

  A016003553 

 LES PROVISEURS DU COLLEGE DE SAVOYE,.

  A016003574 

 Des documents inédits et une interprétation exacte et rigoureuse des vieilles Chroniques de l'époque, nous permettent de présenter dans l'ordre des dates et dans leur suite naturelle, les événements qui introduisirent en France le premier essaim de la Visitation d'Annecy..

  A016003575 

 Aussi, tenant sa profession pour nulle, n'attendait-elle qu'une circonstance favorable pour se soustraire à la domination de sa mère et recourir, une fois libre, «a la justice du Saint Siege.» La lecture d'un petit livre de piété, nouvellement paru, vint encore surexciter son désir de quitter le Paraclet: la Providence lui avait fait tomber entre les mains l' Introduction à la Vie devote..

  A016003576 

 «Cette bonne Dame fut tellement touchée de cette lecture et conçut une si haute estime de l'auteur de ce livre, qu'ayant appris qu'il avait érigé une Congrégation en laquelle il avait donné des lois encore plus parfaites, elle fit vœu à Dieu de ne se point donner de cesse et d'employer toutes ses industries pour se faire conduire à Annecy auprès du saint Pasteur et de la nouvelle Congrégation.» Malgré les contradictions qui n'étaient pas pour faire fléchir une volonté tenace, en dépit d'une «petite complexion,» et indécourageable, elle put arriver à Lyon.

  A016003579 

 Le Bienheureux fut tout aise de le recevoir, entièrement disposé à lui donner audience «a sa consolation et edification!.» Le chanoine de Belleville l'entretint à loisir de ses pensées et lui révéla les prétentions de M me des Gouffiers.

  A016003580 

 Même sans se chercher, les âmes en quête de sainteté finissent toujours par se connaître et se rencontrer..

  A016003581 

 Il s'agissait d'«epier», disent les Annales du temps, «si c'etoit la terre que Dieu leur vouloit donner.» Cette décision n'était pas le fruit d'un enthousiasme irréfléchi ni d'une vaine curiosité.

  A016003582 

 Les pèlerines lyonnaises arrivèrent dans la petite cité de «Nessy» les derniers jours de mai 1613.

  A016003582 

 Leur première entrevue avec le Saint eut lieu dans la matinée du 27; il fut «bien content,» écrivait-il l'après-midi à la Mère de Chantal, «de voir ces bonnes damoyselles..., et particulierement M me de Gouffier, que je voy toute telle que vous m'aves dit.» Dès l'abord, les deux Fondateurs avaient donc distingué la noble étrangère qui tranchait sur les autres par son esprit de décision et sa vive personnalité..

  A016003583 

 Les quatre voyageuses furent accueillies, l'on s'en doute bien, «avec des bontés qui leur ravirent soudain le cœur.» On leur donna l'entrée du monastère pour satisfaire leur dévotion.

  A016003584 

 «Après avoir séjourné dix ou douze jours» au premier Monastère, ces «bonnes damoyselles» s'en retournèrent à Lyon, à l'exception de «M me des Gouffiers qui ne se put résoudre à quitter» les «bienheureux Fondateurs, et demeura dans la Congrégation avec des ardeurs inexplicables pour la perfection.» Les trois autres ne sortirent d'Annecy qu'à regret, protestant qu'elles y laissaient leur cœur..

  A016003585 

 Une fois à Lyon, ces âmes ferventes, pénétrées des beaux exemples qu'elles avaient contemplés chez les dévotes Filles de la sainte Mère de Chantal, n'eurent plus qu'une pensée: celle d'obtenir une place auprès d'elles.

  A016003586 

 La réponse de l'Archevêque, M gr Denis-Simon de Marquemont, dépassa ce qu'on pouvait attendre de sa piété et de ses sympathies bien connues pour les Ordres religieux: il fit plus que d'accorder les permissions demandées, il donna mille écus pour faciliter l'acquisition de la maison.

  A016003586 

 On a envoyé prendre les Constitutions de Lion, ou on projette d'en eriger une.» Et de fait, l'organisation de la nouvelle Communauté allait bon train..

  A016003586 

 Vivement encouragées par cette assurance, M me d'Auxerre et ses compagnes acquéraient bientôt du «sieur André Olier, marchant epicier,» un immeuble situé rue du Griffon, sur les Terreaux, près de Saint-Claude, paroisse Saint-Pierre.

  A016003587 

 Les Chroniques nous parlent de sa grande piété, mais toutes aussi laissent comprendre que sa prudence n'égalait pas son esprit d'initiative et d'entreprise.

  A016003587 

 M gr de Marquemont se laissa persuader; on décida que l'Institut serait fondé sous le titre de la Présentation Notre-Dame et que les quatre prétendantes en seraient les premières novices.

  A016003587 

 Pour la diriger, l'Ordinaire désigna M. Lourdelot, prêtre du diocèse de Langres, qui avait commencé, sans le finir, son noviciat chez les PP. Dominicains de Dijon.

  A016003592 

 La voyageuse entrant dans les vues de sa sainte amie, se met aussitôt en campagne avec son ardeur et promptitude habituelles.

  A016003593 

 La lettre du 15 octobre 1614 semble répondre à cet exposé: on voit par sa teneur, que le Bienheureux, tout en adhérant à un espoir [423] qui lui sourit, se tient sur la réserve et conseille à la fervente négociatrice de prêter son concours suivant l'occurrence, mais sans rien laisser paraître qu'une «tres absolue indifference.» En même temps, il écrivit au P. Grangier, sans doute pour l'assurer qu'il persévérait dans son bon vouloir de favoriser, quand les esprits seraient préparés, l'établissement d'une seconde Maison de la Visitation.

  A016003593 

 Quelques jours après (26 octobre), il envoyait par sa correspondante, des messages pour le Religieux et pour les «Dames de la Presentation, M mes d'Auxerre, Colin et Belet.» Il semble donc qu'à cette date l'ancien projet était repris, et avec un cordial effort de part et d'autre pour le faire aboutir..

  A016003594 

 Le bon Prélat, comprenant bien que les pauvres filles «ne s'êtoient rangées» à la Congrégation «que par pure obeyssance» et que leur désir ne venait pas d'inconstance, mais de l'esprit de Dieu, promit de leur donner toute satisfaction et d'en écrire lui-même à l'Evêque de Genève..

  A016003595 

 Assuré maintenant que les obstacles étaient levés, saint François de Sales n'hésitait plus à s'engager, M. Lourdelot lui-même, qui naguère avait contrecarré si passionnément la sainte œuvre, reconnaissait, avec une très méritoire franchise, l'insuccès de sa tentative, et voici qu'il employait ce qui lui restait de crédit pour favoriser le dessein auquel tout d'abord, avec tant d'éclat, il avait fait échec.

  A016003596 

 Ce trait a sa place ici, parce qu'il fut grandement admiré des amis de la Visitation et qu'il toucha vivement les deux Fondateurs.

  A016003596 

 Notre-Seigneur y mit ordre: à l'ouverture des patentes, l'on vit que le mot était miraculeusement changé, et qu'où les hommes avaient mis Congrégation de la Présentation, il y avait en beau caractère bien formé Congrégation de la Visitation... Cette merveille... fut cause que notre petit Institut fut mieux goûté qu'il n'eût été; ceux qui avaient été contraires à notre établissement disaient alors: «La main de Dieu travaille pour ces Religieuses ici.».

  A016003596 

 Voici [424] comment la Mère de Chaugy raconte la chose: «Avant que notre bienheureuse Mère et sa chère troupe arrivassent à Lyon, l'on voulut visiter les patentes royales obtenues pour l'autre établissement, afin de faire changer le mot de Présentation en celui de Visitation; pour cela il fallait faire quelque retardement, et des allées et venues.

  A016003597 

 Un récit plus circonstancié de la sainte Fondatrice complète les détails de ce fait merveilleux: «Nous avons appris de ma Sœur Colin,... que M. Fijean, à qui feu Monseigneur de Marquemont remit les lettres pour les porter au Roi afin qu'il les signât,» ayant «obtenu de Sa Majesté la permission que l'on demandait, comme il les présenta à mondit seigneur de Marquemont, l'on trouva le nom de Visitation au lieu de Présentation; de quoi Monseigneur l'Archevêque demeura fort surpris, et beaucoup plus, lorsqu'après avoir su dudit sieur Fijean qu'il avait présenté les lettres en la même forme qu'il les lui avait remises, et ne savait point la cause de ce changement, ni qu'il se fût fait, il voulut revoir celles qu'il avait écrites de sa main, et trouva le même mot de Présentation changé en celui de Visitation, sans qu'il apparût changement de caractère ni effaçure.» Alors, «l'on veid,» remarque la Mère de Chaugy, «que Dieu... avoit conduit l'esprit ou la main du secretaire, pour écrire ce qu'il avoit déterminé dans les conseils eternels de sa Providence.».

  A016003598 

 Et pour marquer l'estime particulière qu'il faisait de la Fondatrice, il lui envoya son carrosse et voulut payer tous les frais du voyage.

  A016003598 

 Il députa, pour aller chercher les Religieuses, M. Ménard, vicaire général, chanoine et sacristain de l'église Saint-Nizier, et le chanoine de Médio, avec mesdames des Gouffiers et Colin..

  A016003600 

 Celle-ci emportait quelque chose de plus précieux encore que les bénédictions affectueuses d'un Saint: elle avait avec elle les Constitutions écrites de la propre main du Fondateur, c'est-à-dire la législation toute céleste qui devait donner l'âme et la vie aux Monastères de l'avenir..

  A016003600 

 Les haltes du voyage étaient prévues, puisque le Bienheureux confia à la Sœur de Blonay sept billets écrits de sa main, pour qu'elle en remît «un tous les soirs à chaque gîte » à la Fondatrice.

  A016003601 

 Aux approches de la grande ville, la Sainte, selon une promesse de son bienheureux Père, eut la certitude que «les bons Anges du royaume de France lui faisaient l'accueil.» Le lendemain, fête de la Purification, l'établissement du Monastère fut l'occasion d'une grande solennité.

  A016003602 

 Les «damoyselles» de Valence et Boivin ne s'engagèrent pas dans la Congrégation, mais devinrent Religieuses du Tiers-Ordre de Sainte-Elisabeth, qu'elles contribuèrent [426] beaucoup à fonder à Lyon, et «où elles ont fort bien réussi;» tant il est vrai «qu'il y a diverses demeures en la maison de notre Père céleste, et que la paix de chaque âme consiste à connaître celle que la Providence lui a destinée.».

  A016003609 

 Noz bien amées JANNE CHAPUYS, YSABEAU DANIEL, CLAUDINE CALLON et ANNE MARIE BELLET NOUS ont faict dire et remonstrer que pour le desir qu'elles ont du despuis long temps de vivre soubz quelque saincte Reigle, en servant et se vouant a Dieu, elles auroient choysi et esleu celle de la Congregation des filles dediées à Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION; en laquelle ayant resolu de passer le reste de leurs jours, elles se seroient addressées à nostre amé et feal l'Archevesque de Lyon, lequel approuvant leur bonne et devotte intention, leur aurait, sur la requeste qu'elles luy auroient presentée, promis, pour ce qui regarde sa dignité archepiscopalle, soubz nostre bon plaisir, de faire construire et eriger en nostre ville de Lyon, un Convent, dans lequel elles puissent vivre soubz les Constitutions qui leur seraient par luy ordonnées, conformement à ladicte Congregation, et a la charge d'y demeurer en perpetuelle closture, et ne demander, ny faire demander aucunnes aumosnes pour elles, ains de renter et dotter ledict Convent à proportion des Religieuses qui y seront receues, dont on luy feroit apparoir avant que aucune s'y renfermast, et à condition qu'elles seraient entierement, elles et leur Maison, soubz son regime et jurisdition, et de ses successeurs Archesvesques.

  A016003610 

 Et à ceste fin, les avons prinses et prenons en nostre protection et sauvegarde speciale..

  A016003611 

 Si donnons en mandement à noz amez et feaulx, les gens tenans nostre court de Parlement à Paris, Seneschal de Lyon ou son Lieutenant, et à tous nos autres Justiciers quil appartiendra, que du contenu en ces presentes, ilz ayent à faire jouir lesdictes exposantes plainement, paisiblement et perpetuellement, sans permettre ny souffrir quil leur soyt sur ce faict, mis ou donné aucun trouble ou empeschement au contraire; car tel est nostre plaisir.


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A017000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A017000013 

 — Qu'on s'abstienne d'accabler de devoirs les élèves.

  A017000013 

 — Un précepteur difficile à trouver même chez les rois.

  A017000016 

 Ce qu'il faut éviter et réprimer dans les curiosités d'outre-tombe, à propos de nos parents défunts.

  A017000016 

 — Pourquoi les chrétiens doivent modérer leurs regrets.

  A017000017 

 La lassitude du corps et les passions de l'âme.

  A017000017 

 — C'est au Saint-Esprit de pousser les âmes comme il lui plaît.

  A017000017 

 — Les distractions et l'oraison.

  A017000018 

 Les visites du Saint-Esprit parmi les tribulations.

  A017000022 

 — L'union des âmes les rend présentes l'une à l'autre.

  A017000030 

 Les suites de la guerre pour les deux partis.

  A017000031 

 — Les mariages que l'Evêque de Genève ne voulait pas autoriser. 32.

  A017000032 

 — Expédient proposé pour contenter les dames de Billom.

  A017000034 

 — Dieu fait son bon plaisir malgré les petitesses et l'amour-propre des hommes.

  A017000037 

 — L'Evéque recommande au prince les affaires de la religion catholique. 38.

  A017000039 

 MCXII. A MM. les Examinateurs pour les Concours (Inédite).

  A017000046 

 Dieu porte avec nous les charges imposées par l'obéissance.

  A017000048 

 — Appréhensions au sujet d'une personne dont les voies semblaient extraordinaires.

  A017000049 

 — Ce qu'il faut faire parmi les difficultés.

  A017000049 

 — Les choses vont d'autant mieux qu'elles sont plus au goût de Dieu et moins à notre gré.

  A017000050 

 Pourquoi les Pères Barnabites ne peuvent pas encore s'installer à Thonon.

  A017000051 

 Les dîmes et la volonté de Dieu.

  A017000065 

 — Les projets de M. de Rességuier.

  A017000066 

 — Les lis entre les épines et les roses auprès des aulx.

  A017000075 

 — Les Anges venant chercher le Ciel dans « la petite spelonque de Bethlehem.

  A017000080 

 — Parmi les sécheresses, attendre en paix la rosée céleste.

  A017000084 

 — L'alcyon sur les ondes. 80.

  A017000084 

 — Les enfants pensent souvent à leurs pères; les pères pensent toujours à leurs enfants.

  A017000088 

 Un voyage arrêté par les neiges.

  A017000089 

 — Malades qui refusent les ordonnances du médecin. 84.

  A017000093 

 — Les prétentions et les plaintes de M. Guidebois.

  A017000094 

 » — Soyons « vaysseaux bien profons » pour recevoir les grâces de Dieu. 89.

  A017000094 

 — Les « caprices des hommes.

  A017000097 

 Où croissent les lis agréables à l'Epoux céleste.

  A017000104 

 — Conseils pratiques sur la fréquentation des Sacrements et les exercices de piété.

  A017000107 

 — Les Barnabites à Thonon, moyen de donner un nouvel essor à la piété populaire. 102.

  A017000109 

 Encore Contamine et les PP. Barnabites de Thonon. 104.

  A017000112 

 Des lettres pour les Princes et une mission auprès du comte de Verrua confiées au destinataire.

  A017000120 

 — Deux sortes de bons désirs: ceux qui sanctifient l'âme et ceux qui remplissent l'enfer; comment les distinguer.

  A017000121 

 — Réclamations de créanciers; comment les supporter.

  A017000122 

 Etre douce et civile envers les solliciteurs.

  A017000124 

 — Pourquoi François de Sales n'a pas publié les Indulgences déjà obtenues en leur faveur; celles qu'il désire.

  A017000127 

 Un malade qui suivra les ordonnances de la Mère de Chantal 120.

  A017000133 

 Vouloir les vertus selon que Dieu les veut de nous.

  A017000134 

 Les enfants portés entre les bras de Dieu.

  A017000135 

 — Les Anges et le Saint-Sacrement. 128.

  A017000136 

 Tendre au même but, sans vouloir « faire tout ce que les autres font.

  A017000137 

 Multiples démarches du Saint pour les affaires de sa fille spirituelle.

  A017000146 

 Les retards d'un voiturin.

  A017000146 

 — Pourquoi le Saint redoute les excès de courtoisie de M. Rigaud.

  A017000149 

 — Remercier Dieu quand il nous laisse ceux que nous aimons; acquiescer à sa volonté lorsqu'il nous les ôte. 146.

  A017000154 

 Assurance et remède contre les tentations.

  A017000160 

 L'amour parfait exclut les défiances.

  A017000165 

 Les débuts de la fondation du monastère de Moulins.

  A017000165 

 — Quels sont les signes de la bonté d'une œuvre.

  A017000166 

 — Les renardeaux dans les vignes.

  A017000168 

 Démarche du Fondateur auprès des syndics pour garantir les matériaux de l'église de la Visitation.

  A017000171 

 — Pourquoi le Fondateur ne veut pas multiplier les Maisons de sa Congrégation 166.

  A017000193 

 — Les fruits spirituels qui se préparent pour le prochain Carême.

  A017000200 

 Affaires à régler entre les deux Fondateurs de la Visitation.

  A017000203 

 Des sujets fidèles méritent les faveurs de leur Prince 189.

  A017000206 

 — Il promet de s'employer auprès du prince de Piémont pour les Clarisses.

  A017000209 

 — Les désirs de son cœur.

  A017000210 

 Les vertus qui doivent accompagner le zèle.

  A017000210 

 — Raisons de sa persistance à ne pas multiplier les Maisons de sa Congrégation.

  A017000213 

 — Le saint Fondateur attend les nouvelles de Rome avant de leur donner une réponse.

  A017000214 

 — Les armes du duc de Savoie victorieuses.

  A017000217 

 Un ecclésiastique qui porte les armes et extorque des lettres de faveur au duc de Savoie.

  A017000218 

 — La part que les hommes laissent aux femmes.

  A017000224 

 — Contre les tentations au sujet de l'état de vie où l'on est embarqué.

  A017000224 

 — Les larmes de dévotion et l'usage qu'il en faut faire.

  A017000231 

 — Est-ce hypocrisie « de ne pas faire si bien que l'on parle? » — Marcher « par le milieu des belles vertus, » et non « par les extremités » des subtilités.

  A017000231 

 — Pourquoi les livres du Saint « ont treuvé de l'acces » en l'esprit de la Présidente.

  A017000268 

 Les porteurs de vos precedentes lettres m'ont pris en un tems auquel j'estois si fort embarassé de gens et d'affaires que je ne sçavois ou j'en estois, et ne pouvois me desrobber pour vous faire response, laquelle d'ailleurs je ne sçavois comme vous faire, par ce que vous presupposies que monsieur de Charmoysi mon cousin m'eust donné charge de pourvoir au changement de maistre de vos enfans, et jamais il ne m'en avoit fait un seul [1] mot, bien quil m'eust escrit seulement le jour precedent.

  A017000269 

 En somme, je conclus a M. de Vallon qui m'apporta la lettre, qu'en leur absence et la vostre je prouvoirois aux enfans, quand je m'appercevrois quil y eust chose qui meritast que j'y misse la main, pour le devoir que [2] je leur avois a tous trois; mais que les peres et meres estans presens, c'estoit a eux de s'en accorder et de le faire; et que je m'en remettois a eux, puisque principalement monsieur de Charmoysi requeroit en la lettre que vous m'envoyastes, des conditions en un maistre qu'on ne treuve pas mesme es maistres ou precepteurs des Roys: un maistre qui n'eust rien a faire qu'apres les enfans, ni pour dire la Messe, ni pour estudier d'estude particulier.

  A017000269 

 Or en somme, il ne me sembloit pas raysonnable que les peres estans presens, je fisse rien en cela, n'y ayant rien qui pressast (que je sceusse), et le parti de M. Rosset estant defendu par tant de gens dignes de creance..

  A017000270 

 Certes, il ne faut pas craindre que les enfans perdent le tems en ce College, ou le P. Prefect mesme fait des repetitions particulieres, nommement aux vostres, desquelz il a un grand soin, et se contente fort de M. Rosset.

  A017000270 

 Il ne faut pas aussi tenir tous-jours pressé (sic) les enfans de besoigne nouvelle.

  A017000305 

 A mesme que la tres souveraine bonté de la divine Trinité renvoye l'Esprit de son adoration en la sainte Eglise, elle renouvelle, ce me semble, celuy de la sacree vocation de ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, laquelle sortant de son païs sans sçavoir ou elle alloit, mais croyant a Dieu qui luy avoit dit: Sors de ta terre et de ton parentage, elle vint en la montagne qui avoit pour son nom: Dieu la verra; et Dieu l'a veüe, multipliant sa race spirituelle comme les estoiles du ciel..

  A017000317 

 Ayant receu vostre lettre et le message que l'on m'a fait de vostre part, je vous diray que je connois fort distinctement les qualités de vostre cœur, et entre toutes, son ardeur et force a aymer et cherir ce qu'il ayme: c'est cela qui vous fait tant parler a Nostre Seigneur de ce cher trespassé, et qui vous porte a ces desirs de sçavoir ou il est..

  A017000331 

 Vous l'aves bien conseillee qu'elle s'assise, et il faut qu'elle le face avant que les maux de cœur la prennent; c'est a dire qu'elle face toute l'orayson assise, ayant au paravant fait une adoration a genoux.

  A017000332 

 Ce desir qui se presente en l'orayson et cette volonté qui luy vient tous les jours sont aussi des bonnes marques; mays le tems fera voir plus clairement a quoy elle se devra resoudre.

  A017000335 

 Vous faites bien de ne point pousser la fille, c'est au Saint Esprit de luy donner les inspirations selon son bon playsir; mais pour moy, j'ay quelque esperance quil la rendra toute sienne tres parfaitement, et ne doute point qu'au moins elle ne le soit suffisamment pour obtenir la verité, car cett' ame la est bien marquee..

  A017000348 

 Je vous remercie de la confiance que vous aves en moy, qui reciproquement vous cheris d'une affection toute particuliere, et ne cesse point de vous souhaiter les vrayes consolations du Saint Esprit entre les tribulations desquelles sa Bonté vous visite, pour vous exercer en l'humilité et patience.

  A017000366 

 De la fidelité, pour renouer vos resolutions de servir la divine Bonté aussi souvent que vous les rompres, et vous tenant sur vos gardes pour ne point les rompre; de l'humilité, quand il vous arriveroit de les violer, pour reconnoistre vostre chetifveté et abjection.

  A017000367 

 Or j'entens, qu'encor que vous esloigneres un peu vos Communions, vous ne laisseres pas pour cela de bien suivre la frequence des confessions, car de celles ci, il n'y peut avoir aucune rayson de les esloigner; au contraire, elles vous seront utiles pour assujettir vostre esprit qui, de soy mesme, n'ayme pas la sujettion, et pour l'humilier et luy faire mieux discerner ses fautes..

  A017000383 

 Je respons a vostre derniere demande, en peu de paroles, que je n'ay pas changé d'advis despuis que j'escrivis l' Introduction a la Vie devote; au contraire, je me voy tous les jours affermi en mon sentiment pour ce qui regarde le support des injures.

  A017000383 

 La passion, a l'abord, nous fait tous-jours desirer des vangeances; mais quand nous avons un peu de crainte de Dieu, nous n'osons pas les appeller vangeances, ains nous les nommons reparations..

  A017000384 

 Jamais [14] une femme qui a le vray fondement de l'honneur ne le peut perdre; nul ne croit ces infames diffamations, ni ces chansonneurs: on les tient pour des meschans.

  A017000384 

 Le meilleur moyen de reparer les ruines qu'ilz font, c'est de mespriser leurs langues qui en sont les instrumens, et de leur respondre par une sainte modestie et compassion..

  A017000385 

 J'ay une recente experience de la vanité, ou plustost du dommage que les proces apportent en ces occasions, en une des plus vertueuses dames du Maconnois, qui s'est infiniment mal treuvee d'avoir quitté mon advis pour suivre l'impetuosité de la passion de ses parens.

  A017000400 

 Laissant les grans Ordres des-ja establis dans l'Eglise honnorer Nostre Seigneur par d'excellens exercices et des vertus esclattantes, je veux que mes filles n'ayent autre pretention que de le glorifier par leur abbaissement; que ce petit Institut de la Visitation soit comme un pauvre colombier d'innocentes colombes, dont le soin et l'employ est de mediter la loy du Seigneur, sans se faire voir ni entendre dans le monde; qu'elles demeurent cachees dans le trou de la pierre et dans le secret des mazures, pour y donner a leur Bienaymé vivant et mourant, des preuves de la douleur et de l'amour de leurs cœurs, par leur bas et humble gemissement... [17].

  A017000441 

 Et pour dire ma pensee, il me parla selon mon cœur, car il me recommanda ce pauvre homme, prestre et lié par les vœux de Religion, affin qu'il fust aucunement consolé..

  A017000457 

 Ces petites histoires villageoises me playsent et m'edifient, et c'est pourquoy je vous les raconte..

  A017000471 

 Certes, ces grandes villes sont importunes pour cela, au moins pour les pauvres villageois comme moy, qui n'y sont pas accoustumés.

  A017000471 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté aupres de luy ces jours passés, et pensois bien de la vous bayser les mains, comme je fay maintenant tres humblement par lettre; mais je n'en eus jamais le loysir, a cause de l'empressement des visitari et visitare.

  A017000472 

 La guerre a esté courte, mais aspre tout ce qui se peut, [25] et ou Son Altesse et les Princes ses enfans ont fait paroistre leur vertu originaire des anciens Amé et Thomas.

  A017000472 

 Nous y avons perdu plusieurs braves gentilz-hommes savoyards, car nostre nation a esté la plus employee et s'est grandement signalee en cette occasion; de sorte que nous avons force vefves et orphelins, desquelz les vœux rendront la paix durable..

  A017000489 

 La racine de son mal est en une certaine grace qu'il a de gaigner les espritz et tirer les cœurs a soy, lesquelz par apreès le tirent a eux et luy donnent telles impressions qu'ilz veulent.

  A017000491 

 Mais j'espere qu'il le fera, car les Peres Barnabites et M. Peyssard m'asseurent grandement qu'il observe maintenant fort exactement ce qu'il m'a promis.

  A017000492 

 La grande peyne que j'avois de luy, c'est a cause de l'eau, sur laquelle il se plaist extremement; et je craignois qu'il ne se pleust encor de se mettre dedans pour se baigner en quelque endroit dangereux, parce que toutes les annees il s'y perd quelqu'un.

  A017000507 

 J'espere neanmoins que le benefice de nature qu'ell'a eü apres une si longue retention, luy sera salutaire et que, moyennant les remedes que ce bon medecin, qui est fort experimenté, luy appliquera, le mal ne passera pas le septiesme, Dieu aydant, lequel nous prierons ardemment pour elle..

  A017000524 

 Car, dequoy vous pourrois je entretenir maintenant? Chacun, en ce païs, se repose pour un peu, comme gens qui ne font que de sortir d'un grand travail, et tous-jours quelques uns prennent le repos final dans la sepulture, pour les extremes incommodités quilz ont souffertes en la guerre, en laquelle il semble quilz n'ont pas eu le loysir de mourir, et qu'au premier tems qu'ilz ont de relasche, ilz font ce devoir.

  A017000524 

 Ce n'est que pour me tenir en mon devoir et pour mieux m'asseurer du desir que j'ay que ce porteur vous bayse les mains de ma part, que je luy donne ces quatre lignes affin quil les vous presente.

  A017000524 

 Mais, ce qui console les miserables, c'est que de ceux qui furent nos ennemis, il en meurt beaucoup davantage, comme s'ilz n'estoyent sortis de la terre des tranchees que pour reentrer en celle des tombeaux..

  A017000525 

 Je m'en vay cependant en Chablais pour quelques [31] semaines, ou les affaires de ces quartiers la m'appellent; mais je demeure par tout a jamais,.

  A017000539 

 Je desirerois neanmoins quil en eut sans prejudice de ma parole, et ne doutant point que les sieurs Gay et Choudens ne s'accommodent volontier a mon intention, je vous prie de faire avec eux quilz associent ce personnage [32] qui, pour l'appuy quil aura de monsieur de Siccard et de monsieur de la Faye, pourra beaucoup pour rendre la ferme plus utile.

  A017000540 

 Et ne sert a rien de m'alleguer des exemples, car les Evesques qui les permettent peuvent avoir plus d'authorité que je n'ay pas; et comm'ilz ont, je m'asseure bien, dequoy respondre de leurs actions, aussi respondray-je, comme j'espere, des miennes.

  A017000540 

 Je ne doute point que les mariages des catholiques et hæretiques ne soyent bons quand ilz sont faitz; mais de les permettre et faire benir, le Pape mesme ne le fait pas.

  A017000556 

 Il faut, ma chere Mere, en telles occurrences me dire vostre advis; car, moy qui ne voy que par vos yeux comme par les miens, en ceci, comme puis-je bien juger sans vous?.

  A017000556 

 Or sus, comme je pourray, je vay dire premierement, que ces bonnes dames seront les bienvenues apres [34] la [Toussaint,] que vous seres icy, si vous treuves bon qu'on les reçoive dans la Visitation pour le tems qu'elles demandent, et que vous pensies qu'elles doivent estre edifiees de la conversation de nos cheres Seurs et de ma veüe; car, ma chere Mere, vous qui les aves veües, pourres mieux discerner cela que moy.

  A017000557 

 De l'autre projet, certes, je ne voy nulle apparence que nous employons nos filles pour les monasteres du Tiers Ordre, car nous n'en avons pas de reste de filles qui puissent servir de conductrices.

  A017000557 

 Et puis, comme pourroyent elles servir en un Institut qu'elles [ne connaissent] pas? J'admire que cette bonne [dame refuse de convertir] ce dessein en Carmelines; car, pour [le dire à votre cœur] comme au mien propre, les Tiercelines... lesquelles le sont d'un seul Ordre et qui n'est encor [pas reconnu des] doctes, comme n'ayant que cinq ou six petitz monasteres..

  A017000558 

 [Il m'est [36] avis que] ce seroit un bon expedient, que la Mere Elisabeth venant icy, amenast avec soy deux des plus capables de Tholouze et autres deux de Billon, qui, en quatre ou cinq moys, pourroyent estre suffisamment façonnëes pour retourner vers les autres et les mettre en train, avec l'assistence des lettres et des visites de monsieur l'Aumosnier ou de quelqu'autre avec lequel nous confererions; car en somme, je ne voy rien en cette ville que ma Seur de la Roche, pour le present, laquelle ne seroit encor peut estre pas bonne toute seule..

  A017000560 

 Et se faut bien garder de [vouloir s'établir] en aucun diocaese que l'Evesque n'ayt [donné telle] resolution quil ny ait plus rien a dire de son costé; car, si sur les....

  A017000560 

 Si donq on ne veut pas prendre l'expedient d'envoyer icy les filles a l'apprentissage, et qu'on ne veuille pas attendre au moins un an et demi, il est mieux de refuser humblement ce qu'on ne peut pas bonnement entreprendre, que de l'entreprendre temerayrement.

  A017000584 

 Et je me suis resouvenu du jardin, quand j'ay veu comme Dieu faisoit son bon playsir malgré la foiblesse des espritz humains et les tenebres de l'amour propre.

  A017000585 

 On m'escrit que nostre tres aymable M me du Chastelard s'est declaree a sa grand mere en faveur du voyle sacré, pour forclorre toutes les recherches du monde.

  A017000596 

 Je ne sçai rien de cette coustume, et nostre Mere, [42] ou je suis le plus trompé du monde, n'a pas eu intention en cela de se lier a faire ainsy toutes les annees, comme peut estre ell'a fait deux ou trois fois au plus.

  A017000596 

 Mays si quelques unes desirent de se confesser a quelque confesseur autre que l'ordinaire, elles le peuvent sans difficulté et sans que les autres qui n'ont pas ce goust-la soyent obligees a changer de confesseur.

  A017000596 

 O Dieu, qu'il est vray que la ferveur ne depend pas de la bouche des confesseurs differens, mays de la grace de Dieu et de la simplicité et humilité du cœur! Mays les Constitutions sont claires, qu'on peut appeller des confesseurs outre les quatre fois, pour la consolation de celles qui le desirent.

  A017000601 

 chez les RR des Sœurs hospitalières de Saint-Joseph.

  A017000610 

 Ne nous empressons point, allons tout doucement, nous supportant les uns les autres.

  A017000610 

 Soyons bien debonnaires et humbles de cœur envers tous, mais sur tout envers les nostres.

  A017000624 

 Vostre Altesse, Monseigneur, a pour le partage de la splendeur hereditaire et tous-jours croissante de sa serenissime origine, la gloire des œuvres de sa douce et immortelle pieté; et pour cela, comme elle est l'un des fleurons de la couronne de Monseigneur son pere, elle est aussi l'une des plus pretieuses colomnes du temple de Dieu le Pere eternel: dont, pour l'une et l'autre qualité, je prens la confiance d'implorer la bonté de Vostre Altesse en toutes les occurrences qui regardent les affaires de la sainte religion catholique, entre lesquelz celuy de l'amplification de ces bons Peres Barnabites et le restablissement du service divin en tous les Monasteres de deça estant l'un des plus importans, je le [47] recommande tres humblement au zele de Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement reverence, ne cessant point de luy souhaiter le comble des faveurs celestes, et demeure, Monseigneur,.

  A017000634 

 Mays sil avoit dispense, alhors encor auroit-il tort s'il croyoit que la seule science donnast le prix en cette lice-lâ; et tous-jours faudroit-il se tenir a la pluralité des voix, qui est irreprochable a celuy qui les prend, sur tout sil n'en donne point.

  A017000635 

 C'est pourquoy, je dis en fin, que si cette cure lâ peut estre delivree au jour de l'assignation, j'en seray bien ayse et le desire fort; que si les difficultés semblent ne pouvoir estre surmontees, on pourra differer jusques a mon retour, qui sera le plus tost que je pourray.

  A017000637 

 Or, je dis ceci seulement par maniere de proposition, m'estant advis que la charité oblige ces messieurs de gratifier, es occurrences, les plus pauvres d'entr'eux et ceux qui y ont des-ja esté asses d'annees.

  A017000637 

 Si le curé de Miouxi est decedé, on pourra bien [50] favoriser monsieur de Monfalcon, a la charge quil mettra des vicaires de poids, tandis que, pour la poursuite de ses estudes, il sera dispensé de sa residence, car il faut des meilleurs vicaires ou les curés ne resident pas; et le Chapitre mesme, comme y ayant interest, pourroit reserver qu'ilz fussent examinés expres pour cela.

  A017000641 

 Je salue tous nos messieurs et, tout a part, nos freres et ma seur du Vilarroget, et mon cousin M. le Prevost et messieurs les Collateraux, marri de l'indisposition de monsieur de Quoex, bien qu'elle ne soit perilleuse.

  A017000660 

 C'est en cett'occasion de la vacance de Gruffy [que] je vous prie faire cette reserve jusques a la somme de 200 florins; et pour eviter les disputes que l'interest propre fait naistre en pareilles occurrences, je desirerois qu'en la mise en possession de celuy qui sera curé, on assignast une corne de dixme, telle quil seroit advisé, audit seigneur pœnitentier, laquelle il prendroit par ses mains..

  A017000661 

 Mays d'autant quil n'a nulle coulpe en cela et quil demeureroit grandement en perte, avec sujet de se plaindre d'avoir esté deceu en nostre parole, je juge et desire quil soit admis comme les autres.

  A017000664 

 [Messieurs] les Examinateurs pour les concours..

  A017000674 

 Ni vous ne deves pas alleguer au contraire que vous n'aves pas la connoissance des choses des proces, car c'est la moindre des functions du grand vicaire, et pour le bon succes delaquelle il suffit quil ayt de la vigilance et du zele pour faire que les autres officiers facent bien leur devoir, et qu'il establisse un bon substitut et des bons assesseurs.

  A017000688 

 Je prevoy seulement qu'il nous faudra attendre que ces soupçons de contagion cessent, pour faire faire plus fructueusement la queste; ce pendant je feray faire les patentes requises..

  A017000688 

 Ne penses jamais, ma très chere Seur, que je puisse oublier vostre personne, ni les nécessités temporelles de vostre Monastere, que j'ay treuvees, certes, encor plus [56] grandes qu'on ne m'avoit dit.

  A017000689 

 Au reste, mon cœur amoureux de la sainteté de vostre assemblee, quoy que je ne l'aye veuë qu'en passant, et plustost entreveuë que veuë, ne me permet pas de partir sans vous exhorter en Nostre Seigneur de poursuivre constamment l'execution de la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, de perfectionner de plus en plus cette vertueuse compaignie par une pure et simple privation de toute proprieté, par les exercices de la sainte orayson mentale et par une fervente frequentation des divins Sacremens..

  A017000690 

 Et ne doutés point, ma chere Seur, que le Pere Garinus ne vous soit favorable, si vous luy representes naifvement et humblement vos dignes pretentions; car c'est un docteur de grand jugement et de longue experience, grandement zelé aux Constitutions ecclesiastiques et a l'establissement du Concile de Trente, comme sont tous les gens de bien.

  A017000691 

 Et ne sert a rien de dire « nostre voile, nostre robbe, nos chemisettes, ou nos mutandes, » si en effect leur usage n'est pas indifferent et commun a toutes les Seurs, les paroles estans peu de chose si les effectz ne correspondent.

  A017000691 

 Premierement, que le renoncement de toute proprieté et l'exacte communauté de toutes choses est un point de tres grande perfection, et qui doit estre desiré en tous les monasteres et suivy par tout ou les Superieurs le veulent; car encor que les Religieuses qui n'en ont pas l'usage en leurs maysons ne laissent pas d'estre saintes, la coustume les dispensant, si est ce qu'elles sont en extreme danger de cesser d'estre saintes, quand elles contredisent a l'introduction d'une si sainte observance tant aymable et tant recommandee par le Pere saint François et la Mere sainte Claire, et qui rend les Religions riches en leur pauvreté et parfaitement pauvres en leurs richesses, le mien et le tien estans les deux motz qui, comme disent les Saintz, ont ruiné la charité.

  A017000692 

 Or, j'ay veu en un monastere ou j'avois une fort proche parente, que toute la difficulté de cet article estoit en la douilletterie de quelques Seurs en ce qui regarde les chemisettes et les linges; et j'admiray que la lessive ne suffist pas pour ce sujet a des filles de celuy qui baysoit tendrement les ladres et de celle qui baysoit les pieds des Seurs revenantes de dehors.

  A017000693 

 En quelques Congregations mesme, on change les chapeletz et tous les petitz meubles de devotion, au sort, a chaque commencement d'annee..

  A017000694 

 Quant a l'orayson et a la frequence des Sacremens, il n'y a point de difficulté, ce me semble, sinon pour le dernier, de gaigner le Pere confesseur, affin qu'il ne se lasse pas de faire la charité aux Seurs, les oyant en confession quand il en sera requis par la Superieure..

  A017000695 

 Et la Congregation des Cardinaux a declaré que, les Superieurs estans negligens en cet article, les Evesques le fassent eux mesmes, et que cela se fasse mesme plusieurs autres foisl'annee s'il est requis.

  A017000695 

 Mays il y a un point d'importance, duquel je vous touchay un mot, que pour le bien de vostre famille vous deves demander a vos Superieurs et qu'ilz ne peuvent en bonne conscience vous refuser: c'est que, deux ou trois fois chaque annee, ilz vous ayent a offrir des autres confesseurs extraordinaires (suivant le commandement du sacré Concile de Trente ), qui oyent les confessions de toutes les Seurs.

  A017000696 

 Et ne faut nullement recevoir les allegations au contraire; car rien ne se fait en ce monde qui ne soit contredit par les espritz minces et fascheux, et de toutes choses, pour bonnes qu'elles soyent, on en tire des inconveniens quand on veut picotter.

  A017000696 

 Il se faut arrester a ce que Dieu ordonne et son Eglise, et a ce que les Saintz et Saintes enseignent.

  A017000696 

 Ni il ne faut pas dire que vostre Ordre soit exempt des Constitutions du sacré Concile; car, outre que le Concile est sur tous les Ordres, s'il y a aucun Ordre qui doive obeir aux Conciles et a l'Eglise romaine, c'est le vostre, puisque le Pere saint François l'a si souvent inculqué..

  A017000697 

 Et en somme, cet inconvenient n'est pas comparable a mille et mille pertes d'ames que la sujettion de ne se confesser jamais qu'a un seul peut apporter, comme l'experience le fait connoistre; et en somme, c'est une presomption insupportable a qui que ce soit, de penser mieux entendre les necessités spirituelles des fideles et de s'imaginer d'estre plus sage que le Concile.

  A017000697 

 Mais, ce dit-on, il se pourroit faire qu'une fille sçachant qu'elle pourra avoir un confesseur extraordinaire, elle gardera ses pechés jusques a sa venue, la ou, si elle n'avoit point d'esperance d'autre confesseur, elle ne les garderoit pas.

  A017000698 

 Et je vous diray comme on les fait entre les filles de la Mere Therese, qui sont, a mon advis, les plus retirees de toutes.

  A017000698 

 Et premierement, nul, comme je pense, ne les [60] vous peut defendre; car, tant que j'ay sceu voir en la Regie de saint François et de sainte Claire, il n'y a rien qui les empesche, ains seulement ce qui y est dit empesche toute sorte d'abus.

  A017000698 

 Que si on void une fille qui veuille trop souvent communiquer avec une mesme, passé trois fois on luy refuse, sinon que l'on vist une grande apparence de beaucoup de fruit, et que les personnes fussent hors de soupçon de vanité, meures d'aage et exercees en vertu..

  A017000698 

 Reste les communications spirituelles, lesquelles aussi je vous dis estre fort utiles, pourveu qu'elles soyent faites a propos.

  A017000699 

 Et jamais ce ne fut l'intention des Saintz de priver les ames de telles saintes conferences, qui servent infiniment a beaucoup de vertus et sont sans danger, estant bien faites.

  A017000699 

 Nous treuvons des inconveniens ou les Saintz n'en treuvent point, et n'en treuvons point ou les Saintz en treuvent tant..

  A017000699 

 Vous aures veu, je m'asseure, ce que la bienheureuse Mere Therese en dit, et cela suffira pour respondre a tous les inconveniens qu'on en pourroit alleguer.

  A017000700 

 Or, ces communications ne se doivent pas faire pour apprendre de diverses manieres de vivre en un monastere, mais pour apprendre a mieux et plus parfaitement [61] prattiquer celle a laquelle on est obligé; et si, elles n'empeschent point les conferences publiques, ains elles servent pour les mieux digerer et appliquer une chacune en son particulier..

  A017000701 

 J'avois oublié de dire que quand le confesseur extraordinaire vient, il faut que toutes les filles se confessent a luy, affin que celles qui en ont besoin ne soyent point descouvertes et que le malin ne seme point de reproches parmi la Mayson; mais celles qui ne veulent pas prendre confiance a l'extraordinaire, pourront, avant que de se confesser a luy, faire leur confession a l'ordinaire, et par apres dire seulement quelques pechés ja confessés, a l'extraordinaire, pour servir de matiere a l'absolution..

  A017000734 

 Elle est bien resignee, et les Seurs font merveilles a la servir tendrement, nul remede n'ayant esté oublié.

  A017000749 

 Il y a quelque tems qu'on a commencé d'introduire en ces païs de deça l'art de la soye, et ne se peut [65] dire combien le progres seroit utile au service de Dieu pour retirer plusieurs ames d'entre les hæretiques, pour affoiblir Geneve, qui se soustient en bonne partie de ce traffiq, et pour soulager les sujetz de Vostre Altesse qui gaigneroyent en ce commerce ce que nos ennemis gaignent..

  A017000766 

 Dieu vous comble de bonheur, Monseigneur, selon les vœux de.

  A017000783 

 Ma tres chere Fille, moyennant l'ayde de Dieu, nous ferons prou; mais il faut, avec une courageuse humilité, rejetter toutes les tentations de desfiance en la tres sainte confiance que nous avons en Dieu, Certes, vous deves croire que cette charge vous ayant esté imposee par le choix de ceux a qui vous deves obeir, Dieu se mettra a vostre dextre et la portera avec vous, ains la portera, et vous aussi..

  A017000794 

 Il suffit que tous les chrestiens damnés ne le seroit (sic) pas si ilz mouroyent apres le Baptesme; mays Nostre Seigneur laisse ordinairement que les choses d'icy bas aillent leur cour (sic) ordinaire et que nous usions de nostre libre arbitre a nostre gré.

  A017000794 

 Que si nous en usons mal et que nous soyions treuvés en mauvais estat lhors que, par les causes naturelles, ....

  A017000794 

 [69] La question de M me de Mieudry et de vous est aysee a resoudre, mais il n'est pas si aysé d'appayser toutes les allegations et repliques qu'on a accoustumé de faire: c'est pourquoy je remettray cela pour quand nous aurons du loysir.

  A017000806 

 Vous estes raysonnable et n'attendres pas de moy, ma tres chere Mere, des grandes lettres en ce tems auquel j'ay tant d'affaires sur les bras, que je n'en puis pas porter davantage.

  A017000807 

 C'est pourquoy, si vous sçaves que cela soit vray, vous pourres la destourner, luy escrivant que je vous ay escrit que vous luy fissies sçavoir que, ne sachant si je seray icy cet hiver, je desire qu'elle ne s'incommode point, ni monsieur le president Resiguier; mais si elle veut envoyer deux ou trois filles, vous les recevres et les garderes volontier jusques apres Pasques.

  A017000814 

 Revu sur l'Autographe conservé chez les Filles de la Croix,.

  A017000828 

 Il ne faut pas s'amuser a discourir quand il faut courir, ni a deviser [72] des difficultés quand il les faut devider.

  A017000828 

 Il ne faut pas, ma chere amie ma Fille, permettre a vostre esprit de se regarder soy mesme et de se retourner sur ses forces ni sur ses inclinations; il faut ficher les yeux sur le bon playsir de Dieu et sur sa providence.

  A017000828 

 Ma tres chere Fille, jettes profondement vostre pensee sur les divines espaules du Seigneur et Sauveur, et il vous portera et vous fortifiera.

  A017000829 

 Ma tres chere Fille, salues tendrement ma chere Seur Peronne Marie, qui est certes toute dedans mon ame, et ma Seur Françoise Hieronime (je ne vay pas par ordre), et ma Seur Marie Renee et ma Seur Anne Marie, et toutes nos autres Seurs que je n'ayme pas moins pour ne les connoistre que pour estre des servantes de Dieu et filles [tres cheres] de Nostre Dame..

  A017000841 

 M'asseurant que vous viendres donq bien tost pour [73] amener madamoyselle d'Avise, je seray court, et vous diray seulement que les bons Peres Barnabites desireroit (sic) bien d'aller la; mais ilz n'oseroyent sans nouvelle licence du General, puys que le traitté fait re peut subsister.

  A017000842 

 Je ferois les lettres que vous desires si j'en avois le loysir.

  A017000864 

 Je vous supplie d'envoyer les deux lettres ci jointes, toutes deux a monsieur le capitaine Juge..

  A017000903 

 Mais, o que bienheureux sont les nudz de cœur, car Nostre Seigneur les revestira de graces, de benedictions et de sa speciale protection.

  A017000904 

 Il faut bien que les filles de Dieu ayent un courage encor plus grand que cela, pour former en sainteté et pureté de vie des enfans a sa divine Majesté..

  A017000904 

 Ma tres chere Fille, helas! les filles que l'on marie renoncent bien a la presence des peres, meres et leur [79] païs, pour se sousmettre a des maris bien souvent inconneus, ou au moins d'humeurs inconneuës, affin de leur faire des enfans pour ce monde.

  A017000906 

 Vous aves ci devant franchi plusieurs passages, et ç'a esté par la grace de Dieu; la mesme grace vous sera presente en toutes les occasions suivantes, et vous delivrera des difficultés et mauvais chemins l'un apres l'autre, quand il devroit envoyer un Ange pour vous porter es pas plus dangereux..

  A017000907 

 Dites-leur souvent, a ces saintz Anges: Seigneurs, comme ferons nous? Suppliés-les qu'ilz vous fournissent ordinairement les connoissances du vouloir divin qu'ilz contemplent, et les inspirations que Nostre Dame veut que vous recevies de ses propres mammelles d'amour.

  A017000907 

 Ne regardés point cette varieté d'imperfections qui vivent en vous et en toutes les filles que Nostre Seigneur et Nostre Dame vous ont confiées, sinon pour vous tenir en la sainte crainte d'offencer Dieu, mays non jamais pour vous estonner; car il ne se faut esbahir si chaque herbe et chaque fleur requiert son particulier soin en un jardin..

  A017000907 

 Voyés souvent Dieu a vostre dextre et les deux Anges qu'il vous a destinés, l'un pour vostre [80] personne, l'autre pour la direction de vostre petite famille.

  A017000909 

 Faites-moy la consolation, ma chere Fille, de m'escrire souvent, et me dire tous-jours en confiance les choses que vous croires que je puisse utilement sçavoir de l'estat [81] de vostre cœur, que je benis au nom de Nostre Seigneur de tout le mien, et suis en Dieu tout vostre..

  A017000934 

 Sur la recommandation qu'il a pleu a Vostre Altesse de me faire en faveur du sieur du Chatelard, qui me [83] tient lieu de commandement, j'eusse grandement desiré de le pouvoir prouvoir du benefice qu'il praetendoit; mays d'un costé, il n'estoit pas en moy d'en disposer, puisque le Chapitre de mon eglise en avoit la nomination, et d'autre part, tant ledit Chapitre que moy, ne pouvons en sorte quelcomque nous departir des ordonnances du Concile de Trente, que nous avons juré d'observer; et elles ne nous permetent pas de distribuer les benefices curés que par le concours au plus capable, et faysans le contraire, nous nous exposerions a la disgrace de Nostre Seigneur et a la damnation.

  A017000951 

 J'ay les papiers de l'evesché quil avoit tres mal a propos apportés, et les garderay pour en faire ainsy que vous me commanderés..

  A017000951 

 Voyla qu'en fin le sieur de Barraux, repentant des il y a long tems, et corrigé de sa faute par le loysir et les raysons qui luy ont bien fait sentir le devoir quil a de vivre sage et sous-mis a vostre obeissance, il s'en va se jetter sous vostre protection, hors delaquelle il connoist bien quil ne peut bonnement durer.

  A017000953 

 Nostre paix est fort entiere maintenant, graces a Dieu, que je supplie la nous vouloir conserver, et vous combler de toutes les faveurs celestes quil depart a ses plus grans serviteurs, tandis que sans fin je suis et seray inviolablement,.

  A017000971 

 Certes, ma tres chere Mere, mon cœur est tout filial pour vous, et ne cesse point de faire tous les bons souhaitz quil doit pour vostre consolation..

  A017000992 

 Des l'advenement de Monseigneur l'Archevesque de Lion en sa charge, il m'escrivit une lettre de faveur, par laquelle il me conjuroit d'entrer en une sainte amitié avec luy, a la façon des anciens Evesques de l'Eglise, qui [88] n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame et qui, par la reciproque communication des inspirations qu'ilz recevoyent du Ciel, s'entr'aydoyent a supporter leurs charges, mais principalement quand ilz estoyent voysins les uns des autres.

  A017000995 

 Estant icy, je vous asseure que nous n'avons ni fait ni dit, non pas mesme pensé, aucun traitté, ni pour les choses du monde, qui, si je ne me trompe, nous sont a tous deux fort a degoust, ni pour les choses ecclesiastiques, n'ayans rien eu ni a demesler ni a mesler; mays seulement, purement et simplement, nous avons parlé des devoirs que nous avons au service de nos charges, de la façon des Offices ecclesiastiques et de telles choses entierement spirituelles..

  A017000996 

 Il celebra tous les jours la Messe en divers lieux, et ne fut jamais parlé de chose [90] quelcomque sinon conformement a nos vacations.

  A017000997 

 Je suis essentiellement Savoysien, et moy et tous les miens, et je ne sçaurois jamais estre autre chose.

  A017000997 

 Que si Vostre Excellence me le permet, je luy diray avec esprit de liberté, que je suis né, nourry et instruit, et tantost envielly, en une solide fidelité envers nostre Prince souverain, a laquelle ma profession, outre cela, et toutes les considerations humaines qui se peuvent faire me tiennent estroittement lié.

  A017000998 

 Je me prometz de la faveur de Vostre Excellence que Son Altesse demeurera parfaitement satisfaitte, et que rien ne se sçaura de cet ombrage, qui affligeroit le bon Monseigneur de Lion beaucoup plus qu'il ne m'afflige pas moy, qui, par la suitte du tems et les evenemens, seray tous-jours reconneu tres asseuré et tres fidele serviteur de Son Altesse, a laquelle je souhaitte toute sainte prosperité.

  A017001008 

 Bon soir donq mille et mille fois, ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, vrayement mienne, c'est a dire tous les jours plus, graces au Sauveur qui vous benisse icy et la.

  A017001029 

 Au reste, il me faut appeller vostre Pere, et sans ceremonie; je le suis de tout mon cœur, et vous cheris plus, comme je croy, que les peres naturelz n'ont accoustumé de cherir leurs filles.

  A017001048 

 Et moy, monsieur mon tres cher Frere, je vay en esprit vous embrasser a ce retour, et vous offrir ce cœur que [95] j'ay pour vous, tous-jours plus plein de toutes les affections plus sinceres qu'un frere peut avoir pour un frere extremement aymé et presqu'autant aymé comm'aymable.

  A017001061 

 Mays je tarde d'aller a Chamberi, pour voir si nous pourrions accomoder a l'amiable le différend criminel qu'elle et messieurs ses enfans ont avec Charriere, par ce qu'au prealable, je voudrois [97] qu'entre nous autres nous eussions pris les resolutions convenables a cela, affin qu'a faute de ce, je ne fusse pas contraint de demeurer longuement a Chamberi, ou je ne puis guere estre sans incommoder mes affaires.

  A017001062 

 Certes, je ne luy ay point fait de declaration, mais je ne laisse pas en mon ame de le hair a mort, par ce quil hayt a mort l'esprit de Dieu et les enfans du Crucifix.

  A017001063 

 Le premier President de Tholose m'escrit affin que [99] nous envoyons des Seurs de la Visitation la, en un monastere tout basti, qui a cousté cent mille francz, et dix sept filles qui attendent les nostres pour estre instruites.

  A017001077 

 Les liz qui croissent entre les espines en sont plus blancz, et les roses aupres des aux sont plus odorantes et deviennent musquees.

  A017001078 

 Si elle vous tient en l'imagination, chanter, se tenir avec les autres, changer d'exercices spirituelz, c'est a dire passer de l'un a l'autre, et les changemens de place encor vous ayderont.

  A017001081 

 Or je ne doute point que Dieu ne vous donne les mesmes sentimens, puisque vous estes un seul esprit avec tous nous..

  A017001102 

 L'excuse aussi n'estoit pas bonne de dire: Je n'ay pas des mammelles, je n'ay point de lait; car ce n'est pas de nostre lait ni de nos mammelles que nous nourrissons les enfans de Dieu; c'est du lait et des mammelles du divin Espoux, et nous ne faysons autre chose sinon les monstrer aux enfans et leur dire: Prenes, succes, tires et vives.

  A017001114 

 Pleust a Dieu, Monsieur, qu'ilz eussent esté auditeurs des discours de Monseigneur de Lion et de moy! et ilz auroyent veu et sceu que nous n'avons pas, que je sçache, dit une parole qui ne tende a l'advancement de la gloire de Dieu dans nos troupeaux; et nous estimons les discours des capitaines et soldatz indignes d'occuper le tems des Pasteurs de la bergerie du Dieu vivant..

  A017001114 

 Sur les plaintes que l'on a fait de moy, je croy d'estre obligé a vous respondre non seulement par la voix de ces messieurs, qui m'ont parlé de la part de Vostre Excellence, mais encor par ma plume.

  A017001115 

 Quant a moy, je vous proteste que j'ignore les affaires d'Estat, et les veux ignorer a tel point, qu'elles ne soyent ni en ma pensee, ni a mon soin, ni en ma bouche, sinon quil se presentast quelque occasion de tesmoigner a Son Altesse que je suis son passionné et fidele sujet, et a Vostre Excellence,.

  A017001127 

 Il y a un moys que monsieur le Marquis de Lans m'escrivit de la part de Vostre Altesse, que je luy fisse sçavoir les sujetz pour lesquelz Monseigneur l'Archevesque de Lion estoit venu en cette ville et les particularités de ce que nous avons traitté ensemble.

  A017001128 

 Que si, ou ce seigneur, ou autre quelcomque m'eut parlé de chose qui eut tant soit peu regardé le service ou les affaires de Vostre Altesse, ou mesme de chose d'Estat, je n'eusse point attendu de semonce pour la faire sçavoir; car de moy mesme, par le mouvement de mon inviolable fidelité envers la couronne de Vostre Altesse de laquelle je suis sujet, j'eusse promptement rendu le devoir auquel la nature et le serment que j'ay presté m'obligent.

  A017001129 

 J'ay si souvent experimenté la debonaireté et equité de Vostre Altesse en toutes les occurrences esquelles la calomnie a osé entreprendre sur mon innocence et candeur, que je demeure fort paysible en celle ci, puisque mesme le tems, garend et protecteur de la verité, a des-ja fait voir par longues annees, que je suis inviolable et immobile en la resolution que Dieu a establie en moy de ne vivre qu'a ma profession et, en icelle, avoir tous-jours le cœur dedié a l'obeissance de Vostre Altesse, a laquelle souhaitant sans fin mille et mille benedictions, je demeure,.

  A017001158 

 Mais puysque les differens sont sousmis a des si bons arbitres et superarbitres, je m'en rapporte a ce qu'ilz en diront, sachant qu'ilz sont asses clairvoyans pour discerner de cela et de chose plus difficile, et pour conduire ces deux espritz a une paysible concorde que je prie Dieu leur vouloir donner.

  A017001159 

 Je vous prie de regarder un peu entre vous ce qui se pourra bonnement faire, affin que, sil est possible, on prenne le bon biays pour accommoder honnorablement les affaires.

  A017001160 

 Les hommes sont admirables en leurs cogitations humaines, mays Dieu est suradmirable es siennes divines, qu'il fera reuscir selon son bon playsir..

  A017001186 

 Les espouses, anciennement, ne portoyent point de couronne et chappeau de fleurs au jour de leurs noces qu'elles n'eussent elles mesmes amassees, liees et ajancees ensemble.

  A017001187 

 Ne voyes vous pas, ma chere ame (car mon cœur me fait dire ainsy), que vostre petite Congregation est comme une fontaine sacree en laquelle plusieurs ames puiseront les eaux de leur salut, et que des-ja plusieurs, a l'imitation de la vostre, veulent eriger d'autres pareilles Congregations a la grande gloire de Dieu et a la grande facilité du salut pour plusieurs? Ne vous lassés donq nullement d'estre mere, quoy que les travaux et soucis de maternité soyent grans..

  A017001199 

 Je ne sçai certes que dire autour de ce divin Enfant, car il ne dit mot, et son cœur, plein de faveur pour les nostres, ne se declaire point qu'avec des plaintes, des larmes et des douces œillades; sa sacree Mere se taist presque tous-jours et admire ce qu'on luy dit.

  A017001199 

 Mon Dieu que ce silence me dit des grandes choses! Il m'apprend [115] a faire la vraye orayson mentale; il m'apprend la ferveur amoureuse d'un cœur qui est saisy d'affections que nourrissent ces douces pensees et qui a peur d'en perdre la suavité s'il les prononce..

  A017001202 

 Salués la petite cousine de ma part et, a la pareille l'une de l'autre, si tost que vous verres le grand petit Enfant né en vostre ame, dites luy fervemment que je luy sacrifie la mienne avec les vostres eternellement.

  A017001211 

 La tentation de rire en l'eglise et a l'Office est mauvaise, quoy qu'elle ne semble que folastre et badine, car, apres la charité, la vertu de la religion est la plus excellente; car, comme la charité rend a Nostre Seigneur l'amour qui luy est deu selon nostre pouvoir, aussi la religion luy rend l'honneur et la reverence requise, et partant, les fautes qui se commettent contre elle sont grandement mauvaises.

  A017001212 

 Je ne vous dis pas encor mes pensees sur le sujet dont vous m'aves escrit, parce que c'est aujourd'huy Noël, jour auquel les Anges viennent chercher le Paradis en terre, ou certes aussi il est descendu en la petite spelonque de Bethlehem, dans laquelle, ma tres chere Fille, je vous treuveray tous ces jours suivans avec toutes nos cheres Seurs, qui sans doute feront leur residence, comme des sages abeilles, autour de leur petit Roy.

  A017001223 

 Je croy que vous ne tarderes pas a les rendre satisfaitz, et je passeray plus outre et vous contenteray..

  A017001226 

 Il se faut bien garder de redonner la benediction matrimoniale a la sainte Messe, ni de reprononcer ces paroles: Ego vos conjungo; mais apres que ces gens la seront communiés, vous pourres bien, apres la Messe et secretement, leur faire confirmer le consentement de leur mariage, et dire sur eux les oraysons, qui sont dans le Missel, de la benediction..

  A017001267 

 J'apprends avec douleur que les habitants de Saint-Maurice sont affligés de la peste, et je ne manquerai pas de les aider des [122] prières de mes fidèles, selon la considération et l'affection que j'ai pour tous vos sujets..

  A017001268 

 Enfin, vous trouverez ci-joint les lettres testimoniales de la consécration conférée à Votre Seigneurie, avec mon concours comme prélat assistant..

  A017001282 

 Je luy dis que vous avies mesuré les affaires de vos enfans il y a long tems, et que de plus en plus vous treuvies quil ny avoit pas moyen de faire autrement.

  A017001293 

 Il est vray que les amitiés et affections fondees sur la gloire de Dieu sont invariablement inviolables, ma chere Fille, de sorte que ni le silence, ni les esloignemens, ni la variété des accidens ne sauroyent desfaire ce que Dieu a fait.

  A017001315 

 Bonne et tres sainte annee a ma tres chere Mere de la part de son filz, qui luy souhaitte l'abondance de la grace du Pere eternel, de la paix du Filz circoncis et de la consolation du Saint Esprit, dediant avec ce mesme cœur de ma tres chere Mere, le mien comme le sien a la gloire de la divine Bonté, et luy consacrant tous les momens de cette nouvelle annee pour faire une entiere circoncision de ce mesme cœur, et l'appliquer a recevoir purement et parfaittement l'amour sacré que le celeste et divin nom de JESUS nous annonce escrit en sang sur la sainte humanité du Sauveur..

  A017001317 

 Ah, mon Dieu, ma chere Mere, que je desire d'amour divin a ce cœur, que je luy souhaitte de benedictions! Baysons mille fois les pieds de ce Sauveur et disons-luy: Mon cœur, o mon Dieu, vous proteste, ma face vous desire; ah! Seigneur, ma face recherche vostre face.

  A017001319 

 Ainsy puisse ce nom sacré remplir de son aggreable son toute la Congregation de nos Seurs, et les gouttes du sang du petit Sauveur se convertir en un fleuve de sainteté qui res-jouisse et rende fertiles tous les cœurs de cette chere trouppe, et sur tout celuy de ma tres chere Mere, que le mien ayme comme soy mesme..

  A017001331 

 O combien de foys, Monsieur mon cher Filz, ce nom et ce cœur de pere que je porte envers vous me presse-il d'amour et de zele pour supplier la divine Bonté qui l'a volu comme cela, de combler vostre ame de sa sainte dilection, establissant son royaume celeste en vous! Je le sçai bien que les bons enfans pensent souvent en leurs peres; mays ce n'est pas souvent, c'est tous-jours que les peres ont leurs espritz en leurs enfans..

  A017001333 

 Et si Dieu exauce mes souhaitz, ce mariage sera fleurissant en toute sorte de benedictions, et rendra en son tems les fruitz d'une desirable et belle posterité.

  A017001355 

 Nostre Geneve est tous-jours dangereusement travaillee de contagion, et, par merveille, jusques a present toute la Savoye en est exempte, graces a ce bon Dieu qui, a l'adventure, par la peste temporelle, les veut guerir de la spirituelle, ou bien les prendre du costé du Ciel, puisque du costé de la terre, les hommes s'en empeschent les uns les autres..

  A017001355 

 Nous oyons parler de paix, et sentons tous-jours les effectz de la guerre.

  A017001369 

 Mais le mardi les eaux m'en empescherent; mercredi et jeudi, la neige [était] si grande en ces contrees de dela, qu'on ne pouvoit passer.

  A017001383 

 Je ne vous puis dire autre chose sur ce que vous m'escrives, sinon que Dieu fera plus que les hommes ne peuvent penser pour cette Congregation, et spirituellement et temporellement; et n'en avons nous pas d'asses bons gages jusqu'a present?.

  A017001384 

 Il le fera, ma Fille vrayement chere et bienaymee, n'en doutes point; mais resveillés souvent les saintes affections et resolutions que nous avons prises..

  A017001385 

 Je compatis grandement a vostre peyne, quoy que je ne doute pas qu'elle ne soit aggreable a vostre esprit, qui l'accepte comme venant de ce Pere celeste, lequel donne les tribulations avec un amour nompareil aux enfans de sa providence.

  A017001386 

 O que cet amour est doux, qui nous fait aspirer les uns pour les autres au Ciel!.

  A017001395 

 Je m'estois mis en chemin pour aller voir la chere cousine, mais il ne me fut possible de passer les Bornes en ce tems, a cause de la nouvelle neige qui y estoit tombee.

  A017001410 

 Je ne puis m'empescher de vous resaluer tous-jours [136] quand les commodités s'en presentent, desireux de vivre continuellement en vos souvenirs et en la sainte bien-veüillance dont vous m'honnores.

  A017001411 

 J'ay bien voulu essayer d'accommoder sa volonté avec celle du sieur de Barraux, mais ilz ont reciproquement refusé les ordonnances du medecin, disant qu'ilz n'estoyent pas malades; c'est a dire, ilz ont bien advoüé qu'ilz avoyent sujet de se vouloir l'un l'autre, mais qu'ilz n'avoyent nulle intention de se rechercher pour en tirer satisfaction, pour le respect qu'ilz devoyent a la vostre, laquelle je les exhorteray tous-jours de reverer comme le sanctuaire de leur bonheur.

  A017001423 

 Et sur deux partis quil me propose, hors desquelz il ne veut nullement establir nostre pauvre Congregation en son diocæse, je luy laisse le choix sans reserve quelcomque, hormis celle de la principale fin de nostre Congregation: que les vefves, au moins en leur habit vidual, y puissent estre par maniere de retraitte jusques a ce que, desfaites de tous empeschemens, elles puissent faire la proffession et prendre l'habit; et que les femmes du monde y puissent avoir entree, pour s'exercer et resoudre a la devotion, selon les occurrences..

  A017001424 

 Mays, puisque du bon accueil que Monseigneur l'Archevesque fera a cette Congregation en sa ville depend celuy qu'elle peut prætendre en toute la France, j'acquiesce que l'on en face une Religion formelle, a la reserve de ces deux pointz sus marqués, puisque, comm'il dit, on ne changera rien aux Regles, quil loue et proteste estre « excellentes », car c'est son mot, que le fruit de cette Congregation est admirable, mais que la racine n'en vaut rien; combien que Nostre Seigneur die qu' un mauvais arbre ne sçauroit produire bon fruit. Je voy aussi que, par ce moyen, on contentera une quantité de censeurs, et les peres et parens des filles qui ne les veulent pas donner a Dieu que pour gaigner les portions qu'elles emporteroyent silz les donnoyent a quelque chetif mari..

  A017001424 

 Or, les deux partis quil propose sont: ou de laisser nostre Congregation en tiltre de simple Congregation, avec la clausure, ou de la reduire en Religion formelle, sous la Regie de saint Augustin.

  A017001425 

 Et non seulement ma volonté, mais mon jugement a esté bien ayse de se sousmettre et rendre l'homage quil doit a celuy de ce digne Prælat; car, ma Fille, que prætens-je en tout ceci, sinon que Dieu soit glorifié et que son saint amour soit respandu plus abondamment dans le cœur de ces ames qui sont si heureuses que de se dedier toutes a Dieu? Les Congregations et les Religions [139] ne sont point differentes devant la divine Majesté, car, selon icelle, les vœux des unes sont aussi fortz que ceux des autres; et le tiltre de Congregation n'estant pas si specieux ni honnoré, m'en playsoit davantage.

  A017001425 

 La Regie de saint Augustin est beaucoup plus douce que les nostres, soit pour la clausure, soit pour tout le reste; de sorte que, gardans nos Regles, nous ferons plus que saint Augustin n'ordonne, et le tiltre de la Regie saint Augustin honnorera nos Regles sans y rien adjouster..

  A017001425 

 Mays, de bon cœur (voyes vous, ma Fille, je dis tres suavement), j'acquiesce que ce soit une Religion, pourveu que, par la douceur des Constitutions, les filles infirmes y soyent receues, les femmes vefves y aient retraitte, et les femmes du monde quelque refuge pour leur avancement au service de Dieu.

  A017001427 

 En Italie on n'en a pas tant besoin, ains nullement, car il y a tant de compaignies de femmes vefves, mariees, filles, ou les exercices se font; les maysons et quartiers de femmes, si retirés du reste de leur mesnage; plusieurs Congregations libres ou elles se retirent, et mille autres telles commodités.

  A017001427 

 Or, de deça, les Carmelines mesme ne font pas ces misteres, par ce que les meurs et humeurs ne requierent pas tant de barricades ni de desfiances.

  A017001428 

 On parle fort de faire une Congregation a Chamberi, on en demande en plusieurs endroitz; c'est pourquoy je supplie Monseigneur l'Archevesque de terminer cet affaire, en sorte qu'on puisse imprimer les Regles bientost..

  A017001430 

 Je salue nos cheres Seurs, sur tout les deux nostres.

  A017001432 

 Tout maintenant je viens de recevoir une lettre de [141] ma Seur Françoise Hieronime; je respondray a la premiere commodité, car il faut donner les lettres..

  A017001473 

 Neanmoins, vous sçaves quel homme je suis pour les affaires du monde; certes, je n'y entens rien du tout.

  A017001474 

 Vous m'envoyeres donq les papiers et je vous renvoyeray ce que vous me marqueres, et l'assisteray en ce que je pourray, affin quil ne soit pas frustré de sa juste pretention.

  A017001475 

 Les sentimens de l'absence du defunct ne peuvent pas si tost passer; il suffit que, en la pointe de l'esprit, nous soyons bien resignés au bon playsir de Dieu, et que nous taschions de nous unir de plus en plus parfaitement au second Espoux.

  A017001493 

 Je considere les caprices des hommes sur le sujet du bon M. de Valence: nous l'escoutons icy de tres bon cœur, et moy, qui ay plus estudié en theologie que tous ceux de Rumilly ensemble, je treuve qu'en verité il presche bien et utilement; on seroit bien ayse en des plus grandes villes de l'avoir.

  A017001527 

 Si Monseigneur l'Archevesque vous dit ce qu'il m'a escrit, vous luy respondres que vous aves esté laissee la pour servir a l'establissement de vostre Congregation de tout vostre petit pouvoir; que vous tascheres de bien conduire les Seurs selon les Regles de la Congregation; que s'il plaist a Dieu, apres cela, que cette Congregation change de nom, d'estat et de condition, vous vous en rapportes a son bon playsir, auquel toute la Congregation est entierement voûee; et, qu'en quelle façon que Dieu soit servi en l'assemblee ou vous le serves maintenant, vous seres satisfaite..

  A017001530 

 Croyesmoy, ma chere Fille, j'ayme parfaitement nostre pauvre petite Congregation, mays sans anxieté, sans [150] laquelle l'amour n'a pas accoustumé de vivre, pour l'ordinaire; mays le mien, qui n'est pas ordinaire, vit, je vous asseure, tout a fait sans cela, et avec une tres particuliere confiance que j'ay en la grace de Nostre Seigneur, que sa main souveraine fera plus pour ce petit et humble Institut que les hommes ne peuvent penser.

  A017001538 

 Je vous voy, ma tres chere Fille, selon ce que vous m'escrives, toute jettee sur les espines.

  A017001538 

 O prenes courage, je vous en conjure; c'est la ou les lis aggreables a vostre Espoux croissent et se nourrissent mieux, et le mouton que Dieu volut luy estre immolé au lieu d'Isaac estoit arresté entre les espines.

  A017001538 

 Travailles fidelement, ma tres chere Fille, avec la pointe superieure de vostre volonté, parmi ces tenebres et secheresses; une once de l'ouvrage fait en cette sorte vaut mieux que cent livres de celuy qu'on fait entre les consolations et sentimens, et bien que celuy ci soit plus doux, l'autre neanmoins est meilleur..

  A017001570 

 Il y a deux ans que par commandement de Vostre Altesse les Peres Barnabites ont esté receus en cette ville pour la direction du college, et ne se peut dire combien de fruit spirituel ilz y ont fait et en toute cette province; qui a donné un grand sujet aux gens de [153] bien de souhaiter plus ardemment toute sorte de prosperité a Vostre Altesse, de laquelle l'authorité nous avoit prouveus de ce bonheur..

  A017001571 

 Ce college est extremement pauvre pour la grandeur des charges qui y sont; et si on ne le secourt par addition de quelques revenus, ces bons Peres y vivront avec tant d'incommodités, que non seulement ilz ny pourront pas faire les progres que leur pieté et les necessités de ce païs requierent..

  A017001572 

 Et, ce qui est plus considerable, comme ces prieurés seroyent utiles a l'entretenement de ces Peres, ces Peres seroyent reciproquement extremement utiles a l'entretenement des prieurés, qui, comme la pluspart des benefices reguliers de ce païs, s'en vont en ruines quant aux choses temporelles devant les hommes, et quant aux services spirituelz devant Dieu, qui sans doute en est grandement offencé: Et non est qui recogitet corde..

  A017001572 

 Or, les moyens de leur accommodement seront fort aysés, pour peu quil playse a Vostre Altesse d'affectionner cette sainte œuvre; car nous avons icy deux prieurés ruraux, dont le plus grand n'excede pas la valeur de cent ducatz annuelz, par l'union desquelz ce college seroit fort soulagé.

  A017001573 

 L'un de ces prieurés s'appelle Silingie et l'autre Saint Clair, tous deux a une lieuë d'icy, fort propres [154] a l'intention que je represente a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement, et sous l'adveu de sa bonté je la conjure, par l'amour qu'elle porte au service de Dieu et de l'Eglise et par la paternelle affection qu'elle a envers ce païs, de vouloir estroittement embrasser et presser le bien de ce pauvre college, qui est au cœur de la Savoye et vis a vis, comme antagoniste, de celuy de Geneve, et qui est la premiere retraitte que cette venerable Congregation des Peres Barnabites a eue deça les monts, sous les favorables auspices de Vostre Altesse, laquelle en aura beaucoup de gloire en ce monde entre les serviteurs de Dieu, et en l'autre encor davantage entre les Anges et les Saintz de Paradis.

  A017001604 

 Ici, en particulier, le jour de sa fête, Monseigneur l'Archevêque de Lyon qui m'avait favorisé de sa visite, prononça le sermon dans l'église de nos Pères Barnabites avec une telle éloquence apostolique, que tous nous en demeurâmes ravis de douceur et suavité; l'on ne saurait dire avec quelle satisfaction furent écoutées les louanges de ce Saint.

  A017001605 

 Si j'avais plus de connaissance et d'usage de la langue italienne et si je ne craignais de me rendre importun à Votre Illustrissime Seigneurie, je m'étendrais sur d'autres particularités; mais il est bien raisonnable que je demeure dans les termes du respect dû à sa très haute dignité.

  A017001616 

 Il faut donq avoir patience, et petit [160] a petit amender et retrancher nos mauvaises habitudes, dompter nos aversions et surmonter nos inclinations et humeurs selon les occurrences; car en somme, ma tres chere Fille, cette vie est une guerre continuelle, et n'y a celuy qui puisse dire: Je ne suis point attaqué.

  A017001616 

 L'amour propre, l'estime de nous mesmes, la fause liberté de l'esprit, ce sont des racines qu'on ne peut bonnement arracher du cœur humain, mais seulement on peut empescher la production de leurs fruitz, qui sont les pechés; car leurs eslans, leurs premieres saillies, leurs rejetons, c'est a dire leurs premieres secousses ou premiers mouvemens, on ne peut les empescher tout a fait tandis qu'on est en cette vie mortelle, bien qu'on puisse les moderer, et diminuer leur quantité et leur ardeur par la prattique des vertus contraires, et sur tout de l'amour de Dieu.

  A017001619 

 En l'affection que vous deves avoir pour vous mesme, tenés vos yeux bien ouvertz sur vos inclinations desreglees pour les desraciner.

  A017001620 

 Ne soyes point tendre sur vous mesme: les meres tendres gastent les enfans.

  A017001620 

 Non, ma Fille, ne vous en estonnes point; Dieu les permet pour vous rendre humble de la vraye [161] humilité, abjecte et vile en vos yeux.

  A017001621 

 Soyes bonne au prochain, et nonobstant les soulevemens et saillies de la colere, prononcés es occurrences fort souvent ces divines paroles du Sauveur: Je les ayme, Seigneur, Pere eternel, ces prochains, parce que vous les aymes, et vous me les aves donnés pour freres et seurs, et vous voules que, comme vous les aymes, je les ayme aussi.

  A017001621 

 Sur tout, aymés ces cheres Seurs avec lesquelles la propre main de la Providence divine vous a associee et liee d'un lien celeste; supportes les, caresses les et les mettes dans vostre propre cœur..

  A017001641 

 Ainsy que je pensois vous renvoyer vos papiers [163] par mon laquay, ma tres chere Fille, ces deux cousins arriverent, qui en seront les porteurs.

  A017001641 

 J'ay consulté vostre affaire, et ay treuvé que le conseil de monsieur vostre neveu est extremement bon et quil le faut suivre, sinon que vous fussies fort asseuree quil n'y eut es biens de feu monsieur vostre mari que ce quil faut pour vos droitz, auquel cas il seroit plus court de les retenir pour iceux droitz et ne point faire heriter les enfans.

  A017001642 

 Vous y treuveres madame de Chasteaufort et M me du Chatelard; je vous prie de les bien saluer.

  A017001644 

 Au reste, ma pauvre tres chere Fille, entre les ennuys que vostre imagination vous fournit, jettes souvent vostre cœur entre les bras du cher Espoux nouveau; attachés vous comme un'esclave d'amour au pied de sa sainte Croix, et souvienne vous que bienheureux sont ceux qui n'ont rien, pourveu qu'ilz ayent ce grand Tout hors lequel tout n'est rien pour nous..

  A017001660 

 Ah, que c'est une rare grace, ma chere Fille, de commencer a servir ce grand Dieu tandis que la jeunesse de l'aage nous rend susceptibles de toutes sortes d'impressions, et que l'offrande est aggreable, en laquelle on donne les fleurs avec les premiers fruitz de l'arbre!.

  A017001661 

 Et pour non seulement les conserver, mays les faire heureusement croistre, vous n'aves pas besoin d'autres advis que ceux que j'ay donné a Philothee dans le livre de l' Introduction, que vous aves; mais toutesfois, pour vous aggreer, je vous veux bien specifier en peu de paroles ce que je desire principalement de vous..

  A017001661 

 Tenés tous-jours ferme au milieu de vostre cœur les [166] resolutions que Dieu vous donna quand vous esties devant luy aupres de moy; car si vous les conservés en toute cette vie mortelle, elles vous conserveront en l'eternelle.

  A017001662 

 Or, je ne dis pas que si vous vous treuves en devotion pour communier tous les huit jours, vous ne le puissies faire, et sur tout, si vous remarques que par ce sacré mistere vos inclinations fascheuses et les imperfections de vostre vie s'aillent diminuant; mais je vous ay marqué de quinze en quinze jours affin que vous ne differies pas davantage..

  A017001663 

 Par exemple, vous deves inviolablement faire tous les matins l'exercice du matin qui est marqué en l' Introduction.

  A017001667 

 Les aumosnes qui se font chez vous, soyent aussi faites par vous tous-jours, quand vous le pourres; car c'est un grand accroissement de vertu que de faire l'aumosne de sa main propre, quand il se peut bonnement faire..

  A017001668 

 Visités les malades de vostre bourgade fort volontier; car c'est une des œuvres que Nostre Seigneur regardera au jour du jugement..

  A017001669 

 Tous les jours lises une page ou deux de quelque livre spirituel pour vous tenir en goust et devotion, et les festes un peu davantage, qui vous tiendra lieu de sermon..

  A017001670 

 Continués a beaucoup honnorer vostre beaupere, parce que Dieu le veut, le vous ayant donné pour second pere en ce monde; et aymés cordialement le mary, luy rendant, avec une douce et simple bienveuillance, tout le contentement que vous pourres; et soyés sage a supporter les imperfections de qui que ce soit, mais sur tout de ceux du logis..

  A017001681 

 Je pensois vous envoyer mon laquay demain, ma tres chere Fille, pour vous respondre a souhait sur vos trois dernieres lettres; mays puisque ce garçon s'est presente, je m'en vay vous escrire sur tous les pointz que vous m'aves touchés..

  A017001682 

 Quant a la façon avec laquelle vous vous deves comporter en l'administration des biens delaissés par feu monsieur vostre mari (que Dieu absolve), monsieur de Charmoysi m'a dit que vous en avies pris toutes les resolutions convenables, et que vous feries un inventaire non solemnel pour plus grand esclarcissement de vos droitz, affin qu'a l'advenir rien ne vous fut imputé.

  A017001683 

 Pour les deux cens pistoles que monsieur le Marquis [169] avoit promis de faire payer, M. de Vallon m'a dit quil vous instruiroit de ce que Son Excellence a respondu; c'est a sçavoir, que maintenant il n'y a moyen, faute de finances.

  A017001684 

 Quant a M. de Saint Jeoire, sil vous asseure bien l'argent, je pense quil seroit bon de luy donner l'autre, car il sera difficile de treuver qui achette tout ensemble; joint que ce sont chevaux vieux, ainsy qu'on m'a dit, et desquelz l'entretien coustera beaucoup: de sorte qu'a la premiere rencontre d'un prix raysonnable que vous en feres, il sera bon de les vandre.

  A017001695 

 Nos bons Peres d'icy ont esté d'advis que je fisse une [171] recharge a Son Altesse et a Messeigneurs les Princes, pour les affaires de Thonon; ce que je fay fort a propos, ce me semble, sur l'occasion que Monseigneur le Prince Cardinal m'a donnee de le remercier de l'advis qu'il m'a envoyé du bon commencement qu'il y a en la negociation faite pour la canonization du bienheureux Amé; car, d'autant que ce bienheureux Prince naquit a Thonon, je prens sujet de recommander l'introduction des Peres en ce lieu-la.

  A017001696 

 Que si vous mesme donnes les lettres, vous pourres adjouster que l'an passé, sur l'eminent danger auquel Thonon fut de la contagion, quand je dis a ce peuple la confiance qu'il devoit avoir aux prieres du bienheureux Prince, de la naissance duquel leur ville avoit esté honnoree, ilz en tesmoignerent tous un ressentiment et esperance extreme..

  A017001717 

 Vostre Altesse fera sans doute en cela un'oeuvre grandement aggreable a la divine Majesté, et laquelle il me semble que le bienheureux esprit du glorieux Prince Amé luy recommande des le Ciel tres saintement; estimant que, comme par ses prieres Dieu fortifia le cœur de Son Altesse pour establir la foy en ce lieu la, aussi, par ses merites, Dieu animera l'esprit de Vostre Altesse pour ayder efficacement a y bien establir la tressainte devotion par le moyen de ces bons Religieux, qui assisteront et arrouseront les vieux arbres affin quilz multiplient en fruitz de pieté, et esleveront les enfans comme jeunes plantes a ce que la posterité devance, s'il se peut, leurs prœdecesseurs, et sachent tant mieux reverer leur saint Prince Amé et obeir en toute sousmission au sceptre et a la coronne qu'il a laissé en sa serenissime Mayson, que Dieu veuille a jamais prosperer,.

  A017001718 

 Monseigneur, selon les souhaitz continuelz du.

  A017001760 

 Vous pouves jurer, ma tres chere Fille, en saine conscience, puisque ce que vous dites est vrayement vostre et que les juges ne vous peuvent demander le serment que pour les choses laissees par le mary, qui sont a luy; et vous n'estes aussi obligee de respondre que sur cela.

  A017001775 

 La sainteté de ces jours prochains m'excite a renouveler les vœux de mon obeissance envers Vostre Grandeur, et ceux de mes foibles prieres a Dieu pour la conservation et prosperité de vostre personne, Monseigneur, vous suppliant tres humblement d'accepter l'une et l'autre offrande et le tesmoignage que j'en fay sur ce papier, comme venant d'un cœur qui est invariable en la fidelité avec laquelle il veut et doit vivre a jamais,.

  A017001790 

 Je vous escris par le sieur Gilette, et ay mis avec cela trois lettres pour les Princes, en leur recommandant les affaires de Thonon et Contamine.

  A017001791 

 Cependant, estant merveilleusement hasté, je me recommande a vos saintes prieres et vous supplie, sil se [181] peut, de me faire recouvrer les livretz dont je vous ay ci devant escrit.

  A017001809 

 Le desir ardent de la ville de La Roche, tesmoigné par les lettres ci jointes, a esté longuement desiré par moy qui ay tous-jours creu que si vous avies un convent en ce lieu la, vous en auries autant de contentement que de nul autre que vous puissies avoir de deça, puisque l'air y est extremement bon, le voysinage fertile et abondant en force bons villages, au passage de Thonon en [182] cette ville, esloigné de quatre lieües de tout autre convent de mendians, et ou, en verité, j'ay reconneu le peuple extremement enclin a la devotion.

  A017001810 

 A quoy la promptitude de la resolution sera fort utile, que, vous recommandant de rechef, je prie Dieu de favoriser, et de vous combler de bonheur selon les souhaitz, mon Reverend Pere, de.

  A017001810 

 C'est pourquoy, contribuant mes vœux a ceux de ce bon peuple, je vous supplie, et les Peres de la Province, de vouloir accepter les bonnes volontés presentes et d'en moyenner les effectz par les voyes convenables, affin qu'au plus tost on voye reuscir ce projet, plus desiré qu'il ne se peut dire et, comme je pense, grandement desirable.

  A017001837 

 La charité et bonté que Vostre Altesse a tesmoignee envers ces bons peuples de deça, par le soin qu'elle a eu de faire reuscir les projetz de l'introduction de l'art de la soye en ces pais et des Peres Barnabites a Thonon, ne peut jamais estre asses dignement remerciee.

  A017001853 

 J'ay receu la lettre de Son Altesse, par laquelle elle tesmoigne d'aggreer que je face les sermons du Caresme venant a Grenoble, et ay veu par celle qu'il vous a pleu m'escrire, le soin que vous aves eü de lire ce que j'escrivois a sadite Altesse sur le sujet de la venue de Monseigneur l'Archevesque de Lyon en cette ville; dont je vous rens graces, Monsieur, d'autant plus affectionnement et humblement, que ces bons offices n'ont origine que de vostre bonté et courtoysie, laquelle je vous supplie de vouloir exercer en toutes telles occasions qui m'arrivent plus souvent que je ne desirerois pas, plusieurs Praelatz de France me faysant l'honneur de m'aymer et de me vouloir visiter, encor qu'ilz ne me connoissent pas, ains peut estre par ce qu'ilz ne me connoissent pas..

  A017001854 

 Et en verité, onques il ne m'est advenu d'avoir esté seulement essayé par homme qui vive, ni qui ayt esté, de ce costé lâ; qui me rend d'autant plus estonné quand on me dit que les visites de ces seigneurs ecclesiastiques sont considerees comme suspectes, ne pouvant seulement deviner ni pourquoy ni en quoy, puisque mesme je suis en toutes façons savoyard, et de naissance et d'obligation, qui n'ay, ni n'eu jamais, ni pas un des [186] miens, ni office, ni benefice, ni chose quelcomque hors de cet Estat, et qui ay vescu tellement lié aux exercices ecclesiastiques, qu'on ne m'a jamais treuvé hors de ce train, et qui suis meshuy tantost envielly dans la naturelle et inviolable fidelité que j'ay voüee et juree a Son Altesse..

  A017001854 

 Mays, Monsieur, ce sont visites de simple pieté et affection spirituelle, n'ayant, graces a Dieu, jamais rien eu a demesler avec homme du monde, ni ne m'estant jamais meslé de chose quelcomque qui regarde les affaires seculieres.

  A017001855 

 Or, Monsieur, je vous donne la peine de lire tout ceci, affin que sil vous plait de me favoriser en ces occurrences, vous sachiés ces generalités de mes conditions, qui sont fondaments, comme je croy, bien solides pour bastir sur iceux les defenses dont j'auray besoin si ce malheur continue, qui m'a des-ja si souvent fasché, tous-jours sans ma coulpe, graces a Dieu, ainsy que le tems a fait voir, qui, de plus en plus, descouvrira l'invariable ingenuité et franchise que j'ay en mon devoir de sujettion naturelle envers la coronne sous laquelle je suis nay et nourri..

  A017001885 

 Je receu l'autre jour une lettre de monsieur le Marquis d'Aix, par laquelle il me dit que le sieur Charriere se resoult a vous rendre toutes les satisfactions possibles, telles qu'elles seront advisees par ceux qui prendront la peine de vouloir terminer l'affaire; et que sur cela, il vous avoit fait prier de vouloir ouïr les propositions, selon que je luy avois fait entendre que vous les ouïries, et feries ce que vos principaux parens et amis vous conseilleroyent; qui est, a mon advis, ce que nous resolusmes lhors que nous eusmes le bien de vous voir.

  A017001885 

 Je vous supplie donq qu'il vous playse faire ainsy, puisque vous ne pouves jamais faillir de vous rapporter a vos amis, et que cela obligera quantité de personnes a croire de vostre cœur beaucoup de bien et les contentera.

  A017001899 

 Vous mesme, ma tres chere Mere, sçavés bien que la sainte unité que Dieu a faite est forte plus que toute separation, et que les distances des lieux n'ont point de pouvoir sur elle.

  A017001907 

 C'est pour vous dire, ma tres chere Fille, que je vous escris sans loysir, et neanmoins je vous veux respondre aux deux questions que vous m'aves faites ci devant, car je voy bien que pour neant j'attens les commodités de mieux faire, puisque je suis destiné au continuel accablement du tracas..

  A017001907 

 Demain je vay consoler madame la Comtesse de Tornon sur le trespas de son mari, y estant obligé par le parentage qui est entre nous et par les obligations que j'ay a la memoire du decedé.

  A017001907 

 Je revins hier de Chablaix, ma tres chere Fille, ou, graces a Dieu, j'ay laissé les Peres Barnabites establiz, selon le commandement de Son Altesse et du Prince Cardinal.

  A017001908 

 Et ces desirs accroissent grandement la charité et sanctifient l'ame; ainsy desirent les ames devotes le martire, les opprobres et la croix, quilz (sic) ne peuvent neanmoins obtenir.

  A017001908 

 Les desirs de la premiere sorte s'expriment ainsy: Je desirerois de faire, par exemple, l'aumosne, mais je ne la fay pas, par ce que je n'ay pas dequoy.

  A017001909 

 Les desirs de la seconde sorte s'expriment ainsy: Je desirerois de faire l'aumosne, mais je ne la veux pas faire.

  A017001910 

 Par exemple, nul serviteur de Dieu ne peut estre sans ce desir: O que je desirerois bien de mieux servir Dieu! helas! quand le serviray-je a souhait? Et par ce que nous pouvons tous-jours aller de mieux en mieux, il semble que les effectz de ces desirs ne sont empeschés que faute de resolution; mays il n'est pas vray, car ilz sont empeschés par la condition de cette vie mortelle, en laquelle il ne nous est pas si aysé de faire que de desirer.

  A017001913 

 Celles qui sont tendres des imaginations messeantes, es meditations de la Vie et de la Mort du Sauveur, doivent, tant qu'elles peuvent, se representer les misteres simplement par la foy, sans se servir de l'imagination.

  A017001913 

 Et lhors que les imaginations deshonnestes veulent naistre, il faut se revancher et destourner par des affections procedantes de la foy.

  A017001914 

 J'escriray un'autre fois a ma Seur Peronne Marie et puis a ma Seur Marie Aymee, et ce pendant je salue leur dilection, que je prie de me bien recommander a Nostre Seigneur, comm'aussi ma Seur Françoise Hieronime et toutes les autres Seurs que je cheris extremement en la Croix du Sauveur.

  A017001934 

 Je vous escris emmi les affaires du Sinode, c'est a dire precipitamment.

  A017001935 

 Et quant aux effectz, il faut s'essayer de payer premierement les dettes privilegiés, comme je pense estre celuy des medecins, qui, comme mercenaires, demandent leurs gages, entant quil se treuvera deu.

  A017001967 

 Les Peres Barnabites sont establiz a Tonon; reste de les y conserver, et pour cela il est requis que le prieuré de Contamine, sur lequel leur entretenement est principalement assigné, soit mis en asseurance pour eux et delivré de la conteste que le seigneur Abbé Scaglia en fait; ce que la prudence de Vostre Altesse fera fort aysement par les moyens convenables.

  A017001967 

 Les graces que la bonté de Vostre Altesse nous a faites me donnent confiance d'en requerir tous-jours des nouvelles, puisque mesme elles tendent toutes a la gloire de Dieu, que vostre pieté ne se lasse jamais de servir et accroistre.

  A017002003 

 J'envoie à Votre Seigneurie le Mémoire touchant le mode qui me semble plus convenable pour obtenir la conversion des hérétiques; toutefois, comme il présuppose de toute façon que les princes jouissent [198] de la paix, ce n'est pas le moment de le proposer: aussi, je vous demande que jamais personne ne sache que ce Mémoire est venu de moi.

  A017002004 

 Elles vivent toutes ensemble et en communauté, sous l'obéissance d'une Supérieure élue par elles tous les trois ans; observent strictement cette obéissance, s'adonnent [199] chaque jour à l'oraison mentale, font visiter et secourir avec une charité incroyable, par quelques-unes d'entre elles, les pauvres femmes malades de la ville.

  A017002004 

 En vérité, je puis dire qu'elles sont de très bonne édification pour tous et pour les hérétiques eux-mêmes, lesquels, voyant ou sachant comment elles vivent en cette Maison, confessent que leur genre de vie ne peut venir que de l'Esprit-Saint.

  A017002004 

 Entre autres choses, la Congrégation pratique cette charité, de recevoir les femmes qui, pour la faiblesse de leur complexion ou pour des infirmités corporelles, ne peuvent entrer dans les autres Ordres, pourvu qu'elles aient l'esprit bon et le cœur sincère.

  A017002004 

 Une gracieuse église est attenante à leur maison, avec un chœur intérieur, où elles chantent chaque jour l'Office de la Très Sainte Vierge d'un air si pieux et si doux, qu'elles donnent de la dévotion à tous ceux qui les entendent.

  A017002006 

 J'ajoute encore un point très important: cette [201] Congrégation, n'ayant pas les vœux solennels d'obéissance, chasteté et pauvreté, bien que ces trois vertus s'y observent strictement, n'est pas un Ordre religieux formel, mais une Congrégation d'Oblates.

  A017002006 

 Sa Sainteté aimerait peut-être qu'on en fît un Ordre religieux, avec l'obligation de la clôture selon les prescriptions du Concile de Trente; cela me serait très facile, pourvu qu'Elle voulût bien agréer que les choses fussent déterminées suivant le Mémoire..

  A017002008 

 J'ai reçu jusqu'ici les soixante-quinze ducatons pour M. Desplans; [202] lorsque j'aurai reçu les vingt-cinq autres, j'enverrai une attestation de la réception et du déboursement que j'aurai fait de ces cent ducatons..

  A017002009 

 Toutes ces lettres seront envoyées à Votre Seigneurie pour qu'elle les utilise selon qu'elle le jugera nécessaire..

  A017002010 

 Cependant, je ne vois pas qu'il y ait une cause légitime pour soulever ces difficultés; car, puisqu'on accorde si libéralement des Indulgences aux Associations pieuses, à plus forte raison devra-t-on les concéder à une Congrégation d'une si grande perfection..

  A017002023 

 De ceux ci il s'en faut servir, il les faut assujettir, et non pas vivre selon iceux; mais ces vertus spirituelles, il les faut servir et leur faire asservir tout le reste..

  A017002023 

 Vivre selon l'esprit, ma bienaymee Fille, c'est penser, parler et operer selon les vertus qui sont en l'esprit, et non selon les sens et sentimens qui sont en la chair.

  A017002025 

 Voyes vous, ma Fille, le sens humain appuyé sur la chair fait que maintes fois nous ne nous abandonnons pas asses entre les mains de Dieu, nous estant advis que, puisque nous ne valons rien, Dieu ne doit tenir conte [205] de nous, parce que les hommes qui vivent selon la sagesse humaine mesprisent ceux qui ne sont point utiles; au contraire, l'esprit appuyé sur la foy s'encourage emmi les difficultés, parce qu'il sçait bien que Dieu ayme, supporte et secourt les miserables, pourveu qu'ilz esperent en luy.

  A017002026 

 Une Seur est bien douce et aggreable, je la cheris tendrement; elle m'ayme bien, elle m'oblige fort, et je l'ayme reciproquement pour cela: qui ne void que je l'ayme selon les sens et la chair? car les animaux, qui n'ont point d'esprit et n'ont que la chair et les sens, ayment leurs bienfaiteurs et ceux qui leur sont doux et aggreables.

  A017002028 

 Et quand je dis faire les pensees, j'entens des pensees volontaires.

  A017002028 

 Je suis mesprisee et je m'en fasche: si font bien les paons et les singes; je suis mesprisee et je m'en resjouis: les Apostres faisoyent ainsy.

  A017002028 

 Je suis triste, et partant je ne veux pas parler: les charretiers et les perroquetz font ainsy; je suis triste, mais puisque la charité requiert que je parle, je le feray: les gens spirituelz font ainsy.

  A017002028 

 Ma chere Fille, vivre selon l'esprit, c'est faire les actions, dire les paroles et faire les pensees que l'esprit de Dieu requiert de nous.

  A017002029 

 Soyes toute asseuree que Dieu vous aydera, reposes vous en toute occurrence entre les bras de sa misericorde et bonté paternelle.

  A017002039 

 Et par son advis, vous presenteres ces cahiers a monsieur Meschatin la Faye, vicaire general en l'archevesché de Lion, et a d'autres Docteurs; car, comme je me connois et suis tres fautif, et que j'ay peu [209] de loysir pour revoir mes petitz ouvrages, certainement je desire et supplie tres instamment qu'ilz soyent veus a loysir et charitablement examinés par les doctes serviteurs de Dieu..

  A017002039 

 Vous remettres nos pauvres cahiers aux pieds de [208] Monseigneur l'Archevesque, s'il est au lieu et en loysir, et s'il veut s'appliquer a cette lecture; sinon, vous les remettres entre les mains de monsieur de Ville, docteur en sainte theologie, deputé pour l'approbation des livres.

  A017002060 

 Si vous venés pour toute cette semaine, ou du moins parmy les festes, je pense que vous treuveres M. Bonfilz; si moins, il me faudroit envoyer la cedule, et je verrois si je pourrois tirer le payement que vous desirés..

  A017002090 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des convenances, des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaite obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour propre ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut ajouter la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creee? La distance et la presence n'apporteront jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A017002091 

 Quand sera ce que nous serons tous destrempés en douceur et suavité envers nostre prochain? Quand verrons-nous les ames de nos prochains dans la sacree poitrine du Sauveur? Helas! qui regarde le prochain hors [213] de la, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mays la, mays en ce lieu la, qui ne l'aymeroit? qui ne le supporteroit? qui ne souffriroit ses imperfections? qui le treuveroit de mauvaise grace? qui le treuveroit ennuyeux? Or, il y est ce prochain, ma tres chere Fille, il y est dans le sein et dans la poitrine du divin Sauveur; il y est comme tres aymé et tant aymable, que l'Amant meurt d'amour pour luy, Amant duquel l'amour est en sa mort et la mort en son amour..

  A017002114 

 Faites doucement les insensibles acquiescemens de vostre nudité; ne faites plus d'effortz, soulagés vostre cors suavement.

  A017002123 

 Ma tres chere Mere, il est vray, vostre imagination a tort de vous representer que vous n'aves pas osté et quitté le soin de vous mesme et l'affection aux choses spirituelles; car n'aves vous pas tout quitté et tout oublié? Dites ce soir que vous renonces a toutes les vertus, n'en voulant qu'a mesure que Dieu vous les donnera, ni ne voulant avoir aucun soin de les acquerir qu'a mesure que sa Bonté vous employera a cela pour son bon playsir..

  A017002124 

 N'ayes plus d'autres bras pour vous porter que les siens, ni d'autre sein pour vous reposer que le sien et sa providence; n'estendes vostre veuë ailleurs et n'arrestes vostre esprit qu'en luy seul; tenes vostre volonté si simplement unie a la sienne en tout ce qu'il luy plaira faire de vous, en vous, par vous et pour vous, et en toutes choses qui sont hors de vous, que rien ne soit entre deux.

  A017002125 

 Je sens insensiblement au fond de mon cœur une nouvelle confiance de mieux servir Dieu en sainteté et justice tous les jours de ma vie; et si, je me treuve aussi nu, graces a Celuy qui est mort nu pour nous faire entreprendre de vivre nus.

  A017002132 

 Bienheureux sont les nus, car Nostre Seigneur les revestira..

  A017002140 

 Vostre cœur sera pur, ma chere petite Fille, puisque vostre intention est pure, et les pensees vaines qui vous [220] surprennent ne le sçauroyent souiller en sorte quelcomque.

  A017002141 

 Mays neanmoins, ce divin Sacrement est principalement institué affin que nous receussions le cors et le sang de nostre Sauveur, avec sa vie vivifiante: comme les habillemens couvrent principalement le cors de l'homme, mais parce que l'ame est unie au cors, ilz couvrent par consequent l'ame, l'entendement, la memoire et la volonté.

  A017002142 

 Ma chere Fille, ces divins Espritz vous apprendront comme vous feres pour bien celebrer ces jours solemnelz, et sur tout l'amour interieur qui vous fera connoistre combien est grand l'amour de nostre Dieu qui, pour se rendre plus nostre, a voulu se donner en viande pour la santé spirituelle de nos cœurs, affin que, les nourrissant, ilz fussent plus parfaitz..

  A017002142 

 Voyons bien en esprit les saintz Anges qui environnent ce tressaint Sacrement pour l'adorer, et en cette sainte [221] octave respandent plus abondamment des inspirations sacrees sur ceux qui, avec humilité, reverence et amour, s'en approchent.

  A017002152 

 En sorte que celles qui communient plus souvent n'estiment pas moins les autres qu'elles, puisqu'on s'approche maintes fois plus pres de Nostre Seigneur en s'en retirant avec humilité, qu'en s'en approchant selon nostre goust propre; et celles qui ne communient pas si souvent, ne se laissent point emporter en la vaine emulation.

  A017002152 

 Il les faut affermir, s'il est possible, a ne vouloir pas toutes faire tout ce que les autres font, ains seulement a vouloir tout ce que les autres veulent: c'est a dire, a ne faire pas toutes les mesmes exercices, fors ceux de la Regie, ains que chacune marche selon le [222] don de Dieu; mais que toutes ayent cette unique et simple pretention de servir a Dieu, ayant ainsy toutes une mesme volonté, une mesme entreprise, un mesme projet, avec une grande resignation d'y parvenir une chacune selon les moyens que la Superieure et le Pere spirituel jugeront expediens.

  A017002162 

 J'ay bien receu toutes vos lettres, et eusse respondu si ceux qui les ont apportees m'en eussent donné la commodité.

  A017002166 

 Je m'asseure que nostre Mere vous escrira qu'il faut faire traitter Charles par les medecins, affin que l'enfleure de son ventre ne prenne pas suite; pour le reste, il se porte bien..

  A017002175 

 Quant a la chere fille, je ne m'en metz pas fort en peine, quoy que je luy desire fort le bonheur auquel elle a esté appellee; car d'un costé, j'espere que Dieu luy redonnera le courage necessaire a l'execution de son inspiration, n'estant pas grande merveille que son ame se soit un peu ralentie parmi les tracas que les mondains luy ont donné, et qu'elle se soit ressentie de la commune condition de l'esprit humain, sujet a la tentation de varier et chanceler lhors quil donne loysir a l'ennemi de l'attaquer; et d'autre part, sil arrivoit que la tentation l'emportast, j'espere qu'elle ne l'emporteroit jamais du tout hors de la resolution qu'ell'a faite de servir fort affectueusement Dieu.

  A017002176 

 Mays, comme je vous dis, si les plus fortz espritz, lhors qu'ilz different beaucoup l'execution de leurs bonnes resolutions, sont tentés de les quiter, il ne faut pas s'estonner que cette chere fille ayt esté touchee de cette attaque, a laquelle j'ay neanmoins bonne esperance qu'elle ne cedera pas enfin; ains, ayant un peu repris haleyne, elle viendra plus forte, plus resolue et plus ardente que jamais.

  A017002208 

 Je seray bien ayse d'accommoder ces deux parties dont vous m'escrives, mais je ne puis les faire venir s'il n'y a requeste de l'une des parties, ou de toutes deux, pour cela..

  A017002244 

 Elle fait prou, la pauvre chere niece, et je croy qu'on l'a mis des hier a l'essay pour commencer tous les exercices..

  A017002272 

 Pour l'absolution de vos pechés de tant d'annees que vous me demandies, ma tres chere Fille, vous deves sçavoir que Dieu, par sa bonté, les aura effacés au mesme instant que vous luy voulustes donner vostre cœur, par la resolution que son inspiration vous fit prendre de ne vivre plus que pour luy.

  A017002283 

 Et vous treuveres les lettres et la Præface mesme de longue datte, par ce que tout estoit prest des la veille de saint Pierre, que le mesme voiturin devoit partir, mais alla despuis retardant jusques a mardi passé; et si j'eusse treuvé commodité plus tost, la chose eut encor esté plus avancée.

  A017002284 

 Et a propos de faute, il y en a deux notables au livre, dont l'une est de l'imprimeur, qui a obmis une ligne entiere; l'autre est de moy, qui ne sçai ou j'avois l'esprit quand j'escrivis les [quatre] vers [qui sont] en la page 725, ligne 8, desquelz je vous envoye la correction, et vous prie qu'en toute façon on les oste pour y mettre [234] ceux que je vous envoye; car ces vers ainsy quilz sont, sont capables de fascher plusieurs lecteurs et les degouster..

  A017002292 

 Je voudrois bien avoir un livre intitulé: Adagia [235] sacra Martini del Rio, Societatis Jesu; je croy que M. Cardon les a imprimés..

  A017002294 

 Si je ne vous escris plus avant vostre depart, je vous prie de saluer le R. P. Recteur et le P. Grangier, et les PP. Monet et Fichet; item, le P. Philippe, monsieur de Saint Nizier et tous ceux qui me font la faveur de m'aymer..

  A017002296 

 Si monsieur de Medio n'avoit pas achetté les litz pour mes nieces, je le prie de ne les pas achetter encor jusques a ce que je luy escrive.

  A017002297 

 Pour les autres a qui je desire qu'on en presente, comme la [237] Reyne et quelques Princesses, cela se fera a loysir, et suffit que ce soit avant que ces Traittés se publient a Paris..

  A017002333 

 Et, pour conclure d'un mot, elles me paraissent rappeler ces femmes dont saint Grégoire de Nazianze parle en termes si magnifiques à Hellénius, n'hésitant pas à les appeler de célestes et très belles étoiles du Christ.

  A017002333 

 Sans que leur Règle les assujetisse à la clôture, la ferveur de leur âme la leur fait observer presque perpétuelle, car il leur faut des raisons très graves et très saintes pour mettre le pied hors de leur maison.

  A017002335 

 Et comme l'Archevêque faisait remarquer l'avantage qu'il y aurait à les amener tout d'abord à embrasser une Règle religieuse parmi celles que l'Eglise a approuvées, avec la clôture et les vœux solennels, je me suis, moi aussi, facilement rallié à cette opinion, tant à cause de l'autorité particulière qu'a sur moi ce grand personnage, de son expérience et de sa piété bien connues de tous, qu'à cause de la gloire attachée à ce titre d'Ordre religieux dont il semble que ces Congrégations, d'ailleurs très pieuses, recevraient un grand lustre.

  A017002335 

 Et nous étant mis à l'œuvre, ce fut merveille que la douce et facile inclination de cœur vers l'obéissance que nous rencontrâmes chez les Sœurs..

  A017002336 

 Les devoirs religieux qui remplissent leur vie n'ont que trois [241] particularités, mais qui leur tiennent extrêmement à cœur, et dont la concession par le Siège Apostolique enlèverait à ce changement d'état tout ce qu'il pourrait avoir de dur ou d'amer.

  A017002336 

 Or, ces particularités sont de telle nature, qu'à mon avis, elles ne s'opposent nullement à la clôture et à l'état religieux des Instituts de femmes, et que, si nous en croyons les gens les plus au courant de notre situation en France, elles y auraient pour effet, non d'amoindrir la piété, mais plutôt de l'exciter grandement..

  A017002337 

 C'est en effet une grande pitié que la prononciation que l'on entend dans la plupart des monastères de femmes, et dont l'étrangeté va jusqu'à exciter le rire chez des auditeurs d'ailleurs bien disposés, et la moquerie, sinon le scandale, chez les demi-savants et les hérétiques..

  A017002337 

 Cela est d'autant plus digne d'être pris en considération, que, de toutes les femmes du monde entier, il n'en [242] est point qui prononcent le latin aussi défectueusement que les françaises, à qui il serait vraiment impossible, dans une telle variété d'Offices, de Leçons et de Psaumes, d'observer exactement les lois de l'accentuation et de la prononciation.

  A017002338 

 Un second point, c'est la permission qu'elles accordent à des veuves de venir, pendant des années parfois, habiter avec elles, en costume séculier, très modeste il est vrai, pour se livrer aux pieux exercices de la Congrégation; et cela, non pas sans doute à toutes les veuves, mais à celles-là seules qui, désireuses d'entrer en Religion, et, en attendant, songeant d'une manière sérieuse à donner congé au siècle et aux sollicitations matrimoniales, cherchent prudemment à cacher ce trésor de la chasteté, qu'elles portent dans des vases fragiles, de crainte que, le portant en leurs mains sous le regard des enfants des hommes, elles ne l'exposent à devenir la proie des voleurs.

  A017002339 

 Elle présente même beaucoup moins de péril que celle qui, dans la plupart des monastères les plus pieux, permet aux Sœurs converses d'aller et de venir pour des raisons d'affaires; et la difficulté n'y est guère plus grande que dans la coutume, pourtant généralement admise, de recevoir des jeunes filles dans les monastères pour y faire leur éducation.

  A017002339 

 Et voici la raison de ce désir: telle est, dans ces pays-ci, la liberté hardie des hommes à harceler les veuves, même les plus pieuses, de leurs conversations et provocations mondaines, que celles qui veulent pratiquer la véritable viduité, ont de la peine à le faire en toute sécurité; à quoi on obvie très heureusement par ce moyen.

  A017002340 

 Outre les veuves dont nous venons de parler et qui se proposent sincèrement de renoncer au siècle, il leur arrive aussi d'admettre des femmes engagées dans les liens du mariage, qui, voulant entreprendre une vie nouvelle dans le Christ, et faire, avec la préparation de quelques exercices spirituels, ce qu'on appelle une confession générale, ont besoin de se retirer pour plusieurs jours en quelque lieu éloigné des bruits du monde.

  A017002340 

 Quels fruits abondants produit cette sainte et courte hospitalité, on ne saurait assez le dire; car ce n'est pas là seulement une question de repos, mais de condescendance au sentiment de pudeur, de réserve et d'honnêteté, naturel à leur sexe, que l'on ménage en les mettant en rapport avec leurs confesseurs par une petite fenêtre munie d'un treillis de fer, pratiquée tout exprès pour les confessions des Sœurs; là, elles reçoivent des enseignements salutaires qu'elles peuvent ensuite, avec quelqu'une des Sœurs, méditer à loisir..

  A017002341 

 Or, s'il existe des raisons de piété qui autorisent les femmes à franchir de temps en temps la clôture des couvents de Religieuses (et il en existe), il convient de compter ces deux-là parmi les [245] principales, à condition toutefois qu'on n'en use qu'avec l'approbation écrite de l'Ordinaire ou de son vicaire général, et pour autant que ces pratiques ne porteront aucun préjudice à la discipline régulière.

  A017002341 

 Que s'il est permis de tirer du passé des conjectures pour le présent et pour l'avenir, il n'est certainement rien de plus saint, rien de plus utile; aussi faut-il espérer que, n'ayant eu jusqu'à ce jour que les plus heureux résultats, il en sera de même dans la suite..

  A017002342 

 Au reste, M gr le Révérendissime Archevêque de Lyon possède un intercesseur d'un très grand crédit dans la personne de l'Ambassadeur du Roi très chrétien; et les Sœurs de cette ville peuvent elles-mêmes compter sur les prières très puissantes de la Sérénissime Duchesse douairière de Mantoue qui les aime beaucoup.

  A017002342 

 Vous êtes, en effet, le seul membre de cet auguste Collège apostolique que j'aie l'honneur de connaître; et étant à même d'apprécier parfaitement nos affaires de ce côté des Alpes, vous pouvez faire entendre aux autres que le progrès des choses divines doit être procuré, ici d'une manière, là d'une autre, selon les différences de mœurs et de pays.

  A017002343 

 Aussi, me confiant aux excellentes dispositions de Votre Illustrissime Seigneurie pour les gens de bien et leurs efforts pour le bien, je lui demande instamment et la supplie, m'en rapportant à sa prudence, d'appliquer à la poursuite et au bon succès de cette affaire toute l'autorité qu'elle possède.

  A017002375 

 Le mien et le tien, — ces froides paroles — non seulement on ne les saisit pas sur leurs lèvres, mais elles n'arrivent pas à leur cœur.

  A017002377 

 Pour conclure en peu de mots, ce sont des épouses du Christ, vivantes images de ces illustres dames de l'antiquité chrétienne: les Paule, les Marcelle, les Eustochium, les Mélanie.

  A017002379 

 De plus, on pourvoit également à leur modestie et à leur réserve; car, aux confesseurs appelés, elles accusent leurs péchés à travers les grilles et les petites fenêtres [251] arrangées à cette fin pour les confessions des Sœurs Oblates.

  A017002380 

 Et dans ce genre d'hospitalité non plus, comme on n'a trouvé (vu les mœurs de ces régions) aucun péril, on y a aussi trouvé beaucoup d'avantages..

  A017002381 

 D'autre part, elles récitent ce petit Office facilement, marquant avec une parfaite netteté les mots, les accents [252] et les pauses; ce qui leur serait impossible dans la récitation du grand Office..

  A017002382 

 En quatrième lieu, elles peuvent rejeter les sujets incorrigibles, à la Condition toutefois d'avertir préalablement l'Evêque, d'attendre sa décision, et de restituer à la personne renvoyée tout ce qu'elles en avaient reçu.

  A017002383 

 J'ai proposé tout ceci parce que, si, tout en maintenant ces diverses prescriptions, le Souverain Pontife voulait qu'elles se constituassent en Ordre religieux, je réaliserais facilement son désir en les soumettant à la Règle de saint Augustin et en les réduisant à la clôture selon l'esprit du Concile de Trente..

  A017002384 

 Que du moins Sa Sainteté, qui a la charge de tous et doit se faire tout à tous, daigne leur accorder des Indulgences et en enrichir leur église; qu'Elle daigne les encourager à progresser dans la piété par sa paternelle et Apostolique Bénédiction; car la plupart de ces femmes et de ces vierges sont de haute noblesse et issues de parents [253] illustres, et cette Congrégation tout entière est respectée des hérétiques eux-mêmes, tant sa piété sait triompher de l'obstination des ennemis même de la piété..

  A017002393 

 La longueur du tems que monsieur vostre pere a vescu et les dernieres langueurs qui vous ont, il y a quelque tems, annoncé son trespas et menacé de son absence future, vous auront donné sujet de vous resoudre en la perte du bonheur que vous avies de le sentir encor [254] en ce monde; car en somme, puisque nul n'est exempt de la mort, la plus favorable condition que nous puissions avoir d'elle, c'est quand elle nous laisse longuement jouïr de ceux a qui nous appartenons..

  A017002406 

 Ces bonnes Seurs de la Visitation qui iront la commencer une nouvelle Congregation, ne pourront qu'estre [255] grandement consolees, puisque vous les protegeéres au nom de Monseigneur l'Archevesque de Lyon, par l'authorité episcopale; et loue Dieu de l'affection que vous tesmoignes a ce bon œuvre, duquel j'espere que vous aures contentement.

  A017002423 

 Revu sur le texte inséré dans les Annales de la Visitation de Moulins,.

  A017002430 

 Le service que vous alles rendre a Nostre Seigneur et a sa tres glorieuse Mere, est apostolique; car vous alles [258] assembler, ma tres chere Fille, plusieurs ames en une Congregation, pour les conduire, comme une nouvelle bande, a la guerre spirituelle contre le monde, le diable et la chair, en faveur de la gloire de Dieu; ou plustost, vous alles former un nouvel essaim d'abeilles qui, en une nouvelle ruche, fera le mesnage du divin amour, plus delicieux que le miel..

  A017002431 

 Quand est ce qu' aucun espera en Dieu et qu'il fut confus? La desfiance que vous aves de vous mesme est bonne tandis qu'elle servira de fondement a la confiance que vous deves avoir en Dieu; mais si jamais elle vous portoit a quelque descouragement, inquietude, chagrin et melancholie, je vous conjure de la rejetter comme la tentation des tentations; et ne permettes jamais a vostre esprit de disputer et repliquer en faveur de l'inquietude ou de l'abbattement de cœur auquel vous vous sentires penchee, car cette simple verité est toute certaine: que Dieu permet arriver beaucoup de difficultés a ceux qui entreprennent son service, mays jamais pourtant il ne les laisse tomber sous le faix tandis qu'ilz se confient en luy.

  A017002432 

 La sainte humilité est grande partisane de l'obeissance, et comme elle n'ose jamais penser de pouvoir chose quelcomque, elle pense aussi tous-jours que l'obeissance peut tout; et comme la vraye simplicité refuse humblement les charges, la vraye humilité les exerce simplement..

  A017002433 

 Il faut estre egalement franche a prendre et demander les remedes, comme douce et courageuse a supporter le mal.

  A017002433 

 Qui peut conserver la douceur emmi les douleurs et alangourissemens, et la paix entre le tracas et multiplicité des affaires, il est presque parfait; et bien qu'il se treuve peu de gens, es Religions mesmes, qui ayent atteint a ce degré de bonheur, si est ce qu'il y en a pourtant et y en a eu en tout tems, et faut aspirer a ce haut point..

  A017002434 

 Chacun presque a de l'aysance a garder certaines vertus et de la difficulté a garder les autres, et chacun dispute pour la vertu qu'il observe aysement et tasche d'exagerer les difficultés des vertus qui luy sont malaysees.

  A017002435 

 Tenes bien la balance droitte entre vos filles, a ce que les dons naturelz ne vous facent point distribuer iniquement vos affections et bons offices.

  A017002445 

 Aymés perseveramment vostre propre abjection; cherisses le mespris et caresses les croix que Dieu peut estre permettra vous arriver.

  A017002456 

 Et pour vous affermir en cette creance, a la fin de vostre exercice du matin, desadvoués par une courte et simple aversion toutes sortes de pensees qui sont contraires a l'amour celeste, comme disant: Je renonce a toutes cogitations qui ne sont pas pour vous, o mon Dieu; je les desadvoue et rejette a jamais.

  A017002456 

 Puys, lhors qu'elles vous attaquerons (sic), vous n'aures rien a dire, sinon par fois: O Seigneur, je les ay rejettees, vous le sçaves.

  A017002468 

 Vous estes employee bien jeune a de grandes œuvres: cela vous doit faire humilier profondement, et vous faire resoudre a fidellement obeir aux Regles et a vostre Superieure; car c'est pour [ce] service qu'on vous a choisie, affin que, comme d'autres serviront de bon exemple aux filles plus avancees en aage qui se rangeront a la Congregation, vous servies aussi de patron aux plus jeunes; ce qui est extremement important, car Dieu ayme tres particulierement les premices des annees et desire qu'elles luy soyent consacrees.

  A017002502 

 Les Seurs partirent vandredi, le reste se porte bien et la niece triomphe..

  A017002519 

 Mays voÿés vous, ma tres chere Fille, [268] vous sçaves bien cela, que la Visitation est toute vostre, et nostre Mere et toutes les Seurs, et a madamoyselle de Beaufort, ainsy que vous le jugeres a propos..

  A017002521 

 Helas, ma tres chere Fille, Dieu sçait si je luy souhaite les biens infinis de la paix, consolation et grace du Saint Esprit.

  A017002521 

 Le sieur Bonfilz a esté saysi ce soir passé, environ les onze heures, et mené prisonnier a Chamberi ou Miolans, par ordre de Monseigneur le Prince.

  A017002523 

 Je salue tres humblement madame la Comtesse et mesdames ses filles et les miennes, car il faut dire ainsy..

  A017002533 

 Je considerois au soir, selon la foiblesse de mes yeux, cette Reyne mourante d'un dernier acces d'une fievre plus suave que toute santé, qui est la fievre d'amour, laquelle, desseehant son cœur, en fin l'enflamme, l'embrase et le consomme, de sorte qu'il exhale son saint esprit, lequel s'en va droit entre les mains de son Filz.

  A017002537 

 ainsy que nous dirons Dimanche, jour auquel je nasquis, avec cette gloire que ç'a esté entre les octaves de cette grande Assomption.

  A017002546 

 Il ne faut jamais, certes, Monsieur, puisque j'ay lhonneur que vous soyes mon tres cher filz, il ne faut point faire d'excuses quand vous ne m'escrives pas; car je ne puis non plus douter de vostre amour filial envers moy, que je ne puis vivre sans sentir continuellement dedans mon cœur les eslans de l'amour paternel envers vous.

  A017002546 

 Les defiances n'ont point de lieu ou l'amour est parfait.

  A017002546 

 [271] Mays il est vray toutefois, Monsieur mon Filz, que vos lettres m'apportent tous-jours une delectation extreme, y voyant, ou du moins entrevoyant, les traitz de vostre bonté naturelle et de la sainte charité de vostre ame, qui produit et nourrit la douceur de vostre dilection filiale que vous respandes sur moy et qui me remplit de suavité.

  A017002547 

 Et moy ce pendant, Monsieur mon tres cher Filz, affin de suppleer en quelque sorte les defautz que le manquement de commodités me pourroyent (sic) faire faire de vous escrire souvent, je vous envoye le livre de l' Amour de Dieu que j'ay n'a guere exposé aux yeux du monde; et vous supplie que si quelquefois l'affection que vous aves pour moy, vous donnoyt quelque desir d'avoir de mes lettres, vous prenies ce Traitté et en lisies un chapitre, vous imaginant que s'il y a point de Theotime au monde auquel s'addresse (sic) mes paroles, vous estes celuy entre tous les hommes, qui estes mon plus cher Theotime..

  A017002549 

 Nous avons icy despuis trois jours Monseigneur le Prince de Piemond, qui me fit lhonneur de venir descendre chez moy tout a l'improuveu, estant venu par les postes, luy septiesme; despuys, il a esté logé au chasteau.

  A017002549 

 Vous sçaures, je m'asseure, avant la reception de la presente, les causes de sa venue..

  A017002550 

 Reste, Monsieur mon tres cher Filz tres honnoré, que je vous souhaite toutes les benedictions celestes; et c'est la respiration ordinaire de mon cœur, puisque j'ay la faveur et le bonheur d'estre advoüé vostre Pere, et que je dois estre et suis a jamais,.

  A017002556 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait à Evian, chez les Missionnaires.

  A017002595 

 J'offre a Vostre Altesse un Traitté de l'Amour de Dieu que j'ay mis en lumiere ces jours passés; non que je l'estime digne des yeux d'un si grand Prince, mays affin qu'en ce que je puis, je face hommage a Vostre Altesse luy presentant les fruitz de mes labeurs, comme issus d'une personne qui ne pensera jamais d'avoir rien de plus cher en ce monde que l'honneur d'estre advoüé,.

  A017002608 

 Je les salue, ces tres cheres filles, en l'amour de la tres sainte Vierge, sur le berceau de laquelle je les invite de jetter tous les matins des fleurs pendant cette sainte octave: des saintz soucys de la bien imiter, des pensees de la servir a jamais, et sur tout des lis et des roses de pureté et ardente charité, avec les violettes de la tres sacree et tres desirable humilité et simplicité..

  A017002619 

 Mays j'apprens par lettres venues de Lyon, que vous estes malade, et un peu mesme estonnee de n'avoir pas [277] treuvé les choses en si bons termes comme nostre desir nous le faysoit imaginer.

  A017002619 

 Ne vous degoustes point, ma chere Fille, et ne laisses point affoiblir vostre esprit entre les contradictions.

  A017002620 

 Mais il faut que je vous die naïfvement ce que je crains plus que tout en cette occurrence: c'est la tentation des aversions et repugnances entre vous et nostre [Sœur des Gouffiers], car c'est la tentation qui arrive ordinairement es affaires qui dependent de la correspondance de deux personnes; c'est la tentation des anges terrestres, puisqu'elle est arrivee entre les plus grans Saintz, et c'est nostre imbecillité, de tous tant que nous sommes enfans d'Adam, qui nous ruine, si la charité ne nous en [278] delivre.

  A017002622 

 Je salue tres cordialement nos cheres Seurs, et les conjure de prier Dieu pour mon ame, inseparable de la vostre et des leurs en la dilection qui est selon Jesus, nostre Sauveur..

  A017002631 

 Estouffés les en leur naissance; tenes vostre charité bandee et tenes pour suspect tout ce qui sera contraire a l'union, au mutuel support, a la reciproque estime que vous deves avoir les unes envers les autres.

  A017002631 

 Nostre Mere vous dira peut estre, si elle en a le lovsir, la crainte que j'ay que les renardeaux n'entrent dans cette petite nouvelle vigne pour la demolir; je veux dire les aversions et repugnances, qui sont les tentations des Saintz.

  A017002632 

 [280] Vives toute dans les entrailles de la charité divine, ma tres chere Fille, a qui je suis de tout mon cœur.

  A017002669 

 Ce jeune homme de cette ville allant a Tolose pour y estudier en droit, je ne puis que je ne vous salue tres [283] humblement par la commodité quil me donne de vous faire presenter ces quatre lignes, auxquelles je joins une lettre de nostre grand amy, que j'aurois bien apprehension d'envoyer avec les marques d'avoir esté declose (comme en effect elle me fut rendue telle), si je n'estois asseuré de la confiance que vous aves en ma fidelité.

  A017002686 

 Mays il y faut tant de secret, que je ne les veux pas escrire..

  A017002698 

 Et puis que le P. Recteur propose un expedient, il le faut prendre tel quil le dit, hormis qu'apres avoir envoyé a vostre choix ce qui sera plus propre pour cette Mayson-la et pour Rion, vouloir encor faire faire des absences a nostre Mere, c'est dire quil faut demanteler cette Mayson et la laisser a la merci des vens; car, comme vous sçaves, il y a peu de Meres et beaucoup de filles, [287] dont les unes sont des-ja venues, les autres viendront au premier jour, et il faut une Mere icy qui suffise a tout; laissant a part les grandes bonnes affaires qui sont par deça pour cette Congregation, ausquelles nostre seule Mere peut respondre..

  A017002699 

 Ce pendant donq, supportes, ma tres chere Fille, le fardeau que vostre bonne volonté au service de Dieu vous a fait desirer et prendre sur vos espaules, lesquelles seront asses fortes pour cela si vous vous appuyes un peu sur la Croix de Nostre Seigneur, en laquelle il a porté sur les siennes le faix de tant d'iniquités et miseres.

  A017002699 

 Si vous juges avec le P. Recteur quil soit expedient que vous venies vous mesme, nous vous verrons, et parlerons plus clairement des raysons que nous avons de ne vouloir pas meshuy multiplier les familles de cette Congregation, jusques a ce que nous ayons des meres de famille convenables.

  A017002717 

 Les aversions et repugnances dequoy on nous escrit nous exercent un peu.

  A017002729 

 Il y a quelques jours que Son Altesse fit un' assemblee pour prendre les resolutions convenables a la reparation des Monasteres, tant en ce qui regarde les bastimens temporelz qu'aussi en ce qui regarde l'edifice spirituel de la discipline reguliere..

  A017002730 

 Et quant a la premiere, sadite Altesse a ordonné que, venant a vaquer des prebendes, on les retienne vaquantes jusques a ce que autrement soit prouveu.

  A017002740 

 Revu sur une copie conservée à Rome, dans les Archives des RR. PP. Barnabites.

  A017002766 

 Veuillez donc vous prévaloir, pour les confessions et absolutions de ces âmes, de l'autorité que Dieu m'a donnée, et que très volontiers [292] je vous communique et dépars dans la mesure où votre prudence le jugera nécessaire à la gloire de Dieu et au salut du prochain, afin qu'avec plus d'ardeur vous employiez le talent sacré que le Seigneur vous a confié..

  A017002784 

 Je vous supplie de me faire la charité que je puisse avoir la lettre que Son Altesse a accordee au Vice Legat d'Avignon, en recommandation de l'affaire que la Sainte Mayson de Thonon, mon Chapitre et moy y avons, sur le sujet des places du college d'Annessi, ou de Savoye, fondé audit Avignon, qui appartient a la nation de Savoye, affin que nous soyons remis en possession de les avoir.

  A017002813 

 Les Religieux de Talloyres sachans que le fermier de [296] leur Prieur commendataire a promis de fournir trois cens couppes de froment pour l'armee, et qu'il prætend a cet effect employer le bled de sa ferme, ilz supplient tres humblement Vostre Altesse qu'il luy playse de commander qu'avant toute chose les præbendes destinees a la nourriture des Religieux seront reservees, affin que le divin service soit continué, attendu que ledit fermier n'a peu promettre ce qui est aux Religieux.

  A017002829 

 Le college d'Annessi fondé en Avignon recourt par un sien deputé, natif de Chamberi, a nostre Saint Pere le Pape affin d'obtenir de Sa Sainteté quelque digne remede contre les desordres qui y sont survenus au prejudice des sujetz de Vostre Altesse, qui est le mesme sujet pour lequel elle avoit escrit ces jours passés au Vice Legat du comtat d'Avignon; qui me fait la supplier tres humblement d'employer pour ce bon œuvre la mesme faveur a Romme qu'elle avoit accordé pour Avignon..

  A017002855 

 L'un a esté, que il y a environ sept a huit ans, que Sa Sainteté accorda a sadite Altesse la decime de six ans sur le clergé de ses Estatz, de laquelle comme Son Altesse n'a rien exigé, aussi ne nous l'a elle pas encor quitté; de sorte qu'a bon compte nous luy donnons celle ci, bien que nous ne l'ayons pas fait sonner, de peur que cela n'esmeut les humeurs de messieurs les financiers de vouloir ci apres exiger le reste, car ce sont des gens grandement esveillés pour telles occasions..

  A017002856 

 L'autre motif est que les Docteurs limitent le chap. Clericis, in 6.

  A017002856 

 de Immunitate Ecclesiarum, a ce qu'il n'opere pas es cas de quelque grande necessité publique; car alhors, les laicz estantz espuisés et ny ayant pas loysir [300] de recourir au Pape, l'Evesque peut ordonner une contribution aux clercz de son diocæse, ainsy que remarque Sylvester en sa Somme, verbo Immunitas, primo [cap.,] § 20, qui incipit: « Quartum.

  A017002882 

 J'espere d'aller bien tost faire la reverence a Son Altesse, car voyci le tems de l'Advent qui m'appelle a Grenoble, ou je ne dois m'acheminer qu'apres avoir demandé les commandemens d'icelle; et j'auray alhors le contentement de vous voir et d'apprendre plus particulierement les circonstances de ce traitté, la nouvelle duquel me fait escrire un mot a monsieur de Monthouz, affin quil face expedier l'affaire des Dames de la Visitation tandis que le beau tems dure et qu'on peut prendre la mesure des bastimens..

  A017002901 

 Mais je voy bien, chere Fille, qu'il est un peu malaysé d'avoir soin du mesnage en une mayson ou il y a mere et pere; car je n'ay jamais veu que les peres, et sur tout les meres, layssent le gouvernement entier aux filles, encor que quelquefois il seroit expedient.

  A017002901 

 Pour moy, je vous conseille de faire le plus doucement et sagement que vous pourres ce qui vous est recommandé, sans [305] jamais rompre la paix avec le pere et cette mere; car il vaut mieux que les affaires n'aillent pas si bien, et que ceux a qui l'on a tant de devoir soyent contens.

  A017002904 

 Faites bien la sainte orayson; jettes souvent vostre cœur entre les mains de Dieu, reposés vostre ame en sa Bonté et mettes vostre soin sous sa protection, soit pour le voyage du cher mary, soit pour le reste de vos [306] affaires.

  A017002948 

 Et pour l'assignation de cette somme-la, monsieur de Monthouz me dit avant hier que Son Altesse avoit accordé le rappel des galeres en faveur d'un certain notaire ou chatelain, que je pense estre du quartier d'Aiguebelle, a la charge quil donneroit les troys cens ducatons dont il est question pour cett'œuvre pie, et qu'il serviroit deux ans aux bastimens de la Sainte Mayson de Thonon.

  A017003001 

 Estant obligé de souhaiter l'advancement aux lettres et a la vertu de Nicolas Grillet, qui m'appartient en parentage, et le voyant maintenant sur les rangs pour entrer au cours de la sainte theologie, je supplie vostre charité de luy estre propice et l'assister de vostre soin et faveur speciale, affin quil puisse reuscir tel que nous desirons le voir un jour, propre a servir Dieu et la sainte Eglise en ce diocese, ou il importe tant, a cause du voysinage..

  A017003021 

 Seulement y voy-je une tare: que vostre desir d'animer un chacun au saint amour, vous a rendu trop favorable a la bonne volonté que j'ay eue d'y exciter les nations de la langue françoise, par le Traitté que j'ay nagueres mis en lumiere, lequel je suis pourtant bien ayse qu'il vous aggree, estimant que vostre jugement luy pourra donner acces et rendre ses documens plus utiles a plusieurs ames..

  A017003032 

 Voyla les lettres; mais j'ay oublié de vous dire, ma tres chere Mere, que quand monsieur le President vous parlera des maysons et que vous viendres a traitter de l'estimation des maysons, il seroit bon d'obtenir de luy qu'assemblant les expertz, il leur face prester serment, et leur fasse prendre les resolutions, parties absentes..

  A017003056 

 C'est tous-jours quand je puis, ma tres chere Mere, que je vous escris, et voyci la quatriesme, aussi courte que les autres, comm'estant escritte entre deux sermons: l'un que je viens de faire en l'eglise cathedrale, delaquelle Nostre [Dame] est le Patron, et l'autre que je vay faire dans trois heures, en un'eglise, hors ville, ou le tiltre est avec Indulgence pleniere.

  A017003056 

 Ce sont nos nouvelles, et je benis Dieu pour les vostres..

  A017003057 

 Je salue vos hostesses du tems de vostre lettre, si vous [318] les revoyes, madame de Monthouz et les autres.

  A017003076 

 Je n'ay garde que je n'employe cette si bonne commodité de vous bayser les mains, quand ce ne seroit que [319] pour vous remercier tres humblement de l'honneur que je receus de monsieur de Montmorency en son passage par cette ville, puisquil me declara que vous luy avies donné l'affection de me le faire, par l'honnorable mention que vous luy avies quelquefois fait de moy.

  A017003076 

 Je suis tous-jours honteux quand je pense a l'exces de la faveur que ce seigneur me fit, et confus dequoy ayant esté a son logis pour luy faire la reverence et espié toutes les commodités qu'il pouvoit y avoir, je n'ay peu onques avoir ce bonheur.

  A017003089 

 Soyes genereuse, allegre et suave en cet exercice, et vous y treuveres abondamment les graces de nostre bon Dieu, ainsy que je l'en prie de toute mon ame qui cherit la vostre tres parfaitement..

  A017003123 

 Sur la vacance d'un canonicat de nostre Eglise, au (sic) voys du Chapitre se sont presentés deux personnages [325] ..., l'un et l'autre desirés de cette compaignie; et apres l'election faite en faveur de l'un, il est resté audit Chapitre un grand desir de pouvoir encor avoir l'autre, pour les bonnes qualités qui sont en luy.

  A017003124 

 Or, je croy que vous ne douteres pas que sil vous [326] playsoit de la garder et nous faire jouir du fruit de vostre residence, nous ne le souhaitassions plus que toute autre chose; mays puisque elle vous est tout a fait inutile, et a l'Eglise, presupposé la resolution que vous aves faite, je pense que vous treuveres bon nostre desir et le seconderes, comme juste quil est, selon Dieu et les loix.

  A017003145 

 En voyci un'autre: M. de la Roche desireroit mettre sa seconde fille en la Congregation et constituer sa dote des a present, avec celle de ma Seur Claude Agnes, sur les biens quil vous vend a la charge qu'en cas qu'elle ne perseverast, on rendroit tant.

  A017003145 

 Je n'ay sceu prendre le contentement que je desirois de vous voir moy mesme, occupé par les visites.

  A017003156 

 Et maintenant, deceu en mon attente, je ne puis me contenir que je ne me pleigne de mon malheur et que, pour me soulager au mieux que je puis, je ne vous supplie tres humblement, Monseigneur, que si les occurrences m'esloignent de vostre œïl, il vous playse me tenir præsent en vostre grace, que j'estime l'un des meilleurs et plus desirables honneurs que je puisse posseder en ce monde..

  A017003156 

 L'ors que Vostre Grandeur vint en cette ville, je me treuvay si pressé de l'assignation præfigee pour les sermons de l'Advent a Grenoble, que je ne peu attendre le bonheur de vostre arrivee; dont j'eu un extreme desplaysir, mais addouci neanmoins par l'esperance qui me restoit, qu'a mon retour je pourrois en quelque sorte regaigner cet honneur.

  A017003157 

 Ce pendant, Monseigneur, les Peres Barnabites m'ayant communiqué l'intention que Vostre Grandeur a de faire [330] bastir leur eglise, m'ont aussi donné une grande consolation; car je sçai que Dieu benit ceux qui luy edifient des maisons, qu'il glorifie ceux qui l'honnorent et qu'il donne sejour dans son temple æternel a ceux qui luy en font icy bas des temporelz.

  A017003157 

 Mays en particulier, Monseigneur, je vous en fay tres humble remerciment au nom de tous ceux qui, estans vos tres humbles et tres obeissans sujetz et serviteurs, sont mes diocæsains, ausquelz je ne manqueray pas de representer la singuliere redevance qu'ilz en auront a vostre pieté; non plus que ces bons Peres ne manqueront pas de rendre memorable a toute leur illustre et devote Congregation la grandeur des bienfaitz dont vous les aves favorisés, Monseigneur, qui n'aves pas seulement voulu les recevoir en vostre ville, qui est leur premier logement deça les mons, mais de plus, leur aures basti le lieu sacré qui sera le plus grand moyen de bien rendre le service auquel leur vie est destinee..

  A017003157 

 Tout ce pais, Monseigneur, et les circonvoysins vous en auront un'obligation immortelle; et par ce moyen, Vostre Grandeur adorera et priera Dieu continuellement a jamais, en la personne de ces bons et devotz Religieux et de tous ceux qui, par leur zele, s'assembleront en ce saint lieu pour y sanctifier le nom divin.

  A017003173 

 Vostre Altesse me renvoya une requeste par laquelle elle estoit suppliee, de la part de damoyselle Marceline de Marcilli, ditte Belot, de luy prouvoir sur les promesses que le sieur de Chasse, filz de monsieur le President de Sautereau, luy avoit faites pour mariage, affin que je fisse ce que j'estimerois estre convenable pour ce regard et que je donnasse mon advis a Vostre Altesse sur le contenu de la supplication..

  A017003175 

 Celle ci, comme je m'asseure Vostre Altesse aura des-ja sceu, venoit de faire un enfant d'un estranger quand elle tira promesse de ce jeune gentilhomme; et bien que la charité ayt quelquefois porté des gens de qualité a prendre en mariage des femmes perdues pour les sauver, si est ce qu'il n'en faut pas tirer consequence pour ceux qui, n'estans pas a eux mesme (sic), sous prætexte de charité violeroyent la justice et l'equité, introduisans en leurs familles des personnes dangereuses contre le gré de ceux qui sont les peres et maistres de la famille, mays sur tout en un aage qui n'a pas ordinairement en consideration ni la charité, ni la prudence requise pour exercer une charité en laquelle il faut avoir egard a plusieurs circonstances..

  A017003175 

 Et c'est, Monseigneur, qu'il suffit bien que l'on tolere ces femmes scandaleuses en la republique, sans qu'on leur permette d'entreprendre sur les maysons honnorables et dignes de recommandation, par les infames attraitz desquelz elles charment la foible et legere jeunesse; et la condition d'espouser ou doter n'est ordonnee que pour les filles d'honneur qui ont esté deceües, non pour les femmes deshonnestes qui ont deceu.

  A017003193 

 Je joins ma tres humble supplication a celle que cette ville d'Annessi fait a Vostre Altesse, pour la continuation des privileges dont ell'a ci devant joüi, attestant que, si la fidelité et ardente affection des sujetz doit attirer les faveurs du Prince, cette communauté, Monseigneur, sera donq en singuliere recommandation aupres [334] de Vostre Altesse, pour la prosperité delaquelle je prie continuellement la divine Majesté, comme je dois, estant,.

  A017003211 

 Elle n'est pas sans affaires, mays bonnes et aggreables, ayant [335] madame la Comtesse de Tournon et ses deux filles, qui font les exercices et preparent leur confession generale..

  A017003231 

 Job desiroit que le jour de sa naissance perist, et moy je souhaitte que le jour qui a veu naistre ma tres chere Mere soit conté entre les jours heureux et benis es siecles des siecles.

  A017003242 

 Il soit a jamais beni, et encor dequoy il envoye souvent des maladies a ses servantes pour les rendre participantes de sa croix, et les guerit aussi souvent pour les rendre en quelque chose participantes de sa resurrection.

  A017003243 

 En somme, de rechef, toutes nommees et non nommees, je les cheris de tout mon cœur qui leur souhaitte, et a leur Reverende Mere, ma Seur, la grace, paix et consolation du Seigneur, et suis sans fin, ma tres chere Seur,.

  A017003243 

 Je les salüe toutes tres cordialement, et leurs noms sont escritz dans mon cœur: de ma Seur Beatrix, Anne, Marie Magdeleine, de ma Seur Symon, Pernette, Christine, de Blonay, Pernette; en somme, toutes, laissant a part ma Seur Claire, qui sçait bien que je luy escris, ni je n'oublie pas ma Seur Estienne.

  A017003243 

 Mes cheres Filles, qui sont les vostres, m'obligent beaucoup d'avoir du soin pour moy en leurs prieres; je les conjure seulement de continuer.

  A017003243 

 Que si le parentage de quelqu'unes avec moy les rend un peu plus affectionnees a me faire cette charité, je leur en seray d'autant plus redevable, et en remercieray Dieu qui a enté l'amitié spirituelle sur le devoir temporel.

  A017003256 

 Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaitte sainte, et que vous soyes toute odorante des senteurs de ce cher Sauveur! C'est pour vous remercier de vostre bouquet, et vous asseurer que les petites choses me sont grandes quand elles sortent de vostre cœur, auquel le mien est tout dedié, je vous en asseure, ma tres chere Fille..

  A017003256 

 Ouy, çar ses doux sont plus desirables que les œilletz, et ses espines que les roses.

  A017003258 

 Ne manger point chose qui ait eu vie, les vendredis de Caresme, n'est pas mal fait non plus, mais cela tire un [340] peu a la vanité d'esprit, quand cela se fait par le rapport de ce qui l'a euë; mays quand cela se fait par mortification, cela est bon.

  A017003258 

 Vivés toute entre les espines de la couronne du Sauveur, et comme un rossignol dans son buisson, chantés, ma Fille: VIVE JESUS!.

  A017003287 

 J'ay commencé aujourdhuy, aussi heureusement [343] que jamais je fis, les prædications, hormis que sur le milieu j'ay pensé estre un peu enroué..

  A017003291 

 Je salue cherement nos Seurs, et si M me la Comtesse [344] est la, je la salue tres particulierement, et mes cheres filles, qui sont les siennes.

  A017003304 

 Je voy les petitz ennuys que l'ennemi de ce bon œuvre a suscités; et que vous puis-je dire, sinon qu'avec le zele, la patience, douceur, support vous est necessaire, et que, comme j'ay souvent dit, il est requis a qui entreprend quelqu'action [345] relevee pour le Sauveur, d'avoir provision de toutes sortes de vertus selon les occasions qui s'en presentent..

  A017003306 

 Icy, on en desire une, je dis en une ville voysine, et tout est presque prest; mais on envoyera les filles faire leur noviciat a Nissi, ou estant façonnees, une mediocre Superieure suffira par apres..

  A017003306 

 La dame de Paris dont vous aves escrit sera bien employee avec ses moyens a Moulins; quand Dieu voudra avoir une de ces Maysons a Paris, il fera naistre les commodités.

  A017003306 

 Pour le present, vous pouves juger sil est expedient de les multiplier, ayans si peu de filles pour exercer la superiorité.

  A017003321 

 Dites souvent entre vos contradictions: C'est icy le chemin du Ciel; je voy le port et suis asseuree que les tempestes ne peuvent empescher d'y aller..

  A017003347 

 Il y a icy quatre ou cinq filles qui me parlent fort asseurement d'estre de la Visitation, et me semblent propres et dignes d'y estre receues; mais je [348] ne sçai presque comme vous les envoyer, tandis que l'on est la en doute si elles pourront estre establies.

  A017003347 

 Je les renvoye a la fin du Caresme, esperant que nous pourrons avoir, entre ci et la, quelques nouvelles de Rome.

  A017003359 

 Pour M. Vittoz, si les meurs et la renommee ne font point d'obstacle, l'habit quil porte ne luy en fait point, car cet Ordre-la est de Clercz reguliers qui, ayans licence de leurs Superieurs, peuvent servir de curés, ainsy que j'ay declaré par un escrit que je luy en ay fait..

  A017003360 

 Quant a l'excommunication sur les entrees des femmes es monasteres des hommes, il faut avant toutes choses voir si il y en a, car jamais je ne l'ay veüe.

  A017003360 

 Quant a y mettre l'excommunication par nostre authorité, la difficulté seroit grande, par ce quil y auroit lieu a l'appel; et c'est une grande besoigne d'avoir a faire a des Religieux qui remueront toutes choses par apres pour empescher les effectz de nostre intention, quoy que juste et sainte.

  A017003365 

 Je salue de tout mon cœur messieurs les Collateraux et suis leur serviteur fidele, et mesdames leurs cheres espouses, avec la plus que toutes (sic), de madame de Quoex, ma seur..

  A017003396 

 Les affaires de la Sainte Mayson de Thonon appellans le sieur Gilette par dela, je supplie tres humblement Vostre Altesse de proteger et favoriser sa poursuite, qui ne peut aussi reuscir sinon par cet appuy, auquel nous recourons d'autant plus asseurement, que Vostre Altesse nous l'a ainsy commandé l'hors que nous avions le bonheur de sa presence.

  A017003412 

 Et par ce qu'il sçait que ledit Chapitre ne peut en conscience les luy distribuer, ni moy permettre qu'il en jouisse de la sorte, il obtient de tems en tems des lettres par lesquelles Son Altesse Serenissime commande audit Chapitre de delivrer lesditz fruitz.

  A017003412 

 Il y a long tems que le doyen de Choysi, prestre, fait profession de conduire des soldatz et suivre l'armee, voulant neanmoins tirer les fruitz de son decanat sur le Chapitre et eglise de Salanche, comme sil faysoit la residence a laquelle il est obligé.

  A017003429 

 Je ne vis jamais un peuple plus docile que celuy ci, ni plus porté a la pieté; sur tout les dames y sont tres devotes, car icy, comme par tout ailleurs, les hommes laissent aux femmes le soin du mesnage et de la devotion.

  A017003429 

 Je voy en sa Providence les moyens propres a l'execution de ce projet, et neanmoins je n'ay point encor le mouvement interieur d'en faire l'ouverture.

  A017003442 

 Et vous estes unie avec elles, puisque vous aves les mesmes desirs..

  A017003453 

 Nous sçavons par les Histoires et par experience, que plusieurs Religieux et autres ont esté saintz sans l'orayson mentale, mais sans l'obeissance, nul..

  A017003454 

 Il faut que celles qui entreront sçachent que la Congregation n'est faite que pour servir d'escole et de conduitte a la perfection, et que l'on y acheminera toutes les filles par les moyens plus convenables, et que les plus convenables seront ceux qu'elles ne choisiront point.

  A017003454 

 L'une mettroit en condition de [359] communier tous les jours; l'autre, d'ouÿr trois Messes; l'autre, de faire quatre heures d'orayson; l'autre, de servir tous-jours les malades, et par ce moyen, chacune suivroit son humeur ou sa presomption, en lieu de suivre Nostre Seigneur crucifié.

  A017003455 

 Qu'elle demeure donq en paix entre les bras de sa Mere, qui la portera et menera par le bon chemin.

  A017003457 

 Vivés doucement et saintement entre les peynes que vous aves sous vostre charge, ma tres chere Fille toute bienaymee, et je prie Dieu qu'il soit la vie de vostre ame.

  A017003466 

 Passant par cette ville avec beaucoup de presse, j'ay receu vostre lettre et les memoires de vos prætentions; dont je suis bien ayse, puisque monsieur le Marquis d'Aix m'a escrit que je luy fisse sçavoir ce que vous prœtendies, et que, revenant en ce païs, il seroit tous-jours bien content de voir tous les differens quil pourroit avoir avec vous, avec le plus de douceur et d'amitié que vous pourries desirer.

  A017003487 

 Il est aysé de conduire la barque quand elle n'est point pressee des vens et de passer une vie qui est exempte d'affaires; mais parmi le tracas des proces, comme parmi les vens, il est difficile de tenir le chemin.

  A017003487 

 Soyes bien douce et gracieuse parmi les affaires que vous avés, car tout le monde attend ce bon exemple de vous.

  A017003521 

 Bien des fois, avec les Révérends Pères de votre Congrégation des collèges d'Annecy et de Thonon, nous avons étudié de concert le moyen d'étendre ladite Congrégation en ces pays d'en deça les monts.

  A017003521 

 En somme, nous ne trouvons de meilleure voie que celle indiquée dans le Mémoire ci-joint, conformément auquel j'ai [364] traité avec le Sérénissime Prince de Piémont, afin de pouvoir augmenter encore les revenus et avoir à Rumilly certains bénéfices pour le Noviciat.

  A017003522 

 Reste maintenant que Vos Paternités daignent embrasser avec bienveillance nos propositions et que, de leur côté, elles les fassent aboutir; quant à moi, je m'emploierai de tout cœur là où je verrai que mon concours pourra être utile.

  A017003541 

 Faites soigneusement l'exercice du matin qui est marqué au livre de l' Introduction; et bien que la vistesse de vostre esprit comprenne en un seul regard tous les pointz de cet exercice, ne laissés pas de vous y entretenir autant de tems comme il en faut pour dire deux fois le Pater, et apres cela, prononcés de bouche [367] cinq ou six paroles d'adoration, et ensuite vous dirés le Pater avec le Credo..

  A017003543 

 Or, vous feres tous les jours l'orayson, sinon que quelque violente occupation vous en empesche; puisque, comme vous m'aves dit, lhors que vous continues en ce saint exercice, vous ressentes un grand avancement de recueillement, duquel vous estes privee quand vous l'abandonnes..

  A017003544 

 Mays affin d'accommoder cet exercice si utile a la vistesse et incomparable promptitude de vostre esprit, il suffira que vous y employes une petite demi heure chaque jour, ou un quart d'heure; car cela, avec les eslans d'esprit, retraittes du cœur en la presence de Dieu et oraysons jaculatoires qui se feront parmi les heures du jour, suffira tres abondamment pour tenir vostre cœur serré et joint a vostre divin Object; et mesme, cette orayson se pourra faire pendant la Messe pour gaigner tems..

  A017003546 

 S'il vient des larmes, vous les respandres; mais si elles viennent souvent et avec trop de tendreté, vous releveres vostre esprit, si vous pouves, a gouster plus [368] paysiblement et tranquillement les misteres en la partie superieure de l'ame; non pas contraignant et serrant les souspirs ou sanglotz, ou les larmes, mays divertissant d'une heureuse diversion vostre cœur, en le relevant petit a petit a l'amour pur du Bienaymé par des doux eslans: O que vous estes aymable, mon Bienaymé! O que vous estes relevé en bonté et que mon cœur vous ayme! ou autrement, selon que Dieu vous tirera..

  A017003547 

 Et parce que vous me dites que vous n'aves fait que fort peu d'orayson pendant que vous aves esté chez vous, vostre esprit estant si actif et mouvant qu'il ne se peut arrester, je vous dis qu'il faut pourtant l'arrester, et allentir petit a petit ses mouvemens, affin qu'il face ses œuvres doucement et tranquillement, selon les occurrences.

  A017003549 

 O combien d'ecclesiastiques sont embarqués par des mauvaises considerations et par la force que les parens ont employé pour les faire entrer en cette vocation, qui font de necessité vertu et qui demeurent par amour ou ilz sont entrés par force! autrement, que deviendroyent ilz? Ou il y a moins de nostre choix, il y a plus de sousmission a la volonté celeste..

  A017003550 

 Et la dessus, ma tres chere Fille, je vous conjure d'estre bien fidele a la prattique de cet acquiescement et dependance de l'estat auquel vous estes; et partant, ma chere Fille, il faut que vous nommies quelquefois, es occurrences, les personnes que vous sçaves, du nom auquel vous aves aversion; et quand vous parleres a la principale d'icelles, que quelquefois vous employies parmi vos remonstrances des paroles de respect.

  A017003551 

 En quoy voulons nous tesmoigner nostre amour envers Celuy qui a tant souffert pour nous, si ce n'est entre les aversions, repugnances et contradictions? Il faut fourrer nostre cervelle entre les espines des difficultés et laisser transpercer nostre cœur de la lance de la contradiction; boire le fiel et avaler le vinaigre, et en somme, manger l'absinthe et le chicotin, puisque c'est Dieu qui le veut.

  A017003552 

 Au reste, que la tressainte et divine humilité vive et regne en tout et par tout: les habitz, simples, mais selon la propre bienseance et convenance de nostre condition, en sorte que nous n'espouvantions pas, ains allechions les jeunes dames a nostre imitation; nos paroles, simples, courtoises, et neanmoins douces; nos gestes et nostre conversation, ni trop resserree et contrainte, ni trop relaschee et molle; nostre face, nette et decrassee; et en un mot, qu'en toutes choses la suavité et modestie regne, comme il est convenable a une fille de Dieu..

  A017003563 

 Secondement, exerces vous souvent es pensees de la grande douceur et misericorde avec laquelle Dieu nostre Sauveur reçoit les ames en leur trespas, quand elles se sont confiees en luy pendant leur vie et qu'elles se sont essayees de le servir et aymer, chacune en sa vocation.

  A017003566 

 Cinquiesmement, ne lises point les livres ou les endroitz des livres esquelz il est parlé de la mort, du jugement et de l'enfer; car, graces a Dieu, vous aves bien resolu de vivre chrestiennement et n'aves point besoin d'y estre poussee par les motifs de la frayeur et de l'espouvantement..

  A017003567 

 Sixiesmement, faites souvent des actes d'amour envers Nostre Dame, les Saintz et Anges celestes; apprivoysés vous avec eux, leur addressant souvent des paroles de louange et de dilection; car ayant beaucoup d'acces avec les citoyens de la divine Hierusalem celeste, il vous faschera moins de quitter ceux de la terrestre ou basse cité du monde..

  A017003569 

 Huitiesmement, faites quelquefois reflexion sur ce que vous estes fille de l'Eglise catholique, et vous res-jouisses de cela; car les enfans de cette Mere qui desirent de vivre selon ses loix, meurent tous-jours bienheureux, et, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une grande consolation a l'heure de la mort d'estre « fille de la sainte Eglise.

  A017003571 

 Dixiesmement, consideres souvent les personnes que vous aymes le plus et desquelles il vous fascheroit d'estre separee, comme des personnes avec lesquelles vous seres eternellement au Ciel: par exemple, vostre mary, vostre [374] petit Jean, monsieur vostre pere.

  A017003593 

 Revu sur l'Autographe conservé à Laval, chez les Dames du Sacré-Cœur.

  A017003659 

 Puisque le P. D. Fulgence se rend auprès de vous pour les affaires que je recommandai à Votre Paternité Révérendissime par la mienne dernière, il n'est pas besoin que j'ajoute autre chose.

  A017003677 

 Bien que je n'aye pas le bonheur d'estre conneu de vous, si est ce que je ne laisse pas de reconnoistre en vous les qualités par lesquelles vous merites d'estre honnoree de tous ceux qui font profession de l'honneur; dequoy madame la Baronne de Giez, ma cousine, se rendra, je m'asseure bien, ma caution.

  A017003679 

 Et peut estre que Sa Sainteté y fera adjouster quelque chose; ce que je ne pense toutefois pas devoir estre chose d'importance, puisque, comme nous escrit celuy qui a l'affaire en main, il ny a point d'autre difficulté sinon pour le regard de l'Office, que les messieurs qui ont l'intendance de cela veulent estre le grand Office du Breviaire; et nous desirerions que cette Congregation ne fut obligee qu'au petit Office, affin qu'elle continuast a le chanter avec la gravité, distinction, tranquillité et, pour le dire en un mot, avec la sainteté que ces ames le prononcent maintenant.

  A017003679 

 Mays si vous les desirés encores, je vous les envoyeray au premier advis que vous m'en feres donner, comm'encor les prattiques des Regles, qui est une besoigne a part; bien qu'apres tout cela, il faut que vous sachies que les Regles sont a Rome, ou l'on sollicite pour reduire cette Congregation en Religion.

  A017003679 

 Or, voyla les Regles de la Visitation, esquelles neanmoins [383] on n'a pas estendu les derniers articles, par ce qu'ilz comprennent des formulaires asses longs et qui ne regardent pas tant les actions communes des Seurs, comme les particulieres des formes et ceremonies dont on use en leurs receptions seulement.

  A017003686 

 Madame de Bressieu, qui est la, m'a fait grandement presser d'envoyer ces Regles; c'est pourquoy je n'ay pas pris le loysir de les faire mieux escrire, dont je vous supplie de m'excuser..

  A017003696 

 Dites luy donq qu'elle marche a la bonne foy, par le milieu des belles vertus de la simplicité et humilité, et non par les extremités de tant de subtilités de discours et de considerations.

  A017003696 

 Dites luy qu'elle poudre ses cheveux, puisque son intention est droite; car les cogitations qui viennent sur cela ne sont nullement considerables.

  A017003696 

 Les [386] cheveux de l'esprit de cette fille sont encor plus deliés que ceux de sa teste, et c'est pourquoy elle s'en embarasse.

  A017003696 

 Qu'elle poudre hardiment sa teste, car les faysans gentilz poudrent bien leurs pennages, de peur que les poux ne s'y engendrent..

  A017003700 

 Or, puisque vous lises nos livres, je n'adjousteray rien, sinon que vous aillies simplement, rondement, franchement, et avec la naifveté des enfans, tantost entre les bras du Pere celeste, tantost tenue par sa main..

  A017003700 

 Qu'elle marche en l'orayson, ou par pointz, comme nous avions dit, ou selon son accoustumee, il importe peu; [387] ains nous nous souvenons bien que nous luy dismes que seulement elle praeparast les pointz et s'essayat, au commencement de l'orayson, de les savourer; et si elle les savoure, c'est signe que Dieu veut qu'elle suive cette methode, au moins alhors.

  A017003700 

 Que si neanmoins la douce presence accoustumee l'occupoit par apres, elle s'y laissast aller, et aux colloques aussi qu'elle fait par Dieu mesme, qui sont bons en la sorte qu'elle me les represente en vostre lettre; mays pourtant, il faut aussi quelquefois parler a ce grand Tout, comme voulant que nostre rien face quelque chose.

  A017003702 

 Je suis bien ayse que mes livres ont treuvé de l'acces en vostre esprit, qui estoit si brave que de croire quil se suffisoit a soymesme; mays ce sont les livres du Pere, et du cœur duquel vous estes la chere fille, puisque ainsy a-il pleu a Dieu, auquel soit a jamais honneur et gloire..

  A017003704 

 J'envoyeray les Regles de la Visitation au premier jour; je les avoys fait des-ja transcrire, mais il les faut envoyer a Thurin, ou l'on pense a l'erection d'une Mayson puissamment..

  A017003705 

 Bienheureux sont les enfans de Dieu, car ilz l'ayment et sont aymés de luy..

  A017003705 

 O que les enfans du monde sont sages! ce dit on.

  A017003705 

 On dispute qui avoit le tort; helas! je les regrette tous, car je pense quil l'avoit (sic) tous.

  A017003719 

 Vostre Altesse est protectrice de la discipline ecclesiastique, et la regardant en cette qualité, je luy remonstre que le Doyen de Salanche, nommé Choysi, vient parmi ce pais faire des levees de gens de guerre et, tant de deça comme dela les montz, profane furieusement sa profession ecclesiastique et l'Ordre de prestrise qu'il a, par mille mauvais et scandaleux deportemens, indignes mesme d'un soldat desbauché..

  A017003720 

 Qui me fait recourir a la providence de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse de renvoyer ledit Choysi a sa residence pour y rendre son devoir, et declarer que, sans cela, il ne peut recevoir ni demander les fruitz [391] de sa præbende, et que ce n'est pas la volonté de Son Altesse qu'on se departe des loix et constitutions ecclesiastiques.

  A017003751 

 Le P. Commissaire vous dira que je n'ay eu nul loysir de luy parler, sinon presque de M. le Prieur, pour un affaire quil a avec les exacteurs de la decime.

  A017003767 

 C'est la verité, Madame ma tres chere Fille, qu'entre les souvenirs que j'ay des ames que Dieu m'a fait aymer, [395] celuy de la vostre m'est de tres grande consolation; car j'ay veu un certain despouillement des creatures et de leurs vanités, qu'il m'est impossible de n'aymer pas passionnement..

  A017003768 

 Les enfans du monde confessent ordinairement en mourant que cette vie n'est pas considerable que pour l'eternelle; mais les enfans de Dieu touchent toute leur vie cette verité..

  A017003791 

 Déjà, des tentatives furent faites par M gr l'Evêque mon prédécesseur, de pieuse mémoire; mais il y rencontra tant de contradictions, [397] qu'il ne fut pas possible de les poursuivre, car il procédait par voie d'application des bénéfices, dont les hommes sont si avides que, pour en jouir en leur particulier, ils en empêchent de tout leur pouvoir l'union aux collèges et à telles autres œuvres de piété..

  A017003791 

 Entre les choses qui pourraient aider ce pauvre et affligé diocèse de Genève, l'une des principales serait l'érection d'un Séminaire.

  A017003792 

 Ce zèle qui reluit en vos écrits, lesquels nous sont d'un si grand secours contre les hérétiques, vous pressera [398] aussi, je n'en doute point, de nous favoriser en cette occasion, qui contribuera beaucoup à la destruction de l'hérésie de Calvin dans son siège même, la ville de Genève..

  A017003793 

 Sur ce, je baise très humblement les mains de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, en implorant pour elle, de Dieu notre Seigneur, tout vrai bonheur.

  A017003823 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A017003834 

 Cependant, avec ce peu de motz, fideles interpretes de mon allegresse, je commence a vous rendre graces tres humbles du bonheur et des benedictions qu'attirera sur ce pais vostre arrivee, et vous supplie tres humblement d'honorer de vostre sejour cete maison, qui desireroit, an cete heureuse conjoncture, avoir encor les plus grands et plus illustres Prelatz qui l'ont autresfois regie, afin que plus dignement elle peust recevoir vous, Monseigneur, qui estes l'honneur et la coronne des Prelatz.

  A017003834 

 Elle retiendra, s'il vous plaist, ses anciens merites, bien que possedee par un successeur indigne qui vous en supplie, avec toutes les affections de son ame, et est,.

  A017003865 

 Puisque jamais plus il n'y doibt avoir entre nous de ceremonies, je vous direy tout naifvement que j'ay diferé si longtemps de vous escrire, pour ce que j'avois honte que vous vissies mes lettres sans veoir par mesme moyen l'advis que je vous avois promis sur les Regles de la Visitation.

  A017003866 

 Vous devineres un peu et les motz et le sens, mais aussy seres vous asseuré que cet escript n'ha point passé par les mains des copistes et que personne ne l'ha veu sinon celuy qui l'ha escript.

  A017003867 

 J'ay touché les unes et les autres, mais a la haste, et pourtant confusement; qui m'oblige de vous supplier, comme je fais tres humblement, d'y prendre garde..

  A017003867 

 Je ne touche sinon l'institut: car pour la disposition des exercices de cet Institut, j'y ay de la complaisance et de la passion, et n'ay point a an faire autre jugement, sinon les estimer et admirer infiniment.

  A017003868 

 C'est l'advis de touts les Religieux et casuistes qui an entendent parler; mais c'est ce que me dient ouvertement les plus honorables et qualifiés (sic) personnes de cete ville.

  A017003868 

 Enquoy, si vous approuves l'ouverture que je fais d'allunger le noviciat des veufves et de deffendre les sorties aulx professes, on peult reserver celles qui ont desja fait profession, lesquelles ayantz encor des affaires, pourront sortir, et le reglement aura lieu seulement pour celles qui entreront desormais; et cete reserve pourra estre expresse, ou mentale, comme vous le jugeres a propos.

  A017003868 

 Si cela ne se peult, je desire au moins que nous puissions convenir de Regles qui soyent uniformes pour les deux Congregations.

  A017003869 

 Mais ce dont je vous supplie plus cordialement que de tout le reste, est quil vous plaise, apres avoir pezé meurement toutes choses, me mander ce que vous juges selon Dieu que je doibs faire; car, si apres avoir recommendé l'affaire a Nostre Seigneur, vous voules que je laisse les sorties et que je me conforme a vous entierement, et quil vous plaise an respondre a Dieu pour moy, je vous declare qu'avec cete condition, et soubs la confiance que j'ay en vostre vertu, je mettrey soubs les pieds mon sentiment et tout ce que le monde pourra dire ou faire, et establirey la Congregation, et an ferey publier et imprimer les Constitutions de mot a mot, telles que vous ordonneres, sans y changer rien du tout..

  A017003869 

 Que sil m'arrivoyt ce malheur que nous ne peussions convenir de cet article, je vous supplie de tout mon cœur quil vous plaise en ce cas me donner vos bons et charitables advis, si je debvrey ou continuer ma Congregation sur le modelle et les Constitutions de la vostre, y changeant ce que je jugerey necessaire en mon diocese, [406] comme nous voyons qu'ont fait diversement les Evesques de la province de Milan, ou bien si je changerey tout a fait ma Congregation en une Religion formelle, en la maniere portée par mon escript.

  A017003870 

 Et au bon augure de ces motz je ferey fin, vous baisant en toute humilité les mains et recommendant a vos prieres et Sacrifices mes infinies miseres.

  A017003875 

 Monseigneur, je ne vous renvoye point encor les Constitutions, pour ce quil ne semble pas que vous an ayes besoing pour vous resouldre sur l'Institut, lequel estant arresté, je vous renvoirey les dittes Constitutions afin que vous y metties la derniere main pour les faire imprimer..

  A017003894 

 Mais cependant, me pourrez-vous dire oui ou non, simplement et courtement, de ce que je vous vais demander? Mes quatre jours sont passés, auxquels vous m'aviez marqué ce que je ferais; et je vous rends compte en ces deux derniers petits feuillets de ce qui s'est passé, car les deux premiers, c'est ma confession en laquelle vous n'entendrez rien.

  A017003906 

 Je sens mon esprit tout libre, et avec je ne sais quelle infinie et profonde consolation de se voir ainsi entre les mains de Dieu.

  A017003920 

 Mon Dieu! mon vrai Père, que le rasoir a pénétré avant! pourrai-je demeurer longuement dans ce sentiment? Au moins notre bon Dieu me tiendra dans les résolutions, s'il lui plaît, comme je le désire.

  A017003922 

 Aujourd'hui encore, plus ou moins, il me reste fort peu pour appuyer et reposer mon esprit; peut-être que ce bon Seigneur veut mettre sa sainte main par tous les endroits de mon cœur pour y prendre et le dépouiller de tout: sa très sainte volonté soit faite!.

  A017003924 

 Je finis donc en vous donnant [410] mille bonsoirs, et vous disant ce qui me vient en vue: il me semble que je vois les deux portions de notre esprit n'être qu'une, uniquement abandonnée et remise à Dieu.

  A017003933 

 Ayant esté adverty que pour la perfection du bon œuvre que nous avons commancé en ceste ville, capitale de mon gouvernement, qui est le nouvel establissement d'une Maison de Sainte Marie, il failloit recourir a vous pour avoir vostre permission, afin de faire venir les Dames qui doivent perfectionner ceste entreprise, j'ay creu que vous m'accorderiez la tres humble requeste que je vous en fais, comme Monseigneur de Lion m'a liberalement octroyé sa permission pour l'establissement..

  A017003934 

 Il ne reste donc plus que vostre permission, afin que ces devotes Dames viennent; dont je vous supplie derechef tres humblement, vous asseurant que je fais gloire que, du temps de mon gouvernement, le Bourbonnois soit des premieres provinces a recepvoir les Religieuses de vostre Ordre, n'ignorant pas quelle est [411] vostre reputation et le renom de vostre sainte vie et merite parmi la France; ce qui me faict desirer de donner une de mes filles a vos Religieuses, quand elles seront icy.

  A017003944 

 Toutesfois, sçachant que vous recepvez les grands et les petitz, j'envoye ces lignes vous pourter ma suplication, vous asseurant que je reçois une joye singuliere en l'espoir de son interinement, car l'odeur de voz fleurs naissantes commence a donner jusques a nous; de noz plaines, dis je, nous.commençons a descouvrir l'excellence de vostre ouvrage..

  A017003945 

 Ce n'est pas merveille, Monseigneur, que ce qui est sur les montagnes soit visible a tous; au contraire, je m'esbaÿs de l'admirable voile dont vostre humilité a sy longtemps couvert son ouvrage.

  A017003945 

 Pour mon particulier, j'ambitionerois puissamment le bonheur qu'elle y vint au moins pour quelques mois; mais d'autant que c'est au maistre de famille de sçavoir sy la mere de la famille peut quicter la principale Maison pour aller travailler ailleurs, je me remetz et soubmetz a vostre jugement et disposition, vous asseurant que, quelles que ce soient de voz Filles qui viennent, nous les recevrons, cherirons et servirons avec la mesme sincerité, respect et dilection non feinte que je suis, du Pere de ces vertueuses Filles,.

  A017003957 

 Madame des Goufier ayant pris desir, avec bonne compagnie, de quitter l'Egipte du monde pour se ranger en ceste ville en une Maison de vostre Ordre de la Visitation Saincte Marie, comme en la terre de promission en laquelle elle espere jouyr des delices de son celeste Espoux; apres y avoir aporté les ceremonies necessaires en la benediction du lieu faicte par monsieur le Doyen de Nostre Dame, en la presence de Monseigneur nostre Gouverneur, reste a present la favorable assistance de vos graces, pour envoyer des ouvrieres en sy copieuse moisson que celle de la vie contemplative, lesquelles, recuillans le pain des Anges en leurs ordinaires exercices [413] et s'acquerans les faveurs du Ciel, puissent rendre nostre ville participante des benedictions qui se reçoipvent par le merite de sy sainctes hostesses, lesquelles venant de vostre part nous apporteront un esprit celeste et nous seront autant cherès comme asseurement, et a Vostre Seigneurie et a leur pieté, nous demeurons a jamais,.

  A017003959 

 LES MAIRE et ESCHEVINS DE MOULIN,.

  A017003970 

 Passant par cete ville pour m'en aller a Paris, j'ay veu les commencemens que madame des Goufier a donné a une maison de la Visitation.

  A017003971 

 Les commencemens que je veoy icy sont si heureux, qu'il fault, Monseigneur, que je vous die ce que j'ay apris d'un bon medecin: qu'encor que l'on veuille faire nourrir les enfans par d'autres que par leur mere, il seroit a souheter, pour le proffit de l'enfant, que la vraye mere luy donnast le premier laict, par un secret de nature qui, donnant et faisant produire l'enfant, ne manque pas a fournir ce qui est pour son mieulx.

  A017003983 

 J'en sens les mouvements et l'experience en moi mesmes..

  A017003984 

 Au contraire, Dieu par sa bonté infinie, qui avec la tentation faict accroissement de grace, m'a depuis mon retour eslargy nouvelle force et vertu, voire jusques à surmonter et vaincre toutes les puissances adverses..

  A017003984 

 Quant je fus dernierement a Tonon, plusieurs considerations humaines et les troubles causées (sic) par l'ennemy de mon salut m'empescherent de passer outre, mais non toutefois en sorte que mon dessein fut aucunement changé, ni ma bonne volonté diminuee en façon quelconque.

  A017003986 

 C'est a elle que je vouë le service de tout le reste de ma vie, et si les forces estoint pareilles au courage, ce ne seroit pas pour petites choses mais pour grandes; toutefois, j'attendray la vocation de Dieu.

  A017003986 

 Je hay infiniment l'heresie et l'ay en telle abhomination que, par force, il faut que je quitte le lieu ou elle regne, nonobstant toutes affections naturelles vers les miens.

  A017004009 

 J'attends avec avidité d'estudier en ces beaux traictez que vous me faites esperer par la vostre susdicte, afin, nous les donnant, qu'à moy et à ceux qui mieux que moy y feront leur profit, vous nous disiez le dire du Poëte:.

  A017004043 

 Ce qu'attendant, je vous prie de vous asseurer tousjours de mon affection et du desir que j'ay de la vous faire congnoistre aus occasions, lesquelles ne s'offriront jamais aussy souvent que je les souhaite, pour l'envie que j'ay que vous croies quil ny a personne qui vous soit plus aquis que moy..

  A017004044 

 Quant a se que vous m'escrivés pour le regard du bastiment de l'eglise des Peres Bernabites, je contriburay tousjours tout se qui me sera possible pour ung si bon œuvre, estant bien marry que je ne puis des a present leur faire congnoistre la volonté que j'en ay; mais parse que les occasions passees m'ont un peu mis en arriere, cela ne me peult permettre de faire tout se que je voudrois bien.

  A017004066 

 O Dieu! mon très cher et honoré Père, c'est la douleur la plus sensible au cœur que l'on puisse avoir; toutes les contradictions ne sont rien, au prix de savoir du mal à cette chère Mère..

  A017004091 

 Nous avons reçu les lettres que vous écrivîtes la veille de Noël, environ cinq semaines après.

  A017004095 

 Sa Bonté nous fasse la grâce de les imiter, et de nous rendre digne de l'heureuse qualité que je possède à me nommer,.

  A017004117 

 Nous avons reçu vos lettres avec toujours une particulière consolation: c'est le remède à tous les maux qui nous pourraient arriver; je veux dire que, quelle sorte de peine ou d'abattement d'esprit que nous ayons, vos nouvelles nous remettent en courage et en vigueur.

  A017004120 

 Nous vous envoyons les Règles des Ursulines de Paris, avec les Bulles qu'elles ont obtenues de Sa Sainteté; Monsieur de Chenevoux nous les a envoyées, nous avons pensé que vous seriez peut-être bien aise de les voir..

  A017004121 

 Nous louons Notre-Seigneur de ce que cette chère Sœur de la Valbonne fait tous les jours mieux; elle nous fait grande honte, elle avance, et nous croyons que nous allons en arrière.

  A017004177 

 Je connois aussi plusieurs dames qui ont le bien de vivre dessous vostre saincte conduite, et qui m'ont assuré que Dieu vous avoit fait naistre en ce siecle pour nous apprendre la vertu, et qu'il ne tiendra qu'à nous d'estre sainctes, si nous voulons suivre les douces loix de vostre saincteté.


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A018000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A018000015 

 Amour maternel que doivent avoir les ministres de Dieu pour les âmes.

  A018000015 

 — La « petite ruche » et les « pauvres abeilles.

  A018000016 

 — Intérêt de saint François de Sales pour les enfants de la destinataire.

  A018000016 

 — Les exercices spirituels de M me de la Thuille. 18.

  A018000028 

 — Ne pas se contenter d'attendre les âmes, mais leur aller au-devant.

  A018000029 

 Les consolations d'un « frere et Pere tout ensemble.

  A018000030 

 La chose la plus étonnante et douloureuse qui se voit tous les jours.

  A018000030 

 — Malgré les épreuves intérieures, aimer Dieu et lui rester fidèle. 30.

  A018000034 

 — Les deux ailes de la renommée des bons princes. 34.

  A018000037 

 — La société des âmes pleines d'amour divin allège les afflictions. 36.

  A018000040 

 MCCCXXXV. A Madame de Genève, Abbesse de Baume-Les-Dames (Inédite).

  A018000047 

 Que faire contre les bruyantes réclamations de deux femmes. 43.

  A018000050 

 — Démarches de M me de Thorens pour recouvrer les armes de son mari.

  A018000059 

 — Les princes en guerre et le Pacificateur à venir. 53.

  A018000061 

 Quelques points qui doivent servir à justifier les Religieuses de la Visitation.

  A018000061 

 — Les Sœurs ne manquent ni aux lois civiles, ni aux lois ecclésiastiques dans la construction du monastère. 56.

  A018000063 

 L'Evêque de Genève implore une dispense pour les pauvres Clarisses de son diocèse.

  A018000068 

 — « Religieux entre les soldatz » et « sainte entre les Religieuses ».

  A018000070 

 Retour douloureux et résigné sur les deuils multiples de l'année qui s'achève.

  A018000071 

 Pourquoi le duc de Savoie désigne Grenoble à François de Sales pour les prédications de l'A vent et du Carême.

  A018000071 

 — La paix sans les effets de la paix.

  A018000078 

 — Les desseins du prince de Piémont et de l'Evêque de Genève sur Contamine; pour les faire réussir, l'intervention de D. Juste auprès des cours de Savoie et de Rome est nécessaire.

  A018000084 

 — Les avantages de la dévotion.

  A018000086 

 — Légitimité de l'expulsion dans les Ordres religieux, et de la prolongation du noviciat.

  A018000087 

 — Les sécheresses spirituelles et leurs remèdes.

  A018000088 

 Pourquoi les premières Mères de la Visitation doivent être très humbles et unies à Dieu. 81.

  A018000092 

 Raisons pour lesquelles on sollicite le privilège du petit Office pour les Sœurs de la Visitation.

  A018000092 

 — Demande d'Indulgences pour les Monastères.

  A018000097 

 Comment le respect règle les témoignages de l'affection.

  A018000099 

 — Confiance en Dieu, et regrets sur les morts. 90.

  A018000109 

 Les mères poules et leurs poussins.

  A018000109 

 — Parure de ce monde et parure du Ciel pour les épouses du Christ.

  A018000110 

 Envoi d'un mémoire sur les vertus de Juvénal Ancina. 101.

  A018000111 

 — Sur la demande de la destinataire, l'Evêque de Genève lui offre une occasion d'aider les Sœurs de la Visitation.

  A018000112 

 Les nécessités de la Sainte-Maison de Thonon.

  A018000113 

 — Les menues tracasseries exercent l'amour de la propre abjection.

  A018000118 

 A quelle condition Dieu bénit les entreprises.

  A018000121 

 A quoi les Sœurs de la Visitation emploieront-elles le temps si elles ne disent le grand Office? — Deux réponses à cette objection. 112.

  A018000126 

 — Qu'importe le temps à qui regarde l'éternité? — Moyen de transformer en roses toutes les croix. 120.

  A018000127 

 — Pourquoi les Sœurs de la Visitation se contenteront d'être logées » avec incommodité.

  A018000132 

 — La clarté dans les affaires. 126.

  A018000132 

 — Les lettres de M. de Granier.

  A018000133 

 Regrets du Saint en apprenant les obstacles qui s'opposent à la conclusion d'une alliance.

  A018000144 

 Les étoiles pâlissant devant le soleil.

  A018000147 

 Les « empeschemens » du saint Evêque et sa paternelle bonté.

  A018000154 

 » — Pourquoi les Sœurs de Grenoble sont heureuses.

  A018000160 

 Le Saint congratule les consuls de l'établissement projeté des PP. Barnabites dans leur ville. 148.

  A018000169 

 Les victimes d'un désastre aux pieds de Son Altesse.

  A018000172 

 L'inconstance, loi des choses de ce monde; les amitiés saintes en triomphent.

  A018000178 

 MCDLXXII. A Messieurs les Avoyers et les Membres du Conseil de ville de Fribourg.

  A018000178 

 — Pourquoi le Saint veut toujours obliger les magistrats de Fribourg. 165.

  A018000179 

 François de Sales seconde, sans les connaître, les désirs de la Mère de Chantal. 165.

  A018000187 

 Les excuses que doit faire la Mère de Bréchard, pour le Saint et pour elle-même. 172.

  A018000189 

 — Difficultés d'accepter les prédications de l'Avent à Saint-André-des-Arts. 173.

  A018000191 

 — Comment apaiser les sanglots et soupirs. 176.

  A018000198 

 — Pommes de senteur entre les mains de Dieu.

  A018000204 

 Les aventures de Celse-Bénigne et les tourments de la Mère de Chantal.

  A018000210 

 — A quelles conditions peut-on recevoir les infirmes à la Visitation.

  A018000210 

 — Sans jambes, si elle n'est point estropiée de cœur, une Sœur est capable de tous les exercices essentiels de la Règle.

  A018000211 

 — Les Haudriettes.

  A018000215 

 Les craintes de la prudence humaine au sujet de la fondation d'un Monastère de la Visitation à Paris. 200.

  A018000219 

 Une jeune fille prisonnière chez les hérétiques. 205.

  A018000221 

 — Proposition d'une maison pour les Filles de la Visitation. 206.

  A018000223 

 La présidente Le Blanc parmi les Anges. 209.

  A018000226 

 Les pensées de François de Sales sur la confiance qu'on lui témoigne.

  A018000227 

 — Deux adresses pour les lettres. 211.

  A018000228 

 — Difficultés d'obtenir et circonspection à garder dans les demandes.

  A018000229 

 Comment supporter les petites persécutions des enfants du monde.

  A018000231 

 Les noms de « plus grande force pour tesmoigner la dilection.

  A018000233 

 Instante requête au destinataire pour l'heureuse conclusion d'un procès entre les chanoines de Saint-Pierre de Genève et les habitants de Seyssel. 218.

  A018000246 

 Un même trésor pour tous les cœurs des enfants de Dieu.

  A018000246 

 — Conduite à tenir dans les conversations.

  A018000246 

 — Ne pas se lasser ni lasser les autres par la longueur des exercices spirituels.

  A018000274 

 Mays en attendant, je vous prie d'advertir tous nos ecclesiastiques de dela de faire retirer promptement les femmes quilz ont peut estre en leurs maysons.

  A018000274 

 Ni ne veux pas croire quil soit si outrecuidé de dire, comme quelques uns, qu'il est en l'Eglise gallicane en laquelle les prestres sont privilegiés; car je pense qu'il sçait que l'Eglise gallicane est un membre de l'Eglise universelle, et que les anciens canons des Conciles y sont receuz, et que les Evesques ne sont pas moins Evesques en France qu'ailleurs, et, qu'en particulier, je ne suis rien moins dela le Rosne que deça, ains j'affectionne d'establir la discipline ecclesiastique de dela, et sur tout a Gex, avec plus de soin que de deça, par ce qu'icy les adversaires de l'Eglise sont moins puissans et moins præsens..

  A018000275 

 Or, mon intention est que nul præstre n'ayt en sa mayson aucune femme qui y habite, sinon les meres, bellemeres, seurs, belleseurs, tante (c'est a dire seur du pere ou de la mere) et niece, fille de frere ou de seur, selon l'ordre porté par le Concile de Nicee.

  A018000276 

 Il n'est pas expedient pour encor que M. Jaquin aille faire residence; car, comme pourroit il faire [2] commodement la charge de l'œconome que vous luy aves remise? Il a promis de faire reparer la mayson presbiterale de sa cure et accommoder les choses requises a l'exercice, ce qu'attendant il pourra bien suppleer.

  A018000277 

 Atant, me recommandant a vos bonnes graces et prieres et saluant humblement le P. Commissaire avec tous les Peres et nos confreres M rs les curés, je demeure,.

  A018000294 

 Ilz ne sçavent peut estre pas aussi les miens, et c'est pourquoy ilz ne les jugent pas dignes d'estre suivis.

  A018000294 

 Je ne sçai leurs motifs en cela, et ne les sachant pas, il ne faut pas que j'en die autre chose.

  A018000307 

 Je dis maternellement, a cause que l'amour des meres est tous-jours plus tendre envers les enfans que celuy des peres, pour ce, a mon advis, qu'il leur couste plus.

  A018000310 

 Mais dites moy, Monsieur mon cher Confrere, quel tort avons nous fait a ce bonhomme? Helas! nostre Mere ni moy ne pretendons qu'a dresser une petite ruche, mediocre et conforme a nostre dessein, pour loger nos pauvres abeilles qui ne se mettront en peine que de cueillir le miel sur les sacrees et celestes collines, et non de la grandeur ou embellissement de leur ruche.

  A018000312 

 Helas! Monsieur mon cher ami, j'ay quelquefois les larmes aux yeux, quand je considere ma babilonique Geneve calviniste: Hæreditas nostra versa est ad alienos; le sanctuaire est en derision, la mayson de Dieu en confusion; et qu'en diray-je? Je ne puis bonnement autre chose que pleurer sur ses ruines..

  A018000313 

 Mais si cet evesché avoit un Hilaire, un Augustin, un Ambroyse, ah! ces soleilz dissiperoyent les tenebres de l'erreur.

  A018000313 

 Toutefois je m'arreste, et dis comme les gens de nostre Evangile: Dieu a tout bien fait.

  A018000318 

 Le pire est que la dissension est entre les bons, dont elle est plus dangereuse; et, comme dit saint Bernard parlant des Religieux qu'il estime estre les yeux de l'Eglise, espouse de Jesus Christ, non est [8] dolor sicut dolor eorum.

  A018000318 

 Vostre œil doit discerner ce qui sera propice pour remedier a ce mal; vostre moderation paternelle doit dissiper les humeurs peccantes; vostre zele, vostre justice et vostre force, doit terminer ces discordes..

  A018000345 

 Je jointz ma tres humble supplication a la sienne, protestant que jamais Vostre Altesse ne gratifiera aucuns peuples de sa sujettion qui ayt (sic) plus de cœur, d'honneur, de fidelité et d'obeissance a vostre coronne, Monseigneur, que celuy ci qui, au reste, a un extreme besoin d'estre revigoré par telz bienfaitz, tandis qu'incessamment avec moy il leve les mains et les yeux au Ciel pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je seray a jamais,.

  A018000362 

 Et je le croy, Monseigneur, puisque vostre debonaireté se plait aux bien-faitz, et particulierement envers les peuples fideles, obeissans et affectionnés a la coronne de Son Altesse, tel que je puis attester estre celuy ci, qui, outre cela, a grand besoin d'estre en quelque sorte allegé..

  A018000375 

 Helas! j'attens tous les quartz d'heure la nouvelle du trespas de mon frere de Thorens, qui partit d'icy il y a trois semaines, et le jour de la Trinité estoit a Thurin, abandonné des medecins, et hors de toute esperance d'eschapper; et des-ja, de Chamberi, le bruit vient qu'il est mort.

  A018000376 

 J'adore les decretz de sa providence et embrasse la croix quil luy plait nous presenter.

  A018000396 

 Or, penses, ma tres chere Fille, ou cette affliction me touche, et voyes si la mienne n'est pas surchargee de celle de sa pauvre petite et de nostre Mere, a qui il faut que ce matin j'aille oster le peu d'esperance qui leur estoit restee apres les premieres nouvelles de cet accident, sur lesquelles nous avons mille et mille fois adoré le decret de la Providence divine, et avons jetté nos cœurs entre les mains de Dieu avec esprit de sousmission, repetant: Ouy, Seigneur, car ainsy il a esté aggreable devant vous.

  A018000410 

 Pour moy, ma chere Fille, j'ay pleuré plus d'une fois en cette occasion, car j'aymois tendrement ce frere, et n'ay sceu m'empescher d'avoir les ressentimens de douleur que la nature m'a causés; mais pourtant, je suis maintenant tout resolu et consolé, ayant sceu combien il est trespassé devotement entre les bras de nos Peres Barnabites et de nostre chevalier, apres avoir fait sa confession generale, s'estre reconcilié trois fois, avoir receu la Communion et l'Extreme Onction fort pieusement.

  A018000411 

 Monseigneur le Prince Cardinal et Madame la Princesse l'envoyerent visiter, et les dames de la cour luy envoyerent des presens pour sa bouche; et en fin, Monseigneur le Prince Cardinal, apres son trespas, envoya douze flambeaux avec les armoiries de Son Altesse, pour honnorer son ensevelissement..

  A018000427 

 Or, apres toutes les idees que le desplaysir me donne, je conclus que Dieu l'ayant voulu, ç'a esté le mieux.

  A018000427 

 Que son nom soit beni, et les decretz de sa volonté adorés es siecles des siecles.

  A018000428 

 Certes, je croy bien que M. de Giez, mon cousin, M. le Baron de Bonvilaret et mon neveu du Vuaz auront ressenti grandement cette perte, comme sçachant que ce pauvre trespassé les cherissoit et honnoroit tres particulierement, selon que la nature et plusieurs considerations l'y obligeoyent; mais s'il leur manque, ce n'est pas par son eslection, ni par sa faute.

  A018000428 

 Dieu, par sa bonté, les veuille proteger et conduire parmi les hazars ou cette guerre les porte..

  A018000430 

 Beni soit Dieu qui l'a ravi devant les duelz, les mutineries, les desespoirs, et en [19] somme devant ces innombrables occasions d'offencer Dieu que cette espece de vacation donne en ce miserable aage..

  A018000431 

 J'acquiesce et dis Amen, non seulement sur les paroles, mais aussi sur les œuvres de Dieu, le suppliant qu'il vous conserve, et demeurant pour jamais,.

  A018000457 

 Et donques, comme je voy, c'est presque sans intermission que nos amis se vont separant de nous tous les jours; et partant, il se faut resoudre de bonn'heure de n'esperer plus es consolations de cette vie, pour attendre plus doucement celles de l'autre vie, en laquelle nostre societé sera inseparable..

  A018000459 

 Je passeray vandredi a La Roche pour planter la premiere pierre de l'eglise des Capucins, et dela je m'en vay a Thonon, parti (sic) pour consacrer l'eglise que les mesmes Peres y ont dressee, avec le grand autel des Peres Barnabites, partie pour appayser, si je puis, quelques noyses, lesquelles par tentation humaine sont survenues en la Sainte Mayson.

  A018000460 

 Une chose en tout ceci me donne de la peine: c'est que je laisse mon frere de Boysi fort malade d'une fievre tierce, et que sil est vray que Monseigneur l'Archevesque de Lyon aille ambassadeur a Rome, il se pourroit faire quil passast les mons pendant ce tems-la; ce que toutefois m'est difficile a croire, puisque, comme je pense, il voudra voir le Roy son maistre avant son depart..

  A018000467 

 Ma seur vous bayse tres humblement les mains, et a madame vostre chere Presidente, et est vostre tres humble servante..

  A018000473 

 commandant generalement deça les montz pour S. A..

  A018000484 

 Quelle pitié qu'en une sayson en laquelle il est si grande disette de telles ames parmi les gens de ce rang la, nous voyons et souffrons ces pertes si dommageables au public!.

  A018000485 

 Neanmoins, ma chere Dame, toutes choses considerees, il faut accommoder nos cœurs a la condition de la vie en laquelle nous sommes: c'est une vie perissable et mortelle, et la mort qui domine sur cette vie ne tient point de train ordinaire; elle prend tantost ci, tantost la, sans choix ni methode quelcomque, les bons emmi les mauvais et les jeunes parmi les vieux..

  A018000486 

 Ce pendant, ayons patience, et attendons courageusement que l'heure de nostre depart sonne pour aller ou ces amis sont ja arrivés; et puisque nous les avons aymés cordialement, perseverons a les aymer, faysons pour l'amour d'eux ce qu'ilz ont desiré que nous fissions et ce que maintenant ilz souhaitent pour nous..

  A018000486 

 Cela seul, Madame, est suffisant pour nous consoler; car en fin, en peu de jours, ou tost ou tard en peu d'annees, nous le suivrons en ce passage, et les amitiés et societés commencees en ce inonde se reprendront pour ne recevoir jamais de separation.

  A018000487 

 Sans doute, ma chere Dame, le plus grand desir que monsieur vostre trespassé eut a son depart fut que vous ne trempassies pas longuement dans le regret que son absence vous causeroit, mais que vous taschassies de moderer, pour l'amour de luy, la passion que son amour vous donnoit; et maintenant, en son bonheur dont il jouit, ou qu'il attend en asseurance, il vous souhaite une sainte consolation et que, moderant vostre tribulation, vous conservies vos yeux pour un meilleur sujet que les larmes, et vostre esprit pour des plus desirables occupations que celles de la tristesse..

  A018000490 

 J'escris ceci, Madame, sans loysir et presque sans haleyne, vous offrant mon tres affectionné service qui vous est de long tems acquis, et celuy encor que les merites et la bienveuillance de monsieur vostre mari envers moy pouvoyent exiger de mon ame.

  A018000499 

 Si ell'estoit preste a passer, on pourroit luy faire faire la profession simplement, en luy lisant, devant, l'oblation et les vœux, qu'elle confirmeroit, sinon qu'elle mesme la peut prononcer.

  A018000516 

 J'ay receu a beaucoup d'honneur la lettre que M lle Favreau [30] et M lle d'Albamé m'escrivirent de vostre part; car, outre la douceur que je prens a me ramentevoir le tems auquel nous estions compaignons d'escole, vos merites me font grandement estimer tous les tesmoignages quil vous plait me donner de vostre bienveuillance, laquelle je vous conjure de me vouloir continuer par vostre courtoysie, bien ayse de sçavoir que vous soyes arresté en nostre voysinage, sous l'esperance que, par ce moyen, il se pourra bien faire que j'aye encor un jour lhonneur de vous revoir..

  A018000525 

 Revu sur l'Autographe conservé à Beaufort, chez les Sœurs Hospitalières de Saint-Joseph..

  A018000533 

 Je suis consolé que nos pauvres filles soyent un peu allegees, car je les cheris d'un cœur plus que paternel toutes, et vous sçaves que j'ayme particulierement cette pauvre Marie Gasparde de tous tems, et, maintenant qu'elle est malade, encor plus tendrement.

  A018000534 

 Qui sçait si Dieu aura pitié d'elle et luy pardonnera? Son mauvais naturel ne m'estonne point, car Nostre Seigneur fait quelquefois les enfans d'Abraham des pierres.

  A018000537 

 Madame de la Flechere de ce pais, qui vint hier faire sa reveüe,vous bayse millefois les mains.

  A018000551 

 Or, faites donq bien, ma chere ame, vos petitz effortz, doux, paysibles et amiables pour servir cette souveraine Bonté qui vous y a tant obligee par les attraitz et bien-faitz dont elle vous a favorisee jusques a present, et ne vous estonnes point des difficultés; car, ma chere Fille, que peut on avoir de pretieux sans un peu de soin et de peine? Il faut seulement tenir ferme a pretendre la perfection du saint amour, affin que l'amour soit parfait, l'amour qui cherche moins que la perfection ne pouvant estre qu'imparfait..

  A018000563 

 Et l'infortunee beauté et bonne grace que ces pauvres filles [36] faineantes se font accroire d'avoir, parce que ces miserables le leur dient, est cela qui les perd, car elles s'amusent tant au cors, qu'elles perdent le soin de l'ame.

  A018000563 

 Helas! ma pauvre Fille, vous aves rayson de vous estonner qu'une creature veuille offenser Dieu, car cela surpasse tout estonnement; mais pourtant cela se fait, comme par malheur on voit tous les jours.

  A018000575 

 Sans doute, Madame, tous les jours vos contentemens croistront, car la douceur de Nostre Seigneur se respandra de plus en plus en vostre ame.

  A018000576 

 Hé, que vous seres heureuse si vous observes bien la moderation que je vous ay dite en vos exercices, les accommodant le plus que vous pourres a vos affaires domestiques et a la volonté de vostre mari, puisqu'elle n'est point desreglee ni farouche.

  A018000578 

 Et crovés, Madame, je vous supplie, que le desir que j'ay une fois receu de vous servir et honnorer en Nostre Seigneur, croist et s'augmente tous les jours en mon ame, marri que je suis d'en pouvoir si peu rendre d'effectz.

  A018000579 

 Les arbres portent les fruitz pour les hommes, mais les femmes portent les enfans pour Dieu; c'est pourquoy la fertilité est une de ses benedictions.

  A018000613 

 Je demande tres humblement pardon a Vostre Altesse, si, en un tems auquel elle est environnee de tant d'affaires de consequence, je prens la confiance en sa [42] douceur de luy presenter cette supplication, a laquelle je suis forcé par le devoir que ceux de ma condition ont de compatir aux miserables et soulager les desolés, lors mesme qu'ilz sont abandonnés de tout autre secours..

  A018000614 

 Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procedé de malheur, plustost que d'aucune malice ou deliberation; voyant qu'en une si extreme tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma tres humble intercession, l'acces aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront faite aux affligés, puysque mesme les deux personnes [43] qui ont esté les plus touchees en ce desastre semblent conspirer au desir de la consolation de celuy auquel il est arrivé: car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son pere, puisqu'elle a perdu sa mere; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente,] soit qu'il ayt eu compassion de ce pere et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien a ceux qui nous font du mal, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie..

  A018000615 

 Et partant, Monseigneur, la faveur que Vostre Altesse fera a cette calamiteuse famille sera egalement ornee de justice et de misericorde, qui sont les deux aisles sur lesquelles l'aggreable renommee des bons princes vole et au Ciel et en terre, parmi mille benedictions et de Dieu et des hommes..

  A018000643 

 M. le Premier et M. de la Valbonne m'escrivent d'un'affection si extraordinaire pour M lle de Beauvilars, que j'ay creu ne pouvoir ni devoir l'esconduire, attendu que ce bon seigneur peut et veut tant favoriser nostre mayson dAnnessi en toutes les occurrences esquelles la Congregation en pourra avoir besoin.

  A018000645 

 M me du Puys d'Orbe vient, et je ne puis nullement quitter les affaires que j'ay icy sur les bras, qui sont publiques et pour ma charge.

  A018000648 

 Les convulsions des enfantemens, les tranchees, les douleurs sont fascheuses; les steriles, pourtant, les prefereroit (sic) a la tristesse de la sterilité..

  A018000722 

 Ce billet donq n'est que pour vous saluer en attendant, et vous dire que les fermiers de Monseigneur vostre frere ne me veulent point donner d'argent, par ce, disent ilz, qu'ilz ne peuvent faire vostre somme que d'icy a 15 jours.

  A018000769 

 Quel bonheur, Madame, d'estre toute a Dieu! car il ayme les siens, il les protege, il les conduit, il les met au port de la desirable eternité.

  A018000770 

 Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussies sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'aves voulu, et il vous a fait prendre tous les vrays moyens pour le devenir.

  A018000783 

 Reste qu'il vous playse de me faire [60] sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pourrions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des ames, aydé par les autres; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accordera volontier..

  A018000802 

 Cependant il faut renvoyer le tout a ce que messieurs les deputés feront; ce que je vous dis par ce que je crain (sic) que ladite madame la fiscale n'aille encor vous parler et crier alarme..

  A018000802 

 Il [62] m'est advis que vous n'aves rien a faire en ceci, sinon de prendre ce que selon justice et rayson messieurs les deputés vous bailleront, en le bien payant.

  A018000813 

 Je le croy que cette bonne dame sera un peu brune sur moy, par ce que ell' affectionne fort les serviteurs de sa mayson, et l'un d'iceux s'estant presenté au concours dernierement sous sa recommandation, ne fut pas [63] prouveu, quoy qu'il soit certes fort capable.

  A018000813 

 Mays a la premiere commodité, je luy feray sçavoir qu'il m'est impossible de le gratifier tandis quil ne sera pas prestre ni lié aux Ordres sacrés; car, quelle apparence de donner les charges ecclesiastiques de telle consequence a un qui n'est encor point ecclesiastique, au præjudice de plusieurs honnestes ecclesiastiques qui ont des-ja fait longuement l'exercice et qui ont bien servi l'Eglise? Je laisse a part qu'il n'est pas du diocæse, car en cela je me puis dispenser.

  A018000831 

 Pour cela, suis je obligé de vous asseurer que tous les jours il va de bien en mieux, s'estant rangé a la compaignie de M. le Marquis d'Aix, duquel il eut congé, apres la miserable prise de Verceil, devenir icy, pour toutefois retourner dans peu de jours en Piemont, ou je ne vous diray point quelle perte vous et moy avons faite: vous, d'un serviteur fort asseuré, moy, d'un frere tres aymable et qui entroit fort honnorablement en la connoissance et bienveuillance de son Prince.

  A018000833 

 Je le vis l'autre jour passant a Gex, et croyois, quelques jours apres, de les assembler, ouïr et accommoder, mays je ne fus pas si heureux de la voir ni le revoir; encor veux je pourtant m'en essayer.

  A018000853 

 Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens que je vous escris, et vous presentant son tres humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frere son mari, dont ce porteur vous declarera les particularités; vous remerciant tres humblement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frere, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte..

  A018000854 

 Au reste, je vous supplie tres humblement de commander que nous soyons advertis de l'estat de la maladie de nostre Presidente, car en verité nous en sommes en [68] peine jusques a l'inquietude inclusivement, et les Dames de la Visitation n'oublient pas a prier Dieu, comme aussi que sa bonté vous veuille conserver.

  A018000865 

 Mon cœur pense souvent au vostre et, si vous entendies son langage, il vous demande si vous estes tous-jours au pied de la Croix, ou je vous laissay, c'est a dire tous-jours attachee a la tressainte volonté de Dieu, pour ne fourvoyer ni a droitte ni a gauche (ni aux contentemens ni aux afflictions, ni entre les amis ni entre les ennemis) du chemin de ses ordonnances.

  A018000866 

 Ce sont les souhaitz que je fay sur vous, ma tres chere Fille, a qui je suis fort affectionnement.

  A018000912 

 C'est pourquoi vous ferez très bien de profiter du temps et de tâcher d'en obtenir la nomination par ceux qui ont le droit de patronage, car les [71] médecins assurent que M. Nicolas mourra bientôt.

  A018000941 

 Elle s'estoit vouee a la Visitation des l'instant de sa viduité et avoit des-ja fait ce projet au despart de son mari; et Dieu luy a fait la grace qu'elle est morte en cette mayson, d'une mort marquee de sainteté extraordinaire; elle demanda l'habit et fit les vœux avant que de mourir..

  A018000991 

 C'est pourquoi il a de nouveau recours à la source Apostolique pour obtenir que cette pension lui soit confirmée et les revenus assurés, ou bien qu'on lui octroie quelque autre pension ou bénéfice.

  A018000992 

 Je saisis cette occasion pour vous féliciter vivement de vos deux derniers livres, pleins de piété, par lesquels vous avez ranimé le cœur [78] des fidèles et les avez excités à poursuivre une perfection plus haute.

  A018000992 

 N'est-il pas permis de craindre, à un âge si avancé, après tant de labeurs supportés dès la jeunesse pour les intérêts de la chrétienté, qu'une pareille œuvre ne soit au-dessus, non de la vigueur de votre esprit, grâce à Dieu, mais de vos forces corporelles? Frayer cette voie nouvelle dans le champ des Ecritures, à la tête de jeunes recrues à peine en état de vous suivre, serait assurément une œuvre très utile..

  A018000998 

 Hélas! Illustre Seigneur, combien de maux, et quels maux sont suspendus sur nos têtes, si la paix ne se conclut par la vertu du Seigneur, Dieu des armées! Plût au Ciel que les princes catholiques [80] n'eussent qu' un seul cœur! Mais leur cœur est divisé, donc ils périront! Où est-il le Pacificateur? Oui, venez, Seigneur Jésus!.

  A018001016 

 Messieurs les Reverens Chanoynes reguliers.

  A018001027 

 Je prens la confiance en vostre charité de vous prier que les pointz suivans soyent bien remonstrés, en sorte que, s'il est possible, l'audiencier les escrive..

  A018001028 

 Que les Dames de la Visitation ayant acheté au veu et sceu de toute la ville la mayson en laquelle elles sont [83] a present, pour y servir Dieu, et s'y estant logees sans opposition ni contradiction de personne, ni mesme des Peres de Saint Dominique, ains au contraire le Reverend Pere de Bollo, Superieur de l'Ordre, ayant favorisé leur Congregation et leur sejour en ce lieu la de plusieurs saintes exhortations faites par luy en leur oratoire, elles n'avoyent nul sujet de penser que lesditz Peres eussent pris en si mauvaise part leur demeure en ce quartier..

  A018001029 

 Que despuis, ayant pleu a Dieu de donner accroissement a leur Congregation, elles se sont treuvees en necessité d'eslargir leur habitation et s'accommoder des maysons voysines, par traittés legitimes faitz avec les possesseurs d'icelles et, par mesme moyen, elles se sont treuvees en necessité de bastir et former leur mayson en monastere pour pouvoir observer la clausure et la.

  A018001030 

 bienseance de l'habitation ...... Et partant, ayant besoin d'avancer leur bastiment sur le canal, il a pleu a la pieté de Sa Grandeur, a laquelle il appartient, de la leur accorder, ainsy qu'il appert par ses patentes; et ce, les gens de Sa Grandeur, Messieurs de cette ville, et le Reverend Pere nostre Maistre le Prieur ouÿs en toutes les remonstrances qu'il leur pleut de faire.

  A018001031 

 Qu'elles sont extremement marries de ne pouvoir eslever leur bastiment sans donner quelque ombre au jardin desditz Peres: que si en cela elles donnent quelque nuisance, c'est a leur regret et sans leur coulpe, puisque la necessite de leur edifice les contraint; en sorte que si elles font quelque incommodité, si ne leur font elles point de tort, estant des incommodités que les voysins, par disposition de droit et la coustume generale des gens, doivent souffrir des voysins..

  A018001032 

 A quoy elles perseverent, et prient lesditz Reverens Peres d'en venir a expedient amiable par les voyes qui seront advisees plus propres; et ce, en consideration de la charité religieuse qui doit regner entre des personnes qui, par commune vocation, ont quitté le monde pour servir Dieu, lesquelles se pouvant entr'ayder, le doivent faire, et non pas s'empescher l'une l'autre..

  A018001033 

 De sorte qu'iceluy, toutes choses considerees, les ayant authorisees en ce bastiment, elles sont hors de tout reproche et en droit de bastir en ce lieu la; lequel, au reste, n'est ni proche ni en veuë du monastere desditz Reverens Peres, ains seulement d'un jardin qui leur appartient, escarté de leur monastere et hors l'enclos d'iceluy, lequel, avant que la Congregation de la Visitation fust, estoit exposé a la veuë des femmes et filles, et au bruit [de celles qui] faisoyent la lessive, [là où] maintenant il semble [que] la condition desditz Reverens [Pères est améliorée,] puisque lesdites Dames.......

  A018001033 

 Qu'en ce qui regarde la bienseance et la juste distance qui doit estre entre les monasteres des femmes et ceux des hommes, elles s'en sont rapportees au jugement du Reverendissime Evesque de ce lieu, lequel est chargé par les Canons et par le Concile de Trente de prouvoir a tout ce qui regarde la clausure et asseurance des [85] monasteres des filles.

  A018001033 

 [et] que les Seurs ne regarderont ni ne seront aucunement [regardées.] Mais sur tout [elles auraient prié lesdits] Reverens Peres, avant que de passer aux ameres et peu edificatives poursuites de proces, de convenir de gens d'honneur et de qualité qui fissent essay d'accommoder la necessité qu'elles ont de bastir au lieu que Sa Grandeur leur a accordé, avec l'utilité du monastere de Saint Dominique auquel elles desirent porter respect et honneur.

  A018001034 

 Monsieur, je laisse a part les procedures faites, les cautions prestees et ce qui resuite des pieces; mais ayant veu les Canons, les Conciles et les elucidations du Concile de Trente, il me semble qu'elles doivent rejetter sur moy l'article de la bienseance, comme chose dont je suis chargé.

  A018001069 

 Humblement prosternées aux pieds de Votre Béatitude, elles adressent à Votre providence Apostolique les vœux les plus ardents pour qu'elles puissent, sous son bon plaisir et avec sa dispense, posséder en commun des biens fonds et autres immeubles.

  A018001069 

 Il y a dans ce diocèse de Genève deux Monastères de l'Ordre de Sainte-Claire, transférés, depuis plus de soixante ans, l'un de la cité de Genève en celle d'Annecy, l'autre de la ville d'Orbe en celle d'Evian, lorsque l'injustice et la violence des hérétiques chassèrent les Religieuses de leurs couvents.

  A018001069 

 Les Sœurs de ces Monastères ont pu, jusqu'à ce jour, tant bien que mal, traîner et soutenir leur vie au milieu d'épreuves diverses et nombreuses, conséquence de la pauvreté et de la mendicité.

  A018001069 

 Mais désormais, ce diocèse, cruellement appauvri par les fréquentes incursions des hérétiques et les ravages de longues guerres, ne peut plus répondre à leurs demandes de [89] secours.

  A018001069 

 Tous les justes appréciateurs des choses spirituelles ont loué cette mesure..

  A018001070 

 En effet, libres et affranchies par ce moyen des pénibles anxiétés qui, dans un si grand dénûment de toutes choses, semblent presque étouffer l'élément spirituel, elles se rendront avec ardeur parfaites observatrices des autres règles de leur Ordre; et, avec plus de [90] joie, de facilité, d'attention et de persévérance, elles s'adonneront à célébrer les louanges de Dieu et à prier pour l'Eglise..

  A018001096 

 Finalement, les choses en sont venues maintenant à un tel point qu'il n'y a plus du tout moyen de pourvoir à leur subsistance, si le Siège Apostolique ne daigne leur donner la dispense nécessaire pour qu'elles puissent posséder en commun des biens fonds et autres biens immeubles..

  A018001096 

 Nous avons, l'un ici, l'autre à Evian, deux Monastères de Sainte-Claire, où les Sœurs, par les jeûnes, les veilles, la nudité des pieds et beaucoup d'autres macérations corporelles, s'efforcent de servir le Dieu très bon et très grand.

  A018001097 

 En effet, après trente années d'une guerre cruelle, après les fréquentes et désastreuses incursions des hérétiques, on ne peut plus trouver dans ce diocèse de Genève, des aumônes suffisantes pour soutenir et entretenir ces Monastères.

  A018001097 

 Je passe sur ce qu'une expérience convaincante nous apprend de la mendicité des femmes: elle est toujours accompagnée de préoccupations pénibles, de soucis immodérés et continuels, de pensées mélancoliques, d'industries dangereuses sur les moyens de demander et d'obtenir, et des plus troublantes inquiétudes..

  A018001098 

 Aussi, voyant cette pauvreté extrême nuire beaucoup à leur vie intérieure et rendre ces Religieuses incapables de persévérer plus [92] longtemps dans leur vocation, si le Siège Apostolique ne pourvoit d'un remède opportun, j'ai tenu — bien que le soin de ces Sœurs incombe, non à moi, mais aux Frères Mineurs — à appuyer les demandes et les supplications qu'elles se proposent d'adresser à Sa Sainteté, par mes très humbles prières à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime, que je souhaite beaucoup leur être favorable..

  A018001099 

 Je l'informe en passant que dans ces Monastères de femmes de notre province, on n'observe nullement les très salutaires décrets du Concile de Trente sur le confesseur extraordinaire à donner deux ou trois fois l'année aux Religieuses, et sur l'examen que l'Evêque doit faire des filles ou femmes avant leur profession.

  A018001100 

 Dieu veuille la garder en santé très longtemps encore! En lui baisant très humblement les mains, je demeure,.

  A018001145 

 Vous recevres un paquet ou sont les livres de l' Introduction et les nouvelles desplaysantes de nostre perte recente de nostre pauvre et tres aymable vefve.

  A018001147 

 Nous tascherons d'eschapper en toute façon d'avoir besoin du jardin des Peres, puisque je voy que cela en offence grandement quelques uns, qui m'ont dit que vous avies escrit que vous avies fait toutes les sollicitations.

  A018001148 

 O mon tres Reverend cher Pere, je suis incomparablement tout vostre et de tout mon cœur: c'est ce que je puis dire pour le present, allant celebrer les Ordres.

  A018001161 

 Vous recevres par M. Rousselet une de mes lettres, par laquelle je vous supplie de nous assister vers Monsieur pour obtenir le Pré Lombard en faveur des Seurs de la Visitation, et nous vous ouvrons un expedient: qu'au moins il luy playse de permettre que les susdites Dames en eussent la moytié pour donner en eschange aux Peres de Saint Dominique, gardant l'autre moytié pour en faire ce que Sa Grandeur voudroit.

  A018001177 

 Je ne sçai, certes, comme les ames qui se sont donnees a la divine Bonté ne sont tous-jours joyeuses, car y a-il bonheur esgal a celuy la? Ni les imperfections qui vous arrivent ne vous doivent point troubler, car nous ne les voulons pas entretenir et ne voulons jamais y arrester nos affections.

  A018001177 

 Tenes bien vostre courage relevé, je vous supplie, ma tres chere Fille, en la confiance que vous deves avoir en Nostre Seigneur, qui vous a cherie, vous donnant tant d'humbles attraitz a son service, et vous cherit en vous les continuant, et vous cherira en vous donnant la sainte perseverance.

  A018001178 

 C'est seulement pour les recommander a vos prieres que j'en touche ce mot..

  A018001178 

 Vous aves bien sceu, ma tres chere Fille, toutes nos petites afflictions, lesquelles j'aurois bien sujet de nommer grandes, si je n'eusse veu un amour special de Dieu envers les ames qu'il a retirees d'entre nous; car mon frere mourut comme un Religieux entre les soldatz, ma seur, comme sainte entre les Religieuses.

  A018001190 

 Il me semble, certes, que je le voy, ce Sauveur crucifié, au milieu de vostre ame comme un bel arbre de vie, qui, par les fleurs des bons desirs qu'il vous donne, vous promet les fruitz du divin amour qu'il produit ordinairement es lieux ou sont la rosee d'humilité, douceur et simplicité de cœur.

  A018001198 

 Je vous puis dire, Madame ma tres chere Seur, que toute cett'annee j'ay vescu parmi les mortz; car, outre une quantité d'amis et parens que j'ay perdus pour ce monde, j'ay veu ecclipser en trois moys mon frere, son filz unique et sa femme, que je cherissois incomparablement.

  A018001198 

 Mays, graces a Dieu, tout cela s'est passé [103] a leur salut; car mon frere, qui estoit allé au service de Son Altesse en soldat, y est mort en Religieux; son filz est passé en innocence, et sa femme en sainte, apres avoir demandé et obtenu l'habit de la Visitation et fait les vœux au lit de la mort.

  A018001199 

 Et je voy bien que dans peu de jours vostre bon naturel recevra une pareille attaque; car je vis hier madame nostre bonne Mere, et la trouvay sur les confins de cette vie mortelle, ou sa maladie, et principalement son aage, l'ont conduit, et a mon advis, pour lent que soit son passage, elle ne peut pas beaucoup tarder de l'achever.

  A018001199 

 Or sus, ma tres chere Seur, il faudra bien tenir vostre cœur ferme, affin quil ne chancele point a cette secousse, mais qu'attaché a la Providence divine, apres les premiers eslans de douleur qui sont inevitables, il demeure doucement en paix, en attendant avec une sainte esperance le tems auquel, par le mesme passage, nous irons revoir ceux qui nous præcedent.

  A018001212 

 O sil playsoit a Dieu de le toucher, l'attirer et gaigner! car c'est bien la coustume de sa divine providence d'employer les choses basses et infirmes pour les grans effectz de sa Bonté.

  A018001215 

 Nous avons la paix, mais non pas encor les effectz de la paix, car l'execution du traitté est, ce dit on, en quelque sorte de difficulté.

  A018001217 

 Vous commanderes, et vous seres obei de tous eux, et de moy en verité plus affectionnement que de tout le reste, puisque, vous baysant tres humblement les mains et vous souhaitant toute sainte fœlicité, je suis,.

  A018001260 

 Bienheureux sont les crucifiés, car ilz seront glorifiés..

  A018001261 

 Hier il me demanda comme ma seur avoit disposé, et je le luy dis franchement; et il tesmoigna de le treuver bon, hormis qu'il eust voulu que M lle de Chantal eust eu les trois mille escus, ce dit-il.

  A018001270 

 Il est vray, Dieu a affligé nostre mayson en la mort de mon frere et de ma seur de Thorens; mais sa main divinement paternelle nous force d'adorer sa suave bonté qui ne nous a touchés que doucement, puisque mon frere est mort saint entre les soldatz, ou il se treuve si peu de saintz, et ma seur, sa chere espouse et mon unique fille, est morte sainte entre les servantes de Dieu et dans le cloistre, qui est ordinairement un seminaire de sainteté.

  A018001270 

 Le medecin qui la servoit en sa derniere maladie disoit que si les Anges pouvoyent mourir, ilz voudroyent mourir de la sorte..

  A018001283 

 Pour moy, je pense qu'ilz seront un jour de grand service a la France; car ilz ne font pas seulement proffit en l'instruction de la jeunesse (aussi n'est il pas si requis ou les Peres Jesuites font si excellemment), mais ilz chantent au chœur, confessent, cathechisent voire mesme es villages ou ilz sont envoyés, preschent et en somme font tout ce qui se peut desirer, et fort cordialement, et ne demandent pas beaucoup pour leur entretien.

  A018001283 

 Une chose leur manque, que nous supportons facilement icy: c'est qu'encor qu'ilz ayent des excellens praedicateurs, nous ne pouvons pas jouir pour encor de leur talent en cela, d'autant qu'ilz n'ont pas encor [112] l'usage parfait du langage françois, ains seulement autant quil faut pour se faire entendre es cathechismes, petites exhortations et conversations spirituelles; mays ilz le vont aquerant tous les jours.

  A018001283 

 Vostre prudence discernera ce qui se pourra faire pour les attirer en vostre Autunois.

  A018001283 

 Voyla ce que je vous puis dire, et ce qui me feroit desirer leur introduction es lieux ou les Peres Jesuites ne sont pas.

  A018001284 

 Je voy, ce pendant, madamoyselle vostre femme, que je cheris a la verité tres cordialement, sur la croix, entre les clouz et les espines de plusieurs tribulations qu'elle sent et que vous ressentés.

  A018001285 

 Toute cett'annee nous avons vescu parmi les adversités, et je croy que vous aures sceu le trespas inopiné de mon frere et de, ma seur, que j'appelle inopiné, car, qui l'eut pensé? mais trespas tres heureux pour le genre et la sainteté du passage; car, particulierement ma chere petite seur, fit sa (sic) depart avec tant de pieté et de suavité, qu'un docte medecin qui le vit me dit que si les Anges estoyent mortelz ils desireroyent cette sorte de mort.

  A018001305 

 La glorieuse sainte Cecile m'appelle au chœur pour ouïr les louanges de son Seigneur, que les musiciens, par devotion particuliere, veulent chanter de sa part.

  A018001332 

 Lorsque j'en traitai avec Son Altesse, elle agréa que, dans ce but, on prit tout le revenu du monastère de Contamine, supprimant les moines pour plusieurs raisons, et attribuant leurs prébendes, partie au collège de cette ville, partie à celui de Thonon, à condition, cependant, de placer dans ces collèges autant de Pères Barnabites qui puissent célébrer les Messes auxquelles les moines étaient tenus.

  A018001332 

 Quelques autres conditions seront expliquées à Votre Paternité par le P. D. Juste, car je les ai mises au long par écrit..

  A018001332 

 Voici cependant la sainte paix tant désirée; aussi est-ce le moment de voir comment nous pourrons faire réussir les pieux desseins du Sérénissime Prince de Piémont pour consolider la fondation de ces deux collèges d'Annecy et de Thonon.

  A018001334 

 Par ce même moyen, le Père pourrait s'occuper encore de deux autres choses: il ménagerait l'union de certains bénéfices non conventuels pour l'établissement du Noviciat à Rumilly, et il obtiendrait l'approbation des Sœurs de la Visitation, à l'expédition de laquelle on s'emploie, mais très lentement, comme l'écrit le Révérend Père Procureur, parce que les Règles sont en français; le P. D. Juste achèverait rapidement l'affaire.

  A018001335 

 Je supplie Votre Paternité de croire fermement que je n'aurais jamais songé à demander la pièce [119] de terrain du collège où se trouve l'étang sans poissons, si j'avais vu que cette cession dût porter préjudice aux Pères, surtout en ce qui touche leur récréation; car leur santé et leur agrément me sont chers comme les miens propres.

  A018001335 

 Mais, pour le dire librement et sincèrement, si le prix de cette place de l'étang est employé comme il convient, il sera bien plus utile au collège que la place elle-même; voilà pourquoi j'ai été étonné des préventions de nos Pères, [120] auxquels néanmoins je n'en ai point parlé; car voyant que la seule idée de cette affaire les refroidissait avec moi, je n'ai pas voulu passer outre.

  A018001336 

 J'ajoute même que si on n'exhausse pas de ce côté les murs qui s'étendent vers l'autre partie du collège, celui-ci demeure presque tout entier découvert aux regards des Dominicains.

  A018001348 

 Playse donq a Vostre Altesse de confirmer les privileges des-ja accordés aux maistres et apprentifz, et autres personnes qui font profession de cet exercice.

  A018001348 

 Vostre Altesse a des le commencement favorisé l'establissement de l'art et traffiq de la soye en ces cartiers de deça comme une œuvre de grande utilité au païs et de grande importance pour la gloire de Dieu, affin de divertir les artisans et ouvriers d'aller perdre leurs ames dans Geneve.

  A018001375 

 Nostre pere se porte bien; le frere et la seur vont a Nessi, trop heureux que sera ce peuple de les voir..

  A018001397 

 Je ne pouvois mieux faire recevoir mon remerciement au celeste Medecin qui vous a guerie, que par les mains de ma Dame sa Mere, Marie conceuë sans peché, nostre chere et souveraine Maistresse.

  A018001409 

 C'est pourquoy, bien que par les projetz de l'annee passee je devois m'imaginer que vous n'esties plus icy, si est ce que je n'ay peu m'empescher que d'abord mon cœur ne vous cherchast autour de [128] madame vostre mere.

  A018001409 

 Les marques d'une vraye vertu et pieté que j'ay veuës en vostre ame et l'estime que je fay de vostre merite ne permettront jamais que je cesse de vous honnorer et cherir parfaitement.

  A018001411 

 Rien ne vous honnorera tant que cette humilité, car Dieu exalte les humbles.

  A018001411 

 Souvenés vous, Madamoyselle, de vivre tous les jours en humilité, affin que Dieu vous benisse en toute vostre mayson, puisqu'il est certain que Dieu resiste aux superbes et vains, et donne aux humbles sa grace.

  A018001413 

 Je ne vous dis rien de la sainte devotion, qui est desirable en tous tems et tous lieux; car, comme vous sçaves, parmi les joyes et contentemens, elle modere nos espritz; [129] entre les adversités, elle nous sert de refuge et nous delasse; et, quoy qu'il nous arrive, elle nous fait benir Dieu, qui est meilleur que tout.

  A018001414 

 Voyés, je vous supplie, ce que j'ay marqué au livre de l' Introduction a la Vie devote, de la douceur et suavité que l'on doit soigneusement nourrir au mariage; et pour bien apprendre a prattiquer les enseignemens que vous y treuveres, il faut commencer des maintenant d'en essayer, en faysant faire l'exercice du matin et du soir.

  A018001429 

 J'ay veu les suggestions que l'ennemy de vostre avancement fait a vostre cœur, ma tres chere Fille, et voy [130] d'ailleurs la grace que le tressaint Esprit de Dieu vous donne pour vous maintenir forte et ferme en la poursuite du chemin auquel il vous a mis.

  A018001430 

 Vous estes amatrice de ces volontaires penitences, si toutefois penitences se doivent nommer les œuvres de l'amour propre.

  A018001441 

 Il est vray neanmoins qu'une fille qui voudra perdre son ame et son honneur se pourra marier apres les vœux, comme feroit la plus grande professe de France si elle se vouloit perdre et se servir de l'Edict de pacification.

  A018001441 

 Le vœu de chasteté est fondamental, selon les anciens Peres, es monasteres des femmes, et les autres ne laissent pas d'estre essentielz..

  A018001441 

 Vos vœux, ma tres chere Fille, sont aussi fortz que les vœux de tous Ordres de Religion pour obliger la conscience des Seurs a leur observance.

  A018001442 

 Il est vray, on peut estre dispensé des vœux simples, et des autres aussi; plus facilement toutefois de ceux la que de ceux ci, mais non sans grande occasion, et lhors qu'il est expedient: dont les Peres Jesuites se treuvent extremement bien, maintenant en partie le lustre de leur tres illustre Compaignie par ce moyen, lequel le monde n'appreuve pas, mays ouy bien Dieu et l'Eglise.

  A018001443 

 En fin, les Religieux, mesme les plus solemnelz, expulsent; au moins voit-on des [133] Religieux expulsés de l'Ordre de Saint François, voire mesme des Capucins; et les Peres Jesuites, qui sont si avisés et prudens, expulsent pour les desobeyssances, pour peu qu'elles soyent affectionnees et entretenues..

  A018001443 

 L'expulsion a tous-jours esté parmi les anciens Religieux.

  A018001444 

 De fait, les Carmelines la font selon qu'il semble a propos..

  A018001444 

 La prolongation du noviciat se faysant pour cause, n'est pas contraire au Concile, comme ont declairé ceux qui ont la charge des declarations d'iceluy, et les docteurs mesmes l'entendent ainsy.

  A018001454 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Niece, ma Fille, dequoy vous perseveres tous-jours au soin de luy garder les plus pretieuses affections de vostre cœur.

  A018001457 

 Ne vous mettés donq pas en peyne pour cela, mais allés humblement et franchement dire ce que vous aures remarqué; et pour ce que vous n'aures pas remarqué, remettes le a la douce misericorde de Celuy la qui met la main au dessous de ceux qui tombent sans malice, affin qu'ilz ne se froissent point, et les releve si vistement et doucement qu'ilz ne s'apperçoivent pas, ni d'estre tombés, parce que la main de Dieu les a recueillis en leurs cheutes, ni d'estre relevés, parce qu'elle les a retirés si soudain qu'ilz n'y ont point pensé..

  A018001466 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que vous autres qui estes les premieres Meres et comme les colomnes de cette petite Congregation, deves estre grandement humbles, vertueuses et unies a l'esprit de Dieu, puisque vous voyes que de toutes partz l'on vous desire, par tout l'on cherche des greffes et plantes de vos pepinieres; car voyla Grenoble, Turin, Montpellier, Valence, Clermont, Le Mans, en somme par tout il semble que l'on vous veuille a l'envi, sans que par nul artifice on recherche ces recherches....

  A018001511 

 L'affaire des Dames de la Visitation a Rome consiste en ce point: qu'il playse a Sa Sainteté leur permettre de n'estre point obligees a dire le grand Office, pour les raysons suivantes:.

  A018001512 

 Premierement, il n'y a nation au monde ou les femmes prononcent si mal le latin qu'en celle de France, et notamment icy; et seroit presque impossible de faire bien apprendre la prononciation de tout le grand Office, la ou il sera aysé de la leur apprendre pour le petit Office de Nostre Dame, comme elles le prononcent en effect fort bien des a present..

  A018001513 

 Secondement, en cette Congregation on desire recevoir les filles de petite complexion, et lesquelles, faute de forces corporelles, ne peuvent estre receuës es Religions plus austeres.

  A018001514 

 Troysiesmement, il y a exemple a Paris, ou les Seurs de Sainte Ursule, Religieuses des trois vœux solemnelz, ne disent que le petit Office..

  A018001515 

 Quatriesmement, les Seurs de la Visitation font plusieurs exercices spirituelz qu'elles ne pourroyent pas faire en disant le grand Office..

  A018001516 

 Il faut que je vous die que les Regles dont on demande l'approbation sont toutes conformes a la Regie de Saint Augustin, hormis en la clausure absolue, que saint Augustin n'avoit pas establie, a laquelle neanmoins les Seurs se veulent astreindre, selon le sacré Concile de Trente.

  A018001516 

 Je pensois vous marquer les autres pointz; mais je me resouviens que le P. Procureur general les a bien au long.

  A018001516 

 Peut estre que le Saint Siege commettra quelqu'un de deça, quelques Prelatz de Religions et autres theologiens pour les revoir, corriger et appreuver..

  A018001517 

 Je ne voy pas qu'il soit besoin de vous advertir d'autre [141] chose sur ce sujet, sinon que, quant au Monastere de cette ville, attendu que l'eglise d'iceluy est consacree sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame et du glorieux saint Joseph, il seroit desirable que l'on obtinst Indulgence pleniere pour ces jours la, et pour les jours des tiltres des autres Maysons et Monasteres de cette Congregation, outre l'Indulgence du jour de la Visitation, qui est le tiltre general de la Congregation..

  A018001519 

 Ce que je dis, parce que quelques ecclesiastiques austeres et exactz en leurs personnes ont rendu quelque signe qu'ilz n'estoyent pas satisfaitz dequoy en cette Congregation il y avoit si peu d'austerité et de rigueur de peynes; mais il faut tous-jours regarder a la fin, qui est de pouvoir recueillir les filles et femmes debiles, soit en aage, soit en complexion..

  A018001521 

 Or, je desire que le clergé ait part a la lettre, affin qu'on puisse imposer pour cela quelque petite cotisation sur les benefices.

  A018001535 

 Nous sçavons bien cette douce importunité des amans, qui se playsent d'ouïr mille et mille fois repeter qu'on les ayme, non pour s'asseurer, mays pour se complaire en l'asseurance quilz ont, qui semble estre mieux savouree quand ell'est plus souvent repetee.

  A018001541 

 Sur quoy je m'apperçois que [M gr de Bourges et les autres] proches de M. le Baron de Chantal ont opinion que j'aye procuré l'advantage et commodité que cette pauvre defuncte a laissé a mes freres.

  A018001542 

 Je n'ay sceu me retenir, Monsieur mon Frere, de vous dire ce petit mal de cœur, sachant a qui je le dis; car d'en escrire a M. de Bourges, qui ne m'en a point escrit, je ne le juge pas a propos, et me contente de sçavoir en mon ame que suis exempt de ces viles prattiques, ne sçachant mesme pas ce que les testemens de mes pere et mere contiennent, sinon pour rayson des legatz pieux.

  A018001556 

 Je les recevray avec playsir, a condition que vous vous chargeres des femmes, car en fin, qu'en ferois-je? [148].

  A018001597 

 Si jamais ma bouche a refusé de vous nommer ma fille, ç'a esté sans le consentement de mon cœur, qui des le premier abord du vostre sentit bien que Dieu luy donnoit [151] une forte et invariable affection, toute vrayement paternelle pour vous; mais on n'ose pas tous-jours parler comme on desireroit, sur tout quand on doit du respect a ceux qui portent les mesmes tiltres que nous voudrions avoir.

  A018001598 

 Cependant il est fort certain, comme vous dites, que ce bon œuvre ne se fera pas sans quelques contradictions; car, comme seroit-il bon autrement? Mais pour cette dame, je ne croy pas qu'elle la face longue, puisqu'elle est vertueuse et de bon esprit; et puis, Dieu dissipe les cogitations humaines par sa science celeste..

  A018001613 

 Et parce que maintenant il n'y a pas suffisamment pour entretenir une seule personne, s'il plaisoit a Vostre Majesté leur ordonner les cent cinquante livres sur les tailles, que ledit Pere Provincial luy a demandees en aumosne, il pourrait par ce moyen y colloquer quelque habile et discret Religieux, qui, par les voyes ordinaires de la justice et des loix publiques, retireroit petit a petit les pieces esgarees dudit couvent, sans que pour cela aucun eust occasion de se plaindre, ni que personne en fust grandement incommodé..

  A018001614 

 Mais quant aux trois cens livres que ledit Pere Provincial demandoit sur les autres revenus ecclesiastiques remis entre mes mains pour le restablissement de l'exercice catholique es eglises du balliage dudit lieu, je ne voy pas que cela luy doive ni puisse estre accordé; veu que tout est requis pour estre employé aux services et offices divins et a l'entretien et reparation des edifices sacrés, sans qu'on en puisse rien oster, ainsy que j'ay clairement fait voir audit Pere Provincial par les contes de ceux qui, de la part de Vostre Majesté, ont esté establis et commis a la recette desditz revenus.

  A018001615 

 Et lhors, Sire, si Vostre Majesté me commandoit de nommer quelle compaignie j'estimerois plus propre pour ce lieu la, je nommerois celle des Prestres de l'Oratoire, bons a toutes sortes de services spirituelz et qui plus aysement peuvent se mesler parmi les adversaires..

  A018001615 

 Et quant a ce que Vostre Majesté veut sçavoir, s'il seroit point plus a propos d'introduire en la ville dudit Gex quelque compaignie de Religieux reformés, je pense, Sire, qu'il n'y a point de doute, puisque les desvoyés ne sont pas moins attirés a la connoissance du bon chemin par les bons exemples que par les bonnes instructions.

  A018001616 

 Que si d'abondant Vostre Majesté me commandoit de luy marquer un autre moyen grandement utile a l'avancement de la foy catholique en ce balliage de Gex, je dirois, Sire, que ce seroit d'y mettre des officiers catholiques; et sans ce moyen icy, les autres n'opereront que foiblement et lentement..

  A018001631 

 Quand on m'a osté d'aupres de vous, ça esté pour monsieur de Sainte Catherine, mais je pensois que ce fust un accident comme l'autre fois; et voyla que ça esté pour luy faire saintement dire dix ou douze fois: VIVE JESUS! et protester qu'il avoit toute son esperance en la mort de Nostre Seigneur: qu'il a prononcé avec beaucoup de force et de vivacité, et puis s'en est allé ou nous avons nos pretentions, sous les auspices du grand saint Paul.

  A018001632 

 Dieu reparera cette perte et nous suscitera des ouvriers en lieu de ces deux qu'il a pleu retirer de sa vigne pour les faire asseoir en sa table.

  A018001632 

 Mais tenes vostre cœur en paix, car il le faut; et, comme dit l'Escriture, pleures un peu sur les trespassés, mais pourtant loues Dieu en consolation, puisque nostre esperance est vivante.

  A018001643 

 O Providence celeste! sans esplucher vos effectz, je les adore et embrasse de tout mon cœur, et acquiesce a tous les evenemens qui en succedent par vostre volonté..

  A018001653 

 L'autre est que laiqs ne peuvent en conscience tenir les benefices, ni les nominateurs ne peuvent non plus les tenir en suspens sans offencer Dieu et les ames [159] des fondateurs.

  A018001671 

 Il faut que vostre courage surnage a tout cela; et croyes que si vous estes bien resolue de vivre en charité avec elles, leur monstrant un cœur de douce mere, qui a oublié tout ce qui s'est passé jusqu'a present, vous les verres toutes revenir a vous dans bien peu de moys..

  A018001671 

 Je n'appreuve nullement que vous separies vos filles, tenant les unes comme vos affectionnees et partisanes, et les autres comme distraittes de l'affection qu'elles vous doivent, ni qu'on leur reinette leurs pensions ou autres particularités.

  A018001672 

 Et non seulement a elle, mais escrivés aussi a M. le President et a monsieur [161] d'Origny, leur disant qu'apres tant de tourmens que vou saves souffertz, en fin Nostre Seigneur et vostre vocation vous convient de les prier de vous assister au dessein qui a tous-jours esté en vostre ame, de reduire vostre Monastere a quelque perfection de la vie religieuse, et qu'es occasions vous les advertires des moyens requis a cet effect, a ce qu'ilz vous aydent; car en fin, ma tres chere Fille, il faut avoir la paix, et la paix naist de l'humilité.

  A018001691 

 Si c'est sur luy, pourquoy pleurer, que nostre Frere est en Paradis ou les pleurs n'ont plus de lieu? Que si pour vous, n'y a-il point trop d'amour propre (je parle avec vous ainsy franchement), d'autant qu'on jugera que vous vous aymes plus que son bonheur, qui est incomparable? Et voudries vous que, pour vous, il ne fust pas avec Celuy in quo movemur et sumus, tous tant que nous sommes qui acquiesçons a son saint playsir et divine volonté?.

  A018001692 

 Mais venes nous voir, et souvent, et nous convertirons les pleurs en joye, nous souvenant par ensemble de celle de laquelle nostre bon frere jouit et laquelle jamais plus ne luy sera ostee.

  A018001748 

 Entre les saintz projetz que Dieu inspira a Vostre Altesse tandis qu'elle fut icy, pour restablir le lustre du service divin en ces païs de deça, l'un estoit de mettre les Peres Chartreux a Ripaille, qui de tous tems ont une tres particuliere obligation et fidele affection a la coronne de Savoye, et desquelz la vie et les offices sont d'une merveilleuse edification.

  A018001763 

 Et dites-moy, ma tres chere Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu? ne voudries vous pas le servir fidelement? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous?.

  A018001763 

 Et que Dieu vous regarde avec amour, vous n'aves nul sujet d'en douter; car il voit amoureusement les plus horribles pecheurs du monde, pour peu de vray desir qu'ilz ayent de se convertir.

  A018001766 

 Ne permettes jamais a vostre esprit de nourrir volontairement des pensees contraires; et quand elles vous arriveront, ne les regardés point elles mesmes, destournés vos yeux de leur iniquité, et retournés devers Dieu avec une courageuse humilité, pour luy parler de sa bonté ineffable par laquelle il ayme nostre chetifve, pauvre et abjecte nature humaine, nonobstant ses infirmités..

  A018001774 

 Ces maladies longues sont des bonnes escholes de charité pour ceux qui y assistent, et d'amoureuse patience pour ceux qui les ont; car les uns sont au pied de la croix avec Nostre Dame et saint Jean, dont ilz imitent la compassion, et les autres sont sur la croix avec Nostre Seigneur, duquel ilz imitent la Passion..

  A018001774 

 Et vous donq, ma Fille, soyes bien forte parmi les afflictions de vostre Mayson.

  A018001774 

 Je vous voy, ma tres chere Fille, toute malade et [173] dolente sur les maladies et douleurs de vos filles.

  A018001774 

 Qui est celuy qui est malade, dit l'Apostre, que je ne le sois avec luy? Et nos anciens Peres ont dit la dessus, que les poules sont tous-jours affligees de travail tandis qu'elles conduisent leurs poussins et que c'est ce qui les fait glosser continuellement, et que l'Apostre estoit comme cela.

  A018001775 

 Salués, je vous supplie, ces deux filles tendrement de ma part, car je les ayme ainsy..

  A018001776 

 Dieu garde et benit les sorties aussi bien que les entrees de celles qui font toutes choses pour luy, et qui n'occasionnent pas leurs sorties par leurs mauvais deportemens.

  A018001777 

 Dilatés cependant vostre cœur, ma chere Fille, mon ame, parmi les tribulations; aggrandisses vostre courage, et voyes le grand Sauveur penché du haut du Ciel vers vous, qui regarde comme vous marches en ces tourmentes, et, par un filet de sa providence imperceptible, tient vostre cœur et le balance en sorte qu'a jamais il le veut retenir a soy..

  A018001778 

 Je ne dis pas ceci, non, ma chere grande Fille, vous tenant pour descouragee, mais vous tenant pour adoloree, et m'estant advis que je dois mesler mes souspirs avec les vostres, comme je sens mon ame meslee avec la vostre..

  A018001778 

 La haut nous aurons les rubis, les diamans, les esmeraudes, le moust, la manne et le miel.

  A018001778 

 O ma tres chere Fille, vous estes espouse non pas encor de Jesus Christ glorifié, mais de Jesus Christ crucifié: c'est pourquoy les bagues, les carquans et enseignes qu'il vous donne et dont il vous veut parer sont des croix, des clouz, des espines, et le festin de ses noces est de fiel, d'hyssope, de vinaigre.

  A018001779 

 Voyes vous, ne me dites point que vous abuses de ma bonté a m'escrire des grandes lettres; car en verité, je les ayme tous-jours suavement..

  A018001805 

 Voici donc que j'en envoie un double, sorti de mon lourd entendement, et écrit à la hâte; aussi ne sera-t-il pas digne d'être mis sous les yeux du public.

  A018001832 

 Si mes prières sont exaucées par le Seigneur notre Dieu, ce cœur recevra le comble de la perfection de l'amour céleste, et cette main l'anneau des éternelles épousailles avec le Rédempteur de nos âmes, afin que, suivant les désirs de Votre Seigneurie Illustrissime, elle vive toute pour le Christ, dans le Christ et au Christ..

  A018001833 

 C'est pourquoi on demande à Son Altesse de daigner faire en faveur de cette œuvre de piété ce qu'elle a fait en de semblables occurrences, ratifiant le [179] contrat passé avec le Duc de Nemours ou avec ceux qui contractent en son nom; et les Sœurs supplient la Sérénissime Infante de vouloir bien recommander cette affaire, et Votre Seigneurie Illustrissime, d'intercéder pour elles, par charité..

  A018001834 

 A lui soit honneur, gloire et bénédiction éternelle, et à vous, Madame, toutes les grâces que vous souhaite,.

  A018001834 

 Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus [180] qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur.

  A018001860 

 Vous pouves aussi en cueillir quelquefois au jardin des Olives, sur le mont de Calvaire (je veux dire ces bouquetz de myrrhe de vostre saint Bernard), et supplier le celeste Valentin de les recevoir de vostre cœur et d'en louer Dieu, qui est comme s'il en respandoit l'odeur, puisque vous ne pouves ni asses dignement flairer ces divines fleurs, ni asses hautement en louer la suavité.

  A018001871 

 Le Pere Frere Angelo Calcagnio, Gardien des Observantins de Playsance, est prisonnier des il y a trois moys a Chamberi; et par ce que je l'ay souvent veu a Annessi, ou il a quelquefois demeuré les moys entiers avec son frere, et n'ay jamais rien reconneu en luy contraire a la pieté et religion, je l'ay visité en sa prison, ou je l'ay treuvé comme un homme que le tesmoignage de sa conscience tient asseuré.

  A018001887 

 Si bona suscepimus de manu Domini, mala etiam cur non sustinemus? Mays je sçai si asseurement que nos prætentions tendent a la plus grande gloire de Dieu, que je ne puis perdre l'esperance de les voir reuscir, apres que sa divine Majesté aura un peu espreuvé nostre courage..

  A018001888 

 Mays pourtant, affin que de nostre costé nous attirons le bon succes par toute la sousmission quil nous sera possible, je vous diray, mon tres cher Pere: premierement, que si vous voyes du jour qu'avec un peu d'importunité nous puissions obtenir les trois articles que nous [186] demandons, je vous supplie de faire tout effort opportune, importune..

  A018001889 

 Ainsy, pourveu qu'on obtienne cet article, nous serons asses contens, encor qu'on refusera les autres, quoy que grandement desirables..

  A018001889 

 Mais toutefois, si vous voyes qu'on ne les puisse pas obtenir tous trois, qu'au moins on tienne bon en la poursuite de celuy du petit Office; car le grand Office dissiperoit et le lustre et la fin de cette Congregation, puisqu'on ne pourroit pas le dire avec la gravité requise, ni avec la bonne prononciation, et que plusieurs femmes et filles foibles de veüe ou d'estomac, quoy que grandement devotes d'ailleurs, ne pourroyent estre receües.

  A018001890 

 Ains, si cela se pouvoit obtenir, je l'aymerois mieux que toute autre [187] chose, car toutes les difficultés cesseroyent; mays j'ay grand peur que cela ne fut encor plus difficile a impetrer du Saint Siege, quoy que l'exemple des Peres Jesuites serviroit de beaucoup pour faciliter l'affaire..

  A018001890 

 Et plus tost que de mettre le grand Office en cette Congregation, j'aymerois mieux accepter le parti que Monseigneur de Lyon propose, pourveu qu'on le puisse impetrer du Saint Siege: a sçavoir, que cette Congregation demeurast en tiltre de simple Congregation, avec les vœux simples, et qu'il pleut neanmoins a Sa Sainteté d'annuller et casser, ou declarer nulz et de nulz effectz, tous les mariages que les Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais permettre) voudroyent contracter apres avoir faitz lesditz vœux simples, tout ainsy que Gregoire 13 a fait en faveur des Jesuites estudians.

  A018001908 

 Voyla les deux lettres pour l'affaire des Religieux de Talloire, que je veux servir, cherir et honnorer comme leur pieté et les desirs de mon pauvre aysné requierent; car les desirs de ce defunct et sa fidele amitié vivront a jamais en ma memoire et en mes affections.

  A018001960 

 Accablé des sermons et de mill'autres surcharges, je vous diray que vous pouves, a mon advis, recevoir ces filles pour soulager vostre Mayson et gratifier ceste damoyselle d'honneur qui le desire, puisqu'il ny a nul inconvenient, les personnes estant si discrettes que la discipline n'en sera point incommodee..

  A018001962 

 Et de toutes les assistences quil vous fait, sa divine Majesté luy en tiendra bon comte; comm'il fera aussi de la patience et du courage que vous prattiqueres a maintenir et avancer cette Mayson lâ, laquelle reuscira un jour dautant plus grande qu'elle semble croistre plus lentement..

  A018001982 

 Certes, il y a huit jours, qu'estant en un monastere pres de cette ville, je vis [195] des choses qui pouvoyent bien faire rire les huguenotz; et des Religieuses me dirent qu'elles n'avoyent jamais moins de devotion qu'a l'Office, ou elles sçavoyent de faire tous-jours beaucoup de fautes, tant faute de sçavoir les accens et quantités, que faute de sçavoir les rubriques, comme encor pour la precipitation avec laquelle elles estoyent contraintes de le dire; et que ne sachant ni n'entendant rien de tout ce qu'elles disoyent, il leur estoit impossible, parmi tant d'incommodités, de demeurer en attention.

  A018001982 

 Je ne veux pas dire pourtant qu'il les faille descharger, sinon quand le Saint Siege, ayant compassion d'elles, le treuvera bon; mais je veux bien dire pourtant qu'il n'y a nul inconvenient, ains beaucoup d'utilité, a laisser le seul petit Office en la Visitation.

  A018001982 

 La premiere, que les Seurs disant le petit Office gravement et avec pauses, elles y employent autant de tems comme la pluspart des autres Religieuses en mettent a dire le grand Office, sans autre difference, sinon que les unes le disent avec plus d'edification et meilleure prononciation que les autres.

  A018001984 

 Je m'asseure que le Saint Siege favorisera cette œuvre, qui n'est ni contre les loix, ni contre l'estat religieux, et qui luy acquiert beaucoup de maysons d'obeissance en un tems et en un royaume ou il en a tant perdu; et puisque mesme il n'y a pas tant de considerations a faire pour des maysons de filles, d'autant qu'elles ne font nulle consequence pour les autres Ordres, ni ne peuvent estre occasion de plaintes aux autres fondees sous autres statutz.

  A018001984 

 Sera-ce pas une chose digne du Christianisme qu'il y ait des lieux ou retirer ces pauvres filles qui ont le cœur fort, et les yeux ou la complexion foible?.

  A018001999 

 Que dites vous, ma tres chere Fille? Vous semble-il qu'elle n'ayt pas tort de parler ainsy? Ne sont ce pas des paroles excessives? Rien ne les peut excuser que l'amour qu'elle me porte, lequel est certes tout saint, mais exprimé par des termes mondains.

  A018002009 

 Ce porteur, jeun'homme de Gex, quitte son pais et la mayson de son pere pour eviter les inhumaines et continuelles persecutions qu'il y a rencontrees des qu'abjurant l'hæresie il a embrassé la foy catholique; et c'est un grand cas, Monsieur, que cette faction de prætendus reformés, toleree par l'indulgence du Roy, est si [198] insolente que de vouloir, par des voyes extraordinaires, empescher aux sujets de la coronne la liberté de servir Dieu selon la religion du Roy et du royaume, en laquelle l'Estat a esté et laquelle a tous-jours esté en l'Estat, il a, graces a Dieu, environ douze cens ans..

  A018002010 

 Cependant, le favorable accueil et les graces qu'il plaira a Vostre Grandeur de faire a ce jeun'homme qui recourt a vostre bonté, Monsieur, comme a son asyle, serviront de promesse a ceux qui sont si heureux d'estre appellés a la conversion, d'estre protegés envers ceux qui les voudroyent travailler et vexer pour ce sujet..

  A018002011 

 Au reste, Monsieur, c'est meshuy chose superflue de repeter les vœux de mon service, que j'ay fait a Vostre Grandeur, puisque lhonneur que j'ay de vous oser regarder et considerer comm'un pere tres affectionné fait son tres aymable filz, met hors de doute le parfait respect et infini amour que mon ame a pour la vostre, que je supplie incessamment Nostre Seigneur de vouloir combler de sa grace, et demeure invariablement,.

  A018002017 

 Revu sur l'Autographe conservé à Tours, chez les Religieuses du Saint-Esprit.

  A018002025 

 Je fay en toute humilité action de graces a Vostre Altesse de la lettre qu'ell'a escritte a monsieur le Marquis de Lans affin qu'il mit ordre a faire payer les curés d'Armoy, de Draillens, qui de si long tems estoyent en extreme disette et prestz a qui ter leurs charges si je ne les eusse soulagés..

  A018002026 

 J'espere, Monseigneur, que ledit seigneur Marquis effectuera l'intention de Vostre Altesse, ainsy qu'il m'a asseuré a mon retour de Grenoble; et ne me reste qu'a la supplier tres humblement de vouloir tous-jours ainsy proteger les affaires du service de Dieu, qui en suite multipliera ses graces sur la vie et la personne de Vostre [200] Altesse Serenissime, a laquelle je fay tres humblement la reverence, et delaquelle,.

  A018002040 

 Hier je permis a la Seur Louise Marie d'aller voir sa mere en compaignie de ma Seur Anne Marie, parce qu'on ne la pouvoit faire resoudre de se confesser, quoy qu'elle fust en tel danger que les medecins croyoient qu'elle deust mourir cette nuit; ce qu'elle n'a pas encor fait, bien qu'a ce qu'on dit elle ne puisse pas aller loin.

  A018002040 

 On luy a parlé des huit cens florins qu'elle avoit promis a la Mayson, mays elle a remis a le faire quand elle pourra au desceu de son mary; on court donq fortune de les perdre..

  A018002041 

 Les Peres de Saint Dominique semblent vouloir m'obliger de leur jardin sans nous contraindre de vouloir le jardin des Barnabites; toutefois je ne voy encor rien d'asseuré..

  A018002042 

 Le nous et nostre ne me deplaist pas, et toutefois il [202] faudra le moderer en sorte que par trop grande habitude de parler ainsy on ne rende pas les defautz, pechés, imperfections communs et les confessions inintelligibles aux confesseurs estrangers; et partant, il semble quil suffiroit de dire nous et nostre de tout ce qui est vrayement commun, comme: nostre chambre, nostre chapelet, nostre travail, nostre Seur, nostre Mere, nostre exercice; car on peut bien dire: Je n'ay pas fait nostre exercice du matin, je n'ay pas esté a nostre disner, j'ay pensé dans nostre lict, et semblables..

  A018002048 

 Je consens tres librement que nostre tres chere Seur Peronne Marie communie trois, voire quatre et plus encor de fois la semaine jusques a l'edition des Regles, et que tous-jours une des Seurs communie avec elle; et quand elle ne communiera pas, qu'une Seur communie, [205] en sorte que tous-jours quelque Communion se face tous les jours; car je me confirme tous-jours plus au desir que je vous ay communiqué, qu'en cette Congregation la Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour, pour le souhait que le sacré Concile de Trente fait de voir que quelqu'un communie a chaque Messe, ainsy que je le declareray plus a plein aux Regles..

  A018002050 

 J'ay envoyé a ma Seur Françoise Marguerite pour faire arrester les mille ducatons a Dole.

  A018002051 

 Faites vous hardiment communiquer les lettres que j'ay escrit a ma Seur Barbe Marie, car il y en a, a mon advis, qui sont bien bonnes.

  A018002051 

 Puisque vous voules tout avoir, j'en ay escrit une bonne une fois a madame de Vissilieu, et si j'ay du loysir, j'en escriray une autre a madame de la Baume et vous l'envoyeray a cachet volant; mais il la faudra bien cacheter, car je ne sçay pourquoy, mais il est vray que les advis secretz frappent mieux le cœur jusques a ce que l'on soit fort avancé au renoncement de son propre amour..

  A018002052 

 Je salue d'un cœur incomparablement paternel toutes [206] nos cheres Filles, que j'ayme tous les jours plus, m'estant advis que je dois cela a l'affection qu'elles ont de bien servir Dieu.

  A018002053 

 Il faut remettre les lettres que j'escriray a madame de la Baume et a madame de Pisançon et a madame Odoyer, a M. d'Urme, affin quil les rende, car il le desire.

  A018002055 

 Cachetes bien ces lettres apres que vous les aures veuës, et les remettes au bon M. d'Urme auquel j'escris quil les donne.

  A018002059 

 Faites bien secher les cachetz volans, affin qu'on ne s'apperçoive que les lettres ayent esté veuës..

  A018002071 

 Et a la verité, puisque Dieu peut et sçait tirer le bien du mal, pour qui fera-il cela, sinon pour ceux qui, sans reserve, se sont donnés a luy? Ouy, mesme les pechés, dont Dieu par sa bonté nous defende, sont reduitz par la divine-Providence au bien de ceux qui sont a luy.

  A018002071 

 Jamais David n'eust esté si comblé d'humilité s'il n'eust peché, ni Magdeleine si amoureuse de son Sauveur s'il ne luy eust remis tant de pechés, et jamais il ne les luy eust remis si elle ne les eust commis..

  A018002072 

 Et quoy que vous ne voyes pas les ressortz par lesquelz ce bien vous doit arriver, demeures tant plus asseuree qu'il arrivera.

  A018002072 

 Si Dieu vous jette la boue de l'ignominie sur les yeux, c'est pour vous donner la belle veuë et vous rendre un spectacle d'honneur.

  A018002074 

 La troysiesme maxime que vous deves avoir, c'est celle que Nostre Seigneur enseigna a ses Apostres: Qu'est ce qui vous a manqué? Voyes vous, ma chere Fille, Nostre Seigneur avoit envoyé les Apostres ça et la, sans argent, sans baston, sans souliers, sans besace, revestus d'une seule soutane, et il leur dit par apres: Quand je vous ay ainsy envoyés, quelque chose vous a-elle manqué? Et ilz luy dirent: Non.

  A018002074 

 [210] Et pourquoy donq n'aures vous pas courage de reüscir de toutes les autres adversités? Dieu ne vous a pas abandonnee jusques a present; comme vous abandonnera-il des a present, que, plus qu'auparavant, vous voules estre sienne?.

  A018002075 

 Il commanda a saint Pierre de marcher sur les eaux; et saint Pierre voyant le vent et l'orage, eut apprehension, et l'apprehension le fit enfoncer, et il demanda secours a son Maistre, qui luy dit: Homme de peu de foy, pourquoy as-tu douté? Et luy tendant la main, il l'asseura.

  A018002075 

 Si Dieu vous fait marcher sur les flotz de l'adversité, ne doutés point, ma Fille, n'apprehendes point.

  A018002076 

 Ma Fille, nous allons a l'eternité, nous y avons presque des-ja l'un des pieds; pourveu qu'elle nous soit heureuse, qu'importe-il que ces instans transitoires nous soyent fascheux? Est il possible que nous sçachions que nos tribulations de troys ou quatre jours operent tant d'eternelles consolations, et que nous ne veuillions pas les supporter? En fin, ma tres chere Fille,.

  A018002081 

 Ceux qui sont piqués des espines de la couronne de Nostre Seigneur, qui est nostre chef, ne sentent guere les autres piqueures..

  A018002081 

 Plantés en vostre cœur Jesus Christ crucifié, et toutes les croix de ce monde vous sembleront des roses.

  A018002097 

 Elle n'a donq nul sentiment du refus, sachant bien que les pelerines qui devront avoir retraitte en ce logis, n'y devant habiter que la nuit de cette petite vie, seront, Dieu aydant, si attentives a tirer païs dans le beau sejour de leur cité permanente, que le reste leur sera indifferent..

  A018002097 

 Et puis, elles sçavent qu'il n'est pas hors de propos que les fideles espouses de Celuy qui n'eut jamais ni logis ni ou reposer son chef en ce monde ne soyent pas logees a leur commodité.

  A018002098 

 Ainsy les rosiers produisent premierement les espines, puis les roses..

  A018002125 

 Ce pendant, le bon pere viendra icy faire les Rogations avec nous, et madame la Presidente et les freres, [215] ou nous ne serons pas sans parler de vous.

  A018002135 

 Revenes donq, ma chere Mere, pour tirer d'icy de ces petites plantes de benediction et les transplanter ailleurs, a la gloire de nostre doux Jesus, que je supplie de vous benir.

  A018002144 

 Je croy que nostre Mere vous donnera le contentement que vous desires, car je la layssay resolue a cela, comm'une Mere tres amoureuse de sa tres chere fille; et si ses forces et les necessités de cette Mayson d'icy le permettoyent, je croy mesme qu'ell'iroit volontiers a Moulin..

  A018002155 

 Revu sur l'Autographe conservé chez les Sœurs Bénédictines de Santa Cecilia, à Rome..

  A018002162 

 Les Peres de Saint Dominique m'ont offert un parti pour avoir ce morceau de jardin dont nous avons besoin, sans toucher a celuy des Peres Barnabites, mais parti si impossible et, si je ne me trompe, desraysonnable, qu'en fin ce n'est rien.

  A018002163 

 Vous vous resouviendres bien de ce que vous me dites de M. de Grenier et de ses lettres; j'ay sceu que c'est, et m'est advis que c'est si peu de chose, que si vous n'en pouves parler fort doucement et imperceptiblement, il ne seroit presque pas bon d'en rien dire, de peur d'effaroucher cette pauvre fille qui se promet tant de consolation de vostre veue; et peut estre les termes generaux suffiront, sil ne se presente d'autre biais bien propre pour venir aux particuliers..

  A018002166 

 Et puis, cette methode de se desfaire du gentilhomme que vous sçaves, engendrera elle pas indubitablement [220] des querelles, puisque il s'est declairé de sa pretention a M. de Chantal et a moy, a qui mesme il a monstré l'escrit? En somme, il arrive souvent en ce monde que les roses se convertissent en espines..

  A018002166 

 Que je suis en peine, ma tres chere Mere, de crainte que nostre mariage, dont nous nous promettions tant de consolation, ne se rompe; car de ne pas communiquer tres clairement et sans replys toutes les difficultés quil y a, a M. de Chantal et a Monseigneur de Bourges, il ny a point d'apparence; et de les leur communiquer, il y a toute apparence que Monseigneur de Bourges se rebutera de voir que cette terre dont on avoit parlé ne soit pas terre, ains une mayson seulement; que mesme on ne la veuille donner que pour apres le trespas, et non aux noces; que l'argent n'est pas exigeable pour estre colloqué a propos des affaires que l'on a, et que l'on veuille tant de pompe, que deux ou trois mille escus ne suffiront pas: de sorte que rien ne demeure qui puisse bien contenter son esprit que vous connoisses, sinon la fille, que tout le monde avoüe estre digne d'amour.

  A018002167 

 Ce sera pourtant grand domage si ce mariage ne se fait, car a mon advis, les parties se fussent fort entr'aymees, et les parens contentés de cette aymable fille.

  A018002167 

 Pour moy, je faisois conte de quinze mille escus bien revenans en argent, et quinze mille en la terre; car si ell'eut esté terre de cinq cens escus de revenu, elle les valoit fort bien.

  A018002194 

 Et les effectz de ce veritable tesmoignage en seront mes garens; qui me fait le proferer hardiment, priant au reste la divine Bonté qu'elle face abonder Vostre Grandeur en benedictions, et demeurant,.

  A018002210 

 J'ay esté bien en peine d'abord, mais en fin j'ay sceu, ma tres chere Fille, que ce n'estoit que les attaques ordinaires.

  A018002245 

 Ell'est maintenant a Lyon avec nostre fille, et sera icy dans huit jours pour recevoir la profession de M lle de Vallon et de M lle Carra le dimanche entre les octaves de l'Ascension..

  A018002245 

 La Visitation vous attend, et M me de Chantal me conjura a son depart, ou par une lettre, de vous conjurer de [226] les assister a present.

  A018002246 

 Monsieur nostre Prieur vous dira les nouvelles tous-jours plus asseurees de la paix.

  A018002276 

 Nous sommes icy parmi les consolations que cette bonne compaignie nous donne, attendans pour compliment de bonheur la venue de nostre chere Mere..

  A018002290 

 Mays vous sçaves que la [229] nouvelle Mere est ma fille; si est bien madame de Granieu; salues les donq comme il faut.

  A018002304 

 J'ay regardé avec compassion l'estat de vostre cœur, des que j'ay sceu le desplaysir qu'il a receu ces jours passés; car encor que je sache bien que, graces a Dieu, l'experience et accoustumance que vous aves faite des quelques annees en ça a souffrir les mescontentemens, aura affermi vostre ame et animé vostre courage pour n'estre plus si extraordinairement sensible a ces coups inevitables de nostre condition mortelle, si est ce que d'ailleurs je crains que ces recharges si frequentes n'estonnent vostre resolution.

  A018002305 

 Mais toutefois, Madame, je ne laisse pas d'esperer qu'apres tant de remises de vostre volonté a celle de Dieu, apres tant de considerations que vous aves faites sur la vanité de cette vie et sur la verité de la future, apres tant de protestations de vouloir estre irrevocablement attachee a la suite de la Providence celeste, vous ne treuvies une solide consolation au pied de la croix de Nostre Seigneur, ou la mort nous a esté rendue meilleure que la vie; et cette illusion de la vie de ce monde n'aura pas eu le credit, je m'asseure, de vous faire desmarcher des resolutions que Dieu vous fit prendre sur les evenemens d'autrefois..

  A018002306 

 Et en verité, il importe peu (ains il importe beaucoup) a ceux que nous cherissons, que leur sejour soit court parmi le tracas et les miseres de cette vie; et quant a nous, cela ne nous toucheroit point, si nous sçavions considerer que c'est la seule eternité a laquelle nous devons dresser tous nos desirs..

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002319 

 Bienheureuse que vous seres, si, comme vous estes resolue de faire, vous les receves humblement et les prattiques fidellement, ainsy que de toute mon affection je le souhaite, demeurant a jamais, ma tres chere Fille, et d'un cœur vrayement paternel,.

  A018002319 

 Certes, je le dis en verité, je vous cheris tres particulierement des que je vis en vostre cœur les arrhes du saint amour de Dieu envers vous, tesmoignees par les [232] attraitz qu'il vous fait a son service.

  A018002338 

 En somme il est donq vray, Monsieur mon Frere, que les estoilles ne sont plus en veuë quand le soleil l'est sur nostre horizon, et qu'ainsy ce grand contentement que vous contemples au mariage de Monsieur vous vaut tellement que nous ne sommes plus en memoire.

  A018002338 

 Or sus, nous nous res-jouissons, certes, avec vous, et de tout nostre cœur, de ce mesme bonheur que nous estimons grand; mais nous avons sceu cette heureuse nouvelle a tastons, ramassant ça et la les asseurances que nous en avions parmi le bruit qui s'en faysoit; car ni Monsieur, ni aucun de sa part, ni nul homme du monde ne nous en a donné aucun advis.

  A018002361 

 Nous sommes tous-jours esperant et attendant la reddition de nostre Verceil, laquelle devroit il y a long tems estre faite, selon la rayson et les promesses, mais qui ne devroit pas estre si tost attendue, selon l'honneur de celuy qui tient la ville, qui expres, dit on, ne la veut pas faire selon les articles et a point nommé, affin que l'on ne puisse pas dire que c'est par l'authorité du Roy qu'il fait ce dernier accomplissement de la paix.

  A018002377 

 Je ne vous sçaurois rien refuser, ma tres chere Fille, et partant, les deux portraitz que vous desires se feront.

  A018002378 

 Le secret des secretz en l'orayson, c'est de suivre les attraitz en simplicité de cœur.

  A018002378 

 Vostre sorte d'orayson est tres bonne, ains beaucoup meilleure que si vous y faysies des considerations et discours, puisque les considerations et les discours ne servent que pour exciter les affections; de sorte que s'il plait a Dieu de nous donner les affections sans discours ni consideration, ce nous est une grande grace.

  A018002380 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, marches fidelement au chemin auquel Dieu vous a mis; ayes bien soin de contenter saintement celuy quil vous a associé et, comme une petite mouche a miel, en faysant soigneusement le miel de la sacree devotion, faites encor bien la cire de vos affaires domestiques; car si l'un est doux au goust de Nostre Seigneur, qui estant en ce monde mangea le beurre et le miel, l'autre aussi est a son honneur, puisque il sert a faire les cierges allumés de l'ædification du prochain..

  A018002410 

 Il me semble que vous pourres luy respondre en peu de paroles quant a ce qui regarde la grace, en luy disant que en la grande presse qu'on vous a donnee, pour laquelle vous n'avies nul loysir d'attendre sa response, vous aves pris advis de ceux que vous aves jugé vous le pouvoir donner; et que, en fin, selon leur conseil, vous aves fait ce que vous aves fait, marrie que vous seres si elle l'a a contrecœur; et qu'elle excuse vostre simplicité, et n'impute toute cette procedure qu'au manquement d'experience es telles occurrences (car en somme, ma tres chere Fille, il faut affoiblir la passion de cette seur ainsy par humilité et douceur); qu'il ny a d'empesché que ceux qui se treuvent en la meslee, et les filles n'auront ni honneur [242] ni deshonneur en tout ceci, car on sçaura tous-jours que ce sont des filles.

  A018002447 

 Et en ce païs mesme de deça, si on ne les a fait publiques, on les a fait generales, et moy je les ay fait tres particulieres, comme ayant receu en vostre conservation un des plus singuliers bienfaitz que j'aye receus il y a long tems..

  A018002447 

 Je ne vous sçaurois dire de combien d'afflictions mon cœur a esté tourmenté parmi les incertitudes de vostre santé.

  A018002448 

 L'une sera de la conserver soigneusement par les moyens [245] convenables, estayant et appuyant l'infirmité d'icelle et le penchant que l'aage et les maladies luy ont causé, par le repos et reglement propre a cela..

  A018002449 

 L'autre, et la premiere, sera que, si jusques a present vous aves eu intention de dedier tous les momens de vostre vie presente a l'immortalité et eternité de la future, vous en redoublies la resolution et les vœux, contant les jours et les heures, et les employant affectionnement a vostre advancement en l'amour divin, a l'amplification de la pieté parmi les mondains, et en somme, a l'execution des saintes vertus que la grace de Dieu et vostre bon naturel vous ont fait aymer et desirer il y a long tems.

  A018002450 

 Ce qui me fait vous supplier tres humblement, Monsieur mon Filz, d'avoir quelque soin de luy, affin que l'on voye que ceux qui abandonnent cette fause religion pour embrasser celle du Roy et du royaume, qui est la seule vraye religion, ne sont pas abandonnés de ceux qui tiennent les meilleurs rangs au service du Roy et de la coronne..

  A018002463 

 Courage, ma tres chere Fille, tenes vostre esprit haut eslevé au dessus de ce monde et de toutes les embusches qu'il nous tend.

  A018002479 

 Je ne m'estonne point de l'empressement que ces bons personnages ont a destourner les ames que Dieu appelle a la Visitation; car encor me semble-il que cette bienaymee petite Congregation est quitte a bon marché des persecutions et contradictions que l'ennemi de son progres luy suscite et a accoustumé de susciter en toute pareille occasion.

  A018002480 

 J'ay receu de Rome commission d'eriger cette Congregation en tiltre de Religion, avec tous les privileges, preeminences, immunités et graces qu'ont toutes les autres Religions, et ce, sous la Regie de saint Augustin.

  A018002495 

 Vrayment, il faut que je die a ma tres chere fille, que ma mere, avant que mourir, fit sa confession generale a moy, et me rendoit despuis tous les ans conte de sa vie avec une grande humilité; et ma pauvre belleseur, de la sainte mort de laquelle ma Seur Peronne Marie vous tesmoignera, en fit de mesme.

  A018002532 

 Cette lettre vous est estroittement recommandee, ma tres chere Fille, par celuy qui l'a escritte en chemin, allant d'icy en Bornand; car quant a moy, je ne vous dis rien pour le present, sinon que je feray response a ces bons Peres desquelz vous m'envoyastes les lettres.

  A018002545 

 C'est de quoy, Sire, vostre justice et pieté est suppliee tres humblement par cette trouppe de tres fideles sujetz et tres devotz orateurs que Vostre Majesté a en cet Ordre, tous-jours jusques a present de grande edification, et mesme sous vostre couronne royale, laquelle les a aussi tous-jours gratifiés de sa speciale protection.

  A018002563 

 [Ce n']est pas mauvais signe, mais bon, quand il se fait ainsy quelque petite purgation; et comme ce seroit [257] cruauté de renvoyer les filles par nos caprices, aversions ou inclinations, aussi seroit ce cruauté de les retenir contre les leurs, quand ilz ne sont pas guerissables..

  A018002585 

 Messieurs les Consulz de Chabeul..

  A018002613 

 Je veux dire, ma tres chere Fille, que vous communiies hardiment tous-jours, quand ceux a qui vous vous confesses diront oüy, outre les Communions ordinaires que je vous ay marquees..

  A018002615 

 Ainsy me semble il que je suis tous-jours avec vostre cœur et avec celuy de cette chere Mere, et que nos cœurs s'entretiennent les uns aux autres, ains ne sont qu'un cœur qui, de toute sa force, veut aymer Dieu, et ne s'ayme qu'en Dieu et pour Dieu.

  A018002615 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que l'amour cæleste est aymable, voire mesme quand il est exercé icy bas parmi les mysteres de nostre mortalité! la distance des lieux, ni rien du monde ne luy peut oster la suavité.

  A018002644 

 Revu sur l'Autographe conserve à Rome, dans les Archives des RR. PP. Barnabites.

  A018002650 

 C'est pourquoi, nos Pères d'ici ayant traité de cette affaire avec moi pour en avoir mon sentiment, j'ai cru devoir les encourager à s'employer pour que l'offre de ce collège fût acceptée.

  A018002652 

 Peut-être semblera-t-il dur que la commune exige l'admission au collège des fils des hérétiques pour y apprendre les lettres.

  A018002652 

 Toutefois, outre que nous avons l'exemple des collèges des Pères Jésuites, cette condition, loin de nous faire hésiter, doit au contraire nous exciter à accepter; car peut-être n'y a-t-il pas de voie plus facile pour convertir les hérétiques que celle-ci, et ce moyen employé avec adresse aura un merveilleux succès..

  A018002653 

 Les Messes pourront se réduire facilement par l'autorité de l'Ordinaire, et, avec le temps, les revenus étant augmentés, la Congrégation aura de moins lourdes charges..

  A018002654 

 Si bien il semble dur à nos Pères que la commune veuille les astreindre à ne pas accepter d'autres classes en cette province dans un rayon de sept lieues autour de Chabeuil, cela ne me paraît pas un inconvénient; car la Congrégation peut s'étendre en prenant des églises pour les desservir.

  A018002668 

 Dites moy, ma tres chere Fille, vostre cœur que fait il? Il est, je m'asseure, plus brave que l'ordinaire en cette sainte octave en laquelle on celebre les triomphes de nostre Reyne, en la protection de laquelle nostre esprit repose et nostre petite Congregation respire.

  A018002680 

 Quoy que Vostre Altesse Serenissime ayt souvent commandé, comme la justice et pieté requeroit, que les curés dArmoy et de Draillens fussent payés de leurs pensions, neanmoins il (sic) n'ont jamais peu retirer un seul liard despuis quatre ans en ça, quelle sollicitation qu'eux et moy en ayons sceu faire, et qu'elle (sic) remonstrance que nous ayons proposee de l'extreme necessité que ces parroisses ont d'estre assistees.

  A018002697 

 Et si elle sçavoit la necessité qu'il y a que ce payement se fasse, je m'asseure qu'elle le presseroit grandement; car, Monsieur, il n'y a rien en ces parroisses (je dis rien pour tout) pour l'entretenement du service de Dieu et des ames, Son Altesse ayant voulu d'authorité souveraine, contre les arrestz du Senat, que tout le revenu que l'Eglise y possedoit fut relasché a ceux de Geneve, assignant seulement a chaque curé cinquante escus pour son entretien.

  A018002697 

 [268] Despuis, sadite Altesse l'a de rechef commandé par lettres fort expresses, que vous, Monsieur, escrivites environ les festes de Pasques a monsieur le Marquis de Lans, auquel je les rendis moy mesme; et ne se peut dire de quelle asseurance il me promit que j'en verrois les effectz.

  A018002698 

 Et les parroisses en seront soulagees, car elles payeront plus a commodité, et les curés asseurés, tant de ce qui leur est deu et qu'ilz doivent reciproquement [269] ailleurs ou ilz ont emprunté, que de ce qui leur doit ci apres estre payé pour leurs pensions..

  A018002698 

 Nous la supplions donq d'assigner nostre payement sur les tailles ordinaires des mesmes parroisses, avec commandement a la Chambre de faire descharger les païsans d'autant, et jusques a la concurrence de ce qui nous est deu.

  A018002699 

 Mais encor, s'il n'y a de bonnes clausules derogatoires, courrions nous fortune de n'avoir rien, tant sommes nous favorisés en nos poursuites, pour justes qu'elles soyent! Ce que je dis, non pour me plaindre de la Chambre, qui est certes marrie de nous voir maltraitter non obstant les arrestz qu'elle a rendus pour nous contre les gabelliers, mais pour vous supplier, Monsieur, de ne rien oublier es depesches, affin que nous vous soyons, et ces curés et moy, de plus en plus obligés.

  A018002735 

 En effet, j'ai lu, il y a quelques années, ce traité si utile De la Justice et du Droit, dans lequel, avec autant de concision que de clarté, vous résolvez excellemment, et mieux qu'aucun des auteurs que je connaissais, les difficultés de cette partie de la théologie..

  A018002736 

 Comme il arrive [272] en ces occasions, je n'ai pu qu'y jeter rapidement les yeux; cela m'a suffi pour me rendre compte que Votre Paternité y embrasse et soutient cette doctrine, qui a pour elle l'antiquité, le charme propre et le pur sens de l'Ecriture, de la prédestination à la gloire en suite de la prévision des œuvres.

  A018002738 

 Que Dieu, jusqu'à la vieillesse et au dernier déclin de l'âge, ne [273] retire jamais de vous sa main protectrice, et que les bénédictions du Ciel, dont je le prie de vous combler, soient l'ornement de vos cheveux blancs..

  A018002750 

 Je chantay, l'autre jour, la victoire avant le triomphe, quand je vous escrivis que nous estions d'accord avec les Peres de Saint Dominique; car, comme le contract a esté dressé, il (sic) n'ont pas volu tenir parole, de sorte quil faudra marcher dans les termes de la justice, laquelle si ell'est un peu bien administree, ilz [274] se repentiront d'avoir refusé dix mille florins de ce qui n'en vaut pas cinq cens.

  A018002750 

 Or, je voy bien que, quoy qu'on leur donnast, ou un autre jardin, ou autre chose, il sera impossible de les ranger, car ilz s'obstinent par pure tentation.

  A018002752 

 Je seray bien ayse si je puis avoir la Regie de saint Augustin, d'Italie, car j'ay celle des Augustins de France, outre la latine qui est en ses Œuvres; et qui pourroit avoir les Constitutions des Angeliques, [275] elles serviroyent beaucoup.

  A018002766 

 Ces pauvres gens de la Vald'Aux, comme esperdus d'une ruine presente qui les accable, n'ont sceu ou se jetter a refuge qu'aux pieds de Vostre Altesse.

  A018002766 

 Et certes, je ne voy nullement qu'une main moins forte et un (sic) providence moins paternelle que la vostre, Monseigneur, les puisse garentir; car je pense qu'ilz n'ont a se plaindre principalement que de leur malheur, contre lequel rien ne peut leur donner allegement que le bonheur d'estre regardés en pitié de Vostre Altesse, a laquelle Dieu, qui void leur extreme misere, inspirera, comm'ilz esperent, quelque moyen favorable pour les retirer de ce gouffre.

  A018002789 

 Elle est dans le noviciat, et je vous asseure que si elle persevere a courir, comme elle commence, dans les voyes de Dieu, elle se treuvera bien tost au sommet de la montagne du Seigneur.

  A018002789 

 En fin vostre bonne Niece a surmonté genereusement toutes les difficultés et tous les obstacles qu'on opposoit a son dessein.

  A018002795 

 Entre les incertitudes du bienaymé voyage qui nous devoit assembler pour plusieurs moys, Monsieur mon tres [279] cher Frere, je ne regrette rien tant que de voir differer le bonheur que nos cœurs se promettoyent de se pouvoir entretenir a souhait sur leurs saintes pretentions; mais le monde et tous ses affaires sont tellement sujetz aux loix de l'inconstance, qu'il nous en faut souffrir l'incommodité, tandis que nos cœurs disent: Non movebor in æternum.

  A018002796 

 J'espere d'aller faire dans quelques jours un peu de saint repos aupres de luy, qui est nostre commun phœnix, pour odorer les bluettes de cinnamome dans lesquelles il veut mourir, pour plus heureusement revivre parmi les [280] flammes de l'amour sacré duquel il escrit les saintes proprietés dans une histoire qu'il compose..

  A018002797 

 Mays, qui vous a peu dire que nos bonnes Seurs de la Visitation ont esté traversees pour leurs places et bastimens? O mon cher Frere, Dominus refugium factus est nobis; Nostre Seigneur est le refuge de leurs espritz, ne sont elles pas trop heureuses? Et comme nostre bonne Mere, toute vigoureusement languissante, me dit hier, si les Seurs de nostre Congregation sont bien humbles et fideles a Dieu, elles auront le cœur de Jesus, leur Espoux crucifié, pour demeure et sejour en ce monde, et son palais celeste pour habitation eternelle..

  A018002798 

 Or, il me reste de la recommander a vos prieres, parce que les frequens assautz de ses maladies nous donnent souvent des assautz d'apprehension, bien que je ne cesse d'esperer [281] que le Dieu de nos peres multipliera sa devote semence comme les estoilles du ciel et le sablon qui se voici sur l'arene des mers..

  A018002811 

 Pour cela, Monsieur, j'implore avec eux vostre justice et pieté pour la conservation de leur droit en l'affaire qu'ilz ont avec messieurs les scindiqs et habitans de Sessel, lesquelz, si je ne suis grandement trompé, ont bon besoin d'estre rangés et remis en devoir» tant envers les ecclesiastiques qu'envers le magistrat..

  A018002876 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir souvent en vostre bonne grace, ce bon Pere Capucin, qui est grandement de mes amis, m'en a reveillé la volonté quand il m'a dit qu'il alloit expres voir cette saintete (sic) solitude en laquelle beneplacitum est Deo habitare in ea; et que particulierement il desiroit de vous bayser les mains, poussé de la renommee qu'il a pleu a Dieu que vous ayes, qu'il honnore avec inclination comm'estant du voysinage du lieu de vostre naissance..

  A018002892 

 Ainsy, ces bons et devotz ecclesiastiques s'en revont promeuz aux saintz Ordres, marri que je suis que une quantité d'occupations qui me sont survenues en ces deux jours ne m'ayent permis de les caresser a mon gré, selon l'affection que je porteray toute ma vie a tous ceux qui me seront recommandés de Vos Excellences, que je prie Dieu vouloir combler de [288] benedictions, et sa tressainte Mere de les conserver sous sa douce protection, qui suys tres cordialement,.

  A018002908 

 Qu'a jamais les divines inspirations fassent de si puissantes influences en nostre cœur, que sa volonté soit parfaitement faite en nous.

  A018002908 

 Regardes donq si vos desirs ont du pouvoir sur mon esprit, que ne les sachant pas, je les seconde.

  A018002908 

 Voyla les lettres, et celle que j'escrivois quand ma Seur Anne Jacqueline est venue, estoit a M. de Leaval.

  A018002939 

 Et bien que cette mesme consideration me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous represente pour le secours des Chanoynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous supplier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et delivrés de pauvreté, vous asseurant, Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection [292] de marcher de bien en mieux au service de Dieu; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais,.

  A018002966 

 Si je puis trouver à Paris, où je vais accompagner le Prince cardinal de Savoie, quelque oraison funèbre de feu le cardinal du Perron, je ne manquerai pas d'en faire part à Votre Seigneurie Illustrissime, qui, je n'en doute point, aura pour agréable d'apprendre les particularités de la mort très heureuse et pleine de piété de ce grand homme et Prélat..

  A018002967 

 En attendant, je baise les mains sacrées de Votre Seigneurie [294] Illustrissime, et lui renouvelant mes profonds hommages, je demeure.

  A018002995 

 Mais notre Mère reviendra bientôt, c'est-à-dire au printemps, et d'ici là, les affaires du Monastère [295] de Turin s'affermiront sur un fondement plus solide.

  A018002998 

 De la ratification pour les moulins de ces Mères, nous n'avons aucune nouvelle, et je ne sais où aura échoué le soin bienveillant que Votre Seigneurie a daigné prendre de cette affaire..

  A018003042 

 Revu sur l'Autographe conservé à Rome, chez les Dames du Sacré-Cœur.

  A018003065 

 Oh! Dieu soit beni, qu'estant filles toutes et servantes de la mesme Mere de Dieu, quoy qu'elles grandes et vous petites, vos cœurs soyent unis par sa sainte dilection que cette sacree Mere verse dedans le cœur de toutes les Seurs.

  A018003076 

 Mays j'ay tort [de] dire tant de choses sur ce papier, puisque me voyci a la veille de vous voir en presence, et de prendre avec monsieur de Montelon tous les moyens de suivre au plus pres qu'il se pourra toutes ses volontés..

  A018003115 

 De Bourges elle viendra, je crois, à Paris, pour fonder un Monastère; car, bien que la mort du cardinal du Perron amène quelques difficultés dans les dispositions qu'il avait prises, je vois néanmoins que petit à petit elles [305] disparaissent.

  A018003115 

 En quittant cette ville, elle passera à Dijon, où tout est prêt pour la fondation d'un autre Monastère, et au printemps elle pourra se rendre à Turin, si toutefois les choses sont en état pour l'établissement.

  A018003116 

 Il me dit en chemin qu'il voulait me parler de ce qui concerne Votre Illustrissime Seigneurie, mais il ne l'a pas fait jusqu'à présent; je ne crois pas même qu'il le puisse de si tôt, occupé comme il l'est par les affaires qui toutes retombent sur ses bras et sur ceux de M. le Marquis votre frère..

  A018003116 

 L'Illustrissime M. le Comte se porte très bien et me donne, grâce à sa bonté, tous les témoignages de bienveillance qu'on saurait souhaiter.

  A018003117 

 Pendant les cinq jours de navigation, j'ai pu jouir à loisir de la présence du Sérénissime Cardinal, non sans parler de beaucoup de bonnes choses.

  A018003118 

 Le Roi, la Reine, Monsieur frère du Roi, Madame l'aînée et Madame la cadette firent ensuite grande fête à Son [308] Altesse, mais le Roi surtout qui, au dire de tous les siens, a donné des marques extraordinaires de joie..

  A018003119 

 Il ne se peut dire en quelle estime est ici notre Prince majeur: tous l'appellent le miroir des princes en bonté pour les peuples, en piété, en vaillance, enfin en toutes les qualités qu'on saurait désirer.

  A018003119 

 Quant à Son Altesse Sérénissime, si nombreux sont ici ses partisans dévoués, qu'il est impossible de les compter; partout on publie ses louanges..

  A018003121 

 A notre bon Père D. Juste mille et mille salutations; je ne manquerai pas, à l'occasion, de faire à sa Congrégation tous les bons offices que je pourrai.

  A018003148 

 Je regarde meshuy vostre Mayson comme une pepiniere de plusieurs autres; c'est pourquoy il faut songer d'y enraciner les grandes et parfaites vertus de l'abnegation de son amour propre, l'amour de son abjection, la mortification des humeurs naturelles, la sincere dilection, affin que Nostre Seigneur et sa tressainte Mere soyent glorifiés en nous et par nous..

  A018003149 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, donnes tous les momens de vostre vie avec un grand soin a Celuy qui vous prepare son amiable eternité..

  A018003158 

 Voyla, ma tres chere Fille, comme Dieu multiplie et benit l'œuvre qu'il luy a pleu de faire commencer par la petitesse et abjection de troys petites creatures, lesquelles pour cela doivent s'esvertuer d'estre de plus en plus toutes a la divine Majesté et a cette vocation, pour la rendre tous les jours plus aggreable a Dieu..

  A018003172 

 Et parce que la Sainte Escriture dit que le mary d'une femme bonne est heureux, je puis des a present augurer toute sorte de bonheur a Vostre Altesse pour ce regard, et en benir Nostre Seigneur de tout mon cœur, puisque, [315] comme la mesme Escriture nous annonce, la mayson et les richesses nous sont acquises par nos peres, mais la femme sage et vertueuse, a proprement parler, est donnee comme un pretieux present de la liberalité divine..

  A018003174 

 Ainsy donq, Monseigneur, a Dieu soit de toutes parts honneur et gloire, avec tres humble action de graces pour les consolations qu'il donne et qu'il prepare encor a Son Altesse Serenissime et a la vostre, de laquelle je suis sans fin,.

  A018003202 

 Ah! ma Fille, que la vive presence du Roy et de la Reyne du Ciel fait bien eclipser devant les yeux de nostre cœur toutes autres grandeurs de la terre!.

  A018003215 

 Je voy les douleurs et estonnemens de vostre cœur, parmi lesquelz Dieu ne laisse pas de regner; c'est pourquoy vous ne deves pas vous en tourmenter..

  A018003217 

 Dieu soit beni! Ayes bon courage; il faut passer parmi les ronces et espines en ce desert, pour aborder a la terre de promission..

  A018003226 

 O Dieu, que c'est chose bien plus desirable d'estre pauvre en la mayson de Dieu, que d'habiter dans les grans palais des Rois! Je fay icy le noviciat de la cour; mais jamais je n'y feray profession, Dieu aydant.

  A018003228 

 Il est luy seul nostre paix, nostre consolation et nostre gloire: que reste-il, sinon que nous nous unissions de plus en [320] plus a ce Sauveur, affin que nous portions bon fruit? Ne sommes nous pas bien heureux, ma chere Mere, de pouvoir enter nos cœurs sur celuy du Sauveur qui est enté sur la Divinité? car ainsy, cette infiniment souveraine Essence est la racine de l'arbre, duquel nous sommes les branches, et nos amours les fruitz: ç'a esté le sujet de ce matin..

  A018003229 

 Courage, ma cherement unique Mere, ne cessons point d'eslancer nos cœurs en Dieu: ce sont ces pommes de senteur qu'il se plait a manier, laissons les luy donq manier a son gré.

  A018003244 

 Les freres aisnés succedoyent aux peres, anciennement, dans les familles, et estoyent comme vice peres de leurs freres, en sorte que c'estoyent des freres peres, et des peres freres; et les puisnés estoyent des enfans freres et des freres enfans.

  A018003254 

 Mais quant a ses visions, revelations, predictions, elles me sont infiniment suspectes, comme inutiles, vaines et indignes de consideration; car d'un costé, elles sont si frequentes, que la seule frequence et multitude les rend dignes de soupçon.

  A018003255 

 Il y a plus: que quand Dieu se veut servir des revelations qu'il donne aux creatures, il fait preceder ordinairement ou des miracles veritables, ou une sainteté tres particuliere en ceux qui les reçoivent.

  A018003255 

 Or, de dire qu'a l'advenir on connoistra pourquoy ces revelations se font, c'est un pretexte que celuy qui les fait prend pour eviter le blasme des inutilités de telles choses.

  A018003256 

 Cette fille avoit tant de revelations, qu'en fin cela la rendit suspecte envers les gens d'esprit.

  A018003256 

 Elle en eut une extremement dangereuse, pour laquelle il fut treuvé bon de faire faire essay de la sainteté de cette creature; et pour cela, on la mit avec la bienheureuse Seur Marie de l'Incarnation, lhors encor mariee, ou estant chambriere et traittee un peu durement par feu monsieur Acarie, on descouvrit que cette fille n'estoit nullement sainte, et que sa douceur et humilité exterieure n'estoit autre chose qu'une doreure exterieure que l'ennemy employoit pour faire prendre les pilules de son illusion, et en fin on descouvrit qu'il ny avoit chose du monde en elle qu'un amas de visions fauses.

  A018003257 

 Et quant au bon Pere qui semble les approuver, il ne faut pas le rejetter ni disputer contre luy, ains seulement tesmoigner que, pour espreuver tout ce traffiq de revelations, il semble bon de le mespriser et n'en tenir conte.

  A018003257 

 Seulement, ma tres chere Seur, il luy faut tesmoigner une totale negligence et un parfait mespris de toutes ses revelations et visions, tout ainsy que si elle racontoit des songes ou des resveries d'une fievre chaude, sans s'amuser a les refuter ni combattre; ains au contraire, quand elle en veut parler, il faut luy donner le change, c'est a dire, changer de propos et luy parler des solides vertus et perfections de la vie religieuse, et particulierement de la simplicité de la foy, par laquelle les Saintz ont marché, sans visions ni revelations particulieres quelcomques, se contentans de croire fermement en la revelation de l'Escriture Sainte et de la doctrine apostolique et ecclesiastique, inculquant bien souvent la sentence de Nostre Seigneur: Il y aura plusieurs faiseurs de miracles et plusieurs prophetes ausquelz il dira a la fin du monde: Retires vous de moy, ouvriers d'iniquité; je ne vous connois point.

  A018003259 

 J'avois oublié de vous dire que les visions et revelations de cette fille ne doivent pas estre treuvees estranges, parce que la facilité et tendreté de l'imagination des filles les rend beaucoup plus susceptibles de ces illusions que les hommes: c'est pourquoy leur sexe est plus addonné a la creance des songes, a la crainte des espritz et a la credulité des superstitions.

  A018003276 

 Reste, mon Reverend Pere, qu'il vous playse de vous treuver avec les trois ou quatre ecclesiastiques que je marque en la lettre que j'escris a M. le Curé, pour faire un advis de ce qui sera necessaire estre fait pour Sessi, Grilly, Chevry, Versoex, Thuery; et j'escris un billet a monsieur Rogex affin qu'il face des provisions selon cela, ayant creance que je ne sçaurois mieux faire que de suivre si bon conseil..

  A018003278 

 Je suis en butte a tous les complaignans, et puis en certaine façon dire: Quis infirmatur, et ego [329] non infirmor? Vous participés avec compassion, je m'asseure, a toutes nos imbecillités et miseres, et aves bon besoin d'exercer la patience parmi la multitude de nos impatiences, devant estre arbitre parmi nous, affin de nous tenir en paix et tranquillité d'esprit.

  A018003314 

 En quelles occurrences pouvons nous faire les grans actes de l'invariable union de nostre cœur a la volonté de Dieu, de la mortification de nostre propre amour et de l'amour de nostre propre abjection, et en somme, de nostre crucifixion, sinon en ces si aspres assautz? Ma tres chere Mere, vous ay-je pas souvent intimé la nudité de toutes les creatures, pour se revestir de Nostre Seigneur crucifié? Or sus, Dieu sera au milieu de vostre cœur, qui vous affermira, et j'espere [332] qu'il conduira ce filz a bon port et que vous aurés encor la consolation interieure de le sçavoir..

  A018003314 

 Je suis grandement en peine de vostre affliction, bien que je n'en sache pas les particularités; mais je voy bien, par ce peu de paroles que vous m'escrivés, que vous la sentés vivement.

  A018003314 

 Ma tres chere Mere, cette vie mortelle est toute pleine de telz accidens, et les douleurs de l'enfantement durent souvent plus que les sages femmes ne pensent.

  A018003317 

 J'avois grand desir de voir Monseigneur nostre Archevesque, mais puis qu'il ne vient pas, je me res-jouis en la consolation que vous aves de sa presence et luy bayse tres humblement les mains, et salue de tout mon cœur nos tres cheres Seurs; qui suis infiniment, ainsy que vous sçaves, ma tres chere Mere, vous mesme, en une façon incomparable tout vostre..

  A018003330 

 Aspirés donq souvent pour moy, ma Fille, et vous prescheres avec moy; et moy, croyes moy, je joins mon ame a la vostre tous les jours par le lien du tressaint Sacrement, que je ne reçoy point qu'avec vous et pour vous.

  A018003330 

 Combien de fois arrive il que nous disons des bonnes choses parce que quelque bonne ame nous les impetre? Ne presche elle pas asses, et avec cet advantage, que n'en sçachant rien elle ne s'en enfle point? Nous ressemblons aux orgues, ou celuy qui met le souffle fait en verité le tout et n'en porte point la louange.

  A018003330 

 Helas! ma chere Fille, l'envie que vous me portes procede elle de ce que je presche au monde les louanges de Dieu? O que c'est quelquefois un grand contentement au cœur de publier la bonté de ce qu'on ayme! Mays si vous desires de prescher avec moy, je vous en prie, faites le, ma Fille, tous-jours, priant Dieu qu'il me donne des paroles selon son cœur et selon vos souhaitz.

  A018003358 

 Voilà que M. le Marquis votre frère part avec toutes les dépêches aussi bonnes qu'on pouvait les souhaiter.

  A018003359 

 Votre Seigneurie Illustrissime fait bien de remettre entre les mains de Dieu ce qui concerne le P. D. Juste; et puisqu'il n'est pas au courant du fait... S'il s'élevait quelque calomnie, la divine Providence la fera bientôt cesser, car c'est ainsi qu'elle agit d'ordinaire avec ses serviteurs..

  A018003380 

 Voyla que je vous dis, ma tres chere Mere; et tout de mesme pour les nouvelles des desplaysirs de M. [de Chantal.] En fin, Nostre Seigneur, peut estre, nous veut ainsy conduire entre les espines desormais; et je confesse, pour le regard de moy mesme en moy, qu'il en est bien tems: en vous, je le supplie de toutes mes forces qu'il attrempe tous-jours doucement son calice; mais que nostre volonté ne soit pas faite, ains la sienne toute sainte.

  A018003389 

 Je sçai bien, ma tres chere Fille, que vostre cœur bienaymé demeure doucement resigné entre les bras de la divine Providence.

  A018003392 

 Nostre Mere se porte bien a Bourges, et croy qu'elle viendra icy avant Pasques, puisque il y a de l'apparence qu'on y fera un Monastere, bien que jusques a present il y ayt eu des grandes traverses du costé de l'esprit mondain, qui a tous-jours un peu de credit, mesme parmi les gens de bien, [si qu'il faut être] grandement sur ses gardes.

  A018003393 

 Je me porte bien, ma tres chere Fille, quoy qu'accablé du travail des prćdications [qu'il me faut] faire a tous propos, et devant les peuples et devant la cour; mays cela ne durera que jusques a Pasques [que, Dieu] aydant, je me retireray en mon petit bercail..

  A018003414 

 Ne prevenes point les accidens de cette vie par apprehension, ains prevenes les par une parfaite esperance qu'a mesure qu'ilz arriveront, Dieu, a qui vous estes, vous en delivrera.

  A018003415 

 Que peut craindre l'enfant entre les bras d'un tel pere? Soyés bien un enfant, ma tres chere Fille; et, comme vous sçaves, les enfans ne pensent pas a tant d'affaires; ilz ont qui y pense pour eux; ilz sont seulement trop fortz s'ilz demeurent avec leur pere.

  A018003427 

 L'autre, qui est a mon gré une brave et digne femme, par ce que voulant meshuy essayer si nous pourrons faire reuscir nostre dessein sans ce bon seigneur, qui, a la verité, est incomparable a tenir les affaires en longueur, nous aurons grandement besoin d'elle et de sa conduite qui est tres bonne..

  A018003428 

 Ce sera eternellement mon sentiment qu'on ne laisse jamais de recevoir les filles infirmes en la Congregation, sinon que ce fut des infirmités marquees aux Regles, telle que n'est pas celle de [cette] fille qui n'a point d'usage de ses jambes, car, sans jambes, on peut faire tous les exercices essentielz de la Regie: obeir, prier, chanter, garder le silence, coudre, manger, et sur tout avoir patience avec les Seurs qui la porteront, quand elles ne seront pas prestes et promptes a faire la charité; car il faudra souvent qu'elle supporte celles qui la porteront, si l'esprit de dilection ne les porte.

  A018003430 

 En Piemont et Savoye on a fait des allegresses incroyables les festes de Noel, lors que le Prince eut receu les couleurs des faveurs ou les faveurs de couleurs de Madame; et le Prince publia un cartel pour un tournois general, auquel il invite toute l'Italie a venir voir mourir a ses pieds tous ceux qui diront que l'amarante n'est pas la plus belle de toutes les couleurs, et la Princesse qui favorise cette couleur, la plus digne qui est (sic) jamais esté, et quechevalier qui est son esclave n'est pas le plus heureux du monde.

  A018003430 

 Les ambassadeurs ont visité nostre chere petite Madame, avec tiltre de Vostre Altesse et conjouissance de son mariage: c'est la plus brave Princesse quil est possible de voir.

  A018003431 

 Vous sçaves, ma tres chere Mere, que la mayson du Prince est un monastere, et que pour chose du monde il ne veut souffrir les desordres; et bien que venant icy il veuille s'accommoder a la liberté du paÏs, si est ce quil la veut vertueuse.

  A018003453 

 Nous treuvons treze mille escus d'or et quinze cens francz de revenu pour commencer; de sorte que nous allons travailler a bon escient, et la bonne fille M me de Gouffier va revoir toutes les dames qui doivent estre de la partie, pour estre bien asseurés de l'affaire..

  A018003454 

 Mon Dieu, que ce grand embaras de Paris rend les affaires difficiles!.

  A018003454 

 Nous sommes reduitz a cette proposition, qu'on recevra dans les Audriettes nos Seurs, a la charge qu'elles recevront des filles, des l'aage de 14 a 15 ans, qui ont besoin de se retirer pour faire choix de leur vocation, lesquelles seront en un quartier a part, ou deux ou trois des Seurs les gouverneront; et pendant le tems qu'elles demeureront, ne sortiront point et vivront en obeissance, en attendant que Dieu leur envoye l'inspiration ou quelque parti.

  A018003457 

 Je salue tres cherement ma Seur Anne Marie, ma Seur Marie Marthe, ma Seur Anne Catherine, ma Seur Helene, ma Seur... Je vous asseure que je ne treuve pas [352] maintenant les autres qui sont avec vous, car je les vis si vistement a Lyon que je ne l'observay pas.

  A018003467 

 Non, je vous prie, ne vous retenes point de m'escrire quand il vous plaira, car pourveu que vous ayes patience de ne recevoir des responses que quand j'auray la [353] commodité de les faire, je n'auray jamais que beaucoup de contentement d'avoir souvent de vos lettres; car si vous ne le sçaves pas, je vous annonce que vous estes bien ma tres chere fille..

  A018003468 

 Mais il faut que si les Seurs n'ont pas la confiance de demander a parler a luy, luy mesme l'ayt de demander de parler a elles quelquefois, et sil ne l'avoit pas, il faut que vous la luy donnies, si c'est un Pere qui la puisse recevoir; car, comme il faut pourvoir d'une juste liberté aux Seurs pour la communication, aussi les faut-il retenir dans la regie de la simplicité et humilité; et n'est pas raysonnable que la foiblesse de quelques unes face multiplier les confessions extraordinaires a toute la Congregation, et mette en tristesse et ennuy le pauvre confesseur ordinaire.

  A018003468 

 [354] Celles donq qui voudront communiquer extraordinairement, qu'elles le facent en esprit d'une douce liberté, et qu'elles se confessent, sil [leur] plait, en communiquant, sans solliciter les autres au mesme desir et sans les forcer par menees a les imiter..

  A018003469 

 Icy, nous taschons a vaincre les tentations suscitees contre l'introduction de la Visitation, et espere que nous le ferons.

  A018003488 

 Au demeurant, perseveres bien, ma tres chere Fille, a reluire en vertu et pieté devant Dieu et les hommes, puisque sa divine Majesté vous a donné et l'inclination, et l'inspiration, et la resolution pour cela.

  A018003498 

 Revu sur l'Autographe conservé chez les RR des Sœurs Augustines,.

  A018003545 

 Illustrissime Madame et Fille bien aimée dans les entrailles du Christ,.

  A018003547 

 Voici que, à l'horloge de la divine Providence, ayant sonné pour M. le Comte votre père l'heure du départ de cette vie, pour s'en retourner entre les mains du Créateur d'où son âme était sortie, il a fait heureusement ce passage.

  A018003548 

 J'ai voulu écrire tout cela à Votre Seigneurie Illustrissime parce que, me semble-t-il, la conclusion de saint Paul est bonne: Consolez-vous donc en ces paroles; car cette consolation suffit aux enfants de [361] Dieu, que leurs défunts aient reçu avant leur départ les secours efficaces de la sainte Eglise.

  A018003548 

 Je ne sais pas les particularités du testament, quoique j'aie été témoin de l'approbation qui en fut donnée par le notaire..

  A018003549 

 Hélas! Madame ma très chère Fille, les choses du service de Dieu ne se font qu'avec ces difficultés et délais; c'est pourquoi il faut avoir non seulement la magnanimité, mais encore, et bien plus, la longanimité..

  A018003563 

 En quel estat sont les affaires, vous l'apprendres de la bonne madame de Royssieux, une toute bonne, toute vertueuse... [364].

  A018003588 

 Parce que l'autre jour je vous vis en peine pour Dorothee, j'ay creu que je devois vous donner advis [366] qu'hier, revenant du Louvre tout de nuit, je treuvay ceans des Peres Benedictins qui me dirent qu'une jeune fille s'estoit peu auparavant addressee a eux pour me faire sçavoir que Dorothee estoit detenue par force chez madame de la Trimouille, qui l'avoit mise entre les mains de deux ministres, et que ce matin ilz la vouloyent emmener, et non obstant toutes les resistances qu'elle faysoit.

  A018003604 

 L'enfant ne perira jamais, qui demeurera entre les bras d'un Pere qui est tout puissant.

  A018003606 

 Le vingt huitiesme avril elle commenceront a chanter les Offices en publiq, ayant treuvé beaucoup plus de faveur en l'ame de Monsieur le Cardinal, que les premieres apparences ne promettoyent..

  A018003607 

 Je ne manqueray pas d'imprimer un singulier amour pour vostre personne en cette Congregation, specialement au cœur de madame de Chantal, vous asseurant que je desire grandement que vous soyes toute comblee de cette pure charité qui vous rende a jamais aymable a Dieu et a toutes les creatures qui le servent.

  A018003630 

 Tesmoignes luy beaucoup d'obligation, et si d'aventure il parloit de la charge des Pœnitentes, ne le rebuttes pas, ains dites simplement que pour maintenant vous [373] n'aves point de personnes capables de cela, et que si Dieu en envoye a l'advenir, ce sera aux Superieurs d'en disposer selon que Dieu les inspirera; car en ce pais il faut grandement estre en respect..

  A018003639 

 Vous n'aves donq plus parmi vous, ma tres chere Fille, M me la Presidente Le Blanc; or, je croy qu'elle est parmi les Anges.

  A018003652 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait chez les PP. Missionnaires de Saint-François-de-Sales d'Annecy.

  A018003661 

 Les tribulations ne seroyent pas tribulations si elles n'affligeoyent, et les [376] serviteurs de Dieu n'en sont gueres exempts; leur bonheur est reservé pour la vie future.

  A018003662 

 Je vous prie de prendre la peine de les instruire de mon droit, comme encor de ne vous lasser pas a bien conduire par vos advis l'affaire que j'ay avec M. de Marcossey..

  A018003680 

 C'est donq ce meschant esprit qui, a jamais privé d'amour sacré, voudroit empescher que nous jouissions des [378] fruitz de celuy que le Saint Esprit veut estre prattiqué entre nous, affin que, par les reciproques communications saintes, nous ayons moyen de croistre en sa celeste volonté..

  A018003681 

 Il suffit, ma tres chere Seur, de se sousmettre aux advis, et n'est pas ni necessaire ni expedient de les desirer contraires a nos inclinations, ains seulement de les vouloir conformes a la loy et doctrine celeste.

  A018003681 

 Ma chere Seur, je ne voy pas qu'il y ayt grand danger en cela, puisque vous ne voules pas suivre vos inclinations qu'elles ne soyent appreuvees; et quoy que vous cherchies des juges favorables, si est ce toutefois que, les prenant bons, sages et doctes, vous ne sçauries mal faire de suivre leurs opinions, bien que desirees par vous, pourveu qu'au reste vous proposies naifvement vos affaires et les difficultés que vous aves.

  A018003681 

 Pour moy, je pense que nous ne devons pas appeller les amertumes en nos cœurs comme fit Nostre Seigneur, car nous ne les pouvons pas gouverner comme luy; il suffit que nous les souffrions patiemment.

  A018003682 

 Il n'y a pas grand mal d'ouyr les personnes et les affaires du monde quand c'est pour y mettre du bien, et ne faut pas estre pointilleuse en l'examen qu'on en fait; car c'est chose moralement impossible de demeurer beaucoup au fin point de la moderation.

  A018003714 

 Pour la chatelanie de Salanche, Monsieur me l'accorda il y a long tems, et tascheray d'en faire faire les despeches, mays, a ce que j'entens, ce sera inutilement.

  A018003733 

 Vous seres souvent parmi les enfans de ce monde qui, selon leur coustume, se moqueront de tout ce qu'ilz verront ou penseront estre en vous contre leurs miserables inclinations.

  A018003734 

 Considerons que tout ce que nous avons ne nous fait estre rien plus en effect que le reste du monde, et que tout cela n'est rien devant Dieu et les Anges..

  A018003735 

 C'est peu de chose de plaire a Dieu en ce qui nous plaist: la fidelité filiale requiert que nous luy voulions plaire en ce qui nous desplaist, nous remettans devant les yeux ce que le grand Filz bienaymé disoit de soy mesme: Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mays pour faire la volonté de Celuy qui m'a envoyé; car aussi n'estes vous pas chrestienne pour faire vostre volonté, mais pour faire la volonté de Celuy qui vous a adoptee pour estre et sa fille et son heritiere eternelle..

  A018003736 

 Conserves la sainte gayeté cordiale qui nourrit les forces de l'esprit et edifie le prochain..

  A018003737 

 Ainsy soit il, ma tres chere Fille, et je vous prometz que tous les jours je renouvelleray ces sacrés souhaitz sur vostre ame, que la mienne cherira a jamais inviolablement.

  A018003757 

 Il n'y aura donq plus en moy de Monsieur pour vous, ni en vous de Madame pour moy; les anciens, cordiaux et charitables noms de Pere et de Fille sont plus chrestiens, plus doux, et de plus grande force pour tesmoigner la dilection sacree que Nostre Seigneur a voulu estre entre nous.

  A018003759 

 Animes continuellement vostre courage d'humilité, et vostre humilité, c'est a dire vostre misere et le desir d'estre humble, animes les de confiance en Dieu, en sorte que vostre courage soit humble et vostre humilité courageuse..

  A018003759 

 Cependant, ma tres chere Fille, souvenes vous souvent de ce que je vous ay dit: Dieu a jetté les yeux sur vous pour se servir de vous en choses de consequence et vous tirer a une excellente sorte de vie.

  A018003760 

 Parsemes toutes les pieces de vostre conversation, tant interieure qu'exterieure, de sincerité, douceur et allegresse, suivant l'advis de l'Apostre: Res-jouisses vous tous-jours en Nostre Seigneur; je vous dis de rechef, res-jouisses vous.

  A018003760 

 Que vostre modestie soit conneuë de tous les hommes. Et s'il est possible, soyes esgale en humeur, et que toutes vos actions se ressentent de la resolution que vous aves faite d'aymer constamment l'amour de Dieu..

  A018003762 

 Je ne dis pas que peut estre il ne se passast quelques coulpes venielles; mais je dis qu'elle ne les pouvoit remarquer en son examen, ni moy reconnoistre en sa confession, et que partant j'avois rayson de luy faire repeter l'accusation de quelque coulpe ancienne..

  A018003765 

 Je ne sçay pourquoy je vous escris si largement; c'est mon cœur qui ne se lasse pas de parler au vostre, mais il faut [390] que je finisse pour entrer au bain, puisque je suis entre les mains du medecin..

  A018003775 

 Et d'autant qu'elle m'a prié de l'escrire a Vostre Altesse, je l'ay fait, Monseigneur; suppliant encor pour moy vostre bonté de se resouvenir que je ne suis plus icy, il y a quelques moys, que pour y attendre les commandemens qu'elle me fera au retour de M. Carron, puisqu'elle me l'a ordonné, et qu'en tout je veux vivre,.

  A018003787 

 La seule necessité de mon Eglise me dispense de ce respect, pour vous supplier, comme je fay tres humblement, de vouloir retirer la connoissance du different qui est entre maditte Eglise et les sieurs habitans de Sessel par devant vous, au tems et au lieu qu'il vous plaira de marquer.

  A018003788 

 Playse vous donq, je vous en supplie de rechef tres humblement, de nous faire a tous cette grace, et d'advertir les uns et les autres de vostre volonté, affin que, ce pendant, le proces cesse, et qu'ilz se præparent a venir, icy [393] ou a Digeon, au tems de vostre commodité.

  A018003807 

 Quant a vostre treille, je pense qu'il la faut, pour le present, faire de boys, tandis que vous estes a louage, et qu'il y faut faire une porte, sans que toute la treille s'ouvre; car, quant a la Profession, le Pontifical reveu [395] et imprimé par ordre du Pape, fait sortir les filles pour venir faire le vœu; et quant a parer l'autel, on verra si on pourra continuer a faire... Je n'y voy nul inconvenient; mais il faut subir l'esprit des autres..

  A018003819 

 Mays pourtant, les Seurs de la Visitation disent qu'elles se sont apperceuës que ledit Conseil ne treuve nullement convenable qu'elles reçoivent cette bonne dame, parce que leur Monastere est tout composé de Novices, et si recent en cette ville que la reputation en est delicate, comme regardé curieusement en ce commencement, et [397] regardé de beaucoup d'espritz fort tendres; que, de plus, ledit Conseil a mis en consideration que mondit seigneur le Cardinal avoit tous-jours declairé qu'il ne souffriroit jamais qu'on y entrast, sinon pour y vouloir demeurer tout a fait: qu'en suite de cela il fut conclu qu'on ne la recevroit point pour quelque tems; mais que si elle estoit bien tendre et qu'elle voulust estre Religieuse a bon escient, on la pourroit recevoir, comme vous me dites vous [mesme, quand on] auroit bien espreuvé sa vocation, et qu'une des bonnes marques seroit qu'elle se contentast d'aller pour quelque tems en quelqu'un des monasteres de France, pour ensuite revenir icy.

  A018003820 

 Cependant, Madame, vous jugeres que si la chose est telle, je ne dois rien dire sur ces Messieurs, estans les interpretes du Prelat; et n'estant icy qu'en attente de mon depart, je dois en tout et par tout suivre leurs sentimens, outre que ce seul bruit donne tant d'apprehension a ces Seurs, que s'il est vray, je n'oserois leur persuader une reception de laquelle elles auroyent tant de degoust..

  A018003834 

 Si l'on murmure, sentes-le humblement et amoureusement; les murmurations se convertiront en benedictions.

  A018003835 

 Ne prenes point garde a bien bastir vos lettres pour me les envoyer, car je ne cherche point les beaux ædifices, ni le langage des Anges, ains les nids des colombes et le langage de la dilection..

  A018003870 

 Il est encor vray que c'est une tres bonne methode d'interpreter l'Escriture sacree de conferer les passages d'icelle les uns avec les autres, et reduire le tout a l'analogie de la foy; et cela aussi l'ay-je tous-jours dit.

  A018003870 

 Mais toutefois, je ne laisse pas de croire fort asseurement et de dire constamment que, nonobstant cette admirable et amiable clarté de l'Escriture es choses necessaires a salut, l'esprit humain ne treuve pas tous-jours le vray sens d'icelle, ains peut errer, et d'effect erre tres souvent en l'intelligence des passages les plus clairs et les plus necessaires a l'establissement de la foy: tesmoins les erreurs lutheriennes et les livres calvinistes, qui, sous la conduitte des peres de la pretendue reformation, demeurent en une contention irreconciliable sur l'intelligence des paroles de l'institution de l'Eucharistie; et se vantant l'un et l'autre parti d'avoir soigneusement et fidelement examiné le sens de ces paroles par le rapport de la conference des autres passages de l'Escriture, et le tout adjusté a l'analogie de la foy, demeurent neanmoins contraires en l'intelligence des paroles de si grande importance..

  A018003871 

 Ainsy firent jadis tous les heretiques, qui tous ont eu pretexte de mieux entendre l'Escriture et de vouloir reformer l'Eglise, cherchans en vain la verité hors du sein de l'Espouse a laquelle l'Espoux celeste l'avoit confiee, comme a une fidele depositaire et gardienne, qui la distribueroit aux chers enfans du lict nuptial qui est et sera a jamais sans macule..

  A018003871 

 Si que, qui cherche la verité de cette celeste Parole hors de l'Eglise qui en est la gardienne, ne la treuvera jamais; et qui la veut sçavoir autrement que par son ministere, en lieu de la verité, il espousera la vanité; et en lieu de la certaine clarté de la Parole sacree, il suivra les illusions de ce faux ange, qui se transfigure en ange de lumiere.

  A018003885 

 Je remercie tres humblement Vostre Altesse du soin qu'il luy a pleu de prendre de m'advertir du retour de monsieur Carron, et attendray cependant les commandemens qu'elle me fera pour les affaires qui regardent Monsieur le Duc de Nemours, qu'on m'asseure devoir revenir icy samedi avec Madame sa femme, que l'on dit estre grosse..

  A018003886 

 Dieu, par sa bonté, prosperera parfaitement Vostre Altesse, Monseigneur, sil luy plait exaucer les vœux de.

  A018003891 

 Monseigneur, j'ay veu madame de Saint George de la part de Vostre Altesse, a qui elle bayse tres humblement les mains et luy fait la reverence, avec action de graces de la souvenance qu'ell' a eu d'elle..

  A018003915 

 Ayant sceu la peine en laquelle se treuve le sieur collateral de Quoëx, detenu es prisons de Chamberi pour la somme d'environ mille ducatons, esquelz il a esté condamné par quelques uns des seigneurs senateurs et maistres des Comptes a ce deputés specialement; asseuré que [407] je suis d'ailleurs, qu'en tout ce dont il a esté chargé il n'a commis aucune faute malitieuse, ni manqué en chose quelcomque a la tres humble sujettion qu'il doit a Vostre Altesse, en laquelle et luy et tous les siens ont tous-jours vescu tres fidelement; et de plus, estant fidele tesmoin qu'en l'occasion qui se presenta en Genevoys, il y a quatre ans, et luy et son frere rendirent force bons et laborieux tesmoignages de leur zele au service de Vostre Altesse, je ne puis m'empescher de la supplier tres humblement et, si elle me permet, de la conjurer par sa propre bonté de tendre sa main secourable a cet homme de bien et d'honneur, pour le retirer de la ruine en laquelle son malheur, et non aucun forfait, le va precipiter..

  A018003916 

 Et sur tout, Monseigneur, la debonaireté et grandeur de courage de Vostre Altesse n'a jamais manqué de support pour les bons; qui me fait esperer que celuy ci en treuvera encor abondamment, et que ma tres humble supplication sera receuë aggreablement, comme conforme a la magnanimité que chacun admire en Vostre [408] Altesse, a laquelle souhaitant incessamment toute sainte prosperité,.

  A018003916 

 Il n'y a au monde personne si sage ni si juste auquel on ne treuve quelque chose a censurer, si a toute rigueur et curieusement on espluche par le menu la suite des actions de plusieurs annees; mays, Monseigneur, quand les fautes sont sans malice, sans dol, sans mauvaise intention et de.

  A018003931 

 Les cinq premiers jours de mon sejour a [Maubuisson] [409] je fus travaillé de foiblesse et d'inquietude; la femme de Port Royal, qui est une archimedecine, me traitta tout a fait comme il le failloit, avec de l'eau de rhubarbe que je meslay avec mon vin, qui me purgea et me restreignit insensiblement.

  A018003957 

 Et pour cela elle a choysi entre toutes les Congregations celle de la Visitation, ou elle pretend qu'estant retiree, Dieu l'inspirera plus fortement qu'ailleurs, et que la cordiale douceur et charité dont on y fait profession servira de moyen a la divine Providence pour cet effect..

  A018003957 

 Vous recevres cette lettre, Dieu aydant, par les mains [411] de madamoyselle du [Tertre], grandement bien apparentee en cette ville, laquelle estant demeuree vefve despuis peu et s'estant resolue a ne plus rentrer dans les liens du mariage, a creu de ne pouvoir mieux conserver sa resolution que dans l'estat religieux, auquel neanmoins ne sentant pas pour encor une si forte affection qu'elle souhaiteroit pour pouvoir d'abord s'y engager, elle a nonobstant un desir si grand de s'y voir arrestee, qu'elle veut rechercher cette grace de Dieu es lieux ou elle espere qu'elle luy sera plus facilement accordee.

  A018003958 

 A cette occasion donq, ma tres chere Fille, nostre bonne Mere et moy vous l'envoyons, et avons fait cette eslection pour elle comme la plus convenable, dont elle mesme vous dira franchement toutes les autres raysons.

  A018003958 

 Et parce que jusques a present elle a esté maistresse de soy mesme, et que, pour la bien et utilement mettre au vray chemin de la vie spirituelle, il faut doucement et amoureusement et prudemment la delivrer de cette ancienne et tyrannique sujettion, pour luy imposer le gratieux joug et la douce maistrise que le Saint Esprit veut avoir sur son ame, nous avons pris cette confiance en vostre charité, que vous prendries volontier ce soin et sçauries employer les moyens convenables.

  A018003972 

 Les lettres sont de M. de Neufcheze, vostre neveu bien-aymé, qui me fit la faveur de se charger d'une requeste que j'avois addressee au Clergé pour M. Boucard, et a obtenu cent escus de pension annuelle.

  A018003972 

 Reste que je m'essaye de gaigner ceux qui doivent les delivrer..

  A018003973 

 Il semble que cela soit un peu accoysé maintenant; c'est pourquoy j'ay envoyé a ces bonnes dames leur dire que sur les deux heures je pourray avoir l'honneur de leur visite; et si monsieur de Meneville venoit sur les quatre heures, j'en serois bien ayse..

  A018003974 

 Cependant il faut avoir patience de demeurer sans vous voir pour ce jourd'huy, et de demeurer sans rien faire; car j'ay contremandé par tout ou j'avois promis de prescher, et, ce qui m'a bien fasché, j'ay contremandé le Pere Recteur du Noviciat des Jesuites, qui a les Quarante Heures et les octaves du bienheureux Ignace, duquel j'avois desir de parler.

  A018003975 

 J'ay grand desir de vous entretenir et apprendre de vous les pensees de vostre bon Seigneur de Lion.

  A018003985 

 Les enfans du siecle sont tous separés les uns des autres parce qu'ilz ont les cœurs en divers lieux; mais les enfans de Dieu ayant leur cœur ou est leur thresor, et n'ayant tous qu'un mesme thresor qui est le mesme Dieu, ilz sont par consequent tous-jours jointz et unis ensemble.

  A018003985 

 Ne croyes jamais, ma tres chere Fille, que la distance des lieux puisse separer les ames que Dieu a unies par les [415] liens de sa dilection.

  A018003985 

 Nous nous reverrons bien souvent aupres de nostre saint Crucifix, si nous observons bien les paroles que nous nous en sommes donné; aussi bien est ce la ou les entreveuës sont uniquement profitables..

  A018003986 

 Cependant, ma tres chere Fille, je commenceray a vous dire que vous deves fortifier par tous les moyens possibles vostre esprit contre ces vaines apprehensions qui ont accoustumé de l'agiter et tourmenter.

  A018003986 

 Un demy quart d'heure, et moins encor, suffit pour la preparation du matin; trois quartz d'heure ou une heure pour la Messe, et, parmi le jour, quelques eslevations d'esprit en Dieu, qui n'occupent point de tems, ains se font en un seul moment; et l'examen de conscience le soir avant le repos, laissant a part les benedictions et actions de graces de table, qui sont ordinaires, et qui tiennent lieu de reunion de vostre cœur avec Dieu.

  A018003987 

 Es conversations, ma tres chere Fille, soyes en paix de tout ce qu'on y dit et qu'on y fait; car s'il est bon, vous aves dequoy louer Dieu; et s'il est mauvais, vous aves dequoy servir Dieu en destournant vostre cœur de cela, sans faire ni l'estonnee ni la fascheuse, puisque vous n'en pouves mais et n'aves pas asses de credit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui les veulent dire, et qui en diront encor de pires si on fait semblant de les vouloir [416] empescher; car ainsy faysant, vous demeureres toute innocente parmi les sifflemens des serpens, et, comme une aymable fraise, vous ne contracteres aucun venin par le commerce des langues veneneuses..

  A018004037 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A018004105 

 Revu sur le texte inséré dans les Registres de l'ancien Evêché de Genève.

  A018004113 

 C'est pourquoÿ ne l'avons point voulu laisser partir sans les presentes, par lesquelles prions tres affectueusement Vostre Seigneurie Reverendissime de l'avancer et luÿ prester toute faveur et aide, si que il soÿ (se) puisse louer avoir jouÿ de ceste nostre intercession: Nous paroffrans en toutes les occasions de nous en revancher, prians le Tout Puissant et sa saincte Mere de conserver Vostre Paternité en bonne prosperité..

  A018004113 

 Le present nostre bien aÿmé bourgeois, docte et devot Balthasar Wäber, duquel jusques a present n'avons resentÿ que toute pieté et bons comportemens, desirant recepvoir les derniers Ordres de prestrise de Vostre Reverendissime Paternité, merite d'estre recommandé.

  A018004123 

 A mon avis, l'ont ne peut du moins que de prouvoir les cures qui auront honnestement de quoy pour l'entretient d'un sr Curé, et principalement si les habitantz des lieux les requirent: comment a Grilly, Versoix, Chevry, ou les paroissiens (dis je) se plaignent de ce que ilz n'ont point de Curéz et qu'ont transporte le revenu autre part..

  A018004123 

 Or ce pendant, quand a Vernier, Matigni et Meirin, mentionnees dans les vostres, il me semble que l'ont (sic) ne pourroit affectér le revenu, soit les diesmes, de toutes troys, pour rendre bonne Sacconex, sans interesser grandement icelles paroisses, et par consequent d'autres qui demeuroient (sic) desertes; et ainsi l'ont mescontenteroit beaucoup de gens.

  A018004124 

 A grand peine les sieurs Curéz sont payéz, les debtes point; les bastimentz des eglises vont a ruine pour n'y faire aulcunes reparations..

  A018004124 

 Et partant, puisqu'il vous plaict de faire un establissement general et parfaict de toutes les cures, si vous estiés de retour moyennant la grace de Dieu, vous pourriéz remettre ce qui est de Sacconex avec les autres; et ainsi, pour une bonne foys, vous vous delivreriéz de plusieurs ennuÿs que vous en recevés a l'ordinaire.

  A018004124 

 Quant a celles qui ont les biens venduz ou alienéz, et ce pendant il est requis d'y establir des ecclesiastiques, comme Sacconex, Ornex, Thoiry, voisines des autres, Matigni, Vernier et Meirin, il serait expedient, voire necessaire, sçavoir a quoy monte tout le revenu des biens ecclesiastiques de ce Bailliage generalement, et, selon la porté desdicts biens, les distribüér a chasque cure comme l'ont recognoistroit estre de besoing, et non pas demembrér le corps de l'ceconomie pour accommoder un particulier.

  A018004126 

 Au reste, les catholiques dudit Versoix se plaignent grandement de ce que M r Gobet ny faict aucun service, et ny a moyen qu'il y fasse, puis qu'il ne reçoit aucune commodité pour y vivre et qu'il n'y a lieu pour y celebrér.

  A018004127 

 J'en ay prié M r Paris les me vouloir rendre, lequel n'a jamais voulu ce faire..

  A018004127 

 Je desiroys les donnér a des pauvres petitz enfantz tout nuds, et paroissiens, qui portent l'eau beniste par les maysons, qui seroient tres contens de les avoir et servir les Messes cum decóre.

  A018004127 

 M. Paris n'en a pas esté content, ne regardant qu'a son profit particulier; lequel ne m'en veut point du bien, ne m'ayant jamais voulu rendre les clefz de ma cure, dans la quelle je l'avoys logé gratuitement pour luy faire du bien, luy ayant encor accomodé d'un jardin 3 ou 4 annees.

  A018004127 

 Pour toute recompence, il m'a refusé les clefz, comme aussy les robbes que vous aviéz commandé de faire pour les enfantz qui respondroient les Messes.

  A018004134 

 Monseigneur, permettéz moy que je vous donne avis des empeschementz que ceux de la r. p. r. apportent aux catholiques en plusieurs lieux du Balliage: comme a Divonne, les habitans du lieu n'ont jamais permis qu'aucun catholique si soit retiré; des particuliers y ont battus et blessés monsieur le Curé, l'ayant aggressé sur le chemin pour le vouloir tüer.

  A018004134 

 comme conste par les informations prinses, lesquelles le sr Curé n'a voulu poursuivre, voyant la difficulté et longueur de la Justice de Gex..

  A018004135 

 Dernierement, les R. P. Cappucins estantz au pays de Vaux, dans le chasteau de monsieur de Prengin de Grang Cour.

  A018004135 

 seigneur de Fribourg, les domestiques se plaignoient a eux qu'ilz viendroient (sic) volontier venir a Divonne (lieu plus proche) pour ouyr la S. Messe, mais quilz n'osoient a cause d'eux qui ne le veulent permettre..

  A018004136 

 Jaçoit que la dicte fille fit tous les refus de les accepter, de peur de desobeir a M r sondit oncle, les reçoit neantmoins; mais, par la volonté de Dieu, au lieu de les manger elle les jette au feu pour les cuire, au moins une partie.

  A018004136 

 La sepmaine passee arriva un cas fort estrange a la maison dudit sr Curé, par lequel ce peut veoir de quel esprit sont guidez les auteurs d'iceluy, qui sont gens du lieu.

  A018004136 

 Voicy que ces pommes estant chaudes, qu'elles sautent toutes hors du feu, les unes en haut, les autres par la chambre, avec du bruit.

  A018004147 

 Car je ne doubte point quil n'en faille venir là, recognoissant ledit sr Abbé si passionné, quil ne se contentera point de m'avoir contrainct de le diffamer par ma fuitte [430] en tous les lieux que je me suis refugié, mais se voudra diffamer luy mesme a Paris par les difficultés quil y apportera, si vostre respect, auquel je m'asseure quil deferera, ne le retient.

  A018004147 

 Et comme, Monseigneur, vous m'avez tousjours favorisé de lhonneur de vostre amitié, c'est en l'occasion de ceste commune resjouissance que je desire d'en ressentir principalement les effects, sur l'asseurance que j'ay que le tort que monsieur de la Mente m'a fait luy estant representé par vous, Monseigneur, vostre respect adoucira sa passion et le fera rougir en son ame de la perfidie premierement, et despuis de l'impie cruauté avec laquelle il s'emporte en mon endroict, en recompense de mon affection, delaquelle monsieur le Presidant peut estre tesmoing.

  A018004147 

 Je croy que Monseigneur le R me, qui va recherchant fort curieusement touttes les occasions de m'obliger, ne perdra aussi ceste cy de se joindre a vous, Monseigneur, pour un œuvre si charitable, et quil y contribuera fort volontiers tout son credit, quoyque touttesfois le vostre seul peut suffire pour le faire reussir.

  A018004148 

 Mais aussi, ce sera un œuvre digne d'un grand Prelat comme vous estez, de prendre en main la cause d'un vostre tres humble serviteur que l'impieté a opprimé, et duquel vous ne recevrez pas moins de gloire devant les hommes que devant Dieu, que je prie de tout mon cœur de me faire la grace que je puisse un jour vous randre preuve certeine de l'affection avec laquelle je me recognoy,.

  A018004163 

 Il n'est pas croyable comme leurs saintes mœurs, leur pureté de vie et leur céleste conversation attirent les cœurs et l'estime de tout le monde.

  A018004163 

 Véritablement, Monseigneur, vos saints discours ont vêtu nos ennemis de confusion; car, combien d'âmes avez-vous tirées d'entre les dents cruelles de ce lion rugissant! Vous l'avez spolié de sa conquête, nous en sentons tous les jours les effets; et, si j'ose ajouter ma pensée, je dirai que la sanctification de Dieu fleurit sur Grenoble, par le moyen de vos très chères Filles, nos Sœurs de la Visitation.

  A018004181 

 J'ay infiniment à me plaindre à V. A. que nonobstant toutte poursuite que j'aye sceu faire, presenté les lettres de V. A. à Messieurs du Senat, leur commandant de n'octroyer plus aucun dellay au presidan Crespin sur l'assassinat qui m'a esté faict y a deux moys, ayns de veulloyr le juger prontemant; neantmoings, au prejudice de mon honneur et de ma reputation, et de la justice qu'ils doyvent à un chasqun, ils vont prolongant le jugemant, ayant de nouveau octroyé un prolong de troys semaynes pour ce (sic) representer; encore qu'an mespris de la justice, un chasqun croye qu'il ne soyt jamais parti de ce lieu, estan porté d'une partie de ses (sic) Messieurs du Senat ausquels il est apparanté.

  A018004181 

 Qui me faict supplier tres humblement V. A. me faire la faveur de m'octroyer les patantes et lettres a cachet necessaires pour en avoyr ma rayson, suyvan la tres humble priere que luy en fera le Conte de Verzolo de ma part; auquel me remettant, je me diray à jamays, Monseigneur, de V. A.,.

  A018004205 

 Revu sur l'Autographe conserve à Milan, dans les Archives du R. P. Provincial des Barnabites, au collège Saint-Barnabé.

  A018004211 

 A tous qu'il appartiendra, sçavoir faisons que sur la remonstrance que Nous a esté faicte de la part des Reverendes Dames Religieuses de la Visitation de Nostre ville d'Annessy, contenant que pour avoir moyen de vivre et s'entretenir en ycelle, soubs les regles establies par nostre Sainct Pere le Pape, elles ont besoing d'avoir des revenus asseurés et proches de la dicte ville; et estant informées que M r Anthoine de Boege, dict de Conflens, tient de Nous, soubs grace de reachept perpetuel, les moulins assis dans Nostre dicte ville d'Annessy, soubs la riviere de Thiouz, proche l'eglise Saincte Claire, qu'elles ne peuvent commodement avoir sinon qu'il Nous plaise leur permettre d'entrer en Nostre lieu et place; Nous inclinant volontairement a leur priere, appres avoir ouy les gents de Nostre Conseil pres Nostre personne, et desirant de tout Nostre pouvoir l'accroissement et augmentation du culte divin, et preferant la gloire et honneur de Dieu a l'interest particulier des droicts de Nostre domeyne:.

  A018004212 

 Avons octroyé et permis, octroyons et permettons par ces presentes aux dictes Dames de la Visitation d'entrer en Nostre lieu et place, et de prendre et retirer les fruicts des dicts moulins, en payant par elles audict de Conflens les sommes portées par son contract d'engaigement du dixhuictiesme janvier mil cinq cents nonante six, et aux charges et conditions portées par yceluy, avec pouvoir de faire en yceux des nouveaux artifices pour la plus grande commodité de Nos subjects..

  A018004213 

 Sy donnons en mandement a nos chers bien aymés et feaulx [438] Conseillers, les gents tenants Nostre Chambre des Comptes de Genevois, de verifier et interiner ces presentes, et du contenu en ycelles faire souffrir et laisser jouyr pleynement et paysiblement les dictes Dames de la Visitation, sans difficulté; et a nous (sic) advocats et procureurs fiscaulx et domaniaux, d'y prester consentement.

  A018004226 

 Et pour avoir ceste commodité, elles auroient supplié Monseigneur le Duc de Genevois et Nemours, de leur baillir pouvoir de rachepter les moulins par luy venduz, a faculté de rachapt perpetuel, situés dans Vostre dicte Ville d'Annessy, a feu Noble Anthoine de Conflens, pour le mesme prix et somme, charges et conditions portées par le contract de vente passée a Lagnieu, le dixhuictiesme [439] janvier mil cinq cents nonante six, par devant M e Burdet, nottaire, dont la copie est ci joincte..

  A018004226 

 Exposent en toute humilité les Reverendes Dames Religieuses de la Congregation par elles erigée dans Vostre Ville et cité d'Annessy, soubs le tiltre de la Visitation de Nostre Dame, Vous (sic) tres humbles Oratrices: comme pour vivre plus commodement dans leur dicte Congregation du peu de revenu que chescune d'elles y raporte, et mieux vacquer au service pour lequel elles se sont sequestrées tout a faict du monde, elles auroient besoing de quelque fond proche de la dicte ville, que leur raportast du bled pour leur provision.

  A018004227 

 La ratification duquel contract les Dames suppliantes desireroient obtenir de Vostre Altesse Serenissime; et ycelle faire verifier en Vostre souveraine Chambre de Savoye, pour l'asseurance de leurs deniers a l'advenit..

  A018004228 

 Que les faict recourir a la bonté, clemence et pieté accoustumée de Vostre dicte Altesse, a ce qu'il luy plaise ratiffier, confirmer et approuver tout le contenu au dict contract, et ordonner qu'elles jouyront du fruict et benefice d'yceluy jusques a ce qu'elles soient remboursées du prix porté par le dict contract, et despence qu'elles ce trouveront avoir faicte aux bastiments et artifices nouveaux qu'elles pretendent faire au lieu ou sont situés les dicts moulins, conformement aux Patentes sus designées et verification d'ycelles..

  A018004229 

 Et a ces fins, plaira a Vostre Altesse Serenissime enjoindre a sa dicte Chambre des Comptes de Savoye, de verifier les Patentes que leur seront expediées pour le faict que dessus, sans aulcune difficulté et sans aulcung esmolument, en derogeant pour ce regard, entant que de besoing, a tous edicts a ce contraires: affin que les dictes Dames puissent jouyr plus seurement et paisiblement de la commodité des dicts moulins, et faire leurs fonctions avec plus de tranquillité d'esprit au service de Dieu, qu'elles prient incessamment pour la prosperité de Vostre Altesse, conservation et accroissement de ses Estats et de Nous (sic) Seigneurs les Princes Ser mes, qu'il veillie combler de ses graces et benedictions..


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A019000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A019000019 

 Faire courtement les exercices de piété, et avec un maintien digne de Dieu.

  A019000020 

 Les adieux d'un Saint.

  A019000021 

 — Pourquoi les ténèbres et la solitude de la nuit lui sont devenues délicieuses. 23.

  A019000022 

 — La patience «parmi les niaiseries et enfances» du prochain.

  A019000023 

 — Les abeilles spirituelles dans leurs ruches.

  A019000024 

 — Les prétendants du monde et les prétendantes au Ciel 26.

  A019000028 

 Les faveurs de l'Epoux divin.

  A019000029 

 Modérer son travail «a mesure que le tems amoindrit les forces.».

  A019000032 

 — La future fondation d'Orléans et les aversions de M gr Frémyot.

  A019000032 

 — Les Prélats de la cour et les bons propos de l'Evêque de Luçon.

  A019000034 

 — Pourquoi les PP. Capucins sont plus propres à faire le bien dans le diocèse de M gr Camus.

  A019000036 

 — Manière de combattre les tentations d'affectation.

  A019000037 

 Une Communauté fervente, sous une Supérieure très sainte mais plus propre à converser avec Dieu qu'avec les hommes.

  A019000039 

 Infraction aux désirs et aux ordres de Son Altesse pour les prébendes de Contamine.

  A019000043 

 — Une «avette parmi les toiles des araignees.» — Ce que souhaite le Saint à sa correspondante, au souvenir de leurs adieux.

  A019000044 

 — Les richesses que nous amassons ici-bas.

  A019000048 

 Ce qui attriste le Saint dans les blâmes faits contre lui.

  A019000051 

 — Les cerisiers et les palmiers.

  A019000051 

 — Regard compatissant sur les faiblesses humaines.

  A019000052 

 — Les futurs aumôniers de Madame.

  A019000053 

 Requête au nom d'un Monastère qui fleurit «en veritable devotion.» — Un Mémoire dont la lecture n'est pas «hors de sayson» pendant les fêtes de Noël. 56.

  A019000055 

 Les larmes de la nature sur la séparation du monde.

  A019000055 

 — Avis sur des choses quelque peu superstitieuses et sur les visites.

  A019000055 

 — Les conversations de l'Evêque de Genève après son sacre. 58.

  A019000055 

 — Respect du Saint pour l'action de Dieu dans les âmes.

  A019000062 

 — Comment rendre les nôtres fertiles.

  A019000067 

 — Quand les vocations extraordinaires doivent-elles être estimées.

  A019000069 

 Les solitaires que Dieu n'aime pas et avec lesquels il ne veut point d'union.

  A019000070 

 — Se consoler sur le départ des nôtres et sur les circonstances de ce départ, par la raison et par la foi.

  A019000072 

 — Les vœux et les prières du grand Aumônier de Christine. 75.

  A019000074 

 — Les droits légitimes seront respectés; mais l'Evêque ne peut ni ne veut céder les siens.

  A019000077 

 — Comment combattre les pensées de vanité.

  A019000077 

 — Paternelle sollicitude pour les enfants du défunt.

  A019000091 

 — Ses pensées sur les projets qu'on forme pour lui à Paris.

  A019000097 

 Les faveurs considérées en ceux qui les donnent et en ceux qui les reçoivent.

  A019000098 

 Les Clarisses d'Evian en inquiétude sur un prétendu départ du saint Evêque.

  A019000102 

 — Le Fondateur revise les Règles de son Ordre.

  A019000106 

 — Suivre les inspirations d'En-haut et laisser faire à Dieu.

  A019000107 

 — Les prétentions de M. d'Ulme.

  A019000115 

 — Les affaires et la santé de M me de la Flèchère 113.

  A019000115 

 — Ses lumières sur les maximes évangéliques et sur la prudence humaine.

  A019000116 

 — Un accommodement des Ermites du Mont-Voiron procuré par les délégués de l'Evêque de Genève. 114.

  A019000119 

 Les fautes involontaires n'empêchent pas la marche vers la perfection.

  A019000121 

 — Bien que les Sœurs ne récitent que le petit Office, il est bon de maintenir le rang des Associées.

  A019000121 

 — Rester indifférente sur le choix que font les postulantes d'une Maison ou d'une autre.

  A019000128 

 — Les périls et les mortifications du mariage.

  A019000129 

 Prière au destinataire de régler les affaires qui retardent la Profession de sa sœur. 128.

  A019000131 

 — Désir de François de Sales de favoriser les prétentions de M. de Longecombe; difficultés qu'il y rencontre.

  A019000131 

 — Les talents et qualités d'un futur aumônier de M me Royale.

  A019000132 

 A quoi employer les prébendes de Contamine.

  A019000135 

 — Les monastères des Filles de la Visitation en voyage.

  A019000135 

 — Une lettre qui mettrait l'Evêque «bien en peine.» — Avis sur les Règles de saint Augustin.

  A019000136 

 — Les procès, «tres mauvaise occupation.» — Etre pauvre plutôt que de s'enrichir par cette voie. 136.

  A019000136 

 — Les tendances d'esprit et de caractère qui lui rendraient périlleux le séjour dans le monde; aversion qui l'éloigne de la vie religieuse.

  A019000137 

 — Grande alarme parmi les Religieuses non réformées du diocèse de Genève.

  A019000137 

 — Le Monastère de Turin et les fondations de France.

  A019000137 

 — Les qualités du président de la Valbonne.

  A019000139 

 L'excellence et les effets du don surnaturel d'intelligence.

  A019000140 

 — Supprimer les réflexions, les examens inquiets, et marcher avec confiance et abandon.

  A019000141 

 Providentiel mélange des douceurs parmi les amertumes.

  A019000141 

 — Une mortification pour les Sœurs qui s'en vont en France.

  A019000143 

 MDCLXX. A Madame de Geneve, abbesse de Baume-Les-Dames.

  A019000145 

 — Le formulaire de la Profession chez les Bénédictins et à la Visitation.

  A019000148 

 — Se résigner à sentir les attaques de l'amour-propre, mais n'y point consentir.

  A019000155 

 — Des entreprises «merveilleusement fascheuses;» les supporter, les porter, et les aimer.

  A019000155 

 — Les contradictions, présage de succès.

  A019000157 

 — Les désirs de M. et de M me de Saint-Géran et d'autres personnes de Moulins.

  A019000160 

 — Ne pas «espier» les sentiments de son âme.

  A019000166 

 — «Oublier les orages et les flotz,» et ne point se lasser de souffrir.

  A019000167 

 Nouvelles réponses à Moulins et à Nevers pour éclaircir les premières.

  A019000173 

 La paix en France, et les projets du Prince Cardinal.

  A019000173 

 — Les intrigues du sacristain Perret.

  A019000174 

 — Qu'attend-il pour verser dans les cœurs le «don sacré de l'orayson?» — Baume divin et parfums de ce monde.

  A019000176 

 Lettre pour les Barnabites à M gr de Bourges.

  A019000176 

 — Ce qui contrebalance les réels défauts de M me de Port-Royal.

  A019000176 

 — Les désirs de «plusieurs gens de bien » au sujet de M gr Camus.

  A019000178 

 — Dieu ne laisse pas d'agréer les actes de l'esprit faits avec peine et sans joie sensible.

  A019000179 

 — Les Sœurs de la Visitation en visite au Carmel; une règle qui leur fut «souvent inculquee.».

  A019000179 

 — Les desseins miséricordieux de la Providence sur les trois filles de M me Acarie.

  A019000181 

 L'opinion de François de Sales sur la juridiction la meilleure pour les Ordres de femmes.

  A019000183 

 — Les curés d'Armoy et de Draillant toujours sans argent. 190.

  A019000185 

 Les effets des affections saintes.

  A019000194 

 — Les filles ineptes ne doivent pas être reçues.

  A019000196 

 La cure de Rumilly étant désormais unie au Chapitre des Altariens, les poursuites du Prieur contre le Curé n'ont pas de raison d'être. 203.

  A019000199 

 — Combien rares les femmes «sans fantasie et malice et bigearrerie.» — Sous quelle condition promettre aux aspirantes de les recevoir.

  A019000199 

 — Les dix mille francs de la Sœur de Morville.

  A019000199 

 — Ne pas prêter facilement les Constitutions jusqu'à ce qu'elles soient corrigées.

  A019000199 

 — Pour quelle raison admettre les postulantes riches; pourquoi les pauvres ne doivent pas être rejetées.

  A019000199 

 — Une pensée dangereuse pour les fondatrices.

  A019000201 

 — Les effets de cette chute sur l'esprit et le cœur de François de Sales.

  A019000205 

 Les matériaux des bâtiments célestes «au quartier des hommes.» — Ce que les Anges pourraient nous envier.

  A019000207 

 Désagrément causé par les neiges.

  A019000208 

 — Ermite qui saura bientôt toutes les nouvelles de la cour. 215.

  A019000209 

 Prière à la destinataire de donner les ordres nécessaires pour le bon succès d'une œuvre de charité. 215.

  A019000211 

 Le Saint «accommode» les Constitutions.

  A019000211 

 — Comment tenir unies les Maisons du nouvel Institut? — A défaut d'un hôtel «asses beau,» il faut se contenter d'un «trop beau.» — Démarches que doit faire à Rome M me de Port-Royal pour obtenir de passer de son Ordre dans celui de la Visitation 217.

  A019000212 

 — Méthode pour garder la paix et gagner les cœurs.

  A019000215 

 — Aversion de l'esprit humain à recevoir «les conceptions d'autruy.» — Le Dieu de paix triomphant au milieu de la guerre.

  A019000282 

 Je me prepare pour le sermon, avec beaucoup de desir, non toutefois sans defiance, de bien rendre ce devoir a ce grand Saint, bien que je veuille que ce soit luy mesme qui face le sermon, toutes les conceptions d'iceluy estant tirees de luy mesme..

  A019000283 

 Elle m'asseura que les Seurs Carmelites l'aymoyent et cherissoyent grandement, et ne l'ont rejettee pour autre occasion que pour son incommodité corporelle.

  A019000289 

 Je ne doute pas pourtant que vous ne pensies bien et soyes tres asseuree que cette separation ne soit pas de longue duree, puisque tous nous allons a grans pas ou ce filz se retreuve: entre les bras, comme nous devons esperer, de la misericorde de Dieu.

  A019000312 

 L' Introduction a la Vie devote ayant esté faite pour des ames de vostre condition, je vous supplie de la lire [9] et observer au plus pres que vous pourres; car elle vous fournira presque tous les advis qui vous sont necessaires.

  A019000314 

 Pries souvent pour les ames desvoyees de la vraye foy, et benisses souvent Dieu de la grace avec laquelle il vous a maintenue en icelle..

  A019000329 

 A Dieu soyes vous a jamais en cette vie mortelle, le servant fidellement entre les peines que l'on y a de porter la croix en sa suite, et en la vie eternelle, le benissant eternellement avec toute la Cour celeste..

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu il veut bien que chacun sache qu'il le veut servir et [11] se veut essayer de faire les exercices convenables pour demeurer uni a iceluy..

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne cherche que luy; et parce qu'il n'est pas moins en la tribulation qu'en la prosperité, on demeure en paix parmi les adversités.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu pense souvent en luy parmi toutes les occasions de cette vie.

  A019000344 

 Le Alonastere, c'est un hospital de malades spirituelz qui veulent estre gueris, et pour l'estre, s'exposent a souffrir la saignee, la lancette, le rasoir, la sonde, le fer, le feu et toutes les amertumes des medicamens; et au commencement de l'Eglise, on appelloit les Religieux d'un nom qui veut dire guerisseurs.

  A019000344 

 O ma Fille, soyes bien cela, et ne tenes conte de tout ce que l'amour propre vous dira au contraire; mays prenes doucement, amiablement et amoureusement cette resolution: Ou mourir, ou guerir; et puisque je ne veux pas mourir spirituellement, je veux guerir; et pour guerir, je veux souffrir la cure et la correction, et supplier les medecins de ne point espargner ce que je dois souffrir pour guerir..

  A019000345 

 Au reste, ma chere Fille, on me dit que vous craignes les espritz.

  A019000345 

 La verité de Dieu, dit le Psalme, vous environne et couvre de son bouclier: vous ne deves point craindre les craintes nocturnes.

  A019000345 

 Les bons Anges sont autour de vous comme une compaignie de soldatz de garde.

  A019000345 

 Vous estes dessous ses aisles comme un petit poussin, que craignes vous? J'ay, estant jeune, esté touché de cette fantasie, et pour m'en desfaire, je me forçois petit a petit d'aller seul, le cœur armé de la confiance en Dieu, es lieux ou mon imagination me menaçoit de la crainte; et en fin je me suis tellement affermi que les tenebres et la solitude de la nuit me sont a delices, a cause de cette toute presence de Dieu de laquelle on jouit plus a souhait en cette solitude.

  A019000356 

 O qu'il soit loué, ce grand Dieu eternel, pour les misericordes qu'il exerce envers nous! Vostre consolation console mon cœur, qui est si fort uni avec le vostre, que rien ne sera jamais receu en l'un que l'autre n'y ayt sa part, ains le tout, puisqu'en verité ilz sont en communauté, ce me semble, parfaite; et qu'il me soit loysible d'user du langage de la primitive Eglise, un cœur et une ame..

  A019000358 

 Dieu opere de loin et de pres, et appelle les choses esloignees au service de ceux qui le servent, sans les approcher; absent de cors, present d'esprit, dit l'Apostre..

  A019000359 

 J'espere que j'entendray bien ce que vous me dires de vostre orayson, en laquelle pourtant je ne desire pas que vous soyes curieuse de regarder vostre procedé et façon de faire; car il suffit que tout bonnement vous m'en fassies sçavoir les mutations plus remarquables, selon que vous en aves souvenance apres l'avoir faite.

  A019000359 

 Je treuve bon que vous escrivies, selon les occurrences, pour m'envoyer par apres selon que vous estimeres estre convenable, sans crainte de m'ennuyer; car vous ne m'ennuyeres jamais..

  A019000360 

 Apprivoyses petit a petit la vivacité de vostre esprit a la patience, douceur, humilité et affabilité parmi les niaiseries, enfances et imperfections feminines des Seurs qui sont tendres sur elles mesmes et sujettes a tracasser autour des aureilles des Meres.

  A019000362 

 J'eusse voulu que vous ne vous fussies pas raillee et mocquee de ces gens la, mais qu'avec une modeste simplicité vous les eussies edifiés par la compassion dont ilz sont dignes, selon que Nostre Seigneur nous a enseigné en sa Passion.

  A019000392 

 Seulement je vous supplie de faire tenir les lettres ci jointes ou elles s'addressent, et de joindre a celle de madame Godeau une copie [19] de l'Exercice; car je n'en ay sceu faire aucune pendant le chemin, que j'ay eu asses a faire a escrire toutes ces lettres que pour bonne consideration j'ay voulu faire..

  A019000407 

 Je salue les cheres Seurs Catherine Agnes, Marie et Anne; et nostre bonne seculiere, qui m'est si chere, ma Seur Catherine de [22] Gennes.

  A019000419 

 Je ne desirois pas moins de vous voir que je faysois de voir les deux cheres Seurs que j'ay maintenant veües, [23] l'une a Paris au petit Couvent, l'autre icy.

  A019000420 

 Et par ce que je n'[ai point oublié que] vous l'estes aussi fort particulierement, je ne vous appelleray plus ma Seur, [ains ma Fille,] en toutes les occasions qui se presenteront desormais..

  A019000434 

 A mesure que je m'esloigne de vous, ma tres chere Fille, selon les lieux, je me sens interieurement de plus [25] en plus joint et uni a vostre cœur selon l'esprit; et connois bien par la que c'est le bon playsir de Dieu que nous ayons ce sentiment de veritable et sincere dilection..

  A019000436 

 A peu que je ne luy aye dit les paroles de cet ancien Prophete: Et comment, Seigneur, vous affliges donq encor ces filles, qui pour l'amour de vous m'ont repeu et nourri? Mays non, ma Fille toute tres chere, j'ayme mieux, avec l'autre Prophete, dire: ]e suis muet sous vos verges, et n'ouvre nullement ma bouche, car c'est vous qui faites cela.

  A019000448 

 Comme pourroit on serrer sur sa poitrine Nostre Seigneur crucifié, sans que les cloux et les espines qui le transpercent ne nous percent?.

  A019000449 

 Mais quand ce frere a sceu vostre maladie et celle de nostre Seur Marie, son cœur s'est attendri et son sentiment a paru sur les yeux; et toutefois il demeure ferme et sans trouble, tant il est vertueux et vertueusement chrestien..

  A019000451 

 Or sus, que puis je dire davantage? Celle qui vit mourir le plus aymable filz de tous les filz sur la croix, veuille impetrer de ce mesme Filz les consolations qui vous seront convenables, et a monsieur vostre pere et a madamoyselle vostre mere..

  A019000462 

 Il faut, certes, diminuer la charge a mesure que le tems amoindrit les forces..

  A019000472 

 Icy a Bourges, entre les caresses non pareilles de nostre Monseigneur l'Archevesque en sa mayson, j'ay receu vostre lettre du 23 de ce moys, unique, jusques a present, que j'aye receüe.

  A019000474 

 De leurs nouvelles, je vous en escriray par chemin entre ci et Moulins, comme des nouvelles de celles [32] de Moulins entre Moulins et Lyon; car en ces villes ou on fait les complimens a Madame, il ny a nul moyen d'escrire qu'aux heures esquelles vous ne voules pas que j'escrive..

  A019000474 

 Nos Seurs ont esté consolees plus quil ne se peut dire, bien qu'en cet embaras incroyable je ne les ay guiere veu en particulier, ains seulement a la Messe et exhortation.

  A019000490 

 Non, ma tres chere Fille, car je vous asseure que le mestier de reprendre est fort aysé, celuy de faire mieux, difficile; il ne faut guere de capacité pour treuver les defautz et ce qu'il y a a redire en ceux qui gouvernent et en leur gouvernement.

  A019000492 

 Faites si suavement cela, que vos inferieures ne prennent point occasion de perdre le respect qui est deu a vostre charge, ni de penser que vous aves besoin d'elles pour gouverner; ains faites leur connoistre doucement, sans le dire, que vous faites ainsy pour suivre la regle de la modestie et humilité, et ce qui est porté par les Constitutions; car voyes vous, ma chere Fille, il faut tant qu'il est possible, faire que le respect de nos inferieurs envers nous ne diminue point l'amour, et que l'amour ne diminue point le respect..

  A019000494 

 Et affin qu'en toutes façons vostre douceur ne ressemble point a la timidité et ne soit point traittee comme cela, quand vous verries une Seur qui feroit profession de n'observer pas le respect, il faudroit, doucement et a part, vous mesme luy remonstrer qu'elle doit honnorer vostre office et cooperer avec les autres a conserver en dignité la charge qui lie toute la Congregation en un cors et en un esprit..

  A019000513 

 A Tours, je vis les Meres Carmelines et y fis un'exhortation, et fus fort edifié de voir la Superieure, fille de feu M lle Acarie, qui est une ame de haute vertu et d'esprit merveilleusement amiable et franc, et joyeux et gay.

  A019000517 

 A Bourges, je treuvay la pauvre Superieure entre les mortifications continuelles qu'on luy fait sur ce qu'elle n'est pas habile aux choses du monde et trop facile a la reception des filles et a la conduite des Seurs.

  A019000517 

 Je luy parlay et a l'Assistente ensemblement, et dis qu'elle ne s'obligeast nullement a faire tous-jours venir l'Assistente au parloir avec elle; mays qu'es affaires de consequence, apres avoir ouy ce qu'on propose, elle prit loysir d'en conferer avec elle et les Coadjutrices, par ce qu'en cette sorte elle conservera la dignité de Superieure et la bonne conduite des affaires ensemblement; et non pas avec cette timidité avec laquelle elle n'osoit venir au parloir sans l'Assistente, de peur qu'on ne luy parlast d'affaires temporelles: en quoy elle se tenoit trop sujette, et privoit les Seurs de deux presences, [42] dont l'une pour le moins est requise pour tenir en devoir les Novices.

  A019000519 

 Mays le P. Lalemant, avec sa charité et prudence, pourra donner les advis asseurés de toute chose.

  A019000519 

 Monseigneur l'Archevesque et M. de Neuchaize ne peuvent souffrir qu'on parle d'une Mayson a Orleans, et, comme je vous escrivis estant audit Orleans, ou je laissay ma lettre au P. Lalemand, il faudra conduire prudemment la reception ou acceptation d'une Mayson, et estre bien asseuré de ce qui se promettra; car on me dit que le peuple y estoit un peu dur, et les espritz malaysés a conduire.

  A019000521 

 Helas, que les enfans du monde sont niays de vouloir estre estimés grans et dignes de respect par ces mollesses d'esprit!.

  A019000547 

 A Chaires ( sic ) on me dit que vous esties a Estampes; a Estampes on me dit que vous esties a Chatres, et je croy que vous n'esties ni en l'un ni en l'autre des lieux, mays ou a Maubuisson ou par les chemins.

  A019000548 

 Et a la verité, ilz sont praeferables pour mille raysons, puisque maintenant ilz ont faculté de confesser en cette Province; car ilz ont des gens de capacité, une renommee et approbation incomparable des peuples, une pauvreté qui incommode le moins ceux qui les entretiennent, une correspondance entr'eux qui peut tenir en observance les Religieux, et une tres particuliere inclination a vous honnorer.

  A019000548 

 Or, passant icy et entre les a Dieu que je dis a nostre court, les RR. PP. Capucins m'ont fait entendre [46] comme ilz sont desirés a Belley, ou d'autres Religieux se desirent en leur place; et je sçai, Monseigneur, que vostre intention premiere fut d'avoir des Religieux qui administrassent le saint Sacrement de l'absolution, mays que si les Capucins le pouvoyent administrer, vous les praefereries a tous autres.

  A019000554 

 Si je n'esperois d'escrire a la Visitation de Paris et a Maubuisson bien tost, je vous supplierois de commander a M. Jantet qu'il fit mes honneurs en ces deux [47] Maysons; mays puisque dans deux ou trois jours je les feray moymesme par lettres, je me contenteray, sil vous plait, quil asseure monsieur et madame de Saint Bonet de mon humble obeissance; et quand j'escriray par dela, je n'oublieray pas de rendre mon devoir a madame de Herce..

  A019000566 

 Non veritablement, ma tres chere Mere, car je ne sens nulle sorte d'ambition que celle de pouvoir utilement employer le reste de mes jours au service de [49] l'honneur de Nostre Seigneur Non certes, la court m'est en souverain mespris, parce que ce sont les souveraines delices du monde que j'abhorre de plus en plus, et luy, et son esprit, et ses maximes, et toutes ses niaiseries..

  A019000575 

 O moy miserable homme, disoit le grand Apostre, qui me delivrera du cors de cette mort? Il sentoit un cors d'armee composee de ses humeurs, aversions, habitudes et inclinations naturelles, qui avoyent conspiré sa mort spirituelle; et parce qu'il les craint, il tesmoigne qu'il les hait; et parce qu'il les hait, il ne les peut supporter sans douleur; et sa douleur luy fait faire cet eslan d'exclamation, a laquelle il respond luy mesme que la grace de Dieu, par Jesus Christ, le garantira, non de la crainte, non de la frayeur, non de l'alarme, non du combat, mais ouy bien de la desfaite, et l'empeschera d'estre vaincu..

  A019000577 

 Saint Bernard les sentant un jour qu'elles le faschoyent tandis qu'il preschoit: « Retire-toy de moy, Satan, dit il; je n'ay pas commencé pour toy, et nefiniray pas pour toy.» [51].

  A019000577 

 Voyes vous, ma Fille, ces inclinations d'orgueil, de vanité et de l'amour propre se meslent par tout, et fourrent insensiblement et sensiblement leurs sentimens presque en toutes nos actions; mays pour cela ce ne sont pas les motifs de nos actions.

  A019000581 

 Encor faut-il que j'adjouste en ce bout de papier ce mot important: ne charges point vostre foible cors d'aucune autre austerité que de celles que la Regle vous impose; gardes vos forces corporelles pour en servir Dieu es prattiques spirituelles, que souvent nous sommes contraintz de laisser quand nous avons indiscrettement surchargé celuy qui, avec l'ame, les doit exercer..

  A019000591 

 Cette pure colombe est bien plus propre a demeurer avec son Bienaymé dans le trou de la masure d'une cellule, qu'a converser avec les hommes.

  A019000591 

 O ma Mere, il ne se faut pas estonner de cela: toutes les ames n'ont pas la grace de joindre l'actif au passif, et de passer, sans prejudice interieur, de l'un a l'autre..

  A019000618 

 Des que Vostre Altesse eut l'heureuse pensee de contribuer son soin et son authorité a la reformation des Monasteres de deça, elle donna ordre que les praebendes vacantes de celuy de Contamine fussent reservees pour estre par apres appliquees selon ce dessein.

  A019000618 

 Mays on ne peut croire que ces lettres soyent selon l'intention de sadite Altesse, puisque elles sont contraires a la resolution prise avec tant de consideration, delaquelle il se peut faire que la souvenance ne soit pas tous-jours presente a Son Altesse; puysque mesme, en attendant qu'on obtienne de Rome le pouvoir d'appliquer plus fructueusement ces praebendes, on les employe a reparer les domiciles necessaires et entretenir la sacristie de ladite eglise..

  A019000632 

 Je vous salue et vous embrasse tres affectionnement en esprit a cette mienne arrivee apres une si longue absence; et m'estant apperceu que l'ennemy de paix et d'union tasche a semer petit a petit des pensees de separation parmi vous autres, je vous prie et exhorte de tout mon cœur de ne point permettre qu'il prevaille contre les saintes et honnorables resolutions que vous aves prinses avec moy, de vivre jointz et liés ensemble en l'observance de vos Regles, entre lesquelles la communauté et union des cœurs et de biens est la principale.

  A019000638 

 les Prieur et Religieux de Six..

  A019000660 

 Dieu les eslevera [59] et fera croistre; ce petit Institut se multipliera et, comme la violette, respandra par tout sa bonne odeur..

  A019000669 

 Mon Dieu, il faut dire la verité: c'est pitié de voir une aymable avette embarrassee parmi les viles toiles des araignees; mays si un vent secourable rompt cette chetifve trame et ces fascheux fïletz, pourquoy est ce que cette chere avette ne prend cette occasion pour se demesler et desprendre de ces pieges et pour aller faire son doux miel? Vous voyes, ma tres chere Fille, mes pensees; faites voir les vostres a ce Sauveur qui vous semond.

  A019000669 

 Vous me le fistes promettre, et je le fay soigneusement: je prie Dieu qu'il vous donne sa sainte force, affin que vous rompies genereusement tous les liens qui empeschent vostre cœur de suivre ses celestes attraitz.

  A019000681 

 Tout cela bien ramassé, ma tres chere Fille, sont des richesses spirituelles incomparables, et nous les connoistrons un jour, quand, pour ces legers travaux, nous verrons des recompenses eternelles..

  A019000693 

 C'est pourquoy j'ay creu que je vous devois donner cet advis, affin que, s'il vous plaist, vous contribuies vostre authorité et dexterité pour haster [63] l'accommodement, et par consequent les noces; puisque je me souviens que vous me tesmoignastes de les desirer voir faites avant vostre despart pour Bourgoigne, affin de contenter monsieur du Boys, et que d'ailleurs, pour briefve que soit la voye de la justice, elle ne peut qu'estre longue et sujette a beaucoup d'accidens..

  A019000693 

 La dispense pour le mariage de madamoyselle vostre fille est arrivee, et neanmoins il reste encor a vuider un empeschement mis au greffe de l'evesché par M. de Paumier, et je voy monsieur du Boys aucunement disposé a l'oster par le moyen de quelque somme d'argent; mays je ne sçai pas si elle sera telle que les parties s'en contentent d'abord.

  A019000710 

 Je vous rens graces du livre, que je liray par ci par la, selon le tems que je pouray gaigner, en attendant que vous revenies icy faire les festes, ainsy que la chere cousine m'a dit avoir esté resolu entre vous deux.

  A019000727 

 Il est vray que les parties s'estans liees d'affection et de promesses pendant mon absence, je fus present, soudain apres mon retour, a la repetition des promesses qu'elles voulurent renouveller devant moy; mais d'une presence si simple que je ne fis qu'escouter avec plusieurs autres sans dire mot.

  A019000744 

 Oh! si les afflictions devenoyent moindres a mesure qu'elles sont respandues dans le cœur de plusieurs, que vous en auries bon marché, ayant tant de personnes, et autour de vous et bien loin de vous, qui vous honnorent et ayment sincerement, se communiquant les uns aux autres vos sentimens pour les ressentir avec vous..

  A019000745 

 Et de plus, quand j'eusse esté aupres de vous, que vous eusse-je peu dire sinon: Bibe aquam de cisterna tua? Quelz parfums peut on donner aux habitans de l'Arabie Heureuse? On ne peut leur porter de la suavité qui soit comparable a celle de leur païs, et ne peut on leur dire autre chose sinon: Sentes, odores, receves les exhalaisons de vos cinnamomes, de vos bausmes, de vos myrtes.

  A019000747 

 Mais, a ce propos de conserver les bienveuillances, on m'escrit que je suis presque privé de celle de M. de Montholon pour le sujet du mariage de M. de [Foras.] Et encor faut il que je vous rende conte de ceci, puisque vous estes celuy qui me l'avies procuree; et en un mot, je puis dire avec verité que, hors les veritables tesmoignages que j'ay rendus une seule fois a madame de [Vaulgrenant] de la vertu et bonnes qualités de son mari, je n'ay rien cooperé a ce mariage, sinon qu'apres avoir veu et sceu les fortes et vehementes liaisons d'affections, avec des grandes promesses reciproques d'un futur mariage entre ces deux parties, faites pendant que j'estois a Maubuisson, et de plus, la damoyselle se promettre fort asseurement que madamoyselle de [Sanzelles] appreuveroit tout, je dis alhors, qu'encor que je ne doutasse point de leur discretion a la suite de leurs affections, neanmoins je leur conseillois de ne pas beaucoup tarder leur mariage; conseil conforme aux decretz de l'Eglise, et que je donnay ne regardant qu'au plus grand bien et a la plus entiere asseurance de ces ames, et a l'observance des commandemens de Dieu..

  A019000760 

 Je viens d'escrire troys grandes lettres, que je vous envoye ouvertes, affin que vous les voyes, et en icelles plusieurs choses qu'il faudroit que je vous escrivisse; et je n'en ay pas le loysir, estant bien tard..

  A019000761 

 Bienheureux seres vous quand les hommes diront tout mal contre vous pour l'amour de moy, en mentant.

  A019000763 

 Demeures en paix, et le Dieu de paix sera avec vous, et il foulera les aspics et les basilics; et rien ne troublera nostre paix si nous sommes ses serviteurs.

  A019000764 

 Je presche icy, ces Advens, les commandemens de Dieu, qu'ilz ont desiré ouÿr de moy, et je suis merveilleusement escouté, mais aussi je presche de tout mon cœur; [72] duquel cœur je vous diray, ma tres chere Mere, que Dieu, par sa bonté infinie, le favorise fort, luy donnant beaucoup d'amour des maximes du christianisme; et cela en suite des clartés qu'il me donne de leur beauté et de l'amour que tous les Saintz leur portent au Ciel, m'estant advis que la haut on chante avec une joye incomparable: Bienheureux les pauvres d'esprit, car a eux appartient le Royaume des cieux..

  A019000766 

 Hier nous fismes un entretien ou je m'essayay de les mettre un peu au large..

  A019000766 

 Nos Seurs d'icy font fort bien; il n'y a rien a redire, sinon qu'elles veulent trop bien faire, affin que nostre Mere revenant treuve que tout va bien: cela les presse un peu.

  A019000768 

 Dieu les veuille combler de ses graces..

  A019000768 

 Je n'escriray point pour ce coup a ces dames, que j'honnore tant et que Dieu veut que j'honnore de plus en plus; salues les toutes cherement es occurrences.

  A019000776 

 Les cerisiers portent bien tost leurs fruitz parce que leurs fruitz ne sont que de cerises de peu de duree; mays les palmiers, princes des arbres, ne portent leurs dattes que cent ans apres qu'on les a plantés, ce dit on.

  A019000777 

 Ne serois je pas un desloyal arrogant si je ne la regardois en douceur parmi les effortz qu'elle fait de s'affermir en la douceur, en l'humilité, en la simplicité? Qu'elle continue donq fidelement ses poursuites, et je continueray sans cesse de souspirer et respirer pour son bien et avancement.

  A019000781 

 Sa pauvre seur est en grand danger, a ce qu'on m'escrit; et je vous asseure que mon ame en est toute affligee, et voudrois, si je pouvois, beaucoup faire pour retenir ces deux seurs pour Dieu qui les veut, pourveu qu'elles ne resistent..

  A019000791 

 Le bon poissonnier qui m'a apporté vos lettres de Ri vole nous asseura de venir dans la huitaine prendre les nostres et vos habitz; mais la quinzaine passe, et il [77] ne vient point.

  A019000794 

 M. de [Duyn] aura response par les ci jointes, que [M lle ] de la Salle aura cent mille francs de son pere et trente mille de sa mere, ainsy que M. de Medio m'asseure..

  A019000796 

 Je les luy demanday l'autre jour, et il m'escrivit qu'il en avoit un peu affaire pour encor, et qu'il me les envoyeroit par apres..

  A019000796 

 Je ne sçavois pas que les livres de Visites fussent a Paris, car on me l'a celé; mais il y a apparence que monsieur le President en aura soin.

  A019000797 

 Je vous envoye le projet que Monseigneur le Prince me commande de faire pour la reformation des Monasteres de deça, m'ayant semblé a propos qu'il luy fust remis parmi les festes, en tems auquel telles pensees sont de sayson.

  A019000797 

 Vous luy pourres dire que j'ay [écrit] apres avoir conferé avec M. de Monthoux et M. l'Abbé d'Abondance, et qu'il sera expedient que les Memoires soyent dressés en italien ou en latin, mais plustost en italien, de quelque bonne main..

  A019000798 

 C'est que Monsieur le Reverendissime du Montdevis a, ce dit [80] on, un prieuré pres de [Belley], qui s'appelle Consieu, duquel s'il vouloit se desfaire en faveur de nostre Eglise, on luy asseureroit une bonne pension, pourveu qu'elle n'excedast pas tous les fruitz; et apres on pourroit traitter avec le Chapitre de Belley, du doyenné de Seyserieux.

  A019000800 

 C'est le vray moyen de les fascher et combattre, mesprisant leurs effortz par l'asseurance que nous tesmoignerons d'avoir dans nostre innocence et inviolable affection au service de nos Princes..

  A019000800 

 Mon frere [de Thorens] vous escrit de la lettre que les gens de bien font voir par ci par la a la desrobee.

  A019000803 

 Les Seurs de Sainte Claire [d'Evian] me conjurent fort de vous recommander leur affaire, en laquelle M. le [82] Marquis de [Lullin] les aydera fort.

  A019000804 

 Salues la cherement de ma part et l'asseures de mon service tres humble, et de mesme toutes les dames qui me font l'honneur de m'aymer; mais, comme vous sçaures bien faire, mettes a part la signora Donna Genevra, ma tres chere fille.

  A019000805 

 Les deux dames qui vous ont escrit de France sont mesdamoyselles de Crevant, qui s'appelle Anne de Bragelonne, et de Verton, qui s'appelle Marie de Bragelonne..

  A019000822 

 Les Seurs de Sainte Claire d'Evian font supplication a Vostre Altesse pour avoir la place et les masures du chasteau de ce lieu-la, affin d'y bastir leur couvent, puisque monsieur le Marquis de Lulin tesmoignera que cela ne peut en rien nuire a la conservation de la ville.

  A019000823 

 J'envoye aussi a Vostre Altesse le projet dressé par son commandement, pour la reformation des Monasteres de deça les montz, duquel la lecture ne sera point hors de sayson parmi ces festes, puisque tout le dessein regarde la plus grande gloire du divin Enfant, la naissance duquel on celebre, et que je ne cesseray jamais de supplier qu'il face de plus en plus prosperer Vostre Altesse,.

  A019000839 

 Voyla le tant aymable petit Jesus qui va naistre en nostre commemoration ces festes-ci prochaines; et puisqu'il naist pour nous venir visiter de la part de son Pere eternel, et que les pasteurs et les Rois le viendront reciproquement visiter en son berceau, je croy qu'il est le Pere et l'Enfant tout ensemble de Sainte Marie de la Visitation..

  A019000852 

 Ce mesme Dieu sçait que sur vostre despart, il me [vint] en la pensee de vous dire qu'il failloit retrancher le musc et les senteurs; mais je me retins, sur ma methode, qui est suave, de laisser lieu au mouvement que petit a petit les exercices spirituelz ont accoustumé de faire dans les ames qui se consacrent entierement a sa divine Bonté.

  A019000857 

 Je fus un moys, apres ma consecration a l'evesché, que, venant de ma confession generale et d'emmi les Anges et les Saintz, entre lesquelz j'avois fait mes nouvelles resolutions, je ne parlois que comme un homme estranger du monde, et il me semble que j'avois bonne grace; et quoy que le tracas ayt un peu alangouri ces bouillonnemens de cœur, les resolutions, par la grace divine, me sont demeurees.

  A019000857 

 Mais affin que vous vous entretenies de nouvelles reciproquement, entretenes les comme venant de l'autre monde, et elles vous entretiendront comme venans du monde; car si vous leur parles le langage de leurs lieux, ce ne leur sera pas grande nouvelle.

  A019000867 

 Hé! qui [ne] voit le cher petit Enfant de Bethlehem, duquel le zele pour nos ames est incomparable, car il vient pour mourir affin de les sauver; il est si humble, si doux, si amiable..

  A019000868 

 Vives joyeuse et courageuse, ma chere Fille, (je dis en la portion superieure de vostre ame) car l'Ange qui preconise la naissance de nostre petit Maistre annonce en chantant, et chante en annonçant, qu'il publie une joye, une paix, un bonheur aux hommes de bonne volonté, [91] affin que personne n'ignore qu'il suffit, pour recevoir cet Enfant, d'estre de bonne volonté, encor que jusqu'icy on n'ayt pas esté de bon effect; car il est venu benir les bonnes volontés, et petit a petit il les rendra fructueuses et de bon effect, pourveu qu'on les luy laisse gouverner, comme j'espere que nous ferons les nostres, ma tres chere Fille.

  A019000912 

 Je me resjouis grandement, ma tres chere Fille, du bonheur dont vous jouisses en cette sacree compaignie en laquelle vous estes, ainsy que monsieur vostre bon pere m'a fait sçavoir; car ce vous est un bien inestimable de vivre au service de Dieu en un lieu ou toutes les ames le servent, et ou leur conversation environne vostre jeunesse pour la conserver et affermir en ses bons propos..

  A019000931 

 Je disois hier, ma chere Fille (car je vous veux faire part de nos predications), que quand Dieu voulut prendre en sa sauvegarde les enfans des Israelites, affin que l'Ange exterminateur ne les tuast comme il faisoit ceux des Egyptiens, il ordonna que leurs portes fussent enduites et [97] marquees du sang de l'Aigneau paschal; et qu'ainsy sa divine Majesté marquoit du sang de sa Circoncision la porte et l'entree de cette annee sur nous, affin qu'en icelle l'exterminateur de nos enfans n'eust aucun pouvoir sur eux.

  A019000932 

 Je l'espere, ma chere Fille, que nous serons inviolablement fidelles a ce Sauveur, et que ces annees suivantes nous seront comme les annees fertiles de Joseph, lequel, par le moyen du mesnage qu'il fit en icelles, se rendit vice Roy d'Egypte; car nous mesnagerons si bien nos ans, nos mois, nos semaines, nos jours, nos heures, voire nos momens, que le tout s'employant selon l'amour de Dieu, le tout nous sera profitable a la vie eternelle pour regner avec les Saintz.

  A019000932 

 Nos petites choleres, nos petitz chagrins, les petitz frissonnemens de cœur sont des restes de nos maladies, que le souverain Medecin nous laisse affin que nous craignions la recheute, que nous nous humilions et demeurions en une sincere sousmission.

  A019000958 

 Que diray je a ce commencement d'annee? Je suis roy de bon jeu en vostre Mayson, et nos Seurs en sont fort contentes, et m'ont envoyé par escrit une grande protestation de leur sousmission et obeyssance, et m'ont demandé quelques nouvelles loix selon lesquelles elles vivront; et je les mediteray pour leur en porter quand je pourray leur faire une exhortation, que je m'essayeray de faire dans cette octave le plus gratieusement que je sçauray, car j'ay des-ja une idee aggreable pour cela..

  A019000960 

 Je luy fis une bonne correction, avec autant de vinaigre que d'huyle, que je repeteray, en changeant les motz, si souvent, qu'elle operera moyennant la grace de Dieu.

  A019000960 

 Tout le reste va bien; sur tout les jeunes sont gratieuses..

  A019000961 

 Mais au reste, c'est la verité qu'il fait des merveilles; et non seulement nostre chere Madame, mais Son Altesse et tous les Princes et Princesses, seigneurs et dames le cherissent et l'estiment grandement; et des maintenant, sans que j'en aye parlé en sorte quelconque, on le va jetter dans la coadjutorerie, si Madame est de croire, affin que son premier Aumosnier soit Evesque..

  A019000961 

 Monsieur [de Boisy] est tous-jours a la cour, ou il apprend la mortification de la propre volonté, excellemment, et encor plus celle de l'impatience, activité et soudaineté, car il faut demeurer trois heures et quatre a attendre les heures du service; beaucoup plus, certes, que quand il treuvoit quelqu'un a l'autel de la Visitation.

  A019000972 

 Que jamais vostre ame, comme un'abeille mistique, n'abandonne ce cher petit Roy, et qu'elle face son miel autour de luy, en luy et pour luy, [102] et qu'elle le prenne sur luy, duquel les levres sont toutes detrempees de grace, et sur lesquelles, bien plus heureusement que l'on ne vid sur celles de saint Ambroyse, les saintes avettes, amassees en essein, font leurs doux et gratieux ouvrages..

  A019000988 

 Non seulement je consens, mais j'appreuve, ains j'exhorte de tout mon cœur que quand les parens riches donnent raysonnablement selon leur condition et moyens, qu'on ne tracasse point pour tirer davantage.

  A019000989 

 Elle a consacré ses forces corporelles a Dieu; ce n'est plus a elle a les ruiner, sinon quand Dieu l'ordonnera, et elle n'apprendra jamais l'ordonnance de Dieu que par l'obeissance aux creatures que le Createur luy a donnees pour sa direction..

  A019000990 

 Si faut, ma tres chere Fille, il la faut faire ayder contre cette tentation par les advis de quelque vray serviteur de Dieu; car il faut plus d'une personne pour desraciner ces persuasions de sainteté exterieure et cherement choisies par la prudence de l'amour propre.

  A019000992 

 Puys, ne vous amuses pas a penser quelles sont les pensees de vostre esprit pour cela, puisque de toutes ces pensees il n'y en a point qui soit vostre pensee que celle que, deliberement et volontairement, vous aures acceptee, qui est de faire la Communion pour l'union et comme une union de vostre cœur a celuy de l'Espoux..

  A019001001 

 La necessité des moliniers de cette ville et l'utilité de la continuation de leurs ouvrages, me donnent la confiance de vous supplier de donner permission au Frere Adrien pour un voyage jusques a Lyon, auquel il se comportera selon les loix et conditions qu'il vous plaira de luy prescrire, ainsy qu'il m'asseure de vouloir faire en toutes autres occurrences; autrement, certes, je ne serois pas de ses confederés, ne pouvant jamais estimer les vocations extraordinaires, sinon quand elles sont sousmises et correspondantes aux ordinaires..

  A019001007 

 Monseigneur de Belley m'a fait response quil estoit engagé avec les Peres Augustins, et que ce n'a esté que sur le refus que les Peres luy avoyent fait il y a quelques annees..

  A019001015 

 Ces saillies de l'amour propre doivent estre negligees; pour les desadvouer deux ou trois fois le jour, on en est quitte; il ne faut pas les rejetter a force de bras, il suffit de dire un petit non..

  A019001031 

 Il n'y a point d'entredeux entre vostre sortie et vostre perte; [110] car ne voyes vous pas que vous ne sortiries jamais que pour vivre a vous mesme, de vous mesme, par vous mesme et en vous mesme? et ce d'autant plus dangereusement, que ce seroit sous pretexte d'union avec Dieu, qui toutefois n'en veut point avoir ni n'en aura jamais point avec les solitaires retirés, particuliers et singuliers, qui quittent leurs vocations, leurs vœux, leurs Congregations par amertume de cœur, par chagrin, avec depit et par degoust de la societé, de l'obeyssance des Regles et sainte observance..

  A019001031 

 La cogitation de sortir a toutes les plus veritables marques de tentation qu'on sçauroit treuver; mays Dieu soit loué dequoy en cet assaut le donjon n'est pas encor rendu ni, comme je pense, prest a se rendre.

  A019001032 

 Oh! ne voyes vous pas saint Simeon Stilite, si prompt a quitter sa colomne sur l'advis des anciens? Et vous, ma tres chere Fille, vous ne quitteres pas vos abstinences sur l'advis de tant de gens de bien, qui n'ont nul interest de vous les faire quitter que pour vous faire rendre quitte et exempte de vostre propre amour? Or sus, ma tres chere Fille, chantes meshuy le cantique de l'amour: O que c'est une chose douce et bonne de voir les Seurs habiter ensemble! Traittés rudement vostre tentation; dites luy: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; Va en arriere, Satan; tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et a iceluy seul tu serviras..

  A019001033 

 Je vous laisse a penser, ma tres chere Fille: faire les genuflexions au Saint Sacrement comme par despit, en suitte de la tentation, quelle plus grande marque de tentation peut on avoir? La force des inspirations est humble, douce, tranquille et sainte; et comme donq peut estre inspiration vostre inclination, qui est si depiteuse, dure, chagrine et tempestueuse? Retires vous de la, ma tres chere Fille; traittés cette tentation comme on traitte celles du blaspheme, de trahison, d'heresie, de desespoir.

  A019001043 

 Cette chere fille estoit bonne et vertueuse; et, comme je m'asseure, elle hantoit les saintz Sacremens, et par consequent estoit tous-jours bien disposee, au moins suffisamment, pour se conserver [112] en la grace de Dieu: c'est pourquoy son trespas n'a peu estre que bon, non plus que celuy de saint Simeon Stilite, que la foudre et feu du ciel tua sur la colomne.

  A019001043 

 Et quant au reste, ce sont les precedentes dispositions au trespas, et non les circonstances d'iceluy, qui sont en effect considerables.

  A019001068 

 Et j'espere que celle ci aura ce bonheur, comme escritte seulement pour contribuer, en la façon que je puis, mon sentiment a la joye publique et generale que toutes les provinces de la sujettion de Vostre Altesse recevront en ce jour anniversaire qui nous represente celuy auquel, par vostre naissance, Dieu vous donna a la France, et treize ans apres, par vostre mariage, il vous donna a cet Estat, dans lequel sans doute chacun benira a l'envi cet aggreable jour..

  A019001069 

 Mays moy, Madame, comme le plus obligé du monde, je le benis et beniray incomparablement par les plus ardens souhaitz que mon ame puisse faire.

  A019001069 

 Que ce jour soit a jamais conté entre les jours que Dieu a creés pour sa gloire; que ce soit un jour d'eslite entre les jours qui sont destinés aux humains pour les acheminer a l'eternité; que ce jour auquel, Madame, vous fustes faite chrestienne, face jour a la consolation de toute la Chrestienneté; et face ce mesme jour, auquel vous aves esté faite nostre tres honnoree Dame et Princesse, reluire la serenissime Mayson de Savoye en une heureuse et tous-jours auguste posterité de Vostre Altesse..

  A019001070 

 Ce sont les vœux, Madame, que je fay, prosterné en esprit devant la divine Bonté, a laquelle, selon le rang qu'il vous a pleu me donner au service de Vostre Altesse, j'offre et consacre tous les jours vostre chere et pretieuse vie, affin que par sa souveraine Providence il luy playse de la multiplier par une longue suite d'annees, la sanctifier par une sainte fertilité d'actions chrestiennement royales, et qu'a la fin elle la glorifie par la couronne de l'immortalité..

  A019001084 

 Quand les Peres Barnabites allerent a Paris pour obtenir du Roy leur entree au college de Beaune, je les recommanday a Vostre Grandeur comme Religieux grandement estimables, fructueux et sinceres; mays je ne laisse pas, en confirmant cette creance, de repeter maintenant ma supplication pour leur rendre tesmoignage de l'affection que je leur dois, et non par aucune defiance que j'aye que vous ne leur facies ressentir vostre bonté et pieté en ce qui sera de vostre pouvoir.

  A019001085 

 Et ce pendant, ce m'est tous-jours de lhonneur et de la consolation de vous ramentevoir et raffraichir la tres humble et inviolable passion paternelle que j'ay pour vous, Monsieur mon Filz, selon laquelle je vous souhaite incessamment les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et suis.

  A019001104 

 Quand M. Gras me fera voir ses legitimes provisions, je ne les mespriseray point, et les luy feray fidelement valoir tout ce qu'elles vaudront, sachant le respect qui est deu et aux droitz et aux faitz du Superieur general des ecclesiastiques.

  A019001104 

 Que s'il est permis, sur des patentions, d'esloigner les justes et ordinaires procedures [119] des Praelatz par voye de fait, quelz inconveniens n'en verrons nous pas? Je me demettray quand il en sera tems; mays quant a present, je ne puis, ni ne dois, ni par consequent je ne veux point ceder mon droit de donner tel ordre que bon me semblera a ce benefïce vacant, en attendant qu'il soit prouveu; et ne veux nullement que ceux qui s'ahurtent y administrent les Sacremens, ayant deputé un prestre qui ira demain, pour empescher que ce peuple ne demeure pas desprouveu de ce qui luy sera necessaire de ce costé la..

  A019001105 

 J'ayme messieurs les Grassi, et d'autant plus que l'un d'entre eux est a vostre service; mais je suis obligé de maintenir le respect qui est deu a l'authorité qui m'est confiee et a luy faire faire place ou il est requis.

  A019001112 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait chez les PP. Missionnaires.

  A019001127 

 Enseignes-luy de bonne heure que pour loger un tel Hoste, il faut bien nettoyer son ame de toutes sortes de vices et imperfections, en l'ornant de toutes les vertus, singulierement de la devotion, amour, humilité..

  A019001138 

 Il frappe et guerit, il mortifie et vivifie; et tandis que nous pouvons lever les yeux et regarder dans la Providence celeste, l'ennuy ne nous sçauroit accabler..

  A019001139 

 Mais c'est donq asses, ma tres chere Fille: Dieu et vostre bon Ange vous ayant consolee, je n'y metz plus la main; vostre amertume tres amere est en paix, qu'est il besoin d'en plus parler? A mesure que Dieu tire a soy, piece apres piece, les thresors que nostre cœur avoit icy bas, c'est a dire ce que nous y affectionnions, il y tire nostre cœur mesme; et puisque je n'ay plus de pere en terre, dit saint François, je diray plus librement: Nostre Pere qui es es cieux.

  A019001140 

 J'ay celebré pour cette ame, et celebre tous les jours avec memoire particuliere d'icelle devant Dieu.

  A019001140 

 Mais, ma Fille, et nos Seurs Catherine de Sienne, Anne et Marie, que font elles, les pauvres filles? Elles sont constantes, n'est ce pas? car elles sont nos seurs.

  A019001142 

 Les humiliations, dit nostre Seigneur, precedent et introduisent bien souvent l'humilité; continues en cet exterieur, qui est plus aysé, et petit a petit l'interieur s'accommodera..

  A019001143 

 Je dis qu'il faut faire ces rejetz tout doucement, simplement, et comme si on les disoit par amour et non pour la necessité du combat..

  A019001143 

 O Dieu, ma Fille, je voy vos entortillemens dans ces pensees de vanité; la fertilité, jointe a la subtilité de vostre esprit, preste la main a ces suggestions; mais dequoy vous mettes vous en peyne? Les oyseaux venoyent becqueter sur le sacrifice d'Abraham: que faysoit-il? avec un rameau qu'il passoit souvent sur l'holocauste, il les chassoit.

  A019001144 

 Or, je sçai bien que parmi tout cela vous feres mille eschappees le jour, et que tous-jours ce naturel si actif fera des saillies; mais il ne m'en chaut pas, pourveu que ce ne soit pas vostre volonté, vostre deliberation, et que tous-jours vous appercevant de ces mouvemens, vous taschies de les appayser..

  A019001147 

 O ma Fille, dites luy que ces menues communications de son ame a la mienne entrent en un lieu d'ou elles ne sortent jamais qu'avec congé de celle qui les y met.

  A019001181 

 Je suis grand partisan des infirmes, et ay tous-jours peur que les incommodités que l'on en reçoit n'excitent un esprit de prudence dans les Maysons, par lequel on tasche de s'en descharger, sans congé de l'esprit de charité sous lequel nostre Congregation a esté fondee, et pour lequel on a fait expres la distinction des Seurs qu'on y veut.

  A019001182 

 O ma tres chere Fille, demeures en paix, ne vous amuses point a vos imperfections, mais tenes les yeux haut eslevés en l'infinie bonté de Celuy qui, pour vous contenir dans l'humilité, vous laisse vivre dans vos imperfections et infirmités.

  A019001196 

 Je me resouviens fort bien que j'allay visiter une damoyselle, grande amie de madame l'Abbesse de Baume; et elle sera donq la mienne puisqu'elle est la vostre, car les cœurs qui sont unis a un cœur ne peuvent qu'ilz ne soyent unis ensemble..

  A019001197 

 Mon frere ne se peut desprendre de la cour, ou le service et les faveurs de Madame l'attachent; mais je puis bien respondre pour luy, qu'il est grandement vostre serviteur tres humble.

  A019001211 

 Tous vos justes contentemens, Monsieur, m'en donneront tous-jours, mon ame estant tellement affectionnee a la vostre qu'elle a tous-jours des ressentimens de vos sentimens, et des complaysans en vos playsirs, et des condoleances a vos douleurs; comme, quand a celles ci, j'espere d'avoir un jours ( sic ) part en la gloire qu'elles vous apporteront, si vous les souffres avec l'humilité et charité que vostre bon Ange et vostre propre esprit vous suggerent, en l'union des travaux de Nostre Seigneur..

  A019001230 

 Voyla ma procuration, mon tres cher Frere, et le Memoire des choses qui me semblent a propos d'estre remonstrees a Rome; mais puisque vous aves le vent en pouppe et que tout le monde sçait cette affaire par dela, je pense que les faveurs de Son Altesse et de Messeigneurs les Princes osteront toute difficulté.

  A019001233 

 Je vous envoyeray au premier jour les lettres de remerciement, ne le pouvant maintenant..

  A019001234 

 Presque tout le monde icy tesmoigne de la joye de vostre promotion, et ceux qui ne la tesmoignent pas sont de trois sortes: les uns, parce qu'ilz ont opinion que c'est tout a fait pour m'oster d'icy, et ilz nous voudroyent tous deux; les autres, parce que cela leur est tellement [137] inopiné, qu'a l'abord ilz ont eu peine de le croire; et les autres, qui sont fort peu et si peu que ce n'est rien, par envie, jalousie et amertume de cœur.

  A019001284 

 Playse a cette mesme Bonté celeste de respandre ses graces sur nous, affin que nous suivions tous les sacrés attraitz de sa sainte vocation..

  A019001285 

 Esperes en Dieu, faites bien, et continues vos exercices; aymés les pauvres, et demeures en paix.

  A019001285 

 Je n'ay encor point parlé a monsieur N.; mais, a veuë de païs, je ne laisse pas de vous dire, ma tres chere Fille, que vous tenies la teste hautement relevee en Dieu et les yeux dans l'eternité bienheureuse qui vous attend.

  A019001296 

 Il est vray, vous l'aves desiré et je l'ay accepté: vous estes ma tres chere Fille, et j'en ay de la consolation, estimant que vos bons souhaitz devant Dieu ne serviront pas peu pour impetrer sa misericorde sur mon ame, laquelle aussi reclame souvent cette mesme Bonté sur la vostre, affin qu'elle soit toute sainte, et qu'en verité elle marche en douceur, humilité et simplicité interieure, qui sont les trois vertus colombines que le divin Espoux Jesus Christ recherche en ses amantes.

  A019001297 

 Je vous escris ces motz sans loysir ni haleine, pour la multitude des responses quil faut que je face; mais je ne [144] les envoye pas sans un'extreme affection que j'ay pour vous, puisqu'il plait a Celuy, ma tres chere Fille, qui m'a rendu, en son divin bon playsir,.

  A019001319 

 On dit souvent de telles propositions qui se doivent entendre commodement, c'est a dire quand les choses se peuvent bonnement faire, selon les lieux, les personnes et les affaires que l'on a. Demeures donq en paix, et faites valoir ce document, sagement, prudemment, non durement ni rigoureusement, ni ric a ric..

  A019001320 

 Et de plus, s'il se treuve quelque ame, voire mesme au noviciat, qui craigne trop d'assujettir son esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuydance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que pour l'ordinaire celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A019001320 

 Le Directoire du noviciat propose quantité d'exercices, il est vray, et il est encor bon et convenable pour le commencement de tenir les espritz rangés et occupés; mays quand, par le progres du tems, les ames se sont un peu exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors les exercices s'unissent a un exercice de plus grande simplicité: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu; de sorte que cette multiplicité se convertit en unité.

  A019001330 

 Et ne puis que recevoir a beaucoup de faveur la memoire qu'il vous plait d'avoir de la ferme et reciproque amitié de nos peres, laquelle, de ma part, je cultiveray fort affectionnement en toutes les occasions esquelles mon pouvoir s'estendra, de vous rendre service..

  A019001356 

 Saches, ma tres chere Mere, que par une voye admirable Son Altesse a nommé mon frere a ma coadjutorie et succession en cet Evesché, sur le desir de Madame et de Monseigneur le Prince, brevet expedié et toutes les faveurs les plus favorables pour Rome; mays avec des paroles si avantageuses de Son Altesse et de Madame pour toute nostre mayson, pour mon frere et pour moy, que rien ne s'est veu de pareil.

  A019001358 

 Toutefois, monsieur des Hayes qui a tant de bienveuillance pour moy et tant de dexterité en toute sorte d'affaires, apprendra doucement les intentions, et desnoüera sagement l'affaire, sil la faut desnoüer.

  A019001361 

 Il faut donq dire quelque chose de semblable et s'endormir en Nostre Seigneur, et puis, de tems en tems, repeter les mesmes ou semblables paroles, et se rendormir..

  A019001361 

 Je vous dis courtement qu'ouy: cet abandonnement en Dieu parmi les douleurs interieures et exterieures est tres [153] bon, et bon aussi de dire vocalement les paroles que vous me marques, de tems en tems, pour faire sçavoir au cœur qu'il est en Dieu, par le tesmoignage que ces paroles luy rendent.

  A019001365 

 Je voy a la desrobee les Directoires, et n'ay sceu achever, non plus que faire les entretiens que vous desiries..

  A019001366 

 Je n'ay jamais bien peu concevoir qu'il fut juste qu'on fit perdre les creances a un homme pour les conserver au debiteur qui, [155] en aage de discretion, a fait l'emprunt; mays si on pouvoit mettre ordre pour l'advenir affin qu'on ne peut plus valablement emprunter et que cela fut notifié aux presteurs, cela seroit bon..

  A019001380 

 Mays, Monsieur, sera ce point offencer les termes de la civilité, si demeurant redevable du remerciment deu a vostre...................................................................................

  A019001391 

 Vous verres si je suis doux en cela, et si c'est vous loger au sepulchre! Non, je n'ay pas voulu, en un Monastere ou j'avois toute authorité, les enfermer, parce que les filles n'y avoyent pas inclination; et ay tous-jours dit que ces grans traitz dependoyent de l'inspiration et non de l'authorité exterieure, laquelle peut bien faire des enfermees, mais non pas des Religieuses..

  A019001392 

 Et pour les autres, Dieu les assistera, [158] s'il veut que je les serve; et s'il ne le veut pas, sa volonté soit faite.

  A019001392 

 Mon Dieu, ma chere Fille, non seulement pour celuy la, mays pour tous les autres encor, je renonce et resigne tout mon interest au profit de la gloire de Dieu, et prie Dieu qu'il me rende tout purement resigné moy mesme a son amour..

  A019001399 

 Il vint icy les festes de Noël, renvoyé, ainsy qu'il me dit, par son Pere confesseur qui, ne se pouvant pas bien resoudre sur sa vocation, me l'addressa affin qu'il en conferast avec moy.

  A019001400 

 Mays quant au point de procurer un benefice au college de Chamberi, jusques a la concurrence de ce que Son Altesse contribue, affin qu'on n'ayt rien a faire avec les tresoriers et financiers, je l'appreuverois grandement, voire mesme quand la concurrence ne seroit pas du tout egale.

  A019001416 

 Je ne me puis taire sur la nomination de mon frere a ma coadjutorie, car les grans coups de faveur, comme ceux de la douleur, excitent qui que ce soit a parler; et si, je ne puis rien dire a Vostre Altesse sur ce sujet, qui ne soit grandement au dessouz de mon sentiment.

  A019001429 

 Les faveurs les moins meritees sont a la verité les moins honnorables, mais elles sont aussi les plus obligeantes; et quand elles viennent d'un haut lieu et d'une main souveraine, elles sont estimees parfaites, et ostent a ceux qui les reçoivent le pouvoir d'en faire des dignes actions de [162] graces.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001455 

 Demeurés en paix, ma tres chere Seur, et ne croyes point que j'aille ni en Espagne ni ailleurs, au moins ny [164] a-il nulle apparence de cela; et j'espere que j'auray le contentement de vous rendre quelque service pour vostre logement avant mesme que j'aille en l'autre monde, qui est le plus long et le plus esloigné, comm'aussi le plus asseuré de tous les voyages que j'aye a faire, et lequel je vous supplie tous-jours de recommander et faire recommander a Dieu par vos cheres Filles, affin quil me soit heureux.

  A019001471 

 Outre que les venerables Religieux de Six, pour leur bonne vie et affection a la reformation, meritent d'estre [165] protegés, l'affaire qu'ilz ont maintenant prenant son origine en partie de la visite que j'y ay faite, et en laquelle je puis bien prendre Dieu mesme a tesmoin d'avoir eu seulement son service en veüe, et en laquelle, de plus, je n'ay presque rien ordonné qu'apres avoir, par raysons, tiré le consentement amiable des parties, je me sens obligé de faire avec lesdits Religieux une mesme supplication aupres de vous, affin qu'il vous playse de les favoriser en la conservation de leur bon droit; en quoy vous feres chose grandement aggreable a Nostre Seigneur et qui m'obligera extremement, qui suis a jamais,.

  A019001476 

 Monsieur, les habitans de Six, pour leur grande misere, sont dignes de compassion, et, pour leur pieté, sont dignes d'estre affectionnés; c'est pourquoy je ne fay point de difficulté de vous supplier tres humblement de leur departir vostre justice et faveur en la conservation de leurs bons droitz..

  A019001501 

 J'attens tous les jours un Brief du Pape, que mon frere m'escrit avoir veu entre les mains de Monseigneur le Nonce, par lequel je suis commis pour ranger au meilleur ordre qu'il se pourra toutes affaires de la Sainte Mayson; et je vous prie que l'on attende jusques a ce tems la de remplir la place que monsieur Thomas laisse, lequel il me fait mal de voir partir de ce diocese, pour la vertu qu'il a tous-jours tesmoignee, bien que d'ailleurs [168] je suis grandement consolé qu'il aille en la vigne de Lyon, qu'on me dit avoir tant besoin de cultivateurs..

  A019001516 

 Je revoy les Regles et les Constitutions et les Formulaires, ou j'ay treuvé de grans manquemens, tant en l'impresse qu'es escritz, que je repare; et mettray ces benitz vœux si expressement, que ce sera asses pour tout le monde affin qu'il demeure en repos..

  A019001529 

 Or, Dieu fera des filles, quand il les devroit tirer des pierres, et donnera l'esprit de gouvernement a mesure qu'il voudra multiplier les Maysons..

  A019001548 

 Nous sommes icy sans nouvelles, car elles sont toutes en Piemont maintenant, avec cette ample et grande cour que les noces y maintiennent.

  A019001559 

 Dieu soit loué, ma tres chere Fille, que vous aves souffert les tranchees d'un accouchement quand vous vous estes enfantee vous mesme a Jesus Christ! Marches maintenant saintement et soigneusement en cette nouveauté d'esprit, et gardes bien de regarder en arriere, car il y auroit un extreme danger; et benisses la divine Providence qui vous avoit preparé une nourrice si aymable.

  A019001560 

 Que cette chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument [174] comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens, ni il ne dependra pas de moy, qui suis fort peu de chose icy et rien du tout ailleurs: seulement je repete que pour mon consentement je le donne, et contribueray, de plus, ce que je pourray bonnement faire a vostre intention..

  A019001562 

 Donq, ma Fille, pour conclure, je feray pour vostre petit contentement tout ce que je pourray, qui est peu; de dela, je m'asseure qu'on fera de mesme; mais au Ciel on fera tout, on vous comblera de consolations par les moyens que la Sagesse supreme connoist et void, et que nous ne sçavons pas..

  A019001573 

 Je suis certes marri, ma tres chere Fille, que nostre bon monsieur d'Ulme se retire ainsy; les raysons qu'il allegue ne sont pas selon le goust de mon foible esprit.

  A019001574 

 On ne doit pas estre variable a vouloir changer, sans grande rayson, de confesseur, mays on ne doit pas aussi estre tout a fait invariable, y pouvant survenir des causes legitimes de changement; et les Evesques ne se doivent pas lier les mains, qu'ilz ne peussent, quand il sera expedient et sur tout quand les Seurs de commun sentiment le requerront, changer de Pere spirituel.

  A019001593 

 Ne prenes pas garde, je vous supplie, a ce que j'ay tant tardé de vous escrire, car vous auries grand tort si vous [177] pensies que pour cela j'aye jamais cessé de vous cherir et honnorer tendrement et tres partialement, et d'autant plus, certes, que je vous sçavois estre en peine sous la persecution que l'on faysoit a vostre personne et a mon nom; mais j'avois quelque desfiance que mes lettres n'eussent pas esté ni utiles ni a propos, si l'on eust sceu que vous les eussies receuës.

  A019001593 

 Or, laissons cette pensee, et pour moy j'ay tous-jours esperé que vostre mariage reüsciroit grandement heureux en son progres, cette entree ayant esté si fascheuse; car c'est une des ordinaires methodes dont la providence de Dieu use en ce qu'elle destine a sa gloire, de faire naistre les espines avant les roses..

  A019001594 

 Mays on me dit que tous ces messieurs les parens commencent fort a s'apayser, et je le croy aysement; car en fin ilz ouvriront les yeux, et verront que la volonté de Dieu doit estre adoree en tout ce qu'elle fait, et qu'elle a fait cette liayson de sa sainte main..

  A019001594 

 On m'escrit que vostre amitié nuptiale est si entiere et parfaite que rien plus: et n'est ce pas cela la veritable et certaine marque de la benediction de Dieu sur un mariage? Et ce que Dieu benit, qu'importe-il que les hommes le censurent? Continues seulement en cette benediction, et nourrisses soigneusement ce bonheur par une perseverante fidelité au service de la divine Majesté; et que tout le monde parle tant qu'il voudra.

  A019001607 

 Ces quattre lignes suffiront, ma tres chere Fille, pour servir de preface a une plus grande lettre que je me sens obligé de vous escrire, pour reparer le manquement que j'ay fait de vous rendre ce devoir des mon arrivee en ce pais, ou je vous supplie de croire que vous estes toute presente a mon esprit, qui ne finira jamais de cherir infiniment le vostre et luy souhaiter toutes les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et particulierement un continuel progres en l'amour celeste qui seul peut assoüir vos affections..

  A019001626 

 Et je me garderay fort bien de jamais rien demander, ni mesme desirer de vostre bonté, Madame, ni de celle de Monsieur, qui ne soit selon les loix de l'honneur et bonheur que j'ay d'estre,.

  A019001626 

 Maintenant donq, renouvellant ma supplication, je recours de rechef a cette mesme gratification qu'il pleut a Vostre Grandeur de tesmoigner, affin qu'il luy playse d'en commander les depesches, comme aussi ceux de deux autres graces que je demanday a Monsieur pour deux autres de mes amis; puisque, si je ne me trompe, l'une est de justice, pour reparation d'un tort fait a un gentilhomme nourri et envielli au service de Monsieur, et l'autre est de pieté, pour l'assoupissement d'un proces que les gens de Sa Grandeur ont avec deux filles pupilles.

  A019001637 

 Voyla les saintes Huiles que vous desires, tres ayse que je seray toute ma vie de pouvoir rendre quelque digne service a Monseigneur vostre oncle, a son Evesché et a vous, a qui je suis de toutes mes forces, et vous saluant humblement,.

  A019001650 

 Or, ce constitus la se peut avoir de tous les docteurs, tant de droit que de theologie, et peut on le demander ou faire demander par maniere de curiosité.

  A019001675 

 J'ai reçu, avec les reliques de saint Charles, la très aimable lettre que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime a daigné m'écrire ces mois derniers.

  A019001697 

 Revu sur l'Autographe conservé à Monza (Milan), chez les RR. PP. Barnabites.

  A019001703 

 Je vous supplie en même temps, si toutefois cela se peut et s'il est expédient, de vouloir bien les renvoyer ici; car, ayant appris la langue et les usages du pays, ils pourront y travailler plus utilement que d'autres qui viendraient sans ces éléments nécessaires de succès..

  A019001717 

 Que vous diray je? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon qu'il me semble que mon ame est un peu plus solidement establie en l'esperance qu'elle a eu, de pouvoir un jour jouir des fruitz de la mort et resurrection de Nostre Seigneur; lequel, comme il m'est advis, parmi les jours de la Semaine Sainte et jusques a present, non seulement m'a fait voir plus clairement, mays avec une certitude et consolation intellectuelle et toute en la pointe de l'esprit, les sacrés axiomes et les maximes evangeliques, plus clairement et suavement, dis je, que jamais; et je ne puis asses admirer comme, ayant tous-jours eu une si grande estime de ces maximes et de la doctrine de la Croix, j'ay si peu pris de soin pour les prattiquer.

  A019001726 

 J'eusse desiré que le sieur Grassi se fut contenu dans les termes du respect et de la verité a Vienne, et que monsieur Gariod n'eut pas fait l'esclat qu'il a fait a Chamberi (sur lequel monsieur le Marquis de Lans m'a escrit que le service de Son Altesse requeroit qu'on donnat la cure de Villy aux doctes, et monsieur le procureur general a appellé comme d'abus, et le Senat a tesmoigné de l'affection a la conservation du concours), ou qu'il eut eu encor un peu de courage pourvoir sortir les effectz de sa requeste et de son bon droit, affin que l'equité estant victorieuse et l'authorité des Evesques maintenue, on eut par apres plus honnorablement et courtoysement accommodé toute cette affaire en la façon mesme qu'il a, comme je voy, acceptee.

  A019001727 

 Pour l'autre chef, les Hermites seront contens en l'accomodement quilz ont fait, et, comme j'espere, encor monsieur de Boege; mays je ne sçai pas encor les particularités, cela s'estant passé par l'advis de monsieur le Prevost mon cousin, monsieur Jai, M. Questan, M. Rosetain que j'avois commis pour cela..

  A019001742 

 ... [ma] tres chere Fille, attaches vous au col de sa Providence comme un petit enfant a celuy de sa mere; il vous portera, il vous allegera, il vous allaitra parmi les chemins pierreux de cette mortalité.

  A019001757 

 Je vay doucement, quoy qu'avec grand travail, supportant les charges de la mienne, avec laquelle je suis envielly: mais, avec une toute nouvelle a moy, que ferois-je? La seule gloire de Dieu, manifestee par mon superieur le Pape, me peut oster de cette demarche..

  A019001759 

 Et puis, deux ou trois mille escus, ni quatre mesme, ne me donneroyent pas dequoy les secourir, sans diminution de la reputation d'une prelature en laquelle il faut tant d'aumosnes, d'œuvres pies, et de frais justes et requis..

  A019001760 

 Mais il n'y a remede; puisqu'il le faut, je le feray de bon cœur, et tandis, les [194] pensees de ce grand Prelat de dela auront du loysir de se dissiper.

  A019001760 

 N'en parlons donq plus que selon les occurrences, ma Mere..

  A019001784 

 Croyes moy, ma tres chere Fille, ne faites point la discrette avec moy pour ne m'oser pas escrire tous les jours quand vous voudres; car jamais je ne verrav de vos let tres qu'avec tres grande consolation pour moy.

  A019001786 

 Le Concile de Trente prefige absolument une annee de noviciat, en sorte que nul ne peut en establir deux, ni mesme un seul mois davantage, sans special privilege du Pape; bien qu'es cas particuliers, les Superieurs, ains la Superieure et les Seurs, peuvent differer la Profession quand il y a cause legitime: comme quand, avec un peu de loysir, la Novice pourra se rendre plus capable, ainsy qu'il est dit es Constitutions.

  A019001789 

 Je salue vostre ame de tout mon cœur, ma tres chere et tres aymable Fille, et luy souhaite incessamment les saintes benedictions du Ciel, et a ma Seur toute chere Marie Aymee, Anne Françoise, Françoise Hieronime et toutes nos Seurs, que je cheris tres parfaitement, et la malade, et tout a part M. Brun..

  A019001803 

 Un petit habit tanné, ou blanc, ou de la couleur que vous jugeres plus propre, avec un peu de forme approchant de celle de la Religion, qui monstreroit qu'elles sont en pretention et attendant l'aage, les pourroit contenter..

  A019001804 

 Cependant, ma tres chere Fille, qui ne cherche que la gloire de Dieu la treuve dans la pauvreté comme dans les commodités.

  A019001804 

 Quand vous seres en vostre monastere, ses commodités feront leur attraction comme les autres, et les filles y viendront comme les colombes aux colombiers qui sont blancz.

  A019001804 

 Que les filles aillent a Lyon ou ailleurs, il n'importe nullement, et ne vous en mettes point en peine.

  A019001805 

 C'est pourquoy l'on n'a pas marqué les exercices qu'il leur faut donner en lieu de l'Office au chœur; car, selon leur infirmité, il'les faut pourvoir.

  A019001805 

 Si elles ont faute de veuë, on leur peut donner des chapeletz; si c'est infirmité d'estomach et non de veuë, elles pourront dire les Heures, et la Superieure pourra disposer d'elles a quelque office non incompatible avec leur infirmité..

  A019001806 

 C'est pourquoy il ne sera nul besoin qu'elles disent les Heures, ains suffira qu'elles fassent ce qui est porté en l'article de cette Constitution, et qu'au reste la Supérieure les employe selon qu'elle verra qu'elles pourront faire..

  A019001806 

 Despuis, j'ay leu la premiere Constitution, ou il est asses clairement dit que les Seurs Associees, comme les Domestiques, diront des Pater et Ave en lieu de l'Office: c'est en la page 118 et 119.

  A019001824 

 Or ay je sceu que monsieur Drujon, vostre frere, a en son pouvoir plusieurs tiltres et papiers appartenans audit prieuré; qui me fait vous prier, par nostre commune vocation et l'amitié que vous me portes, de faire que je les puisse avoir, et qu'en attendant que je voye ce que je devray faire pour cela, je vous prie qu'ilz soyent soigneusement conservés..

  A019001849 

 Que vous voyla bien ayse, ma tres chere Fille, en l'aggreable conversation de cette chere cousine! De me souhaiter aupres de vous, je n'ay garde de le faire, car je traine tellement tous-jours mon tracas avec moy, que je ne puis presque ni recevoir les consolations que je pourrois prendre de vous voir, ni encor moins en rendre..

  A019001850 

 Mays, quel moyen d'unir les cœurs sans la charité?.

  A019001865 

 Laisses en vostre place nostre chere Marie Aymee; les benedictions que Dieu respand sur sa conduite a l'esgard des Novices, s'eslargiront tous-jours sur tout ce qui luy sera commis.................................................................................................

  A019001872 

 Et neanmoins, pour ne point faillir, j'ay envoyé ladite lettre des ce matin, desireux que je seray tous-jours d'honnorer les volontés de Vostre Excellence, a laquelle souhaitant de plus en plus toute sainte prosperité,.

  A019001883 

 N'en doutes point, je vous ayme plus que jamais, parce que je vous voy en estat d'entrer dans cette voye d'une [210] veritable devotion qui commence a destacher son cœur de toutes les choses du monde, affin d'estre toute a Dieu et qu'il puisse absolument disposer de vous, pour n'aymer que ce que Dieu ayme, pour faire sa volonté et suivre ses conseilz, pour fuir avec un soin extreme tout ce qui le peut offencer, mortifier ses passions et regler sa vie sur les maximes de Jesus Christ, estre humble et patiente; car le grand secret pour entretenir une bonne devotion, c'est d'avoir beaucoup d'humilité.

  A019001883 

 Soyes humble, et Dieu sera pour vous et appuyera vostre bonne volonté, vous donnant a luy sans deguisement et sans reserve, luy disant du fond de vostre cœur que si jusques a present vous ne l'aves pas asses bien servi, qu'il ayt la bonté de vous pardonner et fortifier dans la resolution que vous aves prise de vous destacher de toutes les affections du monde, et de ne vous attacher a rien sinon a l'amour de Dieu et, de tout vostre cœur, a le servir fidelement..

  A019001884 

 Cet Amour increé, qui, sans esgard a ses propres advantages, s'employe par tout a chercher nostre bien, nous cachant souvent les plus belles flammes ou nous le pensions moins, a ce saint artifice pour nous engager a l'aymer de toute nostre puissance; et parce que cet amour est un don [211] gratuit de son amour, aussi devons nous le chercher de toutes nos forces.

  A019001884 

 Je veux bien encor, ma chere Fille, vous faire quelque part de ce que je viens d'escrire a la grande Mere Agnes, aux Carmelites, sur les dispositions pour bien recevoir le Saint Esprit a cette grande feste de la Pentecoste.

  A019001885 

 La terre, au contraire, avoit ce pain sacré dont elle faysoit ses delices et sa joye; elle n'avoit pas ce vin si suave et si brillant du Saint Esprit, qui devoit enivrer nos ames et les combler de joye..

  A019001885 

 Mais, ma tres chere Fille, il faut que nous tesmoignions a Jesus Christ toute nostre confiance, avec les saintz Apostres et disciples, sur lesquelz il ne voulut pas envoyer le Saint Esprit qu'apres estre monté au Ciel.

  A019001886 

 Il faut donq, leur dit Jesus Christ, qu'il y ait un saint commerce entre vous et les Anges: vous aures infalliblement du Ciel ce vin si puissant du Saint Esprit, en luy faysant part de vostre pain sacré qui est encor sur la terre et comme entre vos mains, c'est a dire l'humanité de Jesus Christ..

  A019001894 

 Et puisque vous le connoisses ainsy, benisses du plus profond de vostre esprit cette divine douceur; et moy je l'en beniray avec vous, destinant a cela les Sacrifices tressaintz que j'offriray sur ses autelz sacrés, car plus grande action de graces ne puis je faire a la divine Majesté, que de luy presenter Celuy pour lequel et par lequel tout luy est aggreable au Ciel et en la terre..

  A019001898 

 Certes, les Apostres ayant ouy parler une fois Nostre Seigneur de l'indissoluble lien du mariage, luy dirent: Seigneur, s'il en va de la sorte, il n'est donq pas expedient de se marier? Et Nostre Seigneur appreuvant leur opinion, leur respondit: Tous ne comprennent pas ce mot; qui le peut comprendre, qu'il le comprenne.

  A019001898 

 Or, je dis encor d'autant plus asseurement ceci, que je voy en vous le mariage plus perilleux qu'a une autre, a cause de ce courage pretendant que vous me marques, qui vous feroit incessamment souspirer apres les aggrandissemens et vous feroit nager continuellement dans la vanité..

  A019001899 

 Et Nostre Seigneur commande en sa parabole a son serviteur: Contrains les d'entrer; et pas un de ceux qui furent contraintz ne dit: Laisses moy, vous me blesses.

  A019001899 

 Et neanmoins, il faut par force vous le dire, puisque ni les mœurs ni les humeurs de la France, ni les inclinations de vos parens, ni vostre aage, ni vostre mine ne vous sçauroyent permettre de demeurer comme vous estes.

  A019001899 

 Les Anges contraignirent le bon homme Lot, et sa femme, et ses filles, et les empoignerent par la main, et de force les tirerent hors de la ville; mays Lot ne treuve point de violence en cette force, ains il dit qu'il connoist bien qu'il est en leurs bonnes graces.

  A019001900 

 Penses vous que Dieu donne tous-jours la vocation de la Religion, ou bien de la parfaite devotion, selon les conditions naturelles et les inclinations des espritz qu'il appelle? Non certes, ma Fille, ne croyes pas cela: la vie religieuse n'est pas une vie naturelle, elle est au dessus de la nature, et faut que la grace la donne et soit l'ame de cette vie.

  A019001901 

 Et neanmoins, c'est un des plus parfaitz serviteurs que jamais Dieu ayt eus en ce monde, et lequel en fin fut si heureux que de pouvoir dire en verité: Je vis moy, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy, apres que la grace eut assujetti la nature et que les inspirations eurent subjugué les inclinations..

  A019001902 

 Vous aymeres la parole de la Croix, que les payens ont tenue pour folie, et les Juifs pour scandale; et laquelle a nous, c'est a dire a ceux qui sont sauvés, est la sagesse supreme, la force et vertu de Dieu..

  A019001914 

 Les Seurs de la Visitation m'ont voulu rendre quelque compte de l'estat de leur Monastere, ou, entre autres choses, j'ay treuvé a dire en ce que la bonne Seur Jeanne Marie vostre seur, est tous-jours novice, y ayant si long tems que son annee de probation est passee.

  A019001942 

 Voyla monsieur de Roüer qui va pour les proces que sa mayson a en ce pais-la.

  A019001944 

 Pour avoir un aumosnier de Madame, j'ay jetté les yeux sur M. le Prieur de Mesme, tout reformé, qui a bien estudié, qui parle bien, a tres bonne mine et a des moyens, et qui, a mon advis, tiendra fort bien cette place, et nous en sera obligé et toute la ville de La Roche.

  A019001945 

 Pour celuy qui est a Paris, en verité il auroit bien tous les autres talens, mais je croy que la constance lui manquerait, et seroit dans peu de tems dans une dangereuse liberté qui lui serviroit de reproche, et a nous, le passé nous ayant asses appris ce qui se doit presager pour l'avenir.

  A019001946 

 Pour [224] cela, sil se peut bonnement, il faudroit prier mondit sieur Argentier de faire une lettre a moy, par laquelle, en cas que ledit messire François se treuvast capable et desiré par les parroissiens, on le preferast; attendu que despuis plusieurs annees en ça il fait effectivement la charge de curé, exhortant, administrant les Sacremens et cathechisant, et en somme suppleant le devoir du curé qui, a cause de son mal, ne le peut faire..

  A019001947 

 Quand vous desireres M. Rollant et maistre Nöé, vous les aurés..

  A019001949 

 Or, ne sçai qu'escrire, sinon que si Son Altesse veut continuer le dessein d'employer ces prebendes pour Thonon et Evian, ou la Bonneville, il faut qu'elle les treuve vacantes, et que l'on face solliciter a Rome tout [225] ce quil faut pour faire reuscir le projet.

  A019001952 

 Mays il ny a moyen de le servir en cela par lettres; car d'un costé, je suis engagé des il y a long tems pour M. de Saint Agné, frere de monsieur de Lucei, et d'autre part je sçai que les lettres n'ont nul pouvoir sur l'esprit de cette damoyselle, qui est si pleine de considerations qu'il faut parler, et de presence l'esclarcir des repliques que son esprit luy fournit.

  A019001970 

 Et partant, Monseigneur, je supplieray Vostre Altesse de se resouvenir de l'heureux dessein qu'ell'a d'employer les praebendes de ce prieuré-la pour l'establissement des lectures de theologie et du Novitiat des Peres Barnabites, puisque il est si malaysé [230] de mettre la reforme en un Heu ou il ny a pour encor aucun sujet capable de l'introduire, et tout a fait destitué de bastimens..

  A019002005 

 Le Pere Fichet vient faire les praedications de ces festes.

  A019002022 

 Encor qu'es Regles de saint Augustin il y en ayt qui ne sont pas pour ce tems, il ny a point de danger de les lire, tant pour la reverence du Saint, que pour les bonnes consequences qu'on en peut tirer..

  A019002022 

 Les Regles sont imprimees a Lyon, et croy que nos Seurs de Lyon en ont quantité de copies.

  A019002041 

 Il faudra donq chercher une sorte de vie qui ne soit ni mondaine ni religieuse, et qui n'ayt ni les dangers du monde ni les contraintes de la Religion.

  A019002041 

 On pourra bien, ce me semble, obtenir que vous puissies avoir l'entree en quelque Mayson de la Visitation, pour vous recueillir souvent en cette façon de vie, et que neanmoins vous n'y demeuries pas attachee, ains ayes un logis proche pour vostre retraitte, avec la seule sujetion de quelques exercices de devotion propres a vostre bonne conduitte; car ainsy vous aures la commodité de contenter vostre esprit, qui hait si estrangement la sousmission et liayson a l'obeissance, qui a tant de peine a rencontrer des ames faites a son gré, et qui est si clairvoyant a treuver les a dire et si douillet a les ressentir..

  A019002044 

 Ma Fille, ceux qui vivent sur la mer, meurent sur la mer: je n'ay guere veu de gens embarqués dans les procrs, qui ne meurent dans cet embarras.

  A019002044 

 Puisque vous le voules, je traitteray avec monsieur N. O Dieu, que je desire ardemment et invariablement que vos affaires se passent sans proces! car en somme, l'argent que vos poursuites mangeront vous suffira pour vivre et, en fin de cause, qu'y aura il de certain? Que sçaves vous que les juges diront et determineront de vostre affaire? Et puis, vous passeres vos meilleurs jours en cette tres mauvaise occupation, et vous en restera peu pour estre employés utilement a vostre principal objet; et Dieu sçait si, aprrs un long tracas, vous pourres ramasser vostre esprit dissipé, pour l'unir a sa divine Bonté.

  A019002046 

 Mays il ne m'est pas loysible d'escrire davantage, ravi par les affaires, pressé par le depart de ce porteur.

  A019002053 

 Or, pour parvenir a cela, il seroit requis d'user de praeparatifz, en quoy vous pouvés obliger l'un et l'autre es occasions; comme seroit de faire naistre des propos parmy lesquelz vous puissies, par ci parla, jetter dans l'esprit de Leurs Altesses et de Madame les conceptions suivantes:.

  A019002054 

 Et ainsy semblables choses, lesquelles sont fort veritables; de sorte que, sans doute, il ny en [a] pas un au Senat qui peut mieux [242] succeder que luy; car les uns sont si vieux quilz n'en peuvent plus, les autres sont bas de naissance et fort peu bien disans, les autres n'ont pas tant d'estude ni tant d'habilité.

  A019002054 

 Puys, que M. de la Valbonne paternise en cela, qu'il est grandement conscientieux; quil harangue heureusement et fait fort bien toutes sortes de complimens; qu'il preside merveilleusement bien et prononce avec beaucoup de grace les arrestz; quil est fort docte; qu'il a esté dix ans au Senat, trois ans juge mage et trois ans President icy, et que, par ces degrés, il s'est acquis une grande habitude a bien distribuer la justice; quil a environ 38, aage de maturité et propre pour rendre beaucoup de service.

  A019002054 

 Que M. le premier President est le plus grand jurisconsulte de ce tems, et que c'est dommage quil ne puisse plus si aysement meshuy prononcer les arretz et se treuver a toutes occasions comm'il faysoit; que sa maladie luy donne egalement cette incommodité et presque asseurance de longue vie, puisque elle le decharge des humeurs peccantes; que c'estoit une belle chose, es occurrences, de le voir haranguer et representer le Senat.

  A019002057 

 Leur desir ne peut nuire, et qui pourroit transporter nostre eglise en la leur, par les moyens et avec les articles convenables, selon qu'on en a parlé ci devant, non seulement je ne verrois point d'inconvenient en cela, mais j'y treuverois beaucoup de bien; car, comme Doyen, vous gouverneries l'un des Chapitres; comme Chantre, le chœur de l'un et de l'autre uni, et comm'Evesque, tous deux et tout le clergé de la ville, parmi lequel on pourroit faire renaistre toute sorte de bonne discipline; et vostre canonicat pourroit estre donné a mon neveu.

  A019002058 

 Je suis grandement en peine des parroisses d'Armoy et Draillens pour lesquelles on ne sçauroit avoir un liart, et ceux qui les servoyent, acablés de pauvreté et de dettes dont je suis respondant, se sont retirés par force.

  A019002062 

 O mon Dieu, que Monseigneur le Serenissime Prince aura de benedictions si la reformation se fait! Toutes ces bonnes Religieuses sont alarmees de ce que M. l'Abbé de [246] Ceyserieu a dit a son retour qu'on les vouloit regler; les unes veulent prevenir en apparence, mays n'ayant pas des Superieurs reformés, je ne sçai comme elles pourront faire.

  A019002074 

 Apres donq que ces messieurs les officiers auront deliberé sur l'advis qu'ilz en doivent donner, je feray une recharge de supplication a Sa Grandeur..

  A019002075 

 Nous sommes parmi le passage des Espaignolz, pendant lequel monsieur le Marquis de Lans a ordonné qu'on fit garde au chasteau de cette ville, et en avoit donné la charge a monsieur de Monthouz; mais sur les remonstrances que ces messieurs du Conseil ont fait, il a revoqué cette charge et l'a laissee audit Conseil, et nommement a mon frere de Thorens qui, en qualité de chevalier dudit Conseil et officier de Monseigneur, en a presentement la garde.

  A019002076 

 J'escris a madame de Chantal, qui en ayant appris plus de particularités, me les fera sçavoir affin que si on peut treuver quelque remede on le face..

  A019002076 

 La Superieure de Sainte Marie de Moulins m'escrivit, il y a quelque tems, que ce n'estoit pas pour aucune infirmité corporelle que la niece que je luy avois tant recommandee luy sembloit ne devoir pas estre retenue, ains pour l'extreme aversion qu'ell'avoit a tous les exercices de Religion, laquelle aversion elle ne vouloit nullement surmonter, ains s'y laissoit tout a fait aller.

  A019002093 

 O que puisse je, ma tres chere Mere, bien recevoir et employer le don du saint entendement, pour penetrer plus clairement dans les saintz mysteres de nostre foy! car cette intelligence assujettit merveilleusement la volonté au service de Celuy que l'entendement reconnoist si admirablement tout bon, et dans lequel il est enfoncé et engagé: en sorte que, comme il n'entend plus qu'aucune chose soit bonne en comparayson de cette Bonté, aussi la volonté ne peut plus vouloir aymer aucune bonté en comparayson de cette Bonté, ainsy qu'un œil qui seroit planté bien avant dans le soleil ne peut envisager d'autre clarté..

  A019002102 

 Et nostre Mere m'escrit que vous luy en donneres une, et la Mayson de Lyon une autre, qui, avec les huit que nous en fournirons, feront le nombre qu'elle desire.

  A019002103 

 De sorte qu'en un mot, il faut empescher qu'elle ne face grand cas de ces veuës, de ces sentimens et douceurs, ains que, sans faire beaucoup de reflexion sur tout cela, elle face en simplicité les choses auxquelles on l'employe.

  A019002104 

 On peut retirer les Seurs du chœur au rang des Seurs Associees, et les Associees au rang de celles du chœur, quand la rayson le requiert, ainsy qu'il est dit des Seurs Domestiques au premier chapitre des Constitutions..

  A019002107 

 Que M. d'Ulme se nomme vostre Pere spirituel ou non, dans les contratz, cela ne fait ni froid ni chaud; car ce nom la se peut entendre en diverses sortes..

  A019002108 

 J'ay veu des femmes Religieuses, non pas de la Visitation, qui, ayant leu les livres de la Mere Therese, treuvoyent par leur conte qu'elles avoyent tout autant de perfections et d'actions d'esprit comme elle, bien qu'elles en fussent bien esloignees; tant l'amour propre nous trompe..

  A019002108 

 On peut laisser lire le livre de la Volonté de Dieu jusques au dernier, qui, estant asses inintelligible, pourroit estre entendu mal a propos par l'imagination des lectrices, lesquelles, desirant ces unions, s'imagineroyent aysement de les avoir, ne sachant seulement pas que c'est.

  A019002109 

 Cette parole: «Nostre Seigneur souffre en moy telle ou telle chose,» est tout a fait extraordinaire; et bien que Nostre Seigneur ayt dit quelquefois qu'il souffroit en la personne des siens, pour les honnorer, si est ce que nous ne devons parler si avantageusement de nous mesmes; car Nostre Seigneur ne souffre qu'en la personne [253] de ses amis et serviteurs fideles, et de nous vanter ou prescher pour telz, il y a un peu de presomption.

  A019002112 

 Tandis que les femmes pourront entrer dans la mayson, il est raysonnable que les estrangeres soyent preferees..

  A019002114 

 Vous faites trop [de] reflexions sur les saillies de vostre amour propre, qui sont sans doute frequentes, mais qui ne seront jamais dangereuses tandis que, tranquillement, sans vous ennuyer de leur importunité ni vous estonner de leur multitude, vous dires non.

  A019002116 

 N'examines pas tant vostre ame de ses progres, ne veuilles pas estre si parfaite; mays, a la bonne foy, faites vostre vie dans vos exercices et dans les actions qui occurrent de tems en tems.

  A019002117 

 J'escriray a nos Seurs Marie Marguerite et Marie Françoise au premier jour, car il faut aller celebrer les Ordres.

  A019002132 

 Certes, cette celeste providence du Pere celeste traitte avec suavité les enfans de son cœur et, de tems en tems, mesle des douceurs favorables parmy les amertumes fructueuses avec lesquelles il les fait meriter..

  A019002136 

 de ne point y employer trop de moyens, car toutes les recreations se rendent blasmables quand on les fait avec profusion.

  A019002139 

 O ma Fille, les enfans de Dieu s'entr'ayment tous-jours bien; soyons le bien donq, ma tres chere Fille, et aymons nous bien a son gré; et certes, j'ay une non pareille consolation de sentir en mon cœur cette toute sincere et incomparable dilection pour le vostre, ma tres chere Fille.

  A019002151 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse, ains, si elle me le permet, je la conjure par sa propre bonté et par son bonheur, de l'oüir promptement et favorablement, et de donner des maintenant un bon commencement a ce saint projet, puis que il ny a rien a perdre, mais tout a gaigner et encor plus a esperer, par la bonne issue que Dieu en donnera a Vostre Altesse, selon les vœux universelz de tous les gens de bien et mes continuelles prieres pour la prosperité de la coronne de Son Altesse et la vostre,.

  A019002163 

 Il est vray, Madame ma tres chere Mere, que feu monsieur le Marquis vostre frere avoit desseigné de me faire une entiere confession generale de toute sa vie, pour prendre de moy les advis convenables pour en employer le reste plus ardemment au service de Dieu; mais je ne revins pas asses tost pour luy rendre cet office, puisque Dieu l'appella avant mon depart de Paris, avec la grace qu'il luy fit de bien recevoir ses divins Sacremens..

  A019002176 

 C'est la verité que non seulement vous estes ma tres chere fille, mais c'est la verité aussi que tous les jours [261] vous l'estes davantage en mon ressentiment; et Dieu soit loué dequoy non seulement il a creé en mon ame un'affection veritablement plus que paternelle pour vous, mais dequoy il a mis l'asseurance que vous en deves avoir dedans vostre cœur.

  A019002199 

 Il ny a remede: et ma lettre et la sienne sont escrittes; si jamais nous nous revoyons, vous les confronteras et verres qui a le tort.

  A019002200 

 Qui promet l'obeissance selon les Constitutions de Sainte Marie, promet l'obeissance et l'observance des vœux a l'Eglise et aux Superieurs de la Congregation ou Monastere.

  A019002200 

 Vous recevres les Formulaires de la reception des Novices a la Profession et des praetendentes a l'habit; je croy qu'il ny a rien a dire par rayson.

  A019002201 

 Je vous supplie de l'aymer cherement, encor pour l'amour de moy, qui voudroys que tous les gens de bien l'affectionnassent parfaitement..

  A019002203 

 Mais si je ne puis, faites luy bien mes honneurs et ne craignes point d'en trop dire, car les paroles de qui que ce soit n'egaleront pas ce que j'en sens..

  A019002204 

 Et donnes encor, je vous supplie, la bonne et sainte joye a madame Amelot, de son heureux accouchement; ses consolations seront tous-jours les miennes, puisqu'en toute verité mon ame la cherit tres singulierement.

  A019002207 

 Il est vray, j'ay prié nos Seurs de garder cette grande Peronne, esperant que si les projetz de la reformation de plusieurs Monasteres en ce pais reuscit ( sic ), je pourray treuver quelque moyen de la faire retirer, et l'oster de l'eminent peril d'estre perdue auquel elle seroit si on la renvoyoit a son pere, qui ne menasse de rien moins que l'envoyer parmi les huguenotz, et qui est homme si terrible, que, puisqu'il le dit, on ne luy fait pas tort d'en douter et le craindre.

  A019002220 

 Ce porteur allant pour representer a Vostre Altesse plusieurs moyens et occasions d'amplifier la gloire de Dieu et le bien des sujetz de Son Altesse, a la ruine de l'haeresie, je ne fay nulle difficulté de supplier tres humblement vostre bonté, Monseigneur, de l'ouïr et de gratifier le dessein qu'il a, si elle juge qu'il soit convenable, puisque je sçai qu'elle affectionne grandement toutes les œuvres de pieté comm'est celle ci..

  A019002234 

 Or, je ne crains point toutes ces miseres dont vous m'escrives que vous estes accablee, tandis que, comme vous faites et feres tous-jours, vous ne les aymeres pas et ne les nourrires pas; car petit a petit vostre esprit se fortifiera contre vostre sens, la grace contre la nature et vos resolutions sacrees contre vos indignations.

  A019002243 

 Dieu nostre Sauveur sçait bien qu'entre les affections qu'il a mises en mon ame, celle de vous cherir infiniment et vous honnorer tres parfaitement est l'une des plus fortes et tout a fait invariable, exempte de vicissitude et d'oubli.

  A019002246 

 Il suffit que nous ne consentions pas d'un consentement voulu, deliberé, arresté et entretenu, et cette vertu de l'indifference est si excellente, que nostre viel homme, en la portion sensible, et la nature humaine, selon les facultés naturelles, n'en fut pas capable non pas mesme [272] en Nostre Seigneur, qui, comme enfant d'Adam, quoy qu'exempt de tout peché et de toutes les appartenances d'iceluy, en sa portion sensible et selon ses facultés humaines n'estoit nullement indifferent, ains desira ne point mourir en la croix; l'indifference estant toute reservee, et l'exercice d'icelle, a l'esprit, a la portion superieure, aux facultés embrasees de la grace et en somme a luy mesme, en tant qu'il estoit le nouvel homme..

  A019002247 

 Il ne faut pas ni rompre les cordes, ni quitter le luth quand on s'apperçoit du desaccord; il faut prester l'oreille pour voir d'ou vient le detraquement, et doucement tendre la corde ou la relascher, selon que l'art le requiert..

  A019002247 

 Quand il nous arrive de violer les loix de l'indifference es choses indifferentes, ou pour les soudaines saillies de l'amour propre et de nos passions, prosternons soudainement, si tost que nous pouvons, nostre cœur devant Dieu, et disons en esprit de confiance et d'humilité: Seigneur, misericorde, car je suis infirme.

  A019002274 

 A propos de ces affaires, je n'omettrai pas de dire à Votre Seigneurie Illustrissime que, de Paris, on me fait savoir qu'à la grande satisfaction du Roi, de la Reine, de toute la cour et de tous les honnêtes gens de la ville, le vieux Doyen de Saint-Germain [275] Autissiodorensis (appelé l'Auxerrois) a résigné son doyenné en faveur de Monseigneur l'Evêque de Belley.

  A019002276 

 Enfin, il sera de toutes manières obligé de résigner l'évêché de Belley qui ne compte, dans tout le diocèse, ni autant de prêtres ni autant d'âmes que la seule paroisse de Saint-Germain de Paris (je laisse à part la disproportion de la valeur du Prélat avec cet évêché), puisque je sais que, de son propre mouvement, le Roi a voulu l'avoir pour conseiller d'Etat et que, bien qu'il prêchât tous les jours ce Carême passé, la Reine désira qu'il allât le soir faire des conférences spirituelles devant Sa Majesté; aussi faudra-t-il que dans quelques jours il retourne là-bas.

  A019002285 

 Ce m'est tous-jours bien de la consolation, ma tres chere Fille, de sçavoir que vostre cœur ne se depart point de ses resolutions, encor que souvent il se relasche a des immortifications; car j'espere qu'a force de s'humilier parmi les signes de son imperfection, il reparera les defautz qu'elle luy apporte..

  A019002286 

 Or sus, vous l'aures, je m'asseure, ce soin-la, car vous aspires de plus en plus a la parfaite union avec Dieu, et ce desir vous pressera d'estre de plus en plus exacte en l'observance [278] des vertus qui sont requises pour le contenter: entre lesquelles, la paix, la douceur, l'humilité, l'attention a soy mesme tiennent les premiers rangs..

  A019002296 

 Elle m'a demandé de vostre part, que je luy marquasse les imperfections que j'aurois remarquees en vostre ame; mais je n'ay pas eu asses de tems pour bien considerer ce qui pourroit estre a dire sur ce sujet.

  A019002296 

 Et si j'eusse eu dequoy luy parler en cela, je l'eusse fait, non seulement pour vous contenter, mais satisfaire a la fidelité que je vous dois; vous asseurant en toute verité, ma tres chere Fille, qu'encor que j'ayme vostre ame d'un amour extraordinaire et lequel est si fort quil ne peut estre dissimulé, si est ce qu'a mon advis, il ne m'aveugle pas pour m'empescher de voir vos tares, si j'avois la commodité de les observer..

  A019002313 

 Je loüe Dieu que vostre arrivee en ce païs-la a esté accueillie avec tant de joye, et j'espere que la suite sera tous-jours correspondante; car les amis de Dieu sont trop plus honnorés..

  A019002328 

 Armes vous d'humilité, patience et douceur, et puis chantes joyeusement: Si exsurgat adversum me prœlium, in hoc ego sperabo; Dominus protector vitœ meœ, a quo trepidabo? Demeures sous les aysles de Nostre Dame, et ne craignes rien; ne prenes nul soupçon.

  A019002337 

 Et croy que messieurs nos ecclesiastiques seront bien ayses d'avoir avec eux des confreres qui les [284] assisteront, non seulement a bien faire l'Office, mays a bien former leur Congregation sur le modelle que la Bulle de leur erection propose; car rien ne se passera en toute cette affaire qu'avec toute equité, debonaireté et douceur, sans quil puisse rester aucune occasion de se douloir a personne du monde..

  A019002352 

 Certes, il ne faut vouloir que Dieu absolument, invariablement, inviolablement; mais les moyens de le servir, il ne les faut vouloir que doucement et foiblement, affin que si on nous empesche en l'employte d'iceux, nous ne soyons pas grandement secoués.

  A019002352 

 Les entreprises que les amis font sur nostre liberté sont merveilleusement fascheuses; mais en fin, il les faut supporter, puys porter, et en fin aymer comme de cheres contradictions.

  A019002354 

 Mays si d'adventure ces Messieurs de Moulins ne vouloyent pas entendre au parti duquel le P. Recteur et moy sommes d'advis, que feroit on? O certes, je ne me puis imaginer cela; mais en ce cas, il faudroit avoir bien soin de nostre Seur Paule Hieronime et de sa compaignie, et advertir nostre Mere, qui peut estre a quelque autre [287] fondation par les mains, ou elle pourroit estre employee.

  A019002379 

 Certes, je ne voudrois nullement estre en estime d'un homme qui attire l'argent et l'or, non pas mesme pour les œuvres pies, car [je ne suis pas appellé a cela.

  A019002379 

 Je croy fort seurement, ma tres chere Fille, que vous tesmoignerés par tout en faveur de la verité, que parmi les desirs que j'ay eu de rendre du service et de la consolation a vostre ame, je ne me suis jamais meslé de sçavoir quelz estoyent vos moyens temporelz, ni ne vous ay jamais incité de les employer pour les Maysons de Sainte Marie.

  A019002379 

 Je ne sçai donq comment on a peu penser que je vous aye addressee a Moulins en consideration des commodités que vous aves, et que ce soit injustice de les divertir ailleurs.

  A019002380 

 Or maintenant, ma tres chere Fille, je voy les ardens desirs de monsieur le Mareschal et de madame la Mareschale de Saint Geran, et encor de monsieur de Palierne et de Messieurs de la ville de Moulins, dont le zele est digne de mille louanges, et la volonté de toute sorte de respect.

  A019002381 

 Continues, ma tres chere Fille; croisses tous les jours en humilité, douceur, pureté, et recommandes souvent a cette celeste Bonté celuy qui vous recommande incessamment a elle, et qui est a jamais, ma tres chere Fille,.

  A019002389 

 Revu sur l'Autographe conservé à Nantes, chez les Missionnaires.

  A019002398 

 Et sur cela, estant averti que j'envoyasse une couple de filles, je les ay envoyees, a la verité sans beaucoup de consideration, n'ayant pas preveu que jamais personne deut attribuer a injustice la sortie d'une personne d'un lieu ou elle n'estoit pas obligee de demeurer, ni la translation d'un'autre, pourveu qu'elle laissat en sa place une qui succedat avec suffisante capacité d'exercer sa charge.

  A019002399 

 Je n'ay rien a dire sur cela, ne tenant pas les resnes de sa volonté, ne pretendant rien en la disposition de ses moyens, et ne voulant nullement examiner l'advis de conscience qu'ell'a receu de ceux a qui je ne suis veritablement pas comparable en la connoissance requise a telles decisions.

  A019002400 

 Et pour finir et vous dire, Monsieur, ce que j'escris a l'une et a l'autre de ces filles: j'escris a M lle du Tertre, qu'elle face ce que le P. Recteur luy dira pour sa conscience; et a ma Seur de Brechard, qu'ell'endure tout ce qui reuscira de ce conseil, qu'elle reçoive en patience cett'abjection, et qu'elle se resouvienne que les piqueures des avettes sont plus sensibles que celles des mouches, et qu'a cause de leur miel on ne laisse pas de les aymer, encor qu'elles piquent.

  A019002400 

 Les Anges mesme se sont souvent treuvés d'opinions contraires et ont resisté les uns aux autres, sans violer les loix de la charité..

  A019002417 

 Ce que je fay, adjoustant au paquet d'hier ce billet et les lettres y jointes, qui m'ont seulement esté rendues il y a deux heures, quoy qu'elles soyent du mois d'avril..

  A019002417 

 Or, monsieur de Cheinex, qui succede au fondateur, s'est chargé de faire que Son Altesse commandera qu'en payant a ceux qui praetendent avoir droit en ladite establerie ce qui sera jugé equitable, on la face oster de la, comm'il est bien convenable; et les Peres Cordeliers ont desiré que je vous priasse, si l'occasion s'en presente, de faire encor office pour cela.

  A019002436 

 Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et n'espies pas si particulierement les sentimens de vostre ame; mesprises les, ne les craignes point, et releves souvent vostre [297] cœur en une absolue confiance en Celuy qui vous a appellee dans le sein de sa dilection..

  A019002447 

 Certes, s'il se pouvoit, je voudrois tous les jours recevoir des nouvelles de vostre ame et tous les jours vous en donner de la mienne, car je m'imagine que vous ne vives gueres sans afflictions; si est-ce que par le sentiment de mon coeur je connois que le vostre seroit aucunement soulagé par le commerce spirituel qu'il pourroit avoir avec le mien, selon qu'il a pleu a Dieu de me donner une affection toute singuliere pour vous cherir de toutes mes forces..

  A019002460 

 Quelle consolation pour vous que c'est Dieu mesme qui vous a faite Superieure, puisque vous l'estes par les voyes ordinaires.

  A019002477 

 Helas! je n'escriray point a ma tres chere fille M me de Port Royal, ni a M lle Le Maistre; mays je prieray Dieu quil les console de l'abondance de son saint amour..

  A019002527 

 Voyci les propres paroles de la lettre que M lle du Tartre ( sic ) m'avoit escritte: «Je ne fus pas asses satisfaite d'avoir consulté les Capucins; je desiray voir le bon P. Recteur, auquel je vous puis asseurer, Monsieur, que je dy tout l'engagement, et de la mesme sorte que je vous l'ay escrit.

  A019002528 

 Certes, j'adjouste donq que, tout au fin moins, les dix mille francz employés par ordre de madamoyselle du Tertre, sur sa parole, en suite de son vœu, ne peuvent ni doivent estre retirés, sinon que, comm'il se peut faire, je sois grandement deceu en l'intelligence des docteurs.

  A019002529 

 Et quant a l'obeissance, qui est essentielle, ell'est tous-jours bien douce, ce me semble, quand on est en des monasteres ou les Superieures sont bien conditionnees, principalement aux filles infirmes et qui pour quelque digne sujet sont exceptees..

  A019002529 

 Et quant aux exceptions qu'elle desireroit pour moins incommodement vivre dans le monastere: pourveu qu'elle se sousmette aux Regles et aux Constitutions essentielles (en quoy, comme en toutes autres choses, le Pere Recteur et les autres theologiens vous pourront bien conseiller); il ny a Regle au monde, ni Constitutions qui s'accommode ( sic ) tant aux infirmes que celles de cet Institut.

  A019002531 

 Si la fille dont vous m'escrives, du marchand qui a mené les affaires, a sa vocation aux Carmelites, qui oseroit avoir pensé de la desirer ailleurs? Elle sera bienheureuse d'estre en une si sainte assemblee.

  A019002532 

 Seulement je vous prie de reprendre patience, oublier les orages et les flotz, et mesnager le reste de vostre navigation tranquillement.

  A019002548 

 N'attendes nullement de moy une grande lettre, ma tres chere Mere, car j'ay tant escrit que je n'en puis plus, ayant esté contraint de faire de rechef des lettres pour Moulins et Nevers, plus longues beaucoup que l'ordinaire, pour m'esclarcir sur les responses que j'avois faites, car on ne m'avoit pas dit tout et je n'avois pas respondu tout..

  A019002549 

 Les biens qui se font sans contradiction ne semblent pas estre de la race des biens des anciens Chrestiens.

  A019002551 

 J'attens toutes les heures qu'on m'escrive quil faut partir pour aller en France..

  A019002552 

 Enfin, l'experience a fait voir que quand les filles demeurent a la treille un peu eslevees, on les void mieux et on les entend mieux par tout l'oratoire..

  A019002553 

 Ma Mere, je suis cruel a nos Seurs d'icy, car je ne les voy point; mais le monde m'est cruel a moy, qui m'apporte tant de tricheries.

  A019002554 

 Jamais il ny eut Religion delaquelle toutes les Constitutions ayent esté appreuvees a Rome par le Saint Siege, il suffit que les Regles le soyent.

  A019002554 

 Ma Mere, si j'allois a Rome, il ne faudroit nullement traitter des Constitutions, car ce seroit tous-jours a refaire; on deputeroit quelqu'un pour les revoir, qui les renverseroit toutes, peut estre.

  A019002554 

 Tout ce que la prudence y peut faire, se fera a la reveüe; apres cela, il faut demeurer en paix et laisser a la providence de Dieu de les establir, et elle le fera..

  A019002566 

 O que vous fistes sagement, suivant la sagesse surnaturelle, ma tres chere Fille! car ainsy estoit il en l'Evangile de la feste qu'on celebroit, que Nostre Dame s'en alla tout hastivement droit dans les montz de Juda.

  A019002569 

 Or, ma Fille certes toute tres chere, cela ne se fait pas en un jour, et Celuy qui vous a fait la grace de faire le premier coup, fera luy mesme avec vous les autres deux; et parce que sa main est toute paternelle, ou il le fera insensiblement, ou, s'il vous le fait sentir, il vous donnera la constance, ains la joye qu'il donna au Saint duquel nous faysons la feste, sur la grille.

  A019002570 

 Vous me promettés, ma tres chere Fille, que si on vous [314] le permet, vous m'escrires toutes les rencontres de vostre heureuse retraitte; et je vous prometz qu'on vous le permettra, et que je recevray ce recit avec un extreme amour..

  A019002586 

 Je sçai le fort, vif et tendre amour de vostre cœur envers cette seur, et que cette petite separation luy aura costé des grans effortz, et c'est cela qui me donne mille playsirs en la partie superieure; car en l'inferieure, croyes moy, ma Fille, j'ay treuvé mon sentiment engagé dans le vostre, tant il est vray en un sens tres sincere, que «l'amour egale les amans.» Vous aves donq si bonne part en ce sacrifice aggreable, que je m'en res-jouis tres affectionnement avec vous, et croy que la divine Bonté aura une douce souvenance de vostre holocauste et confirmera vostre conseil, et vous rendra, selon l'intention de vostre cœur, une consolation qui vous fera tousjours croistre en cet amour, ou une force qui, sans consolation, vous fera tous-jours de plus en plus parfaitement servir ce celeste amour..

  A019002601 

 Ayant sceu avec combien de resolution vous aves consenti a la soudaine et inopinee retraitte de madamoyselle [316] de Frouville, vostre fille bienaymee, je ne me puis retenir de m'en res-jouyr de tout mon cœur avec vous, comme d'une action en laquelle Dieu aura pris son bon playsir, et dont les Anges et les Saintz auront glorifié extraordinairement la divine Providence.

  A019002602 

 Et ce sont les desirs que je fay sur vous et sur toute vostre mayson, qu'en vous benissant elle vous benisse, establissant vostre posterité en sa grace, contre toutes sortes de contradictions..

  A019002602 

 Or, j'augure de plus que, pour ce saint sacrifice spirituel que vous aves si franchement fait a Dieu, sa souveraine et [infinie] Bonté vous donnera les mesmes benedictions qu'elle donna en pareille occasion au grand Abraham.

  A019002629 

 Il faut, d'ailleurs, que les sages prennent patience lorsqu'en de semblables ouvrages [319] on traite avec de moins prudents; car, parlant aux gens du monde, à des courtisans et autres, je me dois aux sages et aux insensés..

  A019002629 

 Je laisse ceci au jugement de Votre Paternité, sachant bien toutefois qu'en plusieurs endroits d'Italie et l'on danse, et l'on joue, et l'on courtise, surtout dans les lieux voisins de l'Allemagne et de la France, tels que notre Piémont.

  A019002629 

 Une seule chose me donne à réfléchir: c'est que quelques personnages italiens disent que les chapitres où je traite des jeux, des bals, des amourettes et de semblables amusements et passe-temps, comme aussi celui De l'honnêteté du lit nuptial et la comparaison de la princesse sollicitée, qui se trouve dans le traité des Tentations, conviennent à la légèreté et liberté de la nation française; mais que la retenue et la gravité naturelle des Italiens n'ont pas besoin qu'on parle de tels sujets.

  A019002630 

 J'ai corrigé beaucoup d'endroits où l'imprimeur de Lyon avait fait des fautes, et quelques-uns où les mots français n'avaient pas été bien compris, comme: «austruches,» qui ne signifie par tartaruche (tortues), mais struzzi; «detraquer,» sconcertare; «détraqué,» sconcertato; «goderon,» lattuca; et quelques autres du même genre, peu nombreux et aussi de peu d'importance..

  A019002631 

 J'envoie à Votre Paternité la feuille ci-jointe, où elle verra les textes de saint Grégoire de Nazianze, et un passage du chapitre De l'honnêteté du lit nuptial, où peut-être sera-t-il bon de ne pas exprimer si ouvertement la comparaison.

  A019002634 

 Quant à l' Introduction, il est vrai qu'elle a été très utile en France, en Flandre, en Angleterre; on l'a réimprimée en français plus de quarante fois, en divers lieux; elle a même servi à convertir les hérétiques, comme le remarque le P. Jacques Gaultier, de la Compagnie de Jésus, au sixième siècle de ses Tables chronographiques.

  A019002645 

 Goderon è la lattuca che si porta al collo; et alcuni simili, come les defenses du sanglier, che sono i denti che escono fuor di bocca, che in francese non si chiamano denti, ma solomente ( sic ) defenses; come venayson, che è il grasso et il star bene de cervi..

  A019002654 

 En certains endroits, l'imprimeur de Lyon s'est trompé, et, par conséquent, a occasionné des erreurs dans la traduction; je les ai corrigées.

  A019002654 

 Goderon est la fraise qu'on porte autour du cou; et tels autres mots, comme les défenses du sanglier, qui sont les dents qui sortent de sa gueule, lesquelles en français ne s'appellent pas dents, mais seulement défenses; et encore venaison, qui est la graisse et l'embonpoint des cerfs..

  A019002655 

 Les uns disent que les chapitres où je traite des jeux, des bals et de semblables passe-temps, et ceux où il est parlé des amourettes et de l'honnêteté du lit nuptial, comme aussi la comparaison de la princesse sollicitée que je fais dans les chapitres sur la tentation ne sont pas à propos pour l'Italie; car la retenue et la prudence naturelle de cette nation ne permettent pas qu'on fasse de telles choses.

  A019002664 

 Les nouvelles asseurees de la pacification en France m'ostent tout a fait du doute auquel j'estois du voyage [326] de Monseigneur nostre Prince Cardinal, ains me mettent en quelque opinion que si elles arrivent a Son Altesse avant son depart pour l'abbouchement qu'elle devoit faire avec M. de Lesdiguiere, elle en desfera le dessein; et si elle vient, ce sera pour si peu, que je ne croy pas que sans importunité je luy puisse faire la reverence..

  A019002666 

 [327] J'escriray a Monseigneur le Prince soudain que je sçauray quil sera de retour, affin quil luy playse faire reuscir ce bon œuvre general, car tous les jours il y a plus de necessité..

  A019002670 

 Il les faudra façonner au service, et peut estre a la modestie, bien quilz soyent bons enfans.

  A019002675 

 Je remercieray monsieur l'Ambassadeur soudain que vous aures les Bulles, et le Cardinal Aldobrandin, qui m'a escrit une lettre bien honnorable, et le Cardinal Melin et le [329] Cardinal Sauli qui m'escrit combien d'obligation nous avons en cett'occasion a Monseigneur nostre Prince Cardinal..

  A019002690 

 Marchés donq bien ainsy, ma tres chere Fille, l'esprit relevé en Dieu et qui ne regarde que le visage et les yeux de l'Espoux celeste [331] pour faire toutes choses a son gré; et ne doutes point qu'il ne respande sur vous sa tressainte grace pour vous donner des forces esgales au courage qu'il vous a inspiré.

  A019002692 

 Humilies vous amoureusement devant Dieu et les hommes, car Dieu parle aux aureilles abbaissees.

  A019002693 

 Mais que je me sois plaint de vous, certes, je ne l'ay jamais fait, ni n'ay nullement inculqué mon advis, qui est l'advis de tous les theologiens..

  A019002694 

 Aussi vous est il egal de donner ou icy ou la, puisque le Dieu du Monastere de [Nevers] est le Dieu du Monastere de [Moulins], et que toutes les deux Maysons sont egalement a la tressainte Vierge, et a vous, ma tres chere Fille, que je conjure de perseverer a m'aymer constamment en Nostre Seigneur, comme tres invariablement je suis a jamais et sans reserve vostre; et ne cesse point de supplier la tressainte Vierge, la plus aymee Dame du Ciel et de la terre, qu'elle vous ayme et vous rende toute bien-aymee de son Filz, par les continuelles inspirations qu'elle impetrera de sa Majesté divine..

  A019002716 

 Et cette si digne et bonne Princesse les protegeant si favorablement, il m'est advis qu'il ny a qu'a beaucoup attendre de progres pour cette Mayson-la, moyennant la grace de Dieu, [335] qui est le souverain et unique objet de toutes nos confiances..

  A019002717 

 Et tandis que je m'en resouviens, je vous prie de dire a monsieur de Saint Jaques que j'attens de luy respondre par les effectz de ce quil m'a demandé, mon frere m'ayant escrit quil n'oubliera rien pour satisfaire a son desir..

  A019002718 

 Or, il escrit maintenant des choses que les Peres Jesuites de deça et quelques theologiens qui les ont veues [336] jugent devoir estre fort utiles parmi le monde: c'est une besoigne de mesme espece que la Memoire de nostre pauvre Darie.

  A019002761 

 Je ne suis nullement estonné si vostre courage vous semble un peu plus pesant et engourdi, car vous estes grosse; et c'est une verité manifeste que nos ames contractent ordinairement les qualités et conditions de nos cors, en la portion inferieure.

  A019002761 

 Mays tout cela ne prejudicie nullement aux actes de l'esprit, de cette pointe superieure, autant aggreables a Dieu comme ilz sçauroyent estre parmi toutes les gayetés du monde, ains certes, plus aggreables, comme faitz avec plus de peine et de conteste; mais ilz ne sont pas si aggreables a la personne qui les fait, parce que, n'estant pas en la partie sensible, ilz ne sont pas aussi sensibles ni delectables selon nous..

  A019002762 

 Et pour relever ces langueurs et pesanteurs et engourdissemens de cœur, et les faire servir a l'amour divin, il faut en advoüer, accepter et aymer la sainte abjection: ainsy vous changeres le plomb de vostre pesanteur en or, et en un or plus fin que ne seroit celuy de vos plus vives gayetés de cœur.

  A019002762 

 Quand nous sommes incommodés de cors et de santé, il ne nous faut exiger de nostre esprit que les actes de sousmission et d'acceptation du travail, et des saintes unions de nostre volonté au bon playsir de Dieu qui se forment en la cime de l'ame; et quant aux actions exterieures, il les faut ordonner et faire au mieux que nous pouvons, et nous contenter de les [340] faire encor que ce soit a contrecœur, languidement et pesamment.

  A019002763 

 Mais souffres amoureusement ces lassitudes et pesanteurs, en consideration de l'honneur que Dieu recevra de vostre production; car c'est vostre image, qui sera colloquee au temple eternel de la celeste Hierusalem et sera regardee eternellement avec playsir de Dieu, des Anges et des hommes; et les Saintz en loueront Dieu, et vous aussi quand vous l'y verres.

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002777 

 J'ay eu le bien de les avoir tous reveus a ce dernier voyage que j'ay fait en France, et le contentement d'avoir reconneu en [343] leurs ames des grandes marques du soin que le Saint Esprit a d'eux..

  A019002777 

 Or, j'espere que ses trois filz aussi, quoy qu'il tarde, recevront quelque bonne affluence de la misericorde de Celuy a qui je sçai qu'elle les avoit consacrés.

  A019002778 

 Vous me demandes par vostre premiere lettre, ma Reverende Mere, certaines reliques que je m'essayeray de treuver, et si ma queste en cela se rencontre heureuse, je vous les envoyeray.

  A019002779 

 A la verité, estant ce qu'elles me sont, elles ne pourront que d'avoir en vous une tres cordiale et tres asseuree confiance en vostre dilection, en vous rendant tous-jours, et a tout vostre Monastere, un veritable honneur et respect, selon la grande estime et amour que toute la Mayson de cette ville, dont elles sont, a conceu de toutes les vostres, et (puisque je parle avec vous, ce me semble, cœur a cœur) je puis adjouster, et selon la veritable regle que je leur ay souvent inculquee, qu'il failloit que chacun cultivast la vigne en laquelle il estoit, fidelement et tres amoureusement pour l'amour de Celuy qui nous y a [344] envoyés; mais qu'il ne falloit pour cela laisser de connoistre et reconnoistre franchement la plus grande excellence des autres, et a mesme mesure leur porter toute reverence et veneration..

  A019002779 

 Et pour finir, ma tres chere Fille, ce m'est une satisfaction nompareille que la Superieure et les Seurs de Sainte Marie de la Visitation vous ayent veuë; parce que je sçai que cela les aura toutes encouragees a servir bien le Filz et la Mere de Dieu, a qui elles sont consacrees.

  A019002800 

 Aussi, jusqu'à ce qu'il nous conste des pouvoirs du porteur de la lettre et de la concession des Indulgences, nous avons fait surseoir à la quête des aumônes et à la publication des Indulgences, sincèrement disposé toutefois à nous rendre à vos désirs et à nous intéresser à votre Maison, aussitôt que les lois canoniques nous le permettront.

  A019002810 

 Je voy des gens de qualité qui penchent grandement et jugent qu'il faudra que les Monasteres soyent sous l'authorité des Ordinaires, a la vielle mode restablie presque par toute l'Italie, ou sous l'authorité des Religieux, selon l'usage introduit des il y a quatre ou cinq cens ans, observé presque en toute la France..

  A019002811 

 Pour moy, ma tres chere Mere, je vous confesse franchement que je ne puis me ranger pour le present a l'opinion de ceux qui veulent que les Monasteres des filles soyent sousmis aux Religieux, et sur tout de mesme Ordre, suivant en cela l'instinct du Saint Siege, qui, ou il peut bonnement le faire, empesche cette sousmission.

  A019002812 

 De plus, il me semble qu'il n'y a non plus d'inconvenient que le Pape exempte les filles d'un Institut de la jurisdiction des Religieux du mesme Institut, qu'il y en a eu a exempter les Monasteres de la jurisdiction ordinaire qui avoit une si excellente origine et une si longue possession..

  A019002813 

 Et en fin, il me semble que veritablement le Pape sousmis en effect ces bonnes Religieuses de France au [348] gouvernement de ces Messieurs; et m'est advis que ces bonnes filles ne sçavent ce qu'elles veulent, si elles veulent attirer sur elles la superiorité des Religieux, les-quelz, a la verité, sont des excellens serviteurs de Dieu, mais c'est une chose tous-jours dure pour les filles, que d'estre gouvernees par les Ordres, qui ont coustume de leur oster la sainte liberté de l'esprit..

  A019002822 

 Je me resouviens, ma tres chere Fille, que vous m'escrivistes une fois que messieurs les confesseurs de ce païs-la vous renvoyoyent les femmes, affin de les faire esclaircir, par vostre entremise, des difficultés et scrupules qu'elles avoyent es choses secrettes de leur vocation.

  A019002822 

 Ma tres chere Fille, vous faites bien de les renvoyer a l' Introduction, ou je declare suffisamment tout cela en une sorte que si elles le veulent considerer, pour peu qu'on les ayde (si elles sont si rudes ou simples qu'elles ne l'entendent pas), elles le pourront entendre utilement; car vostre vocation et la qualité de fille ne vous permet pas de leur rendre ce service en autre façon..

  A019002832 

 En attendant que Vostre Altesse face reuscir le projet du restablissement de la vraye pieté en tous les monasteres et es autres eglises de cet Estat de deça les montz, voyci une digne occasion qui se praesente pour Rumilly.

  A019002832 

 Mays pour avoir l'evenement propice, il seroit requis, Monseigneur, que Vostre Altesse nous tesmoignast son consentement et contentement, et que par apres elle favorisast les poursuites qu'il sera requis de faire a Rome..

  A019002833 

 Et de tout cela, je l'en supplie tres humblement, comm'aussi de commander que les pauvres cures d'Armoy et de Draillens soyent assistees de l'argent que tant de foys Vostre Altesse leur a ordonné; n'estant pas en nostre pouvoir, ni par prieres, ni par sousmissions, ni par [351] importunité d'en rien avoir, des cinq ou six ans en ça, sinon 50 escus, sans plus.

  A019002848 

 O mon Dieu, que je dois et devray de responses! mais je payeray tout avec un peu de loysir, et notamment je remercieray nostre bon Pere Binet de ses advis, quand je les auray leuz, et feray tout ce que je pourray et sçauray pour mettre en bon estat les Constitutions..

  A019002856 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait à Annecy, chez les RR. PP..

  A019002864 

 O que les affections celestes ont bien d'autres effectz et d'autres consequences que les humaines! Beni en soit le nom de Dieu qui en est l'autheur et le conservateur.

  A019002865 

 Il faut que nostre Superieure de Grenoble se face traitter comme pleine ou de vers ou de matiere de vers, et si de six semaines en six semaines elle repete les remedes, j'espere que Dieu la delivrera.

  A019002877 

 La douleur que vous aves sous le sein gauche a quelque autre cause que la blesseure du cœur par les vers. Je croy bien toutefois que vous en aves: vostre teint, vostre couleur, vostre action le font connoistre, et deves prendre quelque remede contre iceux..

  A019002877 

 O ma pauvre fille Peronne, si les vers avoyent blessé vostre cœur, vous series morte, car cette partie, qui est la premiere a recevoir la vie et la derniere a la perdre, n'est jamais piquee pour peu que ce soit qu'elle n'en meure, et par consequent celuy en qui elle est.

  A019002878 

 Ne vous estonnes nullement de ce que vous n'aves pas les sentimens de devotion pendant vos langueurs, puisque les consentemens et au bien et au mal peuvent estre sans sentiment, et le sentiment sans le consentement.

  A019002886 

 Certes, ma tres chere Fille, j'aymerois volontier les maladies de monsieur vostre cher mari, si la charité me le permettoit, parce qu'a mon advis elles vous sont utiles pour la mortification de vos affections et sentimens.

  A019002897 

 Il faut tous-jours avoir un peu de patience avec les Princes, mais j'espere que le tout reuscira a vostre gré, et supplie Nostre Seigneur qu'il respande de plus en plus abondamment ses saintes graces sur vous,.

  A019002907 

 Quant aux bonnes festes qui approchent, vous n'aves rien a faire de plus, apres vos Offices, qu'a tenir vostre esprit en la celeste Hierusalem, parmi ses ruës glorieuses ou vous verres de toutes partz retentir les loüanges de Dieu.

  A019002907 

 Voyes cette varieté de Saintz, et vous enqueres d'eux comme ilz sont parvenus la; et vous apprendres que les Apostres y sont allés principalement par l'amour; les Martyrs, par la constance; les Docteurs, par la meditation; [360] les Confesseurs, par la mortification; les Vierges, par la pureté de cœur, et tous generalement, par l'humilité.

  A019002916 

 Passes bien devotement ces saintes festes; voyes bien ces belles ruës de la Hierusalem celeste, ou tant de bienheureux S aintz, resident et ou tous jubilent autour de leur grand Roy et en l'amour de Dieu, [lequel,] comme une celeste source vive, respand de toutes partz ses eaux qui arrousent ces glorieuses ames et les font fleurir, chacune selon ses conditions, d'une beauté incomprehensible.

  A019002926 

 Souvenes vous aussi que vous demandant si vous n'avies point la curiosité de les lire, vous me respondistes hardiment que si l'envie vous prenoit d'apprendre quelque chose contre la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, vous voudries vous mesme de bon cœur estre bruslee..

  A019002926 

 Souvenes vous quand vous m'apportastes les livres heretiques que vous avies pris chez N. N., et que vous me disies avec tant d'ardeur qu'il les failloit brusler et tous ceux qui les lisoyent.

  A019002927 

 Consoles en maintenant vostre cœur dans ce petit ombrage de trouble, et au lieu de disputer sur les choses que l'ennemy vous suggere, rendes graces a Dieu de ce que, des l'aage de neuf a dix ans, il vous a donné le desir de mourir pour la foy de la sainte Eglise.

  A019002936 

 Mays je ne laisseray pas de rendre ce veritable tesmoignage pour luy, qu'en toutes les occurrences esquelles il a esté employé au service de Vostre Altesse, il a rendu toutes les preuves qu'on sçauroit desirer, de probité, fidelité et constance, comm'un vray et tres asseuré sujet doit faire; qui me fait tres humblement supplier Vostre Altesse de le vouloir gratifier de son bon œil..

  A019002958 

 Vous pourres ce pendant respondre a Monseigneur l'Evesque, que ces bonnes filles de Moulins, comme vous aussi, n'estes la que pour faire le service de la fondation, et que quand le Monastere sera establi, vous pourres [retourner] en vos Maysons de profession, ou [l'on vous recevra]; et que partant, il ne faut rien demander pour ces [filles] la a la Mayson de Moulins, qui demeure oblig[ee de les] recevoir quand elles retourneront.....Il semble qu'il n'est pas [a propos de presser] nostre Seur Marie Aymee de Morville; ains qu'elle mesme laisse librement les dix mille francz..

  A019002960 

 Certes, ces filles si ineptes ne doivent point estre receües a profession, et quand on les connoist telles avant la reception a l'habit, elles ne doivent point y estre admises; mais je vous diray cela en detail..

  A019002961 

 Vous pouves employer les Seurs qui doivent estre Domestiques, et qui ne sont point vestues, au service du dehors, par lequel elles meritent tous-jours davantage leur reception future a l'habit..

  A019002962 

 Je vous remercie de vos beaux breviaires, et envoyeray les miens vieux a la premiere commodité.

  A019002974 

 Donnes le plus que vous pourres l'esprit d'un ( sic ) tres humble mais courageuse simplicité, et de l'amour de la croix a ces ames que vous nourrissés, affin qu'elles soyent aggreables a Celuy qui desire les rendre ses espouses..

  A019002989 

 Ayant sceu que M. le Prieur de Rumilly inquietoit le sieur Curé dudit lieu pour certaine reconnoissance qu'il prœtend de luy, j'ay creu que je vous devois rendre ce veritable tesmoignage, que la cure de Rumilly n'est plus au Curé (bien que, comme il est raysonnable, les fruitz luy soyent reservés), puisque il l'a resignee par supplication qu'il m'a faite de l'unir au Chapitre ou cors des Altariens de cette eglise-la, et que j'ay fait toutes les formalités praeparatoires a laditte union, delaquelle les finales expeditions seroyent signees et mises en execution, si Monseigneur le Serenissime Prince ne m'eust fait sçavoir que, voulant faire unir quelques autres pieces [370] pour le plus grand bien de cette eglise, il desiroit que j'attendisse pour un peu, affin de faire tout ensemble ce qui sera requis..

  A019002990 

 Mays cependant, en un'assemblee que les ecclesiastiques de Rumilly et les scindiques firent devant moy, monsieur le Prieur traitta de toutes ses pretentions, en cas de l'union de la cure, laquelle est a la veille d'estre faite, puisque je n'attens que le commandement de Monseigneur le Serenissime Prince qui ne doit pas tarder.

  A019002997 

 Messieurs les gens de S. A. S me,.

  A019003008 

 Ilz ne doutent nullement que vous ne leur rendies bonne, briefve et fidele justice; mais je doy vous recommander leurs affaires comme les miennes propres, puisque Dieu m'a joint plus particulierement a eux et m'a enjoint la conservation de leurs droitz.

  A019003042 

 Et non seulement l'experience, mais la rayson nous apprend que les filles si jeunes estant reduites sous la discipline d'un Monastere, qui est ordinairement trop disproportionnee a leur enfance, elles la haïssent et prennent a contrecœur.

  A019003043 

 Et ne s'ensuit pas que ce qui s'est fait pour cette fois [375] il le faille faire pour des autres, non plus qu'il ne s'ensuit pas qu'un homme s'estant chargé d'une juste charge pour un amy, il doive se surcharger d'une seconde charge pour un autre amy; et ceux qui le seront aussi de vostre Institut auront patience jusques a ce que les enfans soyent d'aage convenable.

  A019003043 

 O ma tres chere Fille, que les cogitations des hommes sont inegales! Que de gens crient quand on reçoit leurs enfans grans, meurs et rassis, et que de gens les voudroyent donner des le berceau!.

  A019003047 

 Je ne pense pas qu'on puisse rien demander pour les Seurs qui vous ont accompagné de Moulins, pour la rayson que je vous ay escritte, l'autre jour que je respondis a cet article..

  A019003048 

 Il ny a nul mal de demander aux Novices comm'elles se portent; mais quand elles marquent des maux de nulle consequence, il ne faut pas les attendrir, ains simplement leur dire: Vous seres bien tost guerie, Dieu aydant; puisque, a la verité, le sexe est merveilleusement enclin a se plaindre ou a desirer d'estre plaint, et c'est la verité que ces tendretés prennent leur source de paresse et amour propre.

  A019003050 

 Nous n'avons encor pas pensé sil faudra les garder un'annee ainsy, mais nous y penserons bien tost..

  A019003052 

 Il n'en faut pas remplir la mayson, de telles filles, mais prenes celle la; car il se treuve si peu de personnes en ce sexe, sans fantasie et malice et bigearrerie, que quand on en treuve on les doit recueillir.

  A019003054 

 Il ne faut pas donner promesse a point de fille de la recevoir, sinon en cette façon: Nous vous recevons en ce qui nous regarde, mais il faut que Monseigneur l'Evesque le treuve bon; et faire tous-jours conferer avec le Pere spirituel, car il sçaura tous-jours bien les defautz, sil y en a..

  A019003055 

 Il faut eviter de prester vos Constitutions, en disant qu'en la premiere impresse beaucoup de fautes se sont glissees, pour la haste de ceux qui les ont transcrittes, que l'on corrige; et que bientost l'on fera les ( sic ) reimprimer, et que alors vous les communiqueres volontier.

  A019003055 

 Mays les personnes estant discrettes et de condition, en les advertissant de ce defaut, qui a la verité y est grand, vous pourres selon vostre prudence les prester..

  A019003059 

 Il n'est pas necessaire de donner les Constitutions aux praetendentes qu'en les leur expliquant.

  A019003062 

 Et les pauvres ne doivent estre rejettees, puisque Nostre Seigneur a tant aymé la pauvreté que, de tous ses Apostres, la pluspart estoyent pauvres de condition.

  A019003062 

 Vostre sentiment est le mien: il ne faut pas recevoir les riches au choeur par ce qu'elles sont riches, mais par ce qu'elles ont le talent d'y servir; et si elles ne l'ont pas: qu'elles soyent des Associees si elles sont foibles, ou vielles, ou maladives; si elles sont fortes, qu'on les puisse employer au service de la Mayson, ou du moins a cooperer aux Domestiques si quelque consideration les fait mettre parmi les Associees, comme seroit leur delicatesse, ou la bonté de leur esprit qui les rendra habiles a servir de Superieure ou aux autres offices, hors celuy d'Assistente.

  A019003064 

 On peut recevoir Associees les femmes et filles qui ne sçavent pas lire, car tout ce qui est dit de la lecture s'entend pour celles qui sçavent lire..

  A019003065 

 Vous aures les Indulgences de tout l'Ordre de Saint Augustin, car le Brief de vostre institution les vous donne; nous prouvoirons de les avoir imprimees..

  A019003066 

 Ne receves pas legerement les filles: mais selon que la prudence vous enseignera, ou de differer ou de se haster, faites le; si elles s'en vont ailleurs, Dieu les veuille conduire et en soit loué..

  A019003067 

 N'entreprenes que doucement, selon la petitesse des moyens que vous verres vous pouvoir arriver; et pour les choses necessaires Dieu ne vous abandonnera point..

  A019003068 

 Nostre Seur Marie Aymee de Morville m'escrit une lettre toute sainte et dit qu'elle donnera tout a fait les xoooo (dix mille) francz a Nevers, sans contredit..

  A019003084 

 Nostre bonne Seur Marie Aymee de Morville m'escrit une lettre toute d'or: qu'elle a deschiré son papier, qu'elle laisse les dix mille francz a Nevers, et qu'elle s'abandonnoit tout a fait a Dieu et a sa sainte Mere.

  A019003092 

 Est il possible que cest esprit se soit ainsy perdu? Il me disoit tant qu'il ne seroit jamais autre chose qu'enfant de la sainte Eglise Romaine, quoy qu'il creust que le Pape excedast les bornes de la justice pour estendre celles de son authorité.

  A019003092 

 Et cependant, apres avoir crié qu'il ne failloit pas que le supreme Pasteur, officier en l'Eglise, entreprist de delivrer les sujetz de l'obeissance du supreme Prince de la Republique, pour aucun mal qu'il fist: luy mesme, pour des abus pretendus, se va rendre rebelle a ce supreme Pasteur, ou, pour parler selon son langage, a tous les Pasteurs de l'Eglise en laquelle il a esté baptizé et nourri! Luy qui ne treuvoit pas asses de clarté, disoit il, es passages de l'Escriture, pour l'authorité de saint Pierre sur le reste des Chrestiens, comme s'est il allé ranger sous l'authorité ecclesiastique d'un Roy duquel l'Escriture n'a jamais authorisé la puissance que pour les choses civiles? S'il treuvoit que le Pape excedoit les bornes de son pouvoir, entreprenant quelque chose sur le temporel des Princes, comme ne treuve-il pas que le Roy sous lequel il est allé vivre excede les limites de son authorité, entreprenant sur le spirituel?.

  A019003093 

 Est il possible que ce qui ramena et maintint saint Augustin en l'Eglise n'aye peu retenir cest esprit? Est il possible que la reverence de l'antiquité et l'abjection de la nouveauté n'aye point eu le pouvoir de l'arrester? Est il possible qu'il aye creu que l'Eglise ayt tant erré, et que les huguenotz ou Anglo-calvinistes ayent si heureusement rencontré par tout la verité, qu'ilz n'ayent point erré en l'intelligence de l'Escriture? D'ou peut estre venue cette si universelle connoissance du sens de l'Escriture en ces testes-la, es matieres de nos controverses, que par tout ilz ayent rayson, et nous tort par tout, en sorte qu'il nous faille quitter pour adherer a eux?.

  A019003095 

 O mon tres cher Frere, bienheureux sont les enfans de la sainte Eglise en laquelle sont trespassés tous les enfans de Dieu.

  A019003096 

 Que si vous luy escrives, selon qu'il me semble vous y inviter, par la voye de monsieur Gabaleon, asseures le que toutes les eaux de la mer d'Angleterre n'esteindront jamais les flammes de ma dilection, tandis qu'il me pourra rester quelque esperance de son retour a l'Eglise et a la voye de son salut eternel..

  A019003110 

 Toutes les nouvelles que vous me donnes sont bonnes; Dieu nous face jouir des effectz entiers de tant de bonnes volontés qu'il inspire a nostre bon Prince..

  A019003111 

 Et il ne sera nullement malaysé de le recompenser sur Chindrieu, affin que d'abord les Peres de l'Oratoire soyent logés, et dans l'eglise et dans le prieuré, a Rumilly.

  A019003111 

 O que l'establissement des Peres de l'Oratoire reuscira heureusement a Thonon et a Rumilly, et comme Dieu [384] le favorisera! car voyla M. le Prieur dudit lieu qui, ce soir, m'est venu dire qu'en le recompensant, il donnera son prieuré pour les intentions de Son Altesse.

  A019003112 

 Pour Ripaille, je ne pense pas que Son Altesse y puisse loger plus a propos aucuns Religieux que les Chartreux, en se reservant ce quil luy plaira pour y bastir son palais..

  A019003115 

 Mon frere et ma seur de Cornillon vous saluent cherement, et vous prient de les excuser silz ne vous escrivent si souvent.

  A019003116 

 Qui sçait si, conservant un peu de credit sur son esprit par cette voye, Dieu s'en servira pour le retirer? Mays je ne sçai pourtant que vous dire la dessus, sinon que bienheureux sont les humbles, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A019003128 

 O la vanité de l'esprit humain tandis qu'il se fie en soy mesme! O que les hommes sont vains quand ilz se croyent eux mesmes! Il est expedient que scandale arrive, mais malheur a celuy par qui il arrive.

  A019003130 

 Je salue tres parfaitement madame N., a laquelle je dis par vostre entremise, n'ayant nul loysir, que sa retraitte est comme une datte, qui en fin produira une belle palme de triomphe, mais peut estre seulement d'icy a cent heures, ou a cent jours, ou cent semaines, ou cent moys; et les contradictions qu'elle a eues serviront a cela..

  A019003145 

 En Italie, on a conneu manifestement que les Monasteres de filles n'estoyent nullement si bien sous la conduitte des Peres de leur Ordre que sous les prestres et autres Ordinaires; le pourquoy est long a dire, mays il est manifeste..

  A019003159 

 Et si l'envie pouvoit regner au royaume de l'amour eternel, les Anges envieroyent aux hommes deux excellences qui consistent en deux souffrances: l'une est celle que Nostre Seigneur a enduree en la croix pour nous, et non pour eux, du moins si entierement; l'autre est celle que les hommes endurent pour Nostre Seigneur: la souffrance de Dieu pour l'homme, la souffrance de l'homme pour Dieu..

  A019003159 

 O que ces pierres qui semblent si dures sont pretieuses! Tous les palais de la Hierusalem celeste, si brillans, si beaux, si aymables, sont faitz de [390] ces materiaux, au moins au quartier des hommes; car en celuy des Anges les bastimens sont d'autre sorte, mais aussi ne sont ilz pas si excellens.

  A019003159 

 Or sus, ma tres chere Fille, vous voyla tous-jours aupres de la Croix, parmi les tribulations, en la maladie de monsieur vostre cher mary.

  A019003162 

 Il faut laisser a nostre doux Seigneur la tres aymable disposition, par laquelle il nous fait souvent plus de bien par les travaux et afflictions que par le bonheur et consolation..

  A019003195 

 M. l'Abbé de Six est en fin trespassé, et on m'a dit que M. l'Esleu ne demeure pas sans affaires avec les Religieux qui ne le veulent pasreconnoistre, parce qu'ilz croyent qu'il n'a pas ses permissions de Rome..

  A019003196 

 Je ne vous entretiendray pas davantage, ains me rapportant a la suffisance de M. le porteur, je vous salue tres humblement, et, si vous estes consacré, je vous bayse les mains et la cime de vostre teste parfumee de l'onction sacree, que je supplie Nostre Seigneur de faire saintement descouler jusques a la robbe de cette Eglise, et que la rosee de vostre Hermon soit heureusement transportee jusques en nostre sein.

  A019003224 

 Et ainsy s'accomplira heureusement vostre sainte intention, et aures la consolation d'en voir les fruitz avant que d'aller jouir de la recompense d'icelle au Ciel; et moy je demeureray, Madamoyselle,.

  A019003224 

 Puisque vous aves treuvé bon, par l'advis mesme de monsieur l'Aumosnier vostre frere, que la charité que vous avies destinee pour le bien spirituel de Belley soit employee pour l'establissement des RR. PP. Capucins en ce lieu-la, qui feront les offices que vous desiries y introduire, il ne restera sinon qu'en suite il vous playse d'ordonner a monsieur de Courtines qui a l'argent, de le delivrer ainsy que les Peres qui sont la luy marqueront.

  A019003237 

 L'extreme desolation qui est en la Sainte Mayson de Nostre Dame de Thonon ne peut recevoir remede que de vostre serenissime providence: la pauvreté y est demesuree, et les enfans du Seminaire tout fin nuds, deschaux et transis de misere; les prestres de la Mayson et les Peres Barnabites n'ont justement que pour manger et habiter, et non pour se vestir, et le reste va tres mal en point; mays, ce qui est le pis, c'est que cette calamité y fait naistre une lamentable desunion, tandis que chacun s'essaye de tirer a soy le peu de moyens et d'argent qu'on y porte.

  A019003238 

 Despuys, on a de beaucoup amoindris les moyens qui y devoyent estre employés et, pour un seul coup, on a osté le prieuré de Nantua, qui sont mille escus de revenu, et environ deux mille ducatons que Son Altesse par sa liberalité y a destinés, ne sont pas touchés a commodité.

  A019003239 

 Si Vostre Altesse fait reuscir le dessein d'appliquer toutes les praebendes de Contamine aux PP. Barnabites, ormis cinq ou six, ou mesme sept, pour y faire faire le service parroissial et celebrer les Messes de fondation, on sauvera cinq cens escus de revenu, et les finances de Son Altesse deschargees d'autant.

  A019003240 

 Mays tandis que tous ces biens s'acheminent sous les auspices et par le soin de Vostre Altesse Serenissime, je croy qu'il sera requis que, pour le present, elle face recevoir l'argent des assignations a ce porteur, le sieur Gilette, affin qu'il en secoure les necessités pressantes de laditte Sainte Mayson.

  A019003254 

 C'est tous-jours ainsy, ma tres chere Mere, que je vous escris sans loysir et sans haleyne; voyla que M. du Tellier, gentilhomme de M me de Mercœur, envoye prendre mes lettres, et faut que je les finisse avant que de les avoir commencees..

  A019003255 

 J'ay accommodé les Constitutions le plus que j'ay sceu, au gré du tres bon P. Binet et au vostre, et ne voy pas que pour des Constitutions on y puisse guiere plus rien adjouster.

  A019003255 

 Reste a voir comme on pourra tenir toutes les Maysons jointes; et certes, je ne sçai pour le present aucun moyen qui ne trayne quant et soy des grandes repugnances.

  A019003261 

 Helas! il n'est nullement vray que je me soys fasché en la partie superieure des advis que vous m'aves envoyés sur les Constitutions; mais ayant de prim'abord jetté les [403] yeux sur celuy de l'exclusion des maladives, qui est tout a fait contre mon esprit et sentiment, je dis par un'inconsideree soudaineté: Qui laissera gouverner la prudence naturelle, elle gastera la charité et ne sera jamais fait..

  A019003272 

 Nostre monsieur le Collateral me conseille que, si je puis, j'aille voir comme Madame se porte bien et exerce plusieurs vertus dignes d'elle, affin d'en pouvoir parler plus particulierement au Roy et a la Reyne Mere; mays je voy que je suis trop pressé pour prendre ce loysir-la, et sur tout en ce tems que les jours sont si cours, et faudroit une trop grande diligence; car autrement, cela seroit fort a propos..

  A019003274 

 Or, monsieur le President les fit saysir et emprisonner, et dans deux jours me les envoya pour me demander pardon, sans que ni d'effect ni [405] de paroles on leur fit autre chastiment.

  A019003275 

 Je vous escris l'histoire seulement affin que vous la sachies, et par ce que monsieur le President a recouru a monsieur le Marquis de Saint Damien qui, peut estre, vous en parlera; affin que vous sachies que, quant a moy, je ne me suis nullement plaint, et avois de tres bon cœur pardonné l'insolence, laquelle fut sans doute faite de guet a pend et sans que j'aye jamais offencé ni les maistres ni les valetz; mais je sçai de certaine science qu'il faut dissimuler beaucoup et mespriser toutes les offences qui le peuvent estre, et que, par cette methode, on garde la paix et en fin on gaigne les cœurs des plus inconsiderés.

  A019003275 

 Seulement suys-je marri de ces deux gentishommes, qui prennent des habitudes si contraires a la courtoysie et generosité a laquelle leur naissance les obligent ( sic ) envers la justice et tout le monde; et je ne doute point que monsieur le Marquis ne les convie a faire quelque sorte de tesmoignage a monsieur le President, de des-playsir de l'avoir ainsy traitté..

  A019003297 

 Vos Superieurs modernes ont tant travaillé pour vous: cela ne merite-il pas que vous les reveries comme vos Peres, puisque mesme s'ilz ne sont Carmelites d'habit, ilz le sont en effect par le zele et la pieté d'Helie? O combien de Carmelites y aura-il au monde qui n'ont receu que le manteau d'Helie, et non son esprit au double! et combien de prestres seculiers qui, sans le manteau, auront receu son esprit! Combien de Theresiennes sans l'habit, combien de Theresiennes sans l'esprit de la Mere Therese!.

  A019003307 

 Vous devries pleurer si on vous les vouloit oster.» Ce n'est pas que je veuille faire l'arbitre en un differend porté de part et d'autre de tant de gens; mais je vous parle comme a mon ancienne et cordiale fille, en toute confiance..

  A019003318 

 Dieu se sert du tems pour faire reuscir les decretz de sa providence.

  A019003318 

 Voyes vous, ma Fille, l'esprit humain ayme ses ayses et son propre jugement; ainsy, il ne faut pas treuver estrange si on reçoit avec contradiction les conceptions d'autruy, quelque saintes qu'elles soyent.

  A019003319 

 Faites belle moysson pendant qu'il en est la sayson, recueilles bien les benedictions des contradictions; vous proffiteres plus ainsy dans un jour, que vous ne feries en dix d'une autre sayson..

  A019003330 

 La reforme se fera, et Dieu y fera cooperer les hommes lhors qu'on y pensera le moins.

  A019003337 

 Je vous prie d'achetter tout ce qui sera requis pour les tableaux que les Reverens Peres Capucins me font la faveur de faire faire par l'un des leurs, pour l'eglise de Viu et de Thorens..

  A019003364 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales..

  A019003388 

 D'ailleurs, vous verrez le Mémorial ci-joint du [419] Sacristain, qui s'offre de payer auxdits Pères les 500 ducatons qui leur sont assignés sur ledit prieuré, d'employer annuellement 200 ducatons aux réparations d'iceluy et d'accroître encore l'aumône de dix coupes de froment, si [l'on] veut laisser à sa disposition le revenu avec les autres deux prébendes vacantes: qui sont véritablement toutes considérations remarquables et qui Nous font désirer d'autant plus l'effet de la consolation dudit du Noyer, lequel Nous vous recommandons par ce bien particulièrement..

  A019003388 

 Peu de temps après, les RR. PP. Barnabites recoururent à Nous pour faire révoquer cette provision, pour divers prétextes, comme Nous fîmes; Nous donnant entre autres à entendre que les trois prébendes étaient entièrement nécessaires aux réparations dudit prieuré, auxquelles néanmoins Nous savons n'y avoir été employé jusqu'ici que ce que peut porter le revenu de deux, lequel peut honnêtement suffire, suivant mêmement l'ordre qu'en a donné le Visiteur général.

  A019003420 

 J'admire la sortie de M r le President sans en donner advis a personne, et pense diverses choses la dessus, meilleures a dire entre nous deux qu'a les escrire..

  A019003421 

 J'ay receu les nouvelles du gentilhomme dont vous me parlies par la vostre precedente, et j'ay tres bien opiné du succes de ses affayres.

  A019003421 

 Je connois de vue celuy qui le poursuit, lequel, avec toutes les bonnes qualités que vous luy donnes, est de tres mauvaise mine..

  A019003422 

 J'admire les nouvelles que vous nous dites de Savoye, mais plus la premiere que la derniere, du sieur Bonfilz; nous en parlerons a loysir..

  A019003424 

 Je vous bayse les mains et suis de tout mon cœur,.

  A019003441 

 Dautant que l'Evesché de Geneve est de tres grand poidz et tire appres soy beaucoup de soing et de travail, tant pour la grande estendue de sa diocese que la voysinance de l'heresie de Geneve, outre les grandes fatigues que tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire François de Sales, moderne Evesque, faict aux predications et autres exercices spirituelz pour exciter les ames a luy commises a leur perseverance a la devotion: il Nous a semblé luy estre grandement necessaire un Coadjuteur, et que Nous ne pourrions faire nomination de personne plus digne et de plus de merite que de Reverend nostre tres cher, bien amé et feal, devot Orateur Jean François de Sales, frere dudict Evesque et premier Aulmosnier de Madame; lequel, pour sa bonne vie, doctrine et autres vertuz, et pour satisfaire au desir dudict Evesque, Nous avons nommé et presenté, et par ces presentes, en vertu du droict de nomination qui Nous appertient sur ledict Evesché, nommons et presentons a Nostre Tressainct Pere le Pape, pour Coadjuteur et futeur successeur audict moderne Evesque et Evesché de Geneve, suppliant Sa Saincteté de le vouloir aggreer et luy faire expedier ses Bulles et provisions a ce necessaires, moyenant lesquelles Nous voulons qu'il soit receu, admis et maintenu en la plaine et legitime jouissance de ladicte coadjutorie, aucthoritez, prerogatives et autres choses quy en despendent, sans aucune difficulté: car ainsy Nous plait..

  A019003457 

 Ce pendant, Je vous asseureray que Je cheriray tousjours avec passion les occasions qui vous pourront faire cognoistre que Je suis entierement,.

  A019003563 

 Celle-ci, de l'avis des Fondateurs, l'agréa, et bientôt les deux sœurs venaient commencer auprès d'elle leur noviciat..

  A019003563 

 Deux jeunes filles de Nevers souhaitèrent d'y être reçues; leur père, M. Bonsidat, honnête bourgeois fort considéré pour son mérite et sa probité, voulut les présenter lui-même à la Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard.

  A019003563 

 En route, les voyageurs rencontrèrent le baron de Lange; informé de leur dessein: «Il y a quelque chose de mieux à faire,» leur dit-il.

  A019003563 

 Et il expose le projet d'une fondation de la Visitation à Nevers même; les dots des demoiselles Bonsidat en feraient les premières avances, et, pour lui, il se chargeait d'obtenir les permissions nécessaires de l'Evêque, M gr Eustache de Saint-Phal, et de Charles de Gonzague-Clèves, suzerain du Nivernais.

  A019003563 

 Le Monastère de Moulins était établi depuis trois ans (1616), et la renommée de sa ferveur se répandait dans les provinces voisines, attirant les âmes désireuses de se donner à Dieu.

  A019003564 

 La Mère de Chantal savait de quels ménagements il fallait user avec une âme qu'on voulait sauver à tout prix; elle connaissait d'ailleurs l'incomparable condescendance de François de Sales, et, sans craindre de trop l'engager, elle écrit à M me du Tertre le 24 mars 1620: «Ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années.» Avec prudence, la Fondatrice ajoute: «Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles.» La réponse de l'Evêque de Genève est identique: «Que celte chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens... Mais... faites ce que» Dieu «vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.».

  A019003564 

 Telle n'était pas pourtant la décision prise; le Monastère de Moulins avait encore besoin de sa vénérée fondatrice; il fut donc résolu que la Supérieure de Nevers viendrait d'Annecy avec les Sœurs destinées à Paris et à Orléans.

  A019003565 

 Grâce à l'inlassable charité des deux Saints, on finit par s'entendre: en juin, les pièces furent signées à Paris et à Moulins..

  A019003565 

 M me du Tertre ne songeait qu'à se préparer à revêtir l'habit de la Visitation; ses parents, enchantés de sa résolution d'être Religieuse, lui faisaient pour le temporel «un bon parti,» non toutefois sans trainer en longueur les préliminaires du contrat, sans «faire des grandes assemblées de parents et de grands mystères,» qui ne plaisaient pas trop à la Mère de Chantal.

  A019003566 

 A Nevers, les permissions étaient obtenues.

  A019003566 

 M. Bonsidat, avec les dix mille livres de M me du Tertre, et trois mille avancées par le Monastère de Moulins, achetait, au mois de juin, des maisons et jardins, faisait faire les répations nécessaires pour recevoir les Religieuses..

  A019003568 

 Leur arrivée ne fit qu'envenimer les choses.

  A019003569 

 Si maintenant elle est persuadée par d'autres raisons et inclinations, qu'elle les suive; mais je vous supplie que ce soit en sorte qu'il ne s'ensuive point de brouillerie ni de procès.

  A019003570 

 C'est pourquoi, ma très chère Fille, je vous conjure que, pour éviter les maux et embarrassements que je prévois, vous laissiez à la Maison de Nevers ce que vous lui avez déjà donné irrévocablement, et ce que vous ne pouvez lui ôter sans faire soulever de grandes mutineries en ce lieu-là: chose qui nous serait insupportable et nous ferait tout quitter...Il restera assez à Moulins, et la Supérieure que Monseigneur de Genève a envoyée vous donnera pleine satisfaction, n'en doutez point.».

  A019003570 

 Les amis du Monastère de Moulins, par un zèle qui n'avait rien de désintéressé, n'entendaient pas qu'on portât ailleurs ces ressources, et M me du Tertre écoutait volontiers de tels conseillers.

  A019003570 

 «Quand les intérêts particuliers se fourrent parmi nos affaires,» continuait la Mère de Chantal, «ils nous font bien souffrir!» S'adressant à M me du Tertre elle-même: «Eh bien!» écrit-elle, «vous avez ouï et reçu des raisons et persuasions qui vous ont été faites pour demeurer à Moulins.

  A019003571 

 Elle pousse à la roue et travaille si bien pour arriver à ses fins, qu'une seconde fois la condescendance des saints Fondateurs surnage au-dessus de toutes les difficultés; l'échange des obédiences est autorisé, mais l'Evêque de Genève demande cependant pour la Mère de Bréchard un séjour «d'un mois ou deux» à Nevers, afin d'aider à l'installation.

  A019003571 

 Il avait fallu précipiter les événements; sur le conseil du R. P. Foissey, Recteur des Jésuites, et du Supérieur du Monastère de Moulins, la Mère Paule-Jéronyme était partie secrètement pour Nevers, avec les Sœurs Marie-Hélène de Chastellux, Françoise-Jacqueline de Musy, Marie-Péronne de Gerbais, Marie-Marthe Bachelier et Jeanne-Elisabeth Brugerat.

  A019003571 

 L'avis de la Mère de Chantal était que les obédiences fussent suivies; le Saint inclinait aussi pour ce parti.

  A019003571 

 La solution indiquée par la Sainte était conforme, pour le partage des biens, à celle que donna quelques jours plus tard François de Sales: que M me du Tertre demeure à Moulins avec ses vingt mille francs, et que les dix mille autres, déjà employés, appartiennent à la Maison de Nevers.

  A019003571 

 Mais si la future Sœur Marie-Aimée de Morville avait renoncé à [434] son premier projet, c'était surtout parce que, voyant les oppositions de la Ville, elle croyait que la Mère de Bréchard demeurerait en Bourbonnais.

  A019003572 

 La première, blâmée par ceux de Nevers comme leur ayant manqué de parole, se voyait à Moulins en butte aux calomnies: on lui attribuait faussement «le dessein premier de M me du Tertre;» on l'accusait d'avoir eu «de grandes passions pour aller à Nevers» et de s'être montrée «trop inflexible et sensible sur la rupture de ce dessein;» des esprits «plus curieux que charitables» allaient plus loin, et semaient contre la vénérable Mère les bruits les plus injustes..

  A019003572 

 Les deux Mères de Bréchard et de Monthoux payèrent cher leur abnégation.

  A019003574 

 François de Sales conseille à la Mère de Bréchard de relire «le chapitre De la Patience, de Philothee.» A la Mère de Monthoux, la Sainte répète: «Mon Dieu, ma très chère Fille, pourquoi [435] vous étonnez-vous de toutes les petites contradictions? N'en ayez pas la moindre émotion du monde.

  A019003574 

 L'une et l'autre eurent une vertu plus forte que les épreuves.

  A019003575 

 Le Saint, averti plutôt que consulté par la dame bienfaitrice, déclare que son vœu subsiste; et la Mère de Chantal multiplie ses lettres pour parer le coup qu'elle redoute: «Il faut, s'il vous plaît, contenter Monseigneur de Genève et le croire,» écrit-elle à M me du Tertre, «car pour nous, nous ne voulons avoir ni débat, ni procès; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix avec la sainte pauvreté, que tous les biens du monde et le moindre trouble... Or sus donc,... qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis; car nos pauvres Sœurs des deux Maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas accoutumé d'ouïr.» Et quatre jours après, elle expose les choses avec sa logique et sa clarté ordinaires à M. de Palieme, soutient le conseil donné par le Saint, supplie d'accepter ce moyen terme, et conclut: «Si après toutes ces raisons et prières très humbles, M me du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle fasse ce qu'il lui plaira; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous défendrons.

  A019003575 

 Les protecteurs du Monastère de Moulins, non contents de la somme qu'on lui abandonnait, réclamaient encore les dix mille francs qui avaient été livrés et employés à Nevers.

  A019003576 

 Les deux Supérieures de Moulins et de Nevers apaisèrent elles-mêmes leurs amis, et les amenèrent à acquiescer aux décisions de l'Evêque de Genève et de la Mère de Chantal.

  A019003576 

 Ses leçons furent comprises, et les Mères de Bréchard et de Monthoux se montrèrent dignes de leur Père et prêtes à tous les sacrifices.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A020000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A020000022 

 Ce qui empêche une âme d'être submergée par les eaux de la tribulation.

  A020000029 

 — Les grâces qui accompagnent celle de la Profession religieuse.

  A020000030 

 — Où nous conduisent les afflictions. 30.

  A020000031 

 — Aimer Dieu dans les consolations, mais surtout dans les peines et les adversités. 31.

  A020000034 

 Les raisons qui plaident en faveur de M. Gard pour lui obtenir un canonicat. 33.

  A020000036 

 Etre fidèle dans les petites occasions, pour obtenir de l'être dans les grandes.

  A020000036 

 — Les « ennemies de la devotion.

  A020000046 

 — Les Anges, d'avis différents, s'unissant dans l'amour à la volonté de Dieu.

  A020000047 

 Les plaintes de M me de Montfan; trois partis qu'elle propose pour sa fille.

  A020000047 

 — L'Evêque de Genève ne peut rien dire sur les deux premiers.

  A020000053 

 — Effet que doivent produire en l'âme les souffrances intérieures. 52.

  A020000055 

 L'installation d'un martinet dans les terres du baron de Thorens.

  A020000056 

 — Sévère réprimande; les ruses de l'amour-propre démasquées.

  A020000057 

 On ne peut avoir les mérites du Calvaire avec les consolations du Thabor.

  A020000057 

 — Aversion de l'Evêque de Genève pour les procès.

  A020000074 

 Advis particulier pour les necessités presentes de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, fondee par Son Altesse a Thonon.

  A020000075 

 — Les scandales de l'abbaye d'Aulps. 74.

  A020000077 

 — A Dieu de guérir les coeurs.

  A020000081 

 — Edification donnée par les Sœurs d'Annecy.

  A020000083 

 — Mieux vaut perdre une fille spirituelle que de manquer à la sincérité envers les âmes. 82.

  A020000085 

 — Paris et les montagnes de Savoie.

  A020000087 

 Dieu, qui donne les charges, donne en même temps son secours pour les remplir.

  A020000089 

 » — Le retour de la Mère de Chantal et les inclinations du Fondateur.

  A020000089 

 — Il faut souffrir les lenteurs des officiers de la Cour de Rome, puisqu'on s'est inopportunément mis à leur merci.

  A020000089 

 — Le Saint revise les Constitutions de son Institut.

  A020000090 

 La bonne « affaire que de n'avoir point de proces! » — Félicitations à la destinataire de ce qu'elle fait pour les éviter.

  A020000091 

 » — Contradictions au sujet de l'Office récité par les Sœurs de la Visitation.

  A020000091 

 — Ce que doivent faire les « enfans du travail et de la mort de nostre Sauveur.

  A020000100 

 Quels sont les services que Dieu préfère.

  A020000102 

 Ce que sont pour l'Evêque de Genève les lettres et l'âme de la Mère de Chantal; désir de la revoir en Savoie.

  A020000102 

 — Dijon va recevoir les Filles de Sainte-Marie.

  A020000102 

 — Les Constitutions de la Visitation et le privilège du petit Office.

  A020000114 

 — Les Sœurs de la Visitation en leur monastère.

  A020000117 

 — Difficultés à Dijon pour l'établissement de la Visitation; les protecteurs du futur Monastère.

  A020000117 

 — En quel cas on peut permettre l'entrée des personnes affligées dans les couvents.

  A020000117 

 — Prière à la Mère de Chantal de revoir les Constitutions.

  A020000118 

 Les désirs de M me de Port-Royal d'entrer à la Visitation.

  A020000128 

 — Les désirs de M. de Sonnaz.

  A020000130 

 Défaut de surnaturel dans les « meres temporelles, » — Ne pas regarder ses pensées.

  A020000130 

 — Grands et petits esprits, — D'où proviennent quelquefois les ardeurs et les indifférences. 127.

  A020000131 

 — Ne pas établir son cœur sur les choses de ce monde.

  A020000132 

 — La Providence divine sur les êtres sans raison et sur ses servantes. 129.

  A020000135 

 — Les affections qui naissent de la contemplation de la crèche.

  A020000137 

 Que faire quand on se voit toujours retomber dans les mêmes imperfections? — Une leçon qu'il faut apprendre.

  A020000138 

 — Son amour pour les âmes, tout surnaturel. 135.

  A020000140 

 — Comment il faudrait traiter les choses pieuses et saintes pour détourner habilement les âmes de la lecture des romans.

  A020000143 

 — Un mot de Trajan et les paroles de l'Apôtre.

  A020000144 

 Pensée du Saint sur le monde et les mondains.

  A020000147 

 — Conduite à tenir envers les calomniateurs.

  A020000152 

 L'Evêque n'a autorité que sur les Religieuses qui ont fait profession dans son diocèse, et celles-ci appartiennent toujours au Monastère où elles ont prononcé leurs vœux.

  A020000152 

 — Formalités à remplir pour les fondations.

  A020000153 

 — Les « troys douces paroles » de sainte Blandine.

  A020000154 

 Les Constitutions de la Visitation à Sixt. 150.

  A020000156 

 Remerciements pour des faveurs passées; prière de les continuer aux Sœurs de la Visitation de Paris.

  A020000157 

 — Quelques mots sur les futures fondatrices du Monastère de Dijon. 152.

  A020000158 

 — Loisir trop court pour toutes les lettres que le Saint voudrait faire. 154.

  A020000160 

 — Les « douces Filles » du bienheureux Fondateur. 157.

  A020000163 

 — Nécessité de maintenir l'uniformité dans tous les Monastères de la Visitation.

  A020000165 

 — Les pensées d'amour-propre ne peuvent nuire à une âme qui considère souvent son néant.

  A020000166 

 Encore la cure de Rumilly et les Pères de l'Oratoire. 161.

  A020000169 

 Les contradictions au service de Dieu.

  A020000170 

 — Avertissement paternel d'épargner davantage sa santé, et un peu moins « les moyens.

  A020000171 

 Les nouvelles que le Saint attend.

  A020000172 

 — Les privilèges des fondatrices de Monastères devant Dieu et devant les hommes.

  A020000174 

 — Comment employer les bonnes inclinations naturelles. 168.

  A020000174 

 — Laisser les appréhensions et les craintes, et se confier en Dieu.

  A020000191 

 — Les larmes de Vendôme. 182.

  A020000195 

 — les traductions de D. Jean de Saint-François. 188.

  A020000200 

 Les meilleures réponses.

  A020000200 

 — Quand Dieu parle, il ne faut pas contester, mais regarder l'Evangile et en suivre les maximes.

  A020000207 

 — Rien de secret dans les Constitutions de l'Institut; rien de cabalistique dans les paroles et les écrits du Fondateur.

  A020000209 

 — « Les defautz qui arrivent en une bonne œuvre n'en gastent pas la bonté essentielle.

  A020000210 

 » — Les effets du sens humain.— Ne pas recevoir des bienfaitrices qui exigent trop de conditions.

  A020000210 

 » — Souvenir affectueux pour les enfants de la Mère de Chantal. 205.

  A020000212 

 — Les Religieuses des différents Ordres se doivent estimer et aimer.

  A020000213 

 — Des bienfaitrices peuvent être admises dans les monastères quand elles n'en veulent sortir que rarement.

  A020000217 

 Au mépris des ordres du prince, les prébendes vacantes de Contamine ont été attribuées à des Religieux de Cluny.

  A020000222 

 Annecy foulé par les troupes.

  A020000222 

 — Excès auxquels menacent de se livrer les soldats.

  A020000225 

 Un nom dont les Bernardines doivent se rendre dignes avant de l'adopter pour leur Congrégation. 220.

  A020000226 

 — L'à-propos d'une assemblée devant le prince Thomas pour les affaires de la Sainte-Maison. 221.

  A020000227 

 Projet d'itinéraire pour la Mère de Chantal; désir du Fondateur qu'elle visite les nouvelles Maisons.

  A020000265 

 Et avec cette occasion, je vous fay une tres humble recommandation des droitz de monsieur de la Tour d'Arrerex, present porteur, le bien et les affaires duquel je dois affectionner pour plusieurs raisons; qui suis de tout mon cœur et seray toute ma vie,.

  A020000284 

 Quand je sceu le desir que M me la Marquise de Lulin avoit de voir une Mayson de vostre Institut a Thonon, [2] j'en remerciay Dieu de tout mon cœur et tesmoignay, en la façon que je peu, combien j'avois receu de contentement de l'advis que j'en avois; car j'ay tous-jours cheri, estimé et honnoré les exercices de tres grande charité que vostre Congregation prattique, delaquelle j'ay aussi tres affectueusement desiré la propagation, et mesme en cette province de Savoye: comme en effect, sur quelque esperance qu'aucuns de la Compaignie de Jesus du college de Chamberi m'avoyent donné qu'on pourroit en eriger une Mayson en ce lieu la, j'obtins un brevet de permission pour cela de Son Altesse Serenissime..

  A020000285 

 Qui me fait vous prier bien humblement, ma tres chere Seur, [3] de contribuer a ce projet tout ce que, selon Dieu, vous pourres, ne doutant point que ce ne soit la plus grande gloire de Dieu et l'advancement et establissement de plusieurs ames en la pieté, et en fin une tres grande consolation pour les premieres qui viendront s'employer a ce bon œuvre..

  A020000315 

 Le parfum de votre douceur et de votre bienveillante bonté attire à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, comme à une [4] forteresse et à une maison de refuge, tous les malheureux et tous les accablés de dettes.

  A020000317 

 Je baise avec humilité vos mains sacrées, et je supplie le Dieu tout-puissant de conserver et de protéger le plus longtemps et le plus heureusement possible Votre Seigneurie Illustrissime qui sait relever les mains fatiguées et fortifier les genoux affaiblis..

  A020000378 

 Je salue les deux cheres filles..

  A020000434 

 Je vous juge digne de compassion, ma tres chere Fille, vous voyant agitee de tant de sortes d'afflictions; mays vous series bien plus a plaindre si Dieu ne vous tenoit de sa tressainte main dans la resolution en laquelle il vous a mise de vouloir a jamais estre toute sienne; car sans cela, ma tres chere Fille, vostre ame ne seroit pas seulement agitee, ains elle seroit tout a fait submergee sous l'effort de tant d'adversités, et les eaux de la tribulation vous auroyent des-ja ensevelie dedans leurs ondes.

  A020000447 

 En fin, Monsieur mon tres cher Frere, voyla, comme je pense, l'esperance de nostre voyage, ou plustost de [15] nostre conversation au voyage, tout a fait dissipee; mais, quel remede? Demeures en paix, mon tres cher Frere, et demeurons, malgré la distance des lieux, tous-jours tres unanimement serrés ensemble par ce lien indissoluble de nostre sainte amitié, que Dieu a fait et a rendu exempt de tout le dechet que la distance et absence a accoustumé de faire sur les amitiés humaines et transitoires: n'est ce pas, mon tres cher Frere?.

  A020000469 

 De sorte donq que les Papes meurent aussi bien que les pauvres gens, et que voyla le voyage de France ou tout a fait rompu, ou grandement differé.

  A020000508 

 Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Prêtres de la Mission, rue de Sèvres.

  A020000515 

 Si faut, ma tres chere Mere, il faut redire les Pseaumes qui se seront ditz tandis que vous dormies, et se confesser dequoy vous ne les aves pas reditz; car ce sont des parties notables de l'Office que vous estes obligee de dire, mais non pas sil ny avoit que trois ou quatre versetz..

  A020000528 

 Quelles chimeres de nouvelles! moy? qu'on m'ayt voulu tuer? Les bons ne me tueront pas, parce qu'ilz sont bons; ni les mauvais, parce que je ne suis pas bon.

  A020000539 

 Il est tout vray, ma tres chere Fille; mais [23] bienheureux sont les pauvres, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A020000539 

 Vous deves avoir devant les yeux la souffrance et patience de Job, et considerer ce grand prince sur le fumier; il eut patience, et Dieu en fin luy redoubla ses biens temporelz et luy centupla les eternelz..

  A020000541 

 Ainsy je l'en supplie de tout mon cœur, et qu'a mesure qu'il vous envoye des tribulations, il vous fortifie a les bien supporter en sa sainte garde..

  A020000550 

 Je sçai, ma tres chere Fille, je sçai bien la multitude de vos travaux, et ne les puis nullement sçavoir sans les ressentir.

  A020000551 

 Mais, ma tres chere Fille, vous estes tous-jours presente a mes Messes, ou j'offre au Pere celeste son Filz bienaymé, et, en l'union d'iceluy, vostre chere ame, affin qu'il luy playse de la recevoir en sa sainte protection et luy departir son tressaint amour, notamment en l'occasion des proces et affaires que vous aves avec le prochain; car c'est la ou il y a plus de peine de tenir ferme pour la douceur et humilité, tant exterieure qu'interieure, et j'y voy les plus asseurés bien empeschés: c'est pourquoy cette tribulation me donne plus de crainte pour les ames que j'ayme le plus.

  A020000552 

 Aymes le bien, ma chere Seur, en vos retraittes que vous faites pour le prier et adorer; aymes le quand vous le receves en la sainte Communion; aymes le quand vostre cœur sera arrousé de sa sainte consolation; mais aymes le sur tout quand il [25] vous arivera des tracas, des importunités, des secheresses, des tribulations; car ainsy vous a-il aymé en Paradis, mais encor a-il plus tesmoigné d'amour en vostre endroit parmi les fouetz, les clouz, les espines et les tenebres de Calvaire..

  A020000552 

 Quelles benedictions vous puis je souhaiter plus aymables que celles la, d'estre fidele a Nostre Seigneur parmi les adversités de toutes sortes qui vous agitent? car le souvenir que j'ay de vostre ame ne m'arrive jamais qu'avec mille souhaitz que je fay pour vostre avancement en l'amour de ce bon Dieu.

  A020000582 

 Il vous playse donq, Monsieur, de les faire chercher, et, comme je croy, ilz seront aysés a treuver, puisqu'ilz sont en quatre ou cinq feuilles jointes ensemble; car, quant a la forme en laquelle la demande doit estre faite a Romme, c'est chose qu'il faut qui se face a Romme mesme..

  A020000582 

 Mais M. de Calcedoine, mon frere, m'asseure que vous, Monsieur, aves receu les articles du projet qui en fut fait icy et que j'envoyay il y a bien long tems, et que Monseigneur le Serenissime Prince vous l'avoit remis pour les faire traduire en italien, pour les donner a [27] M. d'Aglié qui devoit aller a Romme.

  A020000582 

 Par la lettre que Monseigneur le Serenissime Prince m'a fait despecher, il me commande encor de luy envoyer un Memoyre des concessions qu'il faut obtenir a Romme pour la restauration de la discipline ecclesiastique deça les montz.

  A020000607 

 Si le tems n'empire point, je pense partir demain pour aller a Lion, et par ce voyage, je serois bien ayse si je [29] pouvois esclarcir le cœur de M. Magnin avec le Frere Adrien, et que le Frere Adrien accommodast pour une bonne fois toutes les affaires que l'on a de cette ville a Lyon pour ce qui regarde la soye.

  A020000638 

 Il faut donq bien correspondre a toutes les faveurs du Ciel, ma tres chere Fille, car elles vous sont sans doute donnees affin que vous les facies proffiter a la gloire de Celuy qui vous gratifie, et a vostre salut.

  A020000639 

 Or sus, en ce nouvel estat de mariage auquel vous estes, renouvelles souvent les resolutions que nous avons si souvent faites de vivre saintement et vertueusement, de quelle condition que Dieu nous fist estre.

  A020000660 

 J'ay fait asses heureusement mon petit voyage, et ay escrit a nostre filz par M. Sappin, qui partit de Lyon pour Avignon il y aura demain trois semaines, et qui me promit de m'en rapporter des nouvelles avant [les] festes..

  A020000677 

 Quand le bon Pere Arviset m'a dit l'autre jour a Lion que nostre bon pere estoit trespassé, je vous asseure que je fus touché vivement de la passion que les enfans ont accoustumé de sentir quand leur pere les quitte; car je le respectois et honnorois ainsy finalement, ce bon pere, qui m'y avoit obligé en autant de façons qu'il se pouvoit faire..

  A020000679 

 Je le seray de mon costé en affection, et n'oublieray jamais l'extreme devoir que j'ay a la memoire de ce pere et au service de sa posterité; vous suppliant encor, Messieurs, de me permettre qu'avec cette lettre je dise la mesme verité et face la mesme priere a mesdamoyselles vos cheres espouses, desquelles j'estime et ayme infiniment les bonnes et devotes ames, et ausquelles, comme a vous, je ne cesseray jamais de souhaitter les plus favorables benedictions du Ciel, demeurant a tous-jours de tout mon cœur, Messieurs,.

  A020000692 

 Je vous prie de recommander mon ame a la misericorde de Nostre Seigneur en tous les saintz lieux que vous [38] visiteres en ce voyage de Rome.

  A020000693 

 A Rome, vous parleres avant toutes choses a M. Beybin, et luy communiqueres tous vos Memoires, tant pour les Seurs de la Visitation de Sainte Marie, que pour la Visitation des Sueilz des Apostres et l'acceptation de l'alternative; et suivres en tout son conseil..

  A020000694 

 Mais il ne faut pas les employer qu'avec discretion et reserve, comme encor M. le chevalier de Lescheraine, qui, en cas de besoin, suppliera Monseigneur le Prince Cardinal de favoriser cette affaire..

  A020000694 

 Vous ne laisseres pas pourtant de voir au plus tost le [39] Pere Diegue et le Pere Dom Sens de Sainte Catherine, jadis General des Feuillans, auquel vous remettres la lettre qui est pour Monseigneur le Cardinal de Sainte Suzanne, car je m'asseure que tant ledit Pere Dom Sens que le Pere Diegue s'employeront volontier pour l'affaire des Seurs de la Visitation, selon que je les en supplie.

  A020000697 

 Il faut prendre l'Estat de ce diocese entre les mains du Pere Dom Juste, et changer le mieux qu'il se pourra la date.

  A020000705 

 Et vous en supplie donq tres humblement, bien ayse d'avoir ce petit sujet de vous rafraichir les offres de mon service, qui suis,.

  A020000705 

 Il n'est nul besoin que l'on vous recommande les œuvres pies, que vous embrasses, graces a Dieu, avec tant de charité; mays puisque monsieur de Vege, passant icy, a desiré que je vous suppliasse de le favoriser, et sa partie, d'un soin particulier pour leur accommodement, je le fay volontier, comme parent de l'une et ami de toutes deux.

  A020000726 

 Mays ce n'est pas la seule preuve que j'ay eüe de vostre bienveuillance en mon endroit, y ayant si long tems que vous m'aymes et que j'ay esté obligé a vous honnorer pour la pieté et probité, jointes au zele et a la prudence dont Dieu vous a doué, me resouvenant fort bien de ce que vous aves fait pour le service de l'Eglise et le bien de vostre païs en toutes les occurrences.

  A020000727 

 Or, comme apres Dieu vous aves le veritable honneur de l'establissement de cet Ordre a Saint Maurice, aussi pouvés vous grandement participer a celuy de l'establissement du mesme Ordre a Syon, ou je sçai que de long tems tous les bons le desirent.

  A020000746 

 C'est de tout mon cœur que je me res-jouis avec nostre tres chere signora D. Genevra du bon œuvre qu'ell'a fait, donnant dequoy jetter les fondemens de vostre eglise de cette ville, et je l'en remercie aussi par la lettre ci jointe..

  A020000766 

 Je vous rens mille actions de graces du portrait de la [46] bien heureuse Seur Marie de l'Incarnation, et ne sçai ce que je pourrois recevoir de plus utile et aggreable a mon ame; puisque d'un costé j'ay un amour si plein de reverence pour cette sainte personne, et d'autre part, une si grande necessité de resveiller souvent en mon esprit les pieuses affections que sa veuë et sa tressainte communication a excitees autrefois en moy, tandis que six mois durant j'estois presque son confesseur ordinaire, et que, pour tant de diverses occasions du service de Dieu, elle me parloit et entretenoit presque tous les jours..

  A020000778 

 Elle vous aura dit toutes ses raysons en meilleurs termes que je ne sçaurois vous les representer, ormis peut estre celle-la, que vostre religieuse Mayson luy a une tres grande obligation, ainsy que vous mesmes m'aves escrit.

  A020000779 

 Hé, mon Dieu, ny a-il moyen que l'on ayde ces deux dames a la connoistre, cette sainte volonté? car je suis asseuré qu'elle les rangeroit toutes deux a son obeissance..

  A020000779 

 Je confesse que je ne sçai comme il se peut faire qu'une mere de tant d'esprit, de perfection et de pieté, et une fille de si grande vertu et devotion, ne demeurent tout a fait unies en ce grand Dieu, qui est le Dieu d'union et de conjonction; mais je sçai bien pourtant que cela se fait, et que mesme les Anges, sans cesser d'estre Anges, ont des contraires volontés sur un mesme sujet, sans pour cela estre en division ni en dissention, parce que ilz sont parfaitement amoureux de la volonté de Dieu, laquelle, soudain qu'elle paroist, est embrassee et adoree de tous eux.

  A020000781 

 Mais je ne sçai non plus que dire sur cela, ne sachant pas quell'est la vocation du Ciel et voyant les enfans de M me de Dalet si petitz..

  A020000782 

 Saint François ne pouvoit gouster l'amas des fourmis; mais il me semble qu'une fille qui a des moyens ne doit jamais les espargner pour sa mere, je dis mesme pour son repos et juste contentement..

  A020000782 

 Une chose seule me touche plus que les autres de tout ce que cette dame m'escrit: c'est ce qu'elle dit que sa fille fait bourse a part parmi tant de peynes et travaux qu'elle void a sa mere, sans la soulager de son assistence.

  A020000783 

 Je vous escris la teste pleyne d'affaires et entre plusieurs tintamarres, et de plus, je vous escris a tastons; car je sçai bien que pour bien parler en cette occasion, il faudroit ouyr bien au long les parties.

  A020000784 

 Au reste, elle ne desire de vous sinon que vous employiés vostre entremise pour moderer le zele que sa bonne fille a a ses retraittes, qui est chose qui ne se peut ni doit refuser, la moderation estant tous-jours bonne en tous les exercices, ormis en celuy de l'amour de Dieu, qu'on ne doit aymer par mesure, ains tout fait « sans mesure.

  A020000784 

 » Employes vous donq bien a cette moderation, a laquelle il sera bien aysé de reduire cette bonne fille, [50] puisque sa bonne mere luy permet qu'elle aille jouyr de la devotion en paix toutes les grandes festes de l'annee, et, outre cela, de six semaines en six semaines trois jours, qui est beaucoup..

  A020000795 

 Je serois bien en peine de vous escrire sur le sujet qui me convie si je n'estois authorisé de madame vostre mere; [51] car a quel propos oserois je mettre la main aux affaires qui se passent entre vous deux, et vous parler de vostre conscience, moy qui sçai que vous estes l'unique digne fille d'une si digne mere, pleyne d'esprit, de prudence et de pieté? Mais puisqu'il le faut, sous cette si favorable condition, je vous diray donq, Madame, que madame vostre mere m'escrit tout ce qu'elle vous a dit et fait dire [52] par plusieurs excellens personnages en comparayson desquelz je ne suis rien, pour vous ranger au desir qu'elle a que vous ne l'abandonnies de vostre assistence filiale en cette grande presse d'affaires temporelles en laquelle les occurrences que vous sçaves ont poussé sa mayson, qu'elle ne peut supporter de voir tomber sous le faix, et sur tout faute de vostre secours qu'elle tient y estre seul et uniquement necessaire..

  A020000796 

 Elle met dans sa lettre vos excuses pour les deux premiers partis, car elle dit que vous aves voué a Dieu vostre chasteté, et que vous aves quatre bien petitz enfans, desquelz deux sont des filles; mais pour le troysiesme je ne voy rien dans sa lettre..

  A020000796 

 Elle propose troys partis pour cela: ou que vous vous retiries tout a fait en Religion, affin que les creanciers ne vous desirent plus pour caution et que la disposition des biens de vos enfans luy soit libre; ou que vous vous remanies avec les advantages qui vous sont offertz; ou que vous demeuries avec elle avec une seule bourse.

  A020000799 

 Entre les ennemis, l'extreme necessite rend toutes choses communes; mais entre les amis, et entre de telz amis comme sont les filles et les meres, il ne faut pas attendre l'extreme necessité, car le commandement de Dieu nous presse trop.

  A020000799 

 Il faut en ce cas relever le cœur et les yeux en la providence de Dieu, qui rend abondamment tout ce que l'on donne sur sa sainte ordonnance.

  A020000800 

 Au reste, pour vos exercices spirituelz, madame vostre mere se contente que vous les facies a vostre accoustumee, ormis pour vos retraittes a Sainte Marie, qu'elle desire estre limitees aux grosses festes de l'annee, et, [outre] cela, a troys jours sur chaque quarantaine.

  A020000801 

 Elles ont souvent de la jalousie; si on s'amuse un peu hors de leur presence, il leur est advis qu'on ne les ayme jamais asses et que l'amour qu'on leur doit ne peut estre mesuré que par le desmesurement.

  A020000801 

 Hé! Dieu est si bon que, condescendant a cela, il estime les accommodemens de nostre [54] volonté a celle de nos meres comme faitz pour la sienne, pourveu que nous ayons son bon playsir pour fin principale de nos actions..

  A020000801 

 O mon Dieu, ma chere Dame, qu'il faut faire des choses pour les peres et meres, et comme il faut supporter amoureusement l'exces, le zele et l'ardeur, a peu que je die encor l'importunité de leur amour! Ces meres, elles sont admirables tout a fait: elles voudroyent, je pense, porter tous-jours leurs enfans, sur tout l'unique, entre leurs mammelles.

  A020000802 

 Or sus, vous aves la Moyse et les Prophetes, c'est a dire tant d'excellens serviteurs de Dieu: escoutes les.

  A020000814 

 Il n'estoit pas besoin, pour me faire affectionner vostre [55] desir, que les Reverens Peres Coton et Duchesne, que j'honnore infiniment, employassent leur persuasion, car vostre seul nom me faisoit asses connoistre ce que je vous dois; et ma Seur Favre m'avoit, des le commencement qu'elle fut a Montferrand, si vivement exprimé la consideration qu'elle fait de vos dignes qualités, que je ne pourrois pas n'avoir du sentiment de vos afflictions quand vous me les eussies proposees, et mesme avec cette vivacité d'eloquence que vous aves tesmoignee en vostre lettre, capable d'esmouvoir un cœur de pierre..

  A020000815 

 Neanmoins, Madame, je me range a vostre intention et escris a madame de Dalet et a ma Seur Favre, courtement, parce qu'elles sçavent bien toutes vos raysons, et parce que vostre homme m'a treuvé ayant mon Sinode sur les bras, qui me tient a l'esprit et au cœur.

  A020000847 

 Livre de l' Amour de Dieu; mais surtout voyes le premier chapitre, et encor les 9.10.

  A020000847 

 Voyes, je vous supplie, les trois premiers chapitres du 2.

  A020000862 

 Mays puisqu'il le veut, je le fay tres humblement, Monseigneur, et avec luy encor l'affaire de la reformation des Monasteres de deça les montz et l'establissement si necessaire des Peres de l'Oratoire a Thonon et Rumilly; qui suis a jamais, de Vostre Altesse Serenissime,.

  A020000878 

 Les amitiés des enfans du monde sont de la nature du monde: le monde passe, et toutes ses amitiés passent, mais la nostre, elle est de Dieu, en Dieu et pour Dieu: Ipse autem idem ipse est, et anni ejus non deficient.

  A020000892 

 Helas! je regrette les pechés des calomniateurs, mais cette injure receue est une des meilleures marques de l'approbation du Ciel; et, affin que nous sceussions entendre ce secret, nostre Sauveur luy mesme de combien de façons a il esté calomnié! Oh! que bienheureux sont ceux qui endurent persecution pour la justice!.

  A020000919 

 Et faysant peser et bien marquer lesditz outilz, ilz seront rendus bien conditionnés toutes les fois que vous le desireres, ou ladite Sainte Mayson..

  A020000919 

 Puysque la Sainte Mayson n'employe pas a present les outilz qu'ell'a pour un martinet, et que mesme les Peres Chartreux ne s'en servent point, je vous prie de les faire prester a mon frere de Thorens, qui fait dresser maintenant un martinet.

  A020000937 

 Mais pourquoy vous dis je cela? Parce, ma tres chere Fille, que je ne vous ay pas escrit si souvent que vous eussies peut estre desiré, et que quelquefois on fait jugement des affections plus par les feuilles de papier que par les fruitz des veritables sentimens interieurs, qui ne paroissent qu'es occurrences rares et signalees, et qui sont plus utiles..

  A020000939 

 Jusques a quand sera ce, ma tres chere Fille, que vous pretendres d'autres victoires sur le monde et l'affection a ce que vous y pouves avoir, que celles que Nostre Seigneur en a remportees et a l'exemple desquelles il vous exhorte en tant de façons? Comment fit-il, ce Seigneur de tout le monde? Il est vray, ma Fille, il estoit le Seigneur legitime de tout le monde: et plaida il jamais pour avoir seulement ou recliner sa teste? On luy fit mille tortz: quel proces en eut il jamais? devant quel tribunal fit il jamais citer personne? Jamais, en verité, ains non pas mesme il ne voulut citer les traistres qui le crucifierent devant le tribunal de la justice de Dieu; au contraire, il invoqua sur eux l'authorité de la misericorde.

  A020000940 

 Que le monde fremisse, que la prudence de la chair se tire les cheveux de despit, si elle veut, et que tous les sages du siecle inventent tant de diversions, pretextes, excuses qu'ilz voudront; mais cette parole doit estre preferee a toute prudence: Qui te veut oster ta tunique en jugement, donne luy encor ton manteau..

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000942 

 Mais quel peché? Peché, parce que par ce moyen ilz scandalizoyent les mondains infideles qui disoyent: Voyes comme ces Chrestiens sont Chrestiens! leur Maistre dit: A qui te veut oster ta tunique, donne luy encor ton manteau; voyes comme pour les biens temporelz ilz mettent en hazard les eternelz, et l'amour tendre et fraternel qu'ilz doivent avoir les uns pour les autres.

  A020000942 

 Mays escoutes, ma Fille, escoutes le sentiment et le conseil de cet homme qui ne vivoit plus en luy mesme, mais Jesus Christ vivoit en luy: Pourquoy, adjouste il, pourquoy n'endures vous pas plustost qu'on vous de fraude? Et notes, ma Fille, qu'il parle non a une fille qui aspire d'un air particulier, et apres tant de mouvemens, a la vie parfaitte, mais a tous les Corinthiens; notes qu'il veut qu'on souffre le tort; notes qu'il leur dit qu' il y a de la coulpe pour eux de plaider contre ceux qui les trompent ou defraudent.

  A020000943 

 Les habitans de Babylone n'entendent point cette doctrine, mais les habitans du mont Calvaire la prattiquent.

  A020000948 

 Certes, en somme, nous n'aymons pas les croix, si elles ne sont d'or, emperlees et esmaillees.

  A020000962 

 C'est la verité: on parle perpetuellement d'estre enfant de l'Evangile, et personne presque n'en a les maximes entierement en l'estime qu'il faut.

  A020000962 

 Nous avons trop de pretentions et de desseins, nous voulons trop de choses: nous voulons avoir les merites du Calvaire et les consolations de Thabor tout ensemble, avoir les faveurs de Dieu et les faveurs du monde..

  A020000964 

 Est il possible que ses seurs ne lui veuillent rien donner? Mais si cela est, est il possible que les enfans de Dieu veuillent avoir tout ce qui leur appartient, leur Pere Jesus Christ n'ayant rien voulu avoir de ce monde qui luy appartient? O mon Dieu, que je luy souhaite de biens, mais sur tout la suavité et la paix du Saint Esprit, et le repos qu'elle doit avoir en mes sentimens pour elle; [74] car je puis dire que je sçay qu'ilz sont selon Dieu, et non seulement cela, mais qu'ilz sont de Dieu.

  A020000978 

 Je vous prie d'assister M. le Curé de Vuallier pour le retirement des 400 florins, desquelz on en donnera 150 a M. Sonnerat, et a chacun des trois curés qui ont servi a Draillans, 50; les utres cent demeureront es mains dudit sieur curé de Vuallier, a conte des despens supportés et de ceux qu'il faudra encor supporter au premier jour..

  A020000998 

 Apres donq avoir invoqué son Saint Esprit, je vous dis que je ne voy nulle juste occasion en tout ce que vous me dites et que madame vostre mere me dit, pour laquelle vous devies violer le vœu que vous aves fait de vostre chasteté a Dieu; car la conservation des maysons n'est pas considerable sinon pour les princes, quand leur posterité est requise pour le bien publiq.

  A020001001 

 Mais, Madame, si vous pouves l'ayder sans endommager notablement vos enfans, comme il semble apparemment que vous le puissies faire, puisque vous estes unique et que tout ce que vous pourres empescher d'estre vendu demeurera en fin a vos enfans, monsieur vostre pere et madame vostre mere ne pouvant avoir d'autres heritiers, il m'est advis que vous le deves faire; car ce ne sera qu'abandonner vos moyens d'une main et les reprendre de l'autre..

  A020001004 

 Et je vous supplie, Madame, de ne point vous mettre en aucune consideration qui vous puisse oster la liberté de m'escrire, puisque je suis et seray des-ormais tout a fait et sans reserve vostre tres humble et tres affectionné serviteur, qui vous souhaitte le comble des graces de Nostre Seigneur, et sur tout un progres continuel en la tressainte douceur de charité et la sacree humilité de la tres aymable simplicité chrestienne; ne me pouvant empescher de vous dire que j'ay treuvé parfaitement douce la parole que vous mettes en vostre lettre, disant que vostre mayson est des communes et rien plus; car cela est cherissable en un aage ou les enfans du siecle font de si gros broüa de leurs maysons, de leurs noms et de leurs extractions..

  A020001004 

 Oh! s'il eust pleu a Dieu que je vous eusse veuë a Lyon, que de consolation pour moy, et combien plus certainement et plus clairement j'eusse peu vous expliquer mon sentiment! Mais puisque cela n'a pas esté, je m'attendray a recevoir vos repliques, s'il vous semble que j'aye manqué a comprendre le fait que vous m'aves proposé, et je m'essayeray a reparer les manquemens.

  A020001057 

 Bien qu'il semble qu'il n'importe pas beaucoup de sçavoir a qui les prieurés et abbayes que l'on veut unir appartiennent, puisque on ne pretend pas d'unir les portions des Abbés et Prieurs, ains seulement celles des moines, si est ce que, pour obeir a Son Altesse, je marque icy les noms des possesseurs des dittes abbayes et des prieurés: [82].

  A020001073 

 Le Saint Sepulcre les Annessi, a M. Claude de Menthon de Montrottier, commendataire, L'abbaye d'Autecombe, a M, l'Abbé de la Mente..

  A020001075 

 Les monasteres des filles appartiennent comme s'ensuit:.

  A020001076 

 Sainte Claire hors ville de Chamberi, a dame de Rubod; [85] Bonlieu, a dame de Lucey; Sainte Catherine les Annessi, a dame Peronne de Cirisier; Le Betton, a dame Saint Agnes..

  A020001103 

 C'est pourquoy, Monseigneur, laditte dame ayant quelques affaires a Paris, et estant conseillee d'y envoyer plus tost son filz que d'y aller elle mesme pour les conclure, ell'en demande les commandemens de Vostre Altesse Serenissime, sous lesquelz et elle et son filz veulent a jamais vivre en tres humble sousmission et obeissance.

  A020001103 

 Et si Vostre Altesse l'a aggreable, tandis que son filz sera la, il employera les heures qui luy resteront apres ses affaires aux exercices convenables a sa condition, affin qu'a son retour il ne soit pas treuvé moins capable de l'honneur et du bonheur qu'il a d'estre tous-jours au service particulier de la personne de Vostre Altesse..

  A020001122 

 Je respons a vostre lettre, et correspons, autant que je le puis, a vos desirs, vous asseurant que je laisseray le plus long tems que le service de Dieu me le permettra ma Seur Marie Jacqueline Favre au monastere ou, par vostre pieté, elle se treuve maintenant, et ou je suis grandement consolé qu'elle employe les graces que la divine Providence luy departira.

  A020001128 

 A Messieurs les Consulz et habitans.

  A020001137 

 A moy ne tienne que la bonne Seur Marie entre en la Mayson [90] de la Visitation de Valence toutes les fois qu'il luy plaira, et M lle de Conches aussi, asseuré qu'elles y [91] porteront des unguens et parfums de devotion qui seront de grande utilité pour encourager les Seurs.

  A020001138 

 Je partiray la semaine qui vient pour aller a Thonon, ou je ne seray que huit ou dix jours, pendant lesquelz nous parlerons bien de vous, le bon pere et les freres et moy; ilz se portent tous tres bien.

  A020001138 

 Les [filles] qui doivent venir icy [le feront environ] le tems marqué, avant que je parte; ce pendant elles donneront ordre a leurs affaires et a l'asseurance de leur dot..

  A020001151 

 Elles sont tout a fait passees, graces a Dieu, que je supplie de me les renvoyer quand il luy plaira..

  A020001152 

 J'ay reveu les Directoires; je les fay copier pour vous les envoyer.

  A020001152 

 Je les tiendray tous-jours courtes, reservant beaucoup de [93] choses pour mettre au livre des Advertissemens, la briefveté estant requise en semblables affaires; et quand on escriroit trente ans, on n'empescheroit pas qu'il ne demeurast tous-jours quelque doute pour les espritz delicatz et barguignans.

  A020001152 

 Je reverray aussi les Constitutions, affin qu'avant vostre depart vous les fassies reimprimer.

  A020001174 

 Ce porteur, le sieur de Lespine, se treuvant accablé de la recherche qui se fait par la Chambre des Comptes des restatz et deniers desquelz feu son pere estoit demeuré debiteur et obligé, sans moyen quelcomque ni esperance de pouvoir exiger lesditz restatz qui sont deuz par les communes, lesquelles ont asses a faire de fournir aux charges presentes, il recourt a l'unique remede, qui est la bonté et debonaireté de Son Altesse et a la vostre, Monseigneur, affin qu'il luy playse d'estre propice a son impuissance et le delivrer de cette recherche.

  A020001190 

 Monsieur Le Poivre vous dira toutes nouvelles de Paris et de cette ville, et peut estre encor comme monsieur le procureur fiscal est tout a fait a luy, et grandement estimé pour le fidele service quil a rendu et rend tous les jours a Sa Grandeur..

  A020001191 

 En somme, tout se raccommode avec le tems et l'entremise des amis aupres de ce grand Prince, et je ne doute point qu'ainsy encor se remettront les affaires de tous les autres que Sa Grandeur avoit soubçonnés de ne luy estre pas si utiles serviteurs.

  A020001211 

 Vous sachant vefve, ma chere Fille, je compatis a la douleur que vous aurés sentie en la separation que vous aves souffert, et vous exhorte neanmoins de ne point vous laisser emporter a la tristesse; car la grace que Dieu vous a faite de le vouloir servir, vous oblige a vous consoler en luy; et les filles de l'amour de Dieu ont tant de confiance en sa Bonté, que jamais elles ne se desolent, ayant un refuge auquel elles treuvent tout contentement.

  A020001226 

 Ayant visité la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, Ell' en recevra la relation, qui est toute la mesme que celle de messieurs de la Chambre des Comptes, et verra, s'il luy plait, les necessités qu'il y a d'y faire des establissemens permanens pour la faire fleurir selon la tres pieuse intention de Vostre Altesse qui l'a fondee.

  A020001241 

 Mays les moyens de remedier aux manquemens qui y sont, je les ay mis a part en un [100] feüillet que je joins a cette lettre, laquelle je finis suppliant tres humblement Vostre Altesse de ne se point lasser en la poursuite et resolution que Dieu luy a inspiree de faire au plustost reformer l'estat ecclesiastique, tant regulier que seculier, de la province de deça, estant chose tres asseuree que Dieu contreschangera ce soin de Vostre Altesse de mille et mille benedictions que luy souhaitte incessamment,.

  A020001241 

 Vostre Altesse verra par le resultat ci joint ce qui a esté treuvé bon par les sieurs de Lescheraine et Bertier et moy touchant l'estat present de la Sainte Mayson de Thonon, en la visite que, par le commandement de Son Altesse et de la Vostre, Monseigneur, j'y ay faite ces jours passés.

  A020001252 

 Les huit prestres de la Congregation qui font le service en l'eglise de Nostre Dame et portent la charge des ames vivent veritablement en bons ecclesiastiques seculiers, sans scandale, et celebrent les saintes Messes journalieres qui ont esté establies.

  A020001252 

 Tiercement, les maysons sont en mauvais estat, par ce que ladite Congregation n'en a point de soin, et ce, dautant [101] que tout le revenu d'icelle s'employe a l'entretenement des personnes et payement des gages; de sorte que l'argent de Son Altesse manquant, il ny a pas ou prendre les commodités requises aux reparations.

  A020001253 

 Et ainsy, le revenu que possedent a present les ecclesiastiques seculiers de Nostre Dame n'estant point employé en gages particuliers, ains estant mis tout en commun, il y aura dequoy faire une Congregation de beaucoup davantage de Peres, qui, mesnageant par leurs freres les biens, auront dequoy entretenir les meubles de l'eglise, les Offices et ce qui dependra d'eux, en une grande reverence et politesse: et cette partie de la Sainte Mayson, qui est la fondamentale, et laquelle paroist le moins, paroistra indubitablement le plus et edifiera infiniment.

  A020001253 

 Et dautant que les prestres qui y sont maintenant sont gens de bien, on pourra leur prouvoir d'entretenement convenable leur vie durant, estans presque tous vieux, cependant que l'on introduira les Peres de l'Oratoire petit a petit, par les moyens qui seront advisés..

  A020001253 

 L'unique remede a ces inconveniens seroit de composer cette Congregation, non de prestres a gages, mais de vrays prestres de l'Oratoire, ainsy que la Bulle fondamentale de la Sainte Mayson porte; puisque mesmement il y en a en France qui, pour la communion du langage, pourront faire convenablement la charge des ames, et qu'il y en a qui sont sujetz de Son Altesse, et que tous demeurent entierement sous-mis a la jurisdiction des Evesques, en sorte que l'Evesque de Geneve, qui sera tous-jours dependant de Son Altesse, aura l'authorité de les contenir, sans qu'il soit necessaire de recourir hors de l'Estat.

  A020001254 

 Il y a encor un defaut notable en la Sainte Mayson, car il ny a point de refuge pour les convertis, qui [102] neanmoins y doit estre selon la premiere intention pour laquelle fut erigee cett'œuvre; de sorte que mesme le sieur de Corsier, converti auquel on avoit assigné entretien, n'en a nulle sorte de commodité, et mourroit de faim si d'autres gens que ceux de la Sainte Mayson ne s'incommodoyent pour luy.

  A020001255 

 Or, a cela il ny a point de remede, sinon en faysant bien revenir les deniers de la fondation de Son Altesse, et ordonner que l'on face un establissement particulier pour ce membre de la Sainte Mayson..

  A020001266 

 Puysque j'ay occasion d'escrire a Vostre Altesse Serenissime, je la supplie tres humblement d'avoir aggreable [103] que je luy represente l'extreme besoin qu'ont les Religieuses de Cisteaux de deça les mons, et celles de Sainte Claire hors la ville de Chamberi (sujettes au General des Conventuelz surnommés, de deça, de la Grand'manche), d'estre ou reformees ou changees selon le projet ci devant envoyé a Vostre Altesse; et cela est dautant plus desirable que la plus part des Religieuses mesme le desirent et souspirent apres ce bien..

  A020001267 

 Et par aventure, Monseigneur, qu'il seroit a propos que Vostre Altesse ou Monseigneur le Prince Cardinal appellast ledit sieur President [104] pour ouïr plus de particularités sur ce sujet et sur celuy de la Sainte Mayson que les escritz n'en peuvent declarer; ce que je dis dautant plus volontier, que j'ay reconneu audit sieur de Lescheraine une grande suffisance d'esprit et beaucoup de bon zele..

  A020001297 

 La chapellenie de Notre-Dame de Consolation érigée dans la [105] paroisse de Menthon étant vacante, Barthélemy Flocard en a été pourvu sur les instances de la famille des fondateurs à laquelle il appartient, et surtout parce qu'il est pauvre et manque d'autres moyens de subsistance.

  A020001298 

 Vous baisant très humblement les mains, je souhaite que Notre-Seigneur vous donne tout vrai bonheur, et suis,.

  A020001310 

 Je prie donq Dieu, ma chere Cousine, qu'il vous soulage luy mesme de sa sainte consolation, et qu'il vous face ramentevoir, en cette occasion, de toutes les resolutions qu'il vous a jamais donnees d'acquiescer en toutes occurrences a sa tressainte volonté, et de l'estime que sa divine Majesté vous a donnee de la tressainte eternité a laquelle nous devons esperer que la chere ame de celuy de qui nous ressentons la separation est arrivee; car, helas! ma chere Cousine, nous n'avons de vie en ce monde que pour aller a celle de Paradis, a laquelle nous nous avançons de jour en jour, et ne sçavons pas quand ce sera le jour de nostre arrivee.

  A020001320 

 O combien tout cela est esloigné de cette pure charité, qui n'a point de jalousie ni d'emulation, et qui ne cherche point ce qui luy appartient! Ma Fille, cette prudence est opposee a ce doux repos que les enfans de Dieu doivent avoir en la Providence celeste.

  A020001320 

 O ma tres chere Fille, quelle pitié de considerer les effectz de la prudence humaine en ces ames dont vous m'escrives! Le mien et tien regnent d'autant plus puissamment es choses spirituelles, qu'il semble estre un mien et tien spirituel; et cependant il est tout a fait non seulement naturel, mais charnel.

  A020001321 

 On diroit que l'erection des Maysons religieuses et la vocation des ames se fait par les artifices de la sagesse naturelle; et je croy, certes, que, quant aux murailles et a la charpenterie, l'artifice en peut estre naturel; mais la vocation, l'union des ames appellees, la multiplication d'icelles, ou elle est surnaturelle, ou elle ne vaut rien tout a fait.

  A020001321 

 Tous-jours les pauvres rejettees ont eu la benediction et la multiplication, comme Lia, Anne et les autres..

  A020001322 

 Mays, ma tres chere Fille, il faut demeurer en paix, en douceur, en humilité, en dilection non feinte, sans se plaindre, sans remuer les levres.

  A020001322 

 O si nous pouvons avoir un esprit d'une entiere dependance du soin paternel de nostre Dieu en nostre Congregation, nous verrons multiplier avec suavité les fleurs des autres jardins, et en benirons Dieu comme si c'estoit es nostres.

  A020001323 

 Servons bien Dieu, et ne disons point: Que mangerons nous? que boirons nous? d'ou nous viendront des Seurs? C'est au Maistre de la mayson d'avoir cette sollicitude, et a la Dame de nos logis de les meubler; et nos Maysons sont a Dieu et a sa sainte Mere.

  A020001336 

 Et par ce, Monseigneur, que je suys tesmoin d'une partie du soin que ledit sieur Floccard et le sieur de la Pesse ont eü pour cela, je ne fay nulle difficulté d'interceder maintenant en ce sujet, auquel il me semble que Vostre Grandeur doit tesmoigner le gré qu'elle sçait a ses serviteurs quand ilz luy ont rendu des bons services; laissant a part que la tranquillité et l'asseurance des serviteurs anime et tient en ordre les affaires, comme les mouvemens ont accoustumé de les embarasser..

  A020001354 

 Mais vous deves encor plus vous consoler dequoy ce bon pere a vescu toutes ses annees dedans l'honneur et [113] la vertu, en l'estime publique, en l'affection de sa parentee et de tous ceux qui le connoissoyent, et en fin dequoy il est decedé dans le sein de l'Eglise et parmi les actions de la pieté: de sorte que vous aves dequoy esperer qu'il vous assistera mesme en la vie des Bienheureux..

  A020001366 

 Pour la grande fille, je luy escriray au premier jour, [114] car je voy bien que nous sommes en une sayson en laquelle il faut que les peres commencent a faire leur paix.

  A020001368 

 Je fus une heure et demie au parloir: je vis troys de nos Seurs, et je fus fort consolé de voir comme la vraye lumiere leur fait voir la verité des grandes et profondes maximes de la perfection, qui plus qui moins, mais toutes, a mon advis, avancees; [115] et plusieurs dames estrangeres qui les ont veuës s'en sont allees les larmes aux yeux et avec des goustz extremes..

  A020001368 

 L'edification que les Maysons donnent tous les jours fait foy de l'intention du Saint Esprit; car c'est merveille combien la reputation de la vie devote s'aggrandit par la communication de nos Seurs, lesquelles je voy aussi proffiter tous les jours et devenir plus affectionnees a la pureté et sainteté de vie.

  A020001400 

 Je suis grandement consolé de sçavoir que vous estes arrestee plus particulierement au service de Nostre Seigneur en la Mayson de sa tressainte Mere, en une condition que j'estime de grand proffit: J'ay choisi d'estre abject, dit le Prophete, en la mayson de mon Dieu, plus que d'habiter les tabernacles des grans, qui souvent ne sont pas si pieux..

  A020001401 

 C'est un grand honneur, ma chere Fille, [119] d'avoir en charge la conservation d'une mayson toute composee d'espouses de Nostre Seigneur; car, qui garde les portes, les tours et les parloirs des monasteres, il garde la paix, la tranquillité et la devotion de la mayson, et de plus, peut grandement edifier ceux qui ont besoin d'aborder le monastere.

  A020001411 

 Un jour, ou plustost en la tres-sainte eternité a laquelle nous aspirons, nous serons tous-jours presens les uns aux autres, si nous vivons en ce passage selon la volonté de Dieu..

  A020001430 

 Je salue de toute mon affection monsieur de Saunax, avec esperance de luy escrire au premier jour sur les affaires qu'[il] sçait..

  A020001442 

 Dieu appelle a son service les choses qui ne sont point comme les choses qui sont, et se sert du rien comme du beaucoup pour la gloire de son nom..

  A020001442 

 Je vous connois asses, ma tres chere Seur, ma Fille, pour vous cherir de tout mon cœur en la dilection de Nostre Seigneur, qui, ayant disposé de vous pour la charge en laquelle vous estes, s'est par consequent obligé soy mesme a soy mesme de vous prester sa tressainte main en toutes les occasions de vostre office, pourveu que vous correspondies de vostre part par une sainte et tres humble, mais tres courageuse confiance en sa bonté.

  A020001458 

 Or ne faut il pas croire, Madame, que l'amour des meres envers les enfans ne puisse estre de mesme; ains, il l'est d'autant plus librement qu'il semble qu'il le soit loysiblement, avec le passeport, ce semble, de l'inclination naturelle, et l'excuse de la bonté du cœur des meres..

  A020001459 

 Et en somme, je veux dire en un mot, que vous aves tant de puissance a mouvoir les cœurs, que le mien ayant sceu les traitz de vostre esprit, en estant tout espris, vous n'aves pas besoin d'estre aydee pour mouvoir celuy de madame de [Dalet] a tout ce qu'il vous plaira; m'asseurant qu'apres les forces de l'Esprit de Dieu, auquel il faut que tout cede, les vostres seront en toutes occurrences les plus grandes..

  A020001459 

 Neanmoins, vous me pardonneres, s'il vous plaist; mais quand il me raconte les eslans et presseures de vostre cœur sur la maladie de madame de [Dalet], je ne me puis tenir de dire qu'il y avoit de l'exces.

  A020001469 

 Or, ce sera a vous de voir si on les fera imprimer a Paris ou a Lyon..

  A020001469 

 Or, je les vous envoyeray ou par cette commodité, si le porteur retarde un jour de plus, ou par la fine premiere qui se presentera, laquelle sera bien tost.

  A020001469 

 Si celuy qui doit porter ces lettres part, comm'il dit, demain de grand matin, certes, ma pauvre tres chere Mere, il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.

  A020001470 

 J'en attens tous les jours, mais les choses y vont avec tant de tardiveté, que si je me croyois moy mesme, je ferois ce que ceux qui y sont et qui entendent les affaires disent de nous, et particulierement de moy: Nous importunons a force de demander des choses que nous pouvons faire sans les demander; et neanmoins, puisque nous les demandons, il faut souffrir de ne les point avoir que sous les conditions ordinaires de ceux qui les expedient.

  A020001474 

 Ces deux grandes Filles de Montferrand et d'Orleans sont un peu de l'humeur de leur Pere, elles sont un peu penchantes du costé de la condescendance et complaysance au parloir; mais il sera aysé de les moderer en bonne partie, car du tout, il ny a pas moyen.

  A020001477 

 Dieu veuille que les habitans de Bourges le soyent aussi, et je l'espere, puisque celuy qui succede est si capable et homme de bien; mays je ne sçai si c'est le Penitentier de Bourges ou celuy de Paris.

  A020001479 

 Je suis de l'advis du P. Binet pour nostre seur de Gouffiez, et neanmoins je voudrois bien regaigner son cœur, car il me semble qu'elle n'en treuvera pas un qui soit plus pour elle que le mien; et il n'est pas bon d'abandonner les amitiés que Dieu seul nous avoit donnees.

  A020001480 

 Helas! je pensois escrire a ma tous-jours plus chere fille M me de Port Royal, et il n'y a moyen, non plus que de vous envoyer les Constitutions; ce sera au premier jour.

  A020001496 

 Or, aymés le donq, ce pauvre livre, ma tres chere Fille, et puisque Dieu y a mis des [131] consolations pour vous, pries bien sa sainte Bonté qu'il vous donne le goust pour les bien savourer et les rendre utiles a vostre chere ame, pour bien se nourrir au pur amour celeste pour lequel elle fut faite..

  A020001497 

 Au reste, ma tres chere Fille, cette si grande crainte qui vous a ci devant si cruellement angoissee doit estre meshuy terminee, puisque vous aves toutes les asseurances qui se peuvent avoir en ce monde d'avoir fort entierement expié vos pechés par le saint Sacrement de Penitence.

  A020001497 

 Non, il ne faut nullement revoquer en doute que les dependances de vos fautes n'ayent esté suffisamment exprimees; car tous les theologiens sont d'accord qu'il n'est nullement besoin de dire toutes les dependances ni les acheminemens du peché.

  A020001498 

 Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens..

  A020001499 

 Ce qui vous estonne, c'est que vous voudries estre tout a coup telle qu'elle prescrit; et toutefois, ma tres chere Fille, cette mesme Introduction vous inculque que de composer vostre vie a ses enseignemens n'est pas la besoigne d'un jour, ains de toute nostre vie, et que nous ne nous devons nullement estonner des imperfections qui nous arrivent parmi les [132] exercices de nostre entreprise.

  A020001500 

 Il est vray, certes, que l'obeissance vous sera fort utile; et puisque vous desires que ce soit moy qui vous en impose les loix, en voyci quelques unes:.

  A020001501 

 Premierement, une fois le jour vous vous prosterneres devant Dieu, et, levant les yeux au ciel, vous feres le signe de la Croix sur vous, adorant Dieu; et vous releveres..

  A020001502 

 Vous feres un acte d'humilité tous les jours, donnant la salutation du bon jour ou du bon soir a quelqu'un de vos serviteurs ou servantes, avec un acte interieur par lequel vous reconnoistres cette personne-la vostre compaigne en la redemption que Nostre Seigneur a faite pour elle..

  A020001504 

 Vous lires tous les jours au moins une page de quelque livre spirituel..

  A020001505 

 Vous ne vous confesseres jamais d'avoir violé ces petites obeissances, quand mesme vous ne les observeres point, puisqu'elles ne vous obligent ni a peché mortel ni a peché veniel; ains seulement, de tems en tems, vous m'advertires si vous les observes..

  A020001506 

 Il vous servira, si vous vous accoustumes de recommander une fois le jour mon ame avec la vostre a la misericorde de Dieu, par quelque orayson jaculatoire, comme en sortant de table: O Dieu, ayes pitié de nous et nous receves entre les bras de vostre misericorde..

  A020001519 

 Les difficultés que vous aves euës d'y aller y affermiront vostre demeure, selon la methode qu'il plait a Dieu d'employer en son service..

  A020001522 

 Mon Dieu, que cette plainte est delicate! Les Peres de l'Oratoire font bien plus; et en Italie, plusieurs Evesques ont composé tout entierement les Offices des Saintz de leurs Eglises.

  A020001522 

 Quant a l'Office, on m'a dit qu'on y treuvoit a redire dequoy, es festes principales, on mettoit les Pseaumes de Nostre Dame avec le chapitre, les versetz et l'orayson du jour.

  A020001523 

 Mon solliciteur dit que l'on a tort de recourir a Rome pour les choses esquelles on s'en peut passer, et des Cardinaux l'ont dit aussi: car, disent ilz, il y a des choses qui n'ont point besoin d'estre authorisees parce qu'elles sont loysibles, lesquelles quand on veut authoriser sont examinees diversement; et le Pape est bien ayse que la coustume authorise plusieurs choses qu'il ne veut pas authoriser luy mesme, a cause des consequences.

  A020001523 

 On a obtenu a Rome la continuation du petit Office encor pour dix ans, apres les sept escheus que l'on avoit des-ja.

  A020001524 

 Et je pense qu'il faudra faire, au plus pres qu'il se pourra, selon la commodité des lieux, tous les monasteres ainsy; et tous-jours les treilles bien ferrees et les jalousies de bois esloignees des grilles; car c'est un grand playsir de parler en asseurance es parloirs.

  A020001524 

 J'ay fait faire icy un beau plan de monastere que je vous envoyeray au premier jour; et celuy qui l'a fait est tres bon maistre, et l'a fait sur les descriptions que saint Charles a fait faire des monasteres, en s'accommodant neanmoins a l'usage de la Visitation.

  A020001536 

 J'ay tous-jours conservé la vive affection que vos merites ont aquise sur moy des il y a long tems, et a laquelle vous m'aves obligé par les demonstrations d'amitié dont vous m'aves favorisé, particulierement au passage de monsieur Michel par vostre ville.

  A020001554 

 Je continueray toute ma vie en l'affection que Dieu m'a fait concevoir et que les faveurs receues de vostre mayson m'obligent d'avoir, pour vous honnorer avec un'invariable et extreme dilection.

  A020001555 

 Que bienheureuses sont les afflictions qui relevent et lancent nos affections en Celuy qui est le Pere de misericorde et le Dieu de toute consolation!.

  A020001574 

 Entre toutes les œuvres de pieté par lesquelles Vostre Altesse a signalé sa devotion envers la tressainte Vierge Mere de nostre Sauveur, il n'y en a peut estre point de plus illustre que celle de la fondation de la Sainte Mayson de Thonon; mays, pour l'affermir, il faut remedier a quelques defautz quy y sont.

  A020001574 

 Et par ce que monsieur le President de Lescheraine, qui vint sur le lieu aux festes de Pentecoste de la part de Vostre Altesse, en [139] sçait toutes les particularités, je la supplie tres humblement de l'oüir ou faire ouir sur cela, et de seconder de sa protection une si digne fondation; qui suys invariablement,.

  A020001590 

 Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique..

  A020001590 

 Puysque monsieur le President de Lescheraine aura l'honneur de vous faire la reverence et qu'il fut l'autre jour a Tonon pour voir, de la part de Son Altesse, l'estat de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, je m'asseure que Vostre Altesse desirera de sçavoir toutes les particularités des defautz qu'il y aura remarqués.

  A020001591 

 Je supplie encor Vostre Altesse Serenissime de se resouvenir de l'establissement des Prestres de l'Oratoire en l'eglise de Rumilly, en l'occasion qui se presente maintenant, que le sieur de Saunas, sujet de Son Altesse, un jeune gentilhomme des plus sçavans theologiens de son aage, y desire contribuer sa personne des-ja vouee a cette Congregation, et son prieuré de Chindrieu, et que le Curé de Rumilly, decrepite et extremement malade, est jugé a mort par les medecins qui asseurent que dans bien peu de jours il decedera..

  A020001592 

 Je supplie encor Vostre Altesse de jetter les yeux de sa bonté et de son zele sur les Monasteres de Cisteaux, de Saint Benoist et de Saint Augustin de deça les montz, ou la Regie n'est point observee, et ou elle ne peut estre restablie, ni mesme es Religions des filles ou ell'est si necessaire, sans l'execution des projetz que Vostre Altesse fit icy en cette ville, dont je luy envoyay le Memoire l'annee passee..

  A020001611 

 J'ay treuvé fort bon que la Superieure puisse oster, quand bon luy semblera, les officieres, comme c'est a elle de les establir..

  A020001612 

 Et si l'on persevere a faire la charité a celles qui ont ces imperfections corporelles, Dieu en fera venir, contre la prudence humaine, une quantité de belles et aggreables, mesme selon les yeux du monde.

  A020001612 

 Je suis bien ayse aussi que vous aymies les boiteuses, les bossues, les borgnes et mesme les aveugles, pourveu qu'elles veuillent estre droittes d'intention; car elles ne laisseront pas d'etre belles et parfaites au Ciel.

  A020001621 

 Ce n'est pas certes moy qui ay præfigé l'aage auquel il faut que les filles soyent Religieuses, ains le sacré Concile de Trente.

  A020001621 

 Mieux vaut l'obeissance que les victimes.

  A020001621 

 Nostre Dame n'en demanda point pour enfanter avant le terme ordinaire, ni pour parler avec Nostre Seigneur avant l'aage auquel les enfans ont accoustumé de parler..

  A020001668 

 La peine que vous aves a vous mettre en l'orayson n'en diminuera point le prix devant Dieu, qui prefere les services qu'on luy rend parmi les contradictions, tant interieures qu'exterieures, a ceux que l'on luy fait entre les suavités; puysque luy mesme, pour nous rendre aymables a son Pere eternel, nous a reconciliés a sa Majesté en son sang, en ses travaux, en sa mort..

  A020001669 

 Dieu a caché dans le secret de sa providence la marque du tems auquel il vous veut exaucer et la façon en laquelle il vous exaucera; et peut estre vous exaucera il excellemment en ne vous exauçant pas selon vos pensees, mais selon les siennes..

  A020001669 

 Et ne vous estonnes nullement si vous ne voyes pas encor beaucoup d'avancement, ni pour vos affaires spirituelles, ni pour les temporelles.

  A020001669 

 Tous les arbres, ma tres chere Fille, ne produisent pas leurs fruitz en mesme sayson; ains, ceux qui les jettent meilleurs demeurent aussi plus long tems a les produire, et la palme mesme cent ans, a ce qu'on dit.

  A020001670 

 Demeures ainsy en paix, ma tres chere Fille, entre les bras paternelz, du soin tres amoureux que le souverain Pere celeste a et aura de vous, puisque vous estes sienne et n'estes plus vostre; car en cela ay je une suavité nompareille de me ramentevoir le jour auquel, prosternee [148] devant les pieds de sa misericorde, apres vostre confession, vous luy dediastes vostre personne et vostre vie, pour, en tout et par tout, demeurer humblement et filialement sousmise a sa tressainte volonté..

  A020001676 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, que cette Providence eternelle a de moyens differens de gratifier les siens! O que c'est une grande faveur quand il conserve et reserve ses gratifications pourfla vie eternelle!.

  A020001699 

 Je viens finalement a vous, ma tres chere Mere, pour vous dire que j'ay receu trois de vos cheres lettres, et vous rens graces du soin que vous aves de m'escrire ainsy souvent; aussi est ce la plus grande consolation que j'aye en cett' espece, car vos lettres sont, en comparaison de toutes les autres, ce que m'est vostre chere ame en parangon des autres, selon qu'il a pleu a Dieu de le faire..

  A020001702 

 De sçavoir si, en les faysant reimprimer, il faudra les faire de rechef appreuver par les docteurs de Paris, c'est a l'imprimeur de le sçavoir.

  A020001702 

 Voyla les Constitutions.

  A020001706 

 Je receu hier des lettres de Paris, mais je n'ay eu loysir encor de les voir, a cause de nos troubles qui m'entretindrent hier au soir bien tard avec M. le President, pour conferer de plusieurs choses..

  A020001709 

 Nos Seurs d'icy sont toutes bien, et nous avons des [153] braves et douces Novices, que j'ay confessees avec les autres pour l'extraordinaire d'aoust, et je les treuve a mon gré.

  A020001711 

 Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable..

  A020001732 

 Messieurs les Religieux de Sixt..

  A020001741 

 En somme, qui veut bien recevoir les coups des accidens de cette vie mortelle, il doit tenir son esprit en la tressainte volonté de Dieu et son esperance en la bienheureuse seternité.

  A020001741 

 Mays, ma Fille, tout ce que je sçai pour cela, vous le sçaves, et l'ordinaire hantise que les desplaysirs ont avec vous, vous aura rendue encor plus sçavante en l'art de bien souffrir.

  A020001742 

 Si c'estoit luy seul qui retranchast les Communions, j'auroys bien eu asses de courage; mays quand c'est par l'advis de toute la Compaignie, il me suffit bien d'user de mon opinion contraire, [157] sans que je les importune contre la leur.

  A020001758 

 Je vous envoye le Memoire requis pour retirer les fruitz que, par artifice, on veut celer appartenir a la cure [158] de Rumilly, et avec cela le double de la response que Monseigneur le Prince a fait a la lettre par laquelle je luy ramentevois le desir qu'il a eu de l'introduction des RR. PP. de l'Oratoire en l'eglise de ce lieu la; et lundi prochain je luy envoyeray les Memoires qu'il demande, affin quil ne tienne pas a moy que sa commission [d'] institution ne soit bien tost executee..

  A020001772 

 Tenes, voyla donq, ma tres chere Fille, trois motz tout fin seulz, pour vous dire que mon cœur cherit le vostre et luy desire mille et mille benedictions, affin quil vive constant et consolé parmi les accidens si varians de cette vie mortelle..

  A020001790 

 Or sus, que fait elle, cette chere fille? M. N. et M. N. me firent un grand cas dequoy toute la cour de Madame, des serenissimes Princes et Princesses, furent a sa reception au novitiat; et moy, je me res-jouys en la creance que j'ay dequoy Nostre Dame, les Anges et les Saintz de Paradis y furent et l'honnorerent de leur attention, et Dieu nostre Seigneur de sa benediction..

  A020001791 

 Nous sommes apres a faire les formalités pour le prieuré.

  A020001792 

 Au moins, mon Reverend Pere, faites bien sçavoir a la Serenissime Infante Catherine que je luy souhaite les benedictions des plus serenissimes Princesses qui furent jamais, et sur tout la perseverance aux desirs fervens d'aymer de plus en plus Jesus Christ crucifié, qui est la benediction des benedictions..

  A020001792 

 Mais dites moy, je vous prie, mon tres cher Pere, puis [161] je loysiblement oser vous supplier de faire tres humblement la reverence de ma part a nos Serenissimes Dames Infantes, ou du moins a la Serenissime Princesse Catherine? car, mon Pere, si cela est bonnement permis a mon indignité, faites le, je vous en prie de tout mon cœur, et dites leur que je les revere infiniment a cause de leur altesse, que je regarde avec toute extreme sousmission; mais que je les revere tres infiniment a rayson de la profonde humilité qu'elles prattiquent en leur serenissime altesse et grandeur.

  A020001793 

 O mon Pere, on me presse, et il faut faire partir cet enfant, qui est vostre puisqu'il est mien, filz de mon frere, qui me le donna, mourant tout a fait comme un saint entre mes bras, comme l'autre mourut entre les vostres..

  A020001820 

 Vostre bon Ange et vostre pieté vous auront des-ja suggeré les raysons pour lesquelles il faut recevoir avec tranquillité ces ordinaires evenemens de nostre commune mortalité; et pour cela, il ne me reste qu'a vous asseurer que, comme j'estimois beaucoup les bonnes qualités et l'amitié de ce cher trespassé, aussi vivray-je tous-jours avec un grand desir de vous pouvoir tesmoigner par quelque service que je suis,.

  A020001835 

 Et par ce que ma charge ne me permet pas d'y rendre mon devoir par ma presence, non plus que mon insuffisance d'y estre utile, je remercie en toute humilité Vostre Altesse dequoy elle aggree que l'un des enfans de feu mon frere entre au nombre des pages de Madame, pour apprendre en son enfance les premiers elemens de ce service auquel sa naissance l'oblige de faire l'employ de toute sa vie; tenant lieu d'une marque visible que Vostre Altesse me fait lhonneur de m'advouer,.

  A020001891 

 En somme, il faut ne vouloir point les choses mauvaises, vouloir peu les bonnes, et vouloir sans mesure le seul bien divin, qui est Dieu mesme..

  A020001893 

 Nous faysons icy les prieres, et pour ses affaires militaires et pour les nostres..

  A020001894 

 Je suis bien ayse de la possession en laquelle nos Seurs sont de leur monastere, et vous aussi avec elles, puisque, par vostre assistence et de ces bonnes dames, les y ayant colloquees, vous y estes en leurs personnes, et elles [170] y sont pour vous, qui, servant le mesme Seigneur en vostre pieuse vocation, estes un mesme esprit avec elles..

  A020001906 

 Neantmoins, les parties estant si prudentes et asses d'aage, je m'en remetz a elles..

  A020001922 

 Il ny a remede, ma tres chere Fille, il faut suivre les loix du monde, puisque on y est, en tout ce qui n'est pas contraire a la loy de Dieu..

  A020001939 

 Mais je suis marry de l'allarme que vous aves prise pour l'estat de nos affaires de deça, qui, graces a Dieu, jusques a present n'a rien d'extraordinaire, sinon que ceux de Geneve, s'estant mis en extreme defiance, font contenance de se preparer a la guerre; mais on ne croid pas pourtant qu'ilz veuillent commencer, puisque s'ilz l'entreprenoyent sans le commandement du Roy, ilz seroyent tout a fait ruynés, et l'on ne peut se persuader que Sa Majesté les veuille porter a ce dessein: de sorte que nous [174] dormons les nuitz entieres, et fort doucement, sous la protection de Dieu..

  A020001942 

 Nos Seurs de Grenoble, avec leur Pere spirituel, monsieur d'Aouste, qui est un grand serviteur de Dieu, desirent que l'on face imprimer le Formulaire de la reception des Prætendantes au novitiat et des Novices a la profession avec les Regles et les Constitutions; mais je croy pourtant que cela doit estre en deux petitz volumes, et que le Formulaire des receptions soit en lettre asses grosse pour estre leüe aysement..

  A020001943 

 J'ay grandement regretté la mort du bon monsieur le Conte de Fiesque, que j'honnorois certes avec amour des il y a tantost vingt ans que j'eu le bien de le voir a Paris; a quoy il m'avoit mesme obligé a ce dernier voyage, quiil me fit la faveur de me voir de si bon cœur chez les Peres de l'Oratoire.

  A020001943 

 Je me suis imaginé en cett'occasion la les douleurs du cœur de madame la Contesse sa chere femme, et n'ay peu contenir le mien d'en recevoir de la tendreté, bien que j'aye eu confiance en Dieu, a qui ell'est, qu'il la tiendrait de sa main paternelle en la tranquillité et resignation qu'il a accoustumé de donner a ses enfans bien-aymés quand ilz sont affligés.

  A020001943 

 Mais je me res-jouis dequoy ayant vescu si devotement, on ne peut douter quil ne soit trespassé saintement entre les bras de la misericorde de Dieu, veu [177] mesme quil a exposé sa vie pour une si juste et digne cause.

  A020001944 

 En Italie, tout communement, on fait entrer les filles desquelles on craint en quelque sorte le peril de leur pudicité; les mal mariees, quand elles sont en doute d'estre grandement maltraittees de leurs marys; les filles qu'on veut instruire non seulement en la devotion, mais aussi a lire, escrire, chanter.

  A020001944 

 Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions: car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables.

  A020001945 

 Je vous ay des-ja escrit que vous prenies la peine de voir si rien aura esté oublié es Constitutions, affin que vous le facies adjouster; car je ne puis jamais gaigner tant de loysir que tout ce que je fay ne se ressente de mon tracas, et me semble quil va tous les jours croissant..

  A020001952 

 C'est pourquoy je vous supplie de vous servir en cette occasion de vostre propre jugement; car, comme vous dites, il se pourroit bien faire que les affaires de Dijon vous donneroyent asses de loysir pour estre encor a Paris au mois de fevrier, attendu mesme qu'aussi tost que j'auray l'asseurance de cest affaire et que je sçauray comm'elle se devra conduire, j'escriray a nostre grande Fille de Monferrand affin qu'elle aille vous attendre la, et parmi tout cela il se passera fort aysement deux ou troys moys..

  A020001952 

 Or, pour toutes telles affaires, il me semble que vous pouves vous resoudre plus aysement que je ne sçaurois faire icy, puisque ce que vous voyes sur les lieux mesmes vous donne meilleure instruction que je n'en sçaurois prendre.

  A020001988 

 Ce porteur, le sieur de la Pesse, vous dira toutes nos nouvelles, et comme nous ne cessons point de faire prier Dieu pour les justes armes du Roy.

  A020002003 

 Mille et mille benedictions a Dieu, dequoy en fin, Monsieur mon tres cher Frere et Madame ma tout a fait tres chere Seur ma Fille, vous voyla exemptz de ces fascheux proces, par lesquelz, comme parmi des espines, Dieu a voulu que les commencemens de vostre heureux mariage se soyent passés.

  A020002021 

 J'espere que Dieu les protegera affin qu'elles puissent faire là une heureuse succession de ses servantes..

  A020002021 

 Je ne manqueray pas de respondre a tous les articles que vous m'aves envoyé, au premier loysir que j'en auray, vous remerciant tres humblement des bonnes nouvelles que vous m'envoyes des Seurs de Valence, ausquelles je souhaitte toute sainte consolation.

  A020002023 

 Mais en toutes telles occurrences, ceux qui sont sur les lieux et qui voyent l'estat present des espritz a qui vous aves affaire, vous pourront encor mieux conseiller..

  A020002040 

 Je plains aussi nos Seurs de lâ, mays j'espere en la Providence divine qu'elle les soulagera..

  A020002041 

 Monsieur vostre pere et tous les vostres se portent tres bien, et M me de la Valbonne se comporte encor mieux en la sainte devotion..

  A020002062 

 Je vous remercie du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir des lettres que les Seurs de la Visitation vous ont addressees, comme encor de la varieté des nouvelles du monde, que je prie Dieu de nous vouloir donner de jour en jour meilleures, pour la prosperité du Christianisme, et en particulier pour celle du Roy et du royaume..

  A020002063 

 Mais ses amis et parens ayant desiré que je vous le recommandasse, je le fay volontier, avec esperance que vous ne le prendres pas a importunité, puisque cette mienne recommandation, comme toutes les miennes, se fait tous-jours avec la condition et reserve que vous n'en ayes aucune incommodité..

  A020002064 

 M. le Prince Thomas, qui a logé ceans ces trois ou quatre jours passés pour faire la chasse en ces plaines voysines, a mis, comme l'on vient de me dire, en alarme ceux de Geneve, qui ont le plus grand tort du monde de se laisser agiter par tant de vaines apprehensions, puisqu'on observe si soigneusement les derniers articles qui ont esté passés..

  A020002075 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de les bien saluer toutes, specialement la Superieure, la fondatrice et madamoyselle de la Gamelle..

  A020002076 

 J'ay certes grande compassion du cœur de la mere de vostre malade; car, combien qu'en verité cet accident de la fille soit honnorable devant Dieu et ses Anges, et par consequent doive estre souffert avec amour et douceur, si est ce neanmoins que je sçay combien les cœurs des meres sont tendres et sujetz a s'inquieter en des pareilles occasions esquelles, selon les yeux vulgaires des hommes, il y a quelque sorte d'abjection; et c'est l'abjection des maux qui mortifie principalement l'esprit du sexe.

  A020002077 

 Les verités de la foy sont quelquefois aggreables a [194] l'esprit humain, non pas seulement parce que Dieu les a revelees par sa parole et proposees par son Eglise, mais parce qu'elles reviennent a nostre goust, et que nous les penetrons bien, nous les entendons facilement, et sont conformes a nos inclination s. Comme, par exemple: qu'il y ayt un Paradis apres cette vie mortelle, c'est une verité de la foy que plusieurs treuvent bien a leur gré, parce qu'elle est douce et desirable; que Dieu soit misericordieux, la pluspart du monde le treuve fort bon et le croit aysement, parce que la philosophie mesme nous l'enseigne: cela est conforme a nostre goust et a nostre desir.

  A020002077 

 Or, toutes les verités de la foy ne sont pas de la sorte: comme, par exemple, qu'il y ayt un enfer eternel pour la punition des meschans, c'est une verité de la foy, mais verité amere, effroyable, espouvantable et laquelle nous ne croyons pas volontier, sinon par la force de la parole de Dieu..

  A020002078 

 Et maintenant, je dis premierement: que la foy nue et simple est celle la par laquelle nous croyons les verités de la foy sans consideration d'aucune douceur, suavité et consolation que nous ayons en icelles, par le seul acquiescement que nostre esprit fait a l'authorité de la parole de Dieu et de la proposition de l'Eglise; et ainsy nous ne croyons pas moins les verités effroyables que les verités douces et aymables.

  A020002079 

 Et cette foy ainsy nue et simple est celle que les Saintz ont prattiquee et pratiquent parmi les sterilités, aridités, degoustz et tenebres..

  A020002080 

 Et vivre selon ces choses la, c'est vivre en mensonge, ou du moins en un perpetuel hazard de mensonge (mais vivre selon la foy nue et simple, c'est vivre en verité): ainsy qu'il est dit du malin esprit, qu' il ne s'arresta pas en la verité, parce qu'ayant eu la foy au commencement de sa creation, il s'en escarta, voulant discourir sans la foy sur sa propre excellence, et voulut faire le fin soy mesme, non selon la foy nue et simple, mais selon les conditions naturelles, qui le porterent a l'amour desmesuré et desreglé de soy mesme.

  A020002080 

 Vivre en verité et non point en mensonge, c'est faire une vie totalement conforme a la foy nue et simple, selon les operations de la grace et non selon les operations de la nature; parce que nostre imagination, nos sens, nostre sentiment, nostre goust, nos consolations, nos discours peuvent estre trompés et errans.

  A020002089 

 Et bien quil n'ayt encor fait que six ou sept sermons, si est ce quil est capable de prescher devant les Roys et les peuples egalement, et ce qui me plait, c'est qu'il presche devotement.

  A020002089 

 Je l'ouys, et, avec M. de Calcedoine, M. l'Abbé d'Abondance et les Peres Barnabites et M. le Prevost, je jugeay qu'il avoit un des plus excellens talens qui aye esté de long tems en ce païs.

  A020002119 

 A Monseigneur le Serenissime Prince Thomas, affin que les gens de Son Altesse tenans le Senat et la Chambre, entant qu'il fut besoin, portent et favorisent cett' affaire..

  A020002120 

 Brevet en faveur desditz Peres de l'Oratoire pour l'union du prieuré de Chindrieu et de celuy de l'Aumosne, pres Rumilly, et de celuy de Sainte Agathe [199] de la ville de Rumilly, a la Congregation dudit Oratoire establie en l'eglise d'iceluy Rumilly: qui tous trois les ditz prieurés ne valent que cinq cens ducatons, ou environ, de revenuz..

  A020002132 

 Et de plus encor, ilz ne sont pas exemptz de la jurisdiction des Evesques, ains demeurent en leur sujettion comme les curés; de sorte qu'on n'a pas besoin, en cas de desordre, de sortir du païs pour les ramener au devoir.

  A020002132 

 Il n'est pas croyable combien de peine cette petite trouppe ainsy composee m'a donné de peine (sic) des 20 ans en ça, a cause des continuelz proces et altercatz que les uns ont eu perpetuellement les uns (sic) avec les autres, avec un extreme scandale du peuple.

  A020002132 

 Or, par l'introduction des Peres de l'Oratoire, cette eglise demeure toute unie, et administree par un mesme esprit de paix et de douceur; car les Peres de l'Oratoire ne sont pas comme les autres Religieux, qui ne peuvent pas avoir la charge des parroisses.

  A020002135 

 Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape..

  A020002156 

 Helas! ces pauvres meres temporelles ne regardent pas asses leurs enfans comme ouvrages de Dieu, et les regardent trop comme enfans de leur ventre; elles ne les considerent pas asses comme enfans de la Providence eternelle et des ames destinees a l'eternité, et les considerent trop comme enfans de la production temporelle et propres au service de la republique temporelle.

  A020002157 

 Que vous importe il si vostre cœur reçoit des atteintes des apprehensions anciennes du temporel? Mocques vous de ces apprehensions, et demeures ferme sur la parole de nostre Maistre: Cherches premierement le regne de Dieu et sa justice, et toutes les choses necessaires a cette chetifve vie vous seront adjoustees.

  A020002158 

 Qu'appelles vous grand esprit, ma tres chere Fille, et [204] petit esprit? Il n'y a point de grand esprit que celuy de Dieu, qui est si bon qu'il habite volontier es petitz espritz; il ayme les espritz des petitz enfans, et en dispose a son gré, mieux que des vieux espritz.

  A020002158 

 Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien: mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions..

  A020002159 

 Les ardeurs viennent quelquefois de la condition naturelle des espritz, comme quelquefois aussi les indifferences; et Dieu sçait bien enter sa grace sur l'un et sur l'autre dans les vergers des Religions..

  A020002159 

 [Je ne treuve non plus rien a redire pourquoy l'autre fille ne doive estre receuë, je dis tres amoureusement.] O quand les filles ont le cœur bon et le desir bon, encor qu'elles n'ayent pas ces grandes ardeurs de resolution, il n'importe.

  A020002160 

 Mais pour toutes telles occurrences, vous aves Moyse et les Prophetes, vous aves vostre tres bon Pere spirituel: oyés le, escoutes le, et le salues cherement de ma part.

  A020002170 

 Sommes nous, je vous prie, en ce monde qu'avec les conditions des autres hommes et de la perpetuelle inconstance dans laquelle il est establi? Il faut s'arrester la, ma tres chere Fille, et reposer nos attentes en la sainte aeternité a laquelle nous aspirons.

  A020002189 

 Nos Seurs sont consolees sur l'esperance de la paix; elles le doivent estre encor plus en la parole de l'Espoux celeste, qui conserve les siens comme la prunelle de ses yeux.

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002231 

 Sainte Paule ayma mieux aussi vivre hospitaliere en Bethlehem que de demeurer riche dame a Rome, luy estant advis que jour et nuit elle oyoit en son cher hospital les cris enfantins du Sauveur en la cresche, ou, comme parloit saint François, du cher « Enfant de Bethlehem, » qui l'incitoit au mespris des grandeurs et affections mondaines et l'appelloit au tressaint amour de l'abjection..

  A020002244 

 Je suis bien ayse que nos Filles de Sainte Marie soyent [213] en leur monastere; ce ne sera pas un petit attrait a plusieurs ames pour se retirer du monde, puisque l'on est si miserable en ce siecle que l'on ne regarde pas tous-jours le celeste Espoux au visage, ains a ces ageancemens exterieurs, et que souvent nous estimons les lieux plus devotieux que les autres, a cause de leur forme..

  A020002254 

 Je vous respondray en peu de paroles, puisqu'aussi bien sçay je ce que vous m'eussies dit, par vostre lettre, comme si je vous eusse oüye parler de bouche; car en fin, c'est que vous estes tous-jours celle la que vous m'aves dit les annees passees.

  A020002256 

 Secondement, vous deves renouveller tous les propos que vous aves ci devant faitz de vous amender.

  A020002257 

 Et ceux que Nostre Seigneur supporte, nous les devons tendrement supporter, avec grande compassion de leurs infirmités spirituelles..

  A020002267 

 J'ay peine d'empescher qu'on ne considere la foiblesse de la complexion et les infirmités corporelles.

  A020002268 

 Comme se peut il faire que je sente ces choses, moy qui suis le plus affectif du monde, comme vous sçaves, ma tres chere Mere? En verité, je les sens pourtant; mais c'est merveille comme j'accommode tout cela ensemble, car il m'est advis que je n'ayme rien du tout que Dieu et toutes les ames pour Dieu.

  A020002268 

 Mais neanmoins, j'ayme les ames independantes, vigoureuses et qui ne sont pas femelles; car cette si grande tendreté brouille le cœur, l'inquiete et le distrait de l'orayson amoureuse envers Dieu, empesche l'entiere resignation et la parfaitte mort de l'amour propre.

  A020002291 

 Apres avoir leu vos cayers, je vous les renvoye avec une approbation autant ample que vous la sçauries desirer de [218] moy.

  A020002291 

 Je veux dire, Monsieur, que s'il vous plaisoit de suivre vostre pointe et traitter des choses pieuses et saintes d'une façon aggreable, historique et qui charmast un peu la curiosité des espritz du tems, cela les retireroit, ou au moins divertiroit, de la pestilente lecture des Amadis, des romans et de tant d'autres sottises, et ilz avaleroyent insensiblement l'aggreable hameçon qui les retireroit de la mer du peché dans la nacelle de la vertu..

  A020002291 

 Mais, mon Dieu, il faut que je vous die que la connoissance que je prens tous les jours de l'humeur du monde me fait souhaitter passionnement que la divine Bonté inspire quelque sien serviteur d'escrire au goust de ce pauvre monde.

  A020002292 

 Le monde devient si delicat, que desormais on ne l'osera toucher qu'avec des gans musqués, ni panser ses playes qu'avec des emplastres de civette; mays qu'importe, pourveu que les hommes soyent gueris et qu'en fin ilz soyent sauvés? Nostre reyne, la charité, fait tout pour ses enfans.

  A020002292 

 Prenes donq courage, Monsieur, suives les mouvemens de ce grand et gratieux genie qui vous anime..

  A020002293 

 Croiries vous que, tout pesant que je suis, je fay dessein d'escrire, par une methode de narration historique, les principaux pointz de nostre [219] croyance? Mays, helas! si je n'ay point d'autre loysir que celuy que la cour me laisse, je mourray comme les femmes enceintes, sans produire ce que j'ay conceu... [220].

  A020002300 

 Les tribulations sont plus pretieuses que l'or et le repos aux ames que Dieu a choysies..

  A020002312 

 Si nous avons une fille, par exemple, que la prudence humaine dicte devoir estre colloquee en Religion pour quelques raysons de l'estat de nos affaires, or sus, nous dirons en nous mesmes (je ne dis pas devant les hommes, mais devant Dieu): O Seigneur, je vous veux offrir cette fille, parce que, telle qu'elle est, elle est vostre; et bien que ma prudence humaine m'incite et incline a cela, si est ce, Seigneur, que si je sçavois que ce ne fust pas aussi vostre bon playsir, malgré ma prudence inferieure je ne le ferois nullement, rejettant en cette action ladite prudence que mon cœur sent, mays a laquelle il desire ne [222] point consentir, et embrassant vostre volonté que mon cœur n'apperçoit pas selon son sentiment, mais a laquelle il consent selon sa resolution..

  A020002313 

 Et cela fait, laisses clabauder la prudence humaine tant qu'elle voudra, car l'œuvre ne sera plus sienne; et vous luy pourres dire comme les Samaritains dirent a la Samaritaine apres qu'ilz eurent oüy Nostre Seigneur: Ce n'est plus meshuy pour ta parole que nous croyons, mays parce que nous mesmes l'avons veu et entendu.

  A020002325 

 Je vous prie de vous mettre souvent devant les yeux et rappeller en vostre esprit ce que la tres sage bonté de Dieu a voulu operer en vostre ame et par vostre moyen, en vous donnant des biens, de la faveur et de l'authorité..

  A020002326 

 Les princes et les grans seigneurs ont pour l'ordinaire en naissant ce que le simple peuple s'efforce d'acquerir avec bien de la peine.

  A020002327 

 C'est la leur premiere leçon, d'ou ilz apprendront a rendre a Dieu et a leur Roy tous les devoirs de leur sujettion, et a leurs sujetz tous les offices d'une puissance qui ne doit marcher que sur la justice et sur la bonté.

  A020002336 

 Plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable et les pretentions des mondains vaines, et ce qui est encor pis, plus injustes..

  A020002347 

 Ayant fort souvent esté prié par le sieur Peyssard, vicaire en l'eglise parroissiale de cette ville, de vous representer combien la chapelle de Chitri, qui y est, a besoin de vostre soin et d'un legat que feu M. de Treverney avoit fait pour icelle, je le fay maintenant par cette commodité, sachant que vous aurés grandement aggreable que je vous rende ce devoir, et que vous prendres playsir a faire ce bien-la en un lieu qui porte le nom et les marques d'une mayson qui n'est qu'une avec la vostre et qui s'est si honnorablement, jadis, signalee en la vertu et pieté..

  A020002359 

 Je vous peux bien appeller ma tres chere Fille, car vous m'aves esté chere, en verité je le puis dire ainsy, des le ventre de vostre mere, ou au moins des la mammelle, ou je vous ay cent fois benite et souhaité la couronne et le loyer des vierges, espouses de Jesus Christ, en ce tems bienheureux, ma chere Fille, ou, avant que d'estre pasteur en chef, j'avois la grace de courir chercher les brebis de mon Maistre, et que j'estois si courtoysement et si amiablement accueilli chez vous.

  A020002374 

 Voicy mon advis: Premierement, puisqu'ainsy que me dit ce porteur et que vostre lettre me signifie, la calomnie n'est pas encor entree dans la foule du peuple, et qu'au contraire les plus apparens et les plus dignes juges des actions humaines de ce païs la sont tout a fait resolus en l'opinion de vostre probité, je prefere la dissimulation au ressentiment; car nous sommes au cas de l'ancien sage:.

  A020002377 

 Je voudrois que la dissimulation fust franche, et comme doivent estre les actions heroïques qui se pratiquent pour l'amour de Dieu: sans se plaindre, sans tesmoigner des grandes repugnances au pardon, car la candeur du cœur qui pardonne fait tant plus connoistre le tort de l'injuriant..

  A020002378 

 Neanmoins, il faudroit oster de devant les yeux des malins tout ce qui les peut provoquer et qui n'est pas du service de Dieu..

  A020002390 

 Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service..

  A020002434 

 Il faut que je vous die naivement et comm'a vous, que je n'ay nulle authorité es Maysons qui ne sont pas en mon diocsese, ni sur les personnes, ni sur les dependences, ormis sur les Seurs qui sont sorties d'icy, qui, selon leurs vœux et la reciproque obligation qu'elles ont a ce Monastere duquel elles sont tous-jours, et le Monastere envers elles pour les recevoir a toutes bonnes occurrences, demeurent tous-jours membres inseparables de cette Mayson, delaquelle elles ne sont nullement privees, puisque elles n'en sont point dehors sinon par obeissance et selon l'Institut..

  A020002435 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, en toutes occasions de fondation, il faut que les Superieures des lieux ou l'on recourt pour avoir des Seurs prennent advis et conseil avec les Peres spirituelz et autres sages amis et amies, et que, avec le consentement du Chapitre et l'obeissance de l'Evesque, ou, en son absence, du Pere spirituel, elle dispose (sic) des personnes convenables a la fondation.

  A020002436 

 De sorte, ma tres chere Fille, que pour les deux fondations que vous me marques, vous n'avies nul besoin de m'advertir sinon en ce qui regarde la disposition de vostre chere personne, pour laquelle je ne voy nul lieu de me dispenser contre les promesses faites a tant de personnes, mays sur tout a monsieur vostre pere, qui ne peut quasi plus rien esperer pour l'accomplissement de ses consolations en ce monde, que de vous voir au Monastere de Chamberi que l'on va entreprendre, affin de vous avoir aupres de luy, d'ou il a esloigné tous messieurs vos freres par les charges honnorables dont ilz sont tous prouveuz maintenant, puisque, comme vous sçaves, M. de Feliciaz est senateur et juge maje de la province de Chablaix; monsieur de Charmettes a la cour, aupres de Madame; monsieur nostre President de Genevois icy, d'ou il ne peut absenter, non plus que monsieur de Vaugelaz de la cour de France; de sorte quil ne reste que monsieur [237] le Doyen de la Sainte Chapelle.

  A020002438 

 Je voudrois donq que l'on prist du tems pour ce Monastere de Rioms et que, sil se pouvoit, on retirast les filles qui en veulent estre en vostre monastere de Montferrant, avec leurs pensions annuelles; puys, la nouvelle Mayson estant faite a Rioms comme une nouvelle ruche, on y envoyast des filles toutes faites, comm'un essein d'abeilles prest a faire le miel.

  A020002438 

 Mays j'appreuverois merveilleusement que l'on ne se hastat pas tant de faire le Monastere de Riom, non seulement pour donner du tems aux autres Institutz des filles, Carmelites, Urselines et autres qui y sont, mays principalement pour en donner a vostre Monastere de Montferrant de se bien establir, sur tout en personnes; car c'est cela que j'apprehende en toutes les fondations, qu'elles ne se facent sans filles bien formees et solides [238] en cette vertu religieuse que l'Institut requiert autant ou plus qu'aucun autre Institut qui soit en l'Eglise, puisque dautant plus qu'il y a moins d'austerité exterieure il faut quil y ayt de l'esprit interieur.

  A020002440 

 L'inconvenient que vous apportes pour Aurillac seroit dissipé par celuy que je propose, que les filles vinssent faire leur novitiat a Montferrant..

  A020002443 

 Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés..

  A020002444 

 J'escris a ces deux bons Peres que vous me nommés et a M me la Princesse de Joinville, avec les deux motz que M me de Dalet a marqués de Monseigneur et l....

  A020002456 

 Mays, Madame, les pensees des hommes sont vaynes et inutiles en elles mesmes; Dieu seul est le Maistre et le Consolateur des cœurs, c'est luy seul qui apayse les ames de bonne volonté.

  A020002457 

 Le cœur qui s'unit au cœur de Dieu ne se peut empescher d'aymer et d'accepter en fin suavement les traitz que la main de Dieu descoche sur luy..

  A020002457 

 Les paroles interieures que Dieu dit au cœur affligé qui recourt a sa bonté sont plus douces que le miel, plus salutaires que le bausme prætieux a guerir toutes sortes d'ulceres.

  A020002457 

 Que ce fut un bon advis, Madame, que celuy que vous receutes de son inspiration, vous proposant de vous retirer pour un peu de la presse des consolateurs du monde, quoy que bons consolateurs, pour, en repos, remettre la playe de vostre cœur es mains du Medecin et Operateur celeste! puisque mesme les medecins terrestres confessent que nulle guerison ne se peut faire sinon en la quietude et tranquillité.

  A020002458 

 Vostre sainte Blandine ne treuvoit point de plus grand soulagement parmi les blessures de son martire que la sacree cogitation qu'ell'exprimoit souspirant ces troys douces paroles: « Je suis chrestienne.

  A020002460 

 Je sçai qu'elles se tiennent pour avoir esté grandement honnorees et edifiees de vostre sejour parmi leur abjection, et glorieuses que Monseigneur l'Archevesque les ayt favorisees de son commandement qui, en toutes rencontres, leur doit estre tres cher, et particulierement quand il regarde a vostre consolation..

  A020002487 

 O combien de veritables consolations vostre ame recevra elle au jour auquel, comme dit l'Evangile d'aujourd'huy, le grand Maistre de la vigne dira a son facteur: Appelle les ouvriers, et leur rens le salaire..

  A020002501 

 Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité: vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction..

  A020002502 

 J'espere que l'humilité et la connoissance de leur petitesse les conservera non seulement en la grace de Dieu, [246] mais aussi en vostre bienveuillance, Madame; et que parmi tant d'autres ames plus relevees et dignes de vostre faveur, que vostre pieté appuye de son zele, elles aussi, en leur rang, vivront a l'abry de vostre debonaireté, laquelle se souviendra que son Mirouër et son Exemplaire et Patron ayme plus tendrement les petites gens, basses et infirmes, ouy mesme les plus jeunes petitz enfans, pourveu qu'ilz se laissent sousmettre a ses mains et prendre entre ses bras..

  A020002518 

 Puisque la conduite de vostre chemin de Paris a Dijon, pour passer par les monasteres, requiert que vous venies a Moulins, et que les Seurs que l'on prendra icy et a Grenoble vous aillent prendre la, il faudra donq sçavoir a point nommé le tems auquel il les faudroit envoyer et comme quoy les choses passeront, c'est a dire d'ou viendra l'advis que nous devons recevoir; mais il me semble [248] pourtant que n'y ayant que quarante lieuës d'icy a Dijon, ce sera grandement allonger le chemin de passer a Moulins.

  A020002519 

 Je suis de l'advis de M. de Marillac, que nos Seurs allant par les chams portent leur crucifix avec elles..

  A020002529 

 Car ainsy, ma tres chere Fille, si jusques a present le souci de vostre conduite et l'apprehension de vostre future superiorité vous a un peu agitee et vous a souvent fait varier en pensees, maintenant que vous voyla mere de tant de filles, vous deves demeurer tranquille, sereine et tous-jours egale, vous reposant en la Providence divine qui ne vous eut jamais mis toutes ces cheres filles entre les bras ni dans vostre sein, que quant et quand il ne vous eut destinée (sic) un secours, un'ayde, une grace tres suffisante et abondante pour vostre soustien et appuy.

  A020002530 

 Rien ne fait tant tarir le lait es mammelles, que les regretz, les afflictions, les melancolies, les amertumes, les aigreurs.

  A020002544 

 Vives donq de plus en plus en ce celeste amour de Nostre Seigneur qui vous y oblige par mille benedictions qu'il [256] vous a donnees, et sur tout par l'inspiration qu'il vous a departie de le vouloir et de le desirer; et, en ce desir, vivés joyeuse et saintement contente, voire mesme parmi les ennuis et les afflictions qui ne manquent jamais aux enfans de Dieu..

  A020002558 

 Les larmes receües par les mains de M me de Royssieu, vostre lettre tout maintenant venue par la voye de Lyon, mais sur tout vostre dilection tesmoignee par l'un et l'autre moyen, ma tres chere Fille, me donnent un'extremement douce consolation.

  A020002558 

 Monsieur Roland vous dira [257] toutes les nouvelles que vous pourries desirer de deça, d'ou, comme je croy, plusieurs vous escriront plus amplement que moy qui n'en ay nul loysir; aussi est il a propos que je soys court, pour ne point divertir la consolation que vous aures a recevoir nostre bonne Mere..

  A020002559 

 J'ay grande envie de luy escrire, mais il ny a moyen [258] maintenant, tant je suis accablé; et cependant je vous prie, ma tres chere Fille, de luy baiser tres humblement les mains de ma part, l'asseurer de mon fidele service et, sans en faire semblant, sçavoir dextrement de luy sil aura aggreable que je luy escrive par foys..

  A020002559 

 Je connois certes en luy beaucoup d'excellentes qualités grandement propres au service de Dieu et de l'Eglise, lesquelles il faut esperer devoir estre egalement utiles quand elles seront bien employees, ainsy qu'il commence a les rendre par la prædication, et qu'il continuera sans doute tous-jours plus fructueusement.

  A020002563 

 Or sus, ce sont toutes mes douces Filles en Nostre Seigneur, que je supplie continuellement de les rendre tout a fait saintes; et vous de mesme, ma tres chere Fille, [260] a qui je suis tres entierement tout dedié et, en verité, tres cordialement vostre.

  A020002578 

 O que cette journee soit contee entre les journees que le Seigneur fait! Que cette heure soit une heure entre les heureuses que Dieu a benites de toute eternité et qu'il a assignees pour l'honneur de toute l'eternité! Que cette heure soit fondee en la tressainte humilité de la Croix et aboutisse a la tres sacree immortalité de la gloire! Que de souhaitz mon ame fera sur cette chere journee pour l'ame de ma chere Fille! O combien de saintes exclamations de joye et de bon augure sur ce cœur bienaymé! O combien d'invocations a la tressainte Mere Vierge, aux [261] Saintz et aux Anges, affin qu'ilz honnorent de leur speciale faveur et presence cette consecration de l'esprit de ma tres chere Fille, de laquelle ilz ont obtenu la vocation et inspiré l'obeissance a la vocation!.

  A020002589 

 Que vous puis je dire en cette occasion, ma tres chere Fille, sinon qu'entre les consolations que j'attens bien grandes de revoir nostre bonne Mere, celle de l'ouyr parler de vostre cœur en est une? Mais je ne veux pas dire, pourtant, que je veuille attendre son retour pour en apprendre des nouvelles, de ce cher cœur.

  A020002615 

 Je suys tous-jours attendant les despeches necessaires pour remettre l'eglise de Rumilly entre les mains des Peres de l'Oratoire, bien en peyne dequoy je n'ay plus que seze jours de loysir pour disposer de la cure vacante, apres quoy elle vaquera en Cour de Rome, sans que j'y puysse plus mettre la main; et c'est sans doute qu'il ne manquera pas d'impetrans, qu'il sera par apres malaysé de ranger au salutaire dessein de Vostre Altesse..

  A020002616 

 Que si Elle me permet de joindre a cette remonstrance un mot pour la Mayson de Thonon, je luy diray qu'elle n'a pas moins besoin de la venue des mesmes Peres de l'Oratoire que l'eglise de Rumilly, par ce que, sans cela, tout ce qui regarde l'eglise de Nostre Dame et les bastimens qui en dependent s'en va ruiné, ainsy que messieurs les deputés de la Chambre ont reconneu et ont tesmoigné a Vostre Altesse, la providence et pieté delaquelle je reclame en toute humilité, qui suis,.

  A020002632 

 Je respons a nostre chere Seur Superieure de Montferrant sur ce que vous me proposes par vostre lettre, bien marri que, pour ce qui regarde sa personne, je ne puis pas seconder le desir de madame de Chazeron; car, quant au vostre, Madame, je sçai bien les limites dans lesquelles vous le contenes affin que le service de Dieu soit en toutes occasions purement prattiqué: c'est pourquoy je ne vous fay point d'excuse..

  A020002634 

 Ma tres chere Fille, les suggestions de vantance, ouy mesme d'arrogance et outrecuydance, ne peuvent nuire a une ame qui ne les ayme pas, qui tous les jours dit souvent a son Dieu, avec le Roy David: Seigneur, je suis fait comme un néant devant vous, et je suis tous-jours [267] avec vous.

  A020002647 

 Au reste, Monseigneur le Prince veut en toute façon que nos Peres de l'Oratoire viennent, et on m'asseure que pour avoir les expeditions des secretaires de Son Altesse il n'y va point d'argent, mais ouy bien la patience, que j'ay jusques a present..

  A020002661 

 Et pour la cedule des interestz remise a M. Rollant, quand il sera revenu de Paris ou il est allé prendre M me de Chantal pour l'accompagner a son retour, je les (sic) luy feray chercher..

  A020002661 

 Quant aux papiers que vous avés desirés de mes freres pour les affaires qu'ilz ont eü avec feu monsieur de Treverney, puisque ilz ne les treuvent pas, il vous plaira d'en faire dresser telle declaration pour l'aquit que vostre conseil jugera convenable, et ilz la passeront; vous suppliant de croire que l'egarement a esté fait sans dol ni dessein, par seule inadvertence.

  A020002697 

 Ce porteur vous dira, ma tres chere Fille, a quoy nous en sommes pour les affaires de vostre eglise.

  A020002697 

 Quel moyen que le service de Dieu, qui a des le commencement esté exposé aux contradictions, cesse de l'estre en un si miserable siecle? Mays je ne doute point que les opposans ne demeurent vains en leurs poursuites, sans autre satisfaction que d'avoir joué leur rollet et contenté leur humeur contantieuse.

  A020002698 

 Et moy je vay, avec nouveau courage, solliciter les expeditions requises a cett'affaire, la douceur et suavité des Peres de l'Oratoire m'excitant a cela, comme prævoyant que leur venue sera tout a fait salutaire a ce peuple..

  A020002698 

 Je croy que les gens d'honneur luy en sçauront gré.

  A020002714 

 J'avoys pensé de vous escrire un'asses longue lettre, en response de celle que j'ay receüe de vous; mays puisque, comme monsieur le Baron de Vallon m'a dit, on a mis remede a tout ce que vous craignies, il ne me reste a vous dire sinon que tous-jours je feray tout ce que je pourray pour le bien de ce cher filz et le contentement de ma tres chere fille, sa mere, laquelle pourtant il faut que j'advertisse d'avoir soin de sa santé: car on me dit, certes de tres bon lieu et de tres bon cœur, que vous ne prenes pas asses de soulagement pour la conserver et que vous n'espargnes pas autant quil est necessaire vostre force et complexion, et, plus quil ne faudroit, les moyens.

  A020002725 

 Certes, c'est bien tous-jours le desir de mon cœur que vous m'escrivies franchement selon le vostre; mays les nouvelles du vostre seront selon [le] mien quand vous m'advertires ou que vostre affaire est passee a Rome, si Dieu le veut ainsy, ou que si elle ne peut passer a Rome vous demeures accoysee, employant au soulagement de vos desirs les permissions que vous aves et les autres remedes qu'en ce cas-la je vous diray, Dieu aydant, selon quil plaira a la Providence souveraine de sa divine Majesté de me suggerer et de vous inspirer.

  A020002728 

 Un petit mot ama Seur Marie Angelique de Thou et a toutes les autres; M. Manceau et le bon Pere Jean y auront leur part.

  A020002738 

 Combien plus donq se peut elle vouer a Dieu, le mariage qui semble mettre en difficulté sa devotion estant nul de tant de nullités comm'il l'est, devant Dieu et les hommes.

  A020002738 

 Il ny a nulle difficulté qu'on ne puisse, ains qu'on ne doive recevoir madamoyselle de Pressin, ma tres chere Fille, si son esprit est appellé, ainsy que vous me dites; car encor bien qu'ell'eut fait promesse de mariage, et de plus encor, bien qu'ell'eut contracté et celebré le mariage en la face de la tressainte Eglise, pourveu qu'elle ne l'eut pas consommé, il est constant entre les docteurs tant des loix que de la theologie, qu'elle ne laisseroit pas de pouvoir entrer en Religion, et que par sa Profession elle rendroit le contract annullé et de nul effect.

  A020002739 

 C'est un œuvre de charité presque le plus excellent qu'on puisse faire, bien plus grand sans comparayson que de bastir un hospital, recevoir les pelerins, nourrir les orphelins.

  A020002739 

 Mays devant les hommes, il ny a point de privilege que celuy d'estre supportee et assistee et honnoree au monastere, dans lequel les fondatrices seculieres obtiennent ordinairement l'entree plusieurs foys l'annee, et apres la mort des services particuliers.

  A020002739 

 Mays quel privilege ont les fondatrices? Devant Dieu, les privilèges sont grans, car elles participent en une façon particuliere a touts les biens qui se font au monastere.

  A020002739 

 Or cette fille icy voulant estre Religieuse, establira quant a elle son privilege, je m'asseure, a mieux obeir, si elle peut, que les autres, et a faire le plus de progres qu'elle pourra en l'humilité, pureté de cœur, modestie et obeissance..

  A020002739 

 Quant au second point que vous demandes, si cette damoyselle pourra tenir lieu de fondatrice, je dis qu'oùy, s'il est treuvé a propos par ceux qui vous conduisent, car les bienfacteurs notables peuvent tenir ce rang la.

  A020002740 

 La bonne Seur Helene Angelique Lhuillier, de Paris, qui fit profession le 12 de febvrier passé, ayant donné quinze mille escus, et ses parens desirans que, comme fondatrice, ell'eut quelques privileges, au jour de son vestement protesta que, puisque elle renonçoit a la mayson de ses parens, elle renonçoit aussi a tous les privileges [277] qu'ilz luy avoyent voulu reserver, puisque le privilege des vrayes Religieuses estoyt d'abonder en l'amour du cæleste Espoux..

  A020002741 

 C'est pourquoy, dautant plus je me res-joüys qu'elle face une si bonne election et que, quittant les amours peu aymables des hommes, elle se consacre a l'amour tres aymable de son Dieu, vray Espoux des ames genereuses..

  A020002772 

 Je ne vous vis jamais, que je sçache, ma tres chere Fille, sinon sur la montaigne de Calvaire, ou resident les cœurs que l'Espoux celeste favorise de ses divines amours.

  A020002773 

 Mais voyes vous, les habitans de cette colline doivent estre despouillés de toutes les habitudes et affections mondaines, comme leur Roy le fut des robbes qu'il portoit quand il y arriva; lesquelles, bien qu'elles eussent esté saintes, avoyent esté profanees quand les bourreaux les luy osterent dans la mayson de Pilate.

  A020002774 

 O ma chere Fille, que l'eternité du Ciel est aymable et que les momens de la terre sont miserables! Aspirés continuellement a cette eternité, et mesprisés hardiment cette caducité et les momens de cette mortalité..

  A020002775 

 Ne dites point: Comme pourray je oublier le monde et les choses du monde? car vostre Pere celeste sçait que vous aves besoin de cet oubli, et il vous le donnera, pourveu que, comme une fille de confiance, vous vous jetties entierement et fidelement entre ses bras..

  A020002776 

 Ma chere Fille, ce sont des biens du maniement desquelz il vous faudra rendre compte: ayes soin de les bien employer au service de Celuy qui vous les a donnés.

  A020002776 

 Plantés sur ces sauvageons les greffes de l'eternelle dilection que Dieu est prest de vous donner si, par une parfaitte abnegation de vous mesme, vous vous disposes a les recevoir..

  A020002789 

 Entre les filles desquelles la conversion est illustre en l'Evangile, il ny eut que la Magdeleine qui vint par amour et avec l'amour; l'adultere y vint par confusion publique, comme la Samaritaine par confusion particuliere; la Chananee vint pour estre soulagee en son affliction temporelle.

  A020002790 

 Il faut regarder principalement les dispositions de ceux qui viennent a la Religion, par la suite et perseverance; car il y a des ames, lesquelles ny entreroyent point si le monde leur faisoit bon visage, et que l'on void neanmoins estre bien disposees a veritablement mespriser la vanité du siecle.

  A020002792 

 Et ainsy, sans faire semblant de craindre par trop leurs entreveiies, il faut petit a petit les conduire de la voye de l'amour en celle d'une sainte et pure dilection..

  A020002792 

 pourveu quil permette la presence de deux ou trois tesmoins; et si vous en estes l'un, il faut avec dexterité les ayder a se dire adieu, et, en louant leurs intentions passees, leur donner le change et dire qu'ilz sont bienheureux de s'estre arrestés au chemin dans lequel la rayson les a conduitz, et qu'une once du pur amour divin quilz se porteront l'un a l'autre des-ormais, vaut mieux que cent mille livres de l'amour par lequel ilz avoyent commencé leurs affections.

  A020002793 

 Il y a une bonne histoire a ce propos es Confessions de saint Augustin, de deux gentilzhommes qui avoyent espousé deux damoyselles, qui, apres avoir renoncé aux pretentions des noces, se firent, a l'imitation les uns des autres, tous quatre Religieux..

  A020002822 

 Avec cette commodité, je m'excuse, sil vous plait, dequoy ayant esté si souvent remis en memoire de mettre une fin, sil se peut, en l'affaire que vous aves avec les Dames de Sainte Catherine et le sieur Prieur de Rumilly, je n'ay neanmoins encor rien terminé.

  A020002832 

 Ma tres chere Fille, En peu de motz je vous dis que les ames qui sont si heureuses que de vouloir employer les moyens que Dieu leur a donnés, a sa gloire, doivent se determiner aux desseins qu'elles font, et se resoudre de les prattiquer conformement a cette fin.

  A020002832 

 Si elles sont inspirees de faire un couvent de Chartreux, il ne faut pas qu'elles veuillent qu'on y face les escholes comme aux Jesuites; si elles veulent faire un college de Jesuites, il ne faut pas qu'elles veuillent qu'on y observe la solitude et le silence..

  A020002833 

 Si cette bonne dame, que vous ne me nommes point, veut faire un monastere de Religieuses de la Visitation, il ne faut pas qu'elle les charge de grandes prieres vocales, ni de plusieurs exercices exterieurs; car ce n'est pas vouloir des Filles de la Visitation.

  A020002834 

 De charger les Monasteres de la Visitation des pratiques qui divertissent de la fin pour laquelle Dieu les a disposés, je ne pense pas qu'il le faille faire.

  A020002835 

 Je prefere infiniment les douces et les humbles, quoy qu'elles soyent pauvres, aux riches moins humbles et moins douces, quoy qu'elles soyent riches.

  A020002835 

 Mais nous avons beau dire: Bienheureux sont les pauvres; la prudence humaine ne laissera pas de dire: Bienheureux sont les Monasteres, les Chapitres, les maysons riches.

  A020002847 

 Et par ce que nous vous envoyons ma Seur Paule Hieronime Favrot qui de jour a autre attendoit de faire la Profession, affin de ne l'envoyer pas novice nous la recevons a Profession ce mattin; et soudain la ferons partir avec les autres troys, puisque il ny a pas lieu dans la carrosse pour plus de filles que pour 4.

  A020002852 

 A M lle Soyrot, Arviset, Binet, a toutes les ames qui me font lhonneur d'avoir soin de prier pour moy; a M me du Puys d'Orbe.

  A020002867 

 Le pauvre peuple de Rumilly attend tous-jours en bonne devotion la venue des Peres de l'Oratoire en leur ville, et moy j'attens de Vostre Altesse les expeditions necessaires pour les faire venir et la et a Tonon, ou c'est la verité que rien ne peut remedier au mal qui y est, quant au mauvais ordre qu'il y a en l'administration des biens, que par cette venue dé ces Peres.

  A020002881 

 Tenes, ma tres chere Fille, voyla deux lettres pour Monseigneur de Clermont, l'une du bon monsieur vostre pere, l'autre de mov, qui tendent a mesme fin; vous les verres toutes deux, et, s'il vous plait, les cachetteres, et apres que le cachet sera sec, vous les luy rendres.

  A020002881 

 Voyla encor la lettre que monsieur vostre pere vous escrit et celle qu'il m'escrit a moy, par lesquelles vous verres comme tout se dispose a la fondation d'un Monastere a Chamberi; et tandis que pour le commencement on fera preparer les logis, nostre Mere pourra y estre, et vous a Dijon, affin que, comme en passant, vous y establissies cette Mayson-la avant que de venir establir celle de Chamberi: et ainsy sera vray tout ce que nous escrivons a Monseigneur de Clermont..

  A020002882 

 Je ne voy nulle sorte de difficulté en l'affaire de la bonne madame de Dalet, et me semble qu'il n'est point necessaire d'employer le tems a voir comme reüscira la remise de ses enfans entre les mains de M. et M me de Monfan; car il suffit de bien pourvoir a la personne et au bien [295] maintenant, et d'avoir une tres probable conjecture que tout ira bien.

  A020002894 

 On vous donnera le loysir de vous bien preparer par une entiere sousmission a la celeste Providence et un parfait encouragement a vous bien exercer a l'humilité et douceur, ou debonaireté de cœur, qui sont les deux cheres vertus que Nostre Seigneur recommandoit aux Apostres, qu'il avoit destinés a la superiorité de l'univers..

  A020002916 

 Je les incite fort a se tenir invariables dans la pureté et sincerité de l'esprit de leur Institut, puisque c'est pour elles le chemin le plus asseuré pour parvenir a Dieu..

  A020002926 

 Monseigneur, Puysque ça esté l'intention de Son Altesse que la Sainte Mayson de Thonon servit de refuge a ceux qui, [300] de l'heresie, se convertiroyent a la sainte religion catholique, et que pour cela ell'a commandé par lettre expresse, et par mon entremise, encor, que, des revenuz d'icelle Sainte Mayson, fussent donnés cinquante escus d'or de pension annuelle au sieur de Corsier, gentilhomme bien nay qui, despuys sa conversion qu'il fit entre mes mains, a tous-jours vescu fort vertueusement en bon ecclesiastique, apres avoir perdu tous ses biens, il recourt a Vostre Altesse Serenissime, affin qu'il luy playse de luy faire effectivement joüyr de ce bienfait que la Sainte Mayson ne nie pas luy estre deu, mays qu'elle dit ne pouvoir payer, parce que les deniers que Son Altesse luy a assignés pour sa fondation manquent..

  A020002927 

 Et si d'ailleurs les Peres de l'Oratoire entrent en la Sainte Mayson, on espargnera les gages que l'on donne aux ecclesiastiques seculiers qui y sont maintenant, et de cette espargne on pourra payer cette pension et faire plusieurs autres bonnes affaires: qui sont les deux moyens que je voy, quant a present, plus propres pour remedier a la miserable pauvreté de ce gentilhomme, pourveu qu'il playse a Vostre Altesse que bien tost on les prattique, ainsy que tres humblement je l'en supplie,.

  A020002951 

 Revu sur l'Autographe conservé à Cherasco (Piémont), dans les archives.

  A020002960 

 Et les Constitutions, qui renvoye (sic) a un Pere spirituel, ne disent pas qu'il ny en ayt qu'un, mays seulement quil y en ayt un; mays, quand elles le diroit (sic), il faudroit doucement aquiescer a ce qu'un si grand et si favorable Prælat desireroit..

  A020002961 

 Or sus, mon cœur salue le vostre de toute l'estendue de ses affections, et luy souhaite perpetuellement une sainte et amoureuse generosité au service de l'Espoux celeste, et pour vous et pour toutes nos Seurs; et, comme vous [303] sçaves, les nostres de ce Monastere y sont comprises, specialement ma Seur Jeanne Marie, ma niece, et ma Seur Marie Anastase, nostre premiere professe, et la grande fille de Moulins; et puis vous sçaves ce que nostre Seur Helene Angelique est a mon ame.

  A020002962 

 Je ne puis oublier madame la Marquise de Dampierre, ni les mouvemens que le Saint Esprit donne a son cœur; playse a sa divine Majesté de les benir et faire reuscir a la plus grande sanctification de son nom et de sa sainte Mere.

  A020002963 

 Nous verrons icy les deux seurs mariees, et j'ay veu naguere le Frere Vincent, qui est tout brave homme et tres bon Capucin..

  A020003013 

 Les affaires qui se sont passees au Languedoc des quelque tems en ça m'ont osté les commodités de vous escrire si souvent comme je soulois et devroys faire; et bien qu'en cela il n'y ayt point de coulpe de mon costé, je ne laisse pas d'en sentir de la pœnitence, puisque veritablement ce m'est une tres grande consolation quand je puys me ramentevoir en vostre chere souvenance et vous rafraichir les offres de mon inviolable affection a vostre service.

  A020003014 

 Or, Monseigneur, il a besoin de vostre faveur pour les affaires dont je vous envoye la note au memoire ci joint; et je vous supplie donq tres humblement de l'en gratifier volontier, en sorte qu'il connoisse que vous aves aggreable mon intercession, et que j'ay veritablement le bonheur d'estre aymé de vous en la qualité que je porte de si bon cœur, Monseigneur, de.

  A020003032 

 Je le veux bien, ma tres chere Fille, puisque vous en aves du desir, que vous facies la sacree Communion tous les huit jours; m'asseurant qu'a mesure que vous approcheres plus souvent de ce divin Sauveur, vous tascheres [310] de luy rendre aussi plus d'amour et de fidelité en son service, et que le jour de vostre Communion vous vous garderes de donner sujet a ceux avec lesquelz vous converseres de penser que vous n'estimes pas asses l'honneur de la reception de vostre Salut..

  A020003033 

 Tenes, voyla une des larmes de Vandosme, c'est a dire une goutte de l'eau dans laquelle on a trempé la fiole dans laquelle est, ainsy qu'on tient par la tradition ancienne des habitans de Vandosme, de la terre sur laquelle tomberent les larmes de Nostre Seigneur, tandis qu'au tems de sa mortalité et de ses peynes il pria et adora son Pere eternel pour la remission de nos pechés.

  A020003059 

 Là-dessus, ils m'ont répondu qu'ils avaient les mains liées, et ne pouvaient casser une élection faite canoniquement.

  A020003059 

 Mais toutes les élections étant faites deux jours auparavant et tous les Pères capitulants congédiés, j'ai prié ce matin le Père Général et les Assistants de donner ordre à ce que l'élection faite en Chapitre d'un français soit révoquée et transférée à un italien.

  A020003060 

 Priant Dieu notre Seigneur de vous combler de toute sainte prospérité, je vous baise très humblement les mains..

  A020003072 

 Comme j'estoy ces jours passez à Pignerolle pour assister à la celebration du Chapitre general des Peres Fueillans, j'ay esté convié par Vostre Seigneurie Illustrissime, par vostre Vicaire general et encore par [315] Monseigneur le Nonce, qui est en ces quartiers, d'administrer le Sacrement de Confirmation au peuple de ce lieu, dequoy je me suis acquitté pendant les deux jours consecutifs de Dimanche qui se sont rencontrez au temps de la tenuë du Chapitre.

  A020003072 

 J'ay conferé aussi les Ordres mineurs à plusieurs, suivant le desir que monsieur vostre Vicaire general m'a tesmoigné que vous en aviez..

  A020003073 

 On y a fait l'eslection d'un General doué d'une doctrine eminente, d'une prudence rare et d'une singuliere pieté; et ceste eslection a esté faicte quasi par le concours de tous les suffrages.

  A020003074 

 Je luy baise tres-humblement les mains, et prie Nostre Seigneur qu'il respande sur Elle toute sorte de saincte prosperité, selon la plenitude des desirs,.

  A020003086 

 Il n'a esté veu entr'eux ny discorde, ny dispute, ny la moindre contradiction, mesmement à l'eslection du General, qui a esté faicte d'une approbation tres-generale et par le concours quasi de tous les suffrages; comme certes il estoit tres-convenable, puis qu'ils faisoyent choix d'une personne dont le sçavoir est tres-eminent, la probité exquise et la prudence admirable, et duquel les travaux ont esté tres-heureusement et utilement employez pour la propagation de la saincte foy catholique, comme ses diverses traductions de quelques anciens Peres grecs et quelques traictez qu'il a escrits contre les heresies de ce temps le demonstrent visiblement: de sorte qu'il n'estoit point necessaire que l'authorité Apostolique intervinst en un Chapitre de telle qualité..

  A020003087 

 Et toutesfois, puis que le commandement de Sa Saincteté l'a ainsi ordonné, j'ay assisté à tous les actes capitulaires qui ont esté faicts, et en rends compte à Vostre Seigneurie Illustrissime; vous suppliant de toute mon affection, que, comme vous avez tousjours honoré de vostre faveur ceste Congregation, il vous plaise luy continuer la mesme bienvueillance, la mesme protection, à fin qu'elle aille tousjours perseverant et croissant en la saincte observance de la discipline religieuse..

  A020003088 

 Je baise tres-humblement les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime, et prie Dieu qu'il vous comble de ses plus sainctes felicitez, selon l'estenduë des desirs,.

  A020003100 

 Mais c'est la verité que j'ay esté tres-inutile aux Peres Fueillans; car ils se sont comportez en leur Chapitre general avec tant de pieté, avec tant de paix, d'union et de tranquillité, que je n'ay eu aucune occasion de les servir, comme Vostre Seigneurie Illustrissime me commandoit et comme je le desirois ardamment..

  A020003101 

 Il a escrit encore avec une merveilleuse eloquence et une singuliere clarté, pour la deffence de la saincte foy contre les heretiques de ce temps.

  A020003102 

 Je vous baise tres-humblement les mains, et vous souhaitte du Ciel les felicitez que souhaitte pour soy-mesme,.

  A020003112 

 L'asseurance que les Peres Fueillans m'ont donnée de l'amour et de la faveur que Vostre Seigneurie Illustrissime porte à leur Congregation, m'oblige de vous exposer comment, ayant pleu à Sa Saincteté m'establir President de leur dernier Chapitre general, j'ay rencontré parmy eux une concorde et une pieté si rare, que j'ay esté touché en moy-mesme d'un particulier sentiment d'obligation de louer infiniment la divine Majesté, qui a communiqué à des hommes mortels une si douce et aymable paix d'esprit..

  A020003113 

 D'avantage, ils ont faict l'eslection d'un General, avec toute la maturité et le choix qu'on pouvoit desirer; car ils ont jetté les yeux sur un personnage où la rencontre d'un sçavoir exquis, d'une prudence non commune et d'une excellente pieté se trouve avec une tres-belle harmonie.

  A020003113 

 Ses rares escrits rendent une manifeste preuve de cecy, Dieu s'estant servy de sa plume pour apporter beau-coup d'ornement à la saincte doctrine catholique, par les tres-utiles traductions qu'il a faictes de quelques Peres grecs et par les tres-beaux livres qu'il a composés pour la refutation des heresies de ce temps: dont je ne doute point que Vostre Seigneurie Illustrissime ne reçoive un grand contentement de ceste eslection et de l'heureux succez du Chapitre.

  A020003126 

 Puis que je cognoy l'affection particuliere dont le sainct zele de Vostre Seigneurie Illustrissime a tousjours embrassé et procuré les interests et l'advancement de la Congregation des PP. Fueillans, il m'a semblé estre de mon devoir de luy donner advis sur le succez de leur dernier Chapitre general, auquel, comme sçait Vostre Seigneurie Illustrissime, Sa Saincteté m'a donné ordre d'assister en qualité de President..

  A020003127 

 Le General y a esté esleu avec un tres-general consentement de tous, car de trente-cinq suffrages, les trente luy ont esté donnez; et quand son eslection a esté publiée, l'approbation de tous a esté recogneuë dans la commune allegresse qu'ils ont tesmoignée..

  A020003128 

 Car il me semble que luy ayant reüssy d'escrire avec l'heur et la grace qu'on remarque es traductions du grec en latin et en françois qu'il a données au public, et en refutant les heresies de ce temps, il pouvoit rendre un plus grand et plus important service à la saincte Eglise en la continuation de cest employ.

  A020003129 

 Je baise les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime avec une tres-profonde reverence, et souhaitte de Dieu en sa faveur toute sorte de saincte felicité, comme estant,.

  A020003157 

 Aussi n'y a-t-il [324] plus rien à désirer, sinon que cette union, ou mieux cette unité entre tant de têtes de diverses nations, que l'on peut et que l'on doit maintenant louer, puisse et doive mériter les mêmes louanges à l'avenir..

  A020003157 

 Enfin, selon l'usage, on y a élu le Supérieur général, mais avec une si parfaite concorde et tant de douceur dans les procédés, qu'on ne saurait rien voir de plus aimable.

  A020003157 

 Les Lettres de Votre Sainteté m'ayant établi Président du Chapitre général de la Congrégation des Feuillants, j'ai obéi sans retard et me suis transporté au monastère de Pignerol où s'est tenu ce Chapitre.

  A020003158 

 Ce n'est pas seulement un homme d'une érudition remarquable et vraiment éminente, par la variété de ses pieux écrits et par de brillants travaux (il a en effet illustré l'Eglise, il l'a défendue contre les hérétiques), c'est encore un homme d'une prudence très avisée et fort exerce aux affaires; enfin, ce qui est capital, il est versé dans la piété et dans la science de l'apostolat.

  A020003159 

 A mon avis, toute l'affaire se conclura plus heureusement et avec plus de facilité si Votre Sainteté fait un précepte au Général de laisser au plus tôt ce Bréviaire vieilli, pour adopter l'édition monastique, laquelle est non seulement approuvée, mais absolument recommandée à tous les moines par le Siège Apostolique.

  A020003159 

 La Congrégation se sert, en effet, d'un Bréviaire en usage chez les Cisterciens, dont il est nécessaire de corriger, voire même de blâmer un assez grand nombre de passages.

  A020003159 

 Le Chapitre ayant fait preuve d'une grande unanimité de vues sur les autres questions, il m'a [326] semblé préférable de ne point lui imposer, d'autorité, une décision.

  A020003159 

 Sans doute, la plupart des capitulants, les plus doctes et les plus sages, réclamaient une telle mesure; mais d'autres, moins éclairés et attachés jusqu'à l'excès à leurs anciennetés, comme ils disent, ont mis toute leur ardeur à défendre le Bréviaire usité jusqu'ici parmi eux.

  A020003160 

 Que Dieu très bon et très grand conserve le plus longtemps possible les jours de Votre Sainteté: tel est l'objet de tous mes vœux, de mon humble prière, de mon ardent désir..

  A020003161 

 Je baise les pieds de Votre Sainteté, dont je suis.

  A020003183 

 Ayant reçu les Lettres Apostoliques de Votre Sainteté, datées du 28 avril de cette année, qui me constituaient Président du Chapitre général de la Congrégation de Sainte-Marie des Feuillants, j'ai obéi sans retard.

  A020003184 

 Aussi me semble-t-il qu'on puisse appliquer à ce Chapitre la parole du Prophète: Qu'il est bon, qu'il est [328] agréable pour les frères d'habiter ensemble! C'est comme le parfum répandu sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron.

  A020003184 

 Comme il convenait, les diverses affaires de la Congrégation, apportées de toutes parts, y ont été l'objet de nombreuses décisions et ordonnances.

  A020003184 

 Il ne reste plus qu'une chose à désirer: c'est que cette union, ou plutôt cette unité, entre des hommes de tant de provinces et de nations différentes, continue dans l'avenir à mériter les éloges qu'elle mérite aujourd'hui..

  A020003185 

 D'ailleurs, puisque, en 1625, le Chapitre général doit se tenir à Rome, sous les yeux du Saint-Siège Apostolique, s'il reste à ajouter quelque chose pour augmenter l'éclat et la perfection de cet Ordre illustre, cela se fera sans peine et sans difficulté.

  A020003186 

 Puisse Dieu très bon et très grand, dans son admirable providence envers l'Eglise, garder saine et sauve Votre Sainteté! Je l'en prie et l'en conjure à genoux, de mes vœux les plus humbles et les plus ardents..

  A020003196 

 Les plus courtes responses sont ordinairement les meilleures, et avec cela, [je suis] pressé de mon depart de cette cour et du desir de depescher vostre homme, qui me conjure ardemment de ne le point retenir davantage.

  A020003198 

 Je voy bien qu'il y a plusieurs repliques a ce que je dis; mais je croy bien aussi qu'en ces occurrences il n'est pas question de contester et de disputer, ains de considerer les maximes de l'Evangile, qui sans doute nous conduisent au parfait despouillement, et au mespris de la sagesse temporelle qui ne s'arreste a la sagesse de la vertu que requiert l'excellence et l'eminence de l'amour celeste..

  A020003199 

 Car, presupposé la charité de monsieur vostre mari et la vostre [331] envers vos petitz enfans pour avoir soin d'eux et de leurs petitz affaires, et asseurer madame vostre fille pour luy [donner] commodité de vivre plus parfaitement sous l'ombre de la Croix, que peut on dire autre chose sinon que Dieu a donné l'inspiration a la fille de se retirer, et au pere et a la mere de luy en donner les moyens? Je sçai qu'a faire ces grandes et heroïques vertus il y a de l'effort; mays c'est aussi de la d'ou elles tirent leur plus grande gloire..

  A020003199 

 Mais, Madame, si cette chere fille de vostre cœur s'arreste dans les bornes que vostre authorité luy préfixé, de n'estre au monastere que comme fondatrice, sans changement d'habit ni de condition exterieure, je ne croy pas que la plus sage sagesse humaine puisse sagement gronder, ni, je m'asseure, probablement murmurer.

  A020003201 

 Je vous en donne ma parole plus clairement: je n'ay nulle authorité sur les Monasteres de la Visitation qui sont hors de mon diocese, de sorte que je ne puis m'obliger sinon a ne point consentir, ains a faire tout ce que je pourray, non point par authorité, mais par credit que j'espere d'avoir envers les Superieures de ces Monasteres, et particulierement avec madame [Favre], de laquelle je suis grandement certain qu'elle suivra en cela ma direction.

  A020003210 

 Ce n'est pas peu que d'estre dans les porches de la mayson du Seigneur..

  A020003210 

 Demeures donq ainsy en vostre habit seculier, mais prenant les habitudes religieuses pour, en contentant vostre devotion dans le monastere, contenter encor madame vostre mere.

  A020003211 

 Madame vostre mere me fait asses de plaintes de vostre esprit, mais je connois bien la jalousie maternelle et discerne bien en cecy les eslans de la nature d'avec ceux de la grace.

  A020003212 

 Je donne au reste toutes les asseurances [333] que je puis pour vostre personne.

  A020003212 

 Je n'ay pas voulu respondre a toutes les plaintes maternelles pour ne point m'embarrasser, ormis sur celle de madamoyselle vostre fille, que je consens estre remise a cette bonne mere, attendant qu'elle puisse faire choix de sa vocation.

  A020003226 

 Je suis bien ayse que les filles de Sainte Catherine ayent fait leur affaire en mon absence; et avant que je parte on despechera a Rome pour la reformation generale, ainsy que Monseigneur le Prince resolut avanthier..

  A020003227 

 Il ne sera, je pense, pas besoin d'envoyer a Louvain, puisque Son Altesse prendra les moyens convenables pour accoyser'ces messieurs les Proviseurs, et que le Pape interviendra en cett'affaire.

  A020003275 

 Celles-ci proclament avec tant d'affection les vertus accordées par la Bonté divine à Votre Altesse, qu'elles vous tiennent toujours présente au souvenir de ceux qui, en tout respect, jouissent de leur auguste société, comme je l'ai fait ces deux derniers mois.

  A020003275 

 J'avoue ingénuement à Votre Altesse, qu'en cette académie de piété où vivent les Sérénissimes Infantes, j'ai goûté une consolation si grande, que, quoique ma profession ecclésiastique et mon éducation dans les lettres sacrées soient assez éloignées de la vie de la cour, j'ai néanmoins éprouvé un singulier plaisir à demeurer ici, pour jouir en particulier de la vue d'une piété telle qu'elle reluit en ce trio d'Infantes..

  A020003275 

 Me trouvant maintenant à la veille de mon départ de cette cour, je viens, par ces quelques lignes, offrir aussi mes très humbles hommages à Votre Altesse Sérénissime que j'ai eue continuellement [338] devant les yeux de l'esprit en la personne des Sérénissimes Infantes.

  A020003302 

 Ces deux Pères partent de cette ville pour les affaires qu'ils expliqueront au Saint-Siège.

  A020003302 

 Et comme toutes regardent la plus grande gloire de Dieu et qu'elles ne peuvent réussir que par l'intervention de la main très puissante de Votre Seigneurie Illustrissime, je les lui recommande, et à sa piété et à sa sollicitude, avec un très profond respect.

  A020003319 

 Et de plus, Monsieur, bien que l'exercice de la meditation soit grandement desirable es Monasteres, si est ce que, quand toutes les autres qualités se treuvent en un esprit, j'ay tous-jours jugé que celle de n'estre pas propre a former les meditations n'estoit pas suffisante pour forclorre un'ame du cloistre.

  A020003338 

 Je ne treuve nulle difficulté que la [mère de monsieur] de la Gamelle soit receue en vostre Mayson pour y demeurer [en habit] seculier, pourveu qu'il soit modeste, selon son ordinaire; qu'elle] couche sur les plumes ou [en autre] telle sorte, pourveu...; car en tout cela [il n'y a aucune] messeance... p[our la] cha[rité]... par la plus douce... bonne... le plus grand secours de son aage.

  A020003339 

 Je me res-jouys dequoy vous aves un si bon Pere spirituel et un si bon confesseur; cela vous doit soulager au desplaysir que les incommodités de vostre logis vous doivent donner.

  A020003340 

 Je salue tres humblement le cœur de nostre devote Seur Marie et celuy de madamoyselle des [Con]ches, les conjurant de recommander souvent le mien tres chetif a la souveraine bonté de celuy de Nostre Seigneur, auquel [346] et par lequel je suis tres asseurement, ma tres chere Fille,.

  A020003352 

 Mais il est vray aussi que j'eusse souhaité qu'elles eussent eu encor un peu de patience, puisque nous [347] sommes a la veille de voir un ordre general pour la reformation de tous les Monasteres de cette province de deça les mons, notamment des filles, parmi lesquelles les moindres defautz sont plus blasmés que les grans parmi les hommes.

  A020003353 

 Tous les defautz qui arrivent en une bonne œuvre n'en gastent pas la bonté essentielle: d'ou que le bon vienne, il le faut aymer.

  A020003367 

 Je le croys, ma tres chere Mere, car je le voys, que toutes les Superieures desirent de voir les filles maussades et fantasques esloignees de leurs monasteres, car c'est la condition de l'esprit humain de ne se plaire qu'aux choses plaisantes.

  A020003367 

 Mais je suis tout a fait de vostre advis, que l'on n'ouvre point la porte au changement de monastere pour les filles qui le desireront, ains seulement pour celles qui, sans le desirer, seront pour quelqu'autre rayson envoyees par les Superieurs; car autrement, le moindre [349] deplaisir qui arriveroit a une fille seroit capable de l'inquieter et luy faire prendre le change, et en lieu de se changer elles mesmes, elles penseroyent d'avoir suffisamment remedié a leur mal quand elles changeroyent de monastere..

  A020003368 

 J'ay respondu a madame de Monfan et a madame de Dalet sur les lettres qu'elles m'escrivirent tandis que j'estois a Turin..

  A020003369 

 [350] Monsieur Sanguin m'escrit une grande lettre et m'a fait escrire par Monsieur le Duc de Nemours sur les difficultés que l'on fait a sa fille; mais je n'ay rien a respondre sinon que les Superieurs qui sont sur les lieux doyvent decider ce fait, et non moy, qui ne puis estre instruit que par le recit des parties et qui, au reste, ne suis pas juge competant..

  A020003370 

 Celle de Nevers ne m'en a point escrit, mais les plaintes de celle de Moulins tesmoignent que l'opinion du bon droit est grandement enracinée en l'esprit de l'une et de l'autre..

  A020003371 

 J'ay aussi presque une mesme aversion au grand desir que les Superieures ont que l'on decharge leurs Maysons [351] par le moyen des fondations; car tout cela depend du sens humain et de la peine que chacune a a porter son fardeau.

  A020003375 

 Je crois que les mayson s pieuses de Dijon et de la Bourgoigne auront beaucoup perdu en ce trespas, mais il arrive rarement que l'un proffite sans la perte de l'autre.

  A020003375 

 Je suis consolé de l'agreable ædification qu'elle a laissé par les bons exemples de sa vie, qui estoit certes totalement dedié (sic) au service de Dieu, ainsy que j'ay reconneu des que j'ay eu le bien de la connoistre.

  A020003376 

 En somme, il n'est pas en nostre pouvoir de garder les consolations que Dieu nous a donnees, sinon celle de l'aymer sur toutes choses, qui est aussi la benediction souverainement desirable..

  A020003380 

 Receves les infirmes; croyes moy, ma tres chere Mere, la prudence humaine est ennemie de la bonté du Crucifix..

  A020003380 

 Vous fistes excellemment de recevoir la femme que Monseigneur de Langres vous addressoit: Bienheureux sont les misericordieux, car Dieu leur fera misericorde.

  A020003398 

 En charges vous vos pere et mere? Non, vous ne les charges pas tant que vous les descharges, puisque c'est selon leur gré et a leur souhait que cela se fait..

  A020003398 

 Quelle plus legitime descharge pouves vous faire de la personne et des biens de vos enfans, que de les remettre entre les mains de monsieur vostre pere et de madame vostre mere? Et n'est ce pas un trait visible et palpable de la Providence divine pour ce sujet, que cela se puisse faire avec l'aggreement, ains avec le desir de cette mere, jadis si jalouse de vostre presence au monde? Il m'est [356] advis, certes, ma tres chere Fille, que Dieu luy mesme jette des fleurs et des parfums aux chemins de vostre retraitte, affin qu'elle se face avec plus de douceur et que les plus coquilleux l'appreuvent et benissent; car, que peut on dire? Que vous laisses vos enfans? Ouy; mais ou les laisses vous? Entre les bras de leur [premier] pere et de leur premiere mere.

  A020003399 

 Cecy est vray, je vous asseure, ma tres chere Fille: il arrive quelquefois que les jeunes enfans eslevés en Religion en rejettent par apres la sujettion, comme les chevaux que l'on charge trop tost de la selle.

  A020003412 

 Il y a quelquefois des tentations humaines parmi les serviteurs et servantes de Dieu: si nous sommes animés de la dilection, nous les supporterons en paix..

  A020003413 

 Il est vray, elles sont plus que vous: mays les Seraphins mesprisent ilz les petitz Anges? et au Ciel, ou est l'image sur laquelle nous nous devons former, les grans Saintz mesprisent ilz les moindres? Mais apres tout cela, en somme, qui plus aymera sera le plus aymé, et qui aura le plus aymé sera le plus glorifié.

  A020003413 

 Si ces bonnes ames mesprisent nostre Institut parce qu'il leur semble moindre que le leur, elles contreviennent a la charité, en laquelle les fortz ne mesprisent point les foibles, ni les grans les petitz.

  A020003427 

 Les filles, comme foibles, sont sujettes aux ennuis, et les ennuis leur font treuver des expediens importuns et indiscretz.

  A020003432 

 Je ne croy pas qu'il faille recevoir dans les monasteres de la Visitation toutes les filles repentantes, mais je ne croy pas aussi qu'il les faille esconduire toutes.

  A020003433 

 Il me semble que les balustres doivent estre a la grille du chœur comme a celle du parloir..

  A020003472 

 Et lors que les Peres auront pris possession en vostre nom de l'office de l'eglise de Rumilly, il faudra moyenner a Rome l'union des benefices desquelz Son Altesse a nommé en faveur de vostre Congregation..

  A020003490 

 Monseigneur, A mon arrivee en ce pais, j'ay treuvé les sieurs Sousprieur et Sacristain de Contamine, prestz a remplir les quatre præbendes que Vostre Altesse avoit ordonné devoir demeurer vacantes pour estre appliquees aux colleges des Peres Barnabites; et d'effect, ilz les ont maintenant remplies de quatre jeunes parens, ausquelz ilz ont mis l'habit de leur Religion par l'authorité de Monsieur l'Abbé de Cluni qui en est le General.

  A020003491 

 Il reste que le juste dessein que Vostre Altesse en a si souvent fait soit executé, non seulement empeschant que les præbendes soyent remplies, mays impetrant de Sa Sainteté les provisions requises pour la translation du revenu, de l'Ordre de Cluni a celuy des Peres Barnabites, infiniment plus utiles au service de Dieu et au bien publiq.

  A020003507 

 Je les verray avant mon retour, si je puys, et vous en feray sçavoir des nouvelles, desirant, soudain que je seray revenu, d'aller la haut visiter madame l'Abbesse ma cousine, et vous [370] voir toutes, grandement content si je puis en quelque sorte vous donner a toutes quelque saint contentement, qui suis de tout mon cœur, ma tres chere Fille,.

  A020003507 

 Vous ne vous deves donq nullement inquieter, ains demeurer en paix; les jours vous apprendront si Dieu desire que vous facies autre chose.

  A020003525 

 Monsieur mon tres cher Frere, les premieres nouvelles du trespas de monsieur le Comte de Rossillon me furent donnees a Turin, mais avant (sic) tant d'incertitude, [371] que ny madame la Marquise de Saint Damien, ni madamoyselle de Tornon, ni M. le Baron de Tornon ne m'en oserent pas asseurer.

  A020003525 

 Qu'ay a vous dire la dessus, mon tres cher Frere, ni a madame la vefve, ni a nostre chere seur Bonaventure? Dieu aura des-ja visité vos cœurs de ses saintes inspirations, et vous aura dit interieurement les saintes paroles de sa consolation..

  A020003541 

 Et puis dire en verité, que la consideration de vostre ennuy fut une des plus promptes apprehensions dont je fus touché, a l'abord de l'asseurance du mal qu'on nous avoit presagé par les bruitz incertains qui nous en arrivoyent..

  A020003545 

 Au demeurant, je ne vous asseureray pas de mon service fidele en cette occasion: il vous a esté dedié une fois pour toutes fort entierement, et je vous supplie de n'en jamais douter, non plus que du soin que j'auray d'assister des Sacrifices que je presente a Dieu l'ame de ce digne chevalier, les merites duquel je veux a jamais honnorer, avec tout ce qu'il a laissé de plus cher icy bas..

  A020003558 

 J'ay rapporté de Turin la nomination de troys prieurés, dont les deux sont dans la ville mesme, le troysiesme a deux lieues, et qui est desja au P. de Saunaz.

  A020003558 

 On pourra cependant procurer l'union, que Son Altesse favorisera tant qu'il pourra par l'entremise de son Ambassadeur a Rome, selon la lettre quil en a des-ja faitte et que j'ay entre les mains..

  A020003559 

 Nous attendrons donq que vous envoyies au plus tost deux Peres, pour, sur le lieu, prendre les resolutions convenables a l'acheminement de ce saint œuvre.

  A020003561 

 Mays je reserve a vous dire plus au long mes pensees quand j'auray tout leu, et je voudrois bien encor avoir veu tous les escritz qui se sont divulgués, qui ont donné sujet ou occasion au vostre; car j'en ay seulement eu [376] quelque vent par la communication de nostre Monseigneur de Belley et du tres Reverend General des Feuillans.

  A020003585 

 A luy, louange des graces qu'il fait a ce digne Prelat qui, les recevant avec reconnoissance et sans resistance, fera des merveilles pour le bien de la sainte Eglise.

  A020003597 

 Et vous deves vous reposer en cela, ma tres chere Fille, et aggrandir tous les jours vostre cœur et vostre courage en une parfaite confiance du secours celeste, puisque cette divine Providence n'employe jamais les ames a des [381] choses grandes et difficiles, qu'il ne leur veuille quant et quant departir sa tressainte assistence..

  A020003618 

 Tous-jours les vieux Religieux de Contamine taschent, par divers moyens, de continuer la possession de leur Ordre de Cluni es præbendes de ce Monastere, quoy qu'ilz sachent bien que Vostre Altesse Serenissime a resolu de les faire employer a l'entretenement des colleges et du Novitiat qui sont establis en ce pais pour les Peres Barnabites.

  A020003619 

 Et de plus, Monseigneur, je supplie tres humblement Vostre Altesse d'escrire a Monseigneur le Serenissime Prince Tomas quil face convenir pardevant luy tous les principaux conseillers de la Sainte Mayson de Tonon, [383] affin que par son authorité il soit mis ordre aux affaires de cette Mayson la, qui sans cela s'en vont tout a fait en ruine; qui seroit un extreme dommage, qu'un'œuvre de si sainte et grande consequence, fondee avec tant de pieté par Son Altesse, perit faute de secours et d'ordre..

  A020003632 

 Voyes, je vous prie, vous mesme, ma tres bonne et tres chere Mere, les lettres ci jointes, et voyes s'il y a apparence que, sans vous incommoder beaucoup, vous puissies donner ce contentement tant desiré a ces cheres ames; car, si cela se peut bonnement, pour moy, non seulement j'y consens, mais je le souhaiterois tres volontier, sur tout s'il est vray que venant de Dijon a Monferrant, ce fust vostre passage de voir vostre chere fille; et encor plus, si venant de Monferrant a Lion, c'estoit vostre passage [384] de voir Saint Estienne de Forez.

  A020003634 

 Or sus, je croy qu'un bon moys ou cinq semaines feront la rayson de tous ces destours; mais j'entens tous-jours qu'il n'y ayt point de peril des gens d'armes sur les chemins de ces lieux la..

  A020003641 

 J'espere en la misericorde de Dieu que je sçauray au Ciel comme on les nommera, du nom que tous sçauront, et que personne ne sçaura, sinon celuy qui le recevra.

  A020003650 

 Je remettray toutes les affaires a l'assemblee que Monseigneur le Prince Thomas doit faire expres pour terminer tous les differens de la Sainte Mayson, puisqu'il faut que je parte passé demain pour aller en Provence, d'ou je ne sçai pas quand je reviendray, bien que j'espere que ce sera bien tost..

  A020003651 

 Je pars avec desplaysir de laisser M. de Blonnay malade, et vous dis seulement que les Peres Barnabites pensent avoir rayson de vouloir nommer aux offices de Contamine, a cause des paroles expresses: « avec toutes charges et honneurs.

  A020003665 

 O que vous estes heureuse, et que vous le deviendres tousjours davantage si vous perseveres a marcher en ce chemin! Et combien vous rendres vous parfaittement aggreable a l'Espoux de ces ames qu'il attire sur vostre giron, pour les rendre ses espouses, si vous leur apprenes a regarder seulement les yeux de ce Sauveur, a perdre petit a petit les pensees que la nature leur suggerera d'elles mesmes, pour les faire penser tout a fait en luy..

  A020003666 

 O ma tres chere Cousine, que de benedictions pour vostre esprit que Dieu a destiné pour cultiver et gouverner sa sacree pepiniere! Vous estes la mere, la nourrice et la dame d'atours de ces filles et espouses du Roy: quelle dignité! A cette dignité, quelle recompense, si vous faites cela avec l'amour et les mammelles de mere! Tenes vostre courage fort et ferme en cette poursuite, et croyes tres invariablement que je vous cheris et affectionne sans condition et reserve, comme ma tres chere cousine et fille bienaymee..

  A020003667 

 O que bien advantagees sont les Filles de Sainte Marie de la Visitation, parmi tant de moyens et d'occasions de bien aymer et servir Nostre Seigneur! Helas! ce sont des miracles de voir de ces bonnes filles en ces monasteres, exposees a tant de venues et de visites..

  A020003679 

 Faites moy, je vous supplie, cette faveur, Monsieur mon Frere, tandis que je vay en Provence ou Monseigneur le Prince Cardinal doit aller faire la reverence, et ou, visitant les lieux de devotion qui y sont en grand nombre, je prieray Dieu qu'il vous conserve, avec madame ma seur, et benisse tout ce que vous affectionnes; qui suis en toute verité,.

  A020003705 

 Pensés si je suys pressé, puisque je ne m'ose pas dispenser d'un demi jour pour prendre le loysir de bayser les mains a Monsieur l'Archevesque, mon superieur, ni a monsieur le Gouverneur, a qui je suis tant obligé, ni a madame de Pezieu, ma chere seur..

  A020003706 

 Au retour d'Avignon, que j'espere faire dans quinze jours, je rendray tous ces devoirs, Dieu aydant, avec mille desirs de me conserver la bienveuillance de ceux a qui je les ay, comm'a vous principalement, Monsieur mon Frere, a qui je donne la nouvelle, si des-ja vous ne l'aves eue, que nostre cher cadet, en fin fut marié par mes mains il y a aujourduy huit jours, avec tous les tesmoignages de reciproque contentement que l'on pouvoit souhaiter es deux parties.

  A020003721 

 C'est un grand advantage pour vostre vertu, ma tres chere Fille; faites le bien profiter, et quoy que vostre aage, vostre complexion et vostre santé vous promettent une longue vie, souvenes vous neanmoins qu'aussi pouves vous mourir bien tost, et que vous n'aures rien de plus desirable a la fin, que d'avoir mis un grand soin a recueillir et conserver les faveurs de la Bonté divine..

  A020003733 

 Mille remerciemens a vostre cœur bienaymé, ma tres chere Fille, pour les faveurs qu'il fait a mon ame, luy donnant des si douces preuves de son affection.

  A020003733 

 Mon Dieu, que bienheureux sont ceux qui, desengagés des cours et des complimens qui y regnent, vivent paysiblement dans la sainte solitude aux pieds du Crucifix! Certes, je n'eus jamais bonne opinion de la vanité, mais je la treuve encor bien plus vayne parmi les foibles grandeurs de la cour..

  A020003744 

 Dieu qui voit les desirs de mon cœur, sçait qu'il y en a de tres grans pour vostre continuel avancement en son tressaint amour, ma tres chere Fille, sur tout maintenant que, selon la disposition de la sainte Providence eternelle, vous voyla mere et conductrice d'une trouppe d'espritz consacrés a la gloire de Celuy qui est l'unique bien auquel nous devons aspirer..

  A020003805 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A020003815 

 Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies.

  A020003826 

 Ce que n'ayant effectué jusques à present, et estant ledit temps espiré il y a une piece, ledit S r Prince a voulu que je vous disse de sa part par cette, qu'il sera bien que [402] vous faciez executer les exprditions desja faictes, et mettiez sans autre delay lesdits Peres en possession dudit prieuré..

  A020003826 

 Sur quoy lui fut donné temps pour produire et fere veoir ses raisons, à faute de quoy les dits Peres en seroyent mis en possession.

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003842 

 Pour ces causes, en tant qu'il Nous concerne, Nous avons deputé, choisi et eleu, ainsy que par les presentes, de nostre certaine science, pleine puissance et authorité souveraine, avec l'advis et participation de nostre Conseil, deputons, choisissons et elisons le dit Evesque de Geneve pour chef de tous les Religieux reformés Benedictins riere nos dits Estats, avec pouvoir de visiter tous les Monasteres qui s'y trouveront fondés et dependans de cet Ordre; d'y introduire la dite reforme, particulierement en ceux de Bellevaux, Contamine, Sindrieux (Chindrieu) et Saint Paul, en taschant de disposer tous les Religieux d'iceux a la recevoir chacun selon son pouvoir, eu esgard a l'aage et force d'un chacun, et prenant en particuliere protection tous ceux qui se rangeront et disposeront à cette salutaire et tres sainte resolution; luy permettant en outre d'y restablir ponctuellement l'observance, ensemble l'Office divin et autres fonctions spirituelles et publiques, de predication, confessions, administration des saints Sacremens et autres qui s'y trouveront annexees, lors toutefois que le nombre des Religieux se trouvera estre suffisant pour ce faire..

  A020003843 

 Et affin que ces bons Peres Religieux reformés ayent plus de moyen de s'entretenir et maintenir, Nous leur donnons dez à present, en tant qu'il Nous touche, tous les revenus, offices et prebendes monastiques, tant du dit Talloire que des autres monasteres susdits, pour en jouir et les unir à la dite reforme à perpetuité; si qu'ils puissent en prendre possession apres qu'elles seront vacantes, au cas que les possesseurs modernes n'acceptent la ditte reforme..

  A020003844 

 Declarons qu'il sera loisible au dit Evesque de Geneve, avec participation des Peres principaux reformés du dit Ordre, de nommer et creer un d'eux pour Abbé et chef Provincial de la ditte reforme, qui se pourra changer de tems en tems, selon les louables coustumes des Congregations reformees..

  A020003859 

 Enfin, voici nos chères colombes dans leur nouvelle retraite, si parfumée des odeurs célestes que quantité de nos jeunes damoiselles prennent en vérité des ailes de colombe pour sortir du déluge du monde et se reposer en cette arche, en la sainte société de celles que vous nous avez envoyées pour adresser les autres dans le chemin du Ciel.

  A020003859 

 Notre Mère me fit prêcher en cette assemblée, qui fut très grande et quasi de tous les principaux de Grenoble.

  A020003873 

 Et certes, à dire vrai, vivre ponctuellement selon les rudes casualités et règlements, selon les ordonnances des trop exacts médecins, est embrasser une grande peine.

  A020003873 

 Il me souvient de la repartie des Spartains à ces longs harangueurs de Corinthe: la langueur et longueur du commencement fait oublier les conséquences de la fin; les conclusions sont étouffées dans la multitude des prémices.

  A020003873 

 Vive le cœur de mon Père qui met tous les cœurs en paix par l'admirable brièveté de ses grands, incomparables et moelleux discours!.

  A020003873 

 Votre jugement, en deux mots, m'a soulagé; il me fallait la hache de ce même jugement, qui honore toutes les autres perfections qui vous honorent, pour retrancher, ainsi que Périclès, sa harangue.

  A020003881 

 Les filles de ce Père, de ce Père tout saint,.

  A020003884 

 J'irai apprendre vers elles ce que j'ignorerai de vos saintes maximes, je les regarderai comme mes sœurs, je les honorerai comme mes aides en la conduite de ce diocèse, je les proposerai à mon peuple comme la règle de la vraie piété; bref, Monseigneur, en la personne des Filles, je renouvellerai l'idée que je ne perds jamais des vertus du Père..

  A020003884 

 Monseigneur, ayez, je vous conjure, pitié de ces souffrantes, faites-les chanter sur un autre air.

  A020003884 

 Vous pouvez penser si les Sœurs que vous nous envoyerez nous seront chères, à l'égal, certes, de la prunelle de nos yeux.

  A020003890 

 Mais que direz-vous de votre disciple, qu'il apprenne les chansons des fillettes! Ce sont des couplets innocents aux oreilles et à la mémoire..

  A020003891 

 Cependant, je vis encore dans l'attente d'une ample réponse sur ma lettre précédente, car il faut dire de vos lettres, pour précipitées qu'elles soient, comme des Oraisons de Démosthène, que les plus longues sont les meilleures.

  A020003905 

 O Dieu, en vous admirant, j'ai bien quelque disposition d'en tirer des bons désirs; mais je n'ai pas la force de les mettre en effet, jusques à ce que vox Domìni præparantis cervos tonne en mon âme et lui donne puissance d'enfanter tout ce qu'elle conçoit, pour conduire dans la vraie perfection ce qu'il vous a plu de me conseiller quelquefois..

  A020003905 

 Oui, Monseigneur, j'admire tous les jours les travaux que vous prenez pour la gloire de Dieu et pour l'état de son Eglise: plaise à la divine Bonté de les accompagner toujours de cette grâce accidentelle, que, comme les lauriers de ces anciens de la Grèce réveillèrent Thémistocle, ainsi vos labeurs et vos trophées en la cause de la religion et dévotion réveillent quelques esprits généreux de ce siècle, et les tirant hors du profond sommeil, les animent à des pensées et à des actions dignes du temps où nous sommes et des nécessités où l'Eglise est réduite.

  A020003906 

 Cependant, Monseigneur, voici que l'on ne respire en cette ville que d'avoir de vos chères Filles; il ne faut nullement douter que vous favoriserez nos deux prétendantes, attendantes et poursuivantes de ce bonheur tant pourchassé et tant désiré, et les souhaits de toute la ville, de la grâce de Madame de Chantal.

  A020004020 

 Pour dignes respects nous vous avons voulu dire par ces lignes que n'envoyez aucune personne a Louven, pour la ratification de la transaction passée avec les RDS Peres Bernabites du College d'Annissy, sans nostre advis et commandement expres; ains vous prolongerez le terme accordé auxdits Peres pour procurer ladite ratification, jusques au mois de may prochainement venant: car tel est le vouloir de S. A..

  A020004027 

 Les Administrateurs du College d'Annissy..


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A021000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A021000015 

 Les grandeurs que désire le saint Evêque de Genève. 11.

  A021000019 

 — La Communion hebdomadaire et les pieux pèlerinages. 13.

  A021000022 

 — De quelle crainte faut-il craindre les fins dernières? — Défiance et présomption dans le service de Dieu.

  A021000023 

 » — Comment rendre parfaites nos actions les plus ordinaires. 18.

  A021000023 

 — Pourquoi le Sauveur fut, dans tous les mystères de sa vie, « le Bienaymé de son Pere.

  A021000025 

 La posture de l'âme pendant les exercices extérieurs et intérieurs.

  A021000027 

 Les vertus fortes et les meilleurs vins.

  A021000027 

 — Ce qui rend les tribulations précieuses. 20.

  A021000029 

 L'ombre nécessaire pour conserver les fruits des résolutions.

  A021000033 

 Quand les « empressemens d'amour » en l'oraison sont bons.

  A021000033 

 — La différence entre les « abnegations mentales » et les réelles.

  A021000034 

 Les amitiés les plus solides.

  A021000036 

 Aversion du Saint pour les procès, surtout pour ceux qui se font à la suite de « manquements de promesses.

  A021000036 

 » — Le meilleur remède contre les gens qui rompent la foi donnée.

  A021000037 

 Pourquoi Notre-Seigneur permet les petites disettes spirituelles.

  A021000037 

 — Un prédicateur dont il fait bon ouïr les paroles.

  A021000038 

 On connaît la fidélité dans les occasions.

  A021000038 

 — Ce qui donnera « les rangs » parmi les enfants de Dieu.

  A021000038 

 — Ne pas s'attrister des répugnances, mais les surmonter.

  A021000045 

 — Persévérer dans sa voie, tout en appréciant les autres.

  A021000046 

 — Délicats et francs conseils sur les vertus à pratiquer pour couvrir « la tare du cors.

  A021000046 

 — Les raisons contre le mariage doivent céder devant une forte inclination.

  A021000047 

 — Les merveilles des noces de Cana.

  A021000049 

 — Combien fades les niaiseries des amours profanes.

  A021000053 

 — Les deux natures du Christ.

  A021000054 

 — D'où viennent les larmes de dévotion et la sécheresse.

  A021000054 

 — Ne pas souhaiter les persécutions, mais exercer sa fidélité dans les occasions présentes. 41.

  A021000056 

 Suivre les attraits de Dieu dans l'oraison.

  A021000057 

 Les communications spirituelles plus aisées de vive voix que par écrit.

  A021000058 

 Les aulx et les oignons du monde, et la délicieuse manne de notre Sauveur.

  A021000063 

 — l'Eglise de Genève dépouillée de toutes ses ressources par les hérétiques.

  A021000064 

 L'amour pour leur Ordre ne doit pas empêcher les Religieux de reconnaître les défauts qui s'y trouvent.

  A021000072 

 — Le « petit Agnelet d'innocence » secouant sa toison sur les cœurs largement ouverts du côté du Ciel.

  A021000072 

 — Les vœux d'un Saint.

  A021000078 

 Deux lettres pour soutenir les droits de la destinataire.

  A021000080 

 Le traitement du cœur et les chaînes pour lier nos passions.

  A021000081 

 Les desseins de Dieu dans la maladie.

  A021000082 

 — Les méchants doivent être tenus en crainte. 68.

  A021000098 

 — Eloge de son courage dans les durs assauts qu'il a dû soutenir pour la foi.

  A021000100 

 Les grandes résolutions d'un Fondateur.

  A021000103 

 Le salaire et le bonheur de ceux qui enseignent aux autres les voies de la justice.

  A021000104 

 — Les permissions qu'il faut leur donner.

  A021000118 

 MMLXII. Pour quel motif surtout aimer les parents.

  A021000118 

 — Dans les maladies spirituelles et corporelles, user des remèdes voulus par Dieu, mais s'en remettre, pour le résultat, à son bon plaisir.

  A021000118 

 — Les vertus « de cœur » et les vertus apparentes.

  A021000119 

 MMLXIII. Les effets de l'amour pur à l'égard du prochain expliqués par une belle comparaison.

  A021000120 

 — Trois remèdes contre le trouble qu'apportent à l'âme les évènements de cette vie.

  A021000121 

 — Les actes d'amour et de confiance seront le remède à tous ses maux intérieurs.

  A021000123 

 MMLXVII. Les vœux du Père pour lui-même et pour sa Fille spirituelle.

  A021000123 

 — La mortification dans les repas.

  A021000124 

 MMLXVIII. Aimer indistinctement toutes les croix qui nous arrivent.

  A021000124 

 — Les croix « un peu mignardes ».

  A021000124 

 — Quelles sont les meilleures.

  A021000125 

 — Moyen d'attirer en soi les grâces de Dieu.

  A021000125 

 — Quelle doit être son attitude dans les outrages et les louanges.

  A021000126 

 MMLXX. Compassion surnaturelle du Saint pour les souffrances de sa Fille.

  A021000126 

 — Les holocaustes de l'ancienne Loi et l'écorchement du cœur.

  A021000128 

 — Manière de combattre les pensées de jalousie.

  A021000130 

 MMLXXIV. Peut-on parvenir à la perfection en pratiquant une seule vertu? — Qu'est-ce que la vertu? — Dans la charité, toutes les vertus sont comprises.

  A021000130 

 — Diviniser les vertus naturelles.

  A021000131 

 MMLXXV. Les « menues occurrences » et les « fascheux evenemens ».

  A021000134 

 MMLXXVIII. Conduite à tenir dans les affaires affligeantes.

  A021000138 

 — Comment se comporter dans les aridités et les chutes, et se « mettre en la sainte indifférence ».

  A021000141 

 MMLXXXV. La connaissance de la volonté divine doit être fidèlement gardée; s'y conformer aussi bien dans les ténèbres que dans la lumière.

  A021000142 

 — Au guide, le discernement; à l'âme, l'aveugle abandon sous la conduite de la Providence, même dans les désolations intérieures.

  A021000143 

 MMLXXXVII. L'instrument entre les mains de Notre-Seigneur.

  A021000143 

 — Dans les peines intérieures qui font perdre pied, regarder notre « cher Capitaine » et employer deux sortes d'armes.

  A021000145 

 — Pourquoi le « Roy des coeurs » aima parfois les larmes 109.

  A021000146 

 — Remède pour les distractions 109.

  A021000149 

 MMXCII. Règle touchant les avis spirituels.

  A021000149 

 — Comment combattre les pensées de soupçon et de méfiance.

  A021000155 

 MMXCVIII. Regretter les fautes du prochain, mais avoir compassion du pécheur et de l'imparfait.

  A021000155 

 — Moyen de parvenir au repos d'esprit au milieu de toutes les vicissitudes.

  A021000170 

 — La douceur et l'humilité sont les bases de la sainteté..

  A021000170 

 — Qui mortifie plus ses inclinations naturelles attire plus les inspirations surnaturelles.

  A021000221 

 Premierement, que vous retranchies quelques satisfactions sensuelles que vous pourries autrement prendre sans offencer Dieu, et que, pour cela, vous vous levies tous-jours a six heures du matin, soit que vous ayes bien dormi ou mal dormi, pourveu que vous ne soyes pas malade, car alhors il faudroit condescendre au mal; et pour faire quelque chose de plus les vendredis, vous vous levies a cinq heures.

  A021000222 

 Item, que vous vous accoustumies a dire tous les jours, apres ou devant l'orayson, quinze Pater noster et quinze Ave Maria les bras estendus en guise de crucifix.

  A021000223 

 Davantage, que vous renoncies aux playsirs du goust, mangeant les viandes que vous pourres avoir a table lesquelles vous seront les moins aggreables, pourveu qu'elles ne soyent pas malsaines, et laissant celles ausquelles vostre goust aura plus d'inclination.

  A021000224 

 Or, ces petites et foibles austerités vous serviront a double fin: l'une, pour impetrer plus aysement la lumiere requise a vostre esprit pour faire son choix; car la deperition du cors en ceux qui ont les forces et la santé entiere, esleve merveilleusement l'esprit.

  A021000225 

 Sur tout, si emmi la nuit vous vous esveilles, employes bien ce tems la a parler seul a seul a Nostre Seigneur sur vostre choix; protestés souvent a sa Majesté que vous luy resignes et laisses en ses mains la disposition de tous les momens de vostre vie et qu'il luy playse les employer a son gré..

  A021000227 

 Faites les passetems qui seront plus vigoureux, comme de monter a cheval, sauter et autres telz, et non pas les molletz, comme de jouer aux cartes et danser.

  A021000228 

 Communies tous les dimanches, et tous-jours avec prieres pour impetrer la lumiere requise; et ces jours la de feste, vous pourres bien visiter, par maniere d'exercice, les lieux saintz des Capucins, Saint Bernard, les Chartreux..

  A021000246 

 La vraye science de Dieu nous apprend, sur toutes choses, que sa volonté doit ranger nostre cœur a son obeissance et a treuver bon, comme en effect il est tres bon, tout ce qu'elle ordonne sur les enfans de son bon playsir.

  A021000246 

 Vous seres, je m'asseure, de ceux la, et selon ce principe, vous acquiesceres doucement et humblement, quoy que non sans sentiment de douleur, a la misericorde dont il a usé envers vostre bonne mere, qu'il a retiree dans le sein de sa bienheureuse eternité, ainsy que les dispositions precedentes nous donnent tout sujet de croire avec autant de certitude que nous en pouvons justement prendre en tel sujet..

  A021000247 

 Regardes la donq la, avec les yeux de vostre foy, et accoyses en cela vostre ame..

  A021000248 

 Il y a environ un moys qu'il porte son deuil entre-meslé de tristesse et de consolation, selon les deux portions de son ame..

  A021000258 

 Me voyci certes en une grande peine de sçavoir combien vous en aves eu parmi cette forte et fascheuse maladie de laquelle, comme j'espere, vous releves, et dont j'eusse eu infiniment plus de desplaysir, si de toutes partz on ne m'eust asseuré que, graces a Dieu, vous n'aves esté en nulle sorte de danger, et que vous commencies a reprendre les forces et le chemin de la guerison..

  A021000259 

 Mais ce qui me donne plus d'apprehension maintenant, c'est ce qu'on crie, qu'outre le mal que vous aves par les accidens corporelz, vous estes surchargé d'une violente melancholie; car je m'imagine combien cela retardera le retour de vostre parfaitte santé et engendrera de dispositions contraires.

  A021000261 

 C'est un sentiment meilleur de se desfier de pouvoir resister aux tentations, que non pas celuy de s'en tenir pour asseuré et asses fort, pourveu que ce qu'on n'attend pas de ses forces on l'attende de la grace de Dieu: en sorte que plusieurs qui, avec grande consolation, se sont promis de faire des merveilles pour Dieu, quand c'est venu au point ont manqué; et plusieurs qui [12] ont eu grande desfiance de leurs forces et une grande crainte qu'a l'occasion ilz ne manquassent, sur le champ ont fait merveilles, parce que ce grand sentiment de leur foiblesse les a poussés a rechercher l'ayde et le secours de Dieu, a veiller, prier et s'humilier pour ne point entrer en tentation..

  A021000262 

 Samson, qui estoit appellé le fort, ne sentoit jamais les forces surnaturelles dont Dieu l'assistoit sinon es occasions; et pour cela il est dit que quand il rencontroit les lions ou les ennemis, l'Esprit de Dieu le saysissoit pour les tuer.

  A021000264 

 Je vous conjure, Monsieur, d'appayser toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre esprit, ausquelles il n'est besoin de respondre autre chose sinon que [13] vous desires d'estre fidele en toutes occurrences, et que vous esperes que Dieu fera que vous le seres, sans qu'il soit besoin d'essayer vostre esprit s'il le seroit ou non, car ces essays sont trompeurs, et plusieurs sont vaillans quand ilz ne voyent point l'ennemi, qui ne le sont pas en sa presence; et au contraire, plusieurs craignent avant l'escarmouche, ausquelz le danger present donne le courage.

  A021000281 

 Mais puisque Dieu m'a voulu entraver comme les mauvais chevaux, affin que je demeurasse en ce champ, c'est bien la rayson que je m'y accommode et que sa divine volonté soit faite.

  A021000281 

 Pleust a Dieu que j'eusse autant de liberté que ce porteur en a, pour aller ou je voudrois! vous me verries au moins toutes les annees une bonne fois aupres de vous, avec le contentement que les plus tendres enfans ont d'estre en la presence de leur bonne mere; car vostre [15] bienveuillance et mon affection me rendent cela en vostre endroit.

  A021000292 

 Pendant que nous sommes emmi les affaires, il se faut estudier a la tranquillité de cœur et a tenir nostre ame douce.

  A021000292 

 Tenes la tous-jours assise et en repos devant Dieu pendant les exercices exterieurs, et levee et mouvante pendant les interieurs: comme font les abeilles, qui ne volent point dans leur ruche et faysant leur mesnage, mais seulement a la sortie.

  A021000312 

 Je participe, par compassion, a tant d'aigres douleurs que vous souffres, et ne laisse pas de recevoir beaucoup de consolation dequoy vous les souffres en esprit de resignation.

  A021000312 

 Ma chere Mere, les vertus qui croissent entre les prosperités sont ordinairement floüettes et imbecilles, et celles qui naissent entre les afflictions sont fortes et fermes, ainsy qu'on dit que les meilleurs vins croissent entre les pierres..

  A021000313 

 Je prie Dieu qu'il soit tous-jours au milieu de vostre cœur, affin qu'il ne soit point esbranlé parmi tant de [18] secousses, et que, vous faysant part de sa Croix, il vous communique sa sainte tolerance et ce divin amour qui rend si pretieuses les tribulations..

  A021000322 

 Vous devries tous les matins, avant toute chose, prier Dieu qu'il vous donnast la vraye douceur d'esprit qu'il requiert es ames qui le servent, et prendre resolution de vous bien exercer en cette vertu la, sur tout envers les deux personnes a qui vous aves le plus de devoir.

  A021000330 

 Et pour les bien conserver, tenes vous pres du Sauveur, car son ombre est salutaire pour la naissance et conservation de telz fruitz.

  A021000330 

 Je vous supplie, ma chere Fille, n'abandonnes jamais le train des saintes resolutions que vous aves faites, car Dieu qui les a donnees a vostre cœur luy en demandera le conte.

  A021000338 

 Certes, quelle qu'elle soit, elle me donne bien de la condoleance, mays aussi quant et quant de la consolation, puisqu'il dit que Dieu vous l'a envoyee; car, ma tres chere Fille, rien ne sort de cette main divine que pour l'utilité des ames qui le craignent, ou pour les purifier, ou pour les affiner en son saint amour.

  A021000349 

 Et bien que d'un costé vous voyes l'Amour de vostre cœur mort et crucifié entre les cloux et les espines, vous treuverés de l'autre un assemblage de pierres pretieuses pour en composer la couronne de gloire qui vous attend, si, en attendant de l'avoir, vous portés amoureusement celle d'espines, avec vostre Roy qui a tant voulu souffrir pour entrer en sa felicité..

  A021000349 

 Madame, je ne vous diray pas que vous ne regardies point vos afflictions, car vostre esprit, qui est prompt a repliquer, me diroit qu'elles se font bien regarder par l'aspreté de la douleur qu'elles donnent; mais je vous diray bien que vous ne les regardies pas qu'au travers de la Croix, et vous les treuveres ou petites, ou du moins si aggreables, que vous en aymeres plus la souffrance que la jouyssance de toute consolation qui en est separee.

  A021000362 

 Que la Vierge, les Anges et tous les Saintz le veuillent accompaigner et recommander a leur Maistre; et priés vostre bon Ange d'estre pres de vous quand vous le feres..

  A021000366 

 Aymés donq bien les desirs celestes, et desires aussi fort les amours celestes.

  A021000366 

 Les empressemens d'amour en l'orayson sont bons, s'ilz vous [23] laissent des bons effectz et qu'ilz ne vous amusent point a vous mesme, mais a Dieu et a sa sainte volonté; et en un mot, tous les mouvemens interieurs et exterieurs qui affermissent vostre fidelité envers cette volonté divine seront tous-jours bons.

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000367 

 Et vous voyla donq emmi les occasions de prattiquer cette vertu jusques a l'extremité, puisqu'a cette privation est joint l'opprobre, et qu'elle se fait en vous, sans vous et pour vous, mais plus en Dieu, avec Dieu et pour Dieu..

  A021000368 

 Il est vray, la joliveté de l'esprit nous donne quelquefois bien de la vanité, et on leve plus souvent le nez de l'esprit que celuy du visage; on fait les doux yeux par les paroles aussi bien que par le regard.

  A021000378 

 O Dieu, que les amitiés fondees sur le solide fondement de la charité sont bien plus constantes et fermes que celles desquelles le fondement est en la chair et au sang et aux respectz mondains!.

  A021000379 

 Ne vous troubles point pour vos secheresses et sterilités, ains consoles vous en vostre esprit supérieur, et vous souvenes de ce que Nostre Seigneur a dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; bienheureux sont ceux qui ont faim et soif de justice.

  A021000394 

 Or, je ne sçai pas comme ces choses passent par dela, ou souvent on ne suit pas les regles que nous avons en nos affaires ecclesiastiques..

  A021000395 

 Au demeurant, ma tres chere Fille, le desir que j'ay eu de vous dissuader [de] la poursuitte de ce mauvais proces n'avoit pas son origine de la desfiance de vostre bon droit, mays de l'aversion et mauvaise opinion que j'ay pour tous les proces et toutes les contentions.

  A021000395 

 Certes, il faut que l'issue d'un proces soit merveilleusement heureuse, pour reparer les frais, les amertumes, les empressemens, la dissipation du cœur, l'odeur des reproches et la multitude des incommodités que les poursuittes ont accoustumé d'apporter.

  A021000395 

 Sur tout, j'estime fascheux et inutiles, ains dommageables, les proces qui se font pour les paroles insolentes et manquemens de promesses, quand il n'y a point d'interest reel; parce que les proces, en lieu de suffoquer les mespris, ilz les publient, dilatent et font continuer, et en lieu de reduire a l'observation des promesses, ilz portent a l'autre extremité..

  A021000396 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, j'estime qu'en vraye verité le mespris du mespris et le tesmoignage de generosité que l'on rend par les desdains de la foiblesse et inconstance de ceux qui rompent la foy qu'ilz nous ont donnee, c'est le meilleur remede de tous.

  A021000406 

 Ah, qu'il fait bon ouÿr ces sacrees paroles qu'il dit a nos cœurs quand nous les mettons aupres du sien!.

  A021000414 

 Et par ce que le cœur fidele se connoist es rencontres, employes bien toutes les occasions qui se presenteront de vous associer doucement aux personnes moins relevees; traittes les amiablement, uses envers elles de paroles courtoyses et de cordialité.

  A021000414 

 Helas! ma tres chere Fille, les qualités de cette vie sont en effect peu considerables, nous sommes telz en verité que nous sommes devant les yeux de Dieu; l'humilité sera seule consideree lhors que l'on donnera les rangs aux enfans de Dieu.

  A021000423 

 L'homme n'est en ce monde que comme un arbre planté de la main du Createur, cultivé par sa sagesse, arrousé du sang de Jesus Christ, affin qu'il porte des fruitz propres au goust du Maistre, qui desire estre servi en ceci principalement, que, de plein gré, nous nous laissions gouverner a sa Providence qui mene les volontaires et traisne a force les refractaires..

  A021000424 

 Madame, vous estes sa fille, vous protestes tous les jours et le pries que sa volonté s'accomplisse en la terre comme au ciel; que vous reste il a faire, qu'a vous resoudre courageusement a consoler monsieur vostre espoux et a vous conduire en ce pelerinage par les voyes qu'il plaira a la Majesté divine de vous tracer?.

  A021000432 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma Fille, et vous soit unique et parfait Consolateur en cest inopiné accident de cette bonne et vertueuse seur, laquelle, sans aucun esbranslement precedent de sa santé, est tombee en un moment a la mort, mais, comme nous devons esperer, entre les mains de la misericorde de son Sauveur.

  A021000432 

 Helas! ma chere Fille, nous sommes miserables de sçavoir par tant d'experiences combien cette vie est mortelle, et de nous affliger neanmoins si fort quand, ou nous ou les nostres passons de la vie a la mort.

  A021000432 

 O Dieu, qu'il fait bon mourir, puisqu'il le faut, autour de ces bonnes festes! car on se prepare, par les Sacremens, a l'advantage..

  A021000433 

 Voyes cette si soudaine mort, qui n'a pas donné le loysir a la deffunte [31] de dire les adieux d'honneur a ceux qu'elle cherissoit; et, en esperant qu'elle est passee en la grace de Nostre Seigneur, disons nos adieux de bonne heure, renonçant affectionnement au monde et a toute sa vanité, et colloquons nos cœurs en la bienheureuse eternité qui nous attend..

  A021000442 

 O Dieu, ma chere Fille, il se faut bien preparer a mieux faire pour la premiere occasion qui se presentera; car a mesure que nous voyons ce monde et les liens que nous y avons se rompre devant nos yeux, il faut recourir plus ardemment [32] a Nostre Seigneur et advoüer que nous avons tort de loger nos esperances et esperer nos contentemens ailleurs qu'en luy et en l'eternité qu'il nous a destinee..

  A021000461 

 J'ay accoustumé de dire a toutes les ames qui s'addressent a moy, mays je vous le dis tres particulierement a vous qui estes si particulierement ma fille, qu'il faut eslever le cœur en haut, ainsy que dit l'Eglise au saint Sacrifice.

  A021000461 

 Non certes, ma chere Fille, je ne dis pas cela; mais je dis que les souffrances, les peines, les tribulations sont accompaignees d'une si forte resolution de les souffrir pour Dieu, que toute cette amertume, pour amere qu'elle soit, est en paix et tranquillité..

  A021000469 

 O vive Jesus! il n'y a pas dequoy en ce monde pour faire souhaiter que les amis y demeurent beaucoup..

  A021000469 

 Voyla donq, ma chere Fille, comme rang a rang nous passons le fleuve Jourdain pour entrer en la Terre de promission ou Dieu nous appelle les uns apres les autres.

  A021000472 

 Que si mes prieres luy peuvent accelerer ce bien, je les luy prometz de bon cœur, et si je pouvois tenir son rang en vostre amitié, je le vous demanderois de bon cœur aussi.

  A021000473 

 Prenes, ma Fille, les bandelettes de Nostre Seigneur, ou son suaire duquel il fut enveloppé au sepulchre, et essuyes vos larmes avec cela.

  A021000482 

 Il y a sans doute des chemins plus excellens, mais non pas pour vous; et l'excellence du chemin ne rend pas excellens les voyageurs, ains leur vistesse et agilité.

  A021000482 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vous aves un grand sujet de louer Dieu qui, avec une providence fort speciale, ne vous a pas seulement donné la volonté de rapporter vos jours mortelz a celuy de l'immortalité, mais vous a marqué le lieu, les moyens et la façon avec laquelle vous deves appliquer le reste de ces momens perissables a la conqueste de la tressainte eternité.

  A021000482 

 Rien n'est si aggreable que la perseverance, a la divine Majesté, et les plus petites vertus, comme l'hospitalité, rendent plus parfaitz ceux qui perseverent jusques a la fin, que les plus grandes qu'on exerce par change et varieté..

  A021000490 

 Je respons a vostre lettre du 2 de ce mois plus tard que je ne desirois, attendu la qualité de l'advis et du conseil que vous me demandes; mais les grandes pluyes ont empesché les voyageurs de se mettre en campagne, au moins n'ay je point eu de commodité asseuree jusques a celle ci..

  A021000491 

 Mays puisque vostre esprit n'est nullement en l'indifference, ains totalement penché au choix du mariage, et que nonobstant que vous ayes recouru a Dieu vous vous y sentes encor attachee, il n'est pas expedient que vous facies violence a une si forte impression par aucune sorte de consideration; car toutes les circonstances, qui d'ailleurs seroyent plus que suffisantes pour me faire conclure avec la chere cousine, n'ont point de poids au prix de cette forte inclination et propension que vous aves; laquelle, a la verité, si elle estoit foible et debile, [39] seroit peu considerable, mais estant puissante et ferme, elle doit servir de fondement a la resolution..

  A021000501 

 O qu'heureux sont ceux que Dieu manie a son gré et qu'il reduit sous son bon playsir, ou par tribulation ou par consolation! Mais pourtant, les vrays serviteurs de Dieu ont tous-jours plus estimé le chemin de l'adversité, comme plus conforme a celuy de nostre Chef, qui ne voulut reuscir de nostre salut et de la gloire de son nom que par la croix et les opprobres..

  A021000501 

 Voyla, ma tres chere Fille, les conditions avec lesquelles nous nous devons donner a Dieu: c'est que, soudain, il fasse sa volonté de nous, de nos affaires et de nos desseins, et qu'il rompe et desfasse la nostre ainsy qu'il luy plaira.

  A021000504 

 Et pour une seule noce de vin failly, en voyla deux excellentes; car les ames, tant de l'un que de l'autre, s'espousent a Jesus Christ.

  A021000516 

 Que les annees sont courtes, ma chere Fille! les voyla qu'elles s'enfuyent toutes l'une apres l'autre et nous emportent avec elles a nostre fin.

  A021000523 

 Les iniques, dit David, m'ont raconté leurs niaiseries; mais cela n'est point comme vostre loy.

  A021000524 

 Vous aves rayson: puisqu'une fois pour toutes vous aves declairé les resolutions invariables de vostre esprit, et qu'il fait le fin a ne les vouloir pas advoüer, ne respondes plus pas un seul mot jusques a ce qu'il parle autrement; car il n'entend pas le langage de la Croix, ni nous aussi celuy de l'enfer..

  A021000526 

 Jamais nous n'aurons la parfaite douceur et charité si elle n'est exercee entre les repugnances, aversions et desgoustz.

  A021000526 

 La vraye paix ne gist pas a ne point combattre, mais a vaincre: les [44] vaincus ne combattent plus, et neanmoins ilz n'ont pas la vraye paix.

  A021000536 

 Il n'est pas des rosiers spirituelz comme des corporelz: en ceux ci, les espines durent et les roses passent; en ceux la, les espines'passeront et les roses demeureront..

  A021000536 

 J'ayme vostre avancement en la solide pieté, et cet avancement requiert des difficultés, affin que vous soyes exercee en l'eschole de la Croix, en laquelle seule nos ames se peuvent perfectionner; mais je ne me puis empescher des tendretés maternelles qui font desirer les douceurs pour les enfans.

  A021000546 

 Ne vous mettes point en peyne dequoy vous n'aves pas les sentimens de devotion et consolation presentement; car le courage fort que vous aves vaut mieux que tout cela.

  A021000546 

 Quittés ces empressemens et achevés vos affaires en tranquillité, comme voyant Nostre Seigneur a vostre costé qui vous ayde a les faire..

  A021000547 

 Je prieray, quoy que indignement, pour N. N., et les serviray par tout ou je pourray..

  A021000555 

 C'est a luy, ma tres chere Fille, que vous en deves le remerciement, qui vous y a puissamment attiree, et a tourné les cœurs de ces cheres Seurs devers le vostre et le vostre devers le leur, et tous ensemble devers la Croix et sa Mere tressainte..

  A021000566 

 Le second article principal, c'est que ce seul vray Dieu est Pere, Filz et Saint Esprit: dont le Pere est la premiere Personne de la tressainte Trinité, le Filz la seconde et le Saint Esprit la troysiesme; en sorte que les troys Personnes ne sont pas plusieurs dieux, ains un seul vray Dieu, bien que l'une des Personnes ne soit pas l'autre.

  A021000567 

 Vostre entendement n'est pas memoire, car il y a beaucoup de choses que vous entendes, desquelles vous ne vous resouvenes pas quelque [49] tems apres; vostre entendement et vostre memoire ne sont pas vostre volonté, car il y a beaucoup de choses que vous entendes et desquelles vous aves memoire, lesquelles vous ne voules pas, comme sont les pechés, que vous detestes.

  A021000571 

 Maintenant donq, ma chere Fille, quand vous vous representies Nostre Seigneur revenant d'Egypte, vous consideries Dieu le Filz, lequel, bien qu'il fust par tout, selon qu'il est Dieu, estoit neanmoins par les chemins, en travail, selon qu'il est homme.

  A021000574 

 Bon soir, ma chere Fille; faites devotement les festes aupres de ce vray Dieu petit Enfant, auquel je suis tout vostre..

  A021000579 

 Et ne faut point attendre d'autre sujet, ni pour vous ni pour moy, que celuy d'une sainte conversation spirituelle entre nos ames et de la contribution que nous nous devons les uns aux autres de nos consolations..

  A021000582 

 Dieu vous donne un peu de loysir pour faire vos provisions de patience et vigueur, puis le tems viendra de les employer..

  A021000583 

 O ma Fille, ostés bien toutes les robbes de vostre captivité par des continuelz renoncemens a vos affections terrestres; et ne dites point que le Roy ne vous en donne des royales pour vous tirer a son saint amour.

  A021000588 

 Dieu vous est donq bon, ma chere Fille, n'est il pas vray? mais a qui ne l'est il pas, ce souverain Amour des cœurs? Ceux qui le goustent ne s'en peuvent assouvir, et ceux qui s'approchent de son cœur ne peuvent contenir les leurs de le benir et loüer a jamais..

  A021000591 

 Les annees s'en vont et l'eternité s'approche de nous: que puissions nous tellement employer ces ans en l'amour divin, que nous ayons l'eternité en sa gloire! Amen..

  A021000599 

 Les bouillonnemens et dilatemens du cœur ne peuvent quelquefois estre evités; mais quand on s'apperçoit de leur venue, il est bon d'addoucir ces mouvemens et les appayser, en debandant un peu l'attention ou les eslans, d'autant que l'orayson, plus elle est tranquille, simple et delicate, c'est a dire, plus elle se fait en la pointe de l'esprit, plus elle est fructueuse..

  A021000606 

 Ces inclinations que vous aves sont pretieuses occasions que Dieu vous donne de bien exercer vostre fidelité en son endroit, par le soin que vous aures de les reprimer.

  A021000606 

 Faites aboutir vos oraysons es affections qui leur sont contraires, et soudain que vous sentires d'avoir fourvoyé, repares la faute par quelque action contraire de douceur, d'humilité et de charité envers les personnes ausquelles vous aves repugnance d'obeir, de vous sousmettre, de souhaitter du bien et d'aymer tendrement; car en fin, puisque vous connoisses de quel costé vos ennemis vous pressent le plus, il vous faut roidir et vous bien fortifier et tenir garde en cet endroit la.

  A021000617 

 Ma Fille, il faut de tems en tems vous exercer a cette abnegation et nudité, et la demander a Dieu en tous vos exercices; mais quand il vous arrivera quelque autre trait d'amour, d'union envers Dieu et de confiance, il faut les [57] bien exercer, sans les troubler par l'abnegation, a laquelle vous laisseres sa place a la fin et en son lieu..

  A021000618 

 Que de douceurs hier, a considerer cette belle accouchee, avec le petit Poupon pendu a sa mammelle, qu'elle va presenter au Temple, et avec cette paire de colombes, plus heureuses, ce ine semble, que les plus grans princes du siecle, d'avoir esté sacrifiees pour le Sauveur.

  A021000619 

 Mettes ce doux Jesus sur vostre cœur comme un Salomon sur son throsne d'ivoyre; faites souvent aller vostre ame aupres de luy, comme une reyne de Saba, pour oüyr les sacrees paroles qu'il inspire et respire perpetuellement.

  A021000638 

 Revu sur une ancienne copie qui se conservait à Belley, chez les RR. PP. Maristes.

  A021000659 

 Faittes moy cest office, sil vous plait, en attendant d'en faire bien tost apres tout autant pour les quinze cens escus qui restent..

  A021000696 

 Certes, si mes forces et mes biens égalaient mes sentiments envers votre Couronne sacrée, j'égalerais aussi par les actions et par les œuvres tous les autres princes et Evêques soumis à l'Empire..

  A021000697 

 Il ne me reste donc rien, sinon la ferme espérance que Dieu fera lever bientôt le jour heureux où les Empereurs, après avoir autrefois fondé cette Eglise par leurs nombreux bienfaits, sauront de nouveau, par leur autorité et leur puissance, la rendre à son antique splendeur..

  A021000697 

 Mais, victime de la tyrannie des hérétiques, notre Eglise se trouve dépouillée de toutes les ressources et les richesses dont les anciens Empereurs, dans leur reconnaissance envers le Christ, l'avaient [64] ornée et comblée.

  A021000713 

 Ce n'est pas bien d'être tellement affectionné à son Ordre que l'on en perde les yeux pour voir les choses évidentes.

  A021000713 

 Les abeilles aiment leurs ruches, mais elles ne laissent pas pour cela de remarquer par le menu ce qui s'y trouve, et de les nettoyer et purger.

  A021000714 

 Certes, l'on ne doit pas, sans quelque utilité, dire les manquements qui se voient dans les Maisons, ni [67] les publier; mais, de ne pas vouloir les reconnaître ni confesser à qui peut y appliquer les remèdes, c'est une passion et un amour désordonné.

  A021000714 

 Pourquoi donc ne tâcherez-vous pas de lui rendre son ancien lustre, afin que son Epoux puisse dire: Vous êtes toute belle? Quand les défauts sont momentanés et passagers dans une Maison, c'est bien fait de les dissimuler; mais quand ils sont à demeure et permanents, il faut les chasser, et meme à cor et à cri s'il en est besoin.

  A021000716 

 Les Cordeliers de saint François ont cru ne pouvoir vivre en cette étroite pauvreté que leur Règle primitive prescrit; les Capucins leur ont fait voir le contraire, et de même en doit-on dire de plusieurs autres.

  A021000716 

 Mais pourquoi les nourrit-il, sinon parce que, par la condition de leur nature, ils ne reçoivent pas leur pâture de leurs père et mère qui ne prennent aucun soin de leurs fruits? Ainsi pourvoira-t-il bien plus ses servantes qui, par la condition de leur profession, se sont vouées à la pauvreté et communauté, sans l'entremise de ces moyens contraires à la pauvreté et à la parfaite communauté.

  A021000716 

 Ne croyez pas à moi, [69] croyez à Notre-Seigneur: si vous abandonnez ces petites pensions particulières et les rendez communes, vous ne mourrez point; il vous semblera mourir, mais cela ne sera pas; en échange d'une pension, Dieu vous en donnera cent en ce monde, dit la divine Parole, et la vie éternelle en l'autre.

  A021000716 

 Si nous sommes en Egypte, il nous nourrira de la viande que les Egyptiens nous donneront, et si dans le désert, il nous donnera lui-même la manne.

  A021000716 

 Voyez Esaù: pour avoir pris un peu d'appétit en courant après les bêtes fauves, il lui sembla qu'il allait mourir de faim et, sous ce prétexte, vendit son droit d'aînesse.

  A021000717 

 Certes, les chirurgiens sont quelquefois contraints d'agrandir la plaie pour amoindrir le mal, lorsque sous une petite plaie il y a beaucoup d'humeur purulente ou de sang corrompu; c'est peut-être ce qui les a obligés à toucher sur le vif.

  A021000717 

 Je loue leur méthode parce qu'elle est bonne, bien que ce ne soit pas la mienne, surtout à l'endroit des esprits nobles et bien élevés comme sont les vôtres.

  A021000717 

 Je pense qu'il est mieux de vous montrer que [70] toutes les raisons demandent que vous vous soumettiez à la réforme..

  A021000717 

 Mais quoi? voudriez-vous pour cela rejeter les médicaments? L'âpreté passe et disparaît avec le commencement de votre guérison.

  A021000719 

 Bienheureux ceux qui jetteront et écraseront contre la pierre la tête des petits de Babylone, disent les enfants d'Israël en un Psaume.

  A021000719 

 Il est aisé de détourner les petits fleuves où nous voulons, mais les grands ne se laissent pas dompter..

  A021000719 

 Je sais bien que vous avez de très grands empêchements; c'est ce qui me fait pitié et m'oblige à vous écrire, car j'ai certaines considérations lesquelles, à mon avis, pourront vous aider à surmonter les obstacles qui retardent un si grand bien. Je pense que le plus grand empêchement à votre réforme, c'est de vous imaginer que le mal et le défaut soit petit et léger, ne pouvant [71] guère me [persuader que si vous le jugiez grand vous voulussiez y persévérer et le permettre.

  A021000719 

 Prenez -moi les petits renardeaux, car ils ruinent les vignes, est-il écrit dans le Cantique des Cantiques.

  A021000720 

 Il ne vous semblera pas qu'il en soit ainsi; c'est cependant la vérité. Vous serez moins dignes d'excuse si vous n'êtes pas fidèles dans les petites choses: soyez fidèles dans la réforme de ces petits défauts, et vous serez établies sur beaucoup de choses.

  A021000720 

 Je tiens votre Maison pour une maison d'Abraham, de ce grand Père qui est dans les Cieux; il [72] y a une Sara et une Agar, la partie supérieure et l'inférieure.

  A021000720 

 L'inférieure engendre Ismael, c'est-à-dire le désir et la sollicitude pour les choses extérieures.

  A021000720 

 Mais s'il heurte votre vœu en quelques-unes de ses parties principales, telle que la pauvreté, je vous en supplie et conjure, par l'amour que vous portez à votre Isaac, au vœu et à votre Maison, chassez-le, bannissez-le. Qu'il soit petit tant que vous voudrez, il ruinera votre Isaac et gâtera votre Maison. Prenez garde à ces œufs d'aspics; si vous les couvez en votre sein, ils vous causeront la mort et la perdition.

  A021000722 

 Il ne restait aux Apôtres qu'à se laver les pieds, et pourtant le Seigneur prononça qu'il fallait ou les laver, ou n'avoir point de part avec lui.

  A021000722 

 Les mouches mourantes corrompent la suavité du baume.

  A021000722 

 On dit que les imperfections de votre Maison ne sont que des mouches parce qu'elles sont [74] petites.

  A021000850 

 Et vous, ma chere Fille, n'estes vous pas toute pleyne d'esperance, mais d'un'esperance vive et qui dilate le cœur, le renforçant contre les difficultés du chemin? Si faut, ma Fille, il faut avoir un cœur grand, bien large et bien estendu, affin de recevoir la celeste rosee que le [83] petit Agnelet d'innocence secouera sur nos ames a cette Circoncision, et dont sa blanche layne, sa toyson et son humanité est toute detrempee; car bien que les goutes soyent encor toutes petites, si ne sont elles receües que par les cœurs fort ouvertz du costé du Ciel.

  A021000850 

 Vous aves bien ouy dire que les mere perles s'ouvrent comme cela pour vivre de rosee, et qu'elles se tiennent egalement et fermees aux eaux d'embas et ouvertes a celles d'en haut..

  A021000853 

 Je m'accuse de ne vous avoir point escrit de tout ce moys de decembre, par ce que j'ay esté quelque tems a Sales aupres de ma bonne mere, laquelle est attachee sur la croix par les piedz, souffrant extremement de la goutte.

  A021000853 

 Or tout cela [84] n'est rien, ma chere Fille; je me porte fort bien maintenant, et si bien que je fis tous les Offices et de la nuit et du jour de Noël, despuis lequel je me suis encor beaucoup mieux treuvé, Dieu merci..

  A021000854 

 Sa Majesté sçait combien mon souhait est entier pour ce regard, et qu'en toutes les actions de mon ame la vostre a tous-jours sa bonne part, ains le tout..

  A021000880 

 Revu sur l'Autographe conservé dans les archives du comte d'Asnières de Sales, au château de Metz (Annecy).

  A021000889 

 Monsieur Darchant desiroit que j'allasse en personne, mais ces festes et un empeschement secret m'en excusent devant Dieu et les hommes.

  A021000909 

 Vostre façon d'orayson est bonne; soyes seulement bien fidelle a demeurer aupres de Dieu en cette douce et tranquille attention de cœur, et en ce doux endormissement entre les bras de sa providence et en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy est aggreable..

  A021000910 

 Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service que le P. Remond desire de moy pour Madame de Saint Jean; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'ell'aura [92] moyen de voir plus souvent se rendra plus utile, mais sur tout Monsieur d'Aoustun; car, qui pourroit mieux mettre la main a ce bon œuvre? Et moy, cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnés, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme.

  A021000911 

 Certes, [93] toutes les jeunes font merveilles, et entr'autres vostre fille..

  A021000911 

 Or, cela est sous la main de Dieu, et moy je n'oserois en rien dire, ni directement ni indirectement, car j'en effaroucherois les plus anciennes et gasterois tout pour le present.

  A021000912 

 Il y a long tems que je n'ay pas parlé a la chere seur, mais je sçai bien pourtant qu'elle se fait tous-jours meilleure, car je connois les gens a les voir; j'entens ceux qui me sont si proches selon l'esprit.

  A021000913 

 Je n'ay sceu encor mettre la main au livre de l' Amour de Dieu, ayant esté continuellement agité des mon retour, et mesme ayant presché toutes les festes et Dimanches, a cause de l'absence de nostre prsedicateur..

  A021000914 

 Je persevere a la resolution d'aller a Salins, en quoy neanmoins plusieurs difficultés me sont survenues a l'improveu; mais il les faut surmonter, Dieu aydant, pourveu qu'elles ne grossissent plus.

  A021000915 

 Il faut que je vous die que j'ayme tous les jours plus vostre filz, par ce qu'a mon advis, il devient tous les jours plus doux et gracieux.

  A021000916 

 Faites tous-jours comme vous m'escrivés: gardes vous des fortes applications de l'entendement, puisqu'elles vous nuysent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travailles autour de vostre cher object avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourrés.

  A021000920 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veùe, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sulle lict comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenu (sic) en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A021000922 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A021000953 

 Aussi, voyant qu'une occasion s'offre à eux d'être aidés quelque peu par l'union du prieuré de Saint-Paul et de l'église paroissiale d'Arthaz, ils recourent à la providence et clémence de notre Saint-Père, afin qu'il daigne leur accorder cette faveur complètement, d'autant que [99] la même pauvreté qui les presse ne leur permet pas de l'obtenir par de l'argent..

  A021000953 

 Quant à la pauvreté, elle est telle, qu'entre les distributions et les prébendes, ils n'ont pas de quoi vivre convenablement trois mois de l'année; car les Genevois les ont d'abord dépouillés de la plus grande partie de leurs biens, et ensuite, les guerres qui se sont succédé ont presque épuisé le reste.

  A021000954 

 Bien que je n'aie part aucune dans la mense capitulaire, touché de pitié pour une Eglise si pauvre et d'un amour sincère pour une compagnie si honorable et méritante, je viens avec mes Chanoines supplier Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, par les entrailles du Christ, de vouloir bien employer sa charité et sa magnanimité en cette occasion, en intercédant pour eux de telle sorte qu'ils reçoivent ce bienfait de sa libéralité.

  A021000972 

 Et pour me donner plus de pouvoir de recommander vostre affaire, non seulement je remonstre qu'on vous a fait tort, et a vostre Monastere, mais je me dis vostre parent, comme je puis [102] faire a bonn' occasion telle qu'est celle ci, puisque je le suis, quoy que d'asses loin, et que si le tems et les successions nous esloignent quant au sang, la charité et dilection nous approchent selon l'esprit..

  A021000972 

 J'ay escrit tout a la haste deux lettres, dont l'une est addressee, selon vostre desir, au sieur advocat qui me conseille a Dijon, l'autre est de telle sorte que vous y pouves mettre l'inscription pour l'un de messieurs les presidens, selon que vos affaires le requerront; mais l'un' et l'autre escrittes de fort bonne encre, comme je suis obligé de faire pour vous, que je cheris et honnore de tout mon cœur en Nostre Seigneur.

  A021000974 

 Ell' esperoit de venir pour quelques jours demeurer avec les Dames de la Congregation de la Visitation de cette ville, pour se consoler, recreer et renforcer spirituellement avec elles, comme elle fit pour deux jours seulement cet esté; mais je croy qu'elle attendra les environs du Caremprenant, quoy qu'elle en ayt un ardent desir pour le prouffit qu'ell' en receut l'autre fois.

  A021000975 

 Soyes donq tous-jours toute a Dieu, sans laisser emporter vostre cher cœur au torrent des distractions que les affaires, et sur tout les proces, produisent; prenes garde que vostre soin ne se convertisse en troublement et inquietude d'ame.

  A021000975 

 Sur tout, n'oublies pas les affaires interieures pour les exterieures, mais donné tous-jours des parties plus prætieuses de vos jours et de vostre tems a Celuy qui vous veut donner son eternité..

  A021001002 

 Il faut bien vouloir servir ce cher cœur [105] dans ses maladies, ouy mesme il faut le caresser quelquefois, et lier nos passions et nos inclinations avec des chaisnes d'or, qui sont les chaisnes de l'amour, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A021001002 

 Ma tres chere Fille, toutes les fois que vous treuveres vostre cœur hors de la douceur, ne faites que le prendre tout doucement avec le bout des doigtz pour le remettre a sa place, et non a pleins poings, comme l'on dit, ni brusquement.

  A021001022 

 Revu sur l'Autographe conservé à Baaksem (Limbourg Hollandais), dans les Archives des RR. PP. Jésuites de la Maison d'Exaten.

  A021001030 

 Voyla la response de monsieur de Charmoysi, lequel m'ayant fait sçavoir le sujet d'icelle, je ne me suis pas hasté de vous l'envoyer, l'ayant receue avant-hier, parce que le retour de monsieur de Vaudrey m'a [107] fait sçavoir aussi que tout ce mauvais bruit estoit effacé par les paroles qu'il avoit soustenues devant [Sa Grandeur.].

  A021001031 

 Il nous faut donq tous bien employer pour maintenir le parent innocent, non seulement parce que nous le devons a son merite, mais pour tenir en quelque crainte les meschans par la resistance qu'ilz verront leur estre faitte..

  A021001086 

 Or, estant encor surpris de ce second depart, comme n'ayant pas sceu jusques a present le retour du porteur, je n'adjousteray rien autre, sinon que j'ay donné un livre en main propre audit sieur de la Bretonniere; si que les trois seront pour ceux quil vous plaira..

  A021001086 

 Vous treuveres les lettres ci jointes de longue datte; c'est que le sieur Roybon ayant rencontré le sieur de [113] la Bretonniere en chemin, est revenu icy avec luy pour affaires et a rapporté le pacquet que je luy avois donné la semaine passee.

  A021001087 

 Toute cette ville luy a fait un honneur extraordinaire, tesmoignant que tous les serviteurs de Monseigneur de Nemours portent icy tiltre de tout respect, quand ilz sont de meurs et humeurs non scandaleuses..

  A021001113 

 Quel bonheur, Madame, d'estre toute a Dieu! car il ayme les siens, il les protege, il les conduit, il les met au port de la desirable eternité.

  A021001114 

 Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussies sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'aves voulu, et il vous a fait prendre tous les vrays moyens pour le devenir.

  A021001141 

 Je ne dirais pas cela à Votre Paternité si les [117] Pères de ce collège n'en témoignaient le désir et si je ne voyais que lui-même, ayant appris la langue, incline à servir ce pays, auquel il se rendra d'autant plus utile qu'il aura reçu les instructions de Votre Révérendissime Paternité.

  A021001152 

 Que mon ame me fit grand playsir de ne les vouloir pas seulement regarder, et de ne tenir non plus de conte de cela que si j'eusse esté en l'article de la mort, auquel tout le monde ne semble qu'une fumee!.

  A021001163 

 Je demande à Votre Altesse, par les entrailles de la miséricorde de Notre-Seigneur, de s'employer efficacement afin qu'il me soit permis de me retirer.

  A021001176 

 Je voy bien que c'est: tout le monde refuse les [121] pecheurs, sinon Nostre Seigneur; mais je veux que nous la recevions, a son imitation, dans l'un de nos monasteres..

  A021001184 

 Les bonnes Religieuses d'Evian ont desiré que je vous les recommandasse en l'affaire qu'elles envoyent solliciter aupres de Son Altesse; mays elles ont tort, ce me semble, car n'ont elles pas avec elles la devote et bienaymée Seur Beatrix, apres l'intercession de laquelle la mienne ne doit point tenir de rang devant vous? [122] Et neanmoins, puisqu'elles le veulent, je vous supplie donq, Monsieur, de les assister; comm' aussi de perseverer a m'aymer par vostre bonté, ainsy que vous aves tous-jours fait ci devant, et de croire que je vous veux tres affectionnement honnorer toute ma vie,.

  A021001201 

 Ma Fille, souvent les fleurs croissent plus belles sur les fumiers que dans les jardins de belle apparence; a cause de la bassesse ou vous vous tenes, Dieu fera de [123] grandes choses en vous.

  A021001211 

 Selon le sens, j'aymerois mieux le repos de deça, qui me seroit infiniment paysible apres l'issue de l'affaire qui se traitte de dela; mais je renonce aux sens, au sang et a la chair, et veux servir en esprit et en verité a Dieu et a son Eglise en toutes les occurrences.

  A021001221 

 Au demeurant, vous estes tellement et si veritablement ma plus que tres chere fille, que si j'eusse remarqué en vous quelque defaut je vous l'eusse dit ingenuement; mays en si peu de tems on ne les peut pas discerner.

  A021001221 

 Ceux que vous ne connoisses pas ne vous nuiront pas, puisque vous voudries bien sincerement les [125] connoistre; ceux que vous connoistres ne vous nuiront pas, puisque cordialement vous desires de vous en corriger.

  A021001248 

 Mays comm' il a quitté son pere pour Dieu, il a quant et quant quitté tous les moyens de sa mayson; et si ceux que Vostre Altesse donne a la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion de Tonon pour le refuge des convertis estoyent effectivement receuz selon son [128] intention, j'eusse procuré qu'il en eut eu sa part; mays cela n'estant pas, je supplie tres humblement Vostre Altesse de le gratifier de sa providence paternelle, affin que par sa liberalité, ou par l'employ de la personne d'iceluy, il puisse subsister.

  A021001248 

 Me resouvenant avec extreme consolation du grand zele que Vostre Altesse tesmoigna a la conversion des huguenotz a Thonon, il y a 25 ans, et sur tout du soin qu'elle prit pour le sieur Depréz, l'un des plus obstinés d'entre eux et qui, par son malheur, ne sceut pas faire son proffit de la debonaireté de son Prince souverain, [127] je prens une sainte confiance en la pieté de Vostre Altesse, Monseigneur, pour la supplier qu'en lieu du pere il luy playse recevoir le filz, qui, ayant tres bien estudié es loix et se treuvant fort estimé parmi les heretiques, apres avoir meurement examiné les raysons catholiques, avec un courage que Dieu seul peut donner, a la veüe de son pere et de tous ceux de ce malheureux parti, et, s'il se peut dire ainsy, les foulant saintement aux pieds, fit la profession publique de la foy catholique il y a justement un moys; et apres avoir soustenu une rude batterie de convices, injures, reproches et calomnies, qui sont les armes des hæretiques, en fin s'est retiré, comme au port, dans les Estatz de Vostre Altesse delaquelle il est nay sujet et vassal, dont il s'estime fort heureux.

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001270 

 J'ay fait des resolutions bien grandes de me reposer [130] entierement en Dieu, de suivre tranquillement sa providence et de ne tenir gueres de conte de cette prudence naturelle, specialement es choses qui dependent de la celeste grace, comme les vocations de nos Seurs, l'erection des Maysons et la conduite d'icelles..

  A021001271 

 Soyes toute courageuse, ma chere Fille; Dieu est nostre Tout, et il tient le cordeau de nostre conduite dans les labyrinthes et embarras que la sagesse humaine fait en cette vie mortelle; tout reuscit a bien a ceux qui l'ayment ....

  A021001277 

 Et puisque vous le voules ainsi, comme fils (et fils unique, puisque Dieu ne s'est point servi de mon ministere pour consacrer aucun autre Evesque que vous), à raison de la grace que Dieu a respanduë en vostre ame par l'imposition de mes mains; grâce que je ne vous conjure pas de resusciter en vous, car je suppose qu'elle n'y est jamais morte, mais de ne la laisser point vuide, c'est a dire inutile, mais de l'employer utilement au service de nostre grand Maistre, selon les talens qu'il a pleu a sa bonté vous communiquer.

  A021001285 

 Il en est comme des vendangeurs et des moissonneurs, qui ne sont jamais si contens et joyeux que quand ils plient souz leur faix: qui les a jamais oui plaindre de l'exces de la moisson ou de la vendange?.

  A021001285 

 Quel honneur pour vous, quel bonheur, que Dieu s'en daigne servir pour deslier tant de pauvres ames, ou les retirer de la mort du peché, qui est la region de l'ombre de mort, pour les ramener au jour et à la vie de la grace! Ce fardeau est semblable a celuy du cinnamome, qui fortifie et recree par son odeur celuy qui en est chargé.

  A021001286 

 Je vous avouë donc, que, comme l'on appelle martyrs ceux qui confessent Dieu devant les hommes, c'est a dire qui rendent tesmoignage par leurs souffrances à la verité de la foy, il n'y auroit pas grand danger quand on appelleroit ceux la encore martyrs, en quelque maniere, qui confessent les hommes devant [133] Dieu, voire quand on les nommeroit confesseurs et martyrs tout ensemble..

  A021001294 

 O que vous serez heureux quand les hommes mesdiront de vous et en diront toute sorte de mal, en haine de la verité que vous leur proposerez! Resjoüissez-vous avec beaucoup d'allegresse, d'autant que vostre loyer est grand dedans les cieux.

  A021001294 

 Tout homme qui veut enseigner aux autres les voyes de justice, se doit resoudre à souffrir leurs inegalitez et injustices, et à recevoir leurs ingratitudes pour son salaire.

  A021001303 

 Vrayement, vous avez bonne grace de me consulter sur ce que des soldats mangeront en Caresme, comme si la loy de la guerre et celle de la necessité n'estoient pas les deux plus violentes de toutes les loix et par delà toute exception! N'est-ce pas encore beaucoup que ces bonnes [135] gens se sousmettent à l'Eglise et luy deferent à respect, de demander son congé et sa benediction? Certes, ils font mentir celuy qui a chanté que.

  A021001396 

 Divertisses vous le plus que vous pourres; ne les regardes point, ne les espluches point, mays remettes vous humblement en Dieu, luy recommandant le tout.

  A021001396 

 S'il vous survient quelque trouble ou inquietude, de quelque part que ce soit, ne vous empresses point pour les chasser.

  A021001404 

 Je [141] ne veux plus que vous marchies comme un enfant, pointillant tant autour de vos actions, les espluchant de si pres; contentes vous que vous ne voudries, pour mourir, offencer Dieu a escient.

  A021001416 

 Outre les deux ordinaires motifz d'aymer les parens et amis, par nature et consideration de vostre devoir, adjoustes le troysiesme: parce que Dieu veut que vous les aymies en luy, par luy et pour luy, car cet amour est eternel, et non point fragile; doux, mais non point pliable; ardent, mais non point empressé; affectionné, mais non point chastouilleux.

  A021001418 

 Mays prenes garde que ce soyent des vertus de cœur, vous resouvenant de ce que je vous ay dit: que c'est un des grans artifices du diable de faire que plusieurs s'amusent a dire des parolles et faire des gestes exterieurs des vertus, lesquelz, n'examinant pas les affections de leur cœur, pensent estre humbles et doux, et ne le sont neanmoins point en effect..

  A021001418 

 Sur toutes les vertus, je vous recommande les deux cheres vertus que Nostre Seigneur desire tant que nous apprenions de luy, c'est a sçavoir: l'humilité et la douceur de cœur.

  A021001422 

 Mais cette mesme volonté de Dieu qui nous envoye les maladies spirituelles ou corporelles veut que nous nous servions des remedes qu'elle donne, et que nous tenions nostre volonté preste pour recevoir ou la [143] guerison ou la continuation du mal, comme bon luy semblera.

  A021001422 

 Tenes vostre cœur au large, reposés-le souvent entre les bras de la Providence divine.

  A021001426 

 Je suis bien honteux de ne point sentir son amour en mon ame, mays je sens neanmoins l'amour de son amour, et voudrois bien le respandre en toutes les ames que je rencontre.

  A021001433 

 Les amitiés cimentees au sang de l'Aigneau n'ont pas besoin de tant de ceremonies..

  A021001435 

 De mesme, l'amour parfait du prochain qui est selon Dieu, se communique en diverses manieres: il l'ayde par paroles, par œuvres et par exemple; le prouvoit de toutes ses necessités entant qu'il luy est possible; il se res-jouit de son bonheur et felicité temporelle, mais beaucoup plus de son avancement spirituel; luy procure les biens temporelz entant qu'ilz luy peuvent servir pour obtenir la beatitude eternelle; luy desire les principaux biens de la grace, les vertus qui le peuvent, selon Dieu, perfectionner; les luy procure par toutes les voyes licites avec grande affection, mais avec quietude d'esprit, sans aucune alteration; avec une pure charité, sans aucune passion de tristesse ou indignation pour les evenemens contraires..

  A021001435 

 Il est vray que l'amour pur lie inseparablement les [144] cœurs sans toucher les cors.

  A021001446 

 Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur vous a sauvee en souffrant et endurant, et que, de mesme, nous devons faire nostre salut en souffrant les injures et les contradictions et desplaysirs; et partant, il les faut endurer avec le plus de douceur et de resignation qu'il sera possible, selon la mesure qu'il plaist a Dieu les nous envoyer..

  A021001454 

 Je voy que par tout on les regarde selon leur extraction et condition temporelle; mais je ne le puis souffrir sans mal de cœur..

  A021001459 

 Le remede a toute tentation, secheresse, contradiction, bref a toutes choses generalement, sont les actes d'amour, lesquelz se feront vivement et promptement, retournant simplement son cœur a Nostre Seigneur avec des paroles pleines de confiance et d'amour, sans regarder ni disputer contre la tentation ou la chose qui fasche, mais comme feignant de ne la point voir, sans neanmoins tant multiplier les paroles d'amour.

  A021001467 

 Si tost que l'entendement vous representera quelque gloire ou honneur, ou que le monde vous en donnera, incontinent jettes-les tous aux pieds de Nostre Seigneur par un simple regard, luy baysant les pieds ou les mains..

  A021001468 

 Les considérations que je desire en vostre obeissance, elles sont toutes en une: car je ne desire que la simplicité, laquelle fait acquiescer doucement le cœur aux commandemens et fait qu'on s'estime bien heureux d'obeir, mesme aux choses qui repugnent, et plus en celles-la qu'en nulle autre..

  A021001478 

 Je suis tous-jours plein de desirs que Jesus Christ nous remplisse en toutes les parties de nostre ame, et qu'il nous pousse en l'interieur et en l'exterieur; qu'il soit le mouvement et le repos de nostre cœur, affin qu'en tout et par tout il soit glorifié en nous.

  A021001482 

 C'est grand cas! je suis tous-jours apres ces choix que je voudrois que nous n'eussions point, pas mesme parmi les hommes; combien moins avec Dieu..

  A021001497 

 On n'a jamais sceu d'asseurance de quel bois la Croix de Nostre Seigneur fut faite; c'est, je pense, affin que nous aymassions esgalement les croix qu'il nous envoyeroit, de quel bois qu'elles fussent composees, et que nous ne dissions pas: cette croix ou celle-ci n'est pas aymable parce qu'elle n'est pas de tel ou de tel bois..

  A021001498 

 Les croix que l'on rencontre emmi les rues sont excellentes, et encor davantage celles que l'on treuve dans la mayson; a mesure qu'elles sont plus importunes, elles sont meilleures que les cilices, les disciplines, les jeusnes et tout ce que l'austerité a inventé.

  A021001498 

 Les meilleures croix sont les plus pesantes, et les plus pesantes sont celles qui nous sont plus a contrecœur selon la portion inferieure du cœur.

  A021001499 

 Les croix que nous faysons ou que nous inventons sont tous-jours un peu mignardes, parce qu'il y a du nostre, et pour cela elles sont moins crucifiantes.

  A021001499 

 Vous estes amoureuse du Crucifix: et que voules vous donq estre, sinon crucifiee, puisque « l'amour esgale les amans »? [150].

  A021001507 

 Ne vous attribues point les louanges des bonnes œuvres et actions, mais portés tout aux pieds de Jesus Christ qui en est l'autheur; autrement vous luy desroberies sa gloire.

  A021001507 

 Tenes comme un prouffit pour vostre ame les outrages et injures qui vous seront faitz, et vous en res-jouisses.

  A021001538 

 Quittes, renonces aussi ce qui vous pourroit apporter quelque gloire, selon les occasions petites ou grandes..

  A021001549 

 Il se faut attacher a la fin, qui est Dieu, et a sa volonté, et non pas aux moyens; il s'y faut bien affectionner, mais non pas en sorte que si Dieu les oste il s'en faille troubler.

  A021001551 

 Et partant, croyes moy: l'on peut faire entendre la verité et faire les remonstrances, mays tout doucement.

  A021001552 

 Maintenant que vous communies si souvent, dame, il faut faire les œuvres des grandes vertus.

  A021001552 

 Mortifies vous en ces petites saillies contre les imperfections du prochain, les reprimant avec l'esprit de douceur.

  A021001559 

 Que les grandes et profondes maximes de verité et l'exercice de resignation facent nostre chemin pour honnorer et glorifier Dieu et luy plaire..

  A021001567 

 Mays quant aux vertus essentielles, qui en a une en perfection il les a toutes en quelque degré; et cela se fait parce que la vertu n'est autre chose qu'une certaine moderation faite en la rayson, et non en la chose.

  A021001568 

 La charité comprend toutes les vertus: ses actespropres regardent Dieu directement, pour s'unir a luy, s'abandonner, resigner et semblables; les autres, elle les commande, comme la chasteté, l'humilité..

  A021001569 

 Ah! il faut diviniser les vertus que l'on a naturellement, les dressant toutes a Dieu, et toutes ses bonnes actions..

  A021001570 

 Et d'autant que nous sommes tous-jours parmi les occasions d'exercer les vertus, si nous manquons a en faire la prattique, nous reculons; si nous la faysons, nous avançons..

  A021001570 

 Les habitudes des vertus ne s'acquierent que par des [157] actes multipliés et [ne] se peuvent conserver que par les mesmes actes, lesquelz venant a cesser, les vertus se perdent et se ruynent.

  A021001579 

 Les menues occurrences donnent occasion aux plus utiles mortifications et resignations.

  A021001588 

 Et tous les chrestiens le doivent, car personne n'entrera au Royaume celeste qui n'ayt cette resolution..

  A021001588 

 Il y a deux sortes de martyrs: les reelz et les spirituelz.

  A021001588 

 Les spirituelz sont ceux qui sont resolus de plustost mourir, voire de souffrir tous les travaux du monde, que d'offenser Dieu.

  A021001597 

 Et luy obeisses bien en toutes vos [159] necessités, car ce sont les messageres de la volonté de Dieu..

  A021001611 

 Que nous doit il chaloir si nous sentons ou ne sentons pas l'amour? puisque nous ne sommes pas plus asseurés de l'avoir en le sentant qu'en ne le sentant pas, et que la plus grande asseurance consiste en cet entier, et pur, [160] et irrevocable abandonnement de nous mesme entre les bras de sa divine Majesté, sans reserve de consolation ou desolation, affin que, d'un cœur tout escorché, mort et maté, il reçoive l'odeur aggreable d'un saint holocauste, et affin que nos Seurs travaillees treuvent chez nous un cœur compatissant et un support suave et amoureux..

  A021001613 

 Ouy, ma chere Fille, il faut conserver l'asseurance que Dieu nous conservera et conduira, bien que les sentimens soyent passés; mais une asseurance fort humble et sousmise.

  A021001623 

 Es affaires qui arrivent qui affligent le cœur, il faut discerner celles ou il y a du remede, et tascher de s'y comporter doucement, paysiblement; celles ou il n'y en a point, il les faut supporter comme une mortification que Nostre Seigneur vous envoye pour vous exercer et rendre toute sienne, et tous-jours tenir vostre cœur en paix et douceur..

  A021001635 

 Une once de cette vertu acquise parmi les contradictions, reproches, piques, censures et reprimandes vaut mieux que dix livres acquises d'autre sorte.

  A021001655 

 Demeurés ainsy toute en Dieu, ou sensiblement, ou par la foy; aymés vostre pauvreté, car il est escrit que les yeux du Seigneur regardent sur les pauvres et que ses oreilles escoutent leurs prieres..

  A021001656 

 contraire, ma Fille, j'ayme mieux estre [164] foible que fort devant Dieu; car les infirmes il les porte entre ses bras, et les fortz il les mene par la main..

  A021001657 

 Ne regardes point, ma chere Fille, si vous estes cause de vos aridités; mays, soit que vous en soyes cause ou non, convertisses les a la gloire de Dieu, les luy offrant en sacrifice comme souffrances et penitences de vos pechés..

  A021001658 

 Dans les mescontentemens que l'on a de soy quand on tombe en faute, au lieu de s'aigrir il faut prendre patience..

  A021001659 

 Au manquement des satisfactions raysonnables que l'on desireroit, il faut tous-jours avoir patience, et neanmoins tascher d'allentir un peu les desirs, prenant les choses mesmes, pour bonnes qu'elles soyent, avec esprit d'indifference.

  A021001660 

 Il faut du tout quitter les reflexions, et n'en jamais faire en façon quelconque pour voir ce que l'ame fait ou ce qu'elle fera, si l'on fait bien ceci ou cela, ce que l'on deviendra, si l'on a des sentimens ou non, de la satisfaction, des vertus et semblables; mais au lieu de tout cela, regarder au Sauveur amoureusement et humblement.

  A021001679 

 C'est une partie de la charge de la Superieure de voir avec repos les fautes de sa Mayson et de souffrir doucement les choses qui y arrivent..

  A021001689 

 Quand Nostre Seigneur nous a donné ses clartés et la connoissance de sa divine volonté une fois, il faut conserver cette connoissance et la memoyre en doit estre fidellement gardee, affin de demeurer en sa volonté et la suivre estant en secheresse comme durant ses visitations; car Nostre Seigneur se contente bien souvent de nous monstrer une fois, ou plusieurs, ce qu'il veut que nous fassions, et l'ayant veu, il faut demeurer ferme la, comme ont fait tous les Saintz, auxquelz il n'a pas non plus continué tous-jours ses clartés..

  A021001694 

 Serves vous des contradictions journalieres pour vous mortifier, les acceptant avec amour et douceur..

  A021001698 

 Laysses-le faire ce qui luy plaira, usant d'un simple et doux acquiescement ou acceptation de sa sainte volonté; sur tout aux choses ou il n'est requis de mettre de l'ordre, ne les regardes jamais et ne permettes a vostre esprit d'en faire aucun discours.

  A021001706 

 Puisque vous aves abismé vostre volonté dans la sienne, que vous aves prise pour vostre, il ne faut plus rien vouloir, mais se laisser porter et emporter au gré de la divine volonté, dans les effectz de laquelle il faut demeurer doucement et tranquillement, sans se divertir pour chose quelconque, regardant perpetuellement en toutes occasions Nostre Seigneur.

  A021001707 

 Il se faut contenter de sçavoir que l'on fait bien, par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni les connoissances particulieres, mais marcher comme aveugle dans cette Providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres et toute autre sorte de croix, s'il plaist a Nostre Seigneur que nous le servions ainsy; demeurant parfaitement abandonnee a sa conduite, sans aucune exception ni reserve quelconque, toute, toute, et le laisser faire; jettant sur sa Bonté tout le soin du cors et de l'ame, demeurant ainsy toute resignee, remise et reposee en Dieu sous ma conduite, sans soin que d'obeir.

  A021001715 

 Il [ne] faut point laisser faire tant de choses a l'esprit; il le faut retenir doucement, et l'accoyser en Dieu par un mouvement d'amour en la partie superieure, tant parmi les tentations, douleurs, afflictions, craintes, qu'en tous autres evenemens, quelz qu'ilz puissent estre..

  A021001715 

 Il faut demeurer entre les mains de Nostre Seigneur comme un instrument inutile, toute abandonnee a son saint vouloir et Providence, et se contenter de demeurer ainsy doucement, sans vouloir le sentir ni en faire des actes, demeurant en la connoissance que Dieu luy monstre.

  A021001717 

 Et quand il arrivera quelques charges nouvelles, en quoy que ce soit, il les faut remettre entre les mains de Nostre Seigneur; puis, demeurer en paix..

  A021001717 

 Hé vrayement, je me soucie bien qu'elles arrivent! — En toutes les tentations extravagantes, il faut plustost parler a Nostre Seigneur de toutes autres choses que d'elles, s'en destournant simplement par un retour amoureux du cœur envers son Sauveur.

  A021001717 

 Rejettes les tentations, craintes, prevoyances et semblables en se mocquant.

  A021001721 

 Puis, prenes les armes de l'orayson; quand ce ne seroit que de bouche, dites avec David: Seigneur, je suis resolue d'observer vos commandemens, quelque contraste ou tentation qui se puisse opposer; neanmoins, Seigneur, ne m'abandonnes pas du tout.

  A021001721 

 Quand l'on est parmi les afflictions interieures sans treuver ou mettre son pied pour treuver repos, alhors il faut, le mieux que l'on peut, regarder nostre cher Capitaine et seule esperance, le doux Jesus; voir son abandonnement au combat de sa Passion et, a son imitation, batailler de deux sortes d'armes: l'une, de la patience et resignation en la volonté de Nostre Seigneur, s'offrant d'avaler ce calice et mettant, avec Job, vostre cordiale consolation a estre ainsy qu'il plaira a Dieu, parce qu'il le veut, et autant de tems qu'il le voudra, sans luy prefiger le terme ni conter les jours comme ceux de Bethulie, remettant le tout a sa Providence amoureuse.

  A021001733 

 Marchés en paix, sans permettre a vostre esprit de retourner sur soy mesme, sur tout quand les reflexions veulent l'embarrasser.

  A021001743 

 Je n'ayme pas les tendretés, ains cet amour royal, pareil a celuy des Bienheureux qui ayment tant et ne pleurent jamais.

  A021001743 

 Mays quelquefois, et pour un peu, ce Roy des cœurs laissa aller le sien jusques a l'amour des larmes, pour monstrer qu'il aymoit les nostres quand elles procedent selon l'ordre de la dilection..

  A021001751 

 Il faut faire deux choses specialement: l'une, de s'oublier de toutes choses pour le continuel souvenir de [174] Dieu; si que toutes les fois que vous vous treuveres hors de Dieu, il y faut ramener vostre esprit tout doucement, sans faire aucun acte.

  A021001751 

 L'autre, qu'il faut tous-jours se desnuer et despouiller, et demeurer entre les mains de Dieu comme instrument inutile, le laissant operer en nous sans resistance, demeurant ainsy en cet abandonnement, et se contenter.

  A021001760 

 Celuy qui est doux n'offence personne, supporte et endure volontier ceux qui luy font du mal, en fin souffre patiemment les coups et ne rend mal pour mal.

  A021001760 

 — En tous les troubles, il faut essayer de s'accoyser en la presence de Dieu pour l'amour de sa dilection.

  A021001761 

 Traittes avec une extreme douceur et charité avec le prochain et les Seurs, sur tout envers celles qui, par l'imperfection de leur esprit, defaut de graces naturelles ou mauvais offices, vous occasionneront quelqu'aversion ou degoust..

  A021001762 

 Faites tous-jours vos corrections avec le cœur et les paroles douces, et reprenant les defautz, faites qu'en vostre cœur vous excusies la defaillante, amoindrissant la faute; car ainsy les advertissemens font meilleure operation.

  A021001764 

 Il ne faut nul remede pour les distractions, que de ramener doucement le cœur a son object, quand l'on s'apperçoit qu'il en est diverti, disant des paroles d'amour et d'humilité a Nostre Seigneur.

  A021001771 

 Il le faut prattiquer et imiter, et, avec sainte Paule, preferer l'estable de Bethleem a toutes les richesses de Rome..

  A021001772 

 Ma chere Fille, Dieu nous face bien aymer la sainte abjection et savourer les delices de la sacree pauvreté.

  A021001780 

 Helas! la beauté de l'esprit en ruyne souvent la bonté, tandis que ces papillons se mirent en le brillant de leurs folles et vaynes aisles et les veulent voir au feu qui les brusle.

  A021001790 

 Il faut recevoir de toutes mains les advis que Dieu nous donne; faut seulement les faire examiner par celuy qui gouverne, et prattiquer fidellement ceux qui simplifient l'esprit.

  A021001791 

 La plus grande asseurance que nous pouvons avoir en cette vie consiste en ce pur et irrevocable abandonnement de tout son estre entre les mains de Dieu et en l'absolue resolution de ne jamais vouloir, pour chose que ce soit, consentir a faire volontairement aucun peché grand ni petit; car nous ne sommes pas plus asseurés quand nous sentons l'amour de Dieu que quand nous ne le sentons pas.

  A021001796 

 Quand il arrive de ces soupçons, opinions, sentimens, mesfiances, desirs, assautz et semblables, il ne se faut nullement forcer de les surmonter par imagination ni autrement; il ne s'y faut point amuser du tout, mais dire promptement: « Mon Dieu et mon tout! » Vive Dieu! VIVE JESUS!.

  A021001797 

 Il faut rejetter au loin toutes creatures en la presence de Dieu, ne voulant absolument que luy, car il ne faut point mesler les creatures avec le Createur; la creature nous aymera autant que Dieu voudra, et nous ferons le mesme.

  A021001811 

 O ma Mere, que c'est un grand contentement a nostre ame vrayement dediee a Dieu, de cheminer les yeux fermés, selon que la souveraine Providence la conduit de tems en tems; car ses raysons et jugemens sont impenetrables, mais tous-jours doux, tous-jours suaves, tous-jours utiles a ceux qui se confient en luy.

  A021001832 

 Quantité d'ames recourent a moy pour sçavoir comme il faut servir Dieu; secoures moy bien par vos prieres, car pour l'ardeur je l'ay plus grande que jamais; mais, voyes vous, tant d'enfans se jettent entre mes bras et me succent les mammelles, que j'en perdrois la force si l'amour de Dieu ne me revigoroit..

  A021001836 

 Je les disois ce matin a Dieu, mais je n'ose plus les dire maintenant, parce que j'ay treuvé que je ne sçay que trop ce que Dieu veut que je face: il veut que je me [182] mortifie en toutes les puissances de mon ame et que je sois un vaysseau d'eslite pour porter son sacré Nom parmi le peuple.

  A021001845 

 Si vous sçavies comme Dieu traitte mon cœur, vous en remercieries sa Bonté, et le supplieries qu'il me donnast le don de conseil et de force pour bien executer les inspirations de sapience et d'entendement qu'il me donne.

  A021001850 

 Je la supplie, cette sacree Dame, de mettre sa main dans le pretieux costé de son Filz pour y prendre ses plus cheres graces, affin de les nous donner avec abondance..

  A021001857 

 Voyes vous, les passages de nos chers amis, ilz sont certes tres aymables, puisqu'ilz se font pour peupler le Ciel et aggrandir la gloire de nostre Roy.

  A021001872 

 Vouloir faire les extatiques, c'est un abus.

  A021001888 

 II faut beaucoup ressentir les fautes du prochain, mays il faut sçavoir en mesme tems que la charité s'exerce a les supporter et non pas a s'en estonner.

  A021001889 

 Cassian dit que les hommes parfaitement vertueux ont une telle habitude de la vertu, que mesme en dormant ilz ne songent qu'a la vertu; et saint Gregoire dit, parlant des miseres humaines: O heureuses miseres! vous estes aymables parce que vous empesches mon cœur de s'affectionner aux choses de ce monde..

  A021001889 

 Les vertus peuvent faire leurs actes par cette habitude, sans le congé de la rayson.

  A021001893 

 C'est le grand mot de nostre repos, de souvent prevoir l'empirement de nos affaires et travaux et nous y disposer, et quand les accidens arrivent, user de la domination que nostre volonté superieure a sur l'inferieure; car d'empescher que cette partie inferieure ne gronde et chagrine, il n'est pas possible; mais il la faut laisser faire, et mettre la superieure en son estre, acceptant de bon cœur ce que Dieu veut ou permet nous arriver, a la façon que Nostre Seigneur fit dans son agonie: Mon ame est triste jusqu'a la mort.

  A021001898 

 Il faut assujettir la nature a la grace, et ne s'estonner nullement pour les difficultés que l'on rencontre; car tous-jours il faut faire estat de commencer a s'aneantir, perseverant en cet exercice jusqu'a l'extremité de nostre vie, a laquelle nous treuverons nostre besoigne faite, si nous perseverons, mays non pas plus tost; car il faut coudre nostre perfection piece a piece, parce qu'il ne s'en treuve point de toute faite, sinon que, par une grace miraculeuse, Nostre Seigneur peut donner une habitude en un instant, comme il fit a saint Paul.

  A021001900 

 Nous devons aymer et affectionner le prochain, et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur, faysant tout ce qui nous est possible pour les contenter et leur prouffiter, car c'est le desir de Dieu.

  A021001900 

 Que vous doit il importer si on vous ayme ou non? Que [188] si vous rencontres des occasions qui vous font sembler qu'on ne vous ayme pas, il faut passer outre en vostre chemin, sans vous amuser a les considerer.

  A021001905 

 Oh! que les vrayes amantes du celeste Amant sont sages et bien advisees! Sçaves-vous ce qu'elles font? Parfois elles se retournent sur elles mesmes pour considerer si leur atour spirituel est convenablement ageancé, si aucune perle de vertu ne leur manque et si tous leurs riches joyaux ont leur vif et naïf esclat; mais, oh! que cette reflexion est rectifiee! oh! qu'elle est simple! oh! qu'elle est pretieuse, puisqu'elle n'a autre mire que de satisfaire et d'aggreer au divin Espoux! [189].

  A021001930 

 Messieurs et Mesd les de Vilers..

  A021001938 

 Revu sur les Autographes conservés à la Visitation d'Annecy.

  A021001945 

 Le remède à cela serait qu'il acceptât de prêcher les Avents ou le Carême en cette ville (je l'en ferais bien convier, et même par Sa Majesté s'il en était besoin), ou que les affaires qu'il a autrefois eues lui permissent de faire un voyage ici, où, en quinze jours de présence, nous ferions plus d'affaires qu'en un an d'absence..

  A021001947 

 Voilà ce que je vous puis mander de ce particulier, approuvant la pensée que vous avez autrefois eue, d'autant plus que l'indisposition du personnage s'augmente tous les jours, bien que lentement..

  A021001966 

 Certes je me taste partout, pour voir, si la vieillesse me porte point à l'humeur avare; et je treuve au contraire, qu'elle m'affranchit de soucy, et me fait negliger de tout mon cœur et de toute mon ame toute chicheté, prevoyance mondaine, et desfiance d'avoir besoing; et plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable, et les prétentions des mondains vaines; et ce qui est encor pis, plus injustes.


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A022000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A022000032 

 4) Regles pour les conversations et rencontres.

  A022000038 

 La prédestination, fondée sur les mérites prévus; auteurs cités en faveur de cette opinion.

  A022000038 

 — Preuves qui la confirment: Dieu qui ordonne la fin, ordonne aussi les moyens; il ne réprouve que par justice et en prévision du péché; textes de l'Ecriture à l'appui de cette doctrine.

  A022000045 

 — Un tremblement de terre et les bouleversements de l'Europe.

  A022000050 

 — L'itinéraire et les péripéties d'un voyage à Rome; pourquoi il a été manqué.

  A022000051 

 — Les usuriers et le fisc. 54.

  A022000077 

 — Nécessité de rétablir un certain nombre de curés dans les paroisses et plusieurs prêtres à Thonon.

  A022000078 

 — Concessions que trois Papes leur ont faites pour les soulager.

  A022000079 

 IV. Projet d'un mémoire a présenter au Duc de Savoie d'après les conclusions adoptées a Annemasse le 29 juillet 1597.

  A022000079 

 — De quelle utilité serait l'établissement à Thonon d'un collège dirigé par les Jésuites; le prieuré de Saint-Hippolyte pourrait lui être attribué.

  A022000079 

 — Mesures à prendre pour une conférence avec les ministres de Genève.

  A022000081 

 — Droit de bourgeoisie pour les habitants catholiques. 79.

  A022000081 

 — Le maître d'école de Thonon et les écoliers.

  A022000081 

 — Priver les hérétiques des charges publiques.

  A022000082 

 — A quelles conditions sont permises les disputes en matière religieuse.

  A022000082 

 — Confirmation de l'Edit qui exclut des charges publiques les «reformés».

  A022000082 

 — Injonction aux magistrats du Chablais d'avoir à faire observer les instructions susdites. 80.

  A022000082 

 — Les cloches.

  A022000082 

 — Ne pas détourner les catholiques de l'assistance aux Offices.

  A022000082 

 — Ordonnances diverses touchant l'observation des commandements de Dieu et de l'Eglise, les livres hérétiques, la sanctification des jours de fête et l'instruction religieuse.

  A022000082 

 — Prière au duc de prendre sous sa protection l'Évêque, le clergé, les prédicateurs et leurs familiers.

  A022000083 

 — Pourquoi il serait bon que le Prélat et plusieurs ecclésiastiques désignés par lui, eussent d'amples pourvoira pour absoudre les hérétiques.

  A022000084 

 Une Bulle de Grégoire XIII concernant les revenus ecclésiastiques des provinces de Gex, du Chablais et de Ternier.

  A022000084 

 — L'Evêque implore l'exemption du payement des décimes au souverain, l'autorisation pour ses chanoines de posséder d'autres bénéfices et l'affranchissement de certaines servitudes pour les sujets de l'évêché.

  A022000086 

 Les requêtes de M gr de Granier touchant les décimes et les taillables de l'évêché renvoyées au Nonce de Savoie.

  A022000086 

 — Abus des prébendes laïques dans les Monastères.

  A022000086 

 — Une clause nuisible dans les pouvoirs d'absoudre concédés au Prévôt de Genève. 94.

  A022000087 

 — Le Bref de Clément VIII, rapporté de Rome par le Prévôt, est de tous points conforme à celui de Grégoire XIII qu'allèguent les Chevaliers.

  A022000087 

 — Les raisons qu'elle apporte ne doivent pas en retarder l'exécution.

  A022000088 

 — Moyen suggéré par François de Sales pour acheminer heureusement la restitution des revenus ecclésiastiques du Chablais, sans léser les droits des Chevaliers des saints Maurice et Lazare.

  A022000089 

 — Pour établir des chanoines théologaux dans les Collégiales d'Annecy, Sallanches et La Roche, d'autre prébendes pourraient se prélever sur quelques prieurés et abbayes.

  A022000091 

 — Les cent écus annuels assignés aux deux curés en dédommagement n'ont été payés que trois ans.

  A022000092 

 Un Arrêt du Sénat contre les détenteurs des revenus d'Armoy et de Draillant, annulé par le duc de Savoie.

  A022000092 

 XVII. Autre requête au même minute pour les Curés d'Armoy et de Draillant (Inédite).

  A022000094 

 — Celle-ci et les droits de l'Eglise doivent l'emporter sur la crainte de mécontenter les Genevois. 107.

  A022000094 

 — Exposé des difficultés que présente la restitution des revenus ecclésiastiques du bailliage: les unes, insurmontables; la justice de Sa Majesté peut triompher des autres.

  A022000095 

 — Les détenteurs des revenus n'ont aucune raison à alléguer contre la justice et le droit. 109.

  A022000095 

 — Un traité passé entre Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, et les Bernois, annulé.

  A022000098 

 — Il serait injuste de respecter les «reformés» plus que les autres et d'excepter de, la règle générale «ce seul coin du royaume».

  A022000098 

 — Traités entre les ducs de Savoie et les Bernois.

  A022000099 

 Le bailliage de Gex, incorporé à la France, doit jouir de tous les privilèges du royaume.

  A022000099 

 — On espère du Roi de plus grandes faveurs pour les prêtres qui seront installés dans le pays de Gex.

  A022000099 

 — Restitution du culte catholique et des biens de l'Eglise dans les bailliages soumis au second.

  A022000102 

 Plaintes et demandes au sujet du cimetière de Gex disputé aux catholiques et violé par les protestants. 116.

  A022000103 

 — A quoi seront tenus les procureurs généraux du Clergé députés à la cour. 117.

  A022000103 

 — La présence ordinaire des députés de Genève à la cour complique les difficultés.

  A022000103 

 — Les «mille traverses» des ministres contraignent l'Evêque à des recours fréquents aux autorités de la province, au Parlement de Dijon, et même à Sa Majesté.

  A022000104 

 — Les revenus ecclésiastiques affectés à l'entretien des adversaires de l'Eglise.

  A022000104 

 — Trois paroisses rétablies depuis quatre ans; les habitants de quatre autres ont demandé l'exercice de la vraie religion, toujours différé cependant, malgré l'autorisation du Roi.

  A022000105 

 XII. Requête au Roi de France, Louis XIII. Les commissaires royaux au pays de Gex pour l'exécution de l'Edit de Nantes.

  A022000105 

 — Renvoyé au Roi pour ce qui regarde les biens de l'évêché et du Chapitre, injustement usurpés par Genève, saint François de Sales expose ses raisons et demande qu'ils soient rendus à leurs propriétaires légitimes. 120.

  A022000107 

 XIV. Ordonnances pour le service divin a Gex et dans les autres paroisses du bailliage.

  A022000110 

 — Afin de la réaliser, convoquer des conciles nationaux, non pour argumenter sur les questions de controverse, mais pour discuter les moyens de conversion.

  A022000110 

 — Comment ramener à la foi les provinces où ne peuvent pénétrer les prêtres, où l'hérésie devient raison d'Etat.

  A022000110 

 — Conduite à tenir avec les ministres.

  A022000110 

 — François de Sales propose une ligue pacifique entre les princes catholiques et en montre les avantages.

  A022000116 

 Memoires a Monsieur le Prevost de Geneve pour traitter tant avec Sa Saincteté qu'avec Monsr l'Ill me Nonce a Turin et les Illustriss es Cardinaux a Rome. 139.

  A022000133 

 IV. Memoires pour les affaires de Gex, adresses a saint François de Sales par le Cure Etienne Dunant 158.

  A022000196 

 Que si je ne peux plus souvent, au moins tous les moys je ne failliray poinct, estimant que les douze signes du zodiaque ne m'advisent et signifient autre sinon de me preparer, a fin qu'une foys je puysse arriver la haut, sur cest arc du pont celeste sous lequel le fleuve des mutations de ce monde passe, qui s'appelle vanité.

  A022000224 

 Comme s'évanouit la fumée, qu'ils s'évanouissent; comme la cire fond à la face du feu, qu'ainsi périssent les assauts du démon à la face de Dieu..

  A022000225 

 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont assailli très violemment.

  A022000230 

 Sauvez-moi, ô Dieu, parce que les eaux sont entrées dans mon âme.

  A022000241 

 Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable? O Amour! o Charité! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?.

  A022000242 

 O Vierge, aggreable entre les filles de Hierusalem, des delices de laquelle l'enfer ne peut estre resjouy, hé, je ne vous verray donques jamais au royaume de vostre Filz, belle comme la lune et esleuë comme le soleil?.

  A022000243 

 Et jamais donques je ne seray faict participant de cest immense benefice de la Redemption?... Et mon doux Jesus n'est il pas mort aussi bien pour moy que pour les [18] autres?... Ah! quoy qu'il en soit, Seigneur, pour le moins que je vous ayme en ceste vie, si je ne puis vous aymer en l'eternelle, puysque personne ne vous loüe en enfer..

  A022000254 

 Quoi qu'il arrive, Seigneur, vous qui tenez tout dans votre main, et dont toutes les voies sont justice et vérité; quoi que vous ayez arrêté à mon égard au sujet de cet éternel secret de prédestination et de réprobation; vous dont les jugements sont un profond abîme, vous qui êtes toujours juste Juge et Père miséricordieux, je vous aimerai, Seigneur, au moins en cette vie, s'il ne m'est pas [19] donné de vous aimer dans la vie éternelle; au moins je vous aimerai ici, ô mon Dieu, et j' espérerai toujours en votre miséricorde, et toujours je répéterai toute votre louange, malgré tout ce que l' ange de Satan ne cesse de m'inspirer là-contre.

  A022000254 

 Si, parce que je le mérite nécessairement, je dois être maudit parmi les maudits qui ne verront pas votre très doux visage, accordez-moi au moins de n'être pas de ceux qui maudiront votre saint nom.

  A022000263 

 C'est pourquoy, apres avoir discrettement conjecturé les divers labirinthes ou aysement je m'esgarerois et courrois risque de me perdre, je considereray diligemment et rechercheray les meilleurs moyens pour esviter les mauvais pas; je disposeray aussy et ordonneray a part moy de ce qu'il me conviendra fayre, de l'ordre et de la façon qu'il faudra observer en telz et telz negoces, de ce que je diray en compaignie, de la contenance que je tiendray, de ce que je fuyray ou rechercheray..

  A022000264 

 A quel propos contrevenir a ses equitables loix pour eviter les dommages du cors, des biens et de l'honneur? Que nous peuvent fayre les creatures? Or sus, consolons nous et fortifions nous tout ensemble, sur ce beau verset du Psalmiste: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra; Que les meschans facent du pis qu'ilz pourront contre moy, le Seigneur est puyssant pour les tous royalement subjuguer; que le monde gronde tant qu'il voudra contre moy seulement, il ne m'en chaut, puysque Celuy qui domine sur tous les Espritz angeliques est mon protecteur..

  A022000265 

 Je luy laisseray [25] absolument le soin de ce que je suys et de ce qu'il veut que je sois; je diray de tout mon cœur: Unam petii a te, Domine Jesu, hanc requiram, ut faciam voluntatem tuam omnibus diebus vitae meœ; Je vous ay demandé une chose, o Jesus, mon Seigneur, et derechef je vous la redemanderay: a sçavoir, que j'accomplisse, fidelement vostre amoureuse volonté tous les jours de ma pauvre et chetifve vie.

  A022000265 

 La cinquiesme partie est la recommandation; voyla pourquoy je me remettray, et tout ce qui depend de moy, entre les mains de l'eternelle Bonté et la supplieray de m'avoir tousjours pour recommandé.

  A022000273 

 Or, j'appelle Preparation, en cest endroit, un Exercice particulier par lequel on se dispose a bien et loüablement prattiquer, converser et fayre les affayres; et iceluy a plusieurs parties..

  A022000274 

 Item, connoissant les péchés et imperfections que la conversation nous a apporté autresfoys, nous pourrons dire: Sœpe expugnaverunt me a juventute mea, dicat nunc anima mea: Domine, esto mihi in Deum protectorem et in domum refugii, ut salvum me facias; Domine, si vis, potes me mundare..

  A022000274 

 La premiere est l'invocation de Dieu, laquelle se fera connoissant les dangers esquelz journellement nous sommes, qui nous fera dire: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra vigilat qui [22] custodit eam.

  A022000275 

 La seconde: apres avoir ainsy invoqué Dieu et l'ayant prié de nous fayre dignes de passer la journëe sans l'offencer (a quoy [23] pourra encores servir l'orayson «Actiones nostras,» et fort commodement les versetz du Psalme 142: Notam fac mihi viam in qua ambulem; Eripe me; Spiritus tuus bonus ), alhors l'on fera l'imagination, ou prevoyante conjecture, se representant et discourant sur ce qu'en toute la journee nous pourrons penser nous devoir advenir: c'est a dire, les lieux ou nous nous devons trouver, les compaignies, les affayres que nous devons traitter, allant recherchant ce qui nous pourra survenir..

  A022000280 

 Or, quant a la Preparation, estant icelle comme un fourrier a toutes actions, il la faudra fayre selon la diversité des occurrences, principalement selon les poinctz qui s'ensuyvent, esquelz est traitté de ce qui se doit observer.

  A022000285 

 En suitte dequoy je considereray que nostre amoureux Sauveur est la lumiere des Gentilz et la lumiere qui dissipe les tenebres du peché; sur quoy, faysant une sainte resolution pour toute la journee, je chanteray avec David: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam non Deus volens iniquitatem tu es; Je me leveray de bonne heure, et me mettant en vostre presence, je considereray que vous estes le Dieu auquel desplait l'iniquité; partant je la fuyray de tout mon possible, comme chose souverainement desaggreable a vostre infinie Majesté..

  A022000286 

 Transeamus usque Bethlehem, et videamus hoc Mot quod factum est, quod Dominus ostendit nobis; Allons a l'eglise, car c'est la ou l'on faict le pain supersubstantiel avec les saintes parolles que Dieu a mises en la bouche des prestres pour nostre consolation..

  A022000286 

 — Je ne manqueray tous les jours [27] d'oüyr la sainte Messe, et a fin d'assister convenablement a cest ineffable mistere, j'inviteray les facultés de mon ame d'y faire leur devoir, avec cest excellent verset: Venite et videte opera Domini quœ posuit prodigia super terram; Venes voir les œuvres du Seigneur, venes admirer les merveilles qu'il daigne fayre en nostre terre.

  A022000287 

 Or, tout ainsy que par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent tellement dans le cors qu'elles ne s'estendent rien pour tout au dela [28] d'iceluy, aussy donneray je ordre que mon ame, en ce tems la, se retire tout a faict en soy mesme, et qu'elle ne face autre fonction que de ce qui luy touchera et appartiendra, obeyssant humblement au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris; O vous qui manges volontier le pain de douleur, ou en la doleance de vos fautes, ou en la condoleance de celles du prochain, ne vous leves pas, n'alles pas aux occupations exterieures de ce siecle laborieux, que vous ne vous soyes au prealable suffisamment reposés en la contemplation des choses eternelles..

  A022000287 

 — Comme le cors a besoin de prendre son sommeil pour delasser et soulager ses membres travaillés, de mesme est il necessaire que l'ame ayt quelque tems pour sommeiller et se reposer entre les chastes bras de son celeste Espoux, a fin de restaurer par ce moyen les forces et la vigueur de ses puyssances spirituelles, aucunement recreües et fatiguëes; partant je destineray tous les jours certain tems pour ce sacré sommeil, a ce que mon ame, a l'imitation du bienaymé Disciple, dorme en toute asseurance sur l'amiable poitrine, voire dans le cœur amoureux de l'amoureux Sauveur.

  A022000288 

 Voyci donques comme je feray: ou je veilleray, mesmement dans le lict, quelque peu apres les autres, si autrement je ne puis fayre, ou je m'esveilleray apres le premier sommeil, ou bien le matin je me leveray devant les autres, et me resouviendray de ce que Nostre Seigneur a dict a ce propos: Vigilate et orate, ne intretis in tentationem; Veilles et faites orayson, de peur que vous ne soyes vaincuz par la tentation.

  A022000289 

 Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure.

  A022000290 

 En fin, apres avoir consideré les tenebres et les imperfections de mon ame, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? c'est a dire: O surveillant, surveillant, reste il encores beaucoup de la nuict de nos imperfections? Et j'entendray qu'il me respondra: Venit mane et nox, le matin des bonnes inspirations est venu; pourquoy est ce que tu aymes plus les tenebres que la lumiere?.

  A022000290 

 «Dum medium silentium tenerent omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet, omnipotens Sermo tuus, Domine, a regalibus sedibus venit.» Les plus sombres tenebres de la minuict ne peuvent donner aucun obstacle a vos divins effectz; à ceste heure la, vous naquistes de la Vierge sacree vostre Mere, a ceste heure la aussy vous pouves fayre naistre vos celestes graces dans nos ames et nous combler de vos plus cheres faveurs.

  A022000291 

 — D'autant que les nocturnes [31] frayeurs ont accoustumé d'empescher telles devotions, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange gardien, disant: Dominus a dextris est mihi, ne commovear; Mon Seigneur est a mon costé droict a fin que je ne craigne de rien; ce qu'aucuns docteurs ont expliqué du bon Ange.

  A022000295 

 Tous les jours je ne failliray d'oüyr Messe tant que je pourray, disant a mes autres occupations et encores a mes compaignons: Venite et videte quae posuit Dominus prodigia super terram.

  A022000296 

 Item: comme le cors a besoin de son sommeil pour delasser [27] et soulager les membres travaillés, aussy prendray je tous les jours quelque tems pour le repos et sommeil de mon ame, a fin que si, comme par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent dans le cors, ne s'estendant rien plus loin qu'iceluy, ainsy en ce tems la, l'ame estant retirëe en soy mesme, ne face autre operation que de ce qui luy touche et appartient, obeyssant au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis..

  A022000297 

 Que si, comme il advient souvent, je ne puys trouver autre heure pour ce repos spirituel, je desrobberay quelque partie du repos corporel, veillant (mesme dans le lict, si autrement on [28] ne peut) quelque peu apres les autres, ou s'esveillant apres le premier sommeil, ou bien le matin avant les autres, me resouvenant a ce propos de ce que disoit Nostre Seigneur: Vigilate et orate, ne intretis in tentationem..

  A022000298 

 Et puys, par la consideration des tenebres exterieures venant a considerer les interieures de mon ame premierement, puys celles de tous les pecheurs, je crieray en l'amertume de mon cœur: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros; obeyssant en cela au Prophete qui dict: Et in cubilibus vestris [29] compungimini; In noctibus extollite manus vestras in sancta, et benedicite Dominum; lachrimis meis stratum meum rigabo..

  A022000300 

 Parfoys encores, me retournant a mon Dieu, mon Sauveur, lequel ne dort point ni ne sommeille gardant l'Israel de nos ames, apres avoir consideré les tenebres de l'imperfection de mon cœur, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? Et j'entendray quil me dira: Venit mane et nox; c'est a dire, le matin de mes inspirations et de ma grace est venu; pourquoy est ce que tu aymes mieux les tenebres que la lumiere?.

  A022000301 

 Et lhors, considerant que Nostre Seigneur est la lumiere pour revelation des Gentilz et la lumiere qui destruit les tenebres de peché, faysant resolution pour toute la journëe, m'imaginant d'assister a quelqu'un des saintz misteres, je diray avec devotion et crainte: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam [ non ] Deus volens iniquitatem tu es, a fin que, considerant que le peché desplaist a ce grand Dieu, je me garde la journëe d'en fayre..

  A022000302 

 D'autant que les frayeurs nocturnes ont accoustumé d'empescher les exercices, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange protecteur, disant: Dominus a dextris meis, ne commovear, qu'aucuns docteurs ont entendu de l'Ange; et considereray encores que scuto circumdabit me veritas ejus, nec timere debeo a timore nocturno (90 Ps.), qui est l' escu de la foy et confiance.

  A022000308 

 Premierement: ayant pris le tems commode pour ce sacré repos, avant toute autre chose je tascheray a raffraischir ma memoyre de tous les bons mouvemens, desirs, affections, resolutions, projetz, sentimens et douceurs qu'autresfoys la divine Majesté m'a inspiré et faict experimenter en la consideration de ses saintz misteres, de la beauté de la vertu, de la noblesse de son service et d'une infinité de benefices qu'elle m'a tres liberalement departi; je mettray ordre aussy a me ramentevoir de l'obligation que je luy ay de ce que, par sa sainte grace, elle a quelquefoys debilité mes sens en m'envoyant certaines maladies et infirmités lesquelles m'ont grandement prouffité.

  A022000309 

 Secondement: cela faict, je me reposeray tout bellement en la consideration de la vanité des grandeurs, des richesses, des honneurs, des commoditées et des voluptés de ce monde immonde; je m'arresteray a voir le peu de durëe qui est en ces choses la, leur incertitude, leur fin, et l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens; en suitte dequoy mon cœur les desdaignera, les mesprisera, les aura en horreur et dira: Alles, alles, o diaboliques appas, retires vous loin de moy, cherches fortune ailleurs; je ne veux poinct de vous, puysque les plaisirs que vous promettes appartiennent aussy bien aux folz et abominables qu'aux hommes sages et vertueux..

  A022000313 

 Je feray en sorte de m'exciter et de resveiller ma paresse, en repetant souvent ces parolles: En morior, quid mihi proderunt primogenita, sive omnia ista? Voyla que tous les jours je m'en vay mourant; dequoy est ce que me serviront les choses presentes et tout ce qui est d'esclattant et de spectable en ce monde? Il vaut beaucoup mieux que je les mesprise courageusement et que, vivant en crainte filiale sous l'observance des commandemens de mon [34] Dieu, j'attende avec accoysement d'esprit les biens de la vie future..

  A022000315 

 Huictiesmement: finalement, je m'endormiray en l'amour de la seule et unique bonté de mon Dieu; je gousteray, si je puys, ceste immense bonté, non en ses effectz, mays en elle mesme; je boiray ceste eau de vie, non dans les vases ou fioles des creatures, mays en sa propre fontayne; je savoureray combien ceste adorable Majesté est bonne en elle mesme, bonne a elle mesme, bonne pour elle mesme; voire, comme elle est la bonté mesme et comme elle est la toute bonté, et bonté qui est eternelle, intarissable et incomprehensible.

  A022000315 

 O Seigneur, diray je, il n'y a que vous de bon par essence et par [36] nature, vous seul estes necessairement bon; toutes les creatures qui sont bonnes, tant par la bonté naturelle que par la surnaturelle, ne le sont que par participation de vostre aymable bonté..

  A022000327 

 Combien sont vaynes toutes les grandeurs, richesses, honneurs, commodités et voluptés de ce monde, pour le peu de leur durëe, l'incertitude d'icelles, le bout et terme, l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens, la participation [35] d'icelles, qui appartient autant aux folz et abominables qu'aux honnestes et vertueux..

  A022000329 

 Item, je tascheray a raffraischir ma memoyre de tous les bons desirs, mouvemens, affections, resolutions et projetz, suavités et douceurs que Dieu m'a inspiré autresfoys en la consideration de ses saintz misteres, de la vertu et de son service, avec tous ses autres benefices, principalement lhors qu'il avoit, de sa grace, debilité les sens par maladies..

  A022000336 

 Au rencontre, la compaignie n'est pas de durëe, on ne s'y familiarise gueres, on ne s'y engage trop d'affection; mays en la conversation on se void souvent, on use de privauté, on s'affectionne aux personnes choysies, on les frequente pour vivre loüablement et s'entretenir ensemblement.

  A022000337 

 Je me garderay soigneusement, aux rencontres, de fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit quelqu'un parmy le reste de la trouppe; car ceux qui considereront cela l'attribueront a legereté.

  A022000338 

 Encores me faudra il par tout exercer le jugement et la prudence, puysqu'il n'y a regle si generale qui n'aye quelquefoys son exception, sinon celle ci, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Donques, en conversation, je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction, si ce n'est que la rayson le requist; cordial sans dissimulation, parce que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent; toutesfoys il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies..

  A022000338 

 — Quant a ma conversation, elle sera de peu, de bons et honnorables, d'autant qu'il est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre de se corrompre avec les mauvais, et d'estre honnoré sinon des personnes honnorables; specialement je garderay, pour le regard du rencontre et de la conversation, ce precepte: Amy de tous et familier a peu.

  A022000339 

 Et de faict, les grans et sages n'admirent que l'exquis; les esgaux l'attribueroyent a affectation et les inferieurs a trop de gravité.

  A022000339 

 Et puys, a quel propos descouvrir les imperfections? ne les voit on pas asses? ne se descouvrent elles pas asses d'elles mesmes? Il n'est [40] donques nullement expedient de les manifester, mays il est bon de les advoüer et confesser.

  A022000339 

 Il y a bien certains melancholiques qui se playsent qu'on leur descouvre les vices que l'on a: toutesfoys, c'est a ceux la qu'il les faut davantage cacher, car ayant l'impression plus forte, ilz rumineront et philosopheront dix ans sur la moindre imperfection.

  A022000339 

 Or, nonobstant ce que nous avons dict, on peut, conversant avec les superieurs, les esgaux et inferieurs, temperer parfoys l'entretien de ce qui est exquis, bon et indifferent, pourveu que le tout se fasse discrettement.

  A022000339 

 Quant a ce qui est mauvais, il ne le faut jamais descouvrir a qui que ce soit, d'autant qu'il ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est.

  A022000340 

 — S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres ou melancholiques, j'useray de ceste precaution: aux insolentes, je me cacheray tout a faict; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignantes Dieu, je me descouvriray tout a faict, je leur parleray a cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dict en commun proverbe, de la fenestre: c'est a dire, qu'en partie je me descouvriray a elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on faict trop le rencheri elles [41] entrent incontinent en soupçon; en partie aussy je me cacheray a elles, a cause qu'elles sont sujettes, ainsy que nous avons desja dict, a philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent..

  A022000341 

 Entre les esgaux, il faut estre esgalement libre et respectueux; avec les inferieurs, il faut estre plus libre que respectueux; mais avec les grans et superieurs, il faut estre beaucoup plus respectueux que libre.

  A022000341 

 Ordinairement, les grans seigneurs se playsent d'estre aymés et respectés.

  A022000341 

 — Si la necessité me force de converser avec les grans, c'est alhors que je me tiendray soigneusement sur mes gardes, car il faut estre avec eux comme avec le feu: c'est a dire, qu'il est bien bon parfoys de s'en approcher, mais ne faut pas aussy que ce soit de trop pres; partant, je me comporteray en leur presence avec beaucoup de modestie, meslëe neantmoins d'une honneste liberté.

  A022000350 

 La conversation donques doit estre de peu, de bons et honnorables, d'autant quil est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre a se corrompre avec les mauvais, et estre honnoré sinon de personnes honnorables; gardant en la conversation et rencontre ce qui doit estre gardé en la familiarité et amitié: Amy de tous, familier a peu..

  A022000354 

 Le rencontre est une partie de la conversation generale, lequel estant sans familiarité, il se faut garder d'y fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit un parmy le reste du rencontre; car ceux qui le considerent pensent cela estre legereté.

  A022000359 

 Il faut par tout exercer le jugement et la prudence, ne se faysant regle si generale qui ne doive avoir son model d'exception, sinon ceste regle, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Si est ce que la conversation doit estre modeste, sans aucune insolence; libre, sans austerité; douce et souëfve, sans monstrer affectation ny effort, et souple, sans contredite sans rayson; ouverte et cordiale, d'autant que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent.

  A022000359 

 Mais il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies: car aux personnes insolentes ils se faut cacher du tout; aux libres, se monstrer du tout; aux melancholiques et sombres, se monstrer seulement de la fenestre: ausquelz il se faut bien monstrer en partie, d'autant que ceste sorte [40] de gens se playsent de voir les cœurs des hommes, et partant sont volontier soupçonneux; il ne se faut toutesfoys du tout monstrer, d'autant quilz se playsent a philosopher et vont remarquant trop au pres les conditions des hommes..

  A022000360 

 Aux superieurs, ou d'aage, ou de profession, ou d'authorité, l'exquis; aux semblables, le bon; aux femmes et inferieurs, l'indifferent: car les grans et sages n'admirent que l'exquis; les semblables appelleroyent affectation la monstre de l'exquis seulement; les moindres et les femmes se playsent plus en l'indifferent.

  A022000361 

 Il y a certains melancholiques [41] qui se playsent qu'on leur descouvre les vices qu'on a; mays c'est a ceux qu'il les faut plus cacher, car ilz ont l'impression plus forte, et rumineront dix ans la moindre imperfection.

  A022000361 

 Mays quant au mauvais, il ne le faut jamais monstrer, pour familier qu'on soit, d'autant quil ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est.

  A022000361 

 Quant aux imperfections, on n'a que fayre de les descouvrir, car on les descouvre tousjours asses, mays il est bon de les confesser..

  A022000362 

 Avec les grans il faut estre plus modeste, et neantmoins entre-mesler un'honneste liberté; car il faut estre avec eux comme avec le feu, ny trop pres ny trop loin, et si, ilz se playsent de voir qu'on les respecte et ayme: or, le respect engendre modestie et l'amour liberté.

  A022000362 

 Le mesme doit estre avec les esgaux, sinon qu'avec iceux la liberté doit estre esgale avec le respect, comme avec les moindres et femmes elle doit estre plus grande.

  A022000367 

 — De si loin que je verray une eglise, je la salueray par ce verset de David: Je vous salue, eglise sainte, dont Dieu a mieux aymé les portes que tous les tabernacles de Jacob.

  A022000369 

 — La veille du jour de ma Communion, je mettray hors de mon logis toutes les immondices de mes pechés par une soigneuse confession, a laquelle j'apporteray toute la diligence requise pour n'estre poinct troublé des scrupules; mays, d'autre part, [43] j'esviteray l'inutilité des recherches curieuses et empressëes..

  A022000370 

 — Si je m'esveille la nuict, je donneray de la joye a mon ame, disant, pour la consoler dans les frayeurs nocturnes qui me travaillent: Mon ame, pourquoy es tu triste? pourquoy me troubles tu? Voyci ton Espoux, ta joye et ton salutaire, qui vient; allons au devant par une sainte allegresse et amoureuse confiance..

  A022000371 

 — Le matin estant venu, je mediteray la grandeur de Dieu et ma bassesse, et d'un cœur humblement joyeux je chanteray avec la sainte Eglise: «O chose admirable! le pauvre et vil serviteur loge son Seigneur, le reçoit et le mange.» La dessus, je feray divers actes de foy et de confiance sur les parolles du saint Evangile: Si quelqu'un mange ce pain, il vivra eternellement..

  A022000372 

 — Ayant receu le tressaint Sacrement, je me donneray tout a Celuy qui s'est tout donné a moy; j'abandonneray d'affection toutes les choses du Ciel et de la terre, disant: Que veux je au Ciel? que me reste il a desirer sur la terre, puysque j'ay mon Dieu qui est mon tout? Je luy diray simplement, respectueusement et confidemment tout ce que son amour me suggerera, et me resoudray de vivre selon la sainte volonté du Maistre qui me nourrit de luy mesme..

  A022000402 

 Ces choses, donc, je les ai écrites très humblement, étant tout prêt à abandonner non seulement les conclusions que j'ai prises ou prendrai, mais la tête même qui les a conçues, et cela, même si toute mon intelligence y répugne, pour embrasser l'opinion qui est ou qui sera à l'avenir adoptée par l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, ma Mère et la colonne de vérité.

  A022000418 

 A lui gloire dans les siècles des siècles, avec le Père et le Fils.

  A022000418 

 Cependant, comme je peux me tromper, de telle sorte que ce qui paraît ne soit pas, je me remets en tout à l'Esprit Paraclet qui gouverne les intelligences par notre Eglise.

  A022000418 

 Que ces choses soient ainsi, si elles sont conformes à la foi de la sainte Eglise Romaine; sinon, que ces écrits périssent et ne soient pas conservés avec les autres.

  A022000421 

 Les choses comprises entre ces signes", je les ai entendues du Père Gesualdi; les autres, je les méditais, plaçant dans le Seigneur tout mon espoir, prêt à penser le contraire si l'Eglise déclarait vrai le contraire: cela, peut-être.

  A022000421 

 Vos témoignages sont admirables, Seigneur; c'est pourquoi mon âme les a scrutés.

  A022000448 

 Dans son excellente Confession de fo i, sous le titre en question, il [51] affirme expressément la même chose que nous: à savoir, que non seulement la réprobation a lieu par suite des démérites prévus, mais aussi que la prédestination se fonde sur les mérites prévus, et il prouve cela avec force.

  A022000448 

 Les enseignements que nous avons tirés de nombreux auteurs, au sujet de la prédestination fondée sur les mérites prévus, enseignements exposés aux pages XV, LXII et LXX, peuvent être confirmés par l'autorité de Pierre Emotte, docteur en théologie de Paris.

  A022000449 

 Dieu ordonne la fin, à savoir la damnation; c'est donc lui qui ordonne les moyens à cette fin, à savoir les péchés.

  A022000449 

 En effet, dans l'opinion contraire, la damnation n'est pas la fin et n'est pas voulue absolument pour elle-même, mais elle est un moyen pour châtier les méchants, et est voulue pour des êtres supposés méchants.

  A022000449 

 En premier lieu: A celui à qui appartient le droit d'ordonner la fin, appartient aussi celui d'ordonner les moyens à cette fin.

  A022000450 

 De son côté, Je Psalmiste dit: Ce ne sont pas les morts, Seigneur, qui vous loueront, ni tous ceux qui descendent en enfer..

  A022000450 

 La majeure est évidente, d'abord parce que Dieu, étant de sa nature communicable, ne peut avoir pour agréable sa propre privation prise en elle-même; ensuite, parce qu'autrement l'on irait contre les expressions de l'Ecriture qui partout présentent Dieu comme ayant soif de notre glorification et compatissant à notre condamnation, tout prêt qu'il est à [54] détourner cette dernière si seulement nos péchés disparaissent.

  A022000451 

 Enfin, Dieu n'a-t-il pas créé l'homme [55] pour jouir de sa vue? pourquoi donc a-t-il pu déterminer qu'il ne le verrait pas, et cela en dehors de toute cause préalable? En outre, toutes les fois que deux causes sont en de telles relations entre elles que l'une étant posée elle ne peut obtenir son effet en l'absence de l'autre, celui qui n'a pas l'une des deux en son pouvoir ne peut être dit en mesure d'obtenir l'effet voulu, et celui qui écarte l'une d'elles écarte par le fait même l'effet voulu.

  A022000451 

 Et cependant les expressions ci-dessus sont couramment employées par l'Eglise; en sorte que si on les expliquait dans le sens si caché et si décevant des adversaires, ce serait accuser l'Eglise de tromper les gens simples, elle qui à tout bout de champ les présente à tous également dans les prédications, les Offices et les prières.

  A022000452 

 Et ici, j'entends le mot justement, selon les apparences..

  A022000453 

 Au sujet de la même opinion, il faut noter: Premièrement, [57] cette opinion, étant que la prédestination a lieu sans la prévision des œuvres, mais non la réprobation, pourrait peut-être s'expliquer en ce sens que Dieu tout d'abord donne à tous les hommes un secours suffisant; qu'ensuite, voyant que beaucoup n'en usent pas, il réprouve ceux-ci, et que les autres, soit qu'ils usent, soit qu'ils n'usent pas de ce secours, il les sauve par des moyens efficaces: en sorte que parmi ceux qui n'usent pas du secours suffisant, Dieu en damne certains, et les autres, il les retire efficacement du chemin de damnation où ils se précipitent.

  A022000453 

 Telle que nous venons de la présenter, elle est suffisamment intelligible, et ainsi le Seigneur ne fera tort à personne; car ceux qu'il damnera, il les damnera à cause de leurs démérites, et ceux qu'il sauvera, il les sauvera par sa miséricorde, et à celui qui se plaindra il répondra: Mon ami, prends ce qui te revient; si je veux donner quelque chose à ceux-ci, que t'importe?.

  A022000456 

 Ainsi, la decision ou opinion en question doit etre comptee parmi celles dont les jurisconsultes disent que la loi ni ne s'y oppose, ni ne les favorise (quoique d'une certaine façon elle s'oppose, et fortement, a ce que notre sentence puisse etre ulterieurement prouvee)..

  A022000457 

 Si Dieu sauve ceux qui autrement auraient du etre damnes, ou est la justice? Comment rendra-t-il à chacun selon ses oeuvres, puisqu'il faudrait dire plutot que chacun agira suivant ce qu'il recevra? Et puis, pourquoi Dieu a-t-il prevu les peches des futurs damnes, et non ceux des autres? pourquoi en a-t-il vu certains faire le bien, plutot que d'autres? et s'il a tout vu, pourquoi dirons-nous qu'il a preordonne le chatiment d'apres les peches, plutot que la recompense d'apres les merites? [59].

  A022000459 

 Cela convient, en effet, à la bonté de Dieu (bien qu'il ne convienne pas à la justice de Dieu de damner quelqu'un en lui refusant les moyens, à lui, dis-je, nécessaires: en effet, qu'importe si ces moyens suffisent à d'autres, non à ceux dont il s'agit? Cela ne convient pas davantage à sa puissance, attendu que la puissance de Dieu se manifeste tout autant, et même davantage, en sauvant qu'en damnant).

  A022000461 

 On peut très bien faire davantage ressortir la force de tout ce qui a été dit jusqu'ici, en faveur de l'opinion admettant que les hommes, et aussi les anges, sont damnés et sauvés suivant la prévision de leurs démérites et de leurs mérites.

  A022000461 

 Presque tous les [62] auteurs à notre époque concèdent cela, comme beaucoup parmi les anciens ............................................................................................................

  A022000461 

 Si, en effet, il est vrai que les hommes ne sont pas damnés en dehors de la prévision [de leurs démérites], comme d'un autre côté il faut, [pour les adversaires,] pouvoir répondre à l'autorité tirée de l'Epître aux Romains, il reste que l'opinion que nous avons énoncée est inébranlable.

  A022000476 

 Il y a un passage quelque part dans l'Ancien Testament, où le Prophète, prédisant la future rédemption du Christ, affirme qu'il [63] ne faudra plus dire alors que les pères ont mangé de mauvais raisins et que les dents des fils en ont été agacées; parce que, dit-il, le Christ arrivant, le fils ne portera pas l'iniquité du père, mais c'est l'âme pécheresse qui mourra d'elle-même..

  A022000479 

 En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite.

  A022000479 

 Je t'ai fait, comme toutes les autres choses, pour moi-même; bien plus, même les impies qui, par leur faute, sont destinés au jour de malheur, je les ai faits pour moi-même.

  A022000479 

 Les morts ne me loueront pas, ni tous ceux qui descendent dans l'enfer.

  A022000480 

 En votre nom, donc, je lèverai mes mains vers les saintes hauteurs.

  A022000489 

 Sus, veilles compagnons, car les tems a la foule.

  A022000494 

 Je vis pleurer les jours ja passés en paresse..

  A022000514 

 Le mariage pouvait être annulé chez les Gentils à cause de la légèreté de mœurs du paganisme; mais aujourd'hui il est indissoluble, en ce qui concerne le lien, un très petit nombre de cas étant exceptés.

  A022000531 

 ........................ Et ainsi nous mettons fin à notre course à travers tous les titres de l' Infortiat..

  A022000543 

 Et cela, avec tant de précision et de concision, que j'ai trouvé inutile de recueillir les principales de ces notes, car toutes sont principales et aucune n'est inutile; d'autant plus qu'à ce travail minutieux, j'ai, au début de notre apprentissage, consacré de bonnes heures.

  A022000543 

 Les compilateurs des Digestes ayant aperçu dans les différentes lois ci-dessus recueillies et réunies beaucoup d'obscurités provenant de l'ignorance ou de l'ambiguité soit des noms soit des termes, ont mis en note ici, à la fin de tout l'ouvrage, pour l'explication des choses et des mots, quelques éclaircissements tirés de ces mêmes jurisconsultes chez lesquels ils avaient pris les lois.

  A022000563 

 J'ai achevé, par la volonté de Dieu et avec la protection de la Très Sainte Mère de Dieu et de mes saints Patrons, ces petites notes sur les Pandectes, très légères par elles-mêmes, mais assez [72] pénibles et laborieuses pour moi, novice, l'an 1591 après le salutaire Enfantement de la Vierge, au mois de juillet, le dixième jour, mémorable par le tremblement de terre que nous avons perçu à cinq heures et demie de l'après-midi, et par la solennité des sept Saints Frères..

  A022000564 

 Et véritablement, les nations ont été troublées et les royaumes ont chancelé; il a élevé sa voix, et la terre a été remuée.

  A022000564 

 Les Princes Italiens et Germains lèvent des troupes guerrières; déjà l'Anglais, l'Espagnol, le Français, ayant tiré le glaive, troublent l'air et la terre de gémissements et de sang; les royaumes d'Ecosse, d'Angleterre, de Danemarck sont tombés dans l'horrible gouffre des hérésies, ainsi que ceux de Pologne, de Hongrie, de Bohème; et, ce qui est au-dessus de toute douleur, nous voyons et contemplons avec larmes la couronne autrefois très chrétienne de France prête à se placer [73] sur la tête d'un hérétique, ou plutôt penchée vers un désastre lamentable!.

  A022000565 

 Pourquoi aimez-vous la vanité, disant: Qui nous montre le bien? Je ne suis pas le renardeau qui saccagera les vignes.

  A022000592 

 Etant donné que tout pouvoir appartient à Dieu et s'appuie avec raison sur le Dieu de sagesse comme sur un fondement, selon ce mot du Sage: C'est par moi que régnent les rois (L. IV), et celui-ci: «De Jupiter vient le principe du pouvoir,» et que d'autres preuves majeures puissent être mises en avant, c'est avec raison que l'Empereur commence par cette considération le texte qui [75] contient les constitutions destinées à maintenir et sanctionner intégralement la dignité de la vraie foi..

  A022000593 

 Mais parce que, à cette époque, la foi catholique au sujet du très auguste mystère de la Trinité était attaquée par les hérétiques, et que ces mêmes hérétiques méprisaient l'autorité du Saint-Siège Apostolique et des Conciles catholiques, il pose comme premier titre du premier Livre: «DE LA SOUVERAINE TRINITE ET DE LA FOI CATHOLIQUE.» Et il donne à cette Trinité le nom de «Souveraine» parce que, comme il y a plusieurs trinités dans les choses créées (car trinité désigne non l'unité, mais la réelle distinction des trois parties), il emploie le mot «Souveraine» quand il parle de la Trinité divine, parce que les autres sont infimes en comparaison de celle-ci.

  A022000594 

 Or, la foi appelée «catholique» est celle qui, en raison tant des [76] lieux que des hommes et des temps, est universelle et sans limites, c'est-à-dire, qui à toutes les époques, depuis qu'elle a commencé, et en tous lieux, fut enseignée et confessée par tous les Chrétiens (car la différence du catholique de l'hérétique existe seulement parmi ceux qui professent la loi chrétienne)..

  A022000595 

 Il est permis, en effet, de disserter sur les mystères de la religion avec humilité et soumission, même quelquefois en public, dans des conférences contre les hérétiques, dans des discussions et cours publics; car cela n'est pas mettre la foi en cause, mais échanger ses pensées pour éclairer la foi..

  A022000595 

 Quant à ces paroles ajoutées: «QUE PERSONNE NE SE PERMETTE D'EN DISCUTER EN PUBLIC,» voici comment il faut les entendre: il n'est pas permis de discuter de la foi, puisqu'il nous est défendu d'être contentieux, c'est-à-dire de nous attacher à notre opinion personnelle avec obstination et verbeusement.

  A022000596 

 Seuls, les chrétiens «qui suivent cette loi» doivent être appelés Catholiques; les autres ne méritent que le nom d'insensés et de «fous.» De même, que les [77] hérétiques soient appelés «infâmes», et qu'ils soient punis par le Prince selon l'occurence.

  A022000598 

 Or, les mots de l'Empereur: «Lui que nous espérons et que nous recevons du souverain Père de toutes choses,» ne confirment pas cette opinion des Grecs, que le Saint-Esprit procède du Père seulement, puisqu'elle n'est apparue que plusieurs siècles après; mais il parle de la réception de la grâce du Saint-Esprit, car il est dit ainsi, que l'Esprit-Saint est donné aux hommes par le Père au moyen du Fils, que le Père enverra en mon nom.

  A022000599 

 La troisième Loi interdit entièrement les contentions au sujet de la foi, parce que l'homme contentieux est perfide et cherche à briser l'unité de la foi.

  A022000599 

 Sont interdites aussi les discussions publiques devant les foules, ce qui pourrait donner occasion ou de scandale, ou de profaner les mystères en offrant les perles de la philosophie chrétienne à cette tourbe confuse de porcs, Juifs et infidèles.

  A022000600 

 Le pouvoir s'appuie sur la religion; l'Eglise Romaine est «la tête des Eglises.» Ce qui est dit dans les Lois I, II, III, et même tous les décrets compris sous ce Titre, tout cela a été confirmé par l'autorité du Souverain Pontife.

  A022000601 

 Il professe que «le Fils de Dieu est consubstantiel au Père selon la Divinité, et à nous selon l'humanité;» et aussi que la bienheureuse Vierge Marie est vraiment et proprement la Mère de Dieu, car c'est d'elle que le Fils de Dieu, «né du Père avant les siècles, s'est incarné» dans le temps «par le Saint-Esprit.».

  A022000604 

 Ce Titre est précieux et tout à fait auguste, et digne d'être lu souvent contre les novateurs, les demi-savants et les politiques; c'est pourquoi j'ai pris ces notes avec plus de précision, en les extrayants de chaque Loi une à une..

  A022000630 

 Un hérétique peut être accusé par n'importe qui; L. IV. Les seigneurs temporels détruisant les hérétiques, les biens de ceux-ci peuvent être enlevés par n'importe quel catholique; si un seigneur d'un rang supérieur, comme un roi, veut s'y opposer, il sera lui-même privé du pouvoir..

  A022000632 

 Que les écrits des hérétiques soient brûlés; L. VIII. Que le [80] nom dont on désigne les hérétiques soit tiré du nom de l'auteur (le l'hérésie et non de celui du Christ; comme on dit Calvinistes, du nom de Calvin. L. VI..

  A022000640 

 EST PRÉCIEUSE COMME DE L'OR ET DIGNE DE LETTRES MAJUSCULES LA IX e Loi, où l'on trouve ceci: QUE SOIENT PUNIS DU FEU LES FAMILIERS DU PRINCE, S'ILS PERSÉCUTENT LES HABITANTS DES PROVINCES..

  A022000657 

 Bien que je me rende assez compte en moi-même de quelle importance il est pour ma réputation de vous adresser autant que je le puis les très vifs remerclments qu'exige de moi le saint et sacré bienfait que vous m'accordez aujourd'hui, Révérendissime Vicaire général, vénérable Prieur, Pères conscrits: [82] cependant, ne me sentant pas capable de vous les présenter tels qu'il le faudrait et connaissant les graves occupations qui vous empêchent d'y prêter une longue attention, plus soucieux de vos intérêts que de ma propre renommée, je me serais volontiers abstenu de ce devoir de reconnaissance.

  A022000658 

 En effet, les autres avantages ne sont que les ornements de la fortune ou de la personne; mais seul celui du doctorat est l'ornement du mérite [83] lui-même, qui d'ailleurs est, de soi, fort glorieux; et j'estime cet honneur d'autant plus grand et éclatant que ce n'est pas seulement une couronne de laurier que ce Collège m'a conférée, mais le laurier lui-même: car il ne m'a pas fait docteur seulement, mais il m'a rendu digne de le devenir et d'en porter le titre..

  A022000659 

 C'est là que je me suis appliqué d'abord aux belles-lettres, puis à toutes les parties [84] de la philosophie, avec d'autant plus de facilité et de fruit que ses toits, pour ainsi dire, et ses murailles semblent philosopher, tant elle est adonnée à la philosophie et à la théologie..

  A022000659 

 Certes, ma très chère patrie a ajouté en moi à la nature les commencements des belles-lettres, et lorsqu'il m'en vit pourvu, mon excellent père, dans l'espoir de me voir de jour en jour plus docte, m'envoya en l'Université de Paris, très florissante alors et très fréquentée.

  A022000659 

 Mais aujourd'hui, hélas, quel changement! Cette école de Paris, mère illustre des lettres, est désolée par les terreurs de la guerre et, à première vue (que Dieu écarte ce malheur!), est sous la menace de devenir déserte.

  A022000660 

 Il me fut encore permis d'entendre les paroles vivantes de Jacques Menocchio dont tout le monde admire et révère les paroles mortes, je veux dire ses admirables écrits, et dont la retraite aurait apporté grand dommage à cette Académie, si Ange Matteazzi, maître [86] consommé en toutes sortes de sciences, n'eût été mis en sa place après mûre délibération et par un très juste échange.

  A022000660 

 Jusqu'alors, je n'avais consacré aucun travail à la sainte et sacrée science du Droit: mais lorsque, ensuite, j'eus résolus de m'y employer, je n'eus aucunement besoin de chercher où je devais me tourner, où je devais me porter; ce Collège de Padoue m'attira aussitôt par sa célébrité, et sous les plus favorables augures, car, [85] en ce temps, il avait des docteurs et des lecteurs tels qu'il n'en eut et n'en aura jamais de plus grands: Guido Panciroli, prince de la jurisprudence, votre lumière et votre gloire, Pères, et qui ne périra jamais.

  A022000660 

 Quoi de plus beau? Il m'était permis de puiser la science du Droit canon à la source dérivée de cette colline dont, sans aucun doute, les muses habitent le sommet comme un autre Parnasse..

  A022000661 

 Enfin, car je dois omettre un fort grand nombre d'autres noms, le Trevisan posait excellement les premiers fondements de la jurisprudence..

  A022000661 

 Ensuite, cette Université eut le très docte Otellio qui sait si bien assaisonner d'agrément la science la plus solide, qu'il semble, sachant «unir l'utilité à la douceur,» avoir «emporté tous les suffrages.» Un autre maître était le très excellent Castellano [87] dont l'enseignement, à mon avis, n'est si extraordinaire que parce que sa science est, comme son enseignement, en dehors et au-dessus de l'ordre et de l'intelligence ordinaires.

  A022000665 

 Pour ce qui reste, faites-le, s'il vous plaît, très illustre Panciroli, mon très honoré maître, et, de vos mains si pures et bienfaisantes, décorez-moi de ces ornements dont cette Université a coutume d'honorer, avant de les congédier, les élèves auxquels elle a conféré la dignité qu'elle m'acccorde..

  A022000689 

 Ainsi je détachais quelques extraits des Titres du troisième Livre, l'an 1591; au mois de septembre, le 17me jour, jour rendu mémorable par les Stigmates du saint Père François, je fus forcé [90] d'abandonner ce travail, et je l'abandonne jusqu'à ce que Dieu me donne loisir et commodité.

  A022000696 

 De là, le même jour, nous entrâmes à Lorette, et le 19, après avoir reçu les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, nous répandîmes nos prières à Dieu et à sa Mère dans la sainte chambre habitée par eux-mêmes.

  A022000696 

 Le lendemain, ayant entendu le saint Sacrifice de la Messe, comme nous avions résolu de nous diriger vers Rome, par crainte des brigands qui, disait-on, avaient élevé leur nombre jusqu'à mille et dévastaient [91] terriblement toute la plage d'Ancône, principalement les chemins menant à Rome, nous retournâmes, bien malgré nous, à l'endroit d'où nous étions venus; puis, grâce à un léger détour, nous vîmes à Sirolo l'image du Christ Notre-Seigneur suspendu vivant à la Croix, que l'on dit peinte par saint Luc. Bientôt [nous atteignions] Ancône, nous étant servis du même navire sur lequel nous avions été précédemment portés; et toujours sur la même heureuse embarcation de Chioggia, mais par une traversée beaucoup plus pénible, après avoir bien payé les frais du voyage, nous débarquâmes le 5 novembre, vers le soir, aux colonnes de la grande place de Saint-Marc.

  A022000697 

 De plus, monsieur Jean Déage, mon vénérable précepteur, mon frère [93] Gallois et moi, nous n'avions l'habitude de voyager qu'à cheval: or, à nous trois, il ne nous restait que la somme de vingt-huit couronnes, et les courriers, ainsi que les guides, refusaient de nous accorder des montures à moins de trente couronnes.

  A022000697 

 La chose nous fut ensuite confirmée à Chioggia, en partie par la joyeuse sonnerie des cloches, en partie par ce que disaient les habitants, et, à Venise, nous sûmes qu'il avait pris le nom d'Innocent IX. [94].

  A022000698 

 Fasse le Dieu très bon et très grand que, sous ses auspices pour longtemps désirés, l'Eglise catholique universelle, et surtout celle de France, éprouve cette tranquilité qui lui permette de vivre si bien et si heureusement, que les peuples catholiques, délivrés du bras de leurs ennemis, puissent, da ns la sainteté et la justice, servir tous les jours de leur vie Celui «à qui servir c'est régner».

  A022000700 

 A ce moment, reprenant la course que j'avais commencée de faire précédemment à travers tous les Titres du Droit, je suis tombé [95] sur celui qui est mentionné plus haut: Des créances et du serment.

  A022000728 

 Ces quelques notes sont prises parmi les nombreuses matières traitées dans tout le Titre; c'est pourquoi il sera très utile de le lire et relire, à cause du sujet si particulier et d'une application si fréquente.

  A022000728 

 MAIS IL FAUT ECRIRE EN LETTRES MAJUSCULES CE QUI EST DIT DANS LA 1 re Loi: «DANS CES CHOSES MEMES OU NOUS INTRODUISONS UNE REFORME DES MŒURS, NOUS NE DEVONS PAS TENIR COMPTE DE LA QUESTION D'ARGENT.» L'observation de cette Loi n'est pas d'une nécessité urgente aujourd'hui, car les usuriers et les prêteurs à gages les plus sordides, lorsqu'ils ont réduit à l'indigence une province jusqu'alors intacte, s'ils se laissent saisir, tous leurs biens reviennent au fisc; pour quelle raison, je l'ignore, car ces biens ne sont pas ceux des usuriers, mais ceux des débiteurs pauvres.

  A022000759 

 DES DONATIONS ENTRE MARI ET FEMME ET DE CELLES FAITES PAR LES PARENTS A LEURS ENFANTS, ET DE LA RATIFICATION.

  A022000762 

 C'est ce qu'avait fait pour moi ma très bonne et très chère mère lorsqu'elle n'avait encore que moi comme seul et unique fils; dans la suite, pourtant, cette donation fut révoquée, non par une diminution de son amour maternel, mais parce qu'il m'était survenu des frères, que Dieu bénisse: notre commune et très sage mère a jugé que, de même qu'elle ne les préférait pas à moi, ainsi elle ne me préférait pas à eux..

  A022000784 

 Pour les vaincre voulut luymesme trespasser..

  A022000803 

 Combattre l'ennemy spirituel et mortifier ses inclinations n'est autre que les rejetter et n'en fayre nomplus d'estat que si elles estoit ( sic ) mortes ou n'estoit poinct; a quoy chascun doit mettre grand peyne, nostre nature estant tellement corrompue qu'elle nous va quasi tous-jours mouvant au mal fayre en toutes sortes de vacations que nous puyssions suyvre; et partant, chascun la doit vaillamment combattre et mortifier ses mouvemens..

  A022000812 

 François, tu te dois souvenir que Dieu t'a faict beaucoup de misericordes le dix neufviesme de may 1593, par les intercessions du glorieux saint Celestin, protecteur de ta retraitte preparatoire aux Ordres..

  A022000823 

 Ouy, mon Dieu, ce sont tous les deux,.

  A022000850 

 Cœur si plein de splendeurs, que mesme il les espanche.

  A022000857 

 Et parmi les travaux de ce monde l'honnore,.

  A022000948 

 Il ne portera point a ses piedz d'escarpins avec les mules ou galoches, tant parce que cela ressent la vanité du monde, que parce qu'il est defendu par les Statutz de son Eglise..

  A022000950 

 Il ne portera au doigt que le seul anneau qu'on appelle pastoral, et que les Evesques doivent porter pour marque de l'alliance qu'ilz ont contractee, et qui les tient liés et obligés a leur Eglise non moins estroittement que les maris a leurs espouses..

  A022000951 

 Les attaches de ses souliers ne seront point de soye, ni ses bas de chausses..

  A022000953 

 Il y en aura deux ecclesiastiques, l'un desquelz aura charge de toutes les affaires, et l'autre luy assistera [112] aux Offices.

  A022000953 

 Ilz seront habillés a la Romaine, s'il se peut faire, avec toute sorte de modestie, ou bien comme les prestres du Seminaire de Milan, parce que ceste sorte d'habillement couste moins et est plus commode.

  A022000953 

 Un secretaire, deux valetz de [113] chambre, l'un pour soy et l'autre pour la famille; [114] un cuisinier avec son garçon, et un laquay qui sera vestu de tanné avec les bords violetz.

  A022000954 

 Ilz se confesseront et communieront tous les seconds Dimanches du moys, selon les Statutz de la Confrerie des Penitens de la Sainte Croix, en laquelle ilz s'enroolleront, et communieront a la Messe de l'Evesque.

  A022000954 

 Ilz se coucheront a dix heures du soir, mais ilz s'assembleront au prealable en la salle pour reciter les Litanies: le Dimanche, du Nom de Jesus; le lundy, de tous les Saintz; le mardy, des Anges; le mercredy, de saint Pierre Apostre, Patron de l'Eglise de Geneve; le jeudy, du tressaint Sacrement; le vendredy, de la Passion de Nostre Seigneur; le samedy, de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame; sinon qu'a l'occasion de quelques festes ces Litanies doivent estre transferees.

  A022000954 

 Ilz se leveront tous du lict a cinq heures de matin; mais les jours solemnelz, quand il faudra aller a Matines, a quattre heures.

  A022000954 

 [115] Ilz entendront tous les jours la Messe, et les Dimanches et festes tout le divin Office en l'Eglise cathedrale.

  A022000955 

 Deux chambres seront tapissees: une pour les estrangers et l'autre pour recevoir les affayres, c'est a sçavoir la salle..

  A022000956 

 C'est une trop grande audace aux serviteurs d'un Prelat de mespriser les ecclesiastiques inferieurs: tous ceux qui serviront l'Evesque de Geneve seront advertis et accoustumés de traitter honnestement avec tous, mays principalement avec les prestres.

  A022000957 

 Chacun benira la table a son tour et dira pareillement les Graces, excepté les testes solemnelles; car alhors l'Evesque fera la benediction et l'action de grace, comme aussi tous les jours il dira l'orayson: «Seigneur, benisses nous,» parce que le moindre doit recevoir la benediction du plus grand.

  A022000957 

 Les jours de jeusnes on ne s'assira point a la collation; et alhors le disner sera a onze heures sonnees, la collation a sept..

  A022000957 

 Les prestres y seront assis et, autant qu'il se pourra faire, tiendront les premieres places.

  A022000958 

 Il faudra tascher que les aumosnes qu'on distribuera aux Freres Mineurs, aux Jacobins, aux Capucins, aux Religieuses de Sainte Claire et a l'Hospital soyent remarquees, tant pour l'exemple que pour une plus grande efficace envers le peuple.

  A022000958 

 Le Jeudy Saint, au Mandat, on baillera a disner aux pauvres devant que leur laver les piedz, ou bien apres, si le Mandat se fait de matin, comme feu Monseigneur le Reverendissime le faysoit.

  A022000958 

 Quant à l'aumosne, il faudra observer les jours que feu Monseigneur le Reverendissime avoit choysis, affin qu'elle se fasse publiquement; il faut tascher qu'elle soit plus grosse en hiver qu'en esté, principalement despuis la feste des Roys, car alhors les pauvres en ont plus de besoin; et pour ce, l'on distribuera des legumes.

  A022000959 

 Le jour de la feste, le Dimanche dans l'octave et le jour de l'octave il fera la Benediction dans l'eglise des Religieuses de Sainte Claire, tant affin de les consoler, que parce que ceste eglise est coustumierement toute pleyne de peuple, et que c'est la derniere Benediction qui se fait en la ville..

  A022000959 

 Quant aux divins Offices, toutes les festes de commandement l'Evesque assistera aux premieres Vespres, aux secondes, a la Grande Messe et a l'Office qui se fait devant ou apres; mays les jours solemnelz, outre cela, a Matines.

  A022000959 

 — Toute l'octave de la Feste Dieu il assistera a l'Office, et preschera le Dimanche praecedent pour advertir le peuple de son Office, affin qu'il gaigne les Indulgences.

  A022000961 

 Maintenant, quant a l'interieur, et premierement quant a l'estude, il fera en sorte qu'il puisse apprendre [120] quelque chose tous les jours, utile neanmoins et qui soit convenable a sa profession.

  A022000961 

 Ordinairement, il pourra avoir pour estudier les deux heures qui sont entre sept et neuf de matin; apres souper, il fera lire quelque livre de devotion l'espace d'une heure, qui sera en partie pour l'estude, en partie pour l'orayson..

  A022000962 

 Quant aux oraysons jaculatoires, il les tirera ou de la meditation du matin, ou des divers objectz qui se presenteront; elles seront ou vocales ou mentales, selon qu'il sera incité du Saint Esprit, et il s'en fera un brief recueil pour aspirer a Dieu, a la Vierge, aux Anges, aux Saintz auxquelz il aura une particuliere devotion.

  A022000963 

 Il recitera ordinairement l'Office debout ou a genoux: Matines et Laudes sur le soir, apres la lecture de devotion; Prime, Tierce, Sexte et None entre six et sept heures de matin, c'est a sçavoir apres la meditation; Vespres et Complies devant souper, et le Chapelet apres Vespres, avec les meditations, d'autant qu'il est obligé par vœu de le reciter.

  A022000963 

 Les jours de feste recitera les Heures et Vespres avec le chœur, et le Chapelet pendant la Grande Messe..

  A022000964 

 Il ne sera point mal a propos que les jours qu'on appelle de devotion, il celebre la Messe es eglises ou elle sera, affin que le peuple y venant treuve tousjours son Evesque en teste: comme les festes solemnelles de ces eglises et quand il y a des Indulgences.

  A022000964 

 Il sortira le matin a neuf heures pour offrir le tressaint Sacrifice de la Messe, laquelle il celebrera tous les jours, sinon qu'il soit empesché par quelque extreme necessité; et affin de la celebrer avec plus de devotion, [122] il fera un recueil et abbregé de diverses considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere, et s'y occupera et entretiendra en sortant de sa chambre et en allant a l'autel.

  A022000967 

 Outre les jours de jeusne que l'Eglise a commandé, il jeusnera toutes les veilles des festes de Nostre Dame et tous les jours de vendredy et samedy..

  A022000968 

 Et renouvellera tous les bons propos et desseins que Dieu luy avoit baillés; et pour cest effect, il relira, devant que se presenter a la confession, les memoyres de toutes ses resolutions et les remarquera derechef, affin qu'il puisse adjouster ce que l'experience luy aura appris.

  A022000968 

 Le tems de ceste recollection ne peut pas bonnement estre determiné, sinon que les semaynes de carnaval semblent y estre propres, tant pour n'estre pas tesmoin de l'insolence et dissolution du peuple, que pour sortir du desert a la predication et aux grandes œuvres, a l'imitation de nostre Sauveur et Redempteur Jesuschrist et de son Precurseur saint Jean Baptiste.

  A022000968 

 Tous les ans, par l'espace de huict jours, et davantage quand il pourra, il fera la recollection et purgation de son ame, et ce tems pendant, examinera ses succes et progres despuis l'annee passee; et apres avoir marqué les principales offences, il les accusera a son confesseur, avec lequel il conferera de ses mauvayses inclinations [124] et difficultés au bien.

  A022000980 

 Comme aussi, pour celebrer plus devotement la sainte Messe, je m'occuperay, jusques a ce que je sois a l'autel, dans toutes les considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere..

  A022000981 

 C'est en ceste retraitte ou on [126] regarde le Ciel de bien pres et ou on trouve la terre bien esloignee de ses yeux et de son goust; et lhors que les saintes ames qui sont engagees pour le publiq ne peuvent jouir de ceste felicité, elles font un cabinet dans leur cœur, ou elles vont estudier la loy de leur Maistre et la reçoivent de sa propre main.

  A022000981 

 C'est par la prattique de cest exercice que nous apprenons si nous advançons a la vertu; en un mot, c'est en ce tems et en ce lieu ou l'on prend les saintes et solides resolutions de vivre selon les lois de la veritable et eternelle sagesse..

  A022000981 

 Je feray tous les ans huict ou dix jours de retraitte pour examiner les progres de mon ame, ses inclinations, ses difficultés, ses defautz.

  A022000989 

 2 nt J'invoque la tres glorieuse Vierge Marie Nostre Dame et tous les Saintz, affin qu'ilz implorent la misericorde de Dieu sur moy en ma vie et en ma mort..

  A022000991 

 4 nt Appreuvant de tout mon cœur les sacrees ceremonies de l'Eglise, j'ordonne qu'a mon ensevelissement treze cierges allumés et flambans soient portés et mis autour de mon cercueil, sans autres escussons que ceux du nom de JESUS, pour tesmoigner que, de tout mon cœur, j'embrasse la foy preschee par les Apostres.

  A022000991 

 Mais d'ailleurs, detestant les vanités et superfluités que l'esprit humain a introduites es sacrees ceremonies, je defens tres expressement toute sorte d'autre luminaire, quel quil soit, estre fait en mes obseques; priant mes amis et parens, et ordonnant a mes heritiers de ne rien y adjouster, et employer leur pieté envers moy a faire des prieres et aumosnes, et sur tout a faire celebrer les tressaintes Messes pour moy..

  A022000992 

 5 nt Je fais, cree et institue mes heritiers universelz en tous les biens immeubles, noms et actions qui m'appartiennent ou peuvent appartenir, procedés et parvenus a moy de la part de mes Pere et Mere, de messire Bernard de Sales, mon frere, de dame Marie Aymee de Rabutin, ma belleseur, a sçavoir: Messire Jean [129] François de Sales, mon frere, chantre et chanoyne de mon Eglise, et mon Vicaire general, pour la tierce part; les enfans masles de feu Galois de Sales, mon frere, en son vivant seigneur de Boysi et du Villars Roget, pour la tierce part; et messire Louys de Sales, Baron dudit lieu et de Thorens, seigneur de la Thuille, Chevalier au magnifique Conseil de Genevois, pour l'autre tierce part: les trois faysans le tout, a condition que mesdits heritiers ni les leurs ne viendront jamais a conte ni deconte, ni ne s'entredemanderont jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faites entre eux et moy par feu nos Pere et Mere..

  A022000993 

 6 nt Je laisse et donne par praelegat et institution particuliere au susnommé messire Jean François de Sales, mon Vicaire general, tous mes autres biens meubles et tous mes autres moyens de quelle nature qu'ilz soyent, a la charge neanmoins qu'il les distribue et departe exactement comme je luy ordonne par un memorial que je luy en ay fait a part, chargeant de cela sa conscience en laquelle je me fie..

  A022000995 

 FRANÇ S, E. DE GENEVE. J'ay fait les ratisseures.

  A022001034 

 Secondement, Nous invoquons la tres glorieuse Vierge Marie Nostre Dame et tous les Saintz, qu'ilz implorent la misericorde de Dieu sur Nous en nostre vie et en nostre mort..

  A022001036 

 Mais d'ailleurs, detestans les vanités et superfluités que l'esprit humain a introduites es sacrees ceremonies, nous defendons tres expressement toute sorte d'autre luminaire, quel qu'il soit, estre fait en nos obseques, priant nos parens et amis et ordonnant a nos heritiers de ne rien y adjouster, et employer leur pieté envers Nous a faire des prieres et aumosnes, et sur tout a faire celebrer les tressaintes Messes pour Nous..

  A022001036 

 Quatriesmement, appreuvans de tous nos cœurs les sacrees ceremonies de l'Eglise, Nous ordonnons qu'a nostre ensevelissement treize cierges seront allumés, portés et mis autour de nos cercueilz, sans autres escussons que ceux du nom de JESUS, pour tesmoigner que de tous nos cœurs Nous embrassons la foy preschee par les Apostres.

  A022001039 

 A nobles Sebastien, Amé, Louys, Jean Anthoyne et Bernard, enfans de feu messire Gallois de Sales, seigneurs de Boysi et de Villaroget, nos neveux, la somme de deux mille escus d'or sol, ensemble tout ce que Nous pouvons pretendre sur les biens qu'ilz possedent..

  A022001040 

 Lesquelz legatz Nous ordonnons estre payés une annee apres le deces du dernier mourant de Nous deux, et les deux cens florins de nostre frere le Chevalier tous les ans, par semblable jour que le dernier de Nous mourra; sauf que, quant au payement desditz deux mille escus legués a nos neveux, il sera loysible au sieur Baron de Thorens, nostre frere et heritier, d'en faire payement par la cession et transport de semblable somme qui luy est deuë et qui luy doit estre payee apres la mort du seigneur Baron de Cusy son beaupere; laquelle cession lesditz legataires seront tenus d'accepter pour payement, leur maintenant ledit sieur Baron de Thorens semblable somme luy estre bien deuë et exigeable, ou autrement il demeurera chargé dudit legat..

  A022001040 

 Moyennant quoy, lesditz legataires ne pourront demander aucune chose, quelle qu'elle soit, et particulierement lesditz sieurs de Boysi, ni sur nos heritages, ni sur les biens de La Thuille, Sales, Thorens et leurs dependances, sous pretexte d'aucun partage definitif, allegation de moindre lot, payement d'aucune somme a laquelle Nous leur soyons obligés, ou autrement comme que ce soit; ordonnons qu'ilz nous en tiennent quittes a nostre heritier sousnommé, et que les partages provisionnelz [136] faitz entre nos freres, de nos biens et des leurs, a forme qu'ilz les ont ci devant possedés a part et posseèdent encor a present, tiennent definitivement et perpetuellement, et qu'ilz ne viennent jamais a conte ni deconte, ni s'entredemandent jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faittes entr'eux et Nous par feu nos Pere et Mere.

  A022001043 

 Si avons prié les tesmoins signés sur le repli de cette carte, de porter tesmoignage que son contenu est nostre derniere volonté..

  A022001053 

 Il fut faict haeretique par la violence des Bernois, il y a environ 60 ans, sans que les [139] habitans eussent ny loysir ny moyen de considerer ce qu'ilz faysoyent abandonnant l'Eglise catholique..

  A022001054 

 Plusieurs eglises y furent reconciliees, et plusieurs personnes aussy, quand Son Altesse y fut au commencement des guerres; mays despuis, tous les lieux y ont estes pillés et violés par l'ennemy, et les personnes retombees en l'erreur par crainte: si qu'en tout le balliage il n'y a qu'un autel, tout nud et sans aucune commodité pour y celebrer, qui est en la paroisse des Alinges.

  A022001054 

 Tout le reste est haeretique, laissant a part le fort des Alinges, ou les soldatz sont la pluspart catholiques..

  A022001056 

 Mays le fruict que jusqu'a praesent ilz y ont faict n'a esté que de consoler le peu de Catholiques qui y estoyent et donner a penser a la plus part des autres, qui ne croyoyent pas que personne parlast ou entendist la rayson de l'Escriture que les ministres huguenotz; n'ayant peu reduire que cinq personnes, entre lesquelles il y a un advocat nommé Pierre Poncet, le mieux entendu de tout le balliage..

  A022001057 

 En quoy ilz se sont d'autant plus resoluz, qu'ilz n'ont jamais voulu croire que Son Altesse desire leur reduction, par ce que, comme plusieurs ont dict, si ell'eust eu cest œuvre a cœur, elle eust faict inviter les habitans a la prendre, par quelque declaration de son intention.

  A022001057 

 Et ce qui a empesché le bon succes de l'entreprise a esté, en partie, la crainte que les habitans ont que Geneve et Berne ne les maltraitte en cas de romp[ement] de trefves, s'ilz prestoyent l'oreille aux Catholiques; qui a faict qu'ilz ne sont du tout point venuz aux [142] sermons, si ce n'est deux ou trois fois que quattre ou cinq y ont assisté.

  A022001060 

 Esperant qu'avec ceste commodité vous pourres reconnoistre le bon chemin de vostre salut, le mesme zele qui Nous a poussé a vous procurer ce bien Nous faict encor vous inviter et exhorter par ce mot a bien user d'iceluy, ouyant diligemment les raysons qui vous sont proposees, les pesant et considerant de pres, et proposant les difficultés que vous y trouveres aux predicateurs, ne Nous pouvant estre chose [143] plus aggreable que d'entendre vostre advancement et prouffit en nostre sainte religion catholique..

  A022001071 

 Et affin qu'ilz peussent continuer, Leurs Altesses commandèrent a diverses fois qu'on delivrast quelque somme pour leur nourriture: ce que n'ayant esté faict, les habitans n'ont peu croire que ces prœdicateurs fussent la par la volonté de Leurs Altesses, et lesdits praedicateurs ont estés contraints de se reduire a un seul qui praechast en deux lieux, pour ne charger trop les particuliers qui avançoyent la despense.

  A022001073 

 Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees qui cousteroyent infiniment a redresser, il faudra, pour ce commencement, [148] joindre plusieurs parroisses en une: et ainsy suffirent quil y eut de seze a dixhuict grandes parroisses, lesquelles, pour estre bien servies, devront avoir des curés qui aye ( sic ) moyen d'entretenir avec eux un vicaire et qui, partant, devront avoir huict vins escus d'or annuelz, avec les maysons des cures..

  A022001073 

 Seroit requis encores de restablir des curés en toutes les parroisses, qui sont environ 45.

  A022001075 

 Or, pour trouver tant de revenu, il est expedient que messieurs les Chevaliers de Saint Lazare et autres qui y tiennent les revenuz d'Eglise, se contentent de payer ces sommes par forme de pension, attendant qu'autrement soit prouveu et que tous les benefices curés soyent laissés a cest effect.

  A022001076 

 Et outre ce, les pensions assignees jadis aux ministres huguenotz sur les benefices, pourront maintenant estr' appliquées a l'entretenement des precheurs, sans toucher aucunement a celles qui estoyent prises sur les deniers de Son Altesse..

  A022001081 

 Or, ne s'estant delivré de ladicte somme que 12 couppes ou environ, il s'en est ensuivy: premierement, que les habitans n'ont pas voulu croire que lesdits praedicateurs fussent la au sceu de Leurs Altesses, ne voyant point d'entretenement pour eux; secondement, que ces deux se sont reduitz a un, de peur de charger trop les particuliers qui avançoyent les frais.

  A022001084 

 Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees et renversees qui cousteroyent infiniment a redresser, il sera necessaire de joindre plusieurs parroisses en une; et ainsy suffiroit qu'il y eut [148] environ quinze parrochiales grandes, avec leurs curés, lesquelz, pour pouvoir entretenir un vicaire qui les soulage en l'administration des Sacremens, veu que les parrochiales seront fort loin les unes des autres, devront avoir une bonne pension et entretien comme pour deux, et encor pour avoir moyen de recevoir les praedicateurs qui les visiteront ordinairement et faire quelques aumosnes, tant pour le devoir que pour l'exemple: pourroit venir a huict vins escus d'or, avec les maysons et terrages des cures..

  A022001084 

 Secondement: seroit requis de restablir des curés en toutes les cures.

  A022001090 

 Et pour pouvoir commencer promptement l'exercice catholique a Thonon, reparer l'eglise, avoir les paremens necessaires, peut estre pourroit il suffire qu'il pleut a Son Altesse accorder les aumosnes de Ripaille et de Filliez, retardees et non payëes, et semblablement les [151] pensions des ministres non payëes cy devant, qui ne se trouveront point avoir esté rapportees au prouffit de Messieurs de Saint Lazare ou au service du Prince: aussi bien, autrement, sont ce choses perdues.

  A022001093 

 Et pour attirer ceux de Thonon plus aysement a se rendre capables de la raison, il seroit expedient que l'un de ces seigneurs du Senat convocast le Conseil general de la ville de Thonon, et invitast les bourgeois a bien ouyr et sonder les raysons catholiques, et de la part de Son Altesse, avec paroles qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon Prince vers un peuple desvoyé; car ce leur seroit une douce violence, et un bon exemple aux voisins..

  A022001094 

 Plays' aussy a Son Altesse user de quelque liberalité a l'endroit de sept ou huict personnes, vielles et de bonne [153] reputation, qui ont vescu fort catholiques et fort longuement parmi les haeretiques, avec une constance admirable et en grande pauvreté.

  A022001095 

 Plays' encor a Son Altesse user de sa liberalité vers une petite parroisse nommee Mezinge, voysin' aux Alinges, laquelle se reduict maintenant tout' entier' a la foy catholique, et qui fut toute bruslëe par les gens de Son Altesse affin qu'elle ne servit aux embuscades des ennemis; comm' il appert par l'attestation que leur en a faicte le sieur Juge maje de Chablaix.

  A022001096 

 En fin, sera necessaire, dans quelque tems, priver les haeretiques de tous offices publiez et y favoriser les Catholiques.

  A022001097 

 Au reste, il y avoit parmi les huguenotz un Consistoire, composé pour le plus et presque tout de gens laicz, ou praesidoit un homme laiz et assistoit un des seigneurs officiers de Son Altesse, sans y avoir voix decisive; et la estoyent corrigés, repris et censurés de paroles et de quelque legere peyne, les vices que le magistrat n'a pas accoustumé de punir: comme ivroigneries, jeuz, noyses, luxures; en quoy le peuple se tenoit en discipline, non sans autant de fruict que le mauvais fondement de leur religion le peut permettre.

  A022001097 

 Et partant sembleroit bon de leur en laisser quelque forme, avec ce changement: que puisque telles corrections se doivent faire a [155] la forme de l'Evangile, ce president seroit l'un des praedicateurs, constitué par l'Evesque; les conseillers, [156] des plus apparans dela autour, moitié ecclesiastiques, moitié lais, entre lesquelz le premier seroit un des seigneurs officiers de Son Altesse, avec voix decisive.

  A022001097 

 La seroit ( sic ) corrigés telz vices que ceux qui y estoyent corrigés parmi les huguenotz, et la peyne, tant pecuniaire que corporelle, pourra estre limitee par Son Altesse comm' elle l'estoit au Consistoire des huguenotz..

  A022001105 

 Et partant sembleroit qu'il sera bon de leur en laisser quelque forme, mays avec ce changement: parce que ces corrections se doivent faire par parolle et remonstrance a la forme de l'Evangile, le praesident sera l'un des praedicateurs, tel qu'il plaira a l'Evesque de deputer; aura pour conseillers les plus notables de la ville et lieux de la autour, moidé ecclesiastiques, moitié laiz, vieux, graves et de reputation, et entre les laiz assistera tousjours l'un des seigneurs et le premier officier de Son Altesse, qui y aura voix decisive.

  A022001105 

 Il y a parmi les huguenotz un Consistoire, composé pour la pluspart et quasi tout de gens laicz, ou praeside un homme laiz et y assiste l'un des seigneurs officiers de Son Altesse, sans y avoir aucune voix decisive; et en ce Consistoire sont corrigés, repris et censurés de paroles et de quelque legere peyne, les vices desquelz le magistrat n'a pas coustume de chastier: comme ivroigneries, exces de balz, danses, jeuz, vestemens, banquetz, noyses entre mary et femme, desobeyssance du filz au pere, mauvais traittemens du pere au filz, luxures, adulteres, parolles deshonnestes, chansons lascives, juremens et blasphemes, et telles desbauches de jeunes gens; en quoy le peuple se tient en discipline, non sans autant de fruict que le mauvais fondement de la religion [155] sur laquelle ilz s'appuyent le peut permettre.

  A022001105 

 La seront chastiés de parolle et reprehension et, s'il y eschoit, de quelque peyne legere, les mesmes vices qui le sont au Consistoire huguenot.

  A022001106 

 Item, faut lever les ministres, si faire se peut; si moins, les changer de lieu, notamment celuy de Thonon.

  A022001107 

 Ce sont là les choses qui pressent, Monseigneur, et a l'execution desquelles il ne faut point de delay.

  A022001107 

 Les biens stables de tous ces benefices ont esté presque tous alienez par les Bernois.

  A022001107 

 Monseigneur, Vostre Altesse voit bien ce que je veux dire et ce qu'il faut faire: il est necessaire de prendre de ces fruicts pour nourrir les curez et predicateurs, et pour restaurer les eglises ruinées; car, quel moyen autrement? Vous avez en cela la souveraine puissance et authorité, comme Grand Maistre de ceste Milice..

  A022001107 

 Que si Vostre Altesse veut passer plus outre et remettre entierement sa province de Chablais en son premier estat, elle doit sçavoir qu'il y avoit autresfois, depuis la riviere de la Durance jusques a Geneve, cinquante deux egiises parroissiales, et au balliage de Ternier dix-neuf, sans compter les abbayes, prieurez, couvents et chappelles.

  A022001107 

 Quelques personnes ecclesiastiques en possedent quelques uns legitimement; les autres fruicts ont esté unis à la Milice de l'Ordre des saincts Maurice et Lazare par le Pape Gregoire treiziesme, le treiziesme jour du mois de juin, l'an mil cinq cens septante neuf, et de son Pontificat le huictiesme; et d'iceux quelques commanderies ont esté érigées.

  A022001108 

 Et Vostre Altesse, selon sa pieté, ne permettra point que tous ces desseins et tous ces efforts soyent en vain; mais plustost, puis qu'elle s'est des-ja acquise la grandeur par la pieté mesme, elle preferera ceste victoire qu'elle peut Remporter sur la cruauté de l'heresie à toutes les autres qui sont preparées à sa vertu.

  A022001108 

 Quant à moy, j'ai des-ja employé vingtsept [157] mois à mes propres despens en ce miserable pays, à fin d'y espancher la semence de la parolle de Dieu, selon vostre volonté qui fust signifiée à Monsieur l'Evesque de Geneve: mais diray-je que j'ay semé entre les espines ou bien sur les pierres? Certes, outre la recouverte de monsieur d'AvulIy et de l'advocat Poncet.

  A022001115 

 Ces années passées, Monseigneur, que Vostre Altesse [158] estoit venuë en Savoye pour faire la guerre aux huguenots, selon son zele à la religion catholique, elle avoit déclaré par lettres patentes que sa volonté estoit que tous les biens d'Eglise fussent restituez, specialement à l'Eglise cathedrale de Geneve, qui est des principales de vos Estats, et, entre les principales, la plus illustre et plus ancienne; et ceste volonté vostre a esté enterinée par vos cours souveraines du Senat et de [159] la Chambre des Comptes de Savoye.

  A022001115 

 Maintenant que la tres-saincte foy catholique a de l'entrée en Chablais, nous supplions tres-humblement Vostre Altesse qu'il luy plaise d'estendre le mesme commandement, à fin que ce pauvre Chapitre puisse r'entrer dans les biens qui luy appartiennent d'ancienneté, et principalement dans le benefice curé de l'eglise d'Armoy..

  A022001116 

 Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme..

  A022001116 

 Si Vostre Altesse ne le sçavoit pas, je luy raconterois les miseres que ces pauvres Chanoines souffrent tous les jours.

  A022001117 

 Le Pape Paul III, en consideration de leurs miseres, [160] leur avoit concedé la moitié des fruicts de chaque benefïce du diocese, vaquant la premiere année, à fin que les autres eglises secourussent, au moins en quelque façon, leur matrice.

  A022001117 

 Le Pape Pie IV et le Pape Gregoire XIII les avoyent exemptez du payement des decimes, quelque grande que fust la necessité; neantmoins, les années passées, huictante neuf, nonante et nonante une, toutes les graines de ceste Eglise furent enlevées par les officiers de Vostre Altesse, de sorte que les Chanoines furent contraincts de mendier leur vie chez leurs parens et amis..

  A022001118 

 Toutesfois, la souveraine Chambre des Comptes a jugé que pour ces graines ainsi enlevées on devoit au Chapitre plus de deux mille et six cens florins: c'est pourquoy, Monseigneur, Vostre Altesse est tres-humblement suppliée de vouloir ratifier les volontez des Souverains Pontifes; et, pour le payement de ces deux mille et six cens florins, s'il luy plaisoit de faire faire des habits à l'usage de l'Eglise, elle imiteroit glorieusement la pieté et liberalité de ses serenissimes ancestres, specialement de ce tres-sage prince Amedée, Duc premier, lequel, apres avoir cedé la Papauté pour la tranquillité de tout le Christianisme, se contenta de demeurer Evesque de Geneve, et mourut sous l'auguste mittre de ceste Eglise..

  A022001122 

 Pour introduire entierement la tres sainte religion catholique en Chablaix, il est grandement necessaire de prier Son Altesse Serenissime qu'elle remette tous les benefices curés qui ont esté possedés jusques a present par les Chevaliers des Saintz Maurice et Lazare, aux pasteurs qui ont esté et qui seront establis par l'Evesque de Geneve, affin que les exercices et Offices sacrés y soyent deuement observés, les Sacremens administrés aux peuples..

  A022001123 

 Et ainsy ce seroit une bonne forteresse de laquelle on combattroit vaillamment, comme a l'opposite, contre les insolentes attaques de Geneve et de Lausanne: car la ville de Thonon est entre l'une et l'autre, de sorte que, s'il y avoit un soldat qui peust jouer de la droitte et de la gauche, il combattroit facilement l'une et l'autre; outre qu'elle n'est pas beaucoup esloignee de la forteresse des Alinges, suffisante pour soustenir le siege d'une armee royale, affin qu'en cas de necessité elle peust servir de refuge aux Peres.

  A022001123 

 Rien ne peut arriver de plus utile a ceste province de Chablaix que si l'on construit et erige un college de la [162] Compaignie de Jesus en la ville de Thonon; car d'iceluy, non seulement maintenant plusieurs Religieux pourroyent aller par tous les autres lieux du diocese, mais encores, comme d'un Seminaire, plusieurs prestres et jeunes hommes pourroyent sortir par cy apres, qui porteroyent l'Evangile par toutes les villes et villages du voysinage.

  A022001126 

 Quant a ce qui regarde l'eglise collegiale de Viry, au balliage de Ternier, affin qu'elle soit restituee en son premier estat, selon la teneur de la Bulle de son erection, il faut prier Son Altesse qu'en compensation du prieuré de Thonon, il luy playse de consentir a l'union des egiises de Saint Julien et de Thoiry, comme encores qu'elle puisse percevoir les dismes des lieux voysins de [164] Beaumont et de Bernex, appartenantes au prieuré de Saint Jean hors les murs de Geneve et maintenant possedees par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, de la valeur annuelle de cinq cens florins, avec une pension de trente couppes de froment de la mesure de Chaumont, ou de vingt couppes de la mesure de Chamberi; a rayson de laquelle pension ceste eglise collegiale fournira d'un aumosnier aux soldatz du fort de Sainte Catherine..

  A022001127 

 Et parce que les Genevoys ont si souvent dit par cy devant qu'ilz vouloyent conferer avec les theologiens catholiques, quoy qu'ilz semblent d'avoir manqué de courage, neanmoins il faut les contraindre a ce faire; et pour ce, escrire au ministre Perrot qu'il fasse avoir la response dont il s'est chargé.

  A022001127 

 Que s'il ne veut pas respondre, il faudra derechef escrire aux scindiques de la ville; et si ceste conference se fait, il faudra obtenir de la ville un sauf conduit pour les Peres, docteurs, secretaires et tesmoins.

  A022001128 

 Et parce que le curé d'Annemasse doit supporter plusieurs charges pour ce fait, tant a recevoir les predicateurs, secourir les energumenes, qu'a reparer les ruines de son eglise, il faut supplier Son Altesse qu'elle consente a l'union des dismes que les Religieuses de Bellerive percevoyent autresfois riere la parroisse [166] d'Annemasse, maintenant possedees injustement par un heretique de Geneve, achetees d'une Religieuse..

  A022001155 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en droit, professeur de théologie et Prévôt de l'Eglise cathédrale du diocèse de Genève, pour la consolacion de tous ceux qui désirent savoir les choses écrites ci-après:.

  A022001157 

 En l'Eglise Romaine, dit-on, la règle en usage est celle-ci: Avec les hérétiques, on n'est pas tenu à garder [169] sa parole; invention vraiment diabolique pour empêcher les âmes de s'élancer vers le Christ..

  A022001157 

 Or, nous souhaitons ardemment que beaucoup d'autres viennent également à pénitence; mais nous avons appris avec un profond étonnement qu'un grand nombre sont retenues dans l'erreur par la fausse crainte et la vaine frayeur de ne pas être en assurance pour leur vie et leurs personnes parmi les catholiques, malgré les absolutions données par l'autorité du Siège Apostolique.

  A022001157 

 Quelques personnes vertueuses, touchées de la miséricorde de Dieu, sont retournées à lui avec un humble repentir, et, quittant les ténèbres de l'hérésie calviniste, sont venues à la vraie lumière du Christ Jésus, notre vrai Soleil; puis, par notre entremise, en [168] vertu de l'autorité qui nous a été accordée par le Saint-Siège Apostolique, elles ont été admises au baiser de paix de la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine.

  A022001167 

 Que Son Altesse baille entiere mainlevee du revenu de tous les benefices de Chablaix, pour l'entretenement des curés et autres ecclesiastiques necessaires pour l'instruction des peuples et pour les autres exercices catholiques..

  A022001169 

 Et a tout evenement, qu'au moins les revenuz des cures y soyent employés, avec une ample et perpetuelle provision; et quant aux revenuz des autres benefices non cures, que pour troys [ans] ilz soyent levés pour la restauration des eglises, autelz et autres choses necessaires pour les exercices de pieté, a quoy la pauvreté des peuples ne sçauroit prouvoir a ce commencement..

  A022001171 

 Lever le maistre d'escole heretique de ceste ville, avec rafraischissement des inhibitions et defences portees par les statutz de Savoye, qu'aucun subject ne [171] puisse envoyer a l'estude ses enfans hors les Estatz de Son Altesse sans expres congé d'icelle..

  A022001172 

 Pour le particulier du maistre d'escole, S. A. l'accorde; et quant a mander les enfans dehors, elle y a prouveu par son Edict general..

  A022001173 

 Et au lieu du maistre heretique en loger un catholique, et donner une expresse commission a messieurs les Gouverneur, Juge maje et Procureur fiscal, de restablir et faire representer un legat laissé par François Echerny et sa femme, destiné a l'entretenement de douze pauvres escoliers, pour estre employé, selon l'intention du legateur, pour la nourriture de ces douze escoliers, qui soyent catholiques..

  A022001175 

 Que les heretiques soyent privés de toutes charges [172] publiques, offices et estatz, non seulement qui dependent immediatement du service de Son Altesse, mais encores des charges et offices dependans des jurisdictions inferieures et subalternes, sur tout de la comté des Alinges, et autres biens des sieurs Chevaliers de Saint Lazare..

  A022001177 

 Que le ministre soit esloigné le plus qu'il se pourra faire de ceste ville, puysque, selon les conventions faites a Nyon, elle a esté nommement exceptee pour n'y avoir jamais aucun exercice heretique, et que l'approche que le ministre a fait n'a aucun congé de Son Altesse, mais seulement une simple connivence des officiers; ce qui fait encores pour une juste rayson de lever le maistre d'escole..

  A022001179 

 Que les Catholiques, habitans de ceste ville, soyent faitz bourgeois d'icelle, supportans les charges ordinaires et accoustumees a l'entree de la bourgeoisie, avec pouvoir d'entrer et d'assister aux Conseilz de la Ville, y avoir voix deliberative et en fin participer a tous les privileges..

  A022001188 

 Qu'il playse a Son Altesse d'ordonner que les habitans riere Chablaix et Ternier vivront selon la religion Catholique, Apostolique et Romaine, donnant a ceux qui tiennent autre forme de religion delay competent, ou [174] pour se cathechizer, ou vuider les Estatz, avec permission de pouvoir vendre leurs biens aux Catholiques pendant ledit tems; lequel escheu, lesditz biens soyent tenuz pour confisqués, et pourra on proceder contre leurs personnes a forme du droict..

  A022001190 

 Comme aussi de ne divertir ny empescher en quelque maniere que ce soit de frequenter les divins Offices et autres exercices catholiques..

  A022001191 

 Quant a l'autre, qui est de ne divertir les personnes de la religion Catholique directement ni indirectement, Son Altesse en charge et enjoinct aux officiers de chastier exemplairement ceux qui feront le contraire..

  A022001192 

 Que tous ceux qui habitent riere lesditz Estatz [175] observeront les testes, jeusnes, vigiles, Caresme et autres commandemens de l'Eglise, et assisteront aux processions; aux peynes qu'il plaira a Son Altesse..

  A022001193 

 Et a ces fins, ils establiront des censeurs et surveillans, tant à la ville qu'aux champs, et feront tout ce qu'ils verront estre necessaire pour l'advancement de la pieté et reformation des mœurs, sans formalité de procedure ou d'opposition, cecy n'estant que pour maintenir les personnes au devoir de bon Chrestien..

  A022001193 

 Son Altesse treuve bon que le Reverendissime Evesque de Geneve dresse, tant pour ce regard que pour toutes autres choses concernant le service de Dieu, police ecclesiastique et correction des mœurs, tels ordres et reglemens qu'il verra estre necessaire; lesquels sadicte Altesse veut, entend et commande d'estre gardez d'un chacun; ordonne a ses magistrats de les faire observer.

  A022001194 

 Qu'il soit defendu a toutes personnes de lire ou tenir livres heretiques, censurés et prohibés, et faict commandement a ceux qui en ont de les remettre dans le moys es mains du Reverendissime Evesque; lequel moys expiré, pourront lesditz deputés en faire recherche particuliere par les maysons, et y proceder par censures ecclesiastiques et autres peynes de droit, assistés des officiers locaux pour leur faire main forte et y proceder, non obstant opposition et appellation..

  A022001195 

 De nouveau sera faict Edict general touchant tous les livres prohibez qui sont portez par sus l'Estat de Savoye; defence a tous d'en transmarcher ça et la, a grosse peine.

  A022001195 

 Les Edicts de S. A. y prouvoyent, lesquels seront publiez.

  A022001196 

 Qu'es jours des festes chacun assistera aux divins offices de l'Eglise, mesme de la Grande Messe, Vespres, presche, processions, et y seront a ce contraintz par les officiers locaux; a telle peyne qu'il playra a Son Altesse..

  A022001197 

 Et quant à ceux qui ne sont catholisez, sadicte Altesse veut et commande, pour obvier a un atheisme, que tous les hommes et femmes assisteront aux presches catholiques, et ordonne a tous ses officiers d'y tenir main, et y contraindre les defaillans par toutes voyes possibles et necessaires; et que tous peres et meres et chefs de famille feront venir leurs enfans au catechisme, defendant de porter baptizer, instruire et faire mariages autre part qu'en l'Eglise Catholique, a peine de son indignation et amende arbitraire..

  A022001198 

 Qu'il ne sera permis a personne de se monstrer en public, ni demeurer dans les tavernes, moins de danser, ni ouvrir les boutiques, es jours des festes, pendant les Grandes Messes, Vespres, processions et presches; a peyne portee par les Editz de Son Altesse..

  A022001199 

 Son Altesse le treuve bon, en conformité de ses Edicts cy devant publiez, qu'Elle veut estre observez, voulant qu'on depute en la ville [177] et villages des personnes idoines pour censeurs, qui visiteront les places et maisons pour reveler les contrevenans et les faire chastier, ayant esté prouveu en l'article troisiesme.

  A022001200 

 Que les peres et meres de famille envoyeront leurs enfans, filles, serviteurs, chambrieres et autres domestiques a l'eglise es jours deputés, pour ouyr le cathechisme; et a ces fins, seront commis par les ruës des villes et villages des parroisses des dizainiers pour les enrooller, et accuser aux peres spirituelz l'absence de ceux qui ne s'y trouveront, pour y estre procedé contre les desobeyssans par telles peynes qu'il playra a Son Altesse..

  A022001201 

 S. A. l'accorde, entendant specialement que ceux qui ne sont encore catholisez y soyent comprins, et les defaillans punis..

  A022001202 

 Que l'Edit de la privation de tous offices publiez contre ceux qui demeurent obstinés en leur heresie sera observé selon sa forme, avec declaration qu'ilz ne pourront exercer lesditz offices ni fermes par interposites personnes, moins y participer; a peyne de l'Edit pour ceux qui les associeront..

  A022001204 

 Qu'il playse a Son Altesse de deputer des commissaires pour informer contre ceux qui ont demoli les eglises et maysons des curés, vendu, acheté et emporté les tuilles, bois, pierres d'autelz, des baptisteres et eau-benistiers, affin qu'outre les peynes de droict portees contre telz, ilz soyent contraintz a rebastir les eglises et maysons des curés a leurs despens, et les meubler d'ornemens necessaires.

  A022001206 

 Que ceux qui possedent les biens des eglises soyent contraintz de les relascher, sçavoir: des parrochiales, au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, et des autres, entre les mains de celuy qu'il playra a Son Altesse ordonner, pour estre remises auxdites eglises..

  A022001208 

 Que ceux qui ont des tiltres, papiers, livres de reconnoissance, extraitz et autres documens concernans les revenuz des eglises, les remettront dans le moys entre les mains de tel commissaire qu'il plaira a Son Altesse, pour estre puys apres delivrés a ceux ausquelz ilz appartiendront..

  A022001209 

 Et a ce, seront contraincts ceux qui les auront riere eux, nonobstant opposition ou appellation quelconque..

  A022001209 

 Les droicts et tiltres requis seront remis es mains du sieur d'Angeville, œconome deputé par sadicte Altesse, et du Procureur fiscal, qui s'en chargeront par inventaire.

  A022001210 

 Qu'il playse a Son Altesse de remedier a l'abus qui se commet aux graines des aumosnes destinees pour les pauvres villageois et reservees par les baillafermes, affin qu'elles soyent employees ainsy qu'il appartient; et par ce moyen en faire declaration expresse, deputant des commissaires pour ouyr les contes des precedens fermiers sur le faict des aumosnes, et commander au Senat de contraindre ceux qui les ont retirés, de les rendre et tenir conte, suyvant ce qui sera ordonné par le Reverendissime Evesque..

  A022001211 

 Se fera la reddition des comptes desdicts bleds des aumosnes de trois en trois mois, en presence du seigneur Reverendissime Evesque de Geneve, ou de son Official; present le Juge mage, ou Procureur fiscal, appeliez les deux syndiques de Tonon; auquel Juge mage est mandé de faire observer ce qui sera resolu, nonobstant opposition ou appellation, par ledict seigneur Evesque, tant pour le regard de la distribution desdictes aumosne, que pour reddition desdicts comptes de ce qui est escheu pour le passé et n'a esté distribué par les fermiers, que pour les aumosnes du temps a venir.

  A022001212 

 Que les cloches qui sont aux Alinges seront restituees aux eglises ausquelles elles appartiendront; et le metail de celles de Thonon, Filly et autres, qui est audit lieu, sera remis au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, pour estre employé a faire des cloches aux eglises de Thonon, ainsy qu'il verra estre plus expedient; le tout dans quinze jours..

  A022001214 

 Qu'il playse a Son Altesse de mettre sous sa sauvegarde et protection particuliere le Reverendissime Evesque, ses chanoines, curés, prescheurs, prestres et autres ecclesiastiques, leurs familiers et domestiques, a ce qu'il ne leur soit fait ni donné aucune fascherie en leurs personnes et biens; et partant, les remettre en garde et charge, tant aux seigneurs Gouverneur de Chablaix et Ternier, que magistratz et scindiques des villes et parroisses, affin qu'ilz y tiennent main, qu'il ne leur soit fait aucun tort ou violence; a peyne de s'en prendre a leur privé nom..

  A022001215 

 Il est accordé, et sont remis tous les ecclesiastiques a la charge des habitans de la ville de Thonon et des parroisses, ausquelles l'on fera prester le serment..

  A022001216 

 Et que, tant lesditz seigneurs Gouverneur que magistratz, tiendront main a l'observation de ce que dessus, et, en ce qui concerne la jurisdiction spirituelle, assisteront aux officiers par toutes voyes de justice deuë et raysonnable, a la forme du droict, et suyvant les Editz de Son Altesse et son intention..

  A022001247 

 Ainsi le feu évangélique s'allumera plus intense autour des Genevois pour chasser le vent du Nord qui les glace..

  A022001247 

 qui les veuille accepter, on demande pour l'Evêque de Genève le pouvoir de supprimer, dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, une prébende monacale, vacante ou à vaquer, et d'assigner à chaque théologal deux de ces prébendes supprimées, comme il sera jugé à propos; et que, à leur défaut, on puisse [182] supprimer quelques bénéfices simples des églises mêmes où l'on constituera la prébende théologale, afin de les lui appliquer.

  A022001248 

 C'est pourquoi, comme nombreux sont les curés si pauvres qu'ils sont contraints d'abandonner leurs enfants spirituels, on demande que l'Evêque puisse, chaque fois qu'il en sera prié, même en dehors de la visite générale, leur assigner une portion congrue sur les dîmes, prémices et oblations de leurs paroisses, possédées par les Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques; et cela, nonobstant n'importe quelle opposition ou appel..

  A022001248 

 Mais ce n'est pas seulement la provision pour les théologaux qui est nécessaire; il faut aussi donner aux curés moyen de vivre et de desservir convenablement leurs paroisses, puisque ce sont eux qui portent le poids du jour et de la chaleur.

  A022001249 

 Aussi on demande qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leur canonicat, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et les visitant à certains temps; car il ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous, étant soumis au droit de patronage, sont conférés suivant le gré des patrons.

  A022001249 

 Parce que parmi les corps [ecclésiastiques] nécessaires à un diocèse, le Chapitre cathédral est un des principaux, [on représente] que les chanoines de la Cathédrale de Genève étant tous, [183] d'après leurs Statuts, ou docteurs, ou nobles, et leurs canonicats n'excédant pas soixante ducats, ils ne peuvent en aucune façon, en ces temps malheureux surtout, vivre avec bienséance, et selon leur qualité.

  A022001249 

 Sans l'autorisation désirée, les chanoines, n'ayant pas de quoi vivre, se disperseront, non sans grand préjudice du diocèse qu'ils servent par leurs prédications et en prêtant leurs concours aux affaires de l'évêché..

  A022001250 

 Les revenus de la mense épiscopale sont si modiques qu'à peine suffisent-ils au convenable entretien de l'Evêque, maintenant [184] surtout qu'il lui faut faire de grands frais en allant consacrer et bénir les églises, les cimetières et les autels des convertis, et confirmer ceux-ci.

  A022001255 

 Aussi supplie-t-on Sa Sainteté que, ayant compassion de la faiblesse de ces brebis égarées, Elle accorde à perpétuité, tant à l'Evêque et à son Vicaire, qu'à dix ou douze hommes doctes et capables choisis par le Prélat, le pouvoir et la permission d'absoudre ces hérétiques, même relaps, de n'importe quelle hérésie; et, pour cet effet, et afin de pouvoir répondre à leurs mensonges, qu'Elle les autorise [186] tous à garder et lire les livres défendus, notamment ceux que les [calvinistes] font paraître tous les jours.

  A022001255 

 On demande cette permission à perpétuité, à causé des nombreux empêchements qu'on peut avoir de recourir à Rome, parfois même quand le besoin en est plus grand, comme maintenant; et d'autant plus que, jusqu'ici, les pouvoirs accordés à l'Evêque ont été, par la grâce de Dieu, employés heureusement et avec fruit..

  A022001255 

 Par suite des guerres passées, nombreux sont les hérétiques, même relaps, qui, originaires ou habitants de ce diocèse, désirent rentrer dans le sein de l'Eglise; toutefois, ils ne peuvent s'y résoudre, surtout les femmes, les vieillards, les domestiques et tels autres, parce qu'ils ne veulent pas se rendre chez l'Evêque.

  A022001256 

 Il serait bon aussi que l'Evêque pût communiquer la faculté de bénir les ornements et les nappes d'autel, vu la grande quantité qui en sera nécessaire et la notable incommodité qu'il aurait à tout faire par lui-même..

  A022001257 

 Les Monastères de Savoie, d'hommes et de femmes, donnent à tous d'incroyables scandales par la mauvaise vie de ceux qui les habitent: c'est pourquoi, et parce que le mal est invétéré, on demande qu'un Prélat ultramontain, ou un autre des Etats de Savoie, comme mieux informé de ce qui est requis, reçoive commission de visiter tous les Monastères, assisté de deux Pères [187] Jésuites, Capucins ou autres, selon qu'il sera expédient; de les réformer et corriger de par l'autorité Apostolique, sans appel ni opposition quelconque; et cela d'autant plus que tel est le désir du Sérénissime Duc de Savoie qui, à cet effet, prêtera tout secours du bras séculier là où il sera nécessaire..

  A022001318 

 Et d'ailleurs il faudra restaurer les édifices sacrés, presque tous ruinés, et supporter d'autres charges, non sans de grandes dépenses..

  A022001318 

 Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, comme autrefois, à l'instance d'Emmanuel-Philibert [189], alors duc de Savoie, ont été unis à l'Ordre militaire des Saints Maurice et Lazare tous les bénéfices simples, cures, monastères, prieurés et autres, des pays de Gex, Ternier et Chablais, sous prétexte que les habitants de ces bailliages étaient luthériens ou calvinistes, et que pour cette raison le culte divin n'y pouvait être exercé; cette union fut limitée avec une clause, par laquelle le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, déclara que si les habitants de ces bailliages venaient à se convertir à [190] la sainte foi, les Chevaliers de Saint-Lazare devraient donner à chacun des curés que nommerait l'Evêque cinquante ducats par an.

  A022001318 

 Or, comme ces jours derniers, par le moyen de prédications continuelles, tous les habitants de Ternier et du Chablais sont revenus au giron de la sainte Eglise, au nombre de soixante-quatre paroisses, il faudra y établir des curés capables et savants; et en outre, dans l'église de Thonon, principale ville de ces bailliages, huit prêtres au moins seront nécessaires, tant pour entendre les confessions que pour administrer les Sacrements, ainsi que trois prédicateurs robustes pour exercer sans discontinuer le ministère apostolique de la prédication.

  A022001319 

 Le [191] Sérénissime Duc de Savoie, qui est le Grand-Maître de cet Ordre militaire, y donne son consentement, accordant audit Evêque pouvoir d'établir des curés dans les paroisses et de distribuer les bénéfices, selon qu'il le verra nécessaire, aussi bien que de choisir trois robustes prédicateurs, de quelque Ordre ou Religion qu'ils soient..

  A022001323 

 Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève: A cause de la pauvreté de la province et de la modicité des fruits des prébendes théologales, on ne trouve pas de théologiens qui veuillent les accepter; néanmoins, pour répandre la semence de la parole divine dans ce diocèse, ils seraient très nécessaires..

  A022001324 

 Supplie donc Votre Sainteté qu'Elle daigne concéder la permission de supprimer une prébende monacale dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, vacante ou à vaquer, en sorte qu'il puisse assigner à chaque théologien deux prébendes, selon [192] qu'il paraîtra expédient; et, à défaut de prébendes, de pouvoir supprimer quelques bénéfices simples des églises dans lesquelles sera constituée une prébende de cette sorte, et d'en appliquer les fruits à cette théologale; puisque, par ce moyen, dans lesdits monastères, prieurés et églises le culte divin ne sera pas du tout diminué, mais au contraire prendra de jour en jour un nouvel accroissement..

  A022001328 

 Expose très humblement Claude de Granier, Evêque de Genève, comme les curés de la majeure partie de son diocèse se trouvent si pauvres, que très souvent ils sont contraints d'abandonner leurs fils dans le Christ, au grand détriment des âmes:.

  A022001329 

 Supplie donc Votre Sainteté, qu'Elle daigne lui donner permission d'assigner une portion congrue à ces curés, même en dehors de la visite générale sur les dîmes, prémices et oblations possédées par les Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques, selon qu'il le jugera nécessaire, nonobstant toute opposition ou appellation quelconques.

  A022001333 

 Expose très humblement ledit Evêque, qu'en plusieurs lieux de son diocèse les habitants ont des liens de consanguinité et d'affinité; et cependant, parce qu'ils sont très pauvres et qu'ils n'ont a attendre que des dots très modiques, ne peuvent que très difficilement contracter mariage au dehors, car il leur faudrait prendre sur cette dot exiguë pour faire des visites à l'épouse et pour supporter les charges des noces; et d'autre part, ils n'ont pas moyen de recourir à Rome pour obtenir dispense du Siège Apostolique..

  A022001334 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne lui accorder permission de dispenser du quatrième degré de consanguinité ou d'affinité, et d'absoudre ceux qui jusqu'à ce jour, nonobstant ce quatrième degré, ont contracté mariage, avec le pouvoir de déclarer légitimes les enfants issus de ces unions, et cela au moins au for de la conscience; attendu qu'ils sont empêchés par leur pauvreté de recourir à Rome, et qu'ils sont contraints par la petitesse du lieu de contracter ensemble..

  A022001339 

 Supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne concéder non seulement à lui-même et à son Vicaire général, mais encore à dix ou douze hommes doctes et habiles, qu'il aura à choisir, la permission d'absoudre de toute hérésie ces hérétiques ou ces relaps; et pour cet effet, et afin de répondre à leurs objections, la faculté pour ces prêtres de pouvoir posséder et lire, sans scrupule de conscience, les livres défendus, et surtout ceux que chaque jour les hérétiques mettent en lumière; attendu qu'on ne peut pas si facilement les convaincre autrement.

  A022001343 

 Expose très humblement: les revenus de la mense épiscopale sont si modiques, qu'à peine peuvent-ils suffire à la décente sustentation de l'Evêque, surtout en ce temps malheureux où il doit nécessairement porter le poids de grandes dépenses, en allant et venant pour consacrer ou bénir églises et autels..

  A022001344 

 Supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne l'exempter de tout payement quelconque de décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui incombe sur les autres Evêques et bénéficiers de Savoie, beaucoup plus riches et moins chargés que lui..

  A022001348 

 Supplie très humblement Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, qu'Elle daigne en ce qui concerne les chanoines de son Eglise cathédrale, accorder dispense pour qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leurs canonicats, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et suffisants pour exercer charge d'âmes; attendu que tous sont ou nobles ou docteurs, et ne [196] peuvent avec les revenus de leur canonicat, qui ne dépassent pas la somme de soixante ducats, vivre décemment, ni ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous sont soumis au droit de patronage et ne sauraient, par conséquent, être obtenus sans la présentation du patron.

  A022001352 

 Il y en a même quelques-uns dont la servitude consiste à prendre soin durant la nuit, alors que le seigneur dort, d'empêcher les grenouilles de coasser; n'y a personne qui ne voie combien de telles choses sont indignes d'un chrétien.

  A022001353 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'il lui plaise donner permission de libérer ces hommes moyennant une somme d'argent, selon qu'il aura été convenu entre eux; et que ces sommes soient employées à l'évidente utilité de la mense épiscopale, ou que les fiefs de cette nature soient convertis en biens d'emphythéose..

  A022001357 

 Expose très humblement, que presque tous les Monastères et Prieurés conventuels, tant d'hommes que de femmes, dans la Savoie, le Genevois, ou autres possessions et régions au-delà des monts appartenant au Sérénissime Duc de Savoie, sont tellement déchus de la discipline régulière et antique, qu'a peine peut-on discerner les Réguliers des séculiers; les uns, en effet, vagabondent sans cesse çà et là, et les autres qui demeurent dans leurs cloîtres causent parmi le peuple un très grand scandale..

  A022001358 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne donner commission à quelque Prélat, d'au-delà des monts, bien instruit de toutes choses, qui, avec deux Pères de la Société de Jésus, ou de l'Ordre des Capucins, s'adjoignant même, s'il en est besoin, l'aide [198] du bras séculier, ait le devoir et le pouvoir de visiter librement et absolument ces Monastères, de corriger les désobiéssants et de châtier les rebelles, selon qu'il le verra expédient au salut de leurs âmes et à la consolation du peuple, sans tenir compte d'aucun appel ou opposition quelconques; attendu que les Supérieurs de ces Monastères souffrent et endurent de tels désordres, puisqu'ils n'y apportent nul remède..

  A022001379 

 C'est pourquoi, pour affermir les convertis et réduire les autres, tant l'Evêque lui-même que les Prévôt et Chanoines ont décidé de se transporter en cette ville de Thonon, et là de travailler dans la vigne du Seigneur avec une activité si grande de leurs âmes, qu'en peu de temps des fleurs et des fruits puissent paraître..

  A022001379 

 Les très dévots suppliants de Votre Sainteté, Prévôt, Chapitre et Chanoines de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, lui exposent très humblement, comme depuis soixante ans ils ont été chassés de la ville de Genève, et se sont retirés avec l'Evêque dans la ville d'Annecy pour y résider et y célèbrer les Offices divins.

  A022001379 

 Or, il est arrivé que les mois derniers, par la vertu du Saint-Esprit et par les prédications continuelles de la parole de Dieu qui ont été faites, presque tous ceux qui habitent les contrées du Chablais et de Ternier en Savoie, ont embrassé la sacrosainte foi catholique, [200] et surtout ceux qui habitent Thonon, ville principale de la province, avec soixante-quatre paroisses qui s'étendent tout à l'entour.

  A022001381 

 Par ce moyen ils pourront se transporter à Thonon, restaurer l'église, et produire le fruit que l'on peut attendre de l'effet de la parole divine; en decrétant, toutefois, que tous ceux qui possèdent des bénéfices quelconques fondés dans l'Eglise de Genève, principalement [202] les douze prêtres de la chapelle des Saints Machabées, qui, d'après la fondation, sont obligés de faire résidence en cette chapelle, soient tenus, sans aucune opposition ni exception, de suivre et accompagner les Chapitre et Chanoines, sous peine d'être retranchés de ce même Chapitre; auquel cas, d'autres seront élus en leur place.

  A022001381 

 Que si personne ne se trouve qui veuille s'obliger à [203] cette residence, alors les truits et revenus de cette chapelle seront appliques a la mense capitulaire..

  A022001381 

 Supplient donc très humblement Votre Sainteté, qu'il lui plaise, en cassant et relâchant cette union, la renouveler en faveur de la mense capitulaire et lui appliquer les fruits et revenus du couvent, imposant même un perpétuel silence aux Chevaliers, attendu que le Sérénissime Duc de Savoie consent et que les Chanoines en majeure partie sont docteurs et puissants prédicateurs.

  A022001408 

 Pour ce qui concerne ces deux articles, Sa Sainteté a chargé le [207] cardinal Aldobrandini d'en écrire à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, afin qu'ayant une plus entière connaissance des raisons apportées, Elle prît les moyens convenables pour mettre à exécution ce qui a été demandé.

  A022001410 

 Comme les moines ne vivent ni en communauté ni en clôture, ils n'exercent pas ces emplois; dès lors, on en distribue les prébendes à de simples laïques qui habitent en dehors et souvent loin des monastères.

  A022001410 

 Et pour lui ouvrir encore plus la voie, on expose ce qui suit: Il y a, dans bon nombre de monastères, abbayes et prieurés, plusieurs prébendes dites laïques que l'on donne à des personnes très inutiles, et à des serviteurs non des monastères, mais des Abbés et Prieurs commendataires, en rétribution de leurs services: telles, les prébendes des bûcherons, des portiers, des cuisiniers, des intendants de cuisine.

  A022001412 

 De plus, le pouvoir d'absoudre les hérétiques a été accordé au Prévôt de Genève avec cette clause: «S'ils ont verbalement détesté leurs erreurs en confession sacramentelle;» et plus bas: «seulement au for de la conscience.» Ces clauses empêcheront une grande partie du fruit que sans cela on pourrait retirer, moyennant la grâce de Dieu et les travaux dudit Prévôt, qui ne pourra suffire à confesser tous ceux qui voudront se convertir.

  A022001419 

 Premierement, le Prevost de Sales proteste n'avoir ni pretendre aucun droict sur les biens mentionnés en la Requeste, et partant ne vouloir en aucune façon se porter pour partie contre les supplians..

  A022001422 

 Le Brief de nostre Saint Pere Clement huictiesme est en conformité de celuy de Gregoire treiziesme allegué par les supplians, auquel ledit Gregoire, prouvoyant au cas heureusement advenu en nos jours sous l'authorité de Son Altesse, baille les benefices des balliages a la Milice (comme inutiles alhors a leur naturel usage, qui estoit indubitablement le maintien des gens d'Eglise), avec ceste condition:.

  A022001431 

 Car, ce qu'il semble que la Milice trouve de dur au Brief posterieur, selon les parolles de leur Requeste, est:.

  A022001435 

 Mesmement, qu'on avoit reduit au moindre nombre, pour laisser, s'il estoit possible, quelque moyen pour rebastir, faire paremens et autres choses necessaires; lesquelles choses faites et le peuple accreu, on s'attendoit de multiplier les curés ou vicayres..

  A022001438 

 Et au reste, c'est un ordre du Concile de prendre les portions congrues sur tout..

  A022001438 

 La moindre ame ou Messe vaut plus que toutes les nominations, pour la conservation de Son Altesse.

  A022001444 

 Partant ledit Prevost, comme tres humble sujet et orateur de Vostre Altesse, supplie pour l'amour de Dieu que l'execution ne soit aucunement retardee, ains avancee, maintenue et soustenue par les graces necessaires a icelle..

  A022001455 

 Son Senat et sa Chambre des Comptes [218] n'ont voulu interiner les patentes expediees a cest effect..

  A022001455 

 Vostre Altesse avoit donné mainlevee, par maniere de provision, du revenu de tous les benefices de Chablaix et Ternier pour l'entretenement des ecclesiastiques necessaires pour l'exercice de la religion Catholique nagueres restablie en ce pais par le zele de Vostre Altesse.

  A022001456 

 Vostre Altesse commande au Praevost de Sales, par un decret du 29 avril 99, qu'on sursoye a tout'execution: si que ce pauvre païs demeure tout nud et desprouveu de tous les moyens requis a la continuation de la religion sainte quil a embrassé, avec tant de satisfaction de Vostre Altesse et de bon exemple pour tous les catholiques..

  A022001459 

 De faire un gros de tous les benefices de Chablaix, tant ci devant affectés a la Milice de Saint Lazare qu'autres quelcomques (sauf ceux desquelz Vostre Altesse auroit autrement prouveu), a ce que du tout soit levée la legitime portion requise pour le service de Dieu..

  A022001463 

 Playse donq a Vostre Altesse renvoyer promptement ledit Praevost de Sales depeché sur ce sujet, et ell' attirera sur elle et sur ses desseins les benedictions caelestes..

  A022001492 

 MÉMOIRE TOUCHANT LES PRÉBENDES THÉOLOGALES A ÉRIGER.

  A022001495 

 Et bien que tous les Religieux vivent encore, néanmoins la veille de [223] la Toussaint il s'est produit parmi eux un fait qui, si je ne me trompe, nous ouvre la voie à cette union.

  A022001495 

 Le moine appelé, de son office, Ouvrier, blessa à coups de stylet et avec une masse d'arme deux gentilshommes de l'endroit et un autre pauvre homme; les coups furent tels et si nombreux que deux des trois blessés sont à l'article de la mort et l'autre est estropié.

  A022001495 

 Les prébendes de l'Eglise cathédrale consistent en distributions quotidiennes qui n'excèdent pas, une année dans l'autre, soixante écus; c'est pourquoi il serait nécessaire de joindre à la prébende théologale une prébende monacale du prieuré de Talloires.

  A022001496 

 La Collégiale d'Annecy mérite elle aussi un chanoine théologal, comme principale église de cette ville, populeuse, capitale du Genevois et siège du tribunal de justice de la province; mais les revenus de ces canonicats n'atteignent pas les cinquante écus.

  A022001496 

 Les Chanoines réguliers du Sépulcre portent un habit pareil à celui du Prieur de Tarentaise et suivent la même Règle.

  A022001496 

 On pourrait y joindre une prébende, s'entend la première vacante, des douze des Chanoines réguliers de Saint-Augustin du prieuré du Sépulcre d'Annecy, et une de Bellevaux, de l'Ordre de Cluny, où vaque une prébende; les deux ensemble ne monteront pas à soixante-dix écus annuels.

  A022001497 

 La Collégiale de Saint-Jacques de Sallanches a également besoin d'un théologal; il serait facile de lui en ménager un avec une prébende de l'abbaye de Sixt et une encore du prieuré de Peillonnex; tous deux appartiennent aux Chanoines réguliers de Saint-Augustin, les mêmes que ceux de Tarentaise.

  A022001498 

 Ses prébendes [226] n'atteignant pas les vingt-cinq écus par an, on pourrait leur en ajouter une de l'abbaye d'Entremont, ou Intermontium, des Chanoines réguliers blancs, qui n'existent pas, que je sache, en Italie, et une autre du prieuré de Contamine, de l'Ordre de Cluny; ces deux prébendes montent à cent écus.

  A022001499 

 Elles sont de cent écus annuels, et la Règle de l'abbaye est celle des Chanoines réguliers, les mêmes que ceux de Tarentaise.

  A022001499 

 Il faut un théologal à Evian, cette ville étant située sur les bords du lac de Genève, en lace de Lausanne et sur les frontières du Valais.

  A022001499 

 Partant il sera bon que l'on pourvoie cette église d'une nouvelle prébende, la prélevant sur les douze d'Abondance, dont six sont vacantes depuis bien des années.

  A022001501 

 A Seyssel, un théologal est encore très nécessaire, car la ville étant sur le Rhône, il y a là un concours de marchands qui, de Genève et d'Allemagne, transportent leurs marchandises à Lyon; c'est donc un lieu de passage pour les hérétiques et pour les catholiques.

  A022001503 

 Je crois avoir répondu à toutes les questions posées touchant l'érection des prébendes théologales.

  A022001504 

 On a indiqué les monastères et prieurés qui ont des prébendes vacantes; mais, en accordant la provision, il me semblerait [230] beaucoup plus sûr de le faire en ces termes: les premières vacantes ou à vaquer; parce que, pendant que l'on propose et délibère, celles qui actuellement se trouvent vacantes pourraient être pourvues par les Abbés ou Prieurs..

  A022001505 

 Les Religieux seront-ils satisfaits, je ne saurais le dire; mais je crois qu'ils se soucient fort peu de ce que deviendront leurs prébendes après leur mort, pourvu qu'ils en jouissent jusque là.

  A022001505 

 Leurs abbayes sont situées en des lieux inhabités, sauf Talloires qui est une bourgade peu éloignée d'Annecy; de sorte que, quand même ils auraient parmi eux des théologaux (et ils sont loin de les avoir), si une autre réforme n'intervient, ils seront toujours de peu d'utilité aux populations..

  A022001506 

 Son Altesse Sérénissime m'a dit qu'aussitôt son retour de France, [231] elle écrira à Rome pour la réforme de ces Monastères; et vraiment, la chose est indispensable, car sous prétexte de leurs exemptions et privilèges, les Religieux ne respectent ni Dieu ni les hommes.

  A022001511 

 Outre tout ce que les ecclesiastiques tiennent maintenant, l'Evesque de Geneve demande:.

  A022001512 

 Les censes de Bellerive, pour deux ans..

  A022001513 

 Les pretentions que lesdits sieurs Chevaliers pourroyent avoir sur Vullionnex, avec tout ce qui depend dudit Vullionnex ou en dependoyt..

  A022001514 

 Pouvoir de rachetter tous les biens dependans des cures et chapelles, de quelle nature quilz puissent estre.

  A022001515 

 Et par ce que les sieurs Chevaliers rachettant les biens des autres benefïces pourroyent, ou par mesgarde ou autrement, prendre les biens des cures en guise des autres, seront obligés monstrer les contractz aux deputés de l'Evesque, par lesquelz il sera regardé si lesdits biens sont ou aux cures ou aux autres benefïces..

  A022001523 

 Et par ce que Son Altesse, selon sa pieté, voulut que neantmoins l'exercice catholique fut continué es dittes deux parroisses, a ces fins ordonna que cent escus d'or seroyent [235] delivrés annuellement aux deux prestres qui feroyent ledit exercice, assignation donnee sur la gabelle a sel; delaquelle somme, neanmoins, on n'a jamais peu estre [236] payé que pour troys ans, de sorte que les ecclesiastiques deservans es ditz benefices ont esté contraintz de s'entretenir d'empruntz faitz tant par eux que par ledit Evesque..

  A022001523 

 Il y a dix et sept ans, qu'a la poursuite de l'Evesque de Geneve fut obtenu un Arrest du Senat par lequel les cures d'Armoy et de Draillans furent adjugees a leurs curés et legitimes titulaires.

  A022001523 

 Mays soudain [234] apres, par commandement expres et absolu de Son Altesse Serenissime pour certaines justes et extraordinaires considerations, lesdites cures furent remises a la ville de Geneve, les curés en demeurant privés.

  A022001524 

 Et parce que la pieté, l'equité et la justice requerans que, a l'advenir, ledit exercice catholique soit continué, et par consequent les prestres entretenuz, Son Altesse est suppliee en toute humilité de faire poser ce payement au bilan, pour cette annee et les suivantes, comme encor pour les arrerages................................................................................................

  A022001535 

 Ce qu'il n'a onques esté possible d'obtenir, se passant maintenant la sixiesme annee sans que lesditz pauvres supplians ayt ( sic ) jamais peu avoir un seul liart des gabeliers, non obstant toutes les poursuites, sollicitations, supplications et remonstrances faites tant par les supplians que par le seigneur Evesque de Geneve, leur Praelat, et non obstant encor plusieurs ordres donnés par Vostre Altesse a diverses fois, et plusieurs Arrestz et sinceres diligences faitz par la Chambre des Comtes de Savoye qui n'a rien obmis en cela, jusques a ne vouloir clorre les comtes des gabeliers; en sorte que le sieur Velasque, dernierement a Chamberi, declara audit Evesque que lesditz curés [239] n'en auroit ( sic ) onques rien, les gabelles estant toutes espuysees et employees pour les maysons de Vos Altesses et autres assignations praecises, et que jamais nul ordre, quel qu'il fut, ne serait suffisant pour cela..

  A022001535 

 Et pour, d'un costé, reparer aucunement l'evidente et grand ( sic ) perte des supplians causee par ledit commandement, comm' aussi, d'autre part, pour ne laisser les eglises et peuples desditz Armoys et Draillans destitués de pasteurs, et par consequent de Sacremens et de religion, Son Altesse assigna pour l'entretenement desditz pauvres curés, a chacun cinquante escus sur la gabelle a sel dudit Chablaix; sommes petites, mais desquelles lesdits curés, tres humbles sujetz de Son Altesse, demeuroyent contentz, si elles leur eussent esté delivrees an par an.

  A022001535 

 Supplient en toute humilité, les pauvres orateurs de Vostre Altesse, curés des parroisses d'Armoy et Draillans en Chablaix, disans qu'apres avoir, par un tres juste Arrest de vostre Senat de Savoye, et duquel ilz ont payé un grand emolument, otenu ( sic ) contre ceux de [238] Geneve, detenteurs et tres injustes occupateur ( sic ), la pleine possession et jouissance des dixmes et revenus dependans de leurs cures, il pleut a Son Altesse, pour certaines raysons a Elle conneues, leur commander absolument de quitter lesdits revenus ausdits de Geneve.

  A022001536 

 Si que finalement, Monseigneur, les supplians ayans tant employé de peines, tant fait de frays et tant emprunté pour faire ces inutiles poursuites et continuer au moins mal qu'ilz ont peu le service esdites eglises, reduitz en extreme misere, recourent finalement a Vostre Altesse, la suppliant tres humblement, au nom de Dieu, de vouloir donner autre ordre, a ce que effectivement ilz soyent payés et pour le passé et pour l'advenir, estant chose de si grande et evidente justice, equité, pieté et conscience..

  A022001560 

 On demande deux choses à Sa Majesté: l'une, qu'on rétablisse l'exercice du culte catholique dans toutes les localités du pays de [241] Gex; l'autre, que les revenus ecclésiastiques soient rendus aux hommes d'Eglise..

  A022001561 

 On ne doit pas redouter [242] les séditions, soit parce que, la plus grande partie de la noblesse étant catholique, les magistrats sont des hommes de marque, soit parce qu'il n'y a aucune forteresse ni aucun château-fort..

  A022001562 

 A plus forte raison ne se soulèveront-ils pas contre Sa Majesté, à qui ils ne sauraient songer à faire la loi sur le mode de gouverner les sujets du royaume.

  A022001562 

 Il est vrai qu'ils désirent voir leur religion s'étendre et se conserver; mais ce désir n'est pas digne de considération, puisque, au contraire, les Bernois eux-mêmes qui savent combien vivement Sa Majesté souhaite la propagation de la foi catholique, l'entravent néanmoins, et tâchent de faire surgir des obstacles non seulement parmi leurs sujets, mais encore parmi les sujets des autres.

  A022001562 

 Il ne faut pas craindre que pour cela ils se révoltent; le duc de Savoie a bien établi le culte catholique dans les autres bailliages, et cependant ils n'ont pas bougé, quoique, [243] pressés par leurs ministres, ils s'en soient plaints.

  A022001562 

 Les Bernois et Genevois n'ont rien à voir en cette affaire, car Sa Majesté n'est pas obligée de contraindre les sujets de la Couronne à vivre de la même manière qu'eux.

  A022001563 

 Quant à la seconde chose qu'on demande, c'est-à-dire, que les biens de l'Eglise soient restitués, il peut y avoir plus ou moins de [244] difficulté, suivant l'état où ils se trouvent.

  A022001563 

 Quelques-uns ont été vendus et aliénés par les Bernois: la restitution de ceux-ci serait bien difficile, parce qu'en les vendant, ils ont promis d'en maintenir la possession à ceux qui les ont achetés; aussi la seule requête qu'on fait au sujet de ces revenus, c'est qu'on puisse les recouvrer en faveur de l'Eglise quand les ecclésiastiques seront en mesure de payer en argent le prix exact donné aux Bernois..

  A022001564 

 D'autres bénéfices sont situés dans le bailliage de Gex; ils appartenaient jadis à l'Evêque de Genève, et maintenant ils sont détenus par les Genevois.

  A022001564 

 Ici, la difficulté serait encore plus [245] grande, parce que les Genevois estiment et croient que l'Evêque était Prince suprême de ces lieux; dès lors, eux aussi se considèrent là comme maîtres et seigneurs absolus, sans reconnaître aucun supérieur.

  A022001565 

 D'autres sont occupés par les ministres et par des laïques, sans aucun titre légitime; et quant à ceux-ci, il n'y a point de difficulté, puisqu'ils sont dans le domaine du Roi et sous sa juridiction.

  A022001565 

 Les Bernois, ni personne quelconque, sauf les ministres et gens semblables, n'y ont donc aucun intérêt; de sorte que Sa Majesté peut et doit faire justice aux ecclésiastiques..

  A022001566 

 Touchant ces derniers, toute la difficulté consiste en ce que les Genevois seraient mécontents et auraient de la peine si on en faisait justice; mais jamais on ne fait justice sans causer du mécontentement à la partie qui a tort, et l'on ne doit pas avoir moins d'égard à l'injure qui se ferait à l'Eglise refusant de lui rendre justice, qu'au déplaisir qui reviendrait aux détenteurs en la lui rendant..

  A022001567 

 De plus, puisqu'Elle a déclaré vouloir que son Edit fût observé dans les pays récemment unis en ce qui est favorable à l'hérésie, il semble que, réciproquement, Elle doive le faire observer en ce qui est favorable à l'Eglise.

  A022001575 

 Ce [249] qui auroit meu le suppliant implorer l'ayde, secours et bras seculier de Vostre Majesté, affin que, selon sa bonté et pieté chrestienne, justice et equité royale, il luy pleut restablir l'exercice de la sainte religion audit balliage; reintegrer les prestres, pasteurs, comm' aussi le Chapitre de l'Eglise cathedrale Saint Pierre de Geneve, et tous doyens, prieurs, abbés, çhapellains et autres personnes ecclesiastiques, es eglises dediees de tout tems au saint service, et en leurs maysons, domeynes, terres, dixmes et revenuz affectés a leur entretenement..

  A022001575 

 Claude de Granier, Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que, par la misere des troubles advenuz a l'occasion du schisme et division de religion, l'exercice de la religion Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex, et les saintz temples, maysons et patrimoines de l'Eglise occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés.

  A022001576 

 A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Bieugey, Valromey et Gex; lequel, donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, remettant par mesme moyen les trois pasteurs constitués en icelles en l'actuelle jouyssance et possession des terres, maysons, fondz et autres revenuz dependantz des dittes cures, et des dismes qui proviennent es confins des territoires des dittes parroisses, selon les limites qui souloyent estre [250] au paravant l'expulsion du Clergé: et ce, tant seulement..

  A022001578 

 Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour y estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble empechement; defendant tres expressément a toutes personnes, de quelqu'estat, qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausdits ecclesiastiques et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent [251] desaissis ( sic ).

  A022001579 

 En suitte dequoy, ledit Seigneur Duc a despuis restably et remis l'exercice de la sainte religion es trois autres balliages comprins au mesme traitté et sous mesme article, a sçavoir: de Chablaix, Ternier et Gaillard, ou l'Eglise Catholique fleurit maintenant et les benefices sont en mains des ecclesiastiques.

  A022001579 

 Et en particulier, le mesme Seigneur Duc restablit au balliage de Gex, dont il est question, la religion Catholique l'an 1590, rendant les benefices aux ecclesiastiques, bien que, par la misere de la continuation des guerres, ledit restablissement dura fort peu et fut rendu presque inutile..

  A022001579 

 N'estant au reste considerable le traitté jadis passé entre le Seigneur Due de Savoye d'une part, et les Seigneurs de Berne d'autre part, touchant ledit balliage de Gex et autres, au prejudice de la religion et Eglise Catholique; d'autant que ledit traitté a esté entierement [252] rompu, cassé et annullé par les guerres subsequentes.

  A022001592 

 Vostre Majesté s'estant inclinee a la juste supplication de son tres humble et tres-obeissant serviteur et orateur l'Evesque de Geneve, pour obtenir le restablissement de la religion Catholique et la restitution des biens ecclesiastiques au balliage de Gex, elle a renvoyé ledit [254] suppliant au sieur Baron de Lux, son lieutenant general au gouvernement de Bourgoigne et dudit balliage; lequel donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restabli la sainte religion en trois eglises et parroisses dudit balliage, et remis les pasteurs ecclesiastiques constitués es dittes parroisses en l'actuelle jouissance des biens appartenans aux cures d'icelles, selon les anciennes limites..

  A022001593 

 Mays pour le regard du restablissement de la religion, requis et supplié pour tous les autres lieux qui sont en grand nombre, et de la restitution des autres biens, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre, par icelle, fait droit et son bon plaisir declairé.

  A022001594 

 Oue la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté interims, pour y estre paysiblement et librement exercee, et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans aux ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et paysible jouissance, en telz droitz, libertés et seurtés quilz avoyent auparavant quilz en fussent desaisis: qui sont les termes de l'Edit publié à Paris, le 25 febvrier 1599, lequel ledit suppliant requiert tres humblement estre observé en ce qui concerne l'advancement de la foy catholique.

  A022001594 

 Puisque, reciproquement, le mesme Edit sera observé, en ce qui concerne l'exercice de la religion praetendue [255] reformee, es pais eschangés comm' es autres du royaume, ainsy que Sa Majesté a declairé en la responce faitte aux Articles prsesentés par les deputés de Beugey et Valromey, qui supplioyent que l'exercice de laditte religion praetendue ne fut introduit es confins des dittes provinces; et que, au tems de la publication de l'Edit, le balliage de Gex estoit sous l'obeissance de Vostre Majesté, tenu, possedé et administré au nom d'icelle..

  A022001595 

 N'estant en ce fait considerable ( sic ) les traittés faitz entre le Seigneur Duc de Savoye et les sieurs de Berne touchant ledit balliage, au praejudice de la religion Catholique, d'autant que ledit traitté a esté entierement annullé par les guerres subsequentes; en suitte dequoy, ledit Seigneur Duc a despuis restably et remis l'exercice de la religion Catholique es trois autres balliages comprins au mesme traitté, en mesme forme et sous mesme article, ou l'Eglise fleurit maintenant et les ecclesiastiques [256] jouissent paysiblement de leurs biens, sauf de certaine partie delaquelle ilz sont en proces ordinaire, [poursuivant] la jouissance par devant le Senat de Savoye..

  A022001610 

 Ce qui auroit meu le suppliant implorer l'ayde, secours et bras seculier de Vostre Majesté, affin que, selon sa bonté et pieté chrestienne, justice et equité royale, il luy pleut restablir l'exercice de la religion Catholique audit balliage, reintegrer les personnes ecclesiastiques es eglises dediees de tout tems au saint service, et en leurs maysons, domeynes, terres, dixmes et revenuz affectés à leur entretenement..

  A022001610 

 L'Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que par la misere des troubles advenuz par le schisme et division de religion, l'exercice de la foy Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex; les saintz temples, maysons et patrimoine de l'Eglise, occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés.

  A022001613 

 Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex, ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble et empechement; defendant a toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausditz ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaisseront l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent desaisis.

  A022001624 

 En [260] quoy, aucun n'aura rayson de se lamenter, puisque ce sera traitter ledit balliage comme tous les autres sujetz du royaume, le laissant en mesme liberté; n'estant raysonnable que les pretenduz reformés d'iceluy soyent plus respectés que les autres, et que ce seul coin du royaume soit excepté de la regle generale de l'Edit, tous traittés faitz au contraire ayans esté cassés par les guerres subsequentes; n'y ayant mesme pas si long tems que l'exercice de la sainte religion y a esté, d'autant que l'an 1590 il y fut restably par le Duc de Savoye, apres que les Bernois eurent violé le traitté fait avec le pere dudit Duc.

  A022001624 

 En suitte de quoy, bien tost a pres se fit un autre traitté en la ville de Nyon, entre ledit Duc et les Bernois, auquel il fut convenu qu'audit balliage de Gex l'exercice des deux religions seroit libre; en sorte neanmoins que celuy de la praetendue ne seroit qu'en trois lieux, celuy de la Catholique en tous les autres.

  A022001624 

 L'une est que l'exercice de la religion Catholique soit restably en tous les lieux dudit balliage ou il estoit avant les troubles survenuz par le schisme et division de religion; et ce, selon les termes et teneur de l'Edit.

  A022001624 

 Mais ledit traitté fut encor rompu et demeura sans force; si que il n'y a rien pour ce regard qui empesche ledit balliage d'estre reduit sous la loy generale de l'Edit, comme ont esté tous les autres païs eschangés..

  A022001625 

 En quoy il est besoin de distinguer les divers estatz esquelz lesditz biens ecclesiastiques se retrouvent maintenant; car la difficulté sera, de mesme, diverse et differente.

  A022001625 

 L'autre demande est que les biens ecclesiastiques soyent restitués selon le mesme Edit.

  A022001625 

 Les uns donq desditz biens ont esté alienés par les Bernois, desquelz partant ilz sont evictionnaires; et touchant ceux ci, on ne demande sinon qu'il soit loysible aux ecclesiastiques de les repeter, en rendant les deniers donnés par les acheteurs..

  A022001626 

 Autres sont possedés par ceux de Geneve, mays en tiltre de souveraineté; et de ceux ci on n'en parle point, puisque, bien qu'ilz soyent riere les terres du Roy, si [261] ne sont ilz pas sous son obeyssance.

  A022001626 

 Et telz sont les biens de l'Evesque..

  A022001627 

 Telz sont les biens du Chapitre de Geneve, a present residant a Neci..

  A022001628 

 Autres sont possedés par les ministres, sujetz du Roy, et riere son obeyssance, touchant lesquelz il n'y a nulle difficulté..

  A022001635 

 De façon que le dernier Edit du Roy, de l'annee 99, fait sur les Editz praecedens, doit estre observé aussi exactement audit balliage de Gex quil l'est en tout ce royaume..

  A022001635 

 Que par les articles de la paix du Roy et du Duc de Savoÿe, le balliage de Gex fut inseparablement [263] uni a ceste Couronne; au moyen de quoy il doit, comme membre du royaume, jouïr de tous les privileges d'iceluy.

  A022001639 

 Ce quil monstra bien despuis, car les Bernois luy ayant suscité la guerre l'an quatre vingt et dix, et en icelle conquis le balliage de Gex, le Duc de Savoye l'ayant repris, y remit a l'instant l'exercice de la religion Catholique, lequel y demeura jusques a ce que monsieur de Sanci reconquit ledit baillage sur ledit Duc de Savoÿe..

  A022001639 

 Le Duc de Savoye estant contraint par le traitté de paix quil fit il y a fort long tems avec les Bernois, de [264] leur permettre que le balliage de Gex demeureroit en l'exercice de la religion praetendue reformee qui s'y estoit nouvellement introduitte par leur moyen, il a pensé quil ne devoit contrevenir, pour le bien de son Estat, a ceste promesse, laquelle pourtant il gardoit fort envis et contre son inclination.

  A022001640 

 Est aussi a considerer que le Roy tient le baillage de Gex a pareilles conditions que le Duc de Savoye tient les autres baillages qui confinent les Bernois, ou le Duc de Savoye a restabli l'exercice de la religion Catholique sen ( sic ) que les Bernois s'en soyent offencéz, non plus que de l'ordre que le Duc de Savoye a mis aux biens ecclesiastiques desdits baillages qui est tel, que il a permis aux ecclesiastiques de rachepter ce qui en a esté aliené par les Bernois, selon la forme du droit.

  A022001640 

 Quant a ce qui estoit occupé par les ministres, il l'a entierement remis aux ecclesiastiques; et pour le regard de ce qui est occupé par ceux de Geneve, il en a renvoyé la connoissance a sa Justice ordinaire.

  A022001641 

 Mays la difference qui est entre le Roy et le Duc de Savoye fait aussi esperer beaucoup plus de grace aux ecclesiastiques qui seront installés au balliage de Gex, que le Duc de Savoye n'a osé ouctroyer a ceux qui sont maintenant aux balliages susdits; en quoy ilz se treuvent bien fondés, tant pour la grandeur de Sa Majesté tres chrestienne, que pour ce quilz esperent estre compris au nombre de tous les autres ecclesiastiques de France qui ont esté remis en l'entiere jouissance de tous et chascuns leurs biens, droitz et privileges..

  A022001654 

 ( sic ) Mais pour la presente annee, l'Evesque de Geneve laissera les fermiers quil a mis pour les diesmes provenus dans les confins et territoires des parroisses d'Asserens et Farges selon les anciennes limites, a la forme de l'establissement fait par monsieur le Baron de Lux.

  A022001654 

 Et le reste du revenu dudit prieuré d'Asserens, qui se treuvera hors lesdites parroisses et les fillioles, demeurera, pour le payement de ladite pension, au sieur Bonfilz; au moyen dequoy, il se contentera sans plus, avec la rente..

  A022001655 

 Et pour le regard des prises des deux annees escheües, le sieur Bonfilz remettra les actes et papiers [270] es mains de l'Evesque de Geneve, qui font pour repeter des ministres ce quilz en ont injustement perceuz ( sic ), et contre le reiglement de monsieur de Lux et confirmation du Roy; moyennant quoy, l'Evesque se contentera des deux prises passees..

  A022001656 

 Les procureurs quil faut constituer sont le sieur Jean Reydet, notaire de la Chambre Apostolique, et le sieur... de Ratti, procureur en Pœnitenterie de Rome, l'un des deux ayant plein pouvoir..

  A022001665 

 Dequoy le seigneur exposant informé, desireroit par vostre authorité, ce que dessus consideré, vous playse, en ensuyvant la teneur de la commission qu'aves de saditte Majesté, de remettre ce qui a esté establi par le sieur Baron de Lux en deu estat; ordonner que tres expres commandement sera fait au ministre qui jouit a present de laditte mayson de [273] la cure et jardin, que dans brief delay (que pour ce faire prefigeres) il ayt a en vuider, avec injonction de restituer les fruitz qu'il en a perceu: le tout en suitte dudit establissement, et sur ce, luy prouvoir remede convenable, implorant humblement vostre benigne justice..

  A022001679 

 Qu'est la cause qu'il requiert playse a vous, Monsieur, en ensuyvant la portee de vostre commission de saditte Majesté, le reintegrer de plus fort en la jouissance et possession du susdit cimetiere, par les susnommés indeuement occupé, avec inhibition et defense tres expresses de par ci apres ne commettre semblables abus, sous peyne d'estre punis selon la rigueur des ordonnances, comme vrays perturbateurs du repos publiq, et sous autres peynes qu'il vous plaira leur imposer: et sur ce, luy prouvoir et faire justice..

  A022001694 

 Supplie humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, disant que son evesché, quy estoit aultrefois tout enclos dans les Estatz de l'Altesse de Monseigneur le Duc de Savoye, sauf ce qui est detenu et usurpé par les heretiques, se treuve maintenant, et despuis la paix de Lyon de l'an mil six centz et ung, en partie riere les terres de Sa Majesté: a [276] sçavoir, tout le pays de Verromey, une partie du Bieugey et toutte la terre et baronnie de Gex, que sont envyron soixante parroysses; dont quelques unes, qui sont en laditte terre de Gex, ont obtenu naguieres, par la grace et bonté de Dieu et du Roy, l'exercice de nostre saincte foy et religion Chatollique, demeurant neanlmoins le seul exercice de la religion pretendue en tout le reste dudit pays de Gex, ou, pour ceste cause, plusieurs ministres, faisantz leur ministere a l'acoustumee, jouissent des revenuz ecclesiastiques et font jornellement mille traverses aux pauvres Chatoliques et aux curés que le sieur suppliant y a establis..

  A022001695 

 De sorte que le sieur suppliant est contrainct bien souvent de [277] se porter pour appellant par devant la court de Dijon, et recourir en oultre, pour diverses occations, tant a monsieur le Grand, gouverneur de Bourgoingne, de Bresse, Beugey, Verromey et Gex, qu'a monsieur le Baron de Lux, lieutenant du Roy au dit gouvernement, comme encores, par foys, a Sa Majesté; non sans beaucoup de difficulté et de despens, tant pour ne pouvoir ledit sieur suppliant abandonner son evesché, qui n'est que trop pleyne d'affaires, pour fere les poursuittes qui seroyent necessaire ( sic ) a faire pres de sadite Majesté pour obtenir une finale resolution sur lesdites difficultés, qu'aussy pour les vives solicitations que font continuellement au contraire les scindicques et deputés de ladite pretendue religion demeurantz ordynairement en cour.

  A022001696 

 A quoy desirant le sieur suppliant pourveoir ainsy quil doibt et le mieulx quil luy sera possible, il luy a semblé que le mellieur et unique remede seroyt de recourir a Voz Reverences, pour obtenir de leur charité que, comme lesdits pays de Beugey, Verromey et Gex sont unis et incorporés a l'Estat et Coronne du royaume, aussy son evesché, pour la part qui est dans l'obeissance de Sa Majesté, fust unie ( sic ) et incorporé au corps du Clergé de la France et, par ce moyen, rendu participant des faveurs, graces, benefices dont jouissent touttes les aultres personnes, dignités et biens ecclesiasticques..

  A022001697 

 C'est pour quoy, estant informé de ceste solennelle assemblee quy se faict pour entendre l'estat et les necessités de tout le Clergé de France, afin d'y apporter les remedes et provisions convenables, il recourt a Voz Reverences, a ce qu'en consideration des choses susdites et en commiseration de tant de pauvres ames, les unes ja converties, les aultres encores captives dans les liens de l'eresie, comme encores au grand interest qu'a toutte la Chrestienté, et particullierement la France, de veoir toutte ladite terre de Gex, qui confine et aboutit aux portes de la ville de Geneve, entierement convertie et reunie a nostre saincte foy et religion Chatolique, il vous plaise, mes Seigneurs, declayrer et ordonner que ledit evesché de Geneve, pour toutte la part qui est [279] dans les terres de l'obeissance du Roy, sera par cy appres et des a present unie et incorporé au corps general dudit Clergé de la France, et que, en telle quallité, ledit evesché, pour ladite part, jouira des ores des privileges et immunités dont jouit le reste dudit Clergé.

  A022001697 

 En ce faisant, que les seigneurs scindicz et procureurs generaulx dudit Clergé, qui sont et seront cy appres deputés pour demeurer en court pour traitter avec Sa Majesté les affaires dudit Clergé sellon les occurrences, seront tenus de prendre en main les memoyres, requestes et aultres poursuittes quy leur seront addressés par le sieur suppliant, pour en obtenir les provisions necessaires, soit de Sa Majesté, ou du corps mesmes dudit Clergé..

  A022001707 

 Despuys, ilz rendirent ledit balliage au Serenissime seigneur Duc de Savoye Emmanuel Philibert, il y a environ 40 ans, par traitté fait avec luy, par lequel, entr'autres conditions, il fut arresté que l'exercice huguenot y seroit entretenu; lequel traitté fut rompu, il y a seize ans, par les mesmes Bernois qui, au prejudice d'iceluy et contre leurs promesses, se saysirent de laditte baronnie pour la seconde fois, les armes au poing.

  A022001707 

 Il y a septant' ans justement, que les Bernois occuperent le balliage de Gex, et tout aussi tost ilz chasserent les ecclesiastiques et exterminerent l'exercice catholique.

  A022001707 

 Mays ilz n'en demeurerent maistres que pour peu, parce que le Serenissime seigneur Duc de Savoye la reprit avec vive force tout incontinent apres, et l'ayant ainsy reprise, ne se treuvant plus engagé dans l'obligation des conditions precedentes, il restablit par tout les eglises et l'exercice catholique.

  A022001709 

 Et si bien les Bernois en avoyent osté l'exercice, cela n'est pas considerable en cest endroit, d'autant que les articles de paix ne regardent pas leur guerre (de laquelle ilz s'estoyent accommodés auparavant, sans rien excepter, au prejudice de la religion Catholique), mais ont lieu seulement pour la guerre faitte entre les deux Princes qui faisoyent la paix; si que Sa Majesté ayant uni et incorporé ledit balliage au royaume, il n'y a rien qui puisse empescher que les Editz de pacification n'y soyent executés pour ce qui concerne l'exercice catholique et les biens ecclesiastiques..

  A022001709 

 Que servant d'une partie de l'eschange du marquisat de Saluces, le Clergé y doit avoir les privileges et jouissances qu'il avoit au marquisat; que les Serenissimes seigneurs Ducs de Savoye y ayant remis par tout l'exercice catholique, lequel n'en a point esté osté que par la guerre, il y doit estre restabli par les articles de paix qui reduisent toutes choses a l'estat auquel elles estoyent avant les guerres.

  A022001710 

 Dequoy non contente l'audace d'iceux, ilz ont despuys peu fait saysir les revenuz ecclesiastiques de Gex et Asserens appliqués aux gens d'Eglise, pour suppleer certaines pensions qu'ilz estiment n'estre pas asses grasses; dequoy s'ensuyt un proces entre l'Evesque de Geneve et eux par devant la cour de Bourgoigne..

  A022001710 

 Despuys, en quattr' autres parroisses du mesme balliage: Peron, Sessy, Versonnex et Challex, plusieurs habitans demanderent l'exercice catholique par requestes addressees a Sa Majesté, laquelle le leur ouctroya, et renvoya l'execution [282] au seigneur Baron de Lux; laquelle neanmoins n'a pas esté faitte, et ainsy tous les revenuz ecclesiastiques des cures, si ce n'est de ces trois premieres, sont appliqués a l'entretenement des adversaires de l'Eglise, et outre cela, encor prennent ilz des portions sur les prieurés et autres benefïces dudit balliage.

  A022001710 

 En suite dequoy Sa Majesté commit, il y a quattr' ans, monsieur le Baron de Lux, son lieutenant general au gouvernement de Bourgoigne, Bresse, Beugey, Valromey et Gex, pour restablir audit Gex l'exercice catholique, mais seulement en trois lieux: Gex, Asserens et Farges, desquelz lieux les revenuz ecclesiastiques furent assignés pour l'entretenement des curés.

  A022001711 

 On peut donques justement desirer, demander et solliciter que les biens ecclesiastiques soyent remis aux gens d'Eglise, et l'exercice catholique restabli par tout ou il se treuvera des personnes qui en supplieront..

  A022001723 

 Le sieur de Sales, Evesque et Prince de Geneve, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que sur la deputation des commissaires par tout vostre royaume pour l'execution de l'Edit de Nantes, iceux estans au balliage de Gex, ledit suppliant, au mois de decembre 1611, se pourveut par devant eux pour estre reintegré en la possession de toutes ses eglises, cimetieres, maysons presbiterales, revenuz et domaines ecclesiastiques; ou ceux de la religion pretendue reformee formerent tant d'oppositions, que son voyage fut infructueux pour la Catholique, et furent contraintz les ditz commissaires ordonner que des dittes oppositions et remonstrances rapport en seroit fait en vostre Conseil, pour y pourvoir selon vostre bon playsir.

  A022001724 

 Et lesditz sieurs commissaires ayans esté ouys en vostre Conseil, sans avoir esgard aux oppositions formees par ceux de laditte religion pretendue reformee, par Arrest du mois de may dernier, auries commis les sieurs Milletot, conseiller en vostre Parlement de Dijon, et de Brosses, lieutenant civil et criminel de vostre dit balliage, pour l'execution dudit Edit; les-quelz, reellement et actuellement, auroyent remis tous les ecclesiastiques dudit balliage en la possession de leurs eglises, revenuz et domaines ecclesiastiques..

  A022001726 

 A ces causes, Sire, [on remontre] que ledit suppliant ne doit estre de pire condition que tous les autres ecclesiastiques de vostre royaume, duquel il a l'honneur d'estre l'un des Prelatz et en cette qualité luy a fait le serment de fidelité; et attendu qu'il ne possede autre domaine en tout vostre royaume que ce qui luy est usurpé par lesditz de Geneve, joint que, injustement, ilz luy detiennent presque tout le surplus de ses revenuz qui sont dans l'Estat et territoire dudit Geneve, et que dudit renvoy il vous appert par les pieces cy attachees: il playse a Vostre Majesté ordonner qu'il sera reintegré et restabli, tant en [son] particulier que dudit Chapitre de son Eglise cathedrale, et du Chapitre de Saint Victor et des autres ecclesiastiques, en la reelle possession et jouissance des eglises, maysons presbiterales, biens et revenuz ecclesiastiques occupés par laditte ville et cité de Geneve, dans la souveraineté de Vostre Majesté; avec defenses a tous detenteurs et occupateurs de ne le troubler ni molester, a peyne d'estre declarés perturbateurs du repos publiq.

  A022001729 

 Soit la presente Requeste communicquee au S r Anjorant, scindic de la Seigneurie de Geneve, et les parties ouyes pardevant les S re de Vie et Le Mazuier; et soit signiffié..

  A022001736 

 Lesdits fermiers n'ont payé qu'une partie de ladite pension, et le reste leur est demeuré entre les mains.

  A022001737 

 Qui fait recourir a luy et le supplier tres humblement quil luy playse faire deslivrer les ditz accensemens et mandatz au curé, affin quil puisse exiger lesdites ( sic ) restes [d'Jargent pour les employer a la reparation des bastimens ecclesiastiques; a quoy les revenuz presens dudit doyenné, entierement remis audit curé par la charité de mondit seigneur, avec quelques autres aumosnes donnees a cett'intention, ne peuvent nullement suffire..

  A022001744 

 L'ordre appreuvé sera suivi des le jour de Noël prochain inclusivement, et les sommes mentionnees s'entendent monnoye a la course presente de Gex..

  A022001752 

 Le droit sera observé pour ce regard, et par consequent la residence observee d'autant plus estroittement que le lieu [la] requiert plus entiere; et les contrevenans [290] estans deferés, seront punis de la privation proposee..

  A022001763 

 Appreuvé, sauf de suivre les rubriques du Messel nouveau pour le regard du tems que la troysiesme chandelle doit estre allumee,.

  A022001799 

 Seront suivies les rubriques du Messel et du Rituel..

  A022001807 

 Appreuvé, sauf que les Dimanches et testes communes il suffira de deux cierges sur l'autel; les festes solemnelles secundae classis et aux testes solemnelles primae classis, six.

  A022001871 

 Sera traitté plus a plein sur cest article important, et ce pendant le sieur Œconome prendra l'advis du Superieur des Peres Capucins; et pour le reste, est remis a sa prudence de faire selon les occurrences..

  A022001883 

 Les lieux parroisseaux ou se fera le service divin seront, a cause de la paucité des Catholiques, pour le present seulement les huict suyvantz: Gex, Farges, Peron, Chalex, Sessiez, Divone, Thoiry et Sacconex; et, avec le tems, les quattr'autres..

  A022001884 

 Tous les curés feront residence au lieu ou ilz seront institués, et ne les pourront abandonner sans licence de l'Ordinaire, sous peyne d'estre privés de leurs portions a proportion [290] de leurs absences; et continuant, seront deposés..

  A022001885 

 Et ceux qui auront des vicaires deserviront les annexées a sept heures, les Dimanches et testes, par eux ou leurs vicaires, affin que tous deux assistent aux Grandes Messes au lieu de leur residence..

  A022001885 

 Seront tenus celebrer la sainte Messe a huict heures, attendant neufz, les Dimanches et testes de commandement, devotion; et les autres jours, selon leur devotion et necessité de leurs parroissiens.

  A022001886 

 Seront tenus faire sonner les Messes et l' Ave Maria a tems deu; fournir vin, hosties et luminaires a leur propre coust et despens..

  A022001887 

 Ne celebreront qu'il n'y ait deux chandelles de cire, honnestes et decentes, et une troisiesme pour l'Elevation jusques appres la Communion, et les testes solennelles quattre..

  A022001888 

 Auront une petite clochette pour sonner a l'Elevation; feront le cathechisme toutes les Dimanches..

  A022001890 

 Sera tenu d'avoir un vicaire a ses propres coustz et despens; mais parce que celuy d'aujourduy a tous-jours fidellement et avec prou peyne servy aux faitz de nostre religion, luy sera assisté par les deux prestres institués, avec la pension de six centz florins, le tems qu'il jouyra de sa cure..

  A022001891 

 Tous les jours se celebreront deux Messes basses en son eglise: la premiere a l'aube, la seconde a huit, attendant neufz..

  A022001892 

 Les Dimanches et festes de commandement, la seconde Messe se celebrera a haute voix, et les festes solennelles: Pasques, Penchecoste, Ascension, Feste Dieu, Saint Pierre aux liens, Assomption et quattre festes de Nostre Dame, Noel et la Dedicace, sera avec le diacre et sousdiacre, quand commodement faire se pourra, et autres principales..

  A022001895 

 Toutes les Dimanches se fera la procession des mortz, l'eau beniste et la predication au milieu de la Messe.

  A022001896 

 Les Laudes se chanteront aux testes solennelles cy dessus nommées..

  A022001897 

 Complies se chanteront tous les sammedis, veilles des festes qu'on celebre; et les jours des dites festes et Dimanches, Vespres sans Complies..

  A022001897 

 La Feste Dieu et durant l'octave, None a midy, et Complies appres soupée; et Complies se diront les jours du Caresme.

  A022001898 

 Les Gaudés, les sammedis au soir..

  A022001899 

 Les processions: la Feste Dieu, tres solennellement, les Rogations et autres coustumieres, et extraordinaires selon les occasions et necessité des tems..

  A022001900 

 La Semaine Sainte se fera la procession des Rameaux, se chanteront Matines les trois jours, et autres ceremonies, selon les rubriques et coustumes de l'Esglise..

  A022001901 

 Les Dimanches et festes communes, a la Grande Messe, quattre chandelles, et a Vespres deux; les festes solennelles, six [293] par tout, et deux a l'Elevation.

  A022001902 

 Le cathechisme se fera toutes les Dimanches appres Vespres..

  A022001903 

 A toutes ces charges sera tenu le curé de Gex, comme aussy au vin, hosties et autres ordinaires; et percevra les fruitz de la cure et doyenné, fors le cinq pour cent des biens desdites cure et doyenné aliénés.

  A022001904 

 Sera aussy audit lieu de Gex estably un maistre d'escoie, avec neuf centz florins de gage; apprendra a lire et escrire aux enfans, et les rudimens; nourrira et apprendra a chanter a deux enfans telz quilz luy seront donnés par Monseigneur, et assistera a chanter les Offices divins et sonner l'Ave Maria et les Messes parrochiales..

  A022001905 

 Le curé de Farges tiendra un vicaire capable qui fasse quelques exhortations, et de bonne vie, deservira les cures de Farges et de Peron, et percevra les revenus d'Asseran et de Peron, fors les cinq pour cent.

  A022001906 

 Le curé de Thoiry deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome sept centz florins, outre ce peu de terrage qui est annexé a l'esglise, a condition toutesfois qu'il restablira la maison de la cure..

  A022001907 

 Le curé de Chalex deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome la somme de six centz florins..

  A022001908 

 Les curés de Sessiez et Divone deserviront ausditz lieux et percevront les pensions ordinaires deües par Messieurs les Religieux de Saint Claude..

  A022001909 

 Le curé de Sacconay deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome la somme de douze centz florins, demeurant tout le terrage, rente et revenu de ladite cure et chapelles unis a l'œconomie, fors son jardin.

  A022001911 

 Pour les Chapelles.

  A022001912 

 Les chapelles rentées seront deservies par les institués (celles qui seront en estre); les ruinées qui seront de la nomination d'autruy, seront restablies du revenu dans dix ans, a faute dequoy seront les patrons descheuz de leurs droitz et lesditz revenus annexés a rœconomie, comm' aussy tout revenu dependant des chapelles qui ne seront d'aucune nomination..

  A022001916 

 Le sieur Dunant, curé de Gex, est declairé œconome par Arrest du Roy en son privé Conseil, entre les mains duquel seront reduitz tous les biens ecclesiastiques dependantz de l'authorité de Monseigneur de Geneve, fors l'es nommés cy dessus..

  A022001917 

 Payera les pensionnaires et curés establis, ou leur delivrera [297] mandat, sans qu'il soit permis a aucun d'iceux de se faire paier par autres voyes sans son sceu, sous peine de perdre autant de leur pension qu'ilz en auront perceu.

  A022001920 

 Pour les choses ardues et difficiles, le sieur Œconome prendra l'advis des curés de Farges et Sacconnay, et monsieur Jaquin, du Superieur des Capucins; et pour les seculiers, de monsieur le baillif, monsieur de Siccard et monsieur de la Bastie..

  A022001923 

 Sera institué un personnage pour agent et solliciteur des affaires de l'œconomie, avec les gages de trois centz florins, a condition qu'il ne retirera rien des contratz faitz au proffit des l'œconomie, luy estant permis de retirer des autres..

  A022001925 

 Le sieur Œconome, outre les charges sus escrittes, [298] fournira bled et vin aux Reverens Peres Capucins selon leur necessité, et luy sera alloué sur les comptes..

  A022001949 

 Nous commettons par ces presentes venerable messire Claude de Nambruide, curé de Divone, a l'administration et œconomie des biens ecclesiastiques du balliage de Gex non appliqués ny assignés aux eglises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres eglises qui, pour le present, ne sont encor pourveues de pasteurs, a fin que [ledit messire Claude de Nambruide] en donne les admodiations et fermes ainsy qu'il vera a faire; puis retire, exige et distribue les revenus procedenz desdites fermes, selon qu'il sera requis, ainsy qu'il est porté par l'ordre estably du jour d'hyer, et autrement selon les mandaz qui luy seront faitz de nostre part: le [tout nean]tmoins en l'assistance et avec l'advis de venerable messire [300] [Claude] Jacquin, curé de Grilly.

  A022001983 

 Et pour les villes, si nombreuses, pour les républiques entières, où il n'est pas permis aux prédicateurs catholiques de se faire entendre, ni de demeurer et parler, [303] quel moyen de les ramener à la foi? Car désormais, chez nous autres Suisses et en toute l'Allemagne, voire même dans plusieurs parties de la France, des villes entières sont hérétiques et l'hérésie passe en raison d'Etat; on ne voit pas le moindre espoir de leur conversion; les choses vont même si avant, que les hérétiques ne sont pas inquiétés le moins du monde, et c'est sans remède.».

  A022001983 

 Mais vous avez exhorté les autres à rentrer dans le sein de l'Eglise: cela est bon pour les particuliers.

  A022001984 

 Ces paroles pénétrèrent tellement mon cœur qu'il ne m'a jamais été possible de me les ôter de l'esprit, et en somme, voici la pensée qui m'est venue: Il est vrai que si on laisse ainsi les Suisses de Zurich, Bâle, Berne et autres cantons (on peut en dire tout autant de l'Angleterre et des autres pays hérétiques), jamais ils ne se convertiront; au contraire, leur religion parvenant à l'Etat, ils établiront l'une dans l'autre.

  A022001984 

 Et comme «on ne se passionne pas pour les choses devenues familières,» ainsi, en vieillissant, cette hérésie à la vérité, ne fera pas plus de progrès, mais, ce qui importe, elle ne diminuera pas non plus et demeurera comme une paralysie incurable dans ces très nobles parties de l'Europe.

  A022001985 

 Cette proposition devrait se faire simultanément par tous, avec des arguments solides et clairs prouvant l'avantage public qui en reviendrait à la Chrétienté, très affaiblie par la division, et qui, par l'union, serait grandement fortifiée contre les Turcs et autres.

  A022001985 

 J'ai pensé à beaucoup de choses, et je n'ai trouvé que ce seul moyen: Il faudrait que notre Très Saint Père et Seigneur, ou le Saint-Siège Apostolique, engageât tous les princes catholiques et toutes les républiques non pas à prendre les armes extérieures, mais les intérieures; c'est-à-dire, à proposer la réunion des hérétiques à la sainte Eglise.

  A022001985 

 On tâcherait ainsi de former une ligue ou croisade entre les catholiques, non point, comme je l'ai dit, pour courir aux armes, mais pour concourir dans le zèle à solliciter cette union..

  A022001987 

 Premièrement: les princes devraient convoquer pour ce seul but un concile national, c'est-à-dire, un en France et un en Allemagne, et tâcher, par tous les efforts possibles, d'y faire intervenir [305] quelques délégués des princes et des républiques hérétiques, pour qu'ils puissent ouïr les propositions relatives à cette union, non point pour disputer ou argumenter, mais seulement pour conférer sur la façon de la ménager..

  A022001990 

 Ensuite, on pourrait beaucoup faciliter la réunion à la sainte Eglise en abandonnant tous les biens ecclésiastiques, ou du moins une bonne partie, à ceux qui les détiennent, se bornant à leur demander le vivre et le vêtement pour les prêtres qu'on y introduira.

  A022001990 

 Item, ou encore, en laissant aux princes et aux républiques la nomination aux bénéfices les plus considérables, voire même à [306] tous, comme on laisse au Roi de France celle des plus importants; et il n'y aurait pas en cela, semble-t-il, plus de danger de mauvaises conséquences qu'en la coutume de France..

  A022001991 

 Et semblables propositions qui écarteraient les obstacles..

  A022001991 

 Quant aux clercs apostats, on les dispenserait de leur vœu de continence, surtout s'ils ont des enfants, sans toutefois jamais plus les admettre aux fonctions de leurs Ordres, ni leur laisser porter l'habit clérical.

  A022001992 

 Cependant, il ne faudrait en aucune façon argumenter, mais seulement proposer les moyens à prendre, afin que tous pussent voir que, la foi catholique sauve, la sainte Eglise est prête à prodiguer pour cette réunion, les revenus et autres choses qui seront jugées nécessaires.

  A022001992 

 Mais si, par hasard, on trouvait que les conciles nationaux ne sont pas à propos, les princes pourraient alors convoquer seulement quelques Prélats et quelques hommes de bon jugement pour traiter de cette sainte affaire en exposant leurs pensées.

  A022001993 

 Et quand même ce remède ne devrait avoir autre résultat que d'ébranler les esprits et d'être comme un moyen d'empêcher les hérétiques d'alléguer le soi-disant droit qu'ils s'attribuent de n'être pas appelés et sommés de venir à résipiscence, l'avantage ne serait pas petit..

  A022001994 

 Mais si l'on ne jugeait pas à propos de tenter cette entreprise dans tous les pays excommuniés, divisés ou séparés de la sainte Eglise, il conviendrait au moins de le faire pour les Suisses hérétiques, et on pourrait y employer l'autorité de l'Espagne, de l'Empereur, du Roi de France, du sérénissime Duc de Savoie, leur voisin, avec l'action et l'industrie des cantons catholiques, même du Valais.

  A022001994 

 S'il était besoin de distribuer un peu d'argent, cela pourrait se faire au moyen de quelques décimes prélevées sur les bénéfices plus opulents..

  A022001995 

 Et quant à Genève, pour la contraindre à laisser au moins la liberté de conscience et à laisser établir dans un ou deux endroits l'exercice du culte et les sermons catholiques, il suffirait de [308] l'autorité et de l'intervention de notre sérénissime Duc et des Suisses catholiques; on proposerait aux Genevois de leur abandonner les revenus ecclésiastiques ou de leur en donner tout autant, on leur distribuerait un peu d'argent.

  A022001996 

 Peut-être serait-il difficile maintenant d'unir les cœurs des princes catholiques que nous voyons, excités par des tentations si multiples, se livrer en proie à la division.

  A022001996 

 Toutefois, cette grâce pourrait s'obtenir de Dieu notre Seigneur par la prière, et la main sacrée du Saint-Père s'y employant sincèrement, pourrait opérer ce miracle, comme jadis on fit les croisades et autres entreprises belliqueuses et périlleuses, tandis que celle-ci serait toute pacifique et sans péril..

  A022001998 

 Que le Seigneur nous envoie son secours d'en-haut es que les tentes d'Israël soient élargies par le Seigneur! [310].

  A022002022 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte de la deuxième Série des Opuscules de saint François de Sales et les volumes de ses Lettres..

  A022002028 

 A nos bien amez et feaux les Scindiques et bourgeois de nostre ville de Tonon..

  A022002029 

 Nous avons appris avec un grand contentement que vous avez ouy les piedicateurs de la parolle de Dieu et de nostre saincte foy Catholique, que vous avez heu continuellement despuis quelques mois.

  A022002029 

 Or, esperant que ceste commodité vous ouvrira le chemin de vostre salut, avec le mesme zele que Nous vous avons procuré ce bien, Nous vous exhortons aussi d'en bien user; et vous en userez bien, si vous prenez garde aux raysons qui vous seront exposees, si vous les pesez esgalement, et si vous proposez les difficultez qui vous surviendront aux predicateurs; car Nous n'avons rien tant a souhait, ny qui Nous soit plus aggreable, que quand Nous entendons que vous proffitez en la saincte Religioa Catholique..

  A022002057 

 2° Toutes les eglises de France, ez poincts de doctrine, se rapportent aux ministres de Geneve, comme aussy en plusieurs autres choses de la police..

  A022002058 

 3° Toutes les villes des heretiques la respectent comme azile de leur religion et ville saincte.

  A022002059 

 L'annee passee ils en envoyarent 20 en France; un' autre annee, en Angleterre, et ainsy provoient a tous les heretiques.

  A022002059 

 La 4 e commodité ce sont les estudes, car la commodité de la situation de la ville et le grand exercice des lettres attirent tres grand nombre d'enfants de bon lieu: de France, tesmoin Desponde quy y a estudié; d'Allemagne, comme le P. Ludovic, le Capucin, filz du Chancellier de Saxe, qu'a aussy estudié audict Geneve.

  A022002059 

 Le livret de Roche Chandiou fut imprimé a en donner pour 700 escus; car ils en font distribuer, expensis publicis, par les villes.

  A022002060 

 5° Il faut considerer que dans Geneve se brassent et traittent toutes les entreprinses contre la Chrestienté et le Saint Siege Apostolique, et les font exequuter avec grande diligence; et cecy s'est veriffié en une infinité d'entreprinses descouvertes.

  A022002060 

 Et n'y a rien qu'il leur est venu un personnage de Levant qui, a leur solicitation, a cherché des moyens d'empoisonner Sa Saincteté et tous les Cardinaux, ou engendrer certaines vapeurs pestiferes à Rome par certaine poussiere: tesmoin monsr le chanoine de la Biollée qui a sceu cecy par un espion secret quil y a dans Geneve..

  A022002062 

 7° Ceste ville, en faict de conservation des heresies, a une merveilleuse correspondance avec toutes les parties infectes de l'Allemagne, de la France, de l'Angleterre, de la Pologne et jusques en Danemarch, etc..

  A022002068 

 Pour le moins six, pour estre [318] distribués ou est de besoin, et les PP. Jesuistes pour la confession.

  A022002070 

 Plusieurs voudroient se convertir, mais la pauvreté les retarde, comme l'experience l'a faict voir.

  A022002076 

 La crainte de la guerre et le désir de paix faict fere plusieurs choses qu'on ne feroit; dont, ayants S. A. sur les bras, ilz accorderont paradventure quelque chose qu'on ne feroit autrement.

  A022002078 

 Puys, qu'on face entendre audit Roy et Cardinal d'Austriche que, traittant la paix, Geneve n'y soit comprinse s'ilz ne prennent l' Interim; ils trembleront de peur, sur tout sy le Roy les menasse de quicter leur protection.

  A022002083 

 Une lettre bien ample du Roy de France a la Seigneurie de Geneve, en laquelle il les prie d'accepter l' Interim.

  A022002085 

 Sy le Roy les menasse de quicter leur protection, ils y penseront a bon escient; mesmes remonstrant qu'il a accordé aux autres heretiques liberté de conscience en tant de villes de France.

  A022002086 

 Et est tres vray que ces dispositions s'y treuvent; donc, ce seroit peché de ne les ayder quand on le peut faire si facilement..

  A022002086 

 Mais il est tres-asseuré, comme font foy les lettres qu'aves et les attestations, que dans Geneve les uns desirent d'y avoir la Messe, comme disposez Catholiques.

  A022002087 

 Ce seroit par le moyen des cantons des Suysses Catholiques, leurs voisins, qui s'ayderoit ( sic ) a prier ceux de Geneve d'accepter l' Interim, et que ne le faisants, s'il survient une guerre ilz ne les ayderoit, voire donneroit secours, car Sa Saincteté les en prye.

  A022002088 

 Que l'Empereur escrivit à Geneve, qui est ville imperialle, qu'ilz doivent prendre l' Interim comme les autres villes d'Allemagne, et que, ne condescendantz, ils seroient privéz de tous honneurs, droits, privileges, mesmes du commerce en ses villes; et que sa lettre fut portée par homme qui fit bien sonner le faict.

  A022002090 

 Que la ou tant de belles offres ne vaudraient pour les ranger au debvoir, que Sa Saincteté fit un peu de semblant de vouloir ayder S. A. et menassa d'inciter tous les princes-catholiques contre eux.

  A022002091 

 Ces choses non seulement se peuvent traitter avec Sa Saincteté, [322] mais avec les Illustrisses Cardinaux et Ambassadeurs des Princes, pour prendre encores de nouvaux moyens sur le faict.

  A022002117 

 Nous avons receu vostre lettre du XXIIII du present et joinct a ycelle le double de la requeste que Nous a esté presentee par ceulx de Tonon, et vous disons, en responce, que Nostre intention aiant tousjours esté de donner l'avancement possible au service de Dieu et l'exaltation de son Eglise generalement riere noz Estatz, et particulierement de remettre riere le Chablais la mesme foy et vraye Religion que Noz predecesseurs y avoint si sogneusement plantee avant que les usurpateurs du peys en heussent desbouché Noz bien amez subjectz: Nous avons, sur ceste consideration, volontiers presté l'oreillie a ceulx qui Nous ont proposé leur soing, jeur talent et leur industrie pour la perfection d'un si bon euvre; et telz ayant esté le Pere Cherubin et le President Favre, Nous apreuvasmes le zele qui les poulsoit d'y volloir fere quelque notable fruict..

  A022002118 

 Et cependant, pour remedier aux inconvenientz qui en pourroint resulter, Nous escrivons audict President de ne proceder plus avant a la declaration des peines par luy imposees, et au Pere Cherubin d'y fere valloir par cy apres sa doctrine, sans y adjouster les menaces, jusques a ce que Nous voions quelque aultre temps plus propre pour ce fere..

  A022002118 

 Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles.

  A022002118 

 Mais silz ont en cecy un peu oultrepassé Nostre intention et Noz bons advis, leur zele et leur affection au service de Dieu les en rendent excusables.

  A022002119 

 Et cependant, en vous laissant dextrement entendre a ces gens que Nostre intention n'est pas de les forcer ny contrevenir aux provisions quilz disent avoir de feu nostre S r et Pere et de Nous, vous ne lairrez de les induire et persuader, en tant que vostre pouvoir se pourra estendre, dé Nous donner ceste satisfaction que d'ouyr et frequenter les presches qui peuvent servir a les desabuser de leur faulce opinion,............................................................................

  A022002138 

 Desirans de faire prouvoir prompcernent à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, tant en ceste ville de Tonon qu'aux lieux circonvoisins: A ceste cause, et autres Nous mouvans, vous mandons, ordonnons et commandons par ces presentes qu'ayez à saisir et reduire sous Nostre main, et par bon et loyal inventaire, tous et un chacun les revenus, biens, fruicts, argens, appartenances et dependances des benefices riere le bailliage de ceste ville, et particulierement du prieuré de Sainct Hyppolite, qui n'auront charge d'ames, pour le temps de trois ans prochains advenir; et lesquels fruicts et autres choses sudittes, Nous voulons estre employez à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, ainsi que Nous avons dit.

  A022002138 

 Vous defendans tres-expressement de delivrer, mettre ou employer aucun desdicts fruicts et revenus à autre usage qu'à ce que dessus, et suivant les ordres qui vous en seront faicts par Reverendissime Claude de Granier, Evesque de Geneve, Reverend messire François de Sales, Prevost de l'eglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, et Reverend messire Claude d'Angeville, Primicier de l'eglise collegiale de Sainct Jean Baptiste de La Roche: ausquels, en tant qu'il Nous concerne et peut appartenir, leur en avons donné et attribué tout pouvoir et authorité; et à vous, de contraindre et faire contraindre tous ceux qui seront à contraindre, par toutes les voyes de justice deuë et raisonnable, d'y obeyr et obtemperer.

  A022002146 

 Desormais il ne sera plus permis aux personnes qui ont charge et cause des biens et revenus ecclesiastiques, tant des Chevalliers de la Religion des Saincts Maurice et Lazare que des autres quelconques, aux bailliages de Chablais et Ternier, de les bailler directement ou indirectement à louage, ferme, exaction ou recepte, à d'autres personnes qu'à celles qui font profession de la vraye Religion Catholique, Apostolique et Romaine; à peine de confiscation..

  A022002147 

 Qu'il soit defendu à toutes personnes, de quelque qualité et conditions qu'elles soyent, de menacer les Catholiques ou desireux de la Religion Romaine, à parolles ou actions, ou de les mal traicter en façon que ce soit, leur faire des reproches, ou les estonner; à peine de milles livres et autre arbitraire..

  A022002148 

 Que les personnes de la religion pretenduë ne puissent plus doresenavant exercer aucunes charges publiques, ny estre promeus, receus et admis à aucuns offices ou dignitez: de sorte qu'ils ne puissent point estre juges, ny advocats, ny chastellains, ny curiaux, ny procureurs, ny notaires, ny commissaires; et que l'exercice de ces dignitez, charges et offices soit entierement defendu à tous ceux qui ont eu quelque chose de semblable jusques à present, avec abrogation, abolition et revocation des Lettres patentes, ou constitutions qu'ils ont, comme contrats et autres actes; sous peine de faux..

  A022002178 

 Dans leur Requête, les Chevaliers «narroyent qu'ils s'estoyent apperceuz que le Prevost de Sales, Esleu de Geneve, avoit apporté du Souverain Pontife des Lettres par lesquelles la Milice de leur Ordre estoit entierement spoliée non seulement des benefices curez, mais encore de tous autres des bailliages de Chablais et de Ternier, contre la teneur des Lettres obtenues du Pape Gregoire treiziesme, sous pretexte de l'entretenement necessaire des Prestres qui y estoyent des-ja establis, ou qu'on devoit y establir..

  A022002180 

 «Ils adjoustoyent que cela apportoit un grand prejudice aux droicts de S. A. et de ses successeurs, à raison du patronage et de la nomination; concluans, qu'il fust du bon plaisir de S. A. de commander qu'on sursoyast à toute execution, jusques à ce qu'ils fussent appelez à voir faire la discussion de tous les revenus, et que les Lettres Apostoliques r'apportées par le Seigneur Esleu de Geneve leur fussent communiquées.».

  A022002268 

 Supplient humblement les pauvres Aulmosniers d'Armoy et de Draillans, disants: quil est plus que notoire a la Chambre la pention quil a pleu a S. A. Sme leur establir vers le S r Gabellier general, de cinquante escus annuels a chacung d'eulx, pour estre les biens desdits curés occupés par les Seigneurs de Geneve; dallieurs, les divers voiages, frais et despens quil a convenu faire et supporter pour estre paiés d'une partie d'icelle, appres tant de decretz, arrests et jugement de ceans contre les ja dits Gabelliers.

  A022002274 

 Le Procureur patrimonial n'empesche les fins de la requeste, attendu le faict duquel s'agist..

  A022002280 

 La Chambre ayant esgard au faict privillegié duquel s'agist, et que ce sont charges ordinaires sur la gabelle, suivant les diverses et reiterees jussions et commandements de S. A., et au consentement sur ce presté par le Procureur patrimonial: a ordonné et mande au moderne Gabellier general, de fere rescription aux Reverends Curés suppliants sur son commis a la vente du sel en Chablais, que servira une fois pour toutes pendant le temps de sa ferme.

  A022002293 

 J'esperois que la premiere lettre que j'aurois a vous escrire en response de celle dont il vous a pleu m'honorer vous seroit rendue par monsieur le Prevost mon frere, pour l'esperance que me donnoyent ses diligences quil pourroit estre depeché avant les testes.

  A022002293 

 Mais j'espere que Dieu le favorisera de telle sorte, quil surmontera en ce voyage non pas peut estre toutes les difficultés, mais du moins un bonne partie, et quil s'en retournera pour le moins a demy content, si son contentement n'est du tout empeché par le desplaysir quil aura de n'avoir pas entierement satisfaict a ce que vous desirez.

  A022002293 

 Mais, outre l'incommodité que luy a causé l'absence du Roy et de tous ceux de son Conseil avec lesquelz il avoit negocié, qui ne sont de retour en ceste ville que des peu de jours en ça, il a treuvé sa negociation tant espineuse pour les traverses que luy font les uns et les autres (les uns, pour estre declairés tout oultre ennemys de nostre foy; les autres, pour n'en estre amys que fort froidement, et presque tous pour estre gens d'Estat), que si sa prudence et dexterité, assistee de la grace de Dieu et de vos merites, n'avoyent combattu la malice du temps, il auroit esté contraincts des le commencement, d'abandonner l'affaire et le remettre a un autre temps.

  A022002293 

 Monsieur de Lux est arrivé icy bien a poinct pour y faire de tres bons offices, comme Vostre Seigneurie Reverendissime entendra plus a plein quelque jour, car il seroit trop long et difficile de vous en representer par lettre toutes les particularités..

  A022002294 

 Cependant monsieur mon Frere, parmy tant d'embarrassemens, ne laisse de se faire admirer par les doctes et belles predications qu'il faict en divers lieux, et aux plus honnorables de la ville, a certains jours de la semaine; chose qui rend favorable a luy et a sa negociation non seulement tous les bons catholiques, mais encores les princes et princesses qui assistent presque ordinairement a ses predications..

  A022002295 

 Tout le Conseil de Madame se doit assembler en brief pour en prendre une finale resolution, laquelle attendant de vous escrire par monsieur mon Frere, qui partira devant moy pour la retardation de l'arrivee de Monsieur, je vous baise cependant tres humblement les mains, Monseigneur, comme celuy qui est,.

  A022002309 

 En somme, il est tenu pour le premier predicateur que la France ayt eu des long temps en ce grand theatre, et plusieurs pensent que le Roy ne le laissera poinct venir quil ne l'aye faict prescher devant luy; ce que je desirerois, comme font aussy plusieurs autres, m'asseurant que cela donneroit beaucoup de credit a sa negociation, delaquelle ne pouvant vous escrire autre pour le present, je ne feray ceste plus longue, sinon pour vous baiser tres humblement les mains et prier Dieu quil vous doint, Monseigneur, en santé, longue et contante vie..

  A022002309 

 Vous ne pourriez croyre, ny moy vous dire combien tous les princes et princesses de la Cour favorisent mon Frere pour les merites qu'ilz reconnoissent en luy, et pour la reputation que luy ont acquise tant de belles et doctes predications quil a faictes aux plus celebres lieux de ceste ville en ce Caresme et en ces festes de Pasques.

  A022002324 

 A Messieurs les Syndicz et Conseil.

  A022002332 

 Sur quoy Nous vous dirons que Nous avons jugé entierement superflu l'envoy d'aucuns des nostres par dela, d'autant que l'Edict de Nantes ne regarde point (comme vous sçavez trop mieux) nostre Seigneurie et Republique, ne les terres ou droicts d'icelle.

  A022002332 

 Voire, Nous avons traitté de paix avec S. A. de Savoye, en observation duquel, et de nos anciens droicts, Nous possedons du costé de Savoye diverses terres en souveraineté, et aultres du mesme S t Victor et Chapitre, avec les mesmes immunitez, libertez et prerogatives, soit au regard de la religion, soit d'aultres points, que celles dont Nous jouyssons du costé du dict balliage en nos terres susspecifiees; lesquelles, [d'abondant], le feu Roy, de tres heureuse et glorieuse memoire, par patentes authentiques, verifiees partout ou besoing faisoit, a recogneiies telles et promis de ny rien innover, ains de laisser toutes choses a Nous appartenantes au mesme estat qu'elles estoyent pendant que Sadicte Altesse tenoit le dict balliage.

  A022002336 

 LES SYNDICQS ET CONSEIL DE GENEVE..

  A022002347 

 A Monseigneur de Bourges, qu'il luy plaise commander a ses fermiers du prieuré de Prevesin nous deslivrer les deux centz livres qu'on donnoit aux ministres; ensemble, les centz livres qu'il luy a pleu accorder a monsieur le Mazuyer d'Accrasi, et la judicature dudict lieu pour un advocat catholique..

  A022002350 

 Pour le soulagement de ceux qui manient les biens d'Eglise, plairra a Monseigneur fere entendre que sa volonté est de distribuer les biens d'Eglise aux curés, sans les laisser en œconomie..

  A022002384 

 plus, les censes et terrages du dit Sacconex, qui valent annuellement......... ff.

  A022002390 

 Pour le service et entretien du curé l'on luy assigne les dismes de Meyrin et de Mattignin, qui vallent annuellement............... 45 paires.

  A022002418 

 plus, le terrage avec les cinq pour centz, qui est de dix florins, audit Saint Jean; le tout monte a..................... ff.

  A022002431 

 lequel disme de Tougin sera remis a Monseigneur le Reverendissime, pour en disposer apres que l'on aura les autres deux tierces parties de la susdite pension qui est en proces..

  A022002438 

 Pour le service de ladite eglise seront establis, oultre la personne du curé, trois prestres, l'un desquelz sera entretenu et payé du curé, et les autres deux auront pour chacun six centz florins par an, qui leur seront payés par ledit sieur curé sur les revenus et biens cy specifiés, et annexés a ladite cure..

  A022002439 

 Plus, seront payés par ledit sieur curé trois centz florins pour les luminaires accoustumés et necessaires en ladite eglise, selon l'ordre qui en a esté fait par cy devant par Monseigneur le Reverendissime.

  A022002440 

 Et l'autre prestre establi sera obligé d'avoir soin de la sacristie, du luminaire et blanchissage des linges et autres choses necessaires pour ladite sacristie, pour lesquelles choses luy seront payés trois centz florins, oultre les six centz florins sus consistans..

  A022002440 

 Et pour la charge desditz prestres establis, l'un d'iceux aura la charge d'enseigner la jeunesse dudit balliage en grammaire, escriture, et servir en ladite eglise continuellement et assister a tous les Offices qui se feront; et pour ce faire luy seront payés les six centz florins sus establis.

  A022002441 

 Et pour le payement desditz gages des vicaires, et sacristie et luminaire, et pour le filz du sieur Paris, seront annexees a ladite eure, oultre son revenu ordinaire, les choses cy apres specifiees.

  A022002442 

 Et premierement, les cinq pour centz non pourveuz, qui montent par an a la somme de neuf centz septante deux florins trois solz, selon le roolle qui en sera fait et remis audit curé. ff.

  A022002444 

 plus, les revenus des chappelles non pourveues de tout le balliage, qui peuvent valoir annuellement argent...... ff.

  A022002448 

 Plus, les susditz prestres et vicaires eh sus establis seront logés en la maison de la cure dudit Gex.

  A022002451 

 Et pour les jardins qui sont annexés a ladite maison de la cure, ilz seront partagés par esgales parties entre ledit sieur vicaire qui fera l'escole et le sieur Paris..

  A022002454 

 100 00, oultre les laouds qui y arrivent souvent;.

  A022002454 

 plus, les censés, qui vallent annuellement: argent ff.

  A022002459 

 Et veut affranchir les cinq pour centz, qui sont 26 florins, monnoye de Savoye.

  A022002464 

 Il a acquis aussi les biens de la cure de Mattignin, qu'il y a bien vingt deux pieces, que chams, vignes, prez, bois et autres.

  A022002465 

 Le curé de Pouilly, oultre l'establissement cy dessus, article 7, il a acquis tous les biens de la cure de Pouilly autrefois albergez par les seigneurs de Berne, a sçavoir: une maison et grange proche de l'eglise; plus, une seytine de pré proche de ladite maison; plus, cinq seytines de prez en l'estang; plus, trois seytines de pré en praz Punel; plus, deux poses de pré proche l'eglise..

  A022002466 

 Le curé d'Ornex, outre l'establissement fait selon l'article troiziesme, il a acquis: premierement, de la chappelle des Brochuts, d'Ornex, un pré contenant cinq seytines, duquel il doit 13 florins de cinq pour centz, et ne les veut payer audit Paris.

  A022002467 

 En ladite cure il y a plus de trente pieces, que vignes, chams, prez, bois, censes albergez, possedés par le sieur de Fernex et encor les dismes..

  A022002468 

 La cure de Tougin, que le curé a la portion congrue de messieurs [356] les Religieux de Saint Claude, de qui la cure depend.

  A022002468 

 Ledit curé s'est acquis les biens dependantz de ladite cure, scavoir: une maison et courtine en icelle; plus, une seytine de pré en lieu dit Enfouillie; plus, une autre seytine de pré sous les vignes; plus, une autre seytine de pré en praz Gaillard; plus, trois quartz de poses de vigne en lieu dit En chaud-soleil.

  A022002469 

 Le curé de Sacconex, oultre son establissement selon l'article 4 e, il a acquis tous les biens de la cure de Verny, se disant aussy curé; et ne veut payer les cinq pour centz au sieur Paris, qui sont eize florins annnuelz, monnoye de Savoye.

  A022002470 

 Il y a de grans restatz en ladite cure de Sacconex, que ledit sieur Paris laisse en dernier pour n'avoir les tiltres; et aussy en la cure de Fernex et en plusieurs chappelles qui tomberont en prescription, si l'on ne commet un procureur ou un œconome qui aye bon pouvoir et moyen de poursuivre..

  A022002471 

 Et le curé de Sessy, qui a aussy une bonne cure, en a destourné le terrail, au prejudice du curé futur, et ne veut payer les cinq pour centz au sieur Paris, qui sont dix florins..


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A023000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A023000013 

 Saint Thomas, dont les adversaires auraient pu tirer quelque parti, fournit contre eux un argument essentiel.

  A023000030 

 VII. Et de la viendra juger les vivans et les mortz.

  A023000042 

 Documents relatifs a une conférence entre le Père Chérubin de Maurienne, Capucin et les Ministres de Genève 34.

  A023000047 

 XI. Déclaration au sujet d'une conférence avec les Ministres de Genève.

  A023000079 

 Pour les paroisses du diocèse.

  A023000087 

 Chapitre VI. Comme on doit imposer les restitutions ou reparations du bien et honneur d'autruy 150.

  A023000089 

 Chapitre VIII. Comment il faut imposer les penitences et des conseilz qu'on doit donner aux penitens 152.

  A023000093 

 VI. Avis aux confesseurs et directeurs pour discerner les opérations de l'Esprit de Dieu et celles du malin esprit dans les ames [Après 1604].

  A023000099 

 Mémoire touchant les revenus et les charges de la mense Episcopale.

  A023000103 

 — «Maligne production de proces» contre les gens d'Eglise.

  A023000113 

 XVII. Fragment d'un compte-rendu de l'état du Diocèse de Genève concernant les monastères [Janvier ou février 1614] (Minute).

  A023000151 

 C'est pourquoi [2] l'argument de saint Thomas prouve sûrement que Dieu veut d'abord accorder antécédemment à chacun la gloire, et ensuite les moyens nécessaires pour l'obtenir: ce qui est contre vous.

  A023000151 

 L'agent, dit-il, vise et veut d'abord la fin, avant les moyens; or, la gloire est la fin, et la préparation par la grâce est le moyen: donc, Dieu veut donner la gloire aux élus avant de vouloir leur donner la grâce.

  A023000151 

 La prédestination n'est donc pas, d'après saint Thomas, la volonté et l'élection se rapportant d'abord à la grâce, ensuite et conséquemment à la gloire, comme vous l'imaginez afin de vous soustraire à nos arguments; mais au contraire, elle consiste plutôt à vouloir accorder la gloire aux uns de préférence aux autres, et à la refuser à ceux-ci: par conséquent, à refuser aux derniers les moyens efficaces, et à les donner aux premiers.

  A023000151 

 Que dirai-je de saint Thomas, sur l'autorité duquel vous pouviez vous appuyer, en laissant de côté tous les Pères, pour présenter une justification de votre doctrine qui fût, sinon juste, du moins d'une témérité moindre? Ce Docteur, bien loin d'avoir admis la [1] prévision d'une grâce suffisante; distribuée dans la vision conditionnelle que vous supposez, apporte, dans son enseignement, un argument de toute première force contre vous.

  A023000152 

 En outre, l'argument dé saint Thomas montre que ce Docteur a été d'un avis différent, puisque, selon lui, la prédestination [3] comprend les moyens et la fin; d'abord la fin, ensuite les moyens.

  A023000152 

 En quatrième lieu, la première proposition des adversaires est en contradiction avec leur quatrième, car il n'y a presque personne (surtout parmi les chrétiens) qui, dans toute la série ou économie de la grâce, n'ait pas en partage une grâce plus que suffisante qui le justifie, lui fasse concevoir de bons désirs; et cependant, dans la quatrième proposition il est dit que les réprouvés reçoivent la seule grâce suffisante: ce qui est faux, attendu que de nombreux réprouvés se trouvent être des chrétiens, lesquels ont plus que la grâce suffisante..

  A023000152 

 En troisième lieu: ainsi l'entendent presque tous les scolastiques, comme on peut le voir dans le Lexicon theologicum.

  A023000152 

 La première a été réfutée par l'argument de saint Thomas: la volition de la fin, en effet, précédant celle des moyen?, la préparation de la fin doit précéder aussi celle des moyens; bien plus, les moyens ne sont préparés qu'en vue de la fin.

  A023000152 

 Par suite, cette volition de la fin est la racine première de tous les biens surnaturels.

  A023000154 

 Donc d'après les œuvres: non seulement les œuvres faites, mais aussi l'absence des œuvres par rapport au devoir à accomplir.

  A023000154 

 En troisième lieu, si les futurs réprouvés avaient usé suivant leur pouvoir de la grâce suffisante, Dieu les eût tous aimés.

  A023000154 

 Par suite, si Dieu les a haïs, c'est-à-dire ne les a pas aimés (selon l'interprétation même des adversaires), s'est qu'ils n'ont pas employé cette grâce.

  A023000155 

 Augustin ne nie pas qu'en Dieu soit la volonté de sauver [5] tous les hommes; eux le nient.

  A023000155 

 Et Augustin est bien moins sévère qu'eux, car il n'admet pas que quelqu'un soit rejeté sans faute, mais il donne comme cause juste à cette réprobation le péché originel; eux, au contraire, prétendent qu'innombrables sont les réprouvés, sans relation aucune à une faute ou à un péché quelconque, et que seulement quelques-uns sont sauvés.

  A023000156 

 Le but principal de celui-ci ayant été de combattre Pélage, notre opinion, en lui donnant un sens droit, ne peut s'éloigner plus que la vôtre de celle d'Augustin: en d'autres termes, s'il est vrai que nous avouons tous que c'est gratuitement et grâce à la miséricorde de Dieu que les prédestinés le sont, Augustin donne là-dessus son explication, vous une différente, nous encore une troisième; mais nous, au moins, nous nous séparons d'Augustin avec d'autant plus de sécurité que nous suivons les traces de tous les autres Pères; tandis que pour vous, l'abandon que vous faites de saint Augustin est d'autant plus dangereux, que vous vous éloignez et écartez davantage, en solitaires, de tous les autres..

  A023000168 

 L'homme peut-il par le seul effort de ta nature connaître les vérités naturelles?.

  A023000171 

 IV, Sagesse, XIII; parce que les autres choses naturelles font des opérations en proportion avec leur forme..

  A023000172 

 L'homme ne peut connaître dans leur ensemble ni les vérités spéculatives, ni celles d'ordre pratique, car tous les philosophes ont fait quelque erreur.

  A023000172 

 Toutefois les empêchements ci-dessus, quoique extrinsèques par rapport à l'intelligence humaine, ne sont pas extrinsèques, mais bien intrinsèques à l'homme, parce qu'il est mortel..

  A023000172 

 [Autre raison:] parce que l'erreur est la peine du péché originel; Clément d'Alexandrie (lib. V Strom.) présente cette [8] preuve en s'attachant aux empêchements extrinsèques, à savoir la brièveté de la vie, etc. Par ailleurs, les vérités en question ne sont pas en dehors de l'objet proportionné à l'intelligence humaine, mais il faudrait, pour les connaître, une vie d'une durée infinie et une mémoire également d'une étendue infinie.

  A023000184 

 [Dernier argument scripturaire:] Matt., V: Est-ce que les payens ne font pas cela?.

  A023000221 

 L'opinion de Grégoire, [docteur] de Rimini, sur le concours de Dieu donné aux actes mauvais au moyen d'une influence s'unissant à la volonté qui se détermine, et aussi sur son concours aux actes bons au moyen d'une prédétermination de la volonté, cette opinion, dis-je, ne me satisfait pas, parce qu'elle supprime presque la liberté dans les actes bons, comme nous le dirons mieux plus loin.

  A023000222 

 Par suite, ce ne serait pas Seulement une permission que nous aurions à l'égard du mal à accomplir; car la permission est indifférente aux deux termes de l'opposition, et toutes les fois qu'il est [11] en notre pouvoir de nous déterminer à un acte mauvais, il est aussi en notre pouvoir de nous déterminer à un acte bon..

  A023000232 

 BERNARD — Troys: premierement, je renonçay au diable et a toutes ses œuvres qui sont toutes les sources du peché.

  A023000234 

 BERNARD — Je promis de garder les douze articles de nostre sainte foy..

  A023000236 

 BERNARD — Je promis de garder les dix Commandemens de Dieu et ceux de la sainte Eglise nostre Mere..

  A023000238 

 BERNARD — Il y en a de troys sortes: les premiers sont ceux qui le sont de nom seulement; les secondz, ceux qui le sont de nom et de foy, et les troysiesmes, ceux qui le sont de nom et de foy et d'œuvres..

  A023000239 

 FRANÇOIS — Les premiers que sont ilz?.

  A023000240 

 BERNARD — Ce sont les heretiques, qui n'ont rien que le nom, a cause du Baptesme qu'ilz ont receu..

  A023000243 

 FRANÇOIS — Les secondz Chrestiens que sont ilz?.

  A023000244 

 BERNARD — Ce sont les mauvais Chrestiens, qui ont la foy et le nom, mays qui ne font pas ce qu'ilz croyent..

  A023000250 

 BERNARD — Ouy, sans doute, et leurs bonnes œuvres les accompaigneront apres leur mort..

  A023000260 

 BERNARD — Elle denote les effectz que la grace divine opere en l'interieur de nostre ame..

  A023000264 

 BERNARD — Troys foys: la premiere sur l'estomach, la seconde sur les espaules, la troysiesme sur la teste..

  A023000266 

 BERNARD — L'unction sur l'estomach est pour nous embraser en l'amour de Dieu; celle sur les espaules est pour nous fortifier a porter la charge des commandemens et des ordonnances divines; celle sur le front, a fin que, publiquement et sans honte ni crainte, nous confessions la foy de Nostre Seigneur Jesuschrist..

  A023000272 

 BERNARD — Autant que j'ay de doigtz a la main: la premiere, la foy; la seconde, l'esperance; la troysiesme, la charité; la quatriesme, les Sacremens; la cinquiesme, les bonnes œuvres.

  A023000278 

 BERNARD — Troys, qui sont la source de toutes les autres: orayson, jeusne et aumosne..

  A023000297 

 Moi GABRIEL DE SAINT-MICHEL, je reconnais et confesse, de coeur contrit et humilié, devant la Très Sainte Trinité et toute la Cour céleste, et vous autres témoins, que j'ai gravement péché en adhérant aux hérétiques et en croyant leurs diverses hérésies, surtout celles-ci: que le saint Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas vraiment, réellement et substantiellement dans le très auguste Sacrement de l'Eucharistie; qu'il n'est pas un vrai et [16] propitiatoire Sacrifice pour les vivants et les morts, lorsque, d'une manière non sanglante, il est offert à la Messe par les prêtres; qu'il n'existe aucun feu purificatoire après cette vie; que les Saints et les Bienheureux qui sont dans les Cieux ne doivent pas être invoqués; que l'Eglise Catholique visible peut errer et se tromper; et autres très nombreuses..

  A023000306 

 Et quoy? disois je, ceste sacree parolle qui est sur le commencement de ce Symbole, ne suffiroit elle pas, quand il n'y auroit autre, pour rompre tous les effortz de ces seditieux? JE CROY: c'est le mot que j'ay ja prononcé des mon Baptesme par la bouche de ceux qui m'y presenterent; je suis donques croyant et fidelle, non pas entendeur ou compreneur, et partant, plus on me rend ce Sacrement malaysé a entendre et comprendre, plus on me le rend croyable et venerable.

  A023000306 

 Suyvant le conseil de ces deux grans serviteurs de vostre Majesté, Ambroyse et Augustin, je m'en suys armé comme de la marque de vostre sauvegarde, j'ay fermé et cacheté mon cœur de ce sceau, affin qu'il ne fust ouvert a leurs suggestions; ce m'a esté comme un [19] carquois qui m'a fourny mille et mille traitz pour les combattre.

  A023000311 

 La parolle de Dieu a eu tant de vertu que, par elle, les choses qui n'estoyent ont esté: combien plus en aura elle, pour faire estre ou bon luy semble celles qui sont, et les changer en autres? Elle a bien mis en un lieu ce qui n'estoit point: pourquoy ne mettra elle en plusieurs ce qui estoit en un? [20].

  A023000321 

 N'est il pas bien croyable? L'amour des meres ne se contente pas d'avoir produit l'enfant de la substance d'icelles s'il ne l'en faict encor nourrir, Et pour vray, apres tant d'exquises representations de ceste Passion desquelles ont esté repeuz les serviteurs, comme ont esté l'aigneau paschal, la manne et plusieurs autres, c'eust esté une trop maigre et froide commemoration d'icelle, pour les enfans, de n'y employer autre que du simple pain et du vin.

  A023000324 

 C'est luy qui, pouvant visiter en mille autres façons les siens qui estoyent au sein d'Abraham, descendit toutesfois es enfers pour les visiter en la reelle presence de son ame; ce n'est merveille si, pouvant nous nourrir en plusieurs autres manieres, il a choysi la plus chere, admirable et aymable, qui est de nous donner en viande sa propre chair..

  A023000325 

 Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?.

  A023000328 

 Trouverons nous estrange que ce cors vienne reellement et de fait, quoy que surnaturellement, dans les nostres, puysque, plus leger qu'un oyseau, outrepassant toutes les regles d'un cors humain, il est monté sur tous les cieux? «Il est assis a la dextre de Dieu le Pere,» sur tous les cieux, ou il n'occupe plus ni lieu ni place; car, quelle superficie peut environner le cors qui est au pardessus de tout autre cors? Pourquoy ne sera il bien icy bas sans tenir ni remplir aucun heu ni aucune place?.

  A023000331 

 Ainsy, n'estant pas sujet a lieu, ni place, ni pesanteur, il comparoistra en l'air au dernier jour avec ses Saintz, visible a tous les hommes ou qu'ilz soyent, quoy qu'avec divers effectz; non sans aussy grand miracle que celuy par lequel il est invisible en ce grand Sacrement.

  A023000336 

 Le Saint Esprit a dicté les Saintes Escritures; eust il mis en icelles des parolles si expresses et vives comme sont celles cy: Cecy est mon cors, si ce n'estoit le vray Cors de Nostre Seigneur? N'y eust il pas faict mettre quelque declaration de son intention, s'il l'eust eu autre que ces parolles ne portent en leur sens propre et premier? Et luy, qui est Docteur en l'Eglise, l'eust il laissee aller, en un article si important, a l'erreur et mensonge? l'eust il abandonnee si longuement?.

  A023000340 

 Et si nous ne mangions qu' une mesme viande spirituelle par foy, quelle plus grande communion auroit le Chrestien avec les autres Chrestiens qu'avec les anciens Juifz qui mangeoyent aussy Jesuschrist par foy, et par consequent une mesme viande spirituelle? N'avons nous rien plus qu'eux?.

  A023000346 

 Hé, beny Jesus, quand sera ce qu' en un moment, en un clin d'oeil, a la derniere trompette, les mortz resusciteront, et la mesme chair d'un chacun, ja dissipee en cent mille façons, sera reproduitte l'autre foys en chair incorruptible et immortelle? Mon Dieu, quelle merveille Mays ce pendant, j'admireray chose presque pareille: [24] en un moment, en un clin d'œil, a la trompette de vostre parolle, vostre mesme Cors, qui est assis a la dextre du Pere au Ciel, est en certaine façon reproduit en ce saint Sacrement par tout ou le mistere en est celebré..

  A023000347 

 Mays, o Seigneur admirable, si un peu de levain faict bien lever toute une grande masse de paste, si une blüette de feu suffit pour embraser une mayson, si un grain mis en terre faict fertile la terre et en reproduit tant d'autres, combien dois je esperer que vostre beny Cors entrant au mien, la sayson estant venue il le relevera de sa corruption, l'enflammera de sa gloire et le produira immortel, impassible, subtil, agile, resplendissant et assorty de toutes les qualités glorieuses qui se peuvent esperer! Ceste vigueur ne se peut trouver es figures; il faut qu'elle parte de la verité de vostre tres pretieux Cors..

  A023000358 

 Ce qui fut cause que le Bien-heureux François, voyant que chacun se tenoit en silence, prit la liberté, non pas d'agir, mais de parler;... et escrivit un livre de la Demonomanie, ou bien des Energumenes, lequel toutesfois il n'a pas mis en lumiere, quoy qu'il soit parfaict; et ne sçait-on pas pourquoy.» Le biographe donne ensuite les titres des neuf chapitres de ce Traité et un sommaire de l'ensemble.

  A023000358 

 «En ces temps, plusieurs Chablaisiens estoyent tourmentez des malins esprits, et le Bien-heureux François prenoit beaucoup de peine pour les chasser de leurs corps, et de faict les chassoit.» Les «ministres continuoyent à dire que le Papiste estoit un sorcier et magicien; les autres disoyent que ceste apparence de vexation se faisoit par la force de l'imagination...; d'autres encores, ou nioyent qu'il y eust des diables, ou, s'il y en avoit, qu'ils eussent tant de pouvoir sur les corps humains.

  A023000360 

 D'après Grillet ( Dictionnaire historique... des départemens du Mont-Blanc et du Léman, Chambéry, 1807, tome III, p. 318), le Traité sur les inergumines, Mss., 1597, se «conservoit, en 1792, dans les archives de Thorens,» avec les autres «manuscrits non imprimés de saint François de Sales.».

  A023000361 

 De même que M. de Cambis, les historiens de l'Evêque de Genève n'ont fait que répéter l'assertion de Charles-Auguste; l'avocat Alibrandi, défendant en Cour de Rome la cause du Doctorat de notre Saint, n'hésita pas à classer ce Traité dans la liste de ses Œuvres; D. Mackey lui-même, s'appuyant sur le témoignage du biographe, témoignage irréfragable, lui semblait-il, a maintenu cette opinion dans son Introduction générale (tome I er de la présente Edition, note (88), p. LXXXV).

  A023000364 

 (Cf. Houssaye, M. de Bérulle et les Carmélites de France, Paris, Plon, 1872, chapitres IV, V, et notamment les pp.

  A023000366 

 Quelques-uns de ceux-ci, dans leurs dépositions au II d Procès de Genève, empruntent parfois leurs témoignages au neveu et successeur du Bienheureux; leur silence au sujet du livre sur la Démonomanie semble prouver qu'on avait alors reconnu, malgré les affirmations du biographe, que sa composition ne devait pas être attribuée au Serviteur de Dieu..

  A023000366 

 — Aucun déposant aux Procès de Béatification du saint Evêque n'a fait mention du Traité qui nous occupe, plus considérable, cependant, que la Briefve Meditation sur le Symbole et les deux Lettres au ministre Viret dont plusieurs témoins ont [28] parlé.

  A023000367 

 — Si l'on compare le Traicté des Energumenes de M. de Bérulle avec l'analyse détaillée que M. de Cambis donne de l'ouvrage qu'il croyait être de notre Saint, on y retrouve absolument les mêmes divisions et le même ordre de pensées, (Voir Œuvres complètes de de Bérulle publiées par l'abbé Migne, Paris, 1856, tome unique, col.

  A023000368 

 Grillet le classe parmi les manuscrits, et ajoute qu'il portait la date de 1597.

  A023000370 

 La question reste donc désormais tranchée: saint François de Sales n'est pas l'auteur du Traité des Energumenes; et lors même qn'il aurait, en 1597, composé un petit écrit touchant les possessions diaboliques, si fréquentes en Chablais à cette époque, le sommaire qu'en donnent Charles-Auguste et Cambis n'est certainement pas celui de cet écrit, mais bien celui de l'ouvrage de Pierre de Bérulle, puisqu'on y retrouve le même nombre de chapitres et les mêmes divisions..

  A023000376 

 Les raysons que vous produyses contre ma Consideration sur le Symbole establissant tousjours tant plus sa verité par les fausetés sur lesquelles elles sont fondëes, prenes a gré, je vous prie, que je les vous monstre..

  A023000377 

 Si donques il est dict a la Vierge: Tu concevras et enfanteras, il est dict aussy cela devoir estre faict outre l'ordre de nature, par les paroles [31] suyvantes: Le Saint Esprit surviendra en toy, et caetera.

  A023000378 

 La proposition de saint Pol, que Jesuschrist a esté faict semblable a nous en tout et par tout, hormis le peché, n'est veritable au sens que vous la proposes contre l'intention de l'autheur, car voyci des instances inevitables: Jesuschrist a esté faict en tout et par tout semblable a nous; nous ne sommes point nés d'une vierge, ne marchons dessus les eaux, n'entrons pas en aucun heu les portes fermëes; donques, ni Jesuschrist.

  A023000378 

 La seconde, qu'il a esté semblable a nous, non pour demeurer ainsy perpetuellement, mays pour endurer et souffrir, ayant parfois monstré qu'il n'estoit suject a demeurer en la condition de ceste nostre mortalité et infirmité, marchant sur les eaux, jeusnant quarante jours, se transfigurant, sortant du sepulchre, entrant les portes fermëes.

  A023000380 

 — Si, en la premiere proposition, vous entendes du cors humain selon l'ordinayre de la nature, vous parles bien; si vous entendes du cors humain eslevé et assisté par la vertu divine, vous parles mal, car l'instance est inevitable en la sortie de Jesuschrist du ventre de sa Mere et du sepulchre, et a l'entrëe qu'il fit les portes fermëes.

  A023000381 

 Or, tous les medecins, philosophes, jurisconsultes et bons theologiens establissent la perfection de la virginité corporelle en deux choses: l'une est l'integrité des parties naturelles genitales; l'autre, a n'avoir jamais eu connoissance d'homme: d'ou sont sorties les loix de ventre inspiciendo.

  A023000383 

 Mays quand il parle en particulier du cors de Jesuschrist, disant qu'il est «in aliquo caeli loco [34] propter veri corporis modum,» conforme au dire de saint Pierre, il ne faict rien contre nous, car les bons entendeurs sçavent qu'il y a difference entre estre en un lieu, et occuper un lieu ou place; tesmoins les Anges et les ames.

  A023000383 

 Saint Augustin donques, en ceste epistre, combat les Ubiquitaires qui disent le cors de Nostre Seigneur estre par tout, et non les Catholiques qui confessent qu'il est en certains lieux, quoy que sans occuper lieu, a la façon des espritz; ainsy qu'il penetra dedans la salle, les portes estans fermëes.

  A023000383 

 Saint Augustin, en l'epistre ad Dardanum, parle des cors selon l'ordre naturel, monstrant qu'ilz dependent du lieu et de la place; et qu'au contrayre, la nature divine ne depend d'aucun lieu ni place, ains conserve tous les lieux et toutes les places.

  A023000384 

 Ceste loy donques est observëe par ses parens, parce qu'il estoit estimé né comme les autres.

  A023000385 

 Et de faict, son entrëe fut tant esloignëe de la façon naturelle des choses, que, comme dict saint Luc, chap. 24, verset 36, [37], les Disciples pensoyent voir un esprit ou fantosme.

  A023000385 

 Quand Nostre Seigneur s'esvanouït devant les deux disciples (en S. Luc, 24, verset 31), ne se rendit il pas invisible et imperceptible? Item, se representant au milieu des Disciples, n'entra il pas imperceptiblement, impalpablement et sans occuper place? puysque, comme dict [35] saint Jan, chap. 20, verset 19, il entra les portes fermëes.

  A023000386 

 Ce pendant, prenes garde qu'admettant ouverture au ventre de la Vierge, vous vous rendes coulpable de l'haeresie de Jovinien et que, nous accusant de nier la verité du cors de Nostre Seigneur, vous ne faites rien que ce qui a esté faict contre les plus anciens Catholiques, ainsy que tesmoigne saint Augustin.

  A023000386 

 Certes, c'est chose bien aysëe de trouver des difficultés es misteres de nostre sainte foy, mays cela ne suffit pas pour les rejetter.

  A023000387 

 Si vous n'aves les livres que je cite, venes, et je les vous ferav voir, et peut estre vous leveront ilz la honte de vous repentir quand vous verres de n'avoir pas tant contredit a ma Consideration qu'a la doctrine de l'ancienne Eglise..

  A023000397 

 Les bons entendeurs sçavent que la diversité de la production des choses ne destruit point leur substance.

  A023000398 

 Vous ne refutes point les confirmations que j'ay produittes a ce mien dire, mais seulement persistes a vostre premiere proposition; j'attendray donques que vous y respondies, avant qu'en alleguer d'autres, s'il y eschoit..

  A023000399 

 Naistre d'une Vierge, marcher sur les eaux, entrer les portes fermëes, ne destruit point la nature humaine de Jesuschrist, qui ne laisse pour cela d'avoir un tres vray cors humain et naturel, non plus que saint Pierre.

  A023000400 

 Confessons donq qu'estant vray Dieu et vray homme, il a peu sortir son cors du sepulchre, entrer les portes fermëes, sortir d'une Vierge sans ouverture, estre en plusieurs lieux et sans occuper place, sans que pour cela il laisse d'avoir un tres vray et reel cors humain, composé d'os, de chair et de sang: autant possible l'un que l'autre a Celuy auquel rien n'est impossible..

  A023000400 

 Et si, n'estime qu'un cors semblable aux nostres ne puisse entrer les portes fermëes, et cæt.; mays je dis que lhors que cela se feroit, il ne seroit plus semblable aux nostres en cela.

  A023000400 

 Il jeusne 40 jours surnaturellement, il a faim naturellement; il est conceu d'une Vierge et né d'une Vierge surnaturellement, il pleure, dort et mange naturellement; il marche sur les eaux surnaturellement, il marche parmi Hierusalem naturellement; il est transfiguré surnaturellement, il est en la table naturellement.

  A023000401 

 Mon garand en avoit dict de mesme, ains bien plus, car le mot de partus ex Virgine se peut entendre non seulement de la conception, mays de toutes les autres actions ou entremises necessaires a la parfaitte disposition d'un filz: qui me faict tant plus croire que quelque chaleur, ou du desir de reprendre, ou du zele sans science, vous a empesché de considerer que vous enveloppies dans vostre censure mon garand avec [39] moy, pensant peut estre vous opposer a quelque absurdité..

  A023000402 

 Or, saint Pierre, assisté de la vertu divine, marchoit sur les eaux, et neanmoins occupoit place; aussi ne dis je pas qu'un cors eslevé par la vertu divine n'ayt jamais occupé place, mays seulement quil peut estre sans l'occuper, asçavoir estant assisté et eslevé a cest effect, qui n'est aucunement possible..

  A023000404 

 Pour bien respondre, il failloit monstrer que le vostre vaut mieux, car c'est cela que je nie; et de faict, comme vous accommodes le mien, j'accommoderay les vostres..

  A023000406 

 Il n'est vrayement pas necessaire que copula et partus concurrat ad violationem virginitatis, car l'un des deux suffit; qui est ce que je dis, et que les Anciens ont soustenu contre Jovinien.

  A023000408 

 Je ne vous fais donques point de tort de vous attribuer l'erreur de ceux qui ont dict la Vierge avoir esté corrompue en l'enfantement, quoy que sans aucune connoissance d'homme; car, quelle autre corruption ont ilz peu mettre en l'enfantement que celle que vous y mettes? et dequoy est ce que les anciens Peres les ont repris que de ce dont je vous reprens? Si vous ne quittes l'erreur de Jovinien, je ne quitteray point les reprehensions de saint Ambroyse, saint Hierosme et saint Augustin.

  A023000409 

 Les bons entendeurs sçavent cela..

  A023000410 

 Il me semble, si je sçay lire, que vous dites que les deux natures sont unies ensemble en une mesme hipostase, хоινωνίαν.

  A023000410 

 Nous sçavons fort bien les fondemens pretenduz de [41] l'Escriture, des Brentiens et autres reformés Ubiquitaires, a la façon de les combattre.

  A023000413 

 Qui a jamais dict que, quod repente Christus ab oculis discipulorum evanuit, fuerit umbrae aut phantasmatis? Imo sane virtus Dei est quae corpora, etiam solidissima et humana, oculis mortalium eripit, et les rend invisibles pro tempore, comm'il luy plaist: ainsy fit il quand, transiens per medium illorum, ibat..

  A023000415 

 Plus donques je m'oppose a vous en cest endroit, plus je suis, et de vous et de tous les autres,.

  A023000426 

 Pourquoy donques est ce que ces pretenduz reformateurs ont laissé les anciens et accoustumés noms de ce Sacrement pour luy imposer celuy de Cene? Ne monstrent ilz pas en cela un'extreme affectation de nouveauté? Que s'ilz estiment que saint Pol aye employé le mot de cent pour signifier l'Eucharistie, quand il reproche aux Corinthiens la façon de faire leurs cenes, ne sont ilz pas ineptes? veu que l'Apostre declaire qu'il parle d'une cene en laquelle on s'enyvroit, ou s'avançoit on de manger son souper en particulier, [que] les riches en avoyent plus que les pauvres, et qu'on pouvoit faire chacun chez soy: ce qui ne peut arriver en la manducation de la sacree viande.

  A023000430 

 Les Apostres ayans connoissance des langages de tous les coins du monde ou ilz ont conversé, qui sont en grand nombre et fort divers, n'ont toutesfois laissé l'ordre et façon de celebrer l'Eucharistie qu'en troys langages au plus.

  A023000430 

 Pourquoy donques est ce, et par quelle authorité, que les ministres l'ont produit a leurs gens en tant de differens langages, difformes, desreglés et bastars? Ont ilz eu plus de soin et de charité vers les peuples que les Apostres?.

  A023000434 

 Nostre Seigneur proteste qu'il ayme les petitz enfans, veut qu'on les laisse venir a luy, ains dict que qui n'est semblable a eux n'est sortable au Royaume des cieux.

  A023000434 

 Pourquoy donq est ce que les ministres leur refusent la Cene et l'accordent aux femmes, que l'Escriture n'appelle point? notamment s'il est vray ce que Calvin escrit au milieu du § 33.

  A023000434 

 Quel rideau pourront ilz tirer pour voyler ceste acception de personnes, preferans, en l'usage de ce Sacrement, les femmes aux petitz et innocens enfans, sinon qu'ilz ayent recours a la sainte Tradition?.

  A023000438 

 Quelle asseurance donques peuvent avoir les ministres, qu'il faille employer, en l'usage du calice, le vin pur plustost que l'eau, ou la cervoise, ou le vin attrempé par l'eau? Si cela revient plus a leur goust, si n'est il pas pourtant plus commandé [45] en l'Escriture.

  A023000442 

 Puys donq qu'il dict ces sacrosaintes parolles a mesme qu'il presentoit ceste sainte viande, pourquoy est ce que les ministres baillent leur Cene sans les dire, se contentans de les dire avant la communication? Que ne font ilz ce que Nostre Seigneur fit, ou que ne confessent ilz qu'ilz ne le font ni veulent faire!.

  A023000446 

 Il commande l'immolation et manducation de l'aigneau; il ordonne les oblations de plusieurs animaux; il commande le Baptesme aux Apostres: toutes ces choses, sont entendues comme sonne la lettre, on n'a point de recoure aux figures.

  A023000446 

 Puysque nul autre Sacrement au Viel ni au Nouveau Testament, voire ni aucun sacrifice ni ceremonie n'ont jamais esté institués avec parolles figurees, comme peut estre que ce tres grand et, sur tous les autres misteres de la religion chrestienne, principal Sacrement du Cors de Jesuschrist, ayt esté institué par un parler figuré, comme vous dites? Au lieu qu'il est escrit: Cecy est mon cars, vous voules gloser: «Cecy signifie mon cors.» Dieu commanda aux Israëlites de se circoncire: c'estoit un commandement un peu difficile; toutesfois on le prend tout simplement, sans l'eluder et divertir par figures et metaphores.

  A023000450 

 Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes..

  A023000450 

 On accordera bien que si, pour choses mal sonnantes, saint Augustin entendoit ce qui est contre la loy de nature, blasmer, mentir, et, comme vouloyent les Capharnaïtes, deschirer Jesuschrist vivant, qui sont choses qui ne se peuvent jamais droittement commander, vous entendes saint Augustin comme il faut.

  A023000450 

 Pourquoy vous couvres vous du dire de saint Augustin disant, qu'es choses absurdes et mal sonnantes, il faut recourir aux figures? et pour ce, vous dittes les paroles.

  A023000451 

 En l'Escriture Sainte, vous verres plusieurs choses qui, de premier abord, sembleront absurdes, lesquelles toutes-fois on ne lira point a sens figuré: comme, lhors qu'il fut commandé a Abraham de mettre les mains sur son propre filz; a Esaye, de cheminer tout nud; a Ezechiel, de manger du pain trempé en la fiente.

  A023000452 

 Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la..

  A023000456 

 En la simple et toute pure loy de nature, Abel, Noë, Abraham, Melchisedech, Isaac et Jacob faisoyent des sacrifices exterieurs, outre les prieres et louanges.

  A023000456 

 Or, la loy de nature n'a pas esté abolie, ains consolidëe par l'Evangile: pourquoy donques ne veulent les ministres recevoir en leur religion aucun sacrifice exterieur?.

  A023000460 

 Or, ceux qui ont servi au tabernacle ont eu l'autel de leur cœur, sur lequel ilz pouvoyent offrir les sacrifices spirituelz, et ont mangé par foy et en esprit Jesuschrist crucifié; autrement ilz seroyent tous damnés.

  A023000464 

 De Beze escrit clair et net, en sa Preface sur Josué, que c'est à Calvin, «apres Dieu, qu'appartient l'honneur de la resolution despuis suyvie par toutes gens de bon jugement,» touchant «ce qu'il faut croire, chercher et recevoir en la Cene.» Que sont donques devenuz tous les devanciers? Ce mistere si important aura il esté caché a toute l'Eglise ancienne, pour estre descouvert a ce seul pretendu mignon et favory du Saint Esprit? Que ne confesse on donques franchement que ceste reformation est toute nouvelle et non jamais conneûe a l'ancienneté!.

  A023000468 

 Quelle loy vous exempte de laver les piedz les uns aux [48] autres avant la celebration de la Cene, comme Nostre Seigneur fit et ordonna? Si ce n'est la Tradition, ce ne peut estre que vostre propre jugement..

  A023000472 

 Nostre Seigneur establit ce saint mistere de son Cors et Sang le soir apres souper: qui vous a dispensés de le faire a autre heure? Ou si vous estimes que les circonstances observees par Nostre Seigneur sont peu considerables?.

  A023000476 

 3 de son Inst., chap. 5, § 10, confesse que la priere pour les mortz estoit en usage en l'Eglise «avant treize cens ans»?.

  A023000476 

 Pourquoy nies vous que ceste remission aye lieu pour les pechés des deffunctz, plustost que pour ceux des mortelz? Qui vous a baillé pouvoir de restraindre les graces de Dieu mesme, puysque Calvin, 1.

  A023000480 

 Pourquoy prives vous les malades de ce Sacrement, contre l'institution d'iceluy qui ne les rejette point? puysque telles gens en ont plus de necessité que les autres, et que «l'ancienne Eglise» le leur conferoit tres soigneusement, comme Calvin mesme confesse 1.

  A023000493 

 Et partant, le mot d'adoration ne signifie pas seulement la reverence ou hommage que la creature doit a son Dieu immediatement, mais aussi l'honneur ou veneration qu'on porte aux creatures superieures ou qui ont rapport aux superieures; si que l'Escriture et tous les anciens Peres [50] employe ( sic ) le mot d'adorer ores pour la reverence faitte a Dieu, ores pour celle qu'on fait aux creatures..

  A023000494 

 C'est pourquoy les devanciers ont quelquefois fait difficulté d'appliquer le mot d'adoration a l'honneur des creatures, quoy qu'ilz sceussent que cela se pouvoit fort bien faire; sur tout, ilz ont observé cecy quand ilz ont eu a faire avec les chicaneurs, heretiques, schismatiques et reformeurs..

  A023000494 

 Et neanmoins, qui considerera de plus pres l'Escriture et les Anciens, trouvera que le mot d'adorer panche un peu plus a l'honneur deu a Dieu seul que non pas a l'autre; de façon que l'hors que le mot d'adorer est seul en l'Escriture, il s'entend ordinairement de l'adoration de latrie.

  A023000495 

 Adjoustes les lieux ja cités au chapitre precedent et en l'Advant Propos..

  A023000495 

 Que le mot adorer s'applique a l'honneur des creatures, en voicy une preuve trop abondante Abraham adora les enfans de Heth et l'Ange, comme firent aussi Loth, Josue et Balaam; Saul adora l'ame de Samuel; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint; l'Eglise d'Israël adora Salomon.

  A023000496 

 Que les Peres en ayent fait de mesme et neanmoins ayent estimé que le mot d'adoration tirast un peu plus a l'honneur de latrie, j'en produiray ces exemples.

  A023000504 

 Frere Cherubin, respondant a la proposition faitte ce [52] jourdhuy, seziesme d'aoust 1598, par noble Jean Sarazin, envoyé par les seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve, dit:.

  A023000513 

 Ce qu'estant fait maintenant par [55] carte proposition en laquelle ell'est advoüee, il accepte de nouveau les offres contenus en laditte lettre..

  A023000514 

 Et quant a la nomination des termes usites en toute legitime dispute, que ledit sieur Sarazin dit estre venu ouïr, a sçavoir: du lieu et tems, du nombre des disputans, des pointz de doctrine desquelz sera traitté en la dispute, des secretaires et des moderateurs, estant chose* reciproque qui se doit passer de commun accord entre les parties, il prie tres affectionnement ledit sieur Sarazin de se treuver icy mercredy prochain, 23 de ce moys, avec amples memoires et pouvoir d'en traitter; et l'hors, il s'offre passer une pleyne et asseuree resolution touchant les pointz requis et autres tendans a mesme fin, sil y escheoit.

  A023000514 

 Ou n'en voulant lesdits seigneurs Scindiques et Conseil de la ville de Geneve prendre aucune resolution sans avoir premierement communiqué le tout auxditz Seigneurs de Berne, pour le respect qu'ilz leur ont, on pourroit au moins, audict jour de mercredy, dresser les articles et memoyres touchant le lieu, tems, nombre de disputans, moderateurs, secretaires, et les pointz de doctrine a disputer; en reservant une pleyne resolution apres que lesdits Seigneurs de Berne auront fait sçavoir ausdits seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve leur volonté.

  A023000522 

 Frere Cherubin, suyvant la demande faite ce jourdhuy, 24 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, tendant a ce que communication luy soit faite des termes et justes conditions a observer en la conference dont a esté traitté cy devant, et suyvant les offres faitz en la premiere proposition du susdit sieur Sarazin, en date du 16 aoust, an present, de la part des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve et acceptee par ledit Frere Cherubin, ainsi quil appert par les actes cy devant sur ce passés, sur lesquelz il insiste, respond quant a present par les articles suyvantz:.

  A023000523 

 Quant au lieu, pour plus grande commodité des parties, il nomme Thonon ou la ville mesme de Geneve, avec les asseurances requises en tel cas, pour entrer, sortir et demeurer..

  A023000528 

 Et quant aux pointz a traitter, pour prendre les plus import antz il propose ceux cy:.

  A023000529 

 De la vraye regle pour connoistre les Livres canoniques;.

  A023000530 

 Du droit d'interpreter les Escritures;.

  A023000537 

 De la Justification par les œuvres..

  A023000539 

 Sauve aussi, entre cy et le commencement de laditte conference, de nommer autres moderateurs et secretaires, [59] si quelque incommodité survenoit pour laquelle les nommés ne puissent se trouver pour faire ce dont est question..

  A023000540 

 Et pour faire une bonne et solide conclusion de tous articles a passer touchant laditte conference et y mettre la derniere main, il demande que tout au plustost on aye communication de l'intention desditz seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve touchant les pointz sus escritz, pour en pouvoir faire une claire et finale resoulution en la presence de Son Altesse pendant que l'on en a la commodité..

  A023000552 

 Cherubin nommast les pointz sur lesquelz on disputeroit, ayant fait ceste nomination, il semble tres raisonnable que lesditz pointz soyent vuydés les premiers; ce qu'estant fait, il offre d'opposer et d'entrer en la discution de ceux qui seront choysis audit livret de Confession comme contraversés [61] entre les parties, ou bien telz que les ministres voudront nommer..

  A023000553 

 Que le moyen choysi par les ministres de seulement s'escrire l'un a l'autre n'a aucune conformité a ce qui a esté cy devant traitté touchant la conference, ains en rompt la suitte et le fil; c'est sortir hors les termes d'icelle, et venir a nouveau traitté et renoncer au precedent..

  A023000554 

 Et de plus, que la conference de laquelle a esté traitté cy devant comprent asses touttes les commodités de ce nouveau moyen proposé maintenant, puisqu'on y devoit tout escrire, et fidellement; et, outre cela, apportoit plusieurs autres commodités, comme: le bien de la briefveté des resoulutions; de l'exibition des aucteurs qu'on auroit a proposer; de la plus particuliere et claire declaration de l'intention d'un chacun, laquelle est bien souvent mal aisee a tirer des escritr faitz entre absentz, et y va une grand piece de temps a envoyer et renvoyer, et les raisons se presseront plus et mieux en presence; avec autres telles occasions qui se perdent par la voye proposee par les ministres.

  A023000554 

 Ne voyant qu'on puisse amener autre difficulté sur ceste conference verballe, si non la crainte de l'aigreur des parolles: a quoy desja a esté remedié, tant par les protestes faites cy devant d'apporter toutte la douceur et tranquilité d'esprit possible et necessaire en chose si importante, qu'aussi par la nomination des moderateurs, qui sont personnes d'honneur et empecheront les desordres et accidentz sinistres (en tant que touchent les nostres), par l'auctorité de Son Altesse qu'on offre d'y faire entrevenir.

  A023000555 

 Ce moyen est trop adventageux pour les ministres, non pour la substance du moyen, car elle n'est pas autre que celle de celluy de la conference reduicte par escrit, [62] mais pour plusieurs circonstances; car les ministres sont tousjours en grand nombre, dans Geneve, ensemble, pour s'entraider et entreprester la main les uns aux autres, la ou, de nostre cousté, nous ne pouvons demeurer longuement plusieurs ensemble.

  A023000555 

 Ilz sont en lieu ou ilz peuvent empecher que noz escritz ne soyent ni veuz ni sondés, mais les leurs; qui seroit un brave moyen pour nous faire condamner entre les leurs: la ou nous n'avons telles commodités..

  A023000556 

 Dit que ce moyen ne semble viser a autre qu'a tirer les choses en longueur, dissiper et faire esvanouir tout le desseing projette de ceste conference..

  A023000557 

 Dont il conclud a ce que l'on demeure dans les justes termes d'une conference de mesme forme qu'elle a esté cy devant proposee.

  A023000557 

 Et prie fort instamment que, comme de sa part il a apporté toutte diligence a respondre et nommer les termes de ladicte conference, n'ayant jamais esté le sieur Sarazin arresté icy que demy jour pour avoir les responces, qu'aussi du cousté des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve il y soit procedé avec telle diligence, franchise et naifveté que l'affaire requiert, affin qu'au plustost on en sache la resoulution finale, mesme pendant que l'on a icy lhonneur de la presence de Son Altesse: dont il demande que pour ceste sepmaine, au plus tard, il aye advis certain de la vraye intention desditz Seigneurs; autrement, il sera a croyre qu'on n'aye point de vollonté d'entrer en conference amiable..

  A023000566 

 Sur les propos qui ont esté ci devant tenus, pour l'ouverture d'une conference dans la ville de Geneve, pour le sujet de la religion tant seulement, entre moy avec quelques predicateurs catholiques d'une part, et les ministres de la mesme ville de Geneve d'autre, j'ay fait cet escrit, et i'ay signé de ma main et seellé de mon sceau, pour declairer et attester que toutes fois et quantes que les ministres [65] voudront y entendre, et convenir de conditions raysonnables, sortables et legitimes pour une telle assembles ou conference, je m'y porteray avec toute promptitude et sincerité, esperant en la bonté de Dieu que son nom en sera glorifié, au salut et bien de plusieurs ames, ainsy que je l'en supplie..

  A023000591 

 Semblables aux renards de Samson, dont les têtes séparée? se mouvaient chacune de son côté, mais qui tous avaient leurs queues réunies, ils eurent entre eux un lien commun: celui de porter l'incendie au sein de l'Eglise Romaine et de la détruire, s'il suffisait pour cela de le vouloir.

  A023000592 

 C'est donc d'eux seuls que nous nous occuperons, car des autres, si ce n'était par les livres et renommée, nous ignorerions presque jusqu'au nom..

  A023000592 

 L'extrême division de tous, ces hérétiques permet cependant d'établir parmi eux trois genres principaux auxquels peuvent se rattacher, comme autant d'espèces, les autres sectes inférieures: celui des Luthériens, celui des Calvinistes et celui des Anabaptistes; bien que la situation des Anabaptistes soit déjà telle, que tout le monde, à cause de leur infériorité, non certes en folie et en impiété, mais en nombre, les regarde à peu près comme des ennemis sans force et sans valeur.

  A023000592 

 Nous laissons de côté les autres nombreux, pour ne pas dire innombrables, démons de moindre importance.

  A023000592 

 Parmi eux tous, les principaux et les plus fameux de nom et d'impiété furent: les Luthériens, les Ubiquitaires, les Zwingliens, les Anabaptistes, les Swenckfeldiens, les Davidiens, les Samosaténiens, les Calvinistes, les Anglocalvinistes, les Puritains, les Adiaphoristes, les Osiandriens, les Mélanchtoniens.

  A023000593 

 Du reste, les édits de nos Princes et les nombreux décrets de notre Sénat touchant la religion (édits et décrets que nous n'avons pas [69] jugé à propos de transcrire ici, parce qu'ils ont été imprimés) flétrissent et poursuivent non seulement les luthériens et les calvinistes, mais tous les autres hérétiques, comme sont évidemment tous ceux qui, sous un nom quelconque, ont abandonné la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, et dont les erreurs ont été frappées d'un très juste anathème par le saint Concile de Trente agissant sous l'impulsion du Saint-Esprit..

  A023000594 

 Ç'a été une belle chose et, au milieu d'un si grand malheur, un bonheur pour la République Chrétienne, que ces sectes, qui avaient conjuré contre elle avec tant d'ardeur, eussent des caractéristiques si infamantes que personne ne pût au premier aspect douter qu'elles ne portent au front ce que les saints Canons appellent les apparences distinctives de la perversité «hérétique»..

  A023000595 

 Nous laissons à dessein le reste aux théologiens qui ont traité en si grand nombre et si bien ces matières ex professo.] Nous citerons les paroles mêmes de Luther et de Calvin, afin que n'aient pas le droit de se plaindre d'une invention ou d'un changement de notre part, ceux qui croiront difficilement cette chose en vérité incroyable, qu'un esprit humain ait pu imaginer des impiétés si absurdes et si clairement diaboliques, et des absurdités si impies qui ont cependant réussi à gagner tant d'adeptes.

  A023000595 

 Nous pouvons, en effet, affirmer en toute vérité que rien n'a été fait par nous en cela qui ne soit permis à tout homme pieux et chrétien; nous avons, dans une affaire de si haute importance, apporté les précautions nécessaires pour n'encourir en aucune façon les très justes censures de l'Eglise, censures que nous craignons et respectons.] [71].

  A023000595 

 [Nous parlerons seulement de quelques-unes de ces caractéristiques et dirons peu de chose de chacune, pour ne pas avoir l'air de prétendre au rôle de théologien avec les savetiers luthériens [70] et calvinistes, nous qui faisons profession de juriste et de rien autre.

  A023000595 

 [Toutefois, nous prions tout d'abord les lecteurs catholiques et pieux de ne pas se scandaliser à notre sujet, comme si nous avions lu, contre les décisions de la sainte Eglise, des livres défendus.

  A023000723 

 Aussi est-il clair qu'ils sont du nombre de ceux dont Tertullien a écrit, à propos de tous les hérétiques: «Tout en croyant, ils ne croient pas.» Ils ne sont pas en cela semblables aux païens qui, comme dit le même auteur, «tout en ne croyant pas, croient.» Et je ne vois pas à qui mieux qu'à eux puisse convenir le nom d'άρυοΰμαι ( je nie ), que plusieurs grands écrivains ont estimé être le nom de l'Antéchrist, car la coutume habituelle de tous les antéchrists, c'est-à-dire des hérétiques, est d'établir presque toute leur doctrine sur la négation.

  A023000723 

 En effet, c'est un principe, pour [72] les auteurs comme pour les interprètes de notre Droit, qu'une chose ne peut être douteuse qu'autant que celui qui l'attaque en justice prouve son accusation, même si celle-ci consiste en une négation, surtout s'il s'agit de troubler quelqu'un qui se trouve en possession tranquille de la chose controversée.

  A023000723 

 Il signifie par là que les hérétiques ne construisent presque rien, mais détruisent tout; n'affirment rien, nient tout; sont tels enfin que, s'il faut les appeler chrétiens, il faut les dire chrétiens négativement, non pas affirmativement.

  A023000727 

 Il a pu détruire Praxéas» (ajoutons, si cela vous plaît, Luther et Calvin) «et tous les hérétiques; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne s'ensuit pas qu'il l'ait fait.» Or, ce n'est pas d'une puissance ordinaire que Dieu a pu tout cela, car autre a été l'ordre suivant lequel les choses ont été arrêtées et exécutées; c'est donc d'une puissance absolue, [74] c'est-à-dire d'une puissance libre de toute loi promulguée et de l'ordre de choses établi.

  A023000731 

 Ils nient en Dieu une volonté permissive, et cela contre les innombrables affirmations de la Sainte Ecriture, par exemple celles-ci, Psaume LXXX: Il les a abandonnés aux désirs de leur cœur; Actes, XIV: Il a laissé toutes les nations suivre leurs voies; Luc, VIII: Ils le prièrent de leur permettre d'entrer dans les porcs, et il le leur permit.

  A023000735 

 Voici, en effet, les paroles mêmes de Calvin: «Augustin n'est pas lui-même exempt parfois de cette superstition, comme lorsqu'il dit que l'endurcissement et l'aveuglement n'appartiennent pas à l'opération, mais à la prescience de Dieu; pourtant, un grand nombre de textes scripturaires ne supportent pas ces arguties,» etc. A cette négation on peut opposer ce qu'affirme çà et là la Sainte Ecriture, à savoir que Dieu a prévu la trahison de Judas, le reniement de Pierre, l'aveuglement des Juifs; toutes choses que le Christ a prédites et prévues, sans cependant les vouloir ou les faire..

  A023000739 

 Les Ecritures, au contraire, et le Christ lui-même, affirment que le Christ est.

  A023000739 

 Qui donc peut, en effet, comprendre par un effort de son esprit ou de sa pensée, que celui qui est et est appelé Fils, n'ait pas son essence ou sa nature [76] de celui dont il est le Fils? Qu'a donc pu avoir le Fils du Père, sinon la Divinité? Qu'y a-t-il de commun entre le Père et le Fils en dehors de l'essence? Qu'a donc communiqué le Père au Fils, si ce n'est l'essence même? C'est pourquoi les Ecritures, les Conciles, les Pères, enfin tout l'univers chrétien, proclament que le Fils est «Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu.» Par conséquent, Dieu le Père possède la véritable essence divine, qu'il n'a ni de lui-même, contrairement à l'expression peu prudente de Calvin, ni de quelque autre, mais tout à fait de personne, l'essence n'engendrant pas et n'étant pas engendrée.

  A023000743 

 Ils nient que la mort corporelle du Christ, si le Christ n'avait fait que subir cette mort, nous eût servi en quoi que ce soit: «Rien n'était fait,» dit Calvin, «si tout s'était borné à la mort corporelle du Christ.» Dieu immortel! chaque mot de l'Ecriture rapporte [77] notre salut au sang, à la croix, à la mort du Christ; tous les chrétiens proclament que le Christ a détruit notre mort par sa mort; tous les Saints chantent le cantique de leur rédemption par ces mots: Vous nous avez rachetés, ô Dieu, par votre sang.

  A023000747 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il faut que tu saches ce qu'est en définitive le Christ: or, le Christ en définitive n'est pas Législateur.» Et aussitôt, il traite de «pestilentielle» la doctrine du Christ Législateur.

  A023000751 

 Et les autres Apôtres n'ont pas une doctrine différente, eux qui d'une voix unanime prêchent que le Christ jugera les vivants et les morts..

  A023000755 

 Et en réalité, quelle sera la certitude et l'autorité des Saintes Ecritures, si l'on supprime la Tradition, puisque cette certitude et cette autorité peuvent se prouver non par le témoignage de l'Ecriture, mais seulement par la Tradition? Pourquoi appellerons-nous Livres canoniques les Evangiles de Matthieu et de Luc, plutôt que ceux de Thomas et de Nicodème? Et si quelqu'un se met à nier cela et à rejeter, avec nos hérétiques, la Tradition non écrite, comment arriverons-nous à trouver une preuve contre lui? En outre, où étaient donc l'Eglise et la foi de l'Eglise pendant tous les sièclesles matières de foi étaient traitées, non par l'écriture, mais seulement par la parole? Est-ce que l'Eglise n'a pas été antérieure aux Ecritures? Dans quel endroit de l'Ecriture trouveront-ils quelque chose qui nous oblige à croire qu'il faut ajouter foi seulement à ce qui est écrit? Que dire du Baptême des enfants; du Dimanche à sanctifier, de préférence à tout autre jour, en remplacement du Sabbat juif; de la création des Anges, et de tant d'autres choses du même genre dont la croyance est très certaine dans l'Eglise, et même parmi tous les [80] hérétiques, mais dont la preuve par l'Ecriture est tout à fait inexistante? C'est bien autrement, et magnifiquement comme toujours, que parle Augustin: «Je ne croirais pas à l'Evangile, si» l'Eglise ne me disait que c'est l'Evangile..

  A023000755 

 Ils nient qu'il existe une Tradition simplement orale, et cela [79] contrairement à l'affirmation expresse de saint Paul dans l'Epître aux Thessaloniciens: Gardez, dit-il, les traditions que vous avez reçues, soit de vive voix, soit par lettre.

  A023000759 

 Ils nient que, parmi les Livres de la Sainte Ecriture, ceux de Judith, de Baruch, de la Sagesse, de l'Ecclésiastique, des Machabées et de Tobie aient une autorité canonique, attendu qu'ils n'appartiennent pas au Canon des Juifs; comme s'il fallait attribuer une autorité plus grande à la Synagogue juive qu'à l'Eglise Catholique universelle, laquelle, d'un consentement unanime, a toujours tenu ces Livres pour canoniques.

  A023000759 

 Quelques-uns, parmi ceux-ci, n'ont été écrits qu'après la fixation du Canon des Juifs: qui s'étonnera donc de ne pas les voir insérés dans ce Canon, si ce n'est celui qui, par ignorance de la chronographie, ne sait pas que c'est là une impossibilité? [81].

  A023000764 

 Voyez-vous l'audace et l'impudence de cet homme qui, non content d'avoir détruit autant qu'il l'a pu l'autorité de l'Epître apostolique, accuse encore l'Apôtre d'arrogance, si c'est lui qui a écrit [82] l'Epître, en s'attribuant le droit d'instituer un Sacrement! L'insensé apostat ne voit pas que l'Apôtre agit comme il le fait, non pour instituer le Sacrement de l'Extrême-Onction, mais pour exhorter les fidèles à en user; ce qu'il n'aurait certes pas fait, si le Christ n'avait lui-même institué ce Sacrement..

  A023000768 

 Ils nient que les Saintes Ecritures contiennent des difficultés qui empêchent les fidèles de les comprendre aisément, de sorte qu'elles sont plus claires et plus faciles que les commentaires de tous les Pères.

  A023000768 

 Mais quelle sera donc l'utilité, quelle sera surtout la nécessité des Docteurs dans l'Eglise de Dieu, si les rêves de ces hérétiques sont conformes à la réalité? A quoi serviront tant de [83] commentaires des Pères, composés au prix de tant de veilles et d'études, achevés au prix de tant de fatigues, s'ils sont plus difficiles et plus obscurs que les saints Livres qu'ils ont prétendu expliquer?.

  A023000768 

 Par cette négation ils accusent de mensonge saint Pierre, lequel, quoique fidèle lui-même et instruit (à moins qu'il n'ait été peut-être inférieur à Luther en foi et en doctrine), a écrit cependant que les Epîtres de saint Paul contiennent beaucoup de passages difficiles, que les infidèles et ceux qui sont peu instruits dénaturent, dit-il, comme les autres Ecritures, pour leur perdition.

  A023000776 

 A cette négation est certes contraire l'affirmation du Christ: Les portes de l'enfer ne prévaudront [84] point contre elle; de même celle de Paul, qui l'appelle colonne et soutien de la vérité.

  A023000780 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.».

  A023000781 

 Et s'ils ont ce droit parce que chrétiens, est-ce que les Pontifes, les Pères, les Docteurs ne sont pas aussi chrétiens? Ils l'auront en tant que brebis, non en tant que pasteurs.

  A023000781 

 Je vous le demande, qui que vous soyez qui lisez ces phrases, a-t-on jamais rien écrit de plus arrogant et de plus impudent? Ce ne sont pas les Conciles, les Pontifes, les Pères, les Docteurs qui ont le droit de connaître et de juger des doctrines, mais le seul Luther; bien mieux, le premier venu de la lie du peuple, pourvu qu'il soit luthérien (car j'imagine que c'est là le sens de Luther; autrement c'en serait fini de lui et de tous les luthériens, s'ils avouaient qu'il faut croire à Calvin et aux calvinistes au sujet de l'interprétation des Ecritures).

  A023000782 

 Qui le nie? Toutefois, est-ce parce qu'il veut que chacun juge de leur doctrine, comme le pense Luther? Pas le moins du monde; mais parce que chacun peut facilement se rendre compte de leur personne (comme nous le faisons, pour notre trop grand malheur, à l'égard des luthériens et des calvinistes) [87] au moyen de leurs fruits et de leurs œuvres; car ils viennent et ne sont pas envoyés, ils dispersent les brebis et divisent le troupeau, en sorte que, malgré leurs apparences de brebis, il est facile de reconnaître qu'ils sont au-dedans des loups ravisseurs..

  A023000786 

 En effet, le mot de libre arbitre a toujours été en usage chez les Latins, comme si l'homme était encore dans l'intégrité de la justice originelle.

  A023000786 

 Ils nient que l'homme ait aucunement le libre arbitre, et cela si impudemment, que Calvin accuse d'audace les Pères grecs, et de fausseté les latins, parce que ceux-ci se sont presque toujours servis du mot de libre arbitre, et ceux-là du mot de pouvoir propre.

  A023000786 

 Mais les Grecs n'ont pas eu honte d'employer une expression beaucoup plus arrogante, en parlant de pouvoir propre, comme si l'homme conservait le pouvoir sur lui-même,» etc. Luther, de son côté, avec une audace non moins grande, a intitulé un de ses livres: Du serf arbitre.

  A023000786 

 «Ils ont,» dit-il, «parlé sur ce sujet trop en philosophes, eux qui se vantaient d'être les disciples du Christ.

  A023000791 

 Ils nient que les fidèles puissent pécher mortellement, parce que, dit Calvin, «les péchés des fidèles sont véniels; la raison en est que, grâce à la miséricorde divine, il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, leurs péchés ne leur sont pas imputés, ils sont effacés par le pardon.» Comme si les imprécations et les reniements de Pierre à l'égard de son Maître, l'adultère et l'homicide de David, bien mieux, la désobéissance d'Adam et d'Eve n'avaient pas été des péchés mortels! Qu'a donc voulu dire celui qui, dans l'Apocalypse, a adressé ces paroles à l'Evêque: Tu as un nom de vivant, et tu es mort? Pourquoi donc David a-t-il, au prix de tant de larmes, de tant de sanglots, demandé que son péché fût effacé, qu'un cœur nouveau fût créé en lui, qu'il fût lavé de son iniquité, purifié de son péché, si, puisqu'il était [89] fidèle, il n'avait à craindre aucune condamnation, aucune imputation de péché?.

  A023000793 

 Des cinq Sacrements que nient les novateurs.

  A023000795 

 Mais rien n'est plus digne de ces grands théologiens que ce qu'affirme Calvin, lorsqu'il dit que certains de ces Sacrements ont existé au temps des Apôtres, qui cependant n'existent plus aujourd'hui; comme si les Sacrements n'avaient été institués que pour un temps, non pour tout le temps que devait durer l'Eglise elle-même, c'est-à-dire jusqu'à la consommation des siècles!.

  A023000799 

 Ils admettent, il est vrai, les deux autres Sacrements, le Baptême et l'Eucharistie, en niant toutefois l'efficacité du Baptême à remettre les péchés.

  A023000803 

 Ils nient que les fils des fidèles naissent enfants de colère ou soumis à la damnation, même avant le Baptême.

  A023000803 

 Sur ce sujet il existe une importante déclaration de saint Augustin: «Celui qui dit que dans le Christ sont vivifiés même les enfants qui quittent la vie sans avoir reçu le Sacrement, celui-là va certainement contre la prédication des Apôtres, et condamne toute l'Eglise, à laquelle on s'empresse de courir pour faire baptiser les enfants, précisément parce qu'on croit sans hésitation qu'ils ne peuvent en aucune antre façon être vivifié» dans le Christ.» De même saint Jérome écrit, après Tertullien: «On ne naît pas chrétien, on le devient.».

  A023000803 

 Voici, en effet, ce que dit Calvin: «L'enfant d'un fidèle, dès le sein, de sa mère est compris dans l'alliance par droit héréditaire, selon la formule de la promesse.» Comme si vraiment l'Apôtre ne s'écriait pas: Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité.

  A023000808 

 C'est, en effet, ici l'enseignement paradoxal sur lequel Calvin et les calvinistes reviennent sans cesse; ce qui les fait appeler par tout le monde les Sacramentaires, caractéristique qui leur est attribuée en propre et les distingue, parce qu'ils imaginent et inventent un Sacrement sans la chose de ce Sacrement.

  A023000808 

 Ils nient que dans l'Eucharistie le corps du Christ, vrai et réel, soit vraiment et réellement présent, et soit contenu sous les espèces du pain et du vin.

  A023000808 

 Sous ce nom ils sont, non seulement condamnés par tous les orthodoxes, mais encore rejetés même par les luthériens, comme perfides, rebelles et hérétiques..

  A023000810 

 Quant aux sacramentaires, qui se croient d'autant plus subtils qu'ils sont en fait plus impudents, bonté de Dieu! à quelle abondance follement variée d'opinions et d'expressions ne se sont-ils pas laissés aller lorsqu'ils se sont efforcés d'expliquer les paroles du Christ! Ici la confusion a été plus grande, semble-t-il, que celle que nous lisons avoir régné parmi les bâtisseurs de la tour de Babylone.

  A023000811 

 L'une est celle qui introduit dans les paroles du Christ une façon de parler métaphorique, et prend le verbe être dans le sens de signifier.

  A023000811 

 Parmi ce déluge d'opinions calvinistes, deux paraissent être plus plausibles que les autres si nombreuses.

  A023000812 

 Cela admis, il reste en outre certainement manifeste que l'addition du verbe grec substantif ( est ), faite d'un commun accord par tous les autres Evangélistes et par [96] saint Paul (celui-ci d'après l'enseignement, non de ses collègues en apostolat, mais du Seigneur déjà monté au Ciel), que cette addition, disons-nous, n'a pas été, faite dans le but d'aplanir la voie à l'interprétation mensongère ci-dessus et de faire croire qu'ils voulaient donner au verbe est le sens de signifie; mais pour exprimer plus ouvertement le même sens que saint Matthieu a exprimé dans la langue maternelle du Christ.

  A023000812 

 En sorte qu'il est impossible à personne, devant tant de mots réunis qui n'expriment que la substance et la vérité de la substance, de douter de l'intention que Notre-Seigneur Jésus-Christ a eue, en instituant son Sacrement, de parler de son corps véritable et réel, celui-là même qui ensuite fut donné et livré pour nous sur la croix, non en figure et signification, mais vraiment et réellement, afin que toutes les figures de l'Ancien Testament prissent fin avec la consommation de l'oeuvre de la rédemption..

  A023000812 

 Ils ont pour cela ajouté le verbe substantif au pronom ce, démonstratif de la substance, au nom substantif corps, et à l'adjectif dépendant mien, qui indique très énergiquement la personne elle-même du Christ; de même ils ont ajouté le relatif qui, dont la portée naturelle, comme le savent tous les grammairiens, est d'exprimer une relation avec la substance.

  A023000812 

 Or, voici ses expressions: Prenez et mangez ce mien corps, sans addition du verbe être ou de tout autre semblable auquel les sacramentaires puissent substituer et nous imposer leur signifie.

  A023000812 

 Quant à la première, [ses misérables défenseurs méritent vraiment d'être plutôt renvoyés à l'école de grammaire qu'à celle de théologie, pour y recevoir les verges toutes les fois qu'ils nieront que le verbe être désigne la vérité de la substance, non sa simple signification.] Mais que diraient ces partisans de métaphores s'ils avaient vu le texte hébraïque de saint Matthieu? Ce dernier, qui a écrit son Evangile dans la langue même dont se servait Notre-Seigneur Jésus-Christ lorsqu'il instituait le Sacrement et lorsqu'il conversait avec les hommes sur terre, a dû nous transmettre la formule d'institution qui mérite d'être préférée aux autres et doit fixer davantage notre attention.

  A023000817 

 Je laisse de côté l'annonce faite par le Prophète Malachie, d' une oblation pure qui serait offerte dans le monde entier; j'omets bien d'autres très solides arguments scripturaires que les théologiens, eux, n'omettent pas.

  A023000817 

 Tous aussi, par le fait même, s'éloignent de l'enseignement exprès de Dieu et de la foi de tous les anciens Pères et de tous les chrétiens.

  A023000817 

 Tous les hérétiques de ce temps sont d'accord sur cette négation, et pensent avoir pleinement atteint leur but s'ils enlèvent à notre religion un sacrifice, sans lequel cependant la religion ne peut pas plus subsister que sans Dieu.

  A023000818 

 Et si vous ajoutez: le Christ est ressuscité et il est monté aux cieux pour tous les fidèles et les élus, donc personne ne ressuscitera et ne montera aux cieux, le vulgaire le croira aussi, pourvu toutefois que ce soit Luther ou Calvin qui l'affirme; c'est, en effet, par un argument de même sorte que le leur que s'obtient ce dernier mensonge.

  A023000819 

 Mais auprès des savants et de ceux qui sont davantage versés dans la connaissance, soit de la théologie, soit de la logique, tous ces raisonnements sont parfaitement ridicules; car les gens instruits savent qu'il nous faut, au contraire, raisonner ainsi: La foi justifie, donc bien plus la charité justifie, elle sans laquelle la foi est morte; la justice du Christ nous est inciputée, donc une réelle et vraie justice est produite en nous; le Christ a mérité pour nous, donc nous avons des mérites que nous ont valus les mérites du Christ; le Christ est souverain Pontife, donc parmi ceux qui pour le moment le remplacent, il faut qu'il y en ait un qui soit souverain Pontife; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il peut et il doit y avoir de nombreux médiateurs d'intercession, qui, avec nous et pour nous, implorent de lui qu'il nous applique le prix et l'efficacité de sa rédemption; le Christ a jeûné pour nous, donc à plus forte raison devons-nous jeûner à son exemple et imitation; le Christ est ressuscité et monté aux cieux, donc nous aussi, si nous sommes non pas seulement fidèles, mais aussi élus, nous ressusciterons et monterons aux cieux, selon le raisonnement de Paul dans son Epître aux Thessaloniciens; enfin, il y a un signe dans le Sacrement, donc il faut que la chose signifiée y soit aussi.

  A023000820 

 C'est le même Christ qui s'offre lui-même, mais sur la croix c'est sans le ministère d'un autre prêtre inférieur; sur l'autel, c'est non seulement par lui-même, comme au jour de l'institution [du Sacrement], mais aussi par les co-ministres de son sacerdoce établi par lui selon l'ordre de Melchisedech, qu'il a voulu être offert en tout lieu comme une oblation pure.

  A023000822 

 Mais qui ne voit la duperie de Satan? Les disciples de celui-ci (car en cette matière Luther se donne pour tel) font disparaître et détruisent le sacrifice de la Messe, comme pour reporter toute la vertu du salut du côté du sacrifice de la Croix.

  A023000826 

 Cependant les paroles du Sauveur, par lesquelles il affirme ce pouvoir, sont plus claires que le jour dans l'Evangile de saint Matthieu et de saint Jean.

  A023000826 

 Ils nient que le Christ notre Seigneur ait donné aux pasteurs de l'Eglise le pouvoir de remettre et d'absoudre les péchés.

  A023000830 

 Combien elle est éloignée de l'interprétation calviniste cette exclamation de saint Paul aux Ephésiens: Or, que signifie: Il est monté, sinon qu'il était d'abord descendu dans les régions inférieures de la terre?.

  A023000834 

 En voulant ramener cette communion à l'union d'une même foi avec nous, Calvin agit en homme très ignorant et très irréfléchi, puisque les Saints, étant en possession de la béatitude, ne doivent plus être appelés croyants, mais voyants: la foi, en effet, au témoignage de l'Apôtre, disparaît dans les Bienheureux..

  A023000834 

 Ils nient que les bienheureux Saints doivent être invoqués par nous, et conséquemment ils nient que Dieu ait permis aucun commerce de nous à eux ou d'eux à nous: en quoi ils détruisent, [107] autant qu'ils le peuvent, cette «communion des Saints» que tous les Apôtres ont enseignée d'une même voix.

  A023000836 

 Du soin que prennent de nous les Saints.

  A023000838 

 Ils nient que les Saints s'occupent de nous et connaissent ce qui nous intéresse.

  A023000838 

 «Qui donc,» écrit Calvin, «a-t-il révélé qu'ils aient des oreilles assez longues pour écouter nos voix?» Qu'il me soit plus justement permis de m'écrier: Qui donc pourrait croire que Calvin ait une âme assez méchante et assez stupide, pour mesurer l'ouïe des esprits bienheureux à la longueur de leurs oreilles? Le Christ n'a-t-il pas lui-même révélé que même les Anges dans le ciel se réjouissent du repentir des pécheurs? Mais comment peuvent-ils s'en réjouir s'ils ne le connaissent pas? Et s'ils le connaissent, avec quelles oreilles l'ont-ils appris? C'est, en effet, avec [108] les mêmes oreilles que les âmes des Saints perçoivent nos voix, étant égaux aux Anges quant aux oreilles, aux yeux, aux mains et aux pieds, selon cette parole du Christ notre Seigneur: Ils seront semblables aux Anges de Dieu..

  A023000840 

 De la sollicitude que nous devons exercer envers les morts.

  A023000842 

 A cette négation s'oppose le très éclatant témoignage de l'Ecriture dans les Livres des Machabées: Elle est sainte et salutaire, dit le Saint-Esprit, la pensée de prier pour les défunts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés; celui aussi du Christ lui-même, disant dans l'Evangile, que certains péchés ne sont remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir.

  A023000842 

 Et saint Augustin, dans tout son livre intitulé: De la sollicitude que nous devons exercer envers les [109] morts, a-t-il lait autre chose que nous apprendre, par le titre même du livre, que les prières des vivants aident ceux qui sont morts dans le Christ?.

  A023000842 

 Ils nient que nous devions nous occuper des morts; ils nient que les âmes des défunts soient aidées par les prières des vivants, et qu'il soit laissé aux morts un lieu où ils puissent obtenir la rémission de leurs péchés.

  A023000941 

 Dans le même endroit il soutient en propres termes que Dieu, «par le ministre de sa colère, Satan,» dirige «les desseins» des impies «jusqu'au but vers lequel» il lui a plu d'exciter «les volontés et» d'affermir «les efforts».

  A023000941 

 J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens.

  A023000941 

 Prenant son exemple dans le cas de Séhon, roi des Amorrhéens, il dit: «Par conséquent, Dieu voulant le perdre, l'obstination de son cœur fut la préparation divine à sa ruine.» Il affirme aussi que Satan, lorsqu'il pousse les hommes au péché, «est plutôt l'instrument» dont se sert Dieu «pour agir, qu'un agent agissant de soi-même.

  A023000942 

 Cependant toute l'Ecriture enseigne que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, que personne ne périsse, que Dieu a en haine le péché et l'iniquité, que la perte des hommes vient d'eux-mêmes, mais de Dieu seulement leur bien et leur salut.

  A023000942 

 Saint Augustin a cette belle expression: «Affirmer que la divine providence ne s'étend pas jusqu'aux choses de ce bas monde, ou que tous les maux sont commis par la volonté de Dieu, sont deux propositions impies; mais la seconde l'est davantage.» Quant à saint Basile, il a prononcé un discours entier sur ce sujet: «Dieu n'est pas l'auteur des maux.» [112].

  A023000946 

 Ils ne veulent pas, en effet, que les péchés soient effacés, lavés, éloignés de nous, chassés; que l'âme soit purifiée, blanchie, lavée, illuminée; que le cœur soit nettoyé, créé, renouvelé (toutes choses que l'Ecriture affirme si souvent): mais ils veulent que les péchés restent, sans être cependant imputés; qu'ils soient couverts, non effacés; cachés, non enlevés.

  A023000950 

 De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

  A023000950 

 Et l'invité qui a été chassé, l'a été, non parce que l'époux ou le fils du roi était dépourvu de la robe nuptiale, mais parce que lui-même ne l'avait pas; quant à l'enfant prodigue, le père ne s'est pas contenté de le couvrir de sa propre robe, mais il lui en a donné une neuve; et les Saints se promènent [114] [au Ciel] en vêtements blancs, non pas simplement parce que l'Agneau est blanc, mais parce qu' ils ont blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau..

  A023000954 

 A ce sujet il est admirable de voir avec quel élan contraire et avec quel effort opposé les Apôtres Paul et Jacques d'une part, Luther et Calvin de l'autre se combattent.

  A023000954 

 A son tour, Jacques: La foi sans les œuvres est [115] morte; or, les œuvres appartiennent à la charité: donc, sans la charité, la foi est morte, bien loin que la charité soit en contradiction avec la foi..

  A023000954 

 De nouveau Luther, au même endroit, se plaît dans ce délicieux argument, qui montre quel bon logicien il était: « La loi ne vient pas de la foi; or, la loi n'ordonne pas autre chose que la charité; donc la charité ne vient pas de la foi, mais est en combat avec elle.» Que répondez-vous à cela, grand Paul? Quand j'aurais une foi assez grande pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

  A023000955 

 Aussi est-ce avec raison que Luther s'étonne de lui-même et s'exclame ainsi: «Cette théologie, qui est la nôtre, contraire à la raison, est étonnante et absurde, à savoir que je ne sois pas seulement sourd à la loi et délivré d'elle, mais que j'y sois entièrement mort.» Et un peu après: «Nous répondrons avec Paul que nous méritons le nom de justes par la seule foi dans le Christ, non par les œuvres de la loi ou la charité.» Où donc Paul a-t-il ajouté les mots: «ou la charité», que tu ajoutes de toi-même, ô Luther? [116].

  A023000955 

 Le même Luther dit au même endroit: «Les effets, les obligations et les vertus de la charité sont contraires à la foi.» Et un peu plus loin: «La charité, en effet, ou les œuvres qui la suivent ni n'informent la foi, ni ne l'ornent, mais ma foi informe et orne ma charité.» Paul, au contraire, déclare inutile la foi sans la charité, Jacques la déclare morte; de plus, l'un et l'autre affiiment que s'il fallait comparer entre elles les deux vertus, la charité l'emporterait sur la foi.

  A023000959 

 Et pour empêcher quelqu'un qui aurait meilleure opinion de la bonté morale d'appliquer cette proposition aux simples actions moralement bonnes, Luther l'a expliquée par ces paroles plus claires: «Toute œuvre bonne est un péché dans les saints tant qu'ils sont viateurs.» Calvin, de son côté, soutient dans le même sens «que pas un seul acte n'est produit par les saints qui, s'il est examiné en soi, ne mérite une juste punition.» Ailleurs il ajoute: «Toute action d'un homme pieux, si elle était examinée au sévère jugement de Dieu, serait condamnable.».

  A023000961 

 Si, en effet, il vaut mieux «travailler à son aise que de ne rien faire du tout,» comme disait Pline, n'est-il pas beaucoup plus sûr de ne rien faire que de mal agir et de pécher? Ici, qui n'aperçoit dans cette espèce d'hommes une envie extraordinaire et continuelle de contredire? Le bien, disent-ils, est le mal; la lumière se confond avec les ténèbres, le chaud avec le froid.

  A023000965 

 Aussi David, Abraham, Job, Zacharie, Elisabeth, Jean-Baptiste ont-ils observé les préceptes de Dieu, comme le Saint-Esprit le déclare ouvertement dans les Saintes Ecritures..

  A023000965 

 Ils affirment que les commandements de Dieu ne peuvent être gardés.

  A023000965 

 Mais vraiment, les commandements de Dieu, bien loin d'être impossibles à observer, le Christ les a appelés de sa propre bouche légers et suaves: Mon joug, dit-il, est doux, et mon fardeau léger.

  A023000965 

 Par suite ils nient que nous soyons tenus ou liés par aucune loi; car, suivant la règle de notre Droit, «les choses impossibles ne créent aucune obligation,» et personne ne peut justement exiger de nous plus que nous ne pouvons faire, sans être un bourreau excessivement dur et tyrannique.

  A023000966 

 Voici ce qu'il écrit: «Le chrétien, selon sa définition, est libéré de toute loi et n'est soumis à personne aucunement, ni au for interne ni au for externe.» De même: «Le ministre du péché, c'est tout simplement celui qui fait la loi ou en exige l'exécution, celui qui [119] enseigne les bonnes œuvres et la charité, celui qui dit qu'il faut supporter la croix et les souffrances, imiter l'exemple du Christ et des Saints.

  A023000970 

 «Le Christ,» dit Luther, «a ainsi ordonné les choses, qu'il n'existe aucun péché en dehors de l'incrédulité, et aucune justice si ce n'est la foi.» Ailleurs, il soutient âprement cette proposition: «Le baptisé, même en le voulant et au prix des plus grands péchés, ne peut perdre son salut, à moins qu'il renonce à la foi, parce que,» dit-il, «la foi enlève tous les péchés et empêche de pécher celui qui le voudrait.» Par [120] cette affirmation ils nient de toute évidence que les impudicités les homicides, les parjures, les blasphèmes soient des péchés; et cependant, c'est là une telle absurdité, que si quelqu'un ne la voit pas, jamais il ne trouvera quoi que ce soit d'absurde.

  A023000974 

 Ils affirment que les bonnes œuvres nuisent au salut, ou au moins lui sont une gêne.

  A023000974 

 La voie est étroite, il faut y entrer seul si tu veux y passer et pénétrer dans le rocher; ceux qui sont tout garnis de leurs œuvres, comme les pèlerins de saint Jacques de leurs coquilles, n'y peuvent pénétrer; si tu es chargé des lourdes pierres de tes œuvres, tu ne passeras pas avant de t'être déchargé de ton fardeau.» [121] Et ailleurs: «La justice de la loi, même du Décalogue, est impure et abolie par le Christ.» Qui t'a donc révélé, ô Luther, ces paroles du Christ? Car tu ne les as pas trouvées dans l'Evangile, où rien n'est si fort recommandé par le Christ que l'observation des commandements, si nous voulons entrer dans la vraie vie, et où il promet de donner une récompense, non aux croyants, mais aux ouvriers..

  A023000976 

 Qu'il faut négliger les circonstances des péchés, et que les péchés sont égaux.

  A023000978 

 Ils affirment que les péchés ne sont aggravés par aucune circonstance.

  A023000978 

 Luther, en effet, défend cette proposition parmi celles qu'il considère comme très certaines: «Les circonstances des péchés, qu'il s'agisse des personnes (mères, filles, sœurs, parentes), du jour, du lieu, ou de tout ce qui est extérieur, sont égales et ne méritent pas qu'on s'en occupe.» Par quelle belle raison? «Parce que le Christ n'a rien ordonné là-dessus dans ses lois.» Et ailleurs: «Pour les chrétiens, une seule circonstance compte, celle d'avoir péché contre son frère.» Par cette affirmation ils nient l'inégalité des péchés, au moins dans le même genre de fautes.

  A023000978 

 Qui donc, [122] cependant, admettra une identité de malice pour la violation du lit nuptial du prochain, ou pour celle du lit nuptial paternel? Faudra-t-il conclure que tuer son père ne soit pas plus grave que tuer son domestique, que vendre des colombes à un prix excessif dans le temple ne soit pas plus grave que de le faire sur la place publique? Pourquoi donc saint Paul fait-il tant de cas de la fornication de ce Corinthien, fornication si grave qu' il ne s'en rencontrerait pas de semblable même chez les gentils, puisqu'il s'agissait de quelqu'un qui osait violer la femme de son père?.

  A023000984 

 De l'égalité entre tous les Pasteurs.

  A023000986 

 Ils [124] nient par là l'unité de la hiérarchie ecclésiastique, dans laquelle le Christ a, par l'Esprit-Saint, établi des Evêques pour régir l'Eglise de Dieu; ils contredisent aux témoignages unanimes de Cyprien, d'Augustin, de Chrysostôme, de Denys, et aussi de tous les Conciles, lesquels, depuis le premier jusqu'au dernier, accordent un honneur spécial et une mission spéciale aux Evêques.

  A023000986 

 Ils affirment que tous les Pasteurs de l'Eglise sont égaux, qu'aucun d'eux n'est supérieur à un autre, de telle sorte qu'il n'y a pas du tout lieu, entre eux, à distinction et à hiérarchie.

  A023000990 

 Ils affirment que tous les fidèles doivent croire avec pleine certitude que leurs péchés leur ont été remis et qu'ils sont dans la grâce de Dieu.

  A023000990 

 Par cette affirmation, ils nient l'enseignement de toute l'Ecriture, à savoir, que nous devons faire notre salut avec crainte et tremblement, nous efforcer de rendre certaine notre vocation par les bonnes œuvres, et ne pas être sans crainte au sujet du péché même pardonné.

  A023000995 

 Dans les premières, en effet, non seulement il est affirmé que «le royaume des Cieux ne peut, pas plus nous manquer» qu'au Christ, ce que porte expressément la dernière édition, mais que nos péchés [127] ne peuvent pas plus nous faire condamner qu'ils ne peuvent faire condamner le Christ lui-même.

  A023000995 

 Nous ne pouvons de nouveau être condamnés pour nos péchés, puisqu'il a voulu se les faire imputer comme s'ils étaient siens.» Toutefois, en cet endroit il faut remarquer que dans les premières éditions, surtout françaises, cette doctrine est exprimée plus durement que dans l'édition postérieure de 1602.

  A023000995 

 Voici les paroles françaises: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos pechés, nous ne pouvons estre damnés non plus que luy.» C'est avec horreur que je cite! et qui lira ou entendra ces paroles sans horreur?.

  A023000999 

 Ils affirment que les élus sont tout à fait certains de leur élection.

  A023000999 

 «Grégoire,» dit Calvin, «a fait chose très mauvaise et pernicieuse en assurant, dans son homélie XXXVIII e, que nous sommes seulement sûrs de notre vocation, non de notre élection, et en exhortant, par conséquent, tout le monde à la crainte et au tremblement.» Par cette affirmation ils nient que l'espérance et la crainte puissent se trouver chez les prédestinés; car, qui peut craindre la perte d'un bien qu'il est sûr de ne pouvoir perdre? En nous exhortant à la crainte et au-tremblement, que fait le grand et jamais assez loué saint Grégoire, si ce n'est de nous donner le même [128] conseil que nous donnent à chaque page les Saintes Ecritures? Car, pourquoi pensons-nous que l'Evangile loue Siméon, non seulement de ce qu'il était juste, mais aussi de ce qu'il était timoré, sinon pour nous faire comprendre que la justice doit avoir pour compagne continuelle cette crainte sainte, non celle qui est servile, mais celle qui est filiale? Aussi, que nos hérétiques mentent tant qu'ils voudront en s'appelant justes; il suffit pour faire apparaître leur mensonge, qu'ils ne veuillent pas se dire timorés, même au prix d'un mensonge.

  A023001000 

 Il est beau d'entendre les sectateurs et disciples de Calvin parler de cette matière, chacun se glorifiant d'être aussi sûr de sa prédestination que de la mort du Christ.

  A023001000 

 Qu'est-ce donc qui peut rendre plus certains ces derniers que le premier, qui autrefois fut très certain? Si la voix céleste du premier l'a trompé, parce qu'elle exprimait le bavardage de Calvin au lieu de la voix de l'Esprit-Saint, pourquoi la voix céleste des autres ne les trompera-t-elle pas aussi?.

  A023001000 

 Si vous leur demandez d'où leur vient une telle certitude, ils répondent aussitôt qu'ils reçoivent intérieurement du Saint-Esprit je ne sais quelle communication, quelle voix céleste, les empêchant de douter de leur prédestination.

  A023001000 

 Toutefois, si quelqu'un de ceux qui se croyaient fidèles et prédestinés [129], d'une certitude si grande et si infaillible, vient à retourner au bercail du Christ et à la foi catholique, aussitôt les autres s'écrient que c'était mensonge de sa part lorsqu'il se disait certain de son salut.

  A023001004 

 Ils affirment au contraire que le Christ, Chef de tous les prédestinés, a été incertain de son salut.

  A023001004 

 Mais son impiété, après être montée jusqu'à son comble, continue en se laissant aller aux choses les plus basses.

  A023001008 

 Par cette horrible affirmation ils nient que le Christ ait eu la pleine possession de toutes les passions de son âme, puisqu'elles ont pu se produire et s'échapper à son insu et [131] sans son commandement.

  A023001008 

 Que cet enseignement soit faux au delà de tout ce qu'on peut dire, cela apparaît d'abord très clairement du simple énoncé ci-dessus, mais aussi de ce fait que le bienheureux Jean l'Evangéliste, dans le récit de la résurrection de Lazare, assure que le Christ s'est troublé lui-même: il convenait, en effet, que Celui qui n'était pas moins vrai Dieu que vrai homme, excitât volontairement en lui-même les craintes, les angoisses et les sentiments de cette sorte avant d'être excité par eux.

  A023001012 

 Ils affirment que le Christ a subi pour un temps l'ignorance, «Il a fallu,» dit Calvin, «que le Christ fût pour un temps semblable aux simples enfants, en sorte qu'il fût privé d'intelligence pour ce qui regarde les choses humaines.» Mais par cette affirmation ils nient que fussent cachés dans le Christ tous les trésors de la science et de la sagesse; ce qu'affirme cependant en termes exprès l'Ecriture.

  A023001012 

 Nous avouons, en vérité, que le Christ enfant, pour ce qui regarde l'exercice et les œuvres externes, a grandi en sagesse [132] et en grâce; toutefois nous affirmons, en outre, qu'en lui étaient les trésors de la sagesse, même lorsqu'il ne les montrait pas encore, et qu'il les conservait pour lui-même, avec l'intention de les dévoiler, en son temps, devant le peuple de Dieu.

  A023001016 

 Cependant, qui ignore que la foi vient de l'audition, et que l'audition a lieu par la prédication de la parole de Dieu? Et [133] comment la parole de Dieu est-elle parvenue à l'âme de l'enfant sans prédicateur? Qui donc a prêché aux enfants? De plus, les actes de foi ne peuvent exister sans l'usage de la raison, comme tout le monde l'avoue et comme l'enseigne le bon sens naturel; or, qui peut croire que les enfants jouissent de l'usage de la raison?.

  A023001016 

 En affirmant cela, ils nient par le fait même que les enfants soient justifiés par le Baptême; car s'ils ont la foi avant le Baptême, et si, comme l'assurent nos hérétiques, «la foi seule» justifie, il s'ensuit que les enfants sont justifiés avant le Baptême.

  A023001016 

 Ils affirment que les enfants, avant leur Baptême, croient et ont la foi, qu'ils ne possèdent pas seulement l' habitus de la foi, ni ne croient pas seulement par la foi de l'Eglise, mais ont l'acte de foi et la foi proprement dite.

  A023001017 

 Maintenant, examinons brièvement les autres caractéristiques qui impriment au front des sectes de notre temps ce nom affreux: HÉRÉSIE..

  A023001017 

 Nous en avons assez dit au sujet de la première caractéristique de l'antichristianisme, qui montre bien ce que sont nos hérétiques, et qui consiste à tout nier, à ne rien affirmer, ou à n'affirmer que d'une manière négative et purement vide de sens, comme disent les jurisconsultes.

  A023001043 

 Donc, la seconde caractéristique sera celle qui provient du manque d'appel divin, car c'est tout à fait le propre de tous les hérétiques de manquer de vocation pour exercer leur ministère.

  A023001043 

 Ils couraient, dit Dieu par la bouche d'Ezéchiel, en parlant des faux prophètes, et je ne les envoyais pas.

  A023001044 

 Calvin, en effet, assure que Luther et les autres novateurs, instigateurs des sectes nouvelles, ont entrepris leur ministère par suite d'une vocation, non ordinaire, mais extraordinaire, en sorte qu'il les considère comme des apôtres et des évangélistes.

  A023001044 

 Cependant, la fonction elle-même, je l'appelle extraordinaire, parce qu'elle n'existe pas dans les églises bien constituées.».

  A023001044 

 Or, il est évident par plusieurs raisons que Luther, Zwingle, Calvin et les autres hérésiarques du siècle passé manquaient totalement d'appel de Dieu: mais la première et la principale est que, devant la question qui leur est posée sur l'origine de leur vocation, ils ne savent trouver une réponse concordante.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001046 

 En effet, dit-il, ils ont été ordonnés prêtres par les Evêques, et comme prêtres ils ont eu le devoir de dispenser la parole de Dieu.

  A023001046 

 Par suite ils l'ont dispensée, non comme le faisaient leurs consécrateurs les Evêques, mais d'une façon bien plus juste et plus pure..

  A023001047 

 Qui ne rira de la folie de ces hommes qui ne conviennent même pas entre eux du fondement de leur vocation? Qui n'admirera l'esprit ingénieux de du Plessis, qui estime connaître mieux que Calvin le fondement de la vocation de Calvin? mieux que Luther le fondement de la vocation et de l'autorité de Luther? Séparez-les l'un de l'autre, et je les jugerai, dit Daniel des faux témoins; et il dit à l'un: Sous quel arbre les as-tu vus? Il répondit: Sous [137] un lentisque.

  A023001053 

 Cette forme de vocation s'est continuée jusqu'à nos temps et persistera jusqu'à la fin du monde; et elle est médiate, parce qu'elle se fait par le ministère humain, bien qu'elle soit divine.» Et Calvin: «Il nous reste,» dit-il, «des Evêques et des curés; puissent-ils faire tous leurs efforts pour s'attacher à leur ministère, car volontiers nous concéderions que ce ministère est bon et excellent, pourvu toutefois qu'ils s'en occupent.» Et ailleurs: «Nous voyons aujourd'hui comment les papistes s'attribuent avec arrogance le nom d'Eglise, sous prétexte de la succession ininterrompue qu'ils mettent en avant.

  A023001053 

 Et à la vérité, nous sommes forcés d'avouer que le ministère ordinaire est de leur côté; mais comme ils ont abusé de leur pouvoir, nous pouvons nous moquer de leurs prétentions.» Quant à Mornay, puisqu'il fait dériver de nos Evêques la mission de Luther et de ses disciples, ne reconnaît-il pas par là très ouvertement la vocation de nos Evêques? Aussi Calvin avait-il raison, plus même qu'il ne le croyait, lorsqu'il disait que «dans les églises régulièrement constituées» il n'y a pas place pour sa mission ni celle des siens..

  A023001053 

 Voici les paroles de Luther: a Les Apôtres ont appelé leurs disciples, comme Paul l'a fait pour Timothée et Tite, lesquels, étant Evêques, ont ensuite appelé les [138] Evêques leurs successeurs.

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001054 

 Ceci étant admis, on nous permettra de raisonner ainsi: L'Eglise du Christ a été une fois pour toutes constituée de telle manière [139] que les portes de l'enfer ne puissent jamais prévaloir contre elle; donc, il ne peut y avoir en elle de vocation extraordinaire, si ce n'est en tant qu'approuvée par l'ordinaire, le Christ n'étant pas divisé.

  A023001066 

 Et de nouveau, en un autre endroit, à propos du Baptême qui ne doit pas être réitéré aux hérétiques, il écrit ces paroles: «Quoique les Ecritures canoniques ne nous offrent pas d'exemple à ce sujet, c'est cependant encore la vérité de ces Ecritures que nous suivons, lorsque nous agissons selon la volonté de l'Eglise universelle, Eglise qui s'appuie sur l'autorité des Ecritures.» L'Apôtre Paul n'a pu louer plus ouvertement l'autorité de l'Eglise, qu'en l'appelant colonne et base de la vérité.

  A023001066 

 Et, en effet, si le [141] Christ a voulu que l'Eglise, son épouse très chère, fût la mère de tous les chrétiens, comment peut-on la mépriser sans mépriser le Christ lui-même? «Le Christ,» dit saint Augustin, «rend témoignage à l'Eglise... Si tu résistes, ce n'est pas à moi ou à un autre homme, mais au Sauveur lui-même que tu résistes le plus malheureusement du monde, à l'encontre de ton propre salut, car tu ne veux pas croire à la nécessité pour toi d'être admis en la manière qu'admet l'Eglise; or, à cette Eglise rend témoignage Celui auquel, de ton propre aveu, on ne peut sans crime refuser de croire.».

  A023001066 

 Le troisième caractère de toutes les hérésies est de mépriser l'Eglise.

  A023001067 

 Et dans cette fameuse dispute, de toutes la plus délicieuse, qu'il se glorifie d'avoir eue avec le démon, il rapporte que c'est convaincu par les arguments de ce dernier qu'il a abandonné la doctrine de l'Eglise.

  A023001067 

 Les novateurs de notre époque montrent bien leur impudence à fouler aux pieds l'autorité de l'Eglise par ce seul fait que tous, d'une voix unanime, proclament qu'elle est tombée dans l'erreur et l'apostasie, au point de s'attribuer audacieusement le qualificatif de réformateurs et de restaurateurs de l'Eglise.

  A023001067 

 Tout aussitôt il insulte ainsi les catholiques en manière de triomphe: «S'il vous fallait soutenir les chocs du [142] démon, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes.» Ailleurs il se glorifie d'avoir, lui tout seul, combattu contre l'Eglise dès le commencement.

  A023001080 

 Ainsi il est arrivé, au Concile de Nicée, qu'en s'efforçant de tracer les lois de l'état spirituel, lois qui interdisaient le mariage à cet état, tous les Pères du Concile se sont certainement trompés.».

  A023001080 

 Pour ce qui est de Luther, il s'exprime ainsi, avec son intempérance et son impudence de langage habituelles: «Le Pape ment en même temps que les Conciles.» Et peu après: «C'est folie que les Conciles veuillent établir les articles de [143] foi, alors que souvent, il n'y a personne dans leur sein qui ait eu la moindre perception de l'Esprit divin.

  A023001080 

 Tout au contraire, Calvin déclare ouvertement que les Conciles peuvent errer et ont erré.

  A023001099 

 J'ai dit.» Et ailleurs: «Par conséquent, l'enseignement et le sentiment du Pape, des Pères ou du Concile ne doivent servir de règle à personne, mais que chacun abonde dans son sens.» Mais pourquoi continuer là-dessus? Si l'on retranchait des livres de Luther et de Calvin les insultes et calomnies déversées contre le Siège Apostolique, il en resterait bien peu de pages..

  A023001099 

 La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège Apostolique, point où excelle Luther qui, dans un certain endroit, après avoir dit que tout ce qui se fait contre l'Eglise Romaine tend à la gloire de Dieu, ajoute: «Etant moi-même un des antipapes, appelé par révélation divine à dissiper, perdre et détruire ce royaume [de malédiction], je remplis cette mission avec passion et plaisir, comme je l'ai fait jusqu'ici.» Ailleurs tout en soutenant que la guerre contre les furcs est illégitime, il dit ceci: «Combien mieux n'agirait-on pas si l'Empereur et les Princes empêchaient l'idole Romaine de perdre les âmes! car, s'il m'est [144] permis de prophétiser une fois ce que je sais, au risque de n'être pas écouté, je dirai que c'en est fait du Christianisme, si le Pontife Romain n'est pas mis à la raison... La Papauté ne peut rien produire, si ce n'est péché et perdition... Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, et s'abstienne de faire la guerre aux Turcs tant que le nom du Pape se fait entendre sur terre.

  A023001100 

 Et cependant, si quelqu'un doute que le mépris du Siège Romain soit une caractéristique de l'hérésie, qu'il écoute les paroles par lesquelles le Christ a établi l'Apôtre Pierre chef de l'Eglise: Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.

  A023001101 

 Que les hérétiques ne viennent pas, après cela, prétendre que le Pontife Romain n'est pas le successeur de Pierre, ou que l'autorité accordée à Pierre n'a pas été transmise au Pontife Romain; car cette autorité ayant été conférée à Pierre pour le bien commun de l'Eglise, elle n'a pas dû cesser avec Pierre, lequel devait disparaître par la mort au bout de peu d'années, mais durer autant que l'Eglise militante, qui demeurera jusqu'à la fin du monde: par conséquent, l'Eglise doit avoir un successeur revêtu de l'autorité même dont jouissait Pierre.

  A023001101 

 Si à celui-là l'universalité des frère6 obéissait selon les enseignements reçus de Dieu, personne ne s'opposerait au collège des Prêtres; personne ne se constituerait, après la sentence de Dieu, [146] après le suffrage du peuple, après l'assentiment des Evêques, le juge, non plus de l'Evêque, mais de Dieu; personne ne romprait l'unité de l'Eglise du Christ; personne, par satisfaction et ambition personnelles, ne créerait une hérésie nouvelle.» Ailleurs le même Docteur a des paroles à peu près semblables.

  A023001102 

 Prosper: «La tête de l'honneur pastoral [147], le Siège de Pierre.» Augustin: «Le principat de la Chaire Apostolique.» Victor d'Utique et notre Justinien: «Chef de toutes les Eglises.» Léon et Prosper: «Chef de l'univers, du monde et de la religion.» Ignace: «Eglise qui préside.» Jérôme: «port très sûr de la communion catholique»..

  A023001103 

 Quant au Pontife Romain lui-même, bon Dieu, de quels titres magnifiques et mérités ils le glorifient! Cyprien l'appelle, «l'Evêque de la très sainte Eglise Catholique.» D'autres: «Le très saint et très heureux Patriarche, le Patriarche universel, le Chef des Conciles, le Chef de l'Eglise universelle,» comme le Concile de Chalcédoine; «le très heureux Seigneur, porté au faîte de la dignité apostolique, le Père des pères, le Souverain Pontife de tous les pontifes,» comme Etienne, archevêque de Carthage; «le Souverain Prêtre,» comme Jérôme; «le Prince des prêtres,» comme Valentinien; «le Gardien de la vigne du Seigneur,» comme le Concile de Chalcédoine; «le Chef de la maison du Seigneur,» comme Ambroise; «le Vicaire du Christ,» comme Cyprien.

  A023001104 

 Ce n'est pas que je ne le sache bien plus récent; mais c'est que les calvinistes ont l'audace, à la suite de Calvin lui-même, de louer ce Docteur comme un contempteur du Siège Apostolique.

  A023001104 

 Voici donc les noms qu'il décerne au Pontife Romain: Confirmateur des Frères, grand Prêtre, Souverain Pontife, Prince des Evêques, héritier des Apôtres; Abel par sa primauté, Noé par son gouvernement, Abraham par son droit de patriarche, Melchisédech par son ordination, Aaron par sa dignité, Moïse par son autorité, Samuel par sa fonction de juge, Pierre par sa puissance; Pasteur du troupeau du Seigneur, Porte-clefs de la maison du Seigneur, Pasteur de tous les pasteurs..

  A023001105 

 Et Calvin lui-même ne peut s'empêcher d'avouer et de reconnaître que dès le temps du grand Athanase, tous les gens pieux ont accordé volontiers à l'Eglise Romaine le plus possible d'autorité: «Mais,» dit-il, «tout cela n'avait pas d'autre sens que d'estimer à un grand prix sa communion, et de considérer comme une injure d'être excommunié par elle.» Pourquoi donc, ô Calvin, n'avais-tu pas, et tous les tiens aussi, l'obligation de faire de même, s'il vous restait une étincelle de la piété antique? [149].

  A023001106 

 Quant à Luther, il a parlé avec tant d'éloges du Pape dans tous les opuscules composés au commencement de sa défection, que dans ses ouvrages postérieurs, devenu plus audacieux et plus insolent, il s'est excusé d'avoir auparavant accordé au Pape tant et de si grandes choses..

  A023001107 

 Contre tous ces contempteurs de la Chaire Apostolique de Rome, il convient d'employer les expressions dont s'est servi autrefois saint Augustin contre Pétilien, et d'apostropher Luther et Calvin, au cas où quelqu'un voudrait répondre en leur nom: «Que» vous s a fait la Chaire de l'Eglise Romaine, où Pierre a siégé, où siège aujourd'hui Anastase? Pourquoi» appelez-vous « chaire de pestilence la Chaire Apostolique? Si c'est à cause des hommes que» vous supposez «enseigner la loi sans la pratiquer, est-ce que le Christ, à cause des pharisiens dont il a dit: Ils disent et ne font pas, a injurié la chaire où ils siégeaient? N'a-t-il pas honoré la chaire de Moïse, et repris les pharisiens sans toucher à l'honneur de la chaire même? Si vous pensiez à cela, vous ne blasphémeriez pas, à cause des personnes que vous décriez, la Chaire Apostolique, avec laquelle vous n'êtes pas en communion.

  A023001120 

 Et ailleurs dans la Sainte Ecriture: Ne laisse pas échapper ce que racontent les anciens, car ils ont appris de leurs pères.

  A023001120 

 La sixième caractéristique des hérétiques est le mépris des anciens Pères de l'Eglise, qu'ils devraient vénérer et avoir en grande estime s'ils écoutaient Jérémie, ou mieux l'Esprit-Saint parlant par Jérémie: Voici ce que dit le Seigneur: Tenez-vous sur les routes, et regardez, informez-vous des sentiers d'autrefois, quelle est la voie du salut, et marchez-y, et vous trouverez du soulagement pour vos âmes.

  A023001121 

 Si quelqu'un s'écarte de leur sentiment commun, qu'il écoute cette parole de l'Apôtre: Dieu n'est pas un Dieu de dissension, mais de paix.» Et un peu après: «Il est de première nécessité désormais à tous les catholiques qui s'efforcent de se montrer les fils légitimes de notre mère l'Eglise, qu'ils s'attachent à la sainte foi des saints Pères, y restent étroitement unis et y meurent.».

  A023001121 

 Vincent de Lérins s'exprime mieux que personne lorsqu'il traite [151] de l'autorité des anciens Pères: «Celui,» dit-il, «qui méprise ces Pères, que Dieu a répartis à travers les temps et les lieux, lorsque, au sujet du sens à attribuer à un dogme catholique, ils sont d'accord dans le Christ sur un point, celui-là ne méprise pas l'homme, mais Dieu.

  A023001122 

 Ailleurs le même Augustin, parlant de Cyprien, de Basile, d'Hilaire et autres Pères: «Tous ces [152] grands hommes» dit-il, «admettent ces vérités [relatives au dogme du péché originel], ainsi que toutes celles conformes à la foi catholique, partout répandue dans le monde, en sorte qu'il suffit de leur autorité pour écraser votre nouveauté, bien fragile et bien subtile; outre que leurs enseignements sont tels que la vérité atteste parler elle-même par leur bouche.» Et de nouveau un peu plus loin: «Ce qu'ils ont trouvé dans l'Eglise, ils l'ont retenu; ce qu'ils ont appris, ils l'ont enseigné; ce qu'ils ont reçu de leurs pères, ils l'ont transmis à leurs fils.» Nous en disons aujourd'hui autant de toi, grand Augustin, et de tes contemporains, contre ces imposteurs, sans arriver cependant à les faire rougir de leur folie et de leur impudence..

  A023001122 

 Pour ce qui est des nouveautés profanes des profanes, saint Augustin les pourchasse en se basant sur l'autorité des anciens Pères: «J'écrirai,» dit-il, «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques, mais des choses telles que nos contradicteurs soient forcés de rougir et de s'avouer vaincus, si toutefois il leur reste quelque crainte de Dieu ou des hommes.» Son expression «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques» s'explique par ce fait, que le «petit nombre» en question était uni de communion ouverte avec les autres hérétiques.

  A023001139 

 La divine Majesté me met dans la disposition de ne pas me troubler si mille Augustin, si mille Cyprien m'attaquaient; Augustin et Cyprien, comme tous les élus, ont pu errer, et ont erré.» Et à la fin: «Je ne cherche pas ce que disent Ambroise, Augustin, les Conciles et la tradition des siècles; je n'ai pas eu non plus besoin d'avoir le Roi Henri pour m'enseigner toutes ces choses, que je connaissais fort bien, au point de les avoir même attaquées.

  A023001139 

 Luther s'exprime ainsi quelque part: «Je veux d'abord qu'ils [153] sachent bien, et je les prends à témoins, que je ne veux céder en aucune façon à l'autorité d'un Père, pour saint qu'il soit.» Ensuite, comme entrant en lutte avec tous les Pères, il tâche de les secouer en tous sens pour les jeter bas: «Que d'erreurs n'a-t-on pas rencontrées dans les écrits de tous les Pères! Que de fois ne diffèrent-ils pas d'opinion entre eux! que de fois ne sont-ils pas d'avis différent les uns d'avec les autres! Quel est celui d'entre eux qui n'ait plusieurs fois détourné les Ecritures de leur sens? Chaque fois qu'Augustin se contente de disputer, il ne définit rien; Jérôme, dans ses Commentaires, ne formule presque aucune affirmation positive.» Il conclut enfin: «Que personne ne m'oppose l'autorité d'un Pape ou d'un Saint quelconque, si elle n'est appuyée sur les Ecritures.» Et quelle superbe dans son livre Contre le Roi d'Angleterre! «La Parole de Dieu,» écrit-il, «est au-dessus de tout.

  A023001140 

 Celui qui ne fera pas cette distinction, ne pourra rien avoir de précis en matière de religion, ces saints hommes ayant ignoré beaucoup de choses, ayant été en lutte les uns avec les autres, parfois même s'étant contredits eux-mêmes.».

  A023001140 

 Quant à Calvin, en homme plein de fraude et de tromperie, d'un esprit rusé et tenant du renard, il commence par dire qu'il aurait toutes chances de vaincre les catholiques, «si la dispute devait être tranchée» sur l'autorité des Pères.

  A023001141 

 Au sujet de la question de l'adoration, il reconnaît que les Anciens ont usé de la distinction entre une double adoration, celle de Doulie et celle de Latrie, tout en méprisant cette distinction au point de s'écrier: «Qu'importe! puisque tous ceux qui» l'examinent «la trouvent non seulement impropre, mais, tout à fait sans consistance.».

  A023001141 

 Et cela, non en matière légère, [155] mais à propos des plus graves articles de notre foi: pax exemple, au sujet de la question du libre arbitre, sur laquelle il dit que les Latins ont parlé avec arrogance, «mais les Grecs avec plus d'arrogance encore;» relativement à la question de la personne du Médiateur, question où il soutient que l'erreur des Anciens est inexcusable; par rapport à la question de la concupiscence, où, après avoir dit qu'à lui seul le témoignage d'Augustin contient le sens de toute l'antiquité, il avoue bientôt après qu'il n'est pas de son avis.

  A023001141 

 Il affirme, dans la question de la satisfaction, que tous les Anciens, «ou ont fait erreur, ou ont employé un langage âpre et dur;» dans celle des prières pour les défunts, que tous les Anciens sont tombés «dans l'erreur;» dans celle du mérite, que les vieux Docteurs ont fort mal veillé à la pureté de la foi; que l'antiquité a péché «par une excessive sévérité,» en exigeant «le célibat de l'Evêque;» à propos de la pénitence, que «l'austérité exagérée des Anciens ne peut en aucune façon être excusée;» touchant celle du Carême, que les anciens Pères ont jeté des germes de superstition et ont été les victimes «d'un zèle mal placé et plein de superstition.» Ailleurs il reproche à toute l'antiquité d'avoir permis aux laïques «de baptiser en cas de péril de mort,» tout en avouant que cet usage [156] remonte presque aux origines de l'Eglise.

  A023001141 

 Or, ce que Calvin a ainsi débité en général et en gros, ensuite en particulier et en détail, il s'y est tenu dans toute son œuvre pour attaquer l'autorité des Pères, sans dissimuler ses dissentiments d'avec ces derniers, même sur les sujets où les Pères ont été unanimes dans leur enseignement.

  A023001142 

 Lorsqu'il traite de l'Eglise Romaine, il s'exprime ainsi: «Je veux commencer par dire que je ne nie pas le grand honneur que rendent les Anciens à l'Eglise Romaine, et la façon respectueuse dont ils parlent d'elle.» Et un peu plus loin: «L'opinion, répandue je ne sais comment, que cette Eglise a été fondée et constituée par le ministère de Pierre, avait pour résultat de procurer à cette Eglise une faveur et une autorité considérables; c'est pourquoi en Occident elle s'appelait, par honneur, le Siège Apostolique.» Or, au même endroit il méprise, autant qu'il le peut, l'Eglise Romaine, et nie qu'elle ait été fondée par Pierre.

  A023001143 

 De même il reconnaît que dans l'Eglise antique les moines ont été en grand honneur, surtout à l'époque d'Augustin lequel, comme il l'observe, oppose, «dans son livre De moribus Ecclesiæ Catholicæ, [157] la sainteté de la profession monastique aux calomnies des Manichéens.» Et cependant, il n'en méprise pas moins les moines, et non seulement ceux de notre temps, mais les anciens si loués par saint Augustin.

  A023001144 

 A propos des cérémonies du Baptême, il convient qu'elles sont d'une origine très antique, mais il ajoute aussitôt: «Il m'est cependant permis, et à toutes les personnes pieuses, de repousser tout ce que les hommes ont osé ajouter à l'institution du Christ.» Dans la question du Sacrement de l'Autel conservé comme viatique des malades, question de grande importance pour confirmer la foi en la présence réelle du corps du Seigneur, il se fait cette objection: «Mais ceux qui agissent ainsi suivent l'exemple de l'ancienne Eglise.» Il y répond en ces termes: «J'avoue qu'en une matière si grave, et où l'erreur n'est pas sans grand danger, rien n'est plus sûr que de suivre la vérité.» Comme si l'Eglise ancienne avait suivi la fausseté! Et ailleurs, à propos des cérémonies de la Messe: «Si quelqu'un veut défendre des inventions de cette sorte en se basant [158] sur leur antiquité, je n'ignore pas qu'assez près de l'âge apostolique la Cène du Seigneur a été couverte de rouille; mais c'est là un effet de l'audace qu'a l'homme se fiant à lui-même.» Dans un autre endroit il avoue que les anciens Docteurs ont d'ordinaire employé le mot de Messe «au pluriel».

  A023001144 

 Et ailleurs: «Je vois aussi que ces Anciens ont détourné ce mémorial [de la Passion du Seigneur] vers un autre sens que celui qui convenait à l'institution du Seigneur.» Et un peu plus loin: «Je ne pense pas qu'on puisse les excuser d'avoir, dans une certaine mesure, péché quant à leur manière d'agir.» De nouveau: «C'est avec raison qu'on leur reproche d'avoir trop incliné vers les ombres de la Loi.» Enfin, pour ne pas énumérer en particulier tous les écrits de cette sorte, ce qui serait un travail presque sans fin, disons que le même Calvin avoue que l'usage de la Confession est très antique, et cependant il le méprise..

  A023001145 

 En somme, si la caractéristique la plus propre à dénoter avec certitude l'hérésie, est le mépris de l'Eglise et de l'antiquité, il est hors de doute que Luther et Calvin, ainsi que tous leurs sectateurs, sont hérétiques au plus haut point, tant ils ont dépassé tous les autres hérétiques antérieurs en mépris de l'Eglise et de toute l'antiquité.

  A023001156 

 Theodorus Beza, in Praefatione quadam sua Gallica, ita extollit Calvini sui doctrinam de re sacramentaria, ut ipsum etiam Apostolis praetulisse videatur; scribit namque in haec ipsa verba: «Une chose est a noter, comment ledit Calvin se porta prudemment a traitter ceste matiere, tant en son Institution qu'au dit [164] petit livret; car, voyant que la miserable contention esmeue pour le faict de la Cène, avoit allumé un feu qui etoit pour mettre division entre les eglises, tout son desir fut de l'esteindre par une claire exposition de la matière, sans s'attacher à personne.

  A023001183 

 Contre eux s'applique bien ce passage de Vincent de Lérins: «Evite les nouveautés profanes de langage,» dit saint Paul, «nouveautés que les catholiques n'ont jamais reçues ni suivies, tout au rebours de ce qu'ont toujours fait les hérétiques...C'est en quelque sorte la grande loi de presque toutes les hérésies, d'avoir du goût pour les nouveautés profanes, du dégoût pour l'antiquité, et de faire naufrage dans la foi à cause des oppositions qu'ils lui font, sous prétexte d'une science qui n'en mérite pas le nom.

  A023001183 

 Par contre, le propre des catholiques est d'ordinaire de conserver les dépôts reçus des saints Pères et de condamner les nouveautés profanes.».

  A023001184 

 En matière de foi, ils ne disent rien contre les catholiques qui ne soit nouveau, ou au moins renouvelé des hérésies anciennes et passées de mode, comme cela résulte très clairement de tout ce que nous avons dit jusqu'ici, et encore [160] plus de ce qu'a écrit sur ce sujet l'Illustrissime Cardinal Bellarmin dont on ne louera jamais assez les mérites.

  A023001184 

 Et en réalité, que signifie l'accusation qu'ils lancent contre l'Eglise, d'avoir erré durant de si longs siècles, sinon qu'ils apportent une doctrine nouvelle et tout à fait contraire à l'ancienne Eglise? C'est ce qui explique qu'à leur apparition toute l'Eglise ait frissonné, comme font les brebis et les agneaux à la première vue du loup enragé qui vient vers eux..

  A023001185 

 Pendant ce temps, Luther, abandonné de tous, combattant avec tout le monde, aidé de personne, était exposé seul au danger.» Et un peu après: «Je suis tantôt livré aux sacramentaires comme papiste, tantôt [162] aux papistes comme sacramentaire; alors que, cependant, les papistes s'efforcent d'arracher le Christ aux Eglises, et les sacramentaires, le Sacrement de la Cène du Seigneur; et ils se vantent d'être les seuls à prêcher le Christ, eux qui font de ses Sacrements dans l'Eglise, de simples signes ou des tessères militaires.» Et après quelques phrases: «La reconnaissance des porcs et des chiens, lorsque quelqu'un leur jette des choses saintes ou des perles précieuses, consiste à se retourner aussitôt contre leur bienfaiteur et à le déchirer.».

  A023001185 

 «Tout d'abord,» dit Luther, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et peu après: «Tous les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien, n'avait osé entreprendre.» Cependant le même Luther, peu après le début de la Défense des paroles de la Cène, parlant des sacramentaires, s'exprime ainsi: «Rien n'aide autant cette hérésie que sa nouveauté; car nous autres allemands sommes ainsi faits, que nous nous attachons avec avidité à ce qui est nouveau pour nous.» Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, toujours à propos des sacramentaires: «Je n'ai pas jusqu'ici rencontré d'ennemis plus acharnés que ces bons frères, collègues, amis, que nous avons élevés comme [161] des fils dans notre sein, docteurs de sectes nouvelles, j'entends les sacramentaires et autres fanatiques; vois de quelle façon ils nous récompensent.» Et un peu plus loin: «Nous autres au commencement nous nous sommes mis à affirmer et à revendiquer la liberté et l'honneur du Christ, et à foncer sur la tyrannie pontificale.

  A023001186 

 Il dit aussi que les Strasbourgeois lui ont rapporté le grand bruit et tumulte excité par Carlostadt au sujet de l'Eucharistie, de la destruction des images et du Baptême.

  A023001186 

 Jusqu'ici nous avons cité Luther, lequel dans la Défense des paroles de la Cène, redit à peu près les mêmes choses.

  A023001186 

 Mais cet Esprit-Saint, quand il s'agit d'établir et de prouver, se trouve être non seulement différent, mais même contradictoire et inconstant; ce qu'il permet, j'en suis persuadé, pour démontrer ouvertement que chacun d'eux se fourvoie également dans l'erreur, a Et aussitôt il énumère les sept opinions des sacramentaires..

  A023001187 

 Puis il avoue que les sacramentaires ont semé de nouveaux dogmes, après être sortis de lui pour s'en séparer ensuite; en sorte qu'il a été, lui, un novateur, et que les autres ont été plus novateurs que lui.

  A023001187 

 Si cependant le témoignage de Luther au sujet des sacramentaires pouvait peut-être paraître suspect à quelqu'un, écoutons les sacramentaires parler d'eux-mêmes.

  A023001189 

 Calvin a condamné très ouvertement le mot de mérite, très ancien, très saint et très employé par tous les anciens chrétiens.

  A023001189 

 Ils ont changé les mots de Messe et d'Eucharistie en celui, tout profane, de Cène; le mot autel, en celui de table.

  A023001189 

 Ils ont réduit les Sacrements au nombre nouveau de deux; ils ont introduit de nouveaux rites dans l'administration des Sacrements.

  A023001189 

 Par une anarchie nouvelle, ils ont dénaturé la hiérarchie ecclésiastique; par une invention toute récente, ils ont mis les ministres, à savoir les diacres, au-dessus des prêtres et des évêques, et ceux-ci, que toute l'Eglise a toujours entourés de l'honneur dû au premier rang, ils les ont relégués au dernier.

  A023001190 

 En outre, alors que toujours les anciens Pères et toute l'Eglise prêchent la subsistance de l'Essence divine dans les Personnes, Calvin, au contraire, soit par une honteuse ignorance, à lui assez familière, soit par une in [167] croyable envie d'innover, qui l'a très fortement agité, a dit que les Personnes subsistent dans l'essence..

  A023001190 

 Il faut, en effet, ajouter ceci: dans la dernière édition latine, qui est de l'année 1602, on trouve non pas «résidence,» mais «subsistance», pour signifier la personne; par conséquent, comme je le suppose, les disciples de Calvin, avertis par ceux de notre religion, ont eu honte de cette nouvelle théologie, et ont jugé à propos de corriger ainsi leur docteur.

  A023001191 

 Enfin Luther s'exprime ainsi à propos de ce mot, consubstantiel: «Rien ne sert de m'objecter l'όμοούσιον employé contre les Ariens; ce mot n'a pas été employé par beaucoup, ni par de très illustres personnages.» Et peu après il dit qu'il faut pardonner aux Pères qui, à un moment donné, se sont servis du mot consubstantiel, dont nous nous occupons, mot profane, étranger à l'Ecri ture.

  A023001191 

 Mais on s'étonnera moins de voir l'âme hérétique de Luther s'offenser de ce mot, si l'on se souvient de la belle parole d'Ambroise: «Les Pères ont introduit ce mot dans l'exposé de la foi,» parce qu'ils voyaient «qu'il était redouté des adversaires.».

  A023001191 

 Quelle différence avec Jérôme écrivant autrefois au Pape Damase: «Je supplie Votre Béatitude, par le Crucifié, salut du monde, par la Trinité όμοούσιον,» etc. Tel était, en effet, le respect religieux que les très saints Pères avaient pour le mot consubstantiel, qu'ils s'en servaient dans leurs formules d'attestation.

  A023001191 

 «Si je hais cette expression,» ajoute-t-il ensuite, «et que je me refuse à m'en servir, je ne suis pas pour cela hérétique; car, qui peut me forcer à l'employer, pourvu que je tienne la chose elle-même que le Concile a définie d'après les Ecritures? Quoique les Ariens aient erré dans la foi, cependant (que ce soit avec une bonne ou une mauvaise intention) ils ont très bien fait d'empêcher qu'il fût loisible d'introduire dans les règles de la foi un terme profane et nouveau.» Que peut-on imaginer, je le demande, de plus impudent que ce charlatan? Les Pères antiques et catholiques ont combattu près de trois cents ans pour maintenir ce mot très vénérable de consubstantiel, dont la prononciation diverse faisait reconnaître les hérétiques des catholiques, et voici que ce [168] novateur et mauvais plaisant l'appelle un mot nouveau et profane! Aussi, rien d'étonnant que parmi ses disciples et sectateurs, il s'en soit trouvé qui ont substitué, par une souveraine perfidie, «semblable en substance» à consubstantiel; dignes disciples, à la vérité, de Cet apostat et déserteur de la foi qui, après treize cents ans, accuse de profanation le Concile de Nicée, le plus auguste de tous ceux qui eurent jamais lieu, tout en attribuant aux Ariens un zèle pieux.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001197 

 J'en appelle ici à vous, ô Pères, non en tant que Docteurs et illustres interprètes de la Sainte Ecriture, mais en tant que témoins tout à fait dignes de foi de ce qui se passait dans l'Eglise au temps où vous en étiez les chefs; en sorte que si les adversaires n'ont pas honte de vous traiter de docteurs ignorants et faibles d'esprit, ils admettent au moins vos paroles et vos écrits comme ceux de témoins fidèles et probes.

  A023001198 

 Donc, de peur de ne pas en finir si nous énumérons les textes des anciens Pères qui se présentent de côté et d'autre sur notre sujet, bornons-nous au seul Augustin, que Luther reconnaît pour le [170] meilleur Docteur après les Apôtres, et Calvin, pour un fidèle interprète de la vérité.

  A023001198 

 Dès le début du chapitre, vous verrez, au témoignage d'Augustin lui-même, le grand Ambroise pressé en songe, à Milan, d'exhumer et d'exposer les corps des saints Martyrs Gervais et Protais, le peuple accouru pour vénérer ces restes sacrés des Martyrs, et en particulier un aveugle, qui reçoit la vue au contact de ces reliques..

  A023001199 

 Vous y verrez aussi le bienheureux Saturnin, évêque d'Uzales, Gelosus, prêtre, et les diacres de Carthage; or, c'est l'évêque, comme exerçant la fonction principale, qui bénit les autres: preuve qu'alors les évêques étaient distincts des prêtres, et les prêtres des diacres, l'évêque étant considéré comme fort au-dessus du prêtre.

  A023001199 

 Vous y verrez qu'Augustin lui-même et Alypius n'étaient pas encore clercs: cette remarque d'Augustin veut dire qu'alors les clercs étaient distingués des laïques.

  A023001199 

 «Le souverain prêtre, à savoir l'évêque, a le droit de donner le Baptême; après lui, les prêtres et les diacres, mais avec la permission de l'évêque.» Ce sont les paroles de Tertullien..

  A023001200 

 Vous y verrez Hespérius de Fussales recourir aux prêtres pour faire délivrer sa maison de la présence des esprits malins, et un «de ces prêtres y offrir le Sacrifice du Corps du Christ» (ce sont les paroles mêmes d'Augustin), «priant de toutes ses forces pour faire cesser l'importunité des démons; et cette dernière cessa aussitôt, par la miséricorde de Dieu.» Par conséquent, à une époque où l'Eglise était dans toute sa pureté, le Sacrifice du Corps du Christ, au témoignage d'Augustin, était offert par les prêtres..

  A023001202 

 Donc, on faisait déjà bénir de l'huile par les prières des prêtres, pour enchaîner et chasser les démons..

  A023001202 

 Vous verrez des Religieuses y chantant les hymnes du soir et des oraisons.

  A023001202 

 Vous verrez un jeune homme dont l'œil fut guéri par les prières des Saints pendant qu'il embrassait l'autel.

  A023001202 

 Vous verrez une jeune fille, très connue de notre Augustin, qui, après s'être ointe d'une huile mêlée des larmes du prêtre qui priait pour elle (ce sont les expressions d'Augustin), fut délivrée du démon.

  A023001203 

 Celui-ci, trouvant un anneau d'or [173] dans le ventre du poisson, touché de compassion et pénétré d'une terreur religieuse, le remit à Florentius en disant: «Voici comment les Vingt Martyrs ont pourvu à ton vêtement.» Vous verrez je ne sais quels jeunes gens agacer de leurs moqueries la piété de Florentius: vous diriez que c'étaient déjà des calvinistes ou des luthériens..

  A023001203 

 Vous verrez la jolie histoire du vieillard Florentius, tailleur d'Hippone, qui par les prières des Vingt Martyrs obtint de Dieu de quoi se nourrir et se vêtir, grâce au gros poisson qu'il vit tout palpitant au sortir de sa prière, et qu'il vendit trois cents bourses au cuisinier Carchisus, chrétien.

  A023001204 

 Vous verrez Lucillus, évêque, porter lui aussi les reliques de saint Etienne, au milieu d'un peuple le précédant et le suivant, et guéri d'une très pénible fistule dès que, chargé du saint fardeau, il toucha les reliques sacrées.

  A023001204 

 Vous verrez Martial, homme de la première noblesse, avancé en âge, mais ayant horreur de la religion chrétienne, converti subitement, à la grande admiration de tout le monde, [174] par les prières de saint Etienne et après avoir touché des fleurs rapportées de son autel; puis, pénitent, baptisé par les prêtres, et ayant ensuite coutume, toute sa vie durant, de dire fréquemment cette prière de saint Etienne: O Christ, reçois mon esprit..

  A023001205 

 Vous verrez Augustin lui-même, sur le point d'adresser d'un lieu élevé la parole à ses ouailles, les exciter à louer Dieu [175] et à le remercier.

  A023001206 

 Il est par suite étonnant que de ce seul chef tous les luthériens et calvinistes ne se sentent vaincus et convaincus, et ne considèrent Luther et Calvin comme des imposteurs, eux qui confessent l'état très pur de l'Eglise à l'époque d'Augustin, et qui d'autre part, ne tiennent pas pour un menteur ce dernier qui rapporte comme très vraies et très certaines toutes les choses racontées plus haut..

  A023001206 

 Ne voyez-vous pas les clercs, les diacres, les prêtres, les évêques? Ne remarquez-vous pas le Sacrifice du Corps du Christ, l'autel, la dédicace de l'église, les Religieuses, la bénédiction de l'huile et la bénédiction épiscopale, les corps des Saints conservés précieusement et glorifiés par tant de miracles, et leurs tombeaux placés dans les églises? Avez-vous entendu le récit de la femme guérie par le signe de la Croix, du pauvre vêtu à l'invocation des Saints, la terre des Lieux Saints tenue en vénération, les reliques transportées avec honneur, et cela par les évêques, les Religieuses chantant des hymnes et des oraisons? Qu'y a-t-il de semblable, je le demande, dans les synagogues de Calvin ou de [176] Luther? Ces derniers se moquent de tout cela, comme si c'étaient des coutumes introduites abusivement et superstitieusement, aux siècles derniers, dans l'Eglise de Dieu.

  A023001206 

 Qui peut donc avoir le moindre doute sur la question de l'identité de l'Eglise de cette époque avec l'Eglise Catholique Romaine de notre temps? Avons-nous aujourd'hui d'autres paroles, d'autres sentiments? Remarquez l'aspect extérieur, étudiez les traits qu'Augustin, dans ce seul chapitre, a décrits avec tant de soin.

  A023001207 

 En vérité, quels réformateurs, bon Dieu! sont ces gens qui ont méprisé et repoussé comme profanes toutes les pratiques, toutes les œuvres de l'Eglise, tout ce dont celle-ci se parait à son époque de pureté et de sainteté! N'est-ce pas plutôt le nom de déformateurs qui leur convient, et ne doivent-ils pas être considérés, hués et chassés par tout le monde comme d'ineptes et impudents novateurs? Déjà autrefois Tertullien avait écrit ces belles paroles: «Nous avons coutume de récuser les hérétiques comme de date récente.» Pourquoi donc ne récuserions-nous pas aussi les nôtres?.

  A023001207 

 Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve.

  A023001207 

 Vous pouviez cependant nier cela comme tout le reste, bien que non sans fausseté et impudence; car il convient à des [177] gens qui ont dépassé, non une fois, mais si souvent les limites de la honte, d'être impudents pour de bon et hardiment.

  A023001234 

 Aussi avons-nous coutume de dire que le propre des hérétiques est de [178] diviser, comme celui des catholiques de réunir, le Christ étant venu réunir en un seul bercail les brebis dispersées.

  A023001234 

 C'est pourquoi l'Apôtre Jude décrit ainsi les hérétiques: Ce sont ceux qui se divisent eux-mêmes..

  A023001234 

 La huitième caractéristique de toutes les hérésies est l'esprit de dissension; car, comme dit l'Apôtre, est-ce que le Christ est divisé? Et: Dieu est un Dieu non de dissension, mais de paix.

  A023001235 

 Combien grossièrement et manifestement le diable nous rit-il au nez!» Voyez, je vous prie, avec quelle élégance et quelle justesse cet homme irascible fait la description de lui-même et des siens, tout en pensant décrire et mordre les autres!.

  A023001235 

 Mais qu'il nous suffise de citer le témoignage de Luther qui, dans son livre contre les sacramentaires, non en passant, mais ex professo, démontre qu'en deux ans se sont fait jour sept interprétations très diverses et hérétiques de ces paroles: Prenez et mangez: Ceci est mon corps.

  A023001235 

 Or, qui ne voit la dissension qui existe entre les hérétiques de notre temps? Luther appelle ouvertement hérétiques les sacramentaires; les sacramentaires en font autant pour les luthériens et les anabaptistes; les anabaptistes pour les trinitaires; les trinitaires pour les anglocalvinistes; les anglocalvinistes pour les puritains; et réciproquement.

  A023001236 

 J'ai porté la guerre au dehors, je combattais à visage découvert contre les papistes.

  A023001236 

 Pendant ce temps, les soldats mes compagnons, mes frères, à l'intérieur oppriment la patrie, portent le fer et le feu partout, exercent une boucherie cruelle et horrible parmi leurs propres concitoyens.» Et peu après, à propos de Carlostadt ou de Zwingle: «Mon Absalon, qui a chassé son père, après l'avoir dépouillé de son royaume et de sa gloire; mon Judas, qui a trahi son maître et a dispersé le groupe des pieux disciples, n'avaient pas encore formé le même projet contre moi aussi.».

  A023001237 

 Autrefois Hilaire a prononcé cette parole pleine d'à-propos et de poids: «La guerre que se font les hérétiques est la paix de l'Eglise.».

  A023001237 

 C'est là la guerre des Madianites, et, comme l'écrit ailleurs Luther lui-même, Dieu a tout arrangé pour que les impies se confondent toujours eux- mêmes, et pour que les mensonges ne concordent pas entre eux, mais se dévoilent eux-mêmes.

  A023001237 

 Papistes, dirigez l'attaque en première ligne; que les sacramentaires, les anabaptistes donnent l'assaut,» etc. En vérité, c'est à merveille qu'il met les sacramentaires et les anabaptistes derrière lui, non seulement parce qu'ils ont été ses sectateurs, mais aussi parce qu'ils viennent du même point de départ et ont suivi la même voie.

  A023001237 

 Tous font front à l'Eglise Catholique, mais tous combattent les uns contre les autres: Je ferai courir les Egyptiens sus aux Egyptiens, dit le Seigneur.

  A023001241 

 Les hérétiques de notre temps poussés par l'esprit de dissension.

  A023001243 

 Comment donc peuvent arriver à l'unité de sentiment ceux qui se sont fermé tous les chemins pour y parvenir?.

  A023001243 

 Et les hérétiques de notre temps, non seulement sont divisés de [181] sentiment, mais aussi, comme nous l'avons déjà dit, sont poussés par l'esprit de dissension, car ils ont supprimé tout ce qui pourrait amener la diversité des croyants à l'union ou à l'unité d'esprit et de foi.

  A023001243 

 Parmi eux, nul siège principal auquel, comme le disait saint Irénée, toute l'Eglise puisse recourir; chacun s'arroge la verge du censeur; ils méprisent l'autorité des Conciles, dont la première utilité est de concilier entre elles les opinions divergentes par l'échange mutuel de vues entre les catholiques.

  A023001244 

 Il arrive alors ce que dit Augustin: «Les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises;» et Hilaire: «La façon de comprendre constitue l'hérésie; c'est le sens qu'on lui donne, non le texte lui-même, qui amène le crime d'hérésie;» et Jérôme: «La valeur des Ecritures ne consiste pas dans leur simple lecture, mais dans la manière de les comprendre;» et ailleurs: «Le démon emploie les Ecritures, et toutes les hérésies s'en font des oreillers qu'elles mettent sous le coude des gens de tout âge, selon l'expression d'Ezéchiel.» Mais entre tous, Vincent de Lérins s'exprime avec le plus de clarté et de justesse, si bien qu'il semble avoir voulu dépeindre les mœurs et la tournure d'esprit des hérétiques de notre temps: «Lisez,» dit-il, «les opuscules de Paul de Samosate, de Priscillien, d'Eunomius, de Jovinien et des autres auteurs pestilentiels» (les luthériens et les calvinistes eux-mêmes considèrent tous ces personnages comme des hérétiques): «examinez l'interminable liste des exemples apportés, et vous verrez qu'il n'y a presque aucune page qui ne soit fardée et colorée au moyen de phrases du Nouveau ou de l'Ancien Testament.» Et peu après: «Qu'est-ce que les vêtements de brebis, sinon les oracles [183] des Prophètes et des Apôtres? Que signifient les loups dévorants, sinon les interprétations cruelles et délirantes des hérétiques? etc..

  A023001244 

 Qui ne voit cependant ici les replis tortueux du serpent antique? Presque toutes les controverses, en effet, roulent sur l'Ecriture Sainte elle-même.

  A023001244 

 Y a-t-il un hérétique, à l'exception d'un ou de deux, qui ait jamais autrement entamé sa lutte et troublé les foules dans l'Eglise de Dieu, qu'en en prenant prétexte dans l'Ecriture? Tous les hérétiques ont l'habitude de crier: La Parole de Dieu, la Parole de Dieu! tout en bouleversant [182] l'Ecriture par les Ecritures, c'est-à-dire en étouffant l'esprit vivifiant sous la lettre qui tue.

  A023001245 

 Aussi, quiconque affirme que l'Eglise peut se tromper, répand nécessairement un esprit de dissension dans les âmes des fidèles, et supprime entièrement toute certitude de croyance.

  A023001245 

 C'est ce que font et ont toujours fait tous les hérétiques.

  A023001245 

 Et cependant il nous faut continuellement lutter avec lui.» Et un peu après, à propos de Satan: «Il trouvera le moyen de faire naître par l'Ecriture tant et de si grandes sectes turbulentes, que tu ne sauras plus retrouver l'Ecriture, la foi, le Christ et toi-même.» Et aussitôt, revenant à la même pensée: «Quoique le démon soit forcé de nous laisser tranquilles, cependant il n'a pas oublié ses artifices; car à la dérobée il a semé dans nos assemblées la zizanie, je veux dire les faux frères qui ont embrassé notre doctrine et nos paroles, non pour nous aider à propager l'Ecriture, mais pour attaquer par derrière notre armée, au moment où nous combattons en première ligne, afin d'exciter les foules et nous faire une guerre furieuse.» Et peu après: «Mais il ne cessera pas; il ira plus loin dans une occasion si favorable, et attaquera plusieurs articles de foi.

  A023001245 

 Et comme il voyait les sacramentaires se glorifier impudemment de la Sainte Ecriture.

  A023001245 

 Et déjà ses yeux scintillent [185] annonçant des erreurs au sujet du Baptême, du péché originel et de l'humanité du Christ; d'où se produira tant de confusion dans l'interprétation des Saintes Lettres, tant de dissensions et de sectes, que nous pourrons affirmer avec Paul que le mystère d'iniquité agit maintenant.» Luther voyait bien qu'après lui surgiraient de nombreuses sectes: «Si la machine du monde se maintient encore quelques années, l'on sera obligé, à l'exemple des Pères, de recourir aux moyens humains de défense pour supprimer les dissensions, et l'on fera des lois et des décrets pour obtenir et conserver la concorde dans la religion; ce qui amènera un résultat pareil à l'ancien.

  A023001245 

 Mais un interprète de cette sorte ne peut être autre que l'Eglise, colonne et fondement de la vérité, à l'autorité exclusive de laquelle il a toujours appartenu de discerner et de condamner les hérésies et les hérétiques.

  A023001245 

 » Un peu plus loin, expliquant la nature de ces moyens humains de défense nécessaires pour supprimer les dissensions, il dit que ce seront les Conciles.

  A023001246 

 Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187].

  A023001246 

 qu'il a considéré les sacramentaires [186] comme des hérétiques et comme les plus affreux des hérétiques; 2.

  A023001246 

 que l'Ecriture seule ne peut calmer les flots des dissensions; 4.

  A023001246 

 que l'usage des Conciles a été pratiqué par les Pères dans ce but: toutes choses parfaitement vraies, bien que dites par un menteur habitué à mentir.

  A023001246 

 que les Conciles sont l'unique voie pour arriver à la concorde; 5.

  A023001246 

 que tous ces sacramentaires s'appuient impudemment sur les Ecritures; 3.

  A023001296 

 Aussi saint Augustin définit-il avec raison l'hérétique: celui qui, «ayant une intelligence erronée des Ecritures, affirme avec entêtement ses fausses opinions, opposées à leur vérité.» Et ailleurs: «Les hérésies ne sont nées que parce que les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises, et que ce qui en est mal compris est affirmé avec témérité et audace.» Et de nouveau [188] en un autre endroit: «Ceux qui, dans l'Eglise, ont des manières de voir mauvaises et malsaines, et qui, si on les reprend pour les amener à des manières de voir bonnes et saines, résistent avec obstination, ne veulent pas corriger leurs dogmes pervers, mais persistent à les défendre, ceux-là deviennent hérétiques.».

  A023001296 

 Ils sont nuées sans eau, emportées au hasard par les vents, vagues furieuses de la mer, jetant l'écume de leurs hontes, astres errants.

  A023001297 

 Avec les seules cendres qui resteront de moi après ma mort, même si on les jette dans mille mers, je poursuivrai et» repousserai «cette abominable tourbe.

  A023001297 

 Celui-ci, dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, écrit: «Je dirai franchement, et sans arrogance aucune, que j'ai purifié et éclairé l'Ecriture de telle sorte, que d'ici mille ans elle ne sera jamais ni plus claire, ni connue d'un plus grand nombre.» Et un peu auparavant: «C'est pour moi chose indifférente, maintenant que le monde entier adhère à mon parti, si ce monde vient de nouveau à me mépriser; j'approuverai l'une et l'autre détermination, car, qui me soutenait au commencement, quand j'étais seul?» Et ailleurs il se vante étonnamment lui-même, et aussi son esprit d'entêtement: «L'arme,» dit-il, «avec laquelle les hérétiques obtiennent aujourd'hui la victoire, c'est la fureur incendiaire des imbéciles, des ânes et des porcs qui suivent la doctrine thomiste.

  A023001297 

 Désormais, puisque vous continuez, dans votre endurcissement et votre aveuglement, à montrer les cornes, et que volontairement vous êtes incorrigibles et indomptables, que personne n'attende de moi à votre égard, monstres incurables, une parole douce ou caressante.

  A023001297 

 Mais que ces porcs s'avancent et, s'ils l'osent, qu'ils [189] me fassent brûler! je suis ici à les attendre.

  A023001297 

 Or, pour connaître le degré d'arrogance et d'orgueil des hérétiques de notre temps, il nous suffit d'entendre les paroles de leur père Luther.

  A023001298 

 Et de nouveau ailleurs: «Ce courant populaire m'était assez favorable, et les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Enfin, çà et là on peut voir ce monstre furieux s'adresser des louanges extraordinaires, et débiter en réalité des propos pleins d'arrogance et d'impudence.

  A023001299 

 Pour montrer jusqu'où va l'esprit de contention et d'entêtement chez Luther, nous apporterons deux exemples, choisis parmi les innombrables que nous pourrions citer.

  A023001301 

 Bien qu'il ne parle pas expressément de Calvin, qui du vivant de Luther n'était encore ni tellement décrié, ni tellement fameux, cependant ce qu'il dit des autres chefs des sacramentaires ne s'applique-t-il pas parfaitement à Calvin, d'autant plus orgueilleux et arrogant que les autres qu'il est venu après eux? Si, en effet, Carlostadt et Zwingle ont été arrogants en contredisant leur père Luther, plus arrogant certes a été Calvin en contredisant Luther, Zwingle et tous les chrétiens de tous les âges.

  A023001301 

 Quoi de plus arrogant que l'accusation lancée par Calvin contre tous les Pères, qui, d'après lui, seraient tombés dans l'erreur ou auraient parlé avec [193] arrogance? De même, quoi de plus arrogant que Bèze, qui attribue au seul Calvin l'honneur d'avoir vu juste, d'avoir découvert la vérité au sujet du mystère de l'Eucharistie, comme si personne, absolument personne d'entre les mortels, n'avait possédé la vraie doctrine sur l'Eucharistie avant l'époque de Calvin? Et que donne-t-il à entendre, je vous prie, lorsqu'à la fin de la Vie de Calvin écrite par lui, Bèze ajoute ces paroles d'Elisée voyant Elie enlevé au ciel: Mon père, mon père, char d'Israël et son conducteur! sinon qu'il veut qu'on prenne Calvin pour Elie et lui-même pour Elisée?.

  A023001307 

 Par exemple, qu'on leur demande si les actes de charité justifient, ils le nieront.

  A023001307 

 Si vous [194] leur objectez les paroles de l'Epître de saint Jacques, que répondront-ils? Luther s'écriera que, «si l'on a déliré quelque part,» c'est ici qu'on l'a fait, et qu'il vaut mieux rejeter l'Epître de l'Apôtre qu'admettre le principe de la justification dans la charité.

  A023001308 

 Quant à Calvin, il répondra que les paroles de saint Jacques ne regardent pas la justification, mais la manifestation de cette dernière.

  A023001308 

 Si vous insistez: Consultons les Pères, les Conciles, l'Eglise.

  A023001308 

 Si vous répliquez que les expressions de l'Apôtre ne peuvent supporter cette interprétation, puisque saint Jacques attribue la justification tout ensemble à la foi et aux œuvres, Calvin persistera dans son opinion et s'écriera que les catholiques sont tous vaincus, et convaincus de mauvaise interprétation.

  A023001309 

 Bonté de Dieu! c'est précisément de ce a qu'il s'agit, à savoir, qui interprète mieux les Ecritures..

  A023001309 

 Et aussitôt le serpent ramène [196] sa tête sur lui-même: Parce que, dit-il, j'interpréterai selon les Ecritures.

  A023001309 

 Ne voyez-vous pas l'entêtement? Il exige les Ecritures, nous les fournissons; il les détourne par une interprétation fuyante.

  A023001309 

 Qui ne voit ici les détours de l'audace et de l'entêtement? En somme, il veut qu'on l'entende lui seul, qu'on lui prête foi à lui seul.

  A023001309 

 Si vous lui demandez s'il consent à écouter les Pères anciens et les Conciles: «Je les écouterai,» dit-il, «si leur jugement est exactement conforme à l'Ecriture.» Mais après qu'ils auront porté leur jugement, demandé-je, vous en tiendrez-vous à leur sentence? Je m'y tiendrai, répond-il, si cependant je l'examine d'abord.

  A023001310 

 De là, la nécessité des juges, même dans les affaires profanes; à plus forte raison celle des Conciles dans l'Eglise de Dieu, de peur que, s'il n'y a aucun juge qui prononce sans appel, le mauvais vouloir des parties et leur envie de disputer n'empêchent qu'il y ait jamais une fin aux litiges et aux appels..

  A023001310 

 Que faire avec ces impies qui toujours marchent en louvoyant, et reviennent sans cesse à l'endroit d'où on les a souvent chassés? Quelle obstination plus impudente que celle de ne pas s'en tenir au jugement de l'Eglise, des Pères, des Conciles? Comment finir une discussion d'une telle importance, si personne ne peut trancher le litige et n'a l'autorité de définir en dernier ressort la question? Sans aucun doute le désir de disputer sera sans fin.

  A023001310 

 Toute république bien ordonnée a ses lois, ses lois bonnes et inviolables; mais si elles étaient abandonnées au bon plaisir des parties, les procès n'auraient jamais de terme, chacun s'appuyant sur sa propre prudence, et non seulement abondant dans son sens, mais le faisant avec excès.

  A023001311 

 Mais, mon Luther, te soumettras-tu, au moins, si le Concile t'est défavorable? Je distingue, répond-il: si la sentence est selon les Ecritures, je me soumettrai; autrement, je refuserai tout.

  A023001312 

 Ce que nous venons de dire de Luther, doit également se dire de tous les autres hérétiques; car leur nom d'hérétiques leur vient justement de ce qu'ils choisissent pour leur usage une interprétation de l'Ecriture telle que, si elle concorde avec celle des Conciles et de l'Eglise, ils la défendent en se basant, non sur l'autorité de l'Eglise ou des Conciles, mais sur leur propre opinion; si, au contraire, elle est différente, ils la soutiennent contre l'autorité de l'Eglise et des Conciles.

  A023001318 

 Nous apportons encore le texte où le même Augustin écrit que «les âmes des défunts sont recommandées aux prières des Martyrs, lorsque les corps des défunts sont ensevelis dans les lieux consacrés à l'honneur de ces Martyrs et contenant leurs reliques.» Comment nos mauvais plaisants échappent-ils à ces textes? En disant tout simplement que ces choses ont été écrites non avec intention, mais en passant et par inadvertance.

  A023001318 

 Nous apportons un texte tiré de ses Commentaires sur l'Exode, où il enseigne ouvertement que, «par les prières des Martyrs, Dieu pardonne aux péchés de son peuple.» Nous apportons aussi le passage cité plus haut, où il affirme clairement que plusieurs personnes ont été guéries ou aidées par les prières de saint Etienne.

  A023001318 

 Supposons qu'on demande si le bienheureux Augustin a été d'avis d'invoquer les Saints.

  A023001319 

 Cependant, pour les satisfaire, citons un autre texte où Augustin, non en passant, mais dans une prière prolongée et répétée, invoque un Saint régnant dans les Cieux.

  A023001319 

 Sainte Marie, secours les malheureux, aide les pusillanimes, console les affligés; prie pour le peuple, interviens en faveur du clergé, intercède pour les femmes consacrées à Dieu; qu'ils sentent ton aide tous ceux qui célèbrent ta sainte mémoire.

  A023001319 

 Sois toujours intéressée aux désirs de tes clients et [200] obtiens à tous ce qu'ils souhaitent; occupe-toi à prier sans cesse pour le peuple de Dieu, toi qui as mérité, ô Bénie, de porter le Rédempteur du monde, qui vit et règne dans les siècles des siècles.».

  A023001320 

 Ainsi donc, de ce que la manne n'a pas la saveur d'un pain céleste pour les rebelles et les méchants, faudra-t-il dire que la manne cessera d'être un pain descendu du ciel? Parce que le soleil ne luit pas au profit du hibou, ne luira-t-il pas à notre profit? A ce compte-là, c'en est fait de toute l'Ecriture, comme notre Augustin l'a savamment montré autrefois contre Faustus lequel, avec l'insolence habituelle des hérétiques, prétendait non authentiques, mais falsifiés, les passages de la Sainte Ecriture qui lui étaient opposés..

  A023001320 

 Il faut cependant pardonner de bonne grâce à des gens qui se moquent si sottement des écrits des Pères, lorsque nous les voyons en agir ainsi à l'égard des Saintes Ecritures elles-mêmes, qu'ils n'admettent ou ne rejettent que suivant leur propre goût.

  A023001320 

 Quel a pu être, en effet, le motif de Luther [201] en condamnant l'Epître de saint Jacques? «C'est,» dit-il, «qu'elle ne respire pas l'esprit apostolique.» Pourquoi Calvin condamne-t-il les Livres des Machabées? Parce que, dit-il, ils ne respirent pas l'esprit divin.

  A023001320 

 Qui en juge ainsi, vous ou moi? Que restera-t-il qui ne puisse être sûrement nié, si cette façon de rejeter l'autorité des Pères est une fois admise? Car si les passages les plus clairs doivent être examinés suivant le goût de ceux qui discutent, ils ne seront jamais du goût des contradicteurs.

  A023001322 

 Bien que cet art de tromper à propos des écrits des Pères soit commun à tous les hérétiques, les calvinistes se le sont comme approprié, tellement ils y excellent.

  A023001322 

 C'est là un trait commun à tous les hérétiques présents et passés, ainsi que l'a autrefois observé notre Vincent de Lérins: «Lorsque,» dit-il, «ils complotent d'échafauder une hérésie sous un faux nom, le plus souvent ils s'emparent de paroles écrites un peu trop obscurément par quelque ancien, pour que, par leur obscurité même, elles s'accordent en quelque façon à leur enseignement, et afin que le je ne sais quoi qu'ils émettent, ils ne paraissent ni les premiers ni les seuls à l'émettre.» Notre distingué ministre, dont nous venons de parler, appliquant cette façon de faire à tous les passages si clairs d'Augustin que nous avons cités, opposait ce seul endroit où, à propos du Christ, il s'exprime ainsi: «Il est le Prêtre qui, maintenant entré dans l'intérieur du voile, est seul, de tous ceux qui ont porté la chair, à intercéder pour nous.» Ainsi ce docteur subtil voulait montrer une contradiction entre Augustin et [204] Augustin, sans voir que dans le dernier texte il s'agit de l'intercession qui s'opère par la rédemption, ce que le contexte indique très clairement.

  A023001322 

 Nos novateurs se complaisent surtout dans leur opiniâtreté, lorsqu'ils rencontrent dans les livres des Pères quelque expression qui semble leur être favorable au premier aspect et seulement en apparence.

  A023001329 

 Ici se vérifie le mot d'Augustin: On peut les convaincre, mais non les vaincre.

  A023001329 

 Mais ajoutons encore à ces caractéristiques d'opiniâtreté une autre caractéristique ayant quelque rapport avec celles que nous avons examinées plus haut, bien que distincte: à savoir, que nos novateurs sont des disputeurs, comme disait le bienheureux Apôtre [205] Jude, des amis de la contention, pour parler comme Paul, de sorte qu'on a beau répondre à leurs arguments, on ne les satisfait jamais.

  A023001330 

 Ainsi nous disons que les ombrages et les tentes tiennent le milieu entre nous et le soleil, bien que non seulement ils ne soient pas à mi-distance, mais qu'ils soient avec nous à une des extrémités.

  A023001330 

 Aussi ne reconnaissons-nous pas les Saints comme médiateurs, c'est-à-dire comme se tenant entre Dieu et nous, à la manière du [207] Christ, qui est en effet entre Dieu et nous, parce qu'il participe à la fois à la nature divine et à la nature humaine, étant Fils de Dieu et fils de l'homme; mais nous invoquons les Saints, pour que ceux-ci coopèrent aux prières que nous adressons par l'intermédiaire du seul Jésus-Christ notre Seigneur.

  A023001330 

 Comme cependant nous comprenons qu'ils sont, eux, plus agréables au Christ et, en quelque manière, plus rapprochés de lui, étant déjà dans la gloire, la plupart des Anciens les ont appelés médiateurs: non point pour la raison qui fait donner au Christ le nom de Médiateur, parce qu'il occupe vraiment ce que je nommerai le milieu mathématique, mais parce qu'on dit de quelqu'un qui est rapproché d'un autre, même d'une distance minime, qu'il tient le milieu entre cet autre et celui dont il est éloigné davantage.

  A023001330 

 Ils objectent qu'en invoquant les Saints nous donnons au Christ des coadjuteurs.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001345 

 Ils se moquent de nous parce que nous baptisons les enfants, que nous prions pour les morts, que nous demandons les suffrages des Saints.».

  A023001346 

 Bonté divine! de quelle impudence n'use-t-il pas envers le Souverain Pontife, envers le Roi d'Angleterre, envers le corps épiscopal, envers les académies de Paris et de Louvain! La moindre des injures qu'il lance contre eux, c'est de les traiter de «porcs, d'ânes, de très sots satellites de Satan,» et autres choses de ce goût.

  A023001346 

 Et cela si souvent et avec tant d'importunité, que si l'on supprimait de ses Œuvres toutes les injures, l'on réduirait facilement à un seul huit tomes de ses écrits..

  A023001347 

 Mais pourquoi énumérer trois ou quatre Pontifes, comme si ce qu'ont professé il y a déjà longtemps et professent encore de nos jours, en matière de religion, les Pontifes avec tout le Collège des Cardinaux, était chose douteuse? Car le premier point de la théologie cachée qui a cours parmi eux, c'est qu'il n'y a pas de Dieu; le second, c'est que tout ce qui a été écrit et qui est enseigné du Christ n'est que mensonge et fable.

  A023001347 

 Quoique ceci soit très notoire pour tous ceux qui connaissent Rome, les théologiens de Rome ne cessent [210] pas,» etc. Qui, je vous prie, n'aura honte d'un menteur et d'un imposteur de cette virulence? Et cependant, ce qui rend cette impudence intolérable, c'est que, au même endroit, Calvin affirme qu'il ne parle pas des personnes, mais de la Chaire de Rome; de sorte qu'on peut lui objecter la parole d'Augustin rapportée ci-dessus: «Que» t'a «donc fait la Chaire de Pierre?».

  A023001347 

 Si quelqu'un maintenant doute de l'insolence et de l'esprit de moquerie de nos hérétiques, qu'il lise, s'il le peut, le badinage [209] de Luther contre les théologiens de Paris et le Passavant de Bèze.

  A023001347 

 «Si,» dit-il, «nous en venons aux personnes, l'on sait assez quels vicaires du Christ nous trouverons: Jules, Léon, Clément, Paul seront les colonnes de la foi chrétienne et les premiers interprètes de la religion, eux qui n'ont admis au sujet du Christ que ce qu'ils avaient appris à l'école de Lucien.

  A023001348 

 Ecoutez Calvin: «Nous concluons que les papistes ne laissent rien au Christ, eux qui ne comptent pour rien son intercession, si elle n'est pas accompagnée de celle de Georges, d'Hippolyte ou de semblables fantômes.» Ailleurs il ment avec la plus grande effronterie, en accusant les catholiques de ne faire «aucune mention du Christ dans toutes leurs Litanies, Hymnes et Proses où ils ne refusent aucun honneur aux Saints défunts.» Quant à Luther, il fait si bien, dans un certain passage, le procès du bienheureux Thomas d'Aquin, qu'il n'a pais honte de dire de lui qu'il est probablement damné! En somme, ces hérétiques n'ont rien respecté, ni au Ciel ni sur terre; et vraiment il était juste qu'ils [211] n'épargnassent pas le Docteur Angélique, eux qui n'ont épargné ni les Anges ni Dieu lui-même..

  A023001348 

 Et ces hérétiques ne se contentent pas de charger de tant d'injures l'Eglise militante de Dieu; c'est encore peu pour eux, s'ils ne lancent les flèches de leurs injures même contre les citoyens de l'Eglise triomphante.

  A023001379 

 Toutes les hérésies ayant cela de commun que leur origine est basse et abominable (d'où cette parole remarquable de saint Jérôme: Pour réfuter les hérésies, il suffit de les ramener à leur origine), voyons maintenant, en manière de corollaire, de quelle belle origine se glorifient les hérésies de notre temps..

  A023001380 

 Pour Luther, il est vrai, c'est une gloire dont il se pare d'avoir le premier et seul excité des troubles; car il se félicite de ce que «les allemands, l'esprit en suspens, attendaient» quelle serait l'issue de la lutte provoquée par lui, et «que personne auparavant,» dit-il, «ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Pour lui, cette gloire hérétique était d'un si grand prix, qu'il se considérait comme offensé si l'on disait qu'il avait emprunté à d'autres ses opinions; et parce que la plupart le considéraient comme un hussite, il réclamait par cette exclamation: «C'est faux de m'appeler hussite! Hus n'est pas de mon avis; mais s'il a été hérétique, je le suis dix fois plus que lui, car il a dit bien moins de choses que moi, et de moindre importance.».

  A023001380 

 Quand même ni Luther ni Bèze ne rendraient ce témoignage, [212] il suffirait, pour le rendre, de la paix dont jouissait l'Eglise lorsque Luther engagea la guerre avec elle, et la subite levée de boucliers de tous les ordres de la société chrétienne contre lui dès qu'il apparut.

  A023001381 

 Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération.

  A023001382 

 Les premiers mobiles qui ont porté Luther à abandonner la doctrine catholique, ont été en fait de purs et très grossiers blasphèmes.

  A023001382 

 Puis il ajoute: «Chaque fois que je lisais ce texte, je souhaitais que Dieu n'eût jamais révélé l'Evangile; car, qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» De nouveau ailleurs: «Autrefois, lorsqu'il me fallait lire, en priant, ce texte du Psaume: Délivre-moi dans ta justice, j'étais tout pénétré d'horreur, et de tout mon cœur je haïssais cette parole.» Et peu après: «Ici, vraiment, tous les Pères, Augustin, Ambroise, etc., se sont trompés, et se sont heurtés à ce passage comme à une pierre de scandale.» C'est de cette haine d'un Dieu irrité et juste, qu'il passa à la méditation où il dit avoir trouvé sa foi justifiante: «Alors je me sentis renaître et entrer, toutes portes ouvertes, en plein Paradis.

  A023001382 

 Voici, en effet, ce qu'il écrit de lui-même: «Je haïssais ce mot: Justice de Dieu, que, par suite de l'usage de tous les docteurs, j'avais appris à comprendre philosophiquement de la justice formelle et active de Dieu, par laquelle Dieu est juste et punit les [214] pécheurs et les coupables.» Et peu après: «Je n'aimais pas, bien plus, je haïssais un Dieu juste et punissant les pécheurs, et je m'indignais contre lui en silence; ce qui, si ce n'était un blasphème, était certes un grand murmure.» Et ailleurs, expliquant ce texte de saint Paul: La justice de Dieu est révélée dans l'Evangile, il dit que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, l'ont interprété dans le sens de justice punissante de Dieu.

  A023001383 

 D'abord, que la nouveauté de Luther commença par la haine de Dieu, de tous les péchés le plus grave: source digne, en vérité, de s'épancher en tant de ruisseaux d'hérésies..

  A023001385 

 En effet, même en laissant de côté Chrysostôme et Théodoret, certainement Thomas et Nicolas de Lyre (ce [216] dernier est entre les mains de tous) interprètent ouvertement notre texte dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie, bien que l'opinion contraire ne soit pas entièrement improbable..

  A023001385 

 En troisième lieu, Luther trahit sa très grossière ignorance en disant que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, ont interprété le passage de saint Paul aux Romains dans le sens de la justice punissante de Dieu.

  A023001386 

 En quatrième lieu, Luther montre bien son impudence lorsqu'il affirme que le passage cité plus haut du Psaume n'a été compris par personne, parmi les catholiques et les Pères, dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie.

  A023001387 

 Car longtemps il flatta le Pontife Romain lui-même, et, quoiqu'il eût écrit injurieusement contre le Roi d'Angleterre [217], il lui envoya ensuite une lettre où, par des flatteries et des caresses, il s'efforce d'amadouer l'esprit du Roi en écrivant sur ce toi: «J'ai conscience que Votre Majesté a été très gravement oflfensée par mon petit livre que j'ai fait paraître sottement et précipitamment.» Et peu après: «Maintenant, grandement honteux, je n'ose lever les yeux devant Votre Majesté, moi qui me suis laissé aller à agir par légèreté contre un tel et si grand Roi, étant donné surtout que je ne suis que du rebut et un ver de terre, qui méritait seulement d'être vaincu ou laissé de côté par mépris.» Ensuite, à genoux aux pieds du Roi, il demande pardon et promet, si le Roi le désire, de chanter la palinodie.

  A023001388 

 Qui croira jamais que ces lèvres trompeuses d'un Luther parlant d'un cœur double, ont été choisies par Dieu pour allumer de nouveau dans le monde la lumière de l'Evangile! Où a-t-on jamais vu ou lu qu'une hérésie ait eu des origines si basses et plus exécrables que celle où tout a commencé, non sous l'impulsion d'un motif sérieux et volontairement, mais par l'effet du hasard; par haine de Dieu, non par amour; au moyen de mensonges et d'hypocrisie, non pour la vérité? Quant à son auteur, c'était un homme fauteur de troubles et tellement violent, que, au témoignage de Philippe Mélanchton, non seulement Erasme, mais aussi le duc Frédéric, soud la protection et les auspices duquel Luther lança [219] son aventure tragique, lui souhaitaient une douceur et une modération que lui-même reconnaissait lui faire défaut, en avouant qu'il agissait sans être en pleine possession de soi-même..

  A023001395 

 S'adressant alors aux catholiques: «Si vous deviez soutenir les chocs du démon, et écouter ses argumentations, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes; car Satan, en un clin d'oeil, remplit [221] de terreurs et de ténèbres l'esprit tout entier.» Ensuite, pour répondre au nom du diable à l'objection qu'il avait faite, il s'efforce de montrer par beaucoup de raisons que parfois le diable lui-même enseigne la vérité, et ment de telle sorte que son mensonge est mélangé de vérité.

  A023001396 

 Allons, hommes de cœur, nos oreilles ont entendu, nos yeux ont vu! Voilà donc cette fameuse liberté évangélique que Luther, et, à son exemple, les autres hérétiques de notre temps ont introduite! «Nous avons été délivrés,» dit Luther, mais non au moyen de la liberté que le Christ nous a acquise par son sang précieux, mais au moyen de la liberté que Satan a apportée à Luther du fond des enfers.

  A023001464 

 [Même à ne tenir compte que de l'ennui qu'il y a à s'occuper de pareille matière, il serait temps que je misse fin à cette discussion [223] qui m'a retenu plus longtemps que je n'avais pensé, si je ne me voyais obligé, par le zèle du bien public, de dévoiler le plus brièvement possible la ruine toujours plus grande dont les inventions de nos novateurs menacent les intérêts civils des chrétiens.

  A023001471 

 Ainsi le Dieu très bon et très grand a régi son peuple d'Israël par des chefs, des Juges, des Rois; les affaires de son Eglise, par les Souverains Pontifes; celles du Ciel, par l'Archange Michel, sous la dépendance duquel sont, dit-on, les autres Anges.

  A023001471 

 Bien plus, parmi les animaux qui vivent en troupeaux, l'un d'eux est toujours le chef des autres: ainsi pour les éléphants, les cerfs, les brebis, les grues, les abeilles et les huîtres perlières, etc. En effet, ce mode de gouvernement, qui se rapproche davantage de celui du Dieu très bon et très grand, de même qu'il est le meilleur de tous, est aussi le plus souhaitable et le plus aimable, en sorte que Dieu semble en avoir répandu le désir dans la nature elle-même en la créant..

  A023001471 

 Quant à la fausseté de l'assertion de Calvin: à savoir, que la domination de plusieurs est préférable à la domination d'un seul, elle ressort du témoignage de tous ceux qui ont écrit sur le gouvernement de l'Etat, et qui sont réputés particulièrement renseignés sur les matières tant ecclésiastiques que civiles.

  A023001475 

 De l'égalité de tous les péchés.

  A023001477 

 La seconde proposition est celle de Luther, que nous avons déjà rapportée plus haut: «Il n'y a absolument aucune distinction à [226] faire entre les diverses circonstances que l'opinion commune de tous les hommes considère comme aggravant les péchés;» de sorte que l'inceste commis par un individu avec sa fille ou sa sœur n'est pas plus grave que s'il était commis avec une veuve étrangère ou avec une courtisane; de sorte aussi que l'homicide d'un ennemi est l'égal de celui d'un père, d'une mère ou du prince.

  A023001481 

 Qu'il ne faut pas combattre contre les Turcs.

  A023001483 

 Au sujet des soldats, il existe un merveilleux Sermon de saint Bernard aux chevaliers du [228] Temple, tout à fait approprié à notre cas: «Marchez avec confiance, soldats, et chassez avec intrépidité les ennemis de la Croix du Christ, assurés que ni la mort, ni la vie ne pourra vous séparer de la charité de Dieu.

  A023001483 

 Avec quelle gloire ils retournent victorieux du combat! Et ceux qui meurent au combat, quels bienheureux martyrs! La vie est pleine de fruits, la victoire pleine de gloire, mais à l'une et à l'autre est préférée une mort sainte.» Et plus loin: «Les soldats du Christ combattent avec assurance les combats de leur Seigneur, sans craindre le péché en tuant les ennemis, ou le péril en étant eux-mêmes tués.

  A023001483 

 Faudra-t-il ne pas combattre la peste par les remèdes, la famine par les approvisionnements de diverses sortes, uniquement parce que, au moyen de ces afflictions, Dieu, non seulement nous visite et nous châtie, mais nous éprouve, nous traite comme siens et nous perfectionne? Pourquoi donc le prince porte-t-il le glaive et le soldat les armes, si ce n'est pour réprimer les attaques des ennemis et chasser les envahisseurs de la République? C'est pour cela, sans aucun doute, que les soldats sont loués, même dans l'Evangile, parce qu'ils peuvent être justes, comme Corneille, ce noble centurion dont il est question dans les Actes des Apôtres; c'est pour cela aussi qu'ils reçoivent l'approbation de Jean-Baptiste lui-même, non s'ils quittent la milice, mais s'ils ne frappent personne, s'ils ne font pas de calomnie et s'ils se contentent de leur solde.

  A023001483 

 La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés.

  A023001487 

 Les lois des Princes n'obligent pas la conscience des sujets.

  A023001489 

 La quatrième proposition est celle de Calvin niant que les lois du Prince obligent en conscience.

  A023001489 

 Pourquoi donc? Parce que, [229] dit-il, «nos consciences ont affaire, non avec les hommes, mais avec Dieu.».

  A023001492 

 Que réponds-tu à cela, Calvin? Ne vois-tu pas que nos consciences ont aussi affaire avec les hommes, à savoir avec ceux qui tiennent la place de Dieu dans l'administration du pouvoir ecclésiastique ou politique? Combien la proposition de Calvin diminue l'autorité des princes et des lois, chacun peut le voir, et les princes eux-mêmes peuvent le sentir et l'expérimenter [230], s'ils permettent à ces enseignements impies et séditieux de prendre racine dans leurs Etats..

  A023001492 

 Saint Paul a vécu en un temps où les princes et les empereurs, non seulement ne suivaient pas, mais poursuivaient le Christ et s'étaient ligués contre le Seigneur et contre son Christ.

  A023001496 

 Que les sujets ne doivent pas souhaiter la puissance de leurs Princes.

  A023001498 

 Aujourd'hui la France et l'Espagne se glorifient d'obéir à de grands Princes; mais elles sentent à leurs dépens combien futile est ce qui les fascine sous le fallacieux prétexte de la gloire.

  A023001498 

 La cinquième proposition, dont je ne sais dire si elle est plus jolie ou plus dangereuse, est celle-ci de Calvin encore: Les sujets ne doivent pas souhaiter la puissance de leurs princes.

  A023001499 

 [O Rois, ô Princes, permettez-moi de crier, pour votre sécurité et celle de vos peuples: Que faites-vous? Qu'attendez-vous, [231] vous qui dans vos Etats favorisez, chérissez et recevez comme de grands prophètes de Dieu les auteurs et les sectateurs d'une doctrine aussi pernicieuse et pestilentielle? C'est vous seuls, en effet, que j'interpelle, en m'étonnant de votre conduite; non ceux qui, pour empêcher les guerres et les factions de tout troubler, font comme malgré eux acte de seule tolérance, même à l'égard de gens qu'ils haïssent.] Quand donc les royaumes et les peuples vivent-ils plus heureux que lorsque les princes gouvernent de très vastes provinces, pourvu qu'ils le fassent avec justice et équité? Quand donc la France a-t-elle été plus florissante que sous Charlemagne, roi et empereur très puissant? Quand donc les Israelites ont-ils été plus heureux que sous le règne du grand Salomon?.

  A023001505 

 Aussi la Sagesse éternelle dit-elle ceci: C'est par moi que les rois règnent, et que les législateurs décrètent ce qui est juste.

  A023001505 

 Il est inutile de discuter cette proposition d'après ce qu'en disent Aristote et les auteurs profanes; [je voudrais plutôt, si nous avions le loisir de le faire avec toute l'ampleur et l'abondance requises par la matière, traiter celle-ci comme elle le mériterait, d'après les raisons qui conviennent à un jurisconsulte, et que nous [233] fournirait facilement notre Jurisprudence.] Qu'il suffise de dire que jamais chez les chrétiens un état n'a été administré sans lois..

  A023001511 

 A l'opposé, le roi David avertit expressément tous les rois de servir le Seigneur avec crainte et tremblement: Et maintenant, dit-il, comprenez, ô rois; apprenez, ô vous qui jugez la terre.

  A023001511 

 La septième proposition de Luther, par laquelle nous voulons terminer, est tirée du passage qui traite de la différence entre la loi et l'Evangile: «La conscience n'a rien à voir avec la loi, les œuvres et la justice terrestre.

  A023001511 

 Par ces paroles il est hors de doute, comme tous les [234] Anciens l'ont observé, que tous les rois sont invités au culte du Christ..

  A023001512 

 Et si le Christ po rte écrit sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce n'est pas pour autre chose que pour apprendre aux rois qu'ils ne peuvent régner d'une manière plus heureuse et meilleure qu'en étant fidèles au Christ, à l'Evangile et à la piété, car le Christ est la Sagesse qui dit dans les Proverbes: C'est par moi que règnent les rois.

  A023001515 

 CONTRE TOUS LES PRINCES CHRETIENS.

  A023001517 

 Il avertit, en effet, au [236] texte cité, que tous les tyrans et princes sont de puissants chasseurs, poursuivant, non les bêtes, mais les hommes, et il ajoute: «Plus tard ce fut le titre général de tous les tyrans et princes.».

  A023001517 

 Il n'a pas honte, en effet, de qualifier tous les rois et les princes de «puissants chasseurs,» comme parle l'Ecriture au sujet de Nemrod: C'est faire trop d'honneur et donner trop de gloire, dit-il, «à la Papauté, que de dire qu'elle est la grande chasse de l'Evêque Romain»; «et cet exemple de Nemrod convient aussi à toutes les puissances séculières, auxquelles cependant Dieu veut que nous soyons soumis, en les honorant, les bénissant et priant pour elles.» Or saint Jérôme explique ainsi quel a été Nemrod et ce qui lui a valu le nom de «puissant chasseur»: c'est parce que, le premier, il s'empara d'un pouvoir tyrannique sur le peuple.

  A023001517 

 Je le croirais facilement moi-même, si je ne voyais l'application en question figurer dans les Commentaires de Luther sur la Genèse.

  A023001517 

 Mais quelqu'un dira peut-être que Luther n'a pas eu cette pensée en disant que tous les princes sont semblables à Nemrod.

  A023001518 

 Si quelque part sur terre il y a un prince assez luthérien pour vouloir avouer devant toi, ô Luther, qu'il en est ainsi, tu es un digne conseiller pour un si indigne prince, puisque tu veux que les princes, imitateurs de Nemrod, s'appliquent à favoriser, non le Christianisme, mais l'athéïsme.

  A023001519 

 Aujourd'hui, en effet, presque personne dans le monde ne se fait hérétique; seuls à le devenir sont ceux qui naissent parmi les hérétiques [237] et d'hérétiques, et qui n'ont jamais entendu parler de notre religion catholique, sinon par des calomniateurs; ou encore, ceux qui désirent plutôt abandonner l'état monastique ou sacerdotal que la religion elle-même, pour chercher parmi les hérétiques l'impunité des crimes qui les ont rendus infâmes parmi nous; ou bien pour obtenir une plus large commodité de se livrer à la luxure et à la débauche, commodité qu'ils «appellent liberté de conscience; ou enfin, ceux qui sont empêchés de revenir à nous pour des motifs d'utilité ou même de fausse honte, plutôt que pour des raisons tirées de la science ou de la conscience.

  A023001521 

 Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie.

  A023001521 

 Je vous prie instamment, par les entrailles de la miséricorde du Christ, hommes illustres, vous tous en quelque lieu que vous soyez, vous surtout qui m'aimez, d'examiner enfin une affaire de si grande importance avec sérieux et tranquillité, comme il convient, et dans un esprit d'humilité, non de superbe, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici.

  A023001521 

 Qui croira jamais que vous avez été d'assez grands jurisconsultes pour pénétrer tous les textes les plus obscurs et les plus cachés de Papinien, et que cependant vous, même avertis et éclairés par tant de livres de nos théologiens, vous n'avez pas su percer à jour leurs inepties si sottes et puériles, si éloignées du sens commun? Revenez, je vous en prie, à l'Eglise de Dieu qui vous a reçus avec bonté à votre naissance dans le bain de la régénération, et qui, pour vous recevoir de nouveau, toute vénérable par ses soupirs et ses larmes, va au-devant de votre conversion.

  A023001521 

 Si notre Eglise est la vraie, pourquoi en cherchez-vous une autre? pourquoi en créez-vous une nouvelle? Les abus, que vous étiez convaincus faussement d'y reconnaître si nombreux, ils devaient être corrigés dans la mesure où ils existaient, non par vous, mais par le Pasteur et le Recteur de l'Eglise.

  A023001521 

 Vous avez bien trop accordé à Luther, à Calvin et à leur inspiration, vous qui avez jusqu'ici préféré les nouveautés de ces imposteurs aux anciens Pères, au Concile de Trente et à toute l'Eglise.

  A023001522 

 Pour finir, je vous demande, dans la charité de Dieu et avec le respect que je professe pour vous, que si vous estimez que j'aie dit quelque chose de trop acerbe contre les hérésies ou les hérésiarques, vous croyiez que ce n'est pas pour vous offenser comme des adversaires que je l'ai dit et écrit, mais pour vous faire sortir, comme des amis, de votre sommeil léthargique.

  A023001543 

 Exemple de pèlerinages à des lieux saints, II Rois, chap. XV; de prières pour les défunts, ibid.; car Absalon semble vouloir paraître se rendre en esprit de religion au pays de ses pères..

  A023001544 

 Les Hébreux appellent pain toute sorte de nourriture; I Rois, chap. XIV, versets 27 et suivants..

  A023001548 

 «Fin du canon [242] de nos Pères les Apôtres, dont la prière et la bénédiction soient sur nous.

  A023001552 

 Remarquable exemple des vœux de dévotion que l'on fait pour honorer la mémoire et les monuments des Martyrs: II Rois, chap. XV..

  A023001574 

 De même, le terme disparité, pour ne pas nier l'égalité; les termes étrangers et différents..

  A023001574 

 Eviter les termes de séparation et division, parce que c'est un tout en parties distinctes.

  A023001583 

 Et affin de tellement declairer la presence de ce cors sacré au tressaint Sacrement que nul ne puisse plus douter comme les Catholiques la croyent, je dis et asseure: que le vray cors reel, substantiel, naturel de Jesus Christ, c'est a dire le mesme cors qui fut formé au ventre de la Vierge et de son tres pur sang, le mesme cors qui fut attaché en la croix et mis dans le sepulchre, le mesme cors qui fut resuscité, qui fut touché par saint Thomas, qui fut eslevé au Ciel et qui y est maintenant, lequel saint Estienne vid, ce mesme cors, dis-je, est vrayement, reellement et substantiellement present en ce divin Sacrement de l'Eucharistie..

  A023001584 

 La sacree parole de Jesus Christ nous en asseure en saint Jean, 6; en saint Mathieu, 26; en saint Marc, 14; en saint Luc, 22; en la I. aux Corinth. XI, ou les paroles sont claires plus que le soleil du mydi, pour cette verité..

  A023001594 

 Et quoy que cela ne soit qu'une simple faute de [247] memoire, si est il marri qu'il luy soit arrivé, craignant que les espritz foibles n'en soyent troublés; ne pouvant croire, toutefois, que monsieur du Moulin se vante de rien pour ce rencontre fait sans ordre ni reglement.

  A023001605 

 Or, cecy n'est pas un affaire d'Estat ou il y aille aulcun hasard de perdre aulcune place; mais il est question de maintenir par dispute, publiquement, la doctrine de laquelle on faict profession, afin de desabuser ceux qui nous tiennent pour heretiques et de raffermir les infirmes en la foy et qui s'esbranlent par la veue d'une doctrine contraire; car les escripts de nos docteurs ne peuvent estre leus ni entendus du peuple, qui veut estre esclaircy par une conference faicte par vive voix, joint que tels escripts n'ont point de replicque.

  A023001606 

 Mais d'aultre costé, je m'esbahis de messieurs vos Ministres qui semblent ne vouloir incliner a ce party, soubs pretexte de certaines considerations humaines: comme s'il estoyt question de fere un gros d'armee pour assaillir ou defendre quelque place! Que pleut a Dieu l'on n'eusse pas esté si prompts a eschauffer les cueurs des Princes pour s'entreliguer a la guerre! nous ne serions pas a ceste heure en peyne de ceste dispute, jouïssantz auparavant de libre exercice de nostre religion aultant paisiblement que point de nos voysins.

  A023001606 

 Mais puis que Dieu veut ainsi exercer nostre foy, et mesmes nous chastier du mespris de sa parolle, c'est a nous d'aller au devant de son ire, comme de Celuy duquel depend nostre victoyre et la delivrance de ces tentations si vives, que sans luy et sans son assistance nous n'en pouvons eschapper, nostre naturel resistant tous-jours au Sainct Esprit, a la façon dé nos peres qui ont mangé les aigretz et nous en avons les dentz agacez.

  A023001614 

 Si S. Paul n'eut retenu les batteliers, ils feussent peris en la tourmente; mais les nautonniers Qui debvoyent secourir nostre barque nous ont regardé de loing.

  A023001614 

 Vous sçavez comme prevoyant le danger j'ay crié: A l'ayde! misericorde! nous perissons! Mais quand l'on nous a veu en danger et que l'on nous pouvoyt secourir sans danger, l'on s'est arresté sur des considerations humaines; et cependant les orages ont mis en piece nostre fresle vaisseau.

  A023001615 

 Je ne parle plus par cueur; mon apprehension n'est pas une terreur panique, vous en voyez les effects.

  A023001620 

 Je salue treshumblement tous les peres et freres, me recommandant a leurs bonnes prieres..

  A023001629 

 Jay communiqué la vostre a ceux que jay peu de nostre Eglise, lesquels, au lieu d'en estre consolés, en ont comme receu un desespoir, puis qu'ils croyent vostre derniere resolution estre de ne vouloir entrer en dispute par vive voix: ce qui estoyt tres necessaire pour raffermir les infirmes, lesquels entrent en doute de la doctrine laquelle vous presches publiquement, et cependant ne la voules soustenir que par escript; forme de disputer qui ne prendra jamais fin, et n'en pourra on jamais tirer aulcune resolution, car il ny a là que pour les gens sçavants et de loysir qui peuvent lire et comprendre vos escripts..

  A023001630 

 Vous avez veu comme l'orage et la tourmente ont rüiné nos eglises, sans que les nautonniers se soyent opposés.

  A023001631 

 Si les Apostres se feussent voulu contenter d'estre enfermés dans des chambres a leur aise, et enseigner le peuple par escript sans oser soustenir leur doctrine de vive voix, ils n'eussent pas donné grand avancement au regne de Jesus Christ, lequel estant establi par ce moyen, doibt estre conservé de mesme.

  A023001631 

 [253] Vous ne pourres point accuser ceux qui se departiront de vostre doctrine, puis qu'au besoing vous ne les voules secourir lors quils vous declairent qu'ils n'ont plus que tenir..

  A023001632 

 Bref, les menaces d'Isaye sont executees sur nous.

  A023001632 

 Nous sommes arrivés au temps de la desolation, et semble que Dieu, par un juste jugement, ayt bandé les yeux aux plus entendus et frappe les voyans d'aveuglement.

  A023001651 

 Les determinations des anciens Conciles n'ont pas esté prinses entre des absents, mais entre des presens, apres que les doubtes ont esté debattues d'une part et d'aultre.

  A023001653 

 Mais, comme j'escrivois dernierement a Mons r Goulard, il est necessaire, pour sauver le navire et ceux qui sont dedans, que les nautonniers demeurent aussi dedans, a peyne de naufrage.

  A023001653 

 Messieurs, si je parle si franchement a ceux a qui je doibs tout honneur et respect; mais le zele de lhonneur de Dieu et la ruïne de nos eglises me contrainct a vous dire ce que vous entendes mieux que moy, mais vous n'en sentes pas peut estre les aigullions qui alterent nos ames.

  A023001659 

 Messieurs les Ministres de l'Eglise de Geneve..

  A023001662 

 Revu sur les photographies des autographes.

  A023001688 

 Suyvant les ordonnances et Constitutions apostoliques, et le general consentement de l'Eglise de Dieu, Nous intimons par ces presentes le jeusne et abstinence du saint Caresme en tout ce diocese, defendant tres expressement a toutes personnes, de quelle qualité qu'elles soyent, de ne point manger, vendre ni debiter les viandes lesquelles, selon les loix et coustumes de l'Eglise, sont prohibees en ce tems la, sans expresse licence par escrit de Nous, nostre Vicayre general ou autres a ce deputés, nommés au bas des presentes..

  A023001689 

 Par lesquelles Nous intimons encor le Sinode pour le mercredy du second Dimanche apres Pasques, selon la louable coustume; commandant a tous curés et autres a qui il appartiendra, de s'y trouver personnellement pour y entendre les Constitutions et ordonnances necessaires a leur charge et bien de leur troupeau.

  A023001694 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve: a tous les ecclesiastiques de Nostre diocese, salut.

  A023001695 

 Desirant que les ordonnances faittes au dernier Sinode (qui a esté le premier celebré sous Nostre charge) soyent soigneusement observees, Nous les avons fait imprimer, affin que la communication en estant plus aysee, vous ne pretendies cause d'ignorance, mays que, les ayans devant vos yeux, vous les prattiquies selon leur teneur qui s'ensuit..

  A023001696 

 I. Nous avons intimé et de rechef publié les Canons des anciens Conciles qui defendent aux personnes ecclesiastiques de tenir en leurs maysons et logis aucunes femmes desquelles la demeure et sejour avec eux puisse justement estre suspect; et, en tant que de besoin, avons fait de nouveau ladite prohibition, sur peyne de rigoureuse punition..

  A023001698 

 III. Sur le differend qui pourroit naistre entre les curés pour les aumosnes, aux sepultures des fidelles qui meurent en une parroisse et sont enterrés en l'autre, il a esté ordonné que les luminaires seront partagés esgalement entre les-ditz curés, qui aussi, de part et d'autre, feront prieres et Sacrifices pour le deffunct.

  A023001699 

 IV. Tous curés enseigneront le Cathechisme de l'Illustrissime Cardinal Bellarmin les Dimanches et festes commandees, a l'heure qui sera jugee plus propre selon [264] la condition des lieux; et, pour cet effect, s'essayeront les jours ouvriers d'apprendre ledit Cathechisme aux petitz enfans, affin qu'ilz en puissent respondre..

  A023001700 

 V. Les curés feront vuider leurs eglises, et notamment les chœurs d'icelles, des meubles profanes qui, pendant la guerre, y ont esté mis en asseurance, et ne permettront [265] cy apres telles choses y estre mises sans evidente necessité..

  A023001701 

 VI. Tous ecclesiastiques suyvront en tout et par tout les decretz du tressaint Concile de Trente, et specialement en ce [266] qui est de l'Office divin et celebration de la Messe; et nul ne sera receu dores-en-avant a l'examen pour estre ordonné prestre, qu'il n'apporte attestation du Surveillant de son lieu de sçavoir exactement les saintes ceremonies de la divine Messe, selon l'usage de Trente..

  A023001702 

 VII. Tous les curés fourniront ou procureront pour leurs eglises des tabernacles, avec des ciboires propres pour reposer le tressaint Sacrement sur l'autel; changeront tous les premiers Dimanches du moys les Communions qui sont reservees pour les malades, et ne garderont le Saint Sacrement qui aura esté exposé en la Feste Dieu que jusques au jour suyvant immediatement l'octave, auquel ilz le consumeront..

  A023001705 

 Les tavernes et cabaretz sont interditz a tous ecclesiastiques es lieux de leur residence, sans aucune exception de quel pretexte que ce soit, mesme des appointemens et par tout ailleurs, sinon en cas d'evidente necessité, auquel ilz s'y comporteront en toute modestie et sobrieté..

  A023001706 

 Leur sont defenduz les jeux illicites en tous lieux, et les licites et autres passetems es places, carrefours, ruës, chemins et autres lieux publiqs.

  A023001707 

 XII. Tous curés prendront lés saintes Huyles chaque annee des mains de ceux qui sont establis pour les leur distribuer, et les tiendront en des vases honnestes et non fragiles; et ceux qui les distribueront tiendront roolle de ceux qui les auront pris.

  A023001710 

 XV. Les curés ne permettront cy apres aux dames et autres femmes de dresser leurs bancs dans les chœurs des eglises, et procureront de faire oster ceux qui par abus y auroyent esté mis; comme aussi que les chassis ou vitres de leurs eglises soyent entiers et fermés, notamment ceux qui respondent aux autelz, pendant qu'on y celebre la sainte Messe..

  A023001711 

 Et est defendu a tous exorcistes generalement de commander au malin qu'il aye a reveler les sorciers et sorcieres par leurs noms, ni aucune autre sorte de peché..

  A023001712 

 XVII. Les foires et marchés sont defendus aux ecclesiastiques, sinon en cas de necessité, qui arrive peu souvent; et en ce cas, se comporteront selon leur qualité, non en marchans et negotiateurs.

  A023001713 

 XVIII. Est enjoint a tous ayans charge d'ames de tenir en bon estat les Registres des baptesmes, mariages et enterremens, et d'en rapporter a chaque Sinode des copies signees, dans Nostre greffe..

  A023001714 

 XIX. Les curés feront publier au Prosne par troys divers Dimanches que les recteurs ou fondateurs des chappelles qui sont en leurs parroisses, ayent dans un moys apres la derniere publication, a comparoistre par devant nostre Vicaire general pour l'instruire du service et moyen d'entretenir lesdites chappelles; a faute dequoy elles seront rasees, et le revenu qui se trouvera, appliqué au maistre autel de la parroisse ou a quelqu'autre, selon qu'il sera plus convenable..

  A023001715 

 Les curés tiendront main a ce que les chappeliers rendent leur devoir, et les recevront aussi charitablement, leur communiquant les choses necessaires a la celebration des Messes, qu'ilz leur permettront de sonner a heure et en maniere competente..

  A023001716 

 XXI. Les curés feront au plus tost venir par devant eux les sages femmes de leurs parroisses pour les examiner de la forme et matiere du Baptesme, et, si elles l'ignorent, la leur apprendront, a ce qu'en cas d'extreme necessité elles puissent baptizer, avec la matiere, la forme et l'intention requises..

  A023001729 

 Il est en fin commandé a tous curés et vicayres d'avoir les presentes Constitutions et les affiger en leurs sacristies, ou autre lieu de leurs eglises ou ilz les puissent souvent voir et considerer, a la gloire de Dieu et salut du peuple..

  A023001738 

 On establira deux garçons pour faire l'assemblee des enfans, dont l'un les ramassera dela les pontz et l'autre deça..

  A023001740 

 Il n'y aura que deux classes, l'une pour les petitz enfans et l'autre pour les plus avancés..

  A023001750 

 Apres cela, il les envoyera a leurs bancs..

  A023001750 

 Le signe de la cloche estant donné, le Portier ouvrira l'eschole ou l'eglise, disposera les bancs et attendra a la porte ceux qui viendront; introduira les enfans et leur enseignera la façon de saluer, affin qu'ilz sçachent dire: Dieu nous donne sa paix, et former le signe de la Croix avec l'eau benite, comme aussi de reciter l'Orayson Dominicale et la Salutation Angelique; ou s'ilz ne sont pas capables, il taschera pour le moins qu'ilz fassent la genuflexion au tressaint Sacrement devant le grand autel.

  A023001751 

 Le Prieur deputera quelques autres freres au secours du Portier, qui feront le mesme; et ce Prieur et les autres [276] officiers tascheront de se trouver de bonne heure a l'eschole, et auront soin que les enfans soyent enseignés et observent le silence..

  A023001752 

 On enseignera autant de tems que le Prieur trouvera estre a propos, lequel prendra garde qu'un chacun fasse bien sa charge; et s'il n'est empesché de son office, assignera ceux qui devront disputer et respondre, choysissant tous-jours les mieux instruitz et plus capables..

  A023001753 

 Le Sousprieur et Admoniteur prendront pareillement garde qu'il ne se fasse point de bruit, autrement ilz en feront signe tacitement au Silencier; c'est pourquoy ceux cy demeureront en divers endroitz de l'eschole, sinon que le Prieur conferast avec eux ce pendant que les autres enseignent..

  A023001754 

 Apres que quelque tems aura ainsy esté employé, de sorte que les maistres ayent eu une entiere liberté d'enseigner (qui, pour l'ordinayre, auront quatre ou six enfans), le Prieur baillera le signe avec la clochette et, s'agenouillant, en fera faire autant aux autres; apres quoy il recitera l'orayson accoustumee d'estre faitte devant la dispute, et, ayant pris avec ses enfans la benediction du prestre (s'il y en a quelqu'un), il les fera monter en lieu eminent d'où ilz puissent estre veuz, les uns d'un costé et les autres de l'autre.

  A023001754 

 Ces enfans ayant formé le signe de la Croix et prononcé les parolles hautement, reciteront la partie du Cathechisme qui leur aura esté assignée, ceux cy en interrogeant, ceux la en respondant.

  A023001754 

 Il les fera quelquefois arrester et leur demandera ce qu'il voudra, affin de les rendre par ce moyen plus prudens et plus attentifz.

  A023001754 

 Toutefois, qu'il prenne garde que la dispute se fasse des choses qui auront esté dittes; et pour ce, tous les enfans d'un mesme ordre et classe seront assis en un mesme lieu, affin que, sans perdre tems, il puisse demander a un chacun selon ce qui escherra.

  A023001755 

 Quoy estant fait, on lira les petites Constitutions des [277] bonnes mœurs, que tous entendent; et en apres on fera l'orayson, selon qu'il aura esté ordonné..

  A023001756 

 En fin (sinon qu'il fallust marquer les absens, ou corriger quelqu'un) il renvoyera ses enfans, les advertissant d'estre modestes, de se resouvenir des choses qui auront esté dittes et de revenir de bonne heure au premier jour de feste suyvant..

  A023001757 

 Le Chancelier marquera les absens au catalogue, ou, s'ilz sont malades, en fera le rapport au Prieur et aux autres officiers.

  A023001758 

 Tous les moys une fois pour le moins, le Prieur envoyera quelqu'un des officiers ou maistres a la Congregation generale ou diocesaine, qui rapportera tout l'estat et les necessités de son eschole; comme pareillement toutes les escholes se visiteront les unes les autres par quelqu'un des leurs, affin qu'il se fasse une sincere et sainte communication de tous les fruitz et utilités spirituelles a la plus grande gloire de Dieu.

  A023001764 

 L'office que vous exerces est excellent, puisque vous estes establis de la part de Dieu pour juger les ames avec tant d'authorité, que les sentences que vous prononces droittement en terre sont ratifiees au Ciel.

  A023001764 

 Vos bouches sont les [279] canaux par lesquelz la paix coule du Ciel en terre sur les hommes de bonne volonté; vos voix sont les trompettes du grand JESUS, qui renversent les murailles de l'iniquité, qui est la mistique Hiericho..

  A023001765 

 C'est un honneur extreme aux hommes d'estre eslevés a ceste dignité a laquelle les Anges mesme ne sont point appellés; car, auquel des ordres angeliques fut il onques dit: Receves le Saint Esprit; de ceux desquelz vous remettres les pechés, ilz seront remis? Cela neanmoins fut dit aux Apostres et, en leurs personnes, a tous ceux qui par succession legitime recevroyent la mesme authorité.

  A023001771 

 Ayes une grande netteté et pureté de conscience, puisque vous pretendes de nettoyer et purger celle des autres, affin que l'ancien proverbe ne vous serve de reproche: Medecin, gueris toy toy mesme; et le dire de l'Apostre: En ce que tu juges les autres, tu te condamnes toy mesme.

  A023001773 

 Ainsy, quoy que l'enfant prodigue revinst tout nud, crasseux et puant d'entre les pourceaux, son bon pere neanmoins l'embrasse, le bayse amoureusement et pleure dessus luy parce qu'il estoit son pere, et que le cœur des peres est tendre sur celuy des enfans..

  A023001773 

 Souvenes vous que les pauvres penitens au commencement de leurs confessions vous nomment Pere, et qu'en effect vous deves avoir un cœur paternel en leur endroict, les recevant avec un extreme amour, supportant patiemment leur rusticité, ignorance, imbecillité, tardiveté et autres imperfections; ne vous lassant jamais de les ayder et secourir tandis qu'il y a quelque esperance d'amendement en eux, suyvant le dire de saint Bernard: La charge des Pasteurs n'est pas des ames fortes, mays des foibles et debiles, car les fortes font asses d'elles mesmes, mays il faut porter les foibles.

  A023001774 

 Ayes la prudence d'un medecin, puysque aussi les pechés sont des maladies et blesseures spirituelles, et consideres [281] attentivement la disposition de vostre penitent pour le traitter selon icelle.

  A023001774 

 Si donques, par exemple, vous le voyes travaillé de honte et de vergogne, donnes luy asseurance et confiance, luy remonstrant que vous n'estes pas ange, non plus que luy; que vous ne trouves pas estrange que les hommes pechent; que la confession et penitence rend infiniment plus honnorable l'homme que le peché ne l'avoit rendu blasmé; que Dieu premierement, ni les confesseurs n'estiment pas les hommes selon qu'ilz ont esté par le passé, mais selon ce qu'ilz sont a present; que les pechés, en la confession, sont ensevelis devant Dieu et le confesseur, en sorte que jamais ilz ne soyent rememorés..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001778 

 Sur tout, soyes charitables et discretz envers tous les penitens, mays specialement envers les femmes, pour les ayder en la confession des pechés honteux..

  A023001779 

 S'ilz s'accusent d'eux mesmes, quelques parolles deshonnestes qu'ilz prononcent, ne faittes nullement le delicat ni aucun semblant de les trouver estranges, jusques a ce que toute la confession soit achevee; et lhors, doucement et amiablement, vous leur enseigneres une façon plus honneste de s'exprimer en ces matieres la..

  A023001780 

 Si en ces pechés honteux ilz embrouillent leur accusation d'excuses, de pretextes et d'histoires, ayes patience et ne les troubles nullement, jusques a ce qu'ilz ayent tout dit; et lhors vous commenceres a les interroger sur ce peché pour leur faire faire plus parfaittement et distinctement la declaration de leurs fautes, leur monstrant amiablement et faysant connoistre les superfluités, impertinences et imperfections qu'ilz avoyent commis en s'excusant, palliant et desguisant leur accusation, sans toutesfois les tancer en aucune façon..

  A023001781 

 Si vous voyes qu'ilz ayent de la difficulté de s'accuser eux mesmes de ces pechés honteux, vous commenceres a les interroger des choses les plus legeres, comme d'avoir pris playsir d'ouyr parler de choses deshonnestes, d'en avoir eu des pensees; et ainsy, petit a petit, descendant de l'un a l'autre, a sçavoir, de l'ouye aux pensees et des pensees aux desirs, aux volontés, aux actions, a mesure qu'ilz se descouvriront, vous les ires encourageant a tousjours passer plus avant, leur disant parfois telles ou semblables paroles: Que vous estes heureux de vous bien confesser! croyes que Dieu vous fait une grande grace; je connois que le Saint Esprit vous touche au cœur pour vous faire faire une bonne confession.

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001799 

 C'est un abus intolerable que les pecheurs ne s'accusent de nul peché d'eux mesmes, sinon entant qu'on les interroge.

  A023001799 

 Il leur faut donques apprendre a s'accuser premierement eux mesmes en ce qu'ilz pourront, et puys les ayder et secourir par les demandes et interrogations..

  A023001802 

 Il est vray que celuy qui a confessé une action mauvaise n'a besoin de confesser les autres qui sont necessairement requises pour faire celle la: ainsy, celuy qui s'est accusé d'avoir violé une fille une seule fois, il n'est pas obligé de dire les baysers et attouchemens qu'il a faitz parmi cela et a ceste occasion; car cela s'entend asses sans qu'on le die, et l'accusation de telles choses est comprinse en la confession de l'action finale du peché..

  A023001804 

 Encor faut il penetrer plus avant et examiner le penitent touchant les desirs et volontés purement interieures, comme [286] seroit s'il a desiré ou voulu faire quelque vengeance, deshonnesteté ou semblable chose, car ces mauvaises affections sont pechés..

  A023001805 

 Il faut passer plus outre, et esplucher les mauvaises pensees, encor qu'elles n'ayent esté suivies de desir et de la volonté.

  A023001805 

 J'ay dit, a son escient, d'autant que les mauvaises pensees qui nous arrivent contre nostre gré ou sans que nous y prenions entierement garde ne sont nullement peché, ou ne sont pas peché mortel..

  A023001805 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et n'est nullement loysible de prendre a son escient playsir et contentement au peché, ni par les actions du cors, ni par celles du cœur.

  A023001812 

 Ceux qui sont en excommunication majeure, le confesseur ne les en peut absoudre sans l'authorité du Superieur, sinon qu'elle ne fust point reservee par iceluy..

  A023001813 

 2. Item, ceux qui ont quelque peché reservé au Pape ou a l'Evesque ne peuvent estre absous sans leur authorité; il les faut donq renvoyer a ceux qui ont le pouvoir, ou bien les faire attendre jusques a ce qu'on l'ayt obtenu, si cela se peut aysement..

  A023001814 

 Item, les faussaires, faux tesmoins, larrons, usuriers, usurpateurs et detenteurs des biens, tiltres, droitz et honneurs d'autruy, et de mesme les detenteurs des legatz pieux, aumosnes, primices, decimes, plaideurs iniques, calomniateurs, detracteurs, et generalement tous ceux qui tiennent tort au prochain ne peuvent estre absous s'ilz ne font reparation du tort et dommage en la meilleure façon que faire se pourra, ou au moins qu'ilz ne promettent de satisfaire par effect..

  A023001815 

 Item, les mariés qui vivent en dissension l'un sans l'autre, ou qui ne veulent se rendre les devoirs de mariage, ne doivent estre absous pendant qu'ilz perseverent en ceste mauvaise volonté..

  A023001816 

 Les ecclesiastiques mal pourveuz de leurs benefices, ou qui en ont des incompatibles sans legitime dispense, ou qui ne resident pas sans suffisante excuse, ou qui font mestier de ne point dire l'Office et ne se vestir ecclesiastiquement; tous ceux la ne doivent estre absous qu'ilz ne promettent d'y mettre ordre et corriger tous ces defautz..

  A023001817 

 Item, les concubinaires, adulteres, ivroignes ne doivent estre absous s'ilz ne tesmoignent un ferme propos non seulement de laisser leurs pechés, mays aussi de quitter les occasions d'iceux: comme sont, aux concubinaires et adulteres, leurs garces, lesquelles ilz doivent esloigner d'eux; aux ivroignes, les tavernes; aux blasphemateurs, les jeux: ce qui s'entend de ceux qui font coustume de telz pechés..

  A023001818 

 En fin, les querelleux qui ont des rancunes et inimitiés, ne peuvent recevoir l'absolution s'ilz ne veulent de leur costé pardonner et se reconcilier avec leurs ennemis.

  A023001824 

 Et pour le regard des reparations et restitutions que l'on doit faire au prochain, il faut trouver moyen, s'il est possible, de les faire secrettement, sans que le penitent puisse estre diffamé.

  A023001824 

 Mais quant aux usures, faux proces et autres semblables embrouillemens de conscience, il est besoin d'en ordonner les reparations avec une exquise prudence, de laquelle si le confesseur ne se trouve pas prouveu suffisamment, il doit doucement demander au penitent quelque loysir pour y penser; puys, s'addresser aux plus doctes, comme sont les deputés des quartiers, lesquelz, si le cas le merite, prendront Nostre advis, ou de nostre Vicaire general.

  A023001829 

 Or, les cas reservés a Sa Sainteté sont en asses grand nombre, mais neanmoins la pluspart sont telz qu'ilz n'adviennent presque point deça les monts; et quant a ceux qui peuvent arriver, ilz ne sont pas de grand nombre.

  A023001833 

 Les violateurs de la closture de monasteres des Religieuses enfermees, quand telle violation se fait a mauvaise fin..

  A023001834 

 La violation des immunités de l'Eglise, lequel cas cinquiesme estant difficile a discerner et n'arrivant gueres souvent, et tousjours par des actions publiques, ne se decide presque point en confession qu'il n'ayt esté decidé hors d'icelle par les Evesques ou leurs Vicayres..

  A023001835 

 Les cas de la Bulle Cœna Domini qui peuvent arriver, sont aussi peu en nombre:.

  A023001836 

 L'heresie, le schisme, avoir et lire les livres heretiques, la falsification des Bulles et Lettres Apostoliques..

  A023001838 

 Les cas que Nous nous sommes reservés sont peu en nombre:.

  A023001839 

 Quant au premier commandement, Nous avons reservé la sorcellerie et les charmes ou nouëment d'esguillettes qui se font contre l'effect du mariage..

  A023001842 

 Quant au sixiesme, Nous avons reservé la bestialité et sodomie, l'inceste au premier et second degré, et le sacrilege qui se commet avec les Nonains et Religieuses, violence et forcement de filles et de femmes..

  A023001845 

 C'est de consoler les penitens qui les auront commis et ne point les desesperer, ains les renvoyer doucement a ceux ausquelz Nous avons donné le pouvoir, que Nous avons mis en grand nombre en tous les endroitz du diocese; car encores qu'ilz ne puissent pas absoudre des cas reservés au Pape, si est ce neanmoins qu'ilz leur donneront tousjours addresse pour obtenir l'absolution..

  A023001851 

 Le confesseur doit imposer la penitence avec des parolles douces et consolatoires, sur tout quand il voit le pecheur bien repentant, et luy doit tousjours demander s'il le fera pas volontier; car en cas qu'il le vid en peyne, il feroit mieux de luy en donner une autre plus aysee, estant beaucoup meilleur, pour l'ordinaire, de traitter les penitens avec amour et benignité (sans toutesfois les flatter dans leurs pechés) que non pas de les traitter asprement.

  A023001852 

 Et mesme il sera bon de donner quelques unes de ces choses en penitence: comme, de lire un tel ou tel livre qu'on juge propre pour ayder le penitent, de se confesser tous les moys un an durant [293], de se mettre d'une Confrerie, et semblables actions lesquelles ne servent pas seulement de punition pour les pechés passés, mais de preservatif contre les pechés futurs..

  A023001852 

 Il est donques mieux d'enjoindre des prieres tout d'une mesme sorte, comme tout des Pater, ou tout des Psaumes qui soyent de suitte et qu'il ne faille pas aller chercher ça et la les uns apres les autres.

  A023001852 

 Les penitences ne doivent point estre embrouillees et meslangees de diverses sortes de prieres et oraysons: comme par exemple, de dire trois.

  A023001852 

 Pater, une hymne, les oraysons des Collectes, d'antiennes, de Psaumes: ni ne doit pas estre donnee en varieté d'actions: comme par exemple, de donner troys jours l'aumosne, de jeusner troys vendredis, de faire dire une Messe, de se discipliner cinq foys.

  A023001853 

 Et pour le regard des conseilz que le confesseur doit donner au penitent en general, voyci les plus utiles a toutes sortes de personnes: se confesser et communier tres souvent et de choysir un bon confesseur ordinaire; hanter les sermons et predications; avoir et lire des bons livres de devotion, comme entre autres ceux de Grenade; fuir les mauvaises compaignies et suivre les bonnes; prier Dieu bien souvent; faire l'examen de conscience le soir; penser a la mort, au jugement, au Paradis, a l'enfer; avoir et bayser souvent de saintes images, comme de Crucifix et autres..

  A023001859 

 Apres cela, vous luy pouves faire sçavoir que la sentence de son absolution que vous prononceres en terre, sera advoüee et ratifiee au Ciel; que les Anges et les Saintz de Paradis se resjouiront de le voir revenu en la grace de Dieu; et que partant il vive des-ormais en sorte qu'a l'heure de la mort il puisse jouïr du fruict de ceste confession, et puisqu'il a lavé sa conscience au sang de l'Aigneau immaculé, JESUS CHRIST, il prenne garde de ne la plus souiller.

  A023001860 

 Telles ou semblables parolles de consolation estans dittes, vous osteres le bonnet pour dire les prieres qui precedent l'absolution.

  A023001862 

 Comme aussi quand il y a presse de penitens qui se confessent souvent, on peut les advertir qu'ilz dient le Confiteor a part eux, avant que de se presenter au confesseur, affin qu'immediatement estans arrivés devant luy et fait le signe de la Croix, ilz commencent a s'accuser; car ainsy il ne se fait nulle obmission et l'on gaigne beaucoup de tems..

  A023001864 

 Voyla, mes chers Freres, 25 articles que j'ay jugés dignes de vous estre proposés, pendant que, distrait a plusieurs autres occupations, je n'ay sceu ni les mieux ageancer, ni mettre en escrit le reste.

  A023001867 

 Jesus Christ nostre Maistre n'eust jamais destiné les hommes pour estre confesseurs s'ilz n'eussent esté pecheurs.

  A023001867 

 Or, les confesseurs estans eux mesmes pecheurs, ilz sont obligés d'estre humbles, debonnaires, et de se ravaler avec les pauvres penitens par une douce condescendance.

  A023001868 

 Les espritz ne veulent pas estre rudoyés, mais ramenés doucement; tel est le naturel de l'homme.

  A023001876 

 ( Pour les Ordonnances faites aux Synodes de 1604, 1606-1612, 1614-1616, nous n'avons que les sommaires insérés par le greffier épiscopal dans les Registres de l'ancien Evêché de Genève.

  A023001876 

 On y trouve la pensée de saint François de Sales et les mesures prises par lui pour le bon gouvernement de son diocèse, mais exprimées dans un style qui, souvent, n'est pas de lui; pour cette raison, nous croyons devoir renvoyer ces documents à l'Appendice I.) [298].

  A023001881 

 Mes Freres, si Dieu vous a destinés a la conduitte des ames, vous deves continuellement luy demander ses lumieres pour bien connoistre les veritables operations de son Esprit.

  A023001882 

 Premieremént, si elles se portent plus au sens le moins receu de l'Escriture qu'a celuy qui, pour estre le plus commun, est le moins dangereux, parée que l'Escriture Sainte est la regle des conduittes de Dieu sur les ames..

  A023001884 

 Le parfait, qui est un oyseau plus rare en ce siecle que le phœnix en l'Arabie, non seulement attend les affrontz, les persecutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans temerité, et y court comme au festin des noces, jugeant encor qu'il est indigne d'avoir des livrees qui le font prendre pour un serviteur de la mayson de Dieu..

  A023001884 

 Mays la pierre de touche pour esprouver le bon d'avec le mauvais esprit et faire la difference de celuy qui commence d'avec l'autre qui est bien avancé, c'est d'estre prompt a souffrir: car le mauvais devient pire par les afflictions, et murmure contre la providence de Dieu; celuy qui commence se fasche d'endurer, et puys il a regret de s'estre laissé saisir a l'impatience.

  A023001886 

 Mais prenes garde a la ruse de nostre ennemy: avant que de les avoir portés au peché, il leur represente Dieu sans mains et sans foudre; et quand il les a renversés par terre, il le fait venir en leur imagination environné d'esclairs et de flammes, et tout couvert de feu pour les reduire en cendre..

  A023001886 

 Ne pas quitter l'exercice des vertus pour les difficultés qui s'y rencontrent, est encor le signe d'une ame dont le sacrifice est aggreable a Dieu; parce que cette Bonté infinie ne presente point d'espees flamboyantes pour empescher l'entree de son Paradis a ceux qui le cherchent purement, et bien qu'il permette que ses esleuz soyent dans les rigueurs, dans les souffrances et dans les croix, il les remplit de tant de grace, de force et de douceur, qu'ils s'estiment tres heureux et advantagés de patir pour l'amour de luy.

  A023001887 

 Examines encor si ces personnes se perdent en leur propre estime en relevant leurs graces et leurs propres dons, [300] et lesquelz au contraire traittent avec mespris ou tiennent pour suspectes les faveurs que Dieu depart aux autres; car la marque la plus asseuree de la sainteté c'est quand elle est fondee sur une vraye et profonde humilité et une ardente charité.

  A023001887 

 Les operations surnaturelles, dit saint Bernard, se peuvent aussi bien faire par les personnes hypocrites que par les Saintz; les humbles de cœur en font reconnoistre la solidité et la verité..

  A023001888 

 Et pour ce qui regarde les personnes trompees, Dieu mesme, si vous les en croyes, leur sert de garant et de couverture.

  A023001888 

 Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres..

  A023001889 

 Telles personnes, d'ordinaire, pensent faire admirer leur vertu en publiant les fautes du prochain..

  A023001889 

 Voyes aussi si le rapport que l'on fait a ces personnes de l'infirmité d'autruy leur donne plus de mouvement d'indignation et d'horreur que de compassion et de pitié de leur misere; parce que c'est un faux zele de s'escrier contre le vice de son frere, d'en descouvrir les defautz sans necessité et contre la charité.

  A023001890 

 De plus, examines si, lhors qu'on parle de Dieu, ces personnes s'esgarent en des termes affectés, voulant faire voir que leur feu ne peut demeurer sous la cendre et que, par ceste estincelle, on pourra descouvrir les brasiers qui sont en leur interieur..

  A023001891 

 Si vous voules probablement juger si ces ames ont de vrays sentimens de Dieu et si les graces qu'elles disent recevoir de sa Bonté sont veritables, voyes si elles ne sont point attachees a leur propre jugement et a leur propre volonté, et a ces mesmes faveurs; mais au contraire, si elles [301] leur donnent du soupçon et les laissent irresolues jusques a tant que, par l'advis de leurs directeurs et de plusieurs personnes pieuses, doctes et experimentees, elles soyent confirmees en la creance de ce qu'elles doivent estimer de tout cela: car le Saint Esprit cherit sur toutes choses les ames humbles et obeyssantes; il se plaist merveilleusement a la condescendance et a la sousmission, comme estant Prince de paix et de concorde.

  A023001900 

 Aussi voyons nous des-ja qu'on cesse d'oppresser leur innocence a mesure que deschet la secte [304] des calvinistes; ainsy se va diminuant la hayne populaire que les heresiarques avoyent jetté dans l'esprit du vulgaire contre eux.

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Ce sont des austruches qui digerent le fer des calomnies en la mesme façon qu'ilz devorent les livres par leurs continuelles estudes; qui ont, en supportant une infinité d'injures et d'outrages, estably et affermy nostre creance et tous les sacrés misteres de nostre foy; et encor aujourd'huy, par leurs grandissimes travaux, remplissent le monde d'hommes doctes qui destruisent l'heresie de toutes partz..

  A023001900 

 Pour cela, pressés des heretiques, mays plus sensiblement oppressés de ceux qui ne sont nos freres qu'en apparence, ilz souffrirent et souffrent encor des persecutions qui sont toutes venues de Geneve; mays leur courage infatigable, leur zele sans apprehension, leur charité, leur profonde doctrine et l'exemple de leur sainte et religieuse vie, les a, par revelation de leur saint Fondateur, asseurés que ces violences dureroyent un siecle, apres lequel ilz seroyent triomphans de l'erreur et des heretiques.

  A023001908 

 La negligence que la pluspart des ecclesiastiques sousmis a Nostre charge a monstré a l'observation de nos premieres Ordonnances, et la necessité que Nous avons conneu estre au commencement de Nostre Visite generale, affin [305] d'obvier aux contentions et disputes qui pourroyent arriver entre les curés et les parroissiens, Nous ont poussé a faire ces Constitutions..

  A023001909 

 Premierement, Nous avons ordonné que les Constitutions par Nous faittes au Sinode du second octobre l'an mil six cens et trois seront derechef publiees, mesme en ce qui est des tavernes et cabaretz, sous quelque pretexte que ce soit, pour estre observees avec les presentes..

  A023001910 

 Et affin que les possesseurs de ces benefices ne pretendent cause d'ignorance, il est enjoint a leurs vicayres de les en advertir et leur notifier la presente Ordonnance, de bouche ou par escrit, et de rapporter dans le moys a nostre Vicayre general un acte par lequel il apparoisse de leur diligence; a peyne, contre chaque defaillant, de cinquante livres..

  A023001911 

 Il est inhibé a tous ecclesiastiques de n'exorcizer par cy apres, sinon qu'ilz soyent de nouveau admis par Nous ou par nostre Vicayre, et l'admission sera donnee par escrit a ceux qui seront treuvés capables d'exercer telle charge; ausquelz Nous defendons, a peyne d'excommunication, [306] d'exorcizer sinon dans les eglises, et de tenir les possedés dans leurs maysons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages et pelerinages avec elles; a peyne de vingt cinq livres, et autre arbitraire..

  A023001912 

 Il ne sera loysible a aucuns Religieux, de quel Ordre qu'ilz soyent, de prescher riere Nostre diocese s'ilz n'ont la permission par escrit, de Nous ou de nostre Vicayre; laquelle ilz seront tenus de monstrer aux curés des lieux ou ilz voudront prescher, et de les en advertir avant qu'ilz commencent leurs Grandes Messes, affin qu'ilz ayent loysir d'en advertir les parroissiens pour y assister..

  A023001913 

 Que s'il s'en treuvoit quelques uns qui ne voulussent pas se communier de la main de leurs curés, ilz seront tenus de les en advertir et de leur demander licence d'aller ailleurs, laquelle leur sera donnee par le curé sans s'informer autrement de l'occasion; et les mesmes parroissiens rapporteront attestation, dans huit jours apres Pasques, du prestre qui les aura communiés, a peyne d'estre tenus pour heretiques..

  A023001913 

 Tous les parroissiens seront tenus de se confesser a Pasques vers leurs curés, ou autres qui auront pouvoir d'ouyr les confessions; et pour la sainte Communion, seront tenus de la prendre en leur parroisse, de la main de leurs curés ou autres par eux deputés.

  A023001914 

 Pour ce qui est de ceux qui frequentent parmi les terres des heretiques, voysins de Nostre diocese, ou bien qui sont contraintz d'y demeurer pour gaigner leur vie, Nous avons donné pouvoir a tous curés et autres qui ont permission de confesser, de les ouyr en confession, et absoudre de n'avoir pas celebré les festes commandees par nostre Mere la sainte Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Veille, de [307] Quatre Tems et de Caresme; comme aussi d'avoir mangé de chair ces mesmes jours, excepté les vendredis et samedis; et pareillement, d'avoir esté aux presches des ministres, pourveu qu'ilz n'ayent pas pris la Cene..

  A023001915 

 Pour eviter plusieurs differens et disputes qui arrivent entre les curés et les parroissiens de Nostre diocese a l'occasion du linceul qui se met sur les deffunctz les portans en terre, Nous avons ordonné qu'il sera au choix des heritiers du deffunct, ou autres qui auront charge des funerailles, de laisser ce linceul au sieur curé, ou de le reprendre en luy payant six florins; et pour le couvrechef ou toilette qui se met sur les petitz enfans, deux florins..

  A023001916 

 Et advenant que l'on ne face pas dire les Messes le lendemain, ilz ne seront nullement tenus de representer le luminaire..

  A023001916 

 Sur les plaintes qui Nous ont esté faittes que plusieurs curés retiennent le luminaire que l'on porte aux funerailles et obseques le jour de l'enterrement, sans en vouloir fournir pour les Messes qui se disent le lendemain, mays en demandent d'autre, Nous avons ordonné que les curés seront tenus de representer le luminaire le lendemain et pendant les troys jours que l'on a accoustumé de faire prier pour les deffunctz, si tant est que ce luminaire puisse suffire; passé lesquelz troys jours, ce qui restera appartiendra aux curés.

  A023001917 

 Parce qu'en plusieurs eglises de Nostre diocese les curés sont priés de fournir le luminaire des sepultures et, quand il vient au payement, sont contrainctz bien souvent d'en tomber en proces avec leurs parroissiens: desirant d'y obvier, Nous avons ordonné que les curés fournissans le luminaire le peseront en presence de ceux qui le leur feront fournir, avant que de le donner, comme aussi quand ilz le reprendront; et leur sera payé de la cire qui se treuvera usee a rayson de cinq florins pour livre du poids d'Annessi; et a mesme prix leur sera payé le luminaire qu'on leur fera fournir tout le long de l'annee.

  A023001918 

 Ayant reconneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de revenu et chargees par la fondation de grand service, auquel les recteurs ne peuvent pas satisfaire, Nous avons ordonné que le recteur d'une chappelle qui n'aura, pour exemple, que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt Messes par an, a rayson de six solz pour Messe, et ainsy des autres; n'entendant pas, toutesfois, d'obliger ceux qui possedent des chappelles de bon revenu a plus de service qu'elles ne se treuvent chargees par leur fondation..

  A023001920 

 Nous estant venu a notice que plusieurs curés et autres possedans des benefices riere Nostre diocese intentent des proces contre leurs parroissiens, quelquefois plustost par animosité que pour zele qu'ilz ayent de maintenir les biens de leurs eglises et benefices, et lesquelz il seroit facile d'appointer au commencement: Nous avons defendu a tous curés et autres beneficiers d'intenter par cy apres des proces avec leurs parroissiens qu'au prealable ilz n'en ayent conferé avec leur Surveillant, lequel ayant entendu les parties, taschera de les mettre d'accord; que s'il voit le tort estre du costé des parroissiens et qu'ilz ne veuillent pas se mettre a la rayson, il sera permis aux curés de poursuivre leur droict par justice..

  A023001921 

 Sur la remonstrance qui Nous a esté faitte par nostre [309] Procureur fiscal que, bien que toutes alienations des biens d'Eglise soyent defendues de droict, sinon qu'elles soyent evidemment au prouffit et utilité d'icelle (auquel cas faut il avoir encor la permission des Superieurs), plusieurs beneficiers, tant curés, recteurs des chappelles qu'autres, sans Nostre sceu et consentement ou de nostre Vicayre general, vendent, eschangent et alienent les fons de leurs benefices, ce qui donne occasion a beaucoup de procez, ausquelz desirant obvier: Nous avons declairé nulz tous les contractz d'alienation et eschange des ecclesiastiques, faitz et qui se feront par cy apres sans Nostre sceu ou de nostre Vicayre, enjoignant aux possesseurs des benefices de remettre dans six moys ce qui se treuvera aliené de la façon, a peyne de cinquante livres; avec inhibition a tous beneficiers de n'aliener les biens dependans de leurs benefices sans Nostre permission, a peyne de cent livres; commandant aux Surveillans d'y tenir la main, chacun riere sa surveillance, et d'advertir nostre Procureur fiscal de ceux qui contreviendront, pour y estre par apres pourveu ainsy que de rayson..

  A023001968 

 Il y a soixante-et-onze ans que l'Evêque de Genève, en même [311] temps que son clergé, fut chassé de sa ville épiscopale par les hérétiques, et se vit indignement dépouillé de tous ses biens meubles et de la majeure partie de ses biens immeubles.

  A023001969 

 Les revenus de la mense épiscopale sont très restreints: à peine arrivent-ils à la somme de mille écus d'or; [en sorte que, après avoir défalqué les honoraires des officiers de l'évêché, il ne reste pas de quoi entretenir décemment l'Evêque et sa famille domestique.

  A023001970 

 [Ayant été empêché, pendant les deux premières années, par suite des guerres et des mauvais temps, de visiter son diocèse, [313] il a, ces deux dernières années, visité personnellement deux cent soixante églises paroissiales, distribué lui-même au peuple partout, du mieux que ses faibles moyens le lui ont permis, le pain de la parole de Dieu, et administré le Sacrement de la Confirmation à d'innombrables fidèles.] Il compte l'an prochain visiter le reste du diocèse.

  A023001971 

 Il a eu pour prédécesseur Claude de Granier, Prélat digne d'une mémoire éternelle, qui chaque année, selon les décrets ecclésiastiques, réunissait le Synode; qui, d'après la prescription du Concile de Trente, élevait aux charges curiales ceux qu'un examen avait désignés comme les plus dignes; qui presque à chaque Quatre-Temps faisait les Ordinations, et qui avait soin de faire réciter l'Office selon l'usage romain.

  A023001975 

 Chacun des chanoines reçoit une prébende qui est absolument égale pour tous, en sorte que le Prévôt ne touche rien de plus que les autres.

  A023001975 

 Il y a aussi six enfants de chœur avec leur maître, huit mansionnaires qui s'occupent du chant et de la musique, et quatre autres qui ont pour fonction de porter la croix, de sonner les cloches, de diriger les cérémonies et de veiller aux ornements sacrés..

  A023001976 

 Il est cependant remarquable de voir avec [316] quelle perfection et dévotion, malgré une si grande pauvreté, les Offices divins sont célébrés par cette Eglise [laquelle, loin de suspendre ses instruments aux saules et de se taire à cause de son exil, chante sur la terre étrangère le cantique de Sion et le cantique du Seigneur ].

  A023001976 

 Tous les chanoines sont ou nobles de père et de mère, ou docteurs, d'après leur Statut confirmé par le Saint-Siège; parmi eux il s'en trouve actuellement dix qui sont de bons prédicateurs de la parole de Dieu..

  A023001984 

 Parmi les autres, onze sont possédés en titre, douze en commende..

  A023001985 

 Les églises paroissiales sont au nombre de quatre cent cinquante, dans chacune desquelles les Sacrements sont administrés et le peuple est instruit des points de la religion catholique par un enseignement à sa portée..

  A023001993 

 Tonte la population des paroisses ci-dessus est vraiment catholique et professe la piété antique, bien que pendant vingt ans l'hérésie de Calvin ait régné dans soixante-dix paroisses; car, grace à l'autorité du Sérénissime Duc et aux prédications de nombreux ouvriers apostoliques, soit séculiers soit réguliers appartenant à divers Ordres, spécialement Capucins et Jésuites, les hérétiques sont [321] revenus au Pasteur de leurs âmes, en sorte que, après avoir été alors ténèbres, ils sont maintenant lumière dans le Seigneur..

  A023001994 

 Il existe quinze écoles de garçons, où sont enseignées la grammaire, les humanités et surtout la Doctrine chrétienne en forme de Catéchisme.

  A023002033 

 Revu sur l'Autographe conservé dans les Archives de l'Evêché de Saint-Jean de Maurienne.

  A023002041 

 La mense épiscopale, en effet, est trop faible pour qu'on puisse rien en retrancher; la mense capitulaire est très pauvre et ne suffit pas à nourrir les chanoines, comme d'ailleurs les autres églises collégiales.

  A023002041 

 Quant aux abbayes ou prieurés, bien que riches, on ne peut rien en toucher du tout, parce que ceux qui les tiennent les tiennent bien, et que le plus souvent ces bénéfices sont rendus exsangues par suite des diverses pensions qui leur sont imposées.

  A023002045 

 Dans la seule Eglise cathédrale le maître de théologie possède une prébende théologale, et le Pénitencier une autre, pour s'employer à recevoir les confessions.

  A023002045 

 On pourrait remédier à cet inconvénient, si le Siège Apostolique [324] unissait aux prébendes de théologal et de pénitencier deux prébendes laïques à prendre sur les Monastères voisins..

  A023002049 

 Aussi font-ils blasphémer les ennemis de Dieu, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens? [325].

  A023002049 

 Chez tous les autres l'argent s'est changé en scorie et le vin a été mêlé d'eau, bien plus, s'est transformé en venin.

  A023002049 

 Il est surprenant de voir à quel point la discipline régulière est partout ruinée dans les abbayes et prieurés de ce diocèse (j'excepte les Chartreux et les Mendiants).

  A023002050 

 Le premier remède est très facile; le troisième est très utile et, vu les besoins de cette province, serait excellent pour procurer la plus grande gloire de Dieu; le second est très difficile et très incertain, car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002050 

 On peut remédier à ce mal, soit en envoyant des sujets meilleurs pris dans d'autres Ordres, soit en faisant des visites annuelles et en employant des moyens de coercition, soit enfin en remplaçant les Religieux par des chanoines séculiers.

  A023002054 

 Les portes des monastères des Sœurs Cisterciennes sont ouvertes [326] à tous, aux moniales pour sortir et aux hommes pour entrer..

  A023002055 

 D'un autre côté, soit les Cisterciennes, soit les Clarisses manquent du secours que le Concile de Trente, non sans y être poussé par l'Esprit-Saint, veut leur voir accordé: à savoir, qu'au moins trois fois par an leur soit donné un confesseur extraordinaire.

  A023002055 

 Elles se trouvent, en effet, obligées de se confesser toujours à un seul et même confesseur, et il ne leur est jamais loisible de demander le ministère d'un autre: avec quel danger pour les âmes, je l'ignore, Dieu le sait..

  A023002056 

 De même, elles ne présentent jamais les postulantes à l'Evêque [327] ou à son Vicaire, pour que soit examiné leur désir d'embrasser les vœux de Religion..

  A023002060 

 Dans le but de fournir à ces familles les secours de la religion, nos aïeux bâtirent des églises où pussent venir, à chaque jour de fête, les curés habitant le fond des vallées, pour apporter à la population le bienfait du très saint Sacrifice de la Messe.

  A023002060 

 Le diocèse de Genève est situé au milieu de très hautes montagnes, dont cependant les sommets et les escarpements sont semés le plus souvent de villages renfermant des familles très nombreuses.

  A023002060 

 Mais aujourd'hui que Dieu a multiplié ces populations, et que les déserts ont été, grâce au travail et à l'industrie, changés en champs et en prairies, il serait à souhaiter qu'on attachât des pasteurs à ces troupeaux spirituels; les dîmes qu'on touche chaque année suffiraient à les entretenir..

  A023002060 

 Àu début, le nombre des familles étant très restreint en ces lieux de difficile accès, cette visite extraordinaire des curés devait tout à fait suffire; d'autre part, il eût été impossible de maintenir là à demeure des clercs, qui, surtout à cause du petit nombre des champs et des paysans, n'auraient pu être nourris et entretenus sur la dime fournie [328] par les habitants.

  A023002061 

 Ce qui empêche que cela se fasse, le voici: à peu près toujours, les dîmes des lieux en question appartiennent à des Abbés et à des Monastères.

  A023002061 

 Elles leur ont, en effet, été attribuées lorsque les greniers spirituels des Monastères étaient pleins, débordant de l'un dans l'autre, et que les moines, tels des brebis fécondes, abondaient dans leurs sorties.

  A023002062 

 Dès que j'arrivai, tout le [330] monde, hommes et femmes, du premier au dernier du pays, de s'écrier: Comment se fait-il que nous respections tous les droits ecclésiastiques, que nous payions les dîmes et les prémices, et qu'aucun curé ne nous soit accordé, mais que nous soyons au contraire comme des béliers qui ne trouvent pas de pâturages? Tout, en effet, était touché par l'Abbé le plus voisin..

  A023002062 

 Or, un seul et unique curé administrait les deux églises et célébrait la Messe aux jours de fête dans l'une et l'autre, au prix de quelle peine, de quel péril, de quelle inconvenance, je n'ai pas à le dire, surtout l'hiver, lorsque tout est couvert de glace et de neige dans ces parages.

  A023002063 

 Plût à Dieu qu'un Visiteur Apostolique, fidèle et prudent, pût venir donner à toutes les églises, comme à autant de familles, la mesure de froment qui est nécessaire à chacune!.

  A023002067 

 Outre les quatre cent cinquante paroisses qui, nous l'avons dit, sont habitées par de vrais catholiques, il y en a cent trente autres qui sont, partie sous la domination tyrannique de Berne, partie sous le gouvernement du Roi Très Chrétien.

  A023002067 

 Pour ce qui regarde celles qui sont occupées par les Bernois, il n'y a rien à en espérer jusqu'à ce que la ville de Berne elle-même soit ramenée à l'ordre..

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002069 

 Je n'ajouterai rien au sujet de Genève, car ce que Rome est pour les Anges et les Catholiques, Genève l'est pour le diable et les hérétiques.

  A023002069 

 Que tous ceux qui professent la foi romaine, c'est-à-dire la foi orthodoxe, que surtout le Souverain Pontife et les princes aient à cœur que cette Babylone ou soit détruite, ou se convertisse, mais plutôt qu'elle se convertisse et vive, et qu'elle loue Celui qui vit aux siècles des siècles..

  A023002113 

 Repas dus, aux fêtes plus solennelles, à tous les chanoines qui servent à l'autel l'Evêque officiant, florins...............................100.

  A023002114 

 Item, outre les aumônes spontanées et à la volonté de l'Evêque, celui-ci est tenu de par la coutume, de partager aux mendiants chaque semaine au moins un quart de froment; or, le total du froment annuellement distribué monte environ à florins........................150 [336].

  A023002115 

 Item, pour renouveler les livres qu'on appelle des Reconnaissances féodales, du susdit mandement de Thiez, comme l'on fait maintenant, il faudra dépenser florins....3000.

  A023002116 

 On ne renouvelle pas ces livres chaque année, mais au moins tous les trente ans..

  A023002117 

 Il reste donc, une fois prélevé les dépenses nécessaires susdites, environ sept mille florins pour l'entretien de l'Evêque, c'est-à-dire environ, en écus d'or..................860.

  A023002119 

 Cependant, il faut de nouveau noter que si, par suite d'un hiver ou d'un été excessif, d'une tempête ou d'une peste, les champs ont à souffrir ou restent incultes, les revenus de l'Evêque diminuent bien, mais nullement ses charges, lesquelles alors surtout augmentent plutôt, à moins qu'il ne veuille être plus cruel que l'autruche dans le désert.

  A023002119 

 S'il y a des procès à poursuivre pour les droits ecclésiastiques, tout se fait, naturellement, aux frais de l'Evêque..

  A023002120 

 Tout cela est exactement vrai: je n'affirme que ce qui est connu et appuyé sur les meilleures preuves..

  A023002131 

 A quoy vous les convierés et exhorteres le plus quil vous sera possible, au nom de Nostre Seigneur, duquel je vous souhaite la sainte benediction..

  A023002131 

 Ayans receu la Bulle du Jubilé, delaquelle le present Sommaire est extrait, Nous vous commandons et ordonnons de le publier, en toutes vos eglises, aux peuples qui vous sont commis, vous res-jouissans mesme de Nostre part avec eux de cette grande commodité quilz auront de proffiter spirituellement, recueillans avec devotion et charité les graces qui si liberalement leur sont departies en leur propre diocaese.

  A023002137 

 INDULGENCES CONCEDEES PAR N. S. PERE PAUL V POUR LES.

  A023002143 

 Ayant une de ces croix, medailles, couronnes, images, chapelletz et rosaires, en se confessant, ou communiant, ou celebrant Messe, et disant apres la Messe, ou Communion, ou Confession un Pater noster et Ave Maria, ou priant Dieu en quelqu'autre maniere pour Sa Sainteté, pour l'exaltation de nostre Mere sainte Eglise, extirpation des haeresies et pour les ames de Purgatoire, a chasque foys on gaigne Indulgence pleniere..

  A023002144 

 Item, disant la couronne ou le chapelet, ou l'Office de Nostre Dame ou l'Office des Trespassés, ou les Pseaumes penitentielz, ou aucune des Laetanies generales, ou les particulieres de Nostre Seigneur ou de Nostre Dame, on gaigne toutes les Indulgences et graces concedees a ceux qui visitent ce jour-la toutes les eglises qui sont dedans et dehors les murailles de Romme..

  A023002146 

 Chasque fois qu'on fait l'examen de conscience avec repentance de ses pechés, ou qu'on aura propos de les confesser, soixant'ans d'Indulgence..

  A023002147 

 Item, chasque fois qu'on s'exercera en quelqu'œuvre de misericorde, ou qu'on accompaignera ou visitera le Saint Sacrement, ou escoutera la Messe ou le sermon, ou par devotes leçons ou meditations on acquerra ferveur d'esprit ou bons propos, ou qu'on recommandera a Dieu les ames de Purgatoire, ou priera pour celles qui sont en peché mortel, on gaigne cent et cinquante ans d'Indulgence..

  A023002149 

 Item, jeusnant les vendredy de l'annee, en devotion de la Passion de Nostre Seigneur, et les samedy, en devotion de Nostre Dame, on gaigne pour chascun desditz jours sept ans et sept quaranteynes, et pour les jours d'un an entier Indulgence pleniere en forme de Jubilé; et mourant sans avoir achevé cette devotion, l'intention suffit..

  A023002152 

 Disant trois Pater et Ave pour les ames des fideles decedés ou qui decederont ce jour-la, en memoire et honneur des trois fois que Nostre Seigneur pria au Jardin des Olives, on gaigne tous ( sic ) les Indulgences que Sa Sainteté a concedees a quelquonques autres medailles, images, croix, couronnes, rosaires, a la requeste de quelle personne que ce soit.

  A023002154 

 Que si quelqu'une se perdoit ou rompoit, on en peut mettr'un'autre en sa place qui aura les mesmes Indulgences..

  A023002154 

 Toutes les susdites graces et chascune d'icelles se peut appliquer pour les ames de Purgatoire; et pour les gaigner, il suffit d'avoir quelqu'une des susdites choses benites, propre et ( sic ) empruntee.

  A023002155 

 Toutes les dittes choses n'ont leur valeur que deça les mons et non point en Italie..

  A023002166 

 Affin que les peuples qui Nous sont commis ne perdent point la favorable occasion de prendre les graces du saint Jubilé qui se celebre maintenant en cette ville de Thonon, ainsy que ci devant il a esté publié, Nous ordonnons par ces presentes que vous ayes a repeter la publication d'iceluy, exhortans de rechef un chacun d'employer cette benediction [342] au proffit et salut de son ame, asseurans de Nostre part qu'en laditte ville de Thonon ni es lieux circonvoysins il ni a aucune sorte, pas mesme de soupçon, de maladie contagieuse, ni incommodité qui puisse empescher le libre et desirable acces a cette sainte devotion..

  A023002167 

 Si supplions tous les Seigneurs R mes Ordinaires des autres lieux, de vouloir prendre la mesme asseurance sur ce tesmoignage que Nous en faysons, et la faire donner aux peuples de leurs diocaeses, affin que ceux qui auroyent l'intention [et devote] volonté de venir puiser en cette pleyne source les saintes Indulgences, n'en soyent point [343] divertis par les faux bruitz que l'ennemi des ames fidelles a respandu a cett'intention..

  A023002180 

 ( Voir à l'Appendice I les pièces C, D, et ci-dessus,.

  A023002189 

 Encor qu'entre tant de perfections desquelles Dieu a comblé les ancestres de Vostre Altesse, il soit malayse de discerner celle qui tient le premier rang, si est ce que la pieté envers Dieu presente un esclat si particulier et si signalé entre toutes, qu'il donne toute asseurance aux tres humbles et tres obeissans orateurs de Vostre Altesse, Philibert, Evesque de Maurienne, François, Evesque de Geneve, supplians, tant a leur nom que de leur clergé, et aux autres ecclesiastiques soubsignés, de luy remonstrer:.

  A023002190 

 Que le malheur de cest aage a tellement perverti la conscience de plusieurs que, destournant l'usage du secours de la justice a une inique et maligne production de proces, se ruinant eux mesmes ilz font miserablement consumer, par toutes sortes de procedeures, contentions et chicaneries, les personnes, moyens et loysir des gens d'Eglise qui estoyent destinés au service de Dieu et des ames, au grand prejudice du bien publiq et de l'intention de ceux qui, anciennement, ont fait les fondations pieuses; entre lesquelles, [345] comme les devanciers de Vostre Altesse tiennent en toute sorte le premier rang, aussi semble il qu'Elle ayt plus d'interest a la maintenance et conservation d'icelles..

  A023002191 

 C'est pourquoy les susditz ecclesiastiques la supplient? tres humblement de les relever de tant d'ennuis par une favorable, mais tres juste et tres equitable declaration, suyvant les Articles ci jointz, affin qu'avec plus de tranquillité ilz puissent s'acquitter de leurs devoirs spirituelz envers Dieu et le peuple; continuant d'implorer la souveraine bonté de Dieu pour la prosperité et benediction de la couronne de Vostre Altesse, laquelle ne les obligera pas moins en la grace qu'Elle leur fera de les rendre paysibles en la jouissance de leurs revenuz, que ses Serenissimes praedecesseurs ont fait leur en donnant les droitz et tiltres..

  A023002207 

 D'autant que les dismes et premices doivent estre payees a l'Eglise, tant par disposition du droict divin que humain, et neanmoins, a tous propos et contre toutes les raysons, les payemens d'icelles sont differés, evités et empeschés par mille sortes de subterfuges que la longueur des proces fournit: playse a Son Altesse d'ordonner a ses magistratz, entant que de leur connoissance et ïurisdiction, pourvoir a ce que, sans difficulté ni dilation, lesdittes dismes et premices soyent payees aux ecclesiastiques, au moins par provision, moyennant bonne et suffisante caution de rendre le tout, avec despens, dommages et interestz, s'il est dit en fin de cause..

  A023002208 

 Parce que plusieurs, sans tiltre ni fondement, refusent le payement des dismes des biens de leurs universités et aux communs par eux cultivés et ensemencés, apres l'expiration de troys annees des leur culture et ensemencement et de la collecte des fruitz; comme aussi ilz le refusent des terres semees de meslange d'orge et pesettes, avoyne et pesettes, et encor de toutes lesdittes troys especes que l'on appelle communement bataille, au moyen dequoy, par divers artifices, petit a petit ilz s'exemptent dudit payement: playse a Son Altesse ordonner que les dismes seront payees de tous lesditz fons et desdittes batailles, comme dessus..

  A023002209 

 D'autant qu'en plusieurs lieux et presque par tout il se treuve [347] grande diversité de quotes de la disme en la mesme dismerie, sans qu'il y ayt autre rayson que de la diversité des humeurs, du pouvoir et de la conscience des personnes, les plus riches et moins conscientieux amoindrissant tous-jours la quote, appuyés sur les commodités qu'ilz ont de donner delay et duree aux proces; au moyen dequoy les ecclesiastiques n'ont aucune certitude de leur revenu, d'autant que les dittes dismes leur sont differenciees, non seulement par regions, mais voire aussi par particulieres prestations en chacune d'icelles, au moyen de quoy lesditz ecclesiastiques les vont petit a petit perdant par la continuelle mutation de la quote: playse a Son Altesse ordonner qu'en chacune dismerie la disme se payera a mesme quote et la plus commune d'icelle dismerie, et uniformement par tous, sinon que les particuliers refusans fussent munis de tiltres suffisans au contraire..

  A023002210 

 Comme aussi les servis et prestations annuelles deuës aux ecclesiastiques seront payés sur une reconnoissance et deux confins deuement verifiés par devant les commissaires, qui, a ces fins, seront deputés par les juges, au moins par provisions et a caution telle que dessus..

  A023002216 

 ( Voir à l'Appendice I les pièces E, F, G, et ci-dessus,.

  A023002243 

 Ce qu'Holopherne imagina, Frères très chers, lorsqu'il assiégeait Béthulie et qu'il fit couper et occuper de toutes parts son aqueduc et toutes ses fontaines, afin qu'il ne restât pas la moindre goutte d'eau pouvant étancher la soif des assiégés: c'est ce que reproduisent tous les hérétiques qui combattent l'Eglise, surtout ceux de notre temps.

  A023002243 

 Ils ont résolu, en effet, soit de supprimer tout à fait, soit de corrompre par leurs fausses opinions les Sacrements, au moyen desquels comme par autant de canaux et de conduits bien adaptés, notre Sauveur très bon et très grand fait couler dans nos cœurs les ondes salutaires de la grâce.

  A023002244 

 En effet, couper des ruisseaux qui tirent leur origine de la ville elle-même, c'est manifestement priver d'eau, non les citoyens enfermés, mais bien plutôt les ennemis qui se tiennent au dehors, non les assiégés, mais les assiégeants..

  A023002244 

 Mais l'Eglise possédant, non hors de ses murs, mais au milieu d'elle-même le Saint-Esprit, cette source abondante d'eaux vivifiantes qui, par les Sacrements, se répand dans les âmes des fidèles, c'est chose vaine et puérile de la part des hérétiques d'avoir imaginé, délibéré et tenté de prendre par la soif et de réduire à discrétion la Béthulie des chrétiens.

  A023002244 

 Quant aux rites antiques par lesquels notre Mère l'Eglise, comme [350] revêtue de tissus d'or d'une agréable variété, brille et resplendit dans l'administration de ses Sacrements, ils s'efforcent de tout leur pouvoir, non seulement de les repousser, mais de les faire disparaître sous leurs sarcasmes et leurs éclats de rire.

  A023002245 

 Bien plus: par le fait même que les ennemis de l'Eglise, avec des efforts plus violents et une excessive audace, ont tourné leurs attaques contre le nombre, la dignité et les cérémonies des Sacrements, tous les Evêques d'abord, réunis au très auguste Concile de Trente, puis la plupart d'entre eux séparément dans leurs provinces, avec une ardeur toujours croissante, ont lutté avec d'autant plus d'énergie et de fermeté en faveur de leur nombre sacré de sept, de [351] la religieuse solennité de leurs rites et de la sainteté qui appartient à tout ce qui les touche..

  A023002246 

 Au milieu de ces soucis, occupé et empêché aussi par les embarras multiples et très compliqués, par lesquels la malice des hommes et des temps a coutume d'entraver les efforts des meilleurs pasteurs, notre Evêque, quoique plein de vigilance et de force, ne put, dans le bref espace des douze années qu'il exerça sa charge épiscopale, rendre entièrement leur splendeur à la discipline ecclésiastique et à l'administration des Sacrements..

  A023002246 

 En outre, quelques demi-savants, grands admirateurs de belles-lettres et d'antiquité classique, prétendaient, non certes condamner les cérémonies catholiques, mais les soumettre à leur censure et jugement.

  A023002246 

 Il obtint enfin que généralement dans le diocèse, mais surtout dans cette cité [d'Annecy], les hérétiques et leurs hérésies fussent tenus pour infâmes, dignes d'horreur et d'abomination.

  A023002246 

 Parmi eux, et au nombre de Nos prédécesseurs, Nous rappelons l'illustre Ange Giustiniani, homme d'une doctrine et d'un talent incomparables, qui, au retour du Concile, où il intervint, dépensa les plus grands efforts dans ce sens.

  A023002247 

 C'est lui qui introduisit dans toutes les églises du diocèse, avec autant de douceur que d'efficacité, les prières et Offices ecclésiastiques corrigés selon les prescriptions du Concile de Trente.

  A023002247 

 C'est lui qui, le premier dans nos provinces françaises, adopta la coutume, on ne peut plus utile et sainte, et prescrite par le même Concile, de conférer les églises paroissiales au concours: il donna ainsi l'exemple aux autres Evêques, afin que, comme il avait fait, ils fissent aussi eux-mêmes.

  A023002247 

 Il ramena à la modestie cléricale le costume des prêtres, autant que les difficultés des lieux le permirent; il érigea presque partout de pieuses confréries dédiées au culte du Très Saint Sacrement et de la Bienheureuse Vierge Marie; il rétablit l'usage de célébrer chaque année le Synode; il plaça de ci et de là des ecclésiastiques appelés Surveillants, ayant faculté et mission de relever, d'avertir, d'exhorter les autres prêtres et de veiller sur leur conduite.

  A023002248 

 Or, parmi les projets qu'il avait formés dans ce but, je n'estime pas qu'il faille mettre au dernier rang celui d'une nouvelle et exacte édition du Rituel, sur le modèle de celui de la sainte Eglise Romaine.

  A023002249 

 Mais, pendant environ les dix dernières années de sa vie, il se trouva tracassé, occupé et empêché en partie par des guerres désastreuses, en partie par le devoir de restituer plusieurs églises au culte et d'amener à la pénitence, par lui-même ou par ses collaborateurs, des milliers d'hérétiques qu'il rendit, tels des fils ressuscités, à notre Mère l'Eglise qui les pleurait.

  A023002249 

 Sur ces entrefaites, pendant que se différait l'édition du Rituel, notre Evêque, au très grand regret de tous les bons, nous est enlevé et, comme il faut l'espérer, [355] élevé au Ciel.

  A023002250 

 Ensuite, de tous les exemplaires qu'il Nous fut possible de consulter, Nous avons de ci et de là tiré différentes règles et de nombreux enseignements qui fourniront une ample lumière aux curés et à leurs vicaires sur l'exercice bien réglé de leurs fonctions; c'est ainsi que, à l'exemple des abeilles, Nous avons, de diverses fleurs, amassé le miel dans notre ruche.

  A023002250 

 Est aussi ajouté un Calendrier [356], où sont notés les fêtes et Offices établis et reçus dans Notre diocèse, soit par la coutume ancienne, soit par les récentes Constitutions synodales.

  A023002250 

 Vous aviez déjà à part ce formulaire édité par ordre de Notre Révérendissime Prédécesseur; maintenant, vous le trouverez ici revu et corrigé des erreurs qui s'y étaient glissées, afin que le présent volume réunissant tout ce qui touche à votre ministère, vous l'ayez ainsi plus facilement sous les yeux..

  A023002251 

 Il ne paraissait pas, en effet, qu'on pût désirer autre chose touchant le sujet qui Nous occupe, sinon ces exhortations catéchistiques et familières sur les Sacrements et autres principaux points de la religion, que la plupart d'entre vous m'ont souvent demandées.

  A023002251 

 Je vous promets, s'il plaît à Dieu, de vous les donner aussitôt que les nombreuses sollicitudes et occupations qui m'envahissent de toute part m'auront accordé un peu de loisir et de tranquillité d'esprit.

  A023002252 

 Ainsi tous, non seulement d'une même foi, mais d'une seule et même bouche, d'une seule et même façon, nous bénirons le Seigneur Dieu dans les églises et, suivant le précepte de l'Apôtre, tout se fera parmi nous avec bienséance et avec ordre..

  A023002323 

 Appendice au calendrier contenant l'index des fêtes dont les offices doivent être récités non seulement dans l'église cathédrale, mais aussi par tous les clercs du Diocèse de Genève.

  A023002341 

 Le 4 mai, fête du Très Saint Suaire, lequel, longtemps conservé dans cette province, a toujours été chez tous les nôtres en grande vénération.

  A023002346 

 Le 6 juin, fête de saint Claude, évêque et confesseur, qui fut [360] archevêque de Besançon, et dont les reliques, à cause d'innombrables miracles, sont honorées d'un concours extraordinaire de fidèles au monastère de Saint-Oyend, voisin de ce diocèse.

  A023002367 

 Le 22 septembre, fête des saints Maurice et ses Compagnons, dont le sang a baigné presque tous ces pays, qui sont les protecteurs devant Dieu de nos provinces et ont été déjà autrefois très honorés par nos aïeux.

  A023002386 

 E n outre, tous les jeudis, hors du Carême, de l'Avent et des vigiles, s'il ne se rencontre aucune fête double ou semi-double, on fera [364] l'Office semi-double du Très-Saint-Sacrement de l'Eucharistie.

  A023002392 

 C'est pourquoy la sainte Eglise, fondee sur les divines promesses et coustumes apostoliques, a tres bien ordonné qu'es saintz jours de Dimanches et festes nous nous assemblions en l'eglise, laquelle a esté appellee par Nostre Seigneur mayson de Dieu et de priere.

  A023002392 

 Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté..

  A023002392 

 Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu exauce [365] toutes les prieres qui luy sont devotement presentees au nom de Jesus Christ son Filz, toutesfois il s'est reservé des lieux et des jours esquelz il veut estre plus particulierement servi et invoqué; comme aussi en iceux il reçoit plus favorablement nos requestes.

  A023002393 

 Pour donq faire aujourd'huy cette sainte celebration au mieux que nous pourrons, sçachans que Dieu regarde volontier a la priere des humbles et ne mesprise point le coeur contrit et humilié, nous mettrons les genoux a terre et, nous humiliant de tout nostre cœur devant sa divine face, nous le remercierons de tous les biens que nous avons eus et qui nous sont preparés, et principalement de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, par laquelle nous avons esté delivrés de la damnation eternelle; nous tenans et reconnoissans pour ses pauvres et miserables creatures, indignes et inutiles serviteurs, dependans en tout et par tout de sa sainte misericorde et mercy, a laquelle nous recourons pour avoir pardon et remission de nos offenses et iniquités..

  A023002394 

 Et a cette intention nous nous accuserons de tous nos pechés en general, avec vray propos de les confesser en particulier en tems et heu, selon l'ordonnance de Dieu et de son Eglise.

  A023002395 

 Et partant, je prie la glorieuse Vierge Marie, le bien heureux saint Michel Archange, le bien heureux saint Jean Baptiste, saint Pierre et saint Paul, apostres, monseigneur saint N., mon Patron, et tous les Saintz et Saintes de Paradis, et vous, mon Pere spirituel, de prier pour moy vers mon Dieu, mon Createur, affin qu'il luy playse me pardonner.».

  A023002395 

 «Je me confesse a Dieu tout puyssant, a la glorieuse [366] Vierge Marie, au bien heureux saint Michel Archange, au bien heureux saint Jean Baptiste et a saint Pierre et saint Paul, apostres, a monseigneur saint N., mon Patron, et a tous les Saintz et Saintes de Paradis, et a vous, mon Pere spirituel, pour ce que j'ay grandement peché en pensees, en parolles et en œuvres: et le tout par ma faute, par ma coulpe et par ma tres grande coulpe.

  A023002400 

 Nous prierons par apres pour tous nos superieurs, tant spirituelz que temporelz; pour nostre Saint Pere le Pape et pour tous les Prelatz, pasteurs et personnes ecclesiastiques qui sont legitimement deputés au gouvernement des ames, et specialement pour Monseigneur le Reverendissime nostre Evesque et Pasteur, affin qu'il playse a Dieu leur faire la grace de si bien repaistre et guider les brebis qui leur sont commises, que, estans garantis de toutes fauses opinions et seductions, elles vivent et perseverent ça bas en l'union de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, attendans d'estre receus en l'Eglise triomphante, la haut en Paradis..

  A023002401 

 Nous prierons de mesme, comme conseille saint Paul, pour tous Princes et magistratz chrestiens, et particulierement pour Sa Majesté et pour la Reyne regente et pour [367] Messeigneurs les Princes du sang; et non seulement pour eux, mays pour tous ceux qu'ilz ont ordonnés pour gouverner de leur part, affin qu'il playse a Dieu leur donner le don de force et de conseil pour nous maintenir en sainte paix et tranquillité, et administrer droittement la justice, affin que, sous leur obeissance, «nous passions tellement par les biens temporelz, que nous ne perdions pas les eternelz.».

  A023002402 

 Davantage, s'il est ainsy que nostre Sauveur prevoyant la ruine de Hierusalem pleura sur icelle, nous devons deplorer et regretter de tout nostre cœur la perdition des pauvres ames des infideles, schismatiques, desvoyés et faux chrestiens, qui se font un thresor de l'ire de Dieu pour le jour de son courroux, a ce qu'il luy playse les esclairer de sa sainte grace et verité..

  A023002403 

 De plus, Nostre Seigneur reputant estre fait a soy ce qui est fait au moindre des siens, nous prierons pour tous les pauvres affligés et necessiteux, pour les vefves, orphelins, malades, prisonniers, pelerins, et generalement pour tous ceux qui sont en tribulation et adversité, affin qu'il playse au Pere des misericordes et de toutes consolations de les assister de son Saint Esprit, affin que, recevans leur affliction en humilité, ilz puissent posseder leurs ames en patience..

  A023002404 

 Specialement nous prierons qu'il playse a Dieu avoir en sa garde les femmes enceintes, et mesme de cette parroisse, conduisant le fruict de leur ventre au saint Sacrement de Baptesme pour avoir part a l'heritage du Ciel..

  A023002409 

 Nous demanderons aussi a ce Pere celeste nostre pain quotidien, ainsy qu'il nous a enseigné, le priant de conserver et multiplier les fruitz de la terre et de donner sa benediction aux labeurs de nos mains, affin que nous les puissions recueillir en bonne paix et santé, pour user sobrement d'iceux, selon sa volonté, et en faire part aux pauvres necessiteux..

  A023002410 

 Finalement, puisque la Sainte Escriture tesmoigne et l'Eglise a tous-jours creu que c'est une sainte et salutaire pensee de prier pour les fidelles trespassés, nous prierons pour nos peres, meres, freres, parens et amis et tous autres fidelles decedés, et en particulier pour ceux desquelz les cors reposent en cette eglise ou cimetiere, et tous bienfacteurs d'icelle (et mesme pour tel N. ou telle N.), lesquelz estans trespassés au giron de l'Eglise, sont et seront tous-jours ses enfans, appartenans a un mesme Royaume de Jesus Christ et membres d'un mesme cors avec nous; affin que, s'ilz estoyent detenus en quelque peyne, il playse a Dieu les en retirer et les colloquer au repos eternel..

  A023002411 

 Or, affin que nos requestes soyent plus aggreables au Pere eternel, nous les luy presenterons selon la forme que Nostre Seigneur son Filz nous a monstree en l'Orayson dominicale, laquelle nous reciterons maintenant, tant pour nous en resouvenir que pour commencer nos prieres par icelle..

  A023002415 

 Nous reciterons aussi la Salutation angelique, tant en memoire de nostre Redemption qui fut annoncee par l'Ange en cette Salutation, que pour nous joindre a la communion de tous les Saintz en la personne de la glorieuse Vierge Marie, laquelle nous prions de prier pour [369] nous Dieu le Pere, au nom de son Filz, nostre unique Sauveur.

  A023002417 

 Je vous salue Marie, pleine de grace, le Seigneur est avec vous; vous estes benite entre les femmes et benit est le fruit de vostre ventre, JESUS. Sainte Marie, Mere de Dieu, pries pour nous pecheurs, maintenant et a l'heure de nostre mort.

  A023002423 

 Encores est il requis sur toutes choses au vray chrestien d'observer la volonté de Dieu pour parvenir a la vie eternelle, la foy sans les œuvres estant morte, comme dit saint Jaques Oyes donq avec reverence les Commandemens de Dieu, pour les apprendre et garder de point en point, moyennant sa sainte grace..

  A023002424 

 Tu ne les adoreras ni serviras..

  A023002426 

 (Quelquefois se pourront dire les Commandemens comme dessus est escrit, et d'autres fois comme s'ensuit:).

  A023002427 

 Voyla les Commandemens de Dieu ainsy qu'ilz furent [370] donnés a Moyse, lesquelz, pour en avoir meilleure souvenance, on peut reduire en la maniere suyvante:.

  A023002429 

 Or, non seulement Dieu veut estre ouy et obey, mays aussi il veut que l'Eglise soit escoutee et obeye, a peyne, pour ceux qui font au contraire, d'estre reputés devant luy pour infidelles, payens et publicains, ne pouvant «avoir Dieu pour Pere, qui n'aura l'Eglise pour Mere.» Vous apprendres donq ses Commandemens et les garderes de bon cœur; c'est a sçavoir:.

  A023002430 

 Les Dimanches Messe ouyras, et festes de commandement; [etc.].

  A023002461 

 Et affin que vous les puissies mieux retenir, pour en user en cas de laditte necessité, je dis encor une fois, que, mettant l'eau et la respandant sur la creature en telle sorte qu'elle la touche, il faut dire: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit..

  A023002466 

 Comme aussi un chacun doit jeusner tous les jours, le Dimanche reservé, sinon que pour l'aage, maladie ou autres occasions il en soit exempté.

  A023002470 

 Les festes de commandement en janvier sont:.

  A023002472 

 Le 6, les Roys..

  A023002474 

 Les festes de devotion:.

  A023002555 

 Le 28, les Innocens..

  A023002558 

 Et quant aux autres festes de devotion, combien que personne ne soit astreint sous aucune peyne de les garder ou celebrer, toutes-fois celuy fera bien qui, selon la louable coustume du diocese, rendra en icelles son devoir envers Dieu, les Saintz et l'Eglise..

  A023002558 

 Notes que sont aussi de commandement tous les jours du Dimanche, le second et tiers jours de Pasques, le jour de l'Ascension de Nostre Seigneur, le second et tiers jours de Pentecoste, le jour de la Feste Dieu; item, les jours des Dedicaces et Patrons des eglises, comme de mesme les testes legitimement voüees par authorité du Praelat, a chacun selon sa parroisse et lieu d'habitation.

  A023002612 

 Declarer qu'es oppositions qui se feront aux proclamations des mariages, l'opposant sera tenu de specifier la cause de son opposition, laquelle sera mentionnee au renvoy qu'en fera le proclamant; et, en tous cas, seront tous-jours renvoyees les parties par devant 1'Official.

  A023002612 

 sans que les curés en ayent aucune connoissance de cause..

  A023002613 

 Item, que les fiancemens seront tenus pour nulz, si les promesses ne se font par paroles expresses entre ceux qui peuvent parler, et sous le tesmoignage de deux tesmoins (masles ou femelles)..

  A023002616 

 Les bourgades, pour le Catechisme..

  A023002624 

 Pour a quoy obvier, les sieurs Surveillans assistent auxdittes Messes..

  A023002624 

 Pour les Messes nouvelles: que nul n'en die de solemnelle sans avoir l'attestation du Surveillant, et qu'en icelle ne se facent balz et carroux.

  A023002628 

 Les deputes de dehors viendront aux fraiz des provinces qui les desirent..

  A023002631 

 Inculquer les assemblees, et enjoindre aux sieurs Surveillans d'envoyer les roolles des presens, et des raysons des absens..

  A023002634 

 Defenses, dans le Rituel, contre la bazoche et les tavernes, es jours de feste et pendant les Messes parroissiales..

  A023002635 

 Les provisions de ceux qui n'ont pas [été] enregistrés..

  A023002655 

 Revu sur les deux Autographes indiqués dans la première note de cette pièce.

  A023002659 

 C'est pourquoi le nom du Seigneur est blasphémé à cause d'eux chez les [383] hérétiques, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens-là?.

  A023002659 

 Il est surprenant de voir jusqu'à quel point la discipline de tous les Réguliers (j'excepte les Chartreux et les Mendiants) est détruite, en sorte que l'argent, chez eux, a été changé en scorie.

  A023002661 

 C'est ce qui a déjà commencé à se faire au monastère d'Abondance, où les Feuillants ont été substitués aux Chanoines réguliers..

  A023002661 

 D'abord, en introduisant des moines meilleurs, appartenant à d'autres Ordres, par exemple: à la place des Cisterciens, les Feuillants; à la place des Chanoines réguliers de cette ville d'Annecy, les Barnabites; et ainsi pour les autres.

  A023002662 

 Ce que les chanoines séculiers touchent par des distributions journalières, eux ont coutume de le toucher par des prébendes, et, après les avoir touchées, ils assistent aux Offices quand cela leur plaît; s'ils n'y assistent pas, ils n'en sont pas plus pauvres.

  A023002662 

 En second lieu, en remplaçant les Chanoines réguliers par des chanoines séculiers.

  A023002662 

 Pourquoi donc ne sont-ils pas transformés en chanoines séculiers, bien plus utiles à la république chrétienne? D'autant plus qu'il y a ici en Savoie une multitude de gens nobles, sans revenus suffisants, dont les fils, parmi ceux qui suivent la profession ecclésiastique, pourraient de cette manière être commodément pourvus.

  A023002662 

 Si pour tous les cas cela peut paraître un [384] peu dur, pour la plupart cependant ce serait opportun; car dans ce diocèse, les chanoines réguliers ne diffèrent des séculiers qu'en ce qu'ils portent le froc, comme on l'appelle, et ailleurs la patience [ou scapulaire].

  A023002663 

 En troisième lieu, si ces moines étaient maintenus, il faudrait les visiter chaque année et user à leur égard de coercition.

  A023002663 

 Mais il ne conviendrait pas du tout qu'une telle visite fût faite par les Supérieurs de leurs Ordres; car les moines et les Abbés de Cluny, de Savigny et de Saint-Ruf ne savent pas même ce que c'est que réforme.

  A023002664 

 Quoique les Monastères de Sixt et de Pellionnex soient visités par l'Ordinaire, auquel ils sont assujettis par un droit antique (bien que jusqu'ici ils aient à peine voulu obéir), cependant Nous n'avons rien obtenu d'eux, parce qu'ils manquent de Règle et de Constitutions, et que par ailleurs, en ce qui regarde la profession ecclésiastique, ils se conduisent avec assez de bienséance.

  A023002666 

 Car elles sont obligées de se confesser toujours à un seul et même confesseur, ne pouvant, dans aucun cas et sous aucun prétexte, se confesser à un autre; avec quel danger pour les âmes, je l'ignore, Dieu le sait..

  A023002666 

 Quant aux Religieuses, les deux Monastères de Clarisses marchent fort bien, et je n'y vois rien à désirer si ce n'est qu'il soit donné aux Religieuses le secours que le saint Concile de Trente, non sans être inspiré de l'Esprit-Saint, leur a accordé et a voulu qu'on leur donnât: à savoir, qu'au moins trois fois par an un confesseur extraordinaire leur soit envoyé.

  A023002667 

 Réciproquement, elles permettent à toutes les femmes séculières d'entrer chez elles, les hommes seuls étant exclus..

  A023002668 

 Je ne vois aucun antre moyen de les réformer, sinon de les établir dans les villes et de les soumettre à d'autres Supérieure, qui s'occupent plus sérieusement du soin de leurs âmes..

  A023002668 

 Mais les monastères de moniales Cisterciennes sont entièrement ouverts, et aux moniales pour aller visiter chez eux leurs proches et leurs parents, et aux hommes pour entrer chez elles.

  A023002678 

 les pièces J, K, L, et ci-dessus la note de la page 298.).

  A023002685 

 Tous ceux qui, de droict, sont obligés d'estre presents au Synode, y comparoistront désormais en surplis et bonnetz quarrés, et les Surveillans prendront garde de venir de si bon'heure qu'ils puissent assister a l'assemblee qui se faict sur le jour avant la celebration dudict Synode, pour preparer ce que l'on doit proposer et declarer selon les difficultés et necessités du diocaese..

  A023002689 

 Tous les curés, apres leur retour du Sinode, diront trois Messes: une du Saint Esprit, pour tout le clergé de ce [389] diocese; un'aultre pour la paix et pour la prosperité de noz Princes et bonne conduicte des magistrats establis par iceulx; la troisiesme, pour les Evesques, curés et ecclesiastiques du diocaese, trespassés..

  A023002693 

 Tous les curés exhorteront leurs parroissiens aux prieres particulieres pour la paix et conservation des Estats de Son Altesse, lesquelles ils feront ez villes tous les jours; es villages, les jours des festes et Dimanches, sur le soir, ou a Vespres, si on les y chante et que le peuple y accoure..

  A023002697 

 Et pour ce que plusieurs, apres les avoir obtenues, sont devenus extremement ignorans, les Surveillants les examineront pour voir s'il sera expedient continuer leurs admissions tout le temps que leurs patentes designent, ou bien s'il [390] sera bon de les revocquer; auquel cas leurs ( sic ) declareront la revocation d'icelles de Nostre part..

  A023002697 

 Les Surveillants estants es heux de leurs surveillances appelleront a eux tous les confesseurs extraordinaires, a sçavoir ceux qui ne sont pas curés, pour voir leurs admissions et r'envoier ceux qui n'en ont poinct.

  A023002701 

 Et dequoy les curés feront advertir les autres prestres de leurs parroisses, affin qu'ilz ne se presentent les aultres jours, esquels ils ne seront receus..

  A023002701 

 Les prebstres qui vouldront estre admis a l'administration des Sacrements se presenteront aux Examinateurs deputés au Synode, le premier jeudy de chasque moys, si l'ors ne se rencontre feste solemnelle; et en ce cas, ils se presenteront le jeudy prochainement suivant pour estre examinés, et puis appreuvés par le Reverend sieur nostre Vicaire general ou ses substituts.

  A023002705 

 Ils seront aussy tenus de s'exercer en l'exercice des Ordres quilz ont et d'en apporter le certificat de leurs curés par [391] escrit, comme encores de leurs aages et bonnes meurs; en quoy les sieurs curés sont exhortés et conjurés, de la part du Juge eternel, d'estre fort conscientieux et veritables..

  A023002709 

 Nous exceptons touttesfois les docteurs et gradués en theologie, qui pourront estre admis sans examen, et ceux ausquels par le passé Nous avons donné telle licence; et n'entendons comprendre en cette defence les sieurs curés qui, par leurs establissemens, non seulement peuvent, mais doivent enseigner les peuples a eux commis, selon leur portee..

  A023002709 

 Nul ecclesiastique, tant seculier que regulier, ne sera receu a prescher la parohe de Dieu avant quil soit examiné par les deputés et appreuvé par Nous ou nostre Vicaire general.

  A023002713 

 Tous les confesseurs de ceste ville, tant seculiers que reguliers, et encores ceux de la surveillance d'icelle, s'assembleront deux fois l'annee, asçavoir, avant Caresme et la Toussainct, pour faire une conference touchant le Sacrement de Penitence; pour laquelle conference tous les confesseurs de chasque surveillance s'assembleront aussy une fois l'annee, asçavoir avant le Caresme, en la bourgade ou se distribuent les sainctes Huiles, et ce en la presence du Surveillant ou autre deputé pour y presider..

  A023002717 

 Adviseront en la refusion desdictes sainctes Huiles, de verser petit a petit l'huile non sacree dans la sacree, et non au contraire, et de ne les bailler a porter qu'a personnes constituees en Ordres sacrés..

  A023002717 

 Ce qui se fera precisement dans le temps qui est entre Pasques et Pentecoste, et dans la quinzaine suivante lesditz distributeurs envoyeront a nostre Vicaire general le rooïïe de ceux qui ne les auront prises.

  A023002717 

 Et les deputés les distribueront aux curés designés en leurs roolles; de chascun desquels ils recepvront quattre sols, deux desquels seront pour le remboursement des deux avancés audict sous Sacristain, et les aultres deux pour la despense faite a venir prendre et accroistre l'huile.

  A023002721 

 Nous implorerons le bras seculier affin que les libraires, tant residants au païs qu'estrangers, n'exposent leurs livres en vente premier qu'avoir donné la liste d'iceulx a nostre Vicaire general, en ceste ville, et allieurs aux curés des lieux esquels ils les vouldront exposer; pour empecher que les livres prohibés ne soient semés au prejudice des consciences..

  A023002725 

 Tous ecclesiastiques qui tiennent des femmes, de quel aage qu'elles soient, pour leurs services ou aultrement, les congedieront et feront retirer dans le mois; a peine d'excommunication termino elapso incurrendae, reservee a Nous, et aultre chastiment arbitraire.

  A023002725 

 [393] Que si, le mois passé, il se treuve quelqu'un qui n'ayt satisfait a la presente constitution, les Surveillants en donneront certificats a nostre Vicaire general..

  A023002729 

 Pour remedier, aultant que Nous pouvons, aux grands scandales que plusieurs ecclesiastiques donnent au peuple chrestien par la frequentation des tavernes, mesprisants les deffences auparavant faictes, Nous les renouvelions soubz plus grande peine, asçavoir, d'excommunication ipso facto incurrendae et reservee a Nous; laquelle encourront tous ecclesiastiques qui, dans l'enclos de leurs parroisses et lieux de leur sejour, boiront et mangeront en taverne, saufz es cas de nopces, baptesme, funerailles et Confrairies seulement; dont Nous n'exceptons aucunement les fiançailles, ni anniversaires, ni mises de dismes, ni appointements, ni aultre pretexte quel quil soit..

  A023002733 

 Et de ce, les Surveillants advertiront les curés et aultres beneficiés de leurs quartiers, affin quils dressent des registres de leurs dicts tiltres, qui leurs ( sic ) suffiront pour l'exaction de leurs revenus.

  A023002733 

 Les Chapitres remettront esdites archives au moins les registres generaulx de leurs tiltres..

  A023002733 

 Tous beneficiés, tant curés que chappellains, apporteront ou envoiront le plustot quils pourront tous les tiltres et docmnents de leurs eglises et chappelles es archives de l'Evesché, pour y estre conservés et gardés; lesquels seront communiqués aux possesseurs et recteurs desdites eglises et chappelles selon les occurrences et necessités.

  A023002737 

 Tous les curés remettront ou envoiront dans trois mois les livres baptismaulx, matrimoniaulx et funeraulx au [394] greffe de l'Evesché; a peine de suspension ab officio les-ditz trois mois estants expirés..

  A023002741 

 Les confesseurs advertiront les femmes de n'entrer ez monasteres des Religieux, en suitte des ordonnances des saincts Peres et Souverains Pontifes de l'Eglise..

  A023002745 

 Les confesseurs prendront garde de n'ouir les confessions des femmes dans les sacristies, chambres et aultres lieux particuliers, mais es confessionnaulx et lieux exposés a la veue de tous..

  A023002753 

 La modestie de l'ornement corporel sera tellement recommandee aux ecclesiastiques, que l'on ne les verra plus porter les moustaches longues, ni les petradilles ou rotondes, mais feront voir en eux grande moderation en touttes sortes d'habits..

  A023002761 

 Les ecclesiastiques paroistront des ores ez assemblees publiques, avec le bonnet carré, ils marcheront es villes avec [395] la sotane et le manteau; es villages, au moins avec la sotanelle..

  A023002765 

 Les ecclesiastiques n'intenteront aulcun proces, tant criminel que civil, quils n'ayent communiqué avec les moderateurs deputés qui resideront en ceste ville, pour voir si le proces petit estre evité ou appoincté, et, quand besoing seroit de plaider, pour ne le faire sans bon fondement..

  A023002773 

 Tous ecclesiastiques seculiers sachent quils sont obligés a l'obeissance des Constitutions synodales, et que les Reguliers les observent en ce qui les regarde: comme de n'ouir les confessions ni prescher sans approbation, de n'absouldre des cas reservés les personnes de ce diocese, et generalement, quils gardent les aultres ordonnances qui les concernent traictants avec les seculiers..

  A023002777 

 Et estants arrivés, se presenteront au greffier de l'Evesché pour donner leurs noms et payer le droict que les saincts Canons appellent cathedraticum, estimé a deux sols; et ceux qui n'assisteront au Synode feront le mesme debvoir par procureurs..

  A023002777 

 Tous les curés assisteront au Synode, a peyne d'amende arbitraire.

  A023002781 

 Les curés [396] encores des villages sont exhortés de ce faire selon les commodités quils en auront..

  A023002781 

 Les curés des villes et bourgades ne manqueront de faire la Doctrine chrestienne en leurs eglises tous les Dimanches; a peine de chastiment arbitraire.

  A023002789 

 Les curés adviseront de n'adjouster aux prieres que l'on faict pour les trespassés, tant es funerailles qu'es anniversaires, nouveaux responsoires ni proses non approuvees qui ne sont contenues au Rituel de ce diocese..

  A023002793 

 Les curés permettront a leurs parroissiens de faire leurs confessions aux confesseurs approuvés quils desireront; mais quils leur en rapportent des certificats, a faute de quoy ils ne seront tenus pour confessés.

  A023002797 

 Les curés bailleront les proclamations des mariages et rendront les Monitoires publiés et signés, sans demander aulcun emolument..

  A023002801 

 L'on intimera et observera l'ordonnance de l'Eglise de ne celebrer les mariages que de matin a la Messe, en laquelle les filles recepvront la benediction; et seront exhortés, avec leurs espoux, de se communier en la mesme Messe, en suitte de la rubriche ( sic ) du Messel..

  A023002805 

 Les curés adviseront soigneusement que l'on ne chante [397] es eglises certains Noels pleins de parolles indignes, profanes et contraires a la pieté et reverence deue aux lieux et choses sacrees, comme encores de n'adjouster es Psalmes que l'on chante es solemnités de la Nativité de Nostre Seigneur, certaines parolles ridicules et pleines de blaspheme; mais observeront diligemment au service de Dieu les sainctes et seules cerimonies que l'Eglise Catholique a religieusement instituees..

  A023002810 

 Il est raysonnable de remettre le soin d'une [charge] a celuy qui en peut le moins abuser; et si j'avois de la [398] creance pres les grans, je prefererois la conscience a la science et a la qualité de la mayson; aucun n'auroit charge dans l'Eglise, qui ne fust deschargé des vices qui l'ont esbranlee.

  A023002810 

 Je distribuerois les dignités a ceux qui les fuyent, et non pas a ceux qui les suivent; mais je n'advancerois pas, comme fit un Roy de France, un prestre qui dormiroit en l'eglise.

  A023002811 

 Ceux qui dient qu'il faut remplir les sieges vacans et donner leurs places aux doctes, n'en disent pas asses s'ilz n'y adjoustent: et humbles; car la science enfle et ne doit estre estimee qu'autant qu'elle est fructueuse a salut..

  A023002814 

 C'est que les bons curés ne sont pas moins necessaires que les bons Evesques, et les Evesques travaillent en vain s'ilz ne sont soigneux de pourvoir leurs eglises parroissiales de curés devotz, de vie exemplaire et de suffisante doctrine, parce que ce sont les pasteurs immediatz qui doivent marcher devant les brebis, leur enseigner le chemin du Ciel et leur donner l'exemple qu'elles doivent suivre.

  A023002820 

 Et que au paravant que venir a la seconde publication, l'impetrant se viendra purger par serment sur la verité du contenu en icelluy, entre les mains du curé ou vicaire des lieulx.

  A023002822 

 Bien permettons Nous de leur toucher les yeux avec la patene et les corporaux apres la celebration de la saincte Messe, et apres que l'Evangile de sainct Jehan sera dict.

  A023002822 

 Les ventemens qui se font en plusieurs endroictz de ce diocese, par les vicaires, curés et autres prebstres tant seculiers que reguliers, avec les corporaux, sur ceux qui ont mal aux yeux, sont des a present prohibés; comme aussi d'y mettre de l'eau qui a esté versee dans le calice apres la Postcommunion.

  A023002825 

 L'Office des mortz ne se doibt fere les jours de Dimenche; neantmoins cela est toleré pour eviter a scandale et ne lever la devotion des gentz..

  A023002826 

 Et si, avons ordonné que tous curés et beneficiés seront tenus ballier au vray la valeur de leurs benefices toutes foys et quantes quilz en seront summés, avec purgation de serment entre les mains du commissaire deputé..

  A023002832 

 Monseigneur le Reverendissime, en l'assistence des sus nommés et autres de son Clergé, a ordonné et statué de nouveau que les defenses des tavernes estoient reiterees, et autres constitutions pourtees par ses Ordonnances synodales faictes le second octobre 1603; et notamment la residence a tous curés de sa diocese, et aux vicaires de le notifier a leurs maistres, et de justifier de la dispense dans six sepmaynçs, a peyne de privation de leurs benefices..

  A023002833 

 Plus est inhibé a tous curés et exorcistes de ne exorciser aucune femme sans Nostre permission, ou de nostre Vicaire, dans leur cure, sinon publiquement dans l'eglise, ni les tenir dans leur cure; pareillement, ne fere aucune peregrination avec lesdictes femmes: a peyne de vingt cinq livres et autre peyne arbitraire..

  A023002836 

 Et lesquelz confesseurs pourront recepvoir au sainct Sacrement de Communion ceulx qui auront habité vers les heretiques pour cause de leur pauvreté et pour gagner leur vie, et qui n'auront celebré les festes de l'Eglise; mais ceulx qui font actes heretiques ne seront receuz..

  A023002837 

 Et par ce quil Nous est venu a notice que, en plusieurs endroictz et parroches de ceste diocese, la coustume est que ensepvelissant les [404] decedés, de mettre ung linceul sus les corps d'iceulz et de se servir d'un linceul honneste, lequel les curés ne perçoipvent, mais appartient [aux héritiers]: affin que l'honneur deubt et service soit faict avec la decence requise, a esté ordonné quil ne sera plus exigé par cy apres pour ledict linceul sinon six florins, et pour le couvre-chief accoustumé mettre sus les petitz enfans, deux florins seulement..

  A023002839 

 Et dautant quil y a des chappelles ausquelles les recteurs sont chargés de celebration de Messes plus que le revenu ne peut porter, l'on a reduict icelles Messes a six solz, et que a concurrence dudict revenu et proportion elles seront celebrees..

  A023002840 

 Et comme Nous avons heu des plaintes et veu des proces sur l'excessive exaction qu'aucuns curés font de luminaire qui se faict en la sepulture des decedés et durant l'annee du dueil: a quoy desirant obvier, a esté dict quil ne sera loisible a qui que ce soit d'user es eglises que de cire pure, et que pour chasque livre de ladicte cire pure fournye par les curés, ne sera permis de demander et se fere paier plus haut que de cinq florins, poidz de ceste ville d'Annessy, lequel sera pesé au commencement et a la fin du dueil..

  A023002841 

 Est touttesfois ordonné que le curé sera tenu de donner deux chandoilles pour les pauvres..

  A023002841 

 Plus a esté ordonné que le luminaire qui sera mis en faisant les funerailles et Office, ledict Office achevé et cessé, appertiendra au curé.

  A023002843 

 Et finalement, attendu quil y a des curés, chappelliers et autres qui se rendent odieulx a leurs parrochains a cause des proces quilz intentent contre leurs parrochains et autres, a esté ordonné que aucun proces ne sera meu que prealablement ilz n'ayent communiqué avec les Surveilliantz pour en avoir leur advis..

  A023002852 

 Que pour eviter a tous pechés que pourroient estre commis par les parrochains de chasque parroche occasion des testes qui ne sont observees, que par cy apres les Survelliantz en ballieront dispense..

  A023002854 

 Tous curés et vicaires seront tenus de fere les quattre livres des baptizés, communiés, [mariés] et decedés, chacun en leur parroche, mesme de ceulx qui ne feront leur debvoir a Pasques; les appourter et remettre par devers nostre greffe, et lesdictz vicaires s'en allantz, les laisser [à la cure].

  A023002855 

 Est aussy inhibé et defendu a tous curés, vicaires et autres prebstres de ne baptizer avec cerimonies dans les maisons; a la mesme peyne que dessus..

  A023002857 

 Tous vicaires sont suspendus de l'exercice de l'administration des sainctz Sacrementz jusques a ce quilz ayent comparu par devant les Surveilliantz pour sçavoir silz ont le pouvoir et admission.

  A023002858 

 Tous curés ou vicaires tiendront le Sainct Sacrement reveremment et decemment, avec les ournementz requis et necessaires a un [tel] tressainct et auguste Sacrement; lequel Sacrement iceulx prebstres feront consumer dans l'octave..

  A023002859 

 Ausquelz prebstres, de quelle qualité et condition quilz soient, sont rafraischies [les défenses des] tavernes, soub les peynes cy devant indites, et [l'ordre] de pourter la barbe et habitz decentz a leur qualité..

  A023002861 

 Et dautant que les messagiers de Sainct Bernard, Sainct Antoenne et Nostre Dame du Puys, faisant cuelliette des questes par les parroches de ceste diocese, vont faisant icelles questes par les maisons pour frustrer les curés de leur quattriesme, avons dict [et] ordonné que de toutes lesdictes oblations, lesdictz curés en auront la quattriesme partie par cy apres et comme ilz ont heu cy devant..

  A023002862 

 Tous beneficiés paieront [les] decimes, suivant ce quilz sont cottizés au cottet respectivement, entre cy et la feste de sainct Jehan Baptiste; laquelle passee, sera mis un exacteur a leurs des-pens, auquel sera remis le cottet, qui retirera deux solz pour florin..

  A023002863 

 Et affin que tous confesseurs puissent sçavoir comme ilz se pourront compourter pour les cas de conscience, l'on fait sçavoir que tous les quatriesme jours du mois l'on s'assemblera en ceste ville, si ce n'est jour de feste, pour decider des questions occurrentes; ceulx qui ne pourront y assister, ilz pourront mander par missive..

  A023002871 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur la plainte faicte par le seigneur et commandeur de Sainct Antoenne de Chambery, sur ce que, allant et venant leur messagier et procureur a la queste par ce diocese de Geneve, quelques uns des curés et seculiers les veullent molester et inquieter en leurs questes: suivant la coustume de tous temps observee, a esté dict et ordonné que des aulmones et questes que seroient faictes en commun aux eglises, les curés en retireroient seulement la quatriesme partie; et pour le regard des Messes et aulmones donnees ausdietz messagiers de Sainct Antoenne en particulier, que lesdietz curés ny prendroyent et percepvroient aucune chose: avec inhibitions et defenses a tous scindiques et curés de les troubler, ny en retirer rien et d'emploier aucune chose en taverne ny autre usage prophane; et ce, a peyne de l'amende de dix livres..

  A023002872 

 Comme aussi pour les Messes et aulmones qui se font par les parroches pour la boyte de touttes ames et trespassés, que les curés exigent plus exactement quilz ne doibvent: a esté dict, que les Survelliantz se transpourteront par les parroches dependant de leur surveillance, pour avoir instruction des coustumes observees en icelles, pour, icelles instructions veues et rapportees par devers Nous, estre donné tel ordre et reiglement que verrons estre expedient et de raison..

  A023002873 

 Plus a esté dict et ordonné que aucun Monitoire apostillé ne sera publié par aucun curé; lesquelz Monitoires les impetrantz d'iceulx seront tenus aporter au paravant la Messe: autrement, la publication sera diferee au prochain Dimenche par ledict curé, auquel est inhibé que pour la publication d'iceulx, ny pour autres offices pastoraulx quelz qu'ils soyent, ilz n'en prennent aucune chose, sinon que ilz fussent requis se transporter par les maisons..

  A023002875 

 Est inhibé de ne frequenter jeux publics, tavernes, sous les peynes pourtees par nos precedentes Constitutions sinodales, et ne travailler de labeurs rustiques [publiquement.].

  A023002876 

 Comme aussy, de ne conferer le sainct Sacrement de Baptesme [408] par les maisons et chappelles avec application du sainct cresme et autres cerimonies de l'Eglise, a peyne de vingt cinq livres, sinon que ce soit de Nostre particuliere et expresse licence; ce qui se faisant, sera le tout redigé par escript, [et] lesdictes cerimonies avoir estés observees..

  A023002877 

 Et seront tenus iceulx curés enseigner les meres sages de chacune parroche la maniere et forme de baptizer l'enfant, prenant par trois fois de l'eau, disant: «Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Sainct Esprit»..

  A023002878 

 Et de comparoir toutes les annees au Sinode et appourter les quattre livres que leur [est] commandé de fere; iceulx remettre par devers le greffe, a peyne de l'amende de dix livres.

  A023002881 

 Est ordonné ne recepvoir a confesse et a la saincte Communion ceulx qui vont a Geneve et mangent le vendredy et sammedy de la chair, prennent la Cene et font autres actes par lesquelz ilz renoncent purement a nostre religion [catholique]; et ne seront neantmoins refusés ceulx qui, par necessité, se transportent a Geneve et travaillient les jours de feste, et ne sont obligés icelles observer, en cas de necessité..

  A023002882 

 Les chappelles ausquelles ne sera faict aucun service, combien que soient esté proclamees par trois diverses Dimenches, suyvant les attestations rapportees, les revenus d'icelles seront joinctz et unis au maistre autel..

  A023002883 

 Item, que toutes permissions de travallier les jours de feste seront par cy apres donnees solemnellement et autentiquement, affin que l'on n'en puisse abuser..

  A023002885 

 Et finalement a esté dict et arresté que les trois [jours] de la celebration du Sinode, comme la veille, jour d'icelluy et de lendemain, seront par cy apres privilegiés, et ne se pourra esdictz jours fere aucune execution, quelle qu'elle soit, a peyne de nullité et de l'amende..

  A023002893 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur les plaintes et contestes qui seroient survenues sur les permutations de benefices pourtant cure d'ames qu'autres simples benefices, aurait dict, statué et ordonné, comme il [appert] par les presentes Constitutions synodales:.

  A023002894 

 Autrement, et en cas que les provisions fussent expediees avant ledict temps de vingt jours sus establys espiré, a declaré telles provisions nulles et nullement faictes, lesdictz benefices vaccans, et sera d'iceulx benefices proveu par voye de concours.

  A023002894 

 Et en cas que telles permutations soient treuvees justes et raisonnables, seront les dictes permutations registrees par devers le greffe deuement, a charge tout-tesfois que les provisions qui pourraient estre faiçtes en suite d'icelles ne pourront et ne sera loysible d'estre expediees que passés et escoulés vingt jours entiers, y comprenant le jour de ladicte resignation.

  A023002894 

 Que si lesdictz benefices sont chappelles dependant de droict de patronage, seront les patrons et presentateurs d'icelles tenus presenter et nommer pour recteurs desdictz benefices, dans le temps pourté par le droict, gentz capables pour estre institués: a faute de quoy fere, seront les chappelles par Nous conferees comme si icelles chappelles ne dependoient d'aucun presentateur..

  A023002895 

 Et cas advenant que pendant les susdictz vingt jours sus ordonnés il arrivat que l'un des permutans vint a deceder au paravant que les permutations heussent sorti leur plain et entier effect, sera permis a l'autre permutant survivant de demeurer dans son benefice paisiblement, sans contredite, sans que telle permutation et resignation luy peut appourter prejudice et comme si oncques elle n'eut esté faicte..

  A023002896 

 Tous tenant cures ou qui en obtiendront par cy apres, qui les auront resigné ou resigneront par cause de permutation avec des chappelles ou autres benefices en faveur de quelques uns, soit moiennant provision ou permutation simplement, des a present ne leur [sera] permys de se pouvoir inscrire au concours pour en obtenir d'autres..

  A023002898 

 Tous impetrans benefices, soit simples ou autres, seront tenus [410] d'exprimer l'incompatibilité dans leurs provisions; autrement, seront telles provisions nulles et de nul effect, et comme telles les declarons..

  A023002900 

 Tous tenant benefices, soient ( sic ) cures ou chappelles, seront tenus de remettre le rolle du revenu d'iceulx, et en quoy il consiste, dans trois mois; a peyne de vingt cinq livres contre les defalliantz, des a present declaré.

  A023002902 

 Ne sera aussy publié aucun Monitoire que preallablement les impetrantz d'iceulx ne se purgent par serment sur la verité du contenu en iceulx.

  A023002903 

 Tous curés ne pourront recepvoir en confession [à Pâques], les parrochains d'autre parroche sans la permission de leur curé ou vicaire en icelle..

  A023002906 

 Et par ce que il se treuve plusieurs riere Nostre diocese qui font profession d'enseigner la jeunesse, qui ne sont d'Eglise, avons dict et ordonné quilz seront tenus au paravant fere profession de foy entre les mains de leur Surveilliant; a peyne d'estre declaré incapable et rigoureusement chastié..

  A023002907 

 Et touttesfois, leur est commandé de fere inhibition a leurs parrochains de prevariquer les festes locales et de les interrompre..

  A023002909 

 Comme semblablement les tavernes et jeux en lieu public sont defendus a tous prebstres, sous les peynes cy devant par Nous indites..

  A023002911 

 Comme aussy de Nous rappourter rolle des communiantz de leur parroche touttes les annees, sous la mesme peyne que dessus, et des baptizés et mariages..

  A023002913 

 Sur la remonstrance verbale faicte [par] nostre Procureur fiscal, comme encour qu'il soit pourté par Nos Constitutions sinodales cy devant faictes, se presenter au Sinode et de rapporter annuellement leurs quattre livres, ce neantmoins, au mespris d'icelles, plusieurs curés ne tiennent compte d'obeir a icelles, de sorte quil Nous auroit requis qu'elles fussent refrechies: quoy ouy par Monseigneur le Reverendissime, seroit esté dict et ordonné que tous curés seroient tenus de se presenter audict jour de Sinode touttes les annees personnellement, produire et remettre leurs quattre livres en bonne et deue forme; a peyne de dix livres.

  A023002921 

 Et neantmoins, faisant droict sur les requisitions dudict Procureur fiscal, a dict et ordonné que tous curés seront tenus de comparoir au Sinode par cy apres et donner leur nom, payer deux solz; a peyne de l'amende de dix livres, laquelle est declaree contre chacun contrevenant et defaillant..

  A023002921 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, apres avoir donné acte de la presentation de comparantz pour leur servir et valloir ainsi que de raison, a dict [et] ordonné quil sera passé a la celebration dudict Sinode par les cy devant nommés, que sera autant vallable comme si tous avoient esté presentz.

  A023002923 

 Plus, d'achepter les Tables des Cas de conscience.

  A023002923 

 — Tous curés achepteront les [Tables des] Indulgences que sont concedees a ceulx que sont de la Confrarie du Sainct Sacrement..

  A023002924 

 Pour la celebration des festes, le Manuel se dresse, en fin duquel se mettront les lestes qui se debvront celebrer.

  A023002925 

 Les defenses des tavernes sont refrachies, sauf quand il se font des festins pour mariages, baptizés, chantres et sepultures..

  A023002926 

 Comme [aussi sont interdits] les habitz indecens, jeux en lieu public et les jeux des cartes et dés; aux mesmes peynes..

  A023002930 

 Tous curés seront tenus venir prendre, toutes les annees, les sainctz Huilles aux lieulx accoustumés et establys, a peyne de dix livres contre les contrevenantz; desquelz curés Nous en sera donné le nombre dans la feste de sainct Jehan Baptiste, et la distance de chasqun lieu, pour provoir sur la dispense pour venir [les] querir et conferer a iceulx..

  A023002932 

 Tous curés ministrantz le sainct Sacrement de Baptesme escripront le jour de la nativité par cy apres; ausquelz est defendu de ne baptizer solemnellement dans les maisons, a peyne d'irregularité.

  A023002933 

 Tous curés sont exhortés de celebrer et de conferer le Sacrement de Mariage le mattin, affin que l'on puisse [donner] la benediction matrimoniale, quoy qu'il est loisible le conferer a toutte heure; que si viennent le soir, de les exhorter de venir le mattin..

  A023002942 

 Mondict Seigneur le Reverendissime... dict que tous les absentz seront adjournés pour comparoir par devant nous, [Procureur fiscal,] pour se voir declarer d'avoir encouru la peyne de dix livres..

  A023002943 

 Comme semblablement, frequenter les foires et marchés, et ne passer contractz usuraires; sous lesdictes peynes..

  A023002943 

 Sont des a present reiterees les defenses a tous prebstres et curés, des jeux, tavernes, propos lascifz, barbe et habit indecentz et non convenables a leur qualité; sous les peynes de dix livres.

  A023002944 

 Item, ne pourront prendre les curés ny vicaires aucune chose pour la publication des mariages ni Monitoire, sinon quil fallut que allassent hors leur maison d'habitation et parroche; a peyne de six livres contre les contrevenantz..

  A023002950 

 Et sera ballié roolle des prebstres qui ministreront les Sacrementz sans permission..

  A023002953 

 En la reception des permutations, a esté ordonné que touttes permutations seront faictes par les permutantz en plaine santé; a ce appeller les Examinateurs, pour sçavoir si elles seront de recepvoir ou non.

  A023002953 

 Et seront tenus les dictz permutantz de ballier la valeur du revenu d'iceulx [bénéfices]..

  A023002955 

 Et par ce quil y a plusieurs proces pour le Clergé, que aussy quil y a restatz, a esté dict et ordonné que les deputés du Clergé s'assembleront demain a une heure apres midy, pour les afferes dudict Clergé, au pallais de Monseigneur le Reverendissime, pour deliberer ce qui sera de fere pour le bien et utilité dudict Clergé..

  A023002963 

 Monseigneur le Reverendissime... dict et declare avoir esté dressé un Manuel pourtant la maniere de ballier et conferer les sainctz Sacrementz, lequel veut et entend estre observé dans son diocese par tous les curés estantz dans icelle ( sic ), et d'en achepter chacun et d'en avoir dans deux mois, a peyne de l'amende..

  A023002964 

 Ledict Rituel a l'usage de Rome, auquel est contenu un Calendrier ou sont des estoilles pour monstrer les festes que doibvent estre celebrees..

  A023002965 

 Et sont des a present les defenses rafreschies, sous les peines cy devant indites, voire de suspension sur la diffamation.

  A023002973 

 Et que les deputés du Clergé comparoistront demain, a deux [heures] apres midy, dans Nostre pallais de Nostre residence, pour deliberer sur ce que touche les afferes et negoces de Nostre dict Clergé..

  A023002982 

 Attendu la grande estendue de Nostre diocese, environné en divers endroitz d'heretiques avec lesquelz une partie de nos diocesains sont contraintz non seulement de frequenter, mays encor de demeurer la pluspart du temps; desirans sçavoir si un chacun fait devoir de vray catholique, Nous enjoignons a tous curés, vicayres et autres ayans charge d'ames riere ce diocese, de rapporter toutes les annees au Sinode, par devant Nous ou nostre Vicayre general et Official, les noms et surnoms dé ceux qui ne se seront confessés et communiés aux Pasques precedentes, ainsy que dessus a esté dit..

  A023002983 

 Leur commandons d'abondant de rapporter aussi les noms et [416] surnoms des adulteres et concubinaires qu'ilz reconnoistront en leurs parroisses, lesquels ayant esté par eux admonestés de quitter telz vices n'y auront satisfait..

  A023002984 

 Nous defendons a tous curés, vicayres et autres ecclesiastiques de publier aucuns Monitoires et censures les jours et festes de la Nativité de Nostre Seigneur, Pasques, Ascension, Pentecoste, du pretieux Cors de Nostre Seigneur, Annonciation et Assomption de Nostre Dame, saint Pierre aux Liens, la Toussaint et es jours du Patron et Dedicace des eglises, esquelles telles publications [ne] se devront faire.............................................................................

  A023002989 

 A esté dict, resolu et declaré que touttes oblations faictes particulierement aux chappelles sont et appertiennent aux curés des parroches riere lesquelles les chappelles sont situees et fondees..

  A023002990 

 Est inhibé et defendu a tous curés de ce diocese de n'ouyr en confession, a Pasques, les parrochains d'autre parroche, sans la licence du curé de la parroche de laquelle sont parrochains; et se confessant allieurs, attendu ladicte licence, en seront tenus rapporter attestation..

  A023002991 

 Que sur l'opposition de publication de Monitoire ou de mariage, les parties seront renvoyees par devant Nous ou nostre Vicaire general et Official, pour estre reiglé comme en ayant la cognoissance..

  A023002993 

 Auront aussy tous curés de ce diocese le Rituel et [auront soin] d'observer les ceremonies portees par icelluy; a peyne de dix livres..

  A023002994 

 A tous prebstres, de pourter habit decent, et aussy la barbe, et de pourter aussy la coronne, ausquelz prebstres, les tavernes sont defendues, aux peynes indites cy devant..

  A023002997 

 Et [les] admonester de soi ( sic ) confesser et communier, et puis apres s'espouser..

  A023002998 

 Que touttes resignations seront faictes vingt jours au paravant que de les mettre en execution.

  A023003000 

 Se paiera le luminaire fourny par les curés, a discretion des curés et ciriers voisins..

  A023003009 

 Monseigneur le Reverendissime, apres avoir conferé avec son dict Clergé, auroit dict et ordonné que pour l'annee prochaine 1616 seroit procedé a son Sinode a forme du Pontifical; a quelles fins tous curés de sa diocese comparoistront et demeureront trois jours, tousjours en habit decent, pour estre faict deliberations en les establissementz requis..

  A023003010 

 Plus, a esté dict et ordonné que les festes commandees par le Rituel seront celebrees; et quant aux festes de devotion, l'on pourra travallier, et ne sera loisible adjouster condition.

  A023003010 

 Que si l'on veut estre dispensé de la celebration [de quelque fête] il faudra recourre ( sic ) aux Survelliantz; ordonnant neantmoins que les festes seront faictes selon la coustume des lieulx..

  A023003011 

 Quant aux Rogations, a esté dict quil les faut fere, car l'on est [obligé de] les fere suivant ce qu'est pourté au Missel; mais non pas fere feste, car il ny a poinct de commandement..

  A023003012 

 Il a esté aussy ordonné quil sera loisible aux curés, comme par advertissement paternel, de pouvoir advertir les parrochains d'appourter argent, soit pour les tallies, que pour paier les soldatz, attendu l'urgente necessité..

  A023003021 

 Et notamment des mariages, sçavoir: les noms de l'espoux et espouse, de leurs pere et mere respectivement, et des tesmoins, sçavoir de deux ou trois..

  A023003021 

 Monseigneur, en l'assistence de son dict Clergé,... auroit dict et ordonné que tous curés de ce diocese auroient quattre livres, sçavoir: des communiantz, mariages, decedés et des baptizés, ausquelz seroit inscript le jour de la naissance, le jour auquel seront baptizés, les noms des parrains et marrainnes, et le nom du curé et ministre; sus peyne de l'amende de dix livres.

  A023003022 

 Plus, que les flambeaux que seront donnés pour les funerallies des decedés, les heretiers d'iceulx s'en pourront servir pendant l'annee du dueil aux services; laquelle passee, appertiendront a l'eglise en laquelle le corps est enterré, sauf ceux qui sont donnés aux eglises qui accompagnent le corps..

  A023003023 

 Plus, que tous curés viendront querir les sainctz Huilles touttes les annees et les viendront prendre vers les distributeurs accoustumés (ausquelz seront tenus paier quattre solz pour leurs despenses), qui registreront les noms de ceulx qui en seront [pourvus] et les remettront] par devers Nostre greffe dans l'octave de Pentecoste..

  A023003024 

 Et [prendront garde] de ne les distribuer sinon a ceulx quilz en ont de coustume..

  A023003024 

 Plus, que tous distributeurs qui pretendent d'avoir droict de distribuer les dictes Huilles feront apparoir de leurs droictz dans quinzaine; autrement sera sur ce proveu.

  A023003026 

 Les tavernes, jeux es lieux publicqs sont defendus a tous ecclesiastiques, sinon a une lieue de son ( sic ) eglise..

  A023003028 

 Plus, que les osties des communions seront consumees de trois septmaines en trois septmaines..

  A023003039 

 A Nos tres chers, bien amés et feaux Conseillers, les gens tenans Nostre Senat dela les monts, salut..

  A023003040 

 Veu les Requeste et Articles cy attachés, a Nous presentés de la part du Clergé de Savoye, et le tout bien consideré, attendu le faict dont il s'agit; de Nostre certaine science et avec l'advis de Nostre Conseil, vous mandons et ordonnons par ces presentes, que, le tout bien et deuement consideré, ayes a pourvoir sur les fins et conclusions desdicts articles le plus promptement que faire se pourra, ainsy et comme verres estre a faire par rayson et justice, vous donnant de ce faire plein pouvoir, authorité, mandement et commission: car tel est Nostre vouloir..

  A023003049 

 Sur la Requeste presentee par les seigneurs Reverendissimes Evesques de Maurienne et de Geneve, les Reverens seigneurs Abbé d'Abondance et Conservateur de la Saincte Mayson de Nostre Dame de Thonon, du premier de ce mois, tendant a fin verification de lettres patentes par eux obtenues de Son Altesse le dernier janvier dernier, et Articles par eux presentés a sa dicte Altesse y attachés:.

  A023003050 

 Et en cas de refus et empeschemens, seront les possesseurs contraincts au payement de la quote accoustumee et dont les parties seront d'accord, et qualité des fruicts decimables; nonobstant opposition ou appellation, et sans prejudice d'icelle, en prestant par les supplians la caution offerte..

  A023003050 

 Veu par le Senat ladicte Requeste presentee par lesdicts seigneurs demandeurs et supplians y nommés, du premier de ce mois, ensemble les dictes lettres par eux obtenues de Son Altesse, du dernier janvier, ensemble les Articles y attachés, et autre Requeste presentee a sa dicte Altesse dudict jour de janvier, avec les conclusions du Procureur general, signé FAVIER, et tout ce qui faisoit a voir et [420] considerer, et qu'a esté produict et remis par devant le Senat, veu et consideré: Le Sénat, en enterinant quant a ce lesdictes lettres et Articles y annexés, a dict et ordonné que les supplians seront maintenus en la possession, jouissance et perception des dismes, premices et novelles y mentionnees, chacun en droict soy et riere leurs dismeries respectivement: le tout selon la coustume locale et ancienne observation des lieux ou lesdictes dismes, premices et novelles y sont deues, tant par la quote que qualité des fruicts decimables.


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A024000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A024000015 

 III. Sentence arbitrale de saint François de Sales et du président Favre au sujet d'un différend entre la Collégiale de Samoëns et les Chartreusines de Mélan, 29 avril 1610.

  A024000030 

 Requête de M. Nicolas Clerc, Curé de Saint-Félix, au sujet de différends survenus avec ses paroissiens pour les sépultures et l'entretien des cordes des cloches, et décret de saint François de Sales, 2 juillet 1606, (Inédit) 38.

  A024000038 

 XVIII. Ordonnances touchant le service de l'église de Rumilly dû par les Altariens, 11 mai 1609, (Minute inédite) 44.

  A024000049 

 XXIX. Concession d'Indulgence pour chaque visite à la chapelle rebâtie par les habitants de Macherine, 11 août 1612, (Inédit).

  A024000051 

 XXXI. Approbation et homologation des conditions faites entre M. et M me de Bonivard et le Curé d'Allinges pour la dotation d'une chapelle fondée par les premiers, 29 janvier 1613, (Inédit).

  A024000053 

 XXXIII. Requête de M. Guillaume Marin, Curé de Saint-Nicolas-la-Chapelle, touchant les abus qu'il a trouvés dans sa paroisse, et Ordonnance de saint François de Sales à ce sujet, 22 juillet 1613, (Inédit).

  A024000054 

 XXXIV. Sentence touchant les différends entre les habitants du village Saint-Robert et les autres paroissiens de Montcel, 8 avril 1614, (Minute).

  A024000077 

 LVII. Autre commission aux mêmes concernant les services à faire pour les fidèles inhumés au cimetière de Saint-Bon, 11 juin 1621.

  A024000081 

 I. Faculté accordée à M. Charles-Emmanuel Ginod de prêcher, exorciser et administrer les Sacrements dans le diocèse de Genève, 21 mars 1603, (Minute inédite).

  A024000085 

 V. Commission à M. Scipion Machet, Curé de Saint-Julien, pour instruire les procès contre certains laïques (Inédit) 86.

  A024000086 

 VI. Pouvoir d'administrer les Sacrements accordé à M. Jean-Pierre Moccand (Inédit).

  A024000088 

 VIII. Pouvoir de prêcher et d'administrer les Sacrements conféré à M. Louis Chevrier (Inédit).

  A024000103 

 III. Projet de transaction entre les Carmélites de Dijon et Mme Jeanne Chevrier, [22-29 octobre] 1609, (Minute inédite).

  A024000118 

 XVIII. Faculté accordée au Père de Bonneville, Capucin, d'ériger dans le diocèse les Confréries du Rosaire et du Saint-Sacrement, 13 février 1621, (Inédit).

  A024000165 

 IV. Témoignage sur les vertus de Monseigneur Juvénal Ancina, Évêque de Saluces, [novembre] 1617 159.

  A024000187 

 II. Réponse à quelques objections contre les privilèges de la Confrérie de la Sainte Croix d'Annecy, [janvier-mars 1603], (Minute inédite).

  A024000191 

 II. Mandement sur les Indulgences accordées par le Saint-Siège à la Confrérie de Notre-Dame de Compassion de Thonon, [1 er -11 août] 1603.

  A024000193 

 IV. Note sur les revenus de la Sainte-Maison et sur le service de l'église, [vers le 25 août] 1605, (Inédit) 219.

  A024000198 

 Mémoire touchant les prétentions des Chevaliers des saints Maurice et Lazare sur la Sainte-Maison, [fin mai ou juin 1613?], (Inédit).

  A024000204 

 IV. Vœux de saint François de Sales pour les Chanoines de Sixt, [fin septembre 1618?].

  A024000229 

 IV. Mémoires présentés au Prince de Piémont, Victor-Amédée, pour le rétablissement de la discipline religieuse dans les Monastères de Savoie, septembre 1616.

  A024000230 

 A Monseigneur le Serenissime Prince pour le restablissement de la discipline reguliere es Monasteres des hommes de deça les montz.

  A024000283 

 A l'approche, presque à la veille de ce jour de fête périodique où l'Eglise catholique notre Mère a ordonné que le grand et vénérable Sacrement de l'Eucharistie soit honoré d'un culte spécial et solennel, et porté en procession en grande pompe et magnificence [3] sur les chemins et places publiques, pour montrer à ses ennemis, par tout ce joyeux apparat, la vérité victorieuse du mensonge et triomphante de l'hérésie: le Saint-Esprit Nous ayant, établi, par la volonté du Siège Apostolique, pour gouverner cette Eglise de Dieu où Nous sommes placé, le soin primordial Nous incombe de tout ordonner, afin qu'il n'y ait rien que de convenable et de beau dans cette solennité..

  A024000284 

 C'est pourquoi, avant tout, Nous exhortons vivement tous les fidèles des deux sexes, les membres du clergé tant séculier que régulier, de tout Ordre et dignité, d'assister à la procession générale dans laquelle est porté ce Corps redoutable; et même, autant que Nous le pouvons dans le Seigneur, en vertu de la sainte obéissance et sous peine d'excommunication latæ sententiæ (à moins d'empêchement légitime), Nous prescrivons à tous de participer à cette procession solennelle avec les ornements sacrés et la pompe convenable.

  A024000284 

 [4] Il ne convient pas, en effet, que quelqu'un se tienne à l'écart d'une aussi grandiose profession de la religion catholique, pour célébrer en particulier cette fête où l'on honore ce Sacrement que Notre-Seigneur a laissé à son Eglise comme un symbole de l'unité qu'il veut voir régner parmi tous les chrétiens..

  A024000285 

 Pour établir cet ordre il ne faut pas néanmoins s'en rapporter à chacun, mais à cet Esprit qui est répandu dans tout le corps de l'Eglise et qui manifeste ses volontés par les Conciles, surtout par les Conciles généraux, et par les Souverains Pontifes du Siège Apostolique, vicaires de Jésus-Christ..

  A024000286 

 Après le Saint-Sacrement prendront place les fidèles [6] des deux sexes dans l'ordre et la pompe que, selon leur dévotion à ce grand mystère, ils ont eu jusqu'ici la coutume d'apporter à cette procession..

  A024000286 

 C'est pourquoi Nous, par le présent édit, Nous ordonnons et décrétons ce qui suit: Parmi les ecclésiastiques, viendront en premier lieu les Frères de Saint-François, de l'Ordre des Capucins, puis les Révérends Frères de Saint-François de l'Observance et les Révérends Frères de l'Ordre de Saint-Dominique.

  A024000286 

 Ensuite, les Frères du Saint-Sépulcre, suivis de l'église collégiale de Notre-Dame de [5] Liesse; celui qui y remplit l'office de curé, mais lui seulement, ajoutera l'étole aux autres ornements sacrés.

  A024000287 

 Dans Notre volonté absolue de les sauvegarder, Nous sommes prêt, chaque fois que ces droits seront reconnus, à déclarer cette ordonnance, en tant qu'elle s'y opposerait, nulle et sans aucun effet..

  A024000287 

 L'ordre ci-dessus indiqué étant conforme au Cérémonial Romain, au droit commun et aux décrets pontificaux, Nous ordonnons, en vertu de la sainte obéissance, qu'il soit observé par tous les ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers, sans aucune contestation.

  A024000288 

 D'ailleurs, pour favoriser le peuple, et exciter sa dévotion envers l'église paroissiale de Saint-Maurice autant qu'il est en Notre pouvoir, Nous avons décidé de célébrer dans cette église l'office solennel de la Messe, à laquelle répondront alternativement les membres du clergé de la Cathédrale et de la Collégiale, de telle sorte que là même tous puissent commencer la procession et la finir.

  A024000301 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant deuement faict citer les sieurs Prevost et Chanoennes de Sainct Pierre de Geneve d'une part, et les R dz sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame de ceste ville d'Annissy, a comparoir par devant Nous a ce jourdhuy, septiesme dudict mois de juin, a l'heure de midy, pour [9] recepvoir l'ordre auquel ilz doibvent respectivement marcher en la future procession du Tressainct Sacrement de l'hostel (sic), et iceulx ayant comparus d'une part et d'autre a l'heure assigné, Nous avons premierement faict ouverture d'une lettre venant de la part de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, de la teneur que s'ensuit:.

  A024000304 

 Voyant que la feste du (sic) auguste Sacrement de l'hostel est proche, et ayant esté adverty de ce qui est arrivé l'annee passee, que les sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur en une chappelle, estant leur cueur occupé par vous, Monsieur, et les sieurs Prevost et Chanoennes de vostre Eglise de Sainct Pierre, chose qui pouvoit appourter quelque occasion de plainte et de scandale: cela m'a occasionné de vous fere la presente (puis que l'affaire est sur le poinct d'estre jugé) pour vous prier de leur donner au cueur de leur eglise le cousté gauche, et que, a la Grande Messe, ilz offrent conjoinctement avec les sieurs de vostre Eglise; que marchant processionnellement ledict jour ils ayent pour ce coupt, et sans le tirer en consequence, ilz soient mis a vostre main gauche.

  A024000313 

 Ce qu'estant faict, et icelle missive remise, s'est retiré ledict sieur Prevost, avec les Chanoennes cy apres nommés, en une sale a part, pour remarquer le contenu d'icelle de poinct en poinct, sçavoir: R dz messires Amblard Guilliet, François de Chissé, Estienne de la Combe, Jaques Brunet, Theodore Verhouff, Jaques d'Usillion et Jehan François de Sales de Boysye.

  A024000314 

 « Nous voyons par ceste lettre et le discour d'icelle, que mondict Sieur de Vienne, a l'occasion d'un advertissement quil a heu [11] de plusieurs chiefz et cas advenus narrés en icelle, que ledict Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur, estant ledict cueur occupé par mondict Seigneur le R me, lesdictz Prevost et Chanoennes de son Eglise; et que l'on collige probablement d'icelle que plainte a esté faicte de la part des sieurs Doien et Chanoennes, lesdictz Prevost et Chanoennes de Geneve leur avoir denyé et donné empechement formel de ne louer Dieu et chanter en ladicte eglise et procession les uns avec les autres.

  A024000319 

 Sur quoy Nous avons summé les deux parties d'acquiescer a l'ordre, par la mesme missive de mondict Seigneur l'Archevesque de Vienne, sellon sa forme et teneur.

  A024000321 

 Apparoissant du faulx donné entendre a correction, comme peuvent tesmogner les seigneurs Doien et Chanoennes, dautant que, tant s'en faut que lesdictz seigneurs Doien et Chanoennes ayent esté contrainctz; que vous, Monseigneur, les voyant en ladicte chappelle, me commandates d'aller a eulx pour leur dire de vostre part quils montassent en haut pour se joindre a vostre Eglise.

  A024000321 

 Ce que je fis, les priant mesme de la part de vostre Eglise quilz eussent a fere ce qu'estoit par vous commandé; ce quilz ne volurent fere..

  A024000321 

 « Premierement, il est dict que lesdictz Chanoennes et Doien ont esté contrainctz se tenir hors de leur cueur en une chapelle, estant le cueur occupé par vous, Monseigneur, et les Chanoennes de vostre Eglise.

  A024000322 

 « De plus, ilz sçavent tropt mieulz que vostre Eglise n'occupoit poinct le cueur, s'estant reduictz les Chanoennes d'icelle en une chappelle a cousté dudict cueur, ny ayant occupé que le sancta sanctorum par vous, Monseigneur, et ceulx qui vous servoient a l'autel.

  A024000323 

 « Et beaucoupt plus en ce quil a dict que vostre Eglise faisoit difficulté de chanter avec eulx; par ce que vous sçaves, Monseigneur, que tant s'en faut que l'on leur fasse telles difficultés es eglises quilz servent, que mesme, quand ilz sont convocqués en vostre Eglise, vousdictz Chanoennes les prient ordinairement de chanter avec eulx: notamment aux Synodes, ou vostre Eglise doibt paroir, et son autorité, plus qu'en poinct d'autre acte, elle permet ausdictz sieurs Chanoennes, voire les en prie, de chanter avec eulx et psalmodier alternativement.

  A024000328 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par ia grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant ouy les requisitions, responses et repliques des parties sus mentionnees, et principalement ayant consideré que la lettre de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, ne Nous donne aucun nouveau pouvoir [15] pour contraindre par voye de justice les parties respectivement, pour tenir l'ordre quil desire, et beaucoup moins d'executer nonobstant opposition et appellation; et ayant, entant qu'en Nous est, procuré par voye d'exhortation et de sommation que laditte lettre fust reduitte a son plein et entier effect, ce que n'avons obtenu: apres avoir invoqué l'ayde du Saint Esprit, avons receu et recevons les oppositions et appellations des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise entant que de droit et de rayson.

  A024000329 

 Et a la procession, de pouvoir faire un chœur pour chanter alternativement les hymnes et cantiques sacrés, et en telle sorte que le commencement desditz hymnes et cantiques soit fait par le clergé de Nostre Eglise; et ce, selon les offres et declarations desditz sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise..

  A024000333 

 Les an et jour susdictz..

  A024000337 

 A Nessy, les an et jour susditz..

  A024000341 

 Annissy, les an et jour susdictz..

  A024000343 

 A Nessy, les an et jour susditz..

  A024000350 

 Sur le different et proces meu et pendant indecis par devant le Conseil de Genevois entre les venerables Dames Prieure et Religieuses de la Chartreuse de Melan demanderesses, en possession et jouissance, seu quasi, de prendre et percevoir de tout temps certain disme et nouveletz riere la paroisse de Samoen, comme plus amplement [18] est contenu en leur requeste fondamentale et lettres dudict Conseil, du 23 juin 1606; comparant pour icelles venerable Pere Anthoine Curtet, Chartreux et procureur de ladicte Maison de Melan, assisté de M e Jean Greyffié, procureur audict Conseil et leur procureur, et les R ds sieurs Doyen, Chanoines, Chapitre et Curé de Samoen, defendeurs, comparant pour eux M re François Cornu, Doyen de Samoen:.

  A024000351 

 Apres avoir ouy bien au long les parties et veu les titres et contractz par elles respectivement produitz, notamment de la part des dictes demanderesses, ausquelz sont les confins et limites speci fiez ou lesdictes Dames doivent prendre.

  A024000353 

 arbitrateurs et amiables compositeurs soubsignez, verbalement nommez et convenus par les parties, avons esté et sommes d'advis:.

  A024000354 

 Que les Dames demanderesses, en ladicte qualité doibvent estre maintenues en la possession et jouissance (seu quasi) en laquelle ont esté leurs predecesseurs, de prendre et percevoir tous les nouveletz qui ont esté faictz riere la dismerie mentionnee ausdicts contractz respectivement produitz; et ce, en payant annuellement au sieur Curé de Samoen les douze octanes d'avoine, lesquelles ledict venerable Procureur a confessé et soustenu avoir esté payees annuellement audict sieur Curé et a ses predecesseurs..

  A024000355 

 Et neanmoins, ayant aucunement esgard que les nouveletz pour lesquelz le present proces a esté intenté sont de fort peu de revenu, et [que] pour regard d'iceux ne pourroit estre deub que quatre ou cinq quartz au plus d'avoine: nous trouverions bon et raisonnable que lesdictes Dames [19] demanderesses s'emploiassent envers le R. P. General des Chartreux pour obtenir de luy declaration en bonne forme que lesdictz nouveletz contentieux demeurassent acquis audict sieur Curé et a ses successeurs, affin de donner tesmoignage du desir quil a de contribuer quelque chose a l'erection et amplification de l'eglise collegiale de Samoen; a la charge neanmoins que la dicte liberalité ne puisse par cy apres estre tiree a aucune consequence au prejudice de ladicte Maison de Melan, et sans que ledict sieur Curé ny ses successeurs puissent pretendre aucun droict ny disme aux nouveletz qui se feront cy apres riere toute ladicte dismerie (quand elle viendroit a tomber en friche en tout ou en partie, et a estre par apres defrichee et renouvelee), sinon dans les confins dudict quartier auquel lesdictes Dames ne sont costumieres que de prendre les deux tiers du disme.....

  A024000362 

 Faict les an et jour cy dessus dict..

  A024000386 

 Dans les provisions et autres actes publics et sentences, il faudra signer d'après l'usage: Le Doyen et le Chapitre..

  A024000387 

 On ne réunira pas de Chapitre extraordinaire, le Doyen étant dans la ville ou les faubourgs, sans le consentement de ce Doyen, à moins qu'il ne fallût traiter une question regardant le Doyen lui-même, et qu'il ne dût pas assister aux débats..

  A024000388 

 De même, le Doyen doit avoir la charge des âmes de tous les chanoines, des prêtres et des autres serviteurs de ladite église, et aussi de la correction, de la punition et du transfert.

  A024000388 

 En l'absence du Doyen, le Chapitre s'occupera des fautes commises ou des omissions imputables aux personnes susdites, au sujet de l'Office divin ou de toute autre chose, pourvu qu'il ne s'agisse de crimes graves, car alors Nous laissons le soin de les punir à l'Ordinaire du lieu.

  A024000389 

 Que les chanoines susdits et autres serviteurs de l'église soient tenus de rendre respect et honneur au Doyen, comme à leur chef..

  A024000396 

 Reverend sieur messire Philippe de Quoex, prestre, né en loyal mariage et noble, tant de la part de son pere que de sa mere ayant presenté des lettres d'institution et provision obtenues de Nous le 6 janvier 1615, pour le [23] canonicat lhors vacant en Nostre Eglise par le deces de feu R. S r Claude Estienne Nouvelet, decedé en l'an 1613, au mois d'octobre, au venerable Chapitre de Nostre ditte Eglise: les RR. SS rs Louis de Sales, Prevost, Jean François de Sales, chantre, Estienne de la Combe, sacristain, Jean Favre, Marc Anthoine de Valence et Janus des Oches, deputés par iceluy Chapitre de Nostre Eglise, se sont presentés devant Nous et, avec les termes et reverence convenables, Nous ont fait plusieurs remonstrances, requisitions et protestations, tant pour la conservation du droit quilz ont d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise es mois de mars, juin, septembre et decembre, comm'aussi pour l'observation des autres privileges et prerogatives desquelles Nostre ditte Eglise et le Chapitre ont accoustumé de jouir... [24] Toutes lesquelles remonstrances, requisitions et protestations Nous avons declairé et declairons, tant pour Nous que pour Nos successeurs quelconques:.

  A024000398 

 Secondement, Nous declairons ne devoir ni pouvoir prouvoir desditz canonicatz et præbendes que personnes bien et deuement qualifiees, selon les decretz du saint Concile de Trente, et specialement selon les privileges et concessions des Papes faitz en faveur de Nostre ditte Eglise et les Statutz de Nostre dit Chapitre....

  A024000400 

 Et en fin, Nous declairons que toutes les provisions par Nous ou Nos successeurs, Nos Vicayres ou les leurs, devront estre commises et addressees a Nostre dit Chapitre; a faute dequoy elles seront tenues pour nulles, comme obtenues subrepticement et contre Nostre intention..

  A024000401 

 Et a ces fins, Nous avons commandé Nostre ditte declaration estre enregistree en Nos greffes, et avons signé les presentes et corroboré par l'impression du grand seel de Nostre Evesché, et contresigné par Nostre greffier, et expedié a la faveur de Nostre ditte Eglise et Chapitre..

  A024000411 

 Supplient avec toutte humilité les messires Michel Pithonis, archiprestre, Jean Musy, sacrestain, Michiel Deffoug, Jean Jay, Claude Deffoug et Claude Cornut, Channoines en l'eglise collegiale de Nostre Dame de Samoen:.

  A024000412 

 Comme en l'annee derniere 1613, et le mercredy, troisiesme jour de julliet, les scindicz de la ville dudict Samoen, tant a leurs noms que des aultres procureurs et tout le peuple de ladicte ville et parroisse dudict Samoen, assemblé en la sacristie de l'eglise dudict lieu, en presence des conseilliers et partie des apparentz de ladicte ville, auroient prié et requis les suppliantz de celebrer tous les mercredys, durant une annee entiere, une Grande Messe a l'honneur de Dieu et des glorieux saintz Fabien et Sebastiain, et, a l'issue d'icelle, fere la procession a l'entour de ladicte eglise, avec le cantique ou prose de Sebastiain, ainsy qu'appert par la memoire de la devotion prinse et prieres sur ce faictes, signee par lesdictz sieur Chastelain de Cornut, de Lestelley et aultres des illec assistantz; avec promesse lhors verbalement faicte..., de reconnoistre et recompenser honnestement le sallaire desdictz suppliantz, obligeantz par ce moyen tout le Chappitre, assisté de deux clercz de chœur, et de la peyne du maniglier occasion de ladicte procession..

  A024000414 

 A ceste cause, lesdictz suppliantz recourent tres humblement a Vostre Reverendissime Seigneurie, quil luy plaise les regler en leurs demandes et ordonner ce que raisonnablement leur est deubt ausdictz clercs et maniglier, a cause dudict service; car ilz desirent en tout et par tout de se ranger par la mesure de voz commandementz, ainsy quilz sont voz serviteurs et creatures tres humbles, et tres affectionnez a prier Dieu pour la prosperité de Vostre dicte Reverendissime Seigneurie, de laquelle ilz attendent devotement un tres charitable et equitable office..

  A024000416 

 Attendu que les parties suppliees ont desiré que la devotion mentionnee se fit a leur intention particuliere, elles sont exhortees de donner aux parties suppliantes, par maniere de subside convenable, dix ducatons.

  A024000442 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut..

  A024000443 

 Comme la meilleure chose qui puisse arriver à l'homme est de chercher, pendant cette vie et pour les nombreux siècles à venir, les moyens les plus propres à s'assurer la vie éternelle: pour cette raison, et aussi poussé par le souvenir affectueux et reconnaissant de ses parents qui lui donnèrent la vie temporelle, [29] la noblesse de la race et une éducation distinguée, il a résolu (l'aide de Dieu venant appuyer ses saints efforts) de construire, moyennant Notre bon plaisir, en l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, surtout en mémoire du très saint Nom de JESUS, une chapelle contigue à l'église de Notre-Dame de Compassion dans la ville de Thonon.

  A024000443 

 Et pour que de la chapelle on puisse voir commodément le maître-autel, le fondateur demande d'ouvrir deux des arcs fermés du côté droit, et de les munir de plaques et comme de grilles de fer, en sorte que l'accès ne soit pas libre ni d'un côté ni de l'autre.

  A024000443 

 La voûte et les murs seront bien crépis et blanchis; les fenêtres, les arcs et les portes seront de [30] pierres de taille dures.

  A024000444 

 Pour assurer le paiement des cent cinquante florins ci-dessus au recteur en fonction et légitimement pourvu, le fondateur hypothèque et engage [31] tous les biens, existant aujourd'hui et futurs, appartenant à lui et à ses légitimes successeurs dans le duché du Chablais; en sorte, cependant, qu'il soit permis à lui-même et à ses successeurs de racheter la susdite redevance de cent cinquante florins quand ils le voudront, moyennant toutefois le paiement de deux mille florins de même monnaie, à appliquer à perpétuité à l'usage de la chapelle et du recteur.

  A024000445 

 Nous donc, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, approuvant avec bienveillance de si pieux désirs qui tendent à l'augmentation du culte divin, à l'édification de tout le peuple et à l'honneur même de l'église de la Compassion de la Bienheureuse Marie, Nous concédons par les présentes, de Notre autorité ordinaire, au très illustre et très magnifique marquis de construire la chapelle en question, sous le vocable du très saint Nom de JESUS, au lieu indiqué et en la forme marquée, avec ornements et dotation de cent cinquante [32] florins payables annuellement.

  A024000445 

 Pouvoir au marquis de se faire enterrer dans la chapelle, lui et les siens, de nommer et présenter le recteur, c'est-à-dire de posséder à perpétuité le droit de patronage.

  A024000446 

 En foi de quoi Nous avons signé ces lettres d'approbation et les avons fait contresigner et munir de Notre sceau par Notre secrétaire.

  A024000469 

 Que noble et puissant Jean-Louis de Bonivard, chef de la garnison du Sérénissime Duc de Savoie au lieu appelé des Allinges, et [34] sa très chère épouse Anne de Mareschal, dite de Duyn, Nous ont exposé que dans l'église paroissiale des Allinges il y avait jadis une chapelle érigée sous le vocable de la Bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Claude, laquelle fut entièrement détruite et rasée par les Bernois et les Genevois, méchants hérétiques, qui envahirent le pays il y a soixante ans ou environ; tellement que l'on ne rencontre plus trace ni de la chapelle, ni de quelques revenus en dépendant, ni du possesseur du droit de patronage, bien que le recteur de l'église paroissiale ait fait les recherches suffisantes en lançant une monition trois dimanches de suite..

  A024000470 

 C'est pourquoi, pour l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, et surtout au nom de la Vierge Mère de Dieu et du Bienheureux Claude, se sont-ils proposé de réédifier la chapelle susdite dans la même église et au même endroit, si toutefois cela Nous semble convenable; et aussi de lui fournir les ornements, le calice et autres choses nécessaires à la célébration de la sainte [35] Messe.

  A024000470 

 En corroboration de cette dotation de vingt-cinq florins, ils engagent et hypothèquent tous leurs biens et ceux des leurs jusqu'à ce que satisfaction légitime soit donnée au recteur au moyen de prés, champs ou vignes achetés par les fondateurs susnommés ou leurs légitimes successeurs, et rendant chaque année la somme de vingt-cinq [36] florins.

  A024000470 

 Toutefois, si le curé actuel ou un autre de ses successeurs omettait trois semaines de suite de célébrer ces Messes dans la chapelle en question, les fondateurs demandent instamment que le revenu soit, de Notre autorité ordinaire, changé en aumônes à distribuer aux pauvres.

  A024000471 

 Ces conditions remplies, il sera tenu de célébrer une Messe basse pour les défunts le lundi de chaque semaine, en sorte cependant que s'il omettait ou permettait d'omettre cette Messe trois semaines de [37] suite, Nous donnions aux pauvres la redevance sus mentionnée.

  A024000471 

 Nous approuvons aussi et confirmons la nomination faite en la personne du recteur actuel Mojonier, pourvu toutefois que vous versiez à son profit chaque année la somme de vingt-cinq florins et que vous fournissiez les ornements et autres choses nécessaires à la célébration de la sainte Messe.

  A024000472 

 En foi de quoi, Nous avons concédé les présentes lettres d'approbation, signées de Notre main, et avons ordonné qu'elles soient contresignées par Notre secrétaire et munies de Notre sceau..

  A024000501 

 Sachant pertinemment que le vénérable M. Humbert Bochet, prêtre de Notre diocèse de Genève, [recteur] moderne de l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, a atteint la quatre-vingtième année de son âge, ou à peu près, en sorte que, par suite de cet âge avancé et de ses infirmités physiques, il ne peut plus faire les fonctions sacrées, administrer les Sacrements de l'Eglise et accomplir [39] les autres devoirs d'un vrai pasteur; sachant, en outre, que vous Nous êtes présenté, pour les causes susdites, comme coadjuteur dans l'administration et le gouvernement de ladite église, par le Révérend Etienne de la Combe, chanoine de l'Eglise de Genève, procureur de M. Bochet, en vertu de la procuration reçue par François Galmeris (?), notaire, le 3 de ce mois de novembre:.

  A024000502 

 Avec cette clause cependant, que vous soyez tenu, sur les apports et revenus de cette église, de payer au susnommé Humbert Bochet, octogénaire et malade, la somme annuelle de deux cent vingt florins..

  A024000502 

 Nous, poussé par les raisons susdites, et dûment informé de votre honnêteté de vie et de mœurs, ainsi que de vos aptitudes et capacité suffisantes, vous décrétons, constituons et députons comme coadjuteur, pour diriger l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, pour y distribuer les Sacrements de l'Eglise et en administrer les revenus.

  A024000503 

 Nous défendons en outre, à tous les prêtres de ce diocèse de Genève, aux syndics et paroissiens de l'église susdite et à tous autres, [40] sous peine d'excommunication et d'une amende de cinq cent livres genevoises, d'oser en quelle façon que ce soit vous empêcher de gouverner cette église, d'y distribuer les Sacrements et d'en administrer les revenus.

  A024000522 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024000523 

 Son but était d'exciter les passants, par cette sorte d'invitation, à s'écarter un peu de leur route terrestre pour se souvenir de la Patrie céleste, et à adorer le Dieu tout-puissant par quelques pieuses prières.

  A024000537 

 Supplient tres humblement les scindicqz et parrochiens de Veyrier pres Annessy, disantz que pour l'entretien de leur esglise et service divin deubt fere en icelle, ilz desireroient que Visitation feust faicte par Vostre Reverendissime Seigneurie, a tel jour qu'il vous plaira; appeller a ces fins le Doyen et Chappitre de Nostre Dame de ceste ville, qui ont interestz, et aultres chappelliers et altariens de leurdicte esglise.

  A024000539 

 Soit adverti au prosne et affigé a la porte de la parroisse, et convoqués tant messieurs les curés que recteurs des chappelles contenues en laditte eglise, et tous autres quil appartiendra..

  A024000549 

 L'an mil cinq centz nonante six, et le seiziesme d'aoust, jour de Dimenche, estant au cimistiere de Domansier, a l'issue de la Grande Messe, estant le peuple illec congregé, ont comparuet pardevant moy, notaire soubsigné, et les tesmoingtz soubnommés:.

  A024000550 

 Honnorable Mermet Humbert, moderne scindique de ladicte parroesse,... tous parrochiens de Domansier, lesquelz ont dictz et declairé que, suyvant la devotion prinse par leurs predecesseurs de tenir et solemnizer apperpetuité les festes suyvantes:.

  A024000551 

 Et lesquelles festes, tous les susnommés et leurs successeurs en ladicte parroesse et parochiens, serment faict main levee, ont promis et par ces presentes promectent a Dieu leur Createur et nostre Mere saincte Eglise, icelles solemnizer et tenir aperpetuité, eulx abstenir de faire aulcune oeuvre mecanicque, tant riere ladicte parroesse que dehors, ny moins permettre estre faict par aulcuns habitantz ou censiers estant dans ladicte parroesse; et c'est a peyne aux contrevenantz, par chescune fois, de cinq florins applicables a la reparation de l'eglise de ladicte parroesse, et en oultre, porter la Dimenche secutive, au devant de la croix, en la procession, une chandoille en signe d'amende honnorable a Dieu..

  A024000552 

 Priant, avec tous les susnommés, Mons r le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve touttes lesdictes festes les leur volloir reconfirmer, et leur donner plain pouvoir de faire chastier tous les contrevenantz par tous voies de justice dheues et raisonnables.

  A024000568 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024000569 

 Bien plus, Nous avons remis et transporté la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix de septembre, à la fête de la [Nativité] de la Bienheureuse Marie, fixée au 8 septembre de [46] toute année, et Nous déclarons que les paroissiens de Saint-André de [Domancy], mandement de Sallanches, devront la célébrer ce jour-là, s'ils veulent éviter la peine contenue dans l'acte écrit ci-dessus..

  A024000569 

 Nous conferons à cet acte toute inviolabilité et force nécessaires, Nous suppléons à tous défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et déclarons qu'il faudra célébrer les fêtes indiquées aux jours assignés.

  A024000576 

 Les confreres prestres, portans le cordon sur eux, celebrans la Messe de l'Immaculee Conception qui se commence [47] Egredimini, et les autres confreres en l'oyant, gaignent Indulgence pleniere..

  A024000578 

 Visitans es jours de saint François et des Saintz de son Ordre les eglises des Religieux d'iceluy, Indulgence pleniere..

  A024000579 

 Recitans 15 Pater et 15 Ave pour ceux qui sont en peché, Indulgence de la troisiesme partie de leurs pechés, et la peuvent gaigner pour les defunctz..

  A024000581 

 Pacifians les inimitiés ou accompagnans les cors des confreres decedés a la sepulture, 100 jours d'Indulgence..

  A024000582 

 Dimanche du moys: pour les confreres, Indulgence pleniere; pour les autres, 100 ans d'Indulgence..

  A024000584 

 En fin, visitans l'autel Saint François et disant devant iceluy six Pater et six Ave Maria en la façon portee au 2 e article, gaignent autant Indulgences que silz visitoyent personnellement l'eglise Sainte Marie des Anges en Assise, les eglises de Rome, de Hierusalem et de saint Jaques de Galices, et tout le long du Caresme les Indulgences et stations de Rome..

  A024000604 

 Et par ce que ladicte chappelle est sans ornements et mal propre, tant la voute que murallie, et encores le toict mal couvert, supplie de plus ledict M e Aubert Darand vous plaise, mondict Seigneur, luy decerner lettres pour saizir tous les revenus et arrerages dependants de ladicte chappelle, pour iceux estre appliquez tant au divin service que reparation decente, et, pour cest effect, commettre tel quil vous plaira pour iceux estre emploié selon quil est requis et supplié; et autrement, luy prouvoir comme de raison.

  A024000607 

 Nous avons accordé et accordons la requeste selon la forme et teneur quant a son premier chef, sauf les droitz et usufruitz du recteur moderne, lequel soit appellé pour respondre au second chef; luy enjoignans neanmoins de rendre les devoirs qu'il est obligé rendre au service de ladite chapelle, a peyne de privation si dans six semaines il ne fait apparoistre de sa diligence pour ce regard..

  A024000612 

 Et [50] ce pendant, faictes injonction audict Gros de fere les debvoirs deubtz a ladicte chappelle, a peyne de privation; le tout a forme de Nostre decret..

  A024000625 

 Expose encores le Rev. Curé: comme par cy devant les paroissiens et luy ont esté en conteste de faire des cordes aux cloches, disant lesdits paroissiens n'y estre tenus, et au contraire le Curé remonstroit que les cloches ne sont faites pour luy, mais pour appeller les paroissiens a leur devoir; et que mesme ils ont fait et sont tenus maintenir non seulement les cloches, mais le clocher: qui fait paroistre y avoir lieu a la fourniture et maintenance des [51] cordes, comme dependances du clocher.

  A024000627 

 Les parroissiens assemblés en leur Conseil conviendront et exhiberont un roolle au sieur Curé de ceux qui ont leur place d'ensevelissement dans l'eglise, lesquelz seront tenus et obligés maintenir l'endroit de leur ensevelissement [et] plancher; et diront les susditz parroissiens, si bon leur semble, la somme d'argent a quoy devront estre cotisés ceux qui voudront avoir l'ensevelissement dans l'eglise et qu'ilz seront tenus payer pour l'entretien d'icelle..

  A024000628 

 Autre chose n'apparoist, sauf a eux de faire appeller les particuliers qui pourroyent estre redevables de ce faire, si aucun y en a..

  A024000628 

 Et pour le regard des cordes des cloches, est enjoint aux parroissiens de les maintenir et entretenir.

  A024000646 

 Nous avons vu l'acte écrit ci-dessus de la fondation, donation et [52] augmentation faite par noble Guillaume de Riddes, seigneur des Jalliets, principal auteur de cette fondation, et les nobles François et Jean-François de Riddes, frères du dit Guillaume.

  A024000646 

 Par le présent décret, Nous la confirmons et l'homologuons, sur la demande des nobles frères fondateurs et augmentateurs, [53] à cause d'un don aussi remarquable, qui est un témoignage de leur piété et de leur dévoûment envers la religion catholique et le culte divin, souhaitant et demandant pour eux, selon les promesses du Christ, le centuple en ce monde et la vie éternelle dans l'autre..

  A024000647 

 En foi de quoi Nous avons signé les présentes, et avons ordonné qu'elles fussent munies du sceau de Notre Evêché et du Nôtre..

  A024000662 

 A tous les chrétiens qui l'ont visité, j'ai accordé aujourd'hui un an de vraie Indulgence, et quarante jours à ceux qui le visiteront le jour anniversaire de sa consécration.

  A024000671 

 Expose a Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie messire Pierre Vallet, curé de Vacheresse, disant que toutes les annees, le jour de Dimanche des Rameaux, les parroissiens dudict Vacheresse ont devotion faire offrande de formage a Dieu et a sainct Anthoine en l'eglise parroissiale dudict Vacheresse, a heure de Vespres; la ou se trouve un prebstre, de la part de sainct Anthoine, pour retirer la part de l'offrande, apres que le curé a prins et levé une grande piece de formage pour soy et une pour le recteur de [55] la chapelle Nostre Dame fondee en ladicte esglise, et une que le maniglier tire pour sa part, a forme des coustumes anciennement observees.

  A024000684 

 Supplie humblement vostre devot orateur M re Pierre Gros, prebstre, curé de Lullin, disant que les exacteurs des decimes ecclesiasticques de vostre Eveché l'auroyent interpellé pour le payement de quattre vingtz florins esquelz se treuve estre tiré sadicte cure.

  A024000686 

 Sera sursoyé a l'exaction dont est question, jusques a ce que Nous ayons conferé avec Nos deputés sur les raysons du suppliant..

  A024000696 

 Apres Nous estre informé diligemment de tout ce qui en pourroit estre, tant des parroissiens dudit lieu qu'autres qui en pouvoyent sçavoir quelque chose, ayant treuvé le revenu de laditte cure ne pouvoir valoir par communes annees, pour consister en terrage, plus de dix huit couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et d'une sommee de vin, tous les dismes de laditte parrochialle tant du blé que du vin estans possedés et perceus par le sieur [58] Prieur de Bonneguette: Le tout meurement consideré, avons ordonné et ordonnons, qu'outre ce qui est du terrage de laditte cure, le sieur Curé present et ses successeurs en laditte cure prendront et percevront annuellement, sur les dismes de laditte parroisse appartenant audit seigneur Prieur de Bonneguette, la quantité de vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et quattre sommees de vin, mesme mesure; et c'est pour complement de la portion congrue demandee par ledit sieur Curé, et pour laquelle avoir il auroit tiré en instance ledit seigneur Prieur de Bonneguette..

  A024000708 

 Sur les defautz par Nous observés tant en l'Office qu'autres choses concernans l'eglise de Rumilly:.

  A024000709 

 Nous avons ordonné que le revenu d'icelle eglise, qui despend de la communauté ecclesiastique surnommee des Altariens, sera employé dores-en avant en distributions quotidiennes, et selon le roolle ci joint signé de Nostre main; en sorte neanmoins que les florins seront reduitz a certaine quantité de solz, telle quil sera requis pour sauver sur ledit revenu les charges ordinaires quil faut supporter..

  A024000710 

 Et a cet effect, sera deputé un normator qui prestera serment entre les mains du sieur Curé, et en la presence neanmoins des autres de ladite communauté, de bien et justement marquer les presens..

  A024000711 

 Mais a cause que les tiltres et biens dependans desdits [60] Altariens se sont esgarés ci devant par le mauvais mesnage desditz Altariens, Nous avons ordonné ausditz Altariens de faire dans tout ce moys un inventaire, en bonne, deüe et probante forme, de tous les tiltres quilz ont a present et de tous les biens quilz possedent, avec les confins d'iceux entant quilz seroyent fonciers, et avec toutes les specifications requises entant quilz seroyent d'autre nature.

  A024000730 

 Ayant comparu par devant Nous les R. sieurs Prieur et Curé de l'eglise de Rumilly d'une part, et les venerables Altariens d'icelle, pour estre reglés sur les Offices et services [63] deuz par la communauté desdits Altariens en ladite eglise, Nous avons ordonné ainsy qu'il s'ensuit:.

  A024000732 

 Secondement, que pour gaigner la prebende, un chacun desdits Altariens sera tenu de celebrer ou faire celebrer les Messes quotidiennes, chacun en son rang et a son tour; et en cas qu'aucun d'iceux manque a ce devoir, sera privé, pour chasque fois quil laissera de dire la Messe deue, de trois solz; et laissant de dire les Messes de toute la semaine, par soy mesme ou par autruy, sera privé de tout le quartier de ladite præbende..

  A024000736 

 Pour ceux qui assisteront et respondront les deux Messes anniversaires ................

  A024000737 

 Les Altariens sont obligés de faire leurs semaines des deux Messes: l'une matiniere, et l'autre seconde; au mercredi et samedi, qu'ilz disent les Messes anniversaires, elles suppleent a la seconde.

  A024000737 

 Mais les sieurs Prieur et Curé ne sont point obligés de faire leurs semaines, sinon pour la Messe matiniere; comm'aussi lesdits Altariens ne sont point obligés d'assister aux Grandes Messes quotidiennes ni a celles des festes, hormis a celles des festes solemnelles.

  A024000740 

 Faire trois clefz: une pour le Prieur, la 2 e pour le Curé et la 3 e pour celuy qui sera nommé par les Altariens..

  A024000751 

 Et cas advenant que ledict sieur Curé de Sainct Jullien ou ses successeurs se trouvassent par troupt grevés de paier lesdictes cinq coppes, il leur sera loisible de relascher audict sieur Curé de Feigieres ou ses successeurs les dixmes que ledict curé de Sainct Jullien a accoustumé de prendre et percepvoir riere la parroisse de Feigieres; et moyennant ce, demeurera quiete du paiement annuel d'icelles cinq coppes de froment..

  A024000752 

 Et laquelle Nostre ordonnance, l'ayant entendue, les parties ont acquiescé; ensuite dequoy avons dict et ordonné qu'elle sera registree aux Registres de Nostre Evesché pour y avoir recours en temps et lieu..

  A024000764 

 Supplient humblement les nobles François (sic) et Jaques de Vallon, freres, disantz que par diverses requestes ils auroient recouru a Vostre R me Seigneurie aux fins d'avoir une chapelle dans l'esglise de Samoen, pour y faire le service divin et y eriger ung banc pour prier Dieu; et ce, en contre eschange d'une quils en a voient, fondee par leurs predecesseurs, laquelle plus n'est leur, pour la place estre employee au bastiment du chœur....

  A024000766 

 Apres avoir veu et consideré le proces verbal dressé par le sieur de Ronis, par Nous commis pour entendre la verité des choses exposees par les autres requestes a Nous ci devant presentees par les sieurs supplians, et ayant esgard a icelles, assignons a iceux supplians la chapelle de Saint Laurent; a la charge quilz la maintiendront, orneront et feront les autres incombences, selon les offres par eux faittes, et mesme celle de l'augmentation du revenu..

  A024000767 

 Si commettons le sieur Doyen du lieu pour passer les contratz convenables avec les sieurs supplians en faveur de ladite chapelle, et iceux contratz rapporter par devers Nous pour estre homologués entant que de rayson..

  A024000773 

 Nous publions et annonçons par les presentes, le Briefz Apostolique sus designé, et extraictz, confirmans, en vertu d'iceluy, la Confrairie erigee en l'eglise du grand Sainctz [69] Felix en Genevois, laquelle il Nous appert avoir esté canoniquement instituee; et communicons, en faveurs des confreres d'icelle, tant presentz que futurs, toutes les Indulgences et graces sus escriptes..

  A024000774 

 Si declairons que la principale feste de leur Confrairie sera tousjours le Dimenche entre les Octaves de la Feste Dieu, et que les autres quattres festes moingz principale d'icelle seront les jours sacrez de Pentecoste, de l'Assumption de Nostre Dame, de Toussainctz et de Noel.

  A024000790 

 A tous les chrétiens qui ont visité dévotement l'église le jour même de la consécration, Nous avons accordé un an entier d'Indulgence, et à ceux qui la visiteront le jour anniversaire de la dédicace, 40 jours, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024000797 

 Nous avons assigné les dixmes de Loysin, les charges accoustumees destraittes, pour l'entretenement du sieur Curé de Thonnex, jusques a ce qu'autrement soit par Nous prouveu audit entretenement..

  A024000811 

 Disant comme en l'annee 1598 le supplient se trouva malladieux d'une grave maladie et lointaine, que quoy lhors il fust jeusne d'aage, inspiré du Saint Esprit, tant pour l'allegement en sa malladie que fere continuel service a Dieu, pour estre sitoys en lieu [72] solitaire, loing de l'esglise parroissiale de Sallanche, subject a passer revieres impetueuses, du temps d'esté descendantes des haultes montagnes, et d'yver de longue traicte parmy les bois subject aux bestes feroces et aux incommodités des neges: en consideration dequoy, icelluy Nycolas Perroulaz, inspiré comme dessus, fit veu a Dieu et a sa tressacree Mere, luy fasse la grace pouvoir retorner en convallecence, en promectant au mesme moien de fere bastir, a [sa] requeste et de sondict pere, une chappelle, a la premiere commodité et faculté des dictz Perroulaz: et ce, aupres du villaige des Vorsiers, au cuyng dudict villaige, pres touttesfois le chemyn public que proche des le quartier de Maglans, contre la ville de Sallanche, au long de la reviere d'Arve..

  A024000814 

 Et a telle devotion et consideration, mondict Seigneur le Reverendissime, vous plaise, pour lhonneur de Dieu, impartir et permettre il soit cellebré la saincte Messe devant les erigens et leurs voysins, a perpetuitté, par ung prebstre de Sallanche ou d'aultre parroissiale, estant premier fourny de tous ses habitz et pierre sacree ecclesiasticques necessaires; attendant Vostre Reverance, a sa premiere venue, pour icelle sacrer èt benyr a son chemin pour quelque aultre respect.

  A024000814 

 Quoy attandant, ne lairront lesictz Guilliame Perroulaz et Nycolas son fils, et les leurs a l'advenir, obliger souffizamment au prebstre que prandra la peyne d'aller cellebrer la Messe des le lieu de Sallanche quattres fois l'annee, sçavoir: le troisiesme jour de Pentecostes et le troysiesme jour de Pasques, et de sainct Jean appres Noel, et le jour sainct Nicolas au mesme an, en fournissent audict prebstre que dira lesdictes Messes lesdictz jours, pour ses despens et peyne, pour checune foys ung florin; et faisant dire de Messes davantage, pourveu qui ne porte aulcung prejudice au debvoir du divin service de la parroisse ou festes solempnes, sera peyé ung florin..

  A024000815 

 Et a ce effect sera ipothequé expressement une piece de terre de bonne valleur, size illec pres, et dans laquelle ladicte chappelle est bastie au cuyng: sçavoir, de la valleur de cent ducattons pour une foys, delaquelle sera possedé les fruictz pour la securation annuelle desdictz quattre florins ou plus apperpetuitté; en consideration que lesdictz pere et filz et les leurs en demeureront presenteurs du prebstre ou recteur que fera ledict office, et en passeront acte de fondation par main de notaire, auctantique et vallable.

  A024000833 

 Supplient humblement moy, Reverend messire Pierre Vallet, prebstre et curé de la parrochiale de Vacheresse, les habitantz dudict Vacheresse et parrochains, comme les parrochains de Bonnevaux [75] et Chevenoz, disant qu'ilz tiennent et possedent deux montagnes, sçavoir: ceux de Vacheresse, la montagne appellee Ubene, et ceux de Bonnevaux et Chevenoz, autre montagne appellee Darbon; ausquelles montagnes lesditz suppliantz sont en coustume et possession de faire conduire et reduire leur bestail toutes les annees a la feste de sainct Jean Baptiste jusques en hiver, pour despasquier, et y demeurent par l'espace de quattre a cinq moys ou environ.

  A024000837 

 Nous permettons l'erection des oratoires requis pour, par apres, estre en iceux celebrees les Messes, ainsy que le sieur Curé de Vacheresse verra estre a faire; n'entendant qu'il soit obligé a la celebration d'icelles, ni a plus grande charge d'office pour l'erection desditz oratoires, esquelz se faysant des offrandes, appartiendront a iceluy Curé, ainsy que de droit..

  A024000853 

 A tous les chrétiens j'ai accordé aujourd'hui un an, et au jour anniversaire de la consécration, [77] quarante jours de vraie Indulgence en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024000866 

 Revu sur l'Autographe conservé dans les archives paroissiales de Casorzo (Piémont)..

  A024000874 

 De façon que, croyantz que ce lieu soit des si long temps desdié pour la devotion, ilz desirent l'y restablir et poursuyvre leur dessein, affin d'y fayre celerberer (sic) la saincte Messe, et prier Dieu pour les ames de ceulx quy sont ensevelis..

  A024000874 

 Supplient humblement les habitantz du village de Macherine, parroesse de Dousard, disant qu'y ayant au pres de leur village, lieu dict au Crestet, une place ou, par tradition, ceux du lieu ont [79] tousjours entendu des plus vieulx qui le rapportoient aussy de leurs plus anciens, quil y avoit heu une esglise, mesmes quil y apparoissoit une grosse pierre qui estoit reputee avoir esté celle du grand autel; qu'en temps des Rogations la procession de Douzard y vient tousjours fayre une station, et en temps de contagion l'on y a ensevely ceulx que en sont mort (sic): sur ces considerations, ilz se sont mis en devoir d'y bastir une chappelle, en quoy faysant ilz ont treuvé les fondementz de la vieillie esglise, la separation du cœur et de la neufz (sic), ou il y avoit quattre fort grosses pierres mises deux a deux en esquarre et de distance comme pour l'entree au cœur, trouëes au dessus, ou estoient les fertz des treillies; et loin de la, a cousté, pres des fondementz, ont treuvé des charbons, apportés, comme est a croyre, pour allumer le feu ou s'en servir a l'encensoir.

  A024000885 

 Nous commettons le seigneur Prevost de Nostre Eglise pour faire la benediction du lieu sur ladite chapelle; et cela fait, permettons que la Messe y soit celebree au jour porté par le consentement du [sieur] Curé, reservans a [80] Nous de prouvoir sur les services et celebrations qui se doivent exercer en ladite chapelle par ordinaire.

  A024000903 

 Les habitants du village de Macherine, paroisse de Doussard, ayant pieusement restauré une chapelle autrefois détruite, sous le vocable de Saint-Roch, pour que le culte divin y soit désormais fréquemment célébré, Nous, dans Notre désir de favoriser leur dévotion, accordons, au nom du Seigneur, à tous ceux qui visiteront pieusement cette chapelle et y prieront pour la propagation de [81] l'honneur divin, une Indulgence de quarante jours dans la forme habituelle de l'Eglise.

  A024000909 

 Et attendu la [82] necessité quil y a de pourvoir presentement d'un curé audit Maxillier, a cause de la longue privation dont les habitans ont esté affligés, eu esgard a la bonté de vie, suffisance de science et autres louables qualités de messire Leonard Monnod, prestre natif d'Evian, Nous luy confions ladite cure, ordonnant que lettres luy en soyent expediees en bonne et deue forme, affin quil jouysse paysiblement dudit benefice et des fruitz en dependans, et notamment de ceux qui sont portés par le consentement sus mentionné, en faysant par luy le service et incombances requis.

  A024000921 

 En foy dequoy avons signé les presentes, faict sceller du scel de Nostre Evesché et contresigner par le greffier d'icelle..

  A024000933 

 Et lesquelles premices s'admodient de toute ancienneté avec les diesmes..

  A024000933 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, appres avoer entendu les parties respectivement et consideré leurs demandes et defences, et que lesdictz deffendeurs sont demeurés d'accord et ont spontaneement confessé la coustume estre et avoer esté inviolablement observé riere les villages du Jourdil, les Costes et Pussye, dependantz dudict Aviernoz, que la premice se paye par les habitantz desditz trois villages en temps de moisson, sçavoer: une bonne gerbe froment, pour ceulx qui ont charrue, et des aultres qui n'en n'ont point une gerbe froment mediocre, a [85] forme que paient tous les parrochiens desdictes Ollieres.

  A024000934 

 Et ordonnons que, sans s'arrester ausdictes Visites, tous les habitantz desdictz villages paieront la premice, suyvant ladicte ancienne coustume sans aulcune interruption observé jusque a ce jourdhuy; et que tel amendement sera apposé sur le Registre de Nous (sic) Visites par Nostre greffier, auquel est enjoinct de n'expedier cy appres aulcong extraict, sinong a forme de Nostre presente Ordonnance et amendement.

  A024000935 

 Et entant que concerne ledict Biais de Lachinal, qu'est parrochien desdictes Ollieres, avons ordonné et ordonnons quil continuera le paiement de ladicte premice, comme font les aultres parochiens dudict lieu, sçavoer: aiant charrue, une bonne gerbe froment; et ceulx qui n'en ont point, une gerbe froment mediocre, ainsy qu'est pourté par les Visites faictes en la parroesse desdictes Ollieres..

  A024000936 

 A laquelle sentence et Nostre presente Ordonnance les parties ont respectivement acquiescé; despens entre les parties compensez..

  A024000949 

 Monseigneur le R me Evesque et Prince de Geneve, mon Evesque et Prelat, seur les articles icy bas mis, A cause des choses et abus lesquels j'ay trouvé a ma parroisse de S t Nycolas de Flumet, affin d'en reçoipvre vous commandemens. [87].

  A024000950 

 Au reste, a cause que lesdictes cures estoint possedee par des seigneurs [88] maistres, lesquelz ne faisoint residance au lieu, qu'a occasione confusion entre les parroissiens et parroisses au passé, aujourduy encoure ce practique.

  A024000950 

 Premierement: Monseigneur, Vostre R me Paternité cest ( sic, pour sait ) tres mieux que, aultre fois, les quattres cures d'embas du mandement de Flumet estoint annexeé ensemble et posedee par un mesme recteur, comment estoint feu Monsieur le Protenotaire de Savoye et autres; et lesdictes cures furent d'annexeé par feu Monseigneur Claude de Granier, que Dieu absolve.

  A024000951 

 De plus, grande confusion entre ces parroissiens et grand scandalle pour les miens; car, y lia envyron trois ans, que certains desdictz parroissiens furent reprins par la justice temporelle a cause qui labouroint le jour du Patron dudict lieu.

  A024000951 

 Lesdictz viendrent trouver le Curé de Flumet, affin que ledict les garentice d'estre chatiés; et pour leurs defences disoint quilz l'avoint bien labouré d'aultre fois riere ledict lieu audict jour, sans avoir esté reprins de personne..

  A024000953 

 Je sçait qu'[a] occasioné cella: c'est que les Curés mes antecesseurs ne ce sontz adressés vers leurs Superieurs pour y faire mettre de l'ordre..

  A024000962 

 Au premier: Les habitans et manans en la parroisse de Saint Nicolas, quoy qu'eux ou leurs prædecesseurs ayent prins leur origine ou soyent extraitz des parroisses de La Giete ou Flumet, sont obligés rendre leurs devoirs parrochiaux en ladite parroisse Saint Nicolas, en laquelle de present ilz font leur sejour et demeure: ce que Nous leur enjoignons..

  A024000963 

 Au 2 d article: Les habitans et manans de la parroisse Saint Nicolas sont obligés observer les festes du Patron et de la Dedicace, et autres festes legitimement establies en la parroisse de leur dite habitation, sous peyne de peché et de reprehension juridique..

  A024000973 

 Es differens qui estoyent entre les habitans du vilage Saint Robert, parroisse de Moncel, d'une part, et les autres parroissiens dudit Moncel d'autre part, pour le regard de l'entretenement, refections et reparations a faire dores en avant tant en l'eglise parrochiale dudit Moncel qu'en la nef de la chapelle Saint Robert: veu les actes de Nostre Visite, et les parties ouÿes en tout ce qu'elles ont voulu dire, en la personne ...................................................................

  A024000975 

 Et ce, selon l'offre volontairement fait auxditz habitans du vilage Saint Robert par les autres parroissiens de Moncel..

  A024000975 

 Nous avons esté d'advis et avons dit: Qu'attendu que les habitans Saint Robert sont parroissiens de Moncel, recevans mesme le saint Sacrement de Baptesme en l'eglise dudit Moncel et non a Saint Robert, ou aussi il ny a aucuns fons baptismaux, ilz contribueront, ainsy que les autres [91] parroissiens dudit Moncel, aux entretenemens, refections, reparations et ammeublemens de l'eglise parrochiale dudit Moncel; comme reciproquement, les autres parroissiens dudit Moncel contribueront a l'entretenement, reparation et refection de la nef de la chapelle Saint Robert, ensemblement et semblablement avec les habitans du vilage Saint Robert, en cas que ledit entretenement de ladite chapelle soit a la charge desdits habitans, et non du prieuré.

  A024000982 

 Remonstre en toute humilité R d M re Nicolas Clerc, prebstre, Prothonotaire apostolique, Curé de S t Felix, comme prieur de la venerable Confrerie du S t Sacrement, des long temps par les R d Peres Capucins en l'eglise dudict S t Fœlix erigee, et du despuis par V. S. R. confirmee par authorité du S t Siege, et dict que, de tout le temps passé, ne s'estoit faict aulcune procession generale pour regard de ladicte Confrerie, choses (sic) que les confreres desiroient fere.

  A024000986 

 Commis le suppliant pour assembler les confreres de la Confrerie de sa parroisse, pour, ayant conferé avec eux, [93] prendre le Dimanche du moys plus convenable pour la procession mentionnee, selon les fins de la requeste.

  A024000998 

 Supplient tres humblement les parroissiens de La Gietaz, disant qu'en leur eglise parrochiale se treuvent fondees diverses chapelles, entre lesquelles celle de Saint Barthelmy est de la nomination des suppliantz, et les autres de quelques particuliers: en toutes lesquelles, neanmoins, ne se fait aucun service par les [94] recteurs, ny aucune reparation, nonobstant la ruyne imminente qu'elles menacent, et autres manquemens notables, au prejudice mesme de ladite eglise parrochiale..

  A024000999 

 En suitte de quoy ilz recourent a vous, Monseigneur, affin qu'attendu la negligence desditz recteurs et fondateurs a rendre leur devoir respectivement, dont ilz ont esté sommés par trois diverses proclamations faites au Prosne, suyvant les Decretz sinodaux de ce diocese, il vous plaise priver tant les patrons de leurs nominations que les recteurs de leur possession, pour icelles chappelles unir au maistre autel; ou du moins faire saisir par vostre authorité les revenus desdites chapelles, pour d'iceux estre pris ce qui sera convenable pour faire faire le service deuz et les reparations requises..

  A024001000 

 Et quant aux autres chapelles qui ne sont de leur dite nomination, soyent appelés les recteurs d'icelles par devant Nostre Vicaire general; et soit le present decret et la requeste signifiee aux prsetendus patrons..

  A024001000 

 Les supplians feront declaration, en bonne et probante forme, de leur consentement a l'union demandee pour regard de la chapelle mentionnee de Saint Barthelomy, comm'aussi des charges et revenus d'icelle; pour, ce fait, estre procedé a l'union requise, s'il y escheoit.

  A024001012 

 Sous le vocable d'icelle il a promis faire bastir et dresser une chappelle dans les confins et limites dudict Vacheresse, sa parroisse et naissance, laquelle chappelle ledict messire Faucoz a faict dresser et edifier au lieu appellé En l'Eau Noyre, sur le chemin public tendant droict du costé.

  A024001012 

 d'Abondance, la vallee d'Aulx et du costé de la ville d'Evian; affin d'inciter les passantz d'une part et d'aultre d'invocquer Dieu, la Vierge Marie et saincte Anne.

  A024001013 

 Suppliant en outre Vostre Ill me et R me Seigneurie, il vous plaise imputer, en faveur de laditte chappelle de sainte Anne, les pardons et Indulgences qu'il vous plaira pour ceux qui entendront Messe en icelle [96] et que, par devotion, se confesseront et communieront sacramentellement et iront visiter icelle, tant les jours de Dimanche, feste, que autres jours..

  A024001025 

 Supplie humblement messire Jaques Evrard, chastellain d'Ardon, comme mary d'honnorable Magdeleine Passerat, heretiere dameoiselle d'honnorable Claude Passerat: disant que ledit [97] honnorable Claude Passerat, de la ville de Chastillion en Michallie, auroit faict son dernier testament, reseu et signé Evrard, par lequel, entre autres legats par luy faitz, auroit donné et legué au sieur Curé d'Ardon, pour une foys, la somme de cent huictante livres pour la fundation d'une Messe a debvoir estre, tant par luy que par ses successeurs Curés d'Ardon, perpetuellement celebré en la chappelle de Saint George (fondee dans la ville de Chastillion en Michallie) touttes les Dimenches, pour le remede de l'ame dudit testateur.

  A024001027 

 Oüyes les parties sommairement, et pour, en conservant les droitz parrochiaux, ne point retarder l'intention du defunct en son principal: ordonnons que le sieur Curé mentionné acceptera le legat pour luy et ses successeurs curés, a la charge de dire, par luy ou ses vicaires, ladite Messe hebdomadale en la chapelle de Chatillon, en autre jour neanmoins que celuy du Dimanche et feste commandee.

  A024001039 

 Supplient tres humblement les Scindicz et gentilhommes et borgeois de la ville de Bonne:.

  A024001040 

 Que l'annee derniere mil six centz quatorzes, Reverend messire du Martherey, Religieux du prieuré de Pellionex, auroit preché le Caresme en ladite ville et plusieurs des Dimenches et festes; qui auroit apporté grandes ediffications et instruxions en la foy ausditz suplians et aux circonvoysins qui [ont] ouy les predications dudit sieur du Martherey.

  A024001040 

 Qui auroit occasioné les supliantz de le prier de precher la (sic) Caresme dernier en ladite ville, ce quil leur auroit acordé et executé, non sans grand fruit..

  A024001041 

 Et de plus, estant prié par les supliantz, [vu] sa bonne doctrine, d'instruyre la junesse (sic) aux lettres et pieté, il le leur auroit liberalement acordé par tollerance, et y seroit entré en exercice des Pasques en ça, par forme d'essay, attendant la permission de vous, Monseigneur; laquelle les suplians, humiliés aux piedz de Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie, vous supplieent octroyer, avec la dispence requise audit sieur du Martherey de la residance audit Pelliones, attendu le grand fruit et utilité qui en peult reussyr par la bonne instruction quii a encommencé de donner a la junesse de ladite ville et circonvoysins qui envoyent leurs enfans audit lieu.

  A024001070 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024001071 

 Nous faisons savoir que Nous tâchons volontiers de prêter Notre attention et Notre aide efficace à tout ce qui, suivant les circonstances de lieux et de personnes, est nécessaire au bon gouvernement des églises paroissiales et autres, et à l'augmentation du [101] culte divin.

  A024001072 

 Aussi avons-Nous jugé à propos de choisir, créer et [102] décréter à perpétuité M. du Martherey pour vicaire de l'église paroissiale de Bonne, comme nous le choisissons, créons et décrétons par les présentes; Nous la lui conférons et l'en pourvoyons en qualité de vicaire perpétuel capable, l'avertissant d'avoir à faire dans les deux mois la profession de foi entre Nos mains.

  A024001072 

 En lui faisant baiser Notre vêtement, Nous lui donnons l'investiture, et l'instituons par les présentes, en lui assignant pour son entretien tous les fruits qui appartiennent à la susdite église paroissiale, pourvu qu'ils n'excèdent pas la portion congrue..

  A024001072 

 Nous approuvons une requête qui est juste et raisonnable, d'abord parce qu'il y a contentement de la part des paroissiens et du R d monsieur le Doyen et recteur de ladite église paroissiale; ensuite, parce que, d'après les constitutions du saint Concile de Trente, l'érection de cette vicairerie perpétuelle devait absolument se faire.

  A024001074 

 En foi de quoi Nous avons signé de Notre main les présentes, et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir de son sceau.

  A024001091 

 Ayant examiné les articles ci-dessus, Nous confirmons par ce Décret la Confrérie du saint Martyr Sébastien, accordant, en la forme habituelle de l'Eglise, une Indulgence de quarante jours à tous ceux qui en font ou en feront partie, chaque fois que, selon les articles ci-dessus, ils assisteront dévotement aux processions, aux [104] Messes solennelles et aux Offices, et chaque fois aussi qu'ils recevront les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie..

  A024001092 

 A condition toutefois que sera bien mis à exécution ce qui a trait, dans les mêmes articles, au repas à prendre en commun, et que ce repas se prenne, non en une auberge publique ou une taverne, mais dans une maison privée: Nous le bénissons alors au nom du Seigneur..

  A024001106 

 Le 27 a juillet 1617, je, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, ai consacré cet autel en l'honneur de l'Assomption de la [105] très heureuse et très glorieuse Vierge Marie, et j'y ai enfermé des reliques des Bienheureux dix mille (sic) Martyrs, accordant à tous les chrétiens qui le visiteront aujourd'hui, un an, et, le jour anniversaire de la consécration, quarante jours de vraie Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024001112 

 Nous requerant vouloir iceluy homologuer et insinuer, et sur iceluy interposer Nostre decret et auctorité pastorale, suivant les conventions et astrictions portés par ledict contraict; et ce en presence de M e Pierre Heretier, procureur desdictz scindicques et parroessiens, et tous deux constitués a ces fins au corps dudict contraict: lequel M e Heretier a presté consentement et, en tant que de besoingt, requis la mesme homologation et insinuation..

  A024001112 

 Par devant Nous, FRANÇOYS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et comparu au palaix de Nostre habitation et residence ordinayre de cette cité M re Jacques Duret, procureur de M re Laurent de Collonges, Curé de [106] Morzine, lequel Nous a remonstré comme les scindicques et procureurs dudict lieu auroyent fondez et donné a laditte eglise a perpetuité, et promis paier annuellement audict sieur Curé et a ses successeurs la somme de douze vingtz florins, monnoye de Savoye, pour l'entretien d'ung vicayre audict lieu de Morzine, ainsi que plus amplement est contenu au contraict du premier de ce mois, qu'il exhibe, receu et signé par M e Galliard, notayre.

  A024001113 

 Quoy ouy par Nous, dict Evesque, et appres que lecture a esté faicte dudict contraict, avons iceluy homologué et insinué selon sa forme et teneur, et sur iceluy interposé Nostre decret et authorité pastorale, et ordonné qu'il sera enregistré es Registres de l'Evesché; a la charge que les chappelles mentionnees audict contraict, assignees pour partie de l'entretient dudict vicayre, seront unies, comme par ces presentes Nous les avons uny et incorporé a perpetuité, [107] ensemble les fruictz et revenus d'icelles, a laditte cure de Morzine..

  A024001134 

 Supplient en toute humilité noble Gaspard de Lucinge, seigneur dudict heu, et avec luy tous les parroiessiens et habitantz riere la parroiesse de Sales, mandement de Monthoux, disantz que cy devant et de tous temps ceulx dudict Sales ont heust leur Curé, lequel fesoit son habitation ordinaire dans la cure dudict lieu et administroit en toutes necessités et occasions a ceulx dudict Sales les sainctz Sacrementz; et c'est jusques il y a envyron cinq ou six annees, que M re Henry Lancod, dernier Curé de ladicte parrochiale, apres avoir gaigné quelque petit nombre des parroiessiens, il auroyt remis ladicte cure a M re Symond Ruptier lequel, du susdict consentement, auroyt uny ladicte cure avec celle de Cranves; en telle sorte que du despuis ilz ont estés contrainctz, la plus grand part du temps, d'aller audict Cranves ouir la saincte Messe, quoy que par ladicte union, il soit esté expressement convenus (sic) que les jours de feste et Dimenches l'on celebreroit une petitte Messe audict Sales, Oultre quoy, du despuis les suppliantz ont estés contrainctz d'aller fere baptizer leurs enfantz audict Cranves, et dudict Cranves fere apporter les sainctz Sacrementz aux mallades, et fere benir le jour de la Purification les chandoielles audict Cranves; quoy que audict Sales ilz aient leur eglise asses [110] commode pour ceulx dudict lieu, mesmement il y a un honneste revenu pour l'entretient d'un prebstre..

  A024001137 

 Et les suppliantz prieront Dieu pour V. S., Monseigneur, tous les jours de leur vie..

  A024001163 

 Nous appliquons volontiers Notre attention à ce qui augmente le culte divin et procure plus heureusement la consolation spirituelle des paroissiens, pour les églises soumises à Notre autorité, surtout pour celles qui ont le privilège de la charge des âmes.

  A024001163 

 Or, la teneur de la demande adressée de la part de Notre cher fils, noble Gaspard de Lucinge, patron de l'église de Sales, sous le vocable des Saints Ferréol et Ferruce, et de nos chers fils les membres de la communauté du même lieu (demande signée par l'honorable Pierre-Louis Garbillon, procureur demandeur près le tribunal de Notre diocèse), contenait ce qui suit:.

  A024001164 

 L'église paroissiale de l'endroit susnommé, dépend de celle de Cranves, et lui a été unie pour toujours au su de tout le monde; d'un autre côté, le récent recteur des dites paroisses étant mort hier, son décès rend vacantes les deux églises paroissiales.

  A024001164 

 Posé que, par suite de son absence, la charge des âmes a été exercée dans l'église [112] de Sales avec peu d'exactitude et de bienséance depuis l'union, et que les saints Sacrements de l'Eglise n'ont pu être administrés aux paroissiens de Sales qu'avec de grandes incommodités pour eux; posé en outre que les fruits et revenus de cette église paroissiale suffisent à l'entretien convenable d'un recteur, et que, l'union dissoute, les revenus ainsi séparés et disjoints pourront être à l'avenir appliqués en particulier à chacun de leurs futurs recteurs; posé enfin qu'il y aurait ainsi respectivement consolation spirituelle pour les paroissiens de ces églises, augmentation du culte divin, et aussi de dignité et de lustre pour celle de Sales, les revenus annuels des deux églises devant être par ailleurs plus sûrement conservés et même accrus:.

  A024001165 

 En sorte que dorénavant il sera permis aux futurs recteurs de l'église paroissiale de Sales, lesquels dans l'avenir en seront légitimement pourvus par Nous, Nos successeurs ou le Siège Apostolique, d'user, posséder, et jouir librement de ces revenus, et de les employer à leur avantage et utilité, sans la permission du futur recteur de l'église de Cranves et de ses successeurs.

  A024001165 

 Nous accordons l'investiture au recteur de Sales pour pouvoir et devoir assumer toutes les obligations, offices et charges d'un recteur indépendant (ce à quoi Nous le considérons comme tenu), et, pour que soit donnée satisfaction le plus tôt possible aux pieux désirs du patron et de la communauté de Sales, que ladite dissolution obtienne son effet..

  A024001165 

 Nous donc, qui, parmi les autres obligations de Notre charge, n'estimons pas de mince importance celle-ci (c'est-à-dire l'accroissement du culte divin et la consolation spirituelle des paroissiens), et croyons qu'elle sera agréable au Dieu très bon et très grand: Nous montrant favorable à la requête du patron et des habitants de Sales, après avoir fait une enquête sur la vérité des choses y contenues et pris connaissance du consentement de Notre administration [113] fiscale, de par Notre autorité ordinaire, Nous dissolvons et révoquons, dès maintenant et pour toujours, l'union, jadis faite par Nous, des églises paroissiales de Cranves et de Sales.

  A024001165 

 Nous démembrons et séparons pareillement les fruits respectifs de ces églises, et appliquons, unissons et incorporons à perpétuité à celle de Sales les revenus qui lui appartiennent, comme séparés et désunis des revenus de l'église paroissiale de Cranves.

  A024001182 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur.

  A024001183 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte ci-dessus écrit, reçu et signé par le notaire ducal Besson, et avoir très attentivement examiné toutes les choses y contenues, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et ce qu'il contient, comme par la teneur des présentes, Nous le confirmons, approuvons et ratifions, et lui accordons force et solidité inviolable, suppléant par ailleurs à tous les défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et à chacun d'eux en particulier..

  A024001192 

 Qu'en reservant au sieur Curé ou vicaire perpetuel des Alinges, sur les biens ecclesiastiques qu'il possede en la parroisse desditz Alinges, la portion congrue de mesme valeur qu'on l'a determinée pour les autres sieurs Curés du balliage de Thonon, tout le reste desditz biens fut affecté a la mense de la præpositure dudit Montjoug; sauf que s'il se treuve que ledit sieur Curé ayt fait des reparations utiles pour ladite cure et eglise des Alinges qui surpassent les revenuz qu'il a perceuz en ce benefice, ses autres legitimes charges supportées, on y aura esgard pour l'en recompencer a ditte d'expertz..

  A024001202 

 Et cependant, enjoignons que la recepte tant desdites censes que dudit vin [118] se face par homme resseant, a ce choysi par le sieur Curé, et les scindiqs, par devant lesquelz il rendra compte de l'emploite, et sera de plus ledit sieur Curé [obligé] Nous tenir adverti d'an en an d'icelle emploite..

  A024001202 

 Et quant a l'employte de l'argent provenant desdites censes, comm'encor de l'argent provenant du vin des vignes mentionnees, Nous ordonnons qu'elle soit faite, tant pour les reparations, ornemens et ustensiles sacrés de l'eglise, que pour l'erection de la chapelle du Saint Rosaire, pour sept ans; apres lesquelz, si l'eglise se treuve en terme quil ne soit plus besoin d'y appliquer lesditz revenus, dont les remonstrans feront apparoir, sera prouveu par l'authorité ordinaire, ainsy que de rayson.

  A024001202 

 Les capitaux des censes mentionnees seront jointz au renfort de monoye, et de toute la somme se tirera la cense a forme des Editz de Son Altesse; et quant aux censes escheües pour cinq ans seulement, selon la mesme forme.

  A024001206 

 Revu sur l'Autographe conservé dans les Archives paroissiales de Jarsy (Savoie)..

  A024001223 

 Comme ainsi soit que anciennement les scindiques et communisses de la paroisse du Grand Sainct Felix eussent voué la feste de monseigneur sainct Gras, Evesque d'Aouste, comme deuement en rapportent tous les dicts communisses anciens, et qui l'ont veu observer et l'ont observé comme le Dimanche jusques quelques annees: maintenant, quelqu'uns la solemnisent comme le Dimanche, selon le vœu, et les autres a leur devotion; tellement que ledict vœu n'est observé.

  A024001223 

 Que fait croire auxdicts scindiques et communisses que Dieu ni laissera telle faute a punir, comme l'on voit et on a veu cette annee passee, que les limassons, bec aigu qu'on appelle cornillon, ont gaté une grande partie des bled (sic) et commencent encor en l'annee presente a manger les bled semmés; que fait recourir le pauvre peuple a Dieu et a monseigneur sainct Gras, Evesque..

  A024001224 

 Or est il que ce jourdhuy, septiesme jour du mois de septembre mil six cent et dix huict, le jour de la feste de monseigneur sainct Gras, par devant moy soussigné, R d M re Pierre de Montfalcon, chanoine de Sainct Pierre de Geneve, Surveillant en ledict Evesché et Curé dudict Sainct Felix, sçavoir: honnorable Claude Poncet, [120] Jean Linollat, Pierre Burdet, Santhon Sathod, scindiques dudict Sainct Felix (les peres ont authorizé leurs fils pour cet effect); noble Pompé Millet, seigneur de la Chapelle, ......................................................................

  A024001226 

 Afin luy plaise (à saint Grat) estre leur advocat et procureur devant la Majesté divine, proteger leurs personnes et biens, comme prés, terres, maisons, granges, arbres et tous fruitz en provenant, soit semé ou a semé, semable ou non, servant a la nourriture du genre humain, n'estre mangé ni deffaict par les bestes bruttes, ni par autres quelles qu'elles puissent estre; ains qu'il plaise a Dieu et a monseigneur sainct Gras les chasser de nos terres, ou pour le moins qu'elles ne mangent les fruitz ni autres [choses] servant a la pauvre populasse..

  A024001227 

 Supplions et requerons, tous les scindiques et communisses dudict Sainct Felix, Monseigneur l'Evesque et Prince de Geneve, leur Prelat et bon Pasteur, vouloir approuver, auctorizer leur dict vœu, le priant encor y vouloir adjouster ou diminuer ce qu'il luy plaira, laissans cela et le tout a sa correction et auctorité; promettant tous lesdicts scindiques [et] communiers presens dudict Sainct Felix ne vouloir revoquer ni faire revoquer leur presente volonté par autruy ni par eux mesmes, mais bien observer ledict vœu de tout leur pouvoir, et le faire observer par leurs enfans, serviteurs et servantes..

  A024001243 

 Supplie humblement messire Jean Mocand, Cure en la parroesse de l'abbeie de N. Dame d'Abondance, il vous plaise permettre [122] que la Confrerie du tressainct Nom de JESUS soyt erigee en son eglise, pour la correction et extirpation des vices et pechés des blasphemes, juremens, mauvaises imprecations, maledictions et mensonges, et que ceux qui s'y feront inscrire, observant les regles et Statutz d'icelle, joyssent de ses graces et privileges, a la plus grande gloyre de Dieu, salut de leurs ames et ædification de leurs prochains..

  A024001244 

 Nous appreuvons l'erection de la Confrerie mentionnee, exhortans tous les parroissiens de sy enroller et tascher de bien proffiter pour la fin a laquelle elle tend..

  A024001258 

 Supplient tres humblement Reverend messire Jean Viret, Curé, et les venerables messires Thomas Grez, Jaques Nacot, Guido Perret, Louys Galey, Nicolas Nacot, Estienne Pinard, Pierre Pajact, Altariens de l'eglise de Rumilly, remonstrant: [123].

  A024001259 

 Que lesdictz Altariens ayant si peu de revenu qu'il (sic) ne se peuvent entretenir au service de ladicte eglise, ainsy que leur devoir et volonté seroit, ilz sont contraincts d'aller en divers endroicts servir des autres eglises circonvoisines; en suitte déquoy ladicte eglise de Rumilly demeure destituee des Offices qu'il seroit convenable y estre faict, attendu les anciennes coustumes et la qualité du lieu et habitantz et bourgeoys d'iceluy..

  A024001260 

 Comm'encor, qu'ez grosses festes esquelz (sic) multitude de peuple vient a la saincte Communion, le sieur Curé et son Vicayre ne peuvent suffire a recevoir les confessions des penitentz ainsy qu'il seroit requis, et les autres ecclesiastiques se trouvantz absentz, ou ne se tenantz pas obligé a la charge pastoralle, plusieurs ames demeurent frustrés (sic) de leurs bons désirs et en la reception des saincts Sacrements..

  A024001262 

 Pour a quoy remedier, il sembleroit estre expedient que le revenu de la cure, qui est asses ample, fust uny a celuy de la communauté desdictz Altariens, apres toutefois la mort dudict sieur Curé, sauf vingt coppes de bled, froment et seigle, mesure de ceste ville, que des a present lesdictz Altariens percevront par les mains dudict sieur Curé pour faire le service divin d'heu a sa charge; et que le nombre d'iceux fust limité, en sorte que tous puissent faire residence, avec obligation d'assister aux Offices et cooperer a la charge pastorale, ainsy que par les reiglements qu'il plairoit a Vostre Seigneurie Reverendissime en faire il seroit ordonné..

  A024001268 

 Nous avons ordonné qu'elles seront l'une et l'autre enregistrées au greffe de l'Evesché, avec Nostre present Decret, par lequel Nous ordonnons de plus, qu'il sera par Nous, ou Nostre Official et Vicaire general, procedé aux formalitées præparatoires a l'union suppliée; et qu'en suitte de ce, tant les deux requestes que le present Decret seront affigés, par copie dheuement expediée, aux grands portes de l'eglise de Rumilly, et y sera ladicte copie trois sepmaines durant, pour servir de signification a tous quil appertiendra et qui porroient pretendre interestz en l'union requise, affin que nul n'en puisse pretendre cause d'ignorance..

  A024001268 

 Recevons la presente requeste et les consentemens en icelle contenus, comm'encor celle des sieurs Scindicqz de la ville de Rumilly.

  A024001279 

 Supplient tres humblement les Scindicz, Conseilliers et habitantz de [la ville] et parroisse de Rumilly, disantz:.

  A024001280 

 Qu'estantz les Altariens de leur eglise [contraints], par la petitesse [125] de leur revenu, d'aller servir aux autres parrochiales pour en tirer quelque plus grand secour a leurs necessités, ladicte eglise [demeure] presque a l'ordinaire, mais principalement aux festes solemnelles, destituee [des] Offices qui luy sont convenables, tant pour l'edification du grand peuple [qui y] concourt, consequence des anciennes et si sainctement establies coustumes et qualité du lieu; le tout au scandale des voisins et notable prejudice du [service de] Dieu, ne pouvantz le Curé et Vicaire du lieu tout seulz satisfaire a l'administration des Sacrementz a si grande multitude de peuple..

  A024001281 

 Outre que par la [négligence desdictz Altariens, qui n'ont aucune correspondance avec les dicts [sieurs] Curé et Vicaire, il sur vient tous les jours des divisions dans ladicte eglise [pour] empescher tout ordre et bonne reigle en icelle..

  A024001282 

 A quoy desirantz apporter [remède les] sieurs Curé et Altariens, et pour ce faire presentent a Vostre Seigneurie R[évérendissime] l'expedient en la requeste cy joincte, pour l'union du revenu de la c[ure à la] communauté de ladicte eglise, soubs les conditions et bonnes reigles qu'[il plaira] a Vostre Seigneurie Reverendissime prescrire pour l'advenir..

  A024001283 

 Les suppliantz [aussi], joincts de zele, d'affection et d'interestz en si bon dessain avec leur Cu[ré et] le reste de leurs ecclesiastiques, recourent a vous, Monseigneur, a ce qu'en continuation du soing qu'il vous a tousjours pleu de pr[endre] de ceste ville et parroisse, vous ayes encore aggreable de luy procurer [l'union] susdicte, avec les provisions necessaires pour la restauration du service [de Dieu] et des ames en ladicte eglise..

  A024001286 

 Par commandement de messieurs les Scindicz et Conseilliers de la dicte Ville,.

  A024001288 

 Sera prouveu aux fins portées par la requeste, ainsy que par le Decret aujourdhuy mis au bas de la requeste du R. Curé et des venerables Altariens tendante a mesme [fin], auquel les sieurs suppliantz pourront avoir recours, icelluy estant enregistré au greffe episcopal.

  A024001292 

 Revu sur les originaux insérés dans le Registre de 1613-1622,.

  A024001306 

 J'ai aussi accordé à tous les fidèles du Christ qui le visiteront aujourd'hui, un an, et à ceux qui le visiteront au jour anniversaire de sa consécration, quarante jours de vraie Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024001313 

 Nous permettons la celebration de la sainte Messe en l'oratoire basti au pied de la montaigne, en la parroisse de Moÿ, par le sieur Thomasset; commettans pour la benediction du lieu le sieur Prieur de Rumilly ou le P. Gardien des Peres Capucins de Rumilly; a la charge que ledit sieur Thomasset ne laissera pas pour cela de rendre son devoir en l'eglise parroissiale du lieu, et que ladite celebration ne se fera en icelle chapelle les festes de commandement et jours dominicaux, sinon par le gré du sieur Curé du lieu..

  A024001326 

 Neantmoins, s'arrestant suz sa chiganerie, sellon sa coustume, les trois Reverendz seigneurs suz nommés, par accord mutuel des deux parties, ordonnerent que Reverend messire Bernard de Monpithon retireroit pour une fois trois coppes de froment, et quil bailleroit les autres trois audict M re Querlaz; lequel neantmoins, après avoir accepté cest accord faict au prejudice dudict Gaspard Querlaz, refuse de paier lesdicts trois coppes de froment, menaçant de pres ledict M re Querlaz, et encour de supercidie de ses parens..

  A024001326 

 Or, les six ans estantz expirez, ledict Rev. messire Gaspard Querlaz a prié ledict R d Bernard de Montpithon de desister de faire plus l'office et percepvoir lesdictes six coppes de froment, dautant quil est en aage et qualité de faire sa charge dans ladicte chapelle.

  A024001327 

 Surquoy recourt aux fins quil vous plaise de decreter que ledict M re Querlaz fera l'office dheu a sa chapelle, ou fera faire par les Rev. Prestres de Sainct Paul, ses compagnons, au mesme lieu de Sainct Paul, veu que ladicte chapelle n'a aucun autel erigé dans l'eglise de Thonon depuiz l'heresie.

  A024001338 

 Supplient en toutte humilité les paouvres et desolés manantz et habitans du village de Tullyer, disantz, comme lhors du restablissement de la religion catolique en Chablais, la cure dudict Tuilier estoit teneue et reputée (comme en effect elle est encores de present) pour l'une des meillieures et riches cures quil y aye en Chablais, et l'esglise des mieux ornée et en bon estat..

  A024001339 

 Cependant, au lieu d'accroistre la devotion auxdicts suppliants et leur laisser ladicte esglise parrochiale en l'estat qu'elle estoit, avec sa cloche de mestail, portes, ferrures et vitriades, nescio quibus actibus, feu messire Jehan Petitjehan, surnommé Pierasset, des Prestres de la Sainte Maison de Compassion, auroit, avec beaucoup de compassion des paouvres suppliantz, faict descouvrir ladicte esglise, qui estoit couverte de tuilles a couppes, et icelles faict transmarcher avec les poultres, sommiers et lattes au lieu de la patenerie; reclamantibus, lacrimantibus et contradicentibus lesdictz paouvres suppliantz, de veoir descouvrir leur esglise et emporter les portes et ferrures pour couvrir et approprier a une patenerie.

  A024001339 

 Exemplo perniciosissimo, heu mesme esgard que telle esglise avoit esté consacrée, et qu'a present elle est le repaire des animaulx, et en tel estat (a correction) que les cheveux dressent a ceulx qui l'ont veu auparavant en si bon estat, se taisantz des vitriades, pour ne sembler voulloir advancer le prouverbe: Quod non capit Christus, rapit fiscus.

  A024001353 

 Sur la remonstrance qui nous a esté faite par les parroissiens de Lully, tendante aux fins que le sieur Curé de Fessi envoye chasque jour de Dimanche et feste de commandement son vicaire en leur eglise pour y celebrer la sainte Messe au matin, en faveur de plusieurs personnes qui, pour quelques incommodités, ne peuvent se transporter a l'eglise dudit Fessi; s'offrans iceux parroissiens de tenir [133] ladite eglise de Luly couverte, bien entretenue et meublee a cet effect:.

  A024001354 

 Nous commettons les sieurs de Blonnay, Prsefect de la Sainte Mayson, et le sieur Chatillon, Plebain de Thonon, avec pouvoir d'associer tel autre ecclesiastique que bon leur semblera, pour voir de l'incommodité et commodité de la proposition et requisition faite par ceux de Luly, ouïr le sieur Curé de Fessi et lesditz parroissiens, et regler le tout selon qu'ilz verront a faire pour la plus grande gloire de Dieu; et du tout Nous donner advis..

  A024001364 

 Sur la remonstrance a Nous faite a Thonon, tendante aux fins que les ecclesiastiques de la Congregation de Nostre Dame de Thonon ayant a faire celebrer la sainte Messe, et faire la station accoustumee dans le diocese pour les fideles trespassés dont les cors reposent au cimitiere de Saint Bon: Nous commettons les sieurs de Blonnay, [134] Prefect, et de Chatillon, Plebain, pour voir ce qui sera plus a la gloire de Dieu, et ordonner de Nostre part ce qui devra estre observé pour ce regard; et s'il y a de la difficulté, Nous renvoyer leur advis, sur lequel Nous puissions prouvoir..

  A024001417 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au Très Révérend M. Charles-Emmanuel Ginod, Doyen de l'église de Belley, salut abondant dans les entrailles du Christ..

  A024001418 

 Puisque donc vous désirez, étant donné le voisinage immédiat du diocèse de Belley et du Nôtre, distribuer parfois le [139] pain de la parole de Dieu et exercer les autres fonctions sacrées aux ouailles et dans les églises à Nous confiées, selon l'opportunité des évènements et des temps, sachant que vous avez pour vous l'exemple d'une bonne vie et une parole saine et irréprochable, Nous vous accordons dans le Seigneur, par la teneur des présentes, la faculté de prêcher dans Notre diocèse, de chasser les démons par les.

  A024001418 

 Toute la Loi et les Prophètes enseignent que c'est faire chose très agréable à notre Dieu que de se prêter charitablement secours entre voisins.

  A024001418 

 exorcismes de l'Eglise et d'absoudre les pénitents en confession, afin que, comme dit l'Ecriture, vos sources se répandent au dehors, et que vos ruisseaux coulent sur les places publiques.

  A024001436 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux Révérendissimes dans le Christ les Ordinaires des lieux et tous autres auxquels parviendront les présentes, salut abondant dans le Sauveur Jésus..

  A024001437 

 Jean-François de Sales, Notre frère et chanoine de Notre église cathédrale, voulant aller à Paris pour des raisons connues et approuvées de Nous, par les présentes, pour cela signées de Notre main et munies de Notre sceau, Nous certifions et témoignons, autant qu'il est en Nous, que c'est un prêtre exempt de toute censure ecclésiastique et partant digne de toutes les marques d'une chrétienne et sincère dilection..

  A024001454 

 Aussi, devant sa requête de vouloir servir Dieu et l'Eglise hors de Notre diocèse, Nous lui avons accordé ces testimoniales dimissoires, par lesquelles Nous souhaitons et demandons que tous les serviteurs du Christ, inférieurs et supérieurs, le considèrent comme à eux recommandé..

  A024001454 

 Nous certifions par la teneur des présentes que le vénérable et à Nous cher dans le Christ M. Henri Barbier, prêtre de Notre diocèse, a été promu selon toutes les règles canoniques, est libre, à Notre connaissance, de toute censure ecclésiastique, n'est entaché d'aucune infamie ou vice répréhensible; bien mieux, a été approuvé, par Nos examinateurs synodaux, pour l'administration des Sacrements.

  A024001466 

 Pour ces causes, lesquelles Nous sont notoires, heu esgard de ladicte vieillesse du suppliant, et a la longueur du service rendu bien et deubuement a ladicte parrochiale d'Arit, comm'aussy a l'inegalité des benefices eschangés et mentionnés [143] cy dessus, Nous avons ordonné audict messire Blanc, de retirer, nourrir et entretenir convenablement ledict messire Pierre Rouffillie le reste de sa vie durant, sur les fruitz et revenus de ladicte cure d'Arit, lesquels Nous chargeons pour les mesmes causes de l'entretenement dudit messire Pierre Rouffillie, saufz audict messire Jehan Claude Blanc et a ses successeurs, s'il y eschoit, de se prevalloir de ladicte chappelle eschangee, pour fere partie dudit entretenement..

  A024001479 

 Nous commettons par ces presentes, signees de Nostre main et seellees de Nostre seel, venerable sieur Scipion Machet, curé de Saint Julien, pour informer, appeller, [instruire] toutes procedures, jusques a sentence definitive exclusivement, es contraventions des festes et autres commandemens de Dieu et de la sainte Eglise dont la connoissance appartient a Nostre authorité episcopale, ou purement ou mixtement; et ce, en ce qui regarde les laicz tant seulement..

  A024001498 

 Nous accordons le pouvoir d'administrer à son gré les Sacrements dans Notre diocèse, toutes les fois qu'il en sera prié par une église paroissiale, pouvoir qui durera aussi longtemps qu'il paraîtra bon à Nous ou à nos successeurs..

  A024001534 

 Nous accordons le pouvoir de distribuer la parole de Dieu et de conférer les Sacrements dans Notre diocèse, aux conditions ordinaires, au Révérend M. Louis Chevrier, prêtre légitimement promu par Nous..

  A024001555 

 Nous prions en [148] outre, le R me Evêque auquel vous vous serez adressé, de vous conférer les Ordres susdits, pourvu que, surtout lorsque vous voudrez être promu au sous-diaconat, il vous reconnaisse les mœurs, la vie, l'honorabilité, la science et le titre ecclésiastique ou temporel qui sont requis: ce que Nous remettons à la conscience du dit R me Evêque..

  A024001555 

 Nous savons par le témoignage d'hommes très graves que, rentré, par la souveraine miséricorde du Christ notre Seigneur, dans le sein de notre sainte Mère l'Eglise Catholique, vous désirez être promu aux Ordres ecclésiastiques, et que vous ne pouvez, sans grands inconvénients pour vous, venir les recevoir de Nous.

  A024001555 

 Nous vous accordons pleine liberté de recevoir la cléricature, les quatre Ordres mineurs et même les majeurs, sous-diaconat, diaconat et prêtrise, de n'importe quel Pontife en communion avec le Saint-Siège Apostolique.

  A024001576 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, l'Archevêque ou l'Evêque en communion avec [149] le Siège Apostolique, à qui les présentes seront remises, salut abondant dans le Seigneur..

  A024001577 

 Mais comme il ne peut arriver commodément jusqu'à Nous, soit à cause des troubles apportés par la guerre, soit à cause de la distance qui sépare sa résidence de la Nôtre, sans grand dommage pour sa bourse et surtout pour ses études: c'est pourquoi, Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, avec tout le respect qui convient, Nous vous déléguons à Notre place, vous accordant le pouvoir de conférer tous les Ordres au dit Pierre Godet, et à lui de les recevoir, en observant cependant tout ce qui est requis par le droit, excepté les interstices, au sujet desquels, si cela voas agrée, vous pourrez dispenser.

  A024001577 

 Mais, avant toutes choses, vous vous assurerez des Lettres Apostoliques par [150] lesquelles il se dit envoyé à Nous pour recevoir tous les Ordres.

  A024001577 

 Notre bien aimé dans le Christ Pierre Godet, de Neufchâtel, du diocèse de Lausanne ou Bâle, Nous a exposé que, pour certaines raisons, le Saint-Siège Apostolique l'a envoyé vers Nous pour recevoir tous les saints Ordres.

  A024001597 

 Nous accordons par les présentes pleine faculté à ce R me Prélat de vous conférer, et à vous de recevoir de lui, les Ordres en question..

  A024001597 

 Vous pouvez légitimement recevoir la tonsure et les Ordres mineurs de n'importe quel Illustrissime et Révérendissime Archevêque ou Evêque catholique que vous préférerez choisir, et qui exerce effectivement son office et soit en communion avec le Siège Apostolique, sans tenir compte des interstices, et malgré le defectus natalium qui vous atteint, au sujet duquel Nous vous dispensons, pourvu que vous soyez reconnu idoine, ce que Nous laissons au jugement de l'Illustrissime et Révérendissime Ordinant.

  A024001621 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ François de l'Espine, Chanoine prêtre de l'Eglise cathédrale de Genève, salut et dilection dans les entrailles du Christ.

  A024001624 

 En vertu [154] donc de ces Lettres, vous devrez les visiter au moins deux fois chaque année; s'il existe quelque lacune, vous la ferez combler, ou quelqu'abus, vous le ferez rentrer dans l'ordre; si parmi les fidèles quelque correction ecclésiastique est nécessaire, vous l'infligerez, et s'il est besoin d'une correction plus énergique vous en déférerez à moi-même..

  A024001624 

 Je remets donc, et, autant qu'avec l'aide du Seigneur je le peux, j'impose à votre soin particulier et à votre sollicitude les églises dont vous trouverez ci-après les noms.

  A024001625 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents des cas à Nous réservés; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal quand il y aura nécessité ou toute autre cause légitime; commuer les vœux, mais non cependant en dispenser; bénir et consacrer les ornements, vases, corporaux et autres objets à dédier à Dieu, quand le saint chrême ne sera pas nécessaire..

  A024001627 

 Cependant, afin que les intéressés sachent que vous avez le pouvoir de remplir les fonctions indiquées plus haut, Nous avons signé de Notre propre main et ordonné l'apposition de Notre sceau..

  A024001650 

 C'est pourquoi je remets et, autant qu'avec l'aide de Dieu je le puis, j'impose à votre soin particulier et à votre sollicitude les églises paroissiales dont vous trouverez ci-après les noms.

  A024001650 

 En vertu donc de ces Lettres et en mon nom, vous devrez les visiter au moins [157] deux fois chaque année; s'il existe quelque lacune, vous la ferez combler, ou quelqu'abus, vous le ferez rentrer dans l'ordre; si parmi le clergé ou les fidèles quelque correction ecclésiastique est nécessaire, vous l'infligerez avec de salutaires paroles et avertissements.

  A024001650 

 Quand les monitions seront sans effet, vous en défèrerez le plus tôt possible à moi-même, afin que je puisse employer une correction plus énergique..

  A024001651 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents sincères de ces paroisses des cas à Nous réservés; commuer leurs vœux, non cependant en dispenser; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal, quand il y aura nécessité ou autre cause légitime.

  A024001651 

 Vous pourrez aussi consacrer et bénir les ornements, vases et autres objets à dédier à Dieu, dans la bénédiction desquels n'intervient pas l'usage du saint chrême, et même les corporaux..

  A024001652 

 Nous donnant un mutuel appui, et comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et chacun aura d'autant plus d'assurance qu'il s'appuiera avec plus de confiance sur l'autre, jusqu'à ce que, avec l'aide de Dieu, Prince de tous les pasteurs, nous qui participons à ses labeurs, ayons part à ses consolations..

  A024001653 

 Cependant, afin que tous les intéressés sachent que vous pouvez remplir ces fonctions et user des pouvoirs susdits, Nous avons signé ces lettres de Notre propre main et Nous ayons pris soin d'y faire apposer Notre sceau.

  A024001682 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique [160] Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001706 

 A tous ceux qui verront les présentes Nous attestons que le Révérend M. Louis de Perrucard, Abbé commendataire du Monastère de Chézery, de l'Ordre, de Cîteaux, dans Notre diocèse de Genève, Nous a demandé, avec toute l'humilité convenable, d'accorder [162] un témoignage authentique et basé sur la vérité, au sujet de la naissance, de la foi, de la vie, des mœurs et de la doctrine de Notre bien aimé dans le Christ M. Gaspard de Perrucard, qu'il désire voir notre Très Saint Père le Pape lui donner et assigner comme coadjuteur dans le gouvernement du dit Monastère, avec future succession..

  A024001728 

 Il Nous a été très agréable que la Congrégation des prêtres du district d'Evian, établie avec Notre approbation, vous ait choisi pour visiter, selon ses Règles approuvées aussi par Nous, les [166] églises et les personnes ecclésiastiques de tout le district qui sont soumises à la juridiction épiscopale.

  A024001728 

 Nous commandons [167] à tous ceux que cela regarde, d'écouter les corrections que vous ferez et d'exécuter ce que vous aurez conseillé, car votre piété, votre zèle et votre prudence Nous sont un sûr garant que vous vous acquitterez de ces offices pour la gloire de Dieu..

  A024001728 

 Nous vous accordons par les présentes le pouvoir de faire chacune de ces visites et d'ordonner ce qui vous semblera opportun.

  A024001750 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, et exerçant les pontificaux dans l'Eglise cathédrale du Monastère nullius diœcesis de Notre-Dame de Pignerol, province de Turin, du consentement du commendataire, l'Illustrissime et Révérendissime Cardinal Borghese..

  A024001751 

 Par les présentes Nous annonçons et déclarons son ordination.

  A024001776 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001777 

 Il y a quelques années, Claude Boucard, de Verdun, alors Religieux de la Compagnie de Jésus, abandonna, par suite de la fragilité de l'esprit humain, l'Eglise Catholique pour l'hérésie de Calvin, et demeura ainsi quelque temps au bord des fleuves de Babylone, dans les tentes des hérétiques.

  A024001780 

 Alors, comme conséquence, en vertu du pouvoir Apostolique à Nous concédé et commis pour cette affaire, Nous avons absous le même Boucard selon toutes les règles et prescriptions des lois et du droit, dans le for intérieur et extérieur, de toutes les censures, absolument, par lui encourues à cause de son hérésie; Nous l'avons ensuite, en vertu de la même autorité, dispensé au sujet des irrégularités par lui contractées; enfin, Nous l'avons libéré entièrement du lien du vœu simple qu'il avait émis dans la Compagnie de Jésus, déclarant, comme Nous le déclarons par les présentes, qu'il n'est plus tenu dorénavant par aucune des lois de la Compagnie de Jésus, mais qu'il doit être considéré par tout le monde comme un vrai clerc et prêtre séculier, capable et participant de tous les privilèges concédés aux prêtres légitimes et honnêtes.

  A024001781 

 Bien au contraire, Nous exhortons vivement tous les chrétiens du monde à exercer tous les offices possibles de charité envers celui qui est maintenant le Révérend M. Claude Boucard, prêtre et docteur en théologie, de même que Nous le bénissons du fond du cœur par les prières que nous adressons pour lui au Dieu tout-puissant..

  A024001782 

 Et pour que tout ce qui précède soit certifié d'une manière indubitable, Nous avons signé les présentes et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir du sceau dont Nous Nous servons dans les cas semblables..

  A024001799 

 A tous ceux à qui parviendront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001818 

 Nous avons déclaré, comme Nous le faisons par les présentes, que pendant tout ce temps il ne peut être obligé ou tenu à porter l'habit religieux ou à obéir aux Supérieurs réguliers..

  A024001825 

 Pour terminer le different survenu entre les venerables Seurs Prieure et Religieuses Carmelites deschaussees de Dijon d'une part, et D lle Seur Jeanne Chevrier d'autre [178] part, sur ce que ladite Dlle Chevrier demandoit restitution de l'habit de Novice de l'Ordre desdites Carmelites, qu'elle disoit luy avoir esté osté ... par lesdittes Prieure et Religieuses: elles ont ce jourdhuy declairé par devant moy, notaire royal soussigné, en presence des tesmoins au bas nommés, et par l'advis de R. P. en Dieu M. François de Sales, Evesque de Geneve, que dautant que ladite Dlle Jeanne Chevrier est leur bienfactrice, les ayant appellees, receues et logees en sa mayson de cette ville de Dijon, et qu'en trois ans qu'elles l'ont gardee entr'elles elles l'ont reconneüe fort vertueuse, devote et affectionnee a leur Ordre, elles consentent que l'habit dudit Ordre luy soit redonné, pour iceluy porter par devotion tant qu'elle voudra.

  A024001851 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; Frère Jean Migniot, maître en sacrée théologie et humble Gardien de la maison des Frères de Saint-François, appelés de Saint-François de l'Observance, de [181] la ville de Cluses, diocèse de Genève; Jean Favre, docteur en l'un et l'autre droit, Prieur commendataire du prieuré de Notre-Dame d'Alondaz, chanoine de l'église de Genève, Vicaire et Official général, Commissaires apostoliques députés respectivement dans cette affaire par le Saint-Siège Apostolique: à tous et chacun qui examineront, verront, liront et entendront lire les présentes lettres, salut dans le Seigneur..

  A024001852 

 Ayant, par Nous-mêmes, vu, lu et examiné avec soin les Lettres Apostoliques à Nous respectivement adressées et à Nous transmises par le Siège Apostolique, les unes en forme de Bulles sub plumbo, datées de Tivoli, l'an de l'Incarnation du Seigneur mil six cent neuf, le sept des calendes d'octobre, la cinquième année du Pontificat de notre Très Saint Père le Pape, par la divine Providence Paul V; les autres en forme de Bref, sous l'anneau du Pêcheur, et datées de Rome, près de Saint-Pierre, le douze mars 1610, l'année cinquième du Pontificat du même Paul V, expédiées dans les règles, non viciées ni portant de ratures ou uspectes en quelque point, par le Révérend François Bochatton, prêtre de ce diocèse de Genève, obtenues du Saint-Siège Apostolique et à Nous présentées; [182] ayant aussi vu les dépositions de témoins et informations prises et reçues à l'instance du même Révérend François, desquelles il conste clairement, soit de ce qui est contenu et raconté dans les susdites Lettres Apostoliques, soit de la réclamation de ce même François faite secrètement et extrajudiciairement, ante quinquennii lapsum; ayant en outre observé la forme prescrite dans les susdites Lettres, appelé ceux qui devaient être appelés, vu ce qui devait être vu et considéré ce qui, d'après le droit, devait être considéré, ayant devant Nous le Révérend François en habit et tonsure de son Ordre:.

  A024001854 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précédent et de chacune en particulier, Nous avons fait rédiger ces présentes, signées par Nous, et les avons fait munir du sceau dont se sert le Révérendissime Evêque et Prince de Genève dans les cas semblables.

  A024001879 

 A vous tous qui avez été élus par vos Supérieurs pour prêcher la parole de Dieu ou administrer les Sacrements dans ce diocèse, Nous aussi vous accordons la même faculté, approuvant leur élection au nom du Seigneur.

  A024001893 

 Aussi, ceux que vous approuverez, Nous les approuvons; ceux que vous enverrez ainsi dans la moisson à Nous confiée, Nous les envoyons et les réputerons comme envoyés par Nous.

  A024001893 

 Comme vous avez coutume de mettre un grand soin à choisir parmi vous les Religieux destinés à prêcher l'Evangile et à administrer les Sacrements, Nous vous accordons, à vous et à vos successeurs, d'employer à ces ministères dans Notre diocèse, aux conditions requises, les prédicateurs et confesseurs par vous approuvés et désignés, convaincu que rien d'inconsidéré ne sera fait par vous en une si grave affaire.

  A024001907 

 Le Frère N. et le Frère N. voulant se rendre à Grenoble ou dans tels autres lieux où se trouve un couvent des Frères Mineurs de l'Observance régulière, vulgairement appelés Récollets, dans le but de s'affilier, si possible, à cette branche, Nous ont demandé de [188] les recommander par des lettres testimoniales auprès des Supérieurs de cette observance..

  A024001908 

 Aussi, condescendant à leurs vœux pieux, Nous certifions, par la teneur des présentes, que les susdits Frères N. et N., nés dans ce diocèse de parents catholiques, ont habité de longues années le monastère de Saint-François de cette ville comme Religieux profès, et n'ont donné, que Nous sachions, aucun scandale ni aux autres Religieux, ni aux fidèles de la ville, des bourgs ou des villages voisins; bien plus, ont répandu pareillement partout la bonne odeur du Seigneur, en sorte qu'ils semblent dignes de toute créance et charité..

  A024001914 

 Ayans sceu que le venerable Clergé du balliage de Gex de ce Nostre diocæse avoit fait choix de vostre personne pour, en son nom, vous acheminer et presenter aux Estatz, tant de Bourgoigne que generaux de France, qui, par le commandement du Roy, se doivent bien tost celebrer: Nous avons icelle election et nomination de vostre personne advoüee, appreuvee et ratifiee, comme par les presentes Nous confirmons, vous nommant aussi, entant [190] quil Nous compete, pour estre auxditz Estatz, dire, remonstrer, requerir et faire a Nostre nom et dudit Clergé de Gex dependant de Nostre charge, tout ce quil conviendra pour le juste soustenement et accroissement de tout ce qui regarde le saint service de Dieu et de l'Eglise audit balliage de Gex.

  A024001933 

 Comme, à ce qui Nous a été rapporté par un témoignage digne de foi, depuis déjà une année entière vous avez très religieusement vécu à Cusy, en administrant, avec Notre permission, les Sacrements et la parole de Dieu partout où vous étiez appelé: pour ce motif Nous vous accordons la faculté de séjourner à Cusy, d'y conférer les Sacrements et prêcher la parole de Dieu, ainsi que d'absoudre des cas à Nous réservés; faculté dont vous pourrez librement user dans tout Notre diocèse, pourvu que les recteurs des églises paroissiales y consentent.

  A024001950 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; à tous ceux qui verront les présentes Nous faisons savoir et, témoignons que, le jour, le mois et l'année ci-dessous, Notre bien aimé dans le Christ Claude Boucard a comparu devant Nous ici, à Grenoble, et Nous a demandé de [193] daigner l'absoudre, dans le for intérieur et extérieur, de l'excommunication et des autres censures et peines ecclésiastiques dont il s'avouait chargé pour crime d'hérésie et de profession d'hérésie..

  A024001951 

 Enfin, après lui avoir imposé une salutaire pénitence, Nous l'avons régulièrement et légitimement absous, dans le for intérieur et le for extérieur, de toutes les censures et peines qu'il avait en droit encourues à cause de son hérésie et profession d'hérésie, et Nous avons prononcé son absolution.

  A024001951 

 Nous l'avons entendu lire sa formule et abjurer, détester et anathématiser toutes les hérésies, surtout celle de Calvin.

  A024001963 

 L'an de l'Incarnation du Seigneur 1617, le 9 du mois de juillet, le Révérendissime seigneur FRANÇOIS DE SALES, Evêque de Genève, a consacré l'église des Frères Capucins de Thonon, et l'a dédiée au Bienheureux François et au Bienheureux Amédée; le même jour, il a consacré deux autels et les a dédiés à la Conception de la Bienheureuse Marie et au Bienheureux Charles [Borromée], après y avoir renfermé des reliques des Bienheureux Martyrs de la Légion Thébaine et des dix mille Martyrs, et une éponge imbibée du sang de saint Charles..

  A024001994 

 La pieuse Maison qui, au cœur du Mont-Joux, fut fondée par saint Bernard de Menthon, archidiacre d'Aoste, entretient et fournit, en vue de Dieu notre Sauveur, plusieurs Chanoines réguliers, et d'autres personnes sous leur direction, pour accueillir les pèlerins et tous autres voyageurs qui rencontrent d'ordinaire du danger çà et là, en passant des régions de deçà, en celles d'au delà des Alpes et réciproquement, à cause des furieuses tempêtes de neige [197] et de la violence incroyable du froid qui règnent sur ces sommets.

  A024001995 

 « Il est digne et convenable », en effet, que ceux qui procurent de quoi manger, boire et se loger aux voyageurs du monde entier qui se présentent, et qui les secourent de toute manière, soient à leur tour aidés par les personnes pieuses du monde entier..

  A024001996 

 C'est pourquoi le porteur des présentes se disposant, sur l'ordre de son Supérieur, à entreprendre le voyage de Belgique dans le but de quêter au milieu de ce peuple illustre, Nous aussi, dont le diocèse est limitrophe du célèbre Monastère susnommé, et qui connaissons vraiment les actes de charité qui s'y multiplient, Nous [198] recommandons chaudement ce porteur, dans les entrailles du Christ, à tous les Révérendissimes Evêques et autres révérends et vénérables ecclésiastiques, ainsi qu'aux autres fidèles.

  A024002008 

 Nous permettons de nouveau au Frère P. André de Constance de demeurer dans Notre diocèse, d'y exercer les fonctions sacrées, d'y administrer les Sacrements et d'y faire de pieuses exhortations au peuple, jusqu'à ce que par Nous soit autrement réglé.

  A024002047 

 Ne pouvant aucunement, à cause des malheurs innombrables [201] qui ont, à la suite des guerres, agité et comme accablé notre province, visiter personnellement les basiliques des saints Apôtres Pierre et Paul, et manifester extérieurement la vénération et l'obéissance que Nous avons jusqu'ici professées et qu'à l'avenir, avec l'aide de Dieu, Nous professerons toujours à l'égard du Saint-Siège Apostolique Romain; Nous prions Votre Révérence de vouloir bien se charger, puisque elle se trouve à Rome pour d'autres affaires de Notre diocèse, de remplir en Notre nom ces devoirs de visite ad limina et de prestation d'obédience.

  A024002064 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ..

  A024002065 

 Le vénérable couvent de Saint-Dominique de cette ville d'Annecy, dans Notre diocèse, couvent de l'Ordre des Frères Prêcheurs, ayant la coutume d'envoyer toujours quelqu'un de ses Religieux pour recueillir, suivant la Règle et l'usage de l'Ordre, les aumônes des fidèles, et l'état de ce diocèse et de tout le pays étant tel qu'on n'arrive pas à subvenir aux besoins des mendiants du Christ qui l'habitent: Nous signons de Notre main et munissons de Notre sceau ces lettres en faveur de Notre bien aimé dans le Christ, le Frère Jacques Chappaz, convers dudit Ordre, que le Révérend Frère Prieuret le vénérable Couvent de Saint-Dominique de [203] Notre diocèse ont décidé d'envoyer même hors de celui-ci, c'est-à-dire dans le pays de Fribourg et autres parties de la Suisse, pour implorer le secours des gens pieux, afin de pourvoir à l'entretien de la communauté et de réparer les ruines déjà subies dans leurs édifices.

  A024002065 

 Par ces mêmes lettres Nous désirons recommander et recommandons chaudement, dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, le quêteur, comme chrétien et Religieux mendiant, à tous les supérieurs et inférieurs, fils et disciples de l'Eglise du Christ..

  A024002119 

 Croyant pouvoir le faire en justice, vérité et sincérité, je déclare le faire par les présentes..

  A024002125 

 Nous FRANÇOIS DE SALLES, par la grace de Dieu et du Siege Apostolique Evésque et Prince de Genéve, aux bien ayméz en Jesus Christ, a celuy qui regie les affaires de la guerre pour la milice du Roy Catolique, et autres, [208] tant soldats qu'autres personnes a qu'il appartiendera, qui sont pour quelque temps ou qui demeurent dans ce dioceze: salut dans le Seigneur..

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002128 

 Et pour vous faire connoistre que tel est Nostre sentiment, Nous [avons] escript Nous mesme de Nostre main propre et signé les presentes..

  A024002152 

 Aussi, par Nos présentes lettres, Nous ordonnons sévèrement dans le Seigneur à tous ceux qui ont donné aide et faveur à un tel acte, et surtout à ceux qui ont agi ainsi contre l'immunité de l'église et Notre commandement, de rendre le soldat en question [211] à cette église et de le laisser jouir de l'immunité, et cela dans les vingt-quatre heures.

  A024002152 

 Dans ce cas, Nous les déclarons et retenons, en effet, ainsi excommuniés, par les présentes..

  A024002153 

 En foi de quoi, Nous avons souscrit de Notre main les présentes et les avons fait munir du sceau de Notre Evêché..

  A024002173 

 Nous en tenant à Nos précédents commandements, par lesquels Nous avions averti qu'Antoine Garcia, espagnol, arraché à l'église par la violence, devait être rendu à l'église, ou que ceux à qui il appartenait devaient dire pourquoi ils n'étaient pas tenus à cette restitution: Maintenant, après avoir attentivement examiné toutes les circonstances de l'homicide commis, et les raisons sur lesquelles [213] s'appuyait Son Excellence don Alphonse Carrillo, docteur et auditeur de la milice du Roi Catholique, demeurant actuellement dans ces régions, pour refuser de rendre à l'église le susnommé Garcia; par Notre sentence définitive Nous avons prononcé et prononçons ce qui suit:.

  A024002174 

 Nous avons enjoint à tous les juges séculiers et autres personnes à qui il appartiendra, de ne pas faire entourer l'église où sera réintégré ledit [214] Antoine Garcia, et de ne pas y mettre des gardes sous quelque prétexte que ce soit, par où l'immunité de l'église serait directement ou indirectement violée et le même Garcia s'en verrait privé..

  A024002191 

 FRANÇOIS DE SALES, etc., à tous ceux qui verront les présentes, salut et charité du Christ..

  A024002194 

 Cela est d'autant plus digne de louange qu'elle abandonnait ainsi, de son propre mouvement et volontiers, des richesses et des honneurs appréciables, dont devaient hériter les enfants par suite de la mort du père, préférant être abjecte et pauvre dans la maison du Seigneur, qu'habiter sous les tentes des pécheurs..

  A024002195 

 Nous avons écrit les présentes de Notre main, les avons signées et fait munir du sceau de Notre Evêché.

  A024002211 

 Pour des raisons à Nous connues et par Nous approuvées, Nous les dispensons des bans qui, par ailleurs, devaient être faits..

  A024002212 

 En foi de quoi, Nous avons écrit les présentes, les avons signées de Notre propre main et fait munir de Notre sceau,.

  A024002240 

 Nous permettons a messire Guillaume Josserand de [220] recevoir les promesses et celebration de mariage, et de donner la benediction nuptiale a Jaques Truitard et Peronne Triguet, sans proclamations, desquelles Nous les dispensons..

  A024002252 

 Supplie tres humblement M re Anthoenne Grandat, que puisque l'opposition qu'avoit estee formee par damoiselle Claudine Debyu a la proclamation du mariage contracté entre ledict suppliant et damoiselle Louyse de Bellegarde a estee vuydee par le sieur Vicaire general de Vostre R me [Seigneurie], ainsy que par sa sentence du dixiesme du courant cy joincte, il vous plaise luy permettre fere les esposiallies et benediction nuptiale dudict mariage dans le chasteau du pere de ladicte damoiselle de Bellegarde, ayant esgard a la distance de l'esglise et pour obvier des [221] bruictz et grandes indiscretions qui pourroit (sic) arriver et arrivent souvent en semblable cas..

  A024002255 

 Ayant veu la sentence mentionnee en la requeste, et consideré les raysons d'icelle et autres verbalement proposees, Nous avons permis et permettons la celebration dudit mariage estre faitte dans une mayson particuliere; a la charge neanmoins que la benediction se fera dans l'eglise parrochiale, entre les solemnités de la Messe, ainsy quil est porté en l'ordinayre Messel Romain, et toutes autres choses qui sont a observer estant observees..

  A024002265 

 Ayant oüy la relation a Nous faitte par les theologiens a ce deputés, Nous appreuvons l'edition de ce livret contenant [222] la Vie du glorieux saint Bernard de Menthon, comme conforme a la foy de l'Eglise.

  A024002279 

 Que le mariage se célèbre le matin et que les autres formalités requises par le droit soient respectées..

  A024002296 

 S'il conste de la dispense Apostolique au sujet de l'empêchement de consanguinité qui existe entre M. Claude de Chabod, seigneur de la Dragonnière, et M lle Claudine-Adrienne de Mouxy de Travernay, on pourra alors, et non autrement, célébrer le mariage, même sans les bans, dont Nous dispensons, en tenant compte cependant des autres formalités requises par le droit..

  A024002304 

 Le seigneur Baron de Chantal asseure qu'il a... mille escus de revenu, et fera voir par les testemens de messieurs ses grand pere et pere et par celuy de madame sa mere, que les terres qui luy font ce revenu-la ne sont point engagees en substitutions, et qu'il ny a pas d'autres debtes en sa mayson que ceux que madame de Chantal sa mere a declarés par sa lettre escritte a madame la Presidente Liotart.

  A024002328 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002329 

 Nous faisons savoir et témoignons qu'aujourd'hui, 19 juin 1618, dans Notre chapelle, selon les rites de la sainte Eglise Romaine, c'est-à-dire pendant la Messe et en tenant compte des autres conditions dè droit, Nous avons donné la bénédiction nuptiale au noble Roch Calcagni, de Plaisance, et à Marguerite de Chavanes, [226] née d'une noble famille de cette ville appartenant à Notre diocèse..

  A024002330 

 En foi de quoi, Nous leur avons délivré les présentes lettres, signées de Notre main et munies de Notre sceau, lettres qu'ils Nous avaient demandées..

  A024002348 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut..

  A024002349 

 Nous faisons savoir et témoignons que notre bien aimé dans le Christ M. Alexandre Gauttier, seigneur de Beauregard, de Paris, aujourd'hui même a comparu devant Nous, et, après avoir abjuré [227] comme il convenait, toutes les hérésies, mais surtout celle de Calvin, a légitimement reçu de Nous, qui en avions obtenu le pouvoir de l'Illustrissime Cardinal de Retz, Evêque de Paris, l'absolution des censures qu'il avait encourues à cause de ladite hérésie; en sorte que rien ne s'oppose plus à ce qu'il soit tenu, reçu, aimé et honoré comme un vrai catholique, par tous les vrais catholiques..

  A024002365 

 Nous faisons savoir et témoignons que Notre bien aimé dans le [228] Christ, le noble M. Guillaume de Bernard a vécu pendant deux années entières dans la ville d'Annecy, où se trouve le siège de Notre Eglise, et il y a accompli tout à fait ponctuellement tous les devoirs de la piété catholique; ce qu'il fallait attendre de quelqu'un ayant eu des parents très pieux (à Nous connus à la fois de vue et de réputation), et élevé dès l'enfance dans la demeure du très catholique prince le Duc de Nemours, dont il est maintenant un des principaux officiers, étant attaché à sa chambre..

  A024002366 

 En foi de quoi Nous avons écrit et signé de Notre main les présentes, et les avons fait munir de Notre sceau..

  A024002373 

 — La « curialité d'Ugine » et les oncles de M lles de Cerisier..

  A024002373 

 — Rétablir les armoiries de M. de Vallon, rasées de l'église de Samoëns en suite des menées du « sieur Berthelot », est une question de justice.

  A024002375 

 C'est chose des-ja ouctroyee au feu sieur de Charmoysi, et ensuite dequoy l'information de l'interest que Monsieur y peut avoir, avoit esté prise avant le trespas dudit feu sieur de Charmoysi, par laquelle il se treuvera que c'est chose de peu d'importance; et neantmoins, pour la faciliter encor davantage, on offre recompense de fiefz et servis ailleurs dans les terres de Sa Grandeur, a laquelle il importe peu d'avoir en un lieu ou en un autre, estant par tout le haut seigneur au dessus de tous les autres de ce païs..

  A024002376 

 C'est un point de justice et qui en conscience ne peut estre refusé; car le sieur de Vallon, ayant fait une notable despense pour la reparation de l'eglise, avoit droit de laisser ou mettre des marques de sa pieté pour la posterité au lieu ou il avoit contribué, pourveu qu'elles fussent en une place en laquelle il ny eut point d'apparence que les dites armoiries fussent mises a pair de celle de Sa Grandeur.

  A024002376 

 Sa Grandeur est encor tres humblement suppliee de commander a ses gens du Conseil de deça, de voir si les armoiries du sieur de Vallon qui estoyent en l'eglise de Samoen et en furent rasees par authorité absolue de Sa Grandeur, estoyent en lieu prejudiciable aux authorités d'icelle; et en cas que ledit Conseil juge que non, les faire restablir, ou du moins permettre audit sieur de Vallon de les faire restablir.

  A024002377 

 C'est un point de pieté et de justice tout ensemble, car ces pauvres filles sont pupilles, et on ne sçauroit preuver solidement la mort de leurs oncles ausquelz la curialité d'Ugine appartenoyt: de sorte qu'en cette (sic) doute du trespas on pourroit leur præfiger un terme dans lequel on les laisseroit joüir de laditte curialité et passé lequel elle seroit reunie au revenu de Sa Grandeur; car aussi bien, le droit qui presuppose que chasqu'homme puisse vivre cent ans, et qu'en effect il les vive, portera que ces filles jouissent encor plus de soixante ans, puisque leurs oncles dont on ne peut preuver la mort, l'un estant allé en Levant et l'autre en Hongrie, ne sçauroyent avoir, s'ilz sont en vie, plus de trentecinq ou quarante ans..

  A024002377 

 Sa Grandeur est enfin suppliee tres humblement de commander que le proces que ces fiscaux font contre les [231] deux filles du feu sieur de Cirisier soit vuidé par voye amiable.

  A024002386 

 Monsieur de la Pierre est supplié, de la part de l'Evesque de Geneve, d'interceder vers Monseigneur le Duc de Nemours, a ce qu'il luy playse de commander qu'on face les expeditions des faveurs que Sa Grandeur a accordees audit Evesque:.

  A024002387 

 Pour le sieur de Vallon: une lettre a messieurs du Conseil de Genevois, affin que s'ilz treuvent que les armoiries quil avoit fait graver en l'eglise de Samoens, ne fussent pas en lieu qui peut praejudicier a l'authorité de Sa Grandeur, ilz ordonnent qu'elles y soyent remises..

  A024002401 

 Le Procureur fiscal de l'Evesché dit que le suppliant doit remettre en propre personne et entre les mains de Vostre Reverendissime Seigneurie, le contenu [234] en la susdite requeste, par laquelle il confesse d'avoir commis l'execrable et abominable crime..., qui semble, a correction, devoir estre puni par adjudication de quarante livres d'amende applicables a la mense episcopale, et vingt livres a œuvres pies, ayant esgard a la confession et volontaire recognoissance de sa faute; et a jeusner trois jours de la sepmaine pendant le temps et espace d'un mois prochain, a compter des hores; avec inhibition et defense de ne rechoir par cy apres a telles semblables fautes, a peine de cinq cent livres, et autres plus grandes s'il y eschoit.

  A024002402 

 Annessi, les an et jour susdits..

  A024002404 

 Toutes choses bien considerees, Nous avons condamné et condemnons le suppliant a quinze livres d'amende pour les reparations de l'eglise de sa parroisse, quil remettra dans ce moys es mains du sieur Curé ou vicaire, et en la presence des scindiqs, qui auront soin de les employer et dont ilz feront apparoir a Nous ou au sieur chanoyne Jay dans le moys apres, et quinze envers la mense episcopale; et de jeusner chaque vendredi des quatre semaines suivantes, et de dire dans l'eglise d'icelle parroisse chasque Dimanche des dittes trois (sic) semaines quinze Pater noster et Ave Maria a genoux, apres le service de la sainte Messe..

  A024002417 

 Supplient humblement spectable Humbert Guyrod, docteur ez droitz et advocat au Conseil de Genevois, et damoyselle Antoine Guyrod, disantz, qu'appres les promesses du mariage futur entre eux et fiancement solemnel, ils auroient fait proceder aux proclamations præfigez par le sacré Concile de Trente, les jours dixiesme et unsiesme du præsent mois, en l'eglise parrochiale de la præsente ville, par messire Garnier, vicaire d'icelle; lequel, deferant a certaines oppositions formees par damoyselle Michelle Puthod, [236] mere de ladite damoyselle Antoine Guyrod, et de noble Claude Estienne de Thyolla, par un maistre Pilliod au nom dudit de Thyolla, sans pouvoir ni mandat il auroit ranvoyé les parties a mardy prochain, quinsiesme du present mois, a une heure appres midy, par devant le seigneur vostre Vicaire et Official, pour vuider les dictes causes d'oppositions sommairement, ainsy que la mattiere le requiert.

  A024002418 

 Ces fins considerez, il vous plaise deputer tel aultre qu'il vous plairra que ledit sieur Roges, pour reigler les parties et vuider les dictes causes d'oppositions, a forme dudit ranvoy fait par ledit sieur Garnier, cy joint.

  A024002418 

 Non pas que les dicts sieurs suppliants se doubtent de l'integrité dudict sieur Roges, mais pour les causes susdictes le supplient de s'abstenir de la congnoissance de la mattiere..

  A024002423 

 Commis le sieur Jai, Theologal de Nostre Eglise; [237] et comparoistront les parties a lundi, attendu leur presence en ville..

  A024002448 

 Nous dispensons des bans pour le mariage à célébrer entre l'honorable Claude Chaffarod, Notre bien aimé dans le Christ, et Jeanne Berger, aussi Notre bien aimée dans le Christ, tous deux habitants de Faverges; confiant l'affaire au premier prêtre qui, là-bas, est au service de Dieu et de l'Eglise, à condition que les autres prescriptions du droit soient maintenues..

  A024002457 

 C'est pourquoy Nous vous commettons pour celebrer ledit mariage en la face de nostre Mere sainte Eglise, en presence de deux tesmoins, et mesme en lieu particulier, soit en chambre ou ailleurs, secretement, attendu que ledit mariage est des-ja publié, et qu'il n'est besoin de le celebrer sinon pour reparer les defautz de pouvoir, si aucun est intervenu au mariage des-ja, quoy que peut estre nullement, celebré..

  A024002506 

 La fin de l'Academie sera l'exercice de toutes les vertus, la souveraine gloire de Dieu, le service des Serenissimes Princes et l'utilité publique.

  A024002507 

 Les seuls gens de bien et doctes y seront receus..

  A024002508 

 On escrira au cathalogue le nom, surnom, la patrie et les qualitez de celuy qui sera receu, lequel sera tenu de faire preuve de sa doctrine et capacité, ou par escrit, ou par parolle, ou en prose ou en vers, devant les Academiciens..

  A024002509 

 Aprés qu'elles auront esté depeintes, on les affigera selon l'ordre de la reception..

  A024002509 

 Tous les Academiciens prendront des noms et des devises à leur fantasie, qui toutesfois soyent convenables; et le Censeur [243] prendra garde qu'elles soyent bien prises et qu'on ne les change point.

  A024002510 

 Les consultations de ceux qui auront à parler publiquement se feront avec un jugement meur et exactement..

  A024002511 

 On admettra aux assemblées generales tous les braves maistres des arts honnestes, comme peintres, sculpteurs, menuisiers, architectes et semblables..

  A024002514 

 Les leçons se feront ou de theologie, ou de politique, ou de philosophie, ou de rethorique, ou de cosmographie, ou de geometrie, ou [244] d'arithmetique.

  A024002515 

 Les Academiciens destinez pour faire les leçons promettront de n'absenter jamais sans necessité..

  A024002517 

 Les lecteurs tascheront de tout leur pouvoir d'enseigner bien, beaucoup et en peu de temps..

  A024002518 

 Les auditeurs apporteront leur attention, leur pensée et leur soing à ce que l'on enseignera; et s'il y a quelque chose qu'ils n'entendent pas, ils en feront des interrogats aprés que la leçon sera faicte..

  A024002519 

 Les discours et harangues se feront avec plus d'eloquence que la leçon, et l'on s'y servira de l'art oratoire..

  A024002521 

 Tous les Academiciens entretiendront un amour mutuel et fraternel..

  A024002524 

 Toutesfois, il y aura une place particuliere pour les grands, comme Princes, Prelats et semblables..

  A024002525 

 Nul des Academiciens ne fera aucun signe de legereté d'esprit, quelque petit qu'il puisse estre; autrement il sera corrigé par les Censeurs..

  A024002527 

 Les Collateraux ou Assesseurs seront sages, prudens, doctes et experts..

  A024002528 

 Il n'envoyera point de lettres [246] qu'au preallable il ne les ayt faict voir au Prince, aux Collateraux et Censeurs..

  A024002529 

 Les Censeurs seront tres-versez en toutes choses, autant qu'il se pourra faire, et approcheront de l'encyclopedie; toutesfois, ils communiqueront au Prince et Collateraux les piec.es qui devront estre examinées..

  A024002531 

 Les Academiciens ne devront point estre grevez de contribuer pour les choses qui seront necessaires, selon la raison..

  A024002532 

 Que les avaricieux ne mettent point le pied dans l'Academie..

  A024002533 

 On creera un huissier à gage, lequel sera obligé d'appeller les Academiciens à propos et selon le temps, de conduire et reconduire le Prince et les Collateraux à l'Academie, de preparer la sale (sic) et disposer les sieges..

  A024002534 

 Les autres choses seront ordonnées selon que les affaires et les temps enseigneront.

  A024002540 

 authorité judiciaire, suivant les requisitions et conventions portees par ledit contract.

  A024002553 

 1° Qu'ilz seront assidus et fideles a tenir l'escole, sous quel pretexte que ce soit, exceptés les jours feriés et de festes.

  A024002557 

 5° Ilz auront soin de porter et recevoir tous les mois leurs escoliers au Sacrement de Penitence, et d'admettre a celuy de la tressainte Eucharistie ceux qu'ilz en jugeront capables, de leur faire assister a la Messe chaque jour, de leur faire le catechisme le samedy, a la fin de la classe du soir..

  A024002558 

 Si quelqu'un insulte mal a propos l'un d'entre eux, ilz se soustiendront [251] charitablement et empescheront l'esclat, tant qu'ilz pourront, et ne mettront jamais les escoliers de la partie.

  A024002566 

 Nous appreuvons les Statutz cy devant escritz, et ordonnons quilz soyent enregistrés en Nostre greffe, et que lettres d'union et annexation desdittes chappelles y mentionnees seront expediees, en bonne et probante forme, en faveur de l'œuvre pie du College de Cluses, attendu le consentement fait par la communauté du lieu de Cluses, lequel Nous avons admis et admettons.

  A024002588 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun qui verront les présentes, à ceux surtout à qui appartient, appartiendra ou pourra appartenir plus tard, salut dans le Seigneur..

  A024002589 

 Donc, le Révérend François Bochut, prêtre, recteur de l'église paroissiale d'Ayse, et les nobles Jean Mugnier, Pierre de Megève, François Girod et Claude Chastel, syndics de Cluses, dans Notre diocèse de Genève, et Conseillers du même lieu, Nous ont présenté une pétition.

  A024002589 

 Et cela, pour que les professeurs prêtres, y établis et fondés, aient un autel sur lequel ils puissent commodément, aux heures fixées, célébrer la Messe devant les élèves, ou encore pour que soit créé un nouveau cinquième professeur, prêtre lui aussi, selon le progrès dudit Collège, et les Statuts donnés par le Révérend M. Bochut, si le revenu provenant [254] des chapelles unies est suffisant, ou qu'au moins ce revenu serve à assurer d'une façon plus certaine l'entretien des susdits professeurs.

  A024002589 

 Nous faisons savoir que, comme il convient à un Pasteur vigilant, Nous accordons Notre aide et secours surtout à ceux qui partagent Notre sollicitude, et emploient tous leurs soins et travaux à former la jeunesse dans la piété, les bonnes mœurs et les études libérales, [253] et que Nous leur prêtons main forte.

  A024002590 

 C'est pourquoi le Révérend François Bochut, prêtre et recteur de l'église paroissiale d'Ayse, et les Syndics et Conseillers de Cluses Nous ont fait supplier de daigner libéralement et paternellement prendre une décision au sujet de cette union perpétuelle, annexion et incorporation.

  A024002590 

 Et cela de telle sorte qu'il sera loisible au clergé, recteur et Collège susdits, lorsqu'il arrivera d'une façon ou d'une autre que ces chapelles (unies, comme il a été dit, au Collège et clergé constitué de Cluses) seront vacantes, d'en prendre librement et licitement, sans la permission de quiconque, la possession réelle, actuelle et corporelle, et aussi d'en employer les fruits à leurs besoins et utilité, aux conditions, restrictions et conventions insérées dans l'acte de fondation, à condition que, selon sa teneur, soit célébré le service dû et accoutumé, par les prêtres dudit clergé et leurs successeurs..

  A024002590 

 Nous donc, approuvant une pétition si juste et raisonnable, et étant donné le consentement des Syndics et Conseillers de Cluses, lesquels sont patrons des susdites chapelles, Nous avons jugé bon d'unir, rattacher et incorporer au Collège et clergé en question les chapelles de la Léproserie et de Notre-Dame de Pitié, du même lieu, avec leurs droits, revenus et appartenances, [255] comme par les présentes Nous les unissons, rattachons et incorporons avec ces mêmes droits, fruits, revenus et appartenances.

  A024002591 

 En foi de quoi, Nous avons signé de Notre main les présentes, et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir du sceau ordinaire de Notre Evêché..

  A024002614 

 Nous avons vu les lettres patentes par lesquelles Madame la Sérénissime Infante Catherine, fille du Sérénissime Duc, a ordonné que soit écrit ce qui suit:.

  A024002616 

 Conformément aux patentes signées par Son Altesse Sérénissime, mon Père et Seigneur, pour le privilège que, à ma requête, il accorde à perpétuité à la ville d'Annecy de pouvoir prélever trois deniers sur chaque livre de chair qui se vend à la boucherie de la même ville, sous la condition, toutefois, de la fondation d'une Messe perpétuelle: Je nomme le R. P. D. Juste pour la célébrer, voulant et déclarant que les cinquante ducatons [257] d'aumône soient, comme le portent les susdites patentes, appliqués au Collège et à la Maison qui seront assignés pour résidence au Père par ses Supérieurs, et cela sa vie durant.

  A024002616 

 Et après sa mort, je nomme dès maintenant, pour alors et pour toujours, le Collège des PP. Barnabites d'Annecy, auquel je veux et déclare que les susdits cinquante ducatons soient perpétuellement et irrévocablement assignés et appliqués; à condition, cependant, que le Supérieur du Collège des PP. Barnabites sera tenu de faire célébrer la Messe perpétuelle par l'un des prêtres Religieux de son Ordre: car telle est Notre volonté..

  A024002621 

 Ayant vu et considéré ces patentes, Nous nous sommes grandement réjoui dans le Seigneur d'une telle piété chez le Sérénissime Duc et la Sérénissime Infante, et, en outre, de leur sollicitude si paternelle à promouvoir et exalter le culte divin et les revenus du Collège d'Annecy.

  A024002621 

 C'est pourquoi Nous aussi, autant que cela faire se peut, Nous louons les clauses susdites de la patente et, si cela est nécessaire, les confirmons, celle surtout qui a trait à la fondation [258] d'une Messe perpétuelle et à la nomination faite par la Sérénissime Infante pour sa célébration.

  A024002629 

 Supplient humblement les Reverendz Peres reguliers de la Congregation de S t Paul, appelés Barnabites, recteurs perpetuelz du College de la presente ville, disantz: qu'en consideration du peu de reveneu quilz ont, il pleut a Son Altesse, il y a desja quelques annees, de tesmoigner quil desiroit l'augmentation d'icelluy, affin quilz heussent plus de commodité d'entretenir plus grand nombre de Peres en ceste ville pour l'instruction de la jeunesse, et de maintenir les bastimentz dudit College, qui sont grandz.

  A024002630 

 Aussy ne se treuve il que ladite chappelle soit esté visitee par aultre que par Messeigneurs les Rmes Evesques, qui ont en icelle exercé toutte sorte d'authorité et de jurisdiction..

  A024002650 

 Commis M e Dumont, greffier de l'Evesché, pour informer sommairement, suivant les conclusions du sieur Procureur fiscal.

  A024002658 

 Supplient avec humillité vos tres humbles et devotz orateurs, les RR dz PP. dictz Clercz regulliers de la Congregation de Saint Paul, dictz Barnabites, recteurs perpetuelz du College des Saintz Paul et Charles d'Annecy, disantz que pour l'union et incorporation que pretend faire V. S. R me du prieuré de Saint Clair audict College, pour les raysons et consideration suppliées en la requeste laquelle ilz ont presentée a V. S. R me, et suyvant le bon playsir de Leurs Altesses Serenissimes, les suppliantz ont faict proceder a la sommaire apprinse de l'estat et revenu dudict College, comme aussy de celles dudict prieuré, et que les recteurs ou prieurs d'icelluy ne sontz onques estez que seculliers et simples prebstres; et ce, par M e Maurice Dumont, greffier de l'Evesché a ces fins commis.

  A024002670 

 Supplient avec humi lité vos tres humbles et devotz orateurs, les RR dz PP. Clercz regulliers de la venerable Congregation de Saint Paul, dictz Barnabites, recteurs perpetuelz du College de la presente ville et cité d'Anecy:.

  A024002671 

 Qu'appres qu'il a apparu a V. S. R me des preuves souffizantes des necessitées dudict College, le revenu duquel, comme la plupart incertain, n'est souffizant pour leur entretient et des regens des basses classes; par la sommaire apprinse faicte, de l'authorité et commission de V. S. R me, par M e Dumont, greffier de l'Evesché a ce commis; aussy heu esgard au consentement presté par le venerable Chappitre cathedral de Saint Pierre de Geneve, sur la requeste cy jointe du cinquiesme du courant, signé par le sieur Chanoine Jay, secretaire dudict Chappitre, cy contre, il soit le bon playsir de V. R me S., suyvant les conclusions de leurs precedentes requestes, de passer oultre a l'union du prieuré de Saint Clair, fruictz, revenus, biens et charges en dependentz, audict College a perpetuité, comme estant un simple benefice, ainsy que doibt resulter de ladicte requeste sommaire.

  A024002673 

 Apres avoir veu et consideré les depositions des tesmoins ouÿs en la sommaire apprinse faite par M e du Mont, greffier de l'Evesché a ce commis, comm'encor le consentement presté par Nostre Chapitre cathedral, et ayant egard a la bonne volonté, intention et desir de S. A., dont [262] il Nous appert par lettres a Nous envoyees par icelle: avons ordonné et ordonnons que la chapelle de Saint Clair, communement appellee prieuré, biens, fruitz et revenuz qui en dependent, seront mis, annexés et incorporés a perpetuité au College de la presente ville et cité, avec les charges en dependantes; et qu'a ces fins en soyent expediees auxditz suppliantz lettres de provision de ladite union et annexe, telle que de droit et de coustume.

  A024002690 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun à qui parviendront les présentes, salut éternel dans le Seigneur..

  A024002691 

 Aussi, puisque les saints Canons engagent à [263] attribuer les bénéfices soit à ceux qui célèbrent les Offices divins, soit à ceux qui s'occupent du salut des âmes par la parole, l'enseignement et l'administration des Sacrements, et que tout dernièrement, le saint Concile de Trente a témoigné un intérêt spécial à l'égard des collèges où la jeunesse apprend les rudiments de la piété et des belles-lettres, non seulement en ordonnant de les ériger, mais encore en indiquant les moyens particuliers de subvenir à leurs charges, en leur assignant des revenus ecclésiastiques: Nous, à Notre tour, avons jugé que Nous remplirions plus équitablement le devoir de Notre ministère touchant la distribution de ces revenus, si Notre soin de Pasteur, sur ce point, gratifiait ceux qui s'adonnent avec zèle, non seulement à une des œuvres susmentionnées, mais à toutes simultanément..

  A024002691 

 La raison veut que les bénéfices ecclésiastiques soient à bon droit accordés surtout à ceux qui réunissent toutes les conditions requises, en bloc et en particulier, pour la collation canonique des revenus des bénéfices.

  A024002692 

 Or, par de légitimes documents et témoignages reçus dans ce but et à Nous montrés, il est évident que les Révérends Clercs réguliers, de Saint-Paul, appelés vulgairement Barnabites, qui au Collège Chappuisien d'Annecy, sous le vocable des Saints Paul et Charles, tout en s'acquittant, selon les pieux statuts de leur Congrégation, de la célébration des Offices divins, de l'administration des Sacrements, des prédications, du catéchisme, des écoles et autres fonctions [264] religieuses, jouissent cependant d'un si petit revenu, que, ne pouvant suffire à tant de charges assumées, ils se voient forcés à diminuer le nombre de leurs Religieux, et à omettre les fonctions ordinaires plus solennelles, ou à les célébrer moins solennellement que ne le leur permettent leurs Constitutions:.

  A024002693 

 Les Religieux du Collège, ou leurs procureurs, qui existeront à ce moment-là, pourront prendre et retenir pour toujours, par eux-mêmes ou par d'autres, la corporelle, réelle et actuelle possession de la susdite chapelle, et en toucher les revenus pour les employer à l'utilité et usage du Collège, sans qu'il soit besoin d'en demander ultérieurement à personne la permission.

  A024002693 

 Nous donc, en obéissant, selon Notre devoir, aux décrets des saints Canons et du saint Concile de Trente, en conformité aussi à la volonté du Sérénissime Prince de Savoie et de Piémont, voyant que, pour aider et promouvoir les services si utiles et nécessaires à la vie ecclésiastique que rend le susdit Collège, on peut, sans aucune diminution du service divin, assigner commodément la chapelle séculière ou église de Notre diocèse appelée vulgairement prieuré de Saint-Clair; de Notre autorité ordinaire, aussi bien que de celle qui, en tant que l'affaire le requiert, Nous est déléguée par le Siège Apostolique, suivant les décrets du Concile œcuménique de Trente, et après avoir pris le consentement capitulaire de Nos frères les Chanoines, Nous unissons, annexons et incorporons pour toujours, par la teneur des présentes, au Collège Chappuisien des Saints Paul et Charles d'Annecy, des Clercs réguliers de Saint-Paul, [265] ladite chapelle, église ou prieuré de Saint-Clair, de Notre diocèse, avec tous ses biens, revenus, droits et émoluments, ainsi que tous accessoires, appartenances, annexes et dépendances, eu égard à l'état actuel comme à l'état futur, et vice-versa, aussitôt qu'elle sera vacante par voie de cession pour cause de résignation, de permutation ou toute autre, ou bien, par le décès, ou autre démission ou amission du Révérend Jean Sonnerat, recteur actuel.

  A024002693 

 Nous défendons à [266] chacun et à tous, aussi sévèrement que possible, en vertu de la sainte obéissance et sous peine d'excommunication par Nous dès maintenant et pour l'avenir lancée (assignant pour cela l'espace de six jours, deux pour le premier terme, deux pour le second, et les deux autres pour le troisième), de s'opposer en quelque façon à ce que les Religieux ou leurs procureurs prennent libre possession et en jouissent en paix..

  A024002693 

 Toutefois, par la présente union Nous n'entendons pas priver l'église en question des services dus, mais les charges habituelles en seront, comme il convient, supportées par le Collège.

  A024002694 

 En foi de quoi, Nous avons livré les présentes, munies du sceau ordinaire et de Notre signature et de celle de Notre notaire..

  A024002704 

 Supplient humblement les R dz Peres Clercz reguliers de la Congregation de Saint Paul, recteurs perpetuelz du College de la presente ville, qu'en la cause d'appel ventillante au Senat sur l'appellation comme d'abus interjectee par le sieur Baron de Menthon de l'union de la chappelle appellée prieuré de Saint Clair audict College, ledict sieur Baron se sert de la Visite faicte par V. R. Seigneurie dudict prieuré, qu'il est presupposé escript que ladicte chappelle est de son patronage; de laquelle Visite les suppliantz desirent avoir extraict..

  A024002705 

 Mais parce quilz se sont apperceus que les motz substanciaux qu'on preste contre eulx sont apposés a ladicte Visite par apostille, et probablement a l'insceu de V. S. R sse, ilz recourent a ce que, ce consideré, il vous playse ordonner a M e Decomba saysie d'icelle, la rapporter par devant vous et, l'ayant veu, fayre sur ce telle declaration que Vostre Seigneurie R sse treuvera raysonnable, si elle a entendu advouer ce droict de patronage ou non, affin quilz ne s'embarracent mal a propos en proces..

  A024002717 

 Revu sur les originaux conservés aux Archives communales d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

  A024002724 

 L'Evesque de Geneve est le seul legitime Prince sauverain de Geneve et de ses dependences, nonobstant que les Seigneurs Ducz de Savoye, comme successeurs des comtes de Geneve d'une part et les citoyens de Geneve de l'autre, prætendent au contraire..

  A024002728 

 En suitte dequoy, l'an 1219, 1346, 1405, les comtes de Geneve et leurs successeurs font hommage a l'Evesque.

  A024002728 

 L'an 1219 et 1290, par accord fait entre les Evesques et les comtes de Geneve et de Savoye, la sauveraineté est reconneüe et declairee appartenir a l'Evesque, le comte Amé se qualifiant vassal de l'Eglise de Geneve.

  A024002730 

 L'an 1308, 1343, les Evesques donnent expresse permission aux comtes de Savoye de battre monoye au fauxbourg de Geneve, a la charge que la 4 e partie de l'emolument revienne a la bourse episcopale.

  A024002736 

 L'Evesque n'a peu aliener tel droit au præjudice des successeurs, les Evesques et autres ecclesiastiques n'estans qu'administrateurs et usufructuaires des biens de l'Eglise..

  A024002737 

 Encor que les citoyens eussent condamné pour telz crimes nocturnes, la sauveraineté toutefois estoit a l'Evesque, qui en pouvoit faire grace, comme fit Thomas, Evesque, a un criminel condamné par les citoyens l'an 1453..

  A024002738 

 Ilz alleguent aussi les alliances faittes par eux avec Berne et autres cantons; mais c'estoit du tems quilz minutoyent leur rebellion et apres qu'ilz l'eurent executee, ce pendant que, nonobstant leurs alliances, Charles V, Empereur, les [278] advertissoit et commandoit de ne deroger aux droitz de l'Evesque, l'an 1530..

  A024002739 

 Et de fait, lesdits citoyens debattans avec les Ducz de Savoye, ne se couvrent ni peuvent couvrir d'autre droit que de celuy de l'Evesque, comm'il appert en la conference faite a Hermence l'an 1598, par les sieurs Maillet, Dauphin, Let, Rozet et Sarrazin..

  A024002741 

 Revu sur l'Autographe conservé dans les Archives de l'Evêché.

  A024002759 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024002760 

 Il nous a remis les lettres de l'Empereur, et il est reparti sain et sauf comme il était venu: c'est ce que Nous attestons par les présentes..

  A024002761 

 En foi de quoi, Nous les avons soussignées et Nous avons fait apposer Notre sceau..

  A024002781 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui liront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002783 

 Aussi, maintenant qu'il [282] retourne vers les siens, Nous l'entourons d'une sincère affection et Nous le recommandons à tous les fidèles du Christ qu'il aura l'occasion d'aborder..

  A024002783 

 De plus, Nous affirmons que le même Georges Seyffert, porteur des présentes, a toujours vécu, pendant le peu de jours qu'il a passés avec Nous, selon les usages catholiques et qu'il n'a rien fait qui ne respire le vrai christianisme.

  A024002800 

 L'an mil six cens et sept et le quatorziesme janvier, devant moy notaire et les tesmoins, establi en sa personne Illustrissime et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, lequel agreablement et sans revocation de ses aultres procureurs ci devant constitués, de nouveau faict, cree et institue ses procureurs speciaux et generaux, l'une des qualités ne derogeant a l'autre ny au contrayre, sçavoir:.

  A024002824 

 D'ailleurs, l'évêché de Grenoble est si étendu et il comprend tant de pays différents, enfin son administration est si difficile, que la plupart du temps les affaires de Savoie sont nécessairement différées..

  A024002824 

 Un vicaire forain, établi seulement pour les choses qui regardent le for contentieux, n'a pas l'autorité suffisante pour maintenir le peuple dans le respect et les ecclésiastiques dans leur devoir; sans compter qu'il doit très souvent recourir à Grenoble pour apprendre l'intention de l'Evêque, recours qui présente dans les cas urgents de grandes incommodités.

  A024002825 

 De là, entre les peuples, des différences d'humeur et de façons de procéder, et aussi des rivalités, des reproches et des rixes criminelles..

  A024002826 

 Aussi c'est à peine si les Sacrements de Confirmation et d'Ordre, si les consécrations des églises et des calices, si les saintes Huiles peuvent être procurés par l'Evêque de Grenoble, assez occupé dans sa ville..

  A024002827 

 De plus, l'Evêque de Grenoble étant le chef et le président des comices et des assemblées séculières et temporelles du Dauphiné, s'il surgit quelque dissentiment entre les couronnes de France et de Savoie, ou même entre les gouverneurs de Savoie et du Dauphiné, les relations entre les deux peuples deviennent très difficiles et le passage de l'Evêque sujet à de graves soupçons de part et d'autre; [290] car alors il n'est pas regardé comme le Pasteur commun de l'un et de l'autre peuple, mais comme un homme exclusivement dévoué et lié au pays où il réside et exerce la prééminence..

  A024002828 

 C'est à celui-ci de fournir aux villes et provinces, en y constituant des Evêques, les moyens convenables pour le maintien de la piété et la décence dans l'exercice du culte catholique..

  A024002853 

 Les évêques, en effet, étant, au dire [292] du grand Pontife Grégoire de Nazianze, les peintres de la vertu, qui est la chose la plus belle, et devant, par leurs paroles et leurs actes, retracer avec art et, autant que possible, exactement une chose si excellente, je ne doute pas que nous ne devions contempler en notre très illustre et distingué Juvénal l'image parfaite de la justice chrétienne, c'est-à-dire de toutes les vertus..

  A024002854 

 Et à la vérité, pendant les quatre ou cinq mois que je passai à Rome, par l'ordre de mon très pieux et très honoré prédécesseur Claude de Granier, pour y traiter certaines affaires de ce diocèse, je vis plusieurs personnes d'une sainteté et doctrine éminentes, dont les travaux étaient l'ornement de Rome, et, par Rome, de l'univers; mais parmi eux tous, la vertu de notre Juvénal frappa spécialement et merveilleusement les yeux de mon âme..

  A024002855 

 J'admirais qu'à une telle érudition et à une science si variée il joignît [293] un si grand mépris de soi-même; à une si grande gravité de paroles et de mœurs, une si grande grâce et modestie; à un tel souci de la piété, une telle urbanité et suavité; car il ne cherchait pas, comme il arrive à beaucoup, à vaincre le faste par un autre faste, mais par une vraie humilité; il ne donnait pas pour base superbe à sa charité la science qui enfle, mais il fortifiait sa science par la charité qui édifie: aimé à la fois de Dieu et des hommes, lui qui avait pour Dieu et les hommes une très pure dilection.

  A024002856 

 J'observai comment cet homme, à l'occasion, avait coutume de louer si ouvertement, si sincèrement, si affectueusement les institutions, mœurs, doctrine et manière de servir Dieu des divers Religieux, ecclésiastiques et même laïques, comme s'il avait appartenu à leurs Congrégations ou sociétés.

  A024002856 

 Tout en ayant une affection très douce et vraiment filiale pour sa très chère Congrégation de l'Oratoire, si célèbre, il n'en aimait, n'en estimait ni ne vantait [294] avec moins de zèle et d'ardeur, à l'encontre de beaucoup, les autres couvents ou sociétés adonnés au service de Dieu..

  A024002857 

 C'est pourquoi lorsque ceux qui, touchés intérieurement par l'amour céleste, désiraient suivre une manière de vie plus pure et lui demandaient son avis, il ne regardait que la plus grande gloire de Dieu, et les conduisait avec grande affection, par conseils et par actes, vers la Société qu'il pensait pour eux la mieux désignée: homme, par conséquent, qui n'était ni à Paul, ni à Pierre, ni à Apollon, mais à Jésus-Christ; qui ne se souciait, ni dans les affaires temporelles ni dans les spirituelles, de ces mots si froids de mien et de tien, mais pesait sincèrement toutes choses dans le Christ et pour le Christ.

  A024002858 

 Tout dernièrement mourut au Collège de cette ville d'Annecy, que dirigent les Clercs réguliers de Saint-Paul, un homme très religieux, Don Guillaume Cramoisy, parisien.

  A024002860 

 Mais combien grande est la bonté de Dieu! Etant entré à l'oratoire de la Vallicella, voici que j'entends le Père Juvénal Ancina prêcher au peuple, d'abord sur l'inconstance de l'esprit humain [296] et sur sa faiblesse, ensuite sur la magnanimité qu'il faut mettre à suivre les instincts divins; et cela avec tant de talent dans la parole et les idées exprimées, qu'il semblait secouer, comme avec la main, la paresse malheureuse de mon cœur; en sorte que finalement, élevant sa voix comme une trompette, il me contraignit de me rendre.

  A024002861 

 Allez à leur Collège, et voyez vous-même si les choses ne sont point ainsi.

  A024002861 

 Ce qu'ayant écouté et examiné attentivement: « Et c'est pour cela, » me dit ce Serviteur de Dieu, « que la Providence [297] a ménagé dans l'Eglise la variété des Ordres religieux; afin que celui qui ne peut s'engager dans ceux qui sont austères et voués à la pénitence extérieure entre dans les plus doux.

  A024002861 

 Et voici que s'offre à vous la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, où la discipline de la perfection religieuse est en grand honneur, et où cependant l'on n'est pas accablé par les austérités corporelles, tellement que à peu près tout homme peut, avec la grâce de Dieu, observer très facilement ses coutumes et Constitutions.

  A024002861 

 Je vins donc le lendemain et lui communiquai sincèrement les pensées contradictoires qui m'assaillaient au sujet de ma vocation, lui exposant en particulier mon appréhension à l'endroit de la vie religieuse à cause surtout de la faiblesse et de la complexion délicate de mon corps.

  A024002862 

 D'où il est facile de conclure quelle était la persuasion de parole du grand Juvénal Ancina, sa sagacité dans les conseils, et sa constante et parfaite charité à aider le prochain; car ce que je viens de raconter à titre d'exemple, nous savons qu'il l'a fait pour beaucoup d'autres.

  A024002864 

 Et ils ne se lassaient pas d'exprimer par leurs paroles et leurs visages joyeux l'allégresse que leur faisait concevoir la présence d'un tel Pontife, tandis que lui, par une très noble affabilité et une très suave bienveillance envers tous, fixait les yeux et les cœurs de tous, et, comme un Pasteur excellent et bienfaisant, appelait par leur nom ses brebis aux pâturages verdoyants, et de ses mains pleines du sel de la sagesse, les attirait, ou mieux, les entraînait après lui.

  A024002865 

 Pour tout dire en un mot absent d'envie: il ne me souvient pas d'avoir jamais vu un homme plus abondamment et splendidement orné des qualités que l'Apôtre désirait tant voir chez les hommes apostoliques.

  A024002888 

 A iceluy sieur Doyen remonstré comme Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve desireroit aller a la procession du S t Sacrement, voullant que Mess rs les chanoines de S t Pierre marchent les derniers et facent l'Office, et que ceux de Nostre Dame marchent a part et devant; voullant, de plus, faire l'Office a S t Mauris.

  A024002889 

 Puisque le temps est fort proche, il est necessaire [savoir] si la Ville vouldra permettre que l'assemblee des croix se fera dans l'eglise empromptee pour Cathedrale, lorsque se feront les processions; oultre que, encores que Curés, on veult que aultres, qui n'ont aulcune part en la cure, fassent l'Office, et priver [ainsi] les propres Curés de leur authorité et prerogative..

  A024002890 

 Neanmoins a esté proposé a Monseigneur le Reverendissime [l'ordre] que feu Monseigneur Justinian, son predecesseur, a tenu pendant trois annees: en la premiere annee, il se contenta que le Chapitre de S t Pierre y vindrent a part, marchant ceux de Nostre Dame a main gauche, et les aultres a main droicte; la seconde annee les dicts sieurs de S t Pierre demeurarent sans y venir, fors [que] luy, Monseigneur Justinian, se servit d'assistans de ceulx de sa Cathedrale; et la troysieme annee, Monseigneur luy seul, assisté de ceulx de Nostre Dame seulement, assista a icelle, portoit le tres auguste et tres sainct Sacrement de l'aultel.

  A024002890 

 Suppliant humblement la Ville de vouloir declairer leur volonté et de vouloir les maintenir aulcunement; oultre que feu Monseig r Claude de Granier, Evesque de Geneve, predecesseur [im]mediatement de mon dict Seigneur François de Sales, n'a jamais volu [304] toucher cest ordre, considerant la difficulté qu'arrivoit pour introduire telle affaire..

  A024002891 

 Et ou luy plairoit que le Chapitre de S t Pierre de Geneve marchat, quil ira a main droicte de ceulx de Nostre Dame; et celebrant la S te Messe, qu'estant le diacre de S t Pierre, que le subdiacre sera de Nostre Dame; et qu'en l'absence de Monseigneur, ou le dict Chapitre vouldra marcher, que le sieur Doyen marchera comme Curé, suivant ce qu'a esté observé par feu Monseigneur le Reverendissime Angelo Justinian, faisant les deux Chapitres l'Office ensemblement; et, par mesme moyen, qu'a toute procession l'assemblee se face dans la dicte eglise de Nostre Dame.

  A024002891 

 La Ville, en l'assemblee de son Conseil, a declaré que Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque de Geneve, sera prié humblement de laisser les affaires comme cy devant.

  A024002895 

 Et pour autant qu'ils se treuvent tellement joincts, unis et collés a la chaire episcopale, ils desireroient qu'ils s'approchassent de plus pres de leur chief, puisque l'Evesque et le dict Chapitre ne font qu'un corps, et que Mess rs les Rever ds sieurs Doyen et chanoines du venerable Chapitre de Nostre Dame marchent devant et a part: estant les dicts sieurs de S t Pierre, avec Monseigneur le Reverendissime, fondés sur des raisons peremptoires et qui ne reconnoissent exception, tant sur les saincts Canons que determinations du S t Consile de Trente.

  A024002895 

 Et quand aux officiants, que c'estoient (sic) chose tres belle que les deux Chapitres s'assemblent dans l'eglise de S t Mauris, ou il pretend celebrer la saincte Messe; et la, faire l'assemblee de tout le Clergé meslé ensemble, chantant et psalmodiant.

  A024002895 

 Messieurs les Scindics ont proposé comme Monseig r le Reverme, Monseigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, les feit appeler hyer, ausquels il remonstra le desir et sincere affection qui le portoient tout parfaire pour l'honneur qui est deub a nostre Dieu.

  A024002895 

 Pour cest effect, il avoit prins resolution de faire marcher tout le Clergé, jusques mesme au tres venerable Chapitre cathedral de S t Pierre de Geneve, qui, porté tres humblement au mesme dessein, ne desire que de prester la mesme obeissance que les autres communautés.

  A024002896 

 Et parce que Monseigneur a faict entendre qu'il y avoit nouvelle assemblee soit chez Mons. Mestre Jean Marchand, docteur es droicts, conceiller de M gr le Duc de Genevois et de Nemours, juge mage en son duché de Genevois, affin d'assister et de veoir si les asseurances avancees de part et d'autre sont valables, et assister plaira: ce que sera faict par les dicts sieurs Scindics..

  A024002896 

 Neanmoins, qu'ils feront entendre au vray de nouveau l'intention [305] de Monseigneur le Reverendissime a la Ville, qu'ils promettent faire assembler au plus tost, affin de faire, sur les raisons qu'il pretend avancer (en presence de ceulx que l'on deputera d'une part et d'autre), decider ce different.

  A024002896 

 Partant, apres plusieurs responces faictes aux raisons de Mons gr, et lecture ïaicte de la resolution de ceans, du vingt quatriesme de ce mois, messieurs les Scindics se sont excusés de pouvoir faire le contraire d'icelle, puisqu'ils ont les mains liees.

  A024002896 

 Se plaignant encores (Monseigneur) qu'a esté obmis estrangement de ce que a icelle resolution et deliberation il n'a esté daigné l'appeler pour ouvrir ce qui estoit en son entendement et communiquer les raisons qui le poulsoient tout oultre sur chose si saincte (puis mesme que c'est ung Sacrement qui est une union telle que l'Eglise et Docteurs d'icelle la preschent) et faire que chascung iroit avec une union a adorer nostre Dieu.

  A024002897 

 Et ou l'affaire seroit remise, en tant que concerne la Ville, a l'arbitrage et connoissance de Monsieur M e Antoine Favre, docteur es droicts, conceiller de S. A., senateur en son Senat de Savoye et President de Genevois, comme aussy a celle de Mons. M e Claude de Quoex, conceiller de M gr et premier Collateral en son dict Conseil de Genevois, quils seront priés humblement de s'en abstenir, tant pour estre le dict sieur President frere du Reverend sieur Vicaire general de M gr le R me et chanoine de la dicte cathedrale, que le dict sieur de Quoez beaufrere de R. S r François de Chissé, chanoine aussi en la dicte cathedrale et jadis Vicaire general de feu heureuse memoire Ill e et R me S r Monseig r Claude de Granier, quand vivoit Evesque de Geneve; et ou le Conseil vouldroit passer oultre, que les dicts sieurs Scindics appelleront au Senat..

  A024002902 

 Laquelle declaration a esté faicte par l'ambassade [envoyée] par les dicts S rs de S t Pierre en presence (pour en la personne ) de Reverend sieurs Jean Favre, docteur es droicts, Vicaire general de M gr le R me et chanoine de S t Pierre, et Claude Nouvellet, aussy chanoine, qui tous deux, d'une ame sincere, ont asseuré M rs les Scindics de telle volonté.

  A024002902 

 Mess rs de Nostre Dame ont promis de communiquer leurs raisons et droict, si (ainsi) que Messrs du Chapitre de S t Pierre, desirant aussy le bien des deux Chapitres et ne hurter aulcunement les drois et privileges de la Ville, soit pour elle que de la parrochiale.

  A024002903 

 Les dicts sieurs de Sainct Pierre neammoins ont desiré qu'ils se treuvent au dict arbitraige... Ceste affaire a esté traictee l'annee demiere, par Deliberations des 24 et 28 may 1603, doit a esté faicte lecture, comme aussy du dict compromis portant des raisons pregnantes de laisser lesdicts affaires comme auparavant, puisque partie des dicts juges sont recusés.

  A024002903 

 Un « acte de compromis » a été « passé par les dicts deux Chapitres, » avec « nomination de juges et amiables arbitres, sans que M rs les Scindics y [306] soient nommés.

  A024002904 

 Et a ces fins les S rs Scindics s'adresseront a M gr le R me avec tels quil plaira prindre..

  A024002904 

 La Ville a deliberé que M rs les Scindics, advocats et procureurs de Ville assisteront au dict compromis..., et de proposer les recusations portees par la Deliberation du 28 may, annee derniere; et si les recusés ne se vouldront abstenir du jugement, que M rs les Scindics assisteront comme juges.

  A024002904 

 Le tout sera poursuivi a forme des dictes Deliberations et sans les alterer; et ou a cela sera contrevenu, sera prins acte et appelé ou sera requis.

  A024002908 

 ... Il y a longtemps que la dispute entre M rs de Sainct Pierre et de Nostre Dame dure, et s'est resolue par arrest du Metropolitain de Vienne, par provision,... tellement que pour la procession [de la Fête-Dieu, les chanoines de Notre-Dame] disent ne le pouvoir faire, puis que M rs de Sainct Pierre feront l'office de Curés sans les dictz S rs de Nostre Dame.

  A024002908 

 [Faut] savoir si elle (la Ville) les suivra, apres leur Office, a leur eglise, ayant egard qu'ils ne officient aucunement a Sainct Mauris avec M gr le R me, qui celebrera la S te Messe et M rs de Sainct Pierre feront le service; partant, puisque la Ville a quelque interest pour la parrochiale, plaira adviser quel moyen l'on pourra tenir et l'interest que Monseigneur peut avoir..

  A024002909 

 Et cependant sera supplié humblement de considerer les droicts de la Ville et de nos Curés, et par mesme moyen au retour, en portant l'image de Nostre Dame, estant avec les bastons sindicaux en main..

  A024002909 

 La Ville, puis qu'il y a sentence du Metropolitain de Vienne, qui a adjugé la precellence a M rs de Geneve par provision contre M rs de Nostre Dame, la Ville n'a aulcun interest a telle precellance ou a l'office qui se doibt faire, ni aux autres choses concernant la spiritualité; partant, les dicts S rs de Nostre Dame, a cette occasion, se pourront retirer par devers Monseigneur le R me pour observer ce que, de sa part, leur sera ordonné.

  A024002909 

 Neanmoins que, comme Curés, seront suivis, au cas qu'ils chantent seuls, par M rs les Sindics et bourgeois jusques au lieu de Sainct Mauris, lieu de leur parrochiale, suivant la coustume.

  A024002913 

 Ce matin, auparavant le depart de Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve, iceluy auroit faict appeller Mess rs les Sindics, auxquels il auroit remonstré comme samedy prochain, septieme du present mois, se faict action de grace a Dieu pour l'heureuse restitution des Estats de feu de bonne [307] memoire Philibert, nostre Souverain (l'ame duquel Dieu absolve); et par acte remarquable, l'on a tousjours heu despuis de coustume de faire une procession solennelle et generale, a laquelle il desire que le tres venerable Chapitre de l'Eglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, residant en ce lieu, y rendent leurs debvoirs.

  A024002913 

 Ce que n'a volu estre accordé ni discordé a mon dict Seigneur le R me par les dicts sieurs Sindics, sans en communiquer ceans, et de la resolution qu'en sera prinse, la faire entendre au long a mondict S gr de Geneve; qui est ce qui est demandé de l'assistance..

  A024002914 

 Et ou se fera au contraire, sera appelé par M rs les Sindics comme d'abus..

  A024002914 

 La Ville, en l'assemblee a demy, ayant consideré que la procession de samedy prochain a esté vouee par l'Estat et non par le Clergé sous l'authorité duquel elle a esté continuee jusques a maintenant, a deliberé et resolu qu'en tant que concerne la precellence et preeminence deue a M rs les cathedraux de Sainct Pierre de Geneve, que cela ne touche la Ville, n'empeschant qu'ils marchent au rang qu'il leur plaira; et neanmoins, que pour l'assemblee, que le dict S r R me sera supplié de permettre d'estre faicte a Sainct Mauris, comme eglise capitale de la ville, si plus il n'ayme, pour sa commodité, permettre que la procession sorte de Nostre Dame, ainsy que de tous temps.

  A024002918 

 L'ordre estably par M gr le R me de Geneve, affigé par les portes des eglises, que l'on doibt tenir demain a la procession du tres auguste et tres sainct Sacrement de l'autel, estant au pardessus la lettre de M gr l'Archevesque de Vienne, qui veut que le Chapitre de Sainct Pierre et celuy de Nostre Dame marchent ensemblement, nonobstant l'ordonnance provisionnelle de l'annee derniere: si que les S rs de Nostre Dame sont resolus de ne marcher aulcunement.

  A024002921 

 D'après une copie faite sur les Registres des Délibérations du Conseil de Ville d'Annecy, conservés aux Archives communales, BB, 30-32..

  A024002929 

 Sachent tous comme ainsy soit que par cy devant question et differend soyent estés meus entre les Reverends seigneurs Prevot et chanoines et Chappitre de l'Esglise de Geneve (a present resident en la presente ville d'Annessy) d'une part, et les Reverends seigneurs Doyen, chanoines et Chappitre de l'Esglise collegiale de Nostre Dame de cette ville d'autre, et ce, tant a cause de la precedence et preceance qu'a cause des sepultures: pour raison de quoy, procés auroit esté intenté par devant Monseigneur l'Archevesque de Vienne, ou soit monsr son Vicaire metropolitain, ou le dict procés est encore pendant indecis, ayant neantmoins esté tant procedé que ladicte precedence et presseance auroit esté, par provision, adjugee a ladicte Esglise de Geneve..

  A024002931 

 Pour ce est il que ce jourdhuy, quatorzieme du mois d'octobre mil six cent et cinq, par moy notaire soubsigné et en presence des tesmoins soubs nommés, se sont establis en leurs personnes les susnommés,... et ont transigé, traicté, convenu et arresté comme s'ensuit...:.

  A024002934 

 En signe de quoy, sils viennent avec leurs chappes et bastons de chantrerie, les chantres pourront monter aux hautes formes avec leurs chappes et avec leurs confreres, sans y porter lesdicts bastons; leur estant concedé telle sceance pour tesmoignage de fraternité, et non autrement..

  A024002934 

 Et neanmoins, voyant qu'elle est rendue en termes generaux,... le tout a esté arresté comme sera cy bas specifié... Lorsqu'il plaira a mondict Seigneur le Reverendissime, ou a son Grand Vicaire, de convoquer les esglises en son Esglise cathedrale pour les processions, ils ne feront aucune difficulté d'y venir, le signe de la cloche leur estant donné a propos; et au cas quils arriveront pendant que l'on chantera au cœur (sic) cathedral soit Heure ou Grande Messe, ils se logeront ou bon leur semblera hors du cœur, en attendant la fin de l'Office; lequel fini ils entreront au cœur, si bon leur semble, et se logeront aux hautes formes du costé gauche qui sera vuide a ces fins, sauf la place accoustumee pour les gens de Monseigneur tenant ses Conseils et Chambre des Comptes; et la se reposeront, en attendant que la procession se commence, sans toutesfois quils puissent faire aulcune sorte d'Office en ladicte Esglise cathedrale.

  A024002934 

 [2°] Item, que les susdicts chanoines et prestres d'honneur de Nostre Dame acquiescent a la susdicte sentence provisionnelle, la tenant pour definitive.

  A024002935 

 3° Item, que les dittes processions et offices d'icelles se commenceront et entonneront par les chantres de la dicte Esglise cathedrale et consequemment par le cœur cathedral; et ayant achevé le premier verset de l'himne ou autre chose, le second se chantera par ceux de ladicte Esglise de Nostre Dame, et ainsy alternativement se fera ladicte procession a deux chœurs.

  A024002935 

 Au retour des dictes processions, le chanoine de la precedente Esglise cathedrale qui fera l'Office, ayant dict l'Oraison pour finir et cesser les dictes processions, ledict corps de l'Esglise de Nostre Dame se retirera avec et comme lesdictes autres esglises..

  A024002935 

 L'ordre d'icelle procession sera comme a esté pratiqué es processions dernieres, sans [310] aucun meslange des corps, lesquels marcheront a part et chaq'un son rang: sçavoir, le corps de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame apres les Religieux du Saint Sepulcre et devant le corps de ladicte Esglise cathedrale qui marchera apres, tout le dernier.

  A024002936 

 4° Item, que si les esglises sont convoquees par mondict Seigneur le Reverendissime ou son Vicaire en ladicte esglise de Nostre Dame, ou bien de S t Mauris, l'on y procedera comme s'ensuit, sçavoir: Que lesdicts sieurs chanoines et Chappitre de Nostre Dame feront donner le son de la cloche pour la procession si a propos, que quand le susdict corps de l'Esglise cathedrale arrivera, les Offices soyent faicts, en sorte qu'a leur arrivee ils puissent immediatement commencer la procession.

  A024002936 

 Au retour de ladicte procession, le chanoine de ladicte Esglise cathedrale qui fera l'Office, ayant, devant l'autel accoustumé, dicte l'Oraison pour finir ladicte procession, la croix cathedrale sortira, suivie du corps de ladicte Esglise cathedrale, et lairra la place aux chanoines de Nostre Dame pour faire les Offices qu'ils verront.

  A024002936 

 Et s'entonnera la procession par les quattre chantres, sçavoir: deux de ladicte Esglise cathedrale et deux de ladicte Collegiale, lesquels chantres de ladicte Collegiale seront tous deux chanoines d'icelle.

  A024002936 

 L'ordre de leur sceance sera que l'on mettra quattre sieges autour du pupitre, sçavoir, deux devant et deux dernier (derriere); les deux devant serviront pour les chantres de ladicte Collegiale, et les deux dernier pour ceux de ladicte Cathedrale.

  A024002936 

 Que si toutesfois lesdicts Offices n'estoient achevés, ledict corps de ladicte Esglise cathedrale n'entrera au cœur jusque apres la fin, pour n'interrompre lesdicts Offices, lesquels achevés il entrera, et se logeront les susdicts seigneurs Prevost et chanoines aux hautes formes du costé droict (estant l'Evesque present ou absent), laissant neantmoins libre la place des susdicts seigneurs du Conseil et Chambre des Comptes.

  A024002937 

 Au retour de ladicte procession, estant le Saint Sacrement remis sur l'autel et l'Oraison dicte, les susdicts chantres de ladicte Esglise cathedrale entonneront seuls ce qu'ils auront a dire pour leur retour, laissant les chanoines de ladicte esglise de Nostre Dame audict [311] Saint Mauris pour y faire ce qu'ils verront; et se retirera ladicte Cathedrale en son esglise..

  A024002938 

 Et advenant que les processions se fissent et commençassent a quelque autre esglise par le commendement de mondict Seigneur le Reverendissime ou son Vicaire, l'on si comportera comme a la Cathedrale.

  A024002940 

 Et affin que la presente transaction et accord puisse avoir plus de force et de vigueur et sortir son plain et entier effect, les susnommés Reverends seigneurs Prevost et chanoines de ladicte Esglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, comme de mesme les cy devant nommés seigneurs chanoines et prestres d'honneur de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame, ont requis et requierent mondict Seigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, qu'est icy present, vouloir insinuer, emologuer et interposer son decret et authorité judiciaire: ce qu'il a faict.

  A024002952 

 C'est pourquoy, sur l'humble requeste que Nous a este faicte de vostre part, Nous vous donnons pouvoir de confirmer et enrichir des Indulgences et graces speciales cy dessoubz escriptes, toutes les Confrairies du tressainct Sacrement de l'Autel cy devant canoniquement instituees et dressees en tout le diocese de Geneve..

  A024002953 

 Or, les Indulgences et graces que Nous accordons en faveur des dictes Confreries sont telles que s'ensuit:.

  A024002961 

 Ceux qui sont desja enroollez ausdictes Confrairies ou quy le seront d'oresnavant, estant vrayement repentantz, confessés et communiés, et visitans les chapelles ou oratoires desdictes Confrairies des les premieres Vespres jusques au soleil couchant de la feste principale d'icelle (laquelle vous leur assigneres), et la prieront pour l'union des princes chrestiens, extirpation de l'heresie et exaltation de l'Eglise, gaigneront Indulgence pleniere..

  A024002965 

 Tous les dictz confreres et seurs, vrayement repentantz, confessés et communiés, quy en l'article de la mort invoqueront de bouche, s'ilz peuvent, ou, s'ils ne peuvent, au moingz de cœur le sacré nom de JESUS, recommandantz leurs ames a Dieu, gaigneront Indulgence et remission pleniere de tous leurs pechez.

  A024002969 

 Semblablement, ceux qui vrayementz repentantz, confessés et communiés visiteront les chapelles ou oratoires desdictes Confrairies, et prieront comme dessus es quattres aultres festes que vous leurs assigneres, ilz gaigneront chasque jour qu'il (sic) feront cela, dix annees et aultant de quarantainnes..

  A024002973 

 De plus, les confreres et seurs quy, penitentz, confessés et communiés, assisterontz aux processions que lesdictes Confrairies ont accoustumés de faire chasque mois, et prieront comme dessus, gaigneront trent'ans et autant de quarantainnes.

  A024002977 

 Ceux qui se trouveront aux Messes et aultres divins offices qui se celebrent es eglises, autels ou oratoires desdictes Confrairies, ou bien qui assisteront aux assemblees d'icelles Confrairies, soit qu'elles se facent publiques ou particulieres, en quelque lieu que ce soit, et ceux qui accompagneront le tressainct Sacrement quand il est porté ou es processions ou aux mallades, ou aultrement, comme que ce soit; ou qui, estant empechés de ce faire, oyant le son de la cloche qui sert de signe pour cela, diront un Pater noster et un Ave Maria pour le malade; ou quy se treuveront es aultres processions extraordinaires desdictes Confrairies et des aultres quy se feront par vostre licence, ou aux ensevellissementz des deffuncts; ou quy visiteront et secourront les mallades, ou quy feront hospitalité aux pauvres, ou quy leurs feront ausmonnes et secours, ou qui pacifieront les discordes qu'eux mesmes ou les autres auront, ou bien procureront qu'elles soyent pacifiees; ou bien quy reciteront cinq fois le Pater noster et l' Ave Maria pour les deffuncts, ou quy ramenneront quelqu'ung au chemin de salut, ou quy enseigneront les choses utiles au salut, ou quy feront quelque autre sorte d'œuvres de pieté et de charité: toutes fois et quantes qu'ilz feront quelqu'une des susdictes bonnes œuvres, gaigneront cent jours d'Indulgence..

  A024002981 

 Oultre cela, Nous accordons a tous les confreres et seurs desdictes Confrairies quy, estant legitimement empechés (comme ceux quy seront mallades ou en voyages), ne pourront venir aux esglises, quils puissent en ce mesme temps gaigner les mesmes Indulgences quils gaigneroyent es eglises, selon quil est dict cy dessus, moyennant quils recitent un Chapellet, c'est a dire la troisiesme partie du Rozaire..

  A024002985 

 Et en fin Nous donnons pouvoir ausdictz confreres et seurs de choisir tel confesseur que bon leur semblera (approuvé neanmoins [314] de l'Ordinaire), quy une fois l'annee les puisse absoudre de tous pechés, crimes, exces et delicts, mesme de ceulx quy Nous sont reservés, et au Siege Apostolique (excepté neanmoingz les cas reservés en la Bulle Cæna Domini et en la Constitution de Clement VIII, d'heureuse memoire, Nostre predecesseur, qui se commence: Quæcumque a Sede Apostolica, dattee du septiesme septembre mil six cent et quattre, et encour les reservés aux Ordinaires des lieux), et le tout nonobstant toutes Constitutions et autres choses quy porroint estre a ce contraires..

  A024002996 

 Au sortir de ladicte chappelle, je suis entré dans l'une des maisons dudict village, pour ouyr ledict Guilliame Perroullaz, Nicolas son filz et aultres, sur le contenu de ladicte Requeste; dont, pour cest effect, j'aurois appellé ledict Guilliame, aagé d'environ soixante ans, auquel, appres luy avoir faict prester le serment sur les sainctz Evangiles de Dieu de dire, la verité de ce quil sera par moy examiné, luy remonstrant la peyne de faulx, a dict et respondu comme ci appres:.

  A024003000 

 A respondu estre vray que, faisant bastir sa grange audict village, les massons et ledict Nicolas son filz trouvarent une pierre la au pres, en laquelle (estant fendue) se remarquoit l'image de ladicte glorieuse Vierge; de quoy ilz furent tous grandement estonnés.

  A024003002 

 Respond quii desire et supplie tres humblement Monseigneur le Reverendissime de permettre y estre celebré les jours troisiesme des festes de Noel, troisiesme de Pasques, troisiesme jour des festes de Pentecostes et le jour sainct Nicolas en decembre, a forme de ladicte Requeste, pour la commodité dudict suppliant, de sa famillie et de ses voysins.

  A024003011 

 Respond quil est vray qu'en ladicte annee 1598 il fut detenu d'une grosse maladie de laquelle il tint le lict pres de trois mois, sans se pouvoir lever ny retourner qu'avec assistance d'aultruy, et qu'alhors il fit plusieurs devotions et vœux pour recouvrer sa santé; entre lesquelz l'un fut de fere bastir la susdicte chappelle au plus tost quil en auroit les moyens et commodité, sans touttesfois [317] declarer sondict veu (lhors de sadicte maladie) a son pere jusques environ quattre ans appres icelle.

  A024003019 

 En premier, ledict Pierre, aagé d'environ soixante ans, appres avoir presté le serment sur ce requis entre noz mains, icelluy a respondu sur les interrogatz a luy faictz comme s'en suit..

  A024003021 

 Respond quil les cognoit tres bien et qu'ilz sont de bonne fame et reputation, et qu'il a entendu dire audict Nicolas Perroullaz, qu'a une sienne maladie de laquelle il venoit quasi impotent, sont environ douze annees, il avoit faict veu que si Dieu luy redonnoit sa santé, de fere construire a l'honneur de la Saincte Trinité et de la glorieuse Vierge ladicte chappelle; ce que du dempuis et des une annee en ça lesditz pere et filz ont effectuéz et ont fait bastir ladicte chappelle, a laquelle sil plaist a Monseigneur le Reverendissime permettre estre celebré la Messe, cela leur sera grande commodité..

  A024003025 

 A respondu et dict qu'elle contient environ un journal et demy et que ladicte piece peut valloir tous les ans, environ quinze florins.

  A024003025 

 Repeté, a percisté; sur les generaux interrogatz respond pertinemment, et a faict sa marque accoustumee..

  A024003033 

 Interrogé du contenu du pré et champt que les ditz fondateurs veullent ypothequer pour l'asseurance du revenu annuel de ladicte chappelle, et valleur d'icelle piece:.

  A024003035 

 Repeté, a perseveré; sur les generaulx interrogatz a respondu pertinemment, et s'est marqué, a faulte de sçavoir escripre..

  A024003039 

 Apres l'audition des susnommés, je me suis mis en chemin pour retourner a Salanche avec ledict M e Ramus, ayant au preallable remarqué audit village des Vorsiers, de costé et d'aultre, plusieurs possessions, champ et verdiers, au but desquelles, du costé de Salanche et environ cent pas loing dudict village, j'ay remarqué les isles playnes d'haliers, pierres et espines, tenant de chemin jusques au nant de Dyere environ trois centz pas; puis j'ay trouvé ledict nant, appellé Diere, descendant d'une haulte montagne, demonstrant d'estre impetueux et dangereux a passer en temps de pluye et neige, et qui couvre de gravine et pierre environ quarante pas de largeur de terre; et environ demi quart de lieue de la d'icelluy j'ay trouvé le second nant, puis, un peu dela, le troisiesme, desquelz les tesmoins ont fait mention en leurs depositions; ayant recognu lesdictz nantz et isles estre fort correspondantes a ce que lesdictz tesmoings m'en avoient dict..

  A024003045 

 Que pour avoir desmeuré en ladicte ville de Salanche des unze annees en ça et avoir servy de vicaire [a] messieurs du Chapitre durant ledict temps, il cognoit tres bien lesdictz Guilliame et Nicolas Perroullaz, et lesquelz il a tousjours recognus bons catholicques, pieux et devotz, et que, pour avoir esté plusieurs fois audict village des Vorziers, tant pour porter le tressainct Sacrement aux malades que pour faire les benedictions accoustumees, il a remarqué le chemin estre long et de plus de demy lieue des ladicte ville, et qu'es ditz voyages il se seroit trouvé diverses fois en peyne et danger de passer le nant de Diere pour son impetuosité et grandeur; et qu'il se souvient qu'il y a environ dix ou unze ans, que les loupz tuerent une fille aagé d'environ douze annees, ez isles des-dictz Vorsiers, dela ledict Nant de Dyere, qui estoit a l'un des freres Challamel, laquelle fut apportee ensepvellir a Salanche; et la mesme annee, lesditz loupz manquerent encor de tuer une femme qui menoit abbreuver du bestail audit nant.

  A024003046 

 Repeté, a perseveré; sur les generaulx interrogatz respond pertinemment, et s'est soubsigné..

  A024003051 

 Appres j'aurois faict appeller noble Nicolas Viollat, chastellain au mandement de Salanche, aagé d'environ septante huict ans, deuement assermenté entre noz mains; et appres lecture par luy faicte de ladicte requeste et luy avoir formé les interrogatz requis sur icelle:.

  A024003052 

 A respondu et dict qu'il cognoit de long temps le dict Guilliame Perroullaz et ses enfantz, qui font traffic de marchandise en Provence et sont tenus pour bons chrestiens, de bonne fame et reputation; et qu'il a esté souventesfois audict village des Vorziers, tant pour y avoir une possession que pour sa charge de chastellain, et qu'au chemin d'icelluy se treuve le nant de Dyere, qui vient fort grand et dangereux a passer en temps de pluye, et dela ledict nant sont les isles des Vorziers, plaines de buissons et d'espines, dans lesquelles se treuvent quelque fois des loupz; mesmes, qu'il y a environ neufz ans, qu'es dictes isles ilz tuerent une fillie et l'eussent devoré, n'eust esté que les voysins y accoururent, qui les empescherent.

  A024003053 

 Repeté, a percisté; sur les generaulx interrogatz respond pertinemment, et s'est soubsigné..

  A024003059 

 A respondu quil a cognu des sa jeunesse ledict Guilliame Perroulaz et a heu grande familiarité avec luy, et l'a tousjours recognu pour homme de bien; et que pour estre allé souventesfois audict village des Vorziers ou ledict Guilliame desmeure, il a trouvé le chemin fort long, luy semblant exceder demi lieue des la ville de Salanche pour estre au coing de la parroesse; et qu'audict chemin tirant contre les Vorziers, il y a trois nantz, desquelz le dernier et le plus proche dudict village est fort dangereux et se desborde touttes les annees, de sorte que par foys un (sic) ny peult passer qu'au preallable il ne soit descru, comme est arrivé audict deposant; et qu'appres ledict nant, sont les isles des Vorziers, dans lesquelles se treuvent quelques fois des loupz qui font dommaige ez passantz, estant advenu il y a environ quelques annees qu'ilz y gasterent une fillie qui en mourut.

  A024003060 

 Sur les generaulx, dict que Pierre, l'un des filz dudict Guilliame Perroullaz, a espousé sa niepce, fillie de son frere.

  A024003065 

 Surquoy lesdictz sieurs m'ont respondu quilz consentent et condescendent a la fondation et erection sus mentionnee, avec condition et proteste que ladicte chappelle n'aura aulcune marque d'eglise parrochialle ny filliolle, et qu'en icelle ne se celebrera Messe le dimenche, ne si administreront aulcuns Sacrementz, ne si donnera pain benist et ne si feront sepultures ny aulcungs aultres semblables exercices et offices parrochiaux, et que les offertoires et oblations qui se feront en icelle appertiendront ausditz sieurs de Chappitre en ladicte qualité de Curez.

  A024003083 

 De tristesse, pour la perte de mes lettres qui ne sont en petit nombre, car je vous assure en avoir envoyees environ une trentaine en diverses foi (sic) et en divers pacquets, adressees les uns a vous, les autres a Monseigneur de Geneve et les autres a monsieur le Curé de Gex.

  A024003083 

 Enfin vous en avez receu un, par la grace de Dieu, et m'avez faict telle response que je desirois, me donnant les advis qui m'estoient necessaire, dont je vous remercie affectionnement et m'en resjouïs extremement pour le bien que j'en espere..

  A024003084 

 Il y a 9 ou 10 jours que je marchande de vous escrire, et ay tous-jours differé attendant la presentation de nos cayers; mais voyant qu'elle se delaye de semaine en semaine, j'ay pensé a propos par advance vous escrire la presente, et vous dire, pour vostre consolation et de tous les bons catholiques de Gex, que la France est tant esloingnee de tout chisme et division du Saint Siege Apostolique, qu'au contraire jamais elle n'y a esté si estroitement jointe et unie qu'elle est a present; comme elle tesmoingne par l'humble demende et instante requisition qu'elle fait a Sa Majesté de la reception et publication du sacrosaint et œcumenique Concile de Trante, ornant le frontispice de son cayer general de cette demande, comme les douze des douze gouvernements de France en estoyent embellies tout au commencement, estant leur I er article, voyre mesme les cayers particuliers des Baillages et senechaussees de tout le Royaume.

  A024003085 

 De plus, un article ayant esté proposé en la Chambre du Tiers Estat par l'invention du diable et de ses supposts les heretiques et par l'entremise des gros, ou pour mieux dire des faux catholiques, qui derogeoit a l'authorité de nostre S. Pere le Pape soubs faulx pretexte de conserver la personne de nos Rois, a esté si courageusement impugné par nostre Chambre assistee de celle de la Noblesse et de la plus grande part mesmes de ceux du Tiers Estat (au grand regret desquels il avoit esté proposé), que par commendement de Sa Majesté il a esté osté de leur cayer, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté, par l'advis et conseil de Messieurs du Clergé ausquelz il remettoit entierement cet affaire.

  A024003086 

 A ce j'adjousteray les moyens et expediens que nous traictons journellement es Estats, pour heureusement et paisiblement parvenir a ceste fin; lesquelz toute fois je n'exprimeray pour n'estre encore divulgués, ayant tous pretez serment de ne rien declaré de tout ce qui se passe es Estats.

  A024003086 

 Qu'ilz s'attendent maintenant de ravoir nos eglises; mais plus tost qu'ilz se preparent a la restitution de tout ce qu'ilz y ont desrobé, et seront sages, car on ne les espargnera pas.

  A024003086 

 Seulement je diray, pour faire desesperer nos imposteurs, qu'on demande des commissaires pour visiter les lieux infestés de l'heresie et tirer d'entre les mains des heretiques non seulement les eglises,... mais aussi tous les biens ecclesiastiques et leur faire rendre conte jusqu'au dernier quadrant de ce qu'ils en auront manié, pour ne dire desrobé.

  A024003086 

 Tous les articles de nos cayers et plusieurs autres que j'ay adjousté touchant vos advis et ce que j'ay jugé utile pour le bien du baillage, et particulierement des catholiques, ont esté bien receu du Clergé; qui est un prejugé qu'ilz seront favorablement repondus de Sa Majesté..

  A024003087 

 Il seroit a propos encore d'escrire a Monseigneur l'Archevesque de Bourge et le remercier humblement de centz escus qu'il nous veut donner tous les ans, tant pour nostre entretien que pour employer au faict de nostre mission; c'est outre les centz escus qu'il donne a l'economie et n'ont rien de commun avec iceux.

  A024003087 

 Il seroit a propos que vous en escrivissiez un mot de remerciement tant au R. P. Provincial qu'au R. P. Gardien, lesquelz ont fait responces aux vostres; mais si vous n'avez les miennes, ny celles la encore.

  A024003087 

 Je ne pourrois vous exprimer l'honneur et le contentement que je reçois journellement en ceste assemblee, tant de la part de Messeigneurs les Cardinaulx, Archevesques, Evesques et autres deputés de l'Eglise, comme aussi en nostre couvent, des Superieurs et Religieux.

  A024003092 

 Apres vous, je salue tous les Religieux; de mesme faict nostre compaignon..

  A024003102 

 Estant heureusement arrivé a la fin des Estats, il m'a semblé a propos vous en donner advis et vous dire par mesme moyen que lundy dernier, veille de saint Mathias, les cayers furent presentés au Roy, celui du Clergé par Monseigneur l'Evesque de Luçon, celui de la Noblesse par Monsieur le baron de Senessé, celui du Tiers Estat par Monsieur le Prevost de Paris, lesquels trois arranguerent non moins disertement que doctement: ausquelz le Roy, apres avoir remercié les Estats de leurs bons conseils et advis, respondit en peu de paroles que, le plustost qu'il pourroit, il y donneroit response et la plus favorable qu'il lui seroit possible, et que personne des deputez ne partisse de Paris jusqu'a ce qu'il y eu respondu entierement.

  A024003102 

 Il y a desja commis trante commissaires pour les examiner, et y travaillent journellement et diligemment.

  A024003102 

 Les cayers sont gros et amples, il faut bien du temps pour examiner et y respondre.

  A024003102 

 Mais quand on aura la response, l'on ne sçait: les uns disent dans un mois, les autres a Pasques; il n'y a rien d'assuré.

  A024003104 

 Reste a vous dire que je ne manqueray a soliciter diligemment vers les commissaires [et] ceux qui respondront les cayers pour avoir une bonne et favorable response a nos articles; et si en l'ordonnance generale que le Roy fera de tous les cayers elle n'est telle, je ne manqueray en particulier par apres de la poursuivre vers Sa Majesté et vers son Conseil.

  A024003105 

 Il seroit bien a propos que lui en fissiez un mot de remerciement, comme aussy aux RR. PP. Provincial et Gardien qui m'ont faict et font journellement toutes les charitez et courtoisies qui se pourroient desirer.

  A024003105 

 Ils ont faict response aux vostres, mais n'ayant pas receu les nostres, ny les leurs par mesme moyen..

  A024003105 

 Je ne pourrois vous exprimer l'honneur que j'ay receu en ceste assemblee, tant de Messeigneurs les Cardinaux, Archevesques, Evesques, Abbés, qu'autres deputez, et combien ils prisent et font estat de nostre mission et quels desirs ils ont de nous y assister, comme ils tesmoigneront a la 1 er assemblee du Clergé, ordonnant quelque somme d'argent a cet effaict, comme plusieurs me l'ont promis, et des principaux.

  A024003105 

 Monseigneur l'Archevesque de Bourge, des maintenant pour son particulier, nous donne tous les ans centz escus, tout autant qu'il faict pour les curez.

  A024003111 

 Apres vous, je salue tous les Religieux; de mesme faict nostre compaignon.

  A024003117 

 Je donnay le I er pacquet a monsieur de la Bastide et je vous l'adressois; le 2ond a Monseigneur de Geneve, par la poste, l'adressant au V. P. Gardien de Chambery (et reste fort estonné que luy ayant escript depuis mon depart de Gex par 5 ou 6 fois, je n'aye receu de luy un seul mot de response, estant venus icy expres pour les affaires de son [326] diocese riere la France); le 3 e pacquet je l'ay adressé a monsieur de Fournel, et ce par la voye de monsieur Carlet; le 4 e a monsieur le Baillif, par l'adresse de monsieur Robin, comme il m'avoit escript; le 5 e est le present, par M. Tombet, deputé du Tiers Estat de Gex, lequel vous racontera amplement la conclusion des Estats et le peu de satisfaction que remportent les deputez en leurs provinces..

  A024003118 

 Succinctement je vous diray que les cayiers furent presentés la veille de S t Matthias, avec parolles de ne point congedier les Estats qu'ils ne fussent favorablement respondus; mais ceste parolle n'a esté gardee, attendu que la veille de l'Annonciation on nous congedia sans aucune response, disant qu'on y travailloit et qu'estant faicte on imprimeroit un arrest qu'on envoiroit par tout..

  A024003119 

 J'ay receu beaucoup d'honneur et de contentement en ceste assemblee, avec offre de toute sorte d'assistance pour nostre mission, tant de Messeigneurs les Cardinaulx que de Messeigrs les Archevesques et Evesques; et a cet efïaict m'ont dit que je n'eusse point a partir devant l'assemblee du Clergé qui se doit faire le 15 e du prochain et que je m'y trouvasse, et qu'ilz ordonneroyent quelque chose pour nostre mission.

  A024003120 

 Faictes que j'aye au plustost de vos nouvelles, avec quelque remerciements a Monseigneur de Bourge; il m'a desja donné le mandement pour recevoir 100 escus a la S t Jehan Baptiste, et continuera tous les ans de mesme.

  A024003120 

 Remerciez aussi les RR. PP. Provincial et Gardien, car ils m'ont faict toutes les chantez et courtoisies possibles.

  A024003131 

 Revu sur les autographes inédits conservés à Bourg-en-Bresse, aux Archives hospitalières, H. 533.

  A024003171 

 Et d'aultant que Nostre bon plaisir a esté d'introduire dans le College de ladicte ville les Peres Barnabites, sans que le revenu dudict College soit souffisant pour les entretenir, ladicte ville, en suytte de Nostre intention, leur auroit volontiers lasché et remis la moitié desdictz trois deniers pour les aider aulcunement aux grandes charges quilz supportent, moyennant quil Nous pleust leur laisser l'aultre moitié...: ce que Nous ayant esté d'aultant plus agreable qu'en mesme temps Nous tenons a aider et soulager Nostre bonne ville, comme Nous avons tousjours desiré, et tout ensemble prouvoir a l'establissement d'ung œuvre si saincte (sic) et si utile a Nos peuples et subjectz:.

  A024003171 

 Que Nous ayant tres humblement remonstré et faict entendre les Scindics, bourgeois, manantz et habitantz de Nostre bonne ville et cité d'Annessy, comme Nous ayant pleu par Nos patentes du quatorziesme juin mil six centz huict de leur continuer la levee de trois deniers sur chasque livre de chair se debitant en leur boucherie a perpetuité, que par aultres patentes precedentes Nous leur aurions accordé pour quelque temps, en consideration des grandz debtes quilz auroient faictes et charges par eulx supportees despuis tant d'annees et quilz continuent encores a present...; ce que neanmoins auroit esté restrainct, par Arrest de verification de Nostre Senat de Savoye, au terme de dix annees, sans ce que pourtant ilz ayent peu s'acquiter de telz emprumptz ny en recevoir le soulagement quilz en esperoient.

  A024003177 

 Revu sur le texte inédit, inséré dans les Registres des Délibérations du Conseil de Ville d'Annecy, vol. 34, fol.

  A024003183 

 Comme ainsi soit qu'il ayt pleu a Noz S te Peres les Papes, souverains Pasteurs de l'Eglise universelle, d'annexer et unir au sacré Ordre des Freres Prescheurs la Tres-S te Confrairie du Tres-Sainct Nom de JESUS, et encor y donner le pouvoir aux Superieurs du dit Ordre de l'eriger et establir aux eglises et lieux ou ilz seront requis par le zele et devotion des fideles:.

  A024003184 

 Prieur du Convent de S t Dominique d'Annessy et Vicaire substitut de R d Pere Frere Adrian Bechu, docteur en theologie et Vicaire General de la Congregation des Freres Prescheurs en France et Savoye, ayants veu le consentement de Monseig r le R me Evesque et Prince de Geneve sur les réquisitions a luy faictes et [333] d'autre part escrittes, pour satisfaire a la pieté et devotion des suppliants et pour contribuer tout nostre soing et tout nostre pouvoir a ce que le Tres-S t Nom de Dieu soit honoré, et que par ce moien tous blasphemes soient ostez et exterminés du milieu des Chrestiens:.

  A024003185 

 Nous erigeons, fondons et instituons en la parroisse de Nostre Dame d'Abondance la Tres-S te Confrairie du Tres-S t Nom de JESUS jouxte ses Status, regles et ordonances, conformement au pouvoir a Nous concede tant par nos S tz Peres les Papes que par nos Superieurs et Majeurs, exhortants et priants M re Jehan Mocand, pasteur et curé de la paroisse de Nostre Dame d'Abondance, de voulloir publier a ses parroissiens cette nostre institution et erection, et les convier a embrasser cette sacree devotion de tout leur cœur et affection, puisqu'il n'y a au Ciel ny en la terre autre nom duquel depende nostre salut que celuy de JESUS. Et ilz gousteront icy bas les douceurs et graces qui accompagnent ce sacré Nom, et decedants de ce monde en la confession d'iceluy, ilz seront comblez de gloire au Ciel..

  A024003196 

 Supplie humblement Reverend Messire Jean François de Blonnay, Prieur commendataire perpetuel du Prieuré conventuel de Sainct Paul, disant: que de nulle memoire d'homme ne se treuve que ledict Prieuré soit esté visité jamais que par les R mes Evesques de Geneve, lesquels onts tousjours heu pouvoir de corriger, amender et chastier les deffauts et manquementz des Religieux ou beneficiers ou prebandés audict Prieuré.

  A024003197 

 Et d'auttant qu'aux benefices reguliers, ceux qui les possedent sonts obligés dy vivre regulierement, il vous plaise aussy de conserver et maintenir ledict R d seigneur Prieur et les Prebstres et auttres Ecclesiastiques que vous aves treuvé audict Prieuré en vostre presente Visite en l'observance reguliere conforme [334] a l'estat clerical, vivantz en commung selon la vraye et ancienne discipline ecclesiastique, dependantz en tout et par tout de vous, conformement aux sacrés sanctions du Concile de Trente et jouxte les Constitutions de S t Charles Borromée aux Oblatz de S t Ambroyse, desquelz ilz fontz proffession..

  A024003201 

 Nous commettons le S r Rolland, Chanoine de Nostre Eglise, pour la formalité supliee; embrassant en oultre et approuvant de tout Nostre pouvoir les sainctes et pieuses intentions dudict S r Prieur touchant le reglement de la discipline reguliere en laquelle si exemplairement il s'occupe avec ses confreres audict prieuré, ainsi que desja feu Monseigneur Nostre predecesseur, de glorieuse memoyre, a faict par cy devant..

  A024003427 

 Il est admirable le signe de la Croix, source de vie, sur le bois de laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ, pour le salut du genre humain, [339] n'a pas refusé de subir la mort pour nous rappeler de la mort à la vie; signe qui « apparaîtra dans le ciel lorsqu'il viendra nous juger; » étendard qui protège la religion catholique, et que le semeur de zizanie, l'antique ennemi du genre humain a en horreur; qui, dès les premiers siècles, a valu de nombreuses victoires et de grands triomphes, non seulement aux saints Pères, pour repousser les tentations, mais aussi aux empereurs, rois et princes, pour combattre les infidèles et vaincre les hérétiques..

  A024003428 

 De même la très pure et très sainte Vierge Marie, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, laquelle, conçue sans la souillure du péché originel, est restée vierge avant, pendant et après l'enfantement, qui prie sans cesse « pour le peuple, » intervient « en faveur du clergé, » intercède « pour les femmes consacrées à Dieu, » secourt les opprimés, réprime les efforts des hérétiques et des infidèles, et aide, en les délivrant de tous maux, ceux qui ont recours à elle..

  A024003429 

 Alors furent expulsés le Révérendissime Evêque, les Révérendissimes Chanoines et tout le clergé, ainsi que les autres adeptes de la vraie foi; les églises détruites et dépouillées de leurs très vénérables images et de leurs ornements; les vases sacrés dérobés, les reliques des Saints dispersées et foulées aux pieds, toutes choses saintes profanées; en sorte que, depuis lors, cette ville est réputée, hélas! par tous, et elle est en réalité, la source de toutes [341] les hérésies, la nourricière des guerres intestines qui dévastèrent depuis la France, l'inventrice des trahisons, la propagatrice des homicides, la sentine des incendies et des rapines, l'asile des plus grands malfaiteurs de toute l'Europe, et l'origine de tous les maux qui ont accablé et accablent cette patrie savoyarde et les provinces limitrophes..

  A024003429 

 Cette protection, ils l'ont accordée presque dès le début de l'Eglise jusqu'à l'année du Seigneur mil cinq cent trente-cinq, où, par punition des péchés du peuple, Satan, maître et artisan d'hérésies, instigateur de tous les maux et semeur de zizanie, agita fortement la ville elle-même et une partie du diocèse des troubles très violents de l'hérésie.

  A024003429 

 En outre, les « glorieux Princes de la terre, » les très saints Pierre et Paul, Apôtres de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, dont le second est le Docteur des nations et le premier, le Prince des Apôtres, [340] Vioaire du même Jésus-Christ, fondement de l'Eglise et celui dont la foi ne défaille pas, ont tous deux illustré par leur mort la sainte Eglise Romaine, tête et maîtresse des autres Eglises, et, comme Patrons titulaires de la vénérable Eglise de Genève, l'ont conservée, ainsi que sa cité, son diocèse et leur peuple, à l'abri de toute hérésie et dans la profession de la foi orthodoxe.

  A024003430 

 Après avoir détruit les ennemis publics de sa Divinité, de l'humaine nature et des hommes, il fera revivre là, la sainte religion catholique, et nous, soussignés, il nous ramènera et nous réinstallera dans nos sièges d'autrefois et dans notre propre église, d'où, comme il a été dit plus haut, nous avons été bannis en cette ville d'Annecy, depuis plus de cinquante ans, où nous résidons comme étrangers et pèlerins dans une église d'emprunt..

  A024003430 

 Tout cela nous donne, à nous soussignés, le très ferme espoir que, après avoir imploré le secours et l'aide du signe de la Croix, source de vie, et de la très sainte Vierge Marie, ainsi que les suffrages des bienheureux Apôtres Pierre et Paul: si nous nous retournons vers Dieu lui-même, Auteur de toute piété, avec componction de cœur, gémissement et humilité, prières, jeûnes, fréquente confession des péchés, participation à l'Eucharistie, et autres œuvres de dévotion et de charité vraiment dignes de chrétiens; lui qui, même dans sa vengeance, est miséricordieux; lui qui, sévère pour les impénitents, est bon et pacifique envers ceux qui se convertissent; lui qui a coutume de délivrer de leurs tribulations en cette vie et de conduire aux joies éternelles ceux qui se sont amendés; lui qui, par ailleurs, tout clément qu'il est, veut cependant être prié, être forcé, être vaincu par une sorte d'importunité et une prière assidue, il nous [342] arrachera à toutes les vexations des hérétiques, aux incursions et déprédations de la soldatesque, à la famine qui nous oppresse, aux maladies qui nous accablent, aux guerres qui nous enserrent et aux autres périls qui sont à nos portes.

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Tout d'abord, étant donné que, par suite de notre expulsion, [347] comme il a été dit, de notre Eglise et ville de Genève, nous résidons dans cette ville d'Annecy et faisons les divins Offices du Chapitre et de la cathédrale dans l'église de Saint-François des Frères de l'Observance, de la même façon qu'ils se faisaient dans notre cathédrale, et que, parmi les autels érigés dans cette église de Saint-François, il y en a un, outre le maître-autel où sont chantées les Messes capitulaires, sous l'invocation de Saint-Germain, qui sert à la célébration de nos Messes matinales: nous constituons, à cause de cela, la Confrérie érigée par nous, comme il a été dit plus haut, à l'autel même de Saint-Germain.

  A024003439 

 Et parce que, soit pour célébrer et chanter les divins Offices de la [348] Confrérie et exercer les autres œuvres pies, soit pour traiter ses affaires, il est nécessaire d'avoir un lieu particulier tout à fait libre, hors de l'église où est situé l'autel que nous avons érigé (comme cela se pratique partout pour les autres Confréries), et que l'église de Saint-Jean-Baptiste, de la commanderie du Genevois, de l'Hôpital de Jérusalem, sise en lieu public de ladite ville, n'est guère fréquentée à cause du manque de ministres et de l'injure du temps présent, mais qu'il y a lieu d'espérer que les habitants de cette ville, d'ailleurs très religieux et professant avec dévotion de bouche et d'œuvre la foi catholique, visiteront ensuite cette église de Saint-Jean avec plus de ferveur, si l'on y chante plus souvent la Messe et les autres Offices divins, et si les prières publiques et les pieuses exhortations s'y multiplient; pour ces raisons, du consentement de [349] noble et magnifique seigneur Denis de Saconay, baron des Clets, seigneur temporel de Saconay, Truaz et Lorcier, procureur général de l'Illustrissime et Révérend seigneur Pierre de Saconay, son frère, de l'Ordre militaire de l'Hôpital de Jérusalem, prieur du prieuré d'Auvergne et commandeur du Genevois, nous établissons et choisissons, dans cette même église de Saint-Jean-Baptiste l'oratoire de notre Confrérie, tant que le Chapitre de Genève résidera dans la ville d'Annecy.

  A024003439 

 Et pour cette cause nous statuons et ordonnons que les Messes de la Confrérie et Offices divins, les prières publiques, prédications, exhortations et autres exercices [350] spirituels de piété et de religion, ainsi que les réunions concernant les affaires de la Confrérie, se célèbrent, se chantent, se tiennent et soient convoqués dans cette église de Saint-Jean-Baptiste.

  A024003447 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que les fêtes spéciales et perpétuelles de notre Confrérie soient: l'Exaltation de la sainte Croix, la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, l'Invention de la sainte Croix et le jour des saints Apôtres Pierre et Paul..

  A024003447 

 Il est juste que nous fassions à certains jours de l'année une mémoire spéciale de ceux dont nous sollicitons le secours, et que nous en célébrions solennellement les fêtes.

  A024003459 

 Toutefois, bien que la majesté du très saint Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ ainsi exposé publiquement demande que tous les confrères passent humblement là toute la journée en louanges, prières et saintes méditations, cependant, la fragilité humaine des confrères, non encore exercés à une telle assiduité dans ces œuvres de piété, ne permettant pas cette action commune; pour que la prière ne cesse pas à l'intérieur de l'oratoire et que la Confrérie elle-même professe, à l'égard de ce très saint Sacrement de l'Eucharistie, un hommage de sa servitude: nous statuons et ordonnons que tous les jours où il sera exposé publiquement sur l'autel de l'oratoire, deux confrères, choisis par le Prieur et ses Assesseurs [353] ci-dessous nommés, pour se partager alternativement les heures, devront passer jusqu'à Vêpres, à genoux, avec l'habit ci-dessous prescrit, une heure entière en saintes prières et divines méditations, en particulier et selon la dévotion personnelle, pour notre très Saint-Père le Pape, pour tous les Prélats de l'Eglise et tout le clergé, pour la tranquillité de la république chrétienne, la sauvegarde de la foi catholique, la paix et la concorde entre les Princes et les peuples chrétiens, la conservation et l'accroissement de notre Confrérie, enfin l'augmentation chaque jour des fruits spirituels qu'elle produit.

  A024003461 

 A quels jours se feront chaque année les cinq processions.

  A024003463 

 A ces processions, que tous et chacun des confrères des deux sexes soient tenus d'assister avec le costume à choisir plus bas, marchant convenablement, dévotement, gravement, lentement et en silence, et chantant distinctement, ceux qui savent le faire, les prières qui seront alors ordonnées; les autres, qu'ils récitent à voix basse le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie.

  A024003463 

 A ces processions, un des confrères, choisi expressément par le Prieur et les Assesseurs soussignés, portera une grande Croix, et sera entouré de deux autres confrères portant des cierges ou des flambeaux allumés..

  A024003463 

 A cet effet, tous les confrères, à l'heure déterminée, se rendront à l'oratoire où les processions commenceront, et où elles retourneront.

  A024003463 

 Pour que Dieu, à qui agrée la diversité des prières et des œuvres de piété, parmi lesquelles se trouvent les pèlerinages (énumérés aussi parmi les pénitences salutaires), exauce la Confrérie en général et chacun de ses confrères en particulier, nous statuons et ordonnons que, aux mêmes jours des fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge [354] Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, et aussi le Jeudi-Saint, se fassent des processions publiques à travers la ville, les bourgs ou les localités où se trouveront alors l'Eglise cathédrale et notre Confrérie, en la manière et forme appropriées aux circonstances de lieu et de temps agréées par le Prieur et ses Assesseurs soussignés.

  A024003465 

 Jours où tous les confrères sont tenus de communier.

  A024003467 

 Aussi, rien n'étant plus salutaire, puisqu'il dépasse en excellence tous les autres, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères des deux sexes, aux fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, ainsi que Je deuxième dimanche de chaque mois (excepté septembre, décembre, mai et juin où tombent ces fêtes), s'il s'agit des prêtres, qu'ils célèbrent le saint Sacrifice de la Messe à l'oratoire, s'il est possible, sinon dans une autre église à leur choix; s'il s'agit des laïques des deux sexes, qu'ils reçoivent dans l'oratoire le Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, après avoir fait, où il leur plaira, une soigneuse confession de leurs péchés.

  A024003467 

 Parmi les autres Sacrements qui obtiennent la grâce divine, remettent [355] les fautes et méritent le comble des éternelles récompenses, le très auguste et très saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur est vraiment admirable; car par lui nous rappelons le souvenir de notre Rédemption, nous sommes détournés du mal et fortifiés dans le bien, recevant par lui des augmentations de vertu et de grâce.

  A024003469 

 Comment les confrères peuvent être dispensés de l'observance du statut susdit.

  A024003473 

 Comment les confrères absents sont tenus de communier.

  A024003479 

 Il ne suffit pas, pour atteindre notre but pieux et obtenir les fruits spirituels attachés à notre Confrérie, que la Messe se célèbre une fois par mois dans son oratoire, où plus se multiplie la digne réception [357] de la sainte Eucharistie, plus aussi deviennent abondants les bienfaits spirituels et temporels.

  A024003479 

 Nous exhortons les confrères à y assister, si cela est possible, et à unir leurs prières à celles du célébrant..

  A024003481 

 Les confrères sont tenus à réciter chaque jour cinq fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique.

  A024003483 

 Nous statuons et ordonnons pareillement que tous et chacun des confrères des deux sexes seront tenus chaque jour à réciter, à genoux et la tête découverte, cinq fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique, avec cette intention dirigée vers Dieu, qu'il daigne, par les mérites de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'intercession de la Bienheureuse Marie toujours Vierge, et les prières des [358] très saints Apôtres Pierre et Paul, veiller à la prospérité et à l'heureux succès de toutes choses dans les provinces et lieux soumis au Sérénissime Duc de Savoie, notre prince, y défendre et conserver la foi catholique, délivrer le peuple des calamités présentes, ramener les hérétiques à l'unité et au sein de notre sainte Mère l'Eglise, ou bien les confondre et humilier, en extirpant jusqu'à la racine les hérésies, et, dans ce but, réconcilier entre eux les princes et les amener à une entente unanime, enfin préserver nos princes de tout malheur..

  A024003485 

 Les confrères réciteront chaque jour la Salutation Angélique lorsque sonne la cloche à l'aurore, à midi et le soir.

  A024003487 

 Désirant continuer religieusement le rite antique de la Salutation Angélique, à genoux et tête découverte, lorsque sonne la cloche à l'aurore, à midi et le soir, selon l'ancienne tradition de l'Eglise universelle, nous statuons et ordonnons que la Salutation Angélique sera récitée trois fois le jour par tous les confrères, à genoux et tête découverte, en tout lieu, même s'ils se trouvent dans les rues ou [359] places publiques, chaque fois qu'à l'église principale du lieu où l'Eglise cathédrale aura son siège, la cloche sonnera à l'aurore, à midi et le soir.

  A024003487 

 En dehors de l'obtention des Indulgences concédées par les Souverains Pontifes à ceux qui la récitent ainsi, ils auront l'intention, en rendant cet humble hommage à la Vierge Marie (dont le Seigneur a regardé l'humilité ), d'obtenir, pour les provinces de toute la Savoie, que, par ses mérites et son intercession, elles soient délivrées des maladies, de la peste, des tempêtes, des grêles et autres perturbations atmosphériques..

  A024003489 

 Les confrères rencontrant le Saint-Sacrement porté aux malades l'accompagneront.

  A024003491 

 Aucun catholique d'esprit sain ne doute que le très saint Sacrement de l'Eucharistie est un sujet d'amour pour Dieu et de vénération pour les hommes, car rien ne se rencontre de plus précieux, à rien autre n'est dû un honneur plus grand.

  A024003493 

 Les confrères députés visiteront les malades et les prisonniers.

  A024003495 

 Aussi statuons-nous et ordonnons que les confrères qui auront été choisis par le Prieur et les Assesseurs soussignés, pour une œuvre aussi pieuse et charitable (comptée pour cela parmi les œuvres de miséricorde), soient tenus de visiter et de consoler le plus tôt possible ces malades et prisonniers.

  A024003495 

 Et cela plus fréquemment encore s'il s'agit de confrères, avec l'obligation de faire connaître aussitôt au Prieur leurs besoins, pour qu'il puisse les aider selon les ressources de la Confrérie..

  A024003495 

 Il ne faut pas non plus omettre une chose à laquelle sont poussés non seulement ceux qui portent le nom de chrétiens, mais même ceux qui Suivent la seule loi de nature, à savoir la visite des prisonniers et des malades, accompagnée de paroles de consolation, qui, bien qu'elles ne guérissent ni ne délivrent, cependant apaisent et adoucissent les peines et les douleurs.

  A024003497 

 Comment on fera cesser les disputes et discordes entre confrères.

  A024003499 

 C'est pourquoi, dès qu'une dispute ou une discorde, même minime, se fera jour, pour quelle cause que ce soit, entre les confrères, que le Prieur en soit averti aussitôt, pour qu'ensuite il puisse avec ses Assesseurs, le plus promptement possible et avant qu'elle ne s'aggrave, s'efforcer de l'apaiser par lui-même, ou par d'autres confrères à son choix.

  A024003499 

 L'expérience de chaque jour enseigne assez de quels maux, de [361] quels troubles sont la cause, les disputes et discordes, les unes ouvertes, les autres plus cachées, que l'abominable ennemi de la paix et de la concorde s'efforce toujours plus de propager.

  A024003499 

 Par contre, personne n'ignore les bons fruits que procurent la paix et l'union que l'Auteur même de notre salut, si désireux de la charité, a cultivées par dessus tout et, au moment de monter à son Père, a laissées à ses disciples.

  A024003499 

 Que les autres confrères soient tenus, pendant ce temps, de faire à Dieu des prières particulières pour obtenir la concorde..

  A024003501 

 Les confrères sont tenus d'accompagner les corps des confrères défunts.

  A024003503 

 Aussi, pour ne paraître manquer à un devoir si pieux et nécessaire, le dernier qui est dû à nos confrères défunts, nous statuons et ordonnons que, dès l'annonce faite au Prieur du décès d'un de nos confrères de l'un ou l'autre sexe, la bannière attachée à la Croix de la Confrérie soit mise, revêtue de noir, à la porte de l'oratoire, avec l'indication écrite de l'heure et de l'église où se feront les funérailles, pour que les autres confrères, s'ils ne sont pas absolument empêchés, se sachent tenus d'accompagner le corps du confrère défunt à l'enterrement, priant tous dévotement Dieu pour le salut de l'âme du défunt; nous les obligeons expressément à une œuvre si pieuse.

  A024003503 

 C'est pourquoi, depuis les Apôtres jusqu'à nos jours, les corps des chrétiens ont été et sont encore aujourd'hui ensevelis en terre sainte, avec luminaires, hymnes, convois nombreux, Office propre et autres prières catholiques.

  A024003503 

 Cependant, par [362] honneur pour Celui qui créa l'homme à son image et ressemblance, tous les peuples, toutes les nations, à l'exception de quelques barbares, ont attaché un très grand prix à la sépulture du corps, bien qu'avec des divergences dans la forme et la modalité.

  A024003507 

 L'âme étant plus noble que le corps mérite d'être aidée avec plus de soin, aussi bien en ce monde qu'en l'autre, où elle a souvent besoin des suffrages des fidèles; et malgré la multiplicité des moyens d'obtenir cet effet, il n'en est pas de plus efficace que le Sacrifice de la sainte Messe, étant ordonné par le Christ pour les vivants et les morts.

  A024003507 

 Quant aux confrères prêtres, nous les exhortons dans le Seigneur à célébrer le plus tôt possible une Messe pour l'âme de chaque confrère défunt..

  A024003507 

 Que tous les confrères non absolument empêchés soient tenus d'y assister, et que là et ailleurs, lorsqu'ils le pourront, ils adressent à Dieu, chacun suivant ses moyens, des prières pour cette âme.

  A024003509 

 Un anniversaire général se fera chaque année à l'oratoire pour les confrères défunts.

  A024003512 

 En outre, pour que chaque année une mémoire se fasse en commun [364] des confrères défunts, nous statuons et ordonnons que chaque année, le jour libre le plus rapproché de l'Exaltation de la Sainte Croix, se fasse un anniversaire général dans l'oratoire, où tous les confrères assisteront avec l'habit ci-dessous décrit, et entendront la Messe que le Prieur célèbrera et les autres prières qui se chanteront..

  A024003516 

 En [366] outre, un cordon en fil de chanvre, d'une épaisseur moyenne, avec des noeuds, comme celui que portent les Frères de Saint-François, et un rosaire, mais non précieux, suspendu au cordon.

  A024003516 

 Plus le vêtement est humble, plus aussi il est agréable à Dieu; et il avertit ceux qui le portent et ceux qui le voient de ne pas s'enorgueillir, mais de servir Dieu en toute humilité, dans les larmes, la cendre, le cilice, les jeûnes, les veilles, les prières et autres pénitences.

  A024003516 

 Pour que, donc, nos confrères apprennent ce qu'ils doivent faire en considérant leur habit, et qu'ils soient reconnus par les autres, à l'exemple des autres Confréries, surtout de l'Archiconfrérie du très saint Crucifix érigée depuis longtemps à Rome dans l'église de Saint-Marcel, [365] de l'Ordre des Servites, à laquelle nous souhaitons vivement être agrégés: nous statuons et ordonnons que l'habit de notre Confrérie de la Sainte Croix sera un sac, ou mieux une chemise de toile noire en chanvre, couvrant tout le corps du cou aux talons, simple, d'un seul tenant, sans ornement de soie ou autre garniture, avec un capuce de même toile et couleur couvrant la tête et le visage.

  A024003516 

 Tous les hommes de la Confrérie, de quelle qualité ou condition qu'ils soient, seront tenus de porter cet habit dans l'oratoire, aux processions et autres actes publics, lorsque la Confrérie sera convoquée.

  A024003520 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons qu'on puisse et doive recevoir dans la Confrérie, par le Prieur et les Assesseurs soussignés, toutes les personnes des deux sexes, catholiques néanmoins, de bonne vie et renommée, après que chacune aura émis la profession de foi catholique, soit par elle-même, si elle sait lire, soit par une autre personne en son nom, mais elle présente, et aussi après la promesse d'observer les Statuts et coutumes existants et à venir, selon la formule sous indiquée.

  A024003520 

 Ce serait peu de chose si la Confrérie ne comprenait que les seuls chanoines de l'Eglise cathédrale sus nommée, lesquels, par ailleurs, faisant un corps à part, sont unis entre eux, surtout pour ce qui regarde le culte de Dieu; car la cause de l'érection de la Confrérie qui vise au bien public, ne produirait pas du tout le fruit désiré.

  A024003520 

 Que les nouveaux reçus cependant ne soient point tenus, pour leur entrée, de payer aucune somme ou autre chose, si ce n'est ce que chacun voudra offrir spontanément ou ce que lui dictera sa dévotion..

  A024003522 

 Comment les absents sont reçus dans la Confrérie.

  A024003524 

 Quant aux absents qui désirent entrer dans la Confrérie, et qui sont dans l'impossibilité de se présenter immédiatement et en personne à l'oratoire, pour qu'ils ne soient pas empêchés dans leur dessein si pieux: nous statuons et ordonnons qu'ils puissent être reçus et qu'ils le soient par un procureur légitime, ayant pour acela [368] un mandat spécial dont il rendra compte, et qui fasse la profession 4 e foi et la promesse sus mentionnées et sous insérées; cela aura le même effet que si les récipiendaires se présentaient personnellement..

  A024003528 

 Dans la réception des confrères, le Prieur et les Assesseurs, après avoir lu et expliqué nos Statuts, et avoir reçu la profession de foi ci-dessous insérée et émise par chaque récipiendaire, sont tenus de donner l'habit de la Confrérie en cette manière..

  A024003530 

 Les noms de baptême et de famille seront consignés dans un livre.

  A024003532 

 A cause du péché de l'homme qui a abrégé le cours de sa vie, le souvenir des choses passées ne se conserve que dans les tablettes, les livres et les écrits.

  A024003532 

 Nous aussi, voulant avoir un souvenir perpétuel de ceux qui auront donné leur nom à notre Confrérie, nous statuons et ordonnons que le Secrétaire ci-dessous député, consigne, dans un livre à cela seul destiné, d'abord les noms de baptême et de [369] famille de nous sussignés, comme ils ont été ci-dessus marqués; ensuite ceux de toutes les personnes, de l'un et l'autre sexe, qui y entreront, ainsi que leur qualité, avec la désignation du jour de leur réception et de la somme volontairement offerte par elles..

  A024003534 

 Comment et quand seront choisis les officiers de la Confrérie.

  A024003540 

 A lui tous les confrères, de quel état ou condition qu'ils soient, devront, en tout ce qui regarde la Confrérie et ses exercices, honneur, respect et obéissance.

  A024003540 

 Ce Prieur sera le seul des confrères à porter le surplis dans l'oratoire, aux processions, assemblées et autres actes publics, où il aura la prééminence; commencera les Offices divins, récitera les prières publiques; seul vêtu aussi du surplis, il s'avancera au milieu de l'oratoire, dans les processions, entre les deux Assesseurs portant le costume de la Confrérie, bénira le peuple avec le Saint-Sacrement (les jours où celui-ci sera exposé sur l'autel); notera ceux qui doivent célébrer les Messes ordinaires de la Confrérie et les autres extraordinaires, choisira les directeurs et chantres des processions; enverra aussi, avec les Assesseurs, ceux qui doivent visiter les malades et les prisonniers, [371] et apaiser les discordes, et recevra, avec les mêmes Assesseurs, ceux qui veulent entrer dans la Confrérie, après en avoir exigé l'émission de la profession de foi et la promesse ci-dessous insérées.

  A024003540 

 Il rétablira la paix et la concorde entre les dissidents et terminera les querelles; convoquera selon le besoin les assemblées extraordinaires, présidera toutes les assemblées, y demandera les suffrages et y jouira d'une double voix.

  A024003540 

 Pour que le souvenir des fondateurs ne s'efface jamais, ce Prieur sera toujours pris parmi les chanoines de l'Eglise cathédrale susdite.

  A024003544 

 Dans les processions, chacun portera le petit bâton de pèlerinage, et marcheront, le premier à la droite, l'autre à la gauche du Prieur.

  A024003544 

 Ils seront, le premier, au [372] moins dans les Ordres sacrés, le second, laïque.

  A024003544 

 Ils siègeront près de lui aux premiers sièges dans les assemblées, et auront après lui la prééminence dans tous les actes publics..

  A024003548 

 Il conservera tous les fonds chez lui, et en inscrira l'entrée au livre du Trésorier; il se servira de ces fonds (sur l'ordre, cependant, signé de la main du Prieur et non autrement) pour les nécessités du culte divin, le secours des pauvres et des malades et l'administration du temporel.

  A024003548 

 Il fera rentrer les legs faits à la Confrérie.

  A024003548 

 Il recevra les sommes qui seront données lors de la réception des confrères, et aussi les autres qui seront offertes.

  A024003548 

 Il rendra compte en fin d'année de tout ce qu'il aura perçu, touché ou dépensé, entre les mains du Prieur et des [373] Assesseurs nouvellement élus, ainsi que des autres Auditeurs des comptes qui seront désignés à cette même assemblée..

  A024003552 

 Enfin, un des confrères sera choisi comme Secrétaire, à l'assemblée générale annuelle, lequel écrira dans le livre de la Confrérie les noms de baptême et de famille, et les qualités de ceux qui entreront dans la Confrérie, et tout ce qui sera décidé aux assemblées générales et mensuelles, en apposant sa signature.

  A024003556 

 Dans ce nombre seront compris le Prieur, les Assesseurs, le Trésorier et le Secrétaire de l'année écoulée, lesquels, avec les deux Assesseurs, le Trésorier et le Secrétaire [374] nouvellement élus, sous la présidence du Prieur de l'année, feront une petite réunion le deuxième jour non empêché de chaque mois, et d'autres réunions extraordinaires, où ils s'occuperont des affaires de la Confrérie..

  A024003556 

 En dernier lieu on choisira chaque année en l'assemblée générale douze Conseillers, en partie du clergé, ou au moins dans les Ordres sacrés, en partie laïques.

  A024003558 

 Quand se feront les assemblées et combien il y en aura.

  A024003560 

 En plus de cela, chaque mois une autre, le deuxième jour du mois, toujours à trois heures après midi, où assisteront seulement le Prieur, les Assesseurs, le Trésorier, le Secrétaire et les Conseillers, qui traiteront les affaires courantes concernant la Confrérie.

  A024003560 

 On y élira le Prieur, les Assesseurs, le Trésorier, le Secrétaire et les Conseillers et Auditeurs des comptes.

  A024003562 

 Comment les confrères doivent se comporter dans les assemblées.

  A024003564 

 Dans ces assemblées, les assistants, excepté le Prieur, porteront l'habit de la Confrérie, et chacun donnera son vote avec modestie et par ordre.

  A024003566 

 Les affaires difficiles et douteuses seront portées devant le Chapitre.

  A024003568 

 Si par hasard dans ces assemblées, soit générales soit mensuelles, certaines affaires étaient tellement difficiles, ou bien ne pouvaient arriver à être réglées à cause de l'opposition des votes, du désaccord de certains ou pour un autre empêchement, alors on les porterait devant le Chapitre, et tout ce qu'il ordonnerait serait observésans qu'on pût se récuser..

  A024003570 

 Comment et par qui doivent être nommés les nouveaux officiers.

  A024003572 

 Et pour que toute matière de doute et toute cause de dissension, soit entièrement éliminée dans les nominations des officiers, nous statuons et ordonnons que le Prieur et chacun des Assesseurs, ainsi [376] que le Trésorier et le Secrétaire, pour ce qui regarde chaque charge en la nouvelle création du propre successeur, puissent désigner à l'assemblée, pour chaque office, deux confrères, de la condition cependant ci-dessus exprimée.

  A024003576 

 Elle sera fermée de trois serrures: le Chapitre aura une clef, le Prieur l'autre, un Conseiller laïque, à choisir par les autres Conseillers, la troisième.

  A024003576 

 Enfin, il faut parler de la caisse où seront renfermés le grand sceau de la Confrérie, les actes, les instruments, les donations, les legs, les livres, les écritures et autres choses, ainsi que les fonds remis par le Trésorier.

  A024003580 

 C'est pourquoi nous ordonnons que cette Confrérie s'inaugure le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix du présent mois de septembre, jour où ses Statuts commenceront à obliger tous les confrères..

  A024003584 

 nous et aux confrères nos successeurs, le droit et le pouvoir de changer les Statuts et ordonnances ci-dessus, et de les révoquer, amplifier et limiter, comme aussi d'en faire de nouveaux lorsque cela paraîtra expédient, avec le consentement cependant du Chapitre, l'autorisation de notre Révérendissime Evêque, et le bon plaisir de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique..

  A024003588 

 Enfin, pour que cette Confrérie, instituée comme définitive et ratifiée avec les Statuts et ordonnances ci-dessus, sous l'étendard [378] de la Croix toute-puissante et l'invocation de la Très Sainte Vierge Marie et des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, pour les causes exprimées plus haut, soit aussi protégée contre toutes attaques par le secours de notre Révérendissime Evêque et le patronage du Saint-Siège Apostolique; qu'elle soit pourvue et honorée de quelques faveurs spéciales, de grâces et d'Indulgences, en sorte qu'elle augmente chaque jour, qu'elle produise des fruits plus abondants, et dure et persiste à jamais: nous supplions notre Illustre et Révérendissime Evêque susnommé, de vouloir accorder son assentiment et consentement à l'érection de la Confrérie et autres choses ci-dessus mentionnées, en faisant intervenir son autorité ordinaire; nous supplions aussi notre Très Saint Père le Papè et le Saint-Siège Apostolique de daigner confirmer et approuver la Confrérie, ses ordonnances et Statuts faits et à faire, et lui procurer augmentation et force par les faveurs et grâces apostoliques, par la concession d'Indulgences à perpétuité.

  A024003589 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précèdent et de chacune d'elles, nous avons signé les présentes de notre propre main et les avons fait insérer au Livré de nos Délibérations capitulaires par notre Secrétaire ci-dessous soussigné, qui les a rédigées en forme publique, les a signées et munies du grand sceau du Chapitre..

  A024003621 

 C'est donc à bon droit que Nous leur avons donné Notre consentement et qu'elles doivent être reçues et approuvées par Nous comme, par les présentes, Nous les agréons, recevons et approuvons..

  A024003621 

 Nous, CLAUDE DE GRANIER, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, portons à la connaissance de tous et attestons avoir lu attentivement toutes et chacune des ordonnances ci-dessus mentionnées, relatives à l'érection de la Confrérie en l'honneur de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, projetée par Nos bien aimés dans le Christ les Chanoines de Notre [382] Eglise, et n'y avoir rien trouvé qui puisse offenser des oreilles chrétiennes.

  A024003622 

 En outre, en témoignage de Notre bienveillante faveur et désirant étendre toujours plus les grâces que Dieu Nous a départies: à chaque confrère ou autre qui visitera l'oratoire de la susdite Confrérie et suivra la procession les jours où le très saint Sacrement de l'Eucharistie est exposé sur l'autel à l'adoration des fidèles, pourvu qu'auparavant il ait adressé à Dieu des prières pour la paix et la prospérité de l'Eglise universelle, selon le texte des Statuts de la Confrérie, Nous accordons la remise certaine de quarante jours d'Indulgence..

  A024003623 

 En foi de quoi, ces lettres signées de Notre main, contenant Notre assentiment et approbation, Nous avons ordonné à Notre secrétaire de les contresigner et d'y apposer Notre sceau.

  A024003633 

 Quilz ont occasion de croyre que les Statutz desquelles (sic) la Confraternité est pourveue sont legitimes, [384] comme ne contenans rien contre la pieté et les commandemens de Dieu et de son Eglise, approuvés par l'Ordinayre..

  A024003635 

 Qu'on ne trouvera point ces Confraternités ne pouvoir recevoir fondation ecclesiastique, sinon celle qui obligeroit les confreres mesmes a fayre quelque ministere ecclesiastique, dautant qu'estant laicque elle n'est capable de telles obligations.

  A024003646 

 Cette erection, canoniquement faitte, fut suivie de plusieurs bons succes, entr'autres de la frequentation des Sacremens de Penitence et Communion, de la reduction de plusieurs de mauvaise a bonne et de bonne a meilleure vie, [386] et de l'erection de toutes les autres semblables Confreries, non seulement en tout le diocese, mais aussi en toute la Savoye.

  A024003646 

 Elle a aussi esté conservee, non obstant tant d'incommodités survenues en la ville et le changement des lieux ausquelz a esté forcee de faire les exercices d'icelle, jusques a present, qu'ayant une chapelle asseuree et perpetuellement assignee en l'eglise de Saint Dominique et estant, comme sus a esté dit, non seulement appreuvee mais benie et enrichie de plusieurs graces par le Saint Siege Apostolique, il ne reste sinon que les confreres et seurs estendent leur courage a bien et saintement prattiquer les Constitutions d'icelle, sans s'amuser des-ormais a ce que le malin esprit voudra dire par les langues d'aspics au prejudice d'icelles, puisque le Saint Esprit a confirmé lesdittes Constitutions par la langue Apostolique, a la gloire et louange de Jesus Christ crucifié qui vit et regne es siecles des siecles.

  A024003660 

 Les exercices que doivent prattiquer les confreres et seurs.

  A024003663 

 Ilz portent aux processions, assemblees et autres occurrences l'habit de penitence, selon qu'ilz en sont advertis par les officiers de laditte Confrerie..

  A024003664 

 Ilz se confessent et communient a leur reception en la Confrerie et le jour de la Sainte Croix au moys de may, [388] le jour saint Pierre et saint Paul au moys de juin, le jour de la Sainte Croix au moys de septembre et le jour de Nostre Dame au moys de decembre; et, outre cela, les troysiesmes Dimanches des autres moys, et ce en l'oratoire de ladite Confrerie, tant qu'il se peut..

  A024003665 

 Ilz visitent les malades, tant de la Confrerie qu'autres, selon l'ordre que les Superieurs establissent de tems en tems; et neanmoins cela se prattique avec soin particulier pour le regard des confreres et seurs..

  A024003666 

 S'il arrive quelque differend ou proces entre quelques uns des confreres, les autres qui le sçavent advertissent les Superieurs de la Confrerie, qui, par les meilleurs moyens qu'ilz peuvent, procurent paix et concorde..

  A024003667 

 Ilz disent tous les jours a genoux et mains jointes, s'il se peut commodement faire, cinq Pater noster et Ave Maria a l'honneur de la Passion de Nostre Seigneur..

  A024003668 

 Oyant sonner l' Ave Maria en la principale eglise du lieu ou ilz sont, comme est a Nostre Dame entre celles d'Annessy, ilz se mettent a genoux, non seulement en [389] leurs maysons, mais aussi emmi les rues et lieux publiqs, autant comme cela se peut commodement faire, affin de protester l'honneur que la Confrerie porte a la Mere de Dieu et inciter par leur exemple les autres a ce faire, suyvant la devotion de nos predecesseurs..

  A024003670 

 Ils assistent aux criminelz condamnés a mort, non seulement les visitant en la prison, mays les accompaignant au supplice et, apres iceluy, les ensevelissant..

  A024003671 

 Ilz accompaignent les deffunctz de la Confrerie, et assistent a la Messe laquelle se dit pour eux le lendemain de leur ensevelissement en l'oratoire des confreres..

  A024003672 

 Ilz assistent les veilles des jours de leurs Communions aux Vespres qui se disent le soir en l'oratoire et aux advertissemens qui s'y font; et les jours desdites Communions ilz assistent aux Offices, tant du matin que du soir, au mesme lieu; et tous les vendredis de Caresme, environ les cinq heures du soir, a la salutation du Stabat Mater et a l'exhortation qui s'y fait..

  A024003673 

 Outre cela, ilz obeissent aux advertissemens qui se font aux assemblees de la Confrerie, et a ceux que les [390] Superieurs d'icelle, ou ceux qui sont deputés de leur part, font aux confreres et seurs pour la correction des mœurs..

  A024003674 

 Tous les confreres et seurs de laditte Confrerie doivent soigneusement prattiquer lesditz exercices, tant parce que par le moyen d'iceux ilz se maintiendront en l'amour et crainte de Dieu et se prepareront des grans tresors au Ciel, qu'aussi d'autant qu'ilz gaigneront les Indulgences suyvantes; n'y ayant neanmoins pour tout cela aucune obligation qui porte peyne de peché ni mortel ni veniel pour les contrevenans, ains seulement de privation des fruitz, Indulgences et benedictions qu'y recevront les bons et fidelles observateurs des ditz exercices..

  A024003678 

 Si cette date peut être exacte pour le Sommaire des Statuts, elle est fautive pour les Indulgences, qui ne furent obtenues qu'en 1607.

  A024003682 

 Tous les confreres, a leur entree, jureront la profession de la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique, Romaine, ou la lisant ou l'oyant lire, ainsy qu'il sera advisé par le Prieur..

  A024003684 

 Se confesseront et communieront non seulement a leurs entrees, mays tous les moys aux jours qui sont deputés: a sçavoir, [388] les troysiesmes Dimanches de chaque moys, hormis es moys esquelz se rencontrent les festes de Sainte Croix, de la Conception de Nostre Dame et des saintz Pierre et Paul, Apostres.

  A024003686 

 Les confreres et seurs visiteront les malades, tant de la Confrerie qu'autres, selon l'ordre qui sera mis chaque moys par le Prieur ou, en son absence, par le Sousprieur; et assisteront neanmoins avec un soin special ceux de la Confrerie..

  A024003687 

 S'il arrive quelques differens entre quelques uns des confreres, les autres qui s'en appercevront seront tenus d'en advertir le Prieur qui, par les moyens plus convenables, procurera qu'au plus tost appointement en soit fait..

  A024003688 

 Ilz doivent dire tous les jours a genoux et mains jointes, s'il n'y a legitime empeschement de ce faire, cinq Pater noster et Ave a l'honneur des cinq Playes de Nostre Seigneur..

  A024003691 

 Ilz assisteront aux criminelz condamnés a mort, non seulement les visitant en la prison, mays les accompaignant au supplice et les ensevelissant..

  A024003692 

 Ilz accompaigneront les deffunctz de la Confrerie, et assisteront a la Messe laquelle se dit le lendemain de leur ensevelissement en l'oratoire de la Confrerie.

  A024003698 

 Le Tressaint Pere Paul, cinquiesme de ce nom, qui sied et regne a present, appreuvant, authorisant et recommandant la Confrerie de la Sainte Croix d'Annessy, ainsy qu'il appert par son Bref Apostolique du 10 avril 1607, a octroyé et concedé a perpetuité, pour les confreres et seurs d'icelle, les Indulgences suyvantes, a sçavoir:.

  A024003701 

 Au jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, a prendre des les premieres Vespres jusques au soleil couchant de la feste, visitant la chappelle ou oratoire de la Confrerie et y priant Dieu pour l'union des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de l'Eglise, estans vrayement confessés et communiés: Indulgence pleniere..

  A024003702 

 Au jour de l'Invention de la Sainte Croix, de saint Pierre et saint Paul, de la Conception de Nostre Dame et second Dimanche de mars, a prendre aussi des les premieres Vespres desditz jours jusques au soleil couchant d'iceux, visitant laditte chappelle ou oratoire, priant comme dessus et estant confessés et communiés: pour chacun desditz jours ausquelz ilz feront cela, Indulgence de sept ans et autant de quarantaines..

  A024003703 

 Toutes fois et quantes qu'ilz feront quelques exercices de ceux de la Confrerie, comme oyant les Messes et Offices en l'oratoire d'icelle, visitant les malades, disant [392] cinq Pater noster et Ave pour les deffunctz de la Confrerie, reduisant les desvoyés au bon chemin, enseignant aux ignorans les choses requises a leur salut, hebergeant les pauvres ou faisant quelque autre œuvre pieuse et devote, quelle qu'elle soit: pour chacune fois qu'ilz feront l'une desdittes actions, soixante jours d'Indulgence..

  A024003711 

 Le Tressaint Pere Paul, V e de ce nom, appreuvant et recommandant la Confrerie Sainte Croix d'Annessy par son Bref du 10 avril 1607, a concedé a perpetuité les Indulgences suivantes a tous les confreres et seurs d'icelle:.

  A024003714 

 Le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, a prendre des les premieres Vespres de la veille jusques au soleil couché de la feste, visitant la chappelle de laditte Confrerie et priant Dieu en icelle pour la concorde des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de l'Eglise, estans vrayement confessés et communiés: Indulgence pleniere..

  A024003715 

 Au jour de l'Invention Sainte Croix, des saintz Pierre et Paul, Apostres, de la Conception Nostre Dame, le second Dimanche du moys de mars, a prendre des les premieres Vespres desditz jours jusques au soleil couché d'iceux, priant Dieu comme sus est dit et estans aussi confessés et communiés: pour chacun desditz jours ausquelz ilz feront cela, sept ans d'Indulgence et autant de quarantaines..

  A024003716 

 Assistant aux Messes et Offices en l'oratoire ou chappelle de laditte Confrerie, ou bien assemblees tant publiques que particulieres d'icelle, ou qu'elles se facent; hebergeans les pauvres, accommodant les dissentions ou procurant qu'elles soyent accommodees, accompaignant les cors des trespassés, tant de la Confrerie qu'autres; [392] allant aux processions faittes par le congé de l'Ordinaire, suyvant le tressaint Sacrement tant aux processions que quand on le porte aux malades ou ailleurs, ou ne pouvant, et oyans le son de la cloche qui se fait pour cela, diront un Pater noster et Ave Maria; ou diront pour les deffunctz de laditte Confrerie cinq Pater et Ave, ou reduiront les desvoyés au bon chemin, ou enseigneront aux ignorans les Commandemens et choses requises a salut, ou feront quelques autres actions de pieté, de devotion et charité: pour chacune fois qu'ilz exerceront l'une desdittes actions, soixante jours d'Indulgence.

  A024003734 

 C'est pourquoy Nous avons ordonné que de nouveau la publication en sera faitte par tout Nostre diocese, affin que chacun soit asseuré de pouvoir par cy apres participer a des biens si grans et excellens; suppliant tous les tres Reverens Ordinaires des lieux qui en seront requis, de vouloir permettre et favoriser semblable publication et la cueillette des aumosnes pour l'effect mentionné en la concession dudit Pardon.

  A024003734 

 Comme aussi Nous exhortons les fidelles chrestiens de vouloir honnorer Dieu par leurs bonnes œuvres audit lieu de Thonon, comme [vis à vis] et en face des principaux sectateurs de l'heresie, affin qu'ilz soyent esmeus a glorifier eux mesmes le Pere celeste par [396] leur reduction au giron et sein maternel de la sainte Mere Eglise.

  A024003748 

 Le même François, ayant été peu après créé Evêque et Prince de Genève, et délié ainsi de sa charge de Préfet de la Maison de Thonon, de son plein gré et avec amour se dévoua et consacra tout entier, tel qu'il est et avec toutes ses forces, à cette Institution, [397] faisant les vœux les plus ardents et les plus profonds pour que les noms très augustes de JESUS et de MARIE se répandent de la Maison de Thonon, comme une huile épandue, une cannelle et un baume odorant, à travers tout le territoire et les habitations du diocèse, surtout de la ville de Genève, et y apporte le suave parfum d'une myrrhe choisie.

  A024003760 

 Pour provoisre (sic) au desordre qui peut y naistre, fauldroit ung chefz (sic) d'auctorité dont la pieté et la prudence calma tous les vens de contrarieté..

  A024003761 

 L'eglize est fort fidellement et exactement servie par sesditz ecclesiasticques ordinaires, avec ung fort beau luminayre, et en icelle se celebre (sic) tous les jours sans fallir 4 Messes ordinaires et plusieurs extraordinaires..

  A024003775 

 Concede Indulgence pleniere et remission de tous les pechés a tous les fidelles chrestiens lesquelz entreront a la [400] dite Confrerie, le premier jour de leur entree, si, vrayement repentans et confessés, ilz reçoivent le saint Sacrement de l'Eucharistie..

  A024003776 

 Concede la mesme Indulgence et remission de tous les pechés a tous les confreres, tant a ceux qui sont desja inscritz en ladite Confrerie comme a ceux qui se feront inscrire en icelle de tems en tems, lesquelz vrayement repentans et confessés, ayant receu le saint Sacrement de l'autel devotement, visiteront l'eglise, chapelle ou oratoire de ladite Confrerie, des les premieres Vespres jusques au soleil couchant, le jour de la feste de la Nativité de la benite Vierge pour chacun an, et la feront devotes prieres a Dieu pour la concorde des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de la sainte Mere Eglise..

  A024003777 

 Concede la mesme Indulgence pleniere et remission de tous les pechés aux mesmes confreres presens et a venir, et a chacun d'iceux, a l'article de la mort, si, vrayement repentans et confessés, ilz reçoivent le saint Sacrement de l'autel, ou bien ne l'ayant peu faire, au moins contritz et repentans invoqueront devotement le tressaint Nom de Jesus, avec la bouche, le pouvant faire, ou de cœur, ne pouvant mieux..

  A024003778 

 Concede la mesme Indulgence pleniere et remission de tous les pechés a chaque confrere lequel par son entremise aura fait ou procuré la conversion d'un heretique a la foy catholique, et que par effect tel heretique aura abjuré et detesté les heresies et se sera reconcilié et retiré au giron de la sainte Mere Eglise.

  A024003781 

 Et semblablement, a ceux lesquelz, employés a la conversion des heretiques en tel exercice et fonction pour benefice de la mesme Confrerie en quelque maniere que ce soit, se seront occupés ainsy que dessus, priant, et confessés auront receu le saint Sacrement de l'autel, concede Sa Sainteté qu'ilz puissent obtenir et gaigner toutes les susdites Indulgences et remission des pechés..

  A024003787 

 Nous exhortons donq tous fidelles Chrestiens, mays specialement ceux de Nostre diocese, de se prevaloir de l'occasion qui leur est presentee par la concession de ces [402] saintes Indulgences, s'enroollant a ladite Confrerie et prattiquant soigneusement les exercices d'icelle.

  A024003809 

 Nul ne peut estre esleu Præfect qui ne soit docteur ou en theologie ou en droit, et aagé de trent'ans; ni ne pourra avoir aucun autre benefice curé ou qui requiere residence personnelle (excepté les chanoines de l'Eglise cathedrale), delaquelle il ne pourra demander ni faire demander aucune dispense pour, avec icelle, garder la prefecture..

  A024003813 

 Le Plebain sera esleu par le concours comme les autres curés du diocæse a la forme du sacré Concile de Trente; auquel neanmoins seront preferés, cæteris paribus, les prestres de la Congregation, a laquelle sera tenu, celuy qui sera esleu, se ranger, sil n'en estoit pas auparavant..

  A024003817 

 Les autres prestres de la Congregation seront esleuz par le Conseil de la Sainte Mayson, tout de mesme quil a esté dit du Præfect..

  A024003818 

 Ne pourront avoir office, ni benence, ni charge ailleurs hors la Congregation et Sainte Mayson qui les puisse distraire du service d'icelle..

  A024003820 

 Ilz ayderont le Plebain en l'administration des Sacremens et autres functions pastorales alternativement, et [405] pour cela seront entablés les deux ausquelz il appartiendra de faire ladite charge, selon leur tour, chasque premier Dimanche du moys.

  A024003821 

 Or, pour oster et deposer lesdits prestres, suffira que le Conseil assemblé en juge par la pluralité des voix; mais pour la deposition du Præfect il sera requis que cela se face par les deux tiers des voix du Conseil, auquel entreviendra tous-jours le Conservateur, lequel n'estant pas au lieu, sera attendu jusques a deux moys et non plus.

  A024003822 

 Tous lesdits prestres s'obligeront a leur entree de demeurer trois ans en ladite Congregation; et sera, nonobstant cela, permis au Conseil de les licentier, y ayant rayson legitime, selon quil sera advisé par iceluy, ainsy que dessus..

  A024003826 

 Et porteront sur leurs manteaux des croix de saint Maurice, avec un'image [de] Nostre Dame de Compassion au milieu d'icelle; lesquelles croix seront toutes esgales, soyt que lesdits prestres soyent gentilshommes de naissance ou non, puisqu'ilz ne les porteront qu'en qualité d'ecclesiastiques de la Sainte Mayson.

  A024003826 

 Les habitz des prestres seront noirs et bien agencés, sans superfluité ni curiosité aucune.

  A024003830 

 Et devront se communier a toutes les festes de Nostre Dame, outre Pasque, Noel, Pentecoste, Toussains..

  A024003838 

 Pour les 8 prestres et 4 serviteurs, la Sainte Mayson fournira: En vin, 13 chars blanc, 1 servagnin, 6 rouge..

  A024003840 

 En argent, pour les pitances, 1.200 ff..

  A024003841 

 Item, maintiendra tous les bastimens..

  A024003843 

 Item, la Sainte Mayson fournira medecin, apothicaire cyrurgien, avec tous les medicamens..

  A024003851 

 Pour les serviteurs, a distribuer selon quil sera advisé par la Congregation, 40 ducatons..

  A024003860 

 Tous les jours celebreront les Heures canoniales a haute voix, a sçavoir: les jours ouvriers, Matines et Laudes in 1° tono, et le reste cantu modulato; les Dimanches et festes, Matines in 1° tono, et des le Te Deum laudamus inclusivement, in cantu modulato..

  A024003862 

 Les samedis et veilles de Nostre Dame ilz chanteront les [408] Lætanies d'icelle au faire de la nuit, avant le son de l'Ave Maria..

  A024003863 

 Le premier lundi du moys diront l'Office et Grande Messe pour les trespassés, selon les rubriques des Breviaires et Messelz..

  A024003864 

 Tout ce que dessus pour cet article s'entend la mayson estant faite pres de l'eglise; et jusques a ce tems-la ne seront obligés sinon a dire Tierce avant la Grande Messe, le tout in cantu modulato; Vespres et Complies comme dessus, et ce tous les jours..

  A024003865 

 Mais les festes de commandement diront les Matines comme dessus, et les samedis et festes Nostre Dame les Lætanies comme dessus, et les lundis premiers du mois la Messe des trespassés comme dessus..

  A024003869 

 Les prsestres de la Congregation defaillans aux Offices sans cause et licence perdront:.

  A024003901 

 Sera deputé un receveur general de tous les revenuz de la Sainte Mayson, qui donnera bonne caution; et la constitution d'iceluy se fera par ledit Conseil, devant lequel, ou les deputés d'iceluy, il rendra ses comptes de six mois en six moys, sauf sil semble au Conseil de les luy faire rendre en autres occurrences plus souvent; et le tout avec presentation de reliquaz..

  A024003906 

 Les accensemens des dixmes et autres revenuz de la Sainte Mayson se feront par le sieur Conservateur, avec l'assistence du Prefect, ou de celuy que ledit Praefect ou Conseil aura deputé..

  A024003910 

 Les mandatz qui n'excederont la somme de dix escuz d'or se feront par le seigneur Conservateur et par le sieur Praefect conjointement; et en cas quilz ne soyent pas d'accord a le faire, le Conseil sommayrement appellé determinera.

  A024003911 

 Mais lhors que le sieur Conservateur fera des voyages et autres sortes de frais, les mandatz de son payement se feront par le Praefect avec le Conseil; et ne pourra faire lesdits voyages et frais sans l'advis d'iceluy Conseil..

  A024003921 

 Mais en cas que les PP. Jesuites voulussent venir faire cette charge avec 4 regens, on leur fournira... 400 escuz d'or..

  A024003927 

 Seront d'eage de dix a dix huit ans, ne pouvant estre receuz avant le premier, ni retenus apres le second, sauf a dispenser avec les convertis, selon quil semblera expedient au Conseil..

  A024003928 

 Mangeront avec les autres au College, et pour le reste seront separés, avec un maistre qui soigne a leurs estudes, meurs et pieté.

  A024003932 

 La despense de l'entretenement de l'eglise de la Congregation, du College et Seminaire estant detraitte, tout le reste du revenu de la Sainte Mayson sera inviolablement appliqué a la conversion des heretiques, selon quil sera advisé par le Conseil; en sorte neanmoins que les missions soyent præferees et, apres icelles, les provisions requises a la retraitte et entretenement des convertis, en les appliquant aux artz et autres besoignes, selon leur (sic) habilités.

  A024003933 

 Au defaut, autem, dudit payement ordonné sur les annates et passage, la Sainte Mayson ne sera point obligee au supplement..

  A024003933 

 Que si ledit assistant estoit desagreable au Conseil, le sieur Conservateur en devra [presenter et nommer] eslire un autre, lequel ledit sieur Conservateur fera payer sur les cinquant'escus qui reste (sic) des 300 que Son Altesse et la sainte Religion Saint Maurice ont assigné sur les decimes annates et passage d'un chevalier pour chasqu'annee, et pour le payement d'un præstre.

  A024003942 

 La mayson de la Congregation sera autour de la Place de ladite eglise; mais en attendant que les bastimens soyent dressés, on habitera es maysons qui sont a present a ladite Sainte Mayson..

  A024003944 

 4. Sera deputé un receveur general de tous les revenuz de la Sainte Mayson, qui donnera suffisante caution: et la constitution sera faite par tout le Conseil..

  A024003947 

 La despense necessaire a l'entretenement de l'eglise de la Congregation, College et Seminaire estant faitte, le reste sera inviolablement appliqué a la conversion des hæretiques, selon quil sera avisé par le Conseil de la Sainte Mayson; en sorte neanmoins que les missions soyent præferees et, apres icelles, les provisions requises pour la retraitte et entretenement des convertis, en les appliquant aux artifices et travail des mains, ou autres sortes de services selon leur (sic) habilités..

  A024003949 

 Les mandatz qui se feront pour toutes les occurrences ordinaires et qui n'excederont point la somme de dix escus d'or seront faitz par le sieur Conservateur et signés par le sieur Præfect conjointement.

  A024003950 

 Lhors que le sieur Conservateur fera des voyages ou autres sortes de frais, les mandatz de son payement seront faitz par le Prefect avec le Conseil; et ne pourra faire les-dits voyages ni frais sans prendre l'advis dudit Conseil..

  A024003953 

 Le Conseil sera composé au moins des deux tiers, les trois faysans le tout des conseillers d'iceluy..

  A024003954 

 Et sera neanmoins loysible au Conseil de les licencier, au cas quilz soyent treuvés inhabiles et ineptes..

  A024003954 

 Les prestres de la Congregation s'obligeront a leur entree de demeurer trois ans entiers a ce service-la.

  A024003955 

 Les prestres defaillans aux Offices sans cause et licence, perdront: manquans a Matines, 2 solz; manquans a la Messe, 2 solz; manquans a Vespres, 1 sol; et cæteris accrescat..

  A024003956 

 Et outre celâ, sera requis que pour oster tant les uns que les autres, le Conservateur entrevienne au Conseil; que sil n'est pas present, il soit attendu jusques a deux mois, le tout neanmoins par connoissance sommaire et sans figure de proces..

  A024003956 

 Pour oster les prestres de la Congregation, suffira la pluralité des voix du Conseil; et pour oster le Praefect, seront requises les deux tiers des voix dudit Conseil, et consulto Episcopo ac ex ejus decreto.

  A024003966 

 Dont ayant receu lesdites Bulles avec honneur et reverence, pour executer le contenu d'icelles, Nous avons assemblé les jours suivans plusieurs personnes de qualité, doctrine et experience, tant ecclesiastiques que laiz: a sçavoir, le tres Reverend seigneur Vespasien Aiazza, abbé d'Abondance; quant aux ecclesiastiques, le Reverend seigneur Louys de Sales, Prevost de Nostre Eglise cathedrale, le R. P. Frere Abonde de Come, Superieur de la Mission des Capucins, le R. P. Frere Cherubin de Maurienne, predicateur de ladite Mission, et les Reverens sieurs Claude Grand et Nicolas Gottri, docteurs en theologie, predicateurs et chanoines de Nostre Eglise cathedrale, le Reverend sieur Balthazard Maniglier, predicateur, curé de Serraval et Vicepraefect de ladite Mayson [417] d'heberge; et quant aux laiz, le sieur don Thomas Bergere, seigneur du Vilar et chevalier de l'Ordre des Saintz Maurice et Lazare, et noble Claude Marin, procureur fiscal pour Son Altesse en Chablaix: en presence et par l'advis desquelz Nous avons fait les articles ci jointz, pour l'esclarcissement des autres susditz que Son Altesse avoit dressé et pour faciliter l'execution d'iceux.

  A024003967 

 Premierement, que l'union ci devant, comme il a esté dit, faitte du prieuré Saint Hippolite de la presente ville de Thonon, avec ses appartenances et dependances quelconques, a ladite Mayson d'heberge de Nostre Dame de Compassion, demeureroit irrevocablement et inviolablement en son entier, sans que jamais nul puisse venir au contraire; et qu'en suite de cela, toutes les rentes, censes, dismes et autres revenuz appartenans audit prieuré seront payés au prouffit de la Sainte Mayson, selon la cotte et coustume du païs..

  A024003968 

 En vertu de laquelle association ladite sainte Milice, comme plus puissante es choses exterieures et temporelles, defendra et maintiendra ladite Sainte Mayson, et ce principalement par le soin, diligence et sollicitude d'un des seigneurs Chevaliers d'icelle Milice et Ordre, qui sera establi Conservateur de ladite Sainte Mayson; comme reciproquement, les ecclesiastiques et autres personnes de ladite Sainte Mayson ayderont les bons et chrestiens desseins de ladite sacree Milice par leurs Sacrifices, prieres et bonnes œuvres..

  A024003968 

 Item, Nous avons declairé que l'union de la Sainte Mayson d'heberge avec la sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare seroit reciproque entre ladite Mayson et ladite Milice, non point par incorporement de ladite Mayson a ladite Milice ni au contraire, mais par une simple association et mutuelle correspondance, entant que ladite Milice et ladite Mayson visent et tendent a mesme fin, a sçavoir, l'exaltation de la foy, quoy que par divers moyens: la Milice tendant a cela principalement par les armes exterieures et corporelles, et ladite Sainte Mayson par les armes interieures et spirituelles, comme sont les predications, sermons, catechismes, conferences, prieres, aumosnes.

  A024003969 

 Item, Nous avons declairé que jamais les biens et revenuz de ladite Sainte Mayson ne pourront estre entenduz appartenir a ladite sacree Milice de Saint Maurice et Lazare ni a la disposition d'icelle, mays demeureront a jamais affectés aux œuvres et exercices auxquelz Sa Sainteté et Son Altesse les ont destinés, selon les articles dressés par sadite Altesse et l'Illustrissime Seigneur Nonce, et ceux qui, pour l'esclarcissement d'iceux, Nous avons fait et qui y [sont] jointz..

  A024003970 

 Et consecutivement avons receu le serment de tous les Reverendz prestres de ladite sainte compaignie et autres officiers de ladite Sainte Mayson, de bien exercer leurs charges et offices, chacun selon son devoir et office.

  A024003970 

 Et en fin, toutes ces choses ainsy faittes, Nous les avons mis en possession un chacun de l'exercice de leur charge..

  A024003970 

 Item, en fin, apres toutes ces declarations par Nous faittes, en vertu de ladite commission, Nous avons receu le serment du susdit seigneur don Thomas Bergere, Conservateur esleu et nommé par ladite Sainte Mayson, et accordé par sadite Altesse et par le tres sacré Conseil de ladite sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare, par lequel il s'est obligé de bien et deuement conserver, en ce qui dependra de son pouvoir, les droitz, noms, actions, biens et [419] tiltres de ladite Sainte Mayson, et de procurer par toutes voyes convenables que les articles dressés pour l'establissement d'icelle soyent observés.

  A024003978 

 Il s'essayera d'avoir le plus de connoissance qu'il pourra de la verité du bruit que nous avons de deça, que les seigneurs [420] Chevaliers des Saints Maurice et Lazare pretendent tirer sous leur Religion la Sainte Mayson de Thonon pour en avoir la direction et administration.

  A024003979 

 Que ce sera oster en un moment toute la splendeur et abolir l'esclat de ce nom si specieux et honnorable de la Sainte Mayson de N[ostre Dame] de Compassion, quand on sçaura que tant de bons exercices pour lesquelz et sous le prætexte desquelz les Papes, les Princes et tant de nations ont estimé ce dessein, seront reduitz sous la conduite de gens d'armes, gens mariés, gens mesnagers.

  A024003979 

 Remonstrant a Son Altesse, sil y escheoit, combien il y a d'indecence que les laiz commandent et regentent en une Mayson composee de prestres et ecclesiastiques.

  A024003980 

 Ni a-il pas d'asses gens de bien en l'estat ecclesiastique pour la conduite de cette barque, sans y employer ces messieurs destinés a la conduite des armees navales contre les Turcz? Si c'est pour amplifier l'authorité de leur Religion, ce ne leur sera pas grand honneur de s'amuser a regler sept ou huit prestres.

  A024004001 

 Attendu que l'intention de nostre Saint Pere le Pape Clement huitiesme, declairee en la Bulle de l'institution de [423] la Sainte Mayson, fut que les prestres de l'Oratoire d'icelle se conformassent au plus pres que faire se pourroit a l'institut de la Congregation de l'Oratoire de Rome, et que neanmoins la diversité qui est entre cette ville et celle la et la consideration de plusieurs circonstances ne permettent pas qu'il y ayt une parfaitte similitude, pour accommoder la necessité avec la bonne volonté, ont esté dressees les presentes Constitutions..

  A024004005 

 Eu esgard a la multiplicité des exercices pastoraux qui se doivent prattiquer en la Congregation de l'Oratoire, et jusques a ce qu'autrement soit advisé, les prestres d'icelle ne seront obligés de reciter l'Office entier dedans l'eglise, mais seulement Tierce, la Messe, Vespres et Complies, le tout in cantu modulato, journellement; mais quant aux jours de festes solemnelles, 1 æ classis, et en toutes les festes de la glorieuse Vierge, ilz diront Matines, Laudes et Prime, commençant a l'aube du jour, despuis la Toussains [424] jusques a Pasques, et a quatre heures, despuis Pasques jusques a la Toussains..

  A024004006 

 Item, tous les premiers lundis du mois chanteront une Messe de Trespassés, a la forme des rubriques du Messel; et tiendra lieu de la Grande Messe du jour..

  A024004008 

 Outre tous lesquelz Offices, tous les samedis de l'annee et veilles de Nostre Dame se chanteront les Litanies d'icelle Nostre Dame environ le soleil couchant..

  A024004012 

 Outre les Offices chantés, se dira une Messe matiniere a quatre heures du matin, despuis le premier de may jusques a la Toussains, et a cinq heures despuis la Toussains jusques au premier de may, en sorte neanmoins qu'au cœur de l'hiver elle se commence seulement a la premiere aube..

  A024004023 

 On espere que la charité pressera tous ceux de la Congregation de bien et diligemment rendre leurs devoirs; néanmoins, pour l'empescher de rafroidir, il a semblé bon de l'appuyer par l'imposition de quelques peynes contre les defaillans, selon la coustume de toutes les eglises cathedrales et collegiales..

  A024004025 

 Mays quicomque est entablé pour dire les Messes ordinaires et manque de les dire ou donner ordre qu'elles soyent dittes, quant aux [petites] Messes perdra un florin pour chaque Messe qu'il manquera, et quant aux grandes, un teston..

  A024004026 

 Et partant, esliront en leurs assemblees, de six mois en six mois, un ponctuateur, a commencer le 1 er d'octobre prochainement venant, qui aura charge de noter les defaillans, et lequel a cest effect prestera serment de bien et fidellement exercer sa charge, sans acception de personne, es mains de celuy qui presidera en l'assemblee, a laquelle il sera loysible d'en continuer un tant qu'il luy plaira et recevoir son serment de six mois en six mois..

  A024004027 

 Se treuvant quatre au chœur a l'heure de l'Office et l'Office estant sonné, pourront commencer sans attendre les autres..

  A024004032 

 Les ceremonies et coustumes de l'Eglise cathedrale de ce diocese seront observees au chœur par les prestres de l'Oratoire, mais principalement les suyvantes:.

  A024004033 

 Mais toutes fois et quantes [que] parmi l'Office l'on dit Gloria Patri, ou Gloria tibi Domine, ou Deo Patri, etc., ou bien quand on dit Sit nomen Domini benedictum au Psalme Laudate pueri, etc., ou que l'on dit le Pater, ou les absolutions de Matines, ou le Preces, ou le Magnificat, Nunc [428] dimittis et Benedictus, au Chapitre et petitz responsoires, oraysons et hymnes, chacun se descouvrira et levera debout..

  A024004035 

 A chaque Office on assignera les intonations, tant des antiennes que des Pseaumes, a ceux qui les devront faire, affin qu'elles se facent a propos; et pour le reste, il se pourra voir au Directoire des ceremonies de la Cathedrale, duquel ilz pourront avoir un double..

  A024004037 

 De ceux qui feront les Offices et celebreront les Messes.

  A024004039 

 Le Prefect et, en l'absence d'iceluy, le Plebain, et, tous deux absens, celuy qui sera le premier en reception, feront l'Office es festes solemnelles 1 æ classis, et en celles de Nostre Dame; mais en toutes les autres festes, l'hebdomadaire [429] les celebrera, excepté toutesfois les Messes et benedictions des fons, les veilles de Pasques et Pentecoste, qui appartiennent a l'office du Plebain..

  A024004041 

 Le semainier de la Grande Messe s'employera a l'administration des Sacremens, estant prealablement admis par l'Ordinayre; excepté neanmoins le Prefect, lequel, pour la multitude des affaires, ne peut estre assujetti a l'administration; et pour ce, pendant sa semaine, les six prestres qui sont apres le Plebain, suppleeront l'un apres l'autre, chacun a son tour, l'administration susdite des Sacremens en la place dudit Prefect..

  A024004045 

 Pour donner exemple de la reverence que l'on doit porter a la parole de Dieu, tous les prestres de l'Oratoire assisteront, assis sur un banc a ce destiné, modestement, ainsy qu'il a esté dit de l'assistance au chœur, sans qu'aucun s'en puisse absenter, sinon pour cause appreuvee par celuy qui preside..

  A024004049 

 Et en icelle l'on traittera de l'observation des Regles et des choses appartenantes au service de Dieu qu'ilz ont en charge, tant ecclesiastiques que spirituelles, qu'œconomiques et temporelles; et sera deputé un Secretaire ordinaire qui escrira les resolutions et advis qui se prendront en ladite assemblee, en laquelle seront aussi marqués les defaillans, qui, pour chaque fois, perdront troys solz..

  A024004050 

 Les lundis, environ une heure apres disner, feront une conference des choses de conscience et ceremonies ecclesiastiques, environ une bonne heure, a laquelle conference chaque defaillant perdra un sol; et le tout comme aux autres defaillances du chœur, s'entend si quelque juste et legitime cause ne donne sujet a l'absence..

  A024004054 

 Non seulement pour plus grande modestie et bienseance, mais pour imiter les Peres de l'Oratoire Romain, selon l'intention du Pape, les prestres de l'Oratoire mangeront en table commune, en laquelle ilz seront assis d'un costé seulement, a la façon religieuse, et sera donné a un chacun sa portion a part.

  A024004057 

 On, y dira le Benedicite et les Graces des clercs, ainsy qu'il est ordonné a la fin des Breviaires; et cest office se fera par celuy qui aura dit la Grande Messe ce jour la..

  A024004058 

 Et parce que ladite Congregation est de peu de prestres, seront retirés et mis a leur table les enfans du Seminaire, desquelz l'un sera deputé pour faire la lecture de la table, sans que les prestres y soyent employés.

  A024004058 

 Mays affin que lesditz enfans prouffitent en ladite lecture, l'un des prestres sera deputé pour les corriger quand ilz feront faute en la prononciation ou autrement, comme quand ilz liront trop vite ou precipitamment, cette lecture devant estre faitte bellement et intelligiblement..

  A024004059 

 Apres le repas, les enfans se retireront en quelque lieu a part, affin que les prestres puissent demeurer ensemble, selon qu'ilz verront a faire, pour se recreer d'une honneste et chrestienne conversation..

  A024004063 

 Le Prefect aura la charge et authorité de faire observer [432] les Statuts, ordonnances et la discipline clericale en la Congregation et dehors d'icelle, corrigeant et advertissant les delinquans, lesquelz, lhors qu'ilz se rendront refractaires et insolens, seront par le mesme Prefect appelles en l'assemblee des autres et, par l'advis de l'assemblee pris par la pluralité des voix, pourront estre chastiés par quelques aumosnes applicables a œuvres pies, jusques a la somme de cinq florins, ou bien par l'imposition de quelques penitences qu'il sera advisé.

  A024004063 

 Que si les delinquans continuent encores apres cela en la contumace, ou bien qu'ilz ayent commis quelque crime d'importance, le Prefect sera obligé d'en advertir le Superieur ordinaire; sauf, qu'en cas de scandale et y ayant quelque danger de fuitte, le Prefect, par l'advis de l'assemblee, pourra resserrer le delinquant en attendant l'ordre dudit Ordinaire..

  A024004065 

 Il appartiendra pareillement audit Prefect et, a son absence, a celuy qui presidera, d'ordonner, la surveille des festes solemnelles et de Nostre Dame, de ceux qui feront les Offices les jours suivans, assemblant pour cela la Congregation; et en l'absence dudit Prefect, il appartiendra au Plebain, et en l'absence d'iceluy, au plus ancien.

  A024004069 

 Il fera le mesme tous les Dimanches ordinaires de l'annee, et cas advenant qu'il fust malade de quelque maladie, ou detenu de quelque long et violent empeschement, le Prefect, en l'absence, pourvoira au defaut..

  A024004074 

 Le Sacristain aura charge de dresser et corriger les enfans servans aux Messes, affin qu'ilz soyent habillés proprement, sçachent faire les ceremonies, soyent modestes et assidus..

  A024004075 

 Fera inventaire des habitz et meubles de la sacristie, desquelz il se chargera, et rendra conte toutes les annees..

  A024004076 

 Aura soin de faire ballier l'eglise par ceux qui en auront la charge, avec les arrousemens et autres propretés, comme aussi la sacristie tous les lundis, mercredis et samedis..

  A024004077 

 Residera les matinees, et mettra bon ordre promptement pour ceux qui celebreront.

  A024004078 

 Tiendra les calices netz et les lavera au moins quatre fois l'annee; mettra les habitz, paremens et pavillons aussi quatre fois l'annee au soleil; fera blanchir les nappes tous les deux moys, les aubes tous les moys, les amictz tous les quinze jours, les purificatoires toutes les semaines: sinon qu'il y aye si grand nombre des susditz linges qu'il puisse en mettre des netz sans les laver es termes sus escritz, lesquelz blanchissemens sus escritz se feront aux despens de l'offertoire, ou de la Sainte Mayson..

  A024004086 

 Les prestres de l'Oratoire tascheront de se servir de bon exemple les uns les autres, tant qu'il leur sera possible, par l'exercice des vertus propres a leur vocation..

  A024004087 

 Ilz se retireront dans la mayson le soir a bonne heure, incontinent apres l' Ave Maria, et ne sortiront point la nuit sinon pour des causes urgentes, advertissant celuy qui pour lhors sera le premier entre eux; et le jour, quand ilz [435] sortiront, ilz diront tous-jours au Portier ou ilz vont, affin que, s'il est requis, on sçache ou les treuver..

  A024004088 

 Et partant, n'y aura en toute la mayson qu'une porte pour entrer et sortir, et qu'une clef d'icelle, laquelle demeurera le jour entre les mains du Portier, et de nuit entre les mains du premier de la Congregation, comme dessus..

  A024004093 

 Le Plebain, en l'absence d'iceluy, presidera, et aura une voix et demi lhors qu'il presidera; c'est a dire, les voix estans pareilles, le parti auquel la sienne se treuvera sera suivi.

  A024004101 

 Pourront un chacun desditz prestres de la Congregation absenter la ville et parroisse de Thonon un moys entier sur chaque annee, a prendre les jours dudit moys ou continuellement ou a diverses foys, sans encourir ni peyne ni reprehension.

  A024004101 

 Seront neanmoins tenus et obligés d'advertir la Congregation de bonne heure, affin que plusieurs n'absentent tout a coup, ains que tous-jours il demeure nombre suffisant pour bien faire les charges et Offices.

  A024004109 

 Outre la mayson et table commune de la Congregation, qui se fait, selon la coustume, par la Sainte Mayson, chacun des prestres perçoit les gages suivans: le Prefect cent escuz d'or, le Plebain cent ducatons, tous les autres deux cens cinquante florins, et le Sacristain trois cens florins; et pour les serviteurs de la Congregation, a distribuer selon qu'il arrivera, quarante ducatons..

  A024004117 

 Les peynes taxees seront prises sur le payement du quartier suyvant dans lequel les fautes auront esté commises, [et] seront mises et distribuees au prouffit des residens.

  A024004118 

 La Mayson estant toute dediee a l'honneur de la tres sainte Vierge, la Congregation ne permettra point qu'on mange de la chair les veilles des festes d'icelle glorieuse Vierge parmi ceux de ladite Congregation; et quant a la veille de la principale feste de la Sainte Mayson, qui est la Nativité de Nostre Dame, le jeusne sera observé generalement en la Congregation..

  A024004128 

 Mays quant aux prestres qui viennent pour cooperer aux confessions et autres offices, ilz seront receus sur le commun, comme aussi les prestres et clercs que l'on reçoit par aumosne..

  A024004129 

 Mais quant a la correction des Superieurs en ce qui regarde les monitions, si ce n'est la correction fraternelle et evangelique, elle sera [439] remise au Superieur majeur, auquel la Congregation pourra recourir par advertissement des fautes, ainsy qu'elle verra a faire..

  A024004129 

 Quant aux defaillans au chœur et autres offices, les Superieurs subiront la loy comme les autres.

  A024004148 

 Revu sur une copie du XVIII e siècle, conservée à Annecy, dans les archives de l'Académie Salésienne, n° 14.

  A024004152 

 Le Praefect et les Prestres de l'Oratoire de Nostre Dame de Compassion de la ville de Thonon chanteront tous les jours des festes solemnelles de la premiere classe et de toutes celles de la glorieuse Vierge, le divin Office du Breviaire romain tout entier, au chœur, en chant composé; commençant a l'aube du jour despuis la feste de Toussaintz jusques a Pasques, et a quatre heures de matin despuis Pasques jusques a la feste de Toussaintz.

  A024004152 

 Les [424] autres jours, parce qu'ilz sont occupés le plus souvent aux exercices de la charge pastorale, ilz chanteront au chœur tant seulement Tierce, Sexte, None, la Messe, Vespres et Complies..

  A024004153 

 Chaque jour de lundi premier du moys ilz chanteront une Messe pour les deffunctz, qui tiendra lieu de la grande du jour, selon les rubriques du Messel..

  A024004154 

 Mais en Caresme, les Vespres se diront apres la Grand'Messe, et Complies a cinq heures apres midy..

  A024004154 

 Tierce se dira a huit heures de matin, et consecutivement la Messe apres les Heures; Vespres a trois heures apres midy, Complies consecutivement.

  A024004155 

 Tous les jours de samedi de toute l'annee et les veilles des festes de Nostre Dame ilz chanteront, sur le soir, les Litanies de la mesme Vierge..

  A024004156 

 Despuis les calendes de mars jusques aux calendes de novembre, on dira tous les jours une Messe a quatre heures de matin; et despuis les calendes de novembre jusques a celles de mars, a cinq heures, de telle sorte neanmoins qu'au gros de l'hyver elle se commence tant seulement a la premiere aube.

  A024004157 

 Il ne sera permis a personne, ce pendant qu'on fera les divins Offices, de comparoistre autrement qu'en habit et tonsure: c'est a sçavoir, avec la soutane jusques aux talons, le bonnet carré, la couronne de la teste remarquable, et le surplis de toyle blanche, que chacun sera obligé d'avoir a ses despens.

  A024004159 

 Les autres jours, a [426] Tierce un sol; a la Messe, deux; a Vespres, deux; a Complies en Caresme, un; aux Litanies des jours de samedi et veilles des festes de Nostre Dame, deux..

  A024004160 

 Quicomque, ayant esté assigné pour celebrer les Messes, ne les celebrera pas ou ne les fera pas celebrer, perdra pour chacune, si c'est une petite, un florin, et si c'est une grande, vingt troys solz..

  A024004162 

 Toutes fois et quantes que le dernier signe de l'Office sera donné, s'ilz se trouvent quatre au chœur, ilz commenceront l'Office sans attendre les autres..

  A024004163 

 Toutesfois, ceux qui seront empeschés dans les exercices de la charge pastorale ou qui feront d'autres choses necessaires, desquelles tous auront une certaine science, seront tenus pour presens..

  A024004164 

 Toutes les ceremonies et coustumes de l'Eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve seront observees par les prestres de la Congregation, mais principalement celles ci:.

  A024004165 

 Mays toutes fois et quantes qu'on dira le Gloria Patri ou Gloria tibi Domine, ou Deo Patri sit gloria, ou Sit nomen Domini benedictum au Psalme Laudate pueri Dominum, ou Pater noster, ou les absolutions a Matines, ou les prieres, ou le Magnificat, ou le [428] Nunc dimittis, ou les benedictions aux Chapitres, petitz responsoires, oraysons et hymnes, alhors tous demeureront a teste nuë..

  A024004166 

 Toutes fois et quantes que l'on commencera un Psalme, tous se descouvriront tant seulement; mais celuy qui commencera ou les antiennes ou le Psalme, non seulement se descouvrira, mais encores se tiendra debout..

  A024004168 

 En faysant l'Office, on assignera les premiers tons, tant des antiennes que des Psaumes, a ceux qui devront les commencer, affin que toutes choses se facent bien..

  A024004170 

 Les autres jours, le prestre qui sera assigné semaine par semaine, [429] excepté toutesfois les Messes et benedictions des fors baptismaux, es veilles de Pasques et de Pentecoste, parce que cela regarde l'office du Plebain..

  A024004170 

 Les jours solemnelz de la premiere classe et les festes de Nostre Dame, le Praefect celebrera; en son absence, le Plebain, et si le Plebain n'y est pas encor, le plus ancien selon l'ordre de reception.

  A024004171 

 Tous seront escritz par ordre en une table, le Praefect aussi bien que les autres, tant pour les petites Messes que pour les grandes..

  A024004172 

 Le Præfect toutesfois sera exempt de ceste charge a cause de la grande multitude d'affaires dont il est presque tousjours occupé; c'est pourquoy, en sa semaine, l'administration des Sacremens se fera par ordre par les autres six prestres..

  A024004174 

 Il y aura un Secretaire establi, qui redigera par escrit tous les decretz, ordonnances, resolutions et desseins du Chapitre.

  A024004174 

 Tous les jours de mercredi, apres Vespres, ilz s'assembleront en [430] la sacristie, et la, apres avoir imploré l'ayde et assistance du Saint Esprit, traitteront de l'observation des Regles, et des choses tant ecclesiastiques et spirituelles qu'œconomiques et temporelles.

  A024004175 

 Tous les jours de lundi, aussi tost qu'une heure apres midy sera sonnee, ilz s'assembleront pour conferer des cas de conscience et des ceremonies ecclesiastiques l'espace de demi heure.

  A024004176 

 Ilz prendront tous leur refection en une table commune et seront assis comme les Religieux, d'un costé tant seulement, et l'on baillera a chacun sa portion.

  A024004177 

 La benediction de la table et l'action de graces se feront selon qu'il est marqué a la fin du Breviaire pour les clercz.

  A024004178 

 Les enfans du Seminaire prendront leur repas tous ensemble et un d'eux fera la lecture; un des prestres corrigera le lecteur quand il lira mal.

  A024004179 

 Apres le repas, les enfans s'en iront a la recreation, affin de laisser les prestres seulz, qui feront une sainte et chrestienne conversation..

  A024004180 

 Il corrigera et admonestera les defaillans; lesquelz estans rebelles, il les appellera en Chapitre et les chastiera, s'il est de besoin, apres avoir pris les voix, par quelque penitence salutaire, voire mesme pecuniaire, applicable aux œuvres pies, qui toutesfois n'excedera pas la somme de cinq florins.

  A024004180 

 Le Præfect aura l'authorité et charge que les Statutz, Regles et la [432] discipline clericale soyent bien observés en la Congregation et dehors.

  A024004182 

 Le mesme Praefect disposera de ceux qui devront estre destinés pour les choses du service de Dieu les jours solemnelz.

  A024004183 

 Le Plebain aura charge de tout ce qui appartient a l'administration des Sacremens; recitera le Prosne ou l'institution chrestienne a l'Offertoire de la Grande Messe, selon le Rituel de l'evesché; sera obligé (sinon qu'il soit malade ou legitimement empesché) d'enseigner le Cathechisme tous les jours de Dimanche, autrement le Præfect y prouvoyra en Chapitre.

  A024004184 

 Le Sacristain enseignera et corrigera les enfans qui serviront aux Messes, affin qu'ilz soyent bien revestuz, modestes, assiduz, et qu'ilz observent les ceremonies..

  A024004185 

 Il tiendra inventaire de tous les habitz et ornemens d'Eglise et en rendra conte tous les ans; il fera ballier l'eglise tous les jours de samedi et de lundi..

  A024004187 

 Il lavera les calices quatre foys l'an, exposera au soleil les habitz et ornemens aussi quatre foys; fera reblanchir de deux en deux moys les nappes, tous les moys les aubes, de quinze en quinze jours les amictz et de huit en huit les purificatoires..

  A024004189 

 Aussi tost que l'on aura baillé le signe de la Salutation Angelique sur le soir, tous les prestres de l'Oratoire se retireront en la mayson, et ne vagabonderont point de nuict ni sortiront, sinon qu'il y ayt quelque urgente necessité..

  A024004190 

 Quand ilz sortiront de jour, ilz diront au Portier le lieu ou ilz [435] voudront aller, affin que si quelqu'un les demande on puisse sçavoir ou les trouver..

  A024004193 

 Les femmes seront absolument chassees de la mayson..

  A024004194 

 Les prestres estrangers qui auront travaillé a ouyr les confessions ou faire d'autres offices, seront receuz comme s'ilz estoyent domestiques..

  A024004195 

 Le Plebain presidera en son absence, et alhors aura une voix et demie; c'est a dire, quand les voix seront esgales, le costé duquel il penchera l'emportera.

  A024004195 

 Tous les autres, quoy qu'il arriveroit quelquefois qu'ilz presidassent, n'auront [436] qu'une voix simple.

  A024004196 

 On deputera deux prestres de la Congregation qui auront soin que l'on fasse bien les aumosnes, sans aucune tromperie..

  A024004199 

 Outre la commune despense de la Congregation, le Præfect prendra pour ses gages cent escuz d'or, le Plebain cent ducatons, le Sacristain troys cens florins, tous les autres, chacun, deux cens et cinquante florins; et selon que la Congregation verra estre de faire, quarante ducatons seront distribués entre les serviteurs.

  A024004200 

 Il ne sera permis a personne de manger de la chair en la mayson les veilles des festes de Nostre Dame; et tous observeront absolument le jeusne la veille de la Nativité de la mesme glorieuse Vierge, par ce que c'est la feste la plus solemnelle de la Congregation..

  A024004201 

 Les manquemens du Praefect seront rapportés aux Superieurs ordinaires.

  A024004202 

 Le Plebain sera esleu au concours tout de mesme que les autres [439] curés du diocese, selon les decretz du saint Concile de Trente; auquel concours toutesfois les prestres de la Congregation seront preferés aux autres, quand ilz se trouveront pareilz, et lesquelz prestres seront esleuz par la Congregation.

  A024004204 

 Quant au College, si les Peres Jesuites viennent, comme il est presque conclu, on leur baillera, comme pour gage, quatre cens èscuz d'or.

  A024004205 

 Les enfans du Seminaire seront vestuz d'une robbe bleuë, longue jusques aux talons.

  A024004283 

 Dès le lendemain, après la Messe, il convoqua le R d seigneur Jacques de Mouxy avec [441] tous les Religieux en résidence et les prébendés; il déclara à l'assistance qu'il était venu vers eux et dans leur abbaye pour visiter tout ce qui regardait leurs mœurs, vie et habitudes, comme aussi les édifices, biens et droits, et cela en tant que Supérieur de l'abbaye; car, d'après les droits et coutumes anciennes de l'évêché de Genève, il pouvait et devait le faire.

  A024004287 

 L'Abbé répondit qu'il l'ignorait, attendu qu'il n'avait pas vu depuis longtemps les Bulles de sa provision, produites à Chambéry dans un procès; que cependant le suprême Sénat de Savoie lui avait interdit la correction des Religieux, comme s'il n'était pas titulaire; ce pourquoi il ne devait pas porter l'habit des Religieux.

  A024004288 

 Il interrogea ensuite les Religieux pour savoir s'ils étaient profès.

  A024004293 

 Le seigneur Abbé, après avoir prêté serment, assura n'avoir que cinq livres de Reconnaissances et confessa par écrit les avoir.

  A024004294 

 Le Révérend Prieur exposa qu'il avait les titres de la Communauté, et qu'il en ferait un inventaire..

  A024004296 

 Les autres affirmèrent qu'ils n'avaient à part eux et ne savaient pas exister auprès d'autres personnes des titres se rapportant au Monastère..

  A024004297 

 Ayant entendu cela, le Révérendissime Seigneur Evêque visiteur statua qu'avant le prochain jour des Cendres l'on ferait et établirait en due et probante forme l'inventaire de tous les droits et titres, en deux copies de forme semblable, dont l'une sera renfermée dans les archives de l'évêché, et l'autre, à l'usage des procès, sera conservée par celui que le Chapitre du Monastère désignera..

  A024004301 

 Les Religieux se plaignirent de ce que, sur le nombre requis, trois manquent depuis longtemps.

  A024004302 

 L'Abbé répondit que les revenus étaient si diminués, soit par l'incurie de ses prédécesseurs, soit par la violence des eaux qui ont [445] détruit des métairies et villages entiers, qu'il ne pouvait nourrir et entretenir plus de Religieux.

  A024004302 

 Mais les Religieux, à leur tour, offrirent de donner au seigneur Abbé chaque année mille florins libres de toutes charges, et aussi douze prébendes avec charges à supporter..

  A024004303 

 Le Révérendissime Seigneur visiteur, voyant que la chose n'était pas facile à arranger, renvoya à une autre date la décision à prendre, c'est-à-dire jusqu'au moment où il verra clairement que les revenus sont suffisants..

  A024004305 

 Ils affirmèrent d'un commun accord, soit l'Abbé, soit les Religieux, que la prébende consistait en: treize mesures (octavis) de froment, bonne mesure, à fournir en la fête de la Toussaint; une mesure de fèves; huit charges (chevallatis) de vin blanc que le seigneur Abbé avait le soin de faire mettre, au temps de la vendange, au cellier de chacun; douze florins pour la pitance; quatre [446] chapons; du foin autant qu'un drap peut en contenir, de la paille autant que deux draps peuvent en contenir; trente florins pour les vêtements, à fournir le jour de Noël.

  A024004306 

 En outre, les Religieux ont en commun les deux tiers des prémices de Samoëns, Vallon et Morillon, et toutes les prémices dans la paroisse de Sixt, excepté celles qui proviennent des fromages..

  A024004307 

 Le seigneur Abbé doit, à ses frais, fournir un chirurgien ou barbier aux Religieux suivant le besoin; et encore six festins par an à tous les Religieux réunis ensemble..

  A024004308 

 Et comme ceux-ci exposèrent que sur la dernière [447] prébende à eux due, il leur restait à recevoir six charges de vin, îe Révérendissime Seigneur visiteur réduisit les six charges susdites au prix de cent cinquante-deux florins, et cela avec le consentement mutuel des Religieux et du seigneur Abbé, auquel il enjoignit de payer à chacun ce qu'il lui devait..

  A024004310 

 Enfin il fut établi que le seigneur Abbé, puisque héritier des Religieux, serait tenu de faire les frais de funérailles et de sépulture..

  A024004314 

 Le Révérendissime Seigneur Evêque décréta que le saint Office serait récité, soit en privé, soit publiquement au chœur, selon l'usage publié par le saint Concile de Trente, usage dont on sera tenu d'observer les rubriques.

  A024004315 

 Les Psaumes graduels, par suite de la même coutume, se réciteront avant Matines, au moment où arrivent les Religieux.

  A024004316 

 Le Dimanche, selon l'usage antique, on doit célébrer une Messe basse pour les défunts et une conventuelle..

  A024004322 

 Il fut ordonné de les enlever et de les brûler en cachette, dans un lieu décent du Monastère..

  A024004323 

 Les stalles sont en mauvais état.

  A024004323 

 Ordre fut donné au Révérend seigneur Abbé de les faire réparer et restaurer..

  A024004324 

 Obligation fut imposée aux paroissiens d'acheter pour l'église un Missel et un Manuel selon l'usage du Concile de Trente, et un coffret pour y mettre les reliques..

  A024004328 

 Ordre fut donné au seigneur Abbé de la faire réparer et soutenir dans les deux mois..

  A024004329 

 Qu'il répare la sacristie; qu'il restaure les clôtures et les murs du Monastère tout à fait nécessaires à la discipline religieuse, en les fermant de deux portes..

  A024004333 

 Pour le moment cependant, que les femmes ne soient pas admises à l'intérieur de l'enceinte formée soit par les murs en ruines, soit par la trace de ces murs..

  A024004335 

 Au sujet de la reprise de la table commune, la question fut renvoyée au temps où l'on aura les moyens nécessaires pour l'entreprendre, moyens dont est dépourvu actuellement le Monastère: comme de lieu convenable, d'ustensiles et autres choses semblables.

  A024004336 

 De même, à propos de la façon expresse d'émettre les vœux, la question fut laissée sans être traitée, parce que le Visiteur ne se trouve pas assez informé sur la Règle et les Constitutions; il verra cependant à ce que plus tard cela puisse se faire et il s'occupera de le faire faire..

  A024004337 

 A toutes ces choses, soit le Révérend seigneur Abbé, soit les Religieux répondirent qu'ils obéiraient..

  A024004352 

 Aussi, l'acte des pieux Chanoines réguliers de Saint-Augustin, du Monastère de Sixt, non seulement Nous l'approuvons et homologuons, mais Nous le louons et aimons autant que Nous le pouvons dans les entrailles du Christ; et, en vertu de Notre pouvoir et autorité ordinaires sur ce Monastère et ses Chanoines réguliers, Nous ordonnons dans le Seigneur, que dorénavant il y soit observé à la lettre.

  A024004352 

 Longtemps nous avons désiré le retour de tous les Religieux de Notre diocèse à la Règle et manière de vivre primitives de leur [452] Institut, mais surtout Nous avons souhaité cela et l'avons procuré par Nos exhortations dans les Monastères qui sont confiés à Nos soins et sollicitude, et à Notre juridiction ordinaire.

  A024004422 

 Conforme à l'original conservé dans les archives paroissiales de Samoëns (Haute-Savoie)..

  A024004428 

 FAITS DANS CE MÊME MONASTÈRE LES XII, XIII ET XV DU MOIS DE SEPTEMBRE.

  A024004434 

 C'est pourquoi ayant appris que, sous l'inspiration divine, les vénérables Chanoines voulaient rétablir entièrement l'ancienne observance régulière qui, par suite de l'injure des temps, était à peu près anéantie et détruite parmi eux, et que les très Illustres et Révérends seigneurs Jacques de Mouxy, Abbé, bien que commendataire, et Humbert de Mouxy, son coadjuteur et élu par le Monastère, avaient décidé, non seulement d'approuver, mais d'aider de si saintes résolutions:.

  A024004434 

 Le Monastère de l'Ordre vénérable des Chanoines réguliers de [454] Saint-Augustin, du pays de Sixt, ayant été confié, par les saintes règles de l'antique droit ecclésiastique, au soin et à la juridiction de Nos prédécesseurs et de Nous-même, Nous devons et voulons Nous occuper et Nous préoccuper d'être le plus utile possible à ce Monastère et aux vénérables Chanoines qui y servent Dieu.

  A024004435 

 Nous aussi, dans le but d'apporter plus facilement à cette entreprise si louable et si souhaitable Notre autorité ordinaire et Notre aide, venant sur les lieux et toutes choses examinées et considérées, [455] et aussi toutes personnes ouïes au sujet de ce qui précède.

  A024004438 

 Que les vénérables Chanoines de ce Monastère ont à émettre leur Profession.

  A024004440 

 Comme aucun des vénérables Chanoines actuellement vivants n'a émis de Profession expresse, avant toutes choses, pour obéir à l'esprit et aux termes du saint Concile de Trente, Nous déclarons et décrétons que tous les vénérables Chanoines sont tenus d'émettre cette Profession expresse, et Nous fixons à tous et à chacun de ceux qui portent maintenant l'habit du Monastère une année qui soit considérée comme année de probation; après laquelle ils [456] devront aussitôt ou émettre la Profession susdite, ou Nous exposer les raisons, s'ils en ont, pour ne pas vouloir la faire..

  A024004441 

 Si cependant, après l'année de probation, il n'est pas encore jugé digne de faire Profession, et que néanmoins il y ait espérance probable qu'il le devienne en le retenant dans le Monastère un peu plus, ou même une année entière, la Congrégation cardinalice du Concile a répondu que cela serait licite, attendu que le décret du Concile touche les idoines, non les autres..

  A024004442 

 Or, les Novices doivent être distingués des Profès dans le costume, en ce que les Profès portent à tous les Offices le capuce ou mozette, appelée communément domino; tandis que les Novices doivent user seulement du surplis ou cotta, sans capuce..

  A024004446 

 L'Abbaye étant en commende, Nous décrétons qu'on y observera [457] dans l'avenir ce qui y était déjà observé, à savoir que, pour présider et commander le troupeau, on établira et constituera à la tête de tous les Chanoines, selon le Concile de Trente, chap. XXI, Sess.

  A024004446 

 Qu'il soit, d'après le même texte, chap. 6, élu par le Chapitre aux votes secrets, en sorte que les noms de chacun des votants ne soient jamais publiés, et que celui-là soit tout à fait considéré comme élu, en faveur de qui se sera prononcée la majorité du Chapitre par les votes secrets susdits.

  A024004451 

 [458] Dans toutes les difficultés plus graves qui ne pourront être tranchées par le Prieur et le Chapitre, que l'on ait recours à l'Evêque de ce diocèse, ou, en son absence, au Vicaire général de l'évêché, lequel, en vertu de son pouvoir ordinaire, règlera ce qu'il faudra faire, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici..

  A024004455 

 Le vénérable Prieur ou Sous-Prieur placera tous les samedis un tableau dans l'église, où seront marqués les noms de ceux qui devront remplir les Offices de l'autel et du chœur pendant toute la semaine; Offices qui s'accompliront, autant que possible, selon le rite et les cérémonies de l'Eglise cathédrale..

  A024004459 

 Il n'y aura aucun livre dans le Monastère sans la permission du vénérable Prieur, ou, en son absence, du Sous-Prieur, qui veilleront à ce que les livres condamnés par l'Eglise ou traitant de sciences curieuses et inutiles soient écartés, et qu'il y ait abondance dans le Monastère de livres de dévotion, de cas de conscience et [459] de théologiens, en sorte que tous les Chanoines aient la possibilité, chaque jour, de vaquer à la lecture à une heure déterminée, selon la Règle.

  A024004459 

 L'heure de la lecture pourra être avant les Vêpres, entre Vêpres et Complies, et entre Complies et le souper..

  A024004461 

 Par les soins du vénérable Prieur ou Sous-Prieur, il faut que chaque Chanoine pendant son noviciat, lise en latin ou en français le Catéchisme du saint Concile, et rende raison de ses progrès dans cette lecture.

  A024004465 

 Aussitôt que cela pourra se faire, la table sera organisée de telle sorte que d'un seul côté soient assis les Chanoines, et que la portion soit distribuée à chacun en particulier.

  A024004465 

 Qu'on lise toujours pendant le repas, à haute et intelligible voix, et avec les pauses voulues par la ponctuation..

  A024004469 

 Chaque samedi le Prieur ou, en son absence, le Sous-Prieur doit convoquer le Chapitre, où il corrigera, même en imposant des pénitences, selon qu'il le jugera expédient, tout ce qui se serait glissé de contraire à la Règle dans les Offices, ou dans les actes et les mœurs des Chanoines.

  A024004473 

 Aussi [461] ordonnons-Nous plus sévèrement, en vertu de la sainte obéissance et sous peine de l'excommunication majeure, à tous et chacun que cela concerne, que toutes les femmes absolument soient par eux écartées, chassées et expulsées, s'il s'en trouve maintenant, et qu'ils ne les admettent jamais, ni elles ni d'autres, et ne leur permettent pas de séjourner dans l'enclos du Monastère..

  A024004473 

 Toute la législation proclame ce que Nous avons décrété dans Notre dernière Visite de ce Monastère, à savoir que les femmes ne doivent pas habiter ou demeurer, même pour peu de temps, à l'intérieur de l'enceinte et des murs extérieurs du Monastère.

  A024004475 

 Des titres et instruments touchant les droits du Monastère.

  A024004477 

 Nous ordonnons, sous peine d'excommunication majeure, que dans le délai d'un mois, à compter de ce jour, quinze septembre de l'an mil six cent dix-huit, tous et chacun de ceux qui ont des instruments ou titres de ce Monastère, les replacent dans les archives, selon le décret porté par Nous à ce sujet dans la susdite Visite..

  A024004481 

 Il sera tenu de nourrir et entretenir [462] la communauté des Chanoines, douze Chanoines au moins idoines résidents, ou en droit tenus comme résidents, c'est-à-dire les pourvoir de la nourriture, du vêtement et des autres choses nécessaires à la vie..

  A024004485 

 Quant aux autres bâtiments, il a promis, en père de famille soigneux, qu'il les restaurerait successivement, et d'abord le dortoir et les murs de clôture du Monastère: ce que Nous abandonnons à ses soins, Nous fiant en sa piété..

  A024004485 

 Sont exceptés cependant les bâtiments de tout le Monastère, lesquels, aux frais dudit seigneur Abbé, seront remis et conservés en la forme due et convenable pour l'observance régulière.

  A024004501 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous qui ces presentes verront, sçavoir faisons: que Nous, ayant receu un Bref de nostre Saint Pere le Pape Paul cinquiesme, daté a Rome, pres Saint Marc, du vingthuitiesme septembre en l'annee derniere mil six cens et six, deuëment seellé, et signé COBELLUTIUS, par lequel il Nous est mandé de supprimer les Religieux de l'Ordre de Saint Augustin estant en l'abbaye de Nostre Dame d'Abondance, riere Nostre diocese, et au lieu et place d'iceux y mettre et establir douze moines de l'Ordre de Saint Bernard, de la Congregation de Nostre Dame des Feuillans, pour l'execution duquel sommes esté par ladite Sainteté commis.

  A024004530 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, juge commissaire spécialement délégué par le Saint-Siège Apostolique pour exécuter ce qui suit, à tous ceux à qui les présentes parviendront, salut dans le Seigneur.

  A024004531 

 Vous saurez que Nous avons reçu, en parfait état et intégrité, et sans le moindre vice de forme ou chose suspecte, les Lettres Apostoliques expédiées en la Curie Romaine en forme de Bref, sous l'Anneau du Pêcheur, en cette teneur: « Vénérable Frère, ou Fils très cher, salut et bénédiction Apostolique.

  A024004532 

 C'est pourquoi Nous, Evêque de Genève, commissaire apostolique susnommé, spécialement délégué pour exécuter ce qui va suivre, considérant que ladite pétition est juste et raisonnable; voulant, comme Nous y sommes tenu, exécuter librement les commandements Apostoliques à Nous adressés: attendu qu'il est de Notre connaissance que la partie des bâtiments du monastère d'Abondance qui était réservée [468] et assignée à l'habitation de son Abbé, et à l'exercice de la juridiction touchant ce monastère a été cédée par l'Abbé dans le but d'empêcher que lui-même et sa famille gênassent aucunement l'observance de la discipline de la part des moines qui y vivent actuellement, et cela en vertu du contrat intervenu entre le même Abbé et les moines susdits, envers lesquels il s'est engagé d'agrandir et de diviser l'église dans le délai de trois ans, afin que les Offices des moines et du curé puissent se célébrer sans empêchement réciproque.

  A024004532 

 Tout cela ne pouvant s'effectuer qu'après un long espace de temps, si l'on se contente des revenus du monastère, qui ne dépassent pas la valeur de douze cents écus d'or, qui sont grevés de nombreuses charges ordinaires et extraordinaires, ainsi que d'une pension accordée et à fournir à l'Illustrissime et Sérénissime Charles-Emmanuel, duc de Savoie: Nous accordons, en vertu de la susdite autorité Apostolique, au Révérend seigneur Abbé, ou commendataire perpétuel de la Bienheureuse Marie d'Abondance actuellement en charge, ou à son légitime procureur, de louer et donner à cens, pour seize ans, à n'importe quelles personnes, même laïques, le membre de Présinges, d'une valeur annuelle de cent [469] écus, à compter du jour de l'accensement, au prix de mille écus à payer en argent comptant et par anticipation; ou bien d'hypothéquer et de céder à un juste prix à ces dites personnes le même membre, toujours pour l'espace de seize ans; en outre, d'hypothéquer d'autres biens du monastère avec tous et chacun des contrats, conventions, commissions, obligations, soumissions, clauses de renonciation et précautions nécessaires et ayant coutume de figurer dans les actes; ainsi que d'exiger de ces mêmes personnes les sommes dues et de leur donner quittance pour celles reçues; enfin, de placer ces sommes sur un édifice sacré ou chez une personne digne de confiance et pouvant répondre, dans le but de faire le plus tôt possible la construction en question, nonobstant la Constitution de Paul II, d'heureuse mémoire, et autres ordonnances.

  A024004533 

 Nous déclarons que ledit membre de Présinges, hypothéqué et donné à cens comme ci-dessus, restera hypothéqué pendant seize ans (même s'il arrive que le Révérend seigneur Abbé meure, ou que la commende cesse d'exister), et que, pendant cette période de temps, les successeurs dudit exposant seront tenus de maintenir l'hypothèque et accensement; décrétant sans valeur ni force tout ce qui serait attenté de contraire à ces diverses dispositions par quelle autorité que ce soit.

  A024004533 

 Que l'Abbé ci-dessus soit tenu de Nous soumettre les locations, hypothèques et accensements susdits, faits à juste prix, pour que Nous les approuvions et confirmions; et aussi que soient suppléés tous et chacun des vices de forme et des manquements au droit établi.

  A024004553 

 Et Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, natif de la ville de Barjoulx, diocese de Frejus en la basse Provence du royaume de France; lequel, vestu et recommandé par le Reverend P. Inquisiteur General et Apostolique en Allemagne (ou ledict [474] Rigault enseignoit les langues vulgaires françoise, italienne, espagnole par la latine), et aussy recommandé par l'Illustrissime Legat de nostre Sainct Pere le Pape, resident audict pais en ville de Coullogne, fut receu en cest hermitage le onziesme julliet de l'annee dernier (sic), mil six centz dix neuf, a la priere et caution des RR. PP. Capuchins de ceste province ou du duché de Savoye, avec congé du sieur et Reverend Vicaire general, monsieur Rogez, soubz le futur bon plaisir de mondict seigneur Reverendissime se trouvant lors a Paris, qui, en consideration des susdictes recommandations, satisfaction du peuple, des bonnes mœurs et devotion dudict Rigault, consentement et desir desdictz Hermites, le tout par eux certifié, le leur donna et approuva pour leur confrere, et, en l'admettant audict hermitage, le sousmet, a sa propre requisition et comme les autres, a l'obeissance dudict Frere Jehan du Verney, prebstre, par ses lettres expresses du seiziesme jour de novembre, annee susdicte, mille six centz et dix neuf..

  A024004556 

 Lesdictz quattre Hermites ont en premier lieu volontairement professé, promis et juré sur les sainctz Evangilles, de vouloir vivre et mourir soubz l'obeissance, foy et ordonnance de la saincte Esglise Catholique, Apostolique, Romaine, et, comme prebstres et clers seculiers, soubz celle de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, et de dependre selon les sainctz Conciles de son authorité, sans s'en pouvoir jamais distraire soubz pretexte aucun, mesme de fondation de nouveau Ordre religieux ou adjonction a quelqu'un desjaz fondé, y renonçans en bonne et deue forme..

  A024004557 

 Neantmoins, estant le propre de touttes personnes congregees a pieuse fin, d'eslire et embrasser quelque maniere de vie spirituelle [475] et œconomique, ilz ont unanimement composé sur l'une et l'autre les Reigles suivantes, et supplié tres humblement Monseigneur Reverendissime qu'il se daigne d'y interposer son authorité, approbation et benediction, afin qu'il plaise a la divine Bonté leur faire la grace de les bien et sainctement observer, soubz l'obeissance de mondict Seigneur, a la plus grande gloire et culte de la benite et pure Vierge, Mere de nostre Sauveur Jesus Christ, au salut de leurs ames et a l'edification du peuple catholique des provinces voisines de cest hermitage et, sinon a la conversion, du moins a la disposition des heretiques pour recevoir la lumiere de la foy vraye et salutaire..

  A024004562 

 Or, estant aussy une tres ancienne, louable et saincte coustume des dictes personnes aggregées, de prendre et venerer pour protecteur ou patron singulier quelque favory de Dieu en sa Court celestielle, et n'en pouvant ny devant lesdicts hermites choisir de plus grands que les comprins au sacrésainct mistere de la Visitation, soubz le nom duquel cest hermitage fut dedié a Nostre Dame: assavoir, le benit et doulx fruict de son ventre virginal, nostre Dieu et Redempteur Jesus Christ, elle mesme et son bienheureux Espoux et vierge sainct Joseph qui l'accompaigna en si misterieux voyage, sainct Jean Baptiste, et ses pere et mere sainct Zacharie et saincte Elizabeth......

  A024004567 

 Ce pourquoy, a leur honneur, ilz jeusneront comme les veilles, estantz en l'hermitage, les jours de vigiles de leurs festes..

  A024004580 

 Pour n'estre moins pieux a l'endroict des sainctz Peres de leur profession que les moindres et plus viles (sic) artisans a celuy des Sainctz, qui, vivant, exercerent quelque fois leur mestier, ilz implorent aussy leurs merites et intercession, et eslisent d'entreux pour Patrons sainctz Paul, Anthoine et Hilarion..

  A024004588 

 Les Advents seront par eux observés, estants en l'hermitage, comme le Caresme..

  A024004596 

 Le vendredy, a l'honneur de la Passion de Nostre Seigneur, et le mercredy a celuy de Nostre Dame, ilz jeusneront, estans en l'hermitage, comme les vigilles; et le bastiment achevé, y adjousteront le lundy, en commemoration et pour le repos des fidelles trespassés, et specialement bienfacteurs..

  A024004600 

 Ilz s'abstiendront tousjours en tout lieu de la chair, ainsy que les RR. PP. Chartreux, excepté du potage d'icelle, soit pours'accommoder aucunes fois aux personnes qui les visitent, n'estre contraincts eux mesmes et ne contraindre les aultres ailleurs a faire aultre potage, et tout ensemble supporter le travail du chemin.

  A024004608 

 A fin de mortiffier l'esprit par le corps, tous les vendredis, en l'hermitage, l'oraison matutine achevee, durant le recit du Psaulme Miserere mei, en penitence de leurs pechés et diminution des peynes des ames du Purgatoire, a l'honneur et commemoration de la discipline de nostre paix avec la justice de Dieu, volontairement soufferte par Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ, les Peres hermites se la donneront aussi volontaire et par leur arbitre et mesure a leurs forces; si mieux n'aime qui ne la pourra tolerer, porter la haire ou cilice de crin trois jours de la sepmaine, ou jeusner au pain et a l'eau le vendredy, et comme les veilles le samedy, veu que a tous toutte penitence et austerité n'est pas convenable, aucune bien souvent plus contraire qu'utile au progres de la perfection.

  A024004608 

 Les Peres touttesfois n'y oublieront poinct le dire de sainct Paul, que, qui peu semera peu recuellira, nous exhortans ainsy a estre liberaux et diligens, et non avares et negligens en bonnes œuvres..

  A024004612 

 En quoy les idiots les imiteront d'une profonde humilité et cognoissance de leur incapacité, taschant de les devancer en œuvres corporelles ou ilz sont plus habiles.

  A024004612 

 Les Freres literés, hors d'aultre plus utile exercice, mortifieront le corps par l'esprit en l'estude des bonnes Lettres et livres les plus profittables a la fin de leur profession, et en la subjection non seulement des puissances executives et imperatives [de] la volonté, mais encor et principalement du jugement de leur intellect [a] celuy de leur Superieur en choses indifferentes, doubteuses et ambigues, non moins qu'aux necessaires, justes et convenables; car c'est par telz actes qu'on acquiert la vraye habitude de l'obeissance.

  A024004617 

 Les Freres, a l'imitation des Dames nonains de Saincte Ursule, et par le commandement expres de Monseigneur, en lieu d'Office chanteront le chappellet du sainct Rosaire, partie en latin, partie en langue vulgaire, afin que litterés et idiots y puisser t concourir..

  A024004625 

 Et veu qu'ilz ont prins a venerer le tres doulx et tres benit Nom de JESUS, a fin que tous le puissent faire, ilz finiront leur Office, les jours ouvriers, au matin par les Litanies du mesme tres auguste, sainct et vivifiant Nom de JESUS, le soir par celles de l'immaculée Vierge sa Mere, dictes de Lorette..

  A024004626 

 Les Dimanches et festes y adjousteront au soir celles la, et au matin celles cy..

  A024004627 

 Esquelz jours feriaux, appres l'action de graces du disner, ilz iront chanter a l'esglise les Litanies de sainct Michel et des aultres sainctz Anges, y fesant commemoration des sainctz Peres hermites, et specialement de sainct Paul, Anthoine et Hilarion, et de toutte l'Esglise triomphante pour la militante, recitant l'oraison de sainct Augustin registrée en ses Meditations, chapitre 40 me..

  A024004631 

 L'oraison mentale se fera soir et matin, finie la vocale, en rendant a la divine Bonté les quattre sacrifices d'expiation, graces, restitution et supplication desquelz ilz ont commencé d'user, et a celuy d'expiation l'on meslera l'examen de conscience du mesme jour..

  A024004636 

 Ce pourquoy, les Freres l'observeront, hors de necessité, des l'oraison mentale du soir jusques a celle du matin, fuyans en tout temps et lieu tellement les parolles vaines, inutiles, oisifves et mondaines, que leur conscience n'ait d'en rendre compte aucun a Dieu qui l'exigera tres rigoureux..

  A024004640 

 Les Freres continueront de cultiver la charité entreux mesmes en touttes leurs necessités, compatissans les uns aux imperfections et foiblesses des autres, et a tout ce qui se rapporte a si divine vertu, et non moins a l'endroict des personnes ecclesiastiques et seculieres; persevereront au culte de l'hospitalité en lieu si desert, selon la Reigle d'œconomie de ce subject..

  A024004644 

 Ils dormiront vestus, comme les RR. PP. Capuchins, sur une paillasse, en l'hermitage; dehors, sur le lit que la commodité leur donera.

  A024004648 

 Ilz n'useront de poinct de linges, hormis de mouchoirs et, la complexion le requerant, d'un bonnet de nuict; et aultrement, comme les RR. PP. Capuchins..

  A024004652 

 En l'hermitage, ilz s'y iront coucher entre les huict et neuf heures du soir, et se leveront aux deux appres la minuict es petits jours; es grands, une heure plustost, qu'ilz pourront compenser avec le dormir du midy; et continueront l'oraison matutine jusques aux cinq heures, distribuans, selon la commodité, le reste du temps es [Heures] canoniques et en quelque exercice digne de leur humble profession, a l'imitation de leurs sainctz Peres hermites patrons.

  A024004652 

 L'oraison nocturne se fera des les sept aux huict et demy..

  A024004660 

 Et parce qu'ilz ne sont pas de nature angelique ains humaine (de quoy chascun se souviendra pour moderer tout zele indiscret), ilz recreeront et delasseront leurs esprits et corps environ trois quarts d'heure appres le disner; car appres le souper ilz n'auront rien de plus empreint en leur memoire que les tenebres de la mort par celles de la nuict, leur vive image, y attendant en bons serviteurs l'evenement tant incertain et redoutable du Seigneur..

  A024004661 

 Le discours de l'œconomie y sera bien seant, et en tout la modestie religieuse qui conserve les fruicts de pieté comme les feuilles ceux de touttes plantes..

  A024004671 

 Ilz frequenteront les sainctz Sacrements de Penitence et d'Eucharistie: quant aux laiz, chasque Dimanche et principale feste de l'année, surtout en l'hermitaige, se souvenans que dehors, comme plus exposés aux tentations, ilz en ont plus de besoing.

  A024004671 

 Les prebstres celebreront, s'il sera possible, chasque jour, et pour s'y enflammer se mettront en memoire la pieuse opinion la dessus du venerable Beda.

  A024004682 

 Les Peres hermites obeiront, comme a leur legitime Superieur commis par Monseigneur Reverendissime, au P. Jehan du Verney, prebstre, en touttes choses justes et conformes aux Reigles presentes, et luy a Monseigneur..

  A024004687 

 Auquel cas l'on luy renvoyera, avec le sceu de tous les Peres et relation veritable du delict, celuy qui en sera accusé, afin qu'il s'en puisse librement purger, sans forme ny figure de proces, et moins tergiverser en cas qu'il soit convaincu; craignans, et les uns et les autres, d'interpeller indiscretement Monseigneur..

  A024004698 

 Tous les Freres seront obligés a la queste du bled et du vin, et chascun d'eux revenant, declarera soubz serment ce qu'il aura [482] trouvé, pour l'escrire audict Livre de raison et l'assembler proche de l'hermitage, au lieu et maison la plus commode et asseuree que faire se pourra..

  A024004703 

 L'on n'entreprendra rien d'importance, principalement bastir, vendre et achepter et les semblables, sans l'advis de tous les Freres..

  A024004708 

 L'on ne recepvra plus personne pour Frere ou messagier sans le consentement de tous les Freres, advis du Reverend Surveillant qu'il plaira a Monseigneur de leur donner, et sur tout commendement de sa Seigneurie Reverendissime..

  A024004713 

 Et puisque contrariorum eadem est disciplina, nul des Freres ja nommés et receus, ny autre qui le soit de semblable chemin, ne pourra estre congedié ou privé que par la mesme voye de ladicte reception, et pour fautes sans espoir d'amendement, ou scandale irreparable et grave, appres touttefois que la clemence de Monseigneur Reverendissime les aura ouy, et autant de fois qu'elle les aura jugé dignes, absous.

  A024004718 

 L'on tiendra un Inventaire de tous les biens, meubles et immeubles de l'hermitage, presents et advenir, et tout ensemble de lieux, alienation, changement ou diminution..

  A024004725 

 Parce que la quallité du lieu requiert que lesdictz Hermites [483] reçoivent en leur maison et donnent a manger, au moins quant au disner, a toutte sorte de personne de l'un et l'autre sexe, l'un d'eux leur portera ce qui sera jugé convenable, et aussy tost appres se retirera vers les autres Freres pour prendre a part avec eux leur repas, sauf si le R. Jehan du Verney estime a propos de leur faire luy mesme compagnie; fuyans, et les uns et les autres au possible, la conversation dangereuse et le trop de familiarité des femmes..

  A024004730 

 Le pain s'y fera d'une seule sorte et mediocrement bon pour tous les Freres, sauf celuy du mesnaige, meslant avec le froment le reste des bleds qu'on trouvera, afin d'en pouvoir donner, selon leur costume, aux honnestes gens qui la hault en sont bien souvent despourveus, se chargeant un chascun le moins qu'il peult pour monter la montagne..

  A024004735 

 Durant ce temps la, l'on mettra la pitence en commun, mais en cestuy cy les portions se diviseront; le pain y sera selon le besoing et a la discretion d'un chascun..

  A024004740 

 Chasque an revolu et environ les festes de Pasques du prochainement suyvant, les questes du bled et vin de cestuy cy faictes [et] assemblées, comme dict est, les Freres dresseront et rendront entre eux mesmes les comptes du receu, du despendu, et determineront le reliqua (si poinct y en aura) de l'année precedente; et communiqueront appres le tout audict Reverend Surveillant, afin d'adviser ce a quoy il sera le mieux employé, au cas qu'on ait assez trouvé pour passer la suyvante..

  A024004750 

 Le lieu, pour sa hauteur excessive, extremement froid, et la plus part de l'hiver tellement couvert de neige qu'on y monte et descend au peril de la vie, de soy mesme atteste qu'on n'y peut aller deschaussé et mal vestu; c'est pourquoy les Hermites se chausseront et vestiront le moins mal et avec le meillieur mesnaige qu'il leur sera possible, accommodé a leur profession..

  A024004754 

 Pour l'observance desdictes Reigles, avec les exceptions suyvantes, l'on lira le present Project en presence de tous les Freres en lieu de recreation, chasque premier Dimanche du mois, l'apres disner..

  A024004757 

 Exception I re universelle sur touttes les Reigles de pieté.

  A024004759 

 Durant l'edifice imparfaict, empeschans les Reigles de pieté susescrites les Freres de cooperer en choses ausquelles l'employer leurs forces et industrie est un grand jeusne, discipline et cilice, non moins que le monter et descendre, ilz en seront dispencés par ledict Reverend Jehan du Verney, et luy par soy mesme; et s'il est absent, par le dictamen de leurs consciences, les autres pareillement..

  A024004761 

 Exception II me universelle sur touttes les Reigles.

  A024004763 

 En cas de maladie, chasque Pere se dispensera, en l'absence de son Superieur; ou, en sa presence, sera par luy dispencé de l'obligation susdicte, pour raison de touttes les Reigles au dictamen de sa conscience, sans qu'il conçoive scrupule ny encoure peyne aucune..

  A024004767 

 Se rencontrans les jours des jeusnes extraordinaires avec les commandés de l'Eglise, s'ilz arrivent a un mesme jour, l'on n'usera de poinct de translation, ains satisfaisant a celuy de precepte l'on aura satisfaict a celuy de conseil; mais s'ilz se rencontrent deux au [485] vendredy et samedy, seront observés.

  A024004769 

 Exception IV me sur les jours de Communion extraordinaire.

  A024004771 

 Les jours des festes obligatoires a la Confession et Communion s'entresuivans immediatement, suffira d'observer la Reigle en l'un des principaux, si mieux l'on n'ayme le faire, quant a l'autre, a la veille; s'ilz seront interrompus d'un autre jour, l'obligation de la Reigle a tous les deux demeurera a son entier..

  A024004778 

 Nous, PIERRE FRANÇOIS JAY, Chanoine et Theologal de l'Esglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, avons leu diligemment les dictes Reigles par le commandement de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, esquelles n'avons rien trouvé qui ne soit conforme a la doctrine de l'Esglise Catholique, Apostolique et Romaine, et aux bonnes mœurs, voire grandement faisant, autant que nous le pouvons entendre, a la perfection de la vie heremitique..

  A024004788 

 L'année susdicte mille six centz vingt, et le quinziesme du mois de juing, audict hermitage, en presence de nous, Jean Louis Questan, docteur en theologie et Chanoine de l'Esglise cathedrale de la ville de Geneve, a la requisition desdicts Hermites commis Surveillant dudict sainct lieu par Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de ladicte ville, et des tesmoins soubsnommés; personnellement constitués les susdicts quattre Hermites: Frere Jean du Verney, leur Superieur, Jehan Grilliet, Mermet Jorand et Jehan Anthoine Rigault, ont de leur bon gré, libre et franche volunté professé les susdictes Reigles entre noz mains, pour et au nom de mondict Seigneur Reverendissime, leur vray, legitime et immediat seigneur, maistre et protecteur tres clement, en la forme suyvante:.

  A024004793 

 Et si bien des Reigles et Profession susdictes se colligent clairement les trois vœux de chasteté, pauvreté et obeissance d'un chascun desdictz Hermites en leur particulier (laissant leur Communaulté a la toutte previdente et puissante main de Dieu), ilz les proposent et embrassent en la maniere et avec la moderation des mesmes Reigles, afin de s'y conformer a la volonté de Monseigneur Reverendissime, et non poinct qu'ilz pensent de s'en despartir jour de leur vie, ains de les observer et garder inviolablement..

  A024004795 

 En foy et valleur immutable de ceste verité, les sachans escrire ont soubsigné ceste Profession, et les autres y ont apposé leurs marques..

  A024004805 

 Et ce, avec autant de probité, devotion et edification qu'on sçauroit desirer d'un bon et vray Religieux, zelateur de l'honneur, gloire de Dieu et de la tousjours benite et immaculée Vierge Marie sa Mere, du bien de son Esglise Catholique, Apostolique, Romaine, culte et amplification de ce sainct lieu, non moins que du salut eternel de son ame et de celles de ses confreres; ayant a ceste fin composé, et luy mesme exactement observé, les Reigles de pieté et d'œconomie qu'il a pleu a Monseigneur Reverendissime d'approuver, et que tous ensemble avons professées le quinziesme de juing immediatement precedent......

  A024004806 

 Si declarons en cœur (sic), soubz nostre serment en tel cas requis, estre nostre desir et contentement qu'il continue de vivre avec nous, nostre confrere bien aymé, le reste de sa vie; suppliant tres humblement mondict Seigneur Reverendissime et le sieur Reverend Surveillant de condescendre de leur costé a ce nostre souhait et requeste, qui l'est aussy de toutes les gens de bien qui l'ont cogneu......

  A024004809 

 Je soubsigné, condescend au desir des susdicts Hermites, pour les mesme causes susdictes.

  A024004819 

 D'autant que le saint, celebre et ancien hermitage du Mont de Voiron est fondé sous le vocable de la Visitation [489] de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame, les Hermites qui y vivront des-ormais invoqueront particulierement et auront pour Patrons: en premier lieu (apres nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ, Ange du grand conseil et Mediateur de Dieu et des hommes ), les Saintz qui sont au mistere de la Visitation, c'est a sçavoir: la Vierge Marie, Mere de Dieu, saint Joseph, saint Jean Baptiste, patriarche des hermites, saint Zacharie et sainte Elizabeth; en second lieu, tous les bons Anges, specialement le chœur des Principautés; et en troysiesme lieu, saint Paul premier hermite, saint Anthoine et saint Hilarion..

  A024004820 

 Il leur est permis de porter du linge, a cause de la mondicité, excepté au lit, sur lequel ilz se coucheront vestus de leur habit court, sinon qu'ilz fussent mouillés ou malades, car en ce cas ilz pourront se devestir; comm'encor ilz seront chaussés, parce qu'en leur montagne les hivers sont tres rigoureux et les montees et descentes fascheuses..

  A024004820 

 Les Hermites seront habillés d'une soutane de drap blanc battant sur les talons; sur la soutane, d'un manteau en façon de rochet jusques a mi jambe; et sur le manteau, d'un camail avec le capuce rond.

  A024004821 

 Les Hermites observeront, le jeusne, outre les jours commandés de l'Eglise, toutes les veilles de leurs Patrons, tout le tems de l'Advent, et despuis le lendemain de l'Assumption de Nostre Dame inclusivement jusques a sa Nativité exclusivement; tous les vendredis de l'annee, a l'honneur et memoire de la Passion de Nostre Seigneur, et s'abstiendront de la chair tous les mercredis..

  A024004822 

 Les Hermites prendront la discipline tous les vendredis, apres l'orayson du matin, pendant qu'on recitera le Psalme cinquantiesme de la penitence, de David; sinon qu'ilz ayment mieux porter la haire ou le cilice trois jours de la semaine, ou bien jeusner le vendredi et samedi en pain et en eau..

  A024004823 

 Les Hermites disneront et souperont tous-jours au refectoire commun, et diront leur coulpe; ou, s'ilz ont manqué a quelque chose importante, se disciplineront sur les espaules devant tous les Freres.

  A024004824 

 Les Hermites prestres, ou qui sçauront lire ou entendre le latin, reciteront le grand Office du Breviaire Romain; et les laïcz qui ne sçauront lire reciteront le Rosaire, a l'imitation des Urselines, adjoustant neuf fois l'Orayson Dominicale et tout autant la Salutation Angelique, a l'honneur des neuf chœurs des Anges..

  A024004825 

 Aussi tost que le Sacristain aura cloché deux coups sur la fin de Prime, a la leçon du Martyrologe, ilz retourneront tous necessairement au chœur pour faire l'orayson mentale, laquelle durera demi heure, sinon qu'il y eust quelque cause urgente de la faire plus courte; et se commencera par les Litanies des Saintz.

  A024004825 

 Estant achevee, si c'est en hiver les Freres se chaufferont demi heure, puis chacun s'en ira vacquer a ce qu'il aura en charge..

  A024004825 

 Les Freres laïcz assisteront a Matines, a genoux, jusques a la fin du premier Psalme, puis pourront sortir, si bon leur semble, pour dire le Chapelet ou quelqu'autre orayson, prenant garde sur tout de ne parler point les uns avec les autres.

  A024004825 

 Les Hermites observeront en leur Office un tel ordre: le Sacristain sonnera en tout tems a quatre heures du matin; apres quoy, il fera bruire le resveille matin par le dortoir l'espace de troys tours, et un peu apres retournera sonner le dernier signe de l'Office.

  A024004826 

 La premiere Messe se dira a six heures, continuant jusques a midy lhors qu'il y aura beaucoup de prestres; que s'il n'y en a que troys ou quatre, la premiere se dira a sept heures, la seconde a huit, la troysiesme a neuf, la quatriesme a dix; et s'il est possible, les Freres les serviront tour a tour..

  A024004827 

 Mays quand rien ne pressera, on dira Tierce et Sexte a neuf heures, None a midy, Vespres [491] a trois heures et Complies a six, finissant par l'orayson mentale de demi heure, laquelle, apres que les Freres seront assemblés au son de la cloche que le Sacristain donnera au Cantique de Simeon, se commencera par les Litanies de Nostre Dame..

  A024004827 

 Quand on preverra des festes les jours desquelles le peuple a accoustumé d'affluer, et que pour ce il faudra vacquer a ouyr les confessions, les prestres diront Matines le soir auparavant, depuis huit heures jusques a neuf, puis, le matin, les Heures de suite.

  A024004828 

 Mays si quelquefois ilz ne se treuvent pas en nombre suffisant pour chanter, alhors, si le restant est prestre, il dira a haute voix les Litanies des Saintz; si c'est un Frere laïc, il recitera les Litanies de Nostre Dame, lesquelles, a tout le moins, ne s'omettront jamais et que tous seront obligés de sçavoir par cœur..

  A024004828 

 Tous les samedis apres souper, les hermites chanteront au chœur, devant l'image de la Vierge, l'hymne de ses joyes; puis se retireront en leurs cellules, ou bien iront se chauffer un peu, selon le tems.

  A024004829 

 Les jours feriaux et ouvriers, apres l'action de graces du disner, les Hermites iront a l'eglise pour reciter les Litanies de saint Michel et des saintz Anges, avec commemoration de saint Paul, de saint Anthoine, de saint Hilarion, de l'Eglise triomphante, et adjousteront pour la militante l'orayson de saint Augustin qui se trouve au quarantiesme chapitre de ses Meditations..

  A024004830 

 Les Hermites confesseront leurs pechés et recevront le tres auguste Sacrement de l'autel tous les jours de Dimanche et festes solemnelles; les prestres tascheront de celebrer la sainte Messe tous les jours..

  A024004831 

 Les Hermites observeront exactement le silence, sinon que la necessité ou la civilité les face parler; en quel cas, ilz prendront garde de moderer leurs discours et ne rien dire de trop..

  A024004832 

 Les Hermites auront en tres grande recommandation [492] l'hospitalité et un soin tout particulier des pelerins et estrangers, les servans et traittant courtoysement, sans toutesfois rompre les regles de la juste œconomie..

  A024004833 

 Les Hermites ne sortiront point de leurs cellules sinon pour les Offices, au son de la cloche, ou estant appellés pour quelques necessités, ou quand le Pere Superieur leur permettra de se pourmener seulz parmi le bois pour tout autant de tems qu'il prescrira..

  A024004834 

 Les Hermites estans a la queste ou a quelques negociations eviteront tout ce qui pourroit donner le moindre sujet de scandale, taschant de se comporter le plus conformement a l'ordre de l'hermitage qu'ilz verront judicieusement estre possible, sans incommoder personne; et estant de retour, jureront de tout ce qu'ilz auront receu ou negocié..

  A024004835 

 Pour recevoir quelqu'un et bailler l'habit apres le tems de la probation, il sera requis d'avoir le consentement de tous les Freres, l'opinion du Reverend Surveillant, et le jugement ou commandement du Reverendissime Evesque ou de son Vicaire general; comme pareillement, on ne mettra personne dehors sans les mesmes precautions..

  A024004836 

 Que si, avec le tems, les Hermites pouvoyent avoir des rentes suffisantes par la charité des gens de bien, ilz s'arresteront sans plus et demeureront en i'hermitage pour vacquer avec plus de loysir a la sainte meditation et reception des pelerins..

  A024004837 

 Les Hermites obeiront a un Superieur qui soit pareillement hermite, ou autre tel qu'il plaira au Reverendissime Evesque de commettre, lequel aura tout le mesme pouvoir que les Ordres reformés donnent aux Superieurs.

  A024004837 

 Quand il se rendra intolerable, injuste et passionné outre mesure, les Freres conviendront par devant le Reverendissime Evesque, leur juge, ou son Vicaire general; toutesfois sans forme ni figure de proces, mais s'accusant simplement l'un l'autre, et s'excusant pareillement, sans injure ni animosité..

  A024004838 

 Les Hermites se tiendront en l'obeissance de l'Evesque [193] tout de mesme que les curés, seront obligés de se treuver au Sinode diocésain, et ne résoudront rien de grand et important en leur Chapitre sans le communiquer au Surveillant et faire appreuver a l'Evesque..

  A024004839 

 Les Hermites observeront exactement toutes ces Constitutions pour estre dignes du saint nom qu'ilz portent; et a cest effect les reliront souvent, taschant tous-jours de faire mieux, et selon les occasions et la rayson en requerront l'Evesque, lequel s'est reservé et reserve le pouvoir d'adjouster et retrancher, selon qu'il verra estre expedient pour la plus grande gloire de Dieu..

  A024004844 

 Et specialement si Nous considerons, non seulement les miracles publiques qui arriverent en sa destination, mais encores, entre autres choses notables de sa reparation, que cette pieuse entreprise reuscit, graces a Dieu, si heureusement, que ladite devotion est frequentee de plusieurs milliers de peuples catholiques et de bon nombre d'heretiques circonvoisins, qui en demeurent pieusement edifiés et contribuent aussi promptement et charitablement de leurs aumosnes que les mesmes catholiques plus proches d'icelle, exhortant ouvertement les venerables Hermites, ses restaurateurs, a y continuer leur bon zele et probité..

  A024004844 

 Le culte et honneur de l'Immaculee Vierge Marie estans, apres ceux de Dieu son Filz, les plus recommandés et utiles en tous besoins, principalement en la conversion des heretiques a l'Eglise Catholique, qui, pour ce, luy chante meritoirement: Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo, il semble que Nous ne sçaurions asses cherement recommander la restauration, voire l'amplification et ornement du tres antique bastiment de Nostre Dame de la Visitation du Mont de Voyron, a la veuë orientale de ladite ville de Geneve et a la meridionale de Lausanne, affin qu'on y venere autant et plus la mesme tres glorieuse Mere de Dieu que le diable ne la voulut mespriser, prophanant et ruinant ledit saint lieu par l'introduction de l'heresie aux susdites villes [et] en la [494] duché du Chablaix.

  A024004845 

 Et, ce faisant, qu'ilz les leur recommandent le plus utilement qu'il sera possible, silz desirent d'y concourir avec Nous, et d'y servir la benite Vierge, les exhortans en Nostre Seigneur, tout ainsy que Nous les exhortons eux mesmes et tous Nos autres diocesains, a les recevoir, assister et favoriser au susdit but, de toute sorte de vrais offices chrestiens et charités dignes de leur pieté, pour en percevoir, icy et au Ciel, les fruitz et payemens inestimables de la main de Dieu tres liberale..

  A024004845 

 Nous donq, meus de si juste et puissante cause, combien que nous regrettions infiniment la pauvreté et misere des pauvres de ce païs, si est ce que, croyant tres bien employee la charité quilz feront a cest effect et pour l'entretien desdictz Hermites et leurs messagers, et qu'elle ne diminuera jamais, ains plustost augmentera leurs moyens par l'intercession de Nostre Dame: mandons a tous les RR. Recteurs, Curés, Vicayres et autres ecclesiastiques de ce diocese d'en edifier leurs ditz peuples et les informer, par la lecture de ces Lettres, que lesditz venerables Hermites, [495] ayans et observans des bonnes Reigles et offices de pieté et d'œconomie [sous un] Superieur et Surveillant particulier, vivent sous Nostre obeissance comme prestres et clercs seculiers et suivant les decretz des saintz Conciles, portant toutesfois le nom d'Hermites et l'habit blanc, par Nous dedié au sacré saint mystere de la Visitation, auquel ce tres devot et remarquable desert fut anciennement consacré.

  A024004846 

 Et la ou ladite queste porteroit lesditz venerables Hermites en quelque evesché de nos voysins, Nous prions et requerons en Jesus Christ Nostre Seigneur, Nostre Reverendissime Frere, l'Evesque d'iceluy, les RR. Officiers ecclesiastiques et autres personnes pieuses ausquelles ilz s'addresseront, de les avoir en la mesme sus escrite et non vulgaire recommandation, Nous offrant a la pareille, et en pareil et semblable cas..

  A024004847 

 Donnees a Annessi, le dernier du mois d'aoust de l'an mil six cens vingt deux, sous Nostre signet et seel episcopal, pour valoir le reste de cette annee et durant toute l'autre prochainement suivante, sans qu'il soit requis de les renouveller, attendu l'incommodité de l'interruption de ladite queste, lhors commencee en quelques lieux, et celle desditz Hermites, dont l'integrité Nous est tres notoyre et tres aggreable..

  A024004857 

 Quant a la closture, il est requis que nul homme n'entre dans le chœur, dans le cloistre ni dans le dortoir des Religieuses, sinon pour les causes pour lesquelles les confesseurs, medecins, chirurgiens, charpentiers et autres peuvent entrer es monasteres les plus reformés; c'est a dire, quand la vraye necessité le requiert..

  A024004858 

 Elles pourront aussi sortir du monastere aux chams et promenades qui sont autour d'iceluy, pour leur recreation, pourveu qu'elles soyent au moins la moytié ensemblement, sans se separer les unes des autres..

  A024004858 

 Et les Religieuses pourront sortir dans l'enclos du monastere, pourveu qu'elles sortent pour le moins deux ensemble et qu'elles n'entrent point dans les logis ou habitent les prestres, receveurs et [487] autres hommes, attendu quil ne peut y avoir aucune necessité de ce faire et tous-jours quelque sorte de danger.

  A024004858 

 Les femmes neanmoins y pourront entrer par tout, mays non pas coucher dans le dortoir.

  A024004860 

 Et pour les visites des parens, amis et autres qui voudront voir les Religieuses, il faudra deputer quelque chambre hors le cloistre en laquelle telles visites puissent estre faittes, ou neanmoins les Religieuses n'aillent point qu'accompaignees de deux autres, pour la bienseance.

  A024004860 

 Le jardin proche du logis de madame l'Abbesse peut encor servir a cela, et l'eglise du costé de l'autel, selon la diversité des occurrences, en observant tous-jours la bienseance de n'estre pas seules en un lieu, bien que seules elles parlent a ceux qui les viennent voir, pendant que celles qui viendront avec elles s'entretiendront a part avec toute modestie..

  A024004861 

 Quant a la sortie des Religieuses es maysons de leurs proches et autres lieux, il seroit requis qu'elle fust du tout retranchee; mays cela semblant trop dur a quelques unes, il faut, pour le moins, que ce soit le plus rarement qu'il sera possible, puysque telles sorties ne se font gueres sans notable distraction d'esprit et murmuration de ceux qui les voyent dehors, et que les parens mesmes desireroyent que leurs Religieuses demeurassent en paix dans leurs monasteres, ainsy mesme que quelques uns m'ont librement dit..

  A024004862 

 Il seroit requis quil y eust un confessional en quelque lieu qui fust visible des le chœur, ou qui fust mesme dans le chœur, et que ce confessional fust fait en sorte que le confesseur ne vist point les Dames qui se confessent, ni elles luy, pour plusieurs raysons..

  A024004863 

 Comm'aussi il me sembleroit plus propre et plus seant que le confessional fust mis en sorte que les Dames fussent en iceluy dedans le chœur, et le confesseur dehors, comme il se peut faire et qui se fait en tous les monasteres bien reglés.

  A024004863 

 Il faut oster l'autel qui est dedans le chœur, et tirer tout au long une separation entre le chœur et le maistre autel, qui soit faitte a colonnes de bois ou de fer, et en laquelle [498] il y aye une porte par laquelle ou les Religieuses puissent sortir pour se presenter a la Communion, ou le prestre puisse entrer pour la leur porter dedans le chœur; sinon que la separation fust faitte en sorte que les Religieuses se disposans en rang le long d'icelle, le prestre puisse les communier commodement entre les colomnes: ce qui me sembleroit plus seant et plus propre, et fort aysé pour la gravité de l'action.

  A024004864 

 Et pour la faire, il est expedient que les Religieuses en fassent eslection et que madame l'Abbesse l'accepte et confirme pour telle.

  A024004864 

 Or, il la faut choisir telle que les Religieuses ayent sujet de luy obeyr et de l'honnorer.

  A024004864 

 Que si les Religieuses n'en vouloyent pas faire d'eslection, madame l'Abbesse la pourra establir sans leur eslection.

  A024004865 

 Le Chapitre ou Calende se doit tenir tous les vendredis de l'annee, si la solemnité de quelque feste occurrente n'empesche; et lhors il faudra faire ladite Calende le jour precedent.

  A024004866 

 Et quant a celles qui ne les voudront remettre presentement, il faudra attendre que Dieu les en inspire..

  A024004866 

 Quant aux pensions, toutes sont exhortees de les remettre a la disposition de la Superieure qui, moyennant [499] cela, aura soin de faire fournir a toutes les necessités des Religieuses [qui] remettront les dites pensions.

  A024004883 

 POUR LES RELIGIEUSES DE SAVOIE, TANT DU DIOCÈSE DE GENÈVE.

  A024004886 

 Bien que le sacré Concile de Trente ait ordonné d'accorder à toutes les Religieuses un confesseur extraordinaire au moins trois fois par an, on ne le donne cependant jamais, surtout aux Religieuses [500] de Sainte-Claire qui, à cause de cela, souffrent beaucoup.

  A024004886 

 Item: quoique les Jubilés publiés en plusieurs occasions par le Saint-Siège autorisent chacune de ces Religieuses à appeler tel confesseur approuvé par l'Ordinaire qu'elle voudra, néanmoins les confesseurs ordinaires et autres Supérieurs de ces Monastères les empêchent d'user de cette liberté..

  A024004887 

 Ce serait donc une très grande charité si le Saint-Siège daignait pourvoir à ce que les Supérieurs, sans excuse ni tergiversation quelconque, fussent obligés de donner des confesseurs extraordinaires et les Religieuses de les recevoir; en sorte que toutes se confessant à eux, on ne pût savoir quelles sont celles qui en ont besoin.

  A024004887 

 Quant aux Jubilés, que les Religieuses aient la liberté de demander par écrit aux Evêques ou à leurs Officiaux les confesseurs qu'elles désirent; et que ces ordonnances soient signifiées aux Provinciaux ainsi qu'aux Visiteurs, aux Supérieures des Monastères et aux Religieuses.

  A024004888 

 Mais pour éviter les contestations, il sera mieux que ces Supérieurs ne sachent pas d'où est venu l'avis à la sacrée Congrégation des Réguliers..

  A024004906 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à Lyon, chez les Missionnaires de la Maison des Chartreux.

  A024004911 

 A tous et chacun de ceux qui verront et entendront les présentes, Nous faisons savoir et attestons que Nous avons reçu avec toute l'humilité et révérence convenable les Lettres Apostoliques en [502] double expédition, en forme de Bref, sous l'Anneau du Pêcheur, de notre Très Saint Père le Pape Paul V, datées de Rome, près de Sainte-Marie-Majeure, le dix-neuf octobre, l'an 1613, du Pontificat du même Très Saint Pape Paul le neuvième, Lettres à Nous adressées pour l'affaire des Révérendes Doyenne et Chanoinesses de l'église Collégiale de Saint-Pierre, en la ville de Remiremont, diocèse de Toul, en cette teneur; sur le dos d'abord: [503].

  A024004913 

 L'Abbesse, les Chanoinesses et les Chanoines, ainsi que les prêtres et clercs mentionnés, ils devaient les rappeler à un genre de vie conforme à leur devoir, à l'honnêteté et à un état modelé sur les saints Canons et le Concile de Trente déjà allégués.

  A024004913 

 Les choses établies et non contraires aux saints Canons et aux décrets du Concile de Trente, ils devaient les confirmer; les abus de toute sorte, les faire disparaître; les bonnes et louables institutions, règles et discipline ecclésiastique, notamment le culte divin, les remettre en honneur par les moyens convenables, en tout ce en quoi ils les verraient péricliter.

  A024004913 

 Tout ce qu'ils auraient statué et ordonné, ils avaient le devoir de le faire observer, et forcer les désobéissants à s'y soumettre, par des censures, peines ecclésiastiques [506] et autres remèdes opportuns de droit et de fait.

  A024004913 

 Tout le reste se trouve danslesdites Lettres, de la teneur desquelles Nous voulons que les présentes fassent davantage foi expressément..

  A024004913 

 « Ayant appris dernièrement que l'église Collégiale de Saint-Pierre, de la ville de Remiremont, diocèse de Toul, église à Nous et au Siège Apostolique immédiatement soumise, et où l'on affirme que, en plus de nos chères filles dans le Christ, l'Abbesse, faisant profession d'appartenir à l'Ordre de Saint-Benoît, [504] et les Chanoinesses, il y a d'autres clercs séculiers, en possession de canonicats, de prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques, tous formant un seul Chapitre: ayant donc appris que cette église a besoin de visite et de réforme, surtout sur ce point de Chanoinesses et de Chanoines constituant un seul Chapitre, et peut-être formant un même choeur pour la psalmodie; Nous donnâmes mission et ordre à Nos vénérables Frères l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et à vous, Evêque de Tripoli, par un motu proprio et d'après [505] Notre science certaine, ainsi qu'en vertu de la plénitude de la puissance Apostolique, par d'autres Lettres expédiées semblablement, en forme de Bref, afin que l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et vous, Evêque de Tripoli, ou bien les deux premiers, ou encore l'un d'eux en union avec vous, procédassent une fois seulement, à la visite de l'église susdite, aussi bien pour la tête que pour les membres.

  A024004914 

 Enjoignant pour cela à l'Abbesse, aux Chanoinesses, aux Chanoines, aux prêtres et aux clercs présents de vous obéir sans délai en tout ce qui a été dit'et en chaque chose, de recevoir humblement vos salutaires avertissements et commandements, enfin de s'efforcer de les suivre efficacement; sans quoi, toute sentence ou peine que vous prononceriez régulièrement contre des rebelles, Nous l'aurons pour ratifiée, et, avec l'aide du Seigneur, Nous la ferons observer à la lettre, nonobstant tout ce [507] que dans les présentes Lettres Nous avons eu l'intention d'écarter comme empêchement, et nonobstant aussi toutes choses contraires..

  A024004914 

 Nous vous commandons, en effet, et ordonnons de faire tout ce qui a été dit plus haut et tout ce qui se trouve dans les mêmes Lettres, et vous accordons, par la teneur des présentes, la faculté de l'exécuter.

  A024004914 

 « Mais aujourd'hui, pour certaines causes qui agissent sur Notre esprit, déchargeant l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul sus désignés de l'obligation, à eux imposée par Nous, de visiter l'église, son Abbesse, ses Chanoinesses, et les Chanoines en question, et révoquant la faculté à eux concédée plus haut, Nous les remplaçons par vous, vénérables Frères, Evêques de Genève et de Chrysopolis; par une action, une science et une plénitude de puissance semblables, Nous confions le soin et donnons l'ordre à vous trois par les présentes, que, procédant à vous trois, ou au moins à deux de vous ensemble, vous mettiez à exécution les susdites Lettres, en en suivant la forme en tout et pour tout.

  A024004918 

 Avant de vouloir procéder à l'exécution de ces Lettres Apostoliques, Nous ordonnons, de par l'autorité à Nous déléguée dans cette affaire, que ces Lettres et tout ce qu'elles contiennent soient notifiés et intimés avant toutes choses aux Révérendissimes Pères et Seigneurs dans le Christ, Guillaume, Archevêque de Corinthe, et Jean, Evêque de Toul, dont il a été fait mention expresse dans les mêmes Lettres, par le premier clerc ou notaire apostolique requis pour cela, que nous députons spécialement pour cet effet.

  A024004919 

 En foi et témoignage de tout cela, Nous avons ordonné d'établir les présentes, signées de Notre propre main, et munies de l'impression du sceau qui Nous sert en semblables occasions..

  A024004926 

 La dependance que les Religieux ont de leurs Abbés et Prieurs commendataires engendre continuellement des proces, noyses et riottes scandaleuses entre eux..

  A024004927 

 Et par ce moyen, [510] les Superieurs cloistriers auroyent toute l'authorité convenable pour bien reformer les Monasteres, reduysant la portion des Religieux en communauté; et pourroit on aussi changer les Superieurs, par eslection de troys ans en trois ans..

  A024004927 

 Il seroit donq peut estre a propos de separer le lot et la portion des biens requis a l'entretenement des Religieux, monastere et eglise d'avec le lot et la portion qui pourroit rester a l'Abbé ou Prieur commendataire; en sorte que les Religieux n'eussent rien a faire avec l'Abbé ni l'Abbé avec eux, puisque chacun d'eux auroit son fait a part: comme l'on a fait tres utilement a Paris, des abbayes de Saint Victor et de Saint Germain.

  A024004928 

 Et affin que la reformation se fit plus aysement, il seroit requis que cet ordre se mit premierement a Talloyre, ou il y a des-ja un bon commencement de reformation, et par apres il faudroit sousmettre a Talloyre tous les Monasteres de l'Ordre de Saint Benoist, affin qu'on y installast la mesme reformation..

  A024004929 

 Et semble qu'il seroit expedient d'en retirer quelques uns dans les villes, comme par exemple, le Monastere d'Entremont a La Roche, pour accroistre la le nombre des chanoynes et y establir un notable service, avec un theologal et pœnitentier, eu esgard au voysinage et continuel commerce de ceux de Geneve avec ceux de La Roche..

  A024004930 

 On pourroit aussi en convertir d'autres en des Congregations de Prestres de l'Oratoire, comme par exemple, le Monastere du Saint Sepulchre de cette ville; et les autres, les annexer au College de cette ville, comme le prieuré de Pellionnex..

  A024004931 

 Or, ce que j'ay dit de retirer quelques Monasteres dans les villes pour accroistre le nombre des chanoynes, regarde le bien de la noblesse de ce païs, laquelle est nombreuse en quantité, mais la plus part pauvre, et laquelle n'a aucun moyen de loger honnorablement ses enfans qui veulent estre d'Eglise, sinon es benefices qui se distribuent dans le [512] païs, comme sont les cures et les canonicaux, lesquelz on pourroit introduire saintement, ne devant estre distribués que par le concours aux gentilzhommes ou docteurs..

  A024004932 

 Son Altesse donq, pour ce regard, pourroit faire une instruction a son Ambassadeur pour obtenir de Sa Sainteté une commission a l'Archevesque de Tharentaise, Evesque de Maurienne, et a celuy de Geneve pour proceder aux establissemens susditz, en sorte neanmoins que l'un desditz Praelatz se treuvant absent, les deux autres puissent proceder..

  A024004933 

 Et les procureurs general et patrimonial, chargés de tenir main, en toutes occurrences, a l'execution, avec expresse recommandation au Senat d'assister en toutes les occasions qui le requerroyent..

  A024004938 

 Et aussi le saint Concile de Trente ordonne qu'on les reduise dans les villes pour ces mesmes causes..

  A024004938 

 Il seroit requis qu'on retirast les troys Monasteres de Cisteaux dans les villes, affin que les (sic) deportemens fussent veus journellement, qu'elles fussent mieux assistees spirituellement et qu'elles ne demeurassent pas exposees aux courses des ennemis de la foy ou de l'Estat, a l'insolence des voleurs et au desordre de tant de visites vaynes et dangereuses des parens et amis.

  A024004938 

 Joint que de les [513] enfermer aux chams, esloignees d'assistance, c'est les faire prisonnieres miserables, mais non pas Religieuses ainsy que l'on pretend de faire par les bonnes exhortations qu'elles recevront dans les villes.

  A024004940 

 Et quant a celles de Sainte Claire hors ville de Chamberi, l'on pourrait aussi les reduyre dans la mesme ville de Chamberi..

  A024004941 

 Mais affin qu'a mesme tems qu'on les reduyroit toutes es villes la reformation se fist, il serait requis que Sa Sainteté commist quelque Prselat qui establist es Monasteres tous les reglemens ordonnés par le Concile de Trente, et leur donnast des Superieurs auxquelz l'on peust avoir recours facilement..

  A024004942 

 Son Altesse donq, pour ce sujet, pourrait faire dresser une instruction a son Ambassadeur, affin quil obtinst deux commandemens de Sa Sainteté: l'un a l'Abbé de Cisteaux, General de l'Ordre dudit Cisteaux, a ce que promptement il fist retirer les Religieuses des monasteres de Savoye [514] dans les villes voysines, en lieu propre a leur demeure, en attendant qu'elles eussent fait un nouveau monastere; l'autre, a l'Evesque de Maurienne et a l'Evesque de Geneve, a ce qu'ilz tinssent main affin que tous les reglemens ordonnés par le Concile fussent establis non seulement es Monasteres de Cisteaux, mais en tous autres Monasteres de femmes qui sont en Savoye..

  A024004953 

 AU LIEU DE THONON, PRES GENEVE, A TOUTES LES FESTES DE NOSTRE DAME.

  A024004955 

 Nostre Saint Pere le Pape Clement VIII a concedé Indulgence pleniere a tous fidelles Chrestiens de l'un et de l'autre sexe, entrans au nombre des confreres de la Maison de Nostre Dame de Compassion, lesquelz contritz, confessés et communiés, en chascune ou quelqu'une des festes de Nostre Dame, des les premieres Vespres jusques aux secondes, visiteront l'esglise de ladite Sainte Maison de Nostre Dame de Compassion, au lieu de Thonon, pres Geneve, ou est instituee ladite Confrerie pour la conversion des heretiques; illec priant Dieu pour l'extirpation des heresies, pour l'exaltation de la sainte Eglise et pour la paix et union entre les princes chrestiens, ainsy qu'appert par Bulle authentique plombee, donnee a Romme l'unziesme (sic) du mois de septembre 1599..

  A024004956 

 De rechef, en ladite esglise de Nostre Dame de Compassion se trouvent quelques penitenciers ayant pouvoir de recevoir tous heretiques a la sainte Eglise, voire mesme relaps, excepté les notablement qualifiés; et tant iceux que tous autres chrestiens absoudre de quelz pechez que ce soit, voire crimes, exces, delitz tant grans et enormes soyent ilz, mesme reservés en la Bulle Cæna Domini; comme aussi de toutes peines et censures ecclesiastiques in foro conscientiæ, et de faire changement de vœux (aucuns excepté, selon la coustume ecclesiastique), et autres semblables graces, pour la tres grande consolation des consciences des pauvres pecheurs..

  A024004967 

 Les dits confreres s'assembleront en la chapelle de la dite Confrerie à sept heure (sic) du matin, pour y chanter l'Office de Nostre Dame et ouïr la Messe ensemblement en habit: à sçavoir, les premiers Dimanches de chasque mois, les cinq festes de Nostre Dame qui sont la Purification, l'Annonciation, l'Assomption, la Nativité et l'Immaculee Conception; les festes des SS. Fabien et Sebastien, de sainct Roch et la premiere de Pentecoste.

  A024004969 

 Assisteront aux Grandes Messes de Requiem que l'on dit dans la dite chapelle pour le repos de chasque confrere trepassé, apres que l'on aura dit l'Office des Morts à mesme intention; autant en fera-t-on pour les absents decedés quand on en sçaura le trepas, et pareillement les confreres absents diront l'Office ou le Chappellet pour les decedés en la ville..

  A024004971 

 Le jour de la feste de sainct George l'on celebre Messe à diacre eu sousdiacre, et le lendemain pareillement une de Requiem à l'intention des fondateurs de la dite chapelle, la quelle anciennement estoit sous son vocable; les dits confreres et consoeurs seront tenus d'y assister..

  A024004972 

 Le dernier jour de carnaval s'assembleront avec leur Recteur pour aller en procession dans l'eglise des Reverends Peres Barnabistes, y ouïr le sermon, recevoir la Benediction du Sainct Sacrement de l'autel et y gagner les Indulgences..

  A024004973 

 Les sœurs de la dite Confrerie feront à l'alternative les stations devant le tres Sainct Sacrement de l'autel aux heures qui leur seront assignees par billet, jusques à celles de six du soir du Jeudi Sainct, passé les quelles les dicts confreres les feront à la mesme forme jusques au lendemain, que le Sainct Sacrement sera remis au maistre autel; les quatre confreres qui se rencontreront alors porteront le dais..

  A024004974 

 Les dicts confreres et consœurs assisteront tous les sammedys de l'année aux Gaudés de la Saincte Vierge, que l'on chante dans la dite chapelle, et au Stabat à ceux du Caresme apres le sermon..

  A024004975 

 Les confreres obeiront au Prieur ès choses de la Confraternité..

  A024004976 

 S'abstiendront les dits confreres de toutes sortes d'actions scandaleuses..

  A024004980 

 Tous les confreres se communieront au moins les cinq festes principales de Nostre Dame, en habit et ensemblement..

  A024004981 

 Visiteront et assisteront d'aumosnes, s'il y eschoit, les confreres malades, selon l'ordre que le Prieur leur donnera, et procureront la Confession et Communion; aussi l'Extreme Onction leur soit conferee à bonne heure..

  A024004982 

 Et s'essayeront les confreres d'accompagner le Sainct Sacrement lors qu'on le porte aux confreres malades, et à cest effait les malades seront tenus d'advertir le Prieur quand ils tomberont en maladie; et accompagneront à la sepulture les confreres trepassés..

  A024004983 

 Ils porteront le defunct eux mesmes en habit; que s'il ne se trouvoit des confreres en nombre, feront donner des habits à ceux qui les porteront..

  A024004985 

 Si deux confreres ont querelle ensemble, le Prieur leur assignera terme pour les reconcilier, pendant lequel n'entreront à la chapelle, et celuy auquel il aura tenu la.

  A024004986 

 Les confreres s'en allant dehors seront tenus de prendre billet [519] de leur reception des mains du Secretaire, pour leur servir d'excuse et pour pouvoir, au besoin, assister aux Offices qui se font en d'autres Confreries..


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A025000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A025000016 

 Regles de l'Institut de saint Augustin pour les Seurs.

  A025000018 

 Constitutions pour les Seurs Religieuses de la Visitation.

  A025000033 

 Constitution XV. De la façon de parler avec les estrangers.

  A025000042 

 Constitution XXIV. Du compte de tous les moys.

  A025000048 

 Constitution XXX. De la maniere que la Superieure doit tenir pour les affaires.

  A025000079 

 Directoire spirituel pour les Sœurs Religieuses de la Visitation Sainte Marie.

  A025000080 

 Intention et souhaitz de Nostre Pere sur les Seurs de la Visitation (Inédit).

  A025000081 

 Livre auquel les Seurs de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation escrivent les ans et jours de leurs oblations et voeux et des annuelles confirmations qu'elles en font.

  A025000104 

 La maniere de donner l'habit et recevoir les Seurs de Sainte Marie de la Visitation pour le Novitiat.

  A025000122 

 De la façon de parler envers les estrangers.

  A025000126 

 De l'eslection de celles qui visiteront les malades.

  A025000137 

 Du compte de tous les moys.

  A025000141 

 Des enseignemens pour les seculieres.

  A025000163 

 Preparation a l'oblation pour les filles de Nostre Dame de la Visitation.

  A025000177 

 De la façon de parler avec les estrangers.

  A025000183 

 Du parler, des recreations et des conversations qui se font entre les Seurs.

  A025000190 

 Du compte de tous les moys.

  A025000194 

 Des enseignemens pour les seculiers.

  A025000214 

 De l'establissement des Novices en la Congregation par les vœux et oblation.

  A025000225 

 Directoires pour les officières.

  A025000247 

 Directoire pour les Seurs Domestiques.

  A025000255 

 VI. Lettre d'obédience à la Mère de Chantal pour les fondations des monastères de Bourges, Paris et Dijon, 16 octobre 1618 (Inédit).

  A025000268 

 De la façon de parler avec les estrangers.

  A025000281 

 Du compte de tous les mois.

  A025000283 

 Des enseignemens pour les seculiers.

  A025000304 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, [3] escrivan aux Philippiens: «Je salue,» dit-il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et en l'epitre aux Anthiochiens: «Que les vierges,» dit-il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et finalement, a Heron: «Conserve les vierges comme joyaux de Jesus Christ.».

  A025000305 

 En somme, toute l'antiquité rend un ample tesmoignage a cette verité; mays pour le present, celuy de saint Gregoire Nazianzene suffira: «Il y a,» dit il, «plusieurs femmes en toutes les regions que la salutaire doctrine de Jesus Christ a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie celeste et suivant un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres, tesmoins de leur chasteté.».

  A025000306 

 Or, presque toutes, tant les unes que les autres, mais [4] notamment celles de la premiere bande, qui vivoyent en congregation, estoyent consacrees par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que saint Ambroise ne dit pas a la vierge descheüe sur ce sujet? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur sainte Marceline fut consacree par le Pape Libere en l'eglise de Saint Pierre de Rome, et le propre jour de Nouel? Certes, c'estoyent ordinairement les Evesques qui celebroyent ces consecrations, comme il est ordonné au Concile de Cartage, auquel le grand saint Augustin assista, et par saint Leon le premier, escrivant aux Evesques d'Allemaigne et de France; et est commandé dans le Pontifical que l'on ne les face qu'es jours de feste ou de Dimanche..

  A025000307 

 Et bien que plusieurs anciens et graves scholastiques penseront jadis que cette solemnité estoit une proprieté naturelle [5] et essentielle des vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface VIII ayant du despuis determiné le contraire, il ny a plus lieu quelcomque d'en disputer, ains faut avouer ingenuement que cette proprieté n'est nullement inseparable des vœux de Religion, puisque anciennement les plus celebres et saintz Religieux faysoyent leur Profession sans icelle, et que, en nostre aage, le Pape Gregoire XIII l'a attachee aux vœux simples en faveur de la tres illustre Compaignie du Nom de Jesus; declarant asses en cela que cette solemnité depend tellement de l'authorité de l'Eglise, qu'elle la peut oster aux vœux solemnelz sans pour cela les rendre simples, et l'adjouster aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, selon qu'il est expedient au bien des ames et a la gloire du Createur: ainsy qu'ont doctement expliqué le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Bellarmin, les docteurs Lessius et Azor, et briefvement, mais pertinemment a son accoustumee, Hierosme Platus en ses beaux livres Du bien de l'estat religieux, et en fin le tres docte Thomas Sanches qui en cite une legion d'autres..

  A025000307 

 Mays quand je dis qu'elles estoyent consacrees par des vœux celebres et publiqs, je ne veux pas pourtant dire qu'ilz fussent solemnelz de la solemnité dont les scholastiques et canonistes parlent, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses sont totalement invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Peres, et selon la parole du grand Apostre, les vierges et vefves qui par vœu et profession publique estoyent sacrees a Dieu, ayent tous-jours esté tenues en execration l'ors qu'elles rompoyent et violoyent leur vœu, si est ce que, comme dit clairement saint Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité de telles noces ayant seulement esté introduite, premierement par l'authorité ordinaire de quelques Evesques en leurs diocœses, puis par le Concile general tenu a Rome environ l'an 1136 ou 1139 sous Innocent second.

  A025000308 

 Ainsy le tres glorieux saint Charles, mirouer des Praelatz de ce tems, et, a son exemple, les Reverendissimes Evesques de sa province ont erigé plusieurs Congregations de diverses façons; car voyci ce qu'en a escrit l'autheur de l'histoire de sa Vie.

  A025000308 

 Apres quil a dit que cet admirable Praelat induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mais le nombre des femmes,» [6] adjouste-il, « fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains aussi divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocaese, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis; et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, si nombreuse en femmes et vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté sous l'observance de leurs propres Regles.».

  A025000308 

 Il y a donq eu ci devant et a encor en ce tems des Congregations de femmes consacrees a Dieu, en deux sortes: car les unes ont esté establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz, et les autres en tiltre de simple Congregation, ou par les vœux simples, ou par l'oblation, ou par quelque autre sorte de profession sacree.

  A025000310 

 Et Dieu a beni ce dessein, car en fin, apres plusieurs difficultés desquelles les projetz du service de Dieu ne sont jamais exemptz, nostre Saint Pere Paul V m'a commis pour eriger vostre Mayson en tiltre de Religion, avec toutes les praerogatives dont jouissent les autres Ordres religieux; et ce, sous la Regle du glorieux saint Augustin..

  A025000311 

 Comme par exemple: cette Regle commande qu'on vaque soigneusement aux prieres, et les Constitutions particularisent le tems, la quantité et la qualité des prieres qu'il faut faire; la Regle ordonne qu'on ne regarde pas indiscrettement les hommes, et les Constitutions enseignent comme, pour executer cette Regle, il faut tenir la veüe basse, et le voyle sur le visage en diverses occurrences: de sorte que, pour le dire en un mot, la Regle enseigne ce qu'il faut faire, et les Constitutions comme on le doit faire.

  A025000311 

 Et de la vient, ainsy que les mesmes Docteurs remarquent, que les Regles, comme fondemens principaux de la vie religieuse, doivent estre appreuvees par l'authorité de l'Eglise catholique ou par Decret apostolique; mais les Constitutions, qui ne contiennent que les moyens et la methode de bien observer la Regle, n'ont nul besoin d'estre confirmees que par l'authorité des Superieurs ordinaires, ou par les Chapitres des Religions..

  A025000311 

 Pour cela, donq, je vous presente cette sacree Regle, que vous suivres meshuy comme le vray chemin auquel vous [8] deves marcher pour parvenir a la perfection de la vie religieuse, y ayant joint vos Constitutions, qui sont comme des marques mises en ce chemin affin que vous le sachies mieux tenir; car, comme disent les Docteurs, les Regles des Religions proposent les moyens de se perfectionner au service de Dieu, et les Constitutions monstrent la façon avec laquelle il les faut employer.

  A025000312 

 Je sçay bien qu'au commencement de l'Eglise les Congregations religieuses durerent quelque tems et firent des merveilles au service de Dieu sans avoir presque aucunes Regles escrittes, ains par la seule observance des coustumes que la commune pratique et devotion des ames qui s'estoyent assemblees avoyt introduites, et par la bonne conduite des Superieurs suivie de la parfaite obeissance des inferieurs, desquelz la simplicité et bonne foy tenoyent heureusement lieu de loy.

  A025000312 

 Peu apres, le grand saint Basile, entre les Peres grecs, escrivit une Regle tres excellente pour ses Religieux, comme fit saint Augustin, entre les latins, pour les siens; et sainte Melanie [9] la jeune ayant dressé une Congregation en Hierusalem, leur donna aussi une belle Regle.

  A025000313 

 Aussi «nostre Sauveur habitant en luy,» comme parle saint Hierosme, luy inspira cette Regle tellement animee de l'esprit de charité, qu'en tout et par tout elle ne respire que douceur, suavité et benignité, et par ce moyen est propre a toute sorte de personnes, de nations et de complexions; si que ce grand homme apostolique Fescrivant, pouvoit bien dire, a l'imitation de l'Apostre: J'ay esté fait tout a tous, affin de les sauver tous.

  A025000313 

 Mais la grande authorité de saint Augustin, meritee par la tres excellente sainteté de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Ordres religieux il a esté le plus suivi.

  A025000313 

 Qui fait que non seulement plusieurs Congregations de Religieux cloistriers, comme celles des Chanoines et Clercz reguliers, des Eremitains, de Saint Dominique, de Saint Hierosme, de Saint Anthoine, de Presmonstré, des Servites, des Cruciferes, mais aussi les Ordres de plusieurs Religieux chevaliers, comme ceux de Saint Jean de Hierusalem, ceux des Saintz Maurice et Lazare, les Theutoniques, ceux de Saint Jaques et plusieurs autres, se sont rangés sous l'estendart de cet admirable conducteur..

  A025000316 

 Ainsy disons nous que la logique contient les praeceptes de bien argumenter; la rhetorique, les praeceptes de bien parler ou haranguer; et appelions praecepteurs non tant ceux qui nous commandent, comme ceux qui nous instruisent.

  A025000316 

 Ce qu'il dit: «Ce sont icy les choses que nous vous commandons a ce que vous les observies,» ne doit donner aucun scrupule aux Seurs, comme si cette Regle obligeoit en tous les articles sous peyne de peché; car cela n'est pas, ainsy que, apres le grand saint Thomas, les Docteurs plus asseurés ont observé.

  A025000317 

 Et certes, puisqu'aussi bien faut: il ordinairement que les Superieurs moderent ou aggravent les loix punitives par la consideration des diverses circonstances qui accroissent ou diminuent les fautes, n'est-il pas bon de laisser les impositions des pœnitences a leur jugement et prudence?.

  A025000317 

 Plusieurs pensent que les Regles religieuses doivent taxer et determiner des peynes aux contrevenantz et delinquans, mais ilz se trompent; car il ny en a point en la Regle de saint Basile, ni en celle ci, comme vous verres, sinon celle de l'ejection.

  A025000318 

 Il y a voirement en cette Regle quelques articles qui semblent n'avoir plus aucun usage: comme par exemple, de n'aller aux bains que tous les moys et que les Seurs ne sortent pas qu'accompagnees; car on ne doit plus sortir maintenant que pour des causes si grandes, si necessaires et rares qu'on peut dire en verité que les Seurs observantes ne sortent jamais.

  A025000319 

 En l'article qui dit: «Domtés vostre chair par jeusnes et abstinences selon que vostre santé le permet,» le bienheureux Pere ne donne pas liberté pour cela a chasque Religieuse de faire des austerités de sa teste, ni de discerner ce que sa santé luy permet; car au contraire, comm'il est porté en un autre article, c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est expedient.

  A025000319 

 Et au Livre premier des Mœurs de l'Eglise, (Inscrivant la façon de vivre des Religieux et Religieuses de son tems, il dit que plusieurs de forte complexion s'accommodoyent de vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et que, [12] quand les foibles refusoyent de boire et de manger ce qui leur estoit convenable, on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus debiles que saintz, plustost malades que mortifiés. Ce qu'a la verité arrive a plusieurs, notamment parmi les femmes, qui, trompees de leur imagination, constituent la sainteté en l'austerité, et entreprennent plus aysement de priver leurs estomacs de viande que leurs cœurs de leur propre volonté..

  A025000320 

 Mais par ce que ces motz ne sont pas usités, on les a peu et deu changer en ceux de Mere, ou Abbesse, ou bien Prieure, ou Superieure; et par ce que le dernier et le premier de ceux ci sont plus simples et signifient la mesme chose que celuy de Praeposee, il a esté treuvé bon que vous les retinssies, notamment celuy de Mere, dautant que le saint Pere dit en fin: «Que les Seurs obeissent a la Superieure comme a leur Mere.».

  A025000321 

 De sorte qu'il n'y a donq point d'apparence qu'il ayt mis si souvent en sa Regle le mot de prestre pour celuy d'Evesque, puisque mesme les monasteres des filles et femmes estoyent en grand nombre au diocœse d'Hippone et que l'Evesque n'eut peu estre ainsy par tout.

  A025000321 

 Et presque en mesme sujet, au troisiesme Concile de Cartage, auquel le saint Pere fut present: «Lhors que les vierges sacrees seront destituees de leurs peres et meres qui les protegeoyent, qu'elles soyent retirees en quelque monastere de vierges par la providence de l'Evesque, ou bien par celle du Prestre, si l'Evesque est absent.» Ce sont les parolles du Concile.

  A025000321 

 Il est dit au bout de la Regle: «Que l'on obeisse a la Superieure, et beaucoup plus au Prestre qui a soin de toutes.» Mays, qui est donq ce «Prestre qui a soin de toutes»? Certes, dautant qu'en la Regle des Freres aussi bien qu'en celle des Seurs cett'obeissance au Prestre est souvent inculquee, ceux que j'ay veu des interpretes de cette Regle ont creu que c'estoyt l'Evesque; «dautant [13],» dit un d'entre eux, qui a fait de bonnes et belles remarques sur icelle, «que les Chanoynes reguliers en dependoyent; mays despuis que les Evesques et leur clergé se sont, par dispense apostolique, secularisés, cest ordre n'est plus gardé.» Or, a la verité dire, quant a ce point je ne puis consentir a cette interpretation; car encor qu'au commencement de l'Eglise les noms de praestre et d'Evesque fussent souvent confondus et passassent l'un pour l'autre, ainsy qu'il est aysé a voir es Actes et es Epitres des saintz Apostres, si est ce que du tems de saint Augustin ces motz n'estoyent plus en cet usage et n'appelloyt on pas les prestres Evesques, ni les Evesques simplement prestres, comme luy mesme le tesmoigne en l'epistre [14] quil a escrite a saint Hierosme; et ne me souviens pas que jamais saint Augustin en ayt usé autrement.

  A025000322 

 Et certes, je confesse que non seulement en la primitive Eglise et jusques au tems du grand saint Augustin, [15] mais aussi plusieurs siecles apres, les Religieux et Religieuses vivoyent sous l'obeissance des Evesques; car c'est une verité trop certaine pour estre niee, trop evidente pour estre ignoree; puisque Gratian au Decret, Edmerus en la Vie de saint Anselme, saint Bernard, au troysiesme Livre de la Considération et en l'epistre qu'il escrit a l'Archevesque de Sens, Henri, et mesme le maistre de l'Histoire de l'Eglise, Baronius, le tesmoignent en termes qu'on ne peut dissimuler.

  A025000322 

 Mais pour tout cela il ne s'ensuit pas que les [16] Evesques soyent ou fussent les Prestres de ces Monasteres, ains ilz en ont ou avoyent seulement la surintendance et jurisdiction generale, comme des autres eglises non exemptes, de leurs diocaeses..

  A025000323 

 Ce «Prestre», donq, dont il est parlé en la Regle, estoyt ou le Curé qui, comme a remarqué le docte Filesac, theologien de Paris, estoit jadis nommé simplement «le Prestre» par excellence; ou bien c'estoit le Prestre particulier, auquel l'Evesque avoit commis le soin du Monastere pour les choses spirituelles et administration des Sacremens.

  A025000323 

 Et vrayement, en cett' ancienne Eglise les Religieuses alloyent au service divin aux eglises paroichiales.

  A025000323 

 Saint Hierosme, en l'Epitaphe de sainte Paule, parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de Bethleem: «Elles sortoyent,» dit-il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise qui estoit a costé de leur sejour, chasque trouppe suivant sa Mere; et de la s'en retournant, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignés.» Saint Pacome et ses Religieux appelloyent un des prestres du voysinage pour recevoir la divine Eucharistie (est il dit en sa Vie) et les immortelz Sacremens; «estimant,» disoit il, «que c'est chose profitable aux Monasteres de communiquer aux [17] eglises.» La rayson de ceci fut que les prestres estoyent rares, l'Ordre de prestrise estant en si grande consideration parmi ces Anciens, que peu de gens osoyent se faire promouvoir.

  A025000324 

 Ce qui est defendu que l'on ne porte pas les voyles si desliés qu'on puisse voir, a travers, la coeffeure, c'est parce qu'en Afrique, païs extremement chaud, les filles et femmes ne plioyent leurs cheveux qu'avec des petites coeffes de filet qu'on appelle en latin retiola, comme petitz retz et filetz, et en françois «du lacis», comme petitz laqs ou lacetz.

  A025000324 

 Mais de deça, les coeffeures des Religieuses observantes sont d'autre sorte, outre qu'elles se tondent; et toutefois ne laissent pas de devoir observer que leurs voyles ne soyent pas transparens..

  A025000325 

 Je n'ay pas estendu au long ce que le saint Pere met en l'article par lequel il defend l'amitié sensuelle entre les Seurs; d'autant que, selon la necessité de ce tems la et de la province en laquelle il vivoit, il marque certaines particularités peu conneues es contrees de deça, et dont la malice porte quant et soy tant d'horreur qu'il n'est pas besoin d'en exprimer plus clairement la prohibition..

  A025000326 

 Ce que porte la Regle de demander «tous les jours les livres a l'heure assignee,» regarde ce tems la, auquel l'imprimerie n'estant pas encor exercee, on ne pouvoit pas [18] avoir les livres a commodité, ains estoit requis de les lire l'un apres l'autre..

  A025000327 

 Ce qu'il donne permission aux Seurs d'aller «une fois le moys» aux estuves, provient de la bonne opinion que les Anciens avoyent des bains; lesquelz, comme plusieurs prenoyent pour le seul playsir, aussi les autres, notamment es regions chaleureuses, les prenoyent pour tenir leurs cors netz des crasses que le hasle et les sueurs salees et adustes produisoyent, et les autres pour la santé, qui certes est grandement aydee de la netteté.

  A025000327 

 Donq ce n'est pas merveille s'il les permet aux Seurs, selon que la coustume de ce païs-la et le conseil des medecins le requeroit; puisque principalement il advertit si soigneusement qu'on n'en use pas pour playsir, ains seulement ou pour la netteté, ou pour la santé..

  A025000327 

 Saint Augustin mesme, racontant l'ennuy extreme qu'il eut du trespas de sa mere, dit que pour s'en alleger il alla aux bains; ayant appris qu'ilz estoyent appellés par les Grecz d'un nom qui tesmoignoit leur efficace a chasser l'ennuy et la melancolie.

  A025000328 

 Certes, saint Policarpe, disciple des Apostres, au recit de saint Irenee a tesmoigné que le glorieux saint Jean Evangeliste entrant en un bain a Ephese pour se laver, et y treuvant Cerinthus, haeresiarque, dit a ceux qui estoyent avec luy: «Retirons nous hastivement d'icy, de peur que nous ne soyons accablés de la cheute de cette estuve en laquelle est l'ennemi de la verité.» Ce grand Disciple bien-aymé de Nostre Seigneur ne faysant donq point de difficulté [19] d'aller aux bains, qui pourra, je vous prie, censurer la douceur de saint Augustin s'il en permet l'usage aux Seurs de son Ordre? Je voy que quelques uns ont attribué cette action de saint Jean a une speciale inspiration, comme s'il fut allé aux bains pour avoir sujet de dire la celebre parole qu'il y dit contre Cerinthus; et je voys quant et quant que ce sentiment merite voyrement de n'estre pas mesprisé, a cause du credit que les autheurs d'iceluy ont justement merité parmi les amateurs des Lettres sacrees.

  A025000328 

 La charité anime les espritz des Saintz de differentes perfections et affections, et empesche quelques uns, comme saint Jaques le Mineur, d'aller aux bains, par la severité, y en faysant aller d'autres, comme saint Jean, par le juste soin de l'honnesteté et de la santé..

  A025000329 

 Aussi, saint Benoist, ce grand Pere des moynes de nostre Occident, l'a mis expressement en sa Regle pour les deserteurs et fugitifs.

  A025000329 

 L'article de l'expulsion des incorrigibles est fascheux aux gens du monde qui ne voudroyent jamais revoir parmi eux les filles dont ilz se sont une fois deschargés, et ceux qui l'ont veu ci devant en vos Constitutions l'ont apertement blasmé; mays, comme disent les doctes Azor [20] et Lessius, apres plusieurs graves autheurs, c'est un article du Droit canon et de droit de nature, et par consequent de droit divin.

  A025000330 

 Certes, ç'a esté une speciale providence de Dieu, qu'entre toutes les Regles celle du glorieux saint Augustin ayt esté choysie pour servir de loy en vostre compaignie, puisque des-ja, par un secret instinct du Saint Esprit, vos Constitutions furent dressees au commencement en sorte qu'elles sont toutes conformes a cette sainte Regle, laquelle, par ce moyen, vous observies sans y penser avant qu'elle vous fut ordonnee, voire sans sçavoir quelle elle estoit.

  A025000330 

 En quoy je ne sçay comme quelques uns se sont trompés, pensant que vostre Institut soit ouvrage de ma seule cervelle, et par consequent moins estimable; car, je vous prie, de quelle authorité eussé je peu vous ordonner une telle retraitte et vous obliger a une telle sorte de vie, sinon par la concurrence de vostre propre eslection et volonté? Certes, les conseilz evangeliques ne peuvent estre convertis en commandemens par nos superieurs, si, de nous mesmes, librement et volontairement, nous ne nous obligeons a les observer par vœu, serment ou autre profession..

  A025000331 

 Mais a la verité, voyant vostre Congregation petite en nombre au commencement, et toutefois grande en desir de se perfectionner de plus en plus au tressaint amour de Dieu et en l'abnegation de tout autre amour, je fus obligé de l'assister soigneusement; me resouvenant bien que Nostre Seigneur, ainsy qu'il dit luy mesme, vint en ce monde pour le bien de ses brebis, non seulement affin qu'elles eussent la vraye vie, ains aussi affin qu'elles l'eussent plus abondamment; et que, pour la leur faire avoir plus abondante, il ne faut pas seulement les induire a l'observance des commandemens, mais encor a celle des conseilz; et qu'en cela ceux de ma condition doivent rendre fidele service a ce divin Maistre, puisque, comme dit saint Ambroyse, ç'a tous-jours esté une particuliere grace aux Evesques de semer les graines de l'integrité et d'exciter es ames le desir et le soin de la virginité, comme firent jadis les premiers et plus grans serviteurs de Dieu et Pasteurs de l'Eglise.

  A025000332 

 Somme toute, mes tres cheres Filles, a Dieu soit honneur et gloire, qui de toute eternité prepara ces saintes Regles pour vostre Congregation et vostre Congregation pour l'observance de ces Regles, ayant mesme ordonné, par une conduite admirable de sa Providence, que vos Constitutions fussent tout ainsy que des ruysseaux qui coulent et tirent leur origine des propres paroles et de l'esprit d'icelles, comme de leur vraye source et tres pure fontayne; qui me fait hardiment vous prononcer cette exhortation: Venes, o Filles de la benediction eternelle, et comme il fut dit a Ezechiel et au cher bienaymé du Bienaymé de vos ames: Venes, tenes, prenes et manges ce livre, avales le, remplisses en vos poitrines et en nourrisses vos cœurs; que les paroles d'iceluy demeurent jour et nuit devant vos yeux pour les mediter et sur vos bras pour les prattiquer, et que toutes vos entrailles en louent Dieu.

  A025000334 

 Et a toutes les ames qui la suivront soit a jamais donnee abondamment la grace, paix, consolation du Saint Esprit.

  A025000340 

 S t Gregoire Nazianzene, rendant un illustre tesmoignage a cette verité, les divise en deux bandes: «Il y a plusieurs femmes,» dit-il, «en toutes les regions que la salutaire doctrine de J. C. a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie caeleste, et suivent un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres, qui sont tous tesmoins de leur chasteté.».

  A025000341 

 Or, celles de la premiere sorte, qui estoyent en congregation, vescurent, ce semble, toutes sans avoir des Regles escrites, sous la seule observance des coustumes introduites entre elles par leur commune devotion, jusques environ le tems de Constantin, que S t Pacome ayant receu sa Regle pour les hommes d'un Ange, il la donna par apres a la congregation des Seurs erigee a Tabenne, qui ne dura que quelque tems; et tost apres, S t Basile en l'Eglise grecque, et S t Augustin en l'Eglise latine; et sainte Melanie la Jeune, en Hierusalem, donna des loix a sa Congregation, ainsy qu'il est dit en sa Vie..

  A025000342 

 Mays la grande authorité de S t Augustin, meritee par [25] la tres illustre innocence de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Religieux il a esté plus que nul autre suivi en la Regle quil a dressee; laquelle estant suave, benigne et vrayement digne de son tres doux esprit, et toute apostolique, il a rendu propre presque a toutes sortes de nations et de complexions.

  A025000342 

 Qui fait que non seulement plusieurs Congregations de Religieux cloistriers, comme celle des Chanoynes reguliers, des Haeremitains, de S t Ruf, de S t Dominique, de S t Anthoyne, de Praemonstré, des Servites, des Crucifers, mais aussi plusieurs Religieux chevaliers, comme sont les Chevaliers de S t Jean de Hierusalem, des S ts Maurice et Lazare, de S t Jaques, les Theutoniques....

  A025000343 

 Et il ny a point de doute pour ceux qui ont tant soit peu hanté les escritz des anciens Peres, que toutes ces Congregations de femmes ne fussent establies par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que S t Ambroyse ne dit pas sur ce sujet a la vierge decheue? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur S te Marcelline fut consacree le jour de Noel, en l'eglise de S t Pierre, par le Pape Liberius?.

  A025000344 

 Dont il s'ensuit clairement que cette invalidité n'est nullement de l'essence de la Religion, ains depend tellement de l'Eglise, que elle l'adjouste aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, et la peut oster aux solemnelz sans les rendre simples, selon quil est expedient pour la plus grande gloire de Dieu: ainsy qu'ont doctement monstré le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Belarmin, et briefvement, mais tres pertinemment a son accoustumé, le P. Hierosme Platus en ses livres Du bien de l'estat religieux; et apres eux, Azor, 1.

  A025000344 

 Et bien que les plus anciens et graves scholastiques eurent jadis opinion que cette solemnité estoyt de la propre nature de ( sic ) vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface huitiesme ayant du despuis determiné le contraire, il ne faut plus en disputer, ains avouer ingenuement que cette solemnité n'est nullement de l'essence des vœux de Religion, puisque anciennement tous les vœux des Religions estoyent sans cette solemnité, et que de nostre aage le Pape Gregoire tresiesme a declaré invalides les mariages de ceux qui en la tres illustre Compaignie de Jesus auroyent faitz les vœux, quoy que seulement simples.

  A025000344 

 Mays, pour parler avec les scholastiques et canonistes, ilz n'estoyent pas pourtant marqués de la marque de solemnité que despuis on y a adjousté, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses professes sont invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Pere ( sic ) et selon l'expresse parole du saint Apostre, les vierges ou vefves qui par vœu et profession publique estoyent consacrees, ayt ( sic ) tous-jours esté tenues en execration lors qu'elles rompoyent et violoyent leurs vœux, ou par mariage ou autrement, [26] si est ce que, comme dit clairement S t Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité d'iceux ayant seulement esté introduite par droit ecclesiastique, et premierement par authorité de quelques Evesques en leurs dioceses, puis par le Concile general tenu a Rome l'an 1139, sous Innocent second.

  A025000345 

 Ainsy le tres glorieux S t Charles, mirouer des Praelatz de nostre aage, erigea plusieurs Congregations de diverses sortes pour les filles et femmes, et a son exemple, les Reverendissimes Evesques de sa province; car voyci ce qui est escrit en sa Vie.

  A025000345 

 Apres quil a esté dit quil induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mays le nombre des femmes,» poursuit l'autheur, «fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains divers nouveaux colleges fondés a cett' intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de S te Ursule qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise..

  A025000345 

 De sorte qu'en fin il s'ensuit qu'il peut y avoir en la S te Eglise trois sortes de Congregations de femmes (car je ne parle point des autres): les unes, qui sont establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz; les autres, qui sont establies en tiltre de simple Congregation par les vœux simples; et les autres, qui sont en tiltre de Congregation [27] simple, par une simple oblation, sans aucun vœu.

  A025000347 

 ains il y a quelques articles en la Regle qui ne sont plus en usage: comme par exemple, de sortir de la Mayson pour les bains et pour quelques autres causes ordinaires; car on ne sort plus maintenant sinon pour des causes du tout necessaires et, par consequent, infiniment plus rares..

  A025000348 

 Et, comme disent Azor et Lessius, apres plusieurs graves docteurs, ell'est conforme aux Canons, aux Regles de S t Augustin et de S t Benoist et au droit [28] de nature, puis que, comme S t Augustin a allegué en sa Regle, les incorrigibles doivent estre rejettees affin qu'une ame n'infecte et infeste toute une Congregation; et, comme dit saint Bernard: «Il est mieux qu'un perisse que l'unité.».

  A025000348 

 L'article par lequel il est dit qu'on expulse et rejette les incorrigibles du monastere et Congregation semble rude et fascheux; car les gens du monde ayans establis ( sic ) quelque fille en Religion, ne voudroyent que jamais, pour aucun cas, quel qu'il fut, on la peut renvoyer.

  A025000349 

 En l'article qui dit aux Seurs: «Domtes vostre chair par jeusnes et abstinence de manger et boire autant que vostre santé le permet,» S t Augustin ne donne pas pour cela liberté a chasque Religieuse de faire des austerités a son gré, ni de discerner quand sa santé luy permet de jeusner ou ne jeusner pas; car il est porté en un autre article, que c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est requis.

  A025000349 

 Et non seulement cela, mais en cet excellent chapitre trente troysiesme du premier Livre des Mœurs de l'Eglise Catholique, ou il descrit la maniere de vivre des Religieux et Religieuses de son aage, il dit que plusieurs de bonne complexion s'accommodoyent a vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et de plus, il dit encores que quant les foibles refusoyent de boire et manger ce qui leur estoit convenable on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus tost debiles que saintz.

  A025000350 

 En somme, ce grand S t Augustin, selon la celeste sagesse et l'incomparable charité que Dieu luy avoit departi, [29] composa sa Regle en sorte que, comme S t Hierosme confesse de soymesme, on reconnoissoit Nostre Seigneur et Sauveur estre habitant en luy; et eut bien peu dire, a l'imitation du glorieux S t Paul: Requeres vous quelque experience de Celuy qui parle en moy, a sçavoir Jesus Christ? et de rechef: J'ay esté fait toutes choses a tous, affin de les sauver tous.

  A025000352 

 [Mais, bien qu'elle] merite du respect a cause de l'authorité quilz ont merité en l'Eglise, c'est une entorse que l'on donne a l'histoire, en faveur de la rigoureuse et impliable austerité qu'on estime devoir regner en tous les serviteurs [de Dieu]; car S t Irenee, qui est le premier qui rapporte cette histoire de S t Jean, sur la tres asseuree foy de S t Policarpe, dit expressement que cet admirable Apostre alloit aux bains pour se laver.

  A025000354 

 L'article par lequel est prohibee l'amitié sensuelle entre les Seurs tend a ce qu'on ne tumbe en aucune tentation de certains pechés fort abominables que le grand Apostre S t Paul marque au premier chapitre de l'Epitre aux Romains.

  A025000354 

 Mays par ce qu'en ce tems le nom de telz pechés n'est jamais tant censuré qu'estant prononcé par ceux qui ne les nomment que pour les reprendre, corriger et detester, je n'ay pas estendu au long tout ce qu'en escrit le s t Pere; quoy que devant toute sorte de juste juge on deut pouvoir parler en asseurance apres un maistre de telle authorité.

  A025000359 

 Regles de l'Institut de saint Augustin pour les Seurs.

  A025000361 

 Ce sont icy les choses que nous ordonnons estre observees par vous qui estes au Monastere:.

  A025000377 

 Et que ce qui est requis pour la nourriture et les vestemens soit distribué a une chacune d'entre vous par vostre Superieure, non pas egalement a toutes, parce que vous n'estes pas toutes de mesme complexion, mais a une chacune [32] selon qu'il sera besoin; car ainsy lises vous es Actes des Apostres (chapitres 2 et 4), que toutes choses leur estoyent communes et qu'on distribuoit a un chacun en particulier selon sa necessité..

  A025000378 

 Et toutefois, qu'on baille ce qui est necessaire pour leur infirmité, quoy que leur pauvreté n'eust pas peu mesme treuver les choses qui leur estoyent necessaires tandis qu'elles estoyent au siecle; et que, pour cela, elles ne pensent pas d'estre heureuses si elles ont treuvé la nourriture et les vestemens telz qu'elles ne les eussent peu treuver dehors..

  A025000382 

 Dequoy sert il de distribuer en donnant aux pauvres, et se rendre pauvre soy mesme, si la miserable ame est rendue plus superbe en mesprisant les richesses qu'elle n'estoit en les possedant? Vives donq toutes unanimement et de bon accord, et honnores Dieu, duquel vous aves esté rendues le temple, les unes en la personne des autres reciproquement..

  A025000382 

 Et qu'elles ne levent point la teste pour estre associees a celles qu'elles n'osoyent pas approcher au siecle, mais qu'elles levent leur cœur en haut et ne cherchent point les biens terriens, affin que les monasteres ne deviennent utiles aux riches et non aux pauvres, si les riches y sont humiliees et les pauvres y sont enflees.

  A025000382 

 Et qu'elles ne s'eslevent point si elles ont contribué de leurs facultés a la Communauté, et ne deviennent point plus superbes de leurs richesses pour les avoir departies au Monastere que si elles en jouissoyent au siecle; car toute autre iniquité est exercee es mauvaises œuvres affin qu'elles se facent, mais l'orgueil fait des embusches aux bonnes œuvres mesmes [33], affin qu'estant faites elles perissent.

  A025000386 

 Que personne ne face chose quelcomque en l'oratoire sinon ce pour quoy il est fait et d'ou il prend son nom; affin que, si outre les heures determinees, quelques unes, si elles en ont le loysir, vouloyent prier, celles qui veulent y faire quelque autre chose ne leur donnent empeschement..

  A025000396 

 Et qu'elles ne les estiment pas plus heureuses dequoy elles mangent ce qu'elles mesmes ne mangent pas; mais que plus tost elles se res-jouissent en elles mesmes de ce qu'elles sont plus robustes qu'icelles et peuvent ce qu'icelles ne peuvent pas..

  A025000396 

 Si on traitte differemment en viandes celles qui sont [34] delicates par l'accoustumance passee, cela ne doit pas fascher les autres qui par une autre accoustumance sont rendues plus fortes, ni ne leur doit pas sembler injuste.

  A025000397 

 Et celles ci qui sont plus vigoureuses ne se doivent pas troubler si elles voyent que, plus tost par support et compassion que par honneur, celles-la reçoivent des meilleures portions, affin que cette detestable perversité n'advienne, qu'au monastere ou, tant qu'il se peut, les riches sont rendues laborieuses, les pauvres soyent faites delicates..

  A025000397 

 Et si on donne quelque chose en viandes, en habitz, en lit, en couvertes, a celles qui viennent d'entre les delicatesses du monde au monastere, de plus qu'on ne donne aux plus robustes, et par consequent plus heureuses, celles ci auxquelles on ne donne pas ces particularités doivent penser combien celles la se sont demises de leur vie mondaine pour venir a la monastique, quoy que elles ne puissent pas arriver jusques a la sobrieté et frugalité des autres qui sont de plus forte complexion.

  A025000401 

 Certes, comme les malades ont besoin de manger moins de peur de se sur charger, aussi apres la maladie doivent elles estre traittees de sorte qu'elles puissent plus tost estre revigorees, bien qu'elles fussent issues de pauvre lieu [35] au monde, comme la recente maladie leur faysant avoir besoin de ce que la praecedente accoustumance a rendu necessaire aux riches.

  A025000401 

 Mays ayant repris les forces pristines, qu'elles retournent a leur plus heureuse coustume, qui est dautant plus convenable aux servantes de Dieu qu'elles ont moins de besoin d'autre chose; et que la volupté des viandes ne les retienne plus, estant gueries, au train auquel la necessité les avoit portees durant la maladie.

  A025000405 

 Que vos cheveux ne soyent descouvertz de nulle part, affin que la negligence ne les laisse esparpiller, ni l'artifice ne les compose et plie au dehors..

  A025000405 

 Que vostre habit ne soit point remarquable et n'affectes pas de plaire par les habitz du cors, mais par les habitudes du cœur; et que vos voyles ne soyent pas si rares que vos coeffeures puissent paroistre au dessous.

  A025000410 

 Et lors que, la langue demeurant en silence, les cœurs par des regars mutuelz s'entretiennent de l'impudicité, et que par une convoytise ilz se complaysent en des reciproques ardeurs, quoy que les cors demeurent purs d'impudicité la chasteté neanmoins perit es mœurs du cœur.

  A025000410 

 Et ne dites pas que vostre intention est pudique si vous aves les yeux impudiques; car l'œil impudique est messager du cœur impudique.

  A025000410 

 Mays, soit que nul ni prenne garde: comme se cachera elle de ce Spectateur d'en haut auquel rien ne peut estre caché? Doit on, je vous prie, estimer qu'il ne void pas nos actions par ce qu'il les void dautant plus patiemment qu'il les void plus sagement? Qu'a Celuy la donq la femme sainte craigne de desplaire, affin qu'elle ne veuille meschamment plaire a l'homme.

  A025000410 

 Si vous jettes vos yeux sur quelqu'un, ne les arrestes toutefois sur aucun, car allant dehors il ne vous est pas defendu de voir les hommes; mais de les convoyter, ou [36] vouloir estre convoitee par iceux, c'est une faute criminelle; ni ce n'est pas seulement par le toucher, mais aussi par l'affection et par le regard que la femme est convoytee et convoyte.

  A025000414 

 Quand donq vous estes ensemble en l'eglise et ailleurs, partout ou les hommes se treuvent, prenes soin mutuellement de garder vostre chasteté l'une de l'autre; car [37] en cette sorte, Dieu qui habite en vous, vous gardera de vous mesme.

  A025000414 

 Que si, apres l'avertissement, de rechef, ou bien un autre jour vous luy voyes faire les mesmes traitz, alors celle qui l'aura apperceue, quelle qu'elle soit, la doit manifester comme une personne des-ja blessee, affin qu'on la guerisse.

  A025000415 

 Et ne juges pas qu'en descouvrant ce mal vous commetties aucune malveillance; car plus tost estes vous coulpables lors que en accusant les fautes de vos Seurs vous les pouves faire amender, et en vous taysant vous permettes qu'elles perissent.

  A025000419 

 Mays avant qu'on face prendre garde de la faute aux autres, par lesquelles, en cas qu'elle la nie, elle puisse estre convaincue, si apres la premiere admonition elle ne se corrige pas il faut premierement advertir la Superieure, affin que, sil se peut, estant plus secretement corrigee, il ne soit besoin que les autres le sachent.

  A025000419 

 Que si elle nie, alors il luy faut opposer des autres Seurs, affin qu'elle puisse non [38] seulement estre reprise par une seule devant toutes les autres, mais que, par le tesmoignage de deux ou trois, elle soit convaincue..

  A025000423 

 Et ce que j'ay dit de cette faute d'arrester la veue sur les hommes, doit estre diligemment observé, en remarquant, defendant, manifestant, convaincant et punissant les autres pechés, conservant en cela la charité envers les personnes et la haine contre leurs vices..

  A025000431 

 Ayes toutes vos robbes en un lieu sous la garde et charge d'une Seur ou deux, ou d'autant de Seurs quil sera requis pour les secouer et conserver, affin que la tigne ne les gaste; et comme vous vives toutes d'une despense, ainsy soyes toutes vestues d'un vestiaire.

  A025000431 

 Et s'il se peut faire, ne prenes point garde a ce que l'on vous donnera a vestir, [39] selon les saysons, pour voir si l'on vous donnera les habitz que vous avies posés et remis, ou bien si l'on vous donne ceux qu'un'autre avoit portés, pourveu que ce qui est necessaire a une chacune ne luy soit pas refusé.

  A025000431 

 Que si pour ce sujet naissent entre vous des contentions et murmurations, quelqu'une par aventure se plaignant d'avoir des vestemens pires qu'elle n'avoit pas remis et d'estre tenue indigne de porter des habitz aussi bons qu'un'autre Seur, apprenes de cela combien vous estes mal en point es saintes habitudes interieures du cœur, qui estrives et debattes pour les habitz externes du cors..

  A025000432 

 Mays que tous vos ouvrages se facent en commun, avec plus de soin et d'allegresse ordinaire que si vous les faysies pour vous mesme en particulier; car la charité delaquelle il est escrit qu'elle ne cherche point les choses qui sont a elle (c'est a dire ses commodités, ses proffitz, ses avantages), doit estre entendue ainsy: a sçavoir, qu'elle ne prsefere point ses commodités propres aux commodités commîmes, ains les communes aux propres, C'est pourquoy, dautant plus que vous prœfereres la Communauté a vostre particularité, dautant plus deves vous sçavoir que vous aves profité, a ce que parmi toutes les choses desquelles se sert la transitoire necessité on voye surexceller la permanente charité.

  A025000432 

 Que si toutefois vostre infirmité est supportee pour vous faire avoir les habitz mesmes que vous avies posés, ayes neanmoins tout ce que vous poses en un mesme lieu, et le remettes a la garde des Seurs a ce commises; en sorte que nulle d'entre vous ne travaille pour soymesme, soit pour se vestir, soit pour avoir dequoy maintenir son lit, soit pour avoir dequoy se ceindre ou affubler, ou pour couvrir sa teste.

  A025000434 

 Que vos vestemens soyent lavés selon quil semblera bon a la Superieure, ou par vous mesme ou par les foulons, affin que le trop grand desir d'avoir des vestemens netz n'attire des souilleures en l'ame..

  A025000438 

 Le lavement des cors et l'usage des bains ne soit pas frequent, ains soit accordé selon les intervales de tems accoustumés, c'est a dire une fois le moys.

  A025000440 

 Et que les Seurs n'aillent point aux bains ni ailleurs, ou qu'il soit requis qu'elles aillent, moins de trois ensemble; et que celle qui a besoin d'aller en quelque part ny aille [41] pas avec celles qu'elle voudra, mais devra aller avec celles que la Superieure ordonnera..

  A025000445 

 Mays quant aux habitz et soliers, que celles qui les ont en garde ne different pas de les donner a celles qui en ont a faire..

  A025000445 

 Qu'on demande les livres tous les jours a l'heure assignee, hors delaquelle celles qui les demandent soyent esconduites.

  A025000449 

 Que vous n'ayes aucun proces, ou qu'au plus tost vous le terminies, affin que l'ire croissant ne se convertisse en hayne et face un poutre d'un festu, et ne face l'ame homicide; car ce n'est pas les hommes seulz que regarde ce qui est escrit: Celuy qui hait son frere est homicide; ains, au sexe des masles que Dieu crea le premier, le sexe des femmes a aussi receu ce commandement.

  A025000452 

 Et partant, gardes vous des paroles dures, lesquelles si elles sont proferees par vostre bouche, qu'il ne vous fasche point de produire les remedes par la mesme bouche qui a fait la blesseure..

  A025000456 

 Mays quand la necessité de la correction vous pousse de dire des paroles aspres pour reprimer les inferieures, si en cela vous aves outrepassé la rayson on ne requiert pas de vous que vous leur demandies pardon, affin que, prattiquant une trop grande humilité envers celles qui doivent estre sujettes, on n'esnerve pas l'authorité de gouverner.

  A025000472 

 Qu'elle admoneste les remuantes; qu'elle console les pusillanimes; qu'elle reçoive et soulage les infirmes; qu'elle soit patiente envers toutes..

  A025000472 

 Qu'elle vous soit superieure par honneur devant les hommes, et que devant Dieu elle soit prosternee sous vos [44] piedz.

  A025000484 

 Deux éditions des Constitutions pour les Religieuses de la Visitation dont le texte a été revu et corrigé par saint François de Sales, ont été faites de son vivant: l'une en 1619, l'autre en 1622..

  A025000485 

 C'est assurément cette copie que le Fondateur revoyait lorsque, le 7 août 1621, il écrivait à la Sainte: «Il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.» (Tome XX, p. 127.) En effet, à la sixième page nous remarquons à la Constitution De l'obeissance deux corrections de sa main.

  A025000486 

 Ce Manuscrit a dû servir pour l'impression de l'édition de 1622, comme le prouvent les traits tirés à l'endroit où commence chaque nouvelle page de l'imprimé, le chiffre de celle-ci indiqué en marge, les lettres destinées à marquer au bas chaque feuille: tout concorde exactement avec le petit volume de 1622.

  A025000487 

 Le second Manuscrit est aussi un in-8°, de 57 pages, dont 32 de M. Michel Favre et les 25 autres d'une main qui nous est inconnue; plus, trois pages blanches à la fin.

  A025000488 

 Cette copie est postérieure à celle de la Sœur Favrot, car toutes les modifications faites à cette dernière y figurent non pas en sur [47] charge ou dans les interlignes, mais dans le texte même.

  A025000488 

 «Voyla les Constitutions,» écrit le Fondateur à la Mère de Chantal le 21 septembre 1621 (tome XX, p. 152); et vers la fin de la lettre il ajoute: «Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable.» (Page 155; cf. ibid., p. 142.) L'addition indiquée se trouve à la fin de la Constitution XLVII e, De l'election de la Superieure et autres Officieres; la Sainte l'a écrite sur une bande de papier, épinglée ensuite au commencement de la page où se termine cette Constitution dans le Manuscrit qui nous occupe..

  A025000489 

 Mais, ma Fille, faites-les toutes regarder, pour voir s'il n'y a point deux feuilles semblables, et, en ce cas, renvoyez les feuilles superflues et nous vous enverrons celles qui manquent.» (Ibid., vol. II, p. 3.) — Le petit volume parut sous ce titre:.

  A025000490 

 Regles de sainct Augustin et Constitutions pour les Sœurs Religieuses de la Visitation.

  A025000491 

 Il mesure 108mm de hauteur x 58 de largeur et 13 d'épaisseur, et se compose de 284 pages, dont les deux dernières — celles de l'Approbation — non chiffrées, ainsi que celle du titre: plus, six feuillets blancs à la fin.

  A025000491 

 Les approbations de Robert Berthelot, évêque de Damas, de Nicolas Ménard, chanoine de Saint-Nizier à Lyon, et la permission du Vicaire général, Thomas de Meschatin La Faye, qui autorisèrent l'impression de 1619, n'y sont pas reproduites; la seule Approbation de saint François de Sales, 9 octobre 1618, y est insérée..

  A025000493 

 Les corrections faites par le Fondateur en vue de la seconde édition sont soulignées, dans notre texte, par un pointillé..

  A025000494 

 Les variantes de l'édition de 1619, celles d'un Manuscrit complet [48] de 1618 et de trois pages autographes que possède la Visitation de Thonon sont données au bas; les ratures sont aussi reproduites..

  A025000495 

 Ce cahier est sans doute celui qui fut rédigé pour l'édition de 1619; les variantes entre celle-ci et l'édition de 1622 se retrouvent également dans le Manuscrit, avec quelques autres, cependant, et avec l'addition d'une Constitution, celle Des retraites; plusieurs passages y sont aussi omis..

  A025000496 

 Au sujet de ce titre qui manque au Manuscrit, sainte Jeanne-Françoise de Chantal écrivait à la Mère Favre le 17 octobre 1618 ( Lettres, vol. I, p. 282): «Demandez à notre très cher Père, Monseigneur, s'il ne faut pas mettre un titre au fin premier chapitre de nos Constitutions: De la fin pour laquelle elles ont été dressées; et comme il le vous dira vous l'y ferez mettre lorsque nous vous envoierons les Règles.» La Mère Favre était alors à Lyon, où saint François de Sales devait s'arrêter avec l'ambassade du prince cardinal Maurice de Savoie; mais cet arrêt fut si court qu'il eut à peine le temps de voir ses Filles.

  A025000496 

 L'ordre suivi n'est pas celui qui fut adopté pour l'imprimé; les Constitutions ne sont pas numérotées, sauf les trois premières, auxquelles le Saint a ajouté en marge des chiffres arabes.

  A025000498 

 D'autre part, l'Approbation du Saint étant du 9 octobre, il est permis de supposer que les Constitutions furent terminées ce jour-là même ou peu de jours auparavant..

  A025000499 

 Dans la reproduction du texte de 1622 et des variantes qui s'y rattachent, l'édition de 1619 et les divers Manuscrits sont indiqués ainsi qu'il suit:.

  A025000508 

 Affin donq que telles ames eussent des-ormais quelque asseuree retraitte en ces contrees de deça, cette Congregation a esté erigee en sorte que nulle grande aspreté ne [51] puisse divertir les foibles et infirmes de s'y ranger, pour y vaquer a la perfection du divin amour.

  A025000508 

 En suitte dequoy on pourra, premierement, recevoir les vefves egalement comme les filles, pourveu que si elles ont des enfans elles en soyent bien et legitimement deschargees, et qu'elles ayent suffisamment pourveu a leurs affaires selon qu'il sera jugé expedient par le Pere spirituel et autres personnes de qualité sur l'advis desquelz on se puisse reposer; affin d'oster aux gens du monde toute occasion de murmurer, autant que faire se pourra, et de destourner l'inquietude que l'ennemy a accoustumé de donner par le soin inutile et indiscret qu'il suggere aux vefves des choses qu'elles ont laissees au monde..

  A025000509 

 Neanmoins, on excepte celles qui seroyent atteintes de quelque mal contagieux, comme de lepre, escrouelles et autres semblables; ou qui auroyent des infirmités si pressantes qu'elles fussent tout a fait incapables de suivre la Regle et les exercices ordinaires de la Congregation..

  A025000510 

 A quoy le glorieux Pere saint Augustin a visé, marquant si cordialement en la Regle le support des infirmes, et tesmoignant asses par la qu'il veut que les infirmes soyent receues et qu'a leur consideration on n'amplifie point les aspretés.

  A025000510 

 Et affin que tant les unes que les autres puissent tous-jours avoir acces a cette Congregation, la Superieure prendra soigneusement garde a ce qu'on n'y introduise ni directement ni indirectement aucunes austerités corporelles, outre celles qui y sont maintenant, qui puyssent estre d'obligation ou de coustume generale.

  A025000510 

 Et semble que, selon la parabole, il face entrer en l'estat religieux, comme au festin nuptial de l'Espoux celeste, non seulement les sains et gaillars, mais aussi les infirmes, boiteux et aveugles, en sorte que sa mayson se remplisse d'invités..

  A025000510 

 Tiercement, celles qui seront de bonne et forte complexion y seront receues comme appellees de Dieu au secours et soulagement des infirmes; et tout ainsy que les foibles jouiront du fruit de la santé des robustes, les robustes jouiront reciproquement du merite de la patience [52] des imbecilles.

  A025000515 

 Les Seurs de la Congregation seront de trois rangs: les unes seront Choristes, c'est a dire employees a l'Office sacré du chœur pour y chanter les Heures; les autres seront les Seurs Associees, c'est a dire, lesquelles n'ayant pas les forces et les talens de dire et chanter les Offices, sont neanmoins admises en la Congregation pour y prattiquer les autres exercices spirituelz et tout le reste de la vie religieuse; les autres sont les Seurs Domestiques..

  A025000516 

 Quant aux Seurs Associees, elles ne laisseront pas d'estre capables de toutes les charges du Monastere, excepté celle de l'Assistente, et auront voix active et passive tout de mesme que les Seurs Choristes.

  A025000517 

 Les Seurs Associees comme les Seurs Domestiques, ne seront point obligees aux Heures, les unes ne pouvant les dire, et les autres estant destinees a d'autres services.

  A025000517 

 Mays au lieu de Prime, Tierce, Sexte et None, elles diront douze fois le Pater noster et Ave Maria au matin, et une fois le Credo a la fin; en Heu de Vespres et Complies, sept Pater et Ave, et pour Matines et Laudes, dix; et ne manqueront point d'assister a la Messe tous les jours, tant que [54] faire se pourra, et de mesme les festes a tous les Offices, en quelque lieu ou elles n'interrompent point les Seurs Choristes, ni ne leur causent point de distraction s'il leur failloit entrer et sortir..

  A025000517 

 Mays les Seurs Domestiques ou du mesnage n'auront nulle voix, ni active ni passive, et ne leur sera jamais permis de demander d'estre admises au premier ou second rang des Seurs.

  A025000517 

 Nulle Seur des autres rangs ne pourra non plus jamais proposer ladite admission, ains sera cette proposition reservee a la Superieure, apres avoir ouy l'advis des Seurs Coadjutrices ou Conseilleres; et laquelle prendra garde a ne point proposer telle admission que pour des Seurs qui, volontier et de bon cœur, auront esté douces, paysibles et humbles, et qui auront des talens convenables pour pouvoir servir es autres rangs, auxquelz, nonobstant tout cela, elles ne devront entrer que par les deux tiers des voix de la Congregation.

  A025000517 

 Quant a celles qui pour leur long travail, ou pour avoir quelque infirmité d'aage ou de maladie devront estre soulagees, et neanmoins ne seront pas propres pour les autres rangs, on leur prouvoira de repos et de consolation en leur condition.

  A025000518 

 Les Seurs Domestiques ne prendront point de voyle noir a la Profession, ains seulement la croix d'argent, par laquelle elles seront differentes des Seurs Novices.

  A025000518 

 Mais elles ne seront nullement traittees differemment des autres, ni es habitz, ni es litz, ni au manger et boire, ni au soin de leur santé, ni es exercices propres a leur avancement spirituel, ni en autre chose quelcomque; ains seront traittees cherement et cordialement par la Superieure et par toutes les autres Seurs, puisqu'en cette Congregation doit vivre sans murmuration ni mespris, ains avec esgale dilection, Marthe et Magdeleine, en vrayes seurs et bienaymees de Nostre Seigneur..

  A025000519 

 Au reste, les Seurs ne pourront estre que trente trois en tout, dont il y en aura pour le moins vingt Choristes, et pour le plus neuf Seurs Associees et quatre Seurs Domestiques; sinon que pour quelque legitime et digne respect il semblast au Pere spirituel, a la Superieure et au Chapitre d'en prendre quelques unes de plus, avec dispense de l'Evesque..

  A025000524 

 La clausure s'observera selon les propres termes du sacré Concile de Trente qui sont telz: «Qu'il ne soit loysible a aucune Religieuse, apres la Profession, de sortir du monastere, non pas mesme pour quelque tems, pour court et brief quil puisse estre, ni pour aucun praetexte que ce soit, si ce n'est pour quelque cause legitime qui doit estre appreuvee par l'Evesque.

  A025000525 

 Quand le confesseur, medecin, apoticaire, cirurgien, masson, charpentier, ou tel autre qui par necessité et avec licence entrera dans le monastere, sera arrivé a la porte, deux Seurs le viendront prendre pour le conduire au lieu ou il doit faire sa charge, ayant auparavant fait sonner une clochette, affin que les Seurs se retirent en leurs chambres ou es lieux de leurs offices pour eviter d'estre rencontrees; ce qui se fera de mesme a la sortie, sans que les Seurs deputees a la conduite devisent avec ces personnes-la, sinon pour respondre..

  A025000526 

 Le confesseur oyant la confession, conferant l'Extreme Unction, ou assistant les mourantes, demeurera en sorte qu'il soit veu des Seurs qui l'auront amené, et la porte de la chambre ouverte..

  A025000527 

 Si on est contraint pour occasion pressante et utilité de les appeller de nuit, quatre Seurs, avec plusieurs lumieres, les accompagneront a l'entree, a la sortie et pendant le sejour dans la Mayson, qu'on procurera estre le plus court que faire se pourra.

  A025000529 

 En suite dequoy, toutes les Seurs obeiront soigneusement, fidelement, promptement, simplement, franchement et cordialement a la Superieure, comme a leur Mere, dit la Regle, c'est a sçavoir, avec une affection toute filiale..

  A025000529 

 L'obeissant, dit l'Escriture, racontera les victoires.

  A025000531 

 On excepte neanmoins les lettres du Pere spirituel, lesquelles estant receues par la Superieure seront remises a celles a qui elles seront addressees, sans estre ouvertes; comme de mesme celles que les Seurs escriront au Pere spirituel ne seront point veues par la Superieure, ains elles les remettront a celle qui en a le soin, pour estre cachetees et les faire rendre audit Pere spirituel.

  A025000531 

 Tous les messages et toutes les lettres qui seront apportés dedans la Mayson ou qui devront estre envoyés dehors seront premierement representés a la Superieure, qui en ordonnera selon qu'elle jugera pour le mieux.

  A025000532 

 Es occasions particulieres ou il sera requis de dispenser de l'ordinaire façon de vivre selon la Regle et de moderer les exercices pour quelques Seurs, ou mesme quelquefois pour toutes (ce qui ne se doit faire que pour des occurrences rares et signalees), la Superieure en aura le pouvoir: comme, par exemple, de dispenser une Seur de venir au chœur pour l'Office, de jeusner es jeusnes des Constitutions, de venir a la table commune, de parler a quelques uns le voyle levé, ou de faire la sainte Communion, et de dispenser mesme toute la Communauté du silence pour quelque juste occasion, de manger trois ou quatre fois l'annee hors des repas ordinaires; laquelle neanmoins devra estre fort attentive a bien observer la discretion, pour n'estre ni trop pliable, ni trop impliable.

  A025000539 

 Et l'on void asses en la Regle le zele que le glorieux Pere a de cette vertu pour les Seurs, en la severité par laquelle il veut estre reprimés les seuls regards desreglés..

  A025000539 

 Puysque la pudicité est l'honneur du sexe feminin, et que le vœu de chasteté a tous-jours esté estimé fondamental es Congregations des filles et femmes, il n'est pas besoin de declarer combien les Seurs y sont obligees; car en somme, elles ne doivent vivre, respirer ni aspirer que pour leur Espoux caeleste, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté d'esprit, de paroles, de maintien et d'actions, par une conversation immaculee et angelique.

  A025000545 

 Et affin que cet article si important soit a jamais exactement observé, et que toutes affections a la jouissance et usage des choses temporelles soyent retranchees, et que les Seurs vivent en une parfaite abnegation des choses dont elles useront, ainsy que la Regle l'ordonne en termes admirables, on distribuera tout ce qui est requis a la vie, soit en viandes, soit en vestemens, soit en meubles, linges et, en somme, en quoy que ce soit, sans choix ni distinction que de la necessité d'une chacune..

  A025000546 

 Et ceci s'observera si exactement, que ni les chambres, ni les litz, ni mesme les medailles, croix, chapeletz, images ne demeureront point tous-jours aux mesmes Seurs; ains seront changees toutes ces choses entre les Seurs au bout de chasqu'annee, lors que l'on tire les billetz des Saintz, comm'on a fait jusques a present..

  A025000547 

 Et la Superieure mesme pourra choysir pour elle, pendant sa superiorité, [60] la chambre la plus aysee au recours que les Seurs font a elle et a la descente aux Offices..

  A025000548 

 Et pour plus parfaitement observer la sainte vertu de pauvreté, les bastimens des monasteres estans achevés, on limitera les revenus que l'on devra avoir selon le lieu ou le monastere se treuvera; affin qu'en cela mesme la mediocrité soit suivie et qu'il n'y ayt nulle superfluité de biens en la Congregation, ains seulement l'honneste suffisance, a laquelle quand on sera parvenu, on ne prendra plus rien pour la reception des filles qui seront receues que ce qui sera requis pour conserver et maintenir bonnement la juste suffisance du monastere..

  A025000549 

 On excepte toutefois l'autel et l'eglise, ou les meubles pourront estre riches et prastieux, selon qu'ilz se pourront saintement avoir, pour l'honneur et gloire de Dieu qui y reside en une façon tres speciale et admirable.

  A025000551 

 Despuis les cinq heures du matin jusques a huit:.

  A025000552 

 Les Seurs se leveront a cinq heures; 2.

  A025000552 

 a cinq heures et demi elles s'assembleront au chœur, et apres l'adoration du Saint Sacrement on relira les pointz de la meditation, on dira le Veni, Sancte Spiritus, puis on entrera en l'orayson mentale jusques a six heures et demi; 3.

  A025000553 

 a la fin delaquelle on fait l'examen durant un Miserere; 6. et s'il reste du tems, les Seurs se retirent a faire ce qui leur convient..

  A025000554 

 puis on prend les obeissances..

  A025000555 

 A mydi, les Seurs se retirent en silence pour faire leurs ouvrages; 2. et apres avoir pris le repos de demi heure, si bon leur semble.

  A025000556 

 apres lesquelles on fait l'assemblee, en laquelle les Seurs, faysant leurs ouvrages, s'entretiennent de leurs lectures jusques a Complies; 3.

  A025000556 

 puis les Seurs sont en liberté de relascher un peu leur esprit par quelque exercice exterieur, observant toutefois le silence..

  A025000556 

 qui sont suivies des Lætanies; 5. et les Lætanies, de demi heure d'orayson mentale; 6.

  A025000557 

 apres laquelle on prend les obeissances.

  A025000557 

 apres quoy, toutes les Seurs se retirent pour estre toutes couchees a dix heures precisement..

  A025000558 

 Mays es festes, outre l'orayson ordinaire, les Seurs non occupees a quelque office pourront, si bon leur semble, faire demi heure d'orayson apres la Messe ou None, [63] et un'autre demi heure entre la recreation du disner et Vespres..

  A025000565 

 A huit heures et demi se diront les Heures, suivies de la Messe et de Nonne..

  A025000575 

 Apres la recreation du disné, toutes se presenteront devant la Superieure qui leur ordonnera ce qui se devra faire jusques au soir, et de mesme, apres la recreation du soir, elle leur departira les choses a faire jusques au disné du jour suivant.

  A025000575 

 Que s'il ny a rien a commander, elle leur commandera la mutuelle dilection des unes envers les autres, avec la sainte paix de Nostre Seigneur..

  A025000576 

 Apres cela, les Seurs qui ont les charges de la Mayson pourront demeurer avec la Superieure pour l'advertir des choses requises, dont on ne doit point parler devant les autres, affin de laisser leur esprit en tranquillité..

  A025000583 

 Et faut noter qu'en tous tems le silence s'observe au choeur, au dortoir et au refectoir, sans que l'on y puisse parler que pour des occasions necessaires; et de plus, que l'on peut tous-jours parler a la Superieure, et les Novices a leur Maistresse, quand il est requis..

  A025000587 

 Es processions esquelles on chante les Hymnes, on chantera par l'inflexion ordinaire; mays en celles esquelles on chante les Litanies, on pourra parfois varier le chant, comm'il est porté par le Directoire..

  A025000587 

 Vespres, ordinairement a droite voix, hormis le Magnificat qui se dit en tous tems en chant, excepté en Caresme; mays es Dimanches et festes commandees, toutes les.

  A025000588 

 Au reste, on ne tirera jamais les Seurs de l'Office ni de l'orayson sans quelque grande et pressante occasion.

  A025000588 

 Que si on les en tire, elles reprendront, tant qu'il se pourra, en quelque autre tems le loysir de faire l'exercice qu'elles auront layssé..

  A025000593 

 Les Seurs s'assembleront: 1.

  A025000596 

 Les Seurs demeureront ensemble es recreations et, faysant leurs ouvrages, s'entretiendront de quelques propos aggreables et saintement joyeux, avec paix, douceur et simplicité; et pourront mesme parler les unes avec les autres en particulier, en telle sorte neanmoins qu'elles ne soyent pas moins de quatre ou cinq qui se puissent entendre les unes les autres, sans toutefois dire des choses messeantes et inciviles, ni raillier ou dire paroles de mespris sur le sujet des nations, provinces ou naissances..

  A025000603 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens de dehors seront receus par la Superieure ou celle qu'elle deputera, sans qu'aucune autre ayt soin de cela.

  A025000604 

 Elles ne se mesleront point des affaires du monde, ne prenant aucune commission de vendre ni d'acheter pour les estrangers et gens de dehors..

  A025000606 

 On ne dira point quelles sont celles d'entre les Seurs qui font les ouvrages, ni aux Seurs a qui sont les ouvrages qu'elles font, ains seront rendus par quelque Seur deputee a cela..

  A025000607 

 Et bien que toutes les Seurs soyent obligees de faire les ouvrages qui leur sont donnés avec grande fidelité et diligence, si est-ce que, pour eviter toutes sortes d'empressemens et laisser aux Seurs la liberté de s'appliquer a l'orayson interieure, et ne point suffoquer l'esprit de devotion par une trop grande contrainte de s'employer aux ouvrages, la Superieure ne prefigera point aucun terme aux Seurs dans lequel leurs ouvrages soyent achevés, ains laissera cela a leur diligence et souplesse spirituelle, de-laquelle pourtant, en cas qu'elle les vist negligentes et paresseuses, elle les advertira ou fera advertir.

  A025000612 

 Quand il est requis que les Seurs parlent a ceux de dehors la Mayson, on observera que celle qui doit parler soit assistee d'une autre qui puisse ouïr ce qui se dira, sinon que, pour quelque respect, la Superieure treuve bon que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera; laquelle, en ce cas, se retirera a part, faysant quelque ouvrage ou, si c'est jour de feste, lisant quelque livre ou faysant quelque orayson; et ce pendant prendre garde aux parolles (si elle doit ouÿr) et aux contenances de la Seur, affin d'en rendre conte a la Superieure..

  A025000613 

 Au reste, les Seurs prendront garde de n'ouyr ni dire des paroles inutiles, coupant court en toute sorte de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le bien spirituel..

  A025000614 

 Elles tiendront le voyle baissé devant les hommes, sinon que la Superieure les en dispense..

  A025000615 

 On donnera plus aysement dispense aux Novices de parler a leurs peres et meres, freres et seurs, oncles et tantes, et mesme a visage descouvert; comme au contraire on les exemptera, tant qu'il se pourra bonnement faire, de parler a tous autres..

  A025000616 

 Les Seurs ne toucheront point la grille en parlant, ains s'en tiendront un peu esloignees, si elles n'ont permission de faire autrement..

  A025000624 

 On commencera la lecture par un chapitre des Constitutions, hormis le vendredi, qu'on lira les Regles tout au long du disner..

  A025000625 

 La Superieure dira le Benedicite et les Graces des clercz a droite voix, et ce dans le refectoir et pour la premiere table; mays quant a la seconde, on ne dira que le petit Benedicite et les petites Graces, d'autant que la benediction de la premiere table s'estend encor a la seconde, en laquelle aussi il suffira de lire un quart d'heure..

  A025000626 

 Outre les jeusnes commandés par la sainte Eglise, les Seurs jeusneront les veilles de la Trinité, Pentecoste, [71] Ascension, Feste Dieu, des festes de Nostre Dame, de saint Augustin, et tous les vendredis des la feste de saint Michel jusques a Pasques, sinon qu'en iceux escheut quelque feste de commandement; car en ce cas, le jeusne se remettra au samedi, auquel si encor il y avoit feste, le jeusne sera laissé..

  A025000632 

 Les robbes seront faites a sac, asses amples neanmoins pour faire des plis estant ceintes; les manches, longues jusques a l'extremité des doigtz, et asses larges pour pouvoir tenir dans icelles les mains et les bras cachés et repliés l'un sur l'autre..

  A025000634 

 Les litz seront de mattelatz (le chevet, [72] toutefois, pourra estre de plume) et entourés de futayne blanc; et l'esté elles pourront, si elles veulent, le retrousser pour prendre l'air..

  A025000634 

 Tant que faire se pourra, les Seurs auront chacune sa petite chambre, et du moins elles coucheront seules, une chacune en son ht.

  A025000637 

 Elles diront l'Office au chœur selon qu'il est marqué au Directoire, prononçant nettement et distinctement les paroles, observant les pauses, mediations, accens, moderant et ajustant leurs voix les unes aux autres, et composans leur maintien le plus devotement qu'elles pourront..

  A025000638 

 Elles seront promptes au premier son de la cloche pour aller au choeur, ou elles s'achemineront avec gravité et reverence; et y estant, apres avoir fait la genuflexion et adoration devant le Saint Sacrement, elles prendront leurs places paysiblement et sans faire bruit; et n'y parleront jamais les unes avec les autres, sinon pour des choses urgentes, et lhors elles parleront fort bas et en peu de motz.

  A025000639 

 Si quelqu'une fait quelque faute qui se puisse reparer, celles qui s'en appercevront la repareront doucement et, s'il se peut, insensiblement: comme, par exemple, si celles qui commencent les Psalmes avoyent pris l'un pour l'autre, les autres qui s'en apperçoivent, sans faire semblant de cela, reprendront le Psalme laissé, le poursuivant sans empressement.

  A025000640 

 Or, parce que les espritz humains prennent bien souvent des secrettes complaysances en leurs propres inventions, mesme quand c'est sous pretexte de devotion ou accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive quelquefois que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel pretexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres ordinaires que de celles qui sont marquees en ces Constitutions et Directoire; car ainsy elle aura tant plus de moyen et de sujet de dire et chanter l'Office avec la gravité et le respect qu'elle y observe maintenant..

  A025000645 

 En toutes les occurrences esquelles il sera necessaire ou expedient de faire election d'un Confesseur ordinaire, le Pere spirituel avec la Superieure et les Seurs Conseilleres confereront soigneusement ensemble des qualités et conditions des ecclesiastiques qu'on pensera pouvoir prendre cette charge tant importante; puis, toutes choses bien considerees, le Pere spirituel et la Superieure choysiront celuy qu'en bonne conscience ilz jugeront plus propre a cela..

  A025000646 

 Or faut il qu'il soit homme de doctrine, de prudence et de vie irreprehensible, discret, honneste, stable et devot, et tel que l'Evesque, le Pere spirituel et la Superieure se puissent reposer en son soin et en son zele en ce qui est requis pour le bon estat de la conscience des Seurs; car encor que l'on employe a cela mesme plusieurs autres bons moyens, comme sont les confessions extraordinaires et les communications avec des personnes spirituelles, et specialement [74] avec la Superieure, ainsy qu'il est dit en divers endroitz des Constitutions et notamment au chapitre suivant, si est ce que le Confesseur ordinaire a plus de pouvoir pour maintenir les consciences des Seurs en pureté et sincerité que nul autre, estant comme l'ange visible deputé a la conservation des ames du Monastere et pour leur avancement au salut eternel..

  A025000647 

 Et de mesme, s'il arrivoit qu'il fallust en demettre un pour quelque occasion, la Superieure et les Seurs Coadjutrices en confereront avec le Pere spirituel; et la conference estant faite, le Pere spirituel et la Superieure se resoudront.

  A025000648 

 Comme aussi pour les choses temporelles ou la presence du Pere spirituel seroit requise, le Confesseur ordinaire pourroit tenir sa place, quand il luy semblera a propos et a la Superieure.

  A025000648 

 Il prendra encor de l'Evesque l'authorité pour donner les dispenses de travailler ou faire travailler es jours de festes, quand il jugera qu'il soit requis, et de dispenser pour l'usage des viandes prohibees en Caresme, jours de jeusne, vendredis et samedis, quand la Superieure jugera qu'il en soit besoin par l'advis des medecins.

  A025000648 

 Le Confesseur ordinaire devant estre si bien qualifié, le Pere spirituel luy laissera toute la charge des affaires spirituelles ordinaires du Monastere, ouy mesme d'octroyer les congés par escrit, pour faire entrer, selon les Constitutions, les charpentiers, maçons, laboureurs, medecins, cyrurgiens et autres personnes dont les entrees sont fort souvent requises, affin que les Peres spirituelz soyent tant moins importunés et incommodés et qu'on n'ayt recours a eux que pour les choses de grande consideration.

  A025000649 

 Quand les Seurs et la Superieure mesme luy parleront, elles l'appelleront ou «Monsieur», ou «mon Pere», et luy porteront une grande et sainte reverence, comme a celuy duquel Dieu se sert pour leur distribuer ses graces et misericordes es tres saintz Sacremens..

  A025000650 

 Et finalement, comme les Seurs le doivent grandement respecter, ainsy quil a esté dit, de mesme doit il aussi traitter avec reverence envers elles, les considerant comme espouses sacrees du Filz de Dieu..

  A025000650 

 Il prendra un soin particulier a ce que, ni par l'imposition des penitences extraordinaires, ni par les conseilz et advis qu'il donnera en confession, rien ne se face qui puisse troubler l'ordre et le train du Monastere, autant que faire se pourra, et mesme affin qu'on ne s'apperçoive de l'estat des consciences des Seurs qui se sont confessees.

  A025000653 

 Or, ledit Confesseur prendra garde, tout de mesme que l'ordinaire, de ne point imposer de penitences ni donner aucun advis qui puisse contrarier a l'ordre ou a l'esprit de cet Institut: comme seroit s'il leur imposoit ou qu'il leur conseillast de demeurer en priere pendant les assemblees, de se lever avant l'heure, ou de veiller et de demeurer en quelque exercice apres l'heure ordinaire de [76] la retraitte, ou de ne point se recreer au tems des recreations, ou de jeusner plus souvent que les autres, ou de caresmer es tems esquelz la Congregation ne caresme pas..

  A025000653 

 Quatre fois l'annee, environ de trois moys en trois moys, la Superieure demandera a l'Evesque ou au Pere spirituel un Confesseur extraordinaire, homme bien conditionné, auquel toutes les Seurs et elle aussi se confesseront.

  A025000655 

 En cas que quelque personnage de qualité passast, de la conference duquel la Superieure conneust que les Seurs pourroyent tirer de l'edification, elle pourra, si bon luy semble, le faire inviter a cela et permettre aux Seurs de luy parler, ou en confession ou autrement..

  A025000660 

 Le sacré Concile de Trente a declairé qu'il desireroit qu'il y eust tous-jours des communians a chasque Messe; en suite dequoy et pour seconder entant qu'il se peut cette sainte inclination de l'Eglise, on distribuera en sorte le benefice de la Communion entre les Seurs que, tour a tour, il s'en communie trois tous les jours.

  A025000661 

 Outre cela, toutes communieront les Dimanches et festes de commandement et le jour du jeudi, sinon quand il y aura quelque feste le mercredi ou le vendredi.

  A025000662 

 Et quant aux malades qui ne pourront bonnement venir au chœur, on leur portera la tressainte Communion tous les huit jours, si la qualité de leur mal le leur permet..

  A025000667 

 C'est pourquoy les Seurs auront un'attention particuliere a la prattique de cette vertu, faysans toutes choses en esprit de profonde, sincere et franche humilité..

  A025000668 

 Elles se porteront donq un grand honneur cordial les unes aux autres, non tant en gestes, contenances et paroles, comm'en verité et effect..

  A025000669 

 Et quant au reste des Seurs, quelz offices qu'elles ayent, elles ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs charges; ains elles les changeront au bout de l'annee selon le nombre qui leur escherra es billetz des Saintz, horsmis celle qui sera deposee de la superiorité, laquelle pour un'annee.

  A025000669 

 La Superieure tiendra par tout le premier rang et l'Assistente le second, comme vicaire de la Superieure; mais elles ne laisseront pas pour cela de s'exercer aux offices de l'humilité, comme de ballier, laver les escuelles, nettoyer les malades une chacune a son tour.

  A025000670 

 Le tiltre de Dame et Madame ni celuy de Vostre Reverence, ne seront point donnés a aucune des Seurs ni a la Superieure, ains seulement celuy de ma Mere pour la Superieure, pendant sa superiorité, et de ma Seur pour les autres; comm'aussi elles useront des tiltres de Vostre Charité, Vostre Dilection les unes envers les autres..

  A025000671 

 Les jeunes honnoreront les vielles d'aage, encor qu'elles fussent nouvellement venues a la Congregation; et toutes, avec une noble, genereuse et cordiale humilité, se proviendront mutuellement en honneur et respect, comme l'Apostre ordonne..

  A025000672 

 Elles useront encor de respect envers toutes les personnes mesme seculieres, et les nommeront tous-jours honnorablement, une chacune selon sa qualité, sans en mespriser aucune, pour pauvre, vile et abjecte qu'elle soit..

  A025000675 

 Que les Seurs en toutes leurs actions observent une grande simplicité, modestie et tranquillité, fuyant le faste et appareil des contenances mondaines et affectees.

  A025000675 

 Que leur parole soit humble et basse, les yeux doux et sereins et pour l'ordinaire baissés, specialement au chœur, au refectoir, au Chapitre et quand elles paroissent devant les seculiers..

  A025000677 

 Qu'elles soyent humbles, douces, cordiales et franches entre elles, se respectant amiablement et s'entresaluant par l'inclination de la teste lhors qu'elles se rencontreront, sans pourtant s'arrester les unes avec les autres en devis, ne parlant que pour choses necessaires, sinon lhors qu'il leur sera permis..

  A025000678 

 Qu'elles n'usent d'aucunes caresses les unes envers les autres qui puissent tant soit peu causer aucune imagination badine et folastre, ou produire aucun amusement sensuel, si expressement defendu en la Regle.

  A025000685 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans congé et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres..

  A025000686 

 Elles n'entreront point dans les chambres des offices les unes des autres sans congé et n'y prendront rien qu'elles n'en advertissent la Seur qui en a la charge, et par apres auront soin de le rapporter en tems convenable..

  A025000691 

 Tous les moys les Seurs descouvriront leur cœur sommairement et briefvement a la Superieure et, en toute simplicité et fidele confiance, luy en feront voir tous les replis avec la mesme sincerité et candeur qu'un enfant monstreroit [81] a sa mere ses esgratigneures, ses foroncles ou les piqueures que les guespes luy auroyent faites; et par ce moyen rendront compte tant de leur avancement et progres que de leurs pertes et defautz es exercices de l'orayson, des vertus et de la vie spirituelle, manifestant encor leurs tentations et peynes interieures, et non seulement pour se consoler, mays aussi pour se fortifier et humilier.

  A025000692 

 Comme aussi une chascune lira les Constitutions et Directoires particuliers qui regardent son office ou condition, tous les moys, avec pareille devotion que si alhors ilz leur estoyent donnés nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelles.

  A025000692 

 La veille du renouvellement de chasque moys, l'on advertira les Seurs, en donnant l'obedience a mydi, de se praeparer pour faire cette action avec le plus de soin et de devotion que faire se pourra.

  A025000695 

 Quand quelqu'une fera quelque faute legere, les autres ne la reprendront point; mais en cas qu'elle continuast, elles en advertiront la Superieure, affin qu'elle y mette ordre.

  A025000695 

 Que si la faute estoit d'importance et secrette, celle qui l'aura apperceue fera doucement et amiablement la correction fraternelle, selon l'Evangile, jusques a trois foys; apres quoy, si la defaillante persevere en ses fautes, elle sera deferee a la seule Superieure, affin que par tous les moyens possibles elle y remedie; mays si la faute n'est pas secrette, elle en advertira la Superieure d'abord.

  A025000696 

 Affin que l'amendement se face plus grand en la Congregation, la veille de la Circoncision, apres que l'on aura tiré les Saintz, l'Assistente priera la Superieure, au nom de toutes les Seurs, de donner a chascune une ayde; et la Superieure la baillera, leur enjoignant d'avoir soin particulier de s'exciter reciproquement a l'amour de [83] Dieu, a se corriger de leurs defautz en esprit de douceur et de charité, et sans faire, en sorte que ce soit, aucune autre particularité ensemble.

  A025000696 

 Et lhors elles se prieront l'une l'autre de faire soigneusement cet office reciproque, lequel par apres elles prattiqueront fidelement, sans monstrer aucune sorte de degoust ou de desfiance, se gardant neanmoins de mesler en leurs corrections la censure ou murmuration pour les imperfections d'autruy..

  A025000697 

 Et parce que la coustume est que non seulement les Surveillantes, mays aussi les autres Seurs facent les advertissemens au refectoir, apres Graces, des fautes qu'elles auront remarquees, qui est de tres grand prouffit, elle sera gardee et observee inviolablement, comme aussi celle de dire les coulpes et faire les mortifications devant le Benedicite..

  A025000702 

 Le samedi, toutes les Seurs, sans qu'aucune s'en puisse excuser, si ce n'est pour cause extremement grande, tant les Professes que les Novices et les Seurs dit mesnage, s'assembleront au Chapitre; et apres avoir dit le Veni, Sancte Spiritus, la Superieure dira tout ce qu'il luy semblera devoir estre dit pour le bien spirituel de la Congregation.

  A025000703 

 Apres cela, celles qui voudront diront leurs coulpes pour plus grande humilité, et on les corrigera doucement et amiablement, sans toutefois extenuer leurs fautes..

  A025000704 

 Et attendu qu'en toute assemblee faite au nom de Dieu il se treuve au milieu, les Seurs doivent assister en celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence, devotion et attention, s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites plusieurs choses pour leur perfection..

  A025000709 

 Les denrees seront receues par l'Œconome, qui rendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la [85] Portiere et d'une des Surveillantes.

  A025000709 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont une sera gardee par la Superieure, l'autre par la Portiere et la troysiesme par l'Œconome; et sera tenu roolle des sommes qu'on recevra, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et les causes pour quoy..

  A025000710 

 Lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, l'on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees, escrit de la main de l'une de celles qui garderont les clefz, et les causes pour quoy elles ont esté tirees; et sera signé de la main de la Superieure et de l'autre qui garde les clefz, affin que, au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble avec la Superieure facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson, lequel estat sera representé au Superieur en la Visite..

  A025000711 

 Et quant a la despense journaliere, l'Œconome en aura le soin, faysant faire les employtes requises par l'une des Seurs Tourieres..

  A025000716 

 Et a ce Pere spirituel, tant la Superieure que les autres Seurs pourront avoir recours ou il sera besoin d'une speciale providence..

  A025000716 

 La Congregation demeurera sous l'authorité ordinaire de l'Evesque, ainsy que la Regle le porte, auquel elle demandera un Pere spirituel qui, de la part d'iceluy, prendra garde a ce que les Regles soyent bien observees et qu'aucun abus ni changement ne s'introduise; visitera la Mayson une foys l'annee, assisté d'un compaignon meur d'aage, discret et vertueux; se treuvera aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire; signera les causes des sorties extraordinaires des Seurs, s'il en arrive quelque [86] legitime sujet, et celles des entrees des hommes et femmes qui y entrent pour quelque service necessaire, sinon qu'il juge a propos, quant a cet article de l'entree, d'en laisser la charge au Confesseur ordinaire, ainsy qu'il a esté dit ci dessus.

  A025000723 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action en toutes les parties du cors, aussi la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple toute la Congregation, vivifiant par son zele toutes les Seurs qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement qu'il se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en la Mayson.

  A025000723 

 Et pour cela, elle ouvrira sa poitrine maternelle et amiable a toutes les filles esgalement, affin qu'en toute confiance elles ayent recours a elle en leurs doutes, scrupules, difficultés, troubles et tentations..

  A025000724 

 Qu'elle observe de tout son pouvoir les Regles et Constitutions, sans qu'elle prattique aucune singularité, ni prenne ou reçoive aucun advantage en habitz, viandes et autres [87] choses, sinon comme les autres, a mesure que la necessité le requerra..

  A025000726 

 Elle tiendra les yeux attentifs sur ce petit cors de Congregation, affin que toutes les parties d'iceluy respirent la paix, la concorde, l'union et le service tres amiable de Jesus Christ.

  A025000726 

 Et partant, lhors qu'une foys le moys les Seurs luy rendront conte de leurs ames, elle les examinera, s'enquerant discrettement de l'estat present de leur esprit, pour par apres les ayder, exciter, corriger ou soulager..

  A025000727 

 Elle prouvoira avec un soin particulier a la necessité des malades, et les servira fort souvent de ses propres mains es maladies de consequence..

  A025000728 

 Elle eslevera avec un amour paternel les Seurs qui, comme petitz enfans, seront encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent les ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mais «des infirmes; car si quelqu'un te secourt plus qu'il n'est secouru de toy, reconnois que tu es non son pere, mais son pair.» Les justes et parfaitz n'ont point besoin de superieur et conducteur; ilz sont eux mesmes leur loy et leur direction, par la grace de Dieu, et font asses sans qu'on leur commande.

  A025000728 

 La Superieure, donq, doit estre principalement pour les imbecilles et debiles, bien qu'aussi elle ne doive pas abandonner les parfaites, affin qu'elles perseverent sans se relascher..

  A025000729 

 Et partant, qu'elle prenne garde aux necessités des Seurs selon la sincerité de la dilection chrestienne et non selon les inclinations naturelles, et sans avoir esgard a l'extraction ou origine des filles, a la gentillesse de leurs espritz, bonnes mines et autres telles conditions attrayantes [88]; et qu'elle ne familiarise pas en telle sorte avec les unes que cela puisse servir de tentation d'envie aux autres..

  A025000730 

 Elle ne reprendra point les fautes qui se commettront, sur le champ devant les autres, ains en particulier avec charité; sinon que la faute fust telle que, pour l'edification de celles qui l'auront veu faire, elle requiere un prompt ressentiment; lequel, en ce cas la, elle fera en telle sorte que, blasmant le defaut, elle soulage la defaillante, taschant d'estre vrayement redoutee, mays pourtant beaucoup plus aymee, comme dit la sainte Regle..

  A025000731 

 Qu'elle ne concede point aysement a pas une l'usage des Sacremens plus frequent que celuy qui est porté par les Constitutions, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025000732 

 Comme aussi elle tienne main que toutes les Officieres ayent un Directoire particulier de toutes les choses qu'elles doivent observer en leurs charges..

  A025000732 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement, et a faire les offices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lectures et continuelle presence de Dieu.

  A025000733 

 Elle aura soin tres particulier que les filles et femmes ne soyent jamais receues en la Congregation que leur vocation ne soit bien espreuvee, et que aucun respect humain n'entre point en la consideration de leur reception, ains la seule inspiration.

  A025000733 

 Et partant, que l'on les face arrester quelques semaines en la Mayson avant que de leur donner l'habit du novitiat, affin qu'elles soyent considerees a loysir en leurs humeurs, inclinations et deportemens..

  A025000734 

 Qu'elle procure que le Pere spirituel allant dehors, laisse sa charge entre les mains d'un autre bien qualifié.

  A025000735 

 Et quant aux conseilz spirituelz ou communication de conscience, comme la Superieure les doit librement permettre, aussi doit elle faire que ce soit avec des personnes dignes d'estre employees a cet office angelique, et avec le soin ci dessus mentionné..

  A025000735 

 Qu'elle ait un grand soin d'empescher que rien ne soit en la Mayson et ne s'y face qui ne soit conforme a la sainte pudicité et pureté, a la parfaite pauvreté et a l'exacte obeissance; et partant, si quelque Seur avoit un peu trop d'inclination a converser avec les seculiers, quoy qu'ilz fussent de profession ecclesiastique ou religieuse, ou proches parens, qu'elle luy en retranche toutes les commodités.

  A025000736 

 Et en cas de perte de proces, que la Superieure et toute la Congregation s'abstienne de toutes murmurations, jugemens temeraires et paroles piquantes, soit contre le juge soit contre les parties..

  A025000737 

 Qu'au demeurant elle reçoive si humblement et doucement les advis [90] et remonstrances qui luy seront donnés, que les Seurs puissent avoir une juste confiance et liberté de l'advertir ou faire advertir es occurrences, selon qu'il sera dit ci apres..

  A025000738 

 En somme, la Superieure se doit tenir si bien aupres de Dieu, qu'elle soit le miroüer et le patron de toute vertu parmi les Seurs, et qu'elle puisse puiser dans le sein du Sauveur la force et la lumiere dont elle a besoin..

  A025000741 

 La Superieure estant esleuë, avant toutes autres choses doit choysir quatre Seurs qu'elle jugera plus propres pour luy donner conseil es occurrences, avec lesquelles elle conferera pour l'ordinaire de quinze en quinze jours des affaires tant spirituelles que temporelles de la Mayson, sans toutefois leur communiquer aucunement l'estat des ames qu'elle aura appris par la reddition des comptes qu'en font les Seurs tous les moys..

  A025000742 

 Outre cela, comme la Superieure doit avec une modeste et prudente liberté ordonner, commander et disposer selon la Regle et les Constitutions et selon qu'elle jugera estre expedient es occurrences communes et ordinaires, aussi es difficiles et importantes elle doit prendre l'advis des dites Seurs; et si la chose le merite, elle en doit encor conferer avec le Pere spirituel, ou mesme avec l'Evesque..

  A025000744 

 Mays il y a des occurrences esquelles, selon les canons et coustumes generales des Monasteres des filles et femmes, il faut ouyr et suivre la pluralité des voix de tout le Chapitre des Seurs: comme s'il faut, pour quelque rayson, aliener, eschanger ou alberger les biens du Monastere, recevoir une fille au Novitiat ou a la Profession, eslire la Superieure, rejetter une Seur, demander un Pere spirituel, et s'il se treuve d'autres occasions esquelles le Pere spirituel et la Superieure treuvent estre expedient que les choses passent en Chapitre..

  A025000748 

 Les quatre Seurs choisies pour conseiller la Superieure demanderont souvent l'assistance du Saint Esprit pour bien exercer leur charge, tascheront de ne jamais se laisser preoccuper de leurs humeurs, inclinations ou aversions, en [92] ce qui regarde les deliberations qu'on doit prendre; ains, avec une intention pure et simple, donneront saintement leur advis, sans estriver ni disputer ensemble, et sans mespriser et avilir l'advis les unes des autres, quel qu'il soit.

  A025000750 

 Au demeurant, elles doivent estre les plus humbles, sousmises et obeissantes de toutes a la Superieure..

  A025000755 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et le lieu d'icelle (horsmis au chœur, ou elle se tiendra en sa place, qui sera tous-jours la premiere et la plus honnorable apres celle de la Superieure), et par consequent elle sera soigneuse de se treuver par tout ou les Seurs seront assemblees, pour les tenir en respect et faire observer la Regle..

  A025000756 

 Elle aura le soin particulier de la direction des Offices du chœur, duquel elle departira les charges es samedis et veilles des festes esquelles on change l'Office, et ce, apres la recreation du disné; prenant garde que les pauses, [93] mediations, prononciations, ceremonies, gravité et reverence soyent devotement observees.

  A025000756 

 Que si quelque Seur y commet des manquemens, elle en advertira au Chapitre affin qu'il y soit remedié; mays si ce sont des manquemens reparables, comme de prendre un Psalme pour un autre, ou un ton trop haut ou trop bas, ou semblables accidens, elle les reparera sur le champ, le plus insensiblement que faire se pourra..

  A025000757 

 Elle donnera ordre aux lectures, et pour cela aura les livres en charge, qu'elle tiendra en bon ordre, et les distribuera selon que la Superieure luy dira, quant aux Professes; mays quant aux Novices, selon que la Directrice ordonnera..

  A025000758 

 Elle deputera toutes les semaines les lectures, tant pour la premiere que seconde table, et corrigera les defautz de celles qui liront, si elles lisent trop precipitamment, ou qu'elles ne prononcent pas bien, ou qu'elles facent quelque autre manquement; mays elle fera elle mesme la lecture qui se fait le soir pour la meditation du lendemain, ou bien la fera faire par quelque Seur qui lise bien et clairement..

  A025000759 

 Elle aura un particulier soin du zele de la Regle et advertira la Superieure du manquement qui y surviendra; et aura memoyre que, comme lieutenante de la Superieure, elle doit en tout et par tout conspirer avec elle pour le [94] bon estat de la Mayson et avancement des Seurs en la perfection, suyvant au plus pres qu'il luy sera possible non seulement les ordonnances, mais encor les intentions de la Superieure..

  A025000761 

 Elle prendra garde si toutes les Seurs vont aux exercices spirituelz, et si elles observent le bon ordre requis allant a la Confession et Communion..

  A025000762 

 Elle visitera au soir les portes qui ont leurs issues hors de la Mayson, pour voir si elles sont bien fermees; et visitera aussi les Seurs un quart d'heure apres qu'elles seront retirees, pour voir si elles sont couchees et si elles ont esteint leurs lampes; et s'en treuvant qui y ayent manqué, elle en advertira la Superieure..

  A025000768 

 Or, ce qu'elle taschera le plus de leur faire concevoir et bien entendre, c'est principalement l'intention qu'elles doivent avoir eue en l'eslection qu'elles ont faite d'abandonner [95] le monde pour se retirer au monastere: qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu, mortifiant leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, pour rappeller toutes leurs forces au service de l'Espoux celeste, par une chasteté toute pure, une pauvreté despouillee de toutes choses et par une obeissance establie en une parfaite abnegation de sa propre volonté; et que, en somme, cette Congregation est fondee spirituellement sur le mont de Calvaire, pour le service de Jesus Christ crucifié, a l'imitation duquel toutes les Seurs doivent crucifier leurs sens, leurs imaginations, passions, inclinations, aversions et humeurs pour l'amour du Pere celeste..

  A025000769 

 Elle exercera les Novices en humilité, obeissance, douceur et modestie, leur aggrandissant le courage et arrachant, tant que faire se pourra, les niayseries, tendretés et fades humeurs qui ont accoustumé d'alangourir et affoiblir les espritz, principalement du sexe feminin, affin que, comme des filles fortes, elles facent des œuvres d'une perfection solide et puyssante.

  A025000769 

 En suite dequoy, elle les instruira a bien faire l'orayson et meditation et autres exercices spirituelz; comme aussi a se bien confesser, briefvement, distinctement et cordialement, et a bien employer les Confessions et Communions; a bien lire, prononcer, reciter et chanter l'Office, avec toutes les contenances et bons maintiens qu'on doit observer au chœur et en toutes autres occurrences.

  A025000769 

 Et ne fera pas moins, en tout ce qui a esté dit, pour les Seurs Domestiques et Associees que pour les autres, en ce que leur capacité pourra porter..

  A025000770 

 Elle fera que les Novices prennent l'esprit d'un amour [96] tres affectionné au salut de tout le monde, affin qu'elles prient Dieu pour tous, mays specialement pour la tressainte Eglise catholique et pour tous les Prelatz et officiers d'icelle; faysant souvent leurs oraysons et Communions pour l'exaltation de la foy catholique, pour la conversion des infideles et pecheurs, comme aussi pour tous les Princes chrestiens, et nommement pour celuy du païs ou la Congregation se treuve..

  A025000771 

 Elle leur annoncera souvent la sincere dilection envers tous les Ordres des Religions qui sont en l'Eglise de Dieu, affin que non seulement elles prient pour iceux, ains aussi qu'elles apprennent a les estimer et respecter cordialement.

  A025000771 

 Sur tout elle taschera d'imprimer dans le cœur de ses Novices que toutes les Seurs de la Congregation ne doivent avoir qu' un seul cœur et qu' une seule ame, avec memoyre continuelle que Nostre Seigneur, par son inspiration et vocation, et Nostre Dame, par une secrette Visitation de laquelle elle a visité leur cœur, les a jointes et unies ensemble, affin que jamais elles ne fussent separees d'amour et de dilection, ains qu'elles demeurassent en unité d'esprit par le lien de charité, qui est le lien de perfection..

  A025000772 

 La Directrice, donq, doit avoir un esprit humblement genereux, noble et universel, pour conduire les filles a une devotion non feminine, tendre et molle, mays puyssante, courageuse, relevee et universelle, maniant neanmoins differemment les cœurs des Novices selon la diversité de leur portee et condition de leur esprit, affin de les former toutes selon le bon playsir de Celuy au service duquel elles sont dediees.

  A025000773 

 Les Novices s'addresseront en toutes leurs necessités a la Directrice, laquelle, si ce sont des necessités d'importance et de consequence, en advertira la Superieure; mays pour les menues et ordinaires necessités auxquelles la Directrice peut pourvoir aysement, elle le fera sans en donner la peyne a la Superieure..

  A025000774 

 Elle prendra garde a ne point s'amuser aux apparences exterieures des Novices, qui souvent dependent de la bonne mine et de la composition et du maintien du cors, ou de l'habileté de l'esprit et de la proprieté du langage; mais penetrera tant qu'il luy sera possible le fond du cœur et de l'ame des filles, affin qu'elle sache discerner leurs defautz et de quelle main il les faut conduire..

  A025000775 

 On la deschargera tant qu'il sera possible de toutes les autres affaires de la Mayson, affin qu'elle puisse tant mieux vacquer a celle ci qui est si importante..

  A025000776 

 Elle pourra quelquefois, selon qu'elle le jugera convenable, faire essay de la bonté et douceur des Novices, leur commettant d'instruire les autres a lire, coudre, dire l'Office, selon leurs talens..

  A025000777 

 Les mercredis, apres Prime, elle fera l'assemblee au novitiat en forme d'un petit Chapitre, ou les Novices diront leurs coulpes, desquelles elle les corrigera, les instruisant et mortifiant selon les sujetz; et consecutivement, elle leur dira quelque chose en general pour leur avancement et prouffit spirituel, selon qu'elle jugera estre a propos, ou bien elle leur fera seulement faire le choix des vertus et detestation des vices..

  A025000778 

 Or, bien qu'elle puisse diversifier les exercices spirituelz selon les occurrences, elle ne pourra neanmoins en admettre [98] de nouveaux et extraordinaires sans l'advis du Pere spirituel et de la Superieure; et qu'elle prenne garde a ce que les Novices ne soyent pas chargees d'exercices, soit spirituelz, soit temporelz..

  A025000783 

 La Superieure choysira deux de ses Coadjutrices, ou telles autres des Seurs que bon luy semblera, qui, avec elle, prendront garde aux fautes et manquemens particuliers qui se commettent, pour les luy faire sçavoir et conferer avec elle des remedes convenables; voyre mesme, quand la Superieure l'ordonnera, elles pourront proposer les fautes et manquemens en plein Chapitre, avec modestie et simplicité.

  A025000793 

 A cet effect, elle annoncera en plein Chapitre celle qu'elle aura choysie pour son Ayde et correctrice, exhortant pour l'amour de Nostre Seigneur toutes les Seurs, et sur tout celle qu'elle aura choysie, de luy faire sincerement et fidelement, avec toute confiance, cet office de charité..

  A025000793 

 La Superieure choysira a son gré une des Seurs qui aura charge de l'admonester des fautes qu'elle commettra, et a laquelle toutes les Seurs s'addresseront pour faire faire la correction par icelle a la Superieure, affin que la Superieure, qui doit ayder et corriger toutes les autres, ne demeure pas elle seule privee du bien d'estre aydee et corrigee.

  A025000794 

 Or, cette Seur doit tellement exercer sa charge, que pour cela elle ne rabbatte rien de l'honneur, respect et obeissance qu'elle doit a la Superieure, ains taschera de servir en cela mesme d'exemple a toutes les Seurs..

  A025000797 

 Elle aura le sceau pour cachetter toutes les lettres des Seurs apres que la Superieure les aura veuës, sans qu'il luy soit loysible a elle de les voir, sinon que la Superieure luy en donne la charge..

  A025000802 

 Une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle, avec une fidelité et allegresse toute particuliere, entreprendra cette charge a l'imitation des saintes dames qui suivoyent Nostre Seigneur et les Apostres, pour leur administrer les choses requises a leur vie corporelle, embrassant la diligence et ferveur de sainte Marthe, mays fuyant son trouble et son empressement..

  A025000803 

 Elle communiquera donq de tems en tems, et selon que les occurrences le requerront, de toutes les necessités de la Mayson avec la Superieure, pour prendre l'ordre et l'instruction d'icelle..

  A025000804 

 Elle fera toutes les provisions de la Mayson en leur tems et sayson, les faysant retirer proprement et en lieu convenable, et les visitant comme il convient, affin que rien ne s'y gaste..

  A025000805 

 Elle pourvoyra que les Officieres ayent tout ce qui leur est necessaire pour leur charge.

  A025000806 

 Elle prendra deux foys l'annee avec soy les Surveillantes pour visiter soigneusement tous les offices et tout le reste de la Mayson, pour, par apres, faire le rapport a la Superieure si tout est en bon ordre et estat; et outre cela, elle mesme fera cette visite selon qu'elle jugera estre expedient..

  A025000809 

 Qu'elle prenne garde au moys de febvrier et au moys d'aoust que rien ne manque pour les vestemens de l'hiver et de l'esté..

  A025000810 

 Elle tiendra les inventaires de tous les meubles de chasque office, et procurera que chasque officiere en ayt un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle reverra chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025000811 

 Elle distribuera les besoignes, comme de filer et coudre, aux Seurs selon les occurrences; et toutes les besoignes faites luy seront remises, affin qu'elle les mette sur son conte..

  A025000812 

 Elle fera un roolle de tout ce que les Novices apporteront a la Mayson, qu'elle leur fera signer si elles le sçavent faire; sinon, la Superieure le signera..

  A025000813 

 Elle fera voir son conte a la Superieure tous les moys, tant de ce qu'elle aura receu que de ce qu'elle aura despendu..

  A025000814 

 Elle se rendra prompte et charitable a toutes les necessités des Seurs, selon l'ordonnance de la Superieure, et prendra garde que les Seurs de l'office de la cuysine et les Seurs Tourieres facent bien et a propos ce qui est de leur charge, et avec la douceur et support requis.

  A025000815 

 Elle tirera tous les jours conte de la Seur Touriere qui fait les provisions..

  A025000816 

 Elle aura soin particulier que les Seurs Tourieres ne soyent point trop chargees de besoigne, ni aussi qu'elles ne perdent point le tems, et aura le mesme regard sur les Seurs Domestiques; et fera que les Seurs Tourieres prennent le tems, es jours de festes, d'ouyr lire ou s'entretenir des choses spirituelles et saintes, pour s'exciter a la devotion selon leur capacité..

  A025000819 

 La Portiere doit estre grandement discrette pour faire sagement les responces et messages qui viennent en la Mayson et en sortent, pour faire doucement attendre les personnes auxquelles on ne peut pas donner satisfaction sur le champ..

  A025000822 

 Elle rendra toutes les lettres qui arriveront a la Superieure, et n'en fera point sortir sans son ordre..

  A025000822 

 Les Seurs estant aux Offices, en l'orayson et a table, elle s'excusera de les appeller, si ce n'est pour chose qui presse et de grande importance.

  A025000823 

 Si quelqu'un donne quelque chose a la Congregation, [103] elle en fera le recit sur le soir, apres la recreation, affin que l'on prie pour les bienfacteurs..

  A025000825 

 Elle ne laissera point les clefz a la porte, et les rendra tous les soirs a la Superieure, comme aussi celles du parloir et tournoir..

  A025000826 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025000827 

 Elle n'usera d'aucune authorité sur sa compaigne, ains s'en servira simplement pour estre tesmoin de ses actions et pour estre assistee a fermer a bonne heure les portes..

  A025000832 

 La Sacristaine aura charge et tiendra un roolle de tout ce qui appartient a l'eglise et chappelle de la Congregation, et tiendra tous les ornemens, paremens et meubles qui appartiennent au service de l'autel et de l'eglise proprement, nettement et en bon ordre; parera la chappelle, et preparera les habitz sacerdotaux avec grande diligence, selon la varieté des testes et des tems, se souvenant que Nostre Seigneur a tous-jours aymé la netteté et mondicité, et que Joseph et Nicodeme sont loués d'avoir proprement et nettement enseveli son cors, avec parfums et unguens pretieux..

  A025000835 

 Elle sonnera tous les Offices, les Messes et les Ave Maria a propos..

  A025000837 

 Elle ne s'arrestera point a parler avec le Pere confesseur et chapelain ordinaire non plus qu'avec le clerc, ni moins avec les estrangers, sinon pour les choses necessaires..

  A025000838 

 Elle ira le matin, avant que sonner l'orayson, par toutes les cellules des Seurs pour voir si quelqu'une, par incommodité, ne peut pas venir a l'Office; et si elle en treuve, elle en advertira la Superieure..

  A025000839 

 On ne fera point de poupees en toute la Mayson et moins en mettra-on sur l'autel, ni pour representer Nostre Seigneur, ni Nostre Dame, ni les Anges, ni choses quelcomques; ains on aura des images bien faites et appreuvees par le Pere spirituel, notamment celles qu'on met sur l'autel..

  A025000840 

 Et parce que les particularités du soin que doit avoir la Sacristaine pour la proprieté et bienseance de toutes les [105] choses sacrees qu'elle a en sa charge sont en trop grand nombre, on luy en doit faire un Directoire a part; et qu'elle l'ayt tous-jours devant les yeux, en le lisant tous les moys, affin de ne point manquer a tout ce qui sera par escrit, la Congregation ayant interest nompareil que cette charge soit passionnement bien exercee..

  A025000845 

 Ainsy, donq, elle les doit regarder comme la vive image de Jesus Christ crucifié; et si les anciens chrestiens, comme saint Chrisostome asseure, alloyent bien loin en Arabie voir et reverer le fumier sur lequel saint Job souffrit tant de travaux, avec quelle reverence devons nous approcher le lit sur lequel nos freres et nos seurs sont couchés pour endurer leurs maladies au nom de Dieu!.

  A025000845 

 Celle ci ne doit respirer que charité, tant pour bien servir les Seurs malades, que pour supporter les fantasies, chagrins et mauvaises humeurs que le mal cause quelquefois aux pauvres infirmes, les divertissant neanmoins de leurs impressions le plus dextrement et le plus suavement qu'elle pourra, sans jamais tesmoigner d'estre degoustee ni ennuyee de les servir.

  A025000846 

 Elle se chargera de tout ce qui appartient a l'infirmerie et au service des malades, dont elle tiendra un memoyre; et aura un extreme soin que les chambres soyent nettes, propres et bien ornees d'images, feuillages et bouquetz, selon que la sayson le permettra, et que rien ne demeure autour des malades qui puisse rendre des puanteurs, ains au contraire, si le medecin le permet, elle y tiendra tous-jours des bonnes senteurs et odeurs..

  A025000854 

 Celle ci aura la charge de tous les habitz et chausseures des Seurs, comme aussi des lictz et de toutes leurs appartenances; dequoy elle tiendra un roolle, et les conservera diligemment, prenant garde que tout cela soit en bon ordre et raccommodé selon le besoin, si que rien ne s'y gaste par negligence et que rien n'y soit contraire a la pauvreté et simplicité..

  A025000855 

 Elle fera la distribution selon l'ordonnance de la Superieure, sans permettre que les Seurs facent aucun choix, ains regardera simplement a la necessité de chacune..

  A025000856 

 Elle tiendra un roolle particulier des habitz seculiers des Novices, et les conservera soigneusement pour en rendre conte au jour de leur Profession..

  A025000859 

 Celle ci doit avoir le mesme soin des linges que la Robiere des habitz, pour les bien conserver, raccoutrer et distribuer selon la necessité des Seurs; puis les retirer, faire blanchir, plier et secher.

  A025000860 

 Elle en fera un roolle et en tiendra conte au bout de chasque annee; et les serrera en bon ordre, mettant a part ceux qui sont propres pour les Seurs de grande taille d'avec ceux qui sont pour les petites, affin de les treuver plus aysement et les distribuer sans choix..

  A025000861 

 Quand les Seurs auront des necessités extraordinaires, elle leur en donnera charitablement; et au reste, luy sera fait un petit Directoire pour toutes les particularités qui regardent sa charge..

  A025000864 

 Celle ci doit tenir proprement tout ce qui regarde les meubles du refectoir et prseparer toutes les choses a propos..

  A025000868 

 Elle fera les portions, et prendra garde que tout se face fort honnestement en la cuysine..

  A025000871 

 Ainsy doivent les Seurs, tant qu'il leur sera possible, tenir leurs cœurs recueillis en [108] la divine Bonté, laquelle, si elles sont fideles, declairera un jour devant tout le monde que ce qu'elles ont fait pour ses servantes a esté fait pour elle..

  A025000871 

 Les Seins employees a la cuysine et autres services du mesnage le feront avec allegresse et consolation, se resouvenant que sainte Marthe le fit, se representant les petites mays douces meditations que faysoit sainte Catherine de Sienne, laquelle, parmi des semblables exercices, ne laissoit pas d'estre ravie en Dieu.

  A025000872 

 Elles feront neanmoins les exercices spirituelz selon qu'il y aura plus ou moins a faire et que la Superieure leur ordonnera; laquelle aura un soin particulier de ne laisser les Seurs sans la nourriture convenable a leur esprit, puisqu'elles servent a la nourriture corporelle de toute la Congregation..

  A025000874 

 Elles tiendront conte de tous les meubles servant a leur office, tant linges qu'autres, et rendront conte une foys l'annee a l'Œconome..

  A025000881 

 Apres quoy on les recevra avec les mesmes conditions et considerations que les autres Seurs..

  A025000881 

 On les espreuvera donq six semaines durant, pendant lequel tems on leur proposera les articles du service et de l'obeissance qu'elles auront a rendre, la sousmission de leur propre volonté en toutes choses, avec le reste de l'observance de la Regle.

  A025000882 

 Elles ne changeront point d'habit en leur reception ni en leur establissement, ains demeureront vestues comme les honnestes filles de leur qualité originaire, a la façon du heu ou est la Congregation, sans aucune différence, sinon qu'elles seront vestues simplement et modestement de noir, sans ouvrages ni mignardise quelcomque, avec une croix d'argent pendue en leur col comme les autres..

  A025000884 

 Bref, autant que les occupations auxquelles elles sont destinees le permettront, on les rendra conformes en mœurs, en exercices et en affection aux Seurs de la Congregation..

  A025000884 

 Elles observeront les jeusnes comme les autres et communieront tous les Dimanches et bonnes festes; diront tous les jours le Chapelet, feront l'examen qui se fait apres Matines; les Dimanches et festes, ne se treuvans pas occupees, elles assisteront a Vespres.

  A025000885 

 En tout, la [110] Superieure leur commandera avec amour, et les Seurs les nommeront seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu'un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025000885 

 Personne ne leur commandera que la Superieure et l'Œconome, lesquelles leur donneront une Seur pour les instruire et consoler aux choses spirituelles.

  A025000886 

 Quand donq elles seront malades, la Superieure les fera retirer dans l'infirmerie, et l'Infirmiere les traittera ne plus ne moins que les autres en toutes sortes de services et en toutes occasions, de quelque necessité corporelle et spirituelle qu'elles puissent avoir.

  A025000887 

 Quand elles iront faire les provisions, elles se conduiront avec tant de modestie et de retenue qu'elles edifient un chacun; et se comporteront tout ne plus ne moins que si elles estoyent dans la Mayson, a la veuë de la Superieure..

  A025000888 

 Elles ne doivent entrer en aucune mayson ni manger dehors sans l'avoir demandé a la Superieure, sinon qu'il y eust quelque necessité qu'elles n'eussent pas peu prevoir avant que sortir; ni ne parleront ni s'amuseront par les rues, sinon pour les affaires qu'elles y auront..

  A025000891 

 On ne recevra aucune fille pour entrer en la Congregation qui n'ayt quinze ans accomplis et ne sache lire, si elle est presentee pour estre du chœur, et qui ne tesmoigne un grand desir de la perfection chrestienne; et quant aux moyens requis pour l'entretenement, on y advisera de tems en tems, selon les commodités de la Mayson..

  A025000892 

 Et quand la Superieure jugera qu'il en soit tems, elle fera faire la demande de l'entree par la pretendante en plein Chapitre, puis elle prendra les voix de toutes les Seurs; et si la Superieure avec la pluspart des Seurs s'accordent a la reception, on l'admettra au premier essay, le tout neanmoins ayant prealablement pris l'advis du Pere spirituel qui, de son costé, s'enquerra des conditions de la fille affin de mieux conseiller les Seurs en cette occurrence..

  A025000893 

 Car encor que telles vefves semblent a l'abord bien disposees, tandis que la ferveur des premieres impressions de la devotion les anime, elles sont toutefois grandement sujettes peu apres aux tentations de l'inquietude a la moindre difficulté qui se presente, s'imaginant que si elles estoyent au monde elles feroyent [112] des miracles pour leurs enfans, et ne cessent jamais de parler d'eux et de les lamenter; et quoy que leur entree fust grandement utile a leurs enfans mesmes, pour peu qu'elles fussent faschees d'ailleurs, elles prendroyent occasion de blasmer et censurer leur retraitte, avec scandale de plusieurs..

  A025000893 

 Les vefves seront de mesme condition quant a ce point, horsmis qu'il faudra prendra garde de n'en point recevoir qui ayent des enfans pour la conduite desquelz il soit vrayement necessaire qu'elles demeurent au monde, ni de celles qu'on reconnoist estre fort tendres de leurs enfans et sujettes a se troubler.

  A025000894 

 Et en general, on evitera de prendre des filles ou femmes qui soyent mutines ou opiniastres, ou trop esgarees et folastres, les unes s'arrestant trop a leur propre cervelle, et les autres ne s'arrestant a rien; comme encor on se gardera, tant qu'il sera possible, de prendre celles qui sont trop adonnees a la tendreté et compassion sur elles mesmes..

  A025000899 

 Et luy fera-on entendre que la Congregation est une escole de l'abnegation de soy mesme, de la mortification des sens et de la resignation de toutes les volontés humaines, et, en somme, un mont de Calvaire ou, avec Jesus Christ, ses chastes espouses doivent estre crucifiees spirituellement, pour, apres cette vie, estre glorifiees avec luy..

  A025000901 

 Or, le tems prefix estant passé, on tirera les voix, lesquelles luy estans favorables elle se preparera, et on luy donnera l'habit du novitiat..

  A025000902 

 Et sur tout on procurera que la Novice esgale et applanisse ses humeurs et inclinations a la regle de la charité et discretion: c'est a dire, qu'elle apprenne a ne point vivre selon ses humeurs, passions, inclinations et aversions, mays selon l'ordre de la vraye pieté, ne pleurant, riant, parlant, se taysant que par rayson, et non quand le caprice ou fantasie luy en vient: en sorte qu'elle reserve les demonstrations de sa joye ordinaire pour les recreations; l'inclination de se taire, pour le silence; celle de pleurer, quand la grace l'excitera aux larmes de devotion, sans les employer en des frivoles occasions.

  A025000902 

 Pendant le novitiat des Seurs on taschera de fortifier leurs cœurs et les rendre devotes, non d'une devotion mignarde, tendre ou pleureuse, mays d'une devotion esgalement douce et courageuse, humble et confiante.

  A025000907 

 Il ne sera jamais loysible aux Novices de demander la [114] Profession; ains seulement, estans interrogees de leur desir pour ce regard, elles l'expliqueront en verité, et la Superieure aura soin de leur faire faire les vœux et la Profession quand il en sera tems, selon les ceremonies accoustumees..

  A025000910 

 Le jour de la feste de saint Michel, la Superieure advertira toutes les Seurs Professes de se preparer a faire le renouvellement de leurs vœux pour le jour de la Presentation de Nostre Dame; et pour s'y preparer, elles feront chacune la retraitte, selon qu'il sera ordonné par la Superieure..

  A025000911 

 Outre laquelle, les Seurs feront trois jours de retraitte avant Noel, avant la Pentecoste et avant la Presentation de Nostre Dame, et de plus toute la Semaine Sainte, jusques apres la Messe du samedi; et ne se fera aucune assemblee pendant lesditz tems de retraitte, que celle de la recreation du soir, qui sera employee a parler des choses saintes et de devotion.

  A025000916 

 La Superieure ne demeurera en charge que troys ans, a la fin desquelz, le samedi apres l'Ascension de Nostre Seigneur, le Chapitre assemblé dans le chœur, en presence du Pere spirituel qui sera assis a la treille, se mettant a genoux au milieu des Seurs, elle renoncera et deposera sa superiorité entre les mains du Pere spirituel qui, ayant accepté sa resignation, l'absoudra de sa charge disant: «La Congregation vous descharge, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit;» et la remettra a l'Assistente.

  A025000918 

 Le Dimanche suyvant, on fera la Communion generale pour l'eslection future, de laquelle eslection ni de la deposition faite les Seurs ne parleront point ni es recreations ni es assemblees; ains une chacune pensera a faire l'eslection qu'elle estimera estre meilleure selon Dieu, et dira-on tous les jours apres la Messe et le soir apres les Letanies le Veni, creator Spiritus.

  A025000918 

 Puys, le jeudi, apres la Communion generale faite a cette intention, toutes les Seurs estans sorties du chœur, apres qu'on aura mis une table au milieu d'iceluy, avec du papier, de l'encre et de la [116] poussiere, l'Assistente rentrera la premiere, et s'estant mise a genoux, apres avoir fait le signe de la Croix, elle escrira le nom de celle qu'elle voudra eslire; puys, l'ayant plié, elle sortira, et les autres, toutes l'une apres l'autre, feront de mesme..

  A025000919 

 A une heure apres mydi, le Pere spirituel estant revenu, s'il y a des Seurs malades il ira prendre leurs voix et les escrira en des billetz, et les mettra dans la boëte ou les autres seront mis.

  A025000919 

 Puys, toutes les voix estant escrittes, on ira au chœur comme le samedi precedent, et apres avoir dit le Veni, creator Spiritus, toutes les Seurs viendront, les unes apres les autres, apporter leurs billetz au Pere spirituel qui, les ayant tous receus dans la boëte, les retirera et les lira l'un apres l'autre; et deux des Seurs, qui auront une liste du nom de toutes les Seurs qui peuvent estre esleuës, avec des lignes tirees a l'endroit de chasque Seur, marqueront d'une traverse la ligne du nom qui se lira.

  A025000919 

 S'il y a des Seurs qui ne sçachent pas escrire, il les fera venir au parloir et luy mesme escrira leurs billetz.

  A025000920 

 Le Pere spirituel confirmera l'eslection au nom de l'Evesque, disant: «Et nous, de l'authorité que nous avons, confirmons vostre eslection a ce que vous soyes Mere et Superieure de toute cette Congregation, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit,» Apres quoy, elle va s'asseoir en la place de la Superieure, et toutes les Seurs, l'une apres l'autre, luy vont bayser la main a genoux.

  A025000921 

 S'il se treuvoit que deux Seurs eussent esgalement des voix, il faudra alhors que le Pere spirituel escrive leurs noms en une feuille, tirant une ligne a l'endroit de chascun d'iceux; puys les Seurs sortiront et viendront l'une apres l'autre a luy, et diront laquelle des Seurs elles desirent, et il la marquera par la traverse, en sorte que nul ne puisse voir le papier ou se font les marques, ni ouyr les voix, sinon le Pere spirituel et celuy qui l'accompaigne.

  A025000921 

 Toutes les voix estans prinses, le Pere spirituel bruslera tous les billetz, affin qu'il n'en soit plus memoyre et que les voix demeurent secrettes..

  A025000923 

 La Superieure estant esleuë et ayant choysi celles que, selon Dieu, elle jugera estre plus propres pour exercer les charges d'Assistente et Coadjutrices, elle les proposera au Chapitre, et l'eslection s'en fera par la pluralité des voix.

  A025000923 

 Que si elles n'en ont les deux tiers, la Superieure en proposera des autres, et l'eslection en estant faite, elle choysira avec l'advis desdites Seurs esleuës, celles d'entre les autres Seurs qu'elle jugera estre plus propres pour exercer les autres offices; et toutes demeureront en l'exercice de [118] leurs charges jusques a ce que la Superieure jugera a propos de les changer..

  A025000926 

 Ce sera donq a elle de proportionner les chastimens avec les fautes, enjoignant des penitences petites ou grandes a mesure que les fautes le meriteront, ainsy qu'il se fait maintenant et que le Directoire le porte..

  A025000927 

 Mays si les fautes sont griefves et qu'il y ayt de la malice, opiniastreté et obstination, alhors elle conferera avec ses Coadjutrices pour prendre leur advis sur la correction convenable; et s'il est besoin, fera paroistre la coulpable devant elles pour la convaincre, et mesme, s'il est jugé a propos, devant le Confesseur, affin qu'il l'ayde, ou devant le Pere spirituel; et la, luy faire sa sentence, pour luy donner la sainte confusion qui reduit a penitence..

  A025000928 

 Mays s'il arrivoit, ce que Dieu ne veuille jamais permettre, que quelqu'une se rendist tout a fait incorrigible et incurable en son obstination, alhors il faudroit assembler le Chapitre devant le Pere spirituel pour prouvoir de remede; et s'il estoit expedient, on en conferera non seulement avec le Pere spirituel, mays aussi avec l'Evesque, s'il est au lieu, ou s'il n'y est pas, avec son Vicayre general, pour prendre tous les moyens requis et convenables affin de remedier a ce mal.

  A025000940 

 Mays, comme il appert, ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui en ces cas causent le peché, ains les circonstances qui de leur nature le causeroyent en toutes autres occasions; car ce seroit tous-jours peché aux seculiers mesme de faire ce qui est peché en soy, de laisser ce qui est requis au salut, d'enfreindre quelque loy par mespris, de violer les vœux, de scandaliser le prochain, de se relascher a quelque passion desordonnee..

  A025000941 

 La Regle donq et, comme il a esté dit, beaucoup moins les Constitutions n'obligent nullement a peché d'elles mesmes; mays les Seurs craindront pourtant tous-jours de les violer si elles se resouviennent que leur vocation est une grace tres particuliere delaquelle il faudra rendre conte au jour du trespas; et qu'elles portent gravee en leur memoyre la sentence du Sage: Qui neglige sa voye sera tué.

  A025000946 

 Quand les Seurs decederont, on fera appeller le Curé du lieu, avec deux ou trois assistans, pour faire l'enterrement ainsy qu'il est marqué au Directoire.

  A025000947 

 Et les Seurs ne s'employeront nullement pour les choses requises a telles sepultures, ains en lairront la conduite avec tous les prouffitz et esmolumens a qui il appartiendra..

  A025000949 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et commis par nostre Saint Pere Paul cinquiesme pour l'erection, establissement et institution du Monastere de la Visitation sous la Regle de saint Augustin, avons dressé et de nouveau examiné et appreuvé les Constitutions ci devant escrites, ordonnant et establissant de Nostre authorité, ains plustost de l'authorité Apostolique a Nous commise pour ce regard, icelles Constitutions devoir estre a perpetuité inviolablement observees et gardees audit Monastere et par toutes les Seurs d'iceluy..

  A025000960 

 Ces Regles dressees par ceste grande lumiere de l'Eglise sainct Augustin, et les Constitutions y adjointes par une autre grande lumiere de ce siecle, sont autant de rayons qui, faisants jour aux ames assizes en tenebres et a l'ombre du monde, addressent leurs pas au chemin de la paix et du repos interieur, les conduisant efficacement à la perfection religieuse apres les avoir souefvement introduictes à la vie devote et faict savourer le sacré miel de l'amour de Dieu.

  A025000978 

 La prudence humaine ne fera que trop cela; helas! les maladives n'ont point d'autre retraite..

  A025000980 

 P. B. — P. 117: C'est une porte aux tentations de faire passer les Sœurs Domestiques au chœur.

  A025000984 

 Je pense qu'il faudrait donc dire: «En cas qu'elles eussent des offices qui les occupassent beaucoup.».

  A025000988 

 Page 124: DE LA CLAUSURE. Ne serait-il point à propos de dire que les Sœurs pourront entrer dans le presbytère pour parer l'autel, à la charge que l'église soit fermée et qu'elle soit vide? car je craindrais que quelque Visiteur ne retranchât cela s'il n'est écrit.

  A025000993 

 Au point suivant, en la même page: Ne serait-il point bon de marquer en quoi la Supérieure peut dispenser: comme de l'Office, du jeûne pour quelque Sœur qui en aurait besoin pour peu de jours, et semblables; comme aussi de dispenser du silence toute la Communauté à certains jours, afin que les Sœurs s'entretiennent et récréent? Et marquer aussi que les choses d'importance dont il faut dispenser avec le conseil du Supérieur seraient de décharger tout à fait une fille du jeûne ou de l'Office, afin d'ôter toute liberté et prétexte de changement aux Constitutions, et que, qui que ce soit, n'a ce pouvoir..

  A025000995 

 Ne serait-il point à propos d'ajouter que les rentes et revenus seront réglés selon les lieux, après que les bâtiments seront faits, afin que l'on se tienne en la médiocrité et que les trop grandes richesses ne gâtent tout; et que l'on n'ait aucun meuble qui ne ressente la pauvreté et simplicité religieuse, excepté pour l'église, et des cuillers d'argent pour les malades? Que les meubles mondains que les filles apportent soient serrés, et vendus après la Profession; l'on a peine de faire quitter les miroirs..

  A025000997 

 P. B. — Page 137: J'ôterais ce mot de «dormir demi heure», non qu'elles ne le puissent faire, mais afin que les séculiers ne s'en édifient pas mal: en France ce n'est pas la coutume..

  A025001000 

 Et à la fin de cet article, serait-il bon d'ajouter que l'on sonnera les Ave Maria le soir «entre jour et nuit,» apres lesquelles il «ne sera plus loisible de demeurer au parloir ni d'ouvrir les portes, sinon pour quelque» chose de grande importance?.

  A025001002 

 Page 145: Au lieu du mot de «solennité», il faut dire «fête»; car en de nos Maisons ils prennent cela pour les grandes fêtes, et ne chantent point Vêpres les petites..

  A025001003 

 S'il ne faut point chanter None les fêtes d'Apôtres, de saint Jean-Baptiste, saint Laurent et semblables?.

  A025001010 

 En cette même Constitution quinzième, serait-il bon d'ajouter que «les Sœurs ne toucheront point la grille, ains s'en tiendront un peu éloignées,» sinon quand il sera permis de parler en secret?.

  A025001012 

 P. B. — Page 155: Les Supérieurs, quasi partout, sont exemptés de lire, et pour cause..

  A025001013 

 Ajouter aux deux points, qu'elles demanderont aussi leurs autres nécessités; que la lecture se commence par un article des Constitutions; que tous les vendredis l'on lise la Règle au dîner, cela se peut facilement.

  A025001013 

 Ne lire qu'un quart d'heure à la seconde table, parce que les Sœurs venant de dîner, cela leur fait peine.

  A025001023 

 P. B. — Page 166: Cette Communion de tous les jours se tournera en coutume; cela est selon l'inclination de ces bons Pères..

  A025001024 

 Ce sera une grande affliction à toutes les Sœurs si on leur ôte cette consolation; je vous supplie, au nom de Dieu, Monseigneur, de le bien consulter avec Dieu avant que le résoudre..

  A025001028 

 Page 172: Oter qu'elles n'avanceront point les mains sur les treillis, si l'on le met ailleurs, en la page 154..

  A025001030 

 En la page 176: Il serait utile d'ajouter: ni n'entreront dans les offices sans congé et n'y prendront aucune chose sans avertir la Sœur qui en aura la charge; et prenant quelque chose, auront soin de la rapporter..

  A025001038 

 Il trouve le Père spirituel trop chargé pour être tel que l'on le désire; qu'il le faut réserver pour les choses grandes, graves et nécessaires, autrement qu'on n'en trouvera point; ou, si l'on en trouve, qu'ils voudront tout faire.

  A025001040 

 P. B. — On ne parle point du Confesseur en aucune façon, ni ne sait-on par les Constitutions ce qu'il doit faire ou non faire; et [129] il est très necessaire de savoir ce qu'il peut, ce qu'il ne doit et ne peut, afin d'éviter mille inconvénients..

  A025001045 

 En la page 202: Ajouter: «selon les Constitutions synodales de ce diocèse,» ou autres où la Congregation sera établie..

  A025001047 

 En la page 203: Ne faut-il point retrancher: que «si elle connaît qu'il soit nécessaire» de changer quelque chose, «qu'elle en confère»? Je ne voudrais nullement ouvrir la porte au changement; je dis pour les Constitutions et coutumes d'importance..

  A025001056 

 Page 209: Que les Coadjutrices assisteront et signeront les contrats..

  A025001058 

 P. B. — Page 213: Touchant les livres, faut dire: «par la permission du Père spirituel, ou du Confesseur,» qui suffira pour telle petite chose..

  A025001061 

 P. B. — Page 248: Déterminer comme aux autres: «tous les mois» lire son Directoire..

  A025001068 

 P. B. — Page 269: Et plus que tout, d'en prendre seulement pour les biens temporels et pour les grandes commodités qu'elles apportent..

  A025001069 

 Ajouter que l'on pourra, après avoir un peu reconnu les filles, les faire entrer une fois ou deux dans la Maison, sans toutefois y coucher, afin de leur faire voir le train de la Communauté et aussi que l'on les considère..

  A025001072 

 Au bout de quelques semaines, la Supérieure fera tirer les voix..

  A025001073 

 Et des jeunes filles, que l'on ne les prisse qu'à quatorze ans; encore faut-il qu'elles témoignent le bien désirer.

  A025001073 

 Ne faudrait-il point ajouter que l'on pourrait retarder la Profession? Il me semble utile, et aussi que le Supérieur examinasse les filles avant qu'elles fissent la sainte Profession.

  A025001075 

 Page 276: Si Monseigneur le trouve bon, on retranchera toute assemblée es temps qui sont donnés en retraite; et ajouter que les Sœurs ne parleront facilement au Carême et en l'Avent, sinon qu'il soit nécessaire..

  A025001077 

 P. B. — Page 283: Il serait bon de brûler les billets au lieu même..

  A025001078 

 Il dit encore qu'il seroit à propos pour les sermons d'établir [131] à peu près les jours qu'il en faudroit, et qu'il ne fusse aisément permis que ceux qui s'invitent d'eux-mêmes fussent reçus indifferemment..

  A025001080 

 Si l'on en pourrait garder toujours avec l'habit de Religion, sans faire Profession, ou quelque autre fille ou femme qui se voulussent retirer avec les Religieuses, en leur habit seculier..

  A025001081 

 Si les fondatrices voulaient opiniâtrément outrepasser leurs privilèges et inquiéter le Monastère, que faudrait-il faire?.

  A025001083 

 Je supplie très humblement Monseigneur et mon très cher Père de finir et clore ses CONSTITUTIONS par une ardente et vive conjuration, qui presse saintement et force doucement les filles Religieuses de ne se départir jamais de leurs très saintes Constitutions, sous quelque prétexte que ce soit.

  A025001083 

 Mais, mon Père, gravez ceci avec les paroles les plus prégnantes qui vous seront possibles, et surtout obtenez-nous cette grâce de la miséricorde de Dieu qui soit à jamais béni..

  A025001089 

 En 1631, la Mère Marie-Jacqueline Favre en fit faire à Paris une petite édition, intitulée: VIVE JESUS. Directoire des choses spirituelles pour les Sœurs de la Visitation, M.DC.XXXI. Elle a 9 cent.

  A025001090 

 Plusieurs réimpressions du Directoire, cependant, ont omis le membre de phrase indiqué; il faut croire que les éditeurs n'avaient pas connaissance de la lettre de la Mère de Chantal.

  A025001090 

 «Nos Sœurs sont toutes fort en œuvre du petit Directoire,» lui écrit sainte Jeanne de Chantal le 10 novembre 1630; «mais elles désireraient bien, s'il se pouvait, que l'on y ajoutât l' Exercice de l'union et les trois Souhaits de notre Bienheureux Père qui sont au commencement du Coutumier.» ( Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal, sa Vie et ses Œuvres; Lettres, vol. III, Paris, Plon, 1878, p. 535.) Ce qui fut fait.

  A025001091 

 En 1633, Vincent de Cœursilly, à Lyon, fit une nouvelle édition de la Regle... et Constitutions et Directoire, avec les trois Souhaits et l' Exercice de l'union; mais le premier article: Intentions generales pour les Sœurs, n'y est pas donné.

  A025001092 

 Ce Manuscrit est reproduit dans notre texte; nous donnons en variantes les divergences et additions du Directoire de 1637, qui est la leçon actuelle.

  A025001092 

 Pour «ageancer» ce qui n'était pas coordonné, sainte Jeanne de Chantal [133] y mit-elle parfois du sien? Il est permis de le croire, quand on voit l'addition de fragments considérables qui n'existent pas dans le Directoire manuscrit; mais il est certain qu'elle a toujours interprété la pensée de son Bienheureux Père, si elle n'en a pas reproduit textuellement les paroles..

  A025001092 

 Tous les articles imprimés sont, pour le fond, de saint François de Sales: on en trouve de presque identiques au Manuscrit; d'autres toutefois ont subi quelques retouches.

  A025001097 

 L'intention de nostre tres honnoré Pere, d'heureuse memoyre, estoit que toute la vie et exercice des Religieuses de la Visitation fussent dediés pour leur union avec Dieu, pour ayder par prieres et bons exemples a la reformation de l'Eglise et au salut du prochain, et parce qu'il ne desiroit rien tant sinon que nos Seurs fussent excellentes en toute sorte de vertus, dont la bonne odeur, en aggreant a Dieu, se respandist dans les ames [des] fidelles.

  A025001097 

 Lequel desir tira de son cœur paternel et tout ardent de la ferveur du Saint Esprit les troys souhaitz suyvans, qu'il escrivit es premieres feuilles du Livre de nos Professions.

  A025001116 

 Ainsy je nommeray en toutes les aspirations que mon esprit fera vers vous, les noms qui y seront marqués, comm'un cantique de joye et de louange, et en offriray le roole, comm'un bouquet de suavité, a vostre divine Providence..

  A025001117 

 Et que les cœurs que vous aves congregés sous vostre nom et celuy de vostre chere Mere ne se disperse ( sic ) point, que ce que vous aves assemblé ne se dissipe point, et ce que vous aves conjoint ne se separe point; mays que les noms marqués en ces feuilles perissables soyent a jamais escritz au Livre des Vivans, avec les justes qui regnent aupres de vous en la vie de l'immortelle fœlicité..

  A025001131 

 Premierement, les Seurs doivent a leur resveil jetter leurs ames toutes en Dieu par quelques saintes pensees, telles que celles ci:.

  A025001133 

 Les Seurs feront ainsy des saintes aspirations, ou telles autres que le Saint Esprit leur suggerera, ayant la liberté de suivre son attrait interieur..

  A025001135 

 Quand on sonne l' Ave Maria, elles se mettront a genoux sur le lict, ou a bas si elles sont vestues, pour les dire; en suitte desquelles elles feront l'Exercice du matin, adorant Nostre Seigneur du profond de leurs ames, le remerciant [137] de tous ses benefices, et luy offrant leur cœur avec leurs affections et resolutions, et tout leur estre, en l'union de cette offrande amoureuse que le Sauveur fit en l'arbre de la Croix, de soy mesme a son Pere eternel, luy demandant son ayde et benediction, saluant Nostre Dame, luy demandant aussi sa benediction, celle du saint Ange et des saintz Protecteurs, et diront le Pater, si bon leur semble..

  A025001137 

 En esté elles feront leur lict et, s'il se peut, se laveront les mains et la bouche avant l'orayson; et pour cela il sera besoin qu'elles soyent tres diligentes a se lever et habiller..

  A025001138 

 Et qu'elles ne negligent point ceci es choses petites et qui leur semblent [138] de peu d'importance; voire mesme si on les employe a des choses qui leur soyent du tout aggreables et du tout conformes a leur volonté et necessité, comme de boire, manger, se reposer et recreer, et choses semblables, affin que, suyvant le conseil de l'Apostre, tout ce qu'elles feront soit fait au nom de Dieu et pour son seul bon playsir..

  A025001138 

 Les Seurs qui voudront prosperer et faire progres en la voye de Nostre Seigneur doivent, au commencement de toutes leurs actions, tant exterieures qu'interieures, demander sa grace et offrir a sa divine Bonté tout ce qu'elles feront de bien, se preparant ainsy a supporter toute la peyne et mortification qui s'y rencontrera avec paix et douceur d'esprit, comme provenante de la main paternelle de nostre bon Dieu et Sauveur, duquel la tres sainte intention est de les faire meriter par telz moyens pour, par apres, les recompenser de l'abondance de son amour.

  A025001141 

 Les Dimanches et festes de commandement elles adjousteront les commemorations du jour, selon qu'il leur est marqué au Directoire de l'Office..

  A025001141 

 Les Seurs diront a l'ordinaire le petit Office de Nostre Dame, veu que cet Ordre ayant esté institué particulierement pour la retraitte des infirmes et a l'honneur de la Bienheureuse Mere de Dieu Nostre Dame, cet Office leur est plus sortable que le grand.

  A025001142 

 Les Seurs auront en singuliere recommandation la simplicité et promptitude a l'obeissance; et partant, quand les Offices sonneront, elles doivent courir a la voix de l'Espoux qui les appelle, c'est a dire partir allegrement au premier coup, se mettre en la presence de Dieu et, a l'imitation de saint Bernard, demander a leurs ames ce qu'elles vont faire au chœur.

  A025001143 

 Avant donq que commencer l'Office, les Seurs provoqueront leurs ames a de semblables affections, et, apres l'adoration, offriront a Nostre Seigneur cette action pour sa gloire, a l'honneur de la Sainte Vierge, nostre Dame et Maistresse, et au salut de toutes les creatures..

  A025001145 

 Pour se maintenir avec le respect et attention convenable, il faut qu'elles considerent de tems en tems combien ce leur est d'honneur et de grace de faire ça bas en terre le mesme office que les Anges et les Saintz font la haut au Ciel, et qu'elles prononcent, quoy qu'en divers langage, les louanges au mesme Seigneur, la grandeur et majesté duquel fait trembler les plus hautz Seraphins..

  A025001146 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles dient a l'Office, qu'elles employent fidellement ce talent selon le bon playsir de Dieu qui le leur a donné pour les ayder a se tenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui n'y entendent rien se tiennent simplement attentives a Dieu, faysant des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses..

  A025001147 

 Mays la principale attention et le plus grand soin que doivent avoir les Seurs qui ne sont pas encor habituees a l'Office, c'est de bien prononcer, faire les accens, pauses, mediations, de prevoir ce qu'elles ont a dire selon les charges qui leur sont donnees, se tenir prestes pour commencer, et faire les ceremonies avec gravité et bienseance, sans exceder en la crainte de faillir non plus qu'en la presomption de bien faire.

  A025001151 

 Pendant que le prestre se prepare a l'autel il se faut mettre en la presence de Dieu, et quand il dit le Confiteor il se faut prosterner en esprit devant Dieu, reconnoistre ses pechés, les detester et luy en demander pardon..

  A025001153 

 Apres le Sanctus il faut en grande humilité et reverence penser au benefice de la Mort et Passion de nostre Sauveur, le suppliant de la vouloir appliquer au salut de tout le monde, et particulierement au nostre et a celuy des enfans de son Eglise, a la gloire et felicité de tous les Saintz et au soulagement des ames du Purgatoire.

  A025001161 

 Apres le Pater, Ave Maria et le Credo qui se dit a la fin des Offices, les Seurs rendront graces a Nostre Seigneur de tous ses benefices, particulierement de sa sainte Passion, de ses divins Sacremens, du benefice de leur vocation de ce qu'il luy a pleu les conserver cette journee, leur administrant en icelle, par sa douce bonté, toutes leurs necessités.

  A025001161 

 Les Seurs doivent faire l'examen deux fois le jour, a sçavoir, le soir apres Matines et le matin apres None.

  A025001162 

 Puis, qu'elles dient leur Confiteor jusques a mea culpa, et se mettent a rechercher les actions, paroles et pensees despuis le dernier examen..

  A025001163 

 Ayant treuvé le nombre et l'espece de leurs pechés, elles les adjousteront avec les autres de leur precedent examen et, de tous ensemble, en demanderont humblement pardon a Nostre Seigneur, acheveront le Confiteor et feront un ferme propos de s'en amender, moyennant la grace de Dieu, qu'elles luy doivent demander a cet effect avec toute l'affection et devotion qu'il leur sera possible..

  A025001164 

 Apres cela elles recommanderont a la divine misericorde leurs ames, leurs cors et tout leur estre; prieront pour la sainte Eglise, pour leurs parens et pour tous ceux a qui elles ont un particulier devoir, n'oublieront les pauvres ames du Purgatoire; salueront Nostre Dame, leur bon Ange et les saintz Protecteurs.

  A025001168 

 Outre cet examen general, les Seurs pourront prattiquer le particulier, lequel se fait d'une vertu particuliere qui soit la plus convenable et qui s'oppose directement es imperfections esquelles l'on se sent plus incliné..

  A025001169 

 Et non seulement les Seurs peuvent prattiquer cet examen en elles mesmes, mays encor, autour des bonnes festes et quand la Superieure le treuvera bon, elles pourront faire quelques entreprises ou desfis ensemble, pour la prattique de quelques vertus..

  A025001172 

 Que les Seurs n'aillent pas au refectoir seulement pour manger, ains pour obeir a Dieu et a la Regle, ouyr la sainte lecture, dire les coulpes, recevoir les advertissemens et faire les mortifications qui y sont pour l'ordinaire prattiquees; et que, partant, elles y entrent avec gravité et modestie, les robbes abattues et les yeux en terre.

  A025001175 

 Pour prendre sa refection on gardera cet ordre: Les Seurs estans dans le refectoir, feront l'inclination au Crucifix qui sera eslevé entre la place de la Superieure et celle de l'Assistente, et se rangeront de chœur en chœur, tournees les unes contre les autres, selon leur rang, tenant les mains jointes pendant la Benediction et les Graces qui se disent selon les tems, ainsy qu'il est marqué au Breviaire..

  A025001176 

 Celles qui voudront dire leurs coulpes se mettront a genoux devant la place de la Superieure, troys a la fois, et n'en pourront dire qu'une, et les ayant dites elles s'iront ranger en leurs places..

  A025001178 

 Elle se prendra garde de laisser ranger les Seurs avant que de commencer; de mesme pour les Graces..

  A025001178 

 La Superieure dira le Benedicite a l'endroit de sa place et les Seurs s'inclineront quand elle fera la benediction et a la fin quand elles se retireront pour s'asseoir.

  A025001179 

 La lectrice s'inclinant dira: Jube, etc., et la Superieure ayant respondu: Mensœ, etc., elle montera en sa chaire, et se tenant debout, les mains jointes, dira: In nomine Domini Jesu Christi; les Seurs respondront: Amen.

  A025001179 

 La lectrice, apres le Benedicite, prendra la benediction les mains jointes, toute debout, et la Seur qui servira a la table sera aupres d'elle.

  A025001180 

 Les Seurs ne laisseront point de places vuides entre elles; si quelqu'une manque, elles luy laisseront place au bout d'en haut, ou bien en bas; et celles qui par negligence seront tardifves, ne venant qu'apres que les autres seront assises, bayseront la terre au milieu du refectoir..

  A025001182 

 Qu'elles ne sortent point de table sans s'estre mortifiees en quelque chose; et que neanmoins elles usent sans scrupule ni ceremonie des viandes qui leur seront donnees pour le soulagement de leur infirmité, prenant indifferemment de la main de Nostre Seigneur, tant pour les viandes que pour toutes autres choses, ce qu'elles aymeront comme ce qu'elles n'aymeront pas; voire mesme en l'infirmerie, ou elles se rendront douces, patientes et obeissantes a l'Infirmiere [146], et recevront ce qui leur sera donné avec action de graces, reconnoissant qu'elles ne meritent pas un si bon et charitable traittement..

  A025001183 

 La Seur qui sert, ayant pris la benediction, troussera sa robe et les grandes manches jusques au coude, ceindra son devantier et prendra sur la fenestre du service l'ais chargé de portions.

  A025001183 

 Les Seurs prendront leurs portions sans choix, et ne s'envoyeront rien l'une a l'autre, excepté la Superieure quand elle le jugera a propos..

  A025001184 

 Celle qui servira prendra garde que rien ne manque aux Seurs et de lever les choses qui ne serviront plus, se servant de l'ais pour cela quand il sera besoin, et des corbeilles pour les tassines et pour le pain qu'elle levera avec le Cousteau; et mettra les potages de la seconde table sur la fin de la premiere..

  A025001186 

 On doit estre fort propres, nettes et tranquilles au refectoir, et pour cela on ne servira ni desservira pendant le Benedicite et les Graces..

  A025001187 

 Les Graces estant dites, celles qui auront a faire des advertissemens se mettront a genoux et les feront devant la Superieure.

  A025001187 

 Les Seurs Domestiques et Despensiere qui auront des coulpes a dire les diront au mesme tems, puis se retireront; et la semainiere commencera le De profundis, que toutes poursuivront alternativement, et apres, les Seurs, deux a deux, une de chasque chœur, s'advanceront l'une aupres de l'autre, au droit de leur place, pour faire l'enclin a la Superieure, et s'en iront en silence jusques au lieu de la recreation, excepté la lectrice de la seconde table qui rentrera et commencera sa lecture, et la finira de mesme qu'a la premiere table, ne relisant pas ce qui a esté leu..

  A025001189 

 Les Seurs qui feront des mortifications au refectoir les commenceront quand on aura dit: Au nom de Dieu, devant la refection, et ne seront que troys ou quatre a chaque fois.

  A025001189 

 [148] Quand on baysera les pieds des Seurs, elles en advanceront un, s'inclinant un peu, et quand ce sera la Superieure, les Seurs se leveront a mesure qu'elle les baysera, se tenant un peu courbees.

  A025001190 

 Les jours de festes et de Chapitre on ne dira point de coulpes ni on ne fera point d'advertissemens au refectoir, comme aussi quand la Superieure ni l'Assistente ne s'y treuveront pas, sinon que [la Supérieure] nomme une Seur pour les recevoir..

  A025001191 

 Le Dimanche matin toutes les Seurs se mettront a genoux, et la Superieure leur donnera sa benediction apres l'avoir donnee a la lectrice..

  A025001192 

 On les tiendra dans la chambre des Assemblees, avec les livres de nostre Bienheureux Pere, pour donner commodité aux Seurs de les lire; comme aussi le Coustumier, lequel Coustumier les Seurs qui sont encores au novitiat ne liront point..

  A025001192 

 On lira aussi une fois l'annee la Preface des Regles, comme aussi les Entretiens, dans le refectoir pendant les repas, au moins un ou deux tous les mois, et les Sermons, selon les festes et ceremonies dont ils traittent.

  A025001192 

 On lira le Coustumier et les Directoires (excepté celuy de la Directrice et les penitences) deux fois l'annee, dont l'une sera quelque peu de tems avant la Visite.

  A025001193 

 Les Seurs allant au lieu de la recreation demanderont a [149] Nostre Seigneur la grace de ne rien dire ni faire qui ne soit a sa gloire.

  A025001194 

 Puis, qu'elles se rangent promptement et prennent leurs ouvrages, lesquelz elles doivent tous-jours tenir au lieu de l'assemblee, ou si proche qu'elles les puissent prendre commodement..

  A025001195 

 Et comme les Seurs doivent avec simplicité et franchise se recreer par obeissance, aussi doivent elles, par devotion, s'affectionner a parler souvent des choses bonnes et saintes..

  A025001195 

 Qu'elles n'apportent point aux recreations des contenances tristes et chagrines, ains un visage gracieux et affable, et qu'elles s'entretiennent ainsy qu'il est porté par les Constitutions.

  A025001198 

 L'on les resouviendra souvent de Dieu durant la recreation et on en donnera la charge aux Seurs tour a tour, et de dire quelque chose de bon sur la fin; et le soir, on employera la derniere demy heure de la recreation a faire [150] lire l'Epistre et l'Evangile, la veille des festes, ou quelque point de la Communion, et les autres jours quelque chose de devotion; ou bien l'on s'entretiendra de quelque chose utile par maniere de conference, ainsy que la Superieure le jugera a propos..

  A025001199 

 Sur la fin de la recreation les Seurs doivent prevoir les choses qu'elles auront a demander; et apres que l'Obedience sera donnee, les officieres marqueront aux Seurs l'heure qu'elles [la] leur pourront donner, et elles se rendront soigneuses de l'aller prendre..

  A025001203 

 Quand on sonne l'Obeissance, que les Seurs se levent promptement et demeurent debout, avec un maintien humble et devot, attendant l'Obedience, disant en elles mesmes: Parles, Seigneur, vostre servante vous escoute; o mon Dieu, rendes moy digne d'accomplir vos saintes volontés.

  A025001204 

 Qu'en entrant elles se mettent plus particulierement en la presence de Dieu, demandant la grace d'employer le silence selon la fin pour laquelle il a esté saintement institué, qui est non seulement pour empescher le vain babil, mais aussi pour retrancher les pensees vagabondes et inutiles, s'entretenant avec l'Espoux, et pour prendre nouvelles forces affin de travailler sans cesse a son divin service..

  A025001204 

 Si tost que l'Obedience sera donnee, les Seurs qui n'ont rien a demander se retireront en leurs cellules, ou autre lieu qui leur sera convenable, pour faire leurs ouvrages et ce qui leur sera ordonné.

  A025001207 

 O Dieu, vous estes mon Pere; receves moy entre les bras de vostre Providence..

  A025001214 

 Receves moy, o bon Jesus, entre les bras de vostre Providence..

  A025001223 

 O Jesus, vous estes les delices de mon cœur..

  A025001243 

 Elles en feront de mesme envers les Saintz et Saintes auxquelz elles auront plus de devotion: comme a saint Joseph, saint Augustin, saint Jean Baptiste, les Princes de l'Eglise saint Pierre et saint Paul, saint Jean l'Evangeliste, patron des vierges, saint Bernard, saint François, sainte Anne et sainte Magdelaine, les troys saintes Catherine, et autres glorieux Saintz dont on a leu la Vie a table..

  A025001244 

 Quand l'horologe sonne, qu'elles souspirent les heures inutilement passees; qu'elles pensent qu'il faudra rendre conte de cette heure et de tous les momens de leur vie..

  A025001246 

 Que les heures sont des siecles aux malheureux damnés..

  A025001249 

 Que les Seurs facent donq en suitte de telles pensees quelque devote aspiration, affin que Dieu leur soit propice a cette derniere heure: ce qui arrivera infalliblement a celles qui se rendront tres soigneuses de cet exercice, lequel elles doivent prattiquer en tout tems et en toutes occasions, par le moyen duquel elles croistront et prouffiteront tous les jours d e vertu en vertu, jusques a la perfection de l'amour divin..

  A025001253 

 Que les Seurs soyent promptes a se deshabiller, et tiennent, tant qu'il leur sera possible, leur esprit attentif au point qu'on aura leu pour l'orayson du matin..

  A025001254 

 Qu'elles soyent tres exactes a garder l'honnesteté et sainte pudeur, ne se descouvrant en aucune façon, ni regardant leur cors nud; et soyent soigneuses qu'on ne les voye point en se couchant lhors qu'elles n'auront pas chacune leur chambre..

  A025001257 

 Estant couchees, elles se representeront qu'un jour elles seront ainsy estendues dans le tombeau, et prieront Dieu qu'il les assiste a l'heure de la mort..

  A025001258 

 Qu'elles se couchent en la mesme posture qu'elles feroyent si elles voyoyent Nostre Seigneur de leurs propres yeux; car veritablement il les regarde en cette action aussi bien qu'en nulle autre..

  A025001263 

 Quand les Seurs se voudront confesser, elles feront la preparation en cette sorte:.

  A025001264 

 Apres quoy elles demanderont tres humblement pardon a Nostre Seigneur et la grace de se corriger; dequoy elles feront une bonne resolution, specialement des choses plus importantes qu'elles remarqueront, les detestant et taschant de donner a leur ame une vraye douleur de leurs fautes, pour petites qu'elles soyent; car c'est tous-jours trop de mal d'avoir despieu a la souveraine bonté de Nostre Seigneur qui nous fait journellement tant de misericorde..

  A025001266 

 Puis iront avec humilité devant le Confesseur, ou estant, elles feront un enclin fort bas, les mains jointes et les [156] yeux en terre, honnorant Dieu et le sacré sacerdoce en la personne du prestre, le considerant en Confession comme un ange de Dieu, qu'il nous envoye pour nous reconcilier avec sa divine Bonté..

  A025001267 

 Qu'elles dient purement et simplement ce qui les touche et se gardent bien d'accuser la faute d'autruy avec la leur.

  A025001269 

 Ayant achevé leur accusation, qu'elles escoutent avec humilité et tranquillité ce que le Confesseur leur dira; mays s'il leur conseilloit quelque chose contraire aux Regles et coustumes de la Mayson, elles ne le prattiqueront en aucune sorte, bien que toutefois elles ne leur en doivent point faire de semblant; et s'il les pressoit elles en advertiront [157] la Superieure.

  A025001270 

 Si les Confesseurs les enquierent de quelque chose qui ne soit pas de la confession, comme par exemple, de quelque tentation, exercice ou difficulté, elles pourront, si elles veulent, respondre en ce qui les touche seulement; mais si elles ne desirent pas d'en parler avec eux, elles diront: Mon Pere, excuses moy, s'il vous plaist; je crains de m'embrouiller l'esprit en parlant de cela; je n'en ay, graces a Dieu, aucun scrupule ni remords de conscience..

  A025001271 

 Mais si quelque Confesseur les troubloit en confession, apres avoir invoqué Nostre Seigneur, elles demanderont humblement a la Superieure de ne s'y plus confesser..

  A025001272 

 Les Seurs se confesseront deux fois la semaine en tous tems, a sçavoir, tant qu'il se pourra, le jour precedant la sainte Communion qui se fait le Dimanche et le jeudy, sans qu'il soit loysible a aucune de remettre la confession au lendemain, sinon qu'il y ayt cause legitime et licence de la Superieure; et en ce cas elle ira tirer son cordon en la carte.

  A025001273 

 Celle qui sortira du confessionnal ira promptement appeller celles qui doivent suyvre les deux qu'elle a laissees..

  A025001273 

 Les Seurs Domestiques iront les premieres a la confession; s'il y a des pretendantes elles les suivront, et puis les dernieres Novices, et toutes, tant Novices que Professes, suivront chacune selon leur rang.

  A025001274 

 On ne [se] confesse point pendant l'Office, tant qu'il se peut, s'entend les Seurs du chœur, sinon pour quelques reconciliations le matin..

  A025001275 

 Les Seurs oyant sonner la Confession, se rendront si a propos au lieu que la Superieure ordonnera, que l'on n'aye pas la peyne de les aller chercher ailleurs..

  A025001279 

 La principale intention que les Seurs doivent avoir a la sainte Communion c'est de s'unir avec Nostre Seigneur..

  A025001283 

 On pourra encores semondre l'ame a plusieurs saintes affections, comme de crainte de contrister et perdre ce Saint des Saintz, disant avec David: Seigneur, ne vous despartes point de moy; et avec les Pelerins: Demeures avec nous, car il se fait tard..

  A025001286 

 A l'action de graces: O Seigneur, par ce que vous m'aves fait cette grande grace, je vous beniray de benedictions eternelles, immortelles, et multiplieray vos louanges comme les estoilles du ciel..

  A025001287 

 A la resolution de le servir, par les parolles de Jacob: Dieu sera mon Dieu, et la pierre de mon cœur ci devant endurcie sera sa mayson..

  A025001290 

 Les Seurs pourront, tant pour la sainte Messe que pour la tressainte Communion, faire ces considerations ou telles autres que le Saint Esprit leur suggerera..

  A025001291 

 La Superieure communiera tous-jours la premiere; apres elle l'Assistente, puis les autres consecutivement, chacune selon leur rang.

  A025001292 

 Quand les Seurs communieront, qu'elles tiennent la teste droitte et ferme..

  A025001293 

 Outre les Communions que les Constitutions ordonnent, [162] elles communieront, selon la coustume, une fois la semaine de plus durant le Caresme; comme aussi le jour de la Conversion de saint Paul, le jour de saint Joseph, de sainte Catherine de Sienne, les festes de sainte Croix, saint Claude, (en memoyre qu'a tel jour la Congregation fut commencee), de sainte Marie Magdelaine, de sainte Anne, de Nostre Dame aux Neiges, de saint Bernard, de saint Augustin, duquel nos chosmons la feste, du Patron de l'eglise Cathedrale du diocese, de la feste du Saint principal auquel leur eglise est dediee, de saint François d'Assise, de sainte Catherine, vierge et martyre, de saint Charles, le jour des Innocens et celuy auquel elles auront fait la sainte Profession..

  A025001294 

 Et aux festes suyvantes, si elles n'arrivent la veille ou le lendemain des Communions ordinaires, on pourra communier si la Superieure le treuve bon, sçavoir: le jour de saint Anthoine, sainte Agnes, saint Ignace de Loyola, saint Thomas d'Acquin, saint Benoist, saint François de Paule, saint Jean Porte Latine, sainte Monique, saint Alexis, sainte Marthe, saint Louys, la Decollation de saint Jean, saint Nicolas [de] Tolentin, saint Denys, saint Dominique, saint Bonaventure, sainte Therese, saint Nicolas, du saint Ange gardien, le jour qu'elles ont pris l'habit et les jours des Saintz dont elles portent les noms..

  A025001295 

 Et tant qu'il se pourra bonnement, une pour les ames du Purgatoire chasque fois que l'on dira l'Office des Mortz..

  A025001295 

 La cinquiesme, pour l'union entre les Princes chrestiens et pour toutes les necessités publiques.

  A025001299 

 On ne dit rien de l'orayson, parce que l' Introduction a [164] la Vie devote suffit pour y dresser les ames qui n'en ont pas encor l'usage, et le Traitté de l'Amour de Dieu et plusieurs autres livres qui traittent de cette matiere, avec les Entretiens, fourniront suffisamment de lumiere et d'addresse aux plus advancees; et qu'en fin, le Saint Esprit est le vray Directeur en ce chemin, quoy qu'il faille tous-jours marcher appuyees sur le conseil de la Superieure, laquelle, autant qu'il luy sera possible, doit ayder et advancer les ames en cet exercice, comme tres important et utile en la vie spirituelle..

  A025001302 

 Et de plus, s'il se treuve [165] quelques ames, voire mesme au Novitiat, qui craignent trop d'assujettir leur esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuidance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que, pour l'ordinaire, celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A025001302 

 Le Directoire propose quantité d'exercices, il est vray, et il est encores bon et convenable, pour le commencement, de tenir les espritz rangés et occupés.

  A025001302 

 Mais c'est a la Superieure a reconnoistre et discerner l'attrait interieur et l'estat de chacune de ses filles en particulier, affin qu'elle les conduise toutes selon le bon playsir de Dieu.

  A025001302 

 Mays quand, par le progres du tems, les ames se sont exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors il faut que ces exercices s'unissent en un exercice de plus grande simplicité, a sçavoir: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu, ainsy que l' Exercice de l'union marque, de sorte que cette multiplicité se convertisse en unité.

  A025001308 

 Et si c'est la Directrice qui les envoye, elles feront l'enclin a la Superieure des la place ou elles seront..

  A025001309 

 Si tost que l'Obeyssance sera donnee, que les Novices se retirent promptement au novitiat, se mettant plus particulierement [166] en la presence de Dieu, luy demandant sa grace affin de bien prouffiter des enseignemens qui leur seront donnés.

  A025001312 

 Les Novices professes ne seront obligees de demeurer dans le novitiat sinon tandis que l'on y prattiquera quelques uns des exercices, et elles s'addresseront a la Directrice pour toutes leurs necessités, horsmis quand elles seront en la presence de la Superieure, et luy rendront conte seulement une fois la semaine..

  A025001315 

 Et doivent, selon la signification de leur nom, se tenir pour les moindres et dernieres de toutes, et par consequent estre grandement humbles, servant et respectant un chacun avec une sousmission remarquable..

  A025001315 

 Les Novices ne lairront pas de faire leurs ouvrages au novitiat en tous tems, excepté lhors que la Directrice [167] leur parlera a toutes en commun le mercredy matin, apres les coulpes.

  A025001318 

 Toutes les Seurs doivent estre fort attentives et tres affectionnees a se perfectionner selon leur Institut par une ponctuelle observance, rapportant a cela toutes les lumieres qu'elles recevront, tant aux lectures, conferences, oraysons, predications qu'autrement, d'autant que les preceptes de toutes vertus et perfections sont enclos dans leurs Regles et Constitutions, et ne doivent rien tant craindre sinon que l'on vienne a les negliger, et, par ce moyen, a se relascher de cette exactitude tant necessaire..

  A025001319 

 Et sur tout il est requis, disoit nostre bon Seigneur et Pere avec des paroles tres pregnantes, que les Seurs continuent a se descouvrir a la Superieure [168] avec l'entiere simplicité et sincerité que la Constitution marque; et que, reciproquement, les Superieures ayent un tres grand soin de conserver cette confiance filiale des Seurs en leur endroit par un amour tout cordial et respectueux.

  A025001320 

 En signe dequoy, lhors qu'elles luy rendent conte de leur conscience, elles se mettront a genoux, s'humiliant non seulement de cors, mais aussi de cœur et d'esprit, pour recevoir les advis, remonstrances et corrections qu'elle leur fera, tout ainsy que de la propre bouche de Dieu.

  A025001320 

 Les Seurs rendront aussi un grand respect a la Superieure, regardant Dieu en elle et l'honnorant comme l'organe du Saint Esprit.

  A025001321 

 Les Novices recevront de mesme esprit les advertissemens de leur Maistresse..

  A025001321 

 Qu'elles se gardent donq bien de croire, quand on les corrigera ou qu'on leur fera des advertissemens, que cela se face par passion ou mauvaise volonté; ains qu'elles tiennent pour asseuré que c'est une vraye marque de l'amour qu'on leur porte, et du desir qu'on a de les voir perseverer en leur vocation et parvenir a une tres haute perfection.

  A025001321 

 Que si par rencontre elle mortifie quelque Seur, elle se mettra soudain a genoux, demeurant ainsy, les yeux bas et les mains jointes, jusques a ce que la Superieure cesse de parler a elle; puis elle baysera terre, et si la Superieure est encores presente, elle luy fera un grand enclin en se relevant: car il leur sera tres utile de recevoir en cette sorte les mortifications et humiliations, comme remedes convenables et necessaires a leurs maladies, s'imaginant qu'elles sont ainsy que des petitz enfans auxquelz la douce et charitable mere donne l'absinthe et le chicotin, drogues tres ameres, l'une pour les garentir des vers, l'autre pour les [169] sevrer de la mammelle et les accoustumer aux viandes solides.

  A025001327 

 Et quand le monde les tiendra pour telles et les mesprisera, qu'elles reçoivent le mespris comme chose tres convenable a leur petitesse et un gage pretieux de l'amour de Dieu envers elles; car Dieu voit volontier ce qui est mesprisé, et la bassesse aggreee luy est tous-jours fort aggreable.

  A025001327 

 Les Seurs doivent continuellement aspirer a la veritable et sincere humilité de cœur, se tenant basses a leurs yeux.

  A025001328 

 Cela nourrira en elles la sainte paix et tranquillité de cœur qui leur a esté si souvent recommandee; a quoy servira encores qu'elles ne se plaignent point, les unes parmi les autres, de leurs tentations, desgoustz, aversions et difficultés, ni mesme des incommodités corporelles, sinon a la Superieure..

  A025001329 

 Qu'elles facent grande profession de ne se point excuser, non seulement sur les advertissemens, mais encores es fautes legeres..

  A025001330 

 La suavité et douceur de l'Institut doit paroistre en toutes les actions des Seurs, de maniere que s'il arrive a quelqu'une de dire a une autre des paroles seches ou tant soit peu contraires a l'humilité, elle doit incontinent luy demander pardon, se mettant a genoux et baysant terre; ce que l'autre Seur fera pareillement, usant de quelque trait de cordialité en son endroit..

  A025001331 

 Mais quand il sera requis de faire quelque present, la Superieure le doit donner ou faire donner au nom de toute la Communauté, et se tenir, mesme en cela, dans les bornes de la modestie, de l'humilité et pauvreté religieuse, qui sont les vertus propres et particulierement recommandees aux Filles de la Visitation..

  A025001331 

 Or, ce n'est pas a dire que les Seurs puissent d'elles mesmes donner aucune chose, car il ne leur est pas seulement loysible de se prester ou [171] donner les unes aux autres chose quelconque sans licence.

  A025001331 

 Quand donq les Seurs parleront de leurs defautz et de ce qui touche a leur personne, elles useront du terme singulier, comme par exemple: J'ay rompu le silence; je suis imparfaite; j'ay mal a la teste, et semblables.

  A025001332 

 Il ne leur sera jamais loysible d'y manger; et, tant qu'il se pourra, on les exemptera d'y aller la matinee des festes, au tems du Caresme, de l'Advent et pendant les retraittes; mais neanmoins la Superieure le leur permettra pour les occasions qu'elle jugera a propos..

  A025001332 

 Les Seurs s'essayeront d'estre courtes et retenues au parloir, mesme avec les personnes spirituelles, parce qu'aux longs entretiens il se glisse facilement des superfluités et oysivetés de paroles.

  A025001336 

 Elles feront demy heure d'orayson pour les pecheurs aux troys jours de caresme prenant, devant ou apres la lecture..

  A025001337 

 Les Monasteres qui sont plus commodes pourront [172] et feront tres bien de secourir charitablement ceux qui se treuveront en necessité, prenant neanmoins l'advis et permissions des Superieurs lhors qu'il s'agira de chose notable; et que cela se face sans aucune alienation des fonds et revenus des monasteres.

  A025001337 

 S'il arrive quelques inconveniens remarquables ou chose qui peust grandement ayder les autres Monasteres et leur donner lumiere, elles s'en advertiront..

  A025001338 

 Elles ne doivent jamais parler des autres Monasteres qu'avec beaucoup d'honneur et de respect, louant et approuvant les vertus qui s'y prattiquent.

  A025001338 

 Et que les Superieures ne permettent point qu'on parle dans leurs Communautés des defautz qui s'y pourront commettre, ni mesme en ceux des autres Ordres, lesquelz elles doivent beaucoup honnorer, mais en parler peu, a cause de l'inconstance de l'esprit humain.

  A025001338 

 L'union et parfaite charité doit estre si entiere et indissoluble entre les Monasteres, que jamais il n'y ayt proces, ni aucune mauvaise intelligence.

  A025001339 

 Les Superieures doivent avoir un tres grand soin et affection de conserver la sainte amitié avec les autres Monasteres, et pour cela elles doivent s'escrire au moins une fois ou deux l'annee, voire plus souvent entre les Maysons proches, pour s'encourager a la parfaite observance et se communiquer cordialement les benedictions extraordinaires dont Dieu gratifiera leurs Communautés..

  A025001340 

 Les Seurs porteront un grand respect a la parole de Dieu, de quelle part qu'elle leur soit annoncee, l'escoutant avec attention et reverence; et feront le mesme de toutes les choses saintes et des vertus, desquelles elles parleront avec honneur et devotion, sans les retourner en recreation.

  A025001341 

 Tant qu'il se pourra bonnement, la Superieure fera qu'il y ayt predication toutes les festes solemnelles de l'annee, tous les premiers Dimanches du moys, les Dimanches et festes de l'Advent, les Dimanches du Caresme et une ou deux fois la semaine..

  A025001342 

 C'est aussi a sa discretion de les coupler deux a deux, ou plusieurs ensemble, ou de les laisser en liberté de se coupler elles mesmes, ou bien la Superieure avec les Professes, et les Novices ensemble; mais non point dans les cellules, ni les Aydes aussi quand elles s'entretiennent a la fin du moys, sinon qu'elles ayent congé..

  A025001342 

 Les Seurs auront un jour tous les moys pour s'entretenir toutes ensemble et pour se recreer saintement par forme de conference spirituelle, environ une heure du silence de l'apres disnee, ou autre heure que la Superieure jugera a propos.

  A025001345 

 Les Seurs seront en liberté d'aller visiter le saint Sacrement, pour faire courtement quelques actes d'adoration..

  A025001347 

 D'aller au chœur les festes entre Prime et Tierce pour environ demy heure..

  A025001349 

 De se pourmener ou retirer en solitude entre les Offices du matin et autres heures qui ne sont de communauté, en [174] faysant leurs ouvrages, en sorte toutefois que cette liberté ne nuyse point a la retraitte et recueillement..

  A025001351 

 De chanter des cantiques spirituelz aux recreations et mesme au silence, mays fort doucement et en sorte que cela ne distrayse point les autres..

  A025001352 

 De parler au silence pour les choses vrayement necessaires, pourveu que ce soit bassement et courtement, comme elles doivent faire aussi par tous les lieux d'ou elles peuvent estre entendues des seculiers..

  A025001353 

 De se retirer pour quelque peu en solitude lhors que, pendant le silence, elles travaillent plusieurs en mesme ouvrage, si elles pensent en avoir besoin; mais elles ne quitteront jamais les exercices communs pour aucun ouvrage, si la necessité n'estoit fort extraordinaire..

  A025001355 

 L'esté elles pourront se pourmener un peu aux recreations, en faysant neanmoins leurs ouvrages; les jours de feste aussi, apres le rapport des lectures, s'entretenant saintement..

  A025001365 

 Les chaires seront mises en sorte que le praedicateur ayt le visage tourné partie du costé des Seurs et partie du costé du peuple, de maniere que tous le puissent commodement voir et ouïr, autant que faire se pourra; et le sermon se fera, le praedicateur estant tous-jours assis et couvert, soit que ce soit le celebrant ou que ce soit un autre..

  A025001376 

 Il est vray que cette Mayson est une mayson du Seigneur, en laquelle est convenable toute sainteté; et celles qui y habitent doivent de tout leur cœur et tous les jours de leur vie prattiquer la parole de Nostre Seigneur: Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy [178] mesme, prenne sa croix et me suive.

  A025001376 

 Il me reste seulement a vous dire que, comme vostre dessein de faire une vie de si excellente perfection ne peut estre prattiqué que parmi plusieurs contradictions, difficultés et travaux tant exterieurs qu'interieurs, aussi Dieu tout puissant et tout bon, qui par sa misericorde vous y a appellee, vous assistera de sa sainte protection, pourveu que, avec fidelité et humilité, vous suivies et secondies les attraitz et operations de sa grace..

  A025001387 

 Ce qu'estant dit, il se levera, et se tournant devers l'autel ira du costé de l'Epistre, ou les prestres et clercz assistans luy presenteront les habitz et les voyles blancz, avec l'eau benite et l'encens.

  A025001396 

 Apres cela on benit les voyles blancz en disant:.

  A025001403 

 Apres lesquelles oraysons il jettera de l'eau benite en forme de croix sur les habitz et sur les voyles, et les encensera de mesme façon; et les assistans porteront les habitz ou pour estre receuz dedans le chœur des Seurs, s'il se peut, ou dedans le tornet de la sacristie des Seurs, ou la Sacristaine les ira prendre..

  A025001422 

 15. Et finalement il jette de l'eau benite sur elle sans [182] autre chose dire, et les Seurs commencent a chanter les Psaumes qui seront ci apres marqués, tandis que l'on va vestir la nouvelle Seur dans la sacristie des Seurs ou ailleurs, hors du chœur.

  A025001422 

 Ce qui se fera le plus vistement qu'on pourra, affin de ne pas faire beaucoup attendre le Celebrant, lequel aussi, de son costé, s'estant retiré dans la sacristie des Prestres, se preparera pour venir dire la sainte Messe a mesme tems que les Seurs avec la nouvelle Novice seront retournees au chœur, et auront achevé de chanter, ou tous, ou partie des Psaumes marqués pour cet effect..

  A025001428 

 Lequel Gloria Patri ne se devra dire qu'a la fin du dernier Psaume, quand les Seurs voudront achever de chanter..

  A025001429 

 Et les Seurs incontinent apres chanteront:.

  A025001434 

 Apres quoy, l'on entonnera le Psalme Laudate, pueri, Dominum, lequel toutes les Seurs iront chantant de chœur en chœur alternativement, s'en allant droict au novitiat pour faire escrire la reception de la nouvelle Seur..

  A025001437 

 Est a noter finalement, que soit qu'il y ayt plusieurs prætendentes a voyler ou une seule, les Oraysons de la benediction des voyles et habitz se fera en nombre plurier, dautant que les voyles et habitz seront indistinctement appliqués a l'usage commun de toutes les Seurs; mais en toutes les autres Oraysons, le Celebrant changera le nombre, selon qu'il y aura ou une ou plusieurs pretendantes..

  A025001457 

 Je me suis volontairement despouillee des robbes mondaines; jamais, Dieu aydant, je ne les reprendray.

  A025001459 

 Nous nous sommes volontairement despouillees des robbes mondaines; jamais, Dieu aydant, nous ne les reprendrons.

  A025001474 

 La Novice joignant les mains et comme acceptant la benediction qui luy est predite, elle dira: [187].

  A025001500 

 Ouy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy (ou leur) souhaitent le bonheur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face (ou elles facent) maintenant les vœux sacrés et la sainte Profession, selon qu'il est requis a cet effect..

  A025001503 

 Sur cela la Novice et les Seurs qui l'assistent, se levant, font la genuflexion, et la Novice venant s'agenouiller sur le marchepied proche de la grille, demeurera un peu en silence, les mains jointes, les yeux baissés, et les assistentes se mettront a genoux a costé de la Novice.

  A025001503 

 point de leur reception, et on donnera a toutes les Seurs un petit cierge allumé en leurs mains.

  A025001517 

 O Cieux, oyes ce que je dis; que la terre escoute les propos de ma bouche.

  A025001517 

 O mon Dieu, je vous fay vœu de vivre en perpetuelle chasteté, obeissance et pauvreté, selon la Regle de saint Augustin et les Constitutions de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation, pour l'observation desquelles j'offre et consacre a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge Marie vostre Mere, nostre Dame et a laditte Congregation ma personne et ma vie..

  A025001518 

 Receves moy, o Pere eternel, entre les bras de vostre tres pitoyable paternité, affin que je porte constamment le joug et le fardeau de vostre saint service, et que je m'abandonne a jamais totalement a vostre divin amour, auquel derechef je me dedie et consacre..

  A025001521 

 Quand elles seront plusieurs, elles diront l'une apres l'autre les paroles de la Profession:.

  A025001523 

 Receves nous, o Pere eternel, entre les bras de vostre tres pitoyable paternité, affin que nous portions constamment le joug et le fardeau de vostre saint service, et que nous nous abandonnions a jamais et totalement a vostre divin amour, auquel derechef nous nous dedions et consacrons..

  A025001525 

 Des icy, les Seurs disent l'une apres l'autre ce qui s'ensuit, si elles sont plusieurs:.

  A025001527 

 Les vœux achevés, les Seurs se levent, tournees l'une devant l'autre, et chantent le Psalme suyvant:.

  A025001543 

 Receves, ma fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de tous les Saintz, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles..

  A025001552 

 Ceci vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regars des hommes, et un signe sacré affin que vous ne [192] recevies jamais aucun signe d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025001563 

 Les Seurs respondent en chantant:.

  A025001565 

 Puis la Seur s'estend sous le drap qui sera preparé au long de la grille; les deux assistentes la couvrent, et une des Seurs dit au milieu du choeur la Leçon suivante:.

  A025001567 

 Apres quoy, toutes les Seurs disent alternativement:.

  A025001576 

 Leves vous, vous qui dormes; releves vous d'entre les mortz, et Jesus Christ vous illuminera..

  A025001577 

 Alhors les deux assistentes descouvriront la Novice, laquelle [193] se leve incontinent debout; et le Celebrant, luy mettant un cierge en la main, dit:.

  A025001603 

 Lhors la Seur et les assistentes font la genuflexion, et on entonne le Psalme suivant, pendant lequel on coiffe la Seur:.

  A025001606 

 Il est a noter que tandis qu'on fait le sermon, les Seurs devront estre assises de chœur en chœur en leurs sieges, excepté la Novice et les assistentes, qui sont sur des sieges a trois ou quatre pas de la grille, eslevés..

  A025001607 

 Tout le reste de la ceremonie se fait comme a la reception des Novices, ainsy qu'il a esté dit au commencement; excepté qu'en conduisant la nouvelle Seur on chante le Psaume Laetatus sum in his quae dicta sunt mihi, etc., et que les Seurs tiennent tous-jours leurs cierges allumés, horsmis le tems de la Communion, et que l'on benit les habitz le jour precedent, affin que la Seur les prenne le matin..

  A025001616 

 Mays quant a l'entree des femmes, on observera les pointz suivans: 1.

  A025001616 

 Une femme de dehors entrant dedans la Mayson, on sonnera une clochette pour advertir toutes les Dames de se retirer chacune en sa chambre ou au lieu de son office.

  A025001617 

 Item, elles demeureront autant esloignees de la treille qu'il faut pour n'estre point touchees, ni en leurs habits ni autrement, par ceux qui leur parleront; et tous-jours s'observera que les Dames ne parlent a personne en secret, c'est a dire sans qu'elles puissent estr'ouyes de leur assistente, sinon avec la licence de la Superieure, et jamais sans qu'elles puissent estre veues d'icelle.

  A025001617 

 Mays quant aux autres personnes auxquelles il est requis de parler sans qu'elles entrent, soyent hommes, soyent femmes, elles viendront aux treilles ou deraize du chœur de l'eglise, ou a l'autre qui est a la porte; et la, les dittes treilles estant fermees, les Dames qui seront appellees pour leur parler viendront voylees, et ne parleront point autrement, sinon que la Superieure juge quil faille [198] faire d'autre sorte.

  A025001620 

 A six heures elles souperont; et l'orayson des cinq heures, qui se commencera par les Letanies, en sorte que le tout soit achevé un quart d'heure avant le soupper.

  A025001622 

 Et de deux a trois elles pourront s'assembler pour, toutes ensemble, reprendre haleyne a chanter des cantiques et ouyr la leçon spirituelle qui se fera de demi heure; en sorte que le tout cesse un peu devant Vespres, c'est a dire quand le premier son de Vespres se fera, car alhors une chacune pour[ra] aller prendre les commodités requises pour retourner en l'oratoire..

  A025001623 

 Et seront employees toutes les heures proportionnement a ce qui a esté dit cy dessus, en retardant le tout d'un'heure, hormis la sainte Messe qui se dira tous-jours a 9, ou environ..

  A025001626 

 Les ouvrages qui seront donnés de dehors seront receuz ou par la Superieure ou par celle qu'elle deputera, sans que celles qui les font en traittent en aucune façon.

  A025001628 

 On ne recevra aucune besoigne a faire, sinon que les matieres [200] soyent donnees par ceux qui la donneront; et la Superieure traittera du prix des besoignes charitablement, et non exactement..

  A025001629 

 Elles jeusneront, outre les jeusnes commandés, les vendredi de toute l'annee, sinon ceux esquelz escherra quelque feste solemnelle, ou les testes de Nostre Dame; car, quant aux testes de Nostre Dame, elles auront jeusné la veille..

  A025001631 

 La sainte Communion generale se fera toutes les Dimanches et testes de commandement; et, outre cela, selon quil sera advisé par le directeur, avec le congé de la Superieure..

  A025001633 

 Les habitz seront noirs, et extremement simples tant en la matiere qu'en la forme, avec des voyles d'estamine..

  A025001634 

 Les litz simples et de mattelatz, avec des tours de litz d'estoffe simple..

  A025001636 

 Toutes les lettres qui arriveront de dehors aux Dames, seront premierement remises a la Superieure, qui les verra avant celle a qui ell'est addressee, pour la luy donner si bon luy semble; comm'aussi nulle Dame n'escrira sans congé et sans avoir monstré sa lettre a la Superieure, qui.

  A025001637 

 Tous les messages qui s'addresseront aux Dames seront premierement faitz a la Superieure, qui les fera faire ou retenir ainsy qu'ell'advisera estre expedient..

  A025001647 

 Des quatre feuilles qui le composent, les deux premières sont plus petites (19 cm. 1/2 X 14); les deux autres ont 29 cm.

  A025001647 

 Malgré cette différence de format, il est évident que ces seize pages sont d'une seule rédaction: le texte se suit parfaitement; on peut même dire que le Saint dut écrire sans interruption notable les douze premières pages: plume, encre, mouvement de la main sont les mêmes partout.

  A025001647 

 Par contre, il y a quelque différence entre ces douze pages et les quatre dernières: celles-ci sont de la même époque, sans doute, mais écrites peut-être à quelques semaines d'intervalle: la main semble plus reposée, les caractères sont plus serrés et plus droits, c'est une autre plume.

  A025001648 

 Après les quatre pages de Gennes et Annecy (Ms. F), le Ms.

  A025001649 

 Quelle est sa date? — Juin-juillet 1610 paraît convenir, d'après les observations suivantes:.

  A025001653 

 H, dont il est parlé ci-après, il change: c'est la Supérieure qui fera cette réception; elle ôtera les «habitz et coeffeures» à la prétendante, qui «prendra les habits et coeffeures de la Mayson dedans le refectoir ou ailleurs.» Probablement, le Saint avait songé à donner plus de solennité à cette vêture lorsqu'il pensait faire prendre le voile dès le Noviciat; ce fut sa première idée (voir ci-dessus, p. 201, et ci-après, note 1315, p. 241)..

  A025001654 

 G ne se contredisent pas; la question du vocable ayant été assez débattue dès les débuts de la fondation, notre Saint put se décider et en parler à la Mère de Chantal avant le 1 er juillet, voire même rédiger le premier article des Constitutions avant cette date, tout en se réservant d'annoncer ce jour-là à ses Filles la résolution prise..

  A025001654 

 G; il semble donc que les premières Sœurs étaient déjà réunies.

  A025001654 

 La Mère de Chaugy raconte dans l' Histoire de la Fondation: «Notre B x Pere... fut long tems dans la pensee que nous nous appellerions les Filles de S te Marthe, chere et bien aimee hostesse du Sauveur du monde; mais Dieu luy donna quelque lumiere speciale qu'il vouloit que ce petit Institut s'honnora du nom de sa tres sainte Mere, et un matin, le saint Prelat, tout extraordinairement joyeux, dit a notre digne Mere: «Il faut que notre petite Congregation s'apelle la Visitation de Notre Dame, et que nous soions tout dediés au service de cette grande Reine du Ciel.» Dans l' Année sainte (ancien Ms. d'Annecy), l'annaliste relate que le 1 er juillet 1610 le Fondateur «fut visiter» les «premieres Meres dans la clôture de leur Noviciat, et leur dit qu'apres avoir mile fois pensé et repensé au nom particulier qu'il devoit laisser a la Congregation, il s'etoit enfin resolu qu'elle seroit nommee de la Visitation.» Les deux récits et le texte cité du Ms.

  A025001655 

 G.; les variantes entre celui-ci et les deux autres Manuscrits sont trop nombreuses pour être morcelées.

  A025001658 

 Il se compose de vingt pages du même format que les grandes du Ms.

  A025001658 

 La 13 e page et la moitié de la 14 e sont de la main du Saint; toutes les autres sont écrites par Pierre Thibaut, le jeune secrétaire et serviteur que lui envoya en mars 1608 la baronne de Chantal (voir tome XIII, note (980), p. 365) et qui fut le copiste de la première rédaction de l' Introduction a la Vie devote.

  A025001659 

 Les deux textes sont différents et corrigés par le Saint, mais le premier, qui se trouve aux pp.

  A025001659 

 Quant au texte qui occupe les pp.

  A025001660 

 Ce dernier est en partie de la main du Saint, en partie de celle de Thibaut; les deux pages sont autographes, et contiennent le premier jet de la formule de l'«Oblation»..

  A025001660 

 Elle comprend, dans le premier feuillet, les articles 19, 20, 21, 22; les articles 23-28 et le commencement du 29 e se trouvent aux pp.

  A025001661 

 Nous désignerons la feuille de Turin sous la lettre I, et les fragments de Caen et d'Annecy sous la lettre J1, J2..

  A025001662 

 H fut sans doute élaborée bientôt après les premiers essais, c'est-à-dire en juillet 1610; puis, de nouveau revue et corrigée les mois suivants; la date serait donc: juillet 1610-janvier 1611.

  A025001666 

 H les prescrit à l'article 9.

  A025001666 

 d) Outre les jeûnes de l'Eglise et des «vigiles de Nostre Dame», saint François de Sales note dans la même lettre ceux du vendredi; de fait, le Ms.

  A025001669 

 H, c'est la Supérieure qui le donne, avec les «coeffeures de la Mayson»; donc, ce Manuscrit est antérieur..

  A025001670 

 Les variantes reproduites ci-après, au bas du Ms.

  A025001673 

 L'article de l' Expulsion et les Trois souhaits (copie de ceux que saint François de Sales écrivit en 1611 au commencement du Livre du Couvent de la Visitation d'Annecy) sont d'une écriture beaucoup plus grosse, mais toujours de la même plume.

  A025001673 

 Le Manuscrit est une ancienne copie, tonte de la même main, sauf les deux premières pages dont le papier est plus blanc et les caractères plus récents.

  A025001674 

 H: on les trouvera conformes de tous points..

  A025001674 

 La transcription a dû être faite sous dictée; plusieurs fautes provenant de la même prononciation de deux mots différents, les erreurs dans le latin, l'absence de toute ponctuation semblent le prouver.

  A025001674 

 Les omissions sont rares, il y en a pourtant quelques-unes.

  A025001674 

 Malgré ces légères inexactitudes, le Manuscrit de Guingamp est certainement très authentique et par conséquent bien précieux; il suffit, pour s'en convaincre, de comparer certains articles avec les articles correspondants du Ms.

  A025001675 

 D'après le Directoire pour les Sœurs de la Congregation de la Croix etablie dans le Diocese de Treguier, on a dit au tome XVIII, note (1173), p. 357, que M me de Villeneuve, leur fondatrice, «obtint du Bienheureux une copie des Constitutions primitivement dressées» pour ses Filles; le P. de Salinis répète la même chose dans sa Vie de Madame de Villeneuve (Paris, Beauchesne, 1918).

  A025001677 

 — De tous les Manuscrits, celui de Guingamp (Ms. K) est le seul où figurent les articles: Du retranchement des sorties et De l'eslection de celles qui visiteront les malades; preuve qu'il est antérieur à la fondation du Monastère de Lyon (1615) où cette visite ne se fit jamais..

  A025001678 

 H reproduisent les corrections faites par le Saint à celui-ci (elles sont, dans notre texte, marquées d'un pointillé); c'est donc sur ce dernier ou sur une copie semblable qu'ils ont dû être transcrits..

  A025001678 

 — Les articles du Ms.

  A025001679 

 — Le nom de Dames qui se trouve toujours sous la plume du Fondateur dans les Mss.

  A025001680 

 — Les Jésuites de Saint-Acheul possédaient en 1894 deux pages qui représentent la minute de l'article 42 (Ms. N), et la Visitation de Bordeaux a celle de l'article 49 (Ms. O)..

  A025001681 

 H. Celui-là marque également que la nouvelle Novice recevra «les habitz et coeffures de la Mayson...dedans le choeur,» pendant le chant du Veni, creator; comme nous l'avons dit ci-dessus (p. 206, n° 2), cela se pratiqua pour la première fois le 6 juin 1611..

  A025001682 

 D'autre part, ce Manuscrit est antérieur au mois de décembre 1614, car le voile blanc n'y est pas encore prescrit pour les Novices; et, en effet, les premières voilées furent les Sœurs Paule-Jéronyme de Monthoux et Jeanne-Marie de la Croix, dont la vêture eut lieu le 27 décembre 1614.

  A025001684 

 a) L'addition faite à l'article I er, sur les Congregations «instituees par saint Charles, Cardinal Borromee,» donne à supposer qu'il en avait acquis une plus particulière connaissance; de même, la digression sur la différence de situation morale entre les «filles et femmes» d'Italie et celles des «païs de deça»..

  A025001685 

 b) Une autre addition, article 3, pour l'entrée des «peres, filz, freres,... oncles», en cas de très grave maladie, n'aurait-elle pas été motivée par les grandes maladies de la Mère de Chantal et par celle de Sœur Claude-Françoise Roget qui mourut en juin 1613? (Voir tomes XV, note (307), p. 106, et XVI, Lettre DCCCXCII).

  A025001686 

 c) Les prescriptions plus détaillées au sujet des femmes qui entrent pour plusieurs jours dans la Maison, surtout ces mots: «et s'en iront en leur païs», font songer au séjour que des dames de Lyon firent à Annecy avec M me des Gouffiers, du 28 mai jusque vers le 10 juin 1613.

  A025001687 

 K fut envoyée dans les deux villes..

  A025001687 

 d) A l'article 7, Du retranchement des sorties, il est dit: «Mais si la Congregation s'establissoit en quelque grande ville...» Or, [208] dans les derniers mois de 1613, non seulement de Lyon, mais aussi de Paris on faisait des démarches; vers le 8 novembre le Saint écrit à M me de la Fléchère: «On a envoyé prendre les Constitutions de Lyon, ou on projette d'en eriger une, et de Paris, pour voir si on en pourra desseigner un'autre.» (Tome XVI, p. 92.) Il est fort probable que la rédaction du Ms.

  A025001688 

 Ne serait-ce pas à la suite de ces faits que le Saint aurait écrit dans ses Constitutions: «Et bien que l'on pourra visiter et servir les malades riches, et principalement les dames et bourgeoises qui seront devotes et affectionnees a la Congregation...»?.

  A025001689 

 K. Le 12 juin 1612, les Sœurs Marie-Adrienne Fichet, Claude-Marie Thiollier et Anne-Jacqueline Coste firent l'Oblation; les Sœurs Claude-Agnès de la Roche et Marie-Aimée de Blonay, le 10 janvier 1613.

  A025001691 

 Ce Manuscrit est donné ci-après comme texte, avec les variantes du Ms.

  A025001691 

 Les divers Manuscrits sont ainsi désignés:.

  A025001706 

 En quoy il y a beaucoup de perte et de sujetz de compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame bien vertueuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire qu'avec mille difficultés et mille peynes, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuite qu'elle desire faire de la sainteté, estant retardee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas dommage de voir une vefve, laquelle n'aura peut estre bonnement d'affaires domestiques qu'elle ne puisse despecher en huit ou quinze jours chasqu'annee, pour ces huit ou quinze jours croupir et tremper toute l'annee dans les embarrassemens et inquietudes du mesnage, avec beaucoup de danger de perdre l'affection qu'ell'aura a sa viduité et a la continence viduale? [212].

  A025001706 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirent bien souvent de consacrer tous les momens de leur vie a l'amour et service de Dieu; lesquelles neanmoins, pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre des-ja affaiblies par l'aage, ou mesme pour avoir urgente obligation d'ordonner de tems en tems des affaires de leur mayson, ou bien, en fin, pour n'estre pas disposees ni inspirees [211] d'embrasser une vie austere et rigoureuse, né peuvent pas entrer es Religions formelles, et par consequent sont contraintes d'arrester au monde emmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposees aux perpetuelles distractions et aux dangers et occasions de pecher et vivre sans devotion.

  A025001707 

 Afin donq que telles ames pleines de bonnes affections ayent moyen, parmi tous ces empeschemens que nous avons dit, de se retirer du monde, fuir les occasions du peché et s'appliquer plus doucement et parfaittement a l'exercice du divin amour, cette devote Congregation a esté dressee et procuree, sur l'exemple de celles qu'a mesme intention furent instituees par saint Charles, Cardinal Borromee, en son diocese de Milan, et de celle de sainte Françoise, de Rome..

  A025001708 

 C'est pourquoy il a esté convenable de ranger toutes les femmes et filles de la Congregation dans une mayson ou elles soyent a l'abri et hors du commerce des hommes, pour, avec moins d'empeschement et de danger, suivre leur entreprise..

  A025001708 

 Il est vray que les Congregations erigees par saint Charles Borromee n'obligent pas des filles a se retirer ensemblement dans une mayson, bien que plusieurs neanmoins l'ayent fait avec une tres grande utilité et edification dans la ville de Milan, ou il y a plusieurs telles Congregations retirees ensemblement dans les maysons; ains et seulement [à] s'assembler de tems en tems pour rendre conte de leur vie et s'unir en leur entreprise.

  A025001708 

 Mays il faut considerer aussi qu'en Italie les filles et femmes sont presque autant asseurees et separees de la conversation des hommes dans leurs maysons paternelles comme si elles estoyent dans un Monastere; ou au contraire, es païs de deça elles ne sçauroyent demeurer chez elles ni chez leurs parens qu'elles ne soyent perpetuellement inquietees et attaquees des conversations et rencontres d'hommes, a [213] cause de la grande liberté qui regne pour ce regard.

  A025001719 

 Plusieurs femmes et filles ont souvent des grans desirs de servir purement et particulierement a Nostre Seigneur en luy dediant et consacrant tout leur estre et tous les momens de leur vie, lesquelles neanmoins, ou pour l'imbecillité de leur [santé et] complexion corporelle, ou pour estre des-ja trop aagees, ou [bien encor] pour avoir des urgentes [necessités] obligations de revoir a certains tems les choses de leurs maysons, ou en fin pour [n'avoir pas l'esprit disposé a vouloir...] n'estre pas inspirees ni disposees a embrassé [211] ( sic ) un Institut austere, ne [pourroyent] peuvent pas entrer en une Religion formelle.

  A025001720 

 Affin donq que telles ames pleynes de bonnes affections peussent parmi tout cela [avoir... faire une retraitte du...] se retirer du monde, fuir [toutes] les occasions du peché et s'employer et [dedier] donner pleynement au saint amour de Dieu, cette benite Congregation a esté dressee: laquelle ayant deux principaux exercices [213], l'un de contemplation et orayson, qui se prattique principalement dedans la mayson, l'autre du service des pauvres, qui se prattique hors de la mayson, ell'a convenablement choysi pour Patronne N. D. de la Visitation, puisqu'en ce mistere la glorieuse [Vierge], faysant cet acte solemnel de sa charité envers le prochain que d'aller servir sa cousine es travaux de sa grossesse, [rendit neanmoins ce...] chanta neanmoins ce cantique si spirituel, si relevé et si contemplatif du saint Magnificat..

  A025001723 

 On pourra donq recevoir en cette Congregation les vefves desquelles les enfans sont dehors de leurs maysons [214], comme aux estudes, aux cours et ailleurs, bien qu'elles fussent obligees d'avoir le soin general d'iceux et de leurs affaires; pourveu que tel soin ne les oblige pas a resider en leur mesnage, ains puisse estre executé en peu de jours, comme seroit de faire rendre conte a ceux qui manient leurs affaires une foys l'annee, et telles autres occurrences; car pour cet effect telles vefves pourront aller ou il sera requis, sous les conditions qui seront dittes ci apres..

  A025001724 

 De mesme pourront estre recettes les vefves et filles qui pour l'infirmité de leur santé ne se peuvent ranger es Religions, pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat, pour vivre sous l'obeissance et en la prattique de la devotion.

  A025001724 

 On excepte neanmoins celles qui auroyent quelque mal contagieux et dangereux, comme les escrouelles, la lepre et autres semblables.

  A025001725 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution [215] de mespriser le monde, vivre humblement, doucement et avec une parfaitte obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités ni des liens si indissolubles comme les Religions formelles et Congregations regulieres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution suppleent a tout cela et tiennent heu de loix, de vœux et de jurisdiction, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025001731 

 On recevra donq en cette Congregation: les vefves desquelles les enfans seront hors de leurs mains, es estudes, es cours et ailleurs, [214] bien que pour la conservation des biens d'iceux elles soyent obligees de prendre quelque soin general des affaires de leurs ( sic ) mayson, comme seroyt de faire rendre conte a ceux qui les manient une foys l'annee, ou de les admodier; pourveu que tel soin puiss'estre executé en peu de jours, car pour cet effect telles vefves pourront sortir et aller ou il sera requis, ainsy quil sera dit ci apres..

  A025001732 

 De mesme pourront estre receues en cette Congregation les femmes et filles qui, pour l'imbecillité de leur santé et complexion corporelle, ne peuvent entrer es Religions, pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat et propre aux saintz exercices de cet Institut; exceptant neanmoins celles qui auroyent quelque mal contagieux ou dangereux, comme les escrouelles, lepre, le haut mal et autres semblables..

  A025001733 

 Sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher l'humilité et soupplesse de cœur; car cette Congregation [215] n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des regles si fortes comme celles des Religions, il faut que la douceur et bonté du cœur supplee a tout cela, et qu'elles [y soyent comme ces petitz enfans qui se layssent conduire par la main en toute simplicité...] servent de [murailles], loix, de vœux et de jurisdiction..

  A025001737 

 Le principal point de la clausure des femmes est qu'on n'entre point en leurs Maysons, et notamment les hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la mayson de la Congregation, sinon quand la chose pour laquelle ilz entrent ne peut estre executee autrement qu'en entrant, et lhors il faut que ce soit avec la licence [216] par escrit de l'Evesque, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025001738 

 Or, le medecin, cyrurgien, Confesseur, ou manœuvre devant entrer par necessité en la Mayson, il sera conduit au lieu ou il doit faire sa charge par deux des Dames qui feront auparavant sonner une clochette qui s'entendra parmi la Mayson, affin que l'on sache quil y a des hommes dedans, et que toutes se retirent en leurs chambres et au heu de leurs offices, sans qu'il soit permis a aucune de se tenir en lieu ou elle puisse rencontrer ceux qui entrent, sinon que la Superieure les fit appeller pour cela..

  A025001739 

 Celles qui les [217] accompaigneront ne deviseront point avec eux, sinon pour respondre simplement de la disposition des malades..

  A025001739 

 Et en fin, tant les uns que les autres ayant fait leur devoir, seront reconduitz droit pour se retirer.

  A025001739 

 Le medecin et cyrurgien feront tous-jours leurs charges en presence de deux Dames qui les accompaigneront; et quant au Confesseur, tandis quil confessera les malades qui ne peuvent venir a la treille, ou quil donnera l'Extreme Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il fera le tout en sorte quil soit veu des deux Dames qui l'accompaigneront.

  A025001740 

 Or, outre ceux lâ qui pour telles necessités urgentes entreront dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Dames, les peres, filz, freres et les oncles, freres des peres ou des meres, pourront entrer pour visiter leurs filles, meres, seurs et nieces quand elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir, et qu'on jugera leur maladie devoir estre perilleuse.

  A025001740 

 Que sil se peut bonnement faire, telz parens n'entreront qu'avec le medecin ou Confesseur, affin qu'on ne multiplie pas les entrees.

  A025001745 

 Quant au premier, [nul homme du monde ne peut aucunement entrer...] les hommes n'entreront point dans la mayson de la Congregation, sinon es cas esquelz il est permis de les recevoir es Religions les plus reformees du monde; comme sont les cas de vraye necessité, qui ne doivent estre jugés telz sinon quand [le Monastere] la Mayson a besoin de l'assistence et presence des hommes: comme des massons, charpentiers, medecins, cyrurgiens.

  A025001746 

 La clef de la porte [et de la grille] demeurera es mains de la Superieure, et [quant il faudra fair'entrer le medecin, ou le Confesseur, ou quelqu'autre homme, on sonnera une clochette au paravant...] le medecin, ou Confesseur, ou quelqu'autre homme entrant en la Mayson, il sera conduit droit au lieu ou il doit faire sa charge (sans qu'il luy soit loysible de divertir ailleurs) par deux des Dames qui feront au paravant sonner une clochette parmi la Mayson, affin que toutes les autres se retirent en leurs chambres, ou au lieu de leurs offices; et ne sera permis a aucune de [venir rencontrer...] se tenir en lieu ou elle puisse estre veue ou rencontree de ceux qui entreront, sinon que la Superieure la fit appeller pour cela..

  A025001747 

 Et en fin, tant les uns que les autres ayants executes ( sic ) leurs charges, [seront] reconduitz droit, sans divertir ni s'arrester, pour se retirer comm'ilz sont venus..

  A025001747 

 Le medecin et cyrurgien feront leur ( sic ) charges tous-jours en presence des deux Dames qui les accompaigneront, [et ne diront... parleront...] Et quant au Confesseur, tandis quil confessera les malades qui ne peuvent venir a la [grillej treille, ou quil donnera [217] [le S t Huile] l'Extrem'Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il le fera [tous-jours a la veue...] en sorte quil puisse estre veu des Dames assistentes.

  A025001750 

 Mais quant aux femmes, elles pourront entrer dans la Mayson non seulement pour la necessité, mais encor pour l'utilité, consolation et edification de leurs ames, en observant neanmoins les conditions suyvantes:.

  A025001753 

 Tiercement, qu'a leur entree on observera ce qui s'observe a l'entree des medecins et cyrurgiens, horsmis que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entrent par celles des Dames que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors par les jardins; et pourra les admettre aux exercices de la Mayson, voire mesme a celuy de la recreation, s'il y a apparence que cela se puisse faire avec edification..

  A025001755 

 Cinquiesmement, on prendra garde que les femmes qui entreront ne troublent point le train ordinaire des exercices de la Mayson.

  A025001756 

 On excepte neanmoins les femmes estrangeres qui en autre tems n'auroyent pas commodité, lesquelles pourront estre consolees; comme aussi celles de la ville en cas que quelque urgente necessité spirituelle le requist..

  A025001756 

 Sixiesmement, les jours de feste les femmes n'entreront point en la Mayson, affin que les Dames, qui toutes auront esté communiees, ayent plus de repos pour traitter des choses spirituelles et caresser le celeste Espoux qu'elles auront receu.

  A025001757 

 Et qu'il n'y en ayt que trois au plus au mesme tems; et pendant que telles femmes seront en la Mayson, la Superieure, par soy mesme ou par l'une des Dames, les fera assister de conseil, livres et exercices propres au sujet pour lequel elles seront venues, tesmoignant tous-jours la cordiale charité de la Congregation envers elles.

  A025001757 

 Septiesmement, la Congregation devant avoir le service des pauvres en recommandation et n'y ayant point de pauvreté si grande que celle de l'ame, il sera permis de recevoir en la Mayson, mesme pour plusieurs jours, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se preparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leur vie auront besoin d'un peu de retraitte: a la charge qu'estant entrees elles obeissent a la Superieure, [220] sans sortir a la ville tandis qu'elles feront leurs exercices, ni permettre qu'elles soyent visitees; au moins, que celles qui les viendront visiter ne puissent entrer dans la Mayson, car autrement leur retraitte serviroit de distraction et a elles et aux Seurs, et se rendroit inutile.

  A025001758 

 En somme, il faut faire en sorte que quand les personnes entreront en la Mayson, le monde pourtant n'y entre point: ce qui arrivera si les Filles de la Congregation attirent par leurs devis, contenances et belles façons les femmes de dehors a parler modestement, chrestiennement, [221] spirituellement, ne voulant ouïr d'elles les nouvelles superflues, murmurations et autres devis importuns, mays monstrant un vray et naïf mespris de tout cela..

  A025001762 

 Mais quant aux femmes, elles pourront entrer dans la Mayson, non seulement pour les causes de necessité, mais aussi pour les causes d'utilité, comme de leur consolation et edification, en observant neanmoins ces conditions:.

  A025001763 

 Que ce ne soit pour (manger, boirej prendre aucun repas, ni pour coucher, ni pour y arrester apres le soleil couché, sil n'est expressement porté par la licence. 3. Qu'a leur entree on sonnera une clochette, differemment neanmoins que quand on sonne pour les hommes; et tout le reste s'observera comme a l'entree des hommes, sinon que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entreront par celles que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors, et les admettre a ffaire tous les exercices...] voir et se treuver aux exercices de l'orayson, de la leçon, voire mesme a celuy de la recreation, sil y a apparence que cela se puisse faire avec edification. 4. Mais en tous cas, nulle des Dames ne pourra [entretenir] parler a celle qui viendra de dehors qu'avec licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veue d'une Dame assistente; bien que [quelquefois] la Superieure puisse permettre, quand [bon luy semblera...] elle le treuvera a propos, que l'entretien se face sans que l'assistente puisse ouïr ce qui se dira. [5. On ne recevra a la fois que deux femmes...] [219].

  A025001764 

 Or, en tout et partout, on prendra garde que les femmes qui entreront ne troublent point le train ordinaire des exercices de la Mayson [tant quil sera possible...] que le moins quil sera possible; et pour cela, on n'en recevra que deux a la fois, ou trois au plus, car autrement il y auroit danger de grande distraction..

  A025001765 

 La Congregation [ayant la charité du prochain...] devant avoir le service des pauvres en recommandation, et n'y ayant point de pauvreté si grande que celle de l'ame, il sera permis de recevoir en la Mayson, non seulement pour un jour, mais pour plusieurs jours, ainsy quil sera requis, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se praeparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leurs vies, [demanderont] auront besoin d'un peu de retraitte; a la charge qu'estant entrees elles observent de point en point tous les exercices de la Mayson, [220] et qu'[on n'en reçoive au...] il n'y [en] ait au plus que trois a mesme tems..

  A025001767 

 Pendant le tems que telles femmes seront en la Mayson, la Superieure, ou par soymesme ou par une des Dames, les fera assister de conseilz, advis, livres et exercices propres a l'intention pour laquelle elles seront entrees, et aura soin de leur tesmoigner la cordiale charité de la Congregation.

  A025001778 

 Si les Dames de cette Congregation observent tant de discretion et de bon ordre a l'entree des personnes de dehors en leur Mayson, elles en doivent encor plus avoir es sorties qu'elles feront, afïin que, comme le monde n'entre point en leur Mayson encor que les personnes du monde y entrent, on puisse aussi dire qu'elles ne vont pas au monde encor qu'elles aillent parmi les lieux et personnes du monde, et qu'elles soyent comme l'huyle qui, passant entre les autres liqueurs, n'est pourtant jamais confuse, meslee ou alteree entre icelles..

  A025001779 

 A leur retour, elles rendront fidellement conte a la Superieure de tous leurs deportemens, et se remettront en la plus grande humilité qu'il leur sera possible, pour reprendre le train des exercices de la Mayson et reparer les pertes spirituelles que la sortie leur pourroit avoir apporté..

  A025001779 

 Elles se tiendront tous-jours proches l'une de l'autre, en sorte qu'elles se puissent voir et rendre tesmoignage de leurs actions, observant toutes deux, tant que faire se pourra, toutes les regles de la Congregation et les advis que la Superieure leur donnera a leur despart pour leur conduitte.

  A025001779 

 Et en ce cas, aucune ne sortira qu'avec une compaigne de la Congregation, laquelle tiendra place de la Superieure a l'autre, pour l'ayder et fortifier en la devotion contre les tentations que les connoissances et autres amorces domestiques luy pourroyent exciter.

  A025001779 

 Et en ce dernier cas, il sera requis que la sortie soit appreuvee par leur Pere spirituel et par la Superieure, avec licence par escrit qui contienne les causes de la sortie, les conditions d'icelle et la limitation du tems qu'elles pourront employer dehors.

  A025001780 

 Celles qui sortiront pour visiter les pauvres et malades seront tous-jours deux de compaignie qui ne s'abandonneront aucunement: l'une desquelles, selon que la Superieure l'aura designé, aura la charge de l'autre, laquelle [224] ne parlera ni ne fera chose quelcomque sinon a mesure que celle ci le luy signifiera; en sorte que l'une prattique la charité, et l'autre l'humilité, qui sont les deux grandes vertus de la Congregation et Visitation de Nostre Dame..

  A025001786 

 Mays quant aux jeunes qui sont encor tendres et nouvelles a la devotion, elles demeureront a l'abry dans la Mayson, laquelle par ainsy sera comme une ruche spirituelle, de laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des exercices interieurs sous le couvert, et l'autre sortira pour recueillir le suc des œuvres de misericorde entre les prochains qui sont emmi l'affliction comme des fleurs entre les espines..

  A025001795 

 [Cette Congregation estant erig...] Les Dames de la Congregation observant tant de discretion et de bon ordre en ce qui regarde l'entree des personnes de dehors vers elles, n'en doivent pas moins observer es sorties qu'elles feront, affin que, comme par les regles sus escrittes on empesche que le monde n'entre en leur Mayson avec les personnes [mondaines] du monde, aussi, par autres regles, on puisse les empescher d'entrer au monde lhors qu'elles sortiront et seront parmi les personnes du monde; [ains que, comm'un huile sacré, elles se meslent tellement...] car, comme l'huyle [se meslant avec...] passant entre les autres liqueurs n'est jamais pourtant confus ni meslé avec icelles, ainsy [doivent] les ames de cette Congregation [avoir un cœur si bien fait et des si bonnes...] doivent sortir emmi le monde sans s'affectionner au monde, ni s'infecter du monde..

  A025001796 

 Et en ce dernier cas, il sera requis que la sortie soyt appreuvee par l'Evesque ou son deputé, et par la Superieure, avec licence par escrit qui contienne les causes de la sortie et les conditions d'icelle, avec limitation du tems auquel [celles qui sortiront] elles pourront demeurer dehors..

  A025001796 

 Premierement donq: elles ne sortiront que pour des occasions ou extremement pieuses, comme le service des pauvres et malades,, a l'exemple des anciennes vefves de la primitive Eglise; ou extremement necessaires, comme quand les vefves, pour leur juste devoir, devront pour quelques jours aller mettr'ordre aux affaires [223] urgentes de leurs maysons, pour par apres se retirer avec plus de repos.

  A025001797 

 Celles qui sortiront pour visiter et servir les pauvres et malades seront tous-jours [accompaignees d'un'autre aussi, laquelle...] deux de compaignie, qui en toute leur visite ne s'abbandonneront aucunement; et l'une des deux, ainsi que la Superieure l'aura designé [224], aura la charge de l'autre, laquelle ne parlera ni fera chose quelcomque sinon a mesure que celle qui aura la charge le luy signifiera.

  A025001797 

 Et en cette sorte, l'une prattiquera la charité, et l'autre l'humilité, qui sont les deux principales vertus de la Congregation..

  A025001798 

 Elles ne s'amuseront point par les rues, ains rencontrant quelque personne a laquelle il faille parler, ce sera le plus courtement que faire se pourra..

  A025001803 

 Et par ainsy, toute la Mayson sera [comm'] une ruche spirituelle, en laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des oraysons et autres exercices interieurs, et l'autre sortira pour recueillir le [miel] suc des œuvres de misericorde entre les pauvres et affligés, qui [comme les roses entre...] sont aux yeux de Dieu des belles fleurs entre les espines..

  A025001806 

 Mais si la Congregation s'establissoit en quelque grande ville en laquelle les sorties pour visiter les malades particuliers [226] fussent perilleuses, ce seroit au Prelat du lieu ou de les retrancher du tout, ou de les limiter pour la Visitation seule des hospitaux et lieux pieux, ou pour la Visitation des maysons conneuës, ainsy quil l'estimeroit estre plus a propos.

  A025001809 

 Elles pourront encor sortir pour quelque grande et extraordinaire occasion: comme pour gaigner les Jubilés, quand il est porté par iceux que toutes personnes qui ne sont en rigoureuse clausure soyent tenues, pour gaigner l'Indulgence, de visiter les eglises designees.

  A025001809 

 Et lhors la Superieure donnera ordre qu'elles aillent trouppe a trouppe, et qu'en chasque trouppe il y en ayt une qui tienne sa place, sous l'obeissance de laquelle les autres marcheront.

  A025001810 

 Et quant aux sermons, les Seurs y pourront aller tantost les unes, tantost les autres, principalement a certains sermons signalés, n'estant pas expedient qu'elles viennent communement, tant pour eviter une trop grande distraction que pour garder la bienseance de leur retraitte.

  A025001810 

 Or, telles occurrences pourront estre diverses, comme par exemple: quand on celebreroit les Quarante Heures en la ville, quand on consacreroit un Evesque, lhors qu'en tems de calamité on feroit des prieres publiques avec quelque sorte d'ardeur et d'appareil particulier, et en telles autres qui pourroyent arriver et qu'on ne peut specifier.

  A025001814 

 Elles pourront aussi sortir pour quelques grandes et extraordinaires œuvres de pieté, comme pour gaigner les Jubilés, esquelz il est porté que toutes personnes qui n'observent pas la rigoureuse clausure soyent tenues, pour gaigner l'Indulgence, de visiter les eglises.

  A025001814 

 Et lhors elles iront la moytié ensemble une fois, et l'autre moytié l'autre fois, sinon que la Superieure jugeast plus a propos de partager en trois ou quatre trouppes, selon le nombre; mais, comme que ce soit, en chasque trouppe il y aura tous-jours une qui aura la charge, et les autres seront en obeissance.

  A025001816 

 Et tous-jours la compaigne tiendra lieu de Superieure a l'autre en faveur de laquelle la sortie se fera [sans toutefois employer la superiorité], employant cett'authorité pour ayder et fortifier la devotion de l'autre contre les [occasions] tentations que les connoissances et autres amorces domestiques luy pourroyent donner..

  A025001816 

 Quant aux sorties qui se feront pour plusieurs jours en affaires d'importance, et quand il sera jugé necessaire, ainsy quil a esté dit ci dessus [pour le regard des vefves qui ont quelque charge des maysons], il faudra observer qu'aucune ne sorte qu'avec une compaigne de la Congregation, et qu'au tems qu'elles seront dehors elles observent, tant que faire se pourra, les regles de la Mayson, [228] et principalement quant a l'orayson mentale, la confession et Communion.

  A025001820 

 La Superieure et les Seurs estant venues dans le refectoir ou en quelqu'autre chambre, ayant dit le Veni, creator Spiritus, toutes se mettront a genoux; la Superieure s'assiera, et les autres demeurant a genoux diront: Nous demandons l'obeissance pour aller visiter les malades de [229] Nostre Seigneur, affin qu'au jour du jugement il nous puisse dire, selon l'Evangile: J'estois malade, et vous m'aves visité..

  A025001822 

 Et les filles respondront: Nous treuvons qu'il est juste et raysonnable qu'en tout et par tout vous soyes la premiere a bien faire..

  A025001824 

 Et retenant avec soy l'Assistente et la Directrice, elles feront le choix des Seurs qui auront la charge de visiter, en observant de choisir celles qui auront l'esprit meur, doux, sage, discret, et lesquelles elles reconnoistront avoir du zele pour les ames et pour le bien du prochain.

  A025001825 

 La Superieure ordonnera donq, avec l'advis de l'Assistente [et] de la Directrice, tous les premiers jours du moys celles qui feront la visite des malades, ou les changeant, ou les continuant en leur obedience, [laquelle] se publiera au disner, immediatement devant Graces, en cette sorte: Telles et telles, de la part de cette Mayson, visiteront les malades de Nostre Seigneur, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A025001827 

 Celles qui sortiront le doivent faire de bon coeur, pour exercer la charité selon la volonté de Dieu, et penser que Nostre Seigneur, tandis qu'il vesquit en ce bas monde, quoy qu'il peust guerir les malades sans aller vers eux, voulut neanmoins plusieurs fois les visiter, les toucher, affin de nous donner exemple d'une cordiale affection et d'une sainte douceur envers les infirmes..

  A025001828 

 Elles se prendront garde de respandre par tout ou elles passeront et iront l'odeur des bons exemples et des parfums de sainteté es maysons esquelles elles entreront; et partant, elles se garderont de toutes babilleries et multitudes de paroles, de curiosité des affaires d'autruy et des nouvelles du monde, de toute dissolution tant de paroles que de gestes et actions; ains auront soin de se tenir en une sainte composition et contenance, et de dire des paroles d'edification, lesquelles elles avanceront sans affectation, mays avec une bonne et simple affection; non point magistralement et faysant les entendues, mais charitablement et humblement, quand les occasions et propos les y convieront..

  A025001829 

 Elles ne contrerolleront jamais ni d'une façon ni d'autre les medecins, apothicaires et cyrurgiens; ains avec simplicité serviront les malades en ce qu'elles pourront, secourant les pauvres malades necessiteux de ce qu'ilz auront besoin, selon les commodités de la Mayson, avec grande charité..

  A025001830 

 Quant aux hommes, elles ne les visiteront point que pour des maladies griefves et fortes, et lhors qu'ilz commenceront a se remettre elles cesseront de les visiter, ne laissant pas, en ce qu'elles pourront, de leur procurer du soulagement sans y venir elles mesmes; mays quant aux femmes, elles les assisteront tandis qu'elles auront besoin, sans tant de considerations.

  A025001831 

 Si en quelque logis de malade il se treuvoit des personnes indiscretes qui, par parolles ou gestes, violassent le respect deu a la qualité des Seurs qui visiteront, l'on en advertira soudain la Superieure, laquelle fera ou cesser les visites, ou, par des humbles et charitables advertissemens, fera sçavoir en la mayson qu'on visite que l'on desire continuer, a la charge que le respect deu a leur vocation soit gardé; ou on y pourvoira autrement selon les occurrences..

  A025001832 

 Si quelqu'un apres estre gueri veut remercier celles qui l'auront assisté, on ne le permettra pas, si quelque speciale consideration n'invite a cela; ains la Superieure, ou telle autre des Seurs qu'elle treuvera mieux, ira recevoir les remerciemens au nom de la Superieure, le plus court oysement que se pourra, sans affectation.

  A025001833 

 En la Visitation on devra procurer que les malades se disposent de bonne heure [à recevoir les Sacrements] et, par des bons propos, les exciter a l'amendement de vie ou avancement a la pieté.

  A025001834 

 Et bien que l'on pourra visiter et servir les malades riches, et principalement les dames et bourgeoises qui seront devotes et affectionnees a la Congregation, si est ce qu'il faut sur tout exercer cette charité envers les pauvres et destitués.

  A025001834 

 Et quant aux affligés, comme femmes desolees pour la perte de leurs proches, on pourra aussi les voir pour exercer la consideration en leur endroit, mays non par maniere de compliment, ains seulement lhors que vrayement on estimera de pouvoir alleger des desplaysirs ceux qui en auront..

  A025001838 

 Apres quoy, elles [233] feront quelque exercice corporel, selon que la Superieure ordonnera; pendant lequel tems elles demeureront toutes ensemble, sinon que les officieres ayent quelques affaires qui les appellent ailleurs.

  A025001838 

 Despuis Pasques jusques a la saint Michel: elles se leveront a cinq heures et demie, pour estre a l'orayson l'heure entiere de six a sept, laquelle l'on sonnera en clochant seulement durant trois Pater et trois Ave, et a celle fin que toutes les Seurs ayent commodité de s'assembler; et l'on la commencera par le Veni, Sancte Spiritus; a la fin de laquelle elles diront Prime a basse voix.

  A025001839 

 A huit heures on dira Tierce, et en chant, et tout consecutivement Sexte a basse voix; et apres on ouïra la sainte Messe, laquelle dite, on recitera Nonne a basse voix, sinon les festes que l'on la chantera.

  A025001842 

 Les Matines seront suivies de l'examen de conscience, lequel estant achevé on lira la matiere de la meditation du jour suivant; [235] apres quoy, toutes se retireront pour estre chacune couchee a dix heures precisement..

  A025001851 

 Despuis Pasques jusques a la feste S t Michel, les Dames de la Congregation se leveront a cinq heures, et feront leurs lictz et leurs chambres, en sorte qu'a six heures elles puissent entrer en l'orayson mentale, laquelle elles continueront jusques a sept heures, qu'elles diront Prime et Tierce [et Sexte].

  A025001852 

 A cinq heures elles feront l'orayson mentale qui se commencera par les Letanies, en sorte que le tout soit achevé a cinq heures trois quartz, qu'elles se relascheront un peu, en silence neanmoins, pour revenir souper a six heures..

  A025001853 

 Des le souper elles seront en recreation les unes avec les autres, jusques au premier son de Matines qu'elles se retireront en silence pour se treuver au chœur et commencer Matines a huit heures; apres lesquelles elles feront l'examen de conscience, qui estant [235] achevé, elles feront un peu de [leçon] lecture pour la meditation du jour suivant; et de la se retireront en silence, en sorte que toutes soyent couchees a dix heures..

  A025001854 

 Es jours de jeusne, qu'elles disneront apres onz'heures, elles rempliront les heures qui abonderont devant disner a faire desouvrages, [comm'aussi celles qui surabonderont apres... Mais apres disner elles employeront...] Et quant a l'apres disner, il ny aura rien de moins qu'es autres jours, par ce que l'heure qu'on employeroit a souper suppleera presque a l'heure que le retardement du disner aura retranchee..

  A025001858 

 Elles diront le petit Office de Nostre Dame au choeur, et le chanteront distinctement et posement; horsmis les festes suyvantes, sçavoir est: le jour de Noel, des Rois, de la Purification, Annonciation, Visitation, Assomption, Nativité et Conception de Nostre Dame, Pasques, Ascension de Nostre Seigneur, la Pentecoste, le Dimanche de la tressainte Trinité, en commemoration de leur premiere entree en la Congregation qui fut faitte a tel jour, la Feste Dieu et de Toussaintz (toutes lesquelles festes seront suyvies chacune de son octave, excepté la feste de la tres [237] sainte Trinité, qui n'en a point); et en toutes ces festes on chantera l'Invitatoire a Matines, qui sera de propre, et a Laudes le Cantique Benedictus, avec son antienne devant et apres, ce qui ne s'observera point pendant les octaves.

  A025001858 

 Les susditz jours de festes elles diront l'Office ainsy qu'il est marqué en leur Abbregé fait expres..

  A025001858 

 Mays quant aux Psaumes et Leçons, on ne [les] changera point, ains on les dira du petit Office de Nostre Dame, sinon es trois jours des Tenebres qu'on dira les Psaumes.

  A025001859 

 Que si quelqu'une fait faute au chœur, personne ne la reprendra; mais si la faute se peut reparer, celles qui s'en appercevront la repareront froidement et sans empressement; comme par exemple: celle qui commence les Psaumes auroit prins l'un pour l'autre; les autres reprendront le Psaume laissé, sans donner signe de la faute.

  A025001860 

 Or, parce que les espritz [humains] ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous prsetexte de devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des charges et prieres empesche l'attention, gayeté et devotion avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation de se charger d'autres Offices, sous quelque prsetexte que ce soit, que de celuy de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, chapitres, himnes, versetz et oraysons, es festes nommees ci dessus..

  A025001861 

 Au reste, les Seurs Servantes diront le matin, au lieu de Prime, Tierce, Sexte et None, douze Pater et Ave Maria; en lieu des Vespres et Complies, sept, et en lieu des Matines et Laudes, dix; et assisteront a la sainte Messe tous les jours en tant que faire se pourra..

  A025001862 

 La sainte Communion se fera generale tous les Dimanches et festes de commandement; et celles qui voudront communier plus souvent ne le feront point qu'avec l'advis du Confesseur et le commandement de la Superieure..

  A025001866 

 Elles porteront pour coëffeure un voyle d'estamine, long jusques au dessous de la ceinture et qui leur couvrira tout le visage, sans artifice ni aucune façon; un bandeau noir qui couvre le front; leur collet, de toyle mediocre, avec les barbettes sans plis et les manchettes de mesme, le tout sans empois.

  A025001866 

 Les Novices seront en tout vestues comme les Professes, hors le voyle [240] et la barbette, ains porteront des grandes coëffes de taffetas..

  A025001867 

 Les ouvertures des tours de lit se feront en sorte que les Seurs couchant plusieurs en une chambre ne se voyent point l'une l'autre quand elles se leveront et coucheront; c'est pourquoy lesdittes ouvertures ne seront point l'une contre l'autre..

  A025001867 

 Leurs litz seront de mattelatz, et les tours du lit seront d'estoffe fort simple et de couleur brune.

  A025001874 

 ne sera point exempte, ains servira en iceluy, comme en tous les autres, de bon exemple et de patron a tout le reste de la Mayson..

  A025001875 

 Elles diront les Graces et le Benedicite des clercz dans le refectoir et a basse voix.

  A025001876 

 Outre les jeusnes commandés par l'Eglise, elles jeusneront tous les jours des veilles de Nostre Dame et les jours du vendredi despuis la saint Michel jusques a Pasques, sinon ceux esquelz escherront les festes de commandement; car alhors les jeusnes seront differés au samedi, sinon qu'il fust un jour de feste, car en ce cas il ne se jeusnera point cette semaine la..

  A025001877 

 Les Seurs estant a table, nulle ne desployera sa serviette ni ne mettra la main au Cousteau que la Superieure n'ayt donné l'obedience disant: Au nom de Dieu.

  A025001880 

 Elles pourront es recreations s'entretenir toutes ensemble (sinon que la Superieure les dispensast de se separer de ce que bon leur semblera, faysant neanmoins quelque besoigne legere qui ne requiere pas beaucoup d'attention, et laquelle puisse estre faitte negligemment et avec interruption..

  A025001882 

 L'une n'entrera point en la chambre de l'autre sans congé de la Superieure, et tandis que pour la petitesse du logis deux ou trois n'auront qu'une mesme chambre, celles qui se treuveront logees ensemble ne s'advanceront point a remuer les besoignes des unes des autres sans s'advertir..

  A025001885 

 Et pour cela, toutes les Seurs obeiront exactement et sans reserve a la Superieure, faysans toutes choses, tant en la Mayson que dehors, par son ordre..

  A025001886 

 Tous les messages et lettres luy seront premierement rapportés, affin que, selon son jugement, elle les rende ou retienne.

  A025001887 

 Toutes les Seurs qui n'auront rien a proposer se retireront [244] promptement, mays celles qui ont quelque charge des araires du mesnage demeureront avec la Superieure pour l'advertir des choses qui seront necessaires a ordonner; et prendra-on garde de n'en parler point devant les autres, a celle fin de retirer, tant qu'il se pourra, leur esprit des choses de la terre..

  A025001888 

 En toutes occasions ou il sera requis de dispenser de la regle ou moderer les exercices, la Superieure aura le pouvoir de le faire, prenant garde neanmoins de bien observer la vertu de discretion pour n'estre ny trop plyable ni trop implyable; et es choses de consequence ou importance, elle prendra l'advis du Pere spirituel..

  A025001892 

 Que si quelque Novice les veut faire, il ne luy sera permis par la Superieure sinon avec reserve qu'icelle Superieure les puisse casser toutes fois que bon luy semblera.

  A025001892 

 [245] Et quant a icelles qui auront fait l'Oblation, elles pourront, si elles en ont la devotion, les faire quand bon leur semblera; a quoy neanmoins elles ne seront aucunement provoquees, ains on laissera cela a leur pleine disposition et bonne volonté.

  A025001893 

 Mays touchant le vœu de pauvreté, elles ne le feront pas quant a la proprieté sinon pour les biens qu'elles ou leurs parens auront volontairement donnés a la Congregation; car quant aux autres, elles ne feront ledit vœu sinon pour l'usufruit et l'usage, lequel elles sousmettront a la disposition de la Congregation, comme font [les] Oblatz de Saint Ambroyse.

  A025001893 

 Or, pour ce vœu de pauvreté entant qu'il regarde l'usage des biens qu'elles auront hors de la Congregation, il faudra bien examiner la qualité de l'esprit des Seurs avant que de le leur permettre, et encor les necessités et particulieres conditions des familles qu'elles ont laissees; ce qui demeurera a la connoissance du Pere spirituel et de la Superieure..

  A025001897 

 Ce qui s'observera si exactement, que ni les chapeletz, medailles, reliques, images ne demeureront point tous-jours a une mesme, ains seront changés entre les Seurs chasque annee, en cette sorte:.

  A025001897 

 On distribuera les linges et toutes autres choses selon le rencontre, pesle mesle, sans distinction ni consideration quelcomque, sinon de la necessité d'une chacune.

  A025001898 

 Et les Saintz estans tirés, chacune prendra reveremment le chapelet, Agnus Dei, reliquaire, sur lequel le nom de son Saint sera attaché; et par ainsy, les chapeletz seront parfaittement communs et on n'attachera point ses affections a iceux.

  A025001898 

 Lhors que l'on donnera les Saintz la veille du jour de l'an, des nombres on fera des billetz, en chacun des-quelz sera escrit le nom de quelqu'un des Saintz qu'on doit tirer; et puis on mettra les chapeletz, Agnus Dei, reliquaires sur une table, par ordre, et a chasque chapelet, [247] auquel on joindra un Agnus Dei et un reliquaire, on attachera l'un des billetz.

  A025001899 

 Et quant aux reliques, les Seurs par ce moyen les auront toutes en leur protection, puisqu'elles leur seront communes, et que la communion fait que chacun jouit de ce que le commun jouit; car, comme ayant des reliques pendues sur ma poitrine j'estime qu'elles servent de protection a ma teste et [a] mes bras parce que mes bras sont conjointz a ma poitrine, ainsy les reliques qui sont sur l'une des Seurs serviront de protection pour toutes les autres, communiees par le lien indissoluble de la charité..

  A025001900 

 En fin, si ce n'estoit qu'a cause de la diversité des statures et tailles on ne peut pas se servir les unes des robbes des autres, on en feroit de mesme des robbes et de tous autres habitz, pour lesquelz neanmoins, estans tous de mesme façon et de vile estoffe, il n'y a pas de l'apparence qu'aucune doive avoir de particuliere affection..

  A025001903 

 La Superieure sera par tout la premiere, et ne laissera pourtant pas de faire les exercices communs de l'humilité et les services de la Mayson a son tour comme les autres: comme de ballier, laver les escuelles, nettoyer les malades [248] et autres.

  A025001903 

 Mais quant aux autres qui seront en office, elles ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices, comme par exemple: l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur; la Directrice sera la derniere des Dames dediees, pour estre la premiere aupres des Novices..

  A025001904 

 Au demeurant, la veille du premier jour de l'an, que l'on donnera les Saintz, au bout de chasque billet on mettra un nombre selon la quantité des Dames dediees qui se treuveront en la Mayson; et selon le nombre qu'une chacune treuvera en son billet, elle prendra le mesm'ordre toute l'annee.

  A025001904 

 Comme, par exemple: celle qui se treuvera le nombre I sera la premiere apres celles qui auront charge en quelque office, sinon celle qui sera deposee de Superieure, laquelle pour un'annee ira par tout la derniere, bien que la Superieure s'en ayde pour se conseiller es occurrences, et que les autres luy doivent porter du respect es autres occasions.

  A025001904 

 Et ainsy les premieres seront faites comme les dernieres, et les dernieres comme les premieres..

  A025001905 

 Mais, hors de la, les jeunes honnoreront les vielles, encor [249] que les jeunes soyent venues devant elles en la Congregation; et les vielles reciproquement n'useront d'aucun mespris envers les jeunes, ains toutes, avec une genereuse et noble humilité, se previendront mutuellement les unes les autres en honneur et respect, ainsy que l'Apostre l'ordonne..

  A025001906 

 Et quant aux dames de dehors qui entrent en la Mayson, on les fera marcher devant toutes celles de la Mayson, apres la Superieure.

  A025001906 

 Que si elles sont Religieuses professes, la Superieure les fera marcher devant elle, sinon qu'elles fissent trop de resistence..

  A025001912 

 Celles qui seront en office, hormis la Superieure qui partout sera la premiere, ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices; comme par exemple: celle qui est [la Directrice] l'Assistente [248] ne [sera la premiere] precedera les autres qu'es Offices [tandis que la Superieure sera presente...]; la Directrice ira la derniere des dediees, pour estre la premiere aupres des Novices; et ainsy, l'Enfermiere ne sera la premiere qu'en l'enfermerie; et de mesme les autres..

  A025001913 

 Au demeurant, la veille du jour de l'an, que l'on donnera les Saintz, au bout de chasque billet on mettra un nombre selon la quantité des Dames dediees qui se treuveront en la Mayson, et selon le nombre qu'une chacune treuvera en son billet, elle prendra ce mesm'ordre toute l'annee, a suivre ou preceder les autres; de sorte que si la plus jeune ou derniere treuve en son billet le nombre I, elle sera cett'annee la, la premiere au chœur, au refectoir et, es autres occurrences, apres celles qui auront charge en chasque office: et ainsy les premieres seront faites comme les dernieres, et les dernieres comme les premieres.

  A025001913 

 Aux portes, neanmoins, et es autres occasions qui ne regardent pas les seances, les jeunes s'humilieront beaucoup devant les vielles, encor que les vielles fussent [249] arrivees en la Mayson les [dernières]; et les vielles ne mespriseront point la jeunesse des jeunes, ains toutes, avec une genereuse et noble humilité, se previendront les unes les autres en honneur et respect, ainsy que l'Apostre l'ordonne..

  A025001914 

 Mais si la faute est [scandaleuse] d'importance, celle qui l'aura [veue] apperceue fera doucement et secrettement la correction chrestienne jusques a trois fois; et [250] apres cela, si la defaillante persiste en ses fautes, elle sera deferee a la Superieure, affin que par tous les moyens possible ( sic ) elle la face amender..

  A025001914 

 Quand il y en aura quelqu'une qui fera quelque faute, si ell'est legere, les autres ne la reprendront point, sinon qu'elle y continuast et multipliast la faute; et lhors, celle qui la reprendra le fera en toute charité et douceur.

  A025001915 

 Et la Superieure la luy donnera...] elles demanderont des aydes a la Superieure, laquelle les leur [donnera en cette sorte: elle regardera...] accordera au nom de Nostre Seigneur, en donnant a une chacune une compaigne pour cett'annee lâ; et leur enjoindra d'avoir soin particulier l'une de l'autre a s'exciter en l'amour de Dieu et se corriger de leurs defautz, en esprit de douceur et de charité, sans toutefois.......................[251].

  A025001915 

 La veille du jour de l'an quand on donne les Saintz, [une chacune demandera pour soy une surintendente,...ayde particuliere, laquelle ayt soin particulier de la reprendre des fautes qu'elle fera et de l'exciter souvent au s t amour de Dieu... avec laquelle elle s'excite a l'amour de N. S. et a la correction de leurs defautz.

  A025001918 

 Et si la faute estoit d'importance et secrette, celle qui l'aura apperceue fera doucement et charitablement la correction chrestienne jusques a troys fois; apres quoy, si la defaillante persevere en sa faute, elle sera deferee a la seule Superieure, affin que par tous les moyens possibles elle la face amender [250].

  A025001918 

 Quand quelqu'une fera quelque faute legere, les autres ne la reprendront point; mays en cas qu'elle continuast, elles en advertiront la Superieure.

  A025001919 

 Et affin que l'amendement se face plus grand en la Congreégation, la veille du jour de l'an, quand on donne les Saintz, elles demanderont a la Superieure des aydes pour leur amendement.

  A025001919 

 Et elle les leur accordera au nom de Nostre Seigneur, donnant a une chacune d'icelles une compaigne pour cette annee lâ; et leur enjoindra d'avoir soin particulier l'une de l'autre a s'[exciter] a l'amour de Dieu et a se corriger l'une l'autre de leurs defautz, en esprit de douceur et charité, sans toutefois que pour cela elles facent aucun'autre particularité ensemble, sinon de s'admonester paysiblement l'une l'autre; ce que pour faire avec plus de suavité, de moys en moys elles se prieront l'une l'autre de [se] faire la reciproque correction.

  A025001922 

 Ce qu'estant fait, celles qui voudront dire leurs coulpes pour plus grande humilité le pourront faire; et on les corrigera doucement et aimablement, sans extenuer les fautes..

  A025001922 

 Le samedi toutes les Seurs s'assembleront, tant Offertes que Novices, et apres avoir dit le Vent, Sancte Spiritus, la Superieure dira tout ce quil luy semblera devoir estre dit et proposé pour le bien spirituel de la Congregation.

  A025001925 

 Tous les derniers jours du moys les Seurs rendront compte sommairement a la Superieure de leur avancement ou defaillance en l'orayson, humilité, douceur et simplicité.

  A025001928 

 Au demeurant, elles ne feront aucune besoigne qui serve aux affiquetz et vanité des femmes: comme seroit laver les gans, faire des frisons, faire des fards et choses semblables..

  A025001928 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens de dehors seront receus par la Superieure, ou celle qu'elle deputera, sans qu'aucune autre aye a traitter de cela.

  A025001931 

 Et lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees et les causes pourquoy on les a tirees, escrit de la main de la Portiere et signé par la Superieure et la plus ancienne des Seurs, affin qu'au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble, avec la Superieure, facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson..

  A025001931 

 Les denrees seront receuës par l'Œconome qui en tiendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la Portiere.

  A025001931 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde des Seurs; et sera tenu roolle des receptions [253] des sommes, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et des causes pourquoy.

  A025001932 

 Et quant a la despense journaliere, elle se fera par les mains de l'Œconome, qui aura le soin de faire faire les employtes requises par les chambrieres..

  A025001935 

 On ne pourra recevoir des jeunes filles en la mayson qu'elles n'ayent aujnoins dix ou douze ans, et n'en pourra-on recevoir que troys a la foys, et de celles qui ont quelqu'inclination, ou au moins auxquelles les parens desirent qu'on donne inclination d'estre Religieuses.

  A025001938 

 Quand il plaira a Nostre Seigneur que les Seurs ayent un lieu propre, elles s'essayeront d'attirer, les festes et Dimanches, les filles et femmes de la ville au lieu praeparé a cela, et qui ne sera pas dedans [le cours des] chambres et offices des Seurs, affin de les enseigner des exercices de pieté: comme de l'examen de conscience, de la preparation du matin, de la façon de dire le chapelet et la couronne, de se confesser et communier, et de bien faire l'orayson vocale..

  A025001941 

 Cette Mayson demeurant sous l'authorité de l'Evesque, comme toutes les autres de pareille forme, il commettra un [255] ecclesiastique discret, docte et irreprehensible, de sa part, qui prendra garde a la Mayson et Congregation, a ce que les regles soyent bien observees et qu'aucun abus ne s'y introduise; visitera la Mayson une foys l'annee, assistera aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire, appreuvera les Confesseurs extraordinaires, donnera les licences aux femmes d'entrer en la Mayson, signera les causes des sorties extraordinaires des Seurs et celles des entrees des hommes, selon quil a esté dit ci dessus.

  A025001941 

 Et a luy auront recours tant la Superieure que les autres Seurs, ou il sera besoin d'une speciale providence.

  A025001946 

 Au demeurant, cette Mayson demeurera sujette a l'Evesque qui, pour la conduite d'icelle, commettra un ecclesiastique meur, discret, docte et irreprochable, qui, comme deputé de luy, sera le [255] Pere spirituel de cette [devote] Congregation, ayant charge de procurer l'advancement d'icelle tant es choses spirituelles que temporelles, et surveillant a ce que les regles y soyent bien observees, et qu'aucun abus ne s'introduise contraire a la bonn'odeur qui doit sortir de cette devote Mayson [pieuse]; et a ce Pere spirituel auront recours tant la Superieure que les autres Dames, en toutes les occurrences ou il sera requis et necessaire.

  A025001946 

 Et a luy appartiendra de visiter la Mayson une fois l'an, assister aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire, appreuver les Confesseurs extraordinaires, donner les licences aux femmes d'entrer en la Mayson, et signer les causes des entrees des hommes quand il sera requis et celles des [grandes] sorties extraordinaires des Dames, ainsy quil a esté dit ci dessus; bien que, quant a la Visite, il semble expedient qu'elle se face par l'Evesque mesme, en l'assistence du susdit deputé et d'un autre a ce pris par office.

  A025001949 

 C'est pourquoy il faut sçavoir que ces Constitutions et regles, ni mesme les commandemens de la Superieure, ou de l'Evesque et Pere spirituel, n'obligent nullement a aucune sorte de peché, sinon quand on y contreviendroit par mespris, ou que le commandement seroit fait sous peyne d'encourir desobeissance, ou que la chose commandee seroit de grande importance..

  A025001953 

 C'est pourquoy il faut sçavoir que ces Constitutions et regles, ni mesme les commandemens de la Superieure, ou du Pere spirituel et de l'Evesque, n'obligent point a aucun peché ni mortel ni veniel, sinon quand on contreviendroit par mespris, ou quand la Superieure, ou le Pere spirituel, ou l'Evesque, es cas esquelz la direction leur appartient, commanderoit [en vertu...] sous peyne d'encourir la deobeissance, [car alhors on ne pourroit pas des-obeir sans vray mespris...] ou que la chose commandee seroit de grand'importance..

  A025001956 

 La Superieure fera deux Seurs veillantes qui prendront garde aux fautes et manquemens qui se commettent, pour en advertir la Superieure; et si là Superieure l'ordonne ainsy, elles reprendront les fautes publiquement au Chapitre, mais avec extreme modestie et simplicité.

  A025001959 

 Que leurs paroles soyent humbles et basses, leur visage doux et serein; qu'elles tiennent les yeux baissés, specialement au chœur, au refectoir, au Chapitre et quand elles paraissent devant les seculiers..

  A025001960 

 Elles esviteront tant qu'il leur sera possible toutes sortes de gestes qui sentent la legereté, sur tout estans au parloir; elles n'avanceront point les mains sur le treillis, gardant une humble et douce gravité, sans se familiariser trop avec ceux ausquelz elles parleront..

  A025001961 

 Et ce respect amoureux qu'elles se doivent rendre requiert qu'elles ne s'interrompent point les unes les autres lhors qu'elles parleront, specialement quand on rapporte les lectures, que l'on parle de choses bonnes; et qu'elles ne contestent point, non pas mesme en chose legere..

  A025001966 

 Avant leur reception en la Mayson, on les espreuvera quelques jours, selon que la Superieure treuvera bon, pendant lesquelz on [leur] proposera les articles du service et de l'obeissance qu'elles auront a faire, et le renoncement a la propre volonté en toutes choses; apres cela, [on les] recevra avec les mesmes considerations que les autres Seurs, et avec mesme consentement..

  A025001967 

 Elles demeureront deux annees au Noviciat, pendant lesquelles elles seront vestues [comme les honnêtes femmes de leur qualité.].

  A025001968 

 Bref, autant que les occupations auxquelles elles seront destinees le permettront, on les rendra conformes en mœurs, en exercices et en affection aux Seurs de la Mayson..

  A025001968 

 Elles observeront les silences et jeusnes, tant qu'il se pourra, comme les autres; se communieront les Dimanches, diront leurs Pater et Ave marqués ci dessus, assisteront a la lecture de la meditation et a l'examen qui se fait apres Matines, prenant l'obeissance avec les autres.

  A025001968 

 Les [259] festes et Dimanches, si elles ne sont pas occupees, elles assisteront a Vespres et a la lecture qui se fait devant Vespres.

  A025001969 

 Et pour cela, quand elles seront malades, la Superieure et Infirmiere les traitteront esgalement comme les autres en toute sorte de services; et quand elles seront tentees et troublees, la Superieure leur ouvrira le sein maternel comme aux autres, affin d'alleger leur travail corporel par ces soulagemens de la sainte charité..

  A025001969 

 Personne ne leur commandera que la Superieure et l'Œconome et celle a qui la Superieure l'ordonnera, et la Directrice tandis qu'elles seront Novices; et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec respect amiable, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles sont neanmoins filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, nos Seurs selon l'esprit et nos esgales en nature; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Seigneur Jesus Christ, esgalement Seigneur des uns et des autres.

  A025001970 

 Les deux ans expirés, on observera a leur reception ce qui s'observe pour la reception des Seurs, soit pour l'examen ou deliberation de les recevoir ou de differer leur reception, soit pour l'Oblation; laquelle neanmoins elles ne feront point, tant qu'il sera possible, que quand quelque Seur la fera, affin qu'apres les articles esquelz il est marqué, la Superieure, parlant pour elles, n'ayt a faire que de dire simplement: «Ces deux Seurs...», et ce qui s'ensuit.

  A025001971 

 Elles ne doivent point parler ni s'amuser par les rues sinon pour les affaires qu'elles y auront, ni entrer es maysons ou elles n'auront point d'affaire.

  A025001972 

 Qu'elles ayent une grande fidelité a faire les negoces esquelz elles seront employees, et qu'elles rendent conte tous les soirs de tout ce qu'elles [auront] acheté a l'Œconome..

  A025001975 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et la place d'icelle, et par consequent sera soigneuse de se treuver par tout ou les Seurs seront assemblees, pour les tenir en respect et faire observer la Regle..

  A025001976 

 Et tous-jours ell'aura le soin particulier de la direction des Offices du chœur, desquelz elle departira les charges le samedi et veille des testes que l'on change l'Office, apres la recreation de l'apres disner, et des lectures, bien que, quant aux livres quil faudra lire, elle n'en face point le choix que par l'ordre de la Superieure.

  A025001980 

 Ell'aura le soin d'eslever et conduire les Novices, et partant elle doit estre la douceur, la discretion et la devotion mesme, pour, avec un amour plus que maternel envers ses filles, les nourrir dignement en qualité de futures espouses du Filz de Dieu.

  A025001980 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera [261] seront de l'exercice des vertus, particulierement de l'obeissance, douceur et mortification des passions, et l'orayson; de bien lire et bien prononcer tant l'Office que tout le reste; de bien faire au matin la preparation, et au soir l'examen, avec les autres pointz qui regardent leur avancement et observation des Regles; jusques mesme aux contenances, et principalement celle quil faut tenir en l'Office, en la Communion, en la table et quand l'on paroist devant les mondains..

  A025001981 

 Et sera pareillement a elle de dresser les Seurs Servantes aux exercices spirituelz selon leur capacité, laquelle se treuvant bonne, elle leur enseignera a faire l'orayson mentale, dire le chapelet, faire l'examen, la preparation du matin, et l'usage des oraysons jaculatoires entre les labeurs et exercices corporelz, a se bien confesser et communier, et autres telles prattiques..

  A025001982 

 Et dautant que les Seurs Servantes qui, pour l'ordinaire, sont rustiques, dures et de naturel moins poli, sont aussi plus malaysees a manier, la Directrice usera d'un amour tout particulier en leur endroit, affin d'avoir de la patience, tolerance et perseverance a bien cultiver leur esprit..

  A025001982 

 Et partant, la Directrice doit avoir un esprit universel, pour manier differemment les cœurs des filles de la Mayson, tant Seurs que Servantes, selon la diversité de leurs espritz, affin de les former a la pieté, devotion, douceur et charité.

  A025001983 

 Les Novices, tant les unes que les autres, s'addresseront a la Directrice pour toutes leurs necessités, et elle en advertira la Superieure..

  A025001984 

 La Directrice ne sera gueres employee aux affaires de la Mayson; elle aura aussi le soin des jeunes filles et de les instruire comme les Novices..

  A025001987 

 Elle doit estre grandement prudente pour respondre charitablement et discretement a ceux qui viennent a la porte; pour conduire les femmes qui entrent, affin qu'elles ne troublent point les exercices qui se font pour l'heure; [262] pour faire les responces et messages qui viennent de dehors, et pour faire doucement patienter les personnes qui voudroyent entrer ou celles qui voudroyent parler, quand il ne se peut..

  A025001989 

 Quand on donnera quelque aumosne, elle le dira le soir apres la recreation, affin que l'on prie pour les bienfacteurs..

  A025001990 

 Qu'elle soit courte et retenue en parolles lhors qu'il viendra des hommes a la porte, voire mesme avec les femmes, et qu'elle ne s'enquiere de nulle sorte de nouvelle, sinon necessaire..

  A025001991 

 Qu'elle soit soigneuse de tenir la porte bien fermee, sans y laisser les clefs, lesquelles elle portera tous les soirs a la Superieure..

  A025001994 

 Elle ne portera aucun message ni recommandation de ceux de dehors aux Seurs, ni ne redira les choses qu'elle aura entendues au parloir ou ailleurs; comme aussi elle n'envoyera ni recommandation ni message a ceux de dehors..

  A025001998 

 L'une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle avec une fidelité et allegresse toute particuliere doit entreprendre cette charge, representant en icelle les saintes Dames qui servoyent Nostre Seigneur et les Apostres pour leur administrer les choses requises a la vie humaine, et entre autres la glorieuse vierge sainte Marthe, la diligence et ferveur delaquelle elle suivra, et fuira neanmoins son trouble et son empressement..

  A025001999 

 Qu'elle aye le soin de faire tenir toute chose en bon ordre par la Mayson; que les chambres et les offices soyent tenus netz, et pour cela elle les visitera une fois ou deux la semaine, prenant garde si toutes s'acquittent bien de leurs offices, pour en advertir la Superieure.

  A025002000 

 Elle sera soigneuse de faire rendre conte tous les jours a celle qui a la charge de faire les provisions dehors, et de [264] l'escrire affin qu'elle n'oublie rien; comme aussi de prevoir les choses qui sont a faire en sa charge, pour en advertir la Superieure apres la recreation du soir et du matin; et ordonnera le soir aux Seurs Servantes et a celles qui servent a la cuysine ce qui sera a faire pour le lendemain matin, et quand le silence d'apres disner sera sonné, ce qui se devra faire le reste de la journee, affin que toutes choses se fassent par ordre et sans empressement..

  A025002003 

 Celle ci ne doit respirer que charité, tant pour bien servir les Seurs malades, que pour supporter les humeurs importunes que le mal donne quelquefois aux pauvres [infirmes] auxquelles elle doit compatir, en les divertissant neanmoins de leurs humeurs le plus dextrement et suavement qu'elle pourra, sans jamais tesmoigner d'estre degoustee ni ennuyee de les servir.

  A025002003 

 Elle les doit regarder comme la vive image de Jesus Christ crucifié; et s'il est vray, comme saint Chrisostome l'asseure, que les anciens chrestiens alloyent en Arabie pour seulement voir et reverer le fumier sur lequel saint Job souffrit tant de travaux avec quelle reverence devons nous approcher les litz sur lesquelz nos freres et nos seurs endurent leurs maladies pour Jesus Christ!.

  A025002004 

 Elle aura la charge de tout ce qui appartient a l'Infirmerie et au service des malades, et en fera un memoyre; comme aussi elle devra tenir les chambres bien nettes, solliciter celle qui appreste, pour donner les repas aux malades selon l'ordonnance du medecin duquel elle la recevra.

  A025002005 

 Mays les malades aussi, reciproquement, se resouvenant de l'infinie douceur et patience de Nostre Seigneur crucifié, qui receut le fiel et toute sorte d'aspreté sans aucun meslange de consolation pour leur salut, s'essayeront de l'imiter, prenant les medecines, viandes et autres traittemens de l'Infirmiere avec action de graces et benediction du [265] nom de Dieu, de la part duquel tous les soulagemens et services que l'on leur fait leur arrivent, dont tant d'autres, qui sont peut estre plus fidelles qu'elles au service de Dieu, se treuvent privees tout a fait..

  A025002008 

 Outre cela, une des Seurs aura soin particulier de parer la chappelle et sonner a propos pour les Offices et oraysons; et elle aura un grand soin de la netteté et propreté du chœur, de l'autel et des habitz ecclesiastiques, se souvenant que Nostre Seigneur a tous-jours aymé la netteté et mondicité des lieux, et que Joseph [et] Nicodeme sont loués, de luy avoir preparé un sepulchre neuf, des linges neufs, des parfums et unguens pretieux..

  A025002012 

 Elle ira le matin, avant que sonner l'orayson, par toutes les celles, voir si toutes les Seurs seront levees; et si quelques unes avoyent de l'incommodité, elle en advertira la Superieure..

  A025002015 

 Elle doit garder soigneusement les habitz comme appartenans aux servantes de Dieu, et les avoir tous par escrit, y adjouster ce qui se fera de nouveau, avec la date du jour et de l'an..

  A025002016 

 Elle ne les distribuera point aux Seurs que par l'ordonnance de la Superieure.

  A025002017 

 Elle sera fort vigilante a les bien entretenir et raccommoder, affin quilz ne perissent par negligence et quil n'y ayt rien contre la sainte pauvreté.

  A025002021 

 Celle qui a la charge des linges doit avoir le mesme soin que la Robiere, pour les bien conserver et entretenir, pour les distribuer a propos selon la necessité des Seurs, et les retirer lhors qu'elles les auront laissés..

  A025002022 

 Elle doit avoir un roolle, et les donner par conte qu'elle escrira quand on fera les lessives; et lhors qu'on le pliera, qu'elle prenne garde si le conte s'y treuvera..

  A025002023 

 Le samedi elle portera les linges par toutes les celles, et le Dimanche chacune luy rendra ceux qu'elles auront laissé.

  A025002025 

 Quand les Seurs auront des necessités extraordinaires de quelques linges, qu'elle leur en donne charitablement..

  A025002030 

 Elle aura la charge de tirer le vin, de couper les portions de pain et d'advertir quand il n'y aura plus gueres de l'un et de l'autre, affin qu'on y pourvoye.

  A025002030 

 Elle tiendra tous-jours du pain, du vin et de l'eau dans son refectoir pour les necessités qui peuvent survenir, et des linges pour essuyer les Seurs quand elles se voudront laver..

  A025002035 

 Les Seurs qui seront employees en cet office de la cuysine doivent estre contentes et consolees de rendre aux espouses de Nostre Seigneur le mesme service que sainte Marthe, qui estoit une grande dame, luy rendoit, apprestant les viandes pour luy et pour ses Apostres; se souvenant aussi des petites meditations que faysoit sainte Catherine de Sienne, laquelle en semblable exercice ne laissoit pas d'estre ravie en extase.

  A025002036 

 Qu'elles soyent soigneuses de tenir les repas prestz a l'heure ordonnee, affin que par leur faute il n'y ayt point [268] de desreglement; ayant special soin de bien apprester pour les malades..

  A025002037 

 L'une, qui aura le gouvernement principal, aura la charge de tous les meubles de cuysine, tant linge qu'autres, et en gardera le roolle.

  A025002040 

 La Superieure sera l'ame, le cœur et l'esprit de la Congregation; en sorte que, comme l'ame, le cœur et l'esprit d'un cors respand son assistence, son mouvement et ses actions par toutes les parties d'iceluy, aussi la Superieure doit animer de son zele, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, et doit vivifier par sa charité et dilection maternelle toutes les Seurs et filles de la Congregation: procurant que les regles soyent observees le plus exactement que faire se pourra, que la mutuelle charité et sainte amitié soyent prattiquees en toutes sortes de vertus; ouvrant sa poitrine maternelle et amiable a toutes ses filles esgalement, affin qu'elles y ayent recours en leurs doutes, scrupules, difficultés, secheresses, troubles et tentations; commandant a une chacune et a toutes en general avec des paroles et contenances graves mays suaves, avec une contenance asseuree mays douce et humble, et avec [un] cœur plein d'amour et du desir du prouffit de celles auxquelles elle commande..

  A025002041 

 Elle tiendra les yeux dessus ce petit cors, affin que toutes les parties d'iceluy respirent la paix, la concorde, la douceur, l'union et le service amoureux de Jesus Christ.

  A025002042 

 Elle considerera specialement la Directrice et les Novices [269], affin que cette pepiniere soit bien cultivee; comme aussi elle pourvoira avec un soin particulier a la necessité et consolation des malades et, tant qu'il luy sera possible,, les servira de ses propres mains es maladies de consequence..

  A025002043 

 Elle eslevera avec un amour maternel les filles qui, comme petitz enfans, sont encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent aux ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mays «des ames infirmes; car si quelqu'un te donne plus de secours quil n'en reçoit de toy, reconnois que tu es non pere, mais pair en son endroit.» Les justes et les parfaitz n'ont point besoin de superieur et de conducteur; ilz se servent de loy a eux mesmes et font asses sans qu'on leur commande.

  A025002043 

 La Superieure, donq, et guide de cette Congregation, doit estre principalement pour les debiles et foibles, comme les medecins pour les malades; bien qu'aussi ne doit elle pas abandonner les parfaittes, affin qu'elles ne se relaschent..

  A025002047 

 Et en cas que les deux tiers des Seurs reprouvassent l'election, la Superieure en fera un'autre, ou au moins ne laissera guere en office celle qui aura esté esleue, sinon qu'elle se comportast tellement, qu'on vit clairement les Seurs satisfaites d'elle en sa charge..

  A025002047 

 Mays quant aux autres officieres, la Superieure les mettra a son gré, apres les avoir proposees aux Seurs qui auront fait l'Oblation pour en faire [selon] leur advis.

  A025002048 

 Le Pere spirituel luy dira: «La Congregation vous descharge de l'office que vous aves exercé, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.» Et elle respondra: Amen, et de la viendra s'asseoir avec les autres, la derniere de toutes..

  A025002048 

 Or, l'election de la Superieure se fait en cette sorte: L'Evesque, ou Pere spirituel, venant dedans le chœur des Seurs, leur dira briefvement de quell'importance est cett' election et les exhortera de la faire en presence de Dieu, selon la connoissance qu'elles ont de la suffisance des personnes.

  A025002049 

 Et tous les billetz ayantz estés receuz, le Pere spirituel les lira l'un apres l'autre; et celle des Seurs quil aura choysie, ayant le roolle de toutes les autres dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chaque nom d'icelles, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit de son nom.

  A025002049 

 Tout cela estant ainsy fait, le Pere spirituel ramassera tous les billetz et les bruslera sur le lieu, et prendra garde que l'on ne puisse sçavoir ni descouvrir les nominations faittes esditz billetz..

  A025002050 

 Apres cela l'on dira l' Ave, maris Stella, en action de graces, et la nouvelle Superieure se viendra asseoir en la place premiere, ou la Superieure deposee viendra la premiere, et puis les autres de suite viendront luy bayser la main; et elle, en fin, s'agenouillera devant le Pere spirituel pour recevoir la benediction, laquelle receue elle luy baysera la main, et il se retirera..

  A025002051 

 Sil y a des Seurs malades, le Pere spirituel estant entré pourra les aller visiter et prendre leurs billetz, ou si elles ne peuvent escrire, escrira leurs voix sur leurs billetz.

  A025002052 

 Au reste, les Seurs Servantes ni les Novices n'auront point de voix aux elections..

  A025002055 

 Et quant aux moyens requis pour l'entretenement, on y advisera de tems en tems selon les commodités ou incommodités de la Mayson..

  A025002056 

 Puis la Superieure prendra les voix de toutes les Dames, et si la Superieure consent avec la plus part d'icelles, la reception se fera; mais neanmoins avec l'advis du Pere spirituel, qui s'enquerra des conditions de la fille, affin d'en advertir les Dames, et que par ce moyen elles facent meilleure deliberation..

  A025002064 

 Et sur la proposition de quelque Novice, la Superieure advertira tous-jours le P. spirituel, affin quil [use de consideration et] s'enquiere des conditions de la fille qu'on propose, et que son advis serve d'ouverture a la deliberation que les Dames en feront.

  A025002064 

 La reception des Novices se fera par [les Dames, en sorte que [273] les...] la Superieure, si, ayant pris les voix des Dames dediees, la plus part d'icelles y consent; [mais tous-jours pourtant avec l'advis du P. spirituel qui sera... lequel ne...] mais si la plus part consent a la reception et la Superieure ne consent pas, la Novice ne doit pas estre receiie, sinon que les deux partz des trois faysantes le tout ne consent.

  A025002064 

 Or en ceci [comm'en toutes elections, on usera...] on prendra les voix secrettement, par febves noyres et blanches..

  A025002069 

 Cela fait, un jour de feste ou de Dimanche, la Superieure luy ostera ses habitz seculiers dedans le chœur, en presence de toutes les Seurs, et luy donnera les habitz et coeffeures de la Mayson, lesquelles a cet effect on benir [275].

  A025002075 

 La fille ou femme qui voudra estre receue au Noviciat, apres avoir eu asseurance de sa reception, entrera dans la Mayson et se praeparera, avant toutes choses [a faire une vraye...], par les Meditations qui sont mises au livre; et au choix de la vie devote elle specifiera le choix de celle de la Congregation.

  A025002079 

 Et premierement, elle considerera a part soy si telle personne a les conditions requises pour demeurer en la Congregation, et specialement si elle est douce, humble et obeissante.

  A025002079 

 Secondement, elle en conferera avec les autres Dames et prendra leurs voix; que si des troys parties les deux ne [276] consentent, on retardera pour encor l'Oblation.

  A025002084 

 Et premierement, elle considerera a part soy si telle fille ou vefve a les conditions requises pour demeurer en la Congregation, et specialement si ell'a l'esprit de douceur, d'humilité et d'obeissance.

  A025002084 

 Secondement, apres avoir consideré cela a part soy, avant que de dire son avis elle proposera aux autres Dames la reception dont il sera question, pour sçavoir leurs opinions, et si [la plus part] des troys parties de la Congregation les deux ne consentent, on retardera encor la reception a [276] l'offrande.

  A025002095 

 Que si, au contraire, passé l'annee de l'essay, la Superieure et les Dames treuvent la fille ou femme qui demande de faire l'offrande, propre et disposee a cela, elles luy donneront un loysir suffisant pour se praeparer par une confession annuelle et les exercices qui seront marqués ci apres, affin que cette offrande se face avec toute la solemnité interieure qu'il sera possible, comm'aussi elle se fera avec grande solemnité exterieure.

  A025002105 

 La pretendante, joignant les mains et comme acceptant la benediction que le Prestre luy a predite, elle dira:.

  A025002115 

 Cependant, la Superieure fait venir toutes les Seurs voylees, qui se mettent en cercle derriere la praetendante, toutes avec une chandelle en leurs mains; et la praetendante commence a lire clairement, distinctement et posement son offrande ainsy quil s'ensuit:.

  A025002115 

 Sur cela, la praetendante se leve et est conduitte par la Superieure et l'autre Seu pour s'agenouiller sur le milieu du marchepied de l'autel, ou elle demeurera un peu en silence, les mains jointes et les yeux bayssés.

  A025002116 

 Je proteste de vouloir des-ormais [282] et a jamais vivre en obeissance, chasteté et pauvreté, selon les regles et Constitutions de la Congregation de ceans, pour l'observation desquelles j'offre et dedie a vostre divine Majesté, et a la sacree Vierge, vostre Mere, ma Dame, mon cors, mon ame et ma vie.

  A025002116 

 O Cieux, oyes ce que je dis; que la terre escoute les paroles de ma bouche.

  A025002116 

 Receves moy, o Pere eternel, entre les bras de vostre tres pitoyable paternité, affin que par le merite de vostre Filz, mon Redempteur, je porte constamment le joug et le fardeau de vostre saint service en cette Congregation, et que je m'abbandonne totalement a vostre divin et celeste amour, auquel je me dedie et consacre de rechef..

  A025002119 

 Sur cela toutes les filles chanteront alternativement le Psalme: Exaudiat te Dominus in die visitationis, etc..

  A025002121 

 Cecy vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regards des hommes, et un signe sacré affin que jamais vous ne recevies aucune sorte d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025002128 

 Lhors elle fait une reverence a l'autel, puis un'autre au peuple, et la Superieure la conduit dedans le chœur des Seurs, avec toutes les autres, ou estant agenouillee au milieu d'iceluy elle chante:.

  A025002136 

 Tout le reste de la feuille ou cela sera escrit demeurera [285] en blanc pour y estre escrittes les confirmations qui, d'annee en annee, se feront de la mesme Oblation..

  A025002145 

 Les filles de la Congregation s'estant ainsy solemnellement [286] offertes et dediees a Dieu, il ne sera jamais parlé ni traitté de leur expulsion et rejettement qu'en deux cas: a sçavoir, ou pour des crimes scandaleux, ou pour une manifeste contumace et obstination contre la Regle et l'obeissance.

  A025002146 

 La Superieure, a laquelle il appartient de ne point permettre que la Congregation ayt des personnes scandaleuses et obstinees, ayant remarqué ce malheur en quelqu'une des Seurs, si jamais il arrivoit quil y en eut de telle, en conferera premierement avec les officieres de la Mayson (qui aussi sont les plus obligees d'estre jalouses du bien, de l'honneur et de la conservation de la Congregation), et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, ell'assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime scandaleux ou la contumace de celle qu'il luy semble devoir estre expulsee et rejettee.

  A025002149 

 Je dis qu'elle pourra estre expulsee, par ce que si, par quelque [288] tentation, il estoit arrivé a quelqu'une quelque action de soy mesme scandaleuse que les seules Seurs ou une d'icelles sceussent, et que la Superieure et lesdittes Seurs qui le sçaurovent jugeassent que la repentance de celle qui seroit tombee meritast qu'on dissimulast pour cette foys la faute, cela se devroit faire.

  A025002149 

 On peut neanmoins dire, par exemple, et pour donner lumiere au jugement qui se devra faire des autres cas, que la lubricité, l'entreprise d'empoysonner, charmer, enchanter, le larcin de chose importante, l'accusation faulse des Seurs en chose qui regarde Ihonneur et renommee, les essays de pervertir les Seurs ou autres personnes en matiere de chasteté et d'honneur, battre les Seurs, si cela se fait plusieurs fois, et semblables, sont des cas vrayement scandaleux.

  A025002149 

 Or, ces cas n'adviendront jamais, Dieu aydant; mays silz advenoyent et qu'on en eût telle connoissance qu'on peut le reveler loysiblement, apres la correction fraternelle faitte, ainsy quil a esté dit ci devant, la Seur qui les aura commis pourra estre expulsee et rejettee comme scandaleuse, avec la methode ci dessus escritte.

  A025002149 

 Quant aux crimes scandaleux, on ne peut en dire absolument le nombre ni les especes, ains la connoissance de ce cas demeurera a la Congregation et au Pere spirituel d'icelle.

  A025002150 

 Et parce que toute la liayson de cette Congregation consiste en l'obeissance et charité, si on y souffroit les obstinees, rebelles et contumaces, soudain toute la Congregation se dissoudrait et perdroit.

  A025002150 

 Si donq une des Seurs, ce qu'a Dieu ne plaise, ne vouloit pas vivre selon la Regle, ains vouloit obstinement perseverer a la rompre, refusant les corrections et tesmoignant de ne vouloir point s'amender, en fin, apres qu'on auroit essayé par toutes voyes, et mesme avec du loysir, de la reduire a son devoir, si elle continuoit au mespris et s'obstinoit en son malheur, on la pourroit et devroit expulser et rejetter comme scandaleuse; car encor que le peché auquel elle s'obstineroit ne seroit pas scandaleux, l'obstination neanmoins seroit scandaleuse..

  A025002151 

 Et affin que lesdites voix se donnent plus sincerement, le jour de cette assemblee la, toutes les Seurs qui devront deliberer communieront et, avant toute deliberation, jureront a genoux, toutes ensemble, de dire ce qu'elles croiront estre le plus a la gloire de Dieu, selon [la] justice et selon la charité deuë tant a la Congregation qu'a celle qui est accusee..

  A025002151 

 Et lhors, parce qu'on fera la deliberation definitive et irrevocable, il faudra que, pour le moins, les deux tiers des voix (celle du Pere spirituel estant contee pour une) concourent a l'expulsion.

  A025002151 

 Or, d'autant que l'expulsion d'une Seur est si importante, on observera la solemnité dite ci dessus, et en fera-on troys deliberations: entre la Superieure et les officieres; la seconde entre la Superieure et toutes les Seurs, et la troysiesme entre le Pere spirituel, la Superieure et toutes les Seurs ensemblement.

  A025002152 

 Mays si les deux tiers des voix ne concouroyent pas, on [289] delibereroit alhors des remedes propres a la correction de l'accusee, et pourroit on quelque tems apres remettre en deliberation son expulsion, en cas qu'elle perseverast en son mal..

  A025002153 

 Et on observera tous-jours en tel cas d'importance, de prendre les voix secrettement, comme on fait en l'election de la Superieure..

  A025002154 

 On doit faire mesme jugement d'une Seur qui seroit en tentation de sortir de la Congregation et la quitter; car tandis quil y auroit une vraye apparence de l'ayder a vaincre ladite tentation, la Superieure, les Seurs et le Pere spirituel ne devront rien oublier a cette intention.

  A025002157 

 chez les Filles de la Croix.

  A025002160 

 « Dieu crea l'homme a son image et semblance; il le crea a l'image de Dieu, il les crea masle et femelle.

  A025002164 

 La presumption et importune arrogance de plusieurs enfans de ce siecle, qui font profession de blasmer tout ce qui n'est pas selon leur esprit, blasphemans, comme dit un Apostre, tout ce qu'ilz ignorent, me donne occasion, ains me force de faire [291] cette Praeface, mes tres cheres Seurs, pour armer et mettre en defence vostre sainte vocation contre la pointe de leurs langues empestees; affin que les bonnes et pieuses ames, qui sans doute affectionneront vostre tant aymable et honnorable Institut, treuvant icy dequoy repouser ces traitz et fleches de la temerité de ces bigearres et insolens censeurs..

  A025002167 

 Ce sont les paroles du grand saint Basile, qui ne nie pas que la femme ne doive reconnoistre en l'homme l'advantage de la superiorité et praeeminence, trait de la ressemblance divine que l'homme a de plus que la femme, laquelle estant extraite de l'homme, est aussi faite pour luy; mais il veut bien pourtant qu'en tout le reste la femme est egale a l'homme, et sur tout en la prœtention de la grace et de la gloire, qui est le fruit de l'honneur que la nature humaine possede d'avoir esté faite a l'image et semblance de son Createur.

  A025002167 

 «Celles ci,» dit saint Gregoire Nazianzene parlant des femmes devotes, «sont douees d'un grand et genereux esprit, comme ayant rejetté de leur poitrine, par un vaillant et vrayement masle courage, les qualités de cette ancienne et trompeuse Eve; elles ont obtenu l'oubli de toutes leurs praecedentes infirmités par l'attouchement du bord de la robbe du Sauveur; elles se sont affranchies du goust ancien de la pomme mortelle par celuy qu'elles ont pris a savourer Jesus Christ; leur [293] foiblesse ne leur demeure plus que pour la splendeur de la vertu divine, et leur infirmité que pour servir de throsne a l'humilité.».

  A025002169 

 Sur cette consideration, les tressaintz Pasteurs de l'Eglise ancienne ont eu un soin tres particulier de l'avancement de ce sexe en la profession et perfection de la vie chrestienne, a l'exemple du Maistre et Seigneur, qui, par des graces extraordinaires, le favorisa en l'election de l'incomparable Vierge qu'il voulut estre sa Mere; en la personne de Magdeleine et Marthe, de la Samaritaine et Chananee, et en cette trouppe qui le suivoit et le servoit es tres adorables necessités de sa vie mortelle..

  A025002170 

 Et par apres, les Evesques des premiers siecles du Christianisme, gens de vie et de succession apostolique, n'oublierent rien de ce qui estoit requis pour saintement continuer ce bon office; mays sur tout envers les femmes et filles qui, par une speciale inspiration, estoyent appellees a l'estat de la sacree continence, qui pour lhors estoyent de deux sortes, comme le docte Cardinal Baronius tesmoigne, et qu'il est evident a tous ceux qui ont quelque part es escritz de l'antiquité..

  A025002170 

 Pour cela on vit, tout au fin commencement de l'Eglise, les Apostres grandement affectionnés a bien instruire ce sexe en la pieté, comm'il appert par leurs Epistres, esquelles ilz traittent les femmes devotes non seulement cordialement, mais aussi honnorablement; le grand saint Jean ne se desdaignant point d'escrire a l'une d'icelles, que par honneur il appelle Madame.

  A025002171 

 Telles encor furent, du despuis, les deux saintes Catherine de Sienne et de Gennes, la bienheureuse Angele de Foligni, sainte Elizabeth de Hongrie et, selon quelques uns, sainte Claire de Montfalcon; comme aussi cette multitude innombrable enroolee es confrairies ou compaignies de divers tiltres, qu'en Italie on appelle Tertiaires, Pizzocare ou Casalingues, et en Espaigne las Beatas, pour la direction desquelles le docteur Diegue Perez, regent es saintes Lettres a Barcellone, a fait un juste volume d'excellens advertissemens qui ont despuis esté traduitz en Italien avec beaucoup de louange.

  A025002171 

 «Il y a plusieurs femmes,» dit saint Gregoire Nazianzene, «en toutes les regions que la salutaire doctrine de Jesus Christ a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie cæleste et suivant un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres qui sont tesmoins de leur chasteté.» Or, quant aux femmes et filles consacrees a Dieu par le vœu de continence, demeurantes en leurs maysons particulieres, la quantité et la sainteté en a tous-jours esté grande; telles [294] furent les anciennes devotes de saint Hierosme et de saint Augustin: Blesile, Aselle, Laeta, Demetrie, Marcelle, Principie et mille milliers d'autres, entre lesquelles estoit celle du lieu Caspalian, qui, en vertu des reliques de saint Estienne, resuscita de mort a vie, au recit de saint Augustin; et la pluspart de celles que le grand saint Ambroyse dit estre venues a luy pour recevoir le voyle sacré, non seulement des quartiers de Bologne et de Playsance, mays aussi de Mauritanie.

  A025002172 

 Et quant a saint Augustin, Possidonius dit ainsy: «Entre les rares tesmoignages de son soin pastoral que l'on voyoit apres son trespas en son diocese, l'un des plus grans fut qu'il laissa un clergé tres suffisant et des monasteres, tant d'hommes que de femmes devotes, avec leurs Superieurs et Superieures.».

  A025002173 

 Et des-ja auparavant, lhors que sainte Helene fut en Hierusalem, «elle y treuva des vierges consacrees a Dieu, lesquelles elle invita a disner et les traitta si devotement que, s'estant retroussee, elle mesme, comme servante, couvrit la table de ses propres mains, leur donnant a laver et versant a boire, en sorte qu'elle, qui estoit Reyne du monde et mere de l'Empire, se rendit servante des servantes de Nostre Seigneur.».

  A025002173 

 Et en Afrique, la seur de saint Augustin fut jusques a sa mort Superieure des servantes de Dieu, ainsy que Possidonius recite; comme sainte Paule le fut en Bethleem, au rapport de saint Hierosme, lequel escrivant a Demetrie, vierge romaine, dit ainsy: «Les femmes et filles dediees a Dieu qui vivent dans le monastere et desquelles aussi il y a grand nombre, ne doivent jamais sortir seules, [296] sans mere.» Et en l'epistre a Principie, il tesmoigne qu'il y avoit de son tems, a Rome, force monasteres de vierges.

  A025002174 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, escrivant aux Philippiens: «Je salue,» dit il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et finalement, en l'epistre aux Antiochiens: «Que les vierges,» dit il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et en l'epistre a Heron: «Conserve,» dit il, «les vierges comme joyaux de Jesus Christ.» De sorte que les Colleges ou Congregations des femmes et filles devotes estoyent des-ja introduites et louees en l'Eglise du tems des Apostres; qui rend d'autant plus probable ce qui a esté dit de celles que la glorieuse Vierge et sainte Marthe instituerent..

  A025002175 

 Or, du despuis ces Congregations de filles et femmes se sont rendues differentes et de deux sortes: car les unes ont esté reduites en terme de Religion formelle au moyen de la Profession que l'on y fait par les vœux solemnelz, et telles sont celles des Carmelines, Jacobines, Chartreuses, de sainte Claire, de Cisteaux, de Fontevrault; des autres sont demeurees en tiltre de simple Congregation, a la façon des anciennes.

  A025002175 

 Toutes neanmoins sont en estat de perfection, comme encor les femmes et filles qui, par vœu ou oblation manifeste, se sont dediees a Dieu, bien qu'elles ne se soyent point rangees sous aucune Congregation; puisque pour estre en estat de perfection il suffit que par une solemnité publique on se soit dedié et obligé de servir Dieu en quelque façon convenable pour acquerir la perfection.

  A025002176 

 Le troysiesme rang est de ceux qui par les vœux parfaitz, mais simples, sont rendus vrays Religieux: comme sont les estudians de la tres honnorable Compaignie de Jesus, [lesquelz, encor qu'en conscience ilz ne se puissent desfaire eux mesmes des sacrés liens de leurs vœux simples, si est-ce neanmoins qu'ilz en peuvent estre absous non seulement par le Saint Siege Apostolique, mais aussi par les Superieurs de l'Ordre;] [et si par leur malheur ilz quittent sans congé leur sainte vocation pour revenir au monde et se marier, leur mariage est valide, quoy que devant Dieu ilz offencent tres griefvement et meritent le nom d'apostatz, jusques a ce qu'ilz soyent legitimement absous de leurs vœux.].

  A025002176 

 Les Evesques tiennent le premier rang, comme dediés, par une consecration sacramentelle, a la charge pastorale qui consiste en la prattique d'une perfection acquise et consommee.

  A025002176 

 Les Religieux des vœux solemnelz et parfaitz tiennent le second rang, comme obligés a suivre les principaux moyens et conseilz propres a s'acquerir la perfection, et ce par une obligation si estroitte, que non seulement en conscience, mais encor selon la police ecclesiastique, ilz ne peuvent en estre delivrés que par l'extraordinaire et souveraine puissance de l'Eglise.

  A025002176 

 Mays il faut en cet endroit considerer qu'il y a divers degrés en l'estat de perfection, comme tous les Docteurs l'advouent.

  A025002177 

 Le quatriesme rang est de certains Ordres que le Saint Siege a receu et appreuvé en tiltre de Religion, encor qu'ilz ne facent pas tous les vœux essentielz, et que, de plus, ilz ne facent que des vœux imparfaitz en comparayson des autres Religieux; d'autant qu'ilz ne vouent ni la chasteté absolue, ni la pauvreté entiere, ni l'obeissance que pour certaines actions.

  A025002177 

 Telz sont les Chevaliers surnommés de Christ, en Portugal, et plusieurs autres qui sont tant en France qu'en Italie: tous lesquelz, quoy que plusieurs [298] excellens docteurs nient pouvoir estre nommés Religieux, doivent neanmoins estre ditz et tenus pour telz, comme a sagement observé le docteur Navarrus, puisque le Saint Siege les accepte pour telz et les honnore de ce nom..

  A025002178 

 En quoy il ny a rien de reprehensible, puisque le simple peuple n'est pas obligé de sçavoir les distinctions dont on use parmi ceux qui manient les affaires..

  A025002178 

 Et bien que anciennement, du tems de saint Augustin et de saint Hierosme, et en tous ces premiers siecles despuis les Apostres on appellast indistinctement Moynesses, Religieuses et Sanctimoniales toutes les femmes et filles qui se dedioyent a Dieu, ou en Congregation ou hors de Congregation, si est ce que maintenant [299] on ne parle pas comme cela selon le stile present de la Cour Romaine (qui en cecy doit estre suivi), ne plus ne moins qu'on n'appelle plus les Evesques Papes, tressaintz Peres, tres heureux Peres, Vostre Sainteté, Vostre Beatitude; qui sont neanmoins les tiltres ordinaires desquelz l'antiquité les honnoroit; l'usage, qui a toute authorité sur les paroles, ayant reservé ces eloges et appellations d'honneur au seul Evesque Romain qui tient la primauté de saint Pierre.

  A025002178 

 Le cinquiesme rang appartient a toutes les autres Congregations, tant d'hommes que de femmes, esquelles on s'oblige, soit par vœu simple, soit par oblation, soit par simple protestation et declaration publique, a la prattique des conseilz evangeliques; lesquelles, bien qu'elles soyent de beaucoup plus grande perfection que celles des Chevaliers mentionnés, quant a la prattique, ne sont pas neanmoins si avant dans l'estat de la perfection selon la police exterieure de l'Eglise, ni ne portent pas le tiltre de Religion entre ceux qui manient les affaires ecclesiastiques, puisque le Saint Siege ne leur donne pas ce nom, ains les laisse sous le simple nom de Congregations pieuses et devotes, comme tesmoigne le docteur Navarre en deux conseilz donnés pour les Dames oblates de la Tour des Mirouërs de Rome.

  A025002178 

 Mais quant au vulgaire, il donne le nom de Religieux et de Religieuse a tous ceux qui, par changement d'habit, font quelque speciale profession de servir Dieu et mesme, en quelques quartiers d'Italie, on appelle Religieux tous les clercz.

  A025002181 

 Certes, presque toutes les Religions, despuis plusieurs centaines, d'annes, praetendent tous-jours de se pouvoir estendre en [300] toute l'Eglise, sous l'obeissance d'un General qui gouverne par tout leurs Congregations, sans dependance de la jurisdiction ordinaire des Evesques: ce qui ne se peut faire que par la puissance generale du Saint Siege Apostolique, estant raysonnable qu'un Ordre qui se respand sur tout le cors de l'Eglise en ayt le congé du directeur universel d'icelle; car une Congregation dilatee parmi le Christianisme sous un chef extraordinaire, ne devroit elle pas estre appellee faction, monopole ou sedition, plustost que Religion, sinon qu'elle fut appreuvee de l'Eglise?.

  A025002181 

 De tout ce que nous avons dit jusques a present provient la difference que l'on observe entre l'erection et l'institution des Congregations qui portent tiltre de Religion, et les Congregations qui sont marquees du seul nom de simple Congregation; car nulle Religion ne peut estre instituee sans l'expresse approbation du Siege Apostolique, ayant esté ainsy determiné au Concile de Latran.

  A025002183 

 Elles n'ont point de jurisdiction ni aucune puissance qui s'estende hors d'une seule mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelles elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenues pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees et appreuvees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles se treuvent instituees, ne plus ne moins que les societés et autres confrairies pieuses; les Ordinaires demeurans, quant a cela, en leur ancienne authorité, puisqu'elle ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile de ce tems, portent le tiltre de Religion, et qu'il ne faut pas estimer que le Saint [302] Siege ayt jamais voulu lier les mains aux inferieurs Prelatz, en ce qui ne regarde que leurs troupeaux particuliers et qui est convenable a l'avancement des ames en la perfection chrestienne..

  A025002184 

 Mais, pour ne point trop s'amuser a preuver une chose qui est si evidente, la coustume, qui donne la loy aux loix, ou qui du moins leur sert d'authentique interprete, nous oste de toute difficulté en cet endroit; car, comme du tems de saint Gregoire Nazianzene, de saint Hierosme et de saint Basile les Evesques avoyent erigé force Congregations presque en tous les endroitz du Christianisme, aussi du despuis, et jusques au tems ou nous sommes, les Evesques en ont dressé en plusieurs lieux, et mesme en Italie, ou il semble que la prattique de la discipline ecclesiastique doive estre plus exactement observee..

  A025002185 

 Et d'effect, le docteur Giussan, gentilhomme milanois, parlant du zele que ce saint Archevesque avoit pour la sacree vertu de chasteté, recite qu'il induisit plusieurs hommes a la garder, et adjouste en son italien ce qui s'ensuit, rapporté de mot a mot en nostre françois: «Mais le nombre des femmes fut beaucoup plus grand, se remplissant de vierges non seulement les cloistres sacrés, mais divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis, et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, tant nombreuse en femmes vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté de vie, sous l'observance de leurs propres Regles.» Aussi les Reverendissimes Evesques de [304] cette province lâ ont par apres erigé une multitude de Congregations de filles et femmes vivantes ensemble, sous les noms de la glorieuse Vierge, de sainte Ursule et autres, comme il appert par les livretz des Regles qu'ilz ont donné, imprimés en divers endroitz d'Italie.

  A025002185 

 Et de deça, les compaignies de sainte Ursule ont esté en plusieurs endroitz reduites en Colleges et Congregations, le Saint Siege tenant pour canoniquement fait, quant a cela, ce que chasque Evesque ordonne en son diocaese pour la plus grande gloire de Dieu..

  A025002187 

 Il y en a des autres ou l'on fait des vœux simples: comme l'on void en la pluspart de celles de la province de Milan, esquelles les Seurs font vœu publiq de chasteté et de perseverer en l'obeissance des Regles, ainsy qu'il appert par les formulaires de leurs receptions, qui est presque [306] semblable, quant a ce point, a celuy que les Oblatz de Saint Ambroyse observent quand ilz font le vœu..

  A025002188 

 En quelques Congregations on ne s'astreint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en celle de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz susmentionnés, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comme il est porté au livre de leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002191 

 Qu'elles ne sortent jamais, voire mesme pour un peu de tems, si ce n'est pour quelque cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque; 2. et que nul, quel qu'il soit, non pas mesme les femmes, ne puissent entrer en leurs monasteres sans la licence de l'Evesque ou du Superieur, obtenue par escrit, laquelle ne doit estre donnee que pour des cas necessaires..

  A025002192 

 Ce sont donq les deux articles necessaires de la closture des monasteres, qui, comme a sagement remarqué le docteur Navarrus, n'obligent que les Congregations qui sont erigees en tiltre de Religion; entre lesquelles ce decret neanmoins est diversement observé par l'introduction de diversité de clausures, toutes utiles, toutes selon Dieu, toutes tressaintes, d'autant que selon la varieté des lieux, des nations, des vocations on a jugé les causes des sorties et des entrees estre necessaires et legitimes en certains Monasteres et non pas es autres.

  A025002193 

 Du tems de sainte Claire, les Seurs converses entroyent et sortoyent librement pour le service des Monasteres: tesmoin celle laquelle, lhors que la Sainte luy lavoit les piedz, la blessa au visage, et l'advertissement qu'elle leur donne en la Regle de ne rapporter pas des nouvelles de dehors; comme aussi le glorieux saint Charles, avec les Evesques de sa province, permettent les entrees et sorties des dites converses selon les occurrences.

  A025002193 

 En des autres, tres reformés et pieux, les filles seculieres sont receues pour estre instruites, ainsy que l'on peut voir en toute l'Italie et qu'il est tesmoigné es Conciles provinciaux celebrés sous saint Charles a Milan.

  A025002193 

 Et en l'Ordre si saint des Carmelines on fait quelquefois sortir les Religieuses pour les transferer d'un monastere en un autre; et tout cela se fait tres religieusement..

  A025002194 

 Certes, la clausure absolue, perpetuelle, rigoureuse et si estroitte, que plusieurs estiment estre la seule vraye clausure, ne fut jamais guere en usage parmy les anciens, desquelz la bienheureuse simplicité ne requeroit pas une si exacte rigueur; ains ilz se contentoyent d'une clausure moderee, qui avoit pour bornes la bienseance de la vocation [311] religieuse: en sorte que les hommes n'entrassent jamais es lieux des Religieuses sans cause tres urgente, et avec une circonspection qui ostast le juste sujet de tout sinistre soupçon, et que d'ailleurs les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, avec tant de bienseance que nul ne peust avec rayson les blasmer.

  A025002194 

 Mais quant au reste, les femmes et filles seculieres avoyent acces aux monasteres, y estant mesme receues par hospitalité; et les Religieuses sortoyent sans difficulté, pour plusieurs causes ordinaires qui, pour lhors, estoyent estimees convenables.

  A025002196 

 Quand vous alles dehors, on ne vous defend pas de voir les hommes; mais de les desirer ou vouloir estre desirees d'eux, c'est un grand crime.».

  A025002197 

 Au cinquiesme Concile d'Orleans, celebré il y a plus de mille ans sous le Pape Virgile, il est ordonné que les filles qui entrent es Religions esquelles elles ne demeurent pas perpetuellement recluses, demeurent troys ans a faire leur probation en leur habit seculier..

  A025002197 

 Les Religieuses de Tabenne, au tems de Constantin le Grand, qui furent si heureuses de vivre sous la conduite du grand saint Pacome, et sous la Regle qu'il avoit receu d'un Ange, ne firent nulle difficulté de recevoir en hospitalité [313] la mere du jeune Religieux Theodore.

  A025002197 

 Saint Bernard escrit un traitté De la façon de bien vivre a sa seur Religieuse, ou il tesmoigne clairement, par les advertissemens qu'il luy fait, qu'elle ne vivoit pas en l'extremité de la rigoureuse clausure.

  A025002197 

 Sainte Scholastique, seur de saint Benoist, ayant institué une Congregation de Religieuses, alloit toutes les annees visiter son frere; et la derniere fois qu'elle y fut, advint le miracle de la pluye et tempeste que Dieu fit venir expres pour arrester le glorieux patriarche saint Benoist qui ne vouloit pas demeurer davantage avec sa chere et sainte seur, ainsy que saint Gregoire et les autres autheurs ecclesiastiques racontent.

  A025002198 

 Car il faut considerer qu'a mesure que les Religions et Congregations des femmes sont dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure; de maniere qu'estant receues par l'Eglise a cette intention, et ayant d'ailleurs solemnisé le vœu de leur sousmission et obeissance pour tout ce qui est requis a l'exacte pratique de leur vocation speciale, c'est avec juste rayson qu'on leur impose une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse a toutes, selon ce qui a esté dit ci dessus..

  A025002198 

 Que si la clausure moderee et terminee par la sainte bienseance de la vocation religieuse a esté suffisante et suffit encor pour maintenir en discipline reguliere plusieurs Congregations, et que le Concile de Trente estant [314] sainement entendu n'oblige pas a la plus rigoureuse, certes, a plus forte rayson les pieuses et devotes Congregations, qui ne sont point erigees en tiltre de Religion, seront tres suffisamment acheminees a la perfection de la vie chrestienne si elles observent fidelement une moyenne clausure, une chacune selon sa vocation.

  A025002199 

 Mays les simples Congregations n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains encor pour plusieurs autres, et estant introduites en l'Eglise pour des louables et sacrees retraites esquelles on ne solemnise [315] point les vœux, ains on les y fait simplement pour ce seul genre de vie, que le docte et pieux Navarrus appelle saint, certes il leur suffit de garder la clausure necessaire pour la bienseance de leur vocation; laquelle au reste les oblige estroit'tement de ne permettre non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet es plus estroittes Religions, d'autant que cet article est essentiel a la conservation de la pudeur et chasteté des femmes consacrees a Dieu, et a tous-jours esté observé en toute Congregation de femmes; lesquelles, par la condition de leur propre estat, doivent estre separees d'habitation d'avec les hommes, sans leur permettre aucune entree que par une tres, urgente necessité.

  A025002199 

 Voire, mesme es maysons seculieres des anciens Hebreux et orientaux et de plusieurs seigneurs de divers endroitz de l'Europe, les femmes et filles ont eu leurs, quartiers retirés et a part de celuy des hommes..

  A025002200 

 Mais pour le demeurant, elles peuvent donner entree aux filles et femmes seculieres pour plusieurs saintes et bonnes occasions, appreuvees neanmoins, ou en general, ou en particulier, par leurs Superieurs; comme aussi elles peuvent sortir pour plus d'occasions que celles qui servent a Dieu en tiltre de Religion, pourveu tous-jours que ce soyent occasions pieuses, graves et jugees convenables, par les mesmes Superieurs..

  A025002202 

 Dieu a donné l'instinct aux oysillons de nicher dans les buissons et sur les arbres [317] des vallees, aussi bien qu'aux aigles de faire leurs retraittes es cimes des inaccessibles rochers.

  A025002202 

 Les petites simples Congregations ne doivent jamais entrer en comparaison d'egalité avec les Religions, ni aussi les Religions en preference de mespris sur ces petites assemblees qui, selon leur condition, s'essayent de servir Dieu devotement..

  A025002203 

 A changer les Superieurs et Superieures des Religions tous les troys ans, il y a du danger d'amoindrir leur authorité; de les avoir perpetuelz, il y a du peril de leur donner sujet d'audace et de fierté.

  A025002203 

 La mendicité es Monasteres des femmes les met bien souvent au hazard d'une solicitude trop active, d'une recherche de faveurs trop affectee et d'un chagrin accompaigné de plusieurs plaintes; et les moyens donnent ouverture a la pompe et outrecuydance..

  A025002203 

 Quelques Religions se treuvent bien d'avoir des Generaux qui les visitent par tout le monde; les autres estiment d'estre mieux gouvernees de les avoir tous-jours en un lieu destiné.

  A025002203 

 Quelques autres treuvent de l'inconvenient si leurs [318] Religieux preschent ou confessent, et les autres font ces offices avec beaucoup de suavité.

  A025002204 

 Il arrive quelquefois que pour eviter un danger present, nous employons des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; l'esprit humain se contente maintesfois plus a se desfaire promptement des affaires que de demeurer longuement a les bien faire, et semble que le mal n'est pas mal quand il ne paroist pas..

  A025002204 

 Les abeilles en hiver, observant l'estroitte closture, sont sujettes a la sedition et a s'entretuer les unes les autres; mais l'esté qu'elles prennent l'air, elles sont sujettes a s'esgarer.

  A025002205 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations [319], une mediocre clausure suffira pour y faire des bonnes servantes de Dieu; s'il n'y regne pas, la plus estroitte clausure du monde ne suffira pas.

  A025002205 

 Or, l'esprit de pieté y regnera tous-jours si les Superieurs en ont le soin paternel qu'ilz en doivent avoir.

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002215 

 Elles n'ont point d'authorité qui se respande hors d'un diocaese, ni mesme, le plus souvent, hors d'une mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelz elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenu ( sic ) pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles sont: ne plus ne moins que les confrairies et autres societés pieuses, que le Pape a accoustumé de gratifier et favoriser par la concessions ( sic ) d'Indulgences et autres advantages spirituelz, pourveu qu'elles auront esté canoniquement erigees par les Ordinaires, lesquelz, quant a cela, demeurent en leur ancienne authorité qui ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile present du S t Siege, portent le tiltre de Religions; puisque la limitation et restriction de la puissance ordinaire [302] ne doit operer que selon la rigoureuse signification des motz esquelz elle est conceue, et que le S t Siege ne doit estre estimé vouloir lier les mains aux Evesques inferieurs en ce qui est utile pour l'avancement de leurs brebis en la perfection chrestienne, aflïn qu'un chacun d'eux puisse dire quil est venu en son diocaese affin que les ames eussent la vie, et qu'ilz ( sic ) l'eussent plus abondamment..

  A025002216 

 Et comme du tems de S t Gregoire Nazianzene les Evesques avoyent erigé force telles Congregations presque en tous les endroitz du Christianisme, aussi du despuis et jusques a ce tems auquel j'escris, les Evesques en ont dressé en plusieurs endroitz, et mesme en Italie, ou il semble que la prattique de la discipline ecclesiastique soit et doive estre le modelle pour le reste................................................................................................................................................

  A025002216 

 Et la coustume, qui semble donner la loy aux loix mesme et laquelle au moins leur sert de tres bon interprete, nous oste de toute sorte de difficulté en cet endroit, et monstre bien que l'Eglise et le S t Siege tient pourlegitimement et canoniquement instituees et appreuvees les simples Congregations erigees par les Ordinaires qui, en cela, possedent sans contradiction quelcomque leur ancienne authorité.

  A025002217 

 Et de deça, en France, les compaignies de sainte Ursule ont esté en plusieurs endroitz reduites en Colleges et Congregations par l'authorité ordinaire, l'Eglise et le S t Siege tenant pour canoniquement institué pour ce regard ce que chasque Evesque fait en son diocaese, comm'elle fait en plusieurs autres occasions..

  A025002217 

 .................................................[304] et autres, comm'il appert par les livretz des Regles quilz leur ont donnees, imprimees en divers endroitz d'Italie.

  A025002224 

 En quelques unes on ne s'astraint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en la Congregation de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz de S t Ambroyse a Milan, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comm'il est porté en leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002225 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu; car au vœu il [y] a trois nœuds qui nous obligent: la verité, foy et loyauté que nous devons avoir en nos paroles, nous obligent d'observer nos legitimes promesses a un chascun, mais sur tout a [307] Dieu tout puissant auquel devans, outre cela, porter un souverain respect, c'est un acte d'irreverence extreme de ne point tenir les promesses et vœux que nous luy faysons.

  A025002226 

 C'est pourquoy l'obligation d'observer les vœux est tres grande.

  A025002232 

 L'une est que jamais les femmes recluses ne puissent sortir sinon pour quelque necessité extreme et force inevitable, comme est le feu embrazant le monastere, ou le monastere estant affligé de peste, ou quand, les ennemis de la foy entrans en quelque lieu, il y a juste crainte de violence, forcement ou massacre.

  A025002233 

 L'autre partie de cette si estroitte clausure est que non seulement nul homme, mais non pas mesme aucune femme, pour quelqu'occasion que ce soit, ne puisse entrer dans le monastere, si ce n'est pour quelque necessité violente qui ne puisse estre evitee: comme pour reparer les edifices, medicamenter les malades, les confesser, communier, oindre de l'Extreme Unction et ensevelir.

  A025002234 

 C'est pourquoy ilz se contentoyent des parties essentielles de la clausure: c'est a dire, que les hommes n'en- [311] trassent jamais es monasteres des femmes sans cause tres urgente, et en sorte que leur entree ne peut causer aucun soupçon; et que les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, et avec tant de bienseance que nul ne peut avec rayson les blasmer.

  A025002234 

 Et quant au reste, les femmes et filles seculieres avoyent acces aux monasteres, et on leur y faysoit mesme l'hospitalité; les Religieuses sortoyent sans difficulté pour les occasions qui alhors estoyent jugees convenables.

  A025002234 

 Or, cette clausure si estroitte estoit peu en usage parmi les anciens, desquelz la bienheureuse simplicité ne requeroit pas une si grande rigueur.

  A025002236 

 S t Augustin, en l'epistre cent et neufviesme, parlant a des Religieuses de son diocsese: «Quand vous alles dehors, on ne vous defend pas de voir les hommes; mais de les desirer ou vouloir estre desirees d'eux, c'est un grand crime.

  A025002237 

 Les Religieuses de Tabenne, au tems de Constantin le Grand, qui furent si heureuses de vivre sous la conduite du grand S t Pacome et sous la Regle quil avoit receue d'un Ange, ne firent nulle [313] difficulté de recevoir en hospitalité la mere du jeune Religieux Theodore..

  A025002239 

 par la consideration des causes, qui doivent estre saintes, graves, appreuvees par l'Evesque, de sorte qu'elles ne sortent jamais pour aller passer le tems, ni pour aller simplement visiter les parens et amis, ni pour aller faire des complimens, ni pour aller acheter, vendre, playder et semblables mondanités messeantes a des ames qui font profession d'avoir renoncé au siecle, a la mayson paternelle, aux parens et en somme a toutes affections, hormis a celles que la charité commande.

  A025002241 

 DE LA SUFFISANCE DE CETTE CLAUSURE POUR LES CONGREGATIONS.

  A025002243 

 A mesure que les Religions et Congregations des filles et femmes sont plus dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure, pour n'estre du tout point diverties; et d'autant qu'elles sont appreuvees par l'Eglise a cette seule intention, et que d'ailleurs elles ont solemnisé le vœu de leur sousmission pour tout ce qui est requis a l'exacte observance de leur vocation, c'est avec juste rayson que l'on leur impose a toutes une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse, ainsy qu'il a esté dit ci dessus..

  A025002244 

 Mays les Congregations simples n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains pour ceux encor de la charité envers le prochain, estant receues et appreuvees de l'Eglise pour des simples, louables et saintes retraites esquelles d'ailleurs [315] on ne fait les oblations ou vœux a Dieu que pour cette seule vocation et genre de vie que le sçavant et tant pieux Navarrus, appelle saint, partant la bienseance de leur vocation les obligent ( sic ) a quelque sorte de clausure, ne permettant non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet aux plus estroittes Religions, car cet article icy est essentiel a la bienseance de leur vocation, Mays quand au reste, demeurant en liberté de sortir et de laisser entrer les filles et femmes seculieres, pour plusieurs autres raysons, outre celles pour lesquelles la sortie ou l'entree des femmes est permise aux Religions reformees..

  A025002245 

 Et certes, c'est une tentation extreme de ne vouloir que l'extreme [316] et rigoureuse clausure pour les femmes et filles; car si bien par icelle il semble que l'on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, neanmoins, on la diminue extremement ostant la commodité de se retirer a toutes celles qui ne sont appellees qu'a la retraite suffisante et moderee, que l'antiquité et l'experience nous tesmoigne estre neanmoins fort aggreable a Dieu et utile au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002246 

 Dieu a donné l'instinct aux petitz oysillons de faire leurs petites retraittes dans les buissons et sur les arbres des [317] vallees, aussi bien qu'aux aigles de les faire es cimes des inaccessibles rochers.

  A025002246 

 Et comme les petites simples Congregations ne doivent pas entrer en comparaison d'egalité avec les Religieuses, aussi les Religieuses ne doivent pas entrer en preference de mespris sur ces petites assemblees qui, selon leur condition, s'essayent de servir Dieu devotement..

  A025002247 

 La solitude tire souvent apres soy la melancolie, la hantise des hommes apporte de la dissolution; l'estude et les lettres enflent, l'ignorance traine la rusticité et bestise.

  A025002247 

 Les avettes en hiver, observant l'estroitte clausure, sont sujettes a la sedition et a s'entredesfaire; l'esté, a s'esgarer.

  A025002248 

 La mendicité es Monasteres tire souvent apres soy une solicitude plus active, des recherches affectees et des plaintes continuelles; les moyens donnent de la fierté et de l'outrecuydance.

  A025002248 

 Quelques Ordres ne veulent pas que leurs Religieux preschent ni confessent, et disent quilz s'en treuvent mieux; les autres aussi font ces offices avec beaucoup d'utilité.

  A025002248 

 Quelques Religions treuvent bon d'avoir leurs Generaux qui les visitent par tout le monde; les Chartreux et la Compaignie de Jesus se treuvent bien de les avoir tous-jours en un lieu destiné.

  A025002248 

 [318] Quelques Monasteres de femmes sont regis par des Superieurs reguliers, les autres par les Ordinaires, et on treuve des raysons pour l'une et pour l'autre administration.

  A025002249 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations, [319] une mediocre clausure suffit pour faire des bonnes servantes de Dieu; s'il ne regne pas, la plus estroitte du monde ne suffit pas.

  A025002249 

 Or, l'esprit de pieté regnera tous-jours si les Superieurs prouvoyent de bons Peres spirituelz et ont le soin quil convient pour l'observation des Regles et la conservation de la discipline devote.

  A025002253 

 L'on met premierement et principalement an consideration que cete Congregation n'est point approuvee du Sainct Siege et, qu'an quelque maniere et sous quelque loy qu'on la mette, les vœux qui se feront en icelle seront tousjours vœux simples, et les filles veufves qui entreront an la Congregation ne seront jamais proprement ny vrayement Religieuses.

  A025002254 

 L'une est qu'il y a pour les filles du regret et du desplaysir qu'elles ayent les obligations essentielles de la Religion et qu'elles n'en ayent ny le nom, ny le merite, ny la perfection, ny les Indulgences; et que les liens qui les tiendront en cete Congregation ne soyent pas si fermes et indissolubles qu'elles ne puissent craindre de veoir, sinon an ces premices de l'esprit de devotion, au moins dans quelques annees et par succession des temps, des tentations et des desordres parmy elles..

  A025002255 

 C'est l'un des poincts que les Parlemens de ce royaume ont remarqué contre l'institut des Jesuites, encor que pour le regard de ce dernier il y ait moins de dangers..

  A025002255 

 Ce qui est d'autant plus grief en France, a cause de la liberté de conscience; car si une fille tentee vient a se faire protestante, elle demandera son partage au bout de vingt ans, et fauldra le luy bailler, et le prendre sur tel qui l'aura dissipé il y aura dix ans; et sur cela, combien d'actions hypothecaires, combien de reductions de familles! Les Edicts ont reglé et empeché cela quant a celles qui ont faict les vœux solemnels et profession en des Religions approuvees; mais ces Filles de la Visitation, lesquelles n'auront faict ny vœux solemnels, ny profession an Religion, ne sont point comprises dans les reglemens et exceptions des Edicts; et partant, elles reviendroient an partage comme les aultres protestans.

  A025002255 

 L'autre poinct qu'on infere est qu'il y a an cela grande apprehension [322] et grand danger pour les parens et les familles.

  A025002255 

 La rayson est que si les filles, apres avoir faict les vœux et estre demeurees longues annees an la Congregation, venoient, par tentations, seductions ou autrement, a contracter mariage, bien qu'elles offenseroient griefvement Dieu, neantmoins le mariage seroit valide; et lhors, quelle honte et quel malheur a la fille, et quel regret a ses parens! Mais, quelles semences de proces et de mauvais mesnages dans les familles! car, a la rigueur et severité du droict, l'on ne pourrait lhors refuser a cete fille son partage.

  A025002256 

 Comme fera-on donc pour les filles de la Congregation? Si elles ne succedent point, c'est [323] blesser la disposition du droict; si elles succedent, leurs parens ne vouldront point qu'elles entrent an cete Congregation.

  A025002256 

 Il fault adjouster que par la coustume generale de ce royaume les hommes ou femmes proffés en des Religions ne succedent plus aulx biens temporels qui leur pourraient escheoyr; mais tels biens appartiennent a leurs parens plus proches.

  A025002257 

 Les vœux des Jesuites, bien que simples an certaine façon, par l'approbation et privileges particuliers du Pape, sont pourtant tousjours vœux de Religion: et partant, celuy qui sort avec congé de son Superieur, peult contracter mariage; mais celuy qui sort sans congé est apostat, et non seulement il peche griefvement an contractant mariage, mais encor de plus, tel mariage est invalide..

  A025002258 

 Donc, pour se recueillir, les parens dient qu'ils ne veoyent pas vollontiers entrer leurs parentes an cete Congregation, d'aultant qu'ils ne sçavent si elles sont Religieuses ou seculieres, si elles persevereront ou non, si elles partageront avec leurs freres et sœurs ou si elles demeureront contentes de la dot qui leur aura esté attribuee; et cete incertitude est aussi longue que la vie de la fille..

  A025002259 

 Et a la verité, quand il n'an seroit point question, la prudence doit aprendre aux Prelatz et Superieurs de ces Maisons, qu'ils prenent soigneusement garde a ne laisser pas des portes ouvertes par lesquelles le peché et l'inquietude puyssent entrer an l'ame des Sœurs, le desordre et la honte dans les Maisons, et le scandale dans le monde..

  A025002259 

 Or, ce n'est point une speculation des plus sçavans, mais une plainte fort ordinaire et qui s'entend tous les jours en cete ville, an laquelle les parens ne sont pas fort portés a consacrer leurs filles au service de Dieu, hors du monde; et quand ils s'y laissent aller, il y a bien souvent beaucoup de considerations temporelles.

  A025002260 

 Ainsy an usa sainct Charles envers les Angeliques de Sainct Paul de Milan, gouvernees par les [324] Bamabites; ainsy a faict depuis peu Monseigneur de Paris avec les Ursulines, ainsy font tous les Evesques..

  A025002260 

 On propose, pour remede a cela, de convertir ces Congregations an vrayes et formelles Religions qui demeurent soubs la jurisdiction de l'Evesque diocesain, et que les Religieuses ayent a vivre an la mesme façon qu'il est porté dans les Regles de la Congregation, qui sont a la verité excellentes et respirent de toutes parts la pieté et l'esprit de Dieu.

  A025002260 

 Pour Constitutions, on leur peut donner celles de la Visitation, estant loysible a chaque Evesque de les donner a son arbitre, pourveu qu'elles soyent honnestes et raysonnables.

  A025002261 

 Quand les Sœurs seront Religieuses, et qu'elles auront faict les vœux solemnels, elles seront pour leur regard an estat plus parfaict; elles, les Monasteres et les parens hors de dangers, craintes et apprehensions susdites..

  A025002262 

 Et au reste, de deux fins aulxquelles l'institut de la Visitation jette son dessein, cet expedient an embrasse une, qui est d'ouvrir une porte par laquelle puissent passer au service de Nostre Seigneur les personnes desja aagees ou foibles, ou qui ne se sentent pas appellees aulx rigueurs des Religions plus estroittes..

  A025002265 

 Les principaulx docteurs de la Sorbonne n'ont ils pas resolu que la marquise de Magneley seroit mieulx au monde qu'an Religion? Et le Pape, an suite de cete resolution, ne luy a il pas commandé par son Nonce qu'elle demeurast au monde? Sera il dict que pour une veufve qui paroistra au monde comme un phœnix an un siecle, il faille tenir un bon nombre de filles an des Congregations, plus tost que dans le nom et la profession d'une Religion?.

  A025002266 

 Je ne sçaurois que dire de celles qui sont hors de Romme, sinon que, par les petitz livres que nous an avons, il se peult colliger que les dictes Congregations sont instituees principalement pour recueillir les pauvres filles qui n'ont pas les moiens qu'il fault pour entrer an Religion.

  A025002267 

 Encor puyssé je dire davantage, qu'on a parlé plusieurs fois de supprimer ce Monastere; son antiquité et les Cardinaulx parens des Religieuses l'ont conservé, mais il est unique an Italie..

  A025002268 

 Ce qui ne se dict point par exageration, ny pour trouver a redire an celles qui, assistees de l'Esprit de Dieu et de la direction d'un angelique Prelat, ont frayé heureusement ce chemin, et se font admirer et non reprendre; mais il fault jetter les yeux dans les annees a venir, et penser au temps que, cete direction manquant et les ardeurs de cete devotion ralenties, les choses pourront succeder moins heureusement..

  A025002268 

 Certes, il semble inconvenant qu'une femme que l'on a veue, an grande solemnité, couverte d'un drap de mort dans l'eglise, comme mourante a toutes les choses du monde, on la veoye quelque temps apres dans le soin d'un mesnage temporel.

  A025002268 

 Et bien qu'an toutes les villes de cete province l'on erige continuellement de nouveaux Monasteres de filles, l'on ne veoyt point qu'on an aye erigé un aultre comme celuy cy, parce que l'on ne l'auroyt pas permis.

  A025002269 

 De plus, il fault penser au jugement du monde, et s'imaginer que ceulx qui verront cete Sœur de la Congregation par les chams et dans les villes, n'auront pas tous veu le conseil de Navarre, et ne sçauront pas les distinctions subtiles entre Religion et Congregation.

  A025002269 

 Si donc les occasions des veufves devotes et necessairement attachees au monde sont fort rares, et si leurs sorties sont fort dangereuses, il semble plus expedient de les exhorter qu'elles demeurent a servir Dieu dans le monde, combattant vertueusement par sa grace, qui suffit a toutes nos necessités et tribulations et infirmités de leur vie, que non pas, an les retirant dans des Congregations, donner occasion a toutes les incommodités susdictes..

  A025002269 

 Tant il y a, que voyant une Religieuse par le monde et dans les affayres, il s'an scandalisera; tant y a, que les Monasteres lesquels an execution du Concile on veult remettre an closture, auront fort que dire et dequoy se plaindre; tant y a, que les protestans et les libertins auront dequoy censurer les clostures de nos Monasteres, puisque par le moien des Congregations nous sçavons bien nous an passer, et prouver qu'elles n'estoyent point an la primitive Eglise; tant y a, que ces sorties seront occasion de grandes distractions aux Sœurs qui sortent, et de tentations a celles qui demeurent a la maison, et, par succession de temps, l'on ne peult que l'on n'an apprehande des desordres.

  A025002270 

 Et par consequent, puisque ces Congregations ne sont necessaires [327] que pour ces veufves, estant suffisamment pourveu a l'aultre fin des Congregations par le moien de la Regle de sainct Augustin, et des Constitutions doulces et gratieuses, comme il a esté dict au commencement, il semble que l'on peult conclure qu'il est plus expedient d'eriger des Monasteres et Religions formelles, esquelles les Sœurs serviront Dieu an un estat de plus grande perfection et participeront a mille benedictions et Indulgences que les Souverains Pontifes ont concedees aulx dictes Religions; ou, aultrement, les Seurs ne peuvent seulement estre asseurees d'avoir le consentement de Sa Saincteté, car, recherchee plusieurs fois d'autoriser icelles Congregations, jamais elle l'a voulu faire: oultre qu'il y a grande difference entre sa tolerance, et sa benediction et ses Indulgences.

  A025002270 

 Il y a de plus, qu'elle tolere bien souvent ce qu'elle ne peult empescher; oultre que, pour se servir de sa tolerance, il la fault avoir an un cas du tout semblable au nostre, et ne fault pas mettre an une seule Congregation ce que l'on trouve toleré an diverses; car Sa Saincteté souffrant les choses singulieres, l'on ne peult pas inferer qu'elle les veuille souffrir toutes ensemble..

  A025002271 

 Il y a plus de la part des Religieux ou casuistes qui, entendant parler de cete Congregation, an louent grandement les exercices, et admirent la pieté de l'Instituteur et sa charitable prevoyance, deferant infiniment a sa suffisance et a la lumiere que le Ciel luy donne; neantmoings, quand il est question d'accorder ces vœux et ces sorties, et ces aultres inconveniens sus allegués, chacun subsiste; et si l'on les proposoit sans alleguer l'autheur, beaucoup diroyent qu'an cete saison et an ce pais cela est fort dangereux; et ne croit on pas qu'il se puysse trouver aultre exemple d'aulcune Congregation religieuse an laquelle il entre des femmes encor chargees d'affaires, qui, an habit de Religieuse, an sortent de fois, a aultre pour pourveoir aulx dictes affaires..

  A025002272 

 Si, nonobstant toutes ces considerations, il est jugé expedient de demeurer an termes de simple Congregation, on remarque que l'invocation de la Visitation ayant esté prinse sur le dessein que les Sœurs serviroyent les malades, et ce dessein ne se devant plus effectuer, il sembleroit a propos de changer cete invocation et prendre celle de la Presentation de Nostre Dame, a laquelle l'oblation des Sœurs peult avoir plus de rapport.

  A025002273 

 Et ne semble pas asses asseuré de recourir a la distinction des vœux solemnels et simples, et des Congregations et Religions; car, oultre que ce seroyt eluder l'intention desdicts Conciles, qui a esté d'empescher les nouveautés et diversités an l'Eglise (et ces Congregations sont les vrays moiens de les introduire, estant certain que jamais deux Evesques ne seront du mesme advis), il est apparent que cete prohibition s'estend aulx Congregations que vouldroyent introduire les Evesques, puisqu'elle requiert l'approbation Apostolique.

  A025002273 

 L'on remarque aussy que les paroles de l'oblation contiennent vœux de chasteté, pauvreté et obeissance.

  A025002273 

 Mais nous disons qu'ils ne peuvent pas, soubs le nom de Congregation ou College, eriger des assemblees qui ayent toutes les, marques et l'essence encor des Religions, an sorte qu'il n'y aye a dire que le nom: les trois vœux, la communauté, l'eglise, Sacrement, le chœur, chanter tous les jours les divins Offices; et que? peult on avoir plus que cela an la Religion?.

  A025002275 

 Je respons qu'a la verité voyla deux marques principales de la Religion qui ne conviendront jamais aulx Congregations; mais je dis que quand les Conciles ont deffendu d'eriger des Religions nouvelles, ils sçavoient fort bien qu'il n'y a que le Pape qui les puysse eriger avec ces conditions la, puisqu'elles ne peuvent estre [329] sinon an suite de l'approbation du Pape.

  A025002275 

 Mais l'intention des Conciles a esté d'empecher les nouveautés et diversités an l'Eglise..

  A025002276 

 Bien est vray qu'il seroyt a propos de laisser cete oblation avec ces trois vœux, si l'on le peult faire canoniquement; car cela consoleroit fort et les Sœurs qui entreront an la Congregation, et leurs parens, attendu que chacun n'entend pas ces distinctions des vœux simples et solemnels, et pourtant sembleroit aulx uns et aulx aultres que ce soyt vrayement Religion: qui ne seroyt qu'un bon et pieux equivoque.

  A025002276 

 Mais si cela ne se peult faire canoniquement, il fauldra se restreindre au vœu de chasteté et au ferme propos et establissement du reste; et possible seroyt il a propos de le concevoir ainsy: «Je, N., fais vœu a Dieu de le servir en perpetuelle chasteté, et de vivre et mourir en la Congregation de ceans, selon les Regles et Constitutions d'icelle.» Et dans les Regles on expliquera que l'on ne fait pas vœu expres de pauvreté et d'obeissance, mais que les Sœurs observeront pourtant l'un et l'aultre volontairement et pour l'amour de Dieu, avec aultant de fidelité et de courage que si elles y estoyent liees et obligees par des vœux les plus solemnels du monde..

  A025002276 

 Quoy qu'il an soit, cete oblation avec les vœux est jugee perilleuse, et il fauldroit avant s'informer si elle se prattique an quelque lieu soubs la simple authorité des Ordinaires, pour ne pas commencer cela sans quelque grand exemple.

  A025002277 

 An ce poinct on pourra se servir du privilege des Congregations et se dispenser an quelque chose du droict commun, faisant durer le noviciat 2, 3, 4, plusieurs annees, selon qu'il sera besoing pour liquider les affaires de celles qui auront esté receues..

  A025002277 

 Mais pour les affaires temporelles des Sœurs, les sorties ne seront permises sinon pendant le noviciat, et jamais apres l'oblation; et partant, avant que venir a l'oblation, soit filles ou veufves, devront estre deschargees de toutes affaires.

  A025002277 

 On remarque encor ce qui est des entrees des hommes an la Congregation, et pour les sorties des femmes.

  A025002277 

 Pour le premier, il les fauldroit restreindre a celles des peres et enfans seulement, et au cas de l'extreme maladie des Sœurs; et pour les sorties des Sœurs, il fauldroit declarer qu'elles se concederont fort rarement et pour quelques grandes, necessaires raisons, comme pour aller faire quelque fondation.

  A025002278 

 Avec cet expedient et cete moderation, l'on pourrait pourveoir an partie aulx inconveniens qui procedent des sorties, et satisfaire par mesme moien aulx desseins et a l'intention de la Congregation, qui est de donner retraitte a des veufves, bien que chargees encor de quelques affaires pour lesquelles il leur fust besoin de sortir quelquefois au monde; intention que l'on trouve bien louable et charitable, s'il estoit aussy aysé de rencontrer les moiens de l'executer sans inconveniens et incommodités..

  A025002279 

 Et il sera bon d'expliquer que c'est principalement pour telle raison que l'on se tient dans les termes de Congregation, afin de pouvoir, an ces sorties et cete prorogation de noviciat, an l'entree des peres et enfans, an l'entree des femmes seculieres et choses semblables (si chose aultre y a), mitiger an quelque chose la rigoureuse observance des Religions et s'accommoder aux infirmités des personnes, pour la plus grande gloire de Dieu; mais qu'au reste, les Sœurs de la Congregation, apres avoir fait ce sacrifice a Dieu pour le bien de leur prochain, doibvent estre, an ce qui les regarde an particulier, aussy fideles a Nostre Seigneur et aussy observantes de leurs Regles comme si elles estoient an la Religion du monde la plus estroitte..

  A025002280 

 Il n'y a que le Pape et les Conciles qui puyssent parler ainsy, oultre que les autres Evesques s'an scandaliseroyent, et il semblerait qu'on leur voulust apprendre leur leçon..

  A025002280 

 Or, il se fault determiner de tout cecy et an demeurer d'accord uniformement, s'il est possible; car il fault prendre garde que dans les Constitutions qu'on fera imprimer, on ne doibt pas dire que les Evesques, selon les necessités de leur diocese, pourront faire cecy ou cela.

  A025002281 

 An tout cas, pourtant, quand il faudroit venir a faire des Regles separees, on a l'exemple des Evesques d'Italie, lesquels, an la province mesme de Milan, ne se sont pas entierement accommodés ny avec leur Archevesque, ny les uns avec les aultres..

  A025002281 

 Davantage, les Constitutions sont faictes non pas pour donner loy aulx estrangers, mais pour la donner aulx sujetz.

  A025002281 

 Si donc l'on se peult accorder uniformement, les [331] Constitutions se pourront publier comme estans faictes pour les; Congregations d'Annecy et de Lyon.

  A025002282 

 Finalement, il sera bien a propos de penser quelles appellations l'on donnera a ces Congregations et aux Sœurs qui entreront an icelles, et si on les appellera Congregations religieuses et les Sœurs, Religieuses, comme il semble qu'il se pourra faire et qu'il sera bienseant.

  A025002285 

 Sur les remarques qu'il a pleu a Monseigneur l'Archevesque de Lyon communiquer a l'Evesque de Geneve, on le supplie tres humblement d'aggreer ces petites remonstrances lesquelles, veuës et considerees, il luy plaira employer son authorité pour le choix qui luy est deferé; auquel ledit Evesque acquiescera non seulement humblement et reveremment comm'il doit, mais cordialement, gayement et en toute suavité..

  A025002286 

 Or, les moyens de cette asseurance furent divers..

  A025002287 

 Premierement, on considera qu'en la province et ville de Milan il y en avoit quantité, toutes presque differentes les unes des autres; qui faisoit foy que ces erections estoyent pleinement au pouvoir des Evesques, d'autant plus que cette province la est advouee la mieux disciplinee qui soit en Italie..

  A025002288 

 Aussi, en l'affaire de M me de Gouffiers, on exprima qu'elle estoit en la May son de la Congregation des Oblates d'Annessi, et ni le nom, ni la chose ne fut point treuvee estrange: signe manifeste qu'elle est de l'espece des Institutz qui sont suffisamment appreuvés quand ilz sont erigés par les Evesques, desquelz les actions n'ont pas besoin d'approbation speciale, sinon es cas que le Saint Siege s'est expressement reservé..

  A025002289 

 De sorte qu'il suffit de sçavoir que telles Congregations sont en usage en l'Eglise de Dieu entre les Pasteurs les plus reformés et dignes d'imitation, et qu'elles peuvent estre establies sous [334] differentes Constitutions, selon que les lieux, les occasions et les fins qu'on praetend le requierent; estant au reste tres certain que non seulement a Milan, mais en la province de Milan, telles Congregations ont eglise, Messe, Sacremens, chœur, bien que non pas toutes.

  A025002289 

 Exemple en soit les Guastales a Milan, ou nos bons Peres Barnabites disent tres souvent la Messe; ou l'Institutrice, Confesse Guastale, a establi un confesseur et un clerc ordinaire pour dire la Messe et administrer les Sacremens, ainsy qu'il appert par son testament imprimé, que l'Evesque de Geneve a. Et l'on peut bien comprendre que les Urselines qui sont en Congregation, ont eglise interieure, c'est a dire chœur pour elles, et exterieure pour les Messes, au diocese de Novare, puisque au Formulaire de la reception, qui est imprimé parmi les autres escritz pastoraux de Monseigneur de Novare, il est dit tout a la fin que les filles receuës seront ramenees en leurs maysons, «ou bien en l'eglise interieure, si elles sont receuës en Congregation.» [335].

  A025002290 

 Et quant a dire l'Office ensemble, a la verité l'Evesque de Geneve n'a pas encor certitude si cela se fait es eglises de Milan, mais ouy bien que la permission de le dire n'est point du genre des choses prohibees aux Evesques, qui le permettent en Italie aux Confrairies des Pœnitens ou Disciplinanti, sans reprehension de personne; et ces Confrairies, composees de gens mariés, imitent en cela les Religieux [336] et le Clergé d'une bonne imitation.

  A025002291 

 Et en ces Congregations-la vivoyent et fleurissoyent les grans Saintz et grandes Saintes qui faysoyent leurs vœux en grande celebrité, mais sans solemnité; ainsy que font encor a present les estudians des Jesuites, lesquelz, s'ilz sortent sans congé apres leurs vœux simples, sont voyrement apostatz, puisqu'ilz sont tenus pour Religieux, mais les mariages qu'ilz contractent ne sont pourtant pas invalides, puisque en cela seulement consiste la solemnité du vœu de chasteté, laquelle n'a jamais esté en leur vœu..

  A025002291 

 Et toutes, presque, les anciennes Congregations estoyent de cette nature, les vœux solemnelz des Religieux et Religieuses n'estans introduitz que despuis cinq cens ans en ça, ainsy que remarque doctement Hieronimus Platus, in lib. De Bono status religiosi.

  A025002291 

 Mays, que non seulement elles soyent loysibles, ains aussi utiles au salut des ames et gloire de Dieu, il est advis qu'on n'en puisse pas douter sans blasmer ces bons Evesques d'Italie, qui, avec beaucoup de soin, les erigent, dressent et instruisent; laissant a part que la chose parle d'elle mesme.

  A025002292 

 En somme, les fruitz de cette Congregation sont appreuvés.

  A025002292 

 Si donq ell'est loysible, on ne peut douter qu'elle ne soit tres utile, sans que pour cela on veuille l'esgaler en reputation, dignité et perfection aux Religions formelles ou Congregations des vœux solemnelz; car en l'Eglise il [337] y a des rangs et methodes pour le service de Dieu en grand nombre et en grande difference, tous bons, tous honnorables, mais plus les uns que les autres..

  A025002294 

 Et quant a l'entree des peres et enfans, s'il est treuvé bon de les gratifier, on croid que ce sera beaucoup de consolation pour eux et sans apparence de peril, la chose estant bien conduite avec l'entree des medecins et confesseurs..

  A025002294 

 Or maintenant, venans a ce qu'il faut resoudre, et considerant que le genre de vie prattiqué en cette Congregation pourra estre receu avec beaucoup d'utilité et de gloire de Dieu en divers endroitz du royaume de France, sil [338] estoit reduit au point auquel Monseigneur l'Archevesque le desire, l'Evesque de Geneve, de tout son cœur, sans un seul brin de repugnance, acquiesce a l'establissement de cette Congregation en tiltre de simple Congregation, sous la condition d'une clausure perpetuelle, toute telle qu'elle est marquee au Concile de Trente pour les Religieuses formelles, et sous cette douce et benigne interpretation que, comme a Romme et en Italie presque par tout on estime une suffisante cause pour faire entrer les filles du monde es monasteres quand elles ont besoin et volonté d'y estre instruites, on puisse aussi y faire entrer les femmes et filles qui auront besoin et volonté de s'y retirer pour un peu, affin de mettre ordre et restaurer leurs consciences; puisque cette necessité est grande, et les fruitz de ces entrees plus grans qu'il ne se peut dire, ainsy que l'experience l'a fait voir de deça.

  A025002296 

 Et pour satisfaire encor plus pleinement aux conceptions des hommes du monde, on pourroit, ce semble, obtenir aysement de la Cour de Parlement, ou du Conseil du Roy, que les renoncemens faitz par les filles, a leur entree, des pretentions temporelles, tiendroyent; aux reserves de ce qui leur seroit accordé en leurs entrees, qui demeurera acquis a la Congregation, sinon en cas d'expulsion, qu'il leur sera rendu, ou a leurs parens, pour leur entretien, sans qu'elles puissent prœtendre autre chose; car une telle declaration seroit utile, pour le temporel, aux familles, et pour la descharge des Maysons, et par consequent il y a lieu de croire qu'il seroit facile d'obtenir.

  A025002297 

 Aussi ce tiltre de Visitation est fort authentique; et pourveu qu'on soit d'accord des choses, il semble que les noms sont de fort peu de consideration..

  A025002297 

 Mays quant au nom de la Congregation, Monseigneur l'Archevesque est supplié tres humblement d'aggreer qu'en tous cas celuy de la Visitation demeure; puisque sous ce nom-la, la Congregation d'Annessi est receue en l'Estat de Savoye, et les patentes enterinees au Senat, et plusieurs contractz faitz avec quantité d'autres escritures.

  A025002299 

 Mais, en fin finale, parce que l'on void clairement que l'esprit de Monseigneur l'Archevesque auroit une plus entiere et aggreable satisfaction que cette Congregation fust convertie en une Religion formelle, sous la Regle de saint Augustin, avec les mesmes Constitutions qu'ell'a maintenant, l'Evesque de Geneve y acquiesce aussi fort librement et de grand cœur, non seulement pour le respect, honneur et veneration qu'il doit a l'esprit majeur, mais aussi parce que, selon quil peut discerner des articles proposés, tout ainsy que Monseigneur de Paris a converti la simple Congregation des Urselines en Religion formelle sans changer la fin principale de la Congregation, de mesme, en la transmutation de la Congregation de la Visitation en Religion formelle on pourra exactement garder la fin d'icelle Congregation: ce qu'estant, il n'y a rien a dire que la Religion formelle ne soit plus desirable pour la reputation envers le monde, et pour la descharge particuliere [340] de l'Evesque de Geneve qui n'aura plus occasion de faire des apologies et esclarcissemens pour la Visitation..

  A025002300 

 Or, la fin de la Congregation sera aysee a conserver dans la Religion, pourveu que cette fin soit aymee, aggreée et favorisee autant qu'elle le merite et qu'en ces quartiers des Gaules la necessité du bien des ames le requiert; car, quand mesme il faudroit avoir approbation expresse du Saint Siege, estant bien remonstré que les vefves en ces païs de deça, pour resolues qu'elles soyent, ne peuvent demeurer en leurs maysons sans des continuelles sollicitations au mariage, sans estre attaquees, courtisees et exposees a mille incommodités a cause de la grande liberté qui regne entre les deux sexes, il n'est pas croyable qu'il ne soit treuvé bon qu'on les retire dans cette Congregation en leurs habitz, et a la charge qu'y estant, elles se conforment aux Regles et usages d'icelles, observant la clausure au plus pres quil se pourra..

  A025002301 

 Item, que pour les mesmes considerations on retire pour quelques jours les femmes qui voudront se recueillir en Dieu, pour establir leur vie en son service, au monde.

  A025002301 

 Mais sur tout, si on remonstre un peu fermement la difference qu'il y a entre la France et l'Italie, et qu'en Italie les femmes et filles ont mille commodités es Compaignies, Societés et Congregations de prattiquer la devotion de plus qu'en France; car il semble qu'il n'y peut avoir aucune replique a ces remonstrances, et que si l'on prouvoit aux jeunes filles de retraitte pour les faire instruire dans les monasteres, on doit aussi prouvoir aux vefves, filles infirmes et aux femmes mesme mariees, de cette commodité, pour leur establissement et advancement en la devotion; les autres plus rigoureuses Religions n'y servant pas convenablement, puisqu'elles ne donnent que le mouvement d'admiration et estime, mais non pas celuy de prattique et d'imitation..

  A025002302 

 On ne dit rien en cet endroit de l'expulsion des Seurs, parce que, puisqu'il s'agit de la Regle de saint Augustin, elle y est expressement marquee, et ne restera sinon de l'execution, comm'il est noté dans les Regles..

  A025002303 

 Pour ce qui regarde de corriger l'incivilité du langage, en [341] l'endroit ou il est parlé en sorte qu'il semble qu'on veuille faire la leçon aux Evesques et traitter en Pape, il ne faut sinon corriger cet endroit-la et tous les autres esquelz on verra qu'il sera a propos..

  A025002304 

 Et aussi n'y a-il plus lieu de retarder, attendu que l'Evesque de Geneve est en une parfaite indifference pour aggreer avec suavité le choix qu'il plaira a Monseigneur l'Archevesque de faire; et mesme a pris plus d'inclination pour celuy de la Religion, y voyant plus reluire le contentement de celuy auquel il doit et veut rendre toute obeissance, et l'applaudissement des gens du monde et mesme de plusieurs Religieux, avec la conservation des fruitz praetendus par la Congregation, afïin que les fruitz et tout l'arbre soit cheri et appreuvé esgalement en l'esprit de celuy auquel ledit Evesque se sousmet, a la gloire et louange de Dieu, a qui soit honneur et gloire..

  A025002304 

 Reste qu'il playse donq a Monseigneur de Lyon de conclure toute cette affaire, afïin que, sans plus de delay, on puisse faire l'establissement en l'une des deux façons: d'autant que les Regles sont demandees de toutes partz et la Congregation desiree en plusieurs endroitz, et mesme en ce païs de Savoye; a quoy il n'est pas expedient de respondre ni correspondre que tout ne soit arresté.

  A025002305 

 Si par adventure on retenoit la Congregation, il sembleroit a propos de faire faire les vœux les plus expres qu'il se pourrait, pour exciter les ames a plus grande reverence envers les Regles, puisque en Italie on les fait ainsy; et les paroles: «selon les Regles et Constitutions,» limitent les vœux de pauvreté et obeissance, non pas celuy de chasteté; et semble qu'es formulaires d'Italie on ayt eu esgard a cela..

  A025002310 

 Les deux Manuscrits donnés ci-après, l'un comme texte, l'autre sous forme de variantes, appartiennent à la Visitation d'Annecy.

  A025002313 

 Les marges de certaines pages sont remplies par la sainte Fondatrice qui a écrit dans tous les sens; la plupart de ses modifications sont adoptées dans le Ms.

  A025002314 

 A partir de la fin de 1613, les Constitutions du Ms.

  A025002314 

 K furent sans doute celles que suivait la Communauté d'Annecy; c'est encore ce texte qui fut emporté à Lyon par les fondatrices du deuxième Monastère, en janvier 1615.

  A025002315 

 Comme on l'a vu ci-dessus (p. 214), elles faisaient allusion à la visite de Notre-Dame à sainte Elisabeth, et à celle des pauvres et malades pratiquée à Annecy dans les premières années de la fondation: cette visite ne se fit jamais à Lyon..

  A025002315 

 a) Les dernières lignes de l'article I er ont disparu.

  A025002316 

 Et partant, les Seurs voylees... ne sortiront point [343] du tout, sinon pour des causes... de grande importance, selon qu'il sera advisé par l'Ordinaire...».

  A025002316 

 Il y est dit, en effet, que «les Congregations establies en tiltre de simple congregation pieuse ne sont point sujettes a la rigoureuse clausure... Celle ci sera neanmoins obligee a garder estroittement celle qui est requise pour la conservation et bienseance de sa vocation.

  A025002317 

 K. Or, le 18 avril 1615 le Fondateur écrivait à la Mère de Chantal, à Lyon: «Prenés garde a retenir la liberté des sorties extraordinaires: entre lesquelles, les Jubilés, la visite des proches malades, ouy mesme de quelques signalés bienfacteurs ou grand amy de la Mayson, et mesme de quelque sermon, comme celuy de la Passion, doivent, ce me semble, estre reservees...» (Tome XVI, pp. 344, 345; cf. aussi pp. 331, 332, 347.) A cette époque, donc, les articles 7 et 8 des Constitutions de 1613 étaient encore en vigueur..

  A025002318 

 P; il commence ainsi: «Puisque le vœu fondamental de cette Congregation se fait expressement et formellement de la chasteté...» Ce fut seulement le 20 novembre 1615 que les «Seurs establies» firent entre les mains de leur Fondateur ce vœu perpétuel, avec celui de «vivre a jamais en la Congregation... selon les regles et Constitutions d'icelle.» Le lendemain, elles les renouvelèrent solennellement pour la première fois; depuis lors, la rénovation fut fixée au 21 novembre.

  A025002320 

 La formule des vœux est ainsi conçue: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté en la Congregation de ceans, selon les regles et Constitutions d'icelle.» Cette phrase fut ensuite modifiée par le saint Fondateur, d'après l'avis de l'Archevêque de Lyon qui l'avait discutée dans son Mémoire..

  A025002321 

 A Lyon, la rénovation des vœux n'eut pas lieu, en 1615, le 21 novembre (voir tome XVII, lettre du 13 décembre à la Mère Favre, p. 104); il est bien permis de supposer que les dernières dispositions furent prises trop tard à Annecy pour que la Supérieure de Lyon en pût être avertie à temps; autrement, elle n'eût pas manqué de se conformer à la première Maison de la Congrégation..

  A025002321 

 g) L'article 45: Du renouvellement et confirmation des vœux, marque les exercices préparatoires, les cérémonies à observer et même la manière d'écrire ce renouvellement dans le Livre du Couvent: autant de choses qui n'ont dû être réglées que peu avant la «Saint Martin», 11 novembre, et peut-être écrites seulement après que le premier essai en avait été fait.

  A025002322 

 On pourrait multiplier les remarques et par là même les preuves [344] en faveur de la date que nous suggérons: août-novembre 1615; mais celles que nous venons de donner suffisent amplement..

  A025002323 

 (Cf. tome XVII, p. 107.) Celui de Genève put même commencer à les travailler en juillet, après être revenu de Lyon, mais assurément rien n'était encore définitif.

  A025002323 

 (Ibid., p. 405.) Elles auraient donc été expédiées à Lyon les premiers jours de décembre ou peut-être le 13, date d'une lettre du Saint à la Mère Favre..

  A025002323 

 Il écrit en effet le 16 ou le 17 août à sainte Jeanne de Chantal: «Il faut attendre que nos Regles soyent bien appreuvees et la Mayson de Lion bien establie par [l'autorité de M gr ] l'Archevesque.» (Tome XVII, p. 37.) — Les Constitutions, revues, corrigées, augmentées et copiées furent envoyées promptement à M gr de Marquemont, qui différa assez longtemps avant d'en écrire son sentiment au Fondateur, comme il le lui dit lui-même dans sa lettre du 20 janvier 1616.

  A025002324 

 A quelle époque remontent les corrections et additions faites au Ms.

  A025002325 

 a) Dans son Mémoire, l'Archevêque proteste contre les sorties même des veuves, pour l'arrangement des affaires de famille (voir ci-dessus, p. 325); dans notre Manuscrit, l'article 6 est complètement changé; le nouveau texte est écrit par M. Michel Favre sur deux bandes de papier collées en sorte que le texte primitif reste visible..

  A025002326 

 b) L'Archevêque demande que les entrées «des proches parens en cas de maladie perilleuse» soient limitées aux «peres et enfans seulement»; or, à l'article 3: De la clausure quant a la forclusion des hommes, la sainte Fondatrice a biffé les mots: «freres et les oncles, freres des peres ou des meres» (voir ci-après, var. 1833, p. 353).

  A025002327 

 P. Nous avons donné ci-dessus, p. 283, le passage de la formule primitive, et voici celui de la nouvelle: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en cette vostre Congregation de ceans pour vous y servir en obeissance et pauvreté, selon les Regles et Constitutions d'icelle Congregation...».

  A025002327 

 c) M gr de Marquemont note «que les paroles de l'oblation contiennent vœux de chasteté, pauvreté et obeissance,» et propose de modifier la formule (voir p. 330); le Fondateur se rend à ses désirs et corrige de sa main le texte du Ms.

  A025002328 

 (Ibid., p. 92.) Enfin, le jour même de Pâques elle mande à sa grande fille: «Vous les aurez, ces chères Règles, sans faillir, Dieu aidant, à la première commodité; mais non pas polies, car le bon Père n'en peut sitôt prendre le loisir, et je pense encore que pour nous reculer, il lui vient un ouvrage sur les bras du côté de Thonon.

  A025002328 

 Il y mettra pourtant les choses nécessaires, essentielles, selon le Mémoire que vous avez vu.» (Ibid., p. 98.) Le 14 avril, les Constitutions étaient entre les mains de la Mère Favre, comme l'indique encore une lettre de la Sainte: «Voyez celle que j'écris à ma Sœur de Gouffier, puis fermez-la bien, et lui envoyez la Règle que vous ferez pour cela copier en toute diligence... Si ces gens d'Auvergne vous la demandent, envoyez-la-leur, avec conjuration qu'ils n'en fassent aucune copie, à cause que la dernière main du maître n'y a pas passé; mais rien pourtant ne s'y changera de l'essentiel, ni de tous les exercices.» (Ibid., p. 99.).

  A025002332 

 C'est un très beau Manuscrit, grand in-4 o, de 110 pages; les trois dernières sont blanches et les trois qui les précèdent sont occupées par la Table des matières; le premier feuillet, qui devait porter le titre, manque.

  A025002332 

 Les caractères sont gothiques et très soignés..

  A025002336 

 c) A l'article 2, on remarquera la longue addition concernant la réception des veuves: recevoir seulement celles qui n'auront «pas des affaires qui tirent» à la longue et qui ne demandent pas «des frequentes sorties»; — essai de six semaines avant de «tirer les voix»; — si elles ont le consentement de la Supérieure et des Sœurs, on leur fera écrire leur admission, elles prononceront «le vœu de chasteté et de demeurer en la Congregation,» puis on les remettra pour une année à la Directrice, sans pourtant qu'elles «soyent tenues pour estre du cors de la Congregation, bien qu'elles soyent obligees d'en observer toutes les regles et coustumes»; — à la fin de l'année, si leurs affaires ne sont pas encore réglées, elles sortiront du Noviciat jusqu'à ce qu'elles soient «prestes a prendre [346] l'habit,» qu'on ne leur donnera point pendant qu'elles «ne pourront pas s'exempter de sortir,» et, par conséquent, elles ne seront pas «receues a l'establissement solemnel.» C'est encore ce que M gr de Marquemont avait demandé dans son Mémoire (voir ci-dessus, pp. 330, 331)..

  A025002338 

 e) A l'article 40: De la premiere reception de celles qui desireront estre de la Congregation, il faut signaler le modèle de l'acte que devront écrire les «femmes ou filles» qui, «ayant les voix pour la reception,» auront «besoin de retourner chez elles» pour affaires: «Je N., ayant instamment requis... d'estre receue en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation de Moulins, ay receu cette grace de Nostre Seigneur que d'y estre admise...» etc..

  A025002339 

 f) Le 25 avril 1617 le Saint écrit à la comtesse de San Secondo: «Or, voyla les Regles de la Visitation»; et le lendemain, à la présidente Le Blanc de Mions, à Grenoble: «J'envoyeray les Regles de la Visitation au premier jour; je les avoys fait des-ja transcrire, mais il les faut envoyer a Thurin, ou l'on pense a l'erection d'une Mayson puissamment.» (Tome XVII, pp. 383, 390.).

  A025002340 

 A cette époque donc, non seulement les Constitutions avaient été retouchées et corrigées, mais encore mises au net.

  A025002340 

 Ainsi, les dates extrêmes de la rédaction du Ms.

  A025002341 

 Dans ce cas, une note en caractères italiques renvoie à celui-ci et les passages en question sont omis.

  A025002344 

 En quoy, outre la perte qu'elles souffrent, elles sont dignes de grande compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame genereuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et de vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins presque bonnement le faire, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuitte qu'elle voudroit faire de la sainteté estant empeschee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas grand dommage de voir une vefve qui n'aura peut estre d'affaires domestiques que pour ou huit ou quinze jours chasqu'annee, croupir toutefois et tremper tout le reste de sa vie dans les inquietudes d'un mesnage, emmi les perilz de perdre a chasque moment l'affection qu'elle aura a sa viduité? Et n'est ce pas un secours fort a propos pour celles qui sont avancees en aage, de leur presenter une retraitte en laquelle elles se puissent mieux preparer pour estre retirees eternellement au Ciel? [348].

  A025002344 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses, divinement inspirees, bien souvent aspirent a la perfection de la vie chrestienne par le desir de consacrer tous les momens de leur vie a l'amour et service de leur Redempteur; lesquelles neanmoins, ou pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre des-ja affoiblies par l'aage, ou pour avoir des urgentes obligations d'ordonner de tems en tems les affaires temporelles de leur mayson, ou bien en fin pour n'estre pas poussees et incitees a la recherche d'une vie rigoureuse, ne peuvent pas entrer es Religions austeres, et par consequent sont contraintes d'arrester au monde, emmi le tracas ordinaire d'iceluy, exposees aux perpetuelles distractions, et aux occasions et dangers de pecher ou vivre sans devotion.

  A025002345 

 Affin donq que telles ames pleines de bonne affection ayent des-ormais moyen en ces quartiers de deça de se retirer du monde, fuir les occasions et dangers de se perdre, et s'appliquer doucement et parfaittement a l'exercice du divin amour, cette Congregation a esté dressee et procuree sur l'exemple de beaucoup d'autres, lesquelles, a mesme intention, furent instituees par le grand saint Charles et plusieurs autres Prelatz de grande authorité en Italie, et de celle que sainte Françoise fonda a Rome..

  A025002348 

 Et quant a la derniere, en la Regle que saint Paul mesme luy dicta, il est expressement marqué que les dittes vefves fussent receues esgalement comme les vierges en sa Congregation..

  A025002348 

 Non seulement les vefves ont eu acces a la pluspart des saintes Congregations du tems jadis, mais elles ont esté fondatrices de plusieurs d'icelles, comme il appert de sainte Paule, sainte Melanie, sainte Françoise et autres.

  A025002349 

 On pourra donq recevoir en cette Congregation les vefves desquelles les enfans sont hors de leurs maysons, comme aux estudes, aux cours et ailleurs, ou a l'education desquelz elles peuvent bien et deüement pourvoir par autruy, quoy que d'autre part elles fussent obligees d'avoir le soin general d'iceux et de leurs affaires, pourvu que tel soin ne requiere pas leur residence en leurs mesnages, [349] ains puisse estre prattiqué et executé en peu de jours; car, pour cest effect, telles vefves pourront prendre les commodités requises, avec le moins de distraction que faire se pourra..

  A025002350 

 Faudra soigneusement prendre garde que telles vefves soyent bien appellees de Dieu et fort propres pour son service; qu'elles n'ayent pas des affaires qui tirent beaucoup en longueur ni qui requierent des frequentes sorties; que l'on leur face faire l'essay de six semaines avant que tirer les voix, au bout desquelles, si elles sont treuvees capables et qu'elles ayent le consentement de la Superieure et des Seurs, on leur fera escrire comme elles ont esté admises, ainsy qu'il sera marqué ci apres.

  A025002350 

 On leur fera faire le vœu de chasteté et de demeurer dans la Congregation; puis seront mises a la charge de la Directrice pour estre dressees et enseignees comme les Novices, ou elles demeureront une annee, sans que pourtant elles soyent tenues pour estre du cors de la Congregation, bien qu'elles soyent obligees d'en observer toutes les regles et coustumes.

  A025002350 

 Que si dans cette premiere annee leurs affaires ne sont expediees, on les retirera du Novitiat jusques a ce qu'elles soyent prestes a prendre l'habit, que l'on les y remettra pour encor un an; car tandis qu'elles ne pourront pas s'exempter de sortir quelquefois pour le reglement des affaires de leur mayson temporelle, elles ne prendront point l'habit de la Congregation, ains demeureront en l'habit de leur viduité ordinaire, mais grandement modeste et simple; ni ne seront point, par consequent, receuës a l'establissement solemnel de la Congregation jusques a ce qu'elles soyent en liberté d'y demeurer et vivre sans sortir, comme les autres.

  A025002351 

 De mesme pourront estre receuës les vefves et filles qui pour l'infirmité de leur santé ne se peuvent ranger es Monasteres plus severes, pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat et bien disposé pour vivre en obeissance et en la prattique de la devotion.

  A025002351 

 On excepte neanmoins celles qui auroyent quelque mal contagieux et dangereux, comme les escrouelles, la lepre et autres semblables.

  A025002352 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution de mespriser le monde et de vivre humblement et doucement, avec une parfaite obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des lienssi indissolubles comme beaucoup d'autres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution [351] supplee a tout cela, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025002354 

 Le principal point de la clausure des Congregations des femmes et filles est que leurs maysons soyent fermees aux hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la Mayson de cette Congregation, sinon pour chose necessaire et qui ne puisse estre executee que par l'entree d'iceux, pour laquelle il faudra encor avoir licence par escrit de l'Evesque ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025002355 

 Le confesseur, donq, medecin, apothicaire, cyrurgien, maçon, charpentier ou tel autre venant par necessité en la Mayson, il sera conduit au heu ou il doit faire sa charge par deux des Seurs, lesquelles feront auparavant sonner une clochette, affin que l'on sache qu'il y a des hommes dedans, et que toutes les Seurs se retirent en leurs chambres et es lieux de leurs offices pour esviter d'estre veuës et rencontrees par ceux qui sont entrés..

  A025002356 

 Et quant au confesseur, tandis qu'il ouyra la confession des malades qui ne peuvent venir a la treille, ou qu'il donnera l'Extreme Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il demeurera tous-jours en sorte qu'il soit veu des deux Seurs qui l'auront amené; et, tant les uns que les autres, ayant fait le devoir de leurs offices, seront reconduitz droit a la porte pour se retirer, et les Seurs qui auront la charge de cette conduitte, ni les amenant ni les [352] ramenant, ne deviseront point avec eux, sinon pour respondre simplement de la disposition des malades..

  A025002356 

 Le medecin, apothicaire et cyrurgien feront tous-jours leur charge en presence de deux Seurs qui les accompaigneront.

  A025002357 

 Et affin que l'entree pour les malades se face avec moins d'interestde la closture, on observera de faire les infirmeries en sorte que pour y aller des la porte on ne passe point dans le dortoir, ains par les lieux moins sujetz au rencontre des Seurs..

  A025002357 

 Or, outre ceux-la qui pour telles urgentes necessités pourront entrer dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Seurs et attendu qu'il n'y peut avoir aucune apparence de mal, les peres et les filz pourront entrer pour visiter leurs filles et meres, quand toutefois elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir et qu'on jugera leurs maladies devoir estre perilleuses; et s'il se peut bonnement faire, telz parens n'entreront qu'avec le confesseur ou medecin, affin qu'on ne multiplie pas les entrees.

  A025002358 

 Et lhors, quatre Seurs, avec plusieurs lumieres, les iront recevoir et les accompaigneront tandis qu'ilz seront dans la Mayson, et les reconduiront, procurant qu'ilz sejournent le moins qu'il se pourra.

  A025002361 

 Ce n'est pas un point essentiel de la closture des Maysons des servantes de Dieu que les autres femmes ne puissent pas entrer, comme il a esté declaré en la Praeface.

  A025002361 

 Mays pour autant que si l'acces leur estoit indistinctement permis, la paix des Seurs seroit grandement troublee, elles n'entreront que sous les conditions suivantes:.

  A025002364 

 Qu'a leurs entrees on observe ce qui a esté dit pour l'entree des cyrurgiens et medecins, horsmis que la Superieure pourra avec liberté faire entretenir celles qui entreront par les Seurs que bon luy semblera et es lieux qu'elle treuvera plus a propos, voire mesme pourra les admettre aux exercices de la Mayson, s'il y a apparence d'edification..

  A025002366 

 On prendra garde que les femmes qui entrent ne troublent [354] point le train ordinaire des exercices de la Mayson, et pour ce on n'en recevra que deux ou trois a la fois, sinon que pour quelque grande et extraordinaire occasion il y eust licence par escrit d'en recevoir davantage; car autrement il y auroit danger de grande distraction et importunité..

  A025002367 

 Les jours de festes les femmes n'entreront point dans la Mayson, affin que les Seurs ayant communié puissent avoir plus de repos pour entretenir le celeste Espoux.

  A025002367 

 On excepte neanmoins les femmes estrangeres qui en autre tems n'auroyent pas commodité de venir, comme aussi toutes les autres en cas de necessité spirituelle requise..

  A025002368 

 Il sera permis de recevoir en la Mayson, mesme pour y demeurer plusieurs jours, les femmes qui, pour se preparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leur vie, ou pour se fortifier et confirmer en la vertu auront besoin d'un peu de retraitte; a la charge qu'estant entrees elles obeiront a la Superieure, sans sortir de la Mayson ni permettre, autant qu'elles pourront, d'estre visitees.

  A025002368 

 Or, celles cy ayant achevé leurs exercices pour lesquelz elles seront entrees, se retireront en paix, sans que pour l'hospitalité que l'on leur aura faite on leur demande aucune recompense temporelle; bien que si en sortant de la Mayson, ou mesme en entrant, elles donnent quelques aumosnes, on les puisse charitablement recevoir, principalement si ce sont personnes de moyens..

  A025002369 

 Et on leur fera leur logis a part, affin qu'elles n'entrent [355] point dans les dortoirs ni aucun autre office de la Mayson, ni moins leurs filles de chambre, sans le congé de la Superieure; laquelle, par soy mesme ou par l'une des Seurs, leur fera toute assistence de conseil, livres et commodités propres au sujet pour lequel elles seront venues, tesmoignant envers elles une tres cordiale charité de toute la Congregation..

  A025002370 

 En fin, il faut que les personnes du monde entrent en la Mayson en sorte que le monde n'y vienne point avec elles; ce qui arrivera si les filles de la Congregation attirent par leurs devis, modestie et sainte contenance les femmes qui viennent, a parler chrestiennement et spirituellement, sans meslange de murmuration, curiosité ou autres entretiens superflus..

  A025002373 

 Mays quant aux autres personnes, soit hommes ou femmes, auxquelles il est requis que les Seurs parlent au parloir, on observera:.

  A025002374 

 Premierement, que les Seurs jamais ne parlent qu'aux treilles.

  A025002374 

 Que tous-jours celle qui parlera soit assistee d'une autre Seur qui puisse ouyr ce qui se dira, sinon que pour quelque respect la Superieure se contente que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera, laquelle, en ce cas, se retirera a part faysant quelque [356] ouvrage, ou lisant quelque livre, ou priant Dieu, Les Novices auront toute liberté de parler a leurs parens proches en la façon susdite, comme au contraire on les tiendra exemptes de parler a tous autres, tant que faire se pourra.

  A025002378 

 Bien que les Congregations establies en tiltre de simple Congregation pieuse, tant a Romme mesme qu'es autres lieux d'Italie, ne soyent point sujettes a la rigoureuse et exacte clausure, en celle ci toutefois s'observera exactement [357] la clausure prescritte aux Monasteres par le sacré Concile de Trente, selon la forme et teneur des paroles d'iceluy qui sont telles: «Or, a aucune des Religieuses soit loysible, apres la Profession, sortir du monastere, pour peu que ce soit, sous quel praetexte que ce soit, sinon pour cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque.

  A025002379 

 Ce que neanmoins, quant a cette Congregation, sera entendu des Seurs qui seront voylees, les Seurs Servantes pouvant sortir, comm'il se prattique mesme en Italie en plusieurs Monasteres; et sauf encor quant aux entrees des femmes, qui pourront estre permises non seulement pour l'absolue necessité, mays, de plus, pour l'utilité, selon quil a esté dit en l'article 4; comm'aussi pour le regard de l'entree des proches parens en cas de perilleuse maladie des Seurs, comm'il a esté dit en l'article 3..

  A025002380 

 La clausure n'exclud pas les Seurs de sortir dans le chœur des prestres pour parer l'autel, a condition quil ny ayt personne estrangere, et que la porte de la nef soit [358] bien fermee; laquelle nef, comme aussi la grande treille et le parloir se fermeront en dehors par les Seurs Servantes qui en apporteront tous les soirs les clefz a la Superieure..

  A025002383 

 Despuis Pasques jusques a la saint Michel: elles se leveront a cinq heures, pour entrer en l'orayson mentale une heure entiere despuis cinq et demi jusques a six et demi; et sera ladite orayson sonnee en clochant seulement durant trois Pater et Ave, affin que toutes les Seurs ayent commodité de s'assembler.

  A025002384 

 A huit heures elles diront Tierce en chant, et tout consecutivement Sexte a droit te voix; apres quoy, toutes ouyront la sainte Messe, laquelle dite, on recitera None encor a droitte voix, horsmis les grandes festes et Dimanches qu'on la chantera.

  A025002386 

 Vespres dites, les Seurs font leurs ouvrages de conversation, devisant de leur lecture et choses utiles jusques a Complies, qui se disent a cinq heures a droitte voix, excepté les grandes festes que l'on chante le Nunc dimittis; et sont suivies des Letanies et d'une demi heure d'orayson mentale.

  A025002387 

 Les Matines, qui se commenceront a huit heures trois quartz, seront suivies de l'examen de conscience, lequel estant achevé on lira la matiere de la meditation du jour suivant; apres quoy, toutes se retireront pour estre chacune couchee a dix heures precisement..

  A025002394 

 Elles diront le Petit Office de Nostre Dame au chœur, ou a droitte voix ou en le chantant, selon qu'il est marqué en leur Directoire de l'Office fait expres pour elles; observant de prononcer nettement et distinctement, faysant les pauses, mediations et accens avec grand soin et attention..

  A025002396 

 Si quelqu'une fait faute au chœur, personne ne la reprendra sur le champ; mais si elle se peut reparer, celles qui s'en appercevront la repareront doucement et sans s'en empresser; comme par exemple: si celles qui commencent les Pseaumes avoyent pris l'un pour l'autre, les autres reprendront le Psalme laissé sans faire semblant de la faute.

  A025002397 

 Or, parce que les espritz humains ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous le praetexte de la devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel praetexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres quelcomques ordinaires que des Heures de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, Chapitres, himnes, versetz, Invitatoires et Oraysons es festes nommees ci dessus, selon quil est porté au Formulaire de leur Office; et par ce moyen elles auront tant plus d'occasion d'apprendre a bien, distinctement et gravement dire, prononcer et chanter leur dit Office..

  A025002398 

 Au reste, les Seurs Servantes diront le matin, en lieu de Prime, Tierce, Sexte et None, douze Pater et Ave Maria, et le soir, en lieu de Vespres et Complies, sept; pour Matines et Laudes, dix.

  A025002398 

 Mais elles ne manqueront point d'assister a la sainte Messe tous les jours, tant que faire se pourra..

  A025002399 

 La sainte Communion se fera generale toutes les Dimanches et festes de commandement.

  A025002400 

 Quatre fois l'annee, d'environ trois moys en trois moys, la Superieure fera appeller quelque Confesseur extraordinaire, bien qualifié et bien experimenté, auquel toutes les Seurs se confesseront.

  A025002403 

 Les manches de leurs robbes, longues jusques au fin bout des doigtz et larges en sorte qu'elles puissent aysement tenir leurs mains et bras pliés l'un sur l'autre dans leurs manches; et en somme, elles ne porteront rien qui ne ressente extremement la simplicité religieuse..

  A025002404 

 Leurs litz seront de mattelatz, et les tours d'iceux de simple estoffe brune, qui se feront en sorte que les Seurs couchant plusieurs en une chambre ne se puissent point voir l'une l'autre en se levant ou se couchant; et pour cela les ouvertures des tours de lit ne seront point tournees l'une contre l'autre.

  A025002410 

 Or, cette lecture doit estre tous-jours commencee par un article de la Regle, faite distinctement et clairement, avec des justes pauses de periode en periode, affin que toutes les autres estant en silence entendent sans peyne ce qui se dira.

  A025002412 

 La Superieure dira les Graces et Benedicite des clercz.

  A025002412 

 dans le refectoir a droitte voix, quant a la premiere table; mais quant a la seconde, on ne dira que le petit Benedicite et les petites Graces, et l'office s'en fera par celle qui sera la premiere de la table selon l'ordre de cette annee la, et la leçon ne se continuera que jusques a moytié table..

  A025002413 

 Et les autres vendredis se fera une simple abstinence au souper..

  A025002413 

 Outre les jeusnes commandés par l'Eglise, elles jeusneront toutes les veilles de Nostre Dame et celles de Pentecoste, de l'Ascension, Trinité et Feste Dieu, et tous les vendredis despuis la feste saint Michel jusques a Pasques, sinon qu'en ce jour lâ se celebrast quelque feste de commandement, car en ce cas le jeusne seroit remis au samedi; que sil estoit encor feste le samedi, le jeusne ne se feroit point cette semaine la.

  A025002414 

 Avant le Benedicite et apres, les Seurs pourront faire les mortifications permises, a l'accoustumee..

  A025002415 

 Les Seurs estant entrees a table, nulle ne despliera sa serviette ni ne mettra la main au pain ni au cousteau que la Superieure n'ayt donné l'obedience disant: «Au nom de Dieu.» Et taschera on non seulement d'observer le silence, mais de faire le moins de bruit quil se pourra; que si quelque Seur a besoin de quelque chose qu'elle [366] puisse faire entendre par signe, elle n'employera point les paroles pour cela..

  A025002416 

 Aux collations, pour le Benedicite et pour les Graces on dira l' Ave Maria avec le signe de la Croix, et pourra on manger environ troys onces de pain, avec un peu de fruit cuit ou crud..

  A025002424 

 L'homme obeissant, dit l'Escriture Sainte, dira les victoires.

  A025002424 

 Or, cette Congréegation estant comme une petite armee dressee contre la vanité du monde, affin que combattant heureusement elle puisse rendre conte a Nostre Seigneur et a Nostre Dame de plusieurs belles victoires, elle doit estre establie en une parfaite obeissance; et pour cela, toutes les Seurs obeiront exactement, fidellement et [367] sans reserve a la Superieure, ne faysant chose quelcomque que par son ordre..

  A025002425 

 Que si quelque Seur vouloit les monstrer, il faut que ce soit en sorte que les autres ne s'en apperçoivent pas, affin de ne tenir point leurs espritz en contrainte..

  A025002425 

 Tous les messages, donques, et lettres qui entreront et sortiront luv seront premierement rapportés, affin qu'elle les permette ou retienne, ainsy que bon luy semblera; horsmis les lettres que les Seurs escriront au Superieur et Superieure absens, car celle qui demeurera en la place de la Superieure par maniere de lieutenante ne verra point telles lettres addressantes aux Superieurs, bien que tous-jours on luy doive demander licence pour leur escrire et faire cachetter les lettres par celle qui a le sceau de la Mayson.

  A025002426 

 Apres la recreation du soir, avant que d'aller a Matines, toutes se presenteront devant la Superieure qui leur commandera les choses requises pour ce soir la et pour la matinee suivante; comme de mesme, apres la recreation du disner, elle leur ordonnera ce qui se devra faire jusques au soir.

  A025002426 

 Que sil ny a rien a commander, elle leur recommandera simplement la mutuelle dilection les unes envers les autres, avec la sainte paix de Nostre Seigneur..

  A025002427 

 Cela fait, les Seurs qui n'auront rien a proposer se retireront.

  A025002427 

 Mays celles qui ont quelque charge des affaires de la Mayson pourront demeurer avec la Superieure pour l'advertir des choses qui seront necessaires; dequoy on ne [368] parlera point devant les autres Seurs, affin de laisser leur esprit en plus grande tranquillité et liberté..

  A025002428 

 En toutes occasions ou il sera requis de dispenser de la Regle ou moderer les exercices, la Superieure en aura le pouvoir, laquelle neanmoins sera grandement attentive pour observer la discretion, affin de n'estre ni trop ployable ni trop imployable; mais es choses d'importance elle prendra tous-jours l'advis du Pere spirituel..

  A025002433 

 Puisque le vœu fondamental de cette Congregation se fait expressement et formellement de la chasteté et continence perpetuelle, il n'est point besoin de declarer combien toutes les Seurs y sont obligees; car, en un mot, elles doivent [369] estre toutes a Dieu leur Espoux, de cœur et de cors, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté, en esprit, en paroles et en œuvres, par une angelique conversation..

  A025002437 

 Chasque Seur ayant traitté des affaires necessaires a sa reception et entretenement en la Congregation, selon quil sera advisé par le Pere spirituel et la Superieure (ce qui se fera tous-jours avant la reception de l'habit, sil se peut), elles renonceront, le jour avant leur vœu et establissement, a toutes les pretentions qu'elles peuvent avoir au monde, en la meilleure façon que le Pere spirituel et la [370] Superieure adviseront par conseil.

  A025002438 

 Ce qui ne s'entend pas pour l'eglise, laquelle pourra estre ornee et embellie autant que les moyens et facultés des Maysons le porteront; lesquelles Maysons on ne devra beaucoup enrichir, ains tesmoigner l'amour de la sainte pauvreté, mesme es rentes, revenus et bastimens..

  A025002438 

 Et faudra observer exactement qu'en la Congregation il n'y ayt aucune proprieté ni particularité de chose quelcomque, pour petite qu'elle soit; ni que la Mayson soit meublee de meubles mondains et superflus, comme tapis, tapisseries, mirouers, bagues, anneaux et vaisselle d'argent, si ce ne sont cuillers pour les malades.

  A025002439 

 Ce qui s'observera si exactement, que ni les chapeletz [371] mesmes, medailles reliques, et images, ni les litz, ni les chambres ne demeureront point tous-jours aux mesmes Seurs, ains seront changees toutes ces choses entre les Seurs au commencement de chasque annee, en cette sorte..

  A025002439 

 Et affin que toutes affections qui pourroyent naistre dans le cœur des Seurs soyent retranchees, et qu'on vive en la Congregation avec une parfaite abnegation des choses exterieures et de toute proprieté, on ne servira pas une Seur de ce qu'elle aura apporté en la Mayson ou de ce qu'on auroit donné a sa contemplation; ains indifferemment, sans distinction quelcomque, on distribuera les robbes, voyles, linges et toutes autres choses selon le rencontre et sans faire aucun choix, ni entrer en consideration quelcomque sinon de la necessité de chacune des Seurs.

  A025002440 

 La veille de la Circoncision, lhors que l'on tire les billetz des Saintz, on escrira en chasque billet le nom de l'un des Saintz que l'on veut tirer, et de l'autre costé on marquera par nombre quelqu'une des chambres; et mettra-on sur une table, par ordre, les chapeletz, Agnus Dei et reliques des Seurs.

  A025002440 

 Puis, chacune tirera son billet et prendra sa chambre et ce qui est dedans, et les chapeletz, reliques, croix, images et Agnus Dei selon le nombre qui sera marqué en leur billet; comme, par exemple: celle a laquelle sera escheu le nombre de 4, prendra la chambre quatriesme, avec tout l'emmeublement, et le chapelet, croix, reliques et images qui sera le quatriesme en ordre sur la table.

  A025002441 

 Toutefois, si les Seurs qui ont beaucoup a escrire, comme l'Œconome, tiroyent quelque chambre trop obscure, on pourroit, par l'ordre de la Superieure, pourvoir a cette necessité, comme aussi a celle de quelque Seur melancholique [372] qui auroit besoin de beaucoup sejourner dedans sa chambre et a laquelle le medecin jugeroit en devoir estre donné une qui fut bien aeree..

  A025002442 

 En fin, si ce n'estoit qu'a cause de la diversité des statures et tailles on ne se peut pas servir des robbes de mesme grandeur, il seroit expedient qu'on en fist de mesme comme des chapeletz et croix; neanmoins, tous les habitz estans sans façon et tous d'estoffes viles, il n'y a pas de l'apparence qu'aucune y doive avoir de la particuliere affection..

  A025002443 

 Et pour oster le scrupule des reliques, les Seurs doivent croire qu'elles serviront de protection pour toutes estans communes entre toutes; et celles d'un Saint qu'une Seur portera, n'auront pas moins de vertu pour toutes les Seurs que si une chacune les portoit, puisque celle qui les porte les a de la part de toutes et pour le bonheur de toutes.

  A025002446 

 Et quant au reste des Seurs, quelz offices qu'elles ayent, elles ne tiendront aucun rang, sinon en ce qui regarde leurs charges; comme, par exemple, l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur, sinon en l'absence de la Superieure.

  A025002446 

 La Superieure aura par tout le premier rang, mays elle ne laissera pas pourtant de faire tous les exercices communs de l'humilité en tous les services de la Mayson, balliant et lavant les escuelles, nettoyant les malades a son tour comme les autres.

  A025002448 

 Or il faut noter qu'entre tous les billetz des Saintz il y en doit avoir un ou il n'y ayt point de nombre, qui sera tous-jours pour la Superieure; en sorte que si quelqu'autre Seur tire ce billet sans nombre, elle le changera avec celuy que la Superieure aura tiré, c'est a dire elle mettra sur son billet le nombre qui est escheu a la Superieure, et prendra le rang, la chambre et le chapelet selon ce mesme ordre..

  A025002449 

 Ainsy donq, les premieres seront faites comme les dernieres, et les dernieres comme les premieres.

  A025002449 

 Mais hors de la, les jeunes honnoreront les vielles, encor que les jeunes soyent venues devant elles en la Congregation, et les vielles, reciproquement, n'useront d'aucun mespris; ains toutes, avec une genereuse et noble humilité, se previendront mutuellement les unes les autres en honneur et respect, ainsy que l'Apostre l'ordonne..

  A025002450 

 Quant aux dames de dehors qui entrent dedans la Mayson, on les fera marcher devant toutes les Seurs, apres la Superieure.

  A025002450 

 Que si elles sont Religieuses, de quelqu'Ordre que ce soit, la Superieure les fera marcher devant elle, sinon qu'elles fissent trop de resistence..

  A025002451 

 En s'entreparlant les unes aux autres elles n'useront point du terme de Madame, ni en escrivant aussi; ains simplement elles s'appelleront ma Seur, sinon la Superieure, laquelle, pendant sa charge, elles appelleront ma Mere.

  A025002452 

 S'escrivant les unes aux autres, comme pourroit arriver quand quelques unes seroyent envoyees pour dresser [374] quelque Mayson, ou celles d'un lieu escrivant a celles d'un autre, elles feront l'inscription de cette sorte:.

  A025002458 

 Au commencement de la lettre, pour salutation, elles mettront: VIVE JESUS! Elles se souscriront simplement, les Seurs les unes aux autres: Vostre tres humble et indigne Seur et servante; et aux Superieures, au lieu de Seur, elles mettront fille; et les Superieures, tant aux Superieures qu'aux autres, elles n'useront que du mot de Seur et servante.

  A025002459 

 Escrivant aux Prœlatz elles mettront: Vostre tres humble et tres obeissante fille et servante en N. S.; et a tous les prestres: Vostre humble fille et servante en N. S.; et aux autres Religieux ou ecclesiastiques qui ne sont pas prestres: Vostre humble seur et servante en N. S..

  A025002460 

 Et quant aux seculiers et mondains, elles useront des motz de tres humble et tres obeissante servante; envers tous les grans, horsmis aux Princes dans les Estatz et terres desquelz elles habitent, qu'elles adjousteront oratrice et sujette.

  A025002461 

 Mais elles n'escriront point de lettres de compliment, sur tout les Novices, si ce n'est pour des occasions grandement legitimes, comme de condoleance avec les parens; et que ce soit d'un stile pieux et devot..

  A025002467 

 Affin que l'amendement se face plus grand en la Congregation, la veille de la Circoncision, apres qu'on aura tiré les Saintz, chasque Seur demandera a la Superieure un'ayde; et la Superieure donnera a chacune une compaigne pour cette annee-la, leur enjoignant a l'une et a l'autre d'avoir soin particulier a s'exciter a l'amour de Dieu et a se corriger l'une l'autre de leurs defautz en esprit de douceur et de charité, sans faire aucune autre particularité ensemble, sinon de s'admonester paysiblement.

  A025002468 

 Et parce que la coustume que les Surveillantes et mesme toutes les Seurs facent les advertissemens et corrections des fautes qu'elles auront remarquees, au refectoir apres Graces, est de grand prouffit, elle sera gardee et observee..

  A025002471 

 Le samedi, toutes les Seurs, sans qu'aucune s'en puisse excuser, si ce n'est pour cause extremement grande, tant celles qui sont establies que les Novices, s'assembleront au Chapitre; et apres avoir dit le Veni, Sancte Spiritus, la Superieure lira quelques advis tirés de quelque livre devot, ou un article de la Regle, et dira tout ce qui luy semblera devoir estre dit pour le bien spirituel de la Congregation.

  A025002472 

 Apres que cela aura esté fait, celles qui voudront dire leurs coulpes pour plus grande humilité, le pourront faire, et on les corrigera doucement et amiablement, sans toutefois extenuer leurs fautes..

  A025002473 

 Et attendu que c'est la parole de Dieu qu'en toutes assemblees qui se feront en son nom il sera au milieu, les Seurs doivent assister a celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence et devotion [377], s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites et enseignees plusieurs choses necessaires a leur perfection; c'est pourquoy elles les doivent conserver soigneusement en leur esprit, pour les reduire par apres en prattique..

  A025002476 

 Tous les derniers jours du moys les Seurs rendront compte sommairement et briefvement a la Superieure de leur avancement ou defaillance en l'orayson, douceur, humilité et simplicité; non point pour se consoler, mais pour reprendre force, et s'abbaisser devant Dieu et devant celle qui tient la place d'iceluy parmi elles..

  A025002477 

 Et affin que cela se face avec plus de fruit et d'utilité, on advertira les Seurs des la veille, a l'obedience du mydi, affin qu'elles se preparent ainsy quil est convenable..

  A025002478 

 Comm'aussi une chacune lira la Regle tous les moys, avec pareille devotion que si alhors elle leur estoit donnee nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelle..

  A025002481 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens [378] de dehors seront receus par la Superieure ou celle qu'elle deputera.

  A025002484 

 Et que l'on ne se mesle point des affaires du monde, ne prenant aucune commission de vendre ou acheter pour les estrangers et gens de dehors.................................................

  A025002486 

 (La suite est, dans le Ms. Q, conforme au texte de 1619; voir ci-dessus, p. 69, et les variantes 477, 478, 479.

  A025002487 

 ...elle les advertira et fera advertir, comme il est dit des autres fautes et coulpes..

  A025002490 

 Les denrees seront receues par l'Œconome, qui en tiendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la Portiere.

  A025002492 

 (La suite est conforme au texte définitif, Constitution XXVII e, sauf que les mots: «lequel estat...Visite» de l'avant-dernier alinéa de celle-ci ne se trouvent pas dans les Mss.

  A025002495 

 Que les Seurs, en toutes leurs actions, observent une grande tranquillité, simplicité et modestie, fuyant le faste [379] et appareil des contenances mondaines et affectees.

  A025002498 

 Qu'elles ne s'interrompent point les unes les autres lhors qu'elles parlent ensemble, et specialement lhors qu'elles font la conference des lectures et que l'on parle de chose serieuse..

  A025002501 

 Estant adverties en Chapitre ou refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, et n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais aussi lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, les regardant avec estime, comme des moyens inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025002506 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans licence et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Entres, au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres sans s'advertir..

  A025002509 

 Et pour cet office, la Superieure nommera au commencement de l'annee quelqu'une des Seurs qu'elle jugera propre pour cela; lesquelles exerceront cette charge avec humilité, simplicité et modestie, [381] enseignant d'abord a celles qui leur viendront parler, de n'apporter point les nouvelles de la ville et autres telz entretiens inutiles..

  A025002509 

 Les Seurs s'essayeront es testes et Dimanches d'attirer les filles et femmes de la ville au lieu preparé pour cela, affin de leur enseigner familierement les exercices de pieté: comme de l'examen de conscience, de la preparation du matin, de bien dire le Chapelet et la Couronne et de bien prier Dieu, pourveu que cela se face hors de l'heure du Catechisme et du sermon.

  A025002512 

 Ces Congregations demeurant sous l'authorité ordinaire des Evesques, elles leur demanderont, une chacune au lieu ou elle est establie, un Pere spirituel, lequel de la part de l'Evesque prenne garde a ce que les Regles soyent bien observees et qu'aucun abus ne s'introduise; visite la Mayson une fois l'annee, assisté d'un compaignon meur d'aage, discret et vertueux; se treuve aux eslections de la Superieure et du Confesseur ordinaire; donne les licences aux femmes d'entrer en la Mayson; signe les causes des sorties extraordinaires des Seurs quand elles arriveront, et les entrees des hommes, selon quil a esté dit ci dessus; et que a luy, tant la Superieure que les autres Seurs puissent avoir recours ou il sera besoin d'une speciale providence.

  A025002519 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action par toutes les parties du cors, aussi, la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, vivifiant par son zele toutes les filles qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement quil se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en toute la Mayson.

  A025002521 

 Elle tiendra les yeux attentifz sur ce petit cors de Congregation, affin que toutes les parties d'iceluy respirent la paix, la concorde, l'union et le service amoureux de Jesus Christ.

  A025002521 

 Et partant, lhors qu'une fois le moys les Seurs luy rendent conte de leurs ames, elle les examinera, s'enquerant discrettement de l'estat present de leur esprit, pour, par apres, les ayder, exciter, corriger et soulager..

  A025002522 

 Elle considerera specialement la Directrice et les Novices, affin que cette pepiniere soit bien cultivee en la vie spirituelle..

  A025002523 

 Elle prouvoira avec un soin particulier a la necessité des [383] malades et, tant qu'il luy sera possible, les servira de ses propres mains es maladies de consequence..

  A025002524 

 Elle eslevera avec un amour maternel les Seurs..................................................

  A025002530 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement et a faire les exercices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lecture et continuelle presence de Dieu, affin que la reformation de l'homme exterieur ne soit pas sans celle de l'homme interieur, et que la Congregation connoisse tous-jours que l'union des ames avec Dieu est sa principale fin, les filles d'icelle ne se retirans pas du monde seulement pour fuyr les peynes et travaux, perilz et dangers de damnation qui y sont, mais aussi, et principalement, pour estre tirees, jointes et unies de plus pres et plus fortement a leur Sauveur et Createur.

  A025002531 

 Elle aura un soin tres particulier que les filles et femmes ne soyent jamais receues en la Congregation que leur vocation ne soit bien espreuvee et qu'aucun respect humain n'entre point en la consideration de leur reception, ains la seule inspiration.

  A025002531 

 Et partant, que pour le moins on les face arrester six semaines dans la Mayson avant que leur donner l'habit du novitiat, ainsy quil sera dit ci apres..

  A025002532 

 Qu'elle procure que le Pere spirituel allant dehors, laisse sa charge entre les mains d'un autre bien qualifié..

  A025002533 

 Et quant aux conseilz spirituelz ou communications de conscience, comme la Superieure les doit librement permettre, aussi doit elle prendre garde qu'elles se facent saintement et avec des personnes dignes d'estre employees a cet office angelique.

  A025002533 

 Qu'elle ayt un grand soin d'empescher que rien ne soit en la Mayson et rien ne s'y face qui ne soit conforme a la [sainte] pudicité et pureté, a la parfaite pauvreté et a l'exacte obeissance; et partant, si quelque Seur avoit un peu trop d'inclination a converser avec les seculiers, principalement si c'estoit jeunes gens vains et mondains, quoy qu'ilz fussent de profession ecclesiastique ou religieuse, qu'elle luy en retranche toutes les commodités.

  A025002534 

 Elle procurera que les Seurs ayent chacune sa chambre, ou du moins son lit separé, avec les tours ouvertz a la façon qui a esté ci dessus dit..

  A025002535 

 Et en cas de perte de proces, que la Superieure et toute la Congregation s'abstienne de toute murmuration, jugemens temeraires et paroles piquantes contre les juges ni mesme contre la partie..

  A025002536 

 Et que, au demeurant, elle reçoive si humblement et doucement les advis et remonstrances qui luy seront donnés, que les Seurs puissent avoir une juste confiance et liberte de l'advertir ou faire advertir es occurrences, selon qu'il sera dit ci apres..

  A025002537 

 En somme, la Superieure se doit tenir si bien aupres de Dieu, qu'elle soit le mirouer et le patron de toutes vertus [386] parmi les Seurs, et qu'elle puise dans le sein du Sauveur la force et lumiere dont elle a besoin..

  A025002540 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et la place d'icelle, et par consequent sera soigneuse..................................

  A025002544 

 Que si quelque Seur commet des manquemens pour ce regard, ell'en advertira au Chapitre affin quil y soit remedié; mays si ce sont des manquemens reparables promptement, comme de prendre un Psalme pour un autre, ou un ton trop haut ou trop bas, ou semblables accidens, elle les reparera sur le champ..

  A025002545 

 Elle donnera ordre aux lectures, et pour cela elle aura les livres en charge, qu'elle tiendra en bon ordre, et les distribuera selon que la Superieure luy dira, quant aux Seurs establies; mais quant aux Novices, selon que la Directrice ordonnera, escrivant en un petit roolle a qui elle les a donnés, et particulierement si la Superieure en faysoit prester hors de la Mayson.

  A025002546 

 Elle deputera toutes les semaines les lectrices et celles qui serviront, tant a la premiere que seconde table, et corrigera les defautz de celles qui liront, si elles lisent trop precipitamment, ou qu'elles ne prononcent pas bien, ou qu'elles facent quelqu'autre manquement; mays elle fera la lecture de la meditation du lendemain, qui se fait le soir, elle mesme..

  A025002547 

 Elle advertira la Superieure des diversités des tems qu'il faut prendre pour les Offices, pour le lever et manger, du renouvellement des vœux et autres telles choses..

  A025002553 

 Elle prendra garde si toutes les Seurs vont aux exercices spirituelz et si elles observent le bon ordre requis a la Confession et Communion..

  A025002554 

 Elle visitera le soir les portes qui ont leur issue dehors de la Mayson pour voir si elles sont bien fermees; et visitera aussi les Seurs apres qu'elles seront retirees, pour sçavoir sil leur faut point quelque chose..

  A025002555 

 Elle sonnera la retraitte en hyver un quart d'heure apres Matines, affin que les Seurs ayent le loysir de se chauffer un peu.

  A025002560 

 eslever les Novices de vertu en vertu, comme des futures espouses du Filz de Dieu..

  A025002561 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera seront principalement de la fin pour laquelle elles se doivent estre retirees du monde, qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu; que non seulement elles sont entrees en la Congregation pour se retirer du monde, mais pour se retirer et separer d'avec elles mesmes, mortifians leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, rappellant toutes leurs forces au service de Nostre Seigneur, par une chasteté tres parfaite, une pauvreté et despouillement de toutes choses tres entiere, et par une obeissance et abnegation de toute propre volonté; et que, en somme, toute la Congregation est fondee spirituellement sur le mont Calvaire, pour considerer Jesus Christ crucifié pour l'amour de nous, affin que toutes les Seurs apprennent a crucifier leurs sens, passions, inclinations et humeurs pour l'amour de luy..

  A025002562 

 Elle exercera donq les Seurs Novices en l'humilité, obeissance, douceur, modestie..........

  A025002566 

 Et ne fera pas moins en tout ce qui a esté dit pour les Seurs Servantes que pour les autres, autant que leur capacité le permettra.

  A025002566 

 comme aussi a bien employer les Confessions et Communions; puis a bien lire, prononcer, reciter et chanter les Offices, avec toutes les contenances et bons maintiens qu'on doit observer tant au chœur qu'en toutes autres occurrences.

  A025002567 

 Elle fera que les Novices prennent l'esprit d'un amour tres affectionné envers un chacun, pour prier Dieu pour le salut de tous; mays specialement envers l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine et tous les Prelatz et officiers d'icelle, priant souvent et faysant leurs exercices spirituelz pour l'exaltation de la foy catholique et pour la conversion des infideles et pecheurs, comme aussi pour tous les Princes chrestiens, et specialement pour ceux es provinces desquelz la Congregation se treuve erigee..

  A025002568 

 Elle leur annoncera souvent la sincere dilection envers tous les Ordres de Religion qui sont en l'Eglise de Dieu, affin que non seulement elles prient pour iceux, mais qu'elles apprennent a les estimer et respecter cordialement.

  A025002572 

 Que si elle en treuve, comme il pourroit arriver, specialement entre les Seurs Servantes, qui ayent le cœur un peu plus rude et agreste, mais pourtant la volonté bonne, en sorte qu'il y ayt bonne esperance de les pouvoir apprivoyser et polir, elle usera d'un amour tout particulier a leur endroit, affin d'avoir de la patience, tolerance et perseverance a bien cultiver leurs espritz..

  A025002572 

 mays une devotion puyssante, courageuse, relevee et universelle, maniant neanmoins differemment les cœurs des Novices selon la diversité de leurs espritz, affin de les former toutes selon le bon playsir de Celuy au service duquel elles sont dediees.

  A025002573 

 Les Novices, tant les unes que les autres, s'addresseront a la Directrice en toutes leurs necessités, et si ce sont necessités d'importance ou consequence, elle en advertira la Superieure; mays pour les menues necessités auxquelles la Directrice peut prouvoir par elle mesme, elle le fera sans en donner la peyne a la Superieure..

  A025002574 

 Elle prendra garde a ne point s'amuser aux apparences [390] des vertus et bonnes inclinations des Novices, mais penetrera, tant quil luy sera possible, le fond de leur ame, affin qu'elle sache discerner de quelle main il les faut conduire..

  A025002575 

 On la deschargera tant qu'il sera possible de toutes les autres affaires de la Mayson, affin qu'elle puisse tant mieux vaquer a celle cy qui est si importante.

  A025002576 

 Les mercredis apres Prime, elle fera l'assemblee du Novitiat en forme d'un petit Chapitre, ou les Novices diront leurs coulpes, desquelles elle les corrigera, les instruisant et mortifiant selon le sujet; et.........................................................................................................

  A025002578 

 (Pour la fin de cet article, voir le texte définitif, p. 98, II. 27-33, les variantes 633, 634, et p. 99, II. 1-4.).

  A025002581 

 La Portiere doit estre grandement discrette pour respondre sagement a ceux qui viennent a la porte, pour faire les responses et messages qui viennent en la Mayson et en sortent, pour faire doucement attendre les personnes auxquelles on ne peut pas donner satisfaction sur le champ et pour conduire les femmes qui entreront, en sorte que les Seurs en soyent le moins incommodees que faire se pourra..

  A025002586 

 Les Seurs estant es Offices, en l'orayson et a table, elle s'excusera de les appeller, si ce n'est pour chose pressee et de grande importance..

  A025002587 

 Elle rendra toutes les lettres qui arriveront a la Superieure, et n'en fera point sortir, ni autre chose, sans son ordre..

  A025002588 

 Quand l'aumosne se donnera, elle procurera que ce soit promptement; et quand elle ne se donnera pas, elle renvoyera les pauvres avec humilité et charité..

  A025002590 

 Elle tiendra netz les lieux proches des portes, avec quelque image et eau benite aupres d'icelles..

  A025002591 

 S'il se donne quelque aumosne a la Mayson, elle en fera le recit le soir, apres la recreation, affin que l'on prie pour les bienfacteurs..

  A025002593 

 Elle ne laissera point les clefz a la porte, et les rendra tous les soirs a la Superieure.

  A025002596 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025002597 

 Elle n'usera d'aucune authorité sur sa compaigne, ains s'en servira simplement pour servir de tesmoin a ses actions et l'assister a fermer de bonne heure les portes..

  A025002600 

 Une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle, avec une fidelité et allegresse toute particuliere, entreprendra cette charge a l'imitation des saintes dames qui suivirent Nostre Seigneur et les Apostres pour leur administrer les choses requises a la vie temporelle, embrassant la diligence et ferveur de sainte Marthe, mais fuyant son trouble et son empressement..

  A025002601 

 Elle communiquera donq de tems en tems, et selon que les occurrences le requerront, de toutes les necessités de la Mayson avec la Superieure, pour prendre l'ordre et l'intention d'icelle, affin de l'executer..

  A025002602 

 Elle fera toutes les provisions de la Mayson en leurs tems et saysons, les faysant retirer promptement...................................................................................................

  A025002606 

 Elle ordonnera a la Despensiere de moys en moys ce qu'il faudra pour la table, et regardera toutes les semaines ce qu'elle luy aura mis en main, affin que tout soit tenu en bon ordre..

  A025002607 

 Qu'elle prenne garde au moys de febvrier et au moys d'aoust que rien ne manque pour les vestemens de l'hyver et de l'esté..

  A025002608 

 Elle tiendra un inventaire de tous les meubles de chasque office et procurera que chasque officiere en ait un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle fera revestir chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025002609 

 Elle distribuera les besoignes, comme de filer et coudre, aux Seurs selon les occurrences; et toutes les besoignes faites luy seront remises, affin qu'elle les mette sur son conte..

  A025002610 

 Elle fera un roolle de tout ce que les Novices apporteront en la Mayson, qu'elle leur fera signer si elles le sçavent faire; si moins, la Superieure le signera..

  A025002614 

 Elle aura soin particulier que les Seurs Servantes ne soyent point trop chargees de besoigne, et que les jours des festes elles prennent tems de venir aupres d'elle lire les Regles, s'entretenir de choses spirituelles et [s'exciter] a la devotion selon leur capacité..

  A025002617 

 Q: ligne 18: « alloyent de bien loin...»; ligne 20: « approcher les litz sur les-quelz...»).

  A025002619 

 propres et bien ornees d'images, feuillages et bouquetz, [394] selon que la sayson le permettra, et que rien ne sejourne autour des malades qui puisse rendre de la puanteur; ains au contraire, si les medecins le permettent, quil y ayt tous-jours des bonnes odeurs..

  A025002620 

 Elle sollicitera celles qui apprestent pour les malades de bien suivre les heures ordonnees par le medecin, duquel elle recevra et taschera de bien entendre toutes les ordonnances, et mesme les marquera dessus ses tablettes pour les faire suivre de point en point, sans rien changer..

  A025002625 

 Elle preparera le vin et l'eau purs et netz pour la sainte Messe, fera raffraischir soigneusement l'eau beniste tous les Dimanches..

  A025002628 

 Elle sonnera tous les Offices, les Messes et les Ave Maria a propos..

  A025002630 

 Elle ira le matin, avant que de sonner l'orayson, par toutes les celles des Seurs pour voir si quelqu'une, par [395] incommodité, ne peut pas venir a l'Office; et si elle en treuve, elle en advertira la Superieure..

  A025002631 

 Et parce que les particularités du soin que doit avoir la Sacristaine pour la proprieté et bienseance de toutes les choses sacrees qui sont en sa charge sont en trop grand nombre, on luy en doit faire un Directoire a part qu'elle ayt tous-jours devant les yeux, en le lisant fort souvent, affin de ne point manquer a tout ce qui sera prescrit, toute la Congregation ayant interest que cette charge soit passionnement bien exercee..

  A025002632 

 Elle ne s'arrestera a parler avec le chapelain ordinaire, ni moins avec les autres prestres qui viendront a la sacristie, que justement des choses requises pour l'exercice de sa charge..

  A025002635 

 (Même texte que celui de 1619; voir plus haut, p. 107, et variantes 678, 679, sauf trois légères différences: ligne 8: « un grand soin et les...» Ms.

  A025002640 

 Deux petites variantes: ligne 2: «Elle les serrera...» Ms.

  A025002643 

 Celle ci doit tenir proprement tout ce qui regarde les meubles du refectoir et preparer toutes choses a propos; dequoy luy doit estre fait un Directoire comme aux autres.

  A025002646 

 P, les phrases: «Elle fera les portions... Elle fera un roolle...» sont encadrées et barrées.).

  A025002649 

 Les Seurs employees a l'office de la cuysine........................................................

  A025002653 

 Elles feront neanmoins les exercices spirituelz selon quil y aura plus ou moins a faire et que la Superieure leur ordonnera; ............................................................................

  A025002655 

 (La suite est conforme au Ms. de 1618 (D); voir plus haut, p. 109, les variantes 687, 688..

  A025002658 

 Elles tiendront conte de tous les meubles servant a la cuysine, tant linges qu'autres, et le rendront quatre foys l'annee a l'Œconome..

  A025002664 

 A la ligne 5, les deux Manuscrits ont: « l'observance des Regles.»).

  A025002666 

 comme les honnestes femmes de leur qualité originaire, a la façon du lieu ou est la Congregation, sans aucune autre difference, sinon qu'elles seront vestues simplement et modestement de noir, sans ouvrages ni mignardises quelcomques, avec une croix d'argent pendue a leur col comme les autres Seurs..

  A025002668 

 Bref, autant que les occupations auxquelles elles sont destinees le permettront, on les rendra conformes en meurs, en exercices et en affection aux autres Seurs de la Congregation..

  A025002668 

 Elles observeront les silences et jeusnes comme les autres, communieront toutes les Dimanches et bonnes festes, diront leurs Pater et Ave marqués ci dessus, assisteront a la lecture de la meditation et a l'examen qui se fait apres Matines, prenant l'obeissance avec les autres.

  A025002668 

 Les festes et Dimanches ne se treuvant pas occupees, elles assisteront a Vespres.

  A025002669 

 Et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec amour et les appelleront leurs Seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes dames du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025002670 

 Quand donq elles seront malades, la Superieure et l'Infirmiere les traitteront ne plus ne moins que les autres en toutes sortes de services et en toutes occasions, de quelque necessité corporelle et spirituelle qu'elles puissent avoir.

  A025002671 

 Quand elles sortiront pour faire les provisions.....................................................

  A025002675 

 sortir; ni parler ou s'amuser par les rues, sinon pour les affaires qu'elles y auront..

  A025002677 

 Qu'elles ayent une grande fidelité a faire les negoces, et qu'elles rendent conte tous les soirs a l'Œconome..

  A025002680 

 La Superieure choisira deux Seurs qui, avec elle, prendront garde aux fautes et manquemens qui se commettront [399], pour les luy faire sçavoir et conferer avec elle des remedes convenables; voyre mesme, quand la Superieure l'ordonnera, elles pourront proposer les fautes et manquemens en plein Chapitre, avec modestie et simplicité.

  A025002688 

 Et quant aux moyens requis pour l'entretenement, on y advisera de tems en tems selon les commodités ou incommodités de la Mayson..

  A025002693 

 et si la Superieure avec la pluspart des Seurs s'accordent [400] a la reception, on en donnera promesse a la praetendante, du tout neanmoins ayant prealablement pris l'advis du Pere spirituel, qui, de son costé, s'enquerra des conditions de la fille, affin de mieux conseiller les Seurs en cette occurrence..

  A025002695 

 23, sauf qu'à la ligne 27, après le mot «tendres», les Mss.

  A025002697 

 Comme encor on se gardera, tant qu'il sera possible, de prendre celles qui sont trop adonnees a la tendreté et compassion sur elles mesmes; car, pour dire un mot de ce malheur qui est souvent secret, telles femmes remplissent ordinairement une mayson de pleurs, de plaintes, de doleances, et font a tous propos des mines melancholiques et despiteuses et se treuvent fort souvent descouragees au bien, leur estant advis que les difficultés soyent des impossibilités et que tout ce qui n'est pas a leur goust est insupportable; et pour maintenir leur cause, forment quantité de tristes et scandaleuses raysons contre la Regle ou contre la conduitte de ceux qui gouvernent.

  A025002697 

 Et en fin, cette espece de gens est tous-jours a guetter et considerer si on fait rien plus pour les autres que pour elles, leur amour propre suggerant a leur fantasie qu'on ne fait jamais tant pour elles comme il seroit requis: imperfection feminine, propre pour troubler, amollir et allentir toute une trouppe..

  A025002697 

 Que si elles sont malades et qu'on ne s'embesoigne a prescher la grandeur de leur mal et a courir ça et la pour amasser tous les remedes qui leur viennent en fantasie, c'est alhors [401] qu'elles s'estiment miserables et negligees et qu'a leur advis tout le monde est sans pitié.

  A025002697 

 Que si on les reprend de leurs molles et ennuyeuses humeurs, elles les redoublent, murmurant qu'on est sans charité si on ne va pleurer et gemir avec elles pour les plaindre et lamenter, et protester qu'elles ont bien du sujet de s'affliger.

  A025002698 

 Quand quelque femme ou fille ayant les voix pour sa reception aura besoin de retourner chez elle ou chez ses parens pour quelque affaire, on luy fera escrire et signer de sa main, au Livre de la reception des Novices, ce qui s'ensuit:.

  A025002706 

 Or, les six semaines estans passees et la Seur pretendante estant bien preparee, on luy donnera l'habit du Novitiat, un jour de feste, en cette sorte..

  A025002707 

 Le matin, le Pere spirituel estant preparé comme pour [402] dire Messe (horsmis qu'en lieu de la chasuble il portera une chappe), et s'estant assis sur une chaire au milieu de l'autel, ayant le visage tourné du costé du peuple, avec le bonnet en teste, ou bien la mitre si c'est l'Evesque, la postulante prosternee a genoux tout vis a vis de luy, au bas du degré, les Seurs chanteront le Veni creator Spiritus.

  A025002709 

 Ou bien en françois: Une chose ay je demandee au Seigneur, c'est celle que je requiers: que j'habite en la mayson du Seigneur tous les jours de ma vie..

  A025002710 

 Apres cela on benit les habitz, l'Evesque, ou celuy qui fait l'office se retournant du costé de l'autel, a teste nue, et disant:.

  A025002715 

 Apres cela, on asperge de l'eau benite et on encense tant les habitz que les voyles, puis on donne les habitz et les voyles aux Seurs qui sont dedans leur chœur; et celuy qui fait l'office estant assis et couvert, met en main a la postulante un cierge allumé, disant:.

  A025002726 

 Cela fait, la postulante se leve debout, tenant les yeux baissés et sa chandelle allumee entre ses deux mains jointes, jusques a ce que la Superieure ou l'Assistente, avec la Maistresse des Novices, viennent se mettre l'une deça, l'autre dela la postulante; et estans toutes troys de rang, elles font la genuflexion devant l'autel, puis emmenent gravement la postulante dedans leur chœur, la faysant entrer la premiere; ou estans arrivees, la postulante s'agenouille a la treille a l'endroit de la porte, et les Seurs accommodent [son rabat] ou goderon en sorte qu'il luy puisse estre facilement osté; puis l'Evesque l'ostant du tout, dit:.

  A025002734 

 Cela fait, les Seurs luy ostent sa robbe et ses vestemens mondains, avec la plus grande bienseance qui se peut, et ce pendant chantent le Psalme:.

  A025002737 

 Apres quoy, on met la nappe pour la Communion; l'Evesque oste la chappe, se lave les mains et prend la chasuble, puis dit la Messe, si bon luy semble avec la mitre..

  A025002738 

 Que si l'Evesque veut, il pourra benir les habitz avant toutes choses..

  A025002740 

 «Je, N., Paule de la Riviere, fille d'Anthoine de la Riviere et de Marguerite du Ruysseau, aagee d'environ dix-sept ans, de mon plein gré et du consentement de mes ditz pere et mere, apres avoir esté en la Mayson de ceans six semaines, veu et consideré les Regles et exercices d'icelle, ay volontairement demandé d'estre receue a l'habit et au rang des Novices de cette Congregation.

  A025002741 

 (Dans les deux Manuscrits, cet article se termine par le dernier alinéa de la Constitution XLIV e du texte définitif, p. 114, avec trois légères variantes: ligne II: « tendre et pleureuse...» — ligne 13: « esgale ses humeurs...» — ligne 20: « de sa joye extraordinaire...»).

  A025002745 

 Elle en conferera avec les autres Seurs et prendra leurs voix; que si des troys parties les deux ne consentent, on retardera pour encor l'establissement.

  A025002745 

 Et premierement elle considerera a part soy si cette personne la a les conditions requises pour demeurer en la Congregation.

  A025002748 

 Et pendant le tems [406] de sa preparation on la fera tenir retiree autant que l'on pourra, sans la charger d'aucun service, affin qu'elle ayt tant plus de commodité de bien ruminer et digerer les exercices et resolutions qu'elle fera..

  A025002748 

 Que si, passee l'annee du novitiat, la Novice est treuvee propre a l'establissement, les voix estans recueillies, on l'advertira de se bien preparer a cela par la confession annuelle et les exercices qui a cet effect seront dressés, affin que le vœu et l'offrande se facent avec toute la solemnité interieure quil sera possible, ainsy qu'elle se fera avec une grande solemnité exterieure.

  A025002749 

 On traittera de mesme les Seurs Servantes au bout de leurs deux annees, hormis que si elles ne sont pas amendees elles n'auront plus qu'une annee de delay pour faire leur amendement..

  A025002753 

 La veille donq de la feste en laquelle l'establissement se doit faire, Vespres estans achevees, la Superieure conduira toutes les Seurs en Chapitre (sinon qu'on treuvast a propos que la ceremonie se fist dans le chœur mesme des Seurs, pour la consolation des seculiers qui la pourroyent voir), ou estans toutes assises, la Novice delaquelle il s'agit se prosternera a genoux, et la Superieure luy dira:.

  A025002758 

 Et alhors la Novice se prosternera en terre, sur le costé droit, et on la couvrira d'un drap noir; puis une des Seurs dira la leçon de l'Office des Mortz, qui commence: Homo natus de muliere, brevi vivens tempore, etc., a la fin de laquelle les Seurs diront le Psalme De profundis, apres lequel la Superieure dira l'orayson suivante:.

  A025002761 

 Leves vous, vous qui dormes; releves vous d'entre les mortz, et Jesus Christ vous illuminera..

  A025002764 

 Puis, mettant un Crucifix entre les bras de la Novice, elle luy dira:.

  A025002766 

 Cela fait, les Seurs conduiront la Novice au chœur, ou, apres un peu d'orayson, elles la meneront en sa chambre, ou elle colloquera son Crucifix en son oratoire; et puis elles retourneront dire Complies, s'il en est tems..

  A025002767 

 Le matin estant arrivé, la Sacristaine preparera une escabelle du costé de l'Evangile, au bas de l'autel, sur laquelle on mettra le voyle noir dans un bassin parsemé de fleurs, et du costé de l'Epistre quelques uns des habitz mondains de celle qui doit estre establie, sur une escabelle couverte de quelque drap brun, honneste; et sur le milieu des voyles y mettra les croix d'argent que l'on porte pendues au col..

  A025002769 

 Le sermon achevé, les troys Seurs se leveront et se mettront a genoux aupres de leurs sieges, et la Novice dira en voix intelligible, comme parlant a celuy qui fait l'office..

  A025002784 

 Sur cela, la pretendante et les Seurs se levent, et est conduitte par icelles pour s'agenouiller sur le milieu du marchepied de l'autel, ou elle demeurera un peu en silence, les mains jointes et les yeux baissés, ce pendant que toutes les Seurs viendront se mettre en cercle autour d'elle, leurs voyles baissés, avec une chandelle allumee en leurs mains.

  A025002785 

 O Cieux, oyes ce que je dis; que la terre escoute les paroles de ma bouche.

  A025002785 

 O mon Dieu, je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en cette vostre Congregation de ceans, pour vous y servir en obeissance et pauvreté, selon les regles et Constitutions d'icelle Congregation, pour l'observation desquelles j'offre et donne a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge vostre Mere, nostre Dame, mon ame, mon cors et ma vie..

  A025002788 

 Sur cela, toutes les Seurs chanteront alternativement ce Psalme:.

  A025002792 

 Receves, ma Fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de toutes les Saintes, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025002794 

 Cecy vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regards des hommes, et un signe sacré affin que vous ne recevies jamais aucun signe d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025002799 

 Lhors elle fait la genuflexion a l'autel, puis, estant a la porte du chœur des Seurs, elle fait une reverence ou inclination au peuple; et estant entree dedans le chœur, toutes les Seurs entrent apres elle, et estans agenouillees on chante:.

  A025002805 

 K; voir p. 285, excepté qu'à la ligne 27, les Mss.

  A025002807 

 Puis elle se signera, tout le reste de la feuille demeurant en blanc pour y estre escrittes les confirmations des vœux, ainsy qu'il est porté en l'article suyvant..

  A025002810 

 Quand on recevra les Seurs Servantes avec les autres, quand les autres Seurs auront fait la demande au commencement, la Superieure dira:.

  A025002814 

 Et les Seurs Servantes diront l'une apres l'autre:.

  A025002815 

 «Je fay vœu de chasteté perpetuelle, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté selon les Regles de la Mayson de ceans.

  A025002816 

 Elles ne vont pas les premieres a la Communion ni ailleurs; et l'on va par apres escrire leur Oblation..

  A025002816 

 Quant au reste des ceremonies, on les fait toutes pour elles comme pour les autres, car on leur donne la croix et le cierge; seulement on laisse tout ce qui appartient au voyle, lequel on ne leur donne point.

  A025002817 

 Mays si on reçoit les Seurs Servantes a part et qu'elles ne sachent pas lire, la Superieure dira tout pour elles en [412] nombre pluriel, horsmis la demande, qu'elle fera en cette sorte:.

  A025002819 

 «De tout mon cœur je fay le vœu de chasteté perpetuelle, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté selon les Regles de la Mayson de ceans.

  A025002820 

 Et quant aux preparations, on les leur fera faire comme aux autres Seurs, autant que leur capacité le permettra..

  A025002823 

 Le jour de saint Martin, en novembre, la Superieure advertira toutes les Seurs establies de se preparer a faire le renouvellement de leurs vœux et oblations pour le jour de la Presentation de Nostre Dame, et qu'a ces fins elles facent leur retraitte et prattiquent les oraysons et exercices qui pour cela seront marqués dans leur Directoire, et facent une reveue et confession de toute l'annee passee..

  A025002824 

 Le jour, donq, de la Presentation estant venu, l'Evesque, ou Pere spirituel de la Mayson, ou quelqu'homme de qualité [413] a ce deputé, fera a heure convenable une exhortation sur le sujet du renouvellement des vœux et oblations, puis dira la Messe; et estant parvenu a la Communion, apres que les Seurs auront dit: Domine, non sum digna, la Superieure, ou premiere qui doit communier, dira ou lira en un billet les paroles suivantes:.

  A025002834 

 Tous les anciens Peres ont tous-jours estimé que c'estoit un extreme malheur aux filles et femmes qui s'estoyent dediees a Dieu en quelque Congregation d'estre separees d'icelle; de sorte que saint Augustin tient que la moytié de la ruine d'une servante de Dieu gist a se separer et abandonner la Societé et Congregation, et l'autre moytié a perdre la chasteté.

  A025002835 

 Et toutefois, en deux cas il sera loysible de rejetter et retrancher les Seurs de la Congregation, a sçavoir: quand elles commettroyent quelque crime scandaleux, et quand elles commettroyent une manifeste contumace et obstination contre la Regle et obeissance; car en ces deux occasions la charité requiert que l'expulsion se face..

  A025002835 

 Or, les Filles de la Visitation s'estant ainsy serieusement et saintement vouees et liees a Dieu, il faut esperer, avec ferme confiance en la misericorde divine et en la protection de la glorieuse Mere de Dieu, que jamais il n'arrive qu'aucune merite d'en estre separee.

  A025002836 

 La Superieure, donq, ayant remarqué l'un des deux cas en quelqu'une des Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais [415] permettre), elle en conferera premierement avec les officieres de la Mayson et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, qu'on doive traitter l'expulsion, elle assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime ou la contumace de celle qui semble devoir estre rejettee.

  A025002837 

 Mais d'autant que l'expulsion d'une Seur est si importante, on observera les pointz qui s'ensuyvent: 1.

  A025002837 

 Qu'en la troysiesme deliberation, qui est definitive et finale, les deux tiers des voix et celle du Pere spirituel concourent a l'expulsion.

  A025002837 

 Que le jour de cette assemblee toutes les Seurs se soyent confessees et communiees pour obtenir la lumiere du Saint Esprit, affin de bien faire une resolution de si grand poids.

  A025002837 

 Toutes les Seurs, apres avoir dit le Veni, Sancte Spiritus, protesteront a genoux devant Dieu, toutes ensemble, de dire ce qu'elles croiront estre a la gloire de Dieu, selon l'equité et selon la charité deue tant a la Congregation qu'a la Seur dont il s'agit..

  A025002838 

 Et tous-jours, comme que ce soit, en ces occasions si importantes, on observera de prendre les voix secrettement, comm'on fait en l'eslection de la Superieure..

  A025002838 

 Que si les deux tiers des voix ne concouroyent pas a l'expulsion, on delibereroit alhors des moyens propres a la correction; et pourroit on quelque tems apres remettre en deliberation l'expulsion, si la delinquante persistoit en son obstination.

  A025002839 

 Et parce que tout le bonheur de la Congregation consiste en l'obeissance des Regles, si on y souffrait des Seurs qui obstinement, par rebellion et contumace, voulussent violer les Regles, toute la Congregation se dissoudroit et depraveroit, degenerant en dissolution et desordre..

  A025002840 

 Autant en doit on dire d'une Seur qui seroit en tentation de sortir et quitter la Congregation; car tandis qu'il y aurait une vraye apparence de l'ayder a vaincre ladite tentation, la Superieure, les Seurs et le Pere spirituel ne devroyent rien oublier a cette intention la.

  A025002841 

 Neanmoins, pour donner quelque lumiere sur ce sujet, on peut, par exemple, dire que la lubricité, l'entreprise d'empoysonner, charmer, enchanter, le larcin de chose importante, l'accusation fause des Seurs en chose d'importance, les essays de pervertir les Seurs ou autres personnes en matiere de chasteté et d'honneur, battre les Seurs, sont des cas vrayement scandaleux.

  A025002841 

 Or, ces cas n'adviendront jamais, [417] Dieu aydant; mays s'ilz advenoyent et qu'on en eust telle eonnoissance qu'on peust les reveler loysiblement, apres la correction fraternelle, la Seur qui les aura commis pourra estre expulsee comme scandaleuse.

  A025002841 

 Quant aux crimes scandaleux, on ne peut bonnement les specifier, ains la connoissance de ce cas demeurera a la Congregation, au Pere spirituel et a l'Evesque.

  A025002845 

 Oue si la Congregation faysoit jamais si mauvaise eslection de Superieure qu'elle meritast d'estre expulsee elle [418] mesme, les Seurs qui en conscience croiroyent que cela deust estre fait en advertiroyent le Pere spirituel, qui en confereroit avec les officieres, puis avec toutes les Seurs; et en fin prieroyent le Prelat du lieu qu'il vinst en l'assemblee, ou depustast quelque personne signalee pour s'y treuver.

  A025002848 

 Cela fait, on dira le Veni, creator Spiritus, puis l'Evesque, ou le Pere spirituel, estant assis, fera asseoir aussi toutes les Seurs, selon qu'il est convenable, horsmis la Superieure, laquelle s'agenouillera au milieu du chœur, et le Pere spirituel luy dira:.

  A025002850 

 Et tous les billetz ayant esté receus, le Pere spirituel les lira tous l'un apres l'autre, et l'une des Seurs qui aura esté choysie a cet effect, ayant le roolle de toutes les Seurs dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chasque nom d'icelle, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit du nom d'icelle; puis, tout estant fait, on verra s'il y en a quelqu'une qui ayt plus de la moytié des voix, et celle la demeurera Superieure..

  A025002851 

 Chasque Seur viendra de rechef escrire sur un autre billet le nom de celle des trois qu'elle voudra choysir pour sa Superieure; et toutes en ayant fait de mesme, le Pere spirituel lira les billetz, et la Seur deputee ayant tiré des lignes comm'il a esté dit ci dessus, marquera celle qui aura le plus de voix, laquelle demeurera Superieure..

  A025002851 

 Mais s'il ny en a point qui ayt la pluspart des voix, on regardera les troys qui en auront le plus, et puis de ces trois la on en choysira une en cette sorte.

  A025002853 

 Mais tous-jours, l'eslection estant faite, les billetz seront bruslés sur le lieu, en sorte que personne ne puisse sçavoir qui a donné sa voix..

  A025002854 

 Apres cela on dira l' Ave, maris Stella, en action de graces, et la nouvelle Superieure se viendra asseoir en la premiere place, ou la Deposee viendra avant toutes, et puis les autres de suite, luy bayser la main; et elle, en fin, s'agenouillera devant le Pere spirituel pour recevoir sa benediction, laquelle receue elle luy baysera la main, et il se retirera..

  A025002855 

 S'il y a des Seurs malades, le Pere spirituel estant entré pourra les aller visiter et prendre leur billet.

  A025002856 

 Et en cette eslection les Seurs Servantes et Novices n'auront point de voix..

  A025002857 

 Mais si elles ne sont point rejettees, elles demeureront en leurs offices et charges par la seule eslection de la Superieure, jusques a ce qu'elle juge a propos de les changer, auquel cas elle fera la proposition comme dessus..

  A025002857 

 Mays quant aux autres officieres, la Superieure seule les proposera aux Seurs establies; et en cas que les deux tiers des Seurs rejettassent celles qui sont proposees, la Superieure [420] en proposera des autres.

  A025002860 

 Mais pourtant, si quelque Seur les violoit volontairement, destinement, avec scandale ou par mespris, elle commettroit sans doute une grande offence; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonnore l'escole de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation et dissipe les fruitz de bon exemple et de bonn' odeur qu'elle doit donner au prochain.

  A025002860 

 Si que un tel mespris volontaire seroit en fin suyvi de quelque grand chastiment de la part de Dieu, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés a ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis..

  A025002871 

 Et comme en l'ancienne Loy la victime et hostie, c'est a dire l'animal qui devoit estre immolé, estoit premierement escorchee, ainsy les Seurs qui desirent offrir et vouer leurs personnes a Dieu en cette Congregation, [422] doivent escorcher leurs cœurs, se resouvenant que Nostre Seigneur mesme voulut s'offrir a Dieu son Pere pour nous, tout nud et despouillé sur l'arbre de la croix..

  A025002871 

 Les Seurs que Dieu appellera a la sainte Profession se doivent representer que, comme brebis et aigneaux, elles doivent estre immolees, voüees et sacrifiees a la divine Majesté.

  A025002872 

 Et pour venir a l'escorchement de la victime, elles renonceront en mesme sorte a leurs inclinations, mouvemens naturelz, et mesme a la fause liberté de leurs volontés, pour vivre des-ormais contre leurs inclinations et selon la perfection des vertus; contre leurs mouvemens [423] naturelz et selon la direction et conduite d'autruy contre la liberté de leurs volontés et selon les regles et Constitutions de la Congregation.

  A025002873 

 Quelques jours, donq, avant les vœux, celles qui les devront faire s'occuperont fort a cet exercice du renoncement, lequel affin qu'elles sçachent faire plus aysement, je marqueray quelques particulieres choses auxquelles on renonce en cette Congregation:.

  A025002874 

 A la liberté d'aller ça et la en divers lieux; a l'estime de soymesme; a la liberté de parler et converser avec autruy; a la liberté de se vestir, mirer, accommoder, faire paroistre aggreable et bref, de monstrer les advantages que la nature peut avoir donné a quelques unes; a la liberté du choix des exercices spirituelz, laquelle d'autant plus qu'elle semble honneste, d'autant est elle difficile a quitter; au contentement de voir et frequenter ses parens; a l'inclination que nous avons d'estre estimees judicieuses, sages, discrettes, bien seantes, car on ne peut y vivre selon son jugement, ni selon sa propre sagesse ou propre discretion, ni; selon sa propre bienseance, mays selon celle d'autruy..

  A025002875 

 Cette bienseance est une des choses plus difficile a renoncer [424]; c'est pourquoy il en faut faire un grand renoncement entre les femmes, qui y sont grandement attachees.

  A025002875 

 Et ainsy, qui regarderoit les choses esquelles on s'est pleu au monde, on treuveroit mille renoncemens a faire, et dequoy dire mille et mille adieux au monde et a ses lanterneries et frivoles complaysances..

  A025002875 

 ce fut celle a laquelle renonça Nostre Seigneur, demeurant nud sur la croix; Job, sur le fumier, luy qui estoit prince; David, sautant comme hors de soymesme devant l'Arche; saint Louys, mangeant entre les pauvres; sainte Elizabeth, vestue en pauvre femme, et le bienheureux Louys Luzague, vestu en chevalier, portant sous son manteau des bouteilles de vin et un pot plein de potage aux pauvres, sans se mettre en peyne d'estre descouvert avec cela.

  A025002884 

 Car les uns le suivent, mais de fort loin; ilz se retournent devers luy, mais ilz ne s'en approchent gueres; et ce sont les chrestiens qui, sans avoir aucun soin de se perfectionner en l'amour de Dieu, [427] se contentent d'eviter la damnation par l'observance de ses commandemens.

  A025002885 

 Les autres passent plus avant, et s'unissent a la Croix de Nostre Seigneur et le suivent au plus pres qu'ilz peuvent; mais ceux ci sont de deux façons.

  A025002885 

 Les uns ne laissent pas pour cela les occupations et vacations exterieures du monde, entre lesquelles ilz ne peuvent eviter plusieurs empeschemens, destourbiers et tracas grandement contraires a leurs bonnes intentions et resolutions; de sorte que c'est avec grand'peine et perpetuelz dangers qu'ilz se maintiennent au train de la perfection et de la suite de Nostre Seigneur.

  A025002886 

 Ilz ont deux grans avantages sur les autres: l'un est que, deschargés d'autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour divin; l'autre est qu'ilz font un acte nompareil, renonçant tout a coup et si genereusement a toutes choses pour Dieu, qui est une [429] œuvre d'une perfection vive, masle, genereuse et hardie..

  A025002886 

 Mais les autres, affin de suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a sa suite, quittent les richesses et commodités mondaines (qui pour l'ordinaire nous incommodent tant au chemin du Ciel), quittant tout comme les Apostres, s'attachant seulement au seul soin de plaire a Dieu et de le suivre, ne voulant que leur cœur soit partagé ni distrait de la variété des choses, mais cherchant simplement, d'un cœur tout uni, l'unité d'un seul et unique amour de Dieu.

  A025002886 

 O Dieu, qu'ilz sont heureux! le monde ne les connoist plus, ni eux ne connoissent plus le monde; ilz disent adieu a toutes choses, pour estre sur toutes choses a Dieu.

  A025002889 

 Nostre Seigneur nous offre la tressainte aeternité, affin qu'en icelle nous jouissions d'une jouissance parfaite de sa fœlicité; n'est il pas donq bien raysonnable que nous luy offrions les momens du tems que nous avons a vivre, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, jouissant de nostre estre, qui n'est qu'une vraye misere, sans que nous nous en reservions un seul moment, ni aucune partie de nostre vie, ni une seule de nos actions? Helas! qu'est ce que nous offrons a Dieu en eschange des choses qu'il nous offre? [430].

  A025002892 

 Les Anges ayans esté tous creés en la grace de Dieu et vrayement bons, les uns abandonnerent ce bonheur, et furent rendus diables par leur volontaire despart de la grace et obeissance de Dieu; les autres demeurerent Anges glorieux, par leur volontaire union avec Dieu.

  A025002892 

 Or, cela arriva d'autant que les anges malins ne voulurent pas se dedier et offrir au service de Dieu, mais voulurent dependre d'eux mesmes et avec une fause liberté.

  A025002892 

 Or, les bons [431] reconneurent leur devoir, offrirent a Dieu leurs services et obeissance eternelle, leur estre et toutes les dependances d'iceluy, sans reserve ni limitation quelcomque.

  A025002893 

 Quelle celle des Martirs qui, comme brebis d'immolation, ont offert leur vie et leur mort douloureuse avec tant de courage et de constance! Quelle celle des anacoretes et de tant de confesseurs, de vierges et autres, qui, comme petitz oyseletz, se sont volontairement enfermés dans des cavernes, en des monasteres, dans des hospitaux et en d'autres sortes de vies, pour plus a commodité chanter, comme dans des cages, les louanges aeternelles de leur Dieu, et se sont rendus heureusement ses esclaves affin de ne pouvoir jamais se dedire, ni dementir le vœu de leur fidelité.

  A025002896 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees et conduittes a Jesus Christ apres elle: voyla pourquoy, a son imitation, ayant ouy que Nostre Seigneur conseille que, pour plus entierement, plus purement et plus constamment estre servantes de sa divine Majesté, il failloit quiter tout et renoncer tout son estre entre les mains de sa Providence, vous deves d'un grand courage, apres Nostre Dame, dire: Nous voyci meshuy servantes de Dieu, ayant tout quitté pour cela; nous soit fait selon sa parole.

  A025002898 

 Helas, combien est il juste que nous nous offrions a luy, et que pour luy nous nous attachions et soyons clouees en nostre vocation! Et pour cette meditation suffisent les paroles de saint Paul: Jesus Christ, dit il, est mort four tous, donques tous sont mortz en luy.

  A025002902 

 La, Nostre Seigneur tiendra le lieu du Pere spirituel, Nostre Dame de la Superieure, et les Saintz que nous avons choysis seront comme les deux Assistentes.

  A025002902 

 Mais, avec quelle ferveur, avec quel zele feront ilz cette solemnité, esperant que, par le moyen d'icelle, nous arriverons a la celebrité de l'aeternelle gloire! A ces parrains, il nous faut [435] bien protester que nous ne les desavouerons point en ce qu'ilz pleigent pour nous, et les conjurer qu'ilz soyent speciaux protecteurs de nos vœux..

  A025002908 

 Ainsy, la personne qui se veut immoler et sacrifier a Dieu en la Religion doit, avant toutes choses, s'escorcher tout a fait; comme N. S. Jesuschrist se voulant immoler sur la [422] croix, non seulement fut despouillé et denué de ses habitz, mays escorché par les fouets et escorgees.

  A025002909 

 On renonce donq a la liberté d'aller ça et la, par la clausure; a la liberté de parler et converser, par le silence et la solitude; a la liberté de se vestir, mirer et ageancer pour se rendre aggreable et faire paroistre les advantages naturelz; a la liberté du choix des exercices spirituelz pour suivre ceux qui sont prescrips au Monastere; a l'inclination que l'on a de voir les parens; a l'inclination que l'on a de bien parler et d'estre estimee judicieuse, sage, discrette et bien seante, car apres la Profession on ne doit plus vivre selon son jugement ni selon sa discretion, mais selon la discretion d'autruy; ni selon sa propre bienseance, mays selon la bienseance commune du Monastere..

  A025002910 

 Et ainsy, qui regardera les bienseances du monde, et la civilité qu'il estime tant, et la discretion delaquelle il fait tant de profession, il treuvera mille et mille renoncemens a faire presque a toutes heures..

  A025002910 

 Et ce fut celle la a laquelle renonça Nostre Seigneur, permettant d'estre mis nud sur la croix, au milieu de tant de nations; [Job, sur le fumier, lui qui était prince; David, sautant] comme hors de soymesme devant l'Arche de l'alliance; S t Louys, ce grand Roy, servant les pauvres a genoux, mangeant avec eux un mesme potage; S te Elizabeth de Hongrie, s'habillant en pauvre femme et servant es hospitaux.

  A025002910 

 Or, cette bienseance, civilité et courtoysie propre et particuliere est une des choses plus difficile a quiter, principalement pour les.

  A025002916 

 O que ne sommes nous aussi bons, doux et reconnoissans que le juste Isaac qui, sans replique ni difficulté quelcomque, s'exposa librement a la mort, et se disposa pour estre sacrifié par les mains de son pere Abraham, remettant et abandonnant sa vie et son estre a celuy qui, selon nature, le luy avoit donné!.

  A025002919 

 Car les uns le suivent voirement, mais de fort loin; [427] et ce sont les chrestiens qui se contentent d'eviter la damnation eternelle par l'observance des commandemens de Dieu, mais n'ont aucun soin de se perfectionner par l'exercice de l'amour celeste.

  A025002920 

 Les autres, qui sont de la seconde sorte, suivent Nostre Seigneur de plus pres et s'addonnent a la sainte devotion le mieux qu'ilz peuvent, mais neantmoins demeurent engagés dedans le commerce et la vie ordinaire des mondains; en suite dequoy ilz ne peuvent eviter plusieurs empeschemens, destourbiers et tracas grandement contraires a leur bonne intention, de maniere que c'est avec grande difficulté, et non sans des perpetuelz dangers, qu'ilz se maintiennent et conservent en leur bonne resolution.

  A025002921 

 Finalement, il y en a des autres lesquelz, pour suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a son amour aeternel, quittans les honneurs et les richesses mondaines avec toutes les commodités et libertés qui les accompaignent (lesquelles pour l'ordinaire incommodent grandement nostre acheminement a la perfection), abandonnans entierement toutes choses, comme firent les Apostres, et s'attachans fermement au seul soin de plaire a Dieu et le suivre, ne voulans que leur cœur soit partagé ni distrait a la varieté des choses du monde, recherchent purement et simplement, d'un cœur tout uni et joint en soy mesme, l'unité du seul et unique amour de Dieu.

  A025002922 

 Considerant donq le bonheur de ces ames et la dignité de leur entreprise, faites le choix et l'election de cette sorte de vie, et, par des eslans affectionnés, renonces a tout, offres tout a Dieu, embrassés cette si excellente perfection, donnes luy toute vostre vie et tous les momens d'icelle.

  A025002923 

 meditation sera de l'offre que Nostre Seigneur nous fait de son Paradis et de son aeternité bienheureuse, affin qu'a jamais nous jouissions parfaitement de son infinie fœlicité; car n'est il pas donq reciproquement convenable que nous luy consacrions et donnions les petitz et chetifz momens de cette vie mortelle, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, [430] jouissant de nous mesme et de nostre estre qui n'est en effect qu'une veritable misere? Helas! qu'offrirons nous a Dieu en contrechange de la sainte œternité de son Paradis qu'il nous offre?.

  A025002926 

 Les Anges ayantz esté creés en l'amour et grace de Dieu, les uns, par apres, abandonnerent et perdirent ce bonheur et, par un volontaire rejet de la grace de Dieu, se rendirent diables; comme les autres, par leur volontaire union avec Dieu, devindrent saintz et bienheureux espritz.

  A025002926 

 Mays les bons Anges, au contraire, firent [431] une generale et invariable profession de vouloir eternellement et sans reserve quelcomque estre sujetz et sousmis a l'obeissance de Dieu en toutes choses, sans limitation aucune.

  A025002926 

 Or, cela arriva dautant que les anges malins ne voulurent pas se dedier ni s'offrir a Dieu par la profession et determination de leur volonté a l'amour et service aeternel de sa divine Majesté, ains voulurent dependre d'eux mesme ( sic ) et avoir tous-jours leur fause liberté, sans s'astreindre a la volonté de Dieu et a sa sainte obeissance.

  A025002927 

 Quelle profession des Martirs qui, comme des innocentes brebis, ont esté immolés, vouans leur vie et leurs peines a la gloire de Jesuschrist! Quelle oblations ( sic ) des anacoretes, des moynes, des religieuses, qui, comme petitz oyseletz du ciel, se sont volontairement enfermés dans les desertz, dans les forestz et dans les monasteres pour, avec plus de sainteté, chanter comme dedans des saintes cages les louanges aeternelles de Dieu, et se sont heureusement rendus prisonniers et esclaves dedans les cloistres pour ne pouvoir jamais se dedire de leur profession, ni dementir le vœu de leur fidelité! O combien de sujet y a il d'imitation en ces saintes trouppes! [432].

  A025002928 

 Mays par ces paroles: Voyci la servante du Seigneur, elle fait profession de renoncement a toutes choses, s'abandonnant entierement a l'obeissance et disposition de la volonté divine, les serviteurs et servantes ne reservant aucune volonté ni aucune chose qui ne soit a la disposition de leur ( sic ) seigneurs..

  A025002931 

 Je vous la dois, o mon Sauveur, et je la vous immole; et pour la vouer et dedier plus entierement a vostre gloire, je m'oblige, par la Profession et par les vœux de Religion, de vivre en la façon qui vous est la plus agreable, selon ma portee et condition.

  A025002933 

 Choysissons encor quelque Saint particulier: comme S t Joseph et nostre bon Ange, ou S t Augustin, ou S t Dominique; et ayans confiance en leur charité, supplions les de nous presenter a Dieu, le Pere aeternel, par le merite de son Filz, en la dilection du Saint Esprit.

  A025002933 

 Et prenons confiance qu'au mesme instant auquel nous ferons icy bas en terre les actes de nostre Profession et de nos vœux solemnelz, ilz les celebreront et solemniseront la haut au Ciel, a la veue de toute l'Eglise triomphante, ou Nostre Seigneur luy mesme nous sacrifiera a son Pere eternel, nous immolant a son amour aeternel; et Nostre Dame, avec tous les Saintz, appreuvans nostre Profession, chanteront les alleluya et le Te Deum d'allegresse.

  A025002940 

 Il semble que les Seurs peuvent demeurer dedans le cœur ( sic ) et que la Seur Novice doive demeurer a la treille descouverte pendant le sermon.

  A025002942 

 Il n'est pas besoin de mettre en veue les habitz du monde. c.

  A025002944 

 Jamais, Dieu aydant, je ne les reprendray. e.

  A025002949 

 Et les Seurs, toutes ensemble, chanteront:.

  A025002954 

 Si ne cera pas bien que les Seurs die ausi le De profundis?.

  A025002955 

 Si la Seur se levera toute debout pour chanter le Dominus illuminatio; si elle le dira en chant, et les Seur ( sic ) le Beati mortui..

  A025002957 

 Si l'on ira prendre les pretendantes au ceur..

  A025002958 

 Si cera bon que les Seur alument leur cierge avent celui de la Novise..

  A025002968 

 Liberté, a la Messe, de faire l'orayson; liberté de regarder les ceremonies de la Messe: l'un contraire a l'autre..

  A025002969 

 Liberté de regarder les predicateurs et les images..

  A025002972 

 Liberté de lire les livres parmi la journee, pour se soulager es tentations..

  A025002973 

 Cela peut donner [439] des inquietudes, les unes monstrant d'avoir beaucoup ouvré, et les autres peu..

  A025002973 

 Liberté pour les ouvrages, qu'on ne soit point reprise si on ne fait pas beaucoup, a cause qu'on a eu besoin de se promener, ou lire a cause des tentations.

  A025002975 

 Solitude deux jours apres les confessions annuelles..

  A025002981 

 La mortification enseignee aux Novices, et les vertus..

  A025002982 

 Methode pour les Novices quant a l'orayson en sept stations; Alcantara a fait cela..

  A025002983 

 Voir mourir les Seurs et donner le Saint Huile..

  A025002984 

 Pour les trespassés, 30 Messes de saint Gregoire.

  A025002990 

 De ne faire perdre les exercices communs pour aucun ouvrage..

  A025002993 

 Prédications frequentes, et les sujetz d'icelles..

  A025002999 

 Portes ou portieres au cœur ( sic ) pour fermer les fenestres a la Messe et orayson, et predication.

  A025003009 

 Qu'on puisse dire les defautz de la Superieure a la Coadjutrice..

  A025003018 

 En suite dequoy il a voulu que les Seurs de la Visitation n'eussent aucun General ni Generale, sinon Jesus Christ, le Seigneur de tous, et son Vicaire nostre Saint Pere; d'autant, me dit il, «que la conservation de l'Institut et le bonheur des Religieuses ne depend pas d'estre rangees sous un chef, ains de la fidelité que chasque Seur aura en son particulier et que toutes auront en general de s'unir a Dieu par l'exacte observance des Regles, Constitutions et Coustumes establies en leur Ordre.».

  A025003019 

 Et pour ce, elles les feront saluer et offrir obeissance a leur advenement; et lhors qu'elles seront nouvellement establies en leurs dioceses, elles prieront journellement pour eux; appliqueront tous les ans une Communion generale a leur intention au jour de leur sacre; en leurs voyages, maladies et affaires importantes elles redoubleront leurs prieres pour leur santé et heureux succes, et quand il plaira a Dieu de les appeller a luy, elles feront les mesmes suffrages pour eux aux Monasteres du diocese que pour leurs Seurs defunctes..

  A025003019 

 Et vouloit que les Seurs eussent en singuliere recommandation de porter un honneur tout sacré a Messeigneurs leurs Prelatz, qui sont les vrays et legitimes Superieurs des Monasteres establis en leurs dioceses, et qu'elles leur rendissent une tres humble et sainte obeissance, conformement a leurs Regles, Constitutions et Coustumes.

  A025003020 

 Que si un jour il arrivoit (ce que Dieu ne permette) que quelque Monastere descheust de sa perfection, les autres qui s'en appercevront se devront employer avec une extreme charité et humilité pour les ayder a se relever et remettre [443] en devoir, les admonestant par supplications pleynes de douceur et de zele de retourner a leur premiere ferveur, les assistant en tout ce qui leur sera possible, et leur procurant du secours et des exhortations et remonstrances, tant des Superieurs que d'autres personnes d'authorité et pieté qu'elles connoistront estre affectionnees a leur Institut..

  A025003021 

 De mesme, s'il arrivoit quelque trouble ou difficulté entre divers Monasteres de l'Ordre ou en quelqu'un d'iceux, soit pour l'observance ou autres affaires quelles qu'elles puissent estre, elles ne s'addresseront point a la justice seculiere, ains toutes les Seurs auront leur refuge a leur Chef, Nostre Seigneur Jesus Christ, par penitences et continuelles oraysons, non seulement dans les Monasteres affligés, mais encor en tous ceux de l'Ordre qui en seront advertis.

  A025003022 

 Mais pour esviter que par la longueur du tems ou autres accidens cet esprit d'uniformité vienne a se dissiper, en certains tems, comme environ de six ans en six ans, elles demanderont un Visiteur a nostre Saint Pere ou a Monseigneur le Nonce, qui visitera une fois en six ans tous les Monasteres de l'Ordre, ou au moins tous ceux d'une langue, pour remettre ce qui pourroit estre descheu de l'observance premiere.

  A025003022 

 Neanmoins, l'intention de nostre tres honnoré Pere et Instituteur n'estoit pas que ce Visiteur eust aucune authorité sur les Monasteres, ains seulement pour voir si les Maysons conservent l'uniformité entre elles par l'exacte observance; et desiroit qu'il rendist un tres grand honneur et respect aux Prelatz, et que des choses ausquelles [444] il ne pourroit remedier doucement, avec leur faveur et authorité, il en fit son rapport a nostre Saint Pere ou a Monseigneur le Nonce pour y estre pourveu..

  A025003023 

 C'estoit encor la volonté de ce bon et digne Prelat, nostre Instituteur d'heureuse memoire, qu'es doutes et difficultés qui pourrovent survenir es Monasteres touchant la prattique des Regles, Constitutions et Coustumes, on demandast advis aux Monasteres plus anciens, et notamment a celuy d'Annessy; car ayant receu les premices de l'esprit, et estant le cœur et fontaine de la vie spirituelle de tout l'Ordre, d'ou sont issus tous les autres Monasteres, on peut justement et raysonnablement croire que l'eau sera tous-jours plus claire en sa source et qu'on y aura plus de lumiere et d'intelligence de toutes les choses qui appartiennent a l'Institut; joint l'honneur et bonheur qu'a ce Monastere d'avoir en preciput les reliques du Fondateur, qui est une grace tres pretieuse..

  A025003024 

 Elles traitteront donq avec luy humblement et respectueusement, avec une confiance toute filiale, les rendant participans [445] de leurs petitz biens spirituelz; et a leur deces, feront un service tel qu'il sera advisé par le Chapitre, selon la qualité et merite de telles personnes.

  A025003024 

 L'honneur que les Seurs doivent porter a leur Prélat doit encor s'estendre a l'endroit de celuy qu'elles auront de sa part pour Pere spirituel.

  A025003025 

 Le Confesseur ordinaire sera entretenu aux frais du Monastere par une raysonnable pension; mais les Seurs ne se chargeront point de sa nourriture, tant qu'il se pourra, ni d'aucune autre chose, sinon de le payer aux termes convenus.

  A025003033 

 Elle prendra garde que tous les Diurnaux et toutes les Heures des Seurs se rapportent, tant aux accens qu'aux pauses, soit aux Offices ordinaires ou extraordinaires..

  A025003034 

 Quand elle distribuera les charges aux Seurs, les veilles des grandes festes et solemnités, elle les advertira en mesme tems de dire l'Office plus gravement..

  A025003035 

 Elle tiendra ou fera tenir par une autre Seur le livre et le sujet de la meditation tout prest pour le lire au milieu du chœur, observant de lire posement, distinctement et asses haut, et des choses les plus substantielles et devotes..

  A025003036 

 Pour soulager la memoire de la Superieure, qu'elle la face resouvenir des choses qui se font de tems en tems: [447] comme de l'intention des Communions, de faire prescher, des renouvellemens des vœux, de faire entretenir les Seurs, de demander les licences pour les entrees et de les faire renouveller quand elles se donnent pour trois moys, de faire venir le Confesseur extraordinaire de trois en trois moys, de faire donner le congé aux Seurs de faire des penitences, de faire tenir l'assemblee pour les affaires et semblables..

  A025003037 

 Elle escrira ou fera escrire les billetz des Saintz, dons du Saint Esprit et les beatitudes.

  A025003037 

 Et voyci comme l'on escrit les billetz des Saintz de l'annee.

  A025003038 

 Elle lira, ou fera lire a la recreation de l'apres disnee, la veille des grandes festes ou il y a ceremonie extraordinaire, ce qu'il faut observer pour l'Office et ceremonie; elle departira le samedi, a la recreation du matin, les charges du chœur, et le soir les autres petites: comme de resouvenir de la presence de Nostre Seigneur et dire quelque chose de bon a la fin de la recreation; nommera les lectrices et celle qui servira a la table..

  A025003039 

 Comme aussi de faire escrire les Professions et Renouvellemens des Seurs dans le Livre destiné du Couvent..

  A025003039 

 Elle aura soin de bien conserver les livres, et advertira la Superieure s'il s'en treuve quelqu'un qui ne soit pas de devotion, pour les faire vendre ou changer.

  A025003040 

 Elle aura un roolle de tous les livres qui sont en la Mayson, et en fera un autre ou elle escrira ceux qu'on donnera, tant aux Seurs qu'a ceux de dehors.

  A025003040 

 Elle biffera les noms particuliers qui seront escritz aux livres, et y mettra: Ce Livre est du Monastere de la Visitation Sainte Marie de N.

  A025003040 

 Si la Superieure en fait prester, elle aura soin de les faire retirer; et luy monstrera a l'advantage le roolle des livres que les Seurs ont, affin que, par son ordre, elle fasse la liste de ceux qu'elle leur devra distribuer au commencement de chasque annee.

  A025003041 

 Elle commettra une Seur des le soir pour avoir le soin des choses requises a la ceremonie, qu'elle ne pourra pas faire: comme de distribuer les cierges aux Seurs, commencer les Psalmes, et autres choses..

  A025003041 

 S'il est requis d'ouvrir la porte, ou si quelqu'un sonne au tour la retraitte estant sonnee, elle y assistera; et aura soin particulier de prendre garde si la Sacristaine fait son devoir en sa charge et si, selon les solemnités, l'autel est suffisamment bien paré, pour seulement en donner advis a la Superieure.

  A025003043 

 Ce sera a elle de tenir ou faire tenir le chœur des Seurs en bon ordre et bien net, le balliant deux fois la semayne, voire plus s'il en est besoin; et le tiendra fermé des le disner jusques a la lecture, et des lhors il demeurera ouvert, jusques apres Vespres, et des les Complies jusques au souper.

  A025003043 

 Mais les jours des festes elle l'ouvrira apres la recreation, ou bien elle laissera a la Sacristaine le soin de l'ouvrir et fermer, en ayant toutesfois une clef..

  A025003044 

 Elle fera laver les vitres du chœur une fois l'annee, mettant des linges dessus les fenestres, affin que les murailles ne se gastent.

  A025003044 

 Et fera mettre au derriere des sieges, des caisses ou platz de bois, pleins de chaux, ou de poudre tombee sous la scie, ou autre chose qui soit propre a cela, prenant garde que les Seurs qui sont nommees pour les tenir netz le fassent soigneusement et les mettent souvent au soleil..

  A025003045 

 Elle aura soin que les Seurs, au partir de Prime ou l'apres disnee, preparent tout ce qu'elles auront a dire au chœur d'extraordinaire, comme les commemorations, ce qui se devra chanter a la sainte Communion, aux processions et semblables.

  A025003048 

 Affin que les instructions que la Directrice donnera soyent receues plus souëfvement des Novices, il faut qu'elle s'estudie de leur monstrer un amour cordial et tendre, affin qu'elles prennent une vraye confiance et entiere certitude de son affection; a quoy servira de s'enquerir souvent de leur santé, tesmoignant de la compassion de leurs maux, et les visitera et servira charitablement quand elles en auront besoin.

  A025003048 

 Ceci importe beaucoup, c'est pourquoy la Directrice y doit estre fort attentive; comme aussi a ne tesmoigner aucun desgoust ni ennuy des fades et importunes humeurs qui se pourront rencontrer parmi les Novices, et moins aucune sorte d'affection particuliere, si bien il y en a quelqu'unes qui semblent le meriter; ains qu'elle monstre un amour universel et un soin esgal au service de toutes, affin d'oster d'entre elles tout sujet de murmure et d'envie.

  A025003048 

 Et qu'elle aye un grand soin de les maintenir en union et estime l'une de l'autre, et qu'elle garde comme un secret de conscience ce qu'elles luy diront, n'en parlant qu'avec la Superieure..

  A025003049 

 S'il arrive a la Directrice de commettre des imperfections un peu remarquables devant les Novices, elle en doit dire sa coulpe au refectoir et, avec congé, en faire quelque mortification pour satisfaction du mauvais exemple qu'elle pourroit avoir donné..

  A025003050 

 Qu'elle ne s'estonne point si elle treuve des filles qui ayent beaucoup a combattre, soit par les anciennes habitudes, mauvaises inclinations et autres tentations, ains qu'elle les conforte et assiste charitablement, leur donnant courage et esperance qu'elles emporteront en fin la victoire; comme en verité, si telles ames sont bien aydees, [450] tant de la grace de Dieu que du soin de la Directrice, elles deviendront plus parfaittes que celles qui sont entrees plus innocentes en la Religion, d'autant que, pour l'ordinaire, elles haïssent mortellement le mal qu'elles ont reconneu, et produisent des actes de vertu tres excellens..

  A025003051 

 Et mesme si quelque Novice n'avoit point de confiance a la Superieure ni a la Directrice et desiroit parler a quelqu'une des autres Seurs, on le luy permettra librement, sans faire aucun semblant de s'appercevoir de sa mesfiance, affin de soulager et consoler autant qu'il se pourra telz espritz, desquelz il faut avoir grande compassion et les attendre avec une patience extraordinaire..

  A025003052 

 Qu'elle prenne bien garde a ne mortifier point les Novices par bigearrerie, aversion ou passion, car elle se destruiroit elle mesme et ne prouffiteroit point aux autres.

  A025003053 

 Elle doit donq employer l'annee de probation selon la sainte intention pour laquelle elle est ordonnee; c'est a dire, qu'elle exerce les Novices convenablement, pour essayer et reconnoistre leur vocation (car il ne seroit pas a propos d'attendre de les espreuver apres la Profession), observant neanmoins la discretion en telle sorte que les espreuves n'excedent pas la portee des espritz..

  A025003054 

 Qu'elle ne les travaille point par des penitences et mortifications lhors qu'elles seront affligees de quelques peynes ou tentation, crainte de les surcharger de nouvelles presseures; au contraire, il les faut ayder, soustenir et consoler, leur enseignant de tirer le fruit de leurs tentations et difficultés..

  A025003055 

 En fin elle doit avec grande confiance et sousmission aller a la Superieure, pour se resoudre et conseiller es doutes [451] et difficultés qui luy pourroyent arriver en l'exercice de sa charge; car c'est de la que Nostre Seigneur luy fera puyser les forces, la lumiere et la patience dont elle aura pour l'ordinaire grand besoin: de maniere que le plus souvent qu'elle pourra le faire sera le meilleur..

  A025003056 

 La Directrice se rendra fort soigneuse d'apprendre aux Novices a bien dire, prononcer et chanter l'Office divin, et pour cela, le matin apres Prime, elle se retirera le plus promptement qu'elle pourra au novitiat pour les faire estudier, commettant pour luy ayder celles qui sçauront le mieux lire et chanter, affin qu'elle ayt asses de tems pour vacquer aux autres obligations de sa charge..

  A025003059 

 Elle leur donnera le point de l'orayson un moys ou six semaines durant, tous les jours entre les deux coups de Matines, ou, si la necessité le requiert, apres Matines; voire plus long tems s'il est requis.

  A025003059 

 Elle leur en fera rendre conte tous les jours trois moys durant, s'il se peut, comme aussi de leur interieur et prattiques de vertus..

  A025003060 

 Quand elle aura parcouru toutes les Regles, Constitutions et Coustumes, elle leur lira le Cathechisme, sans leur permettre pourtant de subtiliser et faire des questions curieuses; car ce seroit un tems inutilement perdu, qui se doit plustost employer au saint recueillement et a la prattique des vertus..

  A025003060 

 Toutes les apres disnees la Directrice estant retiree au novitiat avec les Novices, elles diront le Salve Regina, etc., devant l'oratoire, pour saluer Nostre Dame; puis elle leur lira un point de la Regle, qu'elle leur expliquera clairement pour leur en faire bien concevoir l'esprit.

  A025003061 

 Elle leur pourra et devra aussi fort souvent lire les Sermons et Entretiens spirituelz qui leur ont esté faitz, comme le vray pain et la nourriture plus convenable a leurs [452] espritz, leur apprenant a tenir leurs affections arrestees et encloses dans les enseignemens qui y sont contenus, d'autant que ce sont les seulz moyens par lesquelz elles peuvent parvenir a la perfection de leur vocation..

  A025003062 

 Comme aussi les festes et Dimanches elle leur laissera le tems libre pour faire orayson; ou bien les entretiendra, ou pourra faire entretenir toutes ensemble ou deux a deux pendant le silence, leur apprenant a le faire utilement et a ne parler que de Dieu, des Regles, des advis et entretiens susditz, du bonheur et excellence de leur vocation et de la pretention qu'elles doivent avoir de parvenir au plus haut degré de la perfection de leur vocation, s'excitant l'une l'autre a l'amour de Dieu, du prochain et a la prattique de toutes les vertus..

  A025003062 

 Mais es jours de sermon, ni les samedis elle ne lira rien aux Novices, pour leur donner plus de loysir de se preparer a la Confession.

  A025003063 

 Elle ne leur permettra point de parler les unes parmi les autres de leurs tentations, aversions, difficultés et desgoustz, si elles en ont, car cela seroit tres mauvais et pernicieux.

  A025003064 

 Elle devra aussi estre fort advisee a distribuer aux Novices les livres pour la lecture ordinaire qui soyent de prattique et qui enseignent les bonnes et solides vertus, comme l' Imitation de Nostre Seigneur et de Nostre Dame; Gerson de la Perfection Religieuse; le Chemin de Perfection; l' Introduction a la Vie devote, en leur marquant neanmoins les chapitres qui ne leur conviennent pas, et semblables.

  A025003064 

 Mais sur tout, qu'elle les [453] rende soigneuses et affectionnees de lire les Regles, les Sermons et Entretiens spirituelz, affin qu'elles en conçoivent le sens et prennent l'esprit; voire mesme des Coustumes et des ceremonies qui s'observent, tant en general qu'en particulier, leur inculquant qu'elles ne doivent sçavoir que cela..

  A025003065 

 Pour y parvenir, la Maistresse les ira petit a petit despouillant de toutes autres choses, affin que plus parfaittement elles s'arrestent a celle ci qui est de si grande importance; et ne leur permettra point de lire des livres qui traittent des oraysons extraordinaires et surnaturelles, sinon par l'advis de la Superieure et de quelque personne bien versee en la spiritualité..

  A025003066 

 Et puis, quand les Novices auront dit, elle dira un mot sur chacune des vertus qui auront esté proposees, et conclura en faveur de celle qui aura parlé plus conformement a la Regle, enseignant a chacune la prattique de la vertu qu'elle aura choisie..

  A025003066 

 La Directrice doit avoir un grand soin de tenir les Novices joyeuses et ferventes, et pour cela elle diversifiera les exercices du novitiat: par exemple, quelquefois, au lieu de faire dire des coulpes, elle leur fera dire quelques vertus qu'elles estiment et affectionnent le plus, les interrogeant toutes l'une apres l'autre.

  A025003067 

 D'autres fois elle leur fera detester les vices et benir les vertus, en cette sorte:.

  A025003068 

 La Directrice s'estant mise a genoux devant l'autel (qui sera d'environ troys pieds ou troys pieds et demy), elle commencera a dire: «O mon Dieu, je deteste la desobeyssance,» et toutes les Novices respondront: «Nous la detestons aussi.» La Maistresse: «Je deteste l'envie;» les Novices: «Nous la detestons.» Et ainsy des autres vices qu'elle verra plus familiers entre elles.

  A025003068 

 Puis, en ayant detesté deux ou troys, la Maistresse ensuite benira les vertus contraires aux vices qu'elles ont detestés, disant: «Benite soit la sainte obeyssance;» et les Novices respondront: «Benite soit elle.» Et ainsy des autres; la Maistresse concluant par une petite orayson, comme seroit: «Seigneur Jesus, regardes, s'il vous plaist, ce petit troupeau des yeux de vostre misericorde et respandes sur iceluy [454] vos celestes benedictions, par les merites de vostre glorieuse Mere, nostre sainte Maistresse, affin que nous puissions, par la prattique de ces benites vertus, vous estre aggreables en cette vie et jouir de vous en l'autre.

  A025003069 

 D'autres fois il sera bon de les mettre deux a deux a cet exercice, et leur donner pour l'ordinaire sujet de telles entreprises la simplicité, douceur ou obeyssance, mortification de la propre volonté, l'humilité, cordialité, le support mutuel des unes avec les autres, le saint recueillement, le retranchement des repliques, repugnances et semblables, distribuant a chacune les prattiques selon les necessités..

  A025003069 

 Or, ces petitz desfis doivent estre quelquefois generaux, quelquefois particuliers; c'est a dire, que toutes les Novices facent ensemble le desfi de la douceur ou de l'obeyssance, si la Maistresse apperçoit un defaut universel de ce costé la.

  A025003070 

 La Directrice doit avoir l'œil sur la recreation de ses Novices, affin qu'il ne s'y passe aucune immodestie; mais elle doit aussi procurer qu'elles la facent allegrement et avec une honneste franchise, leur ouvrant elle mesme l'esprit par quelques petites questions, et les excitant d'en faire aussi les unes aux autres..

  A025003071 

 Elle doit avoir un soin particulier des filles qui sont a l'essay et des Novices nouvellement receues, les entretenant souvent et les faysant entretenir par quelques unes des plus advancees en la vertu, affin de les recreer et tenir leur esprit en haleyne, de peur qu'elles ne s'ennuyent et estonnent au commencement..

  A025003072 

 Elle leur assignera certain nombre de prattiques de vertus et de retours de leur esprit en Dieu, chasque jour, pour les acheminer au saint recueillement et a la mortification tant interieure qu'exterieure, doucement, comme des nouvelles plantes au jardin de Nostre Seigneur..

  A025003073 

 Quand la Superieure jugera qu'il soit tems de mettre les [455] filles a l'essay, la Directrice les fera entrer au Chapitre pour le demander..

  A025003074 

 Tous les mercredis la Directrice fera l'assemblee du Novitiat immediatement apres Prime, ainsy qu'il est porté par les Constitutions, ou estant a genoux devant l'oratoire et les Novices aussi, toutes en rang derriere elle, elle entonnera le Veni, Sancte Spiritus, etc., et les Novices poursuivront jusques au verset, que la Directrice dira avec l'Orayson; puis, ayant offert cette action a Nostre Seigneur et invoqué sa grace, elle s'assiera sur un siege a costé de l'autel, et toutes les Novices en terre ou sur des sieges fort bas, travaillant; puis viendront deux a deux dire chacune troys ou quatre coulpes, sur lesquelles la Directrice leur dira ce qu'elle jugera estre a propos; et a la fin, si elle a remarqué quelque defaut universel ou plus frequent entre les Novices, elle prendra occasion la dessus de leur parler a toutes en general pour leur donner horreur de cette sorte de defaut, et les excitera a l'amour de la vertu contraire, s'essayant de les laisser tous-jours encouragees.

  A025003076 

 Comme aussi elle nommera une Assistente pour tenir les Novices en respect et donner les licences necessaires en son absence; lesquelles Surveillante et Assistente la Directrice pourra changer de tems en tems, ainsy qu'elle verra estre pour le meilleur..

  A025003076 

 La Directrice commettra une Surveillante au Novitiat pour prendre garde aux defautz qui s'y feront, dont elle fera les advertissemens les mercredis apres les coulpes.

  A025003079 

 Les Surveillantes se surveilleront elles mesmes, taschant de donner bon exemple, par une estroitte observance de la Regle.

  A025003079 

 Qu'elles entendent bien tout le Coustumier, les Directoires et les choses desquelles elles auront a parler es conferences; et ne se hastent pas trop de dire leurs opinions, ains, apres avoir invoqué Dieu, qu'elles dient ce qu'elles sçauront et ce dont elles seront requises, briefvement..

  A025003080 

 Elles assisteront aux visites qui se feront, liront les Directoires de chasque office, observant si les officieres auront bien fait leur devoir; et ce qui manquera, tant pour le regard de l'observance que pour les meubles et ustensiles necessaires, elles en advertiront la Superieure, sans en parler ailleurs, ni faire la correction aux officieres..

  A025003081 

 Qu'elles observent les actions des Seurs a l'eglise, au refectoir, aux assemblees et recreations, et rendent fidellement conte toutes les semaynes, avant le Chapitre, a la Superieure de ce qu'elles auront remarqué..

  A025003082 

 Quand elles advertissent les Seurs au Chapitre et au refectoir, que ce soit sans exagerer ni aggrandir les fautes, ni selon leurs inclinations ou aversions, ains par le seul amour de Dieu et le zele de la perfection des Seurs, ne parlant jamais des fautes qu'elles remarqueront, sinon a la seule Superieure..

  A025003085 

 Que la Seur Œconome donne a la prouvoyeuse de l'argent moderement, selon les lieux, pour les menues provisions, et sache si elle a tout employé avant que de luy en donner d'autre..

  A025003086 

 Qu'elle prevoye que proche des bonnes festes il n'y ayt rien qui puisse empresser ni distraire les Seurs de l'attention qu'elles doivent avoir a ces grans misteres..

  A025003087 

 A l'Obeyssance du soir et du matin elle saura de la Superieure [457] ce qu'elle aura a faire a la ville, comme aussi ce que les Seurs desireront, affin qu'elle ordonne aux Seurs Tourieres ce qui sera requis, en sorte que tant qu'il se pourra elles n'aillent qu'une fois le matin et une l'apres disnee pour les messages ordinaires a la ville.

  A025003087 

 Quand il y aura beaucoup de choses a faire venir, elle leur en fera une liste, et tous les soirs, a l'heure que la Superieure jugera la plus propre, elle leur ordonnera, et aussi aux Seurs Domestiques, les choses extraordinaires a quoy elle les voudra employer le lendemain..

  A025003088 

 Qu'elle dresse la carte des choses dont elle devra faire les provisions necessaires, selon les saysons propres a acheter chasque chose; elle tiendra lesdites cartes sur des petits ais attachés en sa chambre en lieu ou elle les puisse facilement voir..

  A025003088 

 Qu'elle voye quelquefois les portions, affin que l'esgalité soit conservee, et la necessité en ce qui regarde les infirmes, desquelles elle prendra soin particulier.

  A025003091 

 Elle aura un petit livre journalier ou elle escrira tous les soirs ce que l'on aura acheté; et a chasque semayne, s'il se peut, elle l'escrira selon l'ordre accoustumé dans son livre des comptes..

  A025003092 

 Elle fera les quittances qu'elle luy fera signer, et escrira le jour et les personnes de qui elle a receu l'argent, lequel elle portera dans [458] le cabinet vouté, attendant la fin du moys, qu'elle remettra le tout a la Superieure pour le faire escrire sur le livre..

  A025003093 

 Elle aura soin de faire nettoyer les cheminees deux fois l'annee, et recommandera souvent aux Seurs Domestiques d'estre sur leurs gardes crainte du feu; elle visitera apres Matines les lieux ou on le fait et les poësles..

  A025003094 

 Elle aura un livre dans lequel elle escrira toutes les choses qui luy peuvent donner lumiere et adresse en sa charge, tant a elle qu'a celle qui luy succedera en sa charg: comme seroit la quantité de blé, vin, huyle, beurre, chandelles, sel, poys et choses semblables qu'il faut pour la nourriture et entretien des Seurs; comme aussi la quantité d'estoffes qu'il faut pour les habiller, tant pour l'esté que pour l'hyver, et combien elles coustent et ou s'en doit faire l'employte..

  A025003095 

 Elle sçaura combien il faut d'estoffe pour un ornement d'eglise et le memoire des meubles qu'il faut faire donner aux pretendantes; comme aussi ce que l'on donne aux Confesseurs, aux pauvres tous les moys, au medecin, au procureur du Monastere, et autres telles choses dequoy on a besoin journalierement..

  A025003096 

 On achetera les provisions au lieu ou elles seront establies, si elles s'y peuvent treuver, encor qu'elles deussent couster un peu plus cher, affin de ne pas surcharger les Maysons qui sont aux grandes villes; l'Œconome doit estre fort attentive sur ce point..

  A025003099 

 La Superieure commettra le soin des papiers et tiltres de la Mayson a une Seur, laquelle les serrera et tiendra en bon ordre, prendra garde qu'ilz ne se gastent ou esgarent; elle les tiendra au lieu qui sera destiné a cela dans le cabinet vouté..

  A025003100 

 Elle mettra tous les papiers qui concernent un affaire ensemble, pour les treuver plus facilement; comme aussi les contratz seront a part, les quittances aussi et ainsy des autres, le tout bien rangé et avec des escriteaux, pour les prendre plus a propos selon le besoin.

  A025003101 

 Elle doit faire un petit roolle de tous les contratz qui se passeront, qui contiennent seulement le jour et les personnes avec qui l'on a contracté, sur lequel elle verifiera les contratz que le notaire luy expediera, pour voir s'il n'en a point oublié..

  A025003101 

 Et aux contratz de simple obligation on laissera une feuille pour escrire les sommes que l'on recevra sur icelle, affin de tenir meilleur compte a ceux qui doivent, et aussi pour les faire payer au tems marqué, affin que par sa faute rien ne demeure a payer; et retirera du notaire tous les extraictz des contratz et autres papiers necessaires.

  A025003101 

 Et pour cela il seroit bon qu'elle fust presente quand l'on passera les contratz, si la Superieure le juge a propos; ou du moins l'on luy fera sçavoir ceux qui se feront es lieux ou les notaires n'expedient les contratz sinon a la fin de l'annee.

  A025003101 

 Quand il faudra donner quelque papier dehors le Monastere, elle l'escrira, marquant la date du jour et a qui elle l'a donné et pour quel sujet, et procurera qu'il luy soit rendu au plus tost; et fera que le notaire ou quelque autre escrive au parloir, en dehors, les contratz permanens tout au long dans le livre fait expres, qu'elle fera collationner et signer par ledit notaire, lequel livre ne doit point sortir du Monastere.

  A025003101 

 Que s'il en faut produire quelque contrat, elle en fera faire une copie collationnee; comme aussi, a mesme tems que l'on passera les contratz qui ne sont permanens, elle en escrira ou fera escrire la substance par le mesme notaire dans le livre fait expres, laissant entre chasque contrat portant rente deux ou trois feuilletz en blanc pour escrire la reception des pensions ou interestz, lesquelz elle n'escrit sur ledit livre qu'a la fin de l'annee que la Seur Œconome luy remet le roolle de ce qu'elle a receu.

  A025003102 

 Au commencement de chasque annee elle fera un extraict ou roolle de tout l'argent et rentes qui sont deuës au Monastere, tant en blé, vin, qu'autres choses, supputant ce que doivent ceux qui n'ont payé annuellement, le mettant bien au clair, et remettra ledit bordereau et extraict a la Seur Œconome, pour solliciter et faire payer ceux qui doivent, ainsy qu'il est marqué en son Directoire, et luy en baillera toute l'intelligence necessaire, affin que tous-jours l'on se [460] paye des fruitz escheus avant que de recevoir les sommes principales; et avant que de parler a ceux qui doivent, elle soit instruite de ce qu'ilz sont redevables, affin de ne se pas embrouiller et que rien ne se perde par sa faute..

  A025003103 

 Si le Monastere doit quelque rente, elle aura un livre ou elle fera escrire toutes les quittances que l'on passera en sa faveur..

  A025003104 

 Elle escrira aussi dans le livre de la substance des contratz tout l'argent que l'on prestera dehors, dont l'on ne fait point de contrat, comme quand l'on preste aux pauvres Monasteres de nostre Ordre, et en telles autres petites occasions; et aura soin de retirer les promesses particulieres qui se feront a cet effect.

  A025003104 

 Et sera soigneuse d'escrire sur ledit livre ce que l'on paye tous les ans, et pour cela elle verra, a la fin de l'annee, les memoires et extraictz qu'elle a donné a l'Œconome, pour en charger ses livres et faire des nouveaux extraictz de ce qui sera deu..

  A025003108 

 Tous les soirs a l'Obeyssance elle rendra conte a la Superieure de tout ce que l'on aura donné ou presté hors la Mayson ce jour la..

  A025003111 

 Mais si c'estoyent personnes de grand [461] respect, elle l'en advertira promptement et instruira les.

  A025003112 

 Elle donnera aux Seurs Tourieres ce qui sera pour les pauvres apres la seconde table, pour en faire la distribution tous-jours a une mesme heure, tant qu'il se pourra.

  A025003113 

 Elle tiendra les parloirs fort netz, les balliant, avec les lieux proches des portes, et torchera les grilles, deux fois la semayne..

  A025003114 

 Elle instruira les Seurs Tourieres de ne laisser entrer personne aux parloirs sans en advertir, tandis qu'il y en aura d'autres qui parleront aux Seurs, sinon pour quelque legitime occasion.

  A025003114 

 Elle tiendra les tours et les parloirs bien fermés a clefs, lesquelles elle gardera.

  A025003117 

 Qu'elle n'envoye point les Seurs au parloir sans assistente et qu'elle leur die a qui elles vont parler..

  A025003118 

 Qu'elle face fermer l'eglise avant le disner, s'il se peut, et qu'elle en retire les clefs, la faysant ouvrir a deux heures ou environ, voire plus tost s'il est requis, principalement les festes, pour la consolation du peuple; et que tous les.

  A025003118 

 soirs elle en retire les clefs et celle de la porte des Seurs Tourieres apres l' Ave Maria..

  A025003120 

 Quand on apportera les denrees et provisions a la Mayson elle en advertira l'Œconome.

  A025003125 

 Apres l'Office elle ira retirer ce qui sera de la sacristie, vuidant et rinçant les burettes, ausquelles elle ne lairra jamais du vin ni de l'eau; et tous les quinze jours elle les rincera avec des coques d'œufs, ou bien avec de l'avoyne, ayant un grand soin de bien essuyer celle ou elle mettra le vin et de les tenir couvertes..

  A025003126 

 Elle aura soin que l'huyle de la lampe qui esclaire de jour et de nuit devant le Saint Sacrement soit bien pure et nette et la mesche fort petite; elle la fera nettoyer par le clerc, ou par les Seurs Tourieres, quand elle en aura besoin..

  A025003127 

 Elle fera les hosties tous les quinze jours ou trois semaynes, ou pour le moins tous les moys, et fera renouveller l'eau benite tous les huit jours, et consommera le reste dans la piscine; comme aussi les cendres benites et l'eau dans laquelle on aura laissé tremper ou lavé les choses sacrees, ou bien la mettra au feu..

  A025003128 

 Quand il sera requis qu'elle pare l'autel (s'entend quand il sera besoin qu'elle le fasse parer pour les occasions extraordinaires), elle se tiendra en grande reverence devant la grille, faysant couvrir l'autel de quelque linge ou tapis aux Seurs Tourieres ou au clerc, par qui elle le fera parer, leur enjoignant aussi de deschausser leurs souliers.

  A025003129 

 Elle suivra l'ordre qui luy sera marqué sur la carte, pour parer l'autel selon les couleurs propres.

  A025003129 

 Quand on aura deparé l'autel apres les testes, elle retirera soigneusement les paremens et bouquetz apres les avoir nettoyés, ayant un tres grand soin de les conserver..

  A025003130 

 Qu'elle fasse parer l'autel de la sacristie fort honnestement: qu'il y aye tous-jours un Crucifix sur l'autel, des images ou tableaux, un benitier, une chaire pour confesser, une serviette et de l'eau pour laver les mains des prestres avant qu'ilz se revestent pour dire la sainte Messe..

  A025003131 

 Qu'elle prevoye de bonne heure a ce qu'il faut pour les grandes festes et solemnités.

  A025003132 

 Aux jours de Pasques, Pentecoste, Noël, Feste Dieu, Epiphanie et Visitation Nostre Dame elle fera servir a la Messe de la Communauté la plus belle chasuble et les plus beaux ornemens, selon les couleurs de l'Eglise; pour les autres Messes de ces jours-la, l'une des plus belles chasubles d'apres celle qui a servi a la Messe de la Communauté.

  A025003132 

 Le second jour des troys susdites festes, comme aussi a toutes les autres festes de Nostre Seigneur, Nostre Dame, Tous-saintz, de saint Jean, 24 juin, de saint Pierre et saint Paul, 29 juin, saint Augustin, saint Joseph, Dedicace de l'Eglise et des Renouvellemens, elle fera servir le second bel ornement, observant de donner de belles aubes et de [la] vaisselle d'argent selon les jours et solemnités.

  A025003132 

 Mays en l'octave du Saint Sacrement, et tous-jours quand il sera exposé sur l'autel, elle fera servir tous les jours les chasubles et aubes destinees pour les Dimanches et festes de commandement, et aura soin de changer de parement [464] d'autel trois ou quatre fois pendant l'octave; se pourvoyant a l'advantage d'une chappe, si c'est la coustume du lieu, et d'un encensoir pour la Benediction, et fera servir la plus belle aube, si c'est une personne de grande consideration qui la fait..

  A025003133 

 Elle fera changer, s'il se peut, le dais aux grandes festes seulement, es lieux ou l'on s'en sert; mais quant au petit qui se met sur la fenestre de la sainte Communion, elle le changera, tant qu'il se pourra, selon les couleurs de l'autel, faysant en cela selon que les lieux et les commodités le permettront et selon que la Superieure ordonnera et jugera estre mieux..

  A025003134 

 Elle fera oster la premiere nappe de l'autel de moys en moys, et pendant ce tems la elle la fera retourner une fois, observant de faire mettre des plus belles aux grandes festes, sans toutesfois les y laisser longuement, ni les dentelles, sinon en quelque octave signalee..

  A025003135 

 Les aubes et cingules se changeront tous les moys ou six semaynes, les amictz tous les huit ou quinze jours, observant de faire des œilletz aux quatre coins, ou des boucles, pour changer les cordons.

  A025003135 

 Les corporaux de trois en trois moys, les purificatoires tous les huit jours et les serviettes de mesme, tant pour servir a la sacristie que pour celles qui serviront a l'autel.

  A025003136 

 Elle aura soin de desempeser ceux qui seront sales des qu'ilz ne serviront plus, comme aussi tous les autres linges.

  A025003136 

 Il seroit requis que la Sacristaine eust des gantz de toile fort espaisse, bien blanche, avec lesquelz elle peust toucher les choses sacrees..

  A025003136 

 Les plus beaux pourront estre gardés un an empesés, ne les faysant servir que fort rarement; elle n'y mettra pas de trop grandes dentelles.

  A025003136 

 Qu'elle ayt soin de bien empeser les corporaux sur des mestiers, tant qu'il se pourra, et a sayson propre, qui est des le moys de may jusques en octobre; mais elle ne les doit pas empeser tous a la fois.

  A025003136 

 Qu'elle tienne les corporaux et purificatoires dans [465] des boëtes bien nettes, les faysant laver au Confesseur avant que de les blanchir, se gardant bien de toucher avec les mains les choses sacrees.

  A025003137 

 Elle les fera anter fort proprement, affin qu'il ne paroisse que le moins qu'il se pourra, observant d'anter ceux qui sont d'une esgale grosseur ensemble, mettant tous-jours le plus gros bout dessous; elle les raclera et tiendra le plus nettement qu'il luy sera possible.

  A025003137 

 Et qu'elle prenne garde a ne laisser perdre la cire qui en tombe, ains qu'elle la resserre, comme aussi tous les boutz qui ne pourront plus servir, n'en prenant pour son usage, pour petitz qu'ilz soyent; ains qu'elle face fondre le tout quand il y en aura quantité, en faysant un pain qui pourra servir pour faire d'autres cierges avec de la cire neuve.

  A025003137 

 Pour les cierges communs elle ne les antera point, ains les fera user entierement aux Messes qui se diront tous les jours..

  A025003137 

 Qu'elle ante les gros cierges des qu'ilz seront usés passé la moitié, ayant soin de faire lever l'anture des qu'elle sera proche d'estre usee, crainte du feu.

  A025003137 

 Qu'elle ayt un grand soin de monstrer son luminaire a la Superieure (ou a l'Assistente en son absence) et a l'Œconome un peu avant les grandes festes, affin qu'elles voyent s'il en faudra acheter; et qu'elle en soit grandement soigneuse, les serrant en lieu qui ne soit pas trop sec, advertissant pour en faire la provision en tems convenable.

  A025003138 

 Elle en fera mettre quatre sur l'autel les Dimanches et festes d'Apostres, tant pour la Messe que pour Vespres; mays toutes Les grandes festes de Nostre Seigneur et de Nostre Dame et de celles dites cy devant, elle en fera mettre six des plus beaux et deux flambeaux, si elle en a, ou deux gros cierges pour l'eslevation du Saint Sacrement..

  A025003138 

 Elle tiendra a l'ordinaire deux cierges sur l'autel pour les Messes des jours ouvriers, et un gros cierge ou flambeau pour l'eslevation du Tres Saint Sacrement.

  A025003140 

 Et en toutes ces grandes solemnités, si c'est la coustume du lieu et le tems des fleurs, elle y fera des guirlandes; observant que les cierges des festes cy dessus nommees et autres principales ne soyent pas usés plus du tiers ou de la moytié, et qu'ilz soyent de cire blanche, s'il se peut, tant pour Vespres que pour la Messe, mais ilz pourront estre un peu moindres pour la vigile..

  A025003141 

 Qu'elle se prouvoye de parfum, faysant mettre la cassolette ou autres senteurs a toutes les bonnes festes, Benediction du Saint Sacrement, Reception ou Profession des Seurs, en quelque predication signalee, quand quelque Evesque ou personne de grande consideration dira la sainte Messe, quand quelque grand seigneur ou dame l'entendront en nostre eglise et quand on fait la Communion generale..

  A025003142 

 Qu'elle advertisse le clerc de tout ce qu'il y aura a faire: comme de ne point servir, tant qu'il se pourra, sans avoir sa robe et son surplis, tant a la Messe de la Communauté qu'aux premieres Vespres des grandes festes et a celles de tous les Dimanches et festes de l'annee, ausquelles il se doit treuver, et durant les Offices de l'octave du Saint Sacrement, quand on l'expose sur l'autel et quand on fait quelques ceremonies ou solemnités, luy recommandant de tenir fort net le presbytere et de la sonner quand quelque prestre viendra dire la Messe, et de telles autres choses dont il sera requis de l'instruire..

  A025003143 

 Une fois la semayne elle nettoyera les chandeliers du chœur, les mouchettes et tout ce qui est requis, les preparant pour les Offices a bonne heure..

  A025003144 

 Les jours de feste elle l'ouvrira apres la recreation du disner..

  A025003145 

 Les pavillons seront tenus despliés et estendus tout de leur long, et les paremens plies ou attachés sur des cadres..

  A025003145 

 Qu'elle tienne les chasubles tout de leur long et large, et du linge ou du papier deslié dans celles ou il y a de l'or ou de l'argent, comme aussi dans les paremens, pavillons et voyles de calice, observant de ne les pas charger, de peur que l'or ne se coupe.

  A025003146 

 Elle observera tant qu'elle pourra de mettre a part les ornemens des grandes festes, ceux des secondes et des communes, affin de ne les remuer ou froisser que le moins qu'il sera possible, appareillant la chasuble, le voyle, le parement et le pavillon de l'autel le plus convenablement qu'il se pourra, tant en couleur qu'a la beauté de l'estoffe.

  A025003147 

 Qu'elle mette une fois l'annee tous les ornemens a l'air, mais non pas au soleil, et qu'elle laisse quelquefois la chambre ou l'on les tient, ouverte..

  A025003148 

 Qu'elle die les samedys au soir les festes et vigiles qui escherront la semayne suivante..

  A025003149 

 S'il y a des Messes de fondation, elle aura soin de les faire dire aux jours destinés..

  A025003152 

 Elle preparera autant de cierges qu'il y a de Seurs et de Tourieres dans le Monastere, comme aussi pour le Confesseur et pour le clerc; et sera soigneuse d'en donner un qui soit benit a la Seur Infirmiere pour signer les mourantes, et retirera ceux qu'elle aura donnés dehors..

  A025003155 

 Ce jour icy elle aura soin de preparer des cendres qu'elle aura fait des rameaux de l'annee precedente, sans meslange d'autre bois; elle les donnera au celebrant dans un vase..

  A025003162 

 Durant les trois jours de Tenebres le luminaire de l'autel doit estre de cire jaune, sinon que l'on fust contraint de faire le paradis ou sepulchre (ce qui ne se doit faire que par necessité), et en ce cas le luminaire du paradis seroit de cire blanche..

  A025003169 

 Et apres les Heures elle estendra dans le chœur un asses grand drap noir, avec un oreiller, pour mettre le Crucifix pour l'adorer..

  A025003173 

 Elle aura soin, a tel jour, de faire renouveller le saint Huyle tous les ans..

  A025003176 

 Elle donnera l'encensoir les trois festes, pour la Messe conventuelle; ce qu'elle fera aussi a Noël, Pentecoste et autres, selon qu'il est marqué..

  A025003179 

 La Seur Infirmiere escrira les remedes que le medecin ordonnera, si luy mesme ne le fait, ou que la chose fust si facile qu'il n'en fust pas besoin..

  A025003181 

 Elle aura des livres devotz pour les malades, qui les recreent saintement: comme le Sermon fait par nostre Bienheureux Pere sur l'Evangile de la guerison de la belle mere de saint Pierre, Le Pelerin de Lorette, la Consolation des malades, par le R. P. Binet, et semblables..

  A025003182 

 Quand elle reconnoistra quelques desirs des malades ou jugera quelque chose leur estre propre, soit pour les remedes et soulagemens extraordinaires ou qu'elles fussent fort desgoustees, elle en advertira la Superieure; comme aussi quand le medecin commandera qu'on achete quelque chose pour leur necessité, affin qu'il se face promptement..

  A025003183 

 Elle fera souvenir la Superieure de les faire visiter et recreer saintement par les Seurs; ce qu'elle devra s'essayer de faire elle mesme, et pour cela elle parlera ou pourra [470] parler avec celles qui les iront visiter, en la façon et avec les conditions portees par les Regles et selon les heures et exercices, tant qu'il se pourra..

  A025003184 

 S'il y a des Seurs malades de quelque maladie dangereuse, elle se gardera bien de servir les autres de ce qu'elles ont touché, et s'enquerra soigneusement du medecin s'il juge que la malade doive mourir, affin de la faire preparer a la reception du Saint Sacrement, et advertira promptement la Superieure quand elle la verra decliner.

  A025003185 

 Qu'elle tienne fort nettement tout ce qui est de l'infirmerie, et les malades blanchement et nettement accommodees, les servant des linges de l'infirmerie, si leur necessité ou delicatesse le requiert.

  A025003186 

 Elle tiendra tous-jours un Crucifix a l'infirmerie sur l'autel, de l'eau benite et force images devotes pour la consolation des malades; comme aussi une table, couverte d'une nappe fort blanche, pour poser les petites choses dont elle aura presentement besoin, et sur icelle quelque vase de fleurs en la sayson; mais qu'elle n'y en tienne point d'odeurs fortes, de peur de nuire aux malades..

  A025003187 

 Elle les servira tous-jours nettement, sans toucher avec les mains ce qu'elle leur donnera a manger que le moins qu'il sera possible, affin de ne les point desgouster.

  A025003187 

 Et qu'elle ne mette point devant elles toutes leurs portions, si elle juge qu'elles ne les desirent, ains les servira a mesure qu'elles mangent, n'estant pas aussi necessaire, quand il y a plusieurs malades, de faire a chacune leurs portions, ains on doit mettre pour toutes ensemble; et elle les servira [471] chacune selon leurs besoins, si ce n'est qu'il faille quelque viande plus particuliere a quelques unes: dequoy elle en advertira des le soir la Despensiere et de ce qu'il faut pour leur dejeusner et disner; et des la recreation d'apres le disner ce qu'il faut pour leur gouster et souper, quand elle jugera que quelque chose de particulier leur sera necessaire, sans pourtant exceder aux diversités des choses qui peuvent trop surcharger celles qui apprestent, sinon lhors que le medecin aura reglé leur manger..

  A025003187 

 Qu'elle ayt des petites tables a mettre sur le lict pour faire manger les malades qui n'en seront incommodees.

  A025003188 

 Apres que les malades seront gueries, qu'elle batte, secoue et nettoye leurs tours de lict, matelas, chevet, paillasse, les mettant au soleil et les nettoyant bien..

  A025003189 

 Qu'elle tienne tous les linges marqués d'un I, outre la marque ordinaire, et un roolle de tout ce qui est de sa charge; procurant d'avoir tous les meubles qui seront necessaires en icelle, pour faire les eaux et les petites choses dont les malades pourroyent avoir besoin, desquelz elle aura soin, ne les laissant mesler ou traisner par la mayson, sur tout le linge si tost qu'il est blanchi et la vaisselle des qu'elle est lavee..

  A025003190 

 Elle aura en garde les drogues et medicamens, sirops, herbes, fleurs et toutes autres choses propres a son office, lesquelles elle aura soin de faire preparer en la sayson convenable.

  A025003190 

 Elle les visitera souvent, affin que rien ne se gaste, ne laissant point defaillir les choses dont on a de besoin et dont on doit avoir provision; ains advertira la Superieure et 1'OEconome a l'advantage pour y prouvoir, et mettra en toutes les eaux, sirops et autres drogues, des billetz escritz de leur nom..

  A025003191 

 Des que les malades seront suffisamment fortes pour sortir de l'infirmerie, pour venir au chœur ouyr la sainte Messe, elle les y conduira, comme aussi au refectoir a une petite table, s'il est besoin, et aux assemblees des que leur santé le pourra permettre bonnement; le tout avec l'advis de la Superieure..

  A025003192 

 Elles iront tour a tour, son assistente et elle, tant a la premiere que seconde table, comme aussi a tous les autres exercices de la Communauté.

  A025003195 

 La Seur Robiere procurera que les Seurs ayent chacune, tant qu'il se pourra, un habit d'esté et un d'hyver et non plus, prenant garde qu'elles ne les portent trop tachés et avec indecence..

  A025003196 

 Qu'elle tienne des voyles de reserve pour en donner a celles qui auront besoin de les changer aux grandes festes, ou quand on reçoit des Religieuses; comme aussi des bandeaux, desquelz elle changera aux Seurs tous les moys en hyver et l'esté tous les quinze jours, prenant garde que l'estamine dequoy elle les fera soit espaisse, en sorte que l'on ne voye pas la doubleure, et les fasse estroitz..

  A025003197 

 Au printemps elle mettra a l'air tous les habitz de reserve et tout ce qui est en sa charge pour les nettoyer, priant les Seurs d'y porter tous leurs matelas et couvertes, affin de les bien nettoyer, changer leurs paillasses au moys de mars et de faire blanchir leurs tours de litz au printems et en automne, ou il sera besoin..

  A025003198 

 Elle prendra garde si les Seurs sont nettes et propres en leurs habitz, si elles les conservent et si elles l'advertissent quand ilz ont besoin d'estre raccommodés..

  A025003199 

 Qu'elle donne les habitz fort netz et bien raccommodés aux Seurs selon les saysons: ceux de l'hyver environ la Toussaint, et ceux de l'esté environ Pasques, retirant ceux que les Seurs auront posés, apres qu'elles les auront nettoyés.

  A025003199 

 Qu'elle marque les chausses, affin de ne les pas changer..

  A025003200 

 Elle escrira les habitz qui se font chasque annee, mettant a part ceux qui ne pourront plus servir; elle escrira aussi ceux que l'on ostera et rompra, pour faire voir l'estat de son office tous les ans, lhors que les Surveillantes font la visite..

  A025003201 

 Environ le moys de janvier elle demandera ce qui est necessaire pour raccommoder les vestemens de l'esté, pour en faire de neufs quand il sera requis; elle fera de mesme environ le moys de may pour ceux de l'hyver.

  A025003202 

 Qu'elle prenne garde soigneusement que rien ne se gaste [473] en sa charge par les ratz et artisons, mettant de l'absinthe dans les habitz qu'elle tiendra enfermés, et que ceux qui seront sur des perches soyent bien couvertz affin que la poussiere ne les gaste.

  A025003203 

 Qu'elle face benir les voyles et les habitz neufs, avant que de les donner aux Seurs..

  A025003204 

 Celles d'esté et les tuniques, de grossiere sarge noire et legere; les tuniques d'hyver, de quelque estoffe de couleur brune, qui soit bonne et chaude, selon la necessité de chacune, les couvrant de quelque legere estoffe, au moins le cors et les manches seulement, pour celles qui portent des cottes.

  A025003204 

 Les robes d'hyver se feront de grossiere sarge drapee, ou de drap, selon les pays, et les cottes de mesme, voire encor plus vile et grossiere.

  A025003204 

 Pour les chausses elles se feront de grossiere sarge tannee ou grise, ou de laine, faites a l'aiguille; celles d'esté seront de toile ou filet..

  A025003204 

 Quant aux cottes des Seurs Domestiques et Tourieres, on les pourra faire d'estoffe brune et grossiere, mais les Seurs Tourieres porteront par dessus des robes ou garderobes noires.

  A025003207 

 Elle attachera a la cotte ou a la tunique un petit cordon pour attacher la pelote noire et les ciseaux au costé droit, affin que rien ne se porte a la ceinture ni sur la robe que le seul chapelet noir, que la Seur Robiere procurera estre de mediocre grosseur, avec une croix au bout d'en bas, sans que l'on les porte retroussés a la ceinture; et prendra garde que les Seurs ne portent ruban ni autre chose de soye..

  A025003210 

 Quand on devra donner l'habit a quelque pretendante, la Seur Robiere portera des le matin a la sacristie, dans une corbeille, tout ce qui sera requis pour la vesture de la pretendante, delaquelle elle retirera les habitz et chausseures seculieres, dont elle rendra conte a la Seur OEconome apres sa Profession..

  A025003214 

 La Seur Lingere donnera des linceulz blancs de cinq ou six semaynes en hyver, et en esté tous les moys ou cinq semaynes; mais quant aux chemises, mouchoirs, voyles blancs barbettes, petites coëffes, bandeaux des Novices et bas de toile l'esté, elle en portera tous les samedis sur les litz des Seurs, et des devantiers a celles qui en portent; et des coëffes, barbettes et bandeaux de nuit de quinze en quinze jours, ou tous les huit jours quand la Superieure le jugera necessaire..

  A025003215 

 Estans sales qu'elle les estende sur des perches en quelque lieu ou il y ayt de l'air, affin qu'ilz ne pourrissent..

  A025003215 

 Qu'elle ne donne pas des linges qui seront de la derniere lessive tandis qu'elle en aura de la precedente, prenant garde de ne les enfermer qu'ilz ne soyent bien secs.

  A025003216 

 Elle escrira sur son roolle les linges, a mesure qu'elle augmentera ou diminuera; cela s'entend des linceulz, chemises, devantiers ou voyles, car pour tout le reste elle ne sera point obligee d'en tenir conte par le menu..

  A025003217 

 Les vieux linges qui ne pourront plus servir seront mis a part..

  A025003217 

 Qu'elle soit soigneuse de raccommoder les linges des qu'ilz commenceront a se rompre, affin qu'ilz ne se dissipent par negligence, et qu'elle le fasse proprement; et pour ce faire plus aysement, elle mettra a part celuy qu'elle treuvera rompu en pliant le linge.

  A025003218 

 Elle fera vuider les manches devant et doubler la largeur de trois doigtz, si mieux il n'est treuve autrement.

  A025003218 

 Qu'elle ne laisse ni dentelles ni ouvrages autour des linges, [475] ni rien qui ne ressente la vraye simplicité et pauvreté; que si on apporte des chemises carrees, qu'elle les raccommode promptement et y mette des petitz colletz.

  A025003219 

 Le lundy apres Prime elle se treuvera au lieu ou elle doit enliasser le linge pour recevoir celuy que les Seurs luy porteront, prenant garde si elles luy rapportent tout ce qu'elle leur a donné, affin qu'elle advertisse en charité celle qui manquera; puis elle l'enliassera et estendra sur des perches le plus tost qu'elle pourra..

  A025003220 

 Qu'elle compte et escrive tous les gros linges et liasses qu'elle mettra a la lessive, prenant garde quand elle sera faite s'il n'y a rien de perdu Qu'elle demande, le soir, des Seurs autant qu'il luy en faut pour estendre ou plier les linges de la lessive; et quand elle sera pressee de besoigne, qu'elle demande humblement des aydes a la Superieure..

  A025003222 

 Qu'elle demande suffisamment des linges pour l'usage de toutes les Seurs..

  A025003223 

 Les linceulz de la Communauté se feront d'environ deux aunes et demy quart de long, et de largeur d'environ une aune et demy tiers..

  A025003226 

 Elle balliera son refectoir tous les matins, avant que de dresser les tables, et apres disner s'il est necessaire; et tous les quinze jours, une fois, elle balliera les murailles et ostera les araignees; torchera les tables tous les jours apres le repas..

  A025003229 

 Elle aura un grand soin de n'y laisser du vin, les tenant sens dessus dessous, comme aussi ceux de l'eau, qu'elle rincera toutes les semaynes avec le compilon ou vergette.

  A025003229 

 Elle escurera une fois la semayne les cousteaux et cuilliers; les salieres de quinze en quinze jours, et lavera les tassines a tous les repas, sinon que les Seurs les rincent elles mesmes et, en ce cas, elle les lavera une fois la semayne et les verres a tous les repas..

  A025003229 

 Qu'elle lave toutes les semaines une fois les potz d'estain, dedans et dehors; outre cela elle les escurera tous les quinze jours ou trois semaynes.

  A025003230 

 Elle donnera aux Seurs, les jours de jeusne, troys onces de pain pour la collation, et aux Seurs Domestiques et Tourieres de mesme, sinon que l'on luy ordonne autrement..

  A025003231 

 La Seur Refectoriere dressera les tables, ou elle ne mettra point de nappes, ains tous les Dimanches des serviettes blanches, pliant l'un des boutz d'icelles en dedans de la serviette qu'elle posera sur la table, et de l'autre bout elle en couvrira les portions de pain qu'elle aura coupé.

  A025003233 

 Elle n'en mettra point a la table de la Superieure, si elle ne [le] luy dit expressement, que celle de l'Assistente au bas bout; excepté les jours de la reception de l'habit et Profession des Seurs, qu'elle en mettra entre deux.

  A025003233 

 Tous les jeudis au matin elle les tournera, mettant le bout qui aura servi devant les Seurs, sur la table, replié contre icelle, affin que le sale ne soit point veu, et de l'autre couvrira le pain, les laissant chacune en leur place, prenant garde de ne les point changer.

  A025003235 

 Apres la recreation du disner elle ira dans le refectoir pour tout resserrer, et le soir elle y rentrera si tost que les Seurs en seront sorties pour faire le mesme..

  A025003236 

 Elle tiendra en bon ordre et fort netz les chandeliers du refectoir..

  A025003237 

 Aux grandes festes et solemnités elle fleurira les tables du refectoir, pour reverence du saint jour..

  A025003238 

 Elle dressera les tables a l'heure que la Superieure jugera plus a propos, et semble que le mieux est apres Complies l'esté, et l'hyver apres la lecture..

  A025003238 

 Qu'elle tienne son refectoir fermé a la clef, excepté entre les deux coups de Vespres et apres None.

  A025003243 

 Qu'elle tienne le vin, en sorte qu'il ne s'en perde point, tenant tous-jours un plat dessous les tonneaux, qui soit fort net, affin qu'elle puisse mettre le vin qui tombe avec l'autre..

  A025003244 

 Quand on amenera le vin, elle aura soin de le bien faire; emmarcher sur de gros bois carrés, affin que les tonneaux ne tirent l'humidité et ne soyent si pres de la muraille qu'elle ne puisse voir derriere; qu'elle regarde souvent s'ilz ne s'en vont point, specialement quand ilz sont encor chauds, visitant si les cercles sont bons..

  A025003245 

 Elle tiendra a la cave des tenailles, un marteau et une vilette pour percer les tonneaux, des estoupes, coton et vieux drappeaux et un chandelier pour tenir la chandelle, quand elle ira sur le soir..

  A025003246 

 Avant que l'on vendange elle advertira l'Œconome a bonne heure de faire relier les tonneaux.

  A025003246 

 bouillira elle sera soigneuse de les remplir souvent, et quand [478] ilz cessent de bouillir qu'elle les scelle et estoupe bien.

  A025003247 

 Quand les tonneaux seront vuides elle les torchera bien et fera mettre hors de la cave, tenant main que l'Œconome les face desfoncer, secher et racler, et les retirera en lieu ou ilz se conservent bien, si la coustume des lieux ou la Superieure n'ordonne autrement..

  A025003248 

 Quand on entonnera le vin ou que l'on en achetera, elle sera soigneuse de mettre des billetz sur les tonneaux, pour marquer ceux qui sont bons pour garder, ou pour boire promptement, et combien ilz tiennent et de quel creu ilz sont, avec l'annee.

  A025003249 

 Quant au pain, elle le portera au partir de Prime, affin que la Refectoriere ayt le tems de couper les portions..

  A025003250 

 Elle tirera le vin, tant qu'il sera possible, dans des bouteilles de verre, avec un entonnoir qu'elle tiendra fort net, comme aussi les potz et bouteilles, les rinçant au moins deux fois la semayne.

  A025003253 

 Elle donnera ou fera donner les portions et tout ce qui sera necessaire a celles qui mangent a la seconde table..

  A025003253 

 Elle ira a la cuysine un peu devant que l'on sonne le premier [479] coup du repas, pour couper la viande et faire les portions, affin qu'elle ne laisse attendre les Seurs a table; prenant garde de les faire tenir chaudes, les faisant le plus nettement et esgalement qu'il se pourra, observant de faire pour les infirmes ce qui est ordonné.

  A025003254 

 Si elle juge quelquefois de changer les choses qui sont en la carte, elle en advertira l'Œconome, pour suivre son ordonnance..

  A025003255 

 Qu'elle ne touche point la viande cuite avec les mains, tant qu'il se pourra, ains avec les fourchettes, et ne manie guere la crue, de peur de la faire corrompre; qu'elle soit soigneuse de la saler bien a point en esté et un peu en hyver; qu'elle ne laisse point gaster et ne fasse point manger des viandes de mauvais goust..

  A025003256 

 Qu'elle ne laisse point defaillir les provisions qui sont en sa charge, sans en advertir l'Œconome..

  A025003257 

 Qu'elle surveille les Seurs qui ont charge de la cuysine, pour voir si elles font bien leur devoir, et les aydera, s'il se peut, quand il y aura des affaires extraordinaires..

  A025003258 

 Qu'elle se montre fort charitable et affectionnee au service des Seurs, specialement envers les infirmes qui ont besoin de quelque soulagement en ce qui regarde sa charge, et qu'elle le face promptement et de bon cœur pour l'amour de Dieu..

  A025003259 

 Elle se treuvera au refectoir immediatement au tems qui luy sera marqué le matin et apres le premier coup de Vespres, pour donner aux infirmes, s'il y en a, ce qui sera necessaire selon l'ordonnance de la Superieure; mettant a la place de chasque Seur le pain, le vin et autres choses, si la Superieure l'ordonne, prenant garde si toutes viennent a l'heure marquee, mesme les Seurs Domestiques, qu'elles ne donneront rien hors ce tems la sans congé de la Superieure..

  A025003260 

 Qu'elle tienne fort net ce qui est de sa charge et ballie la despense, oste les araignees et poussiere une fois la semayne, et la cave tous les moys, delaquelle elle portera les clefs; et gardera les balais et autres petites choses, et les distribuera selon la necessité.

  A025003261 

 Elle fera tous les exercices de devotion, tant que sa charge le pourra permettre, comme les autres de son rang; et ne doit estre, tant qu'il se pourra, des Seurs choristes.

  A025003264 

 Elle prendra l'ordre de la Superieure pour l'employ des Seurs, et exercera cette charge avec grande humilité, sans desdaigner ni mespriser les ouvrages qu'elles feront; et n'en fera voir les defautz aux autres Seurs, ains a la Superieure, et ceux des Novices a leur Maistresse..

  A025003265 

 Les ouvrages que les Seurs ne sçauront pas faire elle leur monstrera avec douceur et humilité, ou leur fera monstrer.

  A025003265 

 S'il s'en treuve qui tesmoignent beaucoup de repugnance ou qui fassent trop de repliques, elle les en advertira au refectoir, et fera le mesme a celles qui seront negligentes, trop longues ou malpropres a leurs besoignes..

  A025003265 

 Toutes s'addresseront a elle pour prendre et rendre les ouvrages, excepté ceux dont la Superieure donneroit la charge a quelque autre Seur, se sousmettant entierement et simplement a les faire selon qu'elle leur dira.

  A025003266 

 Elle aura soin de tenir les ouvrages prestz, pour ne laisser chomer les Seurs a qui elle en devra donner..

  A025003267 

 Elle sera soigneuse de se treuver au lieu de son office a l'heure qu'elle aura nommee aux Seurs, pour recevoir les ouvrages et leur dire ce qu'elles ont a faire pour cela; et les Seurs ne manqueront de les aller prendre au tems marqué, luy rendant les choses qui ne leur serviront plus lhors qu'elles changeront d'ouvrages..

  A025003268 

 Elle demandera a la Seur Œconome ce qui luy sera necessaire pour les ouvrages, laquelle luy doit donner franchement et suffisamment de tems en tems..

  A025003269 

 Elle s'instruira d'eux de la façon qu'ilz desirent qu'on les face et, tant qu'il se pourra, on sçaura d'eux, devant que de les commencer, ce qu'ilz en donneront..

  A025003269 

 Pour les ouvrages de la ville, si la Superieure luy en commet la charge, qu'elle aye soin de les faire le plus promptement et proprement qu'il se pourra; comme aussi, tant qu'il sera possible, on l'envoyera au parloir pour les recevoir [481], selon que la Constitution marque, affin de donner plus de satisfaction aux seculiers.

  A025003271 

 Qu'elle tienne en memoyre les ouvrages d'importance qu'elle recevra de la ville, avec le prix pour lequel elle les fait, et l'argent qui sera deu pour ceux qu'elle aura rendus..

  A025003274 

 Les Seurs Domestiques seront employees a faire tous les.

  A025003275 

 Elles employeront le matin demie heure a l'orayson, en suite diront les Pater qui sont marqués aux Constitutions pour Prime, Tierce, Sexte, None, et pour cela elles iront au chœur soudain qu'elles seront habillees, excepté une des Seurs, laquelle ayant charge du manger, ira, s'il se peut, faire l'orayson et dire les Pater immediatement apres que les autres auront achevé leurs exercices.

  A025003277 

 Soudain que l'Obeyssance du soir sera donnee, apres avoir receu les ordonnances de la Seur Œconome, elles s'en iront au chœur ou une Seur leur lira le point de l'orayson, si elles mesmes ne le sçavent faire; et diront leurs Pater de Matines et Laudes, suivis de leur examen, et se retireront apres que les trois Psalmes de Matines seront achevés, pour se coucher toutes ensemble, si la Superieure n'en ordonne autrement selon leurs exercices..

  A025003278 

 Lhors que leur loysir et leur charge le permettra, elles iront les unes apres les autres aux assemblees de la Communauté, observant neanmoins qu'il en demeure tous-jours une a la cuysine, tant qu'il se pourra bonnement faire, lhors qu'il y aura des potz aupres du feu; sinon au tems de la sainte Messe, s'il ne s'en dit qu'une, car si l'on en dit deux, l'une d'entre elles l'entendra, et mesme communiera si c'est jour de Communion..

  A025003280 

 Elles tireront tous les ans leur rang, et changeront entre elles leurs croix, chapeletz, images et litz, ainsy que les autres Seurs..

  A025003282 

 Une des Seurs Domestiques pourra avoir le soin du jardin et des meubles appartenans a son office; de cueillir et esplucher les herbes necessaires, affin que celles qui sont en la cuysine ayent le tems d'aller quelquefois travailler au jardin a ce que la jardiniere leur dira..

  A025003284 

 Et qu'elles tirent la viande un peu devant le quart d'heure, la mettant nettement dans le lieu propre pour la tenir chaude, et l'hyver elles mettront les petitz platz aupres du feu, sur un ais renversé, pour les reschauffer..

  A025003284 

 Que celles qui ont charge d'apprester ayent un grand soin de bien assaysonner les viandes, sans exces neanmoins, observant la pauvreté; prenant garde de n'espicer ni trop saler les viandes, et de tenir les repas prestz a l'heure ordonnee; preparant les platz a l'advantage sur latable, et sur les ais les portions.

  A025003285 

 Qu'elle ne touche point la viande avec les mains, tant qu'il se pourra, ains avec des fourchettes.

  A025003285 

 Qu'elle resserre soigneusement et promptement les viandes qui resteront [484] de la premiere table, a mesme tems que l'on les rapporte, et les tienne chaudes; qu'elle dresse a propos les potages de la seconde table, affin qu'[ilz] se treuvent au refectoir immediatement apres que les Graces seront dites de la premiere table..

  A025003286 

 Elles suivront la direction de la Despensiere en ce qu'elle leur ordonnera pour cette charge, l'appellant tous les soirs a la fin de la seconde table et le matin a l'issue de la recreation, pour sçavoir d'elle ce qu'elles devront apprester pour le disner et souper.

  A025003286 

 Qu'elles prennent garde de ne laisser brusler du bois inutilement, mais qu'elles ayent neanmoins un grand soin de bien faire cuire les viandes; et si la Despensiere ou quelqu'autre les empesche de tenir le repas prest, elles en advertiront la Superieure avec humilité..

  A025003287 

 Qu'elles tiennent leur cuysine bien nette, la balliant tous les matins et lhors qu'elle en aura besoin; qu'elles nettoyent bien soigneusement la cheminee et tout ce qui est en leur charge une fois la semayne, et seront soigneuses de bien accommoder et couvrir le feu, retirant tout le bois et autres choses pour esviter le danger..

  A025003289 

 L'une des Seurs qui ne sont de l'office de la cuysine ira dans le refectoir au quart d'heure, pour mettre les potages sur table; l'une des Seurs qui sera hors de l'office de la cuysine avec l'une de celles qui y seront mangeront a la premiere table, tant qu'il se pourra; voire troys y pourront manger, car une peut suffire a la cuysine pour faire ce qu'il faut et qui est requis: comme de faire des potages pour la seconde table, retirer les viandes et faire chauffer l'eau pour laver la vaisselle, en sorte que celles qui auront mangé a la premiere table les aillent laver immediatement apres qu'elles en sortiront, qui sera tous-jours des qu'elles auront disné ou [485] soupe, appellant apres Graces la Seur qui leur doit ayder, affin qu'elles puissent aller toutes, tant que faire se pourra, a la recreation..

  A025003290 

 Les testes, celles qui n'ont pas l'office de la cuysine y seront employees tour a tour, affin que celles qui y sont d'ordinaire soyent aussi soulagees l'une apres l'autre, si la Superieure le juge a propos..

  A025003291 

 Qu'elles ayent un grand soin que rien ne se gaste de ce qui est de leur charge, par leur faute, raccommodant leurs linges soigneusement, lesquelz elles conteront a toutes les lessives, tant en les y mettant qu'en les retirant; et la vaisselle d'estain toutes les semaynes une fois, chacune en ce qui sera de sa charge; tiennent leur office et tout ce qui en depend fort net..

  A025003292 

 S'il arrive qu'elles prestent, soit vaisselle ou autres ustensiles, tant pour servir en la Mayson que pour porter dehors, qu'elles ayent un grand soin de les faire rapporter; que si on ne le fait, ou que l'on prenne quelque chose de ce qui est de leurs charges sans les advertir, qu'elles en advertissent les Seurs en charité au refectoir, a l'issue de la premiere table, apres Graces, auquel tems elles diront leurs coulpes quand elles en voudront dire..

  A025003295 

 Elles se coucheront en tout tems environ les neuf heures, apres avoir fait l'examen et un peu de priere..

  A025003297 

 Quand quelques femmes auront congé de la Superieure d'entrer dedans leur chambre pour les visiter, elle tascheront de parler utilement et devotement, coupant court a [486] toutes sortes de devis inutiles et ne s'enquerant d'aucunes nouvelles non necessaires, ni ne se mesleront d'aucune affaire de ceux de dehors sans congé..

  A025003298 

 Qu'elles soyent douces, humbles et affables envers ceux qui viendront, faysant sagement les responses pour faire doucement attendre les personnes ausquelles on ne peut pas donner satisfaction sur le champ..

  A025003299 

 Qu'elles manient les ornemens fort proprement, les conservant avec soin, ayant les mains fort nettes et un linge blanc devant elles..

  A025003300 

 Et tous-jours elles auront un grand soin de tenir l'eglise nette et les environs d'icelle, la sacristie et confessionnal fort netz, les balliant autant qu'il sera necessaire.

  A025003300 

 Qu'elles couvrent les tableaux et les autelz avant que de ballier et arrouser.

  A025003300 

 Qu'une fois la semayne elles torchent le tabernacle, les escaliers, tableaux, vases, croix et chandeliers; qu'elles ballient le dais et tapis, et toutes les fois qu'on change de premiere nappe a l'autel qu'elles nettoyent dessus et tout autour.

  A025003300 

 Que l'eglise soit balliee avant que l'on la pare, observant de mettre le devant d'autel et les dentelles les dernieres.

  A025003300 

 Tous les moys elles ballieront ou feront ballier par le clerc les voutes de l'eglise, les murailles et les vitres avec des balais doux.

  A025003301 

 Elles les ouvriront souvent, ou feront ouvrir par le clerc, quand le tems sera beau, les refermant devant la nuit.

  A025003301 

 Une fois l'annee elles laveront ou feront laver les vitres de l'eglise, prenant bien garde de tenir des linges dessous pour empescher que l'eau ne coule et gaste les murailles.

  A025003302 

 Elles donneront au clerc quelque chose pour torcher les souliers des prestres qui viendront celebrer la sainte Messe au tems des fanges, affin qu'ilz ne gastent les ornemens comme aussi elles essuyeront de deux en deux jours la lampe du chœur avec quelque vile estoffe, la nettoyeront et laveront entierement au moins tous les quinze jours, ayant un soin special qu'elle soit nette et l'huyle pur.

  A025003303 

 Pendant la sainte Messe, l'Office, oraysons et les sermons, qu'elles soyent soigneuses d'empescher le bruit tant dehors que dedans l'eglise, si faire se peut..

  A025003304 

 Pendant qu'elle sera ouverte, qu'elles ayent l'œil pour voir si l'on ne gaste rien, et que le presbytere soit tous-jours fermé, horsmis quand on dit les Messes..

  A025003305 

 Qu'elles tiennent netz les parloirs et la chambre du predicateur et tout ce qui sera de leur costé.

  A025003319 

 Nous attestons que nostre tres chere Seur en Jesus Christ, M. Jeanne Françoise Fremyot, Baronne de Chantal, et Perrette de Chatel sa compaigne, de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation erigee en cette Nostre [490] citté d'Annessi, partent de ce lieu par le consentement de ladite Congregation et le Nostre, pour les affaires que ladite Jeanne Françoise Fremyot doit traitter en Bourgoigne, lesquelles ne pourroyent bonnement estre faites sans sa presence; et c'est pour le tems, et non plus, que lesdites affaires requerront..

  A025003320 

 Qu'elles aillent donq sous la grace et protection de Nostre Seigneur et de sa sainte Mere, et en ce nom Nous les recommandons a tous..

  A025003334 

 L'amende pour chaque faute sera le verset: Et beata viscera Mariae Virginis, quœ portaverunt, etc.; et les protecteurs du Desfy, saint Anthoine, saint Bruno et saint François de Paule..

  A025003338 

 L'amour universel au culte de Dieu, specialement la preparation et attention a l'Office divin, prieres vocales et mentales, lectures, sermons et discours de devotion; contre les souvenirs du monde et les attentions temporelles.

  A025003340 

 A l'amende pour chasque manquement, l'antienne Sancti Dei omnes, pour tous les Praelatz et Pasteurs de l'Eglise..

  A025003340 

 Le recueillement interieur et l'entretien d'esprit avec nos Saintz particuliers et l'Ange gardien, au tems du silence, en la solitude, en la cellule et autres lieux desoccupés des exercices qui requierent une autre attention; et c'est contre l'ennuy naturel et les distractions importunes.

  A025003342 

 A l'amende pour chasque manquement, le Salve Regina, pour tous les Princes et Rois chrestiens..

  A025003348 

 A l'amende pour chasque manquement, le Sub tuum prœsidium, pour tous les pauvres necessiteux, desbauchés et malvivans.

  A025003352 

 A l'amende pour chasque manquement, l'orayson Respice quaesumus, Domine, pour tous les captifz et prisonniers..

  A025003356 

 La fidelité et promptitude a travailler a nostre per fection; contre les irresolutions et pusillanimités.

  A025003362 

 A l'amende pour chasque manquement, le verset Vitam prœsta puram, etc. pour les courtisans, affin qu'ilz se connoissent dans leur estat de vanité..

  A025003364 

 L'affabilité et societé avec les moindres ou esgaux, avec l'esgalité d'humeur; contre la propre estime et trop grande taciturnité.

  A025003366 

 A l'amende pour chasque manquement, l'orayson Respice quœsumus, Domine, pour tous les vagabons de la terre..

  A025003368 

 A l'amende pour chasque manquement, Regi sœculorum immortali, pour l'exaltation du saint nom de Dieu parmi tous les mortelz..

  A025003370 

 A l'amende, un De profundis pour les ames du Purgatoire..

  A025003379 

 Le recueillement interieur et entretien devot avec nos Saintz particuliers et Ange gardien, au tems du silence et solitude et desoccupé des exercices qui requierent un'autre attention; a l'amende de l'antienne Sancti Dei omnes, etc., a chasque manquement,, pour tous les Praelatz et Pasteurs de l'Eglise..

  A025003381 

 La serieuse attention a nos offices, contre le soin superflu de la charge des autres et contrerollement de leurs actions; a l'amende de l'antienne Salve Regina, pour tous les Rois et Princes chrestiens..

  A025003384 

 La commiseration sur les defautz d'autruy, quand on ne les peut legitimement excuser; ne point les reveler ou accuser, s'il n'y a particuliere obligation; a l'amende de Sancta Maria, succurre miseris, etc., pour tous les pecheurs..

  A025003388 

 L'indifference en la qualité et quantité des viandes, et de l'heure du manger, comm'en toutes autres choses qui repugnent a [495] nostre sensualité; a l'amende de Sub tuum prœsidium confugimus, etc., pour tous les pauvres necessiteux..

  A025003389 

 La simplicité et modestie [au] manger, au parler et aux recreations, contraires a l'empressement et au marcher demesuré; a l'amende de Ne reminiscaris, Domine, delicta nostra, etc., pour l'amendement de tous les desbauchés et malvivans..

  A025003392 

 Le renoncement a la propre volonté en tout et pour tous ceux que nous pouvons, indifferemment, avec la promptitude de l'obeissance [496] envers ceux qui ont pouvoir sur nous; a l'amende de l'orayson Respice quaesumus, Domine, etc., pour tous les captifs et prisonniers..

  A025003396 

 La fidelité et promptitude, contre les irresolutions et pusillanimités; a l'amende de Sancta Maria, succurre miseris, pour la conversion des infïdelles et payens..

  A025003402 

 L'humiliation, bassesse et mespris, contre l'hardiesse, propre estime et ostentation; a l'amende de Vitam prœsta puram, pour les courtisans, affin qu'ilz se reconnoissent..

  A025003404 

 L'affabilité et societé avec les moindres ou esgaux, avec [498] l'esgalité d'humeur; a l'amende du verset Solve vincla rets, pour les infirmes et valetudinaires..

  A025003406 

 La vigilance sur les actions, avec l'employte du tems, contraire a la paresse et caquetterie, vains et inutiles discours; a l'amende de l'orayson Respice quœsumus, pour tous les vagabons de la terre..

  A025003408 

 La perpetuelle envie de contenter Dieu et les Superieurs en nos actions, contre la propre inclination de nous y rechercher nous mesme et de plaire au monde; a l'amende de Regi sœculorum immortali, etc., pour l'exaltation du nom de Dieu parmi tous les mortelz..

  A025003410 

 Ne se point plaindre d'aucune chose qui nous arrive: comme infirmité, incommodité, manquemens, ni mesme de nos imperfections ou retardement a la perfection; comme encor de ne point [499] se troubler, s'accuser a tous propos par humilité, ou plustost legereté; a l'amende d'un De profundis pour les trespassés du Purgatoire..

  A025003431 

 SIMON DENYS DE MARQUEMONT, etc., et FRANÇOIS DE SALES, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A025003432 

 N'y ayant absolument rien remarqué qui n'exhalât le parfum et n'eût la saveur de très saintes mœurs, des pratiques approuvées et la mise à exécution des saintes instructions de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, notre Mère; autant que Nous l'avons pu, avec l'aide du Seigneur, Nous avons très volontiers employé Notre soin et Notre autorité pastorale à favoriser, encourager et promouvoir les très saints efforts de ces Sœurs, assurés dans le Saint-Esprit que ces Congregations fourniront un port de salut à de nombreuses vierges et veuves que le même Esprit daignera arracher aux flots tempetueux du siècle..

  A025003433 

 Et comme il est arrivé que ces Communautés, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, augmentent tous les jours d'une manière sensible en mérite et en nombre, pour qu'un Institut si pieux et digne de louange se conserve fixe et stable, Nous lui avons unanimement [501] destiné et assigné ces Règles et Constitutions qui, à l'instar de murailles très solides, serviront de rempart et de fondement à son genre de vie, voulant mettre avec un amour puisé dans les entrailles du Christ, sous Notre garde pastorale et sollicitude et celle de Nos successeurs, les Congrégations susdites établies dans Nos diocèses..

  A025003439 

 MARIE AYMEE DE RABUTIN, fille de nostre Mere, et vefve [502] de Bernard de Sales, baron dudit lieu et de Thorens, apres mille et mille souhaitz d'estre receue en la Congregation de ceans, estant tumbee malade et saysie d'un soudain accident en cette Mayson: pleine d'une nompareille resignation, d'une rare douceur de cœur et d'une profonde humilité; avec un esprit extremement tranquille, d'une parole extremement distincte, suave et claire, apres avoir fait sa confession et receu l'absolution sacramentelle, demanda l'habit de la Visitation, qui luy fut accordé pour la grande devotion qu'ell'y avoit tesmoignee; et ayant receu la sainte Extreme Unction, requit de pouvoir faire les vœux, ce que luy ayant aussi esté concedé, elle les fit d'un courage nompareil; et trois heures apres expira, ayant continuellement, jusques au dernier souspir, prononcé tres sciament et devotement le mot: VIVE JESUS..

  A025003440 

 Elle fut admise a l'habit et a la Profession par son Evesque, frere de son feu mari; par sa mere, Superieure de la Congregation, et par toutes les Seurs, qui furent presentes a son devot et amiable trespas, le 6 septembre 1617; car ce jour la, elle tumba en cet accident mortel a huit heures de nuit, a 9 heures elle fut receue a l'habit, a 10 elle fit Profession, et entre une et deux heures apres minuit du septiesme jour dudit moys, qui estoit la veille de la Nativité de Nostre Dame, elle passa a meilleure vie, laissant un rare exemple de devotion et une consolation spirituelle incomparable a ceux qui, d'ailleurs, marris de son deces, en virent et admirerent les pieuses circonstances..

  A025003442 

 qui confessa, communia, donna l'Extreme Unction et admit les vœux de cette aymable Seur trespassee, agee de dix et neuf ans, deux moys et 6 jours..

  A025003450 

 Ayant esté desiree et invitee par Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Archevesque et Patriarche de Bourges, duquel vous aves le bien d'estre seur selon le sang, affin qu'avec nombre suffisant d'autres Seurs de vostre monastere vous allies fonder, eriger et establir un monastere de pareil Institut en la cité de Bourges, et que d'ailleurs vous estes de mesme invitee a faire semblables fondations a Paris et Dijon: Nous vous permettons la sortie de vostre monastere et les voyages requis a cet effect; comm'aussi de prendre avec vous autant de Seurs et telles que vous jugeres convenable pour des si bonnes œuvres, sans que pour telles sorties, ni vous ni vos Seurs puissent estre censees violatrices de la sainte clausure; a la charge neanmoins, qu'apres avoir fait les fondations et establi l'ordre convenable, vous vous retiries dans vostre dit monastere, selon que par Nous ou Nos successeurs il [504] sera treuvé convenable, et que par tout vous observies la Regle et les Constitutions de vostre dit Monastere..

  A025003477 

 Nous imposons et ordonnons aux mêmes Sœurs de se soumettre à la clôture perpétuelle, selon les décrets du Concile de Trente, avec toutes les lois qui concernent la solennité des vœux..

  A025003477 

 Vu et considéré ce qui devait l'être, Nous avons érigé et érigeons la présente Maison appelée «de la Congrégation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu de la Visitation», en Monastère, sous la Règle de saint Augustin, décrétant, en vertu de la même autorité Apostolique, que toutes les Sœurs ou Religieuses de cette Maison et tout le monastère lui-même devront à l'avenir jouir et profiter de toutes et chacune des immunités, privilèges, induits et concessions dont les autres monastères de Religieuses vivant sous la même Règle ont coutume de faire usage, de jouir et profiter; en outre.

  A025003481 

 Etant présents: les R ds Jean-François de Sales, chantre et chanoine de l'Eglise de Genève, Vicaire et Official du même évêché; Philibert Roget, docteur en théologie; Etienne de la Combe, [507] [Janus] Regard, François Roux, chanoines de la même Eglise de Genève; M. Michel Favre, prêtre; honorables François Favre et Guichard Rosset, témoins..

  A025003486 

 Nos tres cheres Seurs Paule Jeronyme de Monthou et Françoise Jacqueline de Musy, Religieuses professes du monastere de Nostre Dame de la Visitation de cette contree d'Annessi, ayant esté desirees par les Seurs du monastere de Moulins qui est du mesme Ordre, l'une pour y estre Superieure et l'autre pour l'y accompaigner, sous le bon playsir de Monseigneur de lion, et ayant eu, sur [508] ce, ledit consentement dudit Monastere de cette presente cité: Nous leur donnons aussi le congé a ce requis, et ce pour le tems que, par les occurrences, il sera treuvé a propos; suppliant Dieu qu'elles soyent benites en son nom, allant, demeurant et revenant, affin qu'elles facent son service en l'œuvre pour laquelle elles vont, en toutes leurs actions et en toutes les peynes qu'elles endureront pour ce sujet..

  A025003495 

 Je soubssigné, Jean François de Blonnay, Prieur de Sainct Paul, conciderant les despens qu'a fait et supporté Rev. messire Claude de Blonnay, mon seigneur et pere, pour m'eslever, mes freres et mes seurs..., et me faire prouvoir d'un bon benefice [509], avec ses peu de moyens comme il a fait, et que je ne pourrois employer cest argent que je porres faire du revenu de mon benefice mieux qu'a la dot de l'une de mes seurs; dautant que ladicte pousse et solicite ledict seigneur de Blonnay mon pere, avec promesse que je luy faisois de payer ce quil couteroit de loger la Rev. Marie Amé, Religieuse de la Visitation, a ladicte Visitation, comme a esté fait, et qu'elle a donné et donne grand tesmoignage de sa pieté, devotion et zele....

  A025003496 

 Je promets...de paier ladicte dot promise par... mon pere aux Rev. Dames de la Visitation d'Annessy......... Je donne a posseder a noble Jacques de Blonnay, mon frere, les fruicts d'un diesme appellé le diesme de Sevree, qui depend de... Sainct Paul,... pour ces ans 1621, 2, 3, me reservant 1624;... mon frere aura 1625, 6, 7... En outre, les fruicts du diesme de Grange Blanche pour 1628,... aux conditions quil paiera la dot de ladicte seur, de l'argent... de la dot de damoyselle Marie d'Avise, sa femme...; laquelle dot, promise a madicte Rev. Seur par contrat receu par Me Mingon, notaire d'Annessy, je constitue de nouveau,... tant par office de frere que d'oeuvre pie....

  A025003505 

 Revu sur l'original qui se conservait dans les archives de Blonay, au château.

  A025003526 

 Mais comme la Congrégation de ces femmes demandait très humblement au Saint-Siège Apostolique que, même transformée et érigée en Monastère, elle ne fût pas davantage pour cela tenue de réciter les Heures canoniques de l'Office qu'on appelle le grand Office, qu'elle ne l'était auparavant, mais qu'il plût au même Saint-Siège de lui accorder que les Sœurs du Monastère érigé, en récitant chaque jour le petit Office de la Très Sainte Vierge Marie au chœur, sérieusement, gravement, lentement, dévotement et religieusement, comme elles avaient jusque-là coutume de le faire, fussent [512] délivrées et exemptées de l'obligation de réciter un autre Office; le même Souverain Pontife leur accorda ce privilège pour sept ans, assurant de vive voix que, s'il était toujours en vie, il accorderait ensuite facilement ce privilège à perpétuité (au témoignage du R, P. Don Juste Guérin, Supérieur des Clercs réguliers de Saint-Paul de Turin, lequel poussait alors cette affaire, et, de plus que, s'il était mort à ce moment, son successeur ferait de même volontiers; mais, s'agissant d'une chose peu usitée jusque là, il ne voulait pas la concéder à perpétuité pour commencer et de prime abord..

  A025003527 

 Les raisons qui portèrent le Souverain Pontife à accorder pour un temps ce privilège et à dire qu'il voulait ensuite l'octroyer pour toujours furent les suivantes:.

  A025003528 

 Les femmes ignorant la plupart du temps le latin, surtout en France et dans les pays de langue française, peu importe pour leur [513] édification et consolation spirituelle qu'elles récitent un Office ou l'autre, pourvu qu'elles le récitent convenablement et dévotement,.

  A025003530 

 Ceci a lieu surtout dans nos régions françaises, où les femmes ont une prononciation du latin, non seulement tout à fait inepte, mais ridicule, en sorte que ceux qui entendent les Offices en d'autres Monastères, ne peuvent presque retenir leur rire, à moins que plutôt ils rougissent de honte..

  A025003531 

 Aussi, lorsqu'elles réciteront tous les jours le même Office, elles pourront s'en acquitter plus facilement, plus soigneusement et, tout en chantant, élever leur piété et leur attention intérieure vers Dieu..

  A025003532 

 De fait, elles prononcent et chantent avec tant de dévotion, de précision et de gravité ces Heures de la Bienheureuse Vierge, [514] bien que brèves, qu'elles n'emploient pas moins de temps à cette récitation que les autres Moniales à chanter le grand Office..

  A025003534 

 Il arrivera ainsi que toutes les vieilles avec les jeunes, pourront louer le nom du Seigneur..

  A025003535 

 Du reste, la récitation du grand Office n'est pas inséparable de l'état religieux; car, sans parler de l'illustre et très célèbre Compagnie [515] de Jésus, ni des Ordres militaires, il y a en France des Monastères de femmes, par exemple le Monastère de l'Ordre de Saint-Augustin de Pontoise, où les Moniales ne sont tenues qu'à la récitation au chœur du petit Office de la Bienheureuse Vierge; de sorte qu'accorder ce privilège aux Monastères de femmes, est une chose qui, tout en n'étant pas très usitée, n'est pas totalement nouvelle, et d'ailleurs à désirer pour de nombreuses et très graves raisons.

  A025003548 

 C'est pourquoi les autres Communautés, issues de cette première soit médiatement, soit immédiatement, font-elles des vœux ardents et présentent une humble requête pour [517] être transformées en Monastères de même Institut et de même Règle, soit parce qu'elles seront ainsi attachées plus fortement à Dieu et à la vie religieuse, soit parce que cela sera plus agréable aux populations, soit parce qu'elles acquerront plus de conformité et de cohésion entre elles.

  A025003565 

 L'institution des Sœurs religieuses de S te Marie a esté concedee par Sa S té, a la charge qu'elles auront pour Superieurs les Evesques diocesains qui auront toute Visitation sur leurs Monasteres ou elles feront veu (sic) de Religieuse et ne seront en simple Congregation.

  A025003569 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirant bien souvent de consacrer touts les moments de leur vie a l'amour et service de Dieu, lesquelles neantmoins pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre ja affoiblies par l'aage, ou mesme pour [521] avoir des urgentes obligations [d'] ordonnés de temps en temps des affaires de leur maison, ou bien, enfin, pour n'estre pas inspirés ny disposés, ne peuvent pas entrer ez Religions esquelles on mene une vie austere et rigoureuse, et par consequent sont contraintes de s'arrester au monde parmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposés aux perpetuelles distractions et grands dangers et occasions de toute sorte de pechés et vivre sans devotion: en quoy il y a beaucoup de perte et compassion..

  A025003573 

 On y pourra donc recevoir les veufves qui ont encore quelques obligations d'avoir soin de leurs enfants et des affaires de leur maison, a condition toutes fois qu'elles ne prendront point l'habit de la Religion qu'elles ne soient entierement libres des occupations de leur mesnage, et qu'estans une fois admises en la compagnie, elles vivront avec mesmes devoirs et observances que les Sœurs professes, sinon qu'il sera permis a telles veufves d'aller quelquefois l'annee donner ordre aux affaires de leur maison en la sorte qu'il a esté dict; et cependant elles porteront un habit simple et modeste, en un mot, de vrayes veufves..

  A025003574 

 En second lieu on y pourra recevoir les veufves, et filles aagees de seize ans, qui, pour l'infirmité de leur santé et complexion naturelle, ou pour quelqu'une des causes cy dessus en l'article premier mentionnés, ne peuvent supporter l'austerité et rigueur d'aultres Religions; pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat, pour vivre soubs l'obeissance et en la praticque de la devotion et exercices de la vie spirituelle.

  A025003574 

 On excepte neantmoins celles qui auroient quelque mal contagieux et dangereux, comme les escruelles, la lepre et autres semblables..

  A025003575 

 Mais sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, l'on doibt rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution de mespriser le monde, vivre humblement, doulcement et avec une parfaicte obeissance, charité et grand desir de se perfectioner en [522] toutes sortes de vertus et perfections propre d'une vraye servante de Dieu et espouze de Jesu Christ..

  A025003578 

 Les hommes n'entreront en façon quelqu'onque en ceste s te Maison, sinon quand la chose pour laquelle ils devroient entrer ne peust estre executee autrement qu'en y entrant; et lors il fault que ce soit avec la licence de l'Evesque, par escript, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025003583 

 Outre les susdicts, pourront entrer les peres et meres pour la consolation des Sœurs malades, quand elles seront tellement malades qu'on jugera leurs maladies perilleuses.

  A025003583 

 Que sil se peut bonnement fere, tels parens n'entreront qu'avec le medecin ou Confesseur, affin de ne multiplier tant les entrees.

  A025003586 

 Les femmes pourront entrer dans la Maison....................................................

  A025003590 

 Septiesmement: Il sera permis de recevoir en la Maison, mesme pour plusieurs jours, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se preparer a ferre des confessions generales, ou pour s'establir a l'amandement de leur vie auront besoin d'un peu de retraitte, a la charge qu'y estant entrees, elles obeissent a la Superieure et qu'il n'y en aye que trois au plus au mesme temps..

  A025003594 

 En somme, il fault fere en sorte que quand ces dites personnes du monde entreront en la Mayson, le monde pourtant ny entre point: ce qui arrivera si les filles de la Congregation attirent par leur devis, contenance et modestie et religieuse façon les femmes de [523] dehors a parler modestement, chrestiennement et spirituellement, ne desirant ny voulant ouir d'elles les nouvelles superflues, murmurations, detractions et semblables devis importuns et seculiers; mais monstrant un vray et naif mespris de tout cela, comme du tout aliené de leur Institut et contraire a la loy chrestienne, a la perfection de laquelle elles aspirent..

  A025003602 

 Quand est de la closure des Sœurs voilees, elle s'observera exactement selon la prescription du sacré Concile de Trente, en sorte qu'elles ne pourront aucunement sortir [sinon] es cas notés en iceluy et permis par les sacrez Canons.

  A025003602 

 Toutefois, les Sœurs Servantes pourront sortir pour le service de la Maison, comme il sera dict cy apres..

  A025003605 

 Depuis Pasques jusques a la S t Michel: elles se leveront a cinq heures, pour entrer a l'oraison l'heure entiere de cinq et demie a six et demie, laquelle on sonnera en clochetant seulement durant trois Pater, a cette fin que toutes les Sœurs ayent commodité de s'assembler; et l'on la commencera par Veny, Sancte Spiritus, a la fin de laquelle elles diront Prime a basse voix.

  A025003606 

 A huict heures on dira Tierce en chant, et tout consequemment Sexte a basse voix; et apres on ouira la sainte Messe, laquelle dicte, on recitera Nonne a basse voix, sinon les festes qu'on la chantera.

  A025003612 

 Es jours de jeusne, que l'on disne a unze heures, l'on fera le matin l'heure de silence qui defaudra l'apresdinee, et rempliront les heures qui abonderont avant disné a fere des ouvrages; et en l'apresdinee il n'y aura rien de moins qu'es austres jours, parce que l'heure qu'on emploie a souper supplera a l'heure que le retardement du disné a retranché..

  A025003624 

 Elles diront le petit Office de Nostre Dame au chœur, et le chanteront distinctement, sçavoir possement; hormis les festes suyvantes, sçavoir est: le premier jour de Noel...........................

  A025003629 

 ( Les deux premiers alinéas de cet article sont la reproduction du Ms.

  A025003635 

 Les Novices seront vestues comme les Professes, fors le voile et la barbette, ains porteront un voile blanc..

  A025003635 

 Un bandeau noir qui couvre le front; leurs colletz de toile mediocre, avec les barbettes sans plis, et sans manchettes: le tout sans empoys.

  A025003636 

 Elles porteront le voile abbatu sur le visage jusques au bout du nez, entrant au chœur pour les Communions, predications et en tout autres occasions quil conviendra paroistre devant les seculiers, sinon quand la Superieure en ordonnera aultrement..

  A025003641 

 K, excepté les lignes 33, p. 244, et 1-6, p. 245, qui sont omises dans le Ms.

  A025003647 

 Q, p. 373; mais les deux derniers alinéas de la p. 375 et la dernière phrase de la p. 376 sont omis dans le Ms.

  A025003653 

 Le samedi toutes les Sœurs, et mesme les Novices, s'assembleront au Chapitre, et apres avoir dit le Veni, creator, la Superieure lira queloues advis tirés de quelque livre devot ou un article de la Regle, et dira tout ce qui luy semblera debvoir estre dict pour le bien spirituel de toutes.

  A025003661 

 Que les Sœurs en toutes leurs actions observe[nt] une grande tranquilité, simplicité et modestie, ne suivant le faste et appareil des contenances mondaines et affectees......................

  A025003666 

 Quand il plaira a Dieu que les Sœurs ayent un lieu propre, elle s'essayeront es festes et Dimanches d'attirer les filles et femmes de la ville au lieu preparé pour cela, a fin de leur enseigner familierement les exercices de pieté: comme de l'examen de conscience, de la preparation a la Communion et Confession, de bien dire le Chapelet et la Couronne, de bien prier Dieu le matin, le soir, entandant la Messe, et semblables exercices de vray chrestiennes; pourveu que le tout se fasse hors de l'heure du Catechisme et sermon..

  A025003669 

 L'annee du noviciat expiree, la Novice sera admise pour faire [527] les vœus, si elle est jugee par la Congregation des Sœurs avoir satisfaict durant son noviciat; et pour ce il fault que des trois partie les deux de l'assemblee y consentent..

  A025003670 

 Apres donc plusieurs belles ceremonies qui se practiquent en ceste solennité, qui sont au long descrittes dans les Constitutions de ceste Congregation, la Novice se prosterne devant l'hostel, accompagnee de toutes les Sœurs, et lict clairement, distinctement et posement la formule qui s'ensuit:.

  A025003675 

 Et les susditz vœus se renouvellent tous les ans le jour de la Presentation de Nostre Dame (apres sy estres bien preparee, depuis le jour de la sainct Martin, par quelques particulieres oraysons, meditations et mortifications) en ceste sorte: Je, N., renouvele et confirme de tout mon cœur le vœu et Oblation que jay cy devant faict a mon Dieu, de le servir a jamais en la Congregation de ceans par obeissance, chasteté et pauvreté.

  A025003676 

 Quoy dict, immediatement apres, les communiees escrivent par apres au mesme Livre et feillet dans lequel elles ont premierement escript le jour de leurs vœus, la confirmation d'iceluy..

  A025003679 

 Outre les Sœurs voilees et qui gardent la closture, comme il a esté dict cy dessus, on en reçoit quelques autres que l'on appelle Sœurs Servantes, qui sont destinees pour le service exterieur de la Maison, qui, pour ce, doibvent estre de bon corps et de bonne complexion et bon naturel, mais sur tout grandement resolues de servir Nostre Seigneur en travaillant pour la Congregation, avec obeissance, douceur et humilité..

  A025003683 

 Elles demeureront deux annees au noviciat, passé lequel temps elles seront reçues en la Congregation et feront les mesmes vœus que les autres Sœurs, en la façon cy dessus explicquée..

  A025003690 

 Toutes les regles et Constitutions de cete Congregation, tant communes a toutes les Sœurs cy dessus expliqués que particulieres des Officiantes, que nous n'avons icy mises pour briefveté, n'obligent aucunement d'elles mesmes soubs peine d'aucun peché ny mortel ny veniel, ains sont seulement donnés pour la direction et conduicte de la Congregation.

  A025003715 

 Texte inédit, revu sur l' Epistolario generalizio, conservé dans les Archives.


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A026000008 

 Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales.

  A026000021 

 III. Troisiesme empeschement: les louanges humaines.

  A026000023 

 V. Cinquiesme empeschement: les respectz humains.

  A026000024 

 VI. L'ame avant surmonté tous les empeschemens, n'a plus besoin de remede mays demeure absorbee et unie en Dieu par une parfaitte devotion.

  A026000025 

 III. Fragments sur les vertus cardinales et morales.

  A026000028 

 Comme l'amour employe les vertus cardinales, et premierement la prudence.

  A026000034 

 VI. De la charité dans les jugements.

  A026000034 

 — Considérons nos propres défauts, et nous ne verrons pas les vices du prochain. 54.

  A026000034 

 — Injustice, de vouloir être absous de ses fautes et de condamner les moindres en autrui.

  A026000034 

 — Qui ne regardera son prochain avec pitié gâtera toutes les parties de son âme.

  A026000035 

 VII. Sentiment de saint François de Sales sur la conduite a tenir par les pasteurs de l'eglise.

  A026000035 

 — Les « malades honteux » et les remèdes pour les grandes maladies de l'âme.

  A026000035 

 — Leur attitude envers ceux qui les visitent.

  A026000036 

 — Bien examiner les sujets avant de les recevoir.

  A026000036 

 — Les enfants qui pleurent.

  A026000036 

 — Les fondements de la vie religieuse. 56.

  A026000036 

 — Mieux vaudrait pour un Ordre religieux n'avoir que deux Maisons, plutôt que de les multiplier par la prudence humaine.

  A026000047 

 I. Avis a M me Rose Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe, sur les devoirs que lui imposent sa profession religieuse et sa charge, Dijon, avril 1604.

  A026000047 

 — Choisir une Religieuse pour les affaires temporelles.

  A026000047 

 — La méditation, l'Office divin, les oraisons jaculatoires, la lecture spirituelle.

  A026000047 

 — La sainte Communion les premiers dimanches de chaque mois: préparation et action de grâces.

  A026000047 

 — Livres à lire pendant les repas.

  A026000051 

 — Erreur de ceux qui se préparent aux grandes épreuves et qui ne savent pas supporter les petites.

  A026000051 

 — Les commandements de Dieu et le devoir d'état; les tribulations et les maladies; les « petites traverses et incommodités ».

  A026000051 

 — Pour les actions de peu d'importance et auxquelles on n'est pas obligé, considérer avec liberté d'esprit ce qui tend davantage à la gloire de Dieu et se résoudre.

  A026000052 

 — L'obéissance dans les choses agréables, dans les indifférentes et dans les difficiles. 95.

  A026000052 

 — La prière, les Sacrements, l'exercice des vertus: moyens pour l'acquérir.

  A026000052 

 — Les degrés de l'obéissance par rapport à ceux à qui on la rend.

  A026000052 

 — Les trois vertus de Religion, quoique non vouées, rendent parfait.

  A026000053 

 — Oraisons jaculatoires et regard sur « la divine Bonté », — L'entrée dans les plaies du Sauveur. 97.

  A026000054 

 VIII. Divers avis pour l'oraison, les aridités et les distractions, et sur la manière de se comporter dans les exercices spirituels de la journée envoyés a M me Rose Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe, le 9 octobre 1604 97.

  A026000056 

 — Les courtisans en la chambre du roi et l'âme dans l'oraison.

  A026000056 

 — Trois remèdes contre les engourdissements d'esprit et les sécheresses.

  A026000059 

 5) Les retours vers Notre-Seigneur, les oraisons jaculatoires et la pensée de la mort pendant la journée 104.

  A026000061 

 7) Avis divers sur les exercices précédents.

  A026000061 

 — C'est une superstition de croire qu'il faille recommencer le Chapelet ou autres prières quand, légitimement, on les a interrompus.

  A026000062 

 — Les « affections » ne doivent pas « estre a l'abandon, mais resserrees et couvertes ».

  A026000062 

 — Qu'est-ce que la sainte Communion? — Pour s'y préparer, oublier les affaires domestiques et les choses matérielles, et se rappeler les bienfaits de Dieu.

  A026000062 

 — Retrancher peu à peu les attaches.

  A026000062 

 — S'humilier dans les tentations, ou encore les mépriser.

  A026000076 

 Ne pas faire de réflexions sur les choses qui arrivent.

  A026000076 

 — Dans les sécheresses, s'humilier.

  A026000078 

 XVII. Le saint reçoit les vœux de religion de la Mère de Chantal, renouvelle son vœu de chasteté et fait celui de servir l'ame de la sainte, 22 août 1611.

  A026000079 

 — Détail des péchés contre les commandements de Dieu.

  A026000079 

 — Examen sur les sept péchés capitaux.

  A026000079 

 — Le désir et la résolution de pécher est de fait un péché, ainsi que les mauvaises pensées volontairement entretenues.

  A026000079 

 — Les péchés contre les commandements de l'Eglise.

  A026000079 

 — Moyens suggérés pour détourner du péché les grands de ce monde.

  A026000097 

 Examen touchant les pechés capitaux.

  A026000098 

 Des pechés qui se commettent contre les commandemens de l'esglise.

  A026000100 

 Moyens pour divertir les grands du peché de la chair 132.

  A026000102 

 Marie a passé par tous les états de vie pour attirer toutes les âmes à son divin Fils. 133.

  A026000105 

 Les petites vertus.

  A026000106 

 — Les inquiétudes de notre cœur et l'avancement dans la perfection.

  A026000106 

 — Les « amantes spirituelles » se « purifient et ornent » pour plaire à l'Epoux céleste.

  A026000107 

 Excellence du sommeil amoureux entre les bras du Sauveur.

  A026000109 

 Renouveler chaque année l'abandon de soi-même entre les mains de Dieu.

  A026000109 

 — Les paroles et pensées qu'il faut retrancher.

  A026000109 

 — Que l'obéissance à la Règle domine les « menus attraitz ».

  A026000110 

 — Pour se débarrasser des troubles de la partie inférieure, passer outre, sans les regarder.

  A026000122 

 Comme il faut tous les jours renouveller ses bons propos.

  A026000130 

 XXXI. Avis a une Religieuse de la Visitation sur les vertus qu'elle doit surtout pratiquer, [1612-1618] (Inédit) 160.

  A026000147 

 — Vertus qu'elle devra pratiquer envers les âmes appelées à la Visitation. 165.

  A026000150 

 — Supporter les imparfaites et les aider.

  A026000154 

 — Attirer doucement les Sœurs qui sont dans la peine.

  A026000154 

 — Avis touchant les Pères spirituels.

  A026000154 

 — Ce que la destinataire doit faire au début de sa charge, soit pour les séculiers, soit pour les Sœurs.

  A026000154 

 — Exercer les veuves.

  A026000154 

 — Les mères et les filles s'appellent « Seurs ».

  A026000154 

 — Les prétendantes opiniâtres et négligentes ne doivent pas être reçues.

  A026000154 

 — On peut admettre des Novices d'un autre Ordre; pour les Professes, il faut une dispense de Rome.

  A026000155 

 Grand honneur d'être appelées à la conduite des âmes; comment faut-il s'en acquitter? — Les Supérieures doivent suivre les voies de Dieu et non les leurs.

  A026000155 

 — Comment agir avec les inférieures revêches et orgueilleuses.

  A026000155 

 — Suivre l'esprit de douceur et cultiver surtout les âmes.

  A026000156 

 Les satisfactions de l'amour-propre et l'exercice de l'amour de Dieu.

  A026000156 

 — Mépriser les tentations et recourir à la prière.

  A026000158 

 — La Vie, Passion et Mort de Notre-Seigneur sont les meilleurs sujets d'oraison.

  A026000158 

 — La gravité avec les séculiers.

  A026000158 

 — Rapports avec les Carmélites, les Jésuites et les Minimes.

  A026000159 

 — Ne pas quitter la sainte Communion pour les distractions et aridités.

  A026000159 

 — Quel est, parmi les pauvres, « le plus advantagé »? — Parlons à Dieu de nos misères.

  A026000160 

 — Ce qui nous empêche de nous jeter à corps perdu entre les bras de la Providence.

  A026000160 

 — Dans les choses qui ne sont pas clairement manifestées, interroger nos Supérieurs et suivre leurs avis.

  A026000160 

 — Dieu n'est pas comme les hommes.

  A026000160 

 — Les emplois dans la maison du Seigneur.

  A026000160 

 — « Mesnager les petites rencontres ».

  A026000161 

 — Accepter avec amour les disettes.

  A026000161 

 — Comment regarder les biens de la Communauté.

  A026000165 

 — L' « establerie » pour le Sauveur, et « les superbes edifices » pour les pécheurs.

  A026000169 

 A. Dévotes méditations sur tous les mysteres du Saint Sacrifice de la Messe.

  A026000172 

 Au commencement de la Messe (Les prieres de Jesus au Jardin) 215.

  A026000188 

 Au Memento pour les vivans (Jesus porte sa Croix) 218.

  A026000193 

 Au Memento pour les Trespasses (Jesus prie pour les hommes) 219.

  A026000195 

 Au Pater (Les sept paroles de Jesus en croix) 219.

  A026000245 

 : Apres vingt ans de sa prevosté (præture), il fut accusé par les Samaritains vers Vitellius, gouverneur de Sirie, quod plurimos hommes injuste condemnasset quasi rebelles Romanis a).

  A026000246 

 Les gendarmes le prennent au prætoire, le despouillent du pourpre et luy remettent ses habitz; le menent hors; bajulans sibi crucem.

  A026000247 

 On le suit, les femmes pleurent; Conversus ad eas: [6] Filiæ Hierusalem, nolite c), etc. Deux malfaicteurs conduitz avec luy..

  A026000253 

 Ceux qui viennent voir et qui passent, blasphement: Vah, qui destruis, etc.; salva temetipsum; si Filius Dei es, etc. Semblablement les pontifes et scribes: Si Christus est electus Dei, rex Israel, descendait de cruce.

  A026000253 

 — Les [7] larrons aussi; l'un: Si tu es Christ, sauve toy et nous.

  A026000253 

 — Les soldatz: Si tu es roy des Juifz.

  A026000261 

 Revu sur les Autographes conservés à la Visitation de Turin et d'Annecy.

  A026000266 

 D'APRÈS LES QUATRE EVANGÉLISTES.

  A026000269 

 Après la prière qui est dans saint Jean, chap. XVII, le Seigneur dit les paroles qui sont en saint Matthieu, chap. XXVI, du verset 31 me au 36 me.

  A026000270 

 Cédron, c'est-à-dire lieu obscur, parce qu'il y avait une vallée ombragée par les arbres; là aussi était un torrent.

  A026000272 

 Après cela, dans ce même jardin, il arriva ce que les autres Evangélistes racontent.

  A026000272 

 Ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à éprouver de la tristesse et de l'angoisse; Marc: à avoir peur et du dégoût.

  A026000274 

 Le Seigneur interrogea: Qui cherchez-vous? etc. Et Judas, ayant donné un signe, revint avec d'autres, d'où il est dit: Or Judas, qui le trahissait, se tenait debout avec les autres, [etc.].

  A026000276 

 Dès ce moment, Pilate cherchait à le délivrer. (Pilate étant retourné de nouveau vers le peuple, parlait, semble-t-il, de relâcher le Christ.) Mais les Juifs criaient, disant, [etc.].

  A026000277 

 ( Gabbatha signifie hauteur; Lithostrotos, en grec, balcon de pierres, lieu de jugement.) C'était la préparation de la Pâque, environ la sixième heure (c'est-à-dire la sixième heure de la prière: ainsi divisait-on le jour: 1, 3, 6, 9), et il dit aux Juifs, [etc.] Les princes des [5] prêtres répondirent: Nous n'avons de roi que César. (Donc le Messie vient, Gen. XLIX: Le sceptre ne s'éloignera point, etc.).

  A026000288 

 j) Il y eut des ténèbres sur toute la terre, etc.; les sépulcres des morts s'ouvrirent, la terre trembla.

  A026000298 

 Les ames sçavantes et esclairées dans la vie interieure y trouveront, ainsi que je l'espere, de la satisfaction; mais je vous prie, cher Lecteur, si vous desirez en tirer du profit, de le lire avec un esprit aussi sainct que le requiert la saincteté de son sujet.

  A026000306 

 Salomon, pretendant avoir suffisamment enseigne la premiere sorte d'union dans ses autres Livres, n'enseigne que la seconde es Cantiques, ou il presuppose que l'Espouse, qui est l'ame devote, soit des-ja mariee avec le divin Espoux; et represente les saintz et chastes amours de leur mariage qui se font par l'orayson mentale, qui n'est autre chose que la consideration de Dieu et des choses divines..

  A026000307 

 Les uns regarderont simplement un pourtrait pour y voir les couleurs et images, sans autre fin; les autres, pour apprendre l'art et l'imiter; les autres, pour aymer la personne representee, comme les princes font leurs espouses, que bien souvent ilz ne voyent qu'en image; les autres, parce qu'ilz ayment des-ja la personne representee, se playsent a regarder son pourtrait.

  A026000307 

 Nous pensons es choses, sans fin et intention; nous les estudions pour estre plus doctes; nous les meditons pour les aymer, et nous les contemplons pour nous y plaire.

  A026000309 

 La devotion, aux promptitudes particulieres que les habitudes donnent, en adjouste une generale et commune engendree par la meditation et contemplation, ainsy que le pelerin est plus dispos par la refection..

  A026000309 

 Neanmoins, le sujet de ce Livre ne comprend pas la demande ni les deux seules considerations affectives, ni mesme la devotion, laquelle n'est ni meditation ni contemplation, mais en est l'effect, n'estant autre chose qu'une vertu generale, contraire a la paresse spirituelle, qui nous rend prompts au service de Dieu.

  A026000314 

 Mais on a besoin de la connoissance des choses susdites pour la declaration des termes, mesme lhors qu'ilz ne semblent estre que litteraux, bien que ce soit fort rarement et qu'il soit bien difficile de les y connoistre; ou, au contraire, les mistiques y sont en abondance et tres divers.

  A026000314 

 Mesme la nature ni les proprietés de Dieu ou de l'ame n'y sont point nommees; mays, au lieu de tout cela, yeux, cheveux, dens, levres, colz, vestemens, jardins, unguens, et mille choses pareilles qui ont mis confusion [13] es expositions par la liberté que les expositeurs ont eu de les faire joindre un chacun a son sens, et, qui pis est, par la licence insupportable qu'un mesme expositeur a pris, d'entendre en une mesme page une mesme parole en diverses manieres et pour diverses choses..

  A026000315 

 Le theatre de Hierusalem sera tous-jours l'Eglise militante; l'Espoux sera tous-jours Dieu increé ou incarné; l'Espouse, l'ame; le chœur des dames, les conversations mondaines..

  A026000315 

 Les baysers signifieront tous-jours les consolations spirituelles; les embrassemens, les unions avec Dieu; les douceurs des viandes, les goustz spirituelz; les langueurs et defaillances, les gayetés et allegresses; les sommeilz et enyvremens, les ravissemens et extases.

  A026000318 

 En la premiere, la souvenance des playsirs passés sensitifs est l'empeschement; le remede est le desir des choses spirituelles et les demander a Dieu; le premier degré est de considerer Dieu es choses corporelles..

  A026000319 

 En la seconde, l'empeschement est la distraction de [14] l'imaginative par les fantosmes et visions sensibles; le remede est l'attention aux inspirations; le degré, la consideration de Dieu es choses spirituelles..

  A026000320 

 En la troysiesme, l'empeschement est les louanges humaines; le remede est de gouster les divines; le degré est la consideration que l'ame fait de Dieu en elle mesme..

  A026000321 

 En la quatriesme, l'empeschement est la fatigue du cors et partie sensitive; le remede sont les colloques et devis spirituels; le degré est mediter Dieu, non en luy mesme, mais en son Humanité..

  A026000327 

 Ce luy est un grand empeschement pour apprehender les consolations divines de ne se pouvoir separer ni desfaire des anciennes compaignies, conversations et recreations..

  A026000328 

 Donques l'Espouse, c'est a dire l'arae des-ja en grace, voulant entendre a la vie spirituelle par les baysers de son divin Espoux, qui sont les consolations spirituelles, a une grande peyne a se desprendre du chœur des dames (conversations anciennes) qui luy offrent des vins et parfums, qui sont les playsirs temporelz.

  A026000328 

 Dont l'ame languissante pour l'absence de son Espoux, desirant s'unir a luy par l'orayson, le chœur des dames la veut conforter avec vins et parfums, luy remettant en memoyre les playsirs passés; nonobstant lesquelz elle demande: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche..

  A026000332 

 Premierement elle considere que les biens et playsirs mondains, aupres des divins ne sont que vanité; secondement, que Dieu est doux et souhaittable en luy mesme; troysiesmement, que plusieurs ames saintes ont frayé le chemin, n'ayant trouvé aucun playsir qu'en Dieu; quatriesmement, elle demande a Dieu qu'il luy oste toutes affections terrestres..

  A026000333 

 Et quant au premier, elle dit: Tes amours sont meilleurs que le vin et plus odorans que les parfums; quant [16] au second: Ton nom est le mesme parfum respandu; pour le troysiesme: Les jeunes filles t'ont aymé; et pour le quatriesme: Tire moy apres toy, nous te suivrons et courrons a l'odeur de tes parfums.

  A026000333 

 Et tout incontinent, portee par une grande confiance d'obtenir ce qu'elle demande, comme si des-ja c'estoit fait elle adjouste: Mon Roy m'a menee en ses cabinetz; nous sauterons de joye et nous res-jouirons en luy et avec luy de la souvenance de tes amours qui sont meilleurs que le vin; les bons t'ayment et te prisent..

  A026000334 

 Les filz de ma mere ont combattu contre moy, ce fut par leur peché que je fus mise en necessité de prendre tant de soins et garde a moy mesme comme si j'estois a garder une vigne: ilz m'ont mise a garder les vignes contre les assautz de la concupiscence, et tout cela, helas! non par ma faute propre et actuelle, mays par celle d'autruy, dont je puis dire: La vigne que j'ay gardee n'estoit pas a moy..

  A026000334 

 Les scrupules neanmoins surviennent, par la memoire des pechés passés; dont elle dit: Je suis noire; mais l'integrité de sa conscience presente fait qu'elle adjouste: mais je suis belle, o filles de Hierusalem, comme les tabernacles de Cedar et comme les peaux de Salomon.

  A026000335 

 O vous que mon ame ayme, enseignes moy ou vous paisses et ou vous couches a l'ombre du midy, affin que je ne coure ça et la esgarément aux troupeaux de vos compaignons, c'est a dire, apres les creatures.

  A026000339 

 Elles ne se sont pas faittes elles mesmes; elles ne sont pas sans quelque principe qui les a faittes et qui est leur fin derniere, qui les conserve, qui les garde.

  A026000339 

 Mais qui est ce principe et ceste fin? C'est Dieu; les meres de toutes choses sont les idees qui en sont en moy, en ma puyssance et bonté.

  A026000339 

 Mays les aigneaux, aussi tost que l'huys de la bergerie est ouvert, courent droit a leurs meres; ainsy l'homme, voyant les creatures, monte petit a petit a Dieu: c'est un moyen de me trouver..

  A026000340 

 Si tu n'as pas encores une entiere connoissance, o la plus belle des femmes, parce que tu es encores commençante, sors de la souvenance des playsirs passés, et va suyvant les pas de tes troupeaux; cherche mes sentiers en toutes les creatures, laisse-toy guider et mener la par ou elles mesmes retournent, et tu trouveras qu'elles iront reposer aux pasturages de leur premier berger: Fais paistre tes chevreaux pres les loges des pasteurs..

  A026000341 

 Sur tout, la nature humaine, en tes premieres meditations, t'y sera prouffitable; tu verras les biens surnaturelz qui sont en elle: comme, qu'elle est l'habitation de Dieu, son throsne et quasi son chariot; dont il luy peut dire: O ma bienaymee, je t'ay fait semblable a ma genisse attelee aux chariotz de Pharaon.

  A026000341 

 Toutes les creatures sensibles te meneront la, et les plus nobles encores mieux.

  A026000341 

 Tu verras ces biens accidentelz, comme quoy tout le monde a esté fait pour ton usage, ornement et service: Nous te ferons des bagues d'or qui seront esmaillees d'argent; qui sont des bienfaitz si grans, que l'ame les meditant s'enflamme d'amour et est contrainte de s'escrier: [18] Puisque je ne puis autre chose, au moins t'aymeray je, o mon Espoux, et seray moy mesme ta salle royale, laquelle je parfumeray de nard; c'est a dire, je m'empliray d'amour: Tandis que mon Roy sera en sa salle, mon parfum, qui est composé de nard, embaumera tout ce lieu de la suavité de son odeur; et de plus, je m'uniray tellement avec luy, que je le porteray comme un bouquet dedans mon sein: Mon Bienaymé est le bouquet de mirrhe que je porteray tous-jours entre mes deux mammelles.

  A026000341 

 Tu y verras les biens naturelz, car elle est aussi belle en elle mesme comme si elle avoit tous les omemens du monde: Tes joües sont belles comme si elles estoyent parees de quelques beaux ornemens; ton col est beau comme s'il estoit paré de quelque beau carquan.

  A026000342 

 Et mesme ce monde, nostre habitation: Les chevrons de nos maysons sont de cedres et nos solives sont de cypres; donq, quelle merveille si je suis la fleur du champ et le lys des vallees? Ce qu'advouant l'Espoux, il monstre que plusieurs ames sont bien de contraire condition par la malice de leurs volontés, car elles sont comme des espines: Comme un lys entre les espines, ainsy est ma bienaymee entre les filles..

  A026000343 

 Cheres loüanges que l'ame n'accepte ni ne refuse, mays, esprise de son Espoux, retourne a le considerer es mesmes choses sensibles, non plus en meditant pour l'aymer, mais en contemplant pour se res-jouir, le confessant tres haut entre toutes les choses creées: Comme est un pommier entre les arbres des forestz, ainsy est mon Bienaymé entre les enfans des hommes.

  A026000344 

 L'ame, le sentant survenir et ne voulant dormir ailleurs qu'entre les bras de son Espoux, dit: Que sa main gauche soit sous mon chef et que de sa main droitte il m'embrasse estroittement.

  A026000344 

 Lhors Dieu a soin que les choses basses ne nous empeschent cette divine consolation; dont il dit au chœur des dames: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et par les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000348 

 Si bien que tandis qu'en ce chemin qui nous est si familier nous nous arrestons a toutes les boutiques de nostre connoissance, ou nous arrivons tard a nostre but, ou jamais..

  A026000349 

 Et lhors, nostre Espoux nous parle et vient a nous, mais non pas pour y demeurer et reposer, ains il vient par sautz et eslancemens: C'est la voix de mon Bienaymé, le voyla qui vient aux montaignes, saillant et traversant les collines.

  A026000349 

 Il semble que tantost il vienne et que tantost il fuye: Mon Bienaymé est semblable a un chevreuil et a un faon de cerf; maintenant il se monstre, maintenant il se cache: Le voyla qui se tient debout derriere nos murs; et bien qu'il semble qu'il se face voir, regardant par les fenestres, neanmoins la vision n'estant ni bien claire ni bien arrestee, l'on peut dire que les fenestres ont des barreaux et qu' il regarde par les treillis..

  A026000353 

 Il se res-jouit de ce que les fleurs de devotion commencent a sortir et pousser: Des-ja les fleurs paroissent en nostre terre; de ce qu'elle a commencé a retrancher les superfluités vicieuses: le tems d'esmonder et nettoyer les arbres est venu; de ce qu'ainsy qu'une tourterelle, elle a fait ouÿr sa plainte et son gemissement avec l'orayson: On a ouÿ la voix de la tourterelle en ceste contree; mays de plus, il se res-jouit de ce que des-ja elle a produit des fleurs de bonnes œuvres et des odeurs de bon exemple: Des-ja le figuier jette son fruict, les vignes sont fleuries et jettent leur bonne odeur. Il l'admoneste, outre ce, de passer plus avant, et, de commençante, qu'elle se face prouffitante, luy redisant: Leve toy, ma bienaymee, ma belle, et t'en viens..

  A026000353 

 Neanmoins, il faut user de remede, qui est de se recueillir souvent et prester l'oreille pour escouter les inspirations: Voyla mon Bienaymé qui m'appelle et me dit: Leve toi, ma bienaymee, ma colombe, ma belle, et t'en viens; la faysant, outre cela, resouvenir de l'innocence en laquelle elle peut pieusement croire estre arrivee, ne se sentant chargee d'aucun peché mortel.

  A026000354 

 Et parce qu'es commencemens il semble a l'ame qu'elle soit entre plusieurs difficultés, comme entre des pierres ou des espines ( Ma colombe, qui est dans les trous de la pierre et an creux de la muraille), pour cette cause il asseure qu'elle ne laisse pourtant de luy estre bien aggreable: Hé, monstre moy ta face, que le son de ta voix vienne a mes oreilles, car ta voix est douce et ta face tres belle..

  A026000355 

 Ce discours est si doux qu'il devroit chasser toutes autres pensees; toutesfois, si ces pensees reviennent, elle dira comme en songeant: Prenes ces petitz renardeaux qui fouillent et gastent les vignes, car nostre vigne est en fleur; et se reunissant avec son objet, elle dira: Mon Bienaymé est a moy et moy a luy; et le priera qu'il revienne a elle tant que le jour dure et jusques a ce que les ombres s'abbaissent: Reviens, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les montaignes de Bether.

  A026000360 

 Au precedent degré il semble qu'on ne trouve pas Dieu, encor qu'on l'ayt trouvé; [22] mais en celuy ci on reconnoist incontinent qu'on l'a trouvé: La nuict, en mon lict (c'est a dire es cors humains, qui sont les lictz des ames), j'ay cherché Celuy que mon ame ayme, et je ne l'ay point trouvé.

  A026000360 

 Je me leveray, et tourneray la cité de ce monde; et courant tantost par les cors terrestres, tantost par les celestes, je l'ay cherché, et ne l'y ay point trouvé; au moins les distractions ont esté si grandes qu'a peyne me semble-il de l'avoir rencontré: Je chercheray par les rues et par les places Celuy que mon ame ayme; je l'ay cherché, et ne l'ay pas trouvé..

  A026000361 

 Mon bonheur a voulu que je me suis souvenu des Anges qui sont comme les sentinelles du monde: Les sentinelles qui gardent la cité m'ont trouvee, et me suis resolue de voir si en eux je trouverois la consideration de Dieu plus fermee: N'aves vous point veu le Bienaymé de mon ame? Au dessus de la nature angelique j'ay trouvé immediatement la divine: Un peu apres les avoir passees j'ay trouvé Celuy que mon ame ayme, et ce, sans distractions sensibles, si bien qu'il semble que je ne le dois jamais perdre: Je le tiens et je ne le lairray point, jusques a ce que j'entre en la gloire celeste, vraye mayson de la nature humaine; ma mere est en sa chambre, c'est a dire au siege des Anges qui m'est preparé.

  A026000362 

 A quoy Dieu adjoustant sa grace, defend avec un soin plus particulier qu'on ne l'esveille, disant: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni ne facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000366 

 L'ame s'acheminant de degré en degré en la sainte orayson, se rend si resplendissante qu'il est impossible qu'elle ne soit admiree, et que le monde mesme la voyant, au milieu du desert empetré de tant de pechés, cheminer droit, ainsy qu'une colomne de parfum odoriferant qui s'esleve vers le ciel, ne s'escrie: Qui est ceste ci qui marche par le desert ainsy qu'un rayon de parfum, de compositions aromatiques de mirrhe et d'encens et de toutes sortes de poudres a embellir? Or, cest applaudissement est un venin caché et doucereux qui fait bien souvent que les plus saintz et devotz perdent leur justice et leur devotion..

  A026000370 

 Que s'il ne peut si tost arrester ses yeux sur la Divinité, qu'au moins il loüe Jesus Christ homme, nostre vray Salomon, et ce principalement en troys choses: la chair, la Croix, la gloire, disant: Voyes combien est digne sa chair, lict de sa Divinité et de son ame, entouree de plus de soixante vaillans soldatz qui la defendent contre quicomque, de nuit, pourroit luy faire peur; ceste chair, qui n'est inclinee au peché comme la nostre, mais, par l'union hypostatique et par l'empire qu'elle tient sur les Anges, est du tout asseuree et impeccable: Voicy que soixante hommes des plus fortz d'Israël entourent le lict de Salomon, tous tenans des glaives et bien duitz a la guerre, chacun desquelz tient son espee droitte sur sa cuisse pour les craintes de la nuit..

  A026000370 

 Quicomque entend ses propres louanges, qu'il se tourne vers celles de Dieu; qu'il persuade a celuy qui le loüe de ne vouloir loüer une chose de si petit merite, mays qu'il esleve les louanges de Dieu de nostre bassesse et petitesse.

  A026000371 

 Et tout cela, pour les ames de l'Eglise; dont il est dit: orné de charité au milieu pour les filles de Hierusalem.

  A026000371 

 La justice [24] et la misericorde sont les deux colomnes qui soustiennent ceste Croix: Il a fait les colomnes d'argent, l'appuy ou reposoir en est d'or, d'autant que tout s'est fait pour conduire les ames a la gloire, l'appuy d'or; la montee en est de pourpre, car il ne nous conduit a la gloire que par son sang.

  A026000376 

 Or ses parties mistiques sont: les yeux, c'est a dire les intentions qui la meuvent; les cheveux, c'est a dire les affections, amour, hayne, desir et autres, qui, comme les cheveux, ne sont ni bonnes ni mauvaises, sinon entant qu'elles sont employees au bien ou au mal; les dens, c'est a dire les sens qui maschent toutes les viandes qui doivent entrer en l'estomach de l'entendement; les levres et le parler, c'est a dire les pensees qui, en façon de paroles interieures, produisent des discours insensibles; les joües sont les deux puissances raysonnables, qui sont l'entendement et la volonté; le col, la force irascible qui rechasse et repousse les empeschemens; les mammelles sont les deux actions de la concupiscible: suivre le bien, fuyr le mal.

  A026000377 

 Les intentions doivent estre simples, pures et interieures, sans qu'on puisse dire que l'une soit au dehors et l'autre au dedans, et qu'elles soyent louches et diverses: Tes [25] yeux sont de colombe, sans ce qui est caché au dedans..

  A026000378 

 Les affections ne doivent estre esparses, mais serrees et unies comme un troupeau sous la houlette du souverain Pasteur: Tes cheveux sont comme des troupeaux de chevres qui viennent du mont Galaad..

  A026000379 

 Les sens doivent estre gardés comme en prison, ainsy que les dens sous les levres, ou comme brebis nouvellement lavees; et leurs jumeaux, c'est a dire l'apprehensive et l'appetitive, se doivent tenir rangees et reglees: Tes dens sont comme troupeaux de brebis fraischement tondues qui retournent du lavoir, chacune avec deux jumeaux, et pas une d'elles n'est sterile..

  A026000380 

 Les pensees doivent estre si bien accommodees que toutes les conceptions soyent teintes au sang du Sauveur, et les paroles et discours pleins de douceur et prouffit pour le prochain: Tes levres sont comme une bande de couleur pourprine et ton parler est bien doux..

  A026000382 

 L'irascible sera si vaillante contre les tentations qu'on pourra dire: Ton col est comme la tour de David, bastie avec des boulevars; mille boucliers sont pendus en icelle et toutes sortes d'armes pour les hommes fortz. Et quant a la concupiscible, elle aura son desir du bien et sa fuite du mal si simples qu'on pourra dire: Tes deux mammelles sont comme deux faons de chevres que l'on fait paistre entre les lys..

  A026000383 

 En fin l'Espoux qui, des son Ascension, est allé a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens, au Ciel, a la dextre du Pere, comme il l'avoit predit (Devant que le jour decline et que les ombres s'abbaissent, j'iray a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens), il loüera l'ame, disant: Tu es toute belle, o ma bienaymee, et il n'y a pas une petite tache en toy; et l'invitera de passer de la Hierusalem militante a la triomphante, disant: [26] Viens du Liban, mon espouse, viens du Liban, viens, et promettra les couronnes et sieges dont furent chassés les demons: Tu seras couronnee du haut du mont Amana, du coupeau de Sanir et d'Hermon, des sieges des lions, des montaignes des leopars..

  A026000385 

 L'intention estant bien dressee avec le desir, les mammelles de la concupiscence seront bien ordonnees: Que tes mammelles sont belles, ma seur, mon espouse! tes mammelles sont plus belles que le vin.

  A026000385 

 Les exemples en seront de bonne odeur: L'odeur de tes parfums est par dessus toute composition aromatique; les pensees et paroles seront tres devotes et douces: Tes levres sont un rayon de miel qui distille, ce qui est dessous ta langue est lait et miel; les actions seront tres exemplaires: L'odeur de tes vestemens est comme l'odeur de l'encens..

  A026000386 

 Disons ainsy: les actions appartenantes a une ame sont interieures ou exterieures; les exterieures se font par le commandement des interieures.

  A026000386 

 Et quant aux interieures, il faut qu'elles soyent serrees en Dieu sans que le monde les voye; c'est pourquoy il dit: Un jardin clos est ma seur, mon espouse, elle est un jardin clos et fermé; elle est une fontayne scellee.

  A026000387 

 De la part de Dieu, qu'il chasse la bize des tentations et qu'il envoye le vent du midy de sa grace prevenante, disant: Fuys, Aquilon, et viens, o Midy, souffle en mon jardin, et les odeurs d'iceluy s'espandront; de la part de l'ame, qu'elle accepte ceste grace et coopere, disant: Que mon Bienaymé vienne en son jardin, et qu'il mange du fruict de ses pommiers..

  A026000392 

 Elle voudroit bien advancer, mais la peyne l'espouvante; et si l'Espoux l'appelle derechef, elle se leve pour aller a l'orayson, neanmoins avec resistance de la partie sensitive qui la prive du goust et fait qu'a peyne peut elle penser que Dieu soit avec elle, et, comme il advient a ceux qui sont extremement las, elle dort en veillant: Je dors, mays mon cœur veille. [28] Puys, se tournant vers son Espoux qui heurte a son cœur: C'est la voix de mon Bienaymé qui heurte, et l'excite affin de luy ouvrir et commencer de nouveau son orayson: Ouvre moy, ma seur, ma bienaymee, ma colombe, ma toute belle, et, avec un quatriesme degré d'orayson, medite un peu ma Passion: Tu trouveras que j'ay le Chef plein de la celeste rosee de mon sang, et les cheveux sanglans des nocturnes pointures des espines: Car mon chef est plein de rosee et mes cheveux entortillés sont tout trempés des gouttes des nuictz..

  A026000393 

 L'ame voudroit bien obeyr, mays la lassitude luy fait desirer un peu de repos; ce qui luy fait dire: J'ay despouillé ma robbe, comme la revestiray je? J'ay lavé mes pieds, comment les saliray je? Tres doux Jesus, nonobstant ceste resistance vous ne laisses pourtant de faire instance pour entrer; et, comme avec la main d'une plus forte inspiration, il semble qu'il veuille luy mesme, sans cooperation, oster le verrou de la sensualité qui luy fait empeschement, et entrer par le pertuis du cœur: Mon Bienaymé a mis la main par le pertuis.

  A026000394 

 Elle passe au second degré, des choses spirituelles et angeliques: Les gardes qui entourent la cité m'ont trouvee; mais quand elle compare leur promptitude avec sa paresse, elle demeure transpercee de douleur: Ilz m'ont battue et navree. Et, qui est le pis, si elle entre au troysiesme degré, a considerer soy mesme en son ordre vers Dieu, elle opere la mesme resistance; dont elle se desplaist a soy mesme, et luy est advis que sa face est trop laide en comparaison de celle des Anges, et que, par maniere de dire, ilz luy ostent tout son lustre: Les gardes des murs m'ont osté mon manteau.

  A026000398 

 L'ame donques, degoustee par le travail de l'orayson, doit s'addresser a des personnes spirituelles et les prier de l'ayder a trouver son Espoux: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, que si vous trouves mon Bienaymé, vous luy disies que je languis d'amour pour luy; et elles, sçachant la necessité, la mettront sur le discours des qualités de l'Espoux: Quel est vostre Bienaymé, o belle entre les femmes, que, pour luy, vous nous aves si fort adjurees?.

  A026000398 

 L'orayson vocale, ou plustost les devis spirituelz servent de remedes a l'ennuy du travail; ainsy void on celuy qui par maladie a perdu le goust et appetit, changeant de viande le recouvre, et qu'es Congregations contemplatives on entrejette des colloques spirituelz aux oraysons.

  A026000399 

 Il est comme une blanche colombe qui a en soy tous les dons du Saint Esprit, representé par les yeux: Ses yeux sont comme des colombes sur les rivages des eaux, que l'on a lavees de laict; le Saint Esprit, appellé en autre façon riviere, non par mesure, mais avec toute plenitude luy est donné: et resident es pleins cours des eaux. Partant, si tu contemples ses exemples, comme les joues pleines, ouvertes et mises a la veüe de tous, aussi odoriferantes que vases pleins de parfums aromatiques, ilz se font sentir de tous costés: Ses joües sont comme parterres de fleurs aromatiques que les parfumeurs mesmes ont plantés.

  A026000399 

 Parce que la charité, chef des vertus, se peut dire estre d'or en luy, c'est a dire tres pretieuse: son chef est un or tres pur et tres bon; et les graces et benefices qui, comme cheveux innombrables, en procedent, sont les premiers fruictz des palmes et noires comme corbeaux; ce sont les effectz de la victoire qu'il eut en l'arbre de la Croix, si dignes d'estre admirés, comme le noir en un cheveu: Sa cheveleure est comme branches de palmes hautes et touffues, noire comme un corbeau.

  A026000399 

 Ses miracles sont telz qu'il semble que de ses mains coulent et tombent abondamment les jacinthes: Ses mains sont anneaux d'or pleins de jacinthes..

  A026000405 

 Et pour ce, puisqu'elle connoist qu'il a tous-jours esté avec elle et y est encor a present, elle dit: Je suis a mon Bienaymé, et mon Bienaymé est a moy, qui se repaist entre les lys.

  A026000405 

 Et si les personnes avec qui elle est veulent poursuivre et luy disent: Ou est allé vostre Espoux, o la plus belle entre toutes les femmes? ou s'est il destourné? et nous le chercherons avec vous, elle ne veut plus les entretenir; mays, reconnoissant qu'encores que les travaux luy fissent sembler que son Espoux se fust retiré bien loin, neanmoins il ne s'en estoit pas allé, au contraire, il estoit tous-jours demeuré avec elle comme en son jardin ou comme en un cabinet de parfums; et, tirant de la plus grande occasion de inerite, elle peut dire qu'il en a cueilli des lys tres odoriferans: Mon Bienaymé est venu en son jardin, au parterre des fleurs aromatiques, pour repaistre aux jardins et y cueillir des lys.

  A026000405 

 Tandis que l'ame discourt de Dieu en son humanité, les goustz luy reviennent et est contrainte de s'escrier: Helas! sa gorge est tres souëfve et il est tout a fait a desirer; tel est mon Bienaymé, et il est mon tres cher, o filles de Hierusalem.

  A026000406 

 Je voudrois, en ma nature qui est ma mere, avoir quelque rareté et que l'on en dist: Elle est unique a sa mere, elle est choysie a celle qui l'a engendree. Je voudrois que l'on peust encores dire: Voyla celle que les filles ont veuë et ont dit estre tres heureuse; les reynes et les concubines l'ont loüee de son innocence, estant sortie de la nuict du péché.

  A026000406 

 Qui est celle ci qui marche en devotion, comme fait l'aurore quand elle se leve; belle comme la lune; de prudence et bonne eslection, choysie comme le soleil; et finalement d'invincible force, terrible comme les escadrons d'une armee bien rangee?.

  A026000407 

 Mais, outre cela, l'ame adjouste: Ou aves vous esté, mon Seigneur, qu'il m'a semblé que vous m'avies laissee, quand le travail et la fatigue ne me permettoit pas que j'eusse du goust? — J'ay esté, respond il, en toy mesme qui es mon jardin, et y ay esté avec plus de prouffit pour toy que je n'y eusse esté si, du premier coup, je t'eusse donné des goustz, te donnant occasion de meriter, dont j'ay tiré de mon jardin un plus grand fruict de merite: Je suis descendu au jardin des noyers pour voir les pommiers des vallees, et regarder si la vigne estoit fleurie et si les grenades avoyent germé..

  A026000408 

 Que beny soyes vous donques, o Seigneur, respond l'ame, qu'en telle façon, me faisant accroire que vous esties absent, vous m'aves donné occasion de meriter, et m'aves fait faire en peu de tems plus de chemin que les carrosses [33] des princes; et par ce, puisque je n'ay sceu que vous esties avec moy, je peux dire que mon ame m'a troublee a cause des chariotz d'Aminadab..

  A026000413 

 Et ce n'est pas asses que la personne spirituelle extenue ce qui est en soy: Que voyes vous en ceste Sulamite, sinon compaignies d'armees? car, ce nonobstant, ceux qui la voyent, la louent de ses pieds et façons de marcher, c'est a dire de l'obeyssance avec laquelle ilz voyent que ceste ame garde les commandemens de Dieu: Que tes pas sont beaux en leur chausseure, o fille de prince! de sa chasteté spirituelle, qui fait reconnoistre que Dieu y coopere: Les jointures de tes cuisses sont comme joyaux mis en œuvre de la main d'un bon ouvrier; d'une riche pauvreté, qui n'a jamais besoin d'aucune chose: Ton nombril est comme un hanap rond, qui n'a jamais besoin de breuvages; des jeusnes qui, remplissans le ventre de pain seulement, couronnent l'ame de beaux et riches lys: Ton ventre est comme un monceau de froment environné de lys; de l'estude des deux Testamens: Tes deux mammelles sont comme deux faons jumeaux d'une chevre; de la force: Ton col est comme une tour d'ivoyre; de la prudence: Tes yeux sont comme les piscines d'Hesebon qui sont a la porte de la fille de la multitude; d'une justice exacte: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas; de la maistrise des affections et conformité a la volonté de Dieu, conneüe par les canaux de la revelation: Ton chef est comme le mont Carmel, et tes tresses [34] comme pourpre royale qui n'est pas encor tiree de la teinture..

  A026000414 

 Les necessiteux, ou d'esprit ou de cors, disent: Je monteray sur le palmier et prendray de ses fruictz, et tes mammelles seront comme grappes de raysins; et pour ses bons exemples on luy dit: L'odeur de ta bouche est comme celle des pommes; pour les bonnes paroles: Helas! dit on, ta gorge est comme un vin tres bon a boire, digne de mon Espoux, et d'estre savouré de ses levres et de ses dens.

  A026000418 

 Or, les fruictz de la solitude sont quattre..

  A026000419 

 Premierement, on se resveille mieux a l'examen de la conscience: Levons nous du matin pour aller aux vignes; voyons si la vigne est fleurie, si les fleurs porteront du fruict, si les grenades sont fleuries; secondement, on y fait une plus entiere resignation de la faculté concupiscible et de ses desirs: La, je te donneray mes mammelles; tiercement, la devotion croist: Les mandragores ont rendu leur odeur; quatriesmement, on y presente plus humblement a Dieu nos petitz merites passés et presens: J'ay serré pour toy, o mon Bienaymé, au dedans de nos portes, toutes sortes de fruictz, vieux et nouveaux.

  A026000424 

 Mays entre les fruictz de la solitude, cestuy ci est eminent, qu'on y peut considerer plus aysement Dieu comme Dieu: ce qui fait user a l'Espouse de ces deux paroles, seul et hors; c'est a dire, hors de toute creature: Qui te donnera a moy, mon frere, sucçant les mammelles de ma mere, et que je te trouve dehors, tout seul? Consideration qui fait saintement affoler les hommes, les fait danser devant l'Arche; d'ou vient que jusques a ce que l'ame soit arrivee a l'affection du mespris de soy mesme, elle a tous-jours quelque honte: c'est pourquoy elle desire la solitude, affin, dit elle, que je le bayse sans que personne nous voye..

  A026000425 

 O Dieu, quand nous serons en la vraye mayson et en la vraye chambre de la nature humaine, qui est au Ciel, quand je te meneray en la mayson de ma mere et en la chambre de celle qui m'a engendré, la je verray tout ce qui appartient a mon bonheur comme en un miroüer; la tu m'enseigneras, et quand tu auras tiré de moy, pour ma felicité, le vin de la vigne et le moust des grenades, la gloire essentielle et accidentelle (et je te donneray d'un breuvage de vin composé, et du moust de mes grenades), et voyla les goustz qui arriveront, voyla les extases, voyla les sommeilz des puyssances; de façon que l'Espouse sacree demande des oreillers pour dormir: qu'il mette sa main gauche dessous ma teste, et qu'il m'embrasse de sa main droitte. L'Espoux aussi, de son costé, tasche de faire qu'elle ne soit point esveillee: Je vous adjure, filles de Hierusalem, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000429 

 Les flammes et les feux sont glacés au prix de son amour: Ses lampes sont lampes de flammes et de feux; la mer ne les sçauroit esteindre: Toutes les eaux ne sçauroyent esteindre la charité, ni tous les fleuves ne la noyeroyent pas.

  A026000430 

 Quant aux louanges qui luy sont donnees, l'ame ne s'en soucie point, pour ce qu'elle dit dedans soy: Quelles sont ces ames impàrfaittes qui, n'ayans aucun bien propre, [37] veulent s'embellir de parures externes? Mes petites seurs, c'est a dire les ames imparfaittes, sont celles qui doivent penser a cela, car elles n'ont point de mammelles d'elles mesmes, de propres vertus et merites: Nostre petite seur n'a point de mammelles; que ferons nous a nostre petite seur au jour qu'il faudra parler a elle? En elles, on peut suppleer le defaut avec louanges estrangeres, tout ainsy que si on couvroit d'argent un mur crevé et corrompu, et de cedre un huys qui seroit pourry: Si c'est un mur, bastissons dessus des boulevars d'argent; si c'est un huys, renforçons le d'ais de cedre; mays, moy bien heureuse, dit l'ame, je me soucie fort peu de plaire aux hommes, mon Espoux m'ayant faitte comme un mur tel et comme une tour telle, que je suis fort playsante et aggreable: Je suis un mur, et mes mammelles comme une tour, dont je suis faitte, trouvant repos et paix devant luy..

  A026000431 

 Au reste, nul soin d'elle mesme ne la peut destourner: peu de chose, dit l'ame, est necessaire a qui veut vivre en la paix de Nostre Seigneur et avec modestie; mille pieces d'argent ou quelque autre grand prix est chose de trop petite valeur: L'homme qui a la paix en soy a une vigne en laquelle sont des peupliers; il l'a baillee a des gardes, et on luy rend pour les fruictz d'icelle mille pieces d'argent.

  A026000431 

 Et moy, dit l'ame, je n'ay point affaire de tant de choses: Ma vigne est devant moy autant que mille pacifiques; au contraire, je veux encor donner deux cens pour aumosne a ces pauvres, qui, avec leurs oraysons, nous gardent nos biens: et deux cens a ceux qui gardent les fruictz d'icelle; au reste, estant abstraitte de toutes les choses sensibles, je ne veux que pas une d'elles puisse me distraire ou me troubler..

  A026000431 

 Suyvent les choses sensibles et temporelles, contre lesquelles l'ame parfaitte, en l'orayson mentale a pris une telle habitude que, les tenant pour viles et de petit prix en comparayson de son riche object, elle n'en fait estime que tant qu'elles peuvent modestement servir a la necessité.

  A026000432 

 Et finalement, si nous voulons passer aux playsirs mondains: Je sçay, dit l'ame, que mon Espoux ne veut endurer des compaignons, et qu'avec les consolations qu'il me donne [38] il ne veut pas que je mesle les consolations qu'autres que luy me pourroyent donner; ains il me commande que, me resveillant, et me resignant du tout a luy avec une claire et ouverte protestation, je renonce a tous autres espoux: Toy qui habites es jardins, tes amys t'escoutent; fais moy ouÿr ta voix.

  A026000432 

 Non plus, le monde ni ses playsirs, non plus aucune chose mortelle; o Dieu, mon Dieu, vous seul estes mon Bienaymé, vous seul estes tout mon bien, c'est vous seul que je cherche: Fuys, c'est a dire viens, mais accours legerement, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les mons des bonnes senteurs.

  A026000449 

 L'Etude sur les Vertus, que nous allons reproduire, fut imprimée pour la première fois par Blaise, en 1833, à la fin du tome XVI des Œuvres de saint François de Sales, Opuscules inédits.

  A026000449 

 Plusieurs passages sont cependant restés inédits jusqu'ici; nous les signalerons sur place..

  A026000450 

 262, 263 de notre tome V. Pour cette raison, les éditeurs donnèrent à l'Appendice du Traitté le passage en question, et un autre qui se voit au même volume, pp.

  A026000450 

 Mais aujourd'hui, après nouvel examen, nous croyons devoir publier en entier ce qui nous est parvenu du Manuscrit sur les Vertus, et répéter pour cela les deux fragments que nous venons de signaler, d'autant plus que le Saint y fait plusieurs allusions.

  A026000451 

 On ne lira pas sans intérêt, peut-être aussi avec une sorte de pieuse indignation, une partie de l' Avertissement que Blaise a mis en tête de ce « Fragment » et que les éditeurs suivants ont reproduit en entier.

  A026000452 

 Se trouvant à Annecy dans les premiers jours de juillet, il eut l'honneur de présenter ses respects à M. de Thiolaz, alors évêque de cette ville, pour lequel il étoit porteur d'une lettre de recommandation, accompagnée d'aumônes offertes pour faciliter à ce prélat la continuation de la nouvelle église destinée à recevoir les reliques de saint François de Sales et de sainte Chantal..

  A026000455 

 Le possesseur du fragment ne s'en regardant plus dès lors que comme le dépositaire, ne tarda pas à remplir les vues du donateur..

  A026000456 

 Des portions notables de l'autographe enrichirent successivement les séminaires d'Avignon, de Viviers et de Verdun.

  A026000457 

 A plus d'un siècle de distance, la plupart des propriétaires des fragments autographes ont changé; nous les signalerons à mesure que nous les rencontrerons dans les pages qui vont suivre.

  A026000458 

 291-321; ce qui persuade que cet écrit sur les Vertus est de la même époque..

  A026000458 

 60-62 ci-après, un passage touchant les vœux de Religion et la simple Oblation qui rappelle la Præface pour l'instruction des ames devotes donnée au tome précédent, pp.

  A026000458 

 Saint François de Sales voulait y insérer les « Meditations des offrandes, prises des Regles de la Visitation; » or ces Méditations sont enchâssées dans le Manuscrit des Constitutions daté de juillet-septembre 1613 (voir le tome précédent, notes (1487), (2114), pp.

  A026000459 

 Les références marginales en italiques distinguent celles qui ont été mises par le Saint.

  A026000466 

 Apres tout le discours de la force de la charité pour l'annoblissement des vertus, il faut mettre la methode d'employer la charité a cela, et il faut mettre les Meditations des offrandes, prises des Regles de la Visitation.

  A026000466 

 Cela soit pour les actions frequentes, ordinaires et qui ne peuvent estre preveües, car celles qui peuvent estre preveiies il les faut dedier specialement et purifier l'intention, et si elles durent, renouveller souvent, de peur du change.

  A026000466 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.

  A026000470 

 En ce second paradis mystique, Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, de laquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatre parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A026000471 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A026000471 

 Et puis ces quatre fleuves se separent en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines soyent bien addressees par la rayson a l'honnesteté et felicité naturelle.

  A026000472 

 Et d'autant que ces vertus qui fluent de la charité comme de leur source sont superieures aux quatre vertus cardinales, si elles les rencontrent en quelqu'ame elles les reduysent a l'obeissance de la charité, se meslent avec elles et les perfectionnent, comme le vin perfectionne l'eau avec laquelle il se mesle. Que si elles ne treuvent point de vertus naturelles en l'ame ou la charité les produit, elles suppleent a leur defaut; y ayant cette difference entre le meslange du vin et de l'eau et celuy des vertus infuses et acquises, que le vin seul est meilleur que l'eau, ou les vertus infuses estans seules, ne sont pas si bonnes comme quand elles sont meslees avec les acquises, la grace ne destruisant point la nature, ains la perfectionnant sans qu'elle perde rien de sa force.

  A026000472 

 La comparayson estant meilleure de l'odeur des roses, sur laquelle les autres odeurs, en l'affinant s'affinent elles mesmes, quoy que plus excellentes qu'elle; [45] dont on employe ou les roses, ou l'eau rose, ou le jus de rose en presque toutes les eaux odorantes: car ainsy les vertus morales, saintes, perfectionnent les vertus naturelles, et en les perfectionnant s'en affinent elles mesmes et agissent plus excellemment avec icelles que sans icelles.

  A026000474 

 gnome, un'habileté de bien juger, discerner ou choysir selon la rayson, le droit et l'equité contre les paroles et le sens des loix, par la consideration et connoissance de l'intention et sentiment du legislateur ( Ipsæ etiam leges cupiunt, etc.) et pour des motifs extraordinaires, pour lesquelz, si le legislateur les eut præveu, il eut fait un'exception a la loy; la varieté des occurrences humaines estant si grande que jamais on ne peut prescrire l'ordre convenable pour toutes..

  A026000474 

 synesis, l'habileté de bien juger sur la diversité des advis, selon les loix, façons et coustumes establies entre les hommes; le 3.

  A026000475 

 (Il faut parler de la prudence de la chair et de la prudence de l'esprit, et descrire l'une et lautre, et les degrés de l'une et de lautre.

  A026000479 

 (La proposition est notable: l'amour fait juger.) Le peintre Androcides le tesmoigna ayant a peindre les fameux escueilz de Sylle et Caribde; car il employa tout son art a representer au naturel, apres le vif, les poissons autour de ces bancz, par ce quil en estoit fort friand, et le reste il le peignit fort grossierement.

  A026000479 

 Les advis [d'un] ........., [d'un] avare, d'un voluptueux ont accoustumé [d'être fort] panchans a la faveur de la passion qui domine; et l'amour, comme estant le poids et contrepoids de l'horologe de nostre ame, il nous fait juger en faveur du bien quil affectionne.

  A026000482 

 Or la prudence de la chair porte nostre entendement a bien observer ce quil faut faire pour jouir des biens utiles et delectables a la vie charnelle, et pour eviter les empeschemens contraires a cette jouissance.

  A026000482 

 Or, les degrés de la prudence de la chair sont: l'astuce, qui n'est autre chose qu'une habileté pour faire, imperceptiblement et par des moyens inconneus ou conneus, reuscir les mauvais desseins (Ne cheminans pas en astuce, dit le saint Apostre, II Cor., IV, apres qu'il avoit dit: Ayant rejette les cachettes de honte, c'est a dire honteuses, parce que l'astuce use de certaines cachettes et secrettes menees, lesquelles estans descouvertes sont honteuses a ceux qui les employent, leur ostent tout credit et authorité); le dol ou tromperie, qui est l'effect et execution de l'astuce, [et] s'appelle fraude quand il est commis par voye d'oeuvre; l'empressement apres les biens mondains et la sollicitude des moyens de vivre a l'advenir..

  A026000483 

 Ce serpent se fourre ça et la dans la terre, il se glisse partout; quand il ne peut mordre, il pique de la queue; il va en l'eau et en la terre, il va tous-jours en biaysant; les gens voués a Dieu n'en sont pas exemptz, ni les Israelites au desert.

  A026000483 

 Ces prudences sont maintefois emmi les cœurs religieux, comme Pline dit que vers les Indes, au royaume de Suzerat, il y a une herbe d'odeur pretieuse, qui neanmoins est toute couverte de petitz serpentaux et extremement veneneux; car vous verres, Philothee, maintes personnes religieuses et devotes qui ont une prudence extremement active et soigneuse pour les proces, pour les honneurs, pour les rangs, pour amasser et, en somme, sous pretexte de certains devoirs imaginaires, de certain zele sophistiqué et de certaine charité artificieuse..

  A026000483 

 Et il ne se peut dire, ma chere Philothee, combien cette prudence de la chair est subtile, combien d'inventions elle a pour se fourrer dans les cœurs des mortelz, combien de pretextes et de moyens.

  A026000483 

 On se moque de la simplicité, et chacun veut estre estimé prudent; on colore cette ardeur qu'on a de nourrir les commodités de la chair, par mille moyens.

  A026000484 

 Or vous connoistres si la prudence est prudence de la chair, en ce qu'elle eschauffe et donne des ardeurs cuysantes [48] et pressantes: ainsy, les serpenteaux qui piquoyent les Israelites es desertz, estoyent des serpens enflammés, c'est a dire desquelz les piqueures donnoyent des inflammations mortelles a ceux qui en estoyent blessés. Mays la prudence de l'amour sacré est douce, tranquille, et tellement meslee de simplicité qu'il n'y a rien en elle d'empressé ni d'affecté; et en somme, qui veut guerir de toutes les ardeurs du soin, de la sollicitude immoderee et de la precipitation, il faut regarder l'image du serpent eslevé au desert, c'est a dire Nostre Seigneur, qui n'est pas pecheur, mays qui porte l'image du pecheur, sur la croix, et estre prudent de sa divine prudence..

  A026000485 

 Ceux qui servent le monde, qui a tout propos cherchent des recompenses, ilz ont besoin d'user de finesses; mais ceux qui servent Dieu n'ont point de plus grande finesse que la simplicité qui les fait marcher en confiance..

  A026000485 

 L'amour humain va par tout cherchant des moyens pour obtenir ce qu'il ayme, et parce que les moyens sont divers et que bien souvent il les ignore, il s'empresse et a une sollicitude incroyable: il veut de l'argent pour paroistre, il veut des belles paroles, il veut des belles contenances, il veut des reputations, il craint les corrivaux.

  A026000485 

 L'amour ne tendant qu'en Dieu a une prudence simple, innocente et toute pure, car en toutes ses affaires il met sa confiance en son Sauveur qui le deslivrera; il ne mesprise pas les moyens humains, mays il ne se confie nullement en iceux.

  A026000486 

 Il est vray qu'en ce que les philothees sont philanthropes et qu'il faut qu'ilz servent les hommes, ilz ont besoin d'une sainte prudence, mays prudence que l'amour leur suggere admirablement.

  A026000487 

 Le grand saint Augustin, au livre De Moribus Eccles., c. 15, monstre que les 4 vertus cardinales et toutes vertus ne sont autre chose que l'amour de Dieu qui fait tout en nous.

  A026000487 

 Que si la vertu, dit il, nous conduit a la vie bienheureuse, j'asseureray que la vertu n'est nullement autre chose sinon le souverain amour de Dieu; car « ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre, on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: dont je ne feray nul doute de definir en cette sorte ces quatre vertus (desquelles comme les noms sont en la bouche d'un chacun, ainsy pleut a Dieu que l'efficace fut es espritz!), de maniere que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droitement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choysit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuysible.

  A026000488 

 Et certes, Philothee, bien que la prudence soit une vertu qui guide et qui, par consequent, tient entre les actions des vertus le lieu que la lumiere corporelle [tient] entre les oeuvres artificielles, en sorte que comme ceux qui travaillent sans lumiere sont sujetz a mille fautes, comme ceux qui veulent exercer les vertus sans la sainte discretion font des pechés et des grandes nullités (comme le grand saint Anthoyne declara en la conference quil eut avec ses autres Peres du desert, ainsy que raconte Cassian, qui dit que la prudence selon l'Evangile estoit l'œil et la lampe de tout le cors ); si est ce neanmoins, Philothee, que nul n'est estimé prudent pour sçavoir ce qu'il faut eviter et choysir, sil n'est diligent a le bien executer.

  A026000488 

 Et par ce que nous savourons par la volonté et l'amour, saint Augustin a eu rayson de dire que la prudence chrestienne n'estoit autre chose sinon un amour discernant le bien d'avec le mal; comme sil eut dit, par les paroles du Prophete, que la prudence estoit une manducation amoureuse ou un savourement du beurre et miel spirituel, c'est a dire des suavités divines, par le moyen duquel on sçait rejetter et repreuver le mal et eslire le bien convenable a s'unir a Dieu..

  A026000488 

 Si que, encor que l'arbre de la prudence ayt ses racines en l'entendement, il a neanmoins ses fleurs et ses fruitz de la volonté, mesme [51] selon les philosophes, qui pour cela tesmoignent que nul ne peut estre prudent sil n'est bon.

  A026000489 

 Aussi vous voyes les enfans de Dieu si sages, et neanmoins si simples, que c'est merveilles..

  A026000489 

 Cette prudence domine heureusement en l'ame, et assaisonne toutes les vertus d'une sainte discretion et d'une sacree simplicité non pareille, car elle ne s'estend qu'a plaire a Dieu et estre utile au prochain.

  A026000489 

 Ceux qui ont divers amours ont aussi diverses prudences, car il faut une sorte de prudence pour acquerir les honneurs, un'autre pour acquerir les richesses, un'autre pour acquerir les playsirs; mais l'ame qui ne veut que Dieu n'a besoin que d'une simple et pure prudence, qui, non point par discours, mais par l'experience de la bonté de Dieu, sçait discerner le bien et le mal.

  A026000490 

 Ainsy les lievres, les renars et les cerfs, race couarde entre les animaux, ont une prudence si diverse et des ruses en si grand nombre que c'est merveilles; le lion, au contraire, l'elephant, le thoreau vont droit et sans finesse, et leur prudence consiste en leur vaillance et vertu.

  A026000490 

 Les enfans de Dieu sont comme cela: leur sagesse est toute simple, ronde, franche, car l'amour qui les gouverne ayant reduit toutes choses a son obeissance les fait marcher selon luy; et, comme dit saint Hierosme, Nostre Seigneur veut que nous soyons prudens non pas pour l'offensive, mais pour la defense: prudens comme le serpent, pour n'estre point deceuz; simples comme la colombe, pour ne point tromper personne..

  A026000491 

 Ne t'appuye point sur ta propre prudence, dit le Sage; et les Anciens ont dit que le plus heureux estoit celuy qui de soy est sage; lautre apres, celuy qui escoute et croid le sage..

  A026000492 

 Aussi Nostre Seigneur veut que nous soyons comme petitz enfans: or, les petitz enfans n'ont point de plus grande finesse que de se tenir entre les bras de leur mere, en quoy ilz establissent toute leur richesse..

  A026000492 

 La prudence amoureuse se confie tout en Dieu, elle le prie; elle fait fidelement ce qui est requis, par fidelité, mais elle attend l'issue bonne de son Amant; elle cherche le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste luy est adjousté. Aussi saint Paul desire que les Philippiens soyent simples, c'est a dire ronds, francz et sinceres, comme sont les vrays enfans de Dieu, et loüe les Macedoniens dequoy leur profonde et tres haute pauvreté avoit abondé es richesses de leur simplicité, c'est a dire de leur confiance en Dieu, qui leur ostoit toute apprehension [53] de s'appauvrir trop en donnant leurs moyens, eux estans des-ja asses pauvres.

  A026000495 

 En somme, ou la prudence est amour, ou elle depend de l'amour et est servente de l'amour qui la fait marcher devant la trouppe de toutes les vertus; comme nostre Seigneur, qui estoit assis sur le propitiatoire, c'est a dire sa majestueuse presence, faysoit marcher la colomne de nuee et de feu devant le peuple d'Israel comm'une guide, ainsy que nous voyons les grans faire porter les flambeaux devant a (sic) eux a leurs pages, pour servir de guide a leurs pas et de ceux qui les suivent, et le phanal aux navires..

  A026000498 

 Mays au l. 19 de la Cité, chap. 21, il declare plus amplement que c'est que la justice, disant que c'est une « vertu qui rend a chacun son droit, » c'est a dire ce qui luy appartient et luy est deu: si que, parlant chrestiennement et joignant les deux passages de saint Augustin en une seule intention, nous pouvons dire que la justice n'est autre chose que l'amour de Dieu entant que par iceluy nous avons une constante et perpetuelle volonté de rendre a chascun ce qui luy appartient.

  A026000498 

 » Ou il faut noter quil parle de la justice legale ou dominante, qui est es Princes et Roys, lesquelz doivent servir a Dieu seul, et pour le service de Dieu, « dominant droittement » sur les peuples par des loix equitables, par la distribution raysonnable et bien proportionnee des estatz et offices, par l'administration de la correction et vangeance des [54] fautes et crimes qui se commettent en la republique.

  A026000499 

 Et de la dependent toutes les parties et especes de la religion qui sont celles ci:.

  A026000499 

 Or cette protestation se fait interieurement, par les actes propres de nostre volonté qui se sousmet et fait reconnoissance a la divine Majesté, et par tous les autres actes qui rendent tesmoignage de nostre sousmission; et exterieurement, par des actes par lesquelz nous declarons cette sousmission.

  A026000500 

 C'est cette crainte chaste et sainte qui persevere es siecles des siecles; car si bien les saintz ne craignent pas d'offencer Dieu, car ilz sont asseurés de vivre a jamais en sa bienveuillance, si est ce que l'inestimable estime quilz font de l'excellence divine fait qu'ilz reverent sa divine Majesté, et ont un'aggreable et amoureuse apprehension de sa grandeur, qui les tient en une continuell'attention soigneuse et leur donne un soin perpetuellement attentif a bien exalter la divine Bonté: qui est la crainte dont il est dit que « les puissances tremblent » devant sa Majesté, c'est a dire, elles ont un soin de l'honnorer et l'estiment avec tant d'admiration et de vive attention comme si elles craignoyent de mesprendre; car, autant que sa bonté les asseure que jamais ilz ne manqueront, sa majesté les provoque a l'attention et au soin et reverence.

  A026000500 

 Car c'est elle qui fit prendre le soin a saint Abel de prendre le meilleur de ses trouppeaux pour offrir a Dieu, comme la nonchallance contraire fit que Cain choysit le moindre; [56] c'est elle qui fit tumber en terre Daniel et les autres Prophetes a moytié mors devant la majesté de Dieu; c'est elle qui fait qu'emmi les tressaillement et plus grandes consolations nous tremblons et craignons d'estre devant une si grande majesté; c'est elle qui fait que les Seraphins mesme voylent leurs yeux et leurs pieds, comm'indignes de regarder Dieu et de s'arrester pres de luy; c'est elle qui fait dire a David: Te decet hymnus silentium in Syon, car la grand'estime de la perfection divine fait qu'on n'ose pas en parler, crainte d'en parler peu convenablement.

  A026000500 

 Et cette sainte affection se respand generalement en toutes les œuvres de religion, et est contraire a la negligence et peu d'estime des choses divines, et au manquement d'attention de la veneration que nous devons apporter de la grandeur de l'excellence que nous servons et honnorons.

  A026000500 

 La reverence, qui est un des actes procedans de la religion, et n'est autre chose qu'une certaine vive apprehension et juste crainte de ne se pas bien comporter, et manquer d'honneur et de respect envers Dieu et les choses divines; et de cett'apprehension procede un soin particulier de rendre le plus exactement quil se peut toute sorte de tesmoignage de l'estime que nous faysons de la majesté et eminence de Dieu et de nostre vileté et bassesse, et de la disproportion quil y a entre nous et Dieu.

  A026000501 

 Or cette reverence interieure nous fait prosterner extérieurement, demeurer sur les genoux, faire des abbaissemens de cors, tenir les yeux en terre, les mains jointes, porter les voyles sur nos yeux, vestir le sac et le cilice; elle nous empesche de toucher les choses sacrees qu'avec beaucoup de preparation et de protestation de nostr'indignité, elle nous fait confesser nos miseres et la grandeur de Dieu..

  A026000502 

 Et par ce que ceux ci, par l'excellence et ferveur quilz ont en la Religion, se sont devoiiés et dediés a l'unique profession de servir Dieu et vacquer a son amour, on les a nommés specialement Religieux par apres..

  A026000503 

 Et passant plus avant, par ce qu'entre ceux qui se dedient a l'unique service de Dieu, les uns le font par des simples oblations qui se font par maniere de protestation et declaration d'une volonté absolue et resolue, comme font la pluspart des Oblatz de saint Ambroyse, les Dames de la Tour des Miroüers de la Congregation de sainte Françoise a Romme, les vierges de Sainte Ursule, et comme faysoient les hommes et femmes du Tiers Ordre de Saint François, les Peres de la Congregation de l'Oratoire, et plusieurs tressaintes societés que Dieu a grandement benies et illustrees de plusieurs Saintz et Saintes, comme de sainte Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele de Foligni, de sainte Elizabeth d'Ongrie, saint Elzear, saint Ives, sainte Françoise (et en nostr'aage, du B. P. Philippe Nerius), sainte Geneviefve.

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux acceptés par l'Eglise pour establir une personne en l'estat que nous appelions [59] regulier, soit que telz vœux soyent solemnelz, soit qu'ilz soyent simples, comme ceux des coadjuteurs formés de la Compaignie du nom de Jesus..

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux qui sont voirement appreuvés de l'Eglise, mais non pas pourtant acceptés [ni] appliqués pour mettre la personne qui les fait en l'estat que l'on appelle regulier: telz sont tous les vœux qui se font par les personnes seculieres, voire mesme ecclesiastiques, encor bien que ce seroyent les vœux de pauvreté, chasteté et obeissance, quand ilz sont faitz sans estre acceptés par quelqu'Ordre qui ayt le pouvoir ou l'establissement de rendre ses membres reguliers.

  A026000504 

 Or est il vray que tous les vœux, autant les simples que les solemnelz, ceux qui se font en la profession reguliere et ceux qui se font hors d'icelle, obligent egalement devant Dieu, sans qu'il y ait nulle difference; en sorte que qui viole les vœux simples il est autant perfide et sacrilege, a rayson du vœu, comme celuy qui viole les vœux solemnelz. Mais pourtant, ceux qui violent les vœux solemnelz, ou simples, mais de Religion, pechent plus griefvement que les autres, a rayson du scandale qui s'en ensuit, [qui] est plus grand: outre que, par l'establissement du droit, ilz peuvent estre apprehendés et chastiés, ne pouvans ni contracter legitimement ni rien acquerir entre les hommes, tandis quilz sont dans les liens du vœu; la ou ceux qui ont fait les vœux purement simples ne sont pas rendus inhabiles a contracter et acquerir entre les hommes, quoy que devant Dieu et en conscience ilz soyent autant perfides en ce faysant que les autres..

  A026000505 

 Or, d'autant que ceux qui par vœu se sont obligés aux Religions appreuvees se sont non seulement liés de l'obligation consciencieuse et devant Dieu, mays aussi d'un'obligation civile, ecclesiastique et devant les hommes, non seulement sous des peynes eternelles, mais aussi temporelles; non seulement pour estre redevables et obligés en conscience, mays pour estre contraintz en effect a l'observation des vœux: partant on leur a donné specialement le nom de Religieux, et a leurs Congregations le nom de Religions, a cause de ce lien par lequel, outre le commun lien des Chrestiens, ilz se sont reliés au devoir de la poursuite de la perfection par les trois vœux propres a [60] l'obtenir, et de rechef encor, reliés pour la sousmission aux peynes et astrictions ecclesiastiques en cas de contravention et infraction des vœux..

  A026000506 

 Comm'aussi celles qui par des vœux particuliers et purement simples se sont liees devant Dieu a l'obeissance, pauvreté et chasteté; car si bien elles ne sont pas moins liees devant Dieu que les Religieux, neanmoins, en la police exterieure de l'Eglise et en ce qui en depend, les Religieux le sont beaucoup davantage.

  A026000506 

 Et quant aux autres personnes qui ne sont liees que par les simples oblations (qui est un lien de reverence, respect et verité; car c'est un'irreverence de ne point observer ce que l'on a protesté, quoy que non voué de faire, devant un si grand Roy et pour son service, bien que ce ne soit pas contre la fidelité, n'y ayant eu aucune promesse), elles ne sont pas appellees Religieuses si absolument, ains seulement devotes et dediees a Dieu.

  A026000509 

 L'isle Halonesus avoit esté aux Atheniens, mais les pirates la leur occuperent; sur lesquelz Philippe, Roy de Macedoine, l'ayant prise, les Atheniens la luy demanderent, et il consentit de la leur donner, mais non pas de la rendre; au contraire, les Atheniens ne la vouloient pas prendre, mais reprendre.

  A026000510 

 Ce n'est pas, Philothee, que Nostre Seigneur ne se soit constitué debteur envers nous des recompenses immortelles, si nous observons ses commandemens, et quil ne die souvent que non seulement il nous les donnera, mais quil les nous rendra: Mon Pere, dit il a celuy qui priera en son nom, te le rendra; et l'Apostre, parlant de la coronne de gloire: laquelle, dit il, en ce jour la advenir le juste Juge me rendra.

  A026000512 

 C'est pourquoy il est appellé advocat, car les advocatz, a proprement parler, ne font des requisitions qu'en vertu du droit des parties, et implore la justice et l'equité, non la misericorde ni la grace; et en cette qualité d'advocat il montre les tiltres et les droitz pour lesquelz les graces luy sont deües, qui ne sont autres choses que ses playes, tiltre pour lequel le Pere eternel est obligé de favoriser tous ceux qui obeissent a son Filz.

  A026000512 

 En quoy les uns et les autres ont eu rayson: car il demande sans doute a son Pere les benedictions que nous recevons, et sa demande n'est pas priere quant a ce quil demande, car ce quil demande luy est deu par justice; mais elle ressemble pourtant a la priere, par ce qu'il ne demande [64] pas avec moins de reverence, d'humilité et de sousmission que si ce qu'il demande ne luy estoit pas deu..

  A026000512 

 Mays quant a Nostre Seigneur, estant au Ciel et ayant achevé toutes les œuvres par lesquelles il a merité aux Anges et aux hommes la grace et la gloire, il demande a son Pere toutes les benedictions que nous recevons, par droit de justice, comme les ayant acquises par son sang.

  A026000512 

 Or, par ce que ses demandes sont fondees en droit et justice, plusieurs grans personnages (Greg. Naz., Orat. 36, 53 et 54) ont dit qu'a proprement parler Nostre Seigneur ne prioit plus maintenant quil est au Ciel, selon que luy mesme l'affirme disant: Je ne dis pas que je prieray mon Pere; mays par ce que neanmoins il demande en qualité d'advocat et que, comme les advocatz, il demande avec un infini respect et une reverence incomparable, plusieurs aussi ont dit quil prioit.

  A026000514 

 Mays, outre ces trois parties de l'orayson, il y a la louange de Dieu, en laquelle nous employons une partie des Heures canoniales; il y a aussi l'action de grace pour les benefices receus, et l'offrande et sousmission de nous mesmes a Dieu: lesquelles parties sont principalement fondees sur la vertu de religion, par laquelle nous sommes portés a rendre a Dieu l'honneur et gloire qui luy est deüe, entant qu'elle luy est deüe; comme aussi l'adoration accompaigne tous-jours l'orayson, car personne ne prie Dieu qu'il ne l'adore..

  A026000515 

 Or, l'adoration est la plus eminente espece d'honneur que l'on puisse rendre a qui que ce soit; dont saint Augustin a dit que « les hommes sont appellés dignes de service et venerables, mays que si on veut beaucoup adjouster a cela, on les appelle encor adorables.

  A026000516 

 Et puysque vous estes homme, faites luy l'hommage pour tous les hommes, qui n'ont ni asses de cœur ni asses de force pour s'abbaysser si profondement qu'il seroit requis devant une si infinie Essence.

  A026000516 

 Nous prononçons telles ou semblables paroles, du plus profond de nostre esprit, ou si nous ne les prononçons pas, nous en avons le sentiment: Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées.

  A026000516 

 O si je pouvois m'abbaysser jusques dedans l'abisme du neant duquel vous m'aves tiré, pour mieux faire hommage a vostre infinie authorité et reconnoistre de vostre liberalité l'estre que vous m'aves donné! O Anges, desquelz les affections sont plus grandes et fortes que les miennes, hé! secoures mon imbecillité et adores pour moy cette couronne eternelle de la gloire de mon Dieu, de la plus profonde adoration que vous puissies exercer.

  A026000516 

 Or, entre toutes les adorations il y en a une qui est hors de toute comparayson; car l'honneur se donne en contemplation de l'excellente vertu de quelqu'un, et l'adoration se donne non pour la vertu entant qu'elle est excellente, mays pour l'excellence entant qu'elle nous est [incompréhensible] a cause de son infinie grandeur et profondité, et laquelle, comme dit Anastase, Evesque de Theopolis, est l'emphase et sureminence de tout honneur: qui est l'adoration deue a Dieu, et que non seulement les hommes, mays aussi les Anges ont commandement de luy rendre; et ce n'est autre chose que la plus grande, juste et profonde sousmission [65] et reconnoissance spirituelle que nous puissions faire a la supresme et, pour dire ainsy, incomprehensible sursouveraine Majesté et superiorité de Dieu.

  A026000517 

 Telles ou semblables sont les actions interieures et essentielles de l'adoration; differentes des actions de l'humilité [66] en cela seulement, que nous adorons en reconnoissance de l'eminence et majesté devant laquelle nous nous prosternons en esprit et a laquelle nous nous sousmettons, mays nous nous humilions en reconnoissance de nostre bassesse et vileté.

  A026000519 

 Ilz avoyent dix coudees de haut et leurs aysles cinq de longueur, parce que les Anges administrans ou servans ont charge de regarder et garder l'Eglise, et partant ilz ont leurs affections misericordieuses comme d'olive; et, sans laysser leur contemplation beatifique, laquelle est sur le propitiatoire, ilz estendent leurs secours et exercent promptement leur charité envers les murs de Hierusalem, de l'Eglise, envers la mayson et famille de Dieu.

  A026000519 

 Ilz ont dix coudees de hauteur, pour cooperer avec les hommes aux œuvres des dix commandemens; et leurs deux aysles sont de mesme, parce qu'a cet effect ilz prient devers le Sanctuaire et inspirent devers les peuples.

  A026000519 

 Les autres deux Cherubins estoyent de boys d'olive doré, et regardoyent devers la porte du Sanctuaire, ayant chacun une de leurs aysles estendue sur l'Arche et le propitiatoire, et l'autre estendue jusques a la paroy du Sanctuaire.

  A026000521 

 Et par ce que nos parens sont des appartenances plus proches de nos pere et mere, et que toute la parentee semble estre un seul arbre a diverses branches esquelles toutes un mesme sang, commune mesme seve, joint et sustente, partant la pieté s'estend encor a eux; comm'aussi, par ce que les alliés et amis de nostre patrie sont comme ses appuys et mainteneurs, nous les cherissons aussi par pieté..

  A026000522 

 Et par ainsy, les enfans sortent des Religions, quoy quilz soyent profes, pour secourir leurs peres et meres quand ilz sont, je ne dis pas en extreme, mais en grande necessité, quand sans sortir ilz ne peuvent leur procurer d'ayde et de soulagement..

  A026000522 

 Or, le devoir de pieté s'estend a tous les offices qui se peuvent legitimement rendre, soit en honneur, soit en service, mais sur tout a sustenter et servir nos pere et mere en leurs necessités: obligation qui passe si avant, que nous ne pouvons pas mesme faire aucun vœu qui nous puisse empescher de rendre ce devoir; et si nous l'avons fait, il ne nous tient pas liés de ce costé la, ains, nonobstant iceluy, nous pouvons et devons rendre ce devoir originaire de pieté auquel la nature nous oblige.

  A026000523 

 En quoy nous donnons les premiers rangs a nos gouverneurs et princes spirituelz; car l'authorité et [68] pouvoir quilz ont estant surnaturel et leur gouvernement tendant a une fin surnaturelle, le devoir de sousmission et service que nous leur avons a cette consideration est surnaturel, religieux et purement pieux..

  A026000525 

 C'est pourquoy elle est meilleure que les victimes par ce que les victimes sans obeissance ne sont pas aggreables a Dieu, oui bien l'obeissance sans victimes, et par ce que les victimes ne sont aggreables sinon comm'elles sont commandees.

  A026000525 

 Obeissance, vertu admirable, qui nous rend toutes les actions des vertus aggreables, qui establit la justice en paix et donne la victoire en la guerre.

  A026000526 

 C'est pourquoy il faut rendre, sil se peut, plus que l'on n'a pas receu, comme font les chams fertiles qui produisent plus de graines incomparablement qu'on n'en a jetté dedans leur sein: car si vous ne rendes que le mesme, c'est plustost une restitution de rigueur qu'une gratitude d'affection et d'amour; et en cela vous ne rendes pas bienfait pour bienfait, car si vous ne rendes que ce que vous aves receu, il [70] n'y a point de bienfait de vostre part.

  A026000526 

 Je dis selon les occurrences, car l'empressement et precipitation a contrechanger un bienfait tesmoigne un esprit qui se deplait d'estre debiteur a son bienfacteur.

  A026000526 

 que selon les occurrences et nostre pouvoir nous rendions bienfait pour bienfait.

  A026000527 

 Il y a une vertu que l'on appelle juste vangeance, a laquelle il appartient de punir les meschans et malfaiteurs, par ce qu'il est raysonnable qu'ilz reçoivent de la peyne pour leurs coulpes et que, par ce moyen, il se face quelque reparation de la faute commise et du tort qui a esté fait au prochain, soit par maniere de dommage qu'on luy a porté, soit par maniere de scandale ou de mauvais exemple.

  A026000528 

 Nous pouvons celer nos sentimens quand il en est tems, mais si nous les voulons exprimer, nous le devons faire fort veritablement et ne point mentir..

  A026000530 

 Or, puisque les signes sont ordonnés pour exprimer les choses, nous nous devons cela les uns aux autres, de ne nous point decevoir par iceux, les employant a signifier le mensonge et ce qui n'est point..

  A026000530 

 Si je raconte ce que Virgile dit de Junon, d'Œneas et de Priamus, il suffit que je die selon ce que ma memoire me fournit et que je pense estre vray; car, qu'importe-il quand je dirois bien une chose pour une autre en chose si frivole? Mais si je raconte les miracles de Nostre Seigneur ou de Moyse, ou mesme d'autres histoires desquelles la verité importe a l'establissement de nostre foy, je suis obligé d'estre grandement sur mes gardes a ne rien dire qu'en verité.

  A026000530 

 Si je raconte comme un seigneur ou une dame estoit (sic) vestus en telles occasions, pourveu que je die selon ce quil m'en semble il suffit; mays si je raconte leurs actions, par lesquelles on peut discerner silz ont esté vertueux ou non, je dois estre plus discret et parler avec plus d'asseurance de la verité: car le mensonge n'a jamais aucun juste usage, c'est tous-jours un abus, pour utile qu'en soit la consequence; et n'en est pas de mesme comme de l'hellebore, car bien que nos cors puissent estre gueris par le tourment des medicamens, les espritz le doivent voirement estre par le tourment de la tristesse et repentance, mais non jamais par la coulpe.

  A026000532 

 La suave amitié est une vertu differente de l'affabilité, car elle se prend a un chacun, pour inconneu quil soit; mays l'amitié ne se fait qu'avec privauté et familiarité, car c'est une reciproque et manifeste affection par laquelle nous nous souhaitons et procurons du bien les uns aux autres, selon les regles de la rayson et de l'honnesteté: dont j'ay parlé ailleurs, en l' Introduction et au livre de l' Amour du prochain..

  A026000533 

 affection des richesses, ne permettant pas qu'on les prise plus quil ne faut, et par consequent nous porte a les despenser et employer volontier et librement quand il est convenable, affin que d'un costé nous ne soyons pas avares, soyt a ramasser et acquerir trop ardemment les biens de ce monde, soit a les retenir trop chichement, et que d'autre part nous ne soyons pas prodigues, donnant a gens indignes, comme sont les flateurs, bouffons, joüeurs, ni pour choses frivoles et vaines.

  A026000534 

 Ainsy donq, les loix veulent que par droit on les modere..

  A026000534 

 La loy dit: Chommés les jours de feste, ouyes la sainte Messe; le fœu cependant se prend a la mayson, ne l'esteindray-je donq pas? Si faites, car la loy n'a pas entendu de vous obliger en ce cas la; vous feres bien un autre jour la feste et ouires bien un autre jour la Messe, mays vous ne sçauries eviter ce grand dommage si vous n'y travailles maintenant.

  A026000534 

 Mays sur tout ce qui regarde la justice, il y a une vertu que nous appelions œquité, qui empesche que la justice ne soit pas injuste et que le droit ne se change pas en injure; c'est cette prudence qui modere les loix inferieures par les superieures, en sorte que une loy cede a l'autre selon que la rayson requiert et que le legislateur mesme le diroit sil voyoit l'estat present des affaires.

  A026000538 

 de ne se plaire que fort sobrement entre les honneurs, pour grans et relevés quilz soyent; 2.

  A026000538 

 estre egalement [modéré] dans l'adversité et les prosperités; 3.

  A026000538 

 fuir les menus et inutiles.......... et convenables; 4.

  A026000539 

 Et en fin, nous evitons la pusillanimité ou decouragement, par lequel [75] nous fuyons les grandes actions, les grans honneurs et les grans offices pour la trop grande apprehension que nous avons de la grandeur, n'estimans pas nos forces asses dignement et selon leur mesure; car, comme les presomptueux entreprennent indiscrettement outre leur pouvoir, les pusillanimes n'entreprennent pas selon leur pouvoir, ains laissent une partie de leurs forces inutiles, faute de cœur pour les employer..

  A026000540 

 De la magnanimité depend la magnificence, qui nous porte non aux actions grandes des vertus, mays aux grans et somptueux ouvrages qui requierent force despence; car cette vertu nous les fait entreprendre genereusement, destournant d'un costé une certaine sotte affection de despence par laquelle on fait des frais inutiles et outre la bienseance, et d'autre costé une certaine vileté d'esprit par laquelle on n'esgale pas la despence a la dignité et bienseance de l'ouvrage qu'on entreprend..

  A026000541 

 Apres, vient la tressainte patience, par laquelle nous moderons les tristesses et fascheries qui nous arrivent des maux ordinaires en cette miserable vie mortelle: la mort des parens et amis, les bannissemens, les pertes, les maladies, les injures et opprobres, et autres sortes d'afflictions de la vie mortelle ...........

  A026000541 

 de la vie, parce que les maux de la mort et les craintes horribles pour la mort doivent estre surmontés par la force, comme il a esté dit.

  A026000542 

 Et tant la patience que la longanimité sont requises, affin que d'un costé nous evitions l'insensibilité, qui n'est autre chose qu'une certaine stupidité et brutale lourdise par laquelle, comme si nous avions nos sens assoupis, nous ne sentons aucune douleur ni tristesse de maux, et par consequent sommes hors de tout sujet de patience; et d'autre costé, que nous evitions l'impatience, par laquelle nous ressentons immoderement les afflictions et contradictions..

  A026000543 

 Ainsy, au chemin de la vertu, deux choses nous lassent: la duree et continuation de mesm'exercice, et contre cet ennuy nous avons la vertu de perseverance; et les autres difficultés et resistances, comme sont les oppositions des hommes, nostre foiblesse, les murmurations, les remonstrances de ceux qui sont de contraire opinion, [77] et toutes autres telles [choses] contre lesquelles la constance nous arme: en sorte que nous ne sommes ni opiniastres et aheurtés pour continuer et vouloir poursuivre chose quelconque contre rayson; ni inconstans et legers pour nous laisser vaincre a la duree et longueur du tems requis a nostre entreprise; ni molz, tendres ou delicatz de courage pour nous laisser surmonter aux autres difficultés..

  A026000543 

 Deux choses nous lassent en un chemin: la longueur et esgalité, car, comme dit Aristote, on se plait plus en un chemin ou il y a par fois des [inégalités] et varietés, qu'en un chemin tous-jours uni et sans diversité, et les pierres, les ronces, les fossés, les fanges et autres difficultés.

  A026000544 

 Et aussi, le martir est parfaitement conforme a Nostre Seigneur, qui tesmoigna sa charité non attaquant ses ennemis et les mesprisant, mays souffrant la mort, joint que celuy qui meurt en se defendant, comme font nos Chevaliers de Saint Jean de Hierusalem contre le Turc .........................................................................................................

  A026000544 

 Or, entre toutes les actions de force, il n'y en a point de comparable a celle de nos Martyrs chrestiens: gens invincibles et invariables entre les plus divers et espouvantables tourmens qu'il est possible d'imaginer, qui ont combattu contre les tyrans pour confirmer les plus excellentes vertus de toutes, entant que Nostre Seigneur les a enseignees, et combattu par la seule volontaire souffrance, qui les rend tant plus vaillans en toute façon.

  A026000545 

 La force sert de boucle a la crainte pour la moderer, la temperance modere les joyes, la prudence les douleurs et la justice les desirs..

  A026000547 

 Et lhors, elle ne peut bonnement se relever a l'objet intelligible et s'attacher si fermement par amour a Dieu; car sa force et puissance amoureuse, ou aymante, ou affective, s'escoulant et dissipant par les sens aux choses sensuelles, elle est d'autant plus foible et alangourie pour les choses superieures et spirituelles.

  A026000548 

 Mays parce qu'entre tous les sens il y en a deux qui sont plus grossiers, brutaux et impetueux en leurs actes, et qui par consequent dissipent et divertissent plus furieusement et desbordent la force affective de nostre ame, c'est a sçavoir l'attouchement et le goust (qui, comme dit Aristote, n'est presque qu'un certain attouchement par lequel nous nous appliquons immediatement aux objectz les plus grossiers), partant la temperance modere les playsirs et voluptés de ces deux sens principalement, bien qu'elle regie aussi les autres playsirs, soit interieurs ou exterieurs, entant que par iceux la force affective pourroit estre mise en desordre et dissipee contre la juste rayson.

  A026000548 

 Or j'ay dit qu'elle les modere, parce que nostre nature, composee de cors et d'ame, ayant besoin des playsirs sensibles, soit pour la conservation particuliere de chasque personne, soit pour [79] la conservation de l'espece et race humaine, ce seroit egalement dementir la rayson et violer ses loix, de vouloir estre sensuel en s'appliquant demesurement aux voluptés des sens.

  A026000550 

 Et Aristote dit que tout animal est triste apres iceluy, hormis le coq; mais l'homme plus que tous les animaux, comme ayant en iceluy perdu la rayson.

  A026000550 

 Mays l'autre, qui s'appelle intemperance, est le grand vice du monde, par lequel on desire les playsirs sensuelz outre mesure et sans discretion; et c'est le vice qui attira le deluge, qui fit perdre les quatre cités et les fit fondre et en somme c'est le vice le plus infame et vilain, comme dit Aristote, qui nous rend pareilz aux bestes brutes, assoupit l'usage de la rayson et, comme dit Hippocrate, le plus vehement de tous ces playsirs sensuelz n'est autre chose qu'une epilepsie passagere.

  A026000551 

 Or, d'autant que les playsirs du goust et des autres sens sont donnés a nostre nature pour servir a la conservation de chasque particulier, la regie d'en bien user c'est, comme dit saint Augustin, d'en prendre autant que la necessité de la vie humaine et des offices d'icelle le requiert.

  A026000552 

 Mays si l'on prætend de chastier, corriger et moderer cet appetit en sorte qu'on puisse avec une grande liberté d'esprit vaquer a Dieu, et en somme ramasser et recueillir toutes les forces de son amour pour les employer en la dilection du souverain Bien, alhors on retranche tout a fait a l'appetit charnel toutes les actions auxquelles il tend, et on le reduit a la parfaite et absolue chasteté, que l'on appelle cælibat parce que, selon saint Hierosme, que (sic) c'est quasi une celeste beatitude d'estre hors du commerce de la chair pour estre plus attentif a celuy de l'esprit; conformement a ce que dit le grand Apostre, I. Cor. 7.

  A026000553 

 Mays, Philothee, cela ne s'entend pas en sorte que les personnes mariees ne puissent pas estre tout entierement a Dieu aussi bien que les continens et vierges: car [combien de mariés] y a-il eu en l'Eglise, d'une tres eminente sainteté, [plus grande même que celle de] beaucoup de vierges et continens?.

  A026000554 

 Aussi l'Apostre ajoute: Or, je dis ceci four vostre [ utilité, non point pour vous enlacer ] ..................... [bien que le cœur] de la personne mariee ayt ramassé tout son amour pour Dieu, rapportant parfaitement a Dieu l'amour mesme et les actions de son mariage, si est ce que, au moins, le cors est un peu divisé, distrait et alteré par les passions et sentimens necessaires a l'estat nuptial, avec quelque sorte de messeance.

  A026000554 

 C'est pourquoy, quant a la substance et essentielle perfection de l'amour celeste, les mariés en peuvent avoir tout autant, et voire plus que les vierges et parfaitz; mais quant a la bienseance, dignité et honnesteté exterieure, les continens et les vierges les devancent tous-jours.

  A026000555 

 Ah! non, c'est une vertu hardie, genereuse, active, ains qui fait une continuelle guerre contre le plus fascheux ennemi qu'on ayt, duquel elle reprime voirement les actions, mais non pas .......................................................................................

  A026000557 

 Mais la sainte pudicité est comm'une sentinelle qui, descouvrant quelques actions, contenances ou paroles contraires a la chasteté et a [la] pureté, donne l'alarme au cœur, qui, comme pour armer les frontieres, envoye de la chaleur et du sang au visage.

  A026000557 

 Vertu marque de naturel honneste, qui ne peut pas mesmement souffrir les signes de la deshonnesteté ni en soy ni es autres.

  A026000558 

 Or, la premiere resolution de resister aux passions sensuelles, s'appelle continence simple, selon les scholastiques et Aristote; et lhors que cette resolution, se fortifiant par l'exercice, devient parfaite, elle s'appelle temperance et chasteté: car la continence est semblable a celuy qui a pris charge de domter un cheval; la temperance et chasteté, a celuy qui l'a des-ja façonné et domté.

  A026000559 

 A la temperance est attachee la mansuetude, qui manie et modere l'ire et la cholere pour la retenir dans les bornes de la rayson; car l'ire estant bien conduite est bonne, et la mansuetude a cette charge, qui neanmoins n'en use que fort rarement et seulement autant quil faut pour faire roydir le courage es occasions ou il faut vaincre, surmonter et chastier.

  A026000559 

 Nostre Seigneur, en S t Marc, 3, regarda les Scribes et Pharisiens avec indignation et cholere, mais l'effect ne fut autre chose que de guerir ce pauvre perclus, malgré leur obstination: ainsy nostre cholere ne se doit estendre qu'a vaincre les difficultés qui s'opposent aux bonnes œuvres, affin que nous les facions nonobstant les contradictions..

  A026000560 

 Et tous-jours faut il prendre garde au bien publiq, selon lequel c'est quelquefois une grande clemence d'user de rigueur et severité, quand le chastiment des meschans est requis pour tenir les autres en bride et les gens de bien en asseurance: dont saint Thomas dit que la severité n'est pas contraire a la clemence, ains est une vertu qui sert a la rayson quand il n'est pas convenable d'user de clemence..

  A026000562 

 L' honnesteté est une certaine vertueuse affection que nous avons de rejetter tout ce qui est contraire a la beauté, proportion, bienseance et ornement de nostre conversation et de toutes les actions qui en dependent, tant interieures qu'exterieures.

  A026000563 

 La sainte humilité, qui est la plus petite et neanmoins la plus necessaire de toutes les vertus, n'est autre chose qu'une volontaire profession et reconnoissance de nostre vileté et abjection en ce qui, en nous, [est] de nous mesme.

  A026000566 

 En somme, a mesure que nous descendons par l'abjection et mespris de nous mesme et vraye estime de nostre neant, nous remontons par l'estime de Dieu et de ses dons; et c'est cette sainte vertu qui supprime la fause estime de nous mesme produite par l'amour propre, affin que nous [87] estimions plus les graces de Dieu, tant en luy, qu'au prochain, qu'en nous mesme..

  A026000567 

 Mais par ce que la sainte humilité est une vertu qui nous regarde principalement, nous pratiquons l'humilité seulement en nous mesme et sur nous mesme; car, quant aux autres, nous la prattiquons envers eux et non en eux ni sur eux: c'est pourquoy nous ne regardons pas en eux ce quilz sont d'eux mesme, mais ce quilz sont en Dieu, et partant nous les estimons grandement, et non pas nous.

  A026000568 

 Il y a encor une vertu qui range nostre esprit en l'estude et appetit de connoistre les choses, affin que nous ne desirions sçavoir que ce qui est convenable, comm'il est convenable et autant quil est convenable, et pour la fin convenable, en sorte que nous evitions d'un costé, la curiosité qui nous porte au desir [de] sçavoir ce qui ne nous appartient pas, ou d'autre façon quil n'appartient, ou plus qui' n'appartient, ou pour autre intention quil n'appartient, et d'autre part, la negligence qui, par une contraire extremité, nous destourne d'apprendre ce qui nous est necesre et convenable.

  A026000569 

 Celle ci est suivie de la modestie, qui modere nostre maintien, nos mouvemens, gestes et actions exterieures, et les reduit a la vraye bienseance, selon la varieté des personnes, des lieux, des tems et des affaires; a la charge, dit le grand saint Ambroyse, l. I. Off., c. 18, qu'il ny ait rien d'affecté, car tout ce qui est fardé desplait; et sil y a quelque defaut en la nature, il le faut corriger par le soin, en sorte que l'on voye l'amendement, mais pur et sans artifice.

  A026000569 

 Et c'est cette vertu que le saint Apostre desire es Evesques, quand il dit que l'Evesque doit estre orné (I. Tim., 3. v. 2.), ainsy que saint Theodoret, Evesque de Cyr, (et communement les Docteurs, apres saint Thomas, in ejus locum ) l'interprete; par ce que le principal ornement, parement et embellissement de la personne depend de l'honnesteté et bonne grace, et bienseance de son maintien et mouvement..

  A026000574 

 Elle a esté, de toute eternité, preveuë, regardee et preclestinee pour estre Mere de Jesus; et, comme telle, ell'a esté plus aymee elle seule que tous les hommes et tous les anges ensemble..

  A026000578 

 Dans le Ciel, toutes les vierges suivront l'Aigneau; mais en terre, quelz admirables vierges sont Marie et Joseph, que l'Aigneau suit luy mesme!.

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000584 

 O Mere de vie, que faysies vous en ce triste Calvaire qui estoit un lieu d'agonie et de mort? L'amour severe du Pere eternel s'appliquoit a vostre ame, affin que par la douleur mortelle que vostre cœur endura, vous fussies la premiere martyre de l'Eglise naissante et la Reyne souveraine de tous les Martyrs..

  A026000586 

 Le Filz est mort par la force de sa passion amoureuse pour les ames, et Marie par sa dilection compatissante..

  A026000588 

 Helas, o Vierge sainte, les larmes de vostre divin Enfant dans la cresche n'estoyent que des douces rosees, mais celles de sa sainte Passion sont des torrens et des mers d'amertume.

  A026000588 

 Vostre cœur douloureux et amoureux offroit les unes et les autres au Pere eternel, sçachant bien que [91] c'estoyent les larmes d'un Dieu qui devoyent produire des joyes eternelles aux enfans de salut..

  A026000589 

 Elle estoit pasmee sans pasmer; car si l'extremité de la douleur l'affoiblissoit, la force de l'amour la soustenoit, et ne voyant les horreurs de la mort de son Filz que dans les beautés de son amour, son ame sainte eut d'esgaux mouvemens d'amour et de douleur.

  A026000589 

 Les uns et les autres estoyent insoustenables a la nature, et Marie fust esgalement morte d'amour et de douleur au pied de la croix de son Filz mort, si la grace de ce mesme Filz ne l'eust soustenue..

  A026000591 

 La sacree Vierge, eslevee a la dextre de son Filz, [est] la Generale des armees de Dieu, la Gouvernante du royaume de l'Eglise, la Mere de toutes les saintes familles, le Refuge de tous les coeurs.

  A026000591 

 Qu'apres son Filz nous luy disions: O Sainte Vierge, les yeux de tous les croyans sont fixés sur vostre majesté; nous attendons le secours de vos graces, et si vous ouvres vos mains liberales, nous serons tous remplis de benedictions.

  A026000613 

 Si les hommes vouloyent, ilz gousteroyent en ce monde les felicités des Espritz celestes et n'auroyent point besoin, dit un ancien, de chercher d'autre paradis que celuy qui se rencontre en la societé civile, laquelle, par la vertu de charitable union, ne feroit qu'une seule mayson de celles qui sont separees en ce monde.

  A026000614 

 Quelle injustice de [94] demander d'estre absous de toutes les fautes que l'on fait, et vouloir condamner les plus petites des autres! Je n'ay encores veu personne qui se soit mal treuvé de dire du bien de son prochain.

  A026000614 

 Qui ne regardera pas son prochain saintement, charitablement et avec pitié, ou avec le respect qu'il luy doit comme chrestien, par ce commencement il gastera toutes les parties de son ame: de la il deviendra superbe, insolent, envieux, barbare, et ne retiendra plus aucun trait de l'image de Dieu..

  A026000615 

 Combien de voleurs y a-il dans les forestz qui serviroyent mieux Dieu que moy, s'ilz en avoyent receu autant de graces? Combien de miserables seroyent plus spirituelz que je ne suis, si Nostre Seigneur leur avoit donné le loysir d'estudier et le moyen de le connoistre? Regardons les differences qui se sont treuvees entre saint Pierre et Salomon: l'un fut meschant, l'autre le plus sage de son tems; le mauvais se fit sage, et le sage devint insensé.

  A026000615 

 Judas eut des commencemens de sainteté plus accomplis que ceux qu'on se pourroit figurer en la personne qu'aujourd'huy nous estimons la plus parfaitte; saint Paul en eut de pires et fut plus cruel persecuteur de l'Eglise de Jesus Christ que le plus eschauffé tyran de ce siede ne l'est a nos pauvres freres qui sont parmy les infideles: celuy qui estoit Apostre et l'un des plus cheris de Dieu, se rendit le plus malheureux du monde; et celuy qui ne valoit rien devint le meilleur et le plus ardent defenseur de l'Evangile..

  A026000615 

 S'il nous semble que nous sommes meilleurs que ceux desquelz nous parlons, il y a asses de tems pour leur ceder la place, ilz rempliront peut estre nostre siege dans les Cieux; ilz se releveront de nostre cheute, et nous enseveliront sous leurs vielles ruines, car Dieu est puissant pour leur donner la main quand ilz sont tombés.

  A026000616 

 Heureux celuy qui vit tous-jours en crainte et qui, estant occupé en la consideration de ses propres defautz, n'ouvre point les yeux pour regarder les vices des autres.

  A026000616 

 Les animaux d'Ezechiel se portoyent devant leurs yeux et [95] ne marchoyent qu'en devant: ainsy les gens de bien ne considerent que leurs imperfections, et les meschans ne vont que derriere eux pour suivre a la piste les actions d'autruy.

  A026000621 

 [Il devroit] ressembler aux pasteurs, qui paissent les aigneaux, encores qu'ilz ne leur donnent ni laict ni laine.

  A026000622 

 Et comme en une chambre particuliere l'on panse les malades honteux, l'on met le feu et le fer a des playes, l'on tire le tronçon d'une espee du ventre ou la basle du cors, en cette façon le Superieur, apres avoir reconneu la disposition de ceux avec lesquelz il traitte, doit entrer plus avant, et leur tirer de l'ame des vielles habitudes, et par la representation des horribles conditions du peché, apporter le fer et le feu d'enfer ou les legeres saignees ne servent de rien.

  A026000622 

 Et en effect, il y a des meschans dont les exces pour estre passés en coustume treuvent que le repentir est un crime, l'amendement lascheté et l'innocence une honte et une pure niayserie..

  A026000622 

 Ilz doivent s'accommoder avec ceux qui les viennent visiter, comme saint Jean, lequel n'ordonnoit aux soldatz qui le venoyent treuver au desert sinon de garder les commandemens de Dieu.

  A026000622 

 L'abord des personnes qui commandent doit estre comme l'entree de la boutique d'un chirurgien, ou l'on ne fait que relever la moustache, anneler les cheveux et faire la barbe.

  A026000623 

 On ne se doit point tant embrouiller la teste d'advis ni en multiplicité de conseilz; les livres sont plus croyables et moins interessés que ceux en qui nous avons confiance, et il faut prendre garde que les autres se trompans ne nous abusent aussi, et ne sortent d'avec nous comme la guespe, apres avoir laissé son aiguillon.

  A026000627 

 Il disoit qu'on devoit en Religion remedier aux plus petitz murmures; car, comme les grans orages se forment de vapeurs invisibles, les grans troubles viennent de causes fort legeres..

  A026000628 

 Aux mutineries des peuples, on leur permet quelque chose semblable a ce qu'on tire des cabinetz pour appaiser les enfans qui pleurent; aussi tost qu'ilz ont cessé de pleurer, on le leur oste, et s'ilz recommencent a crier pour le ravoir, au lieu de confitures on prend une petite verge..

  A026000629 

 Rien ne perd tant les Ordres que le peu de soin qu'on [98] apporte a examiner les espritz de ceux qui se jettent au cloistre.

  A026000630 

 Ceux qui prennent ce parti par un despit d'avoir un courage haut avec une basse fortune, apportent plus de desordre parmi les cloistres que de bon ordre en eux.

  A026000631 

 Il vaudroit mieux n'avoir que deux Maysons en tout l'Ordre, que de les estendre avec des voyes de prudence humaine; car tost ou tard les fondemens qui sont sur le sable et ne seront pas en la pierre de Jesus Christ, feront tomber tout l'edifice..

  A026000633 

 J'aymerois mieux que les cloistres fussent remplis de tous les vices que du peché d'orgueil et de vanité; parce que, avec les autres offences, on peut se repentir et obtenir pardon; mais l'ame superbe a dans soy les principes de tous vices, et ne fait jamais penitence, s'estimant en bon estat et mesprisant tous les advis qu'on luy donne.

  A026000633 

 Voules vous que je vous die ce qu'il m'en semble, Madame? L'humilité, la simplicité de cœur et d'affection, et la sousmission d'esprit sont les solides fondemens de la vie religieuse.

  A026000641 

 Pic, oyseau, fait des trouz dans les arbres pour y habiter; si on y met des coins, il les fait sortir par la vertu d'une certaine herbe.

  A026000642 

 [100] Es mons d'Italie, une certaine herbe deferre les chevaux.

  A026000644 

 Les cors mors touchés du scordium ne pourrissent jamais.

  A026000645 

 [Matthioli, Epitre, p. 4.] L'herbe apellee par les Scithes hippice, fait le mesme effect es chevaux; dont lesdits Schites passent 12 jours sans manger.

  A026000647 

 Le suc de minais cuit en eau guerit soudainement la morsure des serpens si on les en fomente; et ceux qui [101] touchent ce mesme suc espandu par l'herbe, ou qui en sont arrousés, meurent sans aucun remede.

  A026000651 

 En Elephantine, region d'Etiopie, croist l'herbe ophiusa, livide, horrible a voir; beüe, fait quil semble avoir devant les yeux menaces des serpens et choses espouvantables, dont ceux qui en ont beu se tuent eux mesmes; dont anciennement on contraignoit les sacrileges d'en boire.

  A026000653 

 Theangelis, au Liban de Sirie: qui en boit, prædit les choses futures.

  A026000655 

 Appian Alexandrin escrit que les Parthes, mis en fuitte par Marc Anthoine, pressés de la faim, ont trouvé une certaine herbe que, qui en mange, oublie tout et [102] n'entend qu'a tirer tous-jours des pierres de terre; et meurent ainsi en la peine.

  A026000657 

 Mise sur les endiablés, ilz sont soudainement delivrés.

  A026000658 

 Achemenides jettee en l'armee des ennemis les fait trembler et fuir.

  A026000659 

 Lote d'Egipte: ses fleurs et sa tige sur le soir se plongent en l'eau jusques a la minuit, le tout s'en allant au fons sans qu'on la puisse attaindre de la main; puis, peu a peu, se redresse et retourne, les fleurs s'epanoüissent et les testes s'ouvrent et se treuvent bien loin de l'eau.

  A026000664 

 Desmoulins, l. II, c. LVII,] qu'aussi tost quilz oyent les instrumentz ilz perdent leur mal, et sautent et dansent comme silz estoyent sains; si les sonneurs d'instrumentz cessent, ilz tumbent en terre et reprennent leur mal, sinon quilz ayent des-ja tant sauté que le venin soit sorti par sueurs; si que on loüe des menestriers qui, les uns apres les autres, sonnent jusques a ce quilz soyent gueris.

  A026000664 

 Venin de la tarantole, ainsy nommee pour Tarante, ville de la Poüille, fait que les piqués chantent, rient, pleurent, veillent, dorment; divers et innombrables effectz procedent de la diversité du venin de ces animaux, ou de la diversité de la temperature de ceux qui en sont piqués.

  A026000664 

 Vivent dedans les blez, es trouz de la terre, et piquent les moysonneurs silz sont a jambes nues.

  A026000666 

 L'aconit a tout son venin en la racine, sans que les feuilles ni fruit face aucun mal.

  A026000667 

 Dæmocrite dit que sa langue arrachee, luy vivant, fait gaigner les proces a qui la porte sur soy; cela s'entend de la langue des advocatz, qui sont des vrais chamæleons.

  A026000667 

 Quand le chamæleon s'enfle, il change de couleur; c'est de crainte et d'apprehension, disent les autres.

  A026000680 

 L'herbe aussi nommee des Schites hippice, a mesm' effect es chevaux; et dit on que les Schites, avec ces herbes, peuvent durer sans boire ne manger douze jours..

  A026000680 

 Les Schites ont treuvé un' herbe naissant a l'entour de Bætia, nommee schitica, fort douce au gouster, qui est grandement estimee parce qu'en la tenant a la bouche on ne sent ni faim ni soif.

  A026000682 

 Adamantis, ainsy nommé (sic) parce qu'elle ne peut estre brisee non plus que le diamant; presentee aux lions, les fait tumber renversés a gueule ouverte.

  A026000683 

 Les bestes deviennent estourdies et endormies si elles [105] sont touchees de l'herbe therionarca qui croit en Capadoce et Misie.

  A026000691 

 Partant, ceux qui avec semelles de fer cheminent par la montaigne d'Aymant, ilz ne peuvent [106] mouvoir les piedz, et par le mont Theamedes ilz ne se peuvent soutenir et ne font que trepigner.

  A026000724 

 L' abarmon, poisson très fécond en œufs, ne rejette ses œufs qu'après s'être frotté le ventre sur un sable âpre au toucher; c'est sur ce sable qu'il nourrit ses petits et les élève complètement..

  A026000726 

 L' abidès, bête marine, qui vit et se nourrit dans les eaux; ensuite il change de forme et de nature, reçoit un autre nom et est appelé astoim.

  A026000727 

 L' absinthe protège les étoffes coatre les teignes et les papiers contre la moisissure..

  A026000729 

 L' acanès, animal de la taille d'un cerf, et dont le fiel est dans les oreilles..

  A026000730 

 L' achantis, oiseau qui ressemble au passereau, fait son nid dans les épines, et si un cheval ou un âne s'en approche, il se pose sur leur dos, et, imitant le hennissement des chevaux, se moque d'eux..

  A026000731 

 Le lierre dessèche les arbres sur lesquels il pousse parce qu'il en suce la nourriture..

  A026000732 

 Les hypocrites..

  A026000732 

 Les éperviers et tous les oiseaux de proie ont les ailes, les pieds et l'haleine venimeux, surtout quand ils se sont baignés et qu'ils ont lissé leurs plumes avec leur bec.

  A026000734 

 Les éperviers ne chassent pas tous de la même manière: les uns prennent la colombe quand elle est posée à terre, mais jamais quand elle vole; les autres, quand elle vole, et jamais quand elle pose à terre; les autres, ni quand elle est posée à terre, ni quand elle vole, mais quand elle se pose sur les arbres ou sur les lieux élevés.

  A026000737 

 Il pénètre le fer et toutes les pierres précieuses, à l'exception de l'acier.

  A026000739 

 [L'alouette] craint tant l'épervier qu'elle fuit entre les bras de l'homme et se laisse prendre..

  A026000741 

 Et disent les nautonniers: s'il est anéanti par la putréfaction jusqu'à la tête et aux yeux, l'eau revenant il vit de nouveau et vit longtemps; autrement peu.

  A026000752 

 des Propos de tab., q. 2: Peintre Androcides peint Scilla, mais sur tout les poissons, employant plus d'affection que d'artifice..

  A026000755 

 Pommiers portant beau fruit (l. 5. des Propos, q. 8), parce qu'ilz recreent les 4 sent[iments]..

  A026000756 

 L. 7, q. 2: Figues sauvages retiennent les franches sur le figuier..

  A026000757 

 Le cœur faut, et pasment les asnes et chevaux quand ilz portent des figues et pommes..

  A026000784 

 Ce sont les désirs.

  A026000784 

 Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche: tes mamelles sont meilleures que le vin, plus odoriférantes que les parfums les plus fins.

  A026000784 

 Ton nom est une huile répandue: c'est pourquoi les jeunes filles t'ont passionnément aimé.

  A026000784 

 Voix de mon bien aimé, voici qu'il vient bondissant sur les montagnes, franchissant les collines; mon bien aimé est semblable à la gazelle et au faon des biches; voici qu'il se tient debout derrière notre mur, etc. Mais il faut beaucoup accommoder ces paroles.

  A026000785 

 Comme Dieu voulait inviter son peuple à vivre vertueusement, il le menace, si ce peuple n'obéit pas, de toutes les malédictions écrites dans ce livre, et toutes les nations diront: Pourquoi le Seigneur a-t-il fait ces choses? etc. Mais ce livre-ci est le livre des bénédictions..

  A026000804 

 Et ayant monstre les chevaux de ses parties aux chevaux naturelz, ilz n'en tindrent compte; mais leur ayant monstré le sien, ilz commencerent a hennir contre: qui servit par apres de regie aux espreuves de peintures.

  A026000805 

 Ayant donq souvent osté les couleurs quil avoit assisses avec un'esponge, voyant quil ne luy succedoit pas, il jetta l'esponge contre le lieu du tableau qui luy desplaisoit; et icelle estant pleyne des couleurs qu'ell'avoyt prinses et ostees du tableau, elle les rendit en ce lieu la, et se treuverent [114] assisses si a propos que l'escume fut faitte comm'il desiroit. Heu! quam sæpe Deus nostros conatus ad bonum dirigit, nobis aliud cogitantibus! Sic... velut sp... et recte illis cecidi ..........................................................

  A026000809 

 Le Roy fit asseoir un guet a l'entour de son logis affin qu'on ne luy fit desplaisir, et prenoit playsir a le venir voir travailler durant qu'on livroit les assaux.

  A026000811 

 — Les moindres besoignes faittes en charité et selon l'art de vraye devotion, comme sont les mortifications des petites passions, les bas services et offices, les petites œuvres, valent plus que les plus grandes faittes laschement et sans devotion. Charitas est mensura hominis, quæ est Angeli, id est hominis et Angeli, Apoc. 21; arundo aurea sunt opera parva et nullius ex se momenti, ut arundo, et tamen, quia aurea sunt, mensura caritatis..

  A026000813 

 Arellius, peintre fort renommé un peu avant le regne d'Auguste a Romme, est oit sujet aux femmes, et toutes les deesses quil faysoit estoyent faittes a patron des femmes a qui il faysoit la court. Hæretici Virginem Divosque pingunt ut mulieres suas et ministres, et zelotipiam Dei ut suam, justitiam Dei ut suam, misericordiam Dei ut suam, potentiam Dei ut suam: unde ex Joanne Baptista, mollem faciunt ministrum et mollibus vestitum; ex Virgine, puellam de trivio..

  A026000814 

 XXXVIII]: Lepidus estant triomvir, fut invité par les magistratz de Romme en une mayson de playsance tout environné de boys; les oyseaux ne le laisserent dormir de toute la nuit, de quoy se pleignant le lendemain, ilz firent peindre un grand parchemin en forme de dragon, et ce fantosme mis a l'endroit du lieu ou il dormoit fit taire tous les oyseaux. Umbra peccati obmutescere facit Angelos piosque..

  A026000816 

 (Dioscoride dit qu'ell'est blanche en l'absence du soleil. [L. IV, c. CLXXXV].) Addition: Quasi toutes fleurs jaunes suivent le soleil, mais non les feuilles qu'en celle ci. Perfectus amor omnia omnino convertit ad Christum, et folia, id est minima et naturalia..

  A026000817 

 Il y a en l'isle de Cypre, les Marses, les Psylliens et les Ophyogenes qui font fuir les serpens et guerissent ceux qui en sont mordus a leur toucher seulement la playe; item, ceux de l'isle Tentyris, qui est au Nil, ont si grande proprieté contre les crocodyles, qu'a oüir seulement leur voix, les crocodiles s'enfuyent.

  A026000818 

 VI]: Ceux qui ont autrefois esté morduz des chiens enragés ou des serpens, encor quilz soyent gueris rengregent les playes de ceux qui en sont malades a s'approcher seulement d'eux. Quam facilis est casus eorum qui cum peccatoribus versantur! Nemo habitare debet cum iis cum quibus semel peccavit, nisi cauté, nam plagæ etiam obductæ reviviscere et recrudescere faciunt vulnera..

  A026000827 

 Les dauphins n'ont nulles oreilles, et neanmoins ont l'ouÿe delicate et se playsent a la musique; ni aucun nez, et sentent parfaittement.

  A026000828 

 Le grand duc, en latin bubo, et le hibou cournu sont seulz entre les oyseaux qui ont les oreilles cornues.

  A026000828 

 Les monteures et bestes a selle parlent par les oreilles et monstrent ce qu'elles pensent.

  A026000829 

 [L. XI, c. LXIX.] Les seulz poissons, entre tous animaux, ont la pointe du cœur contre la bouche.

  A026000830 

 Le cœur est la premiere partie qui se forme et qui vit, les yeux la derniere; et ceux ci meurent les premiers, le cœur le dernier.

  A026000835 

 Prevoyent la tempeste, car par leur rondeur estans aysés a tournebouler ça et la, ilz se chargent de pierres pour s'appeusantir; les mariniers les voyans aynsi, ont soudain recours a l'ancre.

  A026000837 

 Au royaume de Turquestan, une plante, raphanus, attire les chevaux par son odeur, et neanmoins les fait mourir; Alexandre le Grand passant par la, perdit presque toute sa cavalerie.

  A026000838 

 Pour garder que les raysins ne tumbent, jette de (sic) cendres sur la racine; si ell'est sterile, mesle de fort vinaigre avec cendres et en enduis les racines..

  A026000839 

 Les palmiers d'estre pinsés et mordus, se nourrissent es eaux salees et cendrees.

  A026000840 

 Amandiers doux deviennent amers si une chevre les leche tant soit peu; les amers deviennent doux si on les perce au fons avec une teriere pour en faire sortir le suc..

  A026000841 

 (Pl., l. 8. c. [35, al.] 23; Diosc., l. 6, c. 5.) La plaÿe est petite comme si ell'estoit faitte de la pointe d'un'eguille, sans enfleure; les patiens se sentent incontinent les yeux offusqués et couvers, diverses douleurs par tout le cors, legeres et non sans quelque playsir..

  A026000841 

 Les aspicz s'enflent le col voulant jetter leur venin, et ni a remede a leur morsure que de coupper le membre ou chair mordue.

  A026000843 

 Le basilic (lat. regulus, de la longueur d'un empan) fait mourir a la seule veüe et aleyne (sic), non seulement les hommes, mais les serpens.

  A026000843 

 Leur (sic) trouz et cavernes se connoissent a leur puanteur, ou les belettes entrent, les faysant mourir par leur haleyne, et meurent elles mesmes.

  A026000846 

 Le crocodile, saoul de poisson du Nil, s'endort sur le gravier, et le roytelet, oyseau, pour prendre sa curee, vient sauteler a l'entour de sa gueule, la nettoyant et pique tant avec le bec pour la luy faire ouvrir, ce quil fait; et ce petit oyseau luy cure les dens et le gosier, a quoy il s'endort a gueule bee, et lhors le rat d'Inde se lance dans le [121] gosier et ventre du crocodile commun trait, luy ronge les boyaux et le fait mourir..

  A026000847 

 Les daulphins faysans la guerre au crocodile, connoissans que la peau de son ventre est mince et tendre, font semblant d'avoir peur de luy et se fondent en l'eau, et se relevent contre son ventre et avec leurs arrestes trenchantes le luy fendent et le tuent.

  A026000847 

 XXXVIII.] Les Tentirites, petites gens d'un'isle voisine au Nil, tuent admirablement les crocodiles, nageans contre eux et montans a cheval dessus, et les poussent a terre prisonniers et les vainquent; aussi les crocodiles fuyent l'odeur des Tentirites comme les serpens celle des Psilliens.

  A026000848 

 Le serpent ceraste a quatre petites cornes qui se remuent, avec lesquelles il amuse les oyseaux pour les attrapper, cachant tout le reste de son cors; c. 23 [ al.

  A026000852 

 Mantichore indien, animal a trois rancz de dens; a le visage et oreilles d'un homme, les yeux verdz, son pelage rouge, le cors de lion, la queue de scorpion, sa voix comme [122] le son d'une fleuste et trompette mise ensemble et meslee; friant de chair humaine.

  A026000853 

 Elles [les hyènes] contrefont le parler des hommes; c. 30 [ al.

  A026000853 

 Le vulgaire estime les hienes avoir deux natures, et qu'elles servent deux ans de masle et deux ans de femelle tour par tour et conçoivent sans masle; mais Aristote dit le contraire, [ De animal, generat., l. III, c. VI.] On en dit choses admirables: elles contrefont le langage des bergers, et ayant appris le nom de quelqu'un, elles l'apellent pour le faire sortir de la grange et le devorer; elles vont chercher les cors humains dans les sepulchres; les chiens marchans sur son (sic) ombre, ne peuvent japper.

  A026000853 

 On les treuve en Afrique; c. 30 [ al.

  A026000854 

 Chameleon: sa langue arrachee, luy vivant, portee sur soy, fait gaigner les proces; Democrite, Mathioli, [l.

  A026000855 

 Un jour juge l'autre et le dernier les juge tous; folie des hommes de conter les jours, au lieu de les peser.

  A026000857 

 Le dragon espie l'elephant quand il fait son viandis, et se lance sur luy de dessus un arbre; l'elephant tasche de s'accoster d'un arbre pour se froter contre iceluy et escacher le dragon, mais le dragon entortille les deux jambes de l'elephant pour le garder de se remuer, et se fourrant dans son muffle luy empeche l'haleyne et le luy ronge.

  A026000857 

 Le sang de l'elephant est froid et les dragons desirans se rafraichir en sont frians; dont, aux chaleurs, le dragon se chache (sic) dans l'eau, espians que l'elephant vienne boire, et lhors se jettent (sic) a leur muffle et l'entortille, puis les mordant a l'oreille ou l'elephant ne peut porter la muffle, tire tout le sang de l'elephant, lequel tumbant mort, tue le dragon yvre de son sang.

  A026000857 

 Les dragons et elephans font la guerre en trois façons: 1.

  A026000859 

 Les lions ont l'aleyne et le hasle du cors fort puant; ilz ne mangent guere, et si on les saoule, ilz ne mangent que de trois jours l'un; ordinairement, de deux jours l'un.

  A026000859 

 XVIII.] Ilz ayment naturellement les gens vieux, qui ne peuvent chasser ni leur faire la guerre, comme dit Polybius qui fit le voyage d'Afrique avec Scipion; et dit qu'en ce voyage les lions y estoyent si espés qu'on n'osoit sortir des villes, et qu'on pendoit et crucifioit des lions pour faire peur aux autres.

  A026000860 

 Le lion donne signe de ce quil pense par la queüe, comme [124] les chevaux par les aureilles.

  A026000860 

 Quand il entre en cholere, il bat la terre d'icelle, et passant plus avant, il s'en bat les flanez.

  A026000860 

 [Ibid.] Pendant quil est en lieu ou on le voit a descouvert, il fait sa retraitte tout bellement, monstrant de mespriser les chiens et le veneur; estant couvert de bois, il fuit excellemment.

  A026000860 

 — De toutes les blesseures quil fait, le sang en sort noir, soit avec les dens, soit avec les griffes. Omnes actiones a diabolo procedentes nigræ sunt, sive omnes dolores; at dolores a Christo, rubicundi.

  A026000860 

 — Il regarde fixement les traitz qu'on luy jette, sans en tenir compte, taschant d'espouventer des yeux.

  A026000861 

 La lionnesse combattant pour ses petitz a tous-jours les yeux en terre, de peur de s'estonner des espieux; [ibid., c. XVI al.

  A026000864 

 XV]: Zoroastes a esté seul entre les hommes qui aïe ris (sic) le jour mesme quil nasquit.

  A026000865 

 Les elephans, par leur haleyne seule, font sortir les serpens de leurs trouz, et celle des cerfz les brusle; c. 53 [ al.

  A026000866 

 Entre les oyseaux de proye, les uns ne se jetteront jamais sur un oyseau sil n'est en terre, les autres les espient seulement quand ilz volent le long des arbres, d'autres quand ilz sont branchez, et d'autres qui les prennent en l'air, a force d'aisles.

  A026000866 

 Excellent exemple pour combattre les tentations et diables.

  A026000866 

 Les pigeons, connoissans le naturel de l'oyseau qui les poursuit, quelquefois se jettent en terre, quelquefois volent par dessous, et font tous-jours le contraire du naturel de l'oyseau de proye.

  A026000868 

 Coucu est un'espece d'espervier; change de figure en certain tems de l'an; il a la teste d'un pigeon, et la couleur de son pennage, avec les ongles d'un espervier.

  A026000868 

 Et pour recompense, quand le petit coucu se sent asses fort pour s'en voler, il se jette sur les parons qui l'ont eslevé et les mange.

  A026000868 

 Il change de voix par fois; il pond au nid d'autruy et principalement en celuy des ramiers, pour eviter la fureur de ceux qui voudroyent abolir sa race, car tous les oyseaux luy font la guerre, estant asses poltron et timide.

  A026000868 

 Les parons qui le couvent et au nid desquelz il esclost ne tiennent conte de leurs petitz en comparayson du petit coucu qui, estant [126] plus goulu que les autres, mange leur viande et se rend gras et poly; dont le paron se mire en luy, se baignans de voir un si bel oyseau quil pensent (sic) avoir produit, jusques a luy permettre de manger et se paistre de leurs petitz propres devant leurs yeux.

  A026000870 

 Les poissons qui portent les perles sont quasi faitz a mode d'huistres.

  A026000870 

 Quand il tonne et esclaire, les mere-perles se tiennent serrees et les perles se fondent faute de nourriture, ou bien elles engendrent une certaine forme de [127] perle pleine de vent comme une vescie: ce sont avortons de perles; elles rougissent au soleil, et par viellesse..

  A026000872 

 C'est chose asseuree que les chiens en Ægipte lappent et boivent au Nil tous-jours en courant, de peur de servir de proÿe aux crocodiles. Pl.

  A026000874 

 Aussi ne passeront elles jamais un pont ou on peut voir la riviere parmi les ais, et pour alterees qu'elles soyent, si on leur change d'abbreuvoir elles ne boiront sinon par contrainte et [a] coups de bastons.

  A026000874 

 Il leur faut grand place [128] pour se coucher et ne se couchent qu'au large, car il leur vient mille fantasies et songes en dormant, de sorte qu'elles ruent deça et dela, et si elles rencontroyent quelque chose dure, cela les feroyt clocher.

  A026000874 

 Les saumes ayment fort leurs asnons, mais la crainte de l'eau surpasse cet amour; car pour aller vers leurs petitz elles ne craindront point de passer par le feu, mais si seulement il y a un petit ruisseau entre deux, elles ont si grand peur de le passer que mesmes elles ni osent mettre le pied.

  A026000877 

 Singesses portent leurs petitz ça et la par mignardise et les faire voir, [si] que par le tracas elles les tuent.

  A026000878 

 Les lievres, es hautes montaignes, sont blancz l'hiver pendant que la neige y est, et, dit on, quilz vivent de neige; et reprennent leur premier pelage, la neige estant fondue.

  A026000879 

 Pierre Messie dit quil craint plus les coqs blancz que les autres..

  A026000881 

 Les petitz pouletz ne craignent ni l'elephant, ni le beuf, ni le cheval, mais a la seule velie de l'ombre du milan volant, ilz fuit (sic) sous les æles de leur mere, et les aigneaux, du loup..

  A026000883 

 Les chiens, tant quilz sont couvertz de l'ombre d'une hiene, ne peuvent abbayer ni mordre, ou abbayer contre celuy qui porte la langue d'une hiene.

  A026000884 

 L'herbe polipode mise sur les cancres leur fait en peu d'heure despouïller l'escorce qui les couvre.

  A026000885 

 Les arondelles y mettent l'ache pour les garder de teignes et autre vermine [ibid.], et l'esclaire pour rendre la veüe a leurs petitz.

  A026000885 

 Les cicoignes mettent des feuilles de plane en leurs nidz [130] pour en chasser les chauvesauris, leurs ennemies mortelles.

  A026000886 

 Les ours ayant mangé la mandragore, mangent des formies pour se guerir.

  A026000886 

 Les serpens recouvrent la veüe se frottant contre le fenouïl, [L. VIII, c. XXVII, al.

  A026000886 

 XIX.] Les cerfz et chevres sauvages se guerissent de leurs playes par le dictam, en Candie [l.

  A026000886 

 XXV, c. LIII], et rejettent les fleches dont elles sont frappees.

  A026000887 

 L'elephant ayant mangé le camæleon, se guerit mangeant les feuilles de l'olivier sauvage.

  A026000889 

 On chasse les formies avec les aisles d'une chauvesauris et le cœur d'une puput.

  A026000890 

 Les serpes fuyent l'odeur d'un viel cuir bruslé, et les papillons le parfum d'un foye de bouq.

  A026000893 

 Si on mesle des plumes d'aigle avec les autres, elles seront bien tost consumees et gastees..

  A026000894 

 Les cordes de luth se rompent toutes toutes eu les touchant, si on en touche a mesme tems une seule faitte de boyeau de loup; et de mesme les tambours de peau de mouthon, si on en bat entre eux un fait de peau de loup. Omnes articuli fidei dissolvuntur si unicus error interseratur unicave hæresis; articuli autem fidei ex intestinis Agni, hæresis ex intestinis lupi..

  A026000895 

 Si on frotte les narines d'un toreau d'huile rosat, il tumbe soudain en tournoyement de teste..

  A026000897 

 (Mathioli, [Pref., trad. Du Pinet, p. 13].) Plutarque en dit autant du cumin, duquel Mathioli, page 432, dit que les hipocrites, pour paroistre plus macerés, usent du cumin en leurs viandes et s'en parfument souvent.

  A026000905 

 Les mains frottees de la cotule puante, abeilles et guespes ne piquent jamais.

  A026000906 

 Roseau et feugere tellement ennemies, que si on tient au soc de la charrue un roseau attaché, toute la feugere qui sera en la terre labouree meurt; au contraire, les roseaux et asperges s'entr'ayment fort.

  A026000907 

 Les martes, fouines, belettes ne touchent aux poules frottees du jus de rue, ni le renard a celles qui ont mangé du poulmon de renard.

  A026000913 

 L'ambre attire les pailles et festus, mais il ne le fait sil est frotté d'huile.

  A026000913 

 Mathioli, sur le c. 93, dit que c'est si les pailles sont frottees d'huile, et dit que ce qu'on dit quil n'attire pas l'hissope est faux. Anima comedit et attrahit vilia quæque et stipulis quæ vertuntur ante faciem venti; sed id non facit si linita sit gratia et charitate, tunc enim cessant rerum inutilium desideria..

  A026000914 

 Les chevaux morduz du loup sont plus vistes; mais silz marchent sur les pas du loup, les jambes s'engourdissent et ammortissent.

  A026000916 

 Il recite que au sac de Hierusalem, les Juifz se voulans perdre, voulurent aussi ruiner les jardins de baume qui n'estoyent que deux, mais bien grans; au contraire, les Romains les defendirent et se donna une bataille..

  A026000918 

 I, c. XVIII]: Mais comme s'est il fait que la Judee est privee du baume, laquelle seule jadis le portoit en plus grande abondance? Il respond que les Rois ægiptiens l'ont transporté; mais Dioscoride et Galien tesmoignent qu'en mesme tems il y avoit du baume en Ægipte et en Judëe.

  A026000918 

 II et IV,] mais il adjouste quil croit encor en la region des Sabæans; Pausanias, en ses Bœotiques, dit quil croit encor en Arabie et que les viperes se nourrissent de sa tresoüaifve liqueur.

  A026000920 

 L], nommé cinamologue, qui fait son nid de branches de cinamome; en Arabie, les chasseurs l'abbattent avec des fleches pour s'en prævaloir..

  A026000920 

 XLII], dit quil croit en Ethiopie parmi les buissons, quoy qu'en la plaine, et n'a nulle odeur estant verd; il est, au plus, de deux coudees.

  A026000921 

 Les arbres, avant qu'estre taillés, jettent le stacte et prætieuse mirrhe, puis on les taille deux fois l'an et sort l'autre mirrhe seconde, comme ceux de l'encens. Sicut cinamomum siccum et inter spinas, et balsamum et mirrham, odorem Dei, quia posteriores arbores dant odorem incisæ; contritio: Scindile corda..

  A026000922 

 Oyseaux seleucides viennent au secours des habitans [sur] le mont Casius ou le long d'iceluy, contre les sauterelles, et tient on que Juppiter les leur envoye a leur (sic) prieres, a cause du grand desgast que les sauterelles leur font.

  A026000922 

 XXVII.] On ne sçait d'ou ilz viennent ni ou ilz vont, on ne les voit jamais sinon quand le pais en a afaire. Religiosi veniunt, tempore opportuno, contra hæreticos in subsidium habitantium in monte Sion et in circuitu Hierusalem.

  A026000923 

 Ilz chantent les quinze jours et quinze nuitz durans.

  A026000923 

 Les petitz aprennent des grans.

  A026000926 

 Mise sur les vexés des espris malins elle les delivre sur le champ..

  A026000929 

 IX.] Idem, raconte que les Rois de Perse donnoyent a leurs ambassadeurs l'herbe latace, affin que par tout ilz eussent abondance de toutes choses.

  A026000929 

 L'herbe achemenides jettee en l'armee des ennemis les fait trembler et fuir; Pline, [l.

  A026000930 

 Les fleurs et testes du lote d'Egipte, sur le soir se plongent en l'eau jusques a la minuit et va au fond; puis, peu a peu, il s'en retourne et se redresse et sort hors; au soleil levant ses fleurs espanouissent, et les testes s'ouvrent et se treuvent loin de l'eau.

  A026000931 

 La cigue qui tue estant avalee, mise sur les yeux en guerit les inflammations; Mathioli, [l.

  A026000932 

 Les asnes, mules, chevaux, meurent mangeans le nerium; beu en vin, il guerit la morseure des serpens.

  A026000933 

 Le pavot mangé cause un sommeil perpetuel, mais il appayse les maladies de grandes douleurs.

  A026000934 

 Cantharides mangees, tuent; guerissent neanmoins les mordus des chiens enragés.

  A026000935 

 La vipere appliquee esteint son venin propre et tous les autres..

  A026000937 

 La ferule nourrit et engraisse les asnes et tue les boeufz et chevaux; elle ne nuit a l'homme estant mangee quand elle commence a pousser ses feuilles.

  A026000938 

 Feuilles et fleurs du rosage sont poyson a la muletaille, chiens, asnes et bestes a 4 piedz; et aux hommes servent de contrepoison contre les scorpions.

  A026000941 

 LII]: On tient que les pigeons ont ressentiment de gloire et quilz se pavonnent en l'air et font des esplanades ça et la, se mirans en la varieté de leur pennage; mais cela est cause que les tierceletz et faucons les attrapent, car s'ilz volloyent leur droit vol, il (sic) ne les attraperoyent jamais, car ilz ont l'aysle plus royde que les oyseaux de proye; mais les ennemis les espient quand ilz s'amusent a leur gloire, pour les surprendre et attraper. Heu, superbi!.

  A026000944 

 Ilz n'ont nul usage des piedz, et pour prendre vol ilz ne se longent jamais qu'en lieux eminentz ou le vent les puisse saysir.

  A026000945 

 Arion, excellent jouëur de cytre, estant sur mer, les mariniers delibererent de le jetter en mer.

  A026000945 

 Il les pria de luy donner loysir de jouer encor un coup de sa cytre, ce qu'ilz firent; et tout incontinent, des daulfins vindrent, et fut receu par l'un d'iceux qui le porta au cap de Tenaro, » qui est en la contree de Misistrat en Lacedemone.

  A026000946 

 En une sayson de l'annee, les muges, poissons, se jettent en grande abondance en ladite eau ou fosse, par un'estroitte emboucheure qu'il y a de la mer en icelle.

  A026000946 

 Les pescheurs tendent leurs filetz en ladite morte, et par ce que les muges s'eschapperoyent par l'emboucheure, ilz crient aux daulfins: Simon, simon! Les daufins accourent et gardent l'emboucheure; si que les muges qui ne sont prins au (sic) filetz et qui les veulent eschapper sont tués par les daulfins, qui par apres les mangent; et le jour suivant les pescheurs, pour les recompenser, leur donne (sic) du pain trempé en vin. Heu me! quid faciet anima quæ se in aquas mortuas voluptatum injicit? Vel a mundo, vel a dæmone capiet.

  A026000948 

 V-VI]: Mouches a miel enduisent leurs ruches du commosis et y meslent du jus des herbes les plus ameres qu'elles puissent rencontrer, affin de desgouster les menues bestioles qui s'y voudroyent affriander, et bastissent de mesme les entrees.

  A026000949 

 Aristoteles, [141] de Hist., l. 4. c. 22: Colligunt apes ex floribus, sine ullo fructu detrimento, et ne se poseront jamais sur une fleur morte; tant s'en faut qu'elles ayment les cors mors; c. 8. Charitas ex omnibus actionibus mel elicit, nullam autem offendit.

  A026000950 

 Il y a des dattes que les Grecz appellent caryotes (Kάρυον veut dire pesanteur de teste, hinc carous), excellentes a manger, et font un vin singulier qui donne: fort a la teste.

  A026000950 

 Ilz ayment les terres sablonneuses, neanmoins moüillees et trempees, si que ilz se playsent pres les fleuves.

  A026000950 

 Ilz ayment un terroir nitreux et salé, et les Assyriens [142] sement du sel, non sur les racines, mais un peu loin tout autour.

  A026000950 

 L'armee d'Alexandre le Grand fut extremement endommagee de ce que ses soldatz ne se pouvoyent souler de ce bon fruit qui les estouffoyt par apres..

  A026000950 

 L'un et l'autre produit premierement la chair de la datte, puis le noyau dedans, qui sert comme de graine a la datte; on le void par ce que les jeunes dattes n'ont encor nul noyau.

  A026000950 

 Les palmiers femelles, ce dit on, croissent a leur juste grandeur, mais demeurent steriles si elles n'ont le masle au pres, par le regard duquel, ou par son exalation, ou par la poudre qui en sort, elles conçoivent et sont rendues fertiles; aussi on void les femelles s'incliner doucement et replier leurs branches du costé des masles, comme leur faisant la court, la ou le masle demeure ferme, accresté et roide; si on le coupe, les femelles deviennent steriles.

  A026000950 

 VI-VIII]: Les palmiers croissent insignement en Judee; en Italie, ilz sont steriles; en Espagne, ilz portent fruit, mais non point a maturité.

  A026000951 

 Dioscoride, l. I. c. 125: Les dattes font douleur de teste et enivrent, si on en mange trop..

  A026000952 

 Elles sont, avant que de sortir, encloses en une grande couverture nommé (sic) palma elaté, laquelle s'ouvrant, elles sortent et s'espanoüissent, d'ou viennent les dattes rougeastres.

  A026000952 

 Laditte couverture, palma elaté, croit du tronc mesme, entre les premieres branches, longue de deux empans..

  A026000955 

 Herisson ne sort guere de sa taniere le jour; la nuit va aux vignes et sous les arbres, fait tumber les raysins avec sa patte et se veautre et monte pour les piquer, comme les pommes tumbees par le vent, et les rapporte.

  A026000955 

 Se fait tout d'espines devant les chiens.

  A026000958 

 Torpille endort la main qui la touche et les piedz, soit mediatement ou immediatement; elle se fourre dans le limon et arreste les poissons, les engourdissans, et les mange.

  A026000959 

 On dit que gardant les cors des mouches a miel mortes (noyëes, les couvrant et eschauffant de cendres chaudes, l. XI, c. XXXVI) dans la mayson tout le long de l'hiver et les remettant au soleil au printems, les tenans couvertes [144] de cendres de figuier, elles resusciteront et seront bonnes comm'au paravant.

  A026000960 

 Virgile dit quil faut tuer un toreau et le laisser la; il engendrera des mouches a miel, comme les chevaux mors engendrent les guespes et frelons, et les asnes les escharaveaux et foüillemerdes.

  A026000961 

 Les guespes ayment la chair; les mouches a miel, au contraire, ne se posent jamais sur un cors mort. Hæc est differentia mundanorum et spiritualium; c. 21 [ al.

  A026000962 

 Petites guespes surnommees ichneumons: elles chassent aux araignes phalanges et, les ayant tuees, elles en enduisent leurs nids et couvent ce liniment dont elles produisent leur generation; [cap.] 21 [ al.

  A026000963 

 Aucuns pensent qu'elles meurent au [145] premier coup d'eguillon qu'elles donnent; autres, que non, sinon qu'elles les fichent si profond qu'elles ne les puissent retirer sans y laisser le boyau, mais que, par apres, elles sont du tout inutiles, comme les bourdons. Nota pro iracundis et iis qui vindictam exercent; c. 18 [ al.

  A026000964 

 Les araignes ne travaillent point quand il fait beau tems, mais quand il est trouble; apes contra (c. 24 [ al.

  A026000965 

 Les araignes phalanges font leurs petitz en leurs tesnieres et les couvent en grande quantité, mais quand ilz commencent a germer ilz mangent leur mere et leur pere qui aussi s'ayde a les couver; et les scorpions terrestres de mesmes.

  A026000966 

 Les cygales vivent de rosee.

  A026000968 

 Et les sages laboureurs mettent des figuiers sauvages, d'ou le vent vient contre les figuiers privés.

  A026000968 

 Figuiers sauvages produit (sic) des mouchons qui, ni treuvant a manger, se jettent sur les figues privees et ouvrent les souspiraux d'icelles, et par ce moyen, le soleil et vent chaud qui fait meurir le blé entre dedans; joint aussi que ces mouchons succent le lait qui tenoyt lesdittes figues en enfance, et les font meurir par ce moyen.

  A026000968 

 Les figuiers plantés et exposés a la bise et en lieu (sic) maigres n'ont besoin de cet ayde, car ilz dessechent asses d'eux mesmes et crevassent.

  A026000969 

 Elephans beuvans huile, font tumber les traitz et fléchés qui tiennent a leur peau; l. 8. c. X..

  A026000971 

 Zeuxis, Heraclien, estant devenu riche par son art, donnoit ses peintures pour neant, ayant cette presomption qu'on ne [les] eüt sceu asses payer.

  A026000975 

 Zeuxis voulant faire un tableau pour ceux de Girgenti, [147] qui en avoyent voüé un au temple de Juno en [Calabre], il voulut voir toutes les filles de Girgenti nües et en choisit cinq pour amasser toutes les marques de beauté qu'elles avoyent.

  A026000982 

 En foy et tesmoignage de quoy avons signé les presentes, scellés du seel de ladite evesché et contresignés (sic) par le greffier d'icelle..

  A026000982 

 Sçavoir faisons et attestons, que les seize feulliets escripts et conteneus dans le present cayer a Nous exhibé par R d Seigneur M re Joseph de Sales, seigneur de Richemont, Docteur en saincte Theologie, chanoine de Nostre Esglise cattedrale de Sainct Pierre de Geneve, et ont esté escripts de la main propre et caracthere de nostre incomparable predecesseur Sainct François de Sales, comme ayant esté par Nous dheuement recogneus et parangonné (sic) sur des autres escripts dudit Sainct, treuvés et delaissés dans les Registres du Greffe de Nostre evesché.

  A026000993 

 de Du Pinet, p. 2]: Ceux qui prætendoyent aux estatz de Rome promettoyent quelque somme des deniers au peuple, et les remettoyent es mains de quelque homme responsable.

  A026000995 

 Apion, grammarien que l'empereur Tybere Cesar appelloit cymbale ou tambour du monde et porte nouvelles, estoit si outrecuidé quil disoit quil immortalisoit les lieux ou il composoit quelque livre.

  A026000997 

 Les loups garoux en ont aux mortz et fouillent les sepulcres: [150] sic et maledici, qui maledicunt defunctis, ut hæretici nostri temporis..

  A026000998 

 Quand ilz sont deux ilz s'appellent Castor et Pollux, et se posent quelquefois sur les testes des hommes ou a l'entour.

  A026000998 

 nat., l. II,] chap. 37: Les lumieres et feux qui viennent sur les navires sont de mauvais præsage quand il ny en a qu'une seule, que les mariniers appellent helene; et mesme, ce feu solitaire tumbant au fond, il brusle le vaisseau.

  A026000999 

 40, [Plin., ibid.]: La canicule regnante, la mer bouillonne, les vins poussent.

  A026000999 

 Il y a une sorte de chevreul qui n'a qu'une corne, en Egipte, qui regarde droit cest'estoile apres qu'ell'est levee, et esternue en signe de reverence, et les chiens sont sujetz a devenir [151] enragés. Heresis, stella canicularis, dum paret in cælo Ecclesiæ, mare, id est populi, tumultuant, vinum doctrinæ subvertitur pessimis interpretationibus; capreæ Ægiptiacæ (et a cornibus unicornium humilitatem meam), homines addicti carni et lasciviæ, eam libenter adorant; denique, plerique canes, maxime ex monachis, in rabiem vertuntur..

  A026001020 

 LXXIX]; si on en mettoit une branche dans un navire, tous les passagers s'entrequerelloyent (sic) sans cesse. Superbia, meum et tuum, hæresis, præsumptio, inter homines rixas, odia, dissidia pariunt.

  A026001023 

 Les dams de la Cilicie ne sortent jamais de la province et ne passent jamais les montz qui la divisent de la Syrie.

  A026001024 

 IX].) Les ministres voudroyent faire croire quilz sont enfans des Apostres, mais ilz n'en ont pas la mine.

  A026001025 

 Xagua, plante de l'isle Espagnolette, produit un suc blanc a merveilles, qui tache neanmoins les draps d'une noirceur qui ne peut estr'ostee.

  A026001028 

 Une poule qui meyne les poussins, en voyant un'autre qui meyne les paonneaux, elle laisse les siens, de jalousie [154] et desdain. Sic plerique relinquunt iter virtutum cum vident alios perfectiores; relinquunt opera vacationis cum vident alios opera pulchriora facere, ut prædicare, etc. At vero, deberent considerare melius esse opera propria ac pullos proprios ducere, quam opera gratiarum gratis datarum et quæ in utilitatem solum aliorum sunt, et pullos alienos habere..

  A026001042 

 Les Æthiopiens excitent le feu a leur rubis par vinaigre.

  A026001044 

 Les enfans qui parlent fort tost, marchent tard; Plin., l. XI. c. 51 [ al.

  A026001045 

 CXV]: Porceaux mangent les serpens sans s'en sentir; tous autres animaux en meurent. Sic peccata porcis sunt cibus, id est fœdis et luxuriosis; aliis sunt interitus, id est amara ut mors..

  A026001076 

 Œilletz sauvages jettés devant les scorpions leur ostent la faculté et force de nuire [ Maison rustique, p. 133 b ]: la parole de Dieu oste la force des tentations. Incumbe studio Scripturarum, et carnis vitia non timebis.

  A026001078 

 Flambe, glay (gladiolus). Le souci s'ouvre a la lueur du soleil [Ibid, l. II, p. 234 b ]; les fleurs de flambes, tant blanches que bleues, [se] ferment a la lueur du soleil et s'ouvrent seulement en tems froid et humide.

  A026001080 

 A mesure qu'on le plante avant en terre, il fleurit tard; en plantant 12 doigs, 6, 4, il en viendra les uns tost, les autres tard, si que sa sayson depend de cela.

  A026001100 

 Et y a difference entr'un homme de bien et homme devot, car cestuy-la est homme de bien qui garde les commandemens de Dieu, encor que ce ne soit pas avec grande promptitude ni ferveur; mais celuy-la est devot qui non seulement les observe, ains les observe volontier, promptement et de grand courage..

  A026001101 

 Secondement, il faut oster tout ce qui peut embarasser « les piedz » de nostre ame, qui « sont les affections, » lesquelles il faut retirer et desprendre de tout object non seulement mauvais, mais de celuy qui n'est pas bien bon, car un cheval entravé ou piqué ne peut courir..

  A026001103 

 A quoy vous servira beaucoup de garder en vostre imagination le point de la meditation que [166] vous aurés le plus gousté, pour le remascher le long de la journee, comme l'on fait les tablettes pour le cors.

  A026001104 

 Prenes par coustume de vous mettre en la presence de Dieu le soir avant vostre repos, le remerciant de ce quil vous a conservé, et faysant l'examen de vostre conscience, ainsy que les livres spirituelz vous l'enseignent.

  A026001106 

 Ne manques jamais [de] communier tous [les] pre[miers] Dimanches du moys, outre les bonnes festes, et le so[ir] devant, confessés vous et excites en vous une sainte reverence et joÿe spirituelle de devoir estre si heureuse] que de recevoir vostre doux Sauveur; et faittes alhors nouvelle resolution de le servir fervemment, laquelle [167] l'ayant receu, il faut confirmer, non pas par vœu, mais par un bon et ferme propos.

  A026001108 

 Procurés en vous l'esprit de douceur, joye et humilité, qui sont [vertus] les plus propres a la devotion; comm'aussi la tranquillité, sans vous empresser ni pour ceci ni pour cela, mais alles vostre chemin de devotion avec un'entiere confiance en la misericorde [de] Dieu q[ui] vous conduira par la main jusques au pais celeste; et partant, gardes [vous] des chagrins [et disputes]..

  A026001111 

 Faittes une speciale amitié avec celles qui se rangeront a la [168] devotion, et ne laisses pourtant de bien caresser les autres pour les gaigner et attirer au mesme chemin..

  A026001111 

 Le moyen de ce faire en ce commencement doit estre doux, gracieux et jo[yeux], sans commencer par reprehensions des choses qui ont esté supportees jusques a present; ains vous deves vous mesme, sans leur dire mot, monstrer tout le contraire en vostre vie et conversations, vous occupant devant elles en saintz exercices: comme seroit, faysant quelquefois des prieres en l'eglise, ou bien mesme la meditation, disant le Chapelet, faisant lire quelque livre spirituel pendant que vous travailles de l'eguille, et les caressant plus doucement et modestement que jamais.

  A026001112 

 Tenes-vous courte avec les conversations mondaines et ne permettes pas, que le moins que vous pourres, qu'elles soyent en vostre chambre particuliere, pour, petit a petit, procurer que le dortoir des Dames en soit entierement exempt; ce qui seroit bien requis, et vostre exemple en est un grand moyen..

  A026001113 

 A la table, procures que l'on lise quelque beau livre spirituel, comme Grenade La vanité du monde, Gerson, Bellintani et telz autres; et mettes en coustume que ce soit tous les jours..

  A026001114 

 En l'Office, il faut que vostre contenance devote donne loy a toutes les Religieuses de modestie et reverence; ce que vous feres aysement si vous vous mettes en la presence de Dieu au commencement de chaque Office.

  A026001117 

 Petit a petit, et lhors que vous les y verres embarquees, il faudra traitter plus entierement du restablissement de la perfection et de la Regie, qui sera le plus grand service que vous puissies faire a nostre Sauveur: mais tout cela doit proceder non tant de vostre authorité, comme de vostre exemple et douce conduitte..

  A026001118 

 Que vous seres heureuse si, a la fin de vos jours, vous pouves dire comme Nostre Seigneur: J'ay consommé et parfait l'œuvre que vous m'aves mis en main! Desires le, procures le, penses a cela, pries pour cela; et Dieu, qui vous a donné la volonté pour desirer, vous donnera les forces pour le bien faire..

  A026001124 

 Et affin que vous le puissies avoir, il vous a donné l'entendement pour le connoistre, la memoire pour vous resouvenir de luy, la volonté et le cœur pour l'aymer et vostre prochain, l'imagination pour le vous representer et ses benefices; tous vos sens pour le servir, les oreilles pour ouyr ses louanges, la langue pour le loüer, les yeux pour contempler ses merveilles, et ainsy des autres..

  A026001126 

 Considerés quel malheur c'est au monde de voir que les hommes pour la pluspart ne pensent point a cela, mais leur est advis qu'ilz sont en ce monde pour bastir des maysons, ageancer des jardins, avoir des vignes, amasser de l'or, et semblables choses transitoires..

  A026001128 

 Resolves vous, et faites un ferme propos de cy apres vaquer fidellement a ce que Dieu desire de vous, luy disant: Vous seres cy apres mon unique lumiere pour mon entendement; vous seres l'object de ma souvenance, qui ne s'occupera plus qu'a se representer la grandeur de vostre bonté si doucement exercee en mon endroit; vous seres les seules delices de mon cœur et l'unique Bienaymé de mon ame..

  A026001149 

 Il faut demander le mesme pour toute l'Eglise, specialement pour le Pape, les Evesques et nommement pour le nostre, pour le Prince sous lequel nous sommes, pour les pere, mere, parens, amis, bienfacteurs, ennemis..

  A026001153 

 Et en fin, s'offrir entierement a Dieu, protestant de vouloir que nous et nos actions soyent a luy et pour luy en pureté d'intention, et luy offrir tous les susnommés, le priant [173] les avoir aggreables pour l'amour de nostre Sauveur, au nom duquel nous luy demanderons la benediction pour nous et pour tous ceux pour lesquelz nous avons prié, dirons le Pater et Ave, puis nous.

  A026001157 

 Et comme ceux qui sortent d'un jardin cueillent quattr'ou cinq fleurs pour les porter en leur main, les sentir et regarder le long de la journee, ainsy nous faut il choisir deux ou trois point (sic), ou au moins un de ceux que nous aurons le plus gousté, pour, le long de la journee, le sentir et ressentir coup sur coup selon la diversité des occasions, et s'en aller en paix et tranquillement vacquer aux affaires ausquelles Dieu nous appelle, quelles qu'elles soyent..

  A026001164 

 Apres donques que le soir au paravant j'auray pensé ou [174] leu l'histoire, et auray præparé en gros les pointz de la meditation ainsy quilz sont couchés ci bas, le matin estant arrivé et estant prest, prenant de l'eau benite, faysant le signe de la Croix et mis a genoux au lieu de la priere, je commenceray a mediter en cette sorte:.

  A026001173 

 Esclaires sur moy vostre face sacree, et tenes mes yeux fichés sur les vostres, affin que je puisse considerer vos merveilles et vous en louer, benir et adorer..

  A026001173 

 Mais, Seigneur, puisque vous m'i aves receu et que je suis nay, nourri et maintenu dans les entrailles de cette vostre presence, hé, mon bon Dieu, ne me rejettes point de vostre sainte face; permettes a ce miserable cœur quil respande ses indignes pensees et ses chetifves affections dans le sein de vostre misericorde et quil prononce [175] ses afflictions devant vous.

  A026001177 

 Il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars de la ville de Hierusalem pour voir crucifier mon Sauveur, je me treuve au mont de Calvaire, en un lieu un petit plus esloigné que les autres, mais aussi plus advantageux et relevé, d'ou je voy plus aysement le triste et cruel spectacle de la crucifixion.

  A026001177 

 Mon Sauveur couronné d'espines estoit desja tout nud couché sur le bois de la croix, et les bourreaux l'avoyent desja serré et cloué pieds et mains sur iceluy; et commencent, avec des instrumens propres et destinés a cet effect, a relever petit a petit ce saint Crucifié en l'air, pour ficher et planter la croix au lieu et dans le trou fait a cett'intention..

  A026001178 

 Je descouvre l'un' et l'autre main attaché (sic) et les deux pieds aussi, qui, comme quatre ruisseaux d'une mesme source, versent continuellement un sang le plus beau, clair et vermeil qui fut onques au monde..

  A026001178 

 Soudain apres cela, je descouvre la teste couronnee d'espines, delaquelle les yeux regardent ores au Ciel avec une grande reverence, ores sur l'assistence avec une amoureuse compassion; et semble qu'avec ses regars, il aille puisser (sic) la misericorde cæleste dans le sein de son Pere, pour en arrouser ceux-la mesme qui le crucifioyent.

  A026001179 

 Et enfin, voyla la croix qui tumbe dans le creux auquel elle doit estre fichee et donne une secousse au cors qui y est pendu, au moyen de laquelle les playes s'agrandissent et plusieurs goustes de sang s'espluyent esparsement ça et la sur les plus proches, dont la plus part les ostent avec indignation et ne leur semble jamais asses tost quilz s'en puissent laver..

  A026001185 

 Hé, que cet Aigneau est benin! Oui me donnera [177] la grace que, parmi les travaux et injures, je puiss'estre de mesme?.

  A026001185 

 Ses yeux ne sont nullement effarouchés par les douleurs, ni enflammés par les injures.

  A026001191 

 Et considerant mes fautes passees, o Seigneur, je vous supplie, en vertu de ces peynes, de les effacer entierement; si que, comm'une nüee dissipee n'empesche plus les rayons du soleil de venir esclairer et eschauffer la terre, ainsy jamais plus mes pechés ne puiss'empescher la douceur de vostre regard misericordieux sur ma pauvre et langoreus'ame.

  A026001195 

 Revu sur les Autographes conservés à la Visitation de Milan et en l'église Saint-Thomas, de Venise..

  A026001202 

 Il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars de la ville de Hierusalem pour voir crucifier Nostre Seigneur, je me treuve au mont de Calvaire, en un lieu un petit plus esloigné que les autres, separé et relevé, qui me le rend advantageux pour voir et considerer a part moy ce triste et cruel spectacle.

  A026001202 

 La crucifixion est faite; c'est a dire, la croix estant couchee sulla terre, Nostre Seigneur est estendu sur icelle tout nud et despouillé, et les bourreaux l'ont serré et cloué pieds et mains la dessus.

  A026001203 

 Il reste que je poursuive a considerer les particularités par lesquelles ma volonté puisse estre excitee a produire beaucoup de bonnes saintes affections et resolutions: et cela, c'est la meditation..

  A026001203 

 Les deux parties du mistere [180] sont l'eslevation et le plantement de ce saint arbre.

  A026001207 

 Exterieurement: par cette eslevation son cors est tout entierement supporté sur ses pieds et ses mains cloués, dont advient que les playes s'agrandissent et la douleur se rend immense.

  A026001207 

 Quand la croix tumbe dans le trou preparé auquel elle est fichee, le Sauveur reçoit une secousse effroyable, qui augmente de nouveau les playes et donne comme un coup d'estrapade a tous ses nerfs et tendons; de tous costés le sang pleut et distille; l'air et le vent froid saysissent tout ce cors eslevé, penetrant dans les playes, et le font presque transir et pasmer.

  A026001212 

 Ah! qui sera ce tigre qui ne pleurera voyant cet innocent, ce jeune Roy, le Filz de Dieu, endurer tant de peynes? Elles sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert tous les hommes du monde contre l'indignation du Pere eternel.

  A026001215 

 O qui me donnera la grace que je puisse en quelque façon donner allegement a mon Sauveur affligé! Hé, que ne m'est-il loysible de prendre mes habitz plus prætieux pour couvrir vostre nudité! que n'ay je du bausme excellent pour en oindre vos play es! que ne suis je pres de vous sulla croix pour soustenir vostre cors en mes bras, affin que la pesanteur ne dechirast pas si fort les playes de vos pieds et de vos mains! Mais sur tout, que ne puis je empescher les pecheurs de tant offenser vostre cœur, qui ne feroit que se jouer de toutes les peynes de vostre cors, si pour icelles les pecheurs pouvoyent estre amendés! Que ne suis je quelque excellent et fervent predicateur pour leur annoncer la penitence! O comme ne dirois je aux iniques: Ne veuilles plus vivre iniquement; et aux delinquans: Ne relevés plus les cornes de vostre fierté et felonie!.

  A026001216 

 Comme vous respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque je ne respandis jamais un verre d'eau pour vos pauvres? Comme voudrais je vous supporter en croix, puisque je ne fuis jamais rien tant que les croix? Et quel predicateur de penitence, moy [182] qui n'en fais point, et qui contribue tous les jours, plus que nul autre, au desplaysir que les pechés vous donnent?.

  A026001216 

 Mais, o Seigneur, pourquoy m'amuse-je a ces desirs, desquelz je n'ay la force d'en prattiquer un seul? Comme vous donnerois je mes habitz prætieux, moy qui n'en donnay jamais un vil et usé a vos pauvres? Sur la croix vous ne me les demandes pas, et je vous les offre; en vos pauvres vous me les demandes, et je les refuse! O vaynes et miserables offres qui ne se font qu'en apparence, et en effect ne sont que mocqueries.

  A026001220 

 J'instruiray les desvoyés, et diray a mon cœur et aux autres: Voules vous estre plus cruelz a l'endroit de vostre Sauveur que ne sont les vautours a l'endroit des colombeaux? ilz n'en deschirent ni devorent jamais le cœur.

  A026001220 

 Voules vous bien estre si acharnés a l'encontre du beni Colombeau qui niche sur la croix, que de deschirer son cœur avec les dens de vos impietés? Seigneur, ah, doresnavant je consoleray par effect le pauvre et empescheray le peché..

  A026001224 

 Exterieurement: avec un grand silence, les yeux doux et benins, qui regardent par fois au Ciel, dans le sein de la misericorde du Pere, quelquefois sur le peuple, auquel il procure la grace de cette misericorde, sa bouche n'estant ouverte en ce mistere que pour jetter des souspirs de douceur et de patience.

  A026001225 

 Mais, helas, miserable que je suis, qui ne sçaurois souffrir un mot sans crier, sans me plaindre, sans faire du bruit au logis; jamais je ne finis mes lamentations, je les estens et respans par tout..

  A026001246 

 C'est pourquoy nous devons tous-jours regarder a bien observer ce que Dieu commande a tous les chrestiens, et aussi ce que nostre vocation requiert de nous particulierement; et qui ne fait soigneusement ceci ne peut jamais avoir qu'une devotion trompeuse..

  A026001247 

 Ainsy, les mortz des parens, pertes, maladies, secheresses, distractions, nous donnent sujet de nous perfectionner..

  A026001247 

 C'est pourquoy il les faut recevoir de bon cœur, et conformer sa volonté a celle de Dieu qui les veut; et qui peut passer jusques au point de non seulement les supporter patiemment, mais aussi de les vouloir, il peut bien dire quil a acquis une tres grande conformité.

  A026001247 

 Il y a encor des autres sujetz dont on ne peut douter que Dieu ne les veuille, comme sont les tribulations, maladies et afflictions.

  A026001248 

 En quoy une grande quantité de personnes se trompent, qui ne se preparent que contre les grandes afflictions, et demeurent sans armes, sans force et sans aucune resistence es petites; la ou il seroit plus supportable d'estre moins præparé aux grandes, qui ne surviennent que fort peu souvent, et l'estre aux petites, qui sont quotidiennes et se presentent a chasque moment.

  A026001248 

 Je donne un exemple de ce que je dis: Je me prœpareray a supporter patiemment la mort, qui ne me peuvent (sic) arriver qu'une fois, et je ne me præpareray point a supporter les incommodités que je reçoy des humeurs de ceux avec lesquelz je converse, ou les importunités d'esprit que ma charge m'apporte, qui se presentent cent fois le jour: c'est cela qui me rend imparfait..

  A026001249 

 Il y [a] des autres actions ausquelles je ne suis point obligé ni par les commandemens generaux de Dieu, ni par le particulier devoir de ma vocation; et en celles ci il faut [186] estre soigneux de considerer en liberté d'esprit ce qui tend a la plus grande gloire de Dieu, car c'est cela que Dieu veut.

  A026001250 

 Mais si la chose est d'importance, comme de changer de profession, faire des veuz perpetuelz, entreprendre des grans voyages, donner des grandes quantités en aumosne, apres y avoir un peu pensé, il en faut conferer avec les peres spirituelz sous la conduitte des quelz on s'est remis, et passer par leur advis avec simplicité, car Dieu les assistera a vous bien adresser.

  A026001252 

 Les grans moyens pour parvenir a la perfection sont de deux sortes. Le premier et principal, c'est d'avoir la grace interieure de Dieu, et celluy ci se doit obtenir par prieres, oraysons, sacrifices, reception des Sacremens.

  A026001260 

 Puis donq que nous sommes obligés d'aspirer a la perfection, il est requis de connoistre les moyens propres pour l'acquerir, et tout ensemble les actions qu'elle produit en nous, qui n'est qu'une mesme chose; car tout ainsy que le grain du froment produit la plante et la plante produit le grain, ainsy les saintz exercices produisent la perfection et la perfection fait naistre les saintz exercices.

  A026001260 

 Puisque la perfection de l'ame consiste en la charité, et la charité est [188] le don principal du Saint Esprit, le premier moyen pour obtenir la perfection, c'est de la demander humblement, instamment et continuellement a Dieu par prieres et meditations; le deuxiesme, c'est l'usage des Sacremens, car ilz sont les canaux par lesquelz Dieu distille en nous la grace, charité et perfection; le troisiesme, c'est l'exercice des vertus en general..

  A026001261 

 Mais parce que ce troisiesme moyen est si ample, je le reduiray en cette sorte: Les trois vertus des Religieux sont les trois plus signalés instrumens pour acquerir la perfection et les trois plus grans effectz d'icelle.

  A026001261 

 Or, ces trois vertus ou vœux estant gardees, quoy que non vouees, elles rendent l'homme parfait; il faut donq tascher a les acquerir en tous les degrés qu'elles ont..

  A026001265 

 L'obeyssance a trois degrés en ce qui concerne les personnes a qui nous rendons obeissance.

  A026001266 

 Contre ce degré pechent tous les espritz opiniastres, contentieux et sujetz a leurs volontés..

  A026001267 

 degré, c'est d'obeyr aux inferieurs, s'accommodant aucunement a leurs desirs entant qu'ilz ne sont point mauvais, avec une [douce] condescendance; et a ce degré est contraire l'authorité imperieuse et desdaigneuse que l'on prend sur les inferieurs.

  A026001269 

 Cette mesme obedience a troys autres degrés, selon les choses esquelles il faut exercer l'obeyssance.

  A026001271 

 L'exemple en est en Nostre Seigneur qui fit toute sa vie tout ce qui visoit plus a la gloire de son Pere eternel, de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere, et de tous les Saintz..

  A026001271 

 degré, c'est d'obeyr aux inspirations et mouvemens interieurs que l'on reconnoist tendre a la plus grande gloire de Dieu, et ce, apres les avoir examinés ou fait examiner.

  A026001273 

 est lhors qu'on nous commande quelque chose aggreable, comme seroit de ne point travailler les festes, de chanter en musique, ou quelque autre chose semblable, laquelle de soy mesme nous est aggreable; et en cela il n'y a pas grande vertu en obeyssant, mais il y a bien du grand vice en des-obeyssant.

  A026001275 

 est quand on nous ordonne de faire des choses aspres et difficiles, comme de pardonner aux ennemis, souffrir patiemment les afflictions, ou faire quelque autre chose qui soit fort contraire a nostre inclination; et lhors le merite est extremement grand en obeyssant, et le peché moins grand en des-obeyssant..

  A026001284 

 Pendant les affayres, regardés souvent la divine Bonté; ayés provision de quelques parolles enflammees qui, de tems en tems, servent de refrain a vostre ame.

  A026001285 

 Le Dimanche, entrés dans celle du costé; le lundy, dans celle du pied gauche; le mardy, dans celle du pied droit; le mercredy, dans celle de la main gauche; le jeudy, dans celle de la main droite; le vendredy, dans les cicatrices de son adorable chef; le samedy, retournés entrer dans son sacré costé, affin que par iceluy vous commencies et finissies vostre semaine. [193].

  A026001299 

 Mais, Seigneur, puisque vous m'aves receu, eslevé et maintenu dans les entrailles de vostre sainte presence, hé, mon bon Dieu, ne me rejettes point de devant vostre sainte face, permettes a ce cœur miserable qu'il respande ses indignes pensees et chetifves affections dans le sein de vostre misericorde, et qu'il prononce ses afflictions devant vous.

  A026001303 

 Je m'imagine de plus, que le crucifiement est des-ja fait, c'est a dire, la croix estendüe sur la terre; que Nostre Seigneur, despouillé, tout fin nud, a esté attaché par les bourreaux sur icelle, cloüé et serré pieds et mains.

  A026001303 

 Je m'imagine et il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars pour voir crucifier le Sauveur, je me treuve sur le mont de Calvaire, en un lieu un peu plus esloigné que les autres, separé et relevé, et par consequent plus advantageux pour voir et considerer a part moy ce triste et cruel spectacle.

  A026001304 

 Il reste que je poursuyve a considerer les particularités qui peuvent esmouvoir ma volonté aux saintes affections et resolutions: et cela est la meditation..

  A026001308 

 En l'exterieur, a mesure qu'on l'esleve, son cors s'incline, pese et se supporte tout entierement sur ses pieds et ses mains cloués, dont les playes s'agrandissent et la douleur se rend immense.

  A026001313 

 Hé, qui sera ce tigre qui ne fondra en larmes sur ce jeune Roy, le plus doux de tous les hommes, vray Filz de Dieu, et qui est si mal traitté? Helas, nul n'est si denaturé qui voyant un criminel sur la roue, pour criminel qu'il soit, n'en ayt compassion: hé donques, mon ame, mourras tu point de compassion de voir ton Sauveur qui souffre tant? Voy ce cœur tant affligé pour les pechés du monde; et si ton cœur ne s'afflige avec luy, faut il pas qu'il soit plus dur qu'un diamant?.

  A026001314 

 Helas, ses playes sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert les pechés du monde contre l'indignation du Pere æternel! O Dieu, que ne suis je quelque excellent et fructueux praedicateur, pour au moins empescher que ce divin cœur ne fust tant offensé par tant d'iniquités! O comme je dirois: Ne veuilles plus vivre iniquement, et ne releves plus les cornes de vos meschancetés pour les ficher dedans ce cœur des-ja tant affligé!.

  A026001315 

 Je n'en donnay jamais un seul, pour vil et usé qu'il fust; et comment vous donnerois-je les prætieux? Comment respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque j'ay bien de la peyne a respandre un verre d'eau pour vos pauvres? Hé, quel prædicateur de penitence, moy qui n'en ay point encor fait, et qui contribue tous les jours plus qu'aucun autre aux desplaysirs que vous donnent les pechés! O vains et miserables desirs, o offres inutiles, puisqu'elles ne sont qu'en apparence, et qu'en effect ce ne sont que mocqueries..

  A026001315 

 Mais, o mon Dieu, pourquoy m'amusé-je a ces desirs, moy qui n'ay presque pas la force d'en prattiquer un seul? Vous ne me demandes pas sur la croix mes vestemens, et je vous les offre; vous me les demandes en vos pauvres qui sont vos membres, et je vous les refuse.

  A026001319 

 Je me diray a moy mesme, et puis aux autres: Serons-nous plus cruelz au Sauveur que les vautours ne le sont aux colombes? ilz n'en deschirent jamais le cœur.

  A026001319 

 Je me resous de soulager les pauvres, de faire penitence, d'y semondre les autres.

  A026001319 

 Serons-nous si acharnés contre le saint Colombeau qui niche sur [197] l'arbre de la croix, que de massacrer et deschirer son cœur avec les malheureuses dens de nos impietés? Ah, Seigneur, ah! je seray doresnavant impitoyable en la resolution que je fay d'aymer et de secourir les pauvres, qui sont vos membres, et de procurer mon amendement et celuy des autres..

  A026001321 

 Voyla une consideration bien au long estendue, avec les affections et resolutions; je passeray maintenant et legerement sur les autres et ne feray que les marquer..

  A026001329 

 O miserable que je suis, qui ne sçaurois souffrir un mot sans replique, qui pour la moindre affliction fais sans cesse des plaintes et les respans aux oreilles de tout le monde.

  A026001335 

 O obeissance admirable et vrayement filiale! O que vous merites bien d'avoir un tel Pere, puisque vous luy rendes une telle obeissance! Mais ne suis-je pas bien effronté d'appeller ce mesme Dieu mon Pere, luy estant si desobeissant? Et comment obeirois-je jusques a la mort, puisque je n'obeis pas mesme jusques a la souffrance d'une petite parole fascheuse et d'un regard de travers? O je veux changer d'humeur, et pour l'amour de mon Sauveur je veux boyre cy apres tous les calices qu'il me presentera..

  A026001336 

 Mon iniquité est donques bien grande: helas, que je suis miserable de m'y estre si souvent abismé! O peché tres abominable, je ne te verray jamais d'un costé que je ne me jette incontinent de l'autre, quand il y auroit tous les tourmens du monde a souffrir; non, je ne veux plus me souiller en tes miserables ordures..

  A026001343 

 Faites, o mon Dieu, que vostre sang serve de ciment pour cimenter en mon ame les affections et resolutions que vous m'aves donnees.

  A026001343 

 Mon Dieu, mon Sauveur, je vous remercie de la grace que vous m'aves faite, m'ayant permis de jetter mes yeux sur vostre divine Majesté en cette mienne meditation, et je vous rens mille actions de graces de toutes les peynes et souffrances que vous aves endurees en tout ce sacré [199] mistere; et sur tout je vous remercie de l'amour qui vous les a fait souffrir, et de cette tres misericordieuse intention que vous eustes d'appliquer a mon ame en particulier les merites que vous y aves acquis.

  A026001344 

 Ah, Seigneur, convertisses les pecheurs, fortifies les pœnitens et perfectionnes les justes.

  A026001344 

 O Pere æternel, je vous offre toutes ces peynes et afflictions de vostre Filz mon Sauveur, ses vertus, ses merites et son sang; et en vertu de tout cela, et de l'intercession de sa Mere, de toute vostre Cour cœleste, de l'Eglise son Espouse et de tous vos fideles qui combattent icy bas en terre, je vous demande vostre sainte et paternelle benediction pour mon cœur, et vostre speciale assistance pour vostre Eglise, pour les chefz d'icelle, pour les princes chrestiens, pour mes parens, amis et bienfacteurs, pour les desvoyés, pour le soulagement des ames du Purgatoire.

  A026001348 

 Je vous advertis premierement, qu'encor qu'il soit [200] bon pour l'ordinaire de tenir cette methode, c'est a dire, d'adjouster les affections aux considerations et les resolutions aux affections, en sorte que la consideration marche la premiere, toutesfois, si apres la proposition du mistere l'affection se treuve asses esmeue, comme il arrive quelquefois, alhors il luy faut lascher la bride et la laisser courir, car c'est signe que le Saint Esprit nous tire de ce coste la; et puis, la consideration ne se fait que pour esmouvoir l'affection..

  A026001349 

 Il me semble qu'il est meilleur de faire les affections apres chaque consideration que d'attendre apres toutes les considerations, parce qu'on chemine plus simplement.

  A026001349 

 Je vous donne donq pour regie generale de ne retenir jamais les affections en vostre meditation; mais de les laisser sortir tous-jours quand elles se presentent, jusques a la fin du tems prefigé a la meditation, qu'il faut venir aux resolutions, action de graces, priere et offrande..

  A026001350 

 Encor qu'il soit bon de reserver l'action de graces, la priere et l'offrande pour la fin de la Meditation, si est ce que ce sont trois affections qui se peuvent aussi faire avec les autres parmi les considerations, et se presentant, il leur faut aussi librement faire place sans les retenir..

  A026001351 

 Parmi les affections et resolutions, il est bon de parler non seulement a Nostre Seigneur, aux Anges et aux personnes representees aux misteres; mais a soy mesme, a son cœur, aux pecheurs, voire mesme aux creatures insensibles, comme l'on void que David fait en ses Psalmes et saint François en ses oraysons.

  A026001352 

 Encor que vous ayes preparé plusieurs considerations, toutesfois si une suffit pour vous entretenir pendant vostre demy heure, ne passes pas plus avant; et si vous ne treuves pas en l'une d'icelles dequoy eschauffer vos affections, faites les suivantes l'une apres l'autre, jusques a ce que vous ayes treuvé la veine des affections..

  A026001353 

 Ainsy, reconnoissant par la tristesse et engourdissement de vostre esprit que vous estes fort miserable, serves vous de cette occasion et, pleine de confiance, escries vous devant Dieu: Ouy, Seigneur, je suis miserable; mais pour qui la misericorde est-elle, sinon pour les miserables? Et par ce moyen, vous passeres de la meditation que vous avies preparee a la meditation de vostre propre misere, de laquelle vous tireres des affections d'humilité, de confiance, et telles semblables qui vous seront tres utiles..

  A026001353 

 Quelquefois il sera bon de vous resouvenir de la Chananee, laquelle estant rejettee par Nostre Seigneur qui l'appella chienne, le prit au mot luy disant: Ouy vrayement, je le veux bien; mais les chiens mangent au moins quelques miettes de la table de leurs maistres.

  A026001355 

 Le troysiesme, c'est de picquer vostre esprit par quelque contenance de devotion: comme se prosterner en terre, estendant les bras en croix, tenant les mains jointes et eslevees au ciel.

  A026001355 

 Mais si, ne pouvant luy parler ni l'ouyr, nous demeurons la en devotieuse contenance, il aggreera nostre patience et favorisera nostre assiduité, et sans doute qu'une autre fois il nous prendra par la main, s'entretiendra avec nous et nous fera voir toutes les allees du saint jardin de l'orayson.

  A026001357 

 POUR LES DISTRACTIONS.

  A026001359 

 Il sera bon mesmement de vous imaginer que vous estes en la compaignie de plusieurs personnes devotes avec qui vous voules faire orayson; et mesme, si vous en connoisses, vous pourres vous les imaginer en l'acte de ferveur et de priere.

  A026001360 

 Tous les remedes contre la secheresse sont bons contre les distractions..

  A026001366 

 Ainsy vous pourres faire de saintes considerations, telles que le Saint Esprit vous les suggerera..

  A026001371 

 On considere quelles occasions on pourra rencontrer le long de la journee pour servir Dieu, ou au contraire pour l'offenser, et cela chacun selon sa condition, et les affaires que l'on peut avoir ce jour la; et les ayans reconneues, on [205] fera une ferme resolution d'embrasser la vertu et d'eviter le peché; en quoy il faut encor qu'un chacun ayt esgard aux imperfections ausquelles il est sujet..

  A026001372 

 Apres cela, on offre a Dieu et soy et toutes ses actions, et pour les luy rendre aggreables on prie Jesus Christ son Filz de les vouloir unir a ses merites et a sa Passion..

  A026001373 

 En fin on prie Dieu de nous estre propice et de nous fortifier en nos bons desseins; et a mesme intention on invoque la Vierge et les Saintz pour qui nous avons le plus de devotion, avec tous les autres, et particulierement nostre bon Ange.

  A026001377 

 Par les considerations, on verra qu'il faut embrasser la vertu et fuir le peché.

  A026001383 

 Apres le Sanctus, il faut en grande humilité et reverence penser au grand bienfait de la Mort et Passion de nostre Sauveur, le suppliant de la vouloir appliquer au salut de tout le monde, et particulierement au nostre et a celuy des enfans de son Eglise, a la gloire et felicité de tous les Saintz et au soulagement des ames du Purgatoire..

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001398 

 J'appreuve qu'autant qu'il se peut, l'on s'endorme avec une contenance devote, comme les mains croisees sur l'estomach, ou jointes..

  A026001401 

 Partant, s'il arrive que pour quelque honneste sujet vous laissies de faire tous ces exercices, ou l'un d'eux, ne vous mettés point en peyne, mais reprenes-les tout bellement le jour suyvant..

  A026001403 

 Au contraire, il semble meilleur de prier souvent, quoy que peu, que de prier beaucoup une seule fois; et les anciens Peres ont prattiqué cecy..

  A026001403 

 Donques, pour le reste du tems de la Messe auquel je n'ay pas dit ce qu'il failloit faire, ou bien il faut continuer les affections que je vous ay marquees chacune en son ordre: comme, par exemple, celle de la contrition jusqu'a l'Evangile; celle de protestation de foy jusqu'a la Preface, et ainsy des autres.

  A026001403 

 Pour le regard de la Messe, je n'ay pas voulu particulariser sur tous les misteres d'icelle, pour vous instruire comme il y faut correspondre par le menu avec des oraysons et des pensees, d'autant que cela charge tant la me [209] moyre que la volonté n'a pas ses affections libres.

  A026001409 

 Et pour le sujet duquel nous parlons, considerons les facultés principales de l'ame.

  A026001409 

 Tous les docteurs spirituelz sont d'accord que deux choses sont principalement necessaires avant la Communion, a sçavoir, le bon estat de l'ame et le bon desir.

  A026001411 

 Ce poinct est commun a tous les misteres de la sainte foy et a plusieurs autres choses, comme a la creation du monde, duquel nous ne sçaurions dire comme Dieu fit quand il le crea, ni comme il fit quand il crea nostre ame et la mit dans nostre cors.

  A026001412 

 Puis, se retournant a son propre entendement: Et quoy, petit mouscheron, nourri parmi la pourriture de ma chair, voules vous brusler vos aisles a cest immense feu de la puissance divine, laquelle consumeroit et devoreroit les Seraphins, s'ilz se vouloyent fourrer en telles curiosités? Non, petit papillon, il vous appartient seulement d'adorer cet abisme, et non pas de le sonder.

  A026001416 

 En figure dequoy les Israelites ne demanderent pas comme la manne se faysoit, mais la voyant toute faitte, ilz demandoyent [213] ce que c'estoit.

  A026001419 

 Il faut donques pour un tems oublier les choses materielles et temporelles, quoy que bonnes et utiles, pour se preparer a la sainte Communion, et faire comme le bon Abraham, qui, voulant aller sacrifier son filz, laissa l'asne et les serviteurs au pied de la montagne jusques a ce qu'il eust fait; car tout de mesme faut il retirer sa memoyre du souvenir des affaires domestiques et temporelles, jusques apres la Communion, toutes choses ayant leur tems..

  A026001420 

 Il faut, apres cest oubli volontaire, parer la memoire d'une sainte souvenance de tous les bienfaitz dont Dieu nous a gratifiés: la creation, conservation, redemption et plusieurs autres, mais sur tout de sa sainte Passion, en memoyre de laquelle il a voulu nous laisser le propre cors qui souffrit pour nous, en ce divin Sacrement, n'ayant peu nous en laisser une plus vive et expresse representation.

  A026001423 

 Ainsy Nostre Seigneur lava les piedz a ses Apostres avant l'institution d'iceluy, pour monstrer que les affections des communians doivent estre fort pures; et la manne devoit estre cueillie a la fraischeur, avant le lever du soleil, parce que les chaleurs naturelles, les amours et affections desmesurees des enfans, des parens, amis, biens, commodités empeschent qu'on ne puisse cueillir cette celeste viande.

  A026001423 

 Il la faut purger des affections desreglees et desordonnees, mesme des choses bonnes; c'est pourquoy ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal devoyent avoir des souliers en leurs piedz, affin qu'ilz ne touchassent point la terre des piedz; car « les piedz de l'ame sont ses affections », qui la portent par tout ou elle va, dit saint Augustin, et ses affections ne doivent pas toucher la terre ni estre a l'abandon, mais doivent estre resserrees et couvertes en mangeant le vray Aigneau paschal, qui est le tressaint Sacrement.

  A026001425 

 Mais parce que cette preparation est deduitte en termes generaux, je mettray icy les advertissemens particuliers a la prattique d'icelle..

  A026001433 

 Que si vous voulies par fois faire vostre meditation sur la Communion le jour precedent, vous pourres aysement y accommoder les misteres de la vie de Nostre Seigneur qui se rencontreroyent en la suitte de vostre orayson mentale, les appliquant comme a exercer en vostre endroit a l'heure de vostre Communion: car, qui vous empeschera de vous representer que Nostre Seigneur vous y presente les benefices qu'il a faitz, ou vous donne interieurement les enseignemens qu'il a donnés? Et ainsy des autres; et il y a peu de misteres qui ne soyent propres a cela..

  A026001434 

 Pour la memoire, il est bon de donner ordre le plus qu'il se pourra, que sur tout despuis souper vous ne soyes occupee ni d'esprit ni de cors a aucune affaire esloignee du dessein de la Communion, mais que vous fassies une particuliere retraitte de vostre esprit et de tous vos sens en vostre interieur, pour attendre l'Espoux avec les lampes en main, et que l'huile n'y manque pas; et pour cest effect, que la recreation de l'apres souper soit un peu plus devote et de propos de charité, et le souper plus sobre, sans tristesse neanmoins, ni trop d'austerité..

  A026001435 

 J'appreuverois que pour ayder la compaignie a [217] se resouvenir des bienfaitz de Dieu au jour de la Communion, chaque Religieuse sceut le jour de sa reception et des autres graces plus signalees receues de Dieu; et qu'autant que l'humilité et la simplicité chrestienne le peut permettre, le soir avant la Communion, elle en resouvint les Seurs en l'heure de la recreation, et sur la fin les priast d'en remercier Dieu avec elle.

  A026001437 

 Et quant au desir du saint Sacrement, il le faut exciter par l'amour de l'Espoux et par la consideration de l'honneur et du bien que nous recevons de sa venue: a quoy serviront les eslancemens spirituelz desquelz j'ay parlé ci dessus, et les considerations que je mettray ci dessous, avec les imaginations que j'y depeindray..

  A026001438 

 Si la nuict on s'esveille, il faut remplir sa bouche de quelque bonn'aspiration, comme du nom de Jesus et Marie, qui sont propres a parfumer la bouche en laquelle Nostre Seigneur veut entrer; ou bien les parolles de l'Espouse: Je dors, et mon cœur bienaymé veille, et semblables..

  A026001440 

 Il faut, s'approchant de la Communion, y aller les yeux baysés (sic) et en posture tres humble.

  A026001440 

 J'appreuve de tenir les mains sous la nappe et non dessus.

  A026001440 

 Je n'appreuve pas nomplus le souspir en cet instant, car il peut faire du scandale remuant les hosties qui sont dans la petene ou vase de Communion.

  A026001443 

 Avant que d'y aller on peut exciter le desir par la comparaison du cerf lancé et malmené, comme fait David au Psalme 41, qui est bon a lire puisque vous les aves en françois, et par l'exemple de Magdeleyne qui par tout le cherche avec ardeur: chez Simon le Lepreux, au sepulchre, au jardin, qui pleure en le cherchant, et qui dit a [219] luy mesme qu'il luy enseigne le lieu ou il s'est mis: Si tu l'as enlevé, dit elle, dis le moy et je l'iray reprendre.

  A026001443 

 Tantost comme l'enfant prodigue, nous excitans a nous aller jetter entre les bras de nostre Pere et luy demander de rentrer en son service.

  A026001444 

 Et il est vray aussy que les Anges font feste autour de ce saint Sacrement et de ceux qui l'ont receu, comme dit saint Chrisostome.

  A026001444 

 [Apres la Communion, nous devons semondre nostre ame a plusieurs affections,] comme par exemple: a la crainte de contrister et perdre ce saint Hoste, comme faysoit David, disant: Seigneur, ne vous departes point de moy; ou comme les deux pelerins d'Emaüs qui luy disoyent: Demeures avec nous, car il se fait tard.

  A026001445 

 A l'action de graces, par les paroles que Dieu mesme dit a Abraham quand il luy eut voüé le sacrifice de son filz; car nous pouvons les addresser a Dieu le Pere qui nous donne son propre Filz en viande: O Seigneur, par ce que vous m' aves faitte cette grande grace, je vous beniray de benedictions immortelles et multiplieray vos louanges comme les estoiles du ciel..

  A026001446 

 A la resolution de le servir, par les paroles de Jacob apres qu'il eüt veü la sainte eschelle: Dieu me sera mon Dieu, et la pierre de mon cœur, ci devant endurci, sera sa mayson.

  A026001447 

 Combien de goustz et consolations pendant l'enfance de Nostre Seigneur, quand ilz le portoyent en leurs bras et sur leur poitrine, quand ilz le baysoyent et que de ses divins bras il les accoloit souaifvement! et puis, considerer que nous sommes faitz semblables a eux par la Communion, en laquelle Nostre Seigneur s'unit bien plus a nous que sil nous baysoit et accoloit.

  A026001447 

 Or, nous les pouvons faire diverses; les plus [utiles] sont de Nostre Dame et de saint Joseph.

  A026001451 

 Vous treuveres peut estre aussi bien longue cette instruction, mais il faut que vous sçachies deux choses: l'une, que vous ne deves pas faire tout ceci tout a coup, mays seulement vous en servir a mesure que vous connoistres en avoir besoin, et en prendre ce qui vous aydera; l'autre, c'est que je vous ay couché cette preparation si au long, affin que vous en puissies ayder les autres qui en auront necessité..

  A026001454 

 Et l'un de ses principaux fruitz c'est la charité mutuelle et la douceur de cœur les uns envers les autres; car nous nous tenons tous a un mesme Seigneur, et en luy nous nous devons entretenir cœur a cœur les uns avec les autres.

  A026001458 

 C'est pourquoy il faut traitter de l'une et de l'autre ensemble, et les remecies de l'une sont prouffitables pour l'autre..

  A026001460 

 Mais, troisiesmement, l'ame cherchant les moyens d'estre delivree du mal qu'elle sent, peut les chercher pour l'amour de Dieu ou pour l'amour propre: si c'est pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, humilité et douceur, attendant le bien non tant de soy mesme et de sa propre diligence, comme de la misericorde de Dieu; mays si elle les cherche pour l'amour propre, elle s'empressera a la queste des moyens de sa delivrance, comme si ce bonheur dependoit d'elle plus que de Dieu.

  A026001460 

 Secondement, elle voudroit et desire en estre quitte, cherchant les moyens de s'en desfaire; et jusques la il n'y a point de mal, et ces deux actes sont louables.

  A026001465 

 Et comme les seditions en une republique la ruynent entierement et empeschent qu'on ne puisse combattre l'ennemy, ainsy nostre cœur estant troublé en soy mesme, perd la force d'acquerir les vertus et de se servir des moyens qu'il devroit employer contre ses ennemis, lesquelz ont, comme l'on dit, la commodité de pescher en eau trouble..

  A026001466 

 Ceux qui sont parmi les halliers et buissons, s'ilz veulent courir et s'empresser a cheminer, ilz se piquent et deschirent; mais s'ilz vont tout bellement, destournant les espines de part et d'autre, ilz passent plus vistement et sans piqueure..

  A026001466 

 Qu'est ce qui fait que les oyseaux ou autres animaux demeurent pris dans les filetz, sinon qu'y estans entrés, ilz se desbattent et remuent dereglément pour en vistement sortir, et ce faysant ilz s'embarrassent et empeschent tant plus.

  A026001467 

 C'est pourquoy, estans tumbés clans les filetz de quelques imperfections, nous n'en sortirons pas par l'inquietude, au contraire nous nous embarrasserons tous-jours davantage.

  A026001467 

 Et pour parvenir a cela, il faut lire et relire les 14, 15 et 16 chapitres du Combat spirituel.

  A026001468 

 Aussi Nostre Seigneur renvoyoit tous-jours les penitens en paix: Alles en paix, disoit il..

  A026001472 

 L'ennemy se sert de la tristesse pour exercer ses tentations [227] a l'endroit des bons; car, comme il tasche de faire res-jouir les mauvais au mal, aussi tasche il de faire attrister les bons au bien.

  A026001473 

 La tristesse est presque ordinairement mauvaise et rarement bonne; car, selon les Docteurs, l'arbre de tristesse produit huit branches, sçavoir: misericorde, penitence, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie et impatience; entre lesquelles, comme vous voyes, il n'y a que les deux premieres qui soyent purement bonnes.

  A026001477 

 Mays la bonne tristesse vient doucement en l'ame, comme une pluye douce qui attrempe les chaleurs des consolations, et avec quelque rayson precedente.

  A026001479 

 La mauvaise tristesse obscurcit l'entendement, prive l'ame de conseil, de resolution et de jugement, comme elle fit ceux desquelz parlant le Psalmiste, il dit qu' ilz furent troublés et esbranslés comme un homme qui est ivre, et toute leur sagesse fut devoree; on cherche les remedes ça et la confusement, sans dessein et comme a tastons.

  A026001481 

 Ilz pensent que Dieu soit inequitable en leur endroit, et severe jusqu'a l'eternité, et le tout pour leur particulier seulement, estimant tous les autres asses heureux au pris d'eux: ce qui provient d'une secrette superbe qui leur persuade qu'ilz devroyent estre plus fervens et meilleurs que les autres, plus parfaitz que nul autre.

  A026001483 

 Or, le fondement de ces differences qui sont entre la bonne et la mauvaise tristesse, c'est que le Saint Esprit est Autheur de la bonne tristesse; et parce qu'il est l'unique Consolateur, ses operations ne peuvent estre separees de consolation; parce qu'il est la vraye Lumiere, elles ne peuvent estre separees de clairté; bref, parce qu'il est le vray Bien, ses operations ne peuvent estre separees du vray bien: si que les fruitz d'iceluy, dit saint Paul, sont charité, joye, paix, patience, benignité, longanimité.

  A026001483 

 Or, toutes les marques de la mauvaise tristesse sont les mesmes pour la mauvaise timidité..

  A026001489 

 Il est bon de s'employer a l'œuvre exterieure et la diversifier le plus que l'on peut, pour divertir la vehemente application de l'esprit de l'objet triste, purifier et eschauffer les espritz; la tristesse estant une passion de [la] complexion froide et humide..

  A026001490 

 Il est bon de faire souvent des actions exterieures de ferveur, quoy que sans goust: comme d'embrasser le Crucifix, le serrer sur son cœur et sur sa poitrine, luy bayser les pieds et les mains, lever les yeux au Ciel avec des propos d'esperance, comme: Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy.

  A026001492 

 Et les faut employer bon gré mal gré la tristesse, a laquelle il ne faut point donner d'audience ni de credit, pour vous empescher de proferer et eslancer ces parolles de confiance et d'amour; et bien qu'il semble que ce soit sans fruit, il ne faut pas laisser de continuer, et attendre le fruit qui ne laissera pas de paroistre apres un peu de contention..

  A026001492 

 Il faut tous-jours s'addresser en ce tems-la a sa divine bonté par des invocations pleines de confiance, ce que l'on ne fait pas quand on est dans le tems de la joye et hors de la tristesse, ou l'on peut croire que l'on a plus de besoin d'exciter en son cœur les sentimens de crainte; par exemple, ceux ci: O Seigneur tres juste et terrible, o que vostre souveraine Majesté me fait trembler! et semblables.

  A026001494 

 L'un des plus asseurés remedes est de desployer et ouvrir son cœur, sans y rien cacher, a quelque personne spirituelle et prudente, et luy declairer tous les ressentimens, affections et suggestions qui arrivent de nostre tristesse, et les raysons avec lesquelles nous les nourrissons; et cela il le faut faire humblement et fidellement.

  A026001495 

 Dieu, au contraire, demande pour la premiere condition, la discretion; ne voulant pas a la verité que l'on descouvre indiscrettement ses graces et faveurs, mais bien que l'on les descouvre avec prudence et selon les regles d'une humble discretion aux personnes de qualités requises.

  A026001495 

 Et notes que la premiere condition que le malin met en l'ame qu'il veut affliger et seduire c'est le silence, comme font les seditieux dans les conspirations et fascheux evenemens; car ilz demandent sur tout que leurs entreprinses et resolutions soyent secrettes.

  A026001497 

 Ceux qui ont plus de discernement aux choses spirituelles se pourront guider par d'autres voyes que Nostre Seigneur leur suggerera; ce pendant, si celles cy peuvent servir, employes-les soigneusement, et pries pour celuy qui vous les a marquees..

  A026001503 

 Sur les trois premiers petitz grains vous demanderes l'intercession de la sacree Vierge, la saluant, au premier, comme la plus chere Fille de Dieu le Pere; au second, comme Mere de Dieu le Filz; et au troysiesme, comme Espouse bienaymee de Dieu le Saint Esprit..

  A026001504 

 S'il vous vient quelques autres sentimens, comme la douleur de vos pechés passés, ou le propos de vous amender, vous le pourres mediter tout le long du Chapelet, le mieux que vous pourres, vous resouvenant de ce sentiment, ou autre que Dieu vous inspirera, principalement lhors que vous prononces les deux tressaintz noms de JESUS et MARIE..

  A026001504 

 Sur chaque dizaine vous penseres a un des misteres du Rosaire, selon le loysir que vous aures, vous resouvenant de celuy que vous vous proposeres, principalement en prononçant les tressaintz noms de MARIE et de JESUS, les passant par vostre bouche avec une grande reverence de cœur et de cors.

  A026001514 

 Le jeudy, occupes vous a mediter les misterieuses offrandes que luy presentent les Rois; offres vous a luy, et adores le avec eux.

  A026001514 

 Le mercredy, regardes que des-ja il respand son sang en la circoncision; supplies le qu'il retranche toutes les superfluités de vostre ame.

  A026001514 

 Le vendredy, contemples le au Temple entre les bras de sa sainte Mere; donnes luy vostre cœur pour estre sa demeure et son temple sacré.

  A026001516 

 Une autre semayne, vous pourres vous entretenir sur les douloureux misteres de la Passion de nostre Redempteur..

  A026001518 

 Le Dimanche, voyes comme il lave les pieds a ses bienaymés Disciples; pries-le qu'il vous lave et purifie de toute ordure de peché.

  A026001518 

 Le mercredy, consideres-le pris et lié par les Juifz; demandes luy la patience aux tribulations.

  A026001518 

 Le samedy, levés les yeux en haut, voyes le estendu de son long, cloüé, eslevé en l'air sur l'arbre de la croix; prestes soigneusement l'oreille a ses douces parolles, pries le qu'il vous fasse la grace de vivre tout a luy, puisqu'il est mort pour vous..

  A026001520 

 Vous pourres excellemment tirer le motif du saint amour sur toutes les actions que le tres aymable Jesus a prattiquees durant le cours de sa tres sainte vie, en cette sorte:.

  A026001521 

 Par exemple, s'il faut prier, donner aux pauvres, conseiller quelqu'un, estre solitaire, entrer en conversation, souffrir quelque travail, souvenes vous que Nostre Seigneur en diverses occasions fit tout cela; et par apres, excitant vostre ame: Hé! [237] ce dires vous, quand il n'y auroit point d'autre rayson pour prier, pour faire l'aumosne, pour consoler les affligés, pour demeurer en solitude, pour acquiescer a cette souffrance, pour m'arrester en cette conversation, ne me suffit il pas que mon cher Maistre m'en ayt monstré le chemin? Et cela se peut faire par un simple regard et unique souspir: Ouy, Seigneur, je suis avec vous..

  A026001521 

 Quand il se presente quelque sujet d'exercer la vertu (il s'en presente a tous momens), voyes briefvement comme Nostre Seigneur l'a exercee tandis qu'il vivoit icy bas entre les hommes; et puys, animant vostre cœur d'une amoureuse imitation: Or sus, dires vous, allons, suivons, imitons le doux Jesus, nostre Maistre.

  A026001528 

 Apres cela, vous commenceres les mysteres du Rosaire, soit les glorieux, les joyeux ou les douloureux; ou bien vous vous porteres a quelqu'autre devot sentiment que Dieu vous inspirera..

  A026001530 

 Finissant au gros grain qui est au bout, vous dires le Pater, suppliant la divine Majesté qu'elle addresse le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir ramener tous les desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo, puys faisant le signe de la Croix.

  A026001535 

 Pour toutes les choses qui vous arriveront, n'alles point [en] rechercher la cause (il suffit que Dieu la sçait), mais simplement humilies vous devant Dieu, supportant la contradiction avec douceur, sans reflexions..

  A026001537 

 Mortifies vous en ces petites saillies contre les imperfections du prochain, les reprenant avec l'esprit de douceur..

  A026001538 

 N'ayes point soin de vous mesme, non plus qu'un voyageur qui s'est embarqué de bonne foy sur un navire, qui ne prend garde qu'a se tenir et vivre dans iceluy, laissant le soin de prendre le vent, tendre les voiles et faire voguer, au pilote sous la conduitte duquel il s'est mis..

  A026001547 

 Supportes genereusement les douleurs du cors et les plus violentes maladies, avec acquiescement a la volonté de Dieu..

  A026001549 

 Taises vous de toutes choses, et vous aures la paix interieure; car, pour vous et pour moy, il n'y a point d'autre secret pour acquerir cette paix que de souffrir a la rigueur les jugemens des hommes..

  A026001550 

 Ceux qui courent la bague ne pensent pas a la compaignie qui les regarde, mais a bien courre pour l'emporter.

  A026001555 

 Je, FRANÇOIS, EVESQUE DE GENEVE, accepte de la part de Dieu les vœux de chasteté, obeissance et pauvreté, presentement renouvellés par Jeanne Françoise Fremyot, ma tres chere Fille spirituelle.

  A026001564 

 Et partant, avec une sainte confusion accompagnee neantmoins d'une confiance tres grande, vous vous accuserés selon les advis suyvantz..

  A026001566 

 De mesme au genre du peché de luxure, il y a bien de la difference entre les especes d'iceluy: car desfleurer une vierge, c'est un stupre; cognoistre une femme mariee, c'est adultere; et ainsy des autres pechés..

  A026001573 

 Il est vray que celuy qui a confessé une action mauvaise n'a pas besoing de dire les autres actions qui sont ordinairement requises pour faire celle la: ainsy, celuy qui s'est accusé d'avoir commis adultere une fois n'est point obligé de dire les baisers et attouchemens quil a faict parmy cela, car cela s'entend asses sans qu'on le die, et l'accusation de telle chose est comprise en la confession de l'acte principal duquel les autres ne sont que les accessoires..

  A026001576 

 Or, entre les degrés du peché, il faut prendre garde a [246] celle (sic) qui multiplie ou redouble la malice du peché en une seule action: comme, par exemple, celuy qui derobe un escu fait un peché; celuy qui en derobe deux tout a la fois ne fait aussy qu'un peché, mais toutesfois la malice de ce second peché est deux fois aussy grande comme celle du premier.

  A026001579 

 Mais cela s'entend des desirs qui sont formés, et non pas de certaine sorte de mouvemens interieurs qui, de sursaut, a l'improuveüe et sans nostre consentement, [247] passent par nostre cœur, pendant lesquelz mesmement, qui nous interrogeroit sy nous voudrions les choses ausquelles ces mouvemens semblent nous porter, nous dirions indubitablement que non; car par la on void bien que ces desirs sont des actions de nostre nature et non pas de nostre franc arbitre..

  A026001582 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et il n'est nullement loisible de prendre a son escient plaisir et contentement au peché ny par les actions du cors, ny par celles du cœur..

  A026001582 

 Par exemple, celuy qui prend plaisir a penser en soy mesme a tuer, ruiner et maltraitter son ennemy, encor qu'il ne desire point d'en venir aux effetz, neammoins, sil a volontairement et a son escient pris delectation et res-jouissance en telles imaginations et pensées, il s'en doit accuser rigoureusement; comm'aussy celuy qui, pour prendre plaisir, s'amuse a penser, imaginer et se representer les voluptés charnelles, car il peche interieurement contre la chasteté, d'autant qu'encor qu'il n'ait pas voulu appliquer son cors au peché, il y a neammoins appliqué son cœur et son ame.

  A026001589 

 En ce premier commandement il nous est ordonné de servir, honnorer et aymer Dieu selon les reigles de la vraye relligion; les especes de peché qui se commettent contre ce commandement sont:.

  A026001591 

 C'est aussy un'espece de blaspheme de mesdire des Saintz ou parler incivilement d'eux et des choses sacrées: comme, par exemple, emprunter les paroles de l'Escriture par gausserie, risée et deshonnesteté..

  A026001592 

 La seconde espece des pechés contre ce commandement, c'est l'impieté, qui consiste és actions par lesquelles nous voulons deshonnorer Dieu ou les choses sacrées: comme font ceux qui employent les Sacremens, le saint Cresme, les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par desdain, rompent les images, ruinent les autelz, les reliques et semblables choses..

  A026001593 

 La troysiesme espece, c'est la superstition, comm'est idolatrer, c'est a dire adorer comme Dieu ce qui n'est point Dieu; user de magie, c'est a dire emploier le diable pour quelqu'operation, soit qu'on l'employe ouvertement, comme font ceux qui ont fait convention avec luy et les sorciers, soit qu'on l'employe tacitement par paroles et caracteres inconneus, ou paroles et caracteres connus, mais appliqués faussement et vainement; item, aller aux devins, et, en somme, faire ou dire quelque chose pour obtenir quoy que ce soit du malin esprit ou de ceux qui dependent de luy..

  A026001594 

 Violer les vœux que l'on a fait, ou bien faire des mauvais vœux: comme par exemple, de tuer quelcun, ou de ne faire pas quelque bien..

  A026001595 

 Tenter Dieu, c'est a dire vouloir espreuver et essaier si Dieu est bon, juste ou puissant, soit expressément, comme faisoient les Juifz demandant des miracles a Nostre Seigneur sans necessité ny raison quelconque, soit tacitement, [250] comme font ceux qui, sans necessité ny occasion, mesprisent les moyens ordinaires que Dieu nous a donné pour faire les choses, pretendantz que Dieu en fournira d'extraordinaires, et ceux qui, sans necessité, se mettent en des dangers eminentz, presumans que Dieu les en doive delivrer..

  A026001597 

 Les pechés suivans sont aussi contre ce commandement:.

  A026001599 

 Dire des mauvaises parolles contre Dieu, les Saintz et l'Esglise; disputer curieusement et temerairement des choses de la foy; disputer ou faire des persuasions que les commandemens de Dieu n'obligent pas les personnes, qu'il ne faut pas craindre de les rompre, et semblables choses que des jeunes gens font quelquefois, ou pour pervertir l'esprit des filles, ou pour faire les gallans en matiere du peché de la chair.

  A026001599 

 Se plaindre de Dieu, blasphemer, invoquer le diable ou pour soy, ou contre soy, ou contre les autres, comme font ceux qui dient: Je voudrois que le diable me guerise d'une telle maladie, ou me rompist le col, ou me fist avoir telle chose; le diable t'emporte; le diable m'emporte; et semblables choses..

  A026001600 

 Emploier les enchanteurs et les assister.

  A026001600 

 Faire des irreverences dedans les esglises, comme muguetter, cajoller, pavonner, raïller, tenir des contenances inciviles et arrogantes, empescher les autres de prier, et semblables discourtoisies et messeances spirituelles.

  A026001600 

 Ouïr les heretiques en leurs preches, prieres et assemblées; avoir leurs livres et tous livres faitz pour deviner.

  A026001601 

 Ne sçavoir pas les choses requises au bon chrestien, comme sa creance, le Patenostre, la Salutation angelique, les Commandementz de Dieu et de l'Esglise.

  A026001610 

 Travailler les festes a quelqu'œuvre servile, ou estre cause que l'on travaille, sans evidente necessité et congé des Superieurs ecclesiastiques..

  A026001611 

 Ne point avoir soin que les serviteurs et autres domestiques oyent la Messe esditz jours de festes.

  A026001611 

 Obmettre d'ouïr la sainte Messe les jours de festes et [252] Dimanches; ou bien l'oüir, mais sans attention, avec irreverence et incivilité.

  A026001612 

 Et seroit aussy une chose messeante et abuser de l'institution des festes, de faire profession et mestier ordinaire d'emploier les tems sacrés en telles occupations..

  A026001615 

 Juger temerairement de leurs deportementz et de leurs intentions; ou bien, au contraire, les affectionner tant les uns et les autres que, pour leur respect, on soit disposé d'offencer Dieu.

  A026001615 

 Leur defaillir en leurs necessités, ne les consolant pas ny secourant selon son pouvoir..

  A026001615 

 Parler mal des peres, meres, superieurs, tant temporelz que spirituelz; les contreroller, censurer et se plaindre d'eux mal a propos; leur faire des repliques hautaines, fascheuses et piquantes; les provoquer a ire volontairement et a son escient.

  A026001616 

 Item, les peres, meres et superieurs des maisons, villes et republiques offencent Dieu contre ce commandement, traittans indignement et outrageusement leurs femmes, enfans, sujetz et inferieurs; n'aiant pas soin de les advancer [253] en la vertu; ne les assistant pas és choses requises, selon leur pouvoir; les scandalisant par mauvais exemple..

  A026001617 

 Enfin, les enfans, heritiers et legataires qui n'accomplissent pas les volontés de leurs bienfacteurs, dont ilz sont chargés..

  A026001621 

 Donner ou faire donner la couverte aux pauvres gens et insensés; piquer et harier les folz, user de cruauté envers eux.

  A026001621 

 Estre dur et cruel envers les pauvres; les laisser perir ou souffrir des grandes necessités, quand on les peut secourir.

  A026001621 

 Laisser les innocens a la mercy de l'injustice, quand, par voye legitime et juste, on les peut garantir..

  A026001621 

 Prendre plaisir a faire battre les uns contre les autres, comm'on fait souventefois des laquais, gojatz et autres semblables sortes de gens.

  A026001625 

 Avoir des pensées deshonnestes et les entretenir volontairement pour se complaire en la delectation sensuelle qui en peut naistre.

  A026001625 

 Desirer les actions deshonnestes.

  A026001625 

 Et enfin, employant ou les bestes ou le diable, qui sont les deux plus malheureux exces de tous..

  A026001625 

 Regarder impudiquement les personnes.

  A026001626 

 Ce commandement aussi s'estend a ce que les personnes mariées s'entrerendent fidellement l'un a l'autre le devoir nuptial, usant de l'acte que Dieu a beny en faveur du mariage et selon rayson, tant pour la generation que pour la conservation de l'amitiée et complaisance requise entre les mariés; se ressouvenans qu'ilz sont hommes raisonnables et chrestiens, et qu'ilz doivent posseder les cors l'un de l'autre en sanctification, avec honneur, amour et dilection, et tous-jours dans les bornes que la nature a prescrites..

  A026001629 

 Et generalement, oster ou retenir sans rayson le bien, l'honneur et les commodités du prochain; comm'aussy, faire des prodigalités et despences excessives, pour lesquelles on fait des empruntz et on se prive des moyens d'assister le pauvre et met a souffrance sa famille.

  A026001629 

 Favoriser les injustes detenteurs du bien d'autruy contre les justes poursuites des vrays possesseurs et maistres.

  A026001629 

 Frauder l'Esglise des dismes et primices, ou les primices des tributz et peages justes.

  A026001629 

 N'empescher pas les larcins, concussions et autres dommages du prochain.

  A026001629 

 Ne payer point les debtes quand on le peut faire.

  A026001629 

 Retenir les gages des serviteurs, mercenaires, artisans, ouvriers, soldatz.

  A026001633 

 Par imposture, qui n'est autre chose que de jetter sur une personne un crime ou un vice qui n'est pas en luy; par aggrandissement du vice ou du peché qui se treuve en quelcun; par revelement d'un crime secret de quelqu'un; par mauvaise interpretation de l'intention de quelcun, detournant en mauvais sens les bonnes actions d'autruy; niant le bien estre en une personne, lequel y est, ou ravallant la juste estime que l'on doit avoir d'une personne; se taisant lorsque l'on peut justement deffendre de blasme une personne..

  A026001637 

 Desirer la femme du prochain, ou sa fille, ou les autres personnes qui luy appertiennent, pour les avoir et en user charnellement; car, comme le sixiesme defend le peché de luxure quant a l'effet, le neuviesme le deffend quant a l'affection..

  A026001645 

 L'orgueil n'est autre chose qu'une volonté desordonnée d'une grandeur disproportionnee a celuy qui la veut, et partant c'est peché d'orgueil de s'attribuer le bien que l'on a d'autruy comme sy on l'avoit de soy mesme; penser meriter les biens et les graces que l'on a, encor qu'il n'en soit rien; s'attribuer des biens et des graces que l'on n'a pas; se preferer aux autres es choses esquelles on ne se doit pas preferer. Or, l'orgueil est peché mortel quand on ne veut pas reconnoistre de Dieu ce que l'on a; quand, pour maintenir sa vaine estime, on est prest a violer les commandemens de Dieu et quand, pour s'exalter, on deprime et mesprise on le prochain en chose notable..

  A026001647 

 A la vaine gloire est attachée la jactance, qui consiste a se venter de chose mauvaise, ou de chose bonne, mais plus qu'on ne doit, ou avec mespris du prochain, comme quand on se vente d'estre plus que les autres; ou avec le dommage du prochain, comme quand on se vente de sçavoir guerir de telle et telle maladie, et que les personnes s'y amusent et sont trompées..

  A026001649 

 La curiosité appertient aussy a l'orgueil, qui n'est autre chose qu'un desir immoderé de sçavoir et connoistre les choses qui ne sont pas de nostre profession, ou qui sont dangereuses, ou qui sont deffendues..

  A026001655 

 De la naissent bien souvent les tromperies, fraudes, perjures, violances et trahisons..

  A026001655 

 L'avarice n'est autre chose qu'une volonté immoderée d'avoir des biens temporelz contre raison, et d'icelle naissent tous les pechés contraires au septiesme commandement; comm'aussy la durté (sic) de cœur, qui n'est autre chose qu'un trop grand soin de garder le bien que l'on a, jusques mesmes a n'avoir point de pitié des souffreteux.

  A026001659 

 Or, de la luxure dependent tous les pechés contraires au sixiesme commandement, qui rendent l'esprit distrait, obscur, inconsideré, inconstant, terrestre et brutal..

  A026001663 

 L'ire n'est autre chose qu'un appetit de vengeance, et produit tous les pechés que nous avons marqué au cinquiesme commandement, qui engendrent les pechés suivans:.

  A026001666 

 les blasphemes; 6. les querelles et les noyses..

  A026001666 

 les injures; 5.

  A026001670 

 Or, le desordre consiste ou a desirer des viandes ou breuvages trop precieux, ou a les prendre en trop grande quantité, ou a les faire apprester trop curieusement, ou a s'y complaire trop delicieusement, ou a les prendre hors de tems et de saison..

  A026001671 

 Ell'hebete l'entendement, engendre la dissolution, trouble les paroles, souille le cors et infame toute la vie.

  A026001671 

 La gloutonnie a deux branches: la gormandise, qui regarde les viandes, et l'yvrongnerie qui regarde le breuvage.

  A026001675 

 J'ay dit, entant qu'il semble diminuer le nostre, parce qu'on peut estre marry du bien de quelcun non seulement sans pecher, mais aussy par charité: comme quand on est marry que les indignes soyent advancés, ou que les ennemis de la Republique prosperent..

  A026001676 

 De l'envie naissent les jalousies, competances, haines, murmurations, detractions, resjouïssances du mal d'autruy et mille sortes de maux..

  A026001680 

 Elle procede d'une trop grande affection aux choses temporelles et des trop grandes delectations es choses sensuelles, qu'il nous fascile de laisser pour suivre la vertu; comm' aussi elle procede encor de l'apprehension du travail et de ia peine qu'il y a a pratiquer les bonnes œuvres..

  A026001681 

 Elle produit le decouragement, par lequel on n'ose pas entreprendre le bien qui nous est conseillé; l'engourdissement d'esprit, par lequel on est empesché de se mouvoir a bien faire; l' aigreur malicieuse, par laquelle on hait la perfection chrestienne; la rancune et desgoust contre les personnes spirituelles, parce qu'ilz nous provoquent au bien; l' inadvertance aux choses bonnes; le desespoir, comme sy c'estoit chose impossible de garder les commandemens de Dieu et de se sauver..

  A026001684 

 On peche contre le premier commandement de l'Esglise, [261] violant le Caresme, les vendredis, samedis, vigiles et Quattre Tems quant a l'usage des viandes prohibées, ou bien ne jeusnant pas; ce qui s'entend, sinon que quelque legitime occasion nous empesche..

  A026001687 

 Or, celuy là est estimé communier a Pasques, qui communie dans les huict jours precedens ou dans les huict jours suivans la feste de Pasques..

  A026001694 

 Ainsy, celuy qui derobe une pomme, une poire, un liard ne peche que veniellement, parce qu'il offence fort peu le prochain et par consequent ne contrarie pas parfaitement a l'amour qui luy est deu; de mesme les coleres legeres, petitz chagrins, ou quelque legere et imparfaite caresse a l'endroit de la femme d'autruy ne seront pas estimés peché mortel..

  A026001695 

 Comme par exemple, un mensonge dit par joyeuseté ou pour excuser quelqu'un: c'est un'action laquelle [263] n'est point contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ou sy ell'est contraire, c'est par une contrarieté fort imparfaite et qui regarde plustost la perfection de l'amour que l'amour mesme; car bien que le prochain reçoive les petitz mensonges pour la verité, sy est ce que cela ne luy apporte nulle sorte de nuysance.

  A026001698 

 Les grands ordinairement ne pratiquent point ce peché que par l'entremise de quelques confidens messagers et solliciteurs.

  A026001700 

 Les grans donques ayans un de ces gens-là pres d'eux et luy parlant une fois ou deux le jour, c'est merveille comme ilz en sont divertis du mal et soulagés contre les tentations..

  A026001703 

 Or, bien quil y aye de la difficulté en ces remedes, si est ce que celuy la se resoulura (sic) aysement de les pratiquer qui se ressouviendra quil faut ou quitter ce peché par quel moyen que ce soit, ou quil faut quitter la grace de Dieu et perir eternellement.

  A026001706 

 O Seigneur, faictes moy voir la quantité et l'enormité de mes maux, afin que je les deteste et me confonde en la grandeur de ma misere; mais faictes moy voir aussy l'infinité de vostre bonté, afin que je m'y confesse, et que, comme je confesse humblement devant vous et devant le Ciel que je suis mauvais, ains la meschanceté mesme de vous avoir tant offensé, je confesse aussy hautement que vous estes bon, ains la bonté mesme de me pardonner si misericordieusement.

  A026001715 

 De la, elle passa fort humblement dans la societé des vefves apres la mort de saint Joseph; et c'est l'opinion de plusieurs Peres, que cette sainte Mere de Dieu, apres l'Ascension de son adorable Filz au Ciel, vescut en terre plusieurs annees, comme les autres vefves et comme plusieurs fideles de la primitive Eglise, des aumosnes et de la communauté des biens des premiers chrestiens..

  A026001715 

 Voyes comme cette Mere universelle de tous les enfans de Dieu s'est faite toute a tous pour attirer et conduire toutes les ames a son Filz.

  A026001723 

 O Dieu eternel, Pere d'infinie bonté, qui aves ordonné le mariage pour en multiplier les hommes ici bas, repeupler la celeste cité la haut, et aves principalement destiné nostre sexe a cet office, voulant mesme que nostre fecondité fust une des marques de vostre benediction sur nous: hé, me voyci prosternee devant la face de vostre Majesté que j'adore, vous rendant graces de la conception de l'enfant auquel il vous a pleu donner estre dedans mon cors.

  A026001724 

 O Sauveur de mon ame, qui, vivant ici bas, aves tant aymé, si souvent pris entre vos bras les petitz enfans, hé, receves encor celuy ci et l'adoptes en vostre sacree filiation, affin que, vous ayant et invoquant pour Pere, vostre nom soit sanctifié en luy, et que vostre royaume luy advienne.

  A026001725 

 Et d'autant que vostre juste courroux rendit la premiere mere des humains, avec toute sa pecheresse posterité, sujette a beaucoup de peynes et douleurs es enfantemens, o Seigneur, j'accepte tous les travaux qu'il vous plaira permettre m'arriver pour cette occasion; vous suppliant seulement, par le sacré et joyeux enfantement de vostre innocente Mere, de m'estre propice a l'heure du mien douloureux, de moy, pauvre et vile pecheresse; me benissant, avec l'enfant qu'il vous plaira me donner, de la benediction de vostre amour eternel, qu'avec une parfaite confiance en vostre bonté je vous demande tres humblement..

  A026001726 

 Et vous, Vierge Mere tres sainte, ma chere Dame et unique Maistresse, qui estes l'unique honneur des femmes, receves en protection et dans le giron maternel de vostre incomparable suavité, mes desirs et supplications, affin qu'il plaise a la misericorde de vostre Filz de les exaucer.

  A026001726 

 Je le vous requiers, o la plus aymable de toutes les creatures, vous en conjurant par l'amour virginal que vous portastes a vostre cher espoux saint Joseph, par l'infini merite de la naissance de vostre Filz, par les tressaintes [268] entrailles qui l'ont porté et par les sacrees mammelles qui l'ont allaité..

  A026001733 

 Or, ces petitz enfans innocens ayment leurs meres qui les portent, avec une extreme simplicité: ilz ne regardent nullement ce qu'elles font, ni ne font point de retours sur eux mesmes ni sur leurs satisfactions, ilz les prennent sans les regarder; ilz tetent avec avidité et ne regardent point si ce lait est meilleur une fois que l'autre, car tandis qu'il y en a ilz le prennent tout de bon, sans autre curiosité.

  A026001733 

 Secondement: Et pour bien marcher ainsy a la mercy de l'amour et du soin de ce cher souverainement aimable [269] Pere, tenes souëfvement et paysiblement vostre ame ferme, sans permettre qu'elle se divertisse a se retourner sur elle mesme, ni a vouloir voir ce qu'elle fait ou si elle est satisfatte; car, ma chere Mere, nos satisfactions ne sont point aymables devant les yeux de Dieu, ains seulement elles aggreent a nostre propre amour.

  A026001734 

 De cette activité d'esprit et du soin que nostre amour nous suggere d'avoir de nostre cœur et de ce qu'il fait, provient l'inquietude de nostre cœur lhors que nous appercevons soit de loin, soit de pres, quelques tentations ou de la foy ou de quelques autres vertus que nous cherissons fort, ou mesme quand nous craignons de perdre la douceur et consolation: c'est pourquoy il faut simplifier nostre esprit, et ayant abandonné et quitté tout ce qui desplaist a Dieu, demeurer en paix dans nostre barque, c'est a dire faire en paix les exercices de nostre vocation.

  A026001737 

 Je desire que vous soyes extremement humble et petite a vos yeux, douce, condescendante et simple comme une colombe; que vous aymies vostre abjection et la prattiquies fidellement, employant de bon cœur toutes les occasions qui vous arriveront pour cela..

  A026001741 

 Pour chose que ce soit, ne perdes vostre paix interieure, quand bien tout bouleverseroit; car, qu'est ce que toutes les choses de cette vie en comparaison de la paix du cœur? [271].

  A026001750 

 Les enfans, certes, que Nostre Seigneur nous inculque devoir estre le modelle de nostre perfection, n'ont ordinairement aucun soin, sur tout en la presence de leurs pere et mere; ilz se tiennent attachés a eux, sans se retourner a regarder ni leurs satisfactions ni leurs consolations, qu'ilz prennent a la bonne foy et en jouissent en simplicité, sans curiosité quelconque d'en considerer les causes ni les effectz, l'amour les occupant asses sans faire autre chose.

  A026001752 

 Et si, ces simples colombes n'employent pas un soin ni fort long, ni aucunement empressé a se laver et parer; car la confiance que leur amour leur donne d'estre grandement aymees, quoy qu'indignes (je dis la confiance que leur amour leur donne en l'amour et en la bonté de leur Amant), leur oste tout empressement et desfiance de ne pas estre asses belles; outre que le desir d'aymer, plustost que de se parer et præparer a l'amour, leur retranche toute curieuse sollicitude et les fait contenter d'une douce et fidele preparation faite amoureusement et de bon cœur..

  A026001752 

 Les amantes spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voyrement de tems en tems comme des colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancees au gré de leur Amant; et cela se fait es examens de conscience, par lesquelz elles se lavent, se purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progres au bien, non pour estre parfaittes, mais pour obeir a l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent, pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner contentement, elles se lavent, se nettoyent purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent.

  A026001754 

 Oyons et imitons le divin Sauveur qui, comme tres parfait [274] Psalmiste, chante les souverains traitz de son amour sur l'arbre de [la] croix; il les conclud tous: Mon Pere, je remetz et recommande mon esprit entre vos mains.

  A026001755 

 Alhors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et des tendretés que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser a la queste des satisfactions et perfections de nous mesme; et, embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de cette simple amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progres nous le ferons grandement, et sans aller nous avancerons; sans nous remuer de nostre place, nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice..

  A026001756 

 Alhors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receuz doucement et souefvement: car, qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné a son amour et qui s'est remis a son bon playsir, qu'est ce qui le peut esbransler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser a philosopher sur les causes, raysons et motifz des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsy a il esté aggreé devant vous..

  A026001757 

 Alhors nous serons tout destrempés en douceur, en suavité envers les Seurs et les autres prochains, car nous verrons ces ames la dans la poitrine du Sauveur.

  A026001758 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des contenances, [275] des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaitte obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour de nous mesme ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut adjouster la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creé? La distance et la presence n'apportera ni n'ostera jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A026001770 

 Cet amour simple de confiance et cet endormissement amoureux de vostre esprit entre les bras de ce Sauveur comprend excellemment tout ce que vous alles cherchant ça et la pour vostre goust..

  A026001771 

 Demeures en la tranquille resignation et remise de vous mesme entre les mains de Nostre Seigneur, sans toutesfois laisser de cooperer courageusement et diligemment a sa sainte grace par l'exercice des vertus es occasions qui s'en presenteront.

  A026001779 

 En ce jour de saint Claude, memorable a nostre Congregation, je ramasse ainsy tout ce que je vous ay dit, pour l'abbreger: Soyes fidelement invariable en cette resolution, de demeurer en une tres simple unité et unique simplicité de la presence de Dieu, par un entier abandonnement de vous mesme en sa tressainte volonté, et toutes les fois que vous treuveres vostre esprit hors de la, ramenes l'y doucement, sans faire pour cela des actes sensibles de l'entendement, ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cette remise et repos de vostre esprit dans le sein paternel de Nostre Seigneur et de sa Providence, comprend excellemment tout ce que l'on peut desirer pour s'unir a Dieu.

  A026001788 

 Premièrement tu dois demander à ton très cher Seigneur s'il trouvera à propos que tu renouvelles tous les ans, aux reconfirmations, entre ses mains, tes vœux, ton abandonnement general et remise de toi-même entre les mains de Dieu; spécifie particulièrement [279] ce qu'il jugera qui te touche le plus, pour enfin faire cet abandonnement parfait et sans exception, en sorte que je puisse vraiment dire: Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi.

  A026001788 

 Qu'il te marque les exercices et pratiques journalières requises pour cela, afin qu'en vérité et réellement l'abandonnement soit fait..

  A026001789 

 Je respons au nom de Nostre Seigneur et de Nostre Dame: Quil sera bon, ma tres chere Fille, que toutes les annees vous facies le renouvellement proposé, et que vous rafraichissies le parfait abandonnement de vous mesme entre les mains de Dieu.

  A026001789 

 Pour cela, je ne vous espargneray point, et vous vous retrancherés des paroles superflues qui regardent l'amour, quoy que juste, de toutes les creatures, notamment des parens, mayson, païs, et sur tout du Pere; et, tant quil se pourra, des longues pensees de toutes ces choses-lâ, sinon es occasions esquelles le devoir oblige d'ordonner ou procurer les affaires requises; affin de parfaitement prattiquer cette parole: Oy, ma Fille, et entens, et panche ton oreille; oublie ton peuple et la mayson de ton pere.

  A026001794 

 Je dis même qu'en la pratique des vertus et aux fautes et chutes il ne faut bouger de là, ce me semble, car Notre-Seigneur met en l'âme les sentiments qu'il faut et l'éclaire là parfaitement; je dis pour tout, et mieux mille fois qu'elle ne pourrait être par tous ses discours et imaginations.

  A026001794 

 Si l'âme ne doit pas, spécialement en l'oraison, s'essayer d'arrêter toute sorte de discours, industrie, replique, curiosité et semblables, et au lieu de regarder ce qu'elle a fait, ce qu'elle fera ou qu'elle fait, regarder à Dieu; et ainsi simplifier son esprit et le vider de tout et de tout soin de soi-même, demeurant en cette simple vue de Dieu et de son néant, tout abandonnée à la sainte volonté dans les effets de laquelle il faut demeurer contente et tranquille, sans se remuer nullement pour faire des actes de l'entendement, ni de la volonté.

  A026001795 

 Puysque Nostre Seigneur, des il y a si long tems, vous a tiree a cette sorte d'orayson, vous ayant fait gouster les fruitz tant desirables qui en proviennent et connoistre les nuysances de la methode contraire, demeures ferme et, avec la plus grande douceur que vous pourres, ramenes vostre esprit a cette unité et simplicité de presence et abandonnement en Dieu.

  A026001798 

 O Dieu, qui me donnera cette grâce que seule je vous demande, sinon vous, bon Jésus, par les prières de votre Serviteur..

  A026001799 

 L'enfant qui est entre les bras de sa mere n'a besoin que de laisser faire et de s'attacher a son col..

  A026001802 

 Les personnes de cette condition luy sont cheres comme la prunelle de son œil..

  A026001807 

 Si ce ne sera pas un bon exercice de se rendre attentive, sans attention pénible, de demeurer tranquillement dans la volonté de Dieu en tant de petites occasions qui nous contrarient et voudraient fâcher (car pour les grosses on les voit de loin): comme d'être détournée de cette consolation qui semble être utile ou nécessaire; être empêchée de faire une bonne action, une mortification, ceci ou cela, quel qu'il soit, qui semble être bon, et, au lieu, être divertie par des choses inutiles et quelquefois dangereuses et mauvaises?.

  A026001813 

 Se laisser gouverner absolument pour ce qui est du corps, recevoir simplement tout ce qui nous est donné ou fait: bien, mal, incommodité, ce qui sera de trop selon notre jugement, sans en rien dire ni témoigner nulle sorte de désagrément; prendre les soulagements du dormir, reposer, chauffer, de l'exemption de quelque exercice pénible ou de mortification; dire à la bonne foi ce que l'on peut faire: que l'on s'insiste, céder sans rien dire.

  A026001817 

 Il faut prendre le tems convenable pour soy et, cela fait, regaigner l'occasion de servir les desirs des Seurs..

  A026001824 

 Le livre de l' Amour de Dieu, ma chere Fille, est fait particulierement pour vous; c'est pourquoy vous pouves, ains deves avec amour, prattiquer les enseignemens que vous y aves trouvé..

  A026001827 

 Tous les prédicateurs et bons livres enseignent qu'il faut considérer et méditer les bénéfices de Notre-Seigneur, sa grandeur, notre rédemption, et spécialement quand la sainte Eglise les nous représente.

  A026001828 

 Que l'ame s'arreste aux misteres en la façon d'orayson que Nostre Seigneur luy a donnee; car les prædicateurs et livres spirituelz ne l'entendent pas autrement.

  A026001841 

 Lhors qu'il vous arrivera de faire quelque chose qui pourroit fascher ou mal edifier les Seurs, si c'estoit chose d'une grande importance, excuses vous, en disant que vous n'aves pas eu mauvaise intention, s'il est vray; mais si c'est chose legere et qui ne tire point de consequence, ne vous excuses point: observant tous-jours de faire cela avec douceur et tranquillité d'esprit, comme aussi de recevoir les advertissemens.

  A026001841 

 Mais vous sçaves tres bien que les sentimens, non plus que toute autre tentation, ne nous rendent pas moins aggreables a Dieu, pourveu que nous n'y consentions pas..

  A026001842 

 Vous vous trompes en croyant que vous devries faire des actes vifz pour vous desfaire de ces sentimens et troubles de la partie inferieure; c'est au contraire, il n'en faut faire nul estat, mais passer simplement chemin, sans les regarder seulement.

  A026001846 

 Regardes Nostre Seigneur, et tasches d'aller au Dieu de toutes choses, multipliant le plus que vous pourres les oraysons jaculatoires, les veuës interieures, les retours, les eslans fervens de vostre esprit en Dieu, et je vous asseure que cecy vous sera fort utile..

  A026001848 

 Embrasses donq bien fidelement cet exercice, puisque je vous le dis avec la charité de Dieu et la connoissance que j'ay de vostre necessité, qui est que vous regardies la providence de Dieu aux contradictions qui vous seront faites, Dieu les permettant affin de vous destacher de toutes choses, pour vous mieux serrer a sa Bonté et unir a luy; car je sçay qu'il veut que vous soyes sienne, mais d'une façon toute particuliere..

  A026001851 

 Je ne veux plus que vous soyes si tendre, ains que, comme une fille forte, vous servies Dieu avec un grand courage, ne regardant que luy seul; et partant, quand ces pensees, si l'on vous ayme ou non, vous arrivent, ne les regardes pas seulement, vous asseurant que l'on vous aymera tous-jours autant que Dieu le voudra, et que cela vous suffise.

  A026001853 

 Ne vous estonnes point des mauvais sentimens que vous aves, pour grans qu'ilz soyent; mais ayes soin en ce tems-la de multiplier les oraysons jaculatoires et retours de vostre esprit en Dieu; et comme vous aves une grande necessité de la douceur et de l'humilité, prenes soin de mettre fort souvent emmi la journee vostre cœur en la posture d'une humble douceur.

  A026001856 

 Travailles fidelement pour cela, bandes toutes les forces de vostre esprit pour l'acquerir, et prenes garde que la mortification [289] reluise en vostre exterieur; en sorte que les seculiers treuvent plus de sujet de l'observer, que non pas de bonne mine, ni de bonne façon..

  A026001877 

 Le Saint Esprit nous donne le don d'entendement pour trois fins: premierement, pour nous faire croire et admirer les mysteres de la foy; secondement, pour les nous faire honnorer et reverer; troysiesmement, pour les nous faire aymer et cherir..

  A026001878 

 J'ay receu aussi de Dieu un tendre amour envers les maximes de l'Evangile, et je me persuade que c'est en suite de la connoissance qu'il m'a communiquee de leur eminente beauté.

  A026001884 

 Soyes grandement prompte a l'obeyssance et simple a tout ce qu'on vous commandera, sans regarder a la personne, ni les choses, pour voir si elles sont a propos ou non..

  A026001885 

 Si vous voules avancer au chemin de la vertu, ne regardes pas au visage de ceux qui vous commandent, parce que si vous les consideres il vous arrivera tous-jours de la difficulté a obeir et sousmettre plustost a cette Superieure qu'a une autre, si elle estoit en charge.

  A026001888 

 Il ne faut pas estre tendre comme les petitz enfans..

  A026001888 

 Il ne se faut pas descourager ni entrer en desfiance pour cela, bien que les Superieures n'en doivent [293] donner aucun sujet.

  A026001890 

 En fin, le cœur obeyssant racontera les victoires; les victoires nous les remportons quand nous sousmettons nostre volonté et jugement a celuy d'autruy, a l'imitation de Nostre Seigneur qui s'est rendu obeissant jusqu'a la mort, et a la mort de la croix, et a mieux aymé mourir que de perdre l'obeissance..

  A026001892 

 Il faut tous-jours penser que les Superieures considerent bien les choses avant que de les dire; ainsy, laisses vous gouverner a elles comme un petit enfant..

  A026001893 

 Il faut tous-jours faire la volonté des autres, sur tout des Superieures, plustost que de les attirer a faire la nostre..

  A026001894 

 Ainsy, ne nous aymons point par les [294] sentimens, mays selon l'esprit, pour nous perfectionner et nous unir davantage a l'amour de Dieu..

  A026001895 

 Il faut bien prattiquer tous les moyens qui nous sont donnés pour arriver au Ciel et au salut, purement pour Dieu et pour luy plaire, parce qu'il le veut ainsy et qu'il est bon de le faire.

  A026001901 

 Quand les Saintz avoyent fait quelque bien, ilz ne se l'attribuoyent jamais en particulier, ouy bien le mal, et mettoyent tout le bien qu'ilz faisoyent en commun: marque d'humilité..

  A026001904 

 Pour avoir la grace de Dieu en nos cœurs il les faut avoir vuides de nostre propre gloire et dire: O mon Dieu, regardes cette chetifve creature si comblee de misere; remplisses la de vostre misericorde..

  A026001909 

 Aymes les bien, puisque Nostre Seigneur les a tant recommandees.

  A026001909 

 C'est une injustice de vouloir sçavoir les affaires des autres et ne vouloir rien dire des siennes, par cordialité..

  A026001910 

 Je vous recommande l'affabilité, que vous sçavés qui se prattique avec ceux a qui on parle; se rendre joyeuse avec ceux qui le sont, pleine de compassion avec les affligés, s'accommodant a la façon des autres, a leurs humeurs, faire comme saint Paul: se rendre tout a tous pour les gaigner tous..

  A026001911 

 Toutes les fois que vous treuveres vostre cœur hors de la douceur, ne faites que le prendre avec le bout du doigt, et non a plein poing, comme l'on dit, ni brusquement.

  A026001913 

 Dites souvent: Bienheureux sont les debonnaires, car le royaume des deux est a eux.

  A026001914 

 Selon les occasions, retires vous en vous mesme, par des retours de vostre esprit en Dieu; il ne faut pas que vous soyes trop retiree, car ce n'est point vostre humeur..

  A026001914 

 Soyes la plus suave qu'il vous sera possible, et plus que toutes les autres.

  A026001918 

 Ayes un grand soin de simplifier vostre esprit de toutes ses superfluités, et quand elles se presentent, ne faites que tout simplement les oster, retournant vostre cœur vers Nostre Seigneur sans les regarder; et vous employes de bon cœur a ce travail pour l'amour de Dieu, pour en acquerir la couronne.

  A026001919 

 Que vostre esprit ne regarde point ses repugnances et difficultés, mais combattes les en les mesprisant..

  A026001924 

 Vous prattiqueres la douceur et humilité avec generosité, car il faut tous-jours ces deux vertus, sans jamais les quitter.

  A026001925 

 Nous n'aurions jamais fait si nous voulions tout considerer et peser les pensees et reflexions.

  A026001927 

 Je n'attens pas de vous que vous n'ayes point de sentimens; ouy bien que vous les combatties, vainquies et surmonties avec douceur et patience..

  A026001927 

 Quand les mouches nous piquent, il ne faut que tout simplement les oster; ainsy, quand il nous vient des contradictions, il ne faut que tout simplement les oster, c'est a dire s'en destourner et non pas s'en occuper.

  A026001931 

 Demandes conseil a Nostre Seigneur de ce que vous devres dire, avant de parler, et a vostre partie superieure aussi, affin de ne rien dire qui offense Dieu ni les creatures.

  A026001932 

 Il se faut rendre gratieuse et affable a chacune, et satisfaire aussi les seculiers le plus doucement et courtement qu'il se peut; si vous ne pouves courtement, escoutes les avec patience et cordialité, les divertissant de leurs propos inutiles le plus doucement qu'il sera possible, et les caressés affablement.

  A026001934 

 Quand vous envoyeres ou recevres des commissions de quelqu'un, il faut ainsy parler de Nostre Seigneur, et dire a ceux qui vous les font: Je vous prie de remercier N. de ma part, du souvenir qu'il a de moy; asseures le ou asseures la (selon la personne) que je prieray Nostre Seigneur pour elle, affm qu'il luy continue tous-jours ses saintes graces; et choses semblables..

  A026001935 

 Il ne faut point vouloir des particularités; la Regie le dit, et que les premieres seront comme les dernieres..

  A026001935 

 Il vous faut mettre quelquefois derriere les autres par humilité; mais pour l'ordinaire, il se faut tenir la ou vous vous treuveres, sans affecter les dernieres places.

  A026001936 

 Vous aves un esprit comme ces arbres qui ont tant de branches autour qui les empeschent de croistre: tant de menus desirs empeschent de croistre le plus grand, qui est de plaire a Dieu..

  A026001937 

 Il faut aussi quelquefois dire les defautz simplement, sans allegation.

  A026001937 

 Il faut quelquefois alleguer ce que disent les Constitutions en ses advertissemens, a l'imitation de Nostre Seigneur; comme quand l'esprit malin le tenta au desert, il dit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; et aussi quand les pharisiens l'interrogeoyent, il leur alleguoit l'Escriture, disant: Il est escrit telle chose.

  A026001937 

 Quand vous advertisses les autres de leurs defautz il se [300] faut premierement accuser soy mesme dans son cœur, et puis faire la charité pour l'amour de Dieu.

  A026001937 

 Vous en pouves faire de mesme, disant: Les Constitutions disent telle chose.

  A026001938 

 Et quand vous dites les vostres, il faut desirer que les autres pensent que vous estes telle que vous vous accuses, et encor pire, pour pratiquer l'humilité..

  A026001938 

 Ma chere Fille, il est bon d'entendre les coulpes des autres pour recevoir la lumiere pour voir les vostres, et penser en soy mesme que cette Seur est bien humble de s'accuser ainsy.

  A026001938 

 Mais quand vous les escouteres par curiosité, alhors il se faut mortifier et ne les pas ouyr.

  A026001939 

 Vous pourres escrire aux Seurs absentes, parce que cela les console et entretient l'amour les unes envers les autres; quelquefois vous n'escrires point aussi, par humilité et vray mespris de vous mesme.

  A026001940 

 Ne vous estonnes point de ces bouleversemens de cœur et aversions au prochain; pourveu que vous ne les nourrissies pas volontairement il n'y aura point de peché.

  A026001940 

 — Il n'y a pas moyen, ma chere Fille, de le faire comme si on les aymoit bien, sinon qu'on se fist une grande violence.

  A026001943 

 Ne faites pas comme les petitz enfans: quand ilz sont tombés, ilz s'amusent a regarder si quelqu'un les a veus.

  A026001943 

 Si vous aves failli devant les Seurs, il faut reparer le defaut; et si c'est vers une particuliere que vous aves commis la faute, dites ainsy, si c'est un manquement de douceur, [une] replique, tesmoignage de repugnance: « Ma tres chere Seur, je vous demande pardon de ce que je vous ay tesmoigné de la repugnance et manqué de douceur; je vous ay mal edifiee, je vous prie de prier Nostre Seigneur pour moy, affin qu'il me fasse misericorde et la grace de m'amender.

  A026001945 

 Marches tous-jours vostre petit pas, apres les autres.

  A026001945 

 Qu'importe que vous soyes tous-jours imparfaitte, pourveu que vous ayes le soin de vous perfectionner en embrassant tous les moyens qui vous seront possibles pour cela, avec fidelité? Laisses faire a Dieu, il vous aydera.

  A026001947 

 Il faut supporter surtout les infirmes..

  A026001947 

 Il ne se faut pas estonner de se voir tous-jours faillir et tomber en des fautes; et comme il faut avoir un grand courage pour se relever quand on a failli, il le faut encor plus grand pour se supporter se voyant tomber souvent dans les mesmes fautes.

  A026001953 

 Nostre Seigneur veut que nous facions quelque chose de plus que les payens qui ayment davantage ceux qui les ayment; il veut que nous exercions nostre vertu a l'endroit de ceux que nous aymons moins, et il le faut faire.

  A026001959 

 Il faut commencer tous les jours a bien faire, comme si on n'avoit rien fait.

  A026001960 

 Ainsy ceux qui commencent la perfection d'un jour a l'autre, ne laissent pas, en leur resolution, d'estre parfaitz aussi bien que les autres qui en font la resolution determinee tout en un coup, pour toute leur vie.

  A026001961 

 Il faut lier nos passions avec des chaisnes d'or, qui sont des chaisnes d'amour, sans oublier les inclinations et aversions, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A026001964 

 Il faut estre bien exacte a les observer.

  A026001966 

 C'est une parole de Nostre Seigneur: qui marche droitement a luy ne regarde qu'a le suivre droitement, sans regarder les autres; n'y penses point.

  A026001968 

 Ce n'est pas aller droit de penser beaucoup a ses fautes, et aussi si les Superieures nous ayment.

  A026001968 

 Les Constitutions disent qu'il faut marcher droitement, « sagement ».

  A026001970 

 Ne vous mettes point en peyne de ce que les autres diront de vous.

  A026001975 

 Faites les toutes comme si Nostre Seigneur vous les ordonnoit et qu'en la presence de son humanité vous les deussies executer.

  A026001979 

 Il faut bien aymer nos Seurs et les espouses de Nostre Seigneur.

  A026001979 

 Il les faut aymer tendrement tant que l'on peut.

  A026001979 

 La confiance, deference et sousmission attirent le Createur et les creatures a nous aymer et nous procurer le bien par inclination.

  A026001980 

 Et pourquoy ne recevrons nous pas les sacrees inspirations de nostre divin Espoux, qu'il nous envoye avec tant d'amour?.

  A026001981 

 Non seulement on est plus obligé a secourir les proches et voysins, mais il le faut faire..

  A026001985 

 Nous voudrions avoir les vertus sans qu'il nous en coustast rien.

  A026001989 

 Soyes bien fidelle a faire tous les exercices de Religion avec le plus de ferveur que vous pourres.

  A026001992 

 En fin, ce sont des [310] mouches du monde qui nous piquent, mais il [ne] faut que tout simplement les oster..

  A026001993 

 Et que vous doit il importer d'en avoir ou non, pourveu que vous ne les suivies et que vous ne les nourrissies pas volontairement? Il n'est pas en nostre pouvoir de n'avoir point de tentations et sentimens, mais ouy bien de n'y point consentir et y faire des fautes en suite.

  A026001994 

 Il faut faire son devoir en ces tentations; Nostre Seigneur veut que nous les ayons et que nous rendions nostre devoir aux creatures; puis, qu'elles pensent de nous ce qu'elles voudront..

  A026001995 

 Employes-les bien.

  A026001995 

 Je vous dis ce que je dois et que vous estes obligee de faire pour parvenir a la perfection, comme toutes les Filles de Sainte Marie pretendent, et faire tout pour cela.

  A026001997 

 Je veux que les autres connoissent que vous vous surmontes.

  A026001997 

 N'avertisses point les Seurs quand vous leur aves de l'aversion..

  A026002000 

 Quand vous seres assaillie de la melancolie, divertisses vous tant que vous pourres; parles, chantes, recrees vous avec les autres.

  A026002001 

 Ne laisses pas un brin de vos exercices, pour tout ce que la tentation vous dira de contraire: il les faut redoubler, j'entens au moins les oraysons jaculatoires, et les faire avec ferveur, et tout le reste des exercices autant qu'il vous sera possible, en despit de vostre degoust.

  A026002001 

 Parles luy d'amour, jettes vous entre ses bras comme un petit enfant entre les bras de sa mere; dites luy que vous voules estre toute sienne, car il est tous-jours en nostre pouvoir de dire cela, et VTVE JESUS, et chose semblable.

  A026002001 

 Sainte Gertrude dit que Nostre Seigneur ayme mieux qu'on luy bayse les pieds avec de la repugnance que quand on y a bien du goust, parce qu'on fait plus pour son amour.

  A026002002 

 Supportes vostre mal avec patience, fuyes les choses qui croissent ou font naistre vostre mal, comme: prendre playsir a vostre pleur, fuir les conversations, faire tout ce que l'on fait avec regret, et choses semblables.

  A026002004 

 Ce n'est rien que les sentimens de la partie inferieure, pourveu que la superieure tienne ferme.

  A026002007 

 Et tous-jours, quand vous treuveres vostre esprit distrait, remettes vous doucement en une sainte attention que vous dites les louanges de Dieu avec Nostre Dame, et penses a elle, joignant vos prieres aux siennes pour les presenter a son Filz..

  A026002007 

 Pour l'Office, prepares vous avant que d'y aller, ou bien en y allant, et dites: Je psalmodieray les louanges de Dieu en la face des Anges; ou bien [pensez] que vous alles avec Nostre Dame chanter les louanges de Nostre Seigneur.

  A026002008 

 Conserves bien les affections que Dieu vous donnera pour les mettre en prattique..

  A026002008 

 Faites tout ce que vous pourres pour vous empescher de dormir, pour la reverence du Tres Saint Sacrement, des reliques de l'autel et de l'office que vous faites a Nostre Seigneur avec les Anges.

  A026002008 

 Quand je suis a l'Office, je m'imagine que je suis au Ciel avec les Anges, et que je chante avec eux les louanges de Nostre Seigneur; et au partir de la, je treuve qu'en un moment toutes ces affaires se font, qui auparavant que d'aller a l'Office me donnoyent tant de peyne.

  A026002012 

 En la primitive Eglise tous les Chrestiens qui estoyent martyrs perdoyent leurs ames et vies temporellement pour les gaigner eternellement.

  A026002012 

 Il vouloit dire: Si quelqu'un me crucifie, je tireray toutes les creatures apres moy au Ciel, au moins celles qui voudront faire prouffit de ma Passion.

  A026002012 

 Les Seurs perdent leurs ames venant icy, parce qu'elles n'ont plus a faire de la vie qu'elles menoyent au monde; il faut qu'elles vivent selon Nostre Seigneur crucifié, et le suivant, elles gaigneront leurs ames pour le Ciel.

  A026002012 

 Les mondains qui vivent selon la chair et les vices gaignent leurs ames en ce monde pour les perdre eternellement en l'autre.

  A026002017 

 Il faut fonder toutes nos oraysons sur celle de Nostre Seigneur au Jardin des Olives, nous despouillant de nous mesme et de tout propre interest, nous resignant a la volonté de Dieu; puis luy demander nos necessités et de toutes les creatures, et que son Nom soit sanctifié.

  A026002017 

 Prenes soigneusement un point et vous mettes [315] en la presence de Dieu avec le plus d'humilité qu'il vous sera possible; tasches de faire vos considerations, si vous pouves, et si Nostre Seigneur vous tire et empesche par son attrait et inspiration de faire des considerations pour vostre amendement, ne les faites pas, vous les feres apres l'orayson si vous pouves; mais laisses aller vostre ame aux affections ou Dieu l'attire, sans vous rechercher ni regarder ce qui se passe en vous, mais soyes fidele a suivre l'attrait de Dieu..

  A026002019 

 Il se faut surmonter pour Nostre Seigneur et ne se pas laisser emporter a la negligence de combattre le sommeil et les distractions.

  A026002022 

 C'est comme une eau qui est tant agitee des vens qu'elle ne represente pas l'image de l'homme, d'autant qu'elle est troublee; et bien qu'elle soit claire, les parties du cors y paroissent comme desunies les unes des autres.

  A026002022 

 Toute l'immortification qu'ont aucunes fois les Religieux provient de ce qu'ilz ne s'addonnent pas a la meditation, laquelle est le chemin raccourci de la perfection.

  A026002024 

 Il faut tous-jours avoir Nostre Seigneur crucifié devant les yeux; il nous regardera, pour respandre sur nous la suavité de ses parfums..

  A026002024 

 Il ne faut pas servir Dieu ni les saintz Protecteurs par fantaisie, ni se gouverner soy mesme.

  A026002024 

 Un des preceptes de la vie spirituelle est de prendre deux ou trois Saintz et les prier qu'ilz intercedent pour nous vers Nostre Seigneur; mais s'ilz ne nous impetrent pas ce que nous voulons et desirons d'eux, il ne les faut pas quitter.

  A026002026 

 Il faut dire tous les jours: Mon petit Dieu de faix.

  A026002026 

 Les Anges chanterent: Gloire au Ciel et paix en la terre aux hommes de bonne volonté.

  A026002027 

 Il faut suivre les mysteres de l'Eglise pour l'orayson; ce peut estre une tentation de la faire sur la Nativité au tems de Pasques.

  A026002039 

 La cinquiesme, que tous les maux que l'on vous fait sont autant de couronnes au Ciel, si vous les supportes; si bien que ceux qui sont vos malfaicteurs soyent vos bienfacteurs..

  A026002043 

 Rabaisser souvent vostre cœur devant Dieu; aymer que l'on connoisse vos fautes et lourdises, ou infirmités, et ne rien faire pour les couvrir.

  A026002049 

 Nous res-jouir de voir et entendre parler de la vertu [319] de nos Seurs; porter un grand respect a nos Seurs, les regardant toutes comme nos Superieures, et mesme oyant en toutes les sacrees paroles de Nostre Seigneur..

  A026002050 

 Aymer a faire les choses humbles et abjectes.

  A026002053 

 Avoir une grande confiance en Dieu et au secours de la Sainte Vierge parmi les sentimens de nos foiblesses et infirmités..

  A026002070 

 Estre naifve et sincere a descouvrir ses defautz sans les ombrager..

  A026002071 

 Estre veritable et ronde en nos paroles, sans les multiplier, sur tout pour s'excuser et couvrir.

  A026002075 

 Faire les choses ainsy qu'elles se presentent, tout a la bonne foy, sans regarder tant [de] choses.

  A026002079 

 Avoir le visage et les yeux sereins, sans fronce ni mine froide et melancholique; porter la veuë basse et marcher avec un maintien humblement rabaissé; estre cordiale et franche entre les Seurs..

  A026002093 

 Ne jamais rapporter aux autres ce que nous aurons ouy dire d'elles, [si c'est] chose qui puisse mortifier ou mescontenter; ne jamais dire aucune chose qui puisse tant soit peu mortifier les Seurs.

  A026002094 

 Ne rien dire qui rabbatte ou desappreuve ce que les autres disent..

  A026002096 

 Traitter avec tous, avec amour et charité; ne juger personne, ains les excuser, tant a part soy qu'a l'endroit des autres..

  A026002098 

 Fuir toute aversion, mais sur tout de les faire paroistre..

  A026002102 

 Se mortifier en toutes les choses et occasions qui se presentent..

  A026002103 

 Bien faire son prouffit de toutes les mortifications qui nous arrivent de la part de Dieu, de la Superieure et des Seurs..

  A026002105 

 Bien faire les choses ordinaires que nous faisons tous les jours, tant interieures qu'exterieures..

  A026002110 

 Se mortifier es choses que l'on doit faire par obligation, comme de manger, se recreer et tel autre exercice auquel on prend playsir, disant avant que de les faire: Je ne veux pas faire cela pour mon playsir, ains parce que mon Dieu le veut..

  A026002129 

 Avoir souvent la pauvreté de Nostre Seigneur, de la Sainte Vierge et des Apostres devant les yeux..

  A026002134 

 Estre bien ayse que l'on ayme plus les autres que nous et que l'on se playse plus a leur conversation qu'a la nostre..

  A026002146 

 Ne se jamais estonner pour les difficultés, repugnances et aversions..

  A026002148 

 Aggrandir son cœur et son courage parmi les peynes et difficultés, car c'est pour cela que Dieu les envoye et permet..

  A026002150 

 Ne cesser « jamais de crier a Dieu: Tires moy » a vous! ni « d'esperer et de se promettre de courir » apres luy, nonobstant les sentimens de nos imbecillités..

  A026002153 

 Ne point vouloir attirer les autres a nostre train, ni les mesestimer si elles ne font pas ce que les autres font, ains estimer tout ce qu'elles font..

  A026002154 

 Regarder les mieux faisantes avec une douce cordialité et sainte reverence.

  A026002161 

 Il faut estre « forte a supporter les tentations; forte a supporter la varieté des espritz; forte a supporter ses propres » inclinations et « imperfections, pour ne se point inquieter de s'y voir sujette; forte pour combattre ses imperfections et entreprendre la correction et amendement parfait.

  A026002165 

 Prendre toutes les occasions qui nous arrivent, grandes et petites, comme venant de la main de Dieu.

  A026002174 

 I er Point de l'obeyssance est que nous devons croire et tenir pour asseuré que Dieu a establi toute sorte de Superieures et que ce ne sont pas les hommes qui les eslisent, c'est Dieu mesme..

  A026002175 

 C'est que Dieu a establi les Superieures comme ses lieutenantes en terre, affin que nous leur obeyssions comme a luy mesme, et tient estre fait a luy ce qui est fait aux Superieures, comme il le tesmoigne par ces parolles: Celuy qui vous obeit m'obeit, et celuy qui vous mesprise me mesprise..

  A026002177 

 C'est qu'il ne faut jamais regarder au visage des Superieurs ni dire: Sont ilz propres pour nous? commanderont ilz bien? ains obeyr a l'aveugle en tout ce qu'ilz nous commandent, car ce ne seront pas les Superieures qui nous rendront parfaittes, mais la sousmission et obeyssance que [327] nous leur rendrons.

  A026002177 

 Toutes les autres sont suspectes et ne viennent que d'une vayne recherche de nous mesmes.

  A026002187 

 De plus, remarques les illustrations que Dieu donne en l'orayson, nous faisant voir ....

  A026002194 

 Monseigneur m'a dit que les armes quil faut enporté pour aler en quelque fondation ne sont autre que la saincte humilité, de laquelle vertu il m'a dit quil me faloit estre toute couverte; car l'humilité est toute genereuse, et nous fait entreprendre avec un courage invincible tous ce qui regarde le service de Dieu et l'agrandissement de sa gloire.

  A026002195 

 Nous ne sommes pas Econnome ni Superieure des talans et dons que Dieu a mis en nous, mais seulement Depenciere, pour les distribuer aux autres, pourtant l'esprit de la Visitation par tout afin de le repandre au prochain; [329] tachant de polir, purifier et formé les esprits de celles que Nostre Seigneur nous commettra, qui se treuveront fort divers, esquels il faudra que nous exercions une grande douceur, simplicité, suport et patience pour les voir cheminer le petit pas et tousjours commettre des imperfections; inculquant en ces ames là la vraye humilité, generosite, douceur et charité, qui est le vray esprit de nos Regles, afin que par ce moyen elles parviennent a la perfection de l'amour sacré et a l'union de leurs ames avec sa divine Majesté, qui est la fin pour laquelle elle les a apellé a la Religion..

  A026002203 

 QUI, POUR ESTRE BRIEF, SIMPLE ET TENDANT IMMEDIATEMENT A L'UNION AMOUREUSE DE NOSTRE VOLONTE AVEC CELLE DE DIEU, POURRA ESTRE PRATIQUE PAR LES PERSONNES QUI SONT EN SEICHERESSE, STERILITE, TRISTESSE, FOIBLESSE CORPORELLE OU ACCABLEES D'OCCUPATIONS..

  A026002206 

 Vous jetteres attentivement la pensee sur la tres douce [330] volonté de Dieu, laquelle, de toutte eternité, vous nomma par vostre nom et fit dessein de vous sauver, vous destinant entre autres choses ce jour present, affin qu'en icelluy vous fissiés les euvres de vie et de salut, croyant ce quil dit par le Prophete: Je t'ay aymé d'une charité æternelle; a cette cause je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A026002208 

 Vous feres donc ainsi une vive et puissante union amoureuse de vostre volonté a celle de Dieu; puis, parmi toutes les actions de la journee, soit spirituelles, soit corporelles, vous feres de frequentes reunions, c'est a dire, vous renouvellerés et confirmeres l'union faitte le matin, jettant un simple regard interieur sur la divine Bonté et disant par maniere d'acquiescement:.

  A026002217 

 Que nous apprend cette conduitte, sinon qu'il se faut resoudre, a l'exemple de cette Vierge sacree, de passer nos jours dans la privation des graces sensibles et extraordinaires, pour vivre dans les tourmens, les peynes et la mort, quand il plaira a nostre Bienaymé ..................................................

  A026002217 

 Voyes, mes tres cheres Filles, que la sacree Vierge, nostre sainte Abbesse, ne se treuva point au Thabor, ouy bien a l'estable de Bethlehem pour voir les yeux de son divin Enfant pleins de larmes; au Temple pour le racheter; au [333] Calvaire pour le voir souffrir et mourir.

  A026002224 

 Dieu veut que vous le servies en la conduite des ames, puisqu'il a arrangé les choses comme elles le sont et qu'il vous a donné la capacité de gouverner les autres..

  A026002225 

 Faites une tres grande estime du ministere a quoy vous estes appellee; et pour le bien faire, tous les jours en vous resveillant, ne manques jamais de dire cette parole que saint Bernard disoit si souvent: « Qu'es tu venu faire ceans? » Qu'est ce que Dieu veut de toy? Puis, soudain apres, abandonnes vous totalement a sa divine volonté, [334] affin quil fasse de vous et en vous tout ce qu'il luy plaira, sans aucune reserve..

  A026002227 

 Ayes a cœur le support des filles imparfaittes qui seront en vostre charge: ne faites jamais de l'estonnee, quelque sorte de tentation ou d'imperfection qu'elles vous descouvrent, ains tasches a leur donner confiance a vous bien dire tout ce qui les exercera..

  A026002227 

 De plus, il faut que vous fassies grande attention sur cette parole que j'ay mise dans les Constitutions, sçavoir, que la Superieure n'est pas tant pour les fortes que pour les foibles, bien qu'il faille avoir soin de toutes, affin que les plus avancees ne retournent point en arriere.

  A026002228 

 Soyes grandement tendre a l'esgard des plus imparfaittes, pour les ayder a faire grand prouffit de leur imperfection.

  A026002233 

 Alles donq, ma chere Fille, pleyne de confiance qu'apres avoir fait cet acte parfait du saint abandonnement de vous mesme entre les bras de la tres sainte Vierge, pour vous consacrer et sacrifier derechef au service de l'amour de son Filz, elle vous gardera tout le tems de vostre vie en sa protection, et vous presentera derechef a sa Bonté a l'heure de vostre mort.

  A026002260 

 Quand les filles n'ont que 14 ans, il y a peu a dire pour les recevoir, si d'ailleurs elles sont bien conditionnees; et quand les filles ont fait leur essay dans la Maison on ne les fait pas sortir pour leur donner l'habit, ains tout cela se fait a la grille, parce qu'il a esté treuvé plus a propos pour eviter la presse et se conformer aux autres..

  A026002261 

 Pour celles qui ont la voix bonne et en tirent trop de complaysance il sera tres bon de les priver parfois de tenir les premiers rangs en telles charges, si ce sont filles qui ayent l'esprit fort a supporter la mortification; mais neanmoins il y en a auxquelles il est besoin de donner quelque complaysance au chant des Offices pour les y encourager, en les portant tous-jours de referer tout a Dieu en mortifiant la vanité.

  A026002262 

 Faire le tout prudemment et suavement; la Constitution n'est-elle pas pour cela, affin de rompre les affections et attachemens aux charges?.

  A026002262 

 Quant a celles qui desirent les premiers rangs et charges parce qu'elles sont anciennes, en cela la Superieure doit faire selon qu'elle le jugera pour le mieux, sans avoir esgard a telles foiblesses; car c'est en cela ou il faut rompre et mortifier la volonté et propre estime, sans faire semblant de rien.

  A026002263 

 Pour les meres et filles qui sont Religieuses, je vous respons en un mot qu'elles se doivent appeller Seurs tout ainsy comme les autres; mais je ne treuve pas bon qu'on en reçoive facilement ensemble, si ce n'estoyent filles ou femmes extraordinaires et de grande consideration..

  A026002264 

 Et faut qu'en l'infirmerie l'ordre soit de lire au tems de la lecture au moins un quart d'heure; non pas que les malades le facent, si cela les incommode, mais quelqu'autre en leur presence.

  A026002264 

 Et pour leur traittement, il faut user de prudence pour leur faire recevoir les viandes, [340] sans toutesfois tesmoigner d'appreuver leur douilletterie, car il faut les gouverner comme malades, et neanmoins, imperceptiblement, les tenir en sousmission et obeissance.

  A026002264 

 Il y en a qui tesmoignent la foiblesse du sexe, car si on les veut un peu tenir en devoir au tems de leurs maladies, elles se mettent au descouragement, s'imaginant d'estre abandonnees de Dieu et des creatures; que s'il leur semble que la Superieure n'ayt essayé que c'est d'estre malade, elles prendront plus mal ce qui viendra d'elle: et neanmoins le support ne procede que de la grace de Dieu, quoy que l'experience y serve en quelque façon pour la connoissance de cette infirmité..

  A026002264 

 Pour les malades qui semblent ne prendre playsir a parler des choses bonnes, il faut en cela suivre la discretion, car il ne les faut pas importuner, mais suavement leur dire de tems en tems quelque chose de bon, sans faire des longs discours.

  A026002265 

 Pour les recevoir, il leur faut faire poser leur habit et les faire habiller honnestement et modestement selon leur qualité; on n'y doit point faire de difference, voire mesme il les faut mieux espreuver que pas un'autre..

  A026002267 

 Touchant les Peres spirituelz, il est malaysé d'en donner une regie; les difficultés que vous aves sceu estre arrivees ailleurs vous ont fait faire cette demande.

  A026002268 

 Et si l'on vous remet a vostre choix, prenés le jeusne, car il est mieux de ne flatter pas le cors que de l'attendrir, si ce n'est pour les raysons suivantes: si le jeusne vous rend chagrine ou donne des estourdissemens de teste, ou bien si l'on est [341] travaillé de quelque douleur, il n'y a point de doute que l'on ne doit pas jeusner si cela accroist la douleur; car l'Eglise ordonne le jeusne pour macerer' un peu ceux qui sont sensuelz et pour faire pœnitence; mais ceux qui en reçoivent de l'incommodité qui empesche l'esprit de ses fonctions, l'on en peut dispenser, mais non pas de soy mesme.

  A026002268 

 La Superieure doit donner rondement et franchement les soulagemens aux Seurs, mais elle les doit rendre simples a les demander.

  A026002268 

 Pour celles qui sont tendres, il faut mespriser leur mal et se moquer d'elles mesmes; mais neanmoins, si l'on connoist qu'elles en ayent necessité, il les faut soulager gracieusement..

  A026002269 

 Si une Seur murmuroit contre la Superieure, treuvant a redire a ses actions, il ne faudroit en façon quelconque luy en rien tesmoigner; mais si le murmure estoit d'importance, il faudroit prier une de celles qui les auroit ouy, d'advertir celle qui auroit murmuré, en particulier, sans luy donner a connoistre que la Superieure en sçache rien..

  A026002270 

 Quand les seculiers parlent a la Superieure de sa charge, il ne faut pas qu'elle dise beaucoup de paroles d'humilité, mais seulement qu'elle seroit bien ayse qu'on luy enseignast et que l'on ne l'y a mise que pour apprendre..

  A026002271 

 Il faut, au commencement de sa superiorité, qu'elle soit condescendante a contenter la curiosité des espritz, en leur respondant asses familierement selon les demandes que luy feront les seculiers, et mesme aux Seurs de dedans, ayant un grand soin de les contenter; et en cet abord il faut qu'elle donne une grande estime des Constitutions et [342] qu'elle aye un grand soin de tenir les Seurs dans l'estroitte observance des menues choses, comme de lever ses habitz, fermer les portes apres soy, en leur faysant concevoir la sincerité des Constitutions qui n'obligent point a peché quand il n'y a point de negligence..

  A026002272 

 Elle pourra lever le voyle devant les seigneurs de l'Eglise, devant les Evesques, devant les Princes et grans seigneurs.

  A026002272 

 Il faut entrer au parloir tous-jours le voyle baissé, mesme devant les femmes, et s'il n'y a point d'homme on le peut lever.

  A026002272 

 Il faut que la Superieure ayt une grande discretion pour ne pas s'exempter des Offices, estant au parloir, si ce n'est qu'elle soit avec des personnes de respect, ou affligees, ou quelque affaire de la Mayson; alhors il faudroit patienter; mais les autres, il leur faut dire humblement que c'est l'heure de l'Office; hors de ce tems la, il s'y faut assujettir autant que l'on le requerra.

  A026002273 

 Il ne faut pas que la Superieure s'informe des pechés particuliers lhors que les pretendantes luy rendent conte de l'histoire de leur vie; la Directrice leur doit apprendre de le rendre ainsy: J'ay esté autrefois adonnee a la vanité, ayant beaucoup perdu de temps a cela; j'ay esté sujette a la cholere ou a l'humeur melancholique.

  A026002275 

 Il faut exercer les vefves, pour spirituelles qu'elles soyent, [343] a la simplicité de la Communauté, mesme des exercices interieurs..

  A026002276 

 La Superieure doit escouter les peynes abjectes des Seurs comme celle qui n'y pense pas, et pour les Seurs qui en sont en peyne et celles qui ne les disent pas, il faut charitablement leur aller au devant; tout de mesme a celles qui sont trop tardifves a rendre conte, les attirer doucement..

  A026002277 

 L'on ne doit laisser lire des livres ou sont des autres Regles, affin que cela ne serve de tentation; mesme il y en a qui ne permettent pas de lire les Chroniques de saint François a cause de cela..

  A026002278 

 Il sera, bon de s'informer s'il y a des pauvres, affin de les assister de quelque chose..

  A026002281 

 La Superieure, en visitant les layettes des Seurs, ne doit point lire les lettres du Pere spirituel ni de nostre Mere de Chantal; mais pour les autres, elle les peut lire si elle veut..

  A026002289 

 Puisque c'est le haut point de la perfection chrestienne de conduire les ames a Dieu, l'aymant qui a attiré Jesus Christ du Ciel en terre pour y travailler et consommer son œuvre dans la mort et par la Croix, il est aysé de juger que celles qu'il employe a cette fonction se doivent tenir bien honnorees, s'en acquittant avec un soin digne des espouses de Celuy qui a esté crucifié et est mort comme un Roy d'amour, couronné d'espines, parmi la trouppe de ses esleus, les encourageant a la guerre spirituelle qu'il faut soustenir icy bas pour arriver a la celeste Patrie promise a ses enfans..

  A026002290 

 Ainsy, mes cheres Filles, celles que Dieu appelle a la conduite des ames se doivent tenir dans leurs ruches mystiques ou sont assemblees les abeilles celestes pour mesnager le miel des saintes vertus, et la Superieure, qui est entre elles comme leur roy, doit estre soigneuse de s'y rendre [345] presente, pour leur apprendre la façon de le former et conserver.

  A026002290 

 Mais il faut travailler cette œuvre et cette sainte besoigne avec une entiere sousmission a la sainte Providence, puisant dans le sein du Pere celeste les moyens convenables a cet employ..

  A026002292 

 Observes ses voyes et non les vostres, soustenant fortement son attrait dans chacune, en leur aydant a le suivre avec humilité et sousmission, non a leur façon, mais a celle de Dieu que vous connoistres mieux qu'elles tant que l'amour propre ne sera pas aneanti, car il fait souvent prendre le change, et tourner l'attrait divin a nos manieres et suites de nos inclinations..

  A026002293 

 Portes tous-jours a cet effect sur vos levres et par vos langues le feu que vostre ardent Espoux a apporté en terre dans les cœurs, a ce qu'il consomme tout l'homme exterieur, et en reforme un interieur, tout pur, tout amoureux, tout simple et tout fort a bien soustenir les espreuves et exercices que son amour luy suggerera en leur faveur, pour les purifier, perfectionner et sanctifier..

  A026002294 

 Mais si quelques unes se rendoyent contraires a cette conduite, vous pourries, prenant sujet de les y exercer, leur faire voir leur ignorance, leur peu de rayson et de jugement de s'amuser aux presomptions et fauses imaginations que produit la nature depravee; combien l'esprit humain est opposé a Dieu, dont les secretz ne sont revelés qu'aux humbles; qu'il n'est pas question, en la Religion, de philosophes et de beaux espritz, mays de graces et de vertus, non pour en discourir, mais pour les prattiquer humblement; leur faysant faire et ordonnant des choses difficiles a faire et comprendre et qui soyent humiliantes, pour les destacher insensiblement d'elles mesmes et les engager a une humble et parfaitte sousmission a l'ordre des Superieures, lesquelles aussi doivent avoir une grande discretion a bien observer le tems, les circonstances et les personnes.

  A026002296 

 Serves vous volontier des conseilz, lhors qu'ilz ne seront point contraires au projet que nous avons resolu, de suivre en tout l'esprit d'une suave douceur et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur; car en fin, la beauté des filles du Roy est au dedans, qu'il faut que les Superieures cultivent, si elles n'ont elles mesmes ce soin, crainte qu'elles ne s'endorment dans leur chemin et ne laissent esteindre leurs lampes par negligence; car il leur seroit dit indubitablement comme aux vierges folles se presentant pour entrer au festin nuptial: Je ne vous connois point..

  A026002297 

 Je vous recommande a Dieu pour obtenir ses saintes graces dans vos conduites, affin que, tout a son gré et par vos mains, il façonne les ames, ou par le marteau, ou par le ciseau, ou par le pinceau, pour les former toutes selon son bon playsir, vous donnant a ce dessein des cœurs de peres, solides, fermes et constans, sans omettre les tendresses de meres qui font desirer les douceurs aux enfans, suivant l'ordre divin qui gouverne tout avec une force toute suave et une suavité toute forte.

  A026002302 

 L'amour propre se contente aucunement entre les souffrances, quand elles sont de son eslection; l'amour de Dieu s'exerce plus heureusement es sujetz que la Providence divine permet ou ordonne sans nous, mais sur nous et pour nous..

  A026002303 

 Bref, si la tentation est d'une rose, il faut parler d'une violette, et ne point s'estonner de la varieté des pensees, puisqu'il n'est pas requis de les combattre l'une apres [l'autre], ains seulement de les maistriser et desdaigner toutes par un simple retour du cœur a Dieu, a la Majesté duquel on recourt par prieres; par exemple, de luy dire, en se retournant vers luy: Je suis vostre, mon Dieu; hé, que vous estes aymable! Jesus est bon; VIVE JESUS! et semblables paroles.

  A026002303 

 Et pour l'ordinaire, la meilleure methode de resister a la tentation, c'est de ne point disputer avec elle, ni mesme s'amuser a regarder les sujetz; ains il faut, aussi tost qu'on la sent, parler d'autre chose avec Nostre Seigneur ou avec sa sainte Mere, ou avec les Anges et les Saintz, ou avec son ame mesme.

  A026002303 

 Si vostre cœur craint plus la tentation qu'il ne faut, il donne l'ouverture a son ennemy; comme au contraire, si nous avons une confiance filiale en Dieu et que nous nous retournions de son costé prenant asseurance en sa bonté, l'ennemy craindra de nous tenter, voyant que sa tentation nous donne sujet de nous jetter entre les bras de Nostre Seigneur.

  A026002304 

 Helas! tandis que les ames servent au peché, l'ennemy leur donne quelque apparence de vertu pour quelque particulier sujet, affin de nourrir en elles quelque sorte de presomption et une vayne complaysance en elles mesmes, sans laquelle on ne pourroit gueres demeurer en peché; car, comme l'on ne peut gueres ressentir de perfection sans humilité, aussi ne peut on long tems demeurer en peché sans la vanité, c'est a dire sans presomption..., nous confians en ce grand Salutaire, esperans qu'en sa sayson [349] elle le rendra multiplié.

  A026002305 

 Ne craignes rien, car si les petitz poussins se tiennent asseurés quand ilz sont sous les aisles de leur mere, combien doivent estre asseurés les enfans de Dieu sous sa paternelle protection! Demeures donq en paix, ma Fille, puisque vous estes de ces enfans; et reposes vostre cœur et toutes les lassitudes et langueurs qui vous arriveront, sur la sacree et tres aymable poitrine de ce Sauveur, qui sert a ses enfans de pere par sa providence et de mere par son doux et tendre et cordial amour..

  A026002306 

 Tout ainsy comme nous aydons aux malades, quand nous les allons visiter, a supporter leur mal en le regrettant et lamentant, de mesme aussi la devotion nous ayde, quand elle est simple et selon Dieu, a supporter plus patiemment les afflictions et tribulations quand elles nous arrivent..

  A026002307 

 La douceur de ses yeux, et ses larmes coulant si doucement sur sa face angelique, » les « ardens souspirs » qui entrecoupoyent « ses innocentes prieres, sa modestie en toute sa personne donnoyent de la devotion a tous ceux qui avoyent l'honneur de le voir en ce saint exercice.

  A026002307 

 Ouy certes, mais je vous diray de luy ce que disoit saint Hierosme de sainte Paule: elle pleuroit trop pour une grande dame, » il est « vray, mais les pechés de sainte Paule eussent esté de bien grandes vertus » a d'aucune.

  A026002308 

 Il faut tous-jours bien faire de mieux en mieux, car quand [nous] vivrions les siecles entiers en souffrance et peyne, nous ne pourrions trop faire pour un si bon Dieu qui nous a fait tant de graces et tant de biens.

  A026002312 

 Tout ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien; son cœur n'est point sujet au change, car elle rencontre les Anges, elle les quitte sans s'arrester avec eux, pour chercher son Bienaymé crucifié.

  A026002314 

 — Et quel est le chemin qu'il vous a marqué, ma tres chere Fille? Celuy auquel vous estes; et croyes moy, Dieu conduisit les enfans d'Israel par la voye du desert.

  A026002315 

 L'hiver nous nous plaignons du froid et l'esté du chaud; les mouches nous mettent en peyne sur le chemin; en fin il n'y a que l'homme simple qui ne se trouble point, car il ne cherche que Dieu par le chemin auquel il est.

  A026002315 

 Le saint homme Job est moins inquiet entre les incomparables travaux sur son fumier, que le roy Achab sur son lit au milieu de son palais, et que les mauvais Israelites entre les delices de la manne.

  A026002316 

 Premierement, le matin, prosternee devant sa face et l'adorant profondement, vous jetteres vostre pensee a luy et considereres l'eternelle volonté qu'il a d'estre aymé de vous et d'estre uni par charité a vostre cœur, lequel donq vous eslanceres en cette souveraine Bonté et entre les bras aymables de cette sainte volonté.

  A026002317 

 Mesme on peut repeter cet acte de reunion sans rien dire, faysant le signe de la Croix sur le cœur, ou levant les yeux au ciel, ou bien prononçant le sacré nom de JESUS. Et semble bon encores de faire cet acte de reunion au commencement de toutes les prieres qui se prattiquent parmy la journee, comme oyant la sainte Messe, au Benedicite et Graces de table, aux Ave de midi et du soir, apres l'examen, et particulierement avant la confession, parce qu'il faut prendre soigneusement garde de ne faire aucun acte de pieté par maniere d'acquit, ains avec une serieuse et veritable affection..

  A026002318 

 C'est pourquoy, ceux qui sont sujetz a beaucoup d'occupations, je leur conseille de faire leurs exercices spirituelz courtement, affin qu'ilz les puissent faire plus attentivement, s'y adonnant avec l'esgalité de l'esprit, qui est un des plus illustres ornemens de la vie chrestienne et un des plus aymables moyens pour acquerir [354] et conserver la grace de Dieu, et mesme de bien edifier le prochain; n'y ayant rien aussi qui detraque tant le bon estat du cœur, ni qui rende plus malaysee la conversation humaine que la bigearrerie de l'ame..

  A026002318 

 Et en suite de cela, il est a noter que nous ne sommes pas obligés sous peyne de peché mortel ni mesme veniel d'ouyr la Messe, si ce n'est les jours de festes et Dimanche, non plus que d'ouyr les prieres extraordinaires du soir; * nous ne sommes point obligés d'ouyr Vespres ni de dire le Benedicite entrant a table, ni Graces en sortant, sous peyne de peché; et pourtant, quand nous faysons ces actes de religion et de devotion, nous sommes obligés de les faire serieusement et avec reverence.

  A026002319 

 Bien qu'il soit vray qu'il est presque impossible de conserver tous-jours si exactement cet advis parmy l'embarras de cette vie mortelle; mais du moins il faut tascher d'acquerir ce bien nompareil de l'esgalité, et quand on s'apperçoit d'estre hors du train de la tranquillité, il faut avant toutes choses se mettre en devoir de corriger l'humeur et action contraire, s'humiliant devant le Saint Esprit et demandant son secours, empeschant du moins que, pendant le trouble, la passion ne s'evapore par la langue, ni par les assautz exterieurs..

  A026002326 

 Ayes un grand soin de maintenir vostre exterieur parmi vos filles en telle mediocrité entre la gravité et la douceur et l'humilité, que l'on reconnoisse que si bien vous les aymes tendrement, que vous estes aussi la Superieure; car il ne faut pas que l'affabilité empesche l'exercice de l'authorité.

  A026002326 

 J'appreuve fort que les Superieures soyent Superieures, se faysant obeir, pourveu que la modestie et le support soyent observés..

  A026002327 

 Ayes envers les seculiers une sainte gravité; car tandis que vous estes jeune, il faut observer soigneusement cela.

  A026002327 

 Devant, les jeunes gens, quoy que de profession ecclesiastique, ayes pour l'ordinaire vos [356] yeux rabaissés, et soyes courte en paroles avec telles gens, observant tous-jours de profiter a leurs ames, en faysant voir la perfection de vostre Institut.

  A026002327 

 Que vostre rire soit moderé, et mesme envers les femmes, avec lesquelles on peut avoir un peu plus d'affabilité et de cordialité.

  A026002328 

 Loües grandement les autres Ordres et Religions, et le vostre au dessous des autres choses, bien que vous ne devies pas cacher que vous vives paisiblement, et disant, quand l'occasion s'en presente, le bien qui se fait, simplement..

  A026002329 

 Faites tous-jours grand cas des Seurs Carmelites, et vous entretenes en leur amitié par tout ou vous seres, tesmoignant tous-jours que vous en faites grande estime et que vous les aymes cherement..

  A026002330 

 Entretenes vous fort avec les Peres Jesuites et communiques volontier avec eux, comme aussi les Peres de l'Oratoire et les Peres Minimes; prenes conseil d'eux tous ou vous en aures besoin, et particulierement des Peres Jesuites..

  A026002331 

 Ne soyes pas du tout tant retenue a relever le voile comme les Seurs Carmelites, mais pourtant uses de discretion pour cela, faysant voir, quand vous le leveres, que c'est pour gratifier ceux qui vous parlent; observant de ne gueres vous avancer des treilles, ni moins d'y passer les mains que pour certaines personnes de qualité qui le desirent..

  A026002332 

 En fin, c'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde, pour nous enseigner ce que nous devons faire: et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modele pour ce sujet, nous devons grandement estre excités a considerer ses œuvres pour les imiter, parce que c'est une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous avons a faire et que nous faysons, que de [357] les faire parce que Nostre Seigneur les a faites, c'est a dire prattiquer les vertus parce que Nostre Seigneur les a prattiquees et comme il les a prattiquees.

  A026002332 

 Pour ce qui est de l'orayson, il faut que vous observies de faire que les sujetz sur quoy on la fera soyent sur la Mort, Vie et Passion de Nostre Seigneur; car c'est une chose fort rare que l'on ne puisse proffiter sur la consideration de ce que Nostre Seigneur a fait.

  A026002333 

 Il se peut faire pourtant qu'il y ayt certaines ames exceptees lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leur esprit sur aucun mistere; elles sont attirees a une certaine simplicité devant Dieu, toute douce, qui les tient en cette simplicité, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant Dieu et qu'il est tout leur Bien, demeurant ainsy utilement.

  A026002334 

 C'est pourquoy il faut les mettre au train et aux mesmes exercices que les autres; car si elles ont une bonne orayson, elles seront bien ayses d'estre humiliees et de se sousmettre a la conduitte de ceux qui ont du pouvoir sur elles.

  A026002334 

 Et il ne faut pas tous-jours croire les jeunes filles qui ne font que d'entrer en Religion, quand elles disent qu'elles ont de si grandes choses; car bien souvent ce n'est que tromperie et amusement.

  A026002334 

 Mais, generalement parlant, il faut faire que toutes les filles, tant qu'il se peut, se tiennent en l'estat et methode d'orayson qui est la plus seure, qui est celle qui tend a la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disions premierement, qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur.

  A026002335 

 Mais il faut tous-jours observer de n'introduire point les austerités en vos Maysons; car ce seroit changer vostre Institut, qui est principalement pour les infirmes..

  A026002336 

 Car il le faut tous-jours observer discrettement, ne les tenant ni trop resserrees ni trop en liberté; car vous ne sçauries croire combien c'est une chose necessaire de se tenir en cet entredeux..

  A026002336 

 La Superieure doit sans doute de tems en tems visiter les cellules des Seurs pour empescher qu'elles n'ayent rien en propre; mais pourtant il faut faire cela si discrettement, que les Seurs ne puissent point avoir de juste rayson de penser que la Superieure ayt quelque desfiance de leur fidelité, soit en cela, soit en autre chose.

  A026002338 

 Pour communier une fois toutes les semaines de plus que la Communauté, vous le pouves bien faire, et a vostre tour comme les autres; et mesme pour communier plus souvent extraordinairement.

  A026002339 

 Il sera bon, ma chere Fille, que vous vous assujettissies a rendre conte tous les mois, ou les deux ou trois mois, si [359] vous voules, au confesseur extraordinaire, ou mesme au confesseur ordinaire, s'il est capable, ou tel autre que vous jugeres; car c'est un grand bien que de ne rien faire que par l'advis d'autruy..

  A026002341 

 Je ne dis pas que vous soyes tous-jours attentive a la presence de Dieu, mais que vous multipliies le plus qu'il se pourra les retours de vostre esprit en Dieu.

  A026002347 

 Nostre divin Maistre, de tems en tems, vous regardera et jettera les yeux sur vous.

  A026002348 

 Prattiquons les petites vertus qui nous sont propres et qui n'ont pas tant d'esclat; resjouissons nous de nostre propre abjection.

  A026002350 

 Dieu ayme les miserables, il regarde ceux qui ne sont rien; les chetifz et personnes abjectes deviennent le throsne de Dieu; il establit son siege sur une ame qui est vile.

  A026002350 

 Parmi les pauvres du monde, celuy qui n'a que des haillons a faire paroistre et des playes a monstrer s'estime le plus advantagé, esperant que, par la descouverte de sa pauvreté, il recevra de plus grandes aumosnes.

  A026002355 

 Ne quittes donq pas vos Communions pour les peynes et foiblesses que vous sentes, quoy que vous soyes distraitte et que vous soyes en secheresse.

  A026002356 

 C'est une fournaise d'amour ou nos tiedeurs seront consumees, c'est un bausme pretieux qui guerira nos blesseures, c'est en fin un thresor de toutes les graces qui vous enrichira.

  A026002357 

 Hé, quil importe peu, ma Fille, que les momens de cette vie soyent fascheux, pourveu qu'a jamais nous louions et benissions Nostre Seigneur..

  A026002365 

 Croyes moy, que dans la mayson du Seigneur les emplois les plus vilz ne sont pas les moins advantageux; mais le cœur qui est indifferent dit mesme qu'il ne peut pas envisager les advantages qui s'y trouvent.

  A026002365 

 Je veux luy obeir dans ce qu'il me demande, mais pour connoistre sa volonté dans une infinité de choses qui ne me sont pas clairement manifestees, je ne veux point donner la torture a mon pauvre cœur, ni les examiner avec scrupulosité; je m'en tiendray a ce que me diront ceux que Dieu a establis pour me conduire et, en paix, je tascheray a suyvre ses inspirations..

  A026002365 

 Laissés la tous les raysonnemens et tous les desirs que vostre pauvre cœur voudroit vous suggerer pour sortir de cet estat.

  A026002365 

 Ma chere Fille, si vous connoissies le thresor qui est enfermé dans l'abandon total que l'ame fait de tout elle mesme entre les mains de Dieu pour ne plus vouloir que ce qui luy plaist, vous souspireries apres cet estat, et vous ne souhaitteries rien que d'estre ce que Dieu veut que vous soyes.

  A026002365 

 Que les autres soyent eslevés comme des Seraphins; [364] mon partage est de me tenir petite et humble aux pieds de mon Sauveur; hé bien, je veux m'y tenir contente.

  A026002368 

 Ayes soin de mesnager les petites rencontres que Dieu vous presente, mettes en cela vostre vertu, et non pas a desirer de grans travaux; car souvent on se laisse abbattre par un mouscheron quand on combat des monstres par imagination..

  A026002369 

 Ne vous inquietes point dans la veuë des maux et des peynes qui vous peuvent arriver; car le Seigneur ne permettra pas qu'ilz vous arrivent, ou il vous donnera la force de les porter, s'il vous les envoye.

  A026002370 

 Je sçay, dira une ame fidele, que la foy m'enseigne que le Seigneur supporte et reçoit les foibles et les miserables qui se confient en luy: je veux donq m'y confier et abandonner..

  A026002370 

 Nous croyons, parce que nous ne valons rien, que le Seigneur n'aura point soin de nous: ne voyes vous pas la finesse de la prudence humaine qui nous trompe en nous faysant sortir de l'estat d'une parfaitte confiance? Ne faysons point ce [tort] a sa divine Majesté de raysonner si bassement; Dieu n'est pas comme les hommes, qui ne font cas que de ce qui peut leur estre utile.

  A026002370 

 Pour affermir nostre amour pour nostre souverain Bien, resveillons nostre foy; car la prudence de la chair et les raysonnemens de nostre esprit nous nuysent souvent et nous empeschent de nous jetter a cors perdu entre les bras de la divine Providence.

  A026002378 

 La parfaitte pauvreté interieure consiste a avoir le cœur destaché et disjoint de toutes les choses dont il se sert, ne les tenant que par emprunt, estant prest de les quitter sans fascherie, toutes fois et quantes que les Superieurs l'ordonneront.

  A026002378 

 [C'est] avec la mesme moderation qu'il faut aymer les biens de la Communauté, les regardant non avec une affection proprietaire qui nous oste la paix du cœur ou nous desregle en la pretention, conservation ou distribution d'iceux, ains avec un esprit religieux, comme choses consacrees a Dieu, lesquelles il ne faut aymer que selon le goust du Seigneur a qui elles sont consacrees..

  A026002379 

 Il se faut mesme retrancher quelquefois des choses mesme necessaires; mays sur tout accepter avec amour tous les manquemens des choses necessaires qui nous arriveront, de quelque part qu'ilz viennent, recevant aussi de bon cœur les choses pauvres qui nous arriveront, en quoy que ce soit..

  A026002380 

 La pauvreté spirituelle, c'est l'abandonnement de toutes choses, le mespris de soy mesme et la renonciation de toutes choses et de la propre volonté en toutes choses: ces trois degrés sont les enseignemens de la vraye Religion.

  A026002391 

 Saint Bernard dit: « Que le Prelat ne commande a sa poste, ains selon la Regie;... qu'il n'accroisse les vœux sans la volonté du sujet, qu'il ne les diminue aussi que par necessité; » mais « que le sujet sçache que l'obeissance est imparfaite qui se renferme dans les bornes des vœux, car la parfaite s'estend a toutes choses auxquelles la charité se treuve.

  A026002402 

 Sur le midy, faites une reflexion sur toutes vos actions, si vous aves mis en execution les bons propos qu'aves fait le matin, si vous aves surmonté vos passions, fait toutes vos œuvres avec une pureté d'intention et donné bon exemple a vos Freres..

  A026002403 

 Conferes les actions d'un jour avec un autre, pour voir si vous proffites ou si vous retournes en arriere, taschant de reconnoistre l'imperfection principale, qui est comme la source et origine de tous vos manquemens, affin que vous la puissies peu a peu surmonter.

  A026002411 

 Consideres troysiesmement, que, soit que nous embrassions les conseilz de Nostre Seigneur nous rangeant a une vie plus estroitte, soit que nous demeurions en la vie commune et en l'observance seule des Commandemens, nous aurons en tout de la difficulté: car si nous nous retirons du monde, nous aurons de la peyne de tenir perpetuellement bridés et sujetz nos appetitz, renoncer a nous mesmes, resigner nostre propre volonté et vivre en une tres absolue [371] sujettion sous les loix de l'obeissance, chasteté et pauvreté; si nous demeurons au chemin commun, nous aurons une peyne perpetuelle a combattre le monde qui nous environnera, a resister aux frequentes occasions de pecher qui nous arrivent, et a tenir nostre barque sauve parmi tant de tempestes..

  A026002412 

 Et quant a la vie commune, la liberté, la varieté du service qu'on peut rendre a Nostre Seigneur, l'aysance de n'avoir a observer que les Commandemens de Dieu, et cent autres telles considerations la rendent fort delectable..

  A026002412 

 Hors du monde, le seul contentement d'avoir tout quitté pour Dieu vaut mieux que mille mondes; la douceur d'estre conduit par l'obeyssance, d'estre conservé par les loix, et d'estre comme a couvert des plus grandes embusches, sont de grandes suavités: layssant a part la paix et tranquillité qu'on y treuve, le playsir d'estre occupé nuit et jour a l'orayson et choses divines, et mille telles delices.

  A026002418 

 Imagines vous de voir saint Joseph avec la Sainte Vierge, [372] sur le point de son accouchement, arriver en Bethleem et chercher par tout a loger, sans treuver aucun qui les veuille recevoir.

  A026002419 

 Ou sont les superbes edifices que l'ambition du monde esleve pour l'habitation des vilz et detestables pecheurs? Ah! quel mespris des grandeurs du monde nous a enseigné ce divin Sauveur! Que bienheureux sont ceux qui sçavent aymer la sainte simplicité et moderation! Miserable que je suis, il me faut des palais, encor n'est ce pas asses; et voyla mon Sauveur sous un toit tout percé, et sur du foin, pauvrement et piteusement logé..

  A026002420 

 Helas! que tout est pauvre, que tout est vil et abject en cet accouchement, et que nous sommes doüilletz et sujetz a nos commodités, amoureux des sensualités! Il faut grandement exciter en nous le mespris du monde et le desir de souffrir pour Nostre Seigneur les abjections, mesayses, pauvretés et manquemens.

  A026002425 

 Ayant pris vostre chapelet par la croix et l'ayant baysee, vous feres avec icelle le signe de la Croix sur vous, et vous mettres en la presence de Dieu, luy offrant vostre ame avec toutes ses puissances, principalement vostre entendement et volonté, avec un grand desir de considerer avec attention les misteres de nostre foy et de tirer d'iceux quelque sainte affection d'imiter les vertus que nostre Redempteur nous a enseigné, et de faire d'autres actes d'amour de Dieu, d'admiration de ses perfections infinies, d'actions de graces pour ses benefices, de contrition de vos pechés, de saintz propos de vous amender, de surmonter vos passions, de prouffiter en la vertu.

  A026002425 

 En apres, vous prieres Dieu, par les merites de la vie, mort et passion de nostre Sauveur, par l'intercession de la glorieuse Vierge et de vostre Ange tutelaire, d'accepter vos foibles prieres pour ceux ou celles des vivans et trespassés pour lesquelz vous aures prins resolution de prier..

  A026002428 

 Cela fait, vous commenceres a mediter les misteres du Rosaire, prenant ou les joyeux, ou les douloureux, ou les glorieux, ou mesme quelque autre devot sujet, tel que Dieu vous inspirera, vous entretenant en la meditation d'iceluy pendant que vous dites la premiere dizaine; et me semble encor estre plus utile de s'y entretenir quelque peu avant que de la commencer.

  A026002428 

 Et apres, dires l'Orayson dominicale, par laquelle doivent commencer toutes vos oraysons, comme estant la plus excellente que nous puissions faire; et ensuite vous dires les dix Ave Maria, continuant en cette maniere de dire les cinq dizaines d'une partie du Rosaire..

  A026002429 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au commencement dudit Chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de dire le Chapelet, luy demandant l'assistence de sa grace pour pouvoir mettre en execution les bons propos qu'il vous a donnés.

  A026002429 

 Et en fin, au gros grain qui est au fin bout, vous feres un bouquet spirituel de recollection, renouvellant tous les bons propos [375] et saintes resolutions qu'aves faites en la meditation de ces cinq mysteres, suppliant la divine Majesté qu'elle accepte et addresse toutes vos oraysons a son honneur et gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir rappeller tous les desvoyés.

  A026002588 

 Ayant d'abord fléchi les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ en toute humilité, que Votre Excellence lève au Ciel les yeux de son âme et s'imagine voir ce grand Père des lumières, Dieu, assis sur le trône de sa gloire, entouré de millions d'Anges et de Séraphins; puis, avec une grande foi, respect et amour, faites cette prière que Jésus-Christ nous a enseignée, et adressez-lui ces sept demandes qui y sont contenues.

  A026002593 

 Ce Dieu qui créa toutes choses du néant et qui tient tout entre ses mains, à qui servent toutes les hiérarchies du Ciel, est notre Père.

  A026002593 

 Un pauvre berger qui garde ses brebis dans les champs s'estimerait heureux et bien fortuné si Votre Excellence l'adoptait pour fils et pour son héritier; bien plus, etc. Nous pouvons [378] dire à bon droit ce que David répondit au roi Saül quand il lui offrit pour épouse sa fille [Mérob]: Qui suis-je et qu'est-ce que ma vie, qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi? Et qui suis-je, ô Dieu du Ciel, pour que vous me vouliez pour votre enfant et que vous vouliez que je vous appelle Père?.

  A026002596 

 Considérez en notre bon Père et vis-à-vis de nous tous, les effets de père.

  A026002596 

 Il nous pourvoit de tout ce qui nous est nécessaire pour le corps et pour l'âme; il met à notre service toute cette grande machine du monde, ces éléments, ces cieux et même les Anges; il pourvoit notre âme de sa nourriture, qui est le précieux Corps et le Sang de son Fils unique.

  A026002597 

 Lui demander que puisqu'il exerce si bien vis-à-vis de nous les offices d'un bon père, nous exercions aussi à son égard les devoirs de bons fils, qui sont l'amour, l'obéissance, le respect; que nous l'aimions tendrement et nous réjouissions d'avoir un Père si bon, si saint, si sage et si puissant, qu'il est la même bonté, sainteté, sagesse, beauté et infinie puissance; que nous obéissions à sa loi, que nous lui portions en tout lieu le respect qui lui est dû et que nous cherchions que le monde entier l'honore et le révère.

  A026002602 

 Notre, pour nous révéler que nous sommes tous frères, que nous devons aimer tout le monde, prier pour tous et observer les deux commandements auxquels se rattache toute la Loi: le premier, d'aimer Dieu parce qu'il est Père; le second, d'aimer le prochain parce qu'il est notre frère..

  A026002607 

 Le ciel est fort, mobile, rempli d'étoiles; je le prierai de me rendre fort dans son saint service, de me donner un mouvement continuel d'amour envers lui, d'orner mon âme d'autant de vertus qu'il y a d'étoiles au ciel et d'y mettre les deux grands luminaires: le plus grand, l'amour fervent de sa Majesté; le plus petit, celui du prochain..

  A026002608 

 Dans les Anges: les éclairant, afin qu'ils le connaissent, lui, lumière éternelle qui éclaire tout; les enflammant, afin qu'ils l'aiment, puisqu'il est un feu qui embrase; les comblant de béatitude, afin qu'ils soient éternellement bien heureux, puisqu'il est le Bien infini qui remplit tout.

  A026002609 

 Pour que je comprenne bien que mon âme ne doit pas embrasser la terre, mais le Ciel; qu'elle ne doit plus cheminer ayant l'affection aux choses basses et transitoires, mais s'élever aux choses du Ciel, afin que notre conversation soit dans les Cieux, où nous avons pour Père Dieu lui-même.

  A026002613 

 Il faut ensuite le prier de répandre sa lumière sur tout l'orient et l'occident et sur les parties du monde où règnent les Turcs, les Maures, les Gentils, les payens et autres peuples semblables, afin qu'ils arrivent à la connaissance de son Nom très saint, qu'ils plient les genoux devant lui et devant son Fils et le Saint-Esprit, et qu'ils disent tous: Notre Père qui êtes aux Cieux, que votre Nom soit sanctifié..

  A026002615 

 Le prier de donner à tous l'entendement, afin que nous puissions comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: la largeur de ses bienfaits, la longueur et grandeur de ses promesses, la hauteur de sa Majesté et la profondeur de ses jugements.

  A026002625 

 Demander que de même que les cieux, qui sont les Anges et les Saints, font toujours sa volonté, de même la terre, c'est-à-dire nous, la fassions aussi..

  A026002639 

 Comme nous les pardonnons, car de la même mesure que nous [aurons] mesuré, on nous mesurera..

  A026002649 

 De toutes les adversités, de tous les dangers, de tous les maux qui nous arrivent du dehors..

  A026002653 

 En votre présence, les cieux, la terre et tout ce qu'ils contiennent, sont moins qu'un petit grain de sable en face du monde entier; moi, d'autre part, je suis un petit ver de terre, pécheur et enfant d'Adam pécheur, qui si souvent ai offensé votre souveraine Majesté: et cependant, vous voulez que je vous appelle Père! Oh! quelle excellence, quelle dignité me donnez-vous! Qu'il vous plaise, Seigneur, que mon âme la sache reconnaître et qu'elle vous rende les dues actions de grâce pour tant de bienfaits.

  A026002653 

 Mais parce que je ne suffis pas à cela, je prie les Anges de m'aider à louer et remercier continuellement votre Majesté..

  A026002653 

 O Père éternel, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des lumières, Père saint, Père très doux et aimant, Père Créateur de l'univers: quand méritai-je de vous appeler Père, moi terre, poussière et cendre, le dernier de tous vos serviteurs? Et quel bien avez-vous découvert en moi ou en quelqu'autre enfant d'Adam, pour que vous ayez voulu être notre Père? « Qui êtes-vous, Seigneur, et qui suis-je? » Vous êtes le Dieu d'infinie majesté, Roi [386] des rois, Seigneur des seigneurs, Saint des Saints, gloire des Anges et allégresse de tous les Bienheureux.

  A026002654 

 Père, je dois confesser deux choses: l'une, que ce don et ce grand bienfait vient de votre bonté infinie et de l'amour infini que vous avez pour moi; l'autre, que ce mot de Père sied bien sur les lèvres de votre Fils unique mon Seigneur Jésus-Christ, qui est votre Fils par une étemelle et consubstantielle génération, mais sur les miennes, moi qui suis un si grand pécheur, il ne sied pas, il ne convient pas, je ne mérite pas, Seigneur, un si grand bien.

  A026002656 

 Ce mot de Père m'excite à vous demander les choses qui me sont nécessaires, car le père ne refuse jamais à son enfant ce qu'il voit lui être nécessaire, pourvu qu'il puisse le lui donner.

  A026002656 

 Les besoins ne me manquent pas: je suis blessé par beaucoup de péchés, il me faut des remèdes; vous, Père, vous êtes le médecin qui [388] guérit toute langueur et soigne toute infirmité.

  A026002658 

 Je vous demande ensuite, ô bon Père, que vous daigniez exercer envers moi les offices de père.

  A026002660 

 Que les riches se réjouissent de leurs richesses, les puissants de leur puissance, les sages de leur sagesse: pour moi, je me réjouirai dans mon Seigneur, parce qu'il est Père et notre Père.

  A026002660 

 Quelle plus grande joie puis-je avoir que de me ressouvenir que j'ai un Père si bon, qu'il est la bonté même; si saint, qu'il est la sainteté même; si sage, qu'il est la sagesse même, et enfin si puissant, qu'il peut toutes choses au Ciel, sur la terre et dans les abîmes.

  A026002662 

 Et maintenant, me souvenant des fautes passées, je cours vers vous, Père, et je dis: Père, j'ai péché contre le ciel et contre vous, je ne suis pas digne d'être appelé votre fils; traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. Ou bien, Père, parce que je connais votre miséricorde et l'amour que vous me portez, venez à ma rencontre, ouvrez les bras de votre miséricorde, embrassez cet enfant prodigue, donnez-moi la robe d'innocence, l'anneau de la foi vive, les souliers des exemples de vos Saints que je dois imiter.

  A026002667 

 Vous êtes, Seigneur, notre Père: qu'elle est grande votre bonté! Vous ne vous contentez pas de communiquer ce nom de Père à vos Anges et à vos Saints qui sont dans votre maison, mais vous voulez aussi le communiquer à ceux qui sont dans ce monde, et non seulement [393] aux riches et aux puissants, mais aux plus pauvres bergers qui, sur les ponts et dans les forêts, dorment sur la terre nue.

  A026002670 

 Enfin vous êtes notre Père parce que vous vous employez tout entier pour nous, si pauvres, et parce que vous nous avez tout communiqué en ce monde dans le Très Saint Sacrement; et puis, au Ciel, vous vous communiquerez plus manifestement, nous découvrant votre bienheureuse essence, les trésors infinis de votre béatitude et la gloire de votre Majesté.

  A026002674 

 Je sais, Seigneur, que vous êtes partout et que les cieux et la terre sont pleins de votre gloire; et même je sais, Père, que vous tenez l'univers dans vos mains et que vous le conservez, car s'il en était autrement, toutes choses retourneraient dans le néant d'où [395] vous les avez tirées.

  A026002674 

 Quand sera-ce, ô Père, que mon âme sera comme un ciel, élevée de la terre par la force de l'amour; ornée d'autant de vertus que le ciel contient d'astres et d'étoiles; ferme et forte en votre service, sans jamais tomber, ainsi que les cieux qui ne tombent pas, afin qu'elle soit toute belle et agréable devant votre face et que vous, Père, daigniez y habiter comme en un ciel très beau? je vous demande encore, ô Père, qu'afin que mon âme soit un ciel et la demeure de votre très souveraine Majesté, elle puisse se mouvoir comme les cieux, selon le mouvement du premier moteur.

  A026002674 

 Vous êtes aussi, ô Père, dans les Cieux, où vous glorifiez cette immense multitude d'Anges et de Saints qui sont continuellement présents devant le trône de votre gloire, vous adorant en toute révérence.

  A026002675 

 Donnez-moi, ô Père, cette grande lumière, afin que je vous connaisse comme les Anges et votre serviteur François, vous, mon Dieu, d'infinie vertu, de puissance infinie, de sagesse infinie et de beauté infinie.

  A026002675 

 Vous êtes aux Cieux, ô Père, c'est-à-dire dans les Anges et dans les Saints; vous les éclairez afin qu'ils vous connaissent, car vous êtes la lumière éternelle qui éclaire tout.

  A026002675 

 Vous êtes, Père, dans les Anges et dans les Saintz, et vous les enflammez du feu d'un ardent amour, afin qu'ils vous aiment parfaitement, car vous êtes ce feu [396] qui consume toute imperfection: Vous rendez vos Anges aussi prompts que les vents et des flammes de feu vos serviteurs. Vous êtes, Père, dans vos Anges et dans vos Saints, les comblant de béatitude afin qu'ils soient éternellement heureux, car vous êtes la béatitude, la gloire, le repos de cette glorieuse assemblée.

  A026002676 

 Avec ce grand feu, embrasez mes affections, afin que je n'aille plus mendier les choses viles de la terre, mais qu'entraîné par sa vertu je cherche les choses éternelles du Ciel..

  A026002676 

 Je vous demande aussi, ô Père, que vous daigniez embraser mon cœur du feu du Saint-Esprit, comme vous embrasez les Anges au Ciel, et de même que vous embrasâtes sur la terre les cœurs des Apôtres le saint jour de la Pentecôte.

  A026002676 

 Lancez d'en haut le feu dans mes os; que ce feu, Père, pénètre jusqu'à la moëlle de mon âme, afin que les grandes eaux de la tribulation ne puissent éteindre la charité.

  A026002676 

 O Père très heureux, envoyez quelques parcelles de ce grand fleuve et de ce grand feu qui procède de votre siège et de l'Agneau, c'est-à-dire du Saint-Esprit; envoyez-les [397] à mon âme afin qu'elle brûle de votre amour.

  A026002677 

 Donc, notre Père qui êtes aux Cieux, donnez-moi l'amour des choses célestes, afin qu'aimant celles-là je méprise les choses de la terre et que tout mon amour soit en vous, notre Père du Ciel..

  A026002677 

 Si le pèlerin, quand il marche, a le corps sur la route et l'âme en la douce patrie, chaque heure lui semblant mille ans pour le désir qu'il a de l'atteindre et de voir son cher père et ses très doux frères, pourquoi n'en sera-t-il pas ainsi de moi? Pourquoi, notre Père, mon âme ne converse-t-elle pas dans les Cieux comme l'âme de votre saint Apôtre qui disait: Notre conversation est dans le Ciel, et pourquoi chaque heure de cet exil ne me semble-t-elle pas mille ans? pourquoi ne désiré-je pas voir mes chers frères, qui sont [398] les Anges et les Saints? pourquoi, Père, ne réputé-je pas toutes les choses de cette vie, basses, viles et indignes d'y attacher mon cœur, puisque je suis créé pour posséder les biens du Ciel? Il est hors de doute, ô Père, que ce serait un grand déshonneur pour le fils d'un grand prince ou d'un roi d'étriller de ses mains les chevaux ou, avec les mêmes mains, ramasser les immondices et le fumier dans les rues; mais c'est un bien plus grand déshonneur pour moi de ce que sachant, ô Père céleste, que vous m'avez adopté pour votre fils et que vous me préparez des biens infinis, des richesses inestimables et même le royaume du Ciel, je m'abaisse et me rende méprisable en recherchant les choses viles et basses de ce monde.

  A026002678 

 Je vous demande enfin, ô Père, que de même que vous remplissez les deux, qui sont les Anges et les Saints, de gloire, de même vous daigniez remplir mon âme, lorsque, quittant ce monde, elle se présentera devant vous, afin qu'elle soit un « Ciel plein de votre gloire.

  A026002682 

 Découvrez, ô Père, et communiquez à toutes les nations cet aimable Nom, afin que toutes s'embrasent et s'enflamment de votre saint amour.

  A026002682 

 Oh! quelle joie serait pour mon âme de voir un jour le monde entier plier le genou pour adorer votre très souveraine Majesté! Père de mon Seigneur Jésus-Christ, si mon sang et ma vie étaient nécessaires pour cela, j'offrirais volontiers mon sang, ma vie et mille vies, si je les avais..

  A026002682 

 Que l'orient, l'occident et les autres parties du monde sachent que vous êtes Père, que Jésus-Christ est votre Fils unique, coéternel et consubstantiel, et que tous peuvent être vos enfants d'adoption.

  A026002683 

 Père, avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: nous connaissons la largeur de vos bienfaits envers nous, qui est plus vaste que la mer et la terre; la longueur de vos promesses, [400] qui sont infinies; la hauteur de votre Majesté, qui est immense; la profondeur de vos jugements, qui sont un abîme..

  A026002684 

 Donc, ô Père, que votre Nom soit sanctifié; daignez faire de moi un saint, afin que je ne cesse de bénir votre souveraine Majesté et que le monde, voyant que je suis occupé à vous louer et à vous bénir, vous glorifie, ô notre Père, et sanctifie votre Nom qui est béni dans les siècles des siècles.

  A026002684 

 Les cieux, avec leurs continuels mouvements, les étoiles avec leur brillante lumière, et surtout ces deux plus grands luminaires, le soleil et la lune, par la splendeur de leur clarté, m'excitent à adorer et bénir votre saint Nom.

  A026002684 

 Père saint, toutes vos créatures m'excitent à louer votre saint Nom, à vous bénir incessamment: les Anges avec leur douce musique, vous chantent sans cesse de suaves matines, vous louent, vous bénissent et ne cessent de s'écrier: Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu des armées, et ils m'invitent à leur tenir compagnie.

  A026002684 

 Tous les éléments, le feu, l'air, l'eau, la terre, les oiseaux qui volent dans l'air, les poissons qui nagent dans la mer, les fleuves, les fontaines, les monts et les vallées, les plantes de la terre et enfin tous les animaux qui la parcourent, me prêchent l'adoration et me disent de vous bénir.

  A026002689 

 Je vous demande, ensuite, ô Père, le royaume des Bienheureux, ce royaume de tous les siècles, si ardemment désiré par un fils, celui où reposeront nos âmes et où elles jouiront.

  A026002689 

 O Père saint, que votre règne arrive, parce que c'est dans ce but que vous avez créé nos âmes; que votre règne arrive, parce que c'est pour cela que vous avez voulu que votre Fils mourût sur l'arbre de la croix; que votre règne arrive, pour que je bénisse votre nom: les justes sont dans l'attente de la justice que vous me rendrez; vos Anges et tous les Saints désirent ce jour, parce qu'il découvrira en vous, Père, un abîme d'infinie beauté, de puissance infinie; c'est pourquoi ils désirent ardemment avoir de nombreux compagnons qui les aident à louer et à aimer votre souveraine Majesté..

  A026002690 

 Dans votre bonté, Seigneur, répandez vos bienfaits sur Sion et que les murs de Jérusalem soient bâtis. Voyez, ô Père, une [402] bonne partie des murs de votre Jérusalem sont tombés jusqu'au profond de l'enfer; recueillez-nous dans votre bonté, ô Père saint, et placez-nous dans cette glorieuse cité, afin que vous puissiez achever de bâtir ses saintes et bénites murailles..

  A026002691 

 Comme les pèlerins désirent la dernière journée qui terminera leur voyage et où ils retrouveront leur ville et leurs demeures, ainsi nous désirons que votre règne arrive, afin que s'achève notre pèlerinage et que nous entrions dans le séjour que vous nous avez préparé dans votre saint royaume..

  A026002693 

 Que votre règne arrive. Oh! jour heureux! Oh! heure bénie! Quand sera-ce, ô Père, que ce jour s'approchera et que viendra cette heure? Quand viendrai-je et apparaîtrai-je devant votre face? Quand verrai-je, ô Père, les murs de votre royaume, travaillés avec des pierres précieuses? Quand frapperai-je à tes portes, ô céleste Jérusalem? Quand verrai-je tes riches palais? quand jouirai-je de tes beaux jardins revêtus de fleurs éternelles? quand m'abreuverai-je à tes sources de vie? O Père saint, quand verrai-je dans votre royaume ces innombrables légions d'Anges et de Saints pleins de gloire, ces chœurs de vierges qui, les palmes à la main, chantent et suivent votre Agneau? Quand donc mes oreilles entendront-elles la douce musique, l'harmonie des Anges et le concert des Saints qui tous chantent devant vous: Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu des armées? Que vos tabernacles sont aimables, ô Seigneur des armées! O Dieu des Anges, qu'ils sont beaux, qu'ils sont aimables vos tabernacles! Mon âme s'épuise en soupirant après les parvis du Seigneur; mieux vaut un jour dans vos parvis que mille [loin de vous].

  A026002694 

 Régnez, ô Père, en mon corps et en tous ses sens, afin qu'il s'emploie tout entier à votre saint service et que je sois un royaume où votre Majesté règne paisiblement dans les siècles des siècles..

  A026002699 

 Faites, ô Père, que de même qu'en cette terre des vivants, qui est le Ciel, tous les Anges et les Saints font votre divine volonté, ainsi sur cette terre des mourants, qui est ce monde, mon âme fasse votre sainte volonté.

  A026002700 

 Je vous prie aussi, Père, que de même que les esprits angéliques, signifiés par les cieux, font toujours votre très sainte volonté, de même l'âme des pécheurs, représentés par la terre, fasse aussi ce qui est de votre volonté, car de cette manière ils ne vous offenseront plus..

  A026002702 

 Que l'accomplissement de votre volonté soit le plaisir, le contentement, la joie de mon âme en tout lieu et en tout temps; car je sais, Père, qu'il est plus utile à mon âme de souffrir tous les tourments du monde, si telle est votre volonté, que de jouir de tous les divertissements et plaisirs des enfants d'Adam.

  A026002702 

 « Votre volonté est que je sois ferme dans la foi, humble dans la conversation, modeste dans mes paroles, juste dans mes actions, miséricordieux avec les nécessiteux, bien réglé dans mes mœurs; que je ne lasse injure à personne, que je supporte tous les hommes, qu'avec tous je garde la paix, que je vous aime comme Père, que [407] je vous craigne comme Père.

  A026002708 

 Oui, Père, les enfants ont besoin de pain; ne nous le refusez pas, de peur que nous ne mourions.

  A026002708 

 Père saint, ce Pain est celui que votre Fils nous a apporté, ce sont les choses merveilleuses qu'il a opérées, prêchées, endurées; faites, ô Père saint, que pendant la durée de ce pèlerinage, cette manne céleste ne vienne jamais à nous manquer et que nous goûtions son immense suavité..

  A026002709 

 Les yeux de tous les êtres sont tournés vers vous dans l'attente, Seigneur, et vous leur donnes la nourriture en temps opportun; les yeux de vos enfants vous regardent, ô Père, et demandent ce Pain de vie, parce que par lui on mène une vie céleste.

  A026002709 

 Me voici bien affamé, ô notre Père; écoutez ce mot que je vous adresse: Du pain, Père, du pain! Daignez donc, Père saint, ouvrir les entrailles de votre miséricorde, et puisque vous le pouvez, secourez-moi et donnez à votre enfant le pain de votre grâce et le Pain supersubstantiel du Très Saint Sacrement..

  A026002709 

 Moi donc, Père, l'un de vos enfants, bien que d'ailleurs indigne, grand par les années, mais très petit en mérites, affamé et besogneux, je vous demande le pain.

  A026002709 

 Or, Père plein de pitié, souvenez-vous que lorsque les petits enfants demandent du pain à [410] leur père, surtout s'ils ont bien faim, ils crient de toutes leurs forces ce mot: Pain, pain! et avec ce mot, comme avec autant de flèches, ils blessent le cœur de leurs pères qui, sur la terre, cherchent du pain pour le donner à leurs enfants.

  A026002711 

 Enfin, Père, je suis maintenant sous la table de votre haute Majesté, où mangent une multitude d'Anges et de Saints; agenouillé devant votre face royale, humilié en votre présence comme les petits chiens qui sont sous la table de leurs maîtres guettant les miettes qui en tombent, daignez m'honorer de cette suavité, de cette douceur que goûtent les Bienheureux à votre table, afin que [411] dans mon oraison je goûte quelque chose de ce que goûtent vos enfants au Ciel.

  A026002713 

 Sur ces paroles: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

  A026002716 

 Je reconnais, ô Père, que les dettes sont nombreuses (dix mille talents), parce [412] que j'ai péché contre toute votre loi; mais les richesses de votre miséricorde les surpassent infiniment.

  A026002717 

 Enfin je vous prie, Père saint, par votre miséricorde infinie, par la vertu de cette Passion que votre Fils bien aimé endura sur le bois de la croix et par les mérites et l'intercession de la Bienheureuse Vierge et de tous les élus qui existent depuis le commencement du monde, de daigner nous remettre nos dettes.

  A026002717 

 Je me souviens, ô Père, que votre bien aimé Fils, étant en ce monde, regarda d'un œil de pitié son Apôtre quand il le renia et Madeleine quand elle se convertit, et enfin qu'il recevait tous les pécheurs à pénitence et mangeait avec eux.

  A026002717 

 Voilà, ô Père, que votre miséricorde se rencontre avec le plus grand pécheur entre tous les pécheurs, avec celui qui a plus de dettes qu'aucun autre enfant d'Adam: effacez mes péchés, remettez-moi la grande somme de mes dettes et passez toujours plus avant pour chercher les autres débiteurs.

  A026002717 

 Vous avez mis, Seigneur, des bornes à la mer, mais vous avez laissé sans bornes votre miséricorde, afin que toujours elle aille chercher les pécheurs chargés de dettes pour leur pardonner.

  A026002718 

 Comme nous les remettons à ceux qui nous ont offensés.

  A026002718 

 Je vous prie aussi, ô Père, de me donner assez de vertu et votre grâce pour que je puisse parfaitement pardonner à ceux qui m'ont offensé; et si vous trouvez dans mon cœur quelque reste d'imperfection contre ceux qui m'ont offensé, vous, Père, par le feu de votre charité, faites-le disparaître, brûlez-le, faites que nulle trace ni ombre de rancune demeure dans mon cœur, afin que je puisse dire en toute vérité: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés..

  A026002722 

 Donnez les moyens, portez secours, 6 Père; les ennemis sont aussi nombreux que le sable de la mer et expérimentés dans le combat; mon âme est languissante, faible, impuissante si vous ne venez à son aide.

  A026002723 

 Par amour pour vous, je veux bien avoir des tribulations et des angoisses en ce monde, pourvu que dans les tribulations mon âme ne défaille pas.

  A026002723 

 Que je sois plutôt comme vos Saints qui, en ce monde, jetés dans les flammes et le feu, restèrent forts et fermes, et ensuite, comme des pierres précieuses, en sortirent avec plus de splendeur et de lumière.

  A026002727 

 Que mes péchés, Seigneur, ne se multiplient pas comme le sable de la mer et les étoiles du ciel; que l'enfer ne m'engloutisse pas et que la fosse ne se ferme pas sur moi.

  A026002729 

 Vous m'avez délivré, 6 Père, des ténèbres et de l'aveuglement où se trouvent les Turcs, les Maures, les Juifs, les Gentils et payens, me faisant naître dans le sein de la sainte Eglise; délivrez-moi, ô Père, des ténèbres et de l'aveuglement du péché, afin que je jouisse du sang et des mérites de votre Fils béni, Jésus-Christ mon Seigneur, et que je sois compté parmi vos enfants, qui sont les fils de la lumière dans votre Royaume..

  A026002730 

 Ne me regardez pas, ô Père, moi qui suis le plus grand de tous les pécheurs, mais regardez votre Fils très saint et béni, le plus grand de tous les Saints, voire le Sanctificateur d'eux tous; et par l'amour que vous lui portez, accordez-moi ce qu'il m'a ordonné de vous demander..

  A026002730 

 Père, votre saint et bien aimé Fils Jésus-Christ m'a ordonné de faire cette prière et m'a envoyé à vous afin que je vous demande les grâces qui y sont contenues.

  A026002731 

 Je vous le présente, et vous prie humblement que par ses mérites et par sa très sainte Mort et Passion vous daigniez m'accorder ce que lui-même, dans cette Oraison et cette requête qui sont siennes, m'a ordonné de vous demander, afin que mon âme soit toute vôtre et qu'elle vous loue et bénisse dans les siècles des siècles.

  A026002739 

 Comme s'il vouloit dire: Souvenes vous de ce que j'ay enduré pour vostre salut, prattiques donq ce mesme mystere pour vous et pour les vostres..

  A026002742 

 O Dieu [421] de mon cœur, aydes moy a les endurer dans l'union de vos souffrances et tristesses, affin que par le merite de vostre Passion ilz me soyent rendus salutaires.

  A026002751 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves enduré le bayser du traistre Judas, faites moy la grace de ne vous trahir jamais, et de rendre a mes calomniateurs les offices d'une amitié chrestienne.

  A026002754 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves bien voulu estre garrotté par les mains des meschans, rompes les chaisnes de mes pechés, et retenes moy tellement par les liens de la charité et de vos commandemens, que les puissances de mon ame et de mon cors ne s'eschappent point a commettre aucune chose qui soit contraire a vostre sainte volonté..

  A026002757 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre conduit comme un criminel a la maison d'Anne, faites moy la grace de ne pas estre [422] attiré au peché par l'esprit malin, ou par les hommes pervers, mais d'estre guidé par vostre Saint Esprit a tout ce qui est aggreable a vostre divine volonté.

  A026002763 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui par un regard de vostre amour aves tiré des yeux de saint Pierre les larmes d'une veritable penitence, faites par vostre misericorde, que je pleure amerement mes pechés, et que je ne vous renie jamais de fait ou de parole, vous qui estes mon Seigneur et mon Dieu.

  A026002766 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre mené devant Pilate et accusé fausement en sa presence, apprenes moy le moyen d'eviter les tromperies des meschans et de professer vostre foy par la prattique des bonnes œuvres.

  A026002769 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant en la presence d'Herode aves souffert les fauses accusations sans repliquer un seul mot, donnes moy la force d'endurer courageusement les injures des calomniateurs, et de ne pas publier aux indignes les sacrés mysteres.

  A026002772 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves souffert d'estre renvoyé d'Herode a Pilate, qui devinrent amis par ce moyen, faites moy la grace de ne pas craindre les conspirations que les meschans font contre moy, mais d'en tirer du proffit, affin d'estre digne de vous estre conforme.

  A026002778 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre lié a la colomne [423] et deschiré a coups de fouetz, donnes-moy la grace d'endurer patiemment les fleaux de vostre correction paternelle, et de ne vous point affliger doresnavant par mes pechés.

  A026002781 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre couronné d'espines pour moy, faites que je sois tellement piqué par les espines de la penitence en ce monde, que je merite d'estre couronné au Ciel.

  A026002784 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui estant declaré innocent par la sentence du president Pilate, aves souffert les impostures et les reproches des Juifz, donnes moy la grace de vivre dans l'innocence et de ne me point inquieter de mes ennemis.

  A026002787 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre bafoué pour moy en presence des Juifz, portant les marques de leurs risees, faites que je ne ressente point le chatouillement de la vaine gloire, et que je comparoisse au jugement sous l'enseigne de ces marques mystiques..

  A026002790 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu, quoy qu'innocent, estre condamné pour moy au supplice de la croix, donnes moy la force de soustenir la sentence d'une mort cruelle pour vostre amour, et de ne redouter pas les faux jugemens des hommes et de ne juger personne injustement.

  A026002796 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant dans le chemin par lequel vous marchies au supplice de la croix, aves dit aux femmes qui pleuroyent pour l'amour de vous qu'elles devoyent pleurer pour elles mesmes, donnes moy la grace de bien pleurer mes pechés, donnes moy les larmes d'une sainte compassion et d'un saint amour, qui me rendent aggreable a vostre sainte Majesté..

  A026002805 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves fait couler de vos playes salutaires la fontaine de vos graces, faites que vostre sacré sang me fortifie contre les mauvais desirs et me soit un remede salutaire a tous mes pechés.

  A026002808 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant attaché a la croix aves prié vostre Pere pour tous les hommes, mesme pour vos bourreaux, donnes moy l'esprit de douceur et de patience qui me fasse aymer mes ennemis, rendre le bien pour le mal, suivant vostre exemple et vos commandemens.

  A026002814 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant attaché a la croix aves recommandé vostre sainte Mere au Disciple bienaymé et le Disciple a vostre Mere, faites moy la grace de me recevoir sous vostre protection, affin que me preservant parmi les dangers de cette vie, je sois du nombre de vos amis.

  A026002820 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui, apres avoir terrassé les puissances [425] du diable, estes descendu aux enfers, et aves delivré les peres qui y estoyent detenus, faites, je vous prie, descendre en Purgatoire la vertu de vostre sang et de vostre Passion sur les ames des fidelles trespassés, affin qu'estant absoutes de leurs pechés, elles soyent receues dans vostre sein et jouissent de la paix eternelle.

  A026002823 

 Mon Seigneur Jesus Christ, plusieurs ont deploré leurs pechés par la consideration de vos souffrances: faites moy la grace, par les merites de vostre Passion douloureuse et de vostre Mort, de concevoir une parfaite contrition de mes offenses, et que des-ormais je cesse de vous offenser.

  A026002838 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui apres vostre resurrection aves daigné converser l'espace de quarante jours avec vos Disciples et leur aves enseigné les misteres de la foy, resuscites dans moy et m'affermisses dans la creance de vos divines verités.

  A026002841 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estes monté au Ciel en presence de vos disciples, apres avoir accompli le nombre de quarante jours, faites moy la grace que mon ame se degouste pour vostre amour de toutes les choses de la terre, qu'elle aspire a l'eternité et qu'elle vous desire comme le comble de la felicité.

  A026002847 

 Je vous prie, par les merites de ce divin Sacrifice, de me donner l'esprit et la force de resister tous-jours a toutes les mauvaises tentations, affin que, sortant de ce monde, je sois digne du Paradis.

  A026002853 

 Ne me dites pas que vous ne deves, car vous estes la commune Mere de tous les pauvres humains, et singulierement la mienne.

  A026002855 

 Faites moy present de tous les dons, biens et graces qui playsent a la tres sainte Trinité, Pere, Filz et Saint Esprit.

  A026002855 

 Soyes donq exaltee sur les Cieux et sur la terre, glorieuse Vierge et ma tres haute Mere Marie, et pour l'honneur et la gloire de vostre Filz, acceptes moy pour vostre enfant, sans avoir esgard a mes miseres et pechés.

  A026002862 

 O bienheureuse Vierge Marie, digne Mere de Dieu et fidele Dispensatrice de toutes les graces qu'il veut nous distribuer en cette vie, je vous supplie, par l'amour de vostre cher Filz, nostre Sauveur Jesus Christ, de m'obtenir de vostre divin Espoux, le Saint Esprit, une lumiere celeste et un bon conseil pour connoistre ce que je dois faire et comment je dois me conduire pour la gloire de Dieu et l'advancement de mon salut..

  A026002870 

 Toutes les éditions des Œuvres de saint François de Sales, à commencer par celle in-folio de 1637, p. 1033, donnent une pièce intitulée: Maniere devote pour celebrer avec fruict le tres-sainct Sacrifice de la Messe. On nous permettra de l'écarter de notre Edition, comme n'ayant aucune preuve d'authenticité; on n'y retrouve ni les pensées du Saint, ni son style, mais un amas de considérations qui suffoquent l'esprit, au lieu de le recueillir; plusieurs mots y sont employés qui ne se rencontrent pas dans ses écrits..

  A026002872 

 Avant 1637, elle fut publiée à la suite de l' Advertissement aux Confesseurs, dans le petit volume imprimé à Lyon par Jean Charvet, 1620, ou 1615? (Voir notre tome XXIII, note (920), p. 279.) C'est de là, sans doute, que les éditeurs de 1637 l'auront tirée, sans trop examiner si elle était vraiment du saint Evêque de Genève.





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