01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html |
A001000705 |
general, de Trulles, outre les Livres precedens du second rang, furent receuz au canon comme indubitables, Thobie, Judith, deux des Macchabees, la Sapience, l'Ecclesiastique et l'Apocalipse; mais avant tous ceux du second rang, le Livre de Judith fut receu et reconneu pour divin au premier general Concile de Nicee, ainsy que saint Hierosme en est tesmoin, en sa præface sur iceluy. |
||||
A001000742 |
Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture. |
||||
A001000813 |
Jamais peuple ne fut mieux instruict, selon la malice du tems, que le peuple de Milan sous le cardinal Borromëe; mays l'instruction du peuple ne vient pas a force de tracasser les saintes Bibles, et lisotter ceste divin'Escriture, ni chanter ça et la en forme de fantasies les Psalmes, ains de les manier, lire, ouyr, chanter et prier avec apprehension vive de la majesté de Dieu a qui on parle, de qui on lit ou escoute on la Parole, tousjours avec ceste præface de l'ancienn'Eglise, Sursum corda.. |
02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html |
A002000238 |
Ce que j'ay deduit jusques ici monstre asses combien est honnorable le bois que Nostre Seigneur porta, comme un autre Isaac, sur le mont destiné, pour estre immolé sur iceluy en divin Aigneau qui lave les pechés du monde; mais voyci des raysons particulieres inevitables. |
||||||||||||||||
A002000274 |
» Divino inspirata consilio, dit Paulinus: « Inspiree par le conseil divin. |
||||||||||||||||
A002000286 |
Je confesse tout cela, mays je dis aussi que cest article est representable, non pas certes parfaitement (car, qui representeroit jamais la valeur et le prix de ce sang divin, et la grandeur des travaux inteneurs du Sauveur?) mays il est representable comme les hommes et les maysons, dont on ne represente que les visages et façades exterieures. |
||||||||||||||||
A002000714 |
Quelle merveille donq y peut-il avoir si Ezechias, voyant ce peuple s'abestir autour de ceste image et l'honnorer d'un honneur divin, la dissipa et mit a neant? il falloit ainsy traitter avec un peuple si prompt a l'idolatrie. |
||||||||||||||||
A002000867 |
Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes gueri despuys vostre traitté: les eglises des Saintz, ou l'on va prier Dieu; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions; la benediction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit saint Amphilochius, qui est mon autheur); le signe de la Croix employé pour faire ce miracle; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit divinum mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la priere, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit, ni au sermon, car precher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cene, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et preparé. |
||||||||||||||||
A002000867 |
Lhors, ce grand Evesque chanta: O Princes, leves vos portes, et vous, portes eternelles, esleves-vous et le Roy de gloire entrera; et entrant dedans le temple, avec le saint peuple, il y fit le divin mistere. |
||||||||||||||||
A002001188 |
Ce commandement divin est une figure qui represente la vertu du signe de la Croix: car Thau se peint en ceste sorte, T. Pour monstrer la vertu de ce signe, S. Athanase dit, au livre de l' Incarnation, que le signe de la Croix chasse tous enchantemens et sorceleries et les rend de nulle valleur. |
||||||||||||||||
A002001188 |
Et si bien on [ne] doit attribuer vertu aux signes et caracteres, toutesfois ce signe est si divin qu'il ne sçauroit estre superstitieux et diabolique, veu que Dieu en fait grand estat et l'a fait predire au Prophete Ezechiel, c. 9, sous la figure de Thau; laquelle S. Hyerosme, sur ce lieu, applique formellement à la Croix. |
||||||||||||||||
A002001194 |
chap.: Adonc apparoistra au ciel le signe du fils de l'homme; où sainct Chrisost., homilie 77 [in Matt.], sainct Augustin, sermon 130 de Tempore, sainct Hierosme, sainct Hilaire et autres sur sainct Matthieu, interpretent cela de la Croix, qui apparoistra comme l'Estendard divin au jour du jugement. |
03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html |
A003000360 |
La vraye et vivante devotion, o Philothee, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un vray amour de Dieu; mais non pas toutefois un amour tel quel: car, entant que l'amour divin embellit nostre ame, il s'appelle grace, nous rendant aggreables a sa divine Majesté; entant qu'il nous donne la force de bien faire, il s'appelle charité; mais quand il est [14] parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, ains nous fait operer soigneusement, frequemment et promptement, alhors il s'appelle devotion. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003000731 |
Gaignes donq quelque loysir un peu devant l'heure du souper, et, prosternee devant Dieu, ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerés par une simple consideration et œillade interieure), rallumés le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations et eslancemens amoureux que vous ferés sur ce divin Sauveur de vostre ame; ou bien en repetant les pointz que vous aures plus savourés en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymeres mieux.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003000751 |
Aspires donq bien souvent en Dieu, Philothee, par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur: admires sa beauté, invoques son ayde, jettes-vous en esprit au pied de la Croix, adores sa bonté, interroges-le souvent de vostre salut, donnes-luy mille fois le jour vostre ame, fiches vos yeux interieurs sur sa douceur, tendes-luy la main, comme un petit enfant a son pere, affin qu'il vous conduise, mettes-le sur vostre poitrine [94] comme un bouquet delicieux, plantes-le en vostre ame comme un estendart, et faites mille sortes de divers mouvemens de vostre cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter a une passionnee et tendre dilection de ce divin Espoux.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003000766 |
L'orayson faitte en l'union de ce divin Sacrifice a une force indicible, de sorte, Philothee, que par iceluy, l'ame abonde en celestes faveurs comme appuyee sur son Bienaymè, qui la rend si pleine d'odeurs et suavités spirituelles, qu'elle ressemble a une colomne de fumee de bois aromatique, de la myrrhe, de Vencens et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dit es Cantiques. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003000830 |
Communies souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrés, avec l'advis de vostre pere spirituel; et croyes-moy, les lievres deviennent blancz parmi nos montagnes en hiver parce qu'ilz ne voyent ni mangent que la neige, et a force d'adorer et manger beauté, la bonté et la pureté mesme en ce divin Sacrement, vous deviendres toute belle, toute bonne et toute pure. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003000900 |
Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001043 |
L'Espoux divin invitant l'ame, Metz-moy, dit-il, comme un cachet sur ton cœur, comme un cachet sur ton bras. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001147 |
Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l' œil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son cœur par amour.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001173 |
Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna a femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le nœud du sacré lien de vostre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres; pourquoy ne vous cherisses vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001214 |
Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001221 |
Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'a jamais vous veuilles [286] conserver vostre virginité, o Dieu, conservés vostre amour le plus delicatement que vous pourres pour cet Espoux divin qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté, et a qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001248 |
O Dieu, quelle detresse a une ame qui ayme Dieu, de ne sçavoir seulement pas s'il est en elle ou non, et si l'amour divin, pour lequel elle combat, est du tout esteint en elle ou non! Mais c'est la fine fleur de la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre l'amant pour l'amour, sans sçavoir s'il a l'amour pour lequel et par lequel il combat.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001280 |
C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001320 |
Les mammelles [321] et le laict, c'est a dire les faveurs du divin Espoux, sont meilleures a l'ame que le vin le plus pretieux des playsirs de la terre: qui en a gousté tient tout le reste des autres consolations pour du fiel et de l'absynthe. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001341 |
Moins il y a de nostre interest particulier en la poursuitte des vertus, plus la pureté de l'amour divin y reluit: l'enfant bayse aysement sa mere qui luy donne du sucre, mais c'est signe qu'il l'ayme grandement s'il la bayse apres qu'elle luy aura donné de l'absynthe ou du chicotin. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001348 |
Que Dieu donne ordinairement quelque avant-goust [334] des delices celestes a ceux qui entrent a son service, pour les retirer des voluptés terrestres et les encourager a la poursuite du divin amour, comme une mere qui pour amorcer et attirer son petit enfant a la mammelle met du miel sur le bout de son tetin. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001367 |
Mais dites en verité, fustes-vous pas conviee par des doux attraitz du Saint Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque a ce port salutaire, furent-elles pas d'amour et charité? Comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'orayson? Helas, chere Philothee, vous dormies, et Dieu veilloit sur vous et pensoit sur vostre cœur des pensees de paix, il meditoit pour vous des meditations d'amour.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001537 |
La vraye et vivante devotion, ô Philothée, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un amour de Dieu, mais non pas un amour tel quel: l'amour divin entant qu'il embelit nostre ame il s'apelle grace, nous rendant agreables à sa divine Majesté: entant qu'il nous donne la force d'operer, il s'apelle charité. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001923 |
Gaignez donques un peu devant l'heure du souper quelque loisir, auquel vous prosternant devant Dieu, et ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerez par une simple considération, et œillade interieure) r'allumez le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations, et eslancemens amoureux que vous ferez sur ce divin Sauveur de vostre ame: ou bien en repetant les poincts que vous aurez plus savourez en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymerez mieux.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001931 |
Admirez sa beauté, invoquez son aide, jettez vous au pied de sa Croix: embrassez sa bonté, interrogez le souvent de vostre salut, donnez luy mille fois le jour vostre ame, fichez vos yeux interieurs par un simple regard sur sa douceur, tandez luy la main, comme un petit enfant à son pere, afin qu'il vous conduise: bref, tenez le sur vostre poitrine comme un bouquet, plantez le dans vostre cœur comme un estendard, et faites mille sortes de divers mouvemens de cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter à une passionnée et tendre dilection de ce divin Espoux de vostre ame. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001940 |
L'oraison faite en l'union de ce divin Sacrifice a une force [76*] indicible: de sorte, Philothee, que l'ame par iceluy abonde en celestes faveurs, comme appuyée sur son Bien-aymé, qui la rend si pleine d'odeurs et suavitez spirituelles qu'elle ressemble à une colonne de fumee de bois aromatiques, de la mirrhe, de l'encens, et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dict és Cantiques.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003001988 |
Et à force d'adorer et manger la beauté, la bonté, et la pureté mesme en ce divin Sacrement, vous deviendrez toute belle, toute bonne, et toute pure.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003002201 |
C'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement agreables les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus petites: et que pour le servir à son goust, il faut avoir grand soing de le bien servir aux choses grandes et hautes, et aux choses basses et abjettes, puis que nous pouvons esgallement et par les unes et par les autres luy desrober son cœur par amour.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003002233 |
Voyez vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entrée dedans le cœur, et avoit environné la volonté, laquelle seule asistée de son Sauveur resistoit par des amertumes, des desplaisirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au peché qui l'environnoit? O Dieu quelle detresse à une ame qui ayme Dieu de ne sçavoir seulement pas si il est en elle ou non, et si l'amour divin pour lequel elle combat est du tout esteint en elle, ou non. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A003002318 |
Mais dittes en verité, fustes vous pas conviée par des doux attraits du S. Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque à ce port [167*] salutaire, furent elles pas d'amour et charité? comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'oraison? Helas ma fille, vous dormiez, et Dieu veilloit sur vous, et pensoit sur vostre cœur des pensées de paix: il meditoit pour vous des meditations d'amour.. |
04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A004000033 |
Histoire de la génération et naissance céleste du divin amour 38. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000047 |
Chapitre XIV. Du sentiment de l'amour divin qui se reçoit par la foy. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000075 |
Chapitre III. Comme on quitte le divin amour pour celuy des creatures. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000092 |
Chapitre VIII. Comme la sainte bienveuillance produit la louange du divin Bienaymé. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000118 |
Mais, o Mere toute triomphante, qui peut jetter ses yeux sur vostre majesté sans voir a vostre dextre celuy que vostre Filz voulut si souvent, pour l'amour de vous, honnorer du tiltre de Pere, le vous ayant uni par le lien celeste d'un mariage tout virginal, a ce qu'il fust vostre secours et coadjuteur en la charge de la conduite et education de sa divine enfance? O grand saint Joseph, Espoux tres aymé de la Mere du Bienaymé, hé, combien de fois aves vous porté l'Amour du Ciel et de la terre entre vos bras, tandis que, embrasé des doux embrassemens et baysers de ce divin Enfant, vostre ame fondoit [1] d'ayse Ihors qu'il prononçoit tendrement a vos oreilles (o Dieu, quelle suavité!) que vous esties son grand ami et son cher Pere bienaymé!. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000136 |
Mays comme nous sçavons bien que toute la clarté du jour provient du soleil, et disons neanmoins pour l'ordinaire que le soleil n'esclaire pas sinon quand a descouvert il darde ses rayons en quelque endroit, de mesme, bien que toute la doctrine chrestienne soit de l'amour sacré, si est ce que nous n'honnorons pas indistinctement toute la theologie du tiltre de ce divin [4] amour, ains seulement les parties d'icelle qui contemplent l'origine, la nature, les proprietés et les operations d'iceluy en particulier.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000137 |
Saint Thomas en a fait un traitté digne de saint Thomas; saint Bonaventure et le bienheureux Denis le Chartreux en ont fait plusieurs tres excellens sous divers tiltres; et quant a Jean de Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, Sixte le Sienois en parle ainsy: «Il a si dignement discouru des cinquante proprietés du divin amour qui sont ça et la deduites au Cantique des Cantiques, qu'il semble que luy seul ayt tenu le conte des affections de l'amour de Dieu.» Certes, cet homme fut extremement docte, judicieux et devot.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000140 |
Je ne veux rien dire du Parenetique de ce fleuve d'eloquence qui flotte meshuy parmi toute la France par la multitude et varieté de ses sermons et beaux escritz; l'estroitte consanguinité spirituelle que mon ame a contractee avec la, sienne, lors que par l'imposition [6] de mes mains il receut le caractere sacré de l'ordre episcopal, pour le bonheur du diocese de Belley et l'honneur de l'Eglise, outre mille nœuds d'une sincere amitié qui nous lient ensemble, ne permettent pas que je puisse parler avec credit de ses ouvrages, entre lesquelz ce Parenetique de l'Amour divin fut une des premieres saillies de la non pareille affluence d'esprit que chacun admire en luy. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000140 |
Nous voyons de plus un grand et magnifique Palais que le Reverend Pere Laurens de Paris, predicateur de l'Ordre des Capucins, bastit a l'honneur de l'amour divin, lequel estant achevé sera un cours accompli de la science de bien aymer. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000142 |
Certes, j'ay seulement pensé a representer simplement et naifvement, sans art et encor plus sans fard, l'histoire de la naissance, du progres, de la decadence, des operations, proprietés, avantages et excellences de l'amour divin. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000144 |
Quelques uns peut estre treuveront que j'ay trop dit, [8] et qu'il n'estoit pas requis de prendre ainsy les discours jusques dans leurs racines; mays je pense que le divin amour est une plante pareille a celle que nous appelions angelique, de laquelle la racine n'est pas moins odorante et salutaire que le tige et les feuilles. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000170 |
A cette intention, j'ay dedié cette œuvre a la Mere de dilection et au Pere de l'amour cordial, comme j'avois dedié l' Introduction au divin Enfant qui est le Sauveur des amans et l'amour des sauvés. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000182 |
Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000218 |
L'amour divin est voyrement le puisné entre toutes les affections du cœur humain; car, comme dit l'Apostre, ce qui est animal est premier, et le spirituel apres; mais ce puisné herite toute l'authorité, et l'amour propre, comme un autre Esaü, est destiné a son service; et non seulement tous les autres mouvemens de l'ame, comme ses freres, l'adorent et luy sont sousmis, mais aussi l'entendement et la volonté, qui luy tiennent lieu de pere et de mere. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000220 |
Et, bien qu'il y ait d'autres mouvemens surnaturelz en l'ame, la crainte, la pieté, la force, l'esperance, ainsy que Esaü et Benjamin furent enfans surnaturelz de Rachel et Rebecca, si est-ce que le divin amour est le maistre, l'heritier et le superieur, comme estant filz de la promesse, puisque c'est en sa faveur que le Ciel est promis a l'homme. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000244 |
Le grand Salomon descrit d'un air delicieusement admirable les amours du Sauveur et de l'ame devote, en ce divin ouvrage que pour son excellente suavite on appelle le Cantique des Cantiques. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000246 |
Ainsy fut il employé universellement entre les premiers Chrestiens, comme le grand saint Paul tesmoigne quand il dit aux Romains et Corinthiens: Salues vous mutuellement les uns les autres par le saint bayser; et, comme plusieurs tesmoignent, Judas, en la prise de Nostre Seigneur, employa le bayser pour le faire connoistre, parce que ce divin Sauveur baysoit ordinairement ses disciples quand il les rencontroit, et non seulement ses disciples, mais aussi les petitz enfans qu'il prenoit amoureusement entre ses bras, comme il fit celuy par la comparayson duquel il invita si solemnellement ses disciples a la charité du prochain, que plusieurs estiment avoir esté saint Martial, comme l'Evesque Jansenius le rapporte.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000248 |
Quand l'Esprit divin veut exprimer un amour parfait, il employe presque tous-jours les paroles d'union et de conjonction: En la multitude des croyans, dit saint Luc, il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; Nostre Seigneur pria son Pere pour tous les fideles affin qu'ilz fussent tous une mesme chose; saint Paul nous advertit que nous soyons soigneux de conserver unité d'esprit par l'union de la paix. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000257 |
Ainsy ces hommes angeliques qui sont ravis en Dieu et aux choses celestes, perdent tout a fait, tandis que leur extase dure, l'usage et l'attention des sens, le mouvement et toutes actions exterieures, parce que leur ame, pour appliquer sa vertu et activeté plus entierement et attentivement a ce divin object, la retire et ramasse de toutes ses autres facultés, pour la contourner de ce costé la. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000279 |
Car, encor que la fov, l'esperance et la charité respandent leur divin mouvement presque en toutes les facultés de l'ame, tant raysonnables que sensitives, les reduisant et assujettissant saintement sous leur juste authorité, si est ce que leur speciale demeure, leur vray et naturel sejour, est en cette supreme pointe de l'ame, des laquelle, comme une heureuse source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur les parties et facultés inferieures.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000294 |
Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000307 |
S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000313 |
Ainsy nos espritz, animés d'une sainte inclination naturelle envers la Divinité, ont bien plus de clarté en l'entendement pour voir combien elle est aymable, que de force en la volonté pour l'aymer: car le peché a beaucoup plus debilité la volonté humaine, qu'il n'a offusqué l'entendement, et la rebellion de l'appetit sensuel, que nous appelions concupiscence, trouble voirement l'entendement, mais c'est pourtant contre la volonté qu'il excite principalement la sedition et revolte; si que la pauvre volonté, des-ja toute infirme, estant agitee des continuelz assautz que la concupiscence luy livre, ne peut faire un si grand progres en l'amour divin, comme la rayson et inclination naturelle luy suggerent qu'elle devroit faire. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000316 |
Car quelle compassion, je vous prie, de voir cet excellent philosophe parler parfois de Dieu avec tant de goust, de sentiment et de zele, qu'on le prendroit pour un Chrestien sortant de quelque sainte et profonde meditation, et neanmoins ailleurs, d'occasion en occasion, mentionner les dieux a la payenne? Hé, ce bon homme, qui connoissoit si bien l'unité divine et avoit tant de goust de la bonté d'icelle, pourquoy n'a-il pas eu la sainte jalousie de l'honneur divin, affin de ne point gauchir ni dissimuler en un sujet de si grande importance?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000321 |
Mais si nous ne pouvons pas naturellement aymer Dieu sur toutes choses, pourquoy donq avons-nous naturellement inclination a cela? la nature est-elle pas vaine de nous inciter a un amour qu'elle ne nous peut donner? pourquoy nous donne-elle la soif d'une eau si pretieuse, puisqu'elle ne peut nous en abbreuver? Ha, Theotime, que Dieu nous a esté bon! La perfidie que nous avions commise en l'offençant meritoit certes qu'il nous privast de toutes les marques de sa bienveuillance, et de la faveur qu'il avoit exercee envers nostre nature, Ihors qu'il imprima sur elle la lumiere de son divin visage et qu'il donna a nos cœurs l'allegresse de se sentir enclins a l'amour de la divine Bonté, affin que les Anges, voyans ce miserable homme, eussent occasion de dire par compassion: Est-ce la, la creature de parfaite beauté, l'honneur de toute la terre?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000348 |
Ainsy, Theotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes a mesure que ses besoignes sont differentes, et luy faut un grand tems pour faire des grans effectz; mais Dieu, comme l'imprimeur, a donné l'estre a toute la diversité des creatures qui ont esté, sont et seront, par un seul trait de sa toute puissante volonté, tirant de son idee, comme de dessus une planche bien taillee, cette admirable différence de personnes et d'autres choses qui s'entresuivent es saysons, es aages, es siecles, chacune en son ordre, selon qu'elles devoyent estre: cette souveraine unité de l'acte divin estant opposee a la confusion et au desordre, et non a la distinction ou varieté, qu'elle employe, au contraire, pour en composer la beauté, reduisant toutes les differences et diversités a la proportion, et la proportion a l'ordre, et l'ordre a l'unité du monde, qui comprend toutes choses creées tant visibles qu'invisibles; lesquelles toutes ensemble s'appellent univers, peut estre parce que toute leur diversité se reduit en unité, comme qui diroit unidivers, c'est a dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000354 |
aussi le seul eternel vouloir de sa divine Majesté estend sa force de siecle en siecle et jusques aux siecles des siecles, pour tout ce qui a esté, qui est et sera eternellement, sans que chose quelconque ayt estre que par ce seul tres unique, tres simple et tres eternel Acte divin, auquel soit honneur et gloire. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000358 |
Dieu donques, Theotime, n'a pas besoin de plusieurs actes, puisque un seul divin acte de sa toute puissante volonté suffit a la production de toute la varieté de ses œuvres, a rayson de son infinie perfection: mais nous autres mortelz avons besoin d'en traitter avec la methode et maniere d'entendre a laquelle nos petitz espritz peuvent arriver, selon laquelle, pour parler de la Providence divine, considerons, je vous prie, le regne du grand Salomon, comme un modele parfait de l'art de bien regner.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000361 |
Or maintenant, Theotime, parlans des choses divines selon l'impression que nous avons prise en la consideration des choses humaines, nous disons que Dieu ayant eu une eternelle et tres parfaite connoissance de l'art de faire le monde pour sa gloire, il disposa avant toutes choses en son divin entendement toutes les pieces principales de l'univers qui pouvoient luy rendre de l'honneur, c'est a dire la nature angelique et la nature humaine; et en la nature angelique, la varieté des hierarchies et des ordres que l'Escriture Sainte et les sacrés Docteurs nous enseignent; comme aussi entre les hommes, il disposa qu'il y auroit cette grande diversité que nous y voyons. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000379 |
Ainsy tout a esté fait pour ce divin homme, qui pour cela est appellé aisné de toute creature, possédé par la divine Majesté au commencement des voÿes d'icelle, avant qu'elle fit chose quelconque, creé au commencement, avant les siecles: car en luy toutes choses sont faittes, et il est avant tous, et toutes choses sont establies en luy, et il est chef de toute l'Eglise, tenant en tout et par tout la primauté. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000388 |
Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000399 |
Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000401 |
Certes, cette riche, comble et plantureuse suffisance de moyens que Dieu eslargit aux pecheurs pour l'aymer, paroist presque par tout en l'Escriture: car voyes ce divin Amant a la porte; il ne bat pas simplement, il s'arreste a battre, il appelle l'ame: Sus, leve toy, ma bienaymee, depesche toy, et met sa main dans la serreure, pour voir s'il pourroit point ouvrir; s'il presche emmi les places, il ne presche pas simplement, mais il va criant, c'est a dire, il continue a crier; s'il exclame qu'on se convertisse, il semble qu'il ne l'a jamais asses repeté: Convertisses-vous, convertisses-vous, faites penitence, retournés a moy, vivés; pourquoy mourres-vous, mayson d'Israël? En somme, ce divin Sauveur n'oublie rien pour monstrer que ses miserations sont sur toutes ses œuvres, que sa misericorde surpasse son jugement, que sa redemption est copieuse, que son amour est infini, et, comme dit l'Apostre, qu'il est riche en misericorde, et que par consequent il voudrait que tous les hommes fussent sauvés, et qu'aucun ne perist. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000407 |
Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000407 |
Theotime, les Anges sont comme les oyseaux que, pour leur beauté et rareté, on appelle oyseaux de Paradis, qu'on ne vit jamais en terre que mortz; car ces espritz celestes ne quitterent pas plus tost l'amour divin pour s'attacher a l'amour propre, que soudain ilz tomberent comme mortz, ensevelis es enfers, d'autant que ce que la mort fait es hommes, les separant pour jamais de cette vie mortelle, la cheute le fit es Anges, les separant pour tous-jours de la vie eternelle. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000408 |
Mays son eternelle charité ne permet pas souvent a sa justice d'user de ce chastiment, ains excitant sa compassion, elle le provoque a nous retirer de nostre malheur: ce qu'il fait, envoyant le vent favorable de sa tressainte inspiration, laquelle venant avec une douce violence dans nos cœurs, elle les saisit et les esmeut, relevant nos pensees et poussant nos affections en l'air du divin amour.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000409 |
Voyés, je vous prie, Theotime, le pauvre prince des Apostres tout engourdi dans son peché en la triste nuit de la Passion de son Maistre: il ne pensoit non plus a se repentir de son peché que si jamais il n'eust conneu son divin Sauveur; et comme un chetif apode atterré, il ne se fust onques relevé, si le coq, comme instrument de la divine Providence, n'eust frappé de son chant a ses oreilles, a mesme que le doux Redempteur, jettant un regard salutaire comme une sagette d'amour, transperça ce cœur de pierre qui rendit par apres tant d'eau, a guise de l'ancienne pierre lhors qu'elle fut frappee par Moyse au desert. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000434 |
Mais ce qui est autant admirable que veritable, c'est que quand nostre volonté suit l'attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement comme librement elle resiste, quand elle resiste, bien que le consentement a la grace depende beaucoup plus de la grace que de la volonté, et que la resistance a la grace ne depende que de la seule volonté: tant la main de Dieu est amiable au maniement de nostre cœur, tant elle a de dexterité pour nous communiquer sa force sans nous oster nostre liberté, et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empescher celuy de nostre vouloir; adjustant sa puissance a sa suavité en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de nostre vouloir. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000459 |
L'entendement humain estant donq convenablement appliqué a considerer ce que la foy luy represente de son souverain bien, soudain la volonté conçoit une extreme complaysance en ce divin object, lequel, pour lhors absent, fait naistre un desir tres ardent de sa presence; dont l'ame s'escrie saintement: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche!. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000503 |
Elle est a la verité louable, car ni la Sainte Escriture ni l'Eglise ne nous exciteroient pas par telz motifs, si la pœnitence qui en provient n'estoit bonne; et on void manifestement que c'est chose grandement raysonnable de se repentir du peché pour ces considerations, ains qu'il est impossible de ne se repentir pas, a qui les considere attentivement: mays pourtant c'est une pœnitence, certes, imparfaite, d'autant que l'amour divin n'y entre encor point. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000511 |
Et comme nous voyons que le feu convertit le vin en une eau que presque par tout on appelle eau de vie, laquelle conçoit et nourrit si aysement le feu que pour cela on la nomme aussi, en plusieurs endroitz, ardente, de mesme la consideration amoureuse de la Bonté laquelle estant souverainement aymable a esté offencee par le peché, produit l'eau de la sainte penitence; puis, de cette eau provient reciproquement le feu de l'amour divin, dont on la peut proprement appeller eau de vie, et ardente: elle est certes une eau en sa substance, car la penitence n'est autre chose qu'un vray desplaysir, une reelle douleur et repentance; mais elle est neanmoins ardente, parce qu'elle contient la vertu et proprieté de l'amour, comme provenue d'un motif amoureux, et par cette proprieté elle donne la vie de la grace.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000513 |
Car encor que cela se passe ainsy maintefois, si est-ce que d'autres fois aussi, a mesme que l'amour divin naist dedans nos cœurs, la pœnitence naist dedans l'amour, et plusieurs fois la pœnitence venant en nos espritz, l'amour vient en la pœnitence. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000554 |
A mesure que nous regardons plus vivement nostre ressemblance qui paroist en un miroüer, elle nous regarde aussi plus attentivement; et a mesure que Dieu jette plus amoureusement ses doux yeux sur nostre ame, qui est faitte a son image et semblance, nostre ame reciproquement regarde sa divine Bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse a tous les accroissemens que cette souveraine Douceur fait de son divin amour envers elle. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000604 |
Et alhors, cher Theotime, cette ame toute ravie d'amour pour son Bienaymé, se representant la multitude des faveurs et secours dont il l'a prevenue et assistee tandis qu'elle estoit en son pelerinage, elle bayse incessamment cette douce main secourable qui l'a conduite, tiree et portee en chemin, et confesse que c'est de ce divin Sauveur qu'elle tient tout son bonheur, puisqu'il a fait pour elle tout ce que le grand patriarche Jacob souhaittoit pour son voyage, lhors qu'il eut veu l'eschelle du ciel. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000608 |
En ce divin sejour, un rang tant honnorable.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000634 |
Certes, le [192] Chrestien doit aymer son cors comme une image vivante de celuy du Sauveur incarné, comme issu de mesme tige avec iceluy, et, par consequent, luy appartenant en parentage et consanguinité; sur tout apres que nous avons renouvellé l'alliance par la reception reelle de ce divin Cors du Redempteur au tres adorable Sacrement de l'Eucharistie, et que, par le Baptesme, Confirmation et autres Sacremens, nous nous sommes dediés et consacrés a la souveraine Bonté.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000645 |
O combien delicieuse est la sainte lumiere de la foy, par laquelle nous sçavons avec une certitude nompareille, non seulement l'histoire de l'origine des creatures et de leur vray usage, mais aussi celle de la naissance eternelle du grand et souverain Verbe divin, auquel et par laquel tout a esté fait, et lequel, avec le Pere et le Saint Esprit, est un seul Dieu tres unique, tres adorable et beni es siecles des siecles, Amen. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000663 |
O saint et divin Esprit, Amour eternel du Pere et du Filz, soyes propice a mon enfance! Nostre entendement verra donq Dieu, Theotime; mais je dis, il verra Dieu luy mesme, face a face, contemplant par une veüe de vraye et reelle presence la propre essence divine, et en elle ses infinies beautés: la toute puissance, la toute bonté, toute sagesse, toute justice, et le reste de cet abisme de perfections.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000664 |
Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000664 |
Car, comme se pourroit il faire que ce divin Filz fust la vraye, vrayement vive et vrayement naturelle image, semblance et figure de l'infinie beauté et substance du Pere, si elle ne representoit infiniment au vif et au naturel les infinies perfections du Pere? et comme pourroit elle representer infiniment des perfections infinies, si elle mesme n'estoit infiniment parfaite? et comme pourroit elle estre infiniment parfaite, si elle n'estoit Dieu? et comme pourroit elle estre Dieu, si elle n'estoit un mesme Dieu avec le Pere?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000673 |
Le Pere eternel, voyant l'infinie bonté et beauté de son essence si vivement, essentiellement et substantiellement exprimee en son Filz, et le Filz voyant reciproquement que sa mesme essence, bonté et beauté est originairement en son Pere comme en sa source et fontaine, hé, se pourroit-il faire que ce divin Pere et son Filz ne s'entr'aymassent pas d'un amour infini, puisque leur volonté par laquelle ilz ayment, et leur bonté pour laquelle ilz ayment, sont infinies en l'un et en l'autre?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000674 |
Or, le Pere et le Filz se treuvans non seulement egaux et unis, ains un mesme Dieu, une mesme bonté, une mesme essence et une mesme unité, quel amour doivent-ilz avoir l'un a l'autre! Mays cet amour ne se passe pas comme l'amour que les creatures intellectuelles ont entre elles ou envers leur Createur (car l'amour creé se fait par plusieurs et divers eslans, souspirs, unions et liaysons qui s'entresuivent et font la continuation de l'amour avec une douce vicissitude de mouvemens spirituelz); car l'amour divin du Pere eternel envers son Filz est prattiqué en un seul souspir, eslancé reciproquement par le Pere et le Filz, qui, en cette sorte, demeurent unis et liés ensemble. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000716 |
Mais, o Dieu eternel, comme est-il possible, dires-vous, qu'une ame qui a l'amour de Dieu le puisse jamais perdre? Car ou l'amour est, il resiste au peché: et comme se peut il donq faire que le peché y entre, puisque l'amour est fort comme la mort, aspre au combat comme l'enfer? comme peuvent les forces de la mort ou de l'enfer, c'est a dire les pechés, vaincre l'amour qui pour le moins les esgale en force, et les surmonte en assistance et en droit? Mays comme peut-il estre qu'une ame raysonnable, qui a une fois savouré une si grande douceur comme est celle de l'amour divin, puisse onques volontairement avaler les eaux ameres de l'offence? Les enfans, tout enfans qu'ilz sont, estans nourris au lait, au beurre et au miel, abhorrent l'amertume de l'absinthe et du chicotin, et pleurent jusques a pasmer quand on leur en fait gouster: hé donques, o vray Dieu, l'ame une fois jointe a la bonté du Createur, comme le peut-elle quitter pour suivre la vanité de la creature?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000760 |
Qu'as-tu que tu n'ayes receu? dit le divin Apostre, parlant des dons de science, eloquence et autres telles qualités des pasteurs ecclesiastiques; et si tu l'as receu, pourquoy t'en glorifies [231] tu comme si tu ne l'avois pas receu? Il est vray, nous avons tout receu de Dieu, mais par dessus tout nous avons receu les biens surnaturelz du saint amour; que si nous les avons receus, pourquoy en prendrons-nous de la gloire?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000772 |
C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000772 |
Et qui considerera en tranquillité d'esprit le IX, X et XI chapitre de l'Epistre aux Romains, verra clairement que la volonté de Dieu n'a point rejetté le peuple Juif sans rayson; mais neanmoins cette rayson ne doit point estre recherchee par l'esprit humain, qui, au contraire, est obligé de s'arrester purement et simplement a reverer le decret divin, l'admirant avec amour comme infiniment juste et equitable, et l'aymant avec admiration comme impenetrable et incomprehensible. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000774 |
Et certes, cette response est bien solide; mais, suivant l'advis du divin saint Paul et de saint Augustin, nous ne nous devons pas amuser a cette consideration, laquelle, quoy que bonne, n'est pas toutefois comparable a plusieurs autres que Dieu s'est reservé et qu'il nous fera connoistre en Paradis. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000784 |
Allons en paix, Theotime, au chemin du tres saint amour, car qui aura le divin amour en la mort, apres la mort il jouira eternellement de l'amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000788 |
Helas, que c'est un piteux spectacle, Theotime! Mais bien plus lamentable est l'estat d'une ame laquelle, ingrate a son Sauveur, va de moment en moment en arriere, se retirant de l'amour divin par certains degrés d'indevotion et de desloyauté, jusques a tant que, l'ayant du tout quitté, elle demeure en l'horrible obscurité de perdition. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000808 |
Ainsy, mon cher Theotime, il n'est pas necessaire que nous ayons tous-jours le sentiment et mouvement du courage requis a surmonter le lion rugissant qui va ça et la rodant pour nous devorer; cela nous pourroit donner de la vanité et presomption: il suffit bien que nous ayons bon desir de combattre vaillamment, et une parfaite confiance que l'Esprit divin nous assistera de son secours lhors que l'occasion de l'employer se presentera.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000818 |
Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000819 |
Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000822 |
L'amour que le grand apostre saint Paul portoit a la vie, mort et passion de Nostre Seigneur fut si grand, qu'il tira la vie mesme, la mort et la passion de ce divin Sauveur dans le cœur de son amoureux serviteur, duquel la volonté en estoit remplie par dilection, sa memoyre par meditation et son entendement par contemplation. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000827 |
Or le divin Espoux vient en son jardin quand il vient en l'ame devote, car, puisqu'il se plaist d'estre avec les enfans des hommes, ou peut il mieux loger qu'en la contree de l'esprit qu'il a fait a son image et [259] semblance? En ce jardin, luy mesme y plante la complaysance amoureuse que nous avons en sa bonté, et de laquelle nous nous paissons; comme de mesme sa bonté se plaist et se paist en nostre complaysance; ainsy que, derechef, nostre complaysance s'augmente dequoy Dieu se plaist de nous voir plaire en luy: de sorte que ces reciproques playsirs font l'amour d'une incomparable complaysance, par laquelle nostre ame, faite jardin de son Espoux et ayant de sa bonté les pommiers des delices, elle luy en rend le fruit; puisqu'il se plaist de la complaysance qu'elle a en luy. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000844 |
Le chef des Apostres, ayant dit en sa premiere Epistre que les anciens Prophetes avoient manifesté les graces qui devoient abonder parmi les Chrestiens, et entre autres choses la Passion de Nostre Seigneur et la gloire qui la devoit suivre, tant par la resurrection de son cors que par l'exaltation de son nom, en fin il conclud que les Anges mesmes desirent de regarder les mysteres de la redemption en ce divin Sauveur: auquel, dit-il, les Anges desirent regarder. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000856 |
Helas, les mesmes clouz qui crucifierent le cors de ce divin Enfant crucifierent aussi le cœur de la Mere, les mesmes espines qui percerent son chef outrepercerent l'ame de cette Mere toute douce; elle eut les mesmes miseres de son Filz par commiseration, les mesmes douleurs par condoleance, les mesmes passions par compassion; et en somme, l'espee de la mort qui transperça le cors de ce tresaymé Filz outreperça de mesme le cœur de cette tres amante Mere: dont elle pouvoit bien dire qu'il luy estoit un bouquet de myrrhe au milieu de ses mammelles, c'est a dire en sa poitrine et au milieu de son cœur. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000864 |
Les angoisses de mon Bienaymé m'ont toute decoloree: car, comme pourroit une fidele amante voir tant de tourmens en celuy qu'elle ayme plus que sa vie, sans en devenir toute transie, havee et dessechee de douleur? les pavillons des nomades, perpetuellement exposés aux injures de l'air et de la guerre, sont presque tous-jours frippés et couvertz de poussiere, et moy, toute exposee aux regretz que par condoleance je reçois des travaux nompareilz de mon divin Sauveur, je suis toute couverte de detresse et transpercee de douleur; mais parce que les douleurs de Celuy que j'ayme proviennent de son amour, a mesure qu'elles m'affligent par compassion elles me delectent par complaysance, car, comme [272] pourroit une fidele amante n'avoir pas un extreme contentement de se voir tant aymee de son celeste Espoux?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000864 |
Quand je voy mon Sauveur sur le mont des Olives, avec son ame triste jusques a la mort, hé, Seigneur Jesus, ce dis-je, qui a peu porter ces tristesses de la mort dans l'ame de la vie, sinon l'amour, qui excitant la commiseration, attira par icelle nos miseres dans vostre cœur souverain? Or une ame devote, voyant cet abisme d'ennuis et de detresses en ce divin Amant, comme peut elle demeurer sans une douleur saintement amoureuse? Mays considerant d'ailleurs que toutes les afflictions de son Bienaymé ne procedent pas d'aucune imperfection ni manquement de force, ains de la grandeur de sa treschere dilection, elle ne peut qu'elle ne se fonde toute d'un amour saintement douloureux, si qu'elle s'escrie: Je suis noyre de douleur par compassion, mais je suis belle d'amour par complaysance. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000865 |
Helas, il souffre des douleurs insupportables, ce divin Amant bienaymé, c'est cela qui m'attriste et me fait pasmer d'angoisse; mais il prend playsir a souffrir, il ayme ses tourmens et meurt d'ayse de mourir de douleur pour moy: c'est pourquoy, comme je suis dolente de ses douleurs, je suis aussi toute ravie d'ayse de son amour; non seulement je m'attriste avec luy, mais je me glorifie en luy.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000867 |
Hé, veut dire le divin amoureux de l'ame, je suis chargé des peynes et sueurs de ma Passion, qui se passa presque toute, ou es tenebres de la nuit ou en la nuit des tenebres que le soleil s'obscurcissant fit au plus fort de son midy; ouvre donq ton cœur devers moy, comme les mereperles leurs escailles du costé du ciel, et je respandray sur toy la rosee de ma Passion, qui se convertira en perles de consolation. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000916 |
Si que ce divin Psalmiste royal ayant composé une grande quantité de [286] Pseaumes, avec cette inscription, Loués Dieu, apres avoir discouru parmi toutes les creatures pour leur faire les saintes semonces de benir la Majesté celeste, et parcouru une grande varieté de moyens et instrumens propres a la celebration des louanges de cette eternelle Bonté, en fin, comme tombant en defaillance d'haleyne, il conclud toute sa sacree psalmodie par cet eslan: Tout esprit loue le Seigneur; c'est a dire: Tout ce qui a vie, ne vive ni ne respire que pour benir le Createur, selon l'encouragement qu'il avoit donné ailleurs:. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000923 |
Ainsy la celeste Espouse se sentant presque esvanouïe entre les violens essays qu'elle faysoit de benir et magnifier le bienaymé Roy de son cœur: Hé, crioyt elle a ses compaignes, ce divin Espoux m'a menee par la contemplation en ses celiers a vin, me faysant savourer les delices incomparables des perfections de son excellence, et je me suis tellement detrempee et saintement enivree par la complaysance que j'ay prise en cet abisme de beauté, que mon ame va languissant, blessee d'un desir amoureusement mortel [287] qui me presse de louer a jamais une si eminente bonté. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000928 |
Car sachés, Theotime, qu' une voix sort du throsne divin, qui ne cesse de crier aux heureux habitans de la glorieuse Hierusalem celeste: Dites a Dieu louange, o vous qui estes ses serviteurs et qui le craignes, grans et petitz; a quoy toute cette multitude innombrable de Saintz, les chœurs des Anges et les chœurs des hommes assemblés, respond, chantant de toute sa force: Alleluia, loués Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000929 |
Mais quelle est cette voix admirable, qui sortant du throsne divin annonce les alleluia aux esleuz, sinon la tressainte complaysance, laquelle estant receüe dedans l'esprit leur fait ressentir la douceur des perfections divines, en suite de laquelle naist en eux l'amoureuse bienveuillance, source vive des louanges sacrees? Ainsy, par effect, la complaysance procedant du throsne vient intimer les grandeurs de Dieu aux Bienheureux, et la bienveuillance les excite a respandre reciproquement devant le throsne les parfums de louange: c'est pourquoy, par maniere de responce, ilz chantent eternellement alleluia, c'est a dire loués Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000939 |
Tenes, le voyla, ce divin amour du Bienaymé, comme il est derriere la paroy de son humanité; voyés qu'il se fait entrevoir par les playes de son cors et l'ouverture de son flanc, comme par des fenestres, et comme par un treillis au travers duquel il nous regarde.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000940 |
Mais comme [294] ceux qui regardent au travers des treillis voyent et ne sont qu'entreveus, ainsy le divin amour de ce cœur, ou plustost ce cœur du divin amour, void tous-jours clairement les nostres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas pourtant, seulement nous l'entrevoyons: car, o Dieu! si nous le voyions ainsy qu'il est, nous mourrions d'amour pour luy puisque nous sommes mortelz, comme luy mesme mourut pour nous tandis qu'il estoit mortel, et comme il en mourrait encor, si maintenant il n'estoit immortel. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000940 |
O si nous oyions ce divin cœur comme il chante d'une voix d'infinie douceur le cantique de louange a la Divinité! quelle joye, Theotime, quelz effortz de nos cœurs pour se lancer au Ciel affin de le tous-jours ouïr! Il nous y semond certes, ce cher Ami de nos ames: Sus, leve-toy, dit-il, sors de toy mesme, prens le vol devers moy, ma colombe, ma tres belle, en ce celeste sejour ou toutes choses sont en joye et ne respirent que louanges et benedictions. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000940 |
Ouy certes, Theotime, l'amour divin assis sur le cœur du Sauveur comme sur son throsne royal, regarde par la fente de son costé percé tous les cœurs des enfans des hommes; car ce cœur, estant le Roy des cœurs, tient tous-jours ses yeux sur les cœurs. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000969 |
Pour cela, au Cantique, l'Espoux divin et l'Espouse celeste representent leurs amours par un continuel devis; que si leurs amis et amies parlent parfois emmi leur entretien, ce n'est qu'a la desrobbee et de sorte qu'ilz ne troublent point le colloque. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000976 |
Mays quand nous pensons aux choses divines, non pour apprendre mais pour nous affectionner a elles, cela s'appelle mediter, et cet exercice, meditation, auquel nostre esprit, non comme une mousche, par simple amusement, ni comme un haneton, pour manger et se remplir, mais comme une sacree avette, va ça et la sur les fleurs des saintz mysteres pour en extraire le miel du divin amour.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000986 |
Le desir d'obtenir l'amour divin nous fait mediter, mais l'amour obtenu nous fait contempler; car l'amour nous fait treuver une suavité si aggreable en la chose aymee, que nous ne pouvons assouvir nos espritz de la voir et considerer.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000988 |
L'amour nous fait plaire en la veüe de nostre Bienaymé, et la veüe du Bienaymé nous fait plaire en son divin amour: en sorte que par ce mutuel mouvement de l'amour a la veüe et de la veüe a l'amour, comme l'amour rend plus belle la beauté de la chose aymee, aussi la veüe d'icelle rend l'amour [313] plus amoureux et delectable. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004000992 |
Mays neanmoins, il arrive maintefois que la connoissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrestant pas dans les bornes de la connoissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au dela d'icelle: si que, en cette vie mortelle, nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance de Dieu; dont le grand saint Thomas asseure que souvent «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et sçavans. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001003 |
C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001014 |
L'Espoux divin, comme berger qu'il est, prepara un festin somptueux a la façon champestre pour son Espouse sacree, lequel il descrit en sorte que mystiquement il representoit tous les mysteres de la redemption humaine: Je suis venu en mon jardin, dit-il, j'ay moissonné ma myrrhe avec tous mes parfums; j'ay mangé mon bornai avec mon miel, j'ay meslé mon vin avec mon lait; mangés, mes amis, et beuvés, et vous enivres, mes treschers. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001023 |
L'ame de cette Mere bienaymee se ramassa toute, sans doute, autour de cet Enfant bien-aymé, et parce que ce divin Ami estoit emmi ses entrailles sacrees, toutes les facultés de son ame se retirerent en elle mesme, comme saintes avettes dedans la ruche en laquelle estoit leur miel; et a mesure que la divine grandeur s'estoit, par maniere de dire, restressie et raccourcie dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit les louanges de cette infinie debonnaireté, et son esprit tressailloit de contentement dedans son cors (comme saint Jean dedans celuy de sa mere) autour de son Dieu qu'elle sentoit. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001024 |
Car, comme la mereperle, ayant receu les gouttes de la fraiche rosee du matin, se resserre, non seulement pour les conserver pures de tout le meslange qui s'en pourroit faire avec les eaux de la mer, mais aussi pour l'ayse qu'elle ressent d'appercevoir l'aggreable fraicheur de ce germe que le ciel luy envoye; ainsy arrive-il a plusieurs saintz et devotz fideles, qu'ayans receu le divin Sacrement qui contient la rosee de toutes benedictions celestes, leur ame se resserre et toutes leurs facultés se recueillent, non seulement pour adorer ce Roy souverain nouvellement present d'une presence admirable a leurs entrailles, mais pour l'incroyable [328] consolation et rafraichissement spirituel qu'ilz reçoivent, de sentir par la foy ce germe divin de l'immortalité en leur interieur. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001033 |
Dont le divin Berger adjure les filles de Sion, par les chevreuils et cerfs des campagnes, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille, c'est a dire, qu'elle s'esveille d'elle mesme. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001034 |
Et ce divin Amant, jaloux de l'amoureux sommeil et repos de cette bienaymee, tança Marthe qui la vouloit esveiller: Marthe, Marthe, tu es bien embesoignee et te troubles apres plusieurs choses; une seule chose neanmoins est requise: Marie a choisi la meilleure part, qui ne luy sera point ostee. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001041 |
[334] Hé, la Mere de Dieu, Nostre Dame et Maistresse, estant grosse, ne voyoit pas son divin Enfant, mais le sentant dedans ses entrailles sacrees, vray Dieu, quel contentement en ressentoit-elle! Et sainte Elizabetli, ne jouit-elle pas admirablement des fruitz de la divine presence du Sauveur, sans le voir, au jour de la tressainte Visitation? L'ame non plus n'a aucun besoin, en ce repos, de la memoire, car elle a present son Amant; elle n'a pas aussi besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de se representer en image, soit exterieure soit interieure, celuy de la presence duquel on jouit? De sorte qu'en fin c'est la seule volonté qui attire doucement, et comme en tettant tendrement, le lait de cette douce presence, tout le reste de l'ame demeurant en quietude avec elle, par la suavité du playsir qu'elle prend.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001059 |
Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un tres simple acquiescement au bon playsir divin, voulant estre en l'orayson sans aucune pretention que d'estre a la veue de Dieu selon qu'il luy plaira, c'est une quietude souverainement excellente, d'autant qu'elle est pure de toute sorte d'interest, les facultés de l'ame n'y prenant aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, en laquelle elle se contente de n'avoir aucun autre contentement sinon celuy d'estre [342] sans contentement, pour l'amour du contentement et bon playsir de son Dieu, dans lequel elle se repose. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001065 |
Mon ame, dit l'amante sacree, s'est toute fondue a mesme que mon Bienaymé a parlé; et qu'est ce a dire, elle s'est fondue, sinon, elle ne s'est plus contenue en elle mesme, ains s'est escoulee devers son divin [344] Amant? Dieu ordonna a Moyse qu'il parlast au rocher, et il produiroit des eaux; ce n'est donq pas merveille si luy mesme fit fondre l'ame de son amante lhors qu'il luy parloit en sa douceur. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001067 |
Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001075 |
Mays, Theotime, parlant de l'amour sacré, il y a en [349] la prattique d'iceluy une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait quelquefois en l'ame qu'il veut grandement perfectionner: car il luy donne des sentimens admirables et des attraitz non pareilz pour sa souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de l'aymer; et lhors elle s'eslance de force comme pour voler plus haut vers son divin objet, mays demeurant courte parce qu'elle ne peut pas tant aymer comme elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001077 |
Celuy des mortelz qui ne desire pas d'aymer davantage la divine Bonté, il ne l'ayme pas asses: la suffisance en ce divin exercice ne suffit pas a celuy qui s'y veut arrester comme si elle luy suffisoit. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001077 |
Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001082 |
Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedee, et le malin esprit estant pressé de dire quel estoit son nom: «Je suis,» respondit-il, «ce malheureux privé d'amour;» et soudain sainte Catherine de Gennes, qui estoit la presente, se sentit troubler et renverser toutes les entrailles, d'autant qu'elle avoit seulement ouï prononcer le mot de privation d'amour: car, comme les demons haïssent si fort l'amour divin qu'ilz tremblent lhors qu'ilz en voyent le signe ou qu'ilz en oyent le nom, c'est a dire quand ilz voyent la Croix et qu'ilz oyent prononcer le nom de Jesus, ainsy ceux qui ayment fortement Nostre Seigneur tremoussent de douleur et d'horreur quand ilz voyent quelque signe ou qu'ilz entendent quelque parole qui represente la privation de ce saint amour.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001086 |
Mays, comme que ce soit, cecy est admirable es blesseures receües par le divin amour, que la douleur en est aggreable; et tous ceux qui la sentent y consentent, et ne voudroyent pas changer cette douleur a toute la douceur de l'univers. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001091 |
Certes, je sçai bien, Theotime, que Platon parloit ainsy de l'amour abject, vil et chetif des mondains, mays neanmoins ces proprietés ne laissent pas de se treuver en l'amour celeste et divin; car, voyes un peu ces premiers maistres de la doctrine chrestienne, c'est a dire ces premiers docteurs du saint amour evangelique, et oyes ce que disoit l'un d'entr'eux qui avoit le plus eu de travail: Jusques a maintenant, dit-il, nous avons faim et soif, et sommes nuds, et sommes souffletés, [356] et sommes vagabonds; nous sommes rendus comme les ballieures de ce monde et comme la racleure et peleure de tous. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001093 |
O Dieu, Theotime, si l'image d'Abraham [358] eslevant le coup de la mort sur son cher unique pour le sacrifier, image faite par un peintre mortel, eut bien le pouvoir toutefois d'attendrir et faire pleurer le grand saint Gregoire, Evesque de Nisse, toutes les fois qu'il la regardoit, hé, combien fut extreme l'attendrissement du grand saint François, quand il vid l'image de Nostre Seigneur se sacrifiant soy mesme sur la croix! image que non une main mortelle, mais la main maistresse d'un Seraphin celeste avoit tiree et effigiee sur son propre original, representant si vivement et au naturel le divin Roy des Anges, meurtri, blessé, percé, froissé, crucifié.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001094 |
Car la memoire estoit toute destrempee en la souvenance de ce divin amour; l'imagination appliquee fortement a se representer les blesseures et meurtrisseures que les yeux regardoyent alhors si parfaitement bien exprimees en l'image presente; l'entendement recevoit les especes infiniment vives que l'imagination luy fournissoit, et en fin l'amour employoit toutes les forces de la volonté pour se complaire et conformer a la Passion du Bienaymé: dont l'ame sans doute se treuvoit toute transformee en un second Crucifix. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001095 |
La mirrhe produit sa stacte et premiere liqueur comme par maniere de sueur et de transpiration, mais affin qu'elle jette bien tout son suc il la faut ayder par l'incision: de mesme, l'amour divin de saint François parut en toute sa vie comme par maniere de sueur, car il ne respiroit en toutes ses actions que cette sacree dilection; mais pour en faire paroistre tout a fait l'incomparable abondance, le celeste Seraphin le vint inciser et blesser, et affin que l'on sceust que ces playes estoyent playes de l'amour du Ciel, elles furent faittes, non avec le fer, mays avec des rayons de lumiere. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A004001096 |
Le bienheureux Philippe Nerius, aagé de quatre vingtz ans, eut une telle inflammation de cœur pour le divin amour, que la chaleur se faysant faire place aux costes, les eslargit bien fort et en rompit la quatriesme et cinquiesme, affin qu'il peust recevoir plus d'air pour se rafraichir. |
05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A005000022 |
Chapitre X. De ceux qui moururent par l'amour et pour l'amour divin. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000045 |
Chapitre III. De l'union de nostre volonté au bon playsir divin es afflictions spirituelles, par la résignation 52. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000061 |
Chapitre II. Que ce divin commandement de l'amour tend au Ciel, mais est toutefois donné aux fideles de ce monde 73. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000080 |
Chapitre III. Comme il y a des vertus que la presence du divin amour releve a une plus haute excellence que les autres 102. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000081 |
Chapitre IV. Comme le divin amour sanctifie encor plus excellemment les vertus quand elles sont prattiquees par son ordonnance et commandement. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000088 |
Chapitre XI. Comme les actions humaines sont sans valeur lhors qu'elles sont faites sans le divin amour 115. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000094 |
Chapitre XVII. Comme la crainte servile demeure avec le divin amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000097 |
Chapitre XX. Comme le divin amour employe toutes les passions et affections de l'ame et les reduit a son obeissance 129. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000103 |
Chapitre IV. Que les occupations légitimés ne nous empeschent point de prattiquer le divin amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000105 |
Chapitre VI. Qu'il faut employer toutes les occasions presentes en la prattique du divin amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000159 |
Ainsy donq, Theotime, Nostre Seigneur monstrant le tres aymable sein de son divin amour a l'ame devote, il la tire toute a soy, la ramasse, et, par maniere de dire, il replie toutes les puissances d'icelle dans le giron de [6] sa douceur plus que maternelle; puis, bruslant d'amour il serre l'ame, il la joint, la presse et colle sur ses levres de suavité et sur ses delicieuses mammelles, la baysant du sacré bayser de sa bouche et luy faisant savourer ses tetins meilleurs que le vin. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000162 |
Et puisque c'est une verité indubitable que le divin amour, tandis que nous sommes en ce monde, est un mouvement, ou au moins une habitude active et tendante au mouvement, lhors mesme qu'il est parvenu [8] a la simple union il ne laisse pas d'agir, quoy qu'imperceptiblement, pour l'accroistre et perfectionner de plus en plus.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000164 |
Or, quand je parle du sacré sentiment de la presence de Dieu, en cet endroit, je n'entens pas parler du sentiment sensible, mais de celuy qui reside en la cime et supreme pointe de l'esprit, ou le divin amour regne et fait ses exercices principaux.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000174 |
O beau petit Martial, que vous estes heureux d'estre saisi, pris, porté, uni, joint et serré sur la poitrine celeste du Sauveur et baysé de sa bouche sacree, sans que vous y cooperies qu'en ne faisant pas resistance a recevoir ces divines caresses! Au contraire, saint Simeon embrasse et serre Nostre Seigneur sur son sein, sans que Nostre Seigneur fasse aucun semblant de cooperer a cette union, bien que, comme chante la [12] tressainte Eglise, «le viellard portoit l'Enfant, mays l'Enfant gouvernoit le viellard.» Saint Bonaventure, touché d'une sainte humilité, non seulement ne s'unissoit pas a Nostre Seigneur, ains se retiroit de sa presence reelle, c'est a dire du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, quand un jour oyant Messe, Nostre Seigneur se vint unir a luy, luy portant son divin Sacrement: or cette union faite, hé Dieu, Theotime, pensés de quel amour cette sainte ame serra son Sauveur sur son cœur! A l'opposite, sainte Catherine de Sienne, desirant ardemment Nostre Seigneur en la sainte Communion, pressant et poussant son ame et son affection devers luy, il se vint joindre a elle, entrant en sa bouche avec mille benedictions. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000176 |
A cette union le divin Berger des ames provoquoit sa chere Sulamite: Mettes-moy, disoit-il, comme un sceau sur vostre cœur, comme un cachet sur vostre bras. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000181 |
Soit donques que l'union de nostre ame avec Dieu se face imperceptiblement, soit qu'elle se face perceptiblement, Dieu en est tous-jours l'autheur, et nul ne peut s'unir a luy s'il ne va a luy, ni nul ne peut aller a luy s'il n'est tiré par luy, comme tesmoigne le divin Espoux, disant: Nul ne peut venir a moy sinon que mon Pere le tire; ce que sa celeste Espouse proteste aussi, disant: Tirés moy, nous courrons a l'odeur de vos parfums.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000194 |
Et quelquefois, outre cela, Dieu donne a l'ame une lumiere non seulement claire, mais croissante comme l'aube du jour; et alhors, comme ceux qui ont treuvé une miniere d'or fouillent tous-jours plus avant pour treuver tous-jours davantage de ce tant desiré metail, ainsy l'entendement va de plus en plus s'enfonçant en la consideration et admiration de son divin objet; car ne plus ne moins que l'admiration a causé la philosophie et attentive recherche des choses naturelles, elle a aussi causé la contemplation et theologie mystique. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000199 |
Ce discours, Theotime, est presque tout composé des paroles du divin saint Denis Areopagite: et certes, il est vray que le soleil, source de la lumiere corporelle, est la vraye image du bon et du beau; car, entre les creatures purement corporelles, il n'y a point de bonté ni de beauté egale a celle du soleil. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000199 |
De maniere qu'en fin il faut conclure avec le grand saint Denis, que «l'amour divin est extatique, ne permettant pas que les amans soyent a eux mesmes, ains a la chose aymee;» a rayson dequoy cet admirable apostre saint Paul, estant en la possession de ce divin amour et fait participant de sa force extatique, d'une bouche divinement inspiree, Je vis, dit-il, non plus moy, mays Jesus Christ vit en moy; ainsy, comme un vray amoureux sorti hors de soy en Dieu, il vivoit non plus sa propre vie, mays la vie de son Bienaymé, comme souverainement aymable.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000221 |
Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000228 |
Hé, que reste-il donq? quelle conclusion avons-nous plus a prendre, mon cher Theotime, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort pour eux? c'est a dire, que nous consacrions au divin amour de la mort de nostre Sauveur tous les momens de nostre vie, rapportans a sa gloire toutes nos proyes, toutes nos conquestes, toutes nos œuvres, toutes nos actions, toutes nos pensees et toutes nos affections. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000228 |
Voyons-le, Theotime, ce divin Redempteur, estendu sur la croix, comme sur son bucher d'honneur ou il meurt d'amour pour nous, mais d'un amour plus douloureux que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour mesme: hé, que ne nous jettons-nous en esprit sur luy, pour mourir sur la croix avec luy, qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir! Je le tiendray, devrions nous dire si nous avions la generosité de l'aigle, et ne le quitteray jamais; je mourray avec luy et brusleray dedans les flammes de son amour, un mesme feu consumera ce divin Createur et sa chetifve creature; mon Jesus est tout mien et je suis toute sienne, je vivray et mourray sur sa poitrine, ni la mort ni la vie ne me separera jamais de luy.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000229 |
Ainsy donques se fait la sainte extase du vray amour, quand nous ne vivons plus selon les raysons et inclinations humaines, mais au dessus d'icelles, selon les inspirations et instinctz du divin Sauveur de nos ames. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000235 |
En un homme dormant, il semble que toutes ses habitudes dorment avec luy, et qu'elles se resveillent aussi avec luy; ainsy donq, l'homme juste mourant subitement, ou accablé d'une mayson qui luy tumbe dessus, ou tué par le foudre, ou suffoqué d'un catherre, ou bien mourant hors de son bon sens par la violence de quelque fievre chaude, il ne meurt certes pas en l'exercice de l'amour divin, mais il meurt neanmoins en l'habitude d'iceluy; dont le Sage a dit: Le juste, s'il [37] est prevenu de la mort, il sera en refrigere; car il suffit pour obtenir la vie eternelle de mourir en l'estat et habitude de l'amour et charité.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000236 |
Saint Augustin mourut en l'exercice de la sainte contrition, qui n'est pas sans amour; saint Hierosme, exhortant ses chers enfans a l'amour de" Dieu, du prochain et de la vertu; saint Ambroyse, tout ravi, devisant doucement avec son Sauveur, soudain apres avoir receu le tres divin Sacrement de l'autel; saint Anthoyne de Padoüe, apres avoir recité un hymne a la glorieuse Vierge Mere, et parlant en grande joye avec le Sauveur; saint Thomas d'Acquin, joignant les mains, eslevant ses yeux au ciel, haussant fortement sa voix et prononçant par maniere d'eslan, avec grande ferveur, ces paroles du Cantique, qui estoyent les dernieres qu'il avoit exposees: Venes, o mon cher Bienaymé, et sortons ensemble aux chams. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000237 |
Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux, que, comme dit Sixtus Senensis, «on ne peut discerner s'il a surpassé sa [38] doctrine par la pieté ou sa pieté par la doctrine,» ayant expliqué les cinquante proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, trois jours apres, monstrant un visage et un cœur fort vif, expira prononçant et repetant plusieurs fois, par maniere d'orayson jaculatoire, ces saintes paroles tirees du mesme Cantique: O Dieu, vostre dilection est forte comme la mort. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000237 |
Saint Louys, ce grand roy entre les Saintz et grand Saint entre les roys, frappé de pestilence, ne cessa jamais de prier; puis, ayant receu le divin Viatique, estendant les bras en croix, les yeux fichés au ciel, expira souspirant ardemment ces paroles d'une parfaite confiance amoureuse: Hé, Seigneur, j'entreray en vostre mayson, je vous adoreray en vostre saint temple et beniray vostre nom. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000241 |
Tous les Martirs, Theotime, moururent pour l'amour divin; car, quand on dit que plusieurs sont mortz pour la foy, on ne doit pas entendre que ç'ait esté pour la foy morte, ains pour la foy vivante, c'est a dire animee de la charité. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000242 |
Mais il y en a, entre les amans sacrés, qui s'abandonnent si absolument aux exercices de l'amour divin, que ce saint feu les devore et consume leur vie. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000255 |
De la il passa en Bethleem, au lieu de la Nativité, ou on ne sçauroit dire combien de larmes il respandit contemplant celles desquelles le Filz de Dieu, petit Enfant de la Vierge, avoit arrousé ce saint estable, baysant et rebaysant cent fois cette terre sacree, et lechant la poussiere sur laquelle la premiere enfance du divin Poupon avoit esté receüe. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000256 |
De la il va sur la montaigne de Tabor, ou il void le Sauveur transfiguré; puis en la montaigne de Sion, ou il void, ce luy semble, encor, Nostre Seigneur agenouillé dans le Cenacle, lavant les pieds aux Disciples et leur distribuant par apres son divin Cors en la sacree Eucharistie. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000256 |
Il regarde la pauvre sacree Vierge, toute transpercee du glaive de douleur; puis il tourne les yeux sur le Sauveur crucifié, duquel il escoute les sept paroles avec un amour nompareil, et en fin le void mourant, puis mort, puis recevant le coup de lance et monstrant par l'ouverture de la playe son cœur divin, puis osté de la croix et porté au sepulcre, ou il va le suyvant, jettant une mer de larmes sur les lieux detrempés du sang de son Redempteur; si que il entre dans le sepulcre et ensevelit son cœur aupres du cors de son Maistre.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000256 |
Si monte en fin ce devot pelerin sur le mont Calvaire, ou il void en esprit la croix estendue sur terre, et Nostre Seigneur tout nud que l'on renverse et que l'on cloue pieds et mains sur icelle tres cruellement; il contemple de suite comme on leve la croix et le Crucifié en l'air, et le sang qui ruisselle de tous les endroitz du divin cors pendu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000257 |
Puys, resuscitant avec luy, il va en Emaüs et void tout ce qui se passe entre le Seigneur et les deux disciples; et en fin, revenant sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension, et la, voyant les dernieres marques et vestiges des pieds du divin Sauveur, prosterné sur icelles et les baysant mille et mille fois avec des souspirs d'un amour infini, il commença a retirer a soy toutes les forces de ses affections, comme un archer retire la corde de son arc quand il veut descocher sa fleche; puis se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «O Jesus,» dit il, « mon doux Jesus, je ne sçai plus ou vous chercher et suivre en terre; hé! Jesus, Jesus mon amour, accordes donq a ce cœur qu'il vous suive et s'en aille apres vous la haut.» Et avec ces ardentes paroles il lança quant et quant son ame au Ciel, comme une sacree sagette que, comme divin archer, [47] il tira au blanc de son tres heureux object. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000258 |
Je voy bien, a la verité, que cette histoire est grandement extraordinaire et qui meriteroit un tesmoignage de plus grand poids; mais apres la tres veritable histoire du cœur fendu de sainte Claire de Montefalco, que tout le monde peut voir encor maintenant, et celle des stigmates de saint François, qui est tres asseuree, mon ame ne treuve rien de malaysé a croire parmi les effectz du divin amour.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000262 |
Helas, combien de douceur, de charité et de misericorde furent exercees par ce bon Pere nourricier envers le Sauveur lhors qu'il nasquit petit enfant au monde! et qui pourroit donq croire, qu'iceluy sortant de ce monde, ce divin Filz ne luy rendist la pareille au centuple, le comblant de suavités celestes? Les cigoignes sont un vray portrait de la mutuelle pieté des enfans envers les peres et des peres envers les enfans; car, comme ce sont des oyseaux passagers, elles portent leurs peres et meres vieux, en leurs passages, ainsy qu'estant encor petites leurs peres et meres [49] les avoyent portees en mesme occasion. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000262 |
Quand le Sauveur estoit encor petit enfant, le grand Joseph son Pere nourricier, et la tres glorieuse Vierge sa Mere, l'avoyent porté maintefois, et specialement au passage qu'ilz firent de Judee en Egypte et d'Egypte en Judee: hé, qui doutera donq que ce saint Pere, parvenu a la fin de ses jours, n'ayt reciproquement esté porté par son divin Nourrisson au passage de ce monde en l'autre, dans le sein d'Abraham, pour de la le transporter dans le sien, a la gloire, le jour de son Ascension? Un Saint qui avoit tant aymé en sa vie ne pouvoit mourir que d'amour; car son ame ne pouvant a souhait aymer son cher Jesus entre les distractions de cette vie, et ayant achevé le service qui estoit requis au bas aage d'iceluy, que restoit-il sinon qu'il dist au Pere eternel: O Pere, j'ay accompli l'œuvre que vous m'avies donnee en charge; et puis au Filz: O mon Enfant, comme vostre Pere celeste remit vostre cors entre mes mains au jour de vostre venue en ce monde, ainsy en ce jour de mon despart de ce monde je remetz mon esprit entre les vostres.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000263 |
Et je dis de Mere unique et d'Enfant unique, parce que tous les autres enfans des hommes partagent la reconnoissance de leur production entre le pere et la mere; mays en celuy cy, comme toute sa naissance humaine dependit de sa seule Mere, laquelle seule contribua, ce qui estoit requis a la vertu du Saint Esprit pour la conception de ce divin Enfant, aussi a elle seule fut deu et rendu tout l'amour qui provient de la. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000264 |
De mesme, Theotime, la Vierge Mere ayant assemblé en son esprit, par une tres vive et continuelle memoire, tous les plus aymables misteres de la vie et mort de son Filz, et recevant tous-jours a droit fil parmi cela les plus ardentes inspirations que son Filz, Soleil de justice, jettast sur les humains au plus fort du midi de sa charité, puis d'ailleurs faysant aussi de son costé un perpetuel mouvement de contemplation, en fin le feu sacré de ce divin amour la consuma toute, comme un holocauste de suavité; de sorte qu'elle en mourut, son ame estant toute ravie et transportee entre les bras de la dilection de son Filz. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000269 |
On dit d'un costé que Nostre Dame revela a sainte Mathilde que la maladie de laquelle elle mourut ne fut autre chose qu'un assaut impetueux du divin amour; mais sainte Brigide et saint Jean Damascene tesmoignent qu'elle mourut d'une mort extremement paisible: et l'un et l'autre est vray, Theotime.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000271 |
Car, comme l'on void les grans fleuves faire des bouillons et rejaillissemens avec grand bruit es endroitz raboteux, esquelz les rochers font des bancs et escueilz qui s'opposent et empeschent l'escoulement des eaux, ou au contraire, se treuvans en la plaine ilz coulent et flottent doucement, sans effort; de mesme le divin amour treuvant es ames humaines plusieurs empeschemens et resistances, comme a la verité toutes en ont, quoy que differemment, il y fait des violences, combattant les mauvaises inclinations, frappant le cœur, poussant la volonté par diverses agitations et differens effortz, affin de se faire faire place ou du moins outrepasser ces obstacles. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000271 |
Mays ce fut tout autre chose en la tressainte Vierge, car, comme nous voyons croistre la belle aube du jour, non a diverses reprises et par secousses, ains par une certaine dilatation et croissance continue qui est presqu'insensiblement sensible, en sorte que vrayement on la void croistre en clarté, mais si egalement que nul n'apperçoit aucune interruption, separation ou discontinuation de ses accroissemens, ainsy le divin amour croissoit a chasque moment dans le cœur virginal de nostre glorieuse Dame, mais par des croissances douces, paisibles et continues, sans agitation, ni secousse, ni violence quelcomque. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000272 |
Mais je dis qu'en cette celeste Mere, toutes les affections estoyent si bien rangees et ordonnees, que le divin amour exerçoit en elle son empire et sa domination tres paisiblement, sans estre troublee par la diversité des volontés ou appetitz, ni par la contrarieté des sens, parce que les repugnances de l'appetit naturel ni les mouvemens des sens n'arrivoyent jamais jusques au peché, non pas mesme jusques au peché veniel; ains au contraire, tout cela estoit saintement et fidelement employé au service du saint amour pour l'exercice des autres vertus, lesquelles, pour la pluspart, ne peuvent estre prattiquees qu'entre les difficultés, oppositions et contradictions.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000274 |
Et c'est pourquoy, comme le fer s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction egale, par l'aymant, en sorte neanmoins que l'attraction serait tous-jours plus active et plus forte a mesure que l'un seroit plus pres de l'autre et que le mouvement seroit [56] proche de sa fin, ainsy la tressainte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Filz, elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paysibles et sans effort; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité a l'union de l'esprit, comme reciproquement la parfaite application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000301 |
En suite dequoy, es anciens Conciles on mettoit au milieu de toute l'assemblee des Evesques un grand throsne, et sur iceluy le livre des saintz Evangiles qui representoit la personne du Sauveur, Roy, Docteur, Directeur, Esprit et unique Cœur des Conciles et de toute l'Eglise; tant on honnoroit la signification de la volonté de Dieu exprimee en ce divin Livre. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000308 |
Tout le temple celeste de l'Eglise triomphante et militante resonne de toutes pars les cantiques de ce doux amour de Dieu envers nous; et le cors tres sacré du Sauveur, comme un temple tressaint de sa Divinité, est tout paré de marques et enseignes de cette bienveuillance: c'est pourquoy, en visitant le temple divin, nous voyons ces aymables delices que son cœur prend a nous favoriser.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000316 |
Or, l'amour de complaysance, regardant ce desir divin, veut complaire a Dieu en l'observant; l'amour de bienveuillance, qui veut tout sousmettre a Dieu, sousmet par conseequent nos desirs et nos volontés a celle ci que Dieu nous a signifiee: et de la provient non seulement l'observation, mais aussi l'amour des commandemens, que David exalte d'un stile extraordinaire au Psalme cent et dix huitiesme, qu'il semble n'avoir fait que pour ce sujet:. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000326 |
Le divin amour nous rend donq ainsy conformes a la volonté de Dieu, et nous fait soigneusement observer ses commandemens en qualité de desir absolu de sa divine Majesté, a laquelle nous voulons plaire: si que cette complaysance previent, par sa douce et amiable violence, la necessité d'obeir que la loy nous impose, convertissant cette necessité en vertu de dilection et toute la difficulté en delectation. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000340 |
Quand l'Espouse celeste veut exprimer l'infinie suavité des parfums de son divin Espoux, Vostre nom, luy dit elle, est un unguent respandu; comme si elle disoit: Vous estes si excellemment parfumé qu'il semble que vous soyes tout parfum, et qu'il soit a propos de vous appeller unguent et parfum, plustost qu'oint et parfumé. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000343 |
Certes, ainsy que tesmoigne le divin Psalmiste, Dieu n'exauce pas seulement l'orayson de ses fideles, ains il exauce mesme encor le seul desir d'iceux, et la seule preparation qu'ilz font en leurs cœurs pour prier, tant il est favorable et propice a faire la volonté de ceux qui l'ayment. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000356 |
Vous n'estes pas obligé de faire aucun vœu; mais faites en pourtant quelques uns qui seront jugés propres par vostre pere spirituel, pour vostre avancement en l'amour divin. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000362 |
Mais quant au souffle de Dieu, non seulement il eschauffe, ains il esclaire parfaitement, d'autant que l'Esprit divin est une lumiere infinie, duquel le souffle vital est appellé inspiration, d'autant que par iceluy cette supreme Bonté haleyne et inspire en nous les desirs et intentions de son cœur.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000364 |
Les ames, certes, qui ne se contentent pas de faire ce que par les commandemens et conseilz le divin Espoux requiert d'elles, mais sont promptes a suivre les sacrees inspirations, ce sont celles que le Pere eternel a preparees pour estre espouses de son Filz bienaymé. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000369 |
L'esprit seducteur nous arreste aux commencemens et nous fait contenter du primtems fleuri; mais l'Esprit divin ne nous fait regarder les commencemens que pour parvenir a la fin, et ne nous fait res-jouir des fleurs du primtems que pour la pretention de jouir des fruitz de l'esté et de l'automne.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000379 |
Or, une des meilleures marques de la bonté de toutes les inspirations, et particulierement des extraordinaires, c'est la paix et tranquillité du cœur qui les reçoit; car l'Esprit divin est voirement violent, mais d'une violence douce, suave et paisible. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000380 |
Au contraire, l'esprit malin est turbulent, aspre, remuant; et ceux qui suivent ses suggestions infernales, cuydans que ce soyent inspirations celestes, sont ordinairement connoissables parce qu'ilz sont inquietz, testus, fiers, entrepreneurs et remueurs d'affaires; qui [100] sous le pretexte de zele renversent tout sans dessus dessous, censurent tout le monde, tancent un chacun, blasment toutes les choses; gens sans conduite, sans condescendance, qui ne supportent rien, exerçans les passions de l'amour propre sous le nom de la jalousie de l'honneur divin.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000388 |
De mesme, tous les esleuz tournent la fleur de leur cœur, qui est l'obeissance aux commandemens, du costé de la volonté divine; mais les ames vivement esprises du saint amour ne regardent pas seulement cette divine Bonté par l'obeissance aux commandemens, ains aussi par l'union de toutes leurs affections, suivans le contour de ce divin Soleil en tout ce qu'il leur commande, conseille et inspire, sans reserve ni exception quelcomque. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000433 |
Si les Martyrs eussent veu leurs tourmens hors ce bon playsir, comment eussent ilz peu chanter entre les fers et les flammes? Le cœur vrayement amoureux ayme le bon playsir divin, non seulement es consolations mais aussi es afflictions; ains il l'ayme plus en la croix, es peynes et travaux, parce que c'est la principale vertu de l'amour de faire souffrir l'amant pour la chose aymee.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000442 |
Mays l'amour est alhors en son excellence quand nous ne recevons pas seulement avec douceur et patience les afflictions, ains nous les cherissons, nous les aymons et les caressons, a cause du bon playsir divin duquel elles procedent.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000443 |
Et c'est l'importance, que l'ame fait cette resignation parmi tant de trouble, entre tant de contradictions et repugnances, qu'elle ne s'apperçoit presque pas de la faire; au moins il luy est advis que c'est si languidement, que ce ne soit pas de bon cœur ni comme il est [117] convenable: puisque ce qui se passe alhors pour le bon playsir divin se fait non seulement sans playsir et contentement, mays contre tout le playsir et contentement de tout le reste du cœur; auquel l'amour permet bien de se plaindre, au moins de ce qu'il ne se peut pas plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job et de Hieremie, mais a la charge que tous-jours le sacré acquiescement se fasse dans le fond de l'ame, en la supreme et plus delicate pointe de l'esprit. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000444 |
Cette union et conformité au bon playsir divin se fait ou par la sainte resignation ou par la tressainte indifference. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000449 |
Le cœur indifferent n'est pas comme cela, car sachant que la tribulation, quoy qu'elle soit laide, comme une [119] autre Lia, ne laisse pas d'estre fille, et fille bienaymee du bon playsir divin, il l'ayme autant que la consolation, laquelle neanmoins en elle mesme est plus aggreable; ains il ayme encor plus la tribulation, parce qu'il ne void rien d'aymable en elle que la marque de la volonté de Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000461 |
il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000463 |
Il aymeroit mieux l'enfer avec la volonté de Dieu que le Paradis sans la volonté de Dieu: ouy mesme, il prefereroit l'enfer au Paradis, s'il sçavoit qu'en celuy la il y eust un peu plus du bon playsir divin qu'en celuy ci; en sorte que si, par imagination de chose impossible, il sçavoit que sa damnation fust un peu plus aggreable a Dieu que sa salvation, il quitteroit sa salvation et courroit a sa damnation.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000470 |
Ainsy nostre divin Sauveur fut affligé incomparablement en sa vie civile, condamné comme criminel de leze majesté divine et humaine, battu, foüetté, baffoüé et tourmenté, avec une ignominie extraordinaire; en sa vie naturelle, mourant entre les plus cruelz et sensibles tourmens que l'on puisse imaginer; en sa vie spirituelle, souffrant des tristesses, craintes, espouvantemens, angoisses, delaissemens et oppressions interieures qui n'en eurent ni n'en auront jamais de pareilles. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000475 |
On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000476 |
Mays si c'est le bon playsir divin que le mal, victorieux des remedes, apporte en fin la mort, soudain que j'en seray certifié par l'evenement j'acquiesceray amoureusement en la pointe de mon esprit, nonobstant toute la repugnance des puissances inferieures de mon ame: Ouy, Seigneur, je le veux bien, ce diray je, parce que tel a esté vostre bon playsir; il vous a ainsy pleu et il me plaist ainsy a moy, qui suis tres humble serviteur de vostre volonté.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000477 |
Admirable union de ce Patriarche avec celle de Dieu, qui croyant que ce fust le bon playsir divin qu'il sacrifiast son enfant, le voulut l'entreprit si fortement! admirable celle de l'enfant, qui se sousmit si doucement au glaive paternel, pour faire vivre le bon playsir de son Dieu au prix de sa propre mort!. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000477 |
Mais si le bon playsir divin m'estoit declairé avant l'evenement d'iceluy, comme au grand saint Pierre la façon de sa mort, au grand saint Paul ses liens et prisons, a Hieremie la destruction de sa chere Hierusalem, a David la mort de son filz, alhors il faudroit [125] unir a l'instant nostre volonté a celle de Dieu, a l'exemple du grand Abraham, et comme luy, s'il nous estoit commandé, entreprendre l'execution du decret eternel en la mort mesme de nos enfans. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000478 |
Mais notés, Theotime, un trait de la parfaite union d'un cœur indifferent avec le bon playsir divin. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000514 |
Ce chantre donques, qui chantoit au commencement a Dieu et pour Dieu, chante maintenant plus a soy mesme et pour soy mesme que pour Dieu, et s'il prend playsir a chanter, ce n'est plus tant pour contenter l'aureille de son Dieu que pour contenter la sienne; et d'autant que le cantique de l'amour divin est le plus excellent de tous, il l'ayme aussi davantage, non a cause de l'excellence divine qui y est loüee, mais parce que l'air du chant en est plus delicieux et aggreable.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000518 |
De deux cantiques qui seront voirement l'un et l'autre [139] divin, il se peut bien faire que l'un sera chanté parce qu'il est divin, et l'autre parce qu'il est aggreable. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000518 |
Le cantique est divin, mais le motif qui le nous fait chanter c'est la delectation spirituelle que nous en pretendons.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000519 |
Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000522 |
Plusieurs, certes, ne se plaisent point en l'amour divin sinon qu'il soit confit au sucre de quelque suavité sensible, et feroyent volontier comme les petitz enfans, auxquelz quand on donne du miel sur un morceau de pain, ilz lechent et succent le miel et jettent par apres le pain: car si la suavité estoit separable de l'amour ilz quitteroyent l'amour et tireroyent la suavité; c'est pourquoy ilz suivent l'amour a cause de la suavité, laquelle quand ilz n'y rencontrent pas, ilz ne tiennent conte de l'amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000526 |
O que bienheureux est le cœur qui ayme Dieu sans aucun autre playsir que celuy qu'il prend de plaire a Dieu! car, quel playsir peut-on jamais avoir plus pur et parfait que celuy que l'on prend dans le playsir de la Divinité? Neanmoins, ce playsir de plaire a Dieu n'est pas a proprement parler l'amour divin, ains seulement un fruit d'iceluy, qui en peut estre separé ainsy qu'un citron de son citronnier. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000531 |
O Dieu, mon cher Theotime, mais c'est alhors qu'il faut tesmoigner une invincible fidelité envers le Sauveur, le servant purement pour l'amour de sa volonté, non seulement sans playsir, mais parmi ce deluge de tristesses, d'horreurs, de frayeurs et d'attaques, comme fit sa glorieuse Mere et saint Jean au jour de sa Passion, qui, entre tant de blasphemes, de douleurs et de detresses mortelles, demeurerent fermes en l'amour, lhors mesme que le Sauveur, ayant retiré toute sa sainte joye dans la cime de son esprit, ne respandoit ni allegresse ni consolation quelcomque en son divin visage, et que ses yeux alangouris et couvertz des tenebres de la mort ne jettoyent plus que des regards de douleur; comme aussi le soleil, des rayons d'horreur et d'affreuses tenebres. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000545 |
Car ainsy ce divin Sauveur, proche de sa mort et jettant les derniers souspirs, avec un grand cri et force larmes: Helas, dit-il, o mon Pere, je recommande mon esprit en vos mains; parole, Theotime, qui fut la derniere de toutes, et par laquelle le Filz bienaymé donna le souverain tesmoignage de son amour envers son Pere. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000549 |
Et que devient la volonté humaine quand elle est entierement abandonnee au bon playsir divin? Elle [149] ne perit pas tout a fait, mais elle est tellement abismee et meslee avec la volonté de Dieu, qu'elle ne paroist plus et n'a plus aucun vouloir separé de celuy de Dieu.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000551 |
Et comme celuy qui est dans un navire ne se remue pas de son mouvement propre, ains se laisse seulement mouvoir selon le mouvement du vaysseau [150] clans lequel il est, de mesme, le cœur qui est embarqué dans le bon playsir divin ne doit avoir aucun autre vouloir que celuy de se laisser porter au vouloir de Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000554 |
Et c'est la façon avec laquelle nous devons tascher de nous comporter en la volonté du bon playsir divin, d'autant que les effectz de cette volonté du bon playsir procedent purement de sa providence, et sans que nous les fassions ilz nous arrivent. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000554 |
Mays nous pouvons aussi aller avec Nostre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, nous laissans simplement porter [152] a son bon playsir divin, comme un petit enfant entre les bras de sa mere, par une certaine sorte de consentement admirable qui se peut appeller union, ou plustost unité de nostre volonté avec celle de Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000555 |
Et qui luy eust repliqué: Mais au moins, o trescher divin Enfant, vous vous voules bien laisser porter a vostre douce Mere? Non fay certes, eust-il peu dire, je ne veux rien de tout cela, ains, comme ma toute bonne Mere marche pour moy, aussi elle veut pour moy: je luy laisse egalement le soin et d'aller et de vouloir aller pour moy ou bon luy semblera; et comme je ne marche que par ses pas, aussi je ne veux que par son vouloir, et des que je me treuve entre ses bras je n'ay aucune attention ni a vouloir ni a ne vouloir pas, laissant tout autre soin a ma Mere hormis celuy d'estre sur son sein, de succer son sacré chicheron, et de me tenir bien attaché a son col tres aymable pour la bayser amoureusement des baysers de ma bouche. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000555 |
O divin Enfant de Marie, permettes a ma chetifve ame cet eslan de dilection! Or alles donq, o cher petit Enfant tres aymable, ou plustost, n'alles pas, mais demeures ainsy saintement collé a la poitrine de vostre douce Mere; alles tous-jours en elle et par elle, ou avec elle, et n alles jamais sans elle tandis que vous estes enfant. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000556 |
Theotime, nous devons estre comme cela, nous rendans pliables et maniables au bon playsir divin, comme si nous estions de cire, ne nous amusans point a souhaiter et vouloir les choses, mais les laissant vouloir et faire a Dieu pour nous ainsy qu'il luy plaira, jettans en luy toute nostre sollicitude, d'autant qu'il a soin de nous, ainsy que dit le saint Apostre. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000557 |
O Theotime, que cette occupation de nostre volonté est excellente, quand elle quitte le soin de vouloir et choisir les effectz du bon playsir divin, pour louer et remercier ce bon playsir de telz effectz.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000565 |
Pourquoy te mesles tu de vouloir ou ne vouloir pas les evenemens et accidens du monde, puisque tu ne sçais pas ce que tu dois vouloir, et que Dieu voudra tous-jours asses pour toy tout ce que tu pourras vouloir, sans que tu t'en mettes en peine? Attens donq en repos d'esprit les effectz du bon playsir divin, et que son vouloir te suffise puisqu'il est tous-jours tres bon; car ainsy ordonna-il a sa bienaymee sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» lui dit il, «et je penseray pour toy.». |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000573 |
Car ayant tout renoncé, voire mesme les affections des vertus, pour ne vouloir ni de celles-la ni d'autres quelconques qu'autant que le bon playsir divin portera, il [161] nous faut revestir derechef de plusieurs affections, et peut estre des mesmes que nous avons renoncees et resignees; mais il s'en faut derechef revestir, non plus parce qu'elles nous sont aggreables, utiles, honnorables et propres a contenter l'amour que nous avons pour nous mesmes, ains parce qu'elles sont aggreables a Dieu, utiles a son honneur et destinees a sa gloire.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000576 |
Ainsy se faut il desnuer de toutes affections, petites et grandes, et faut souvent examiner nostre cœur pour voir s'il est bien prest a se devestir, comme fit Isaïe, de tous ses habitz, puis reprendre aussi, quand il en est tems, les affections convenables au service de la charité; affin de mourir en croix tous nuds avec nostre divin Sauveur, et resusciter par apres en un nouvel homme avec luy. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000584 |
En cela, Theotime, consiste la grandeur et primauté du commandement de l'amour divin que le Sauveur nomme le premier et le tres grand commandement. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000585 |
Mais voyés, Theotime, combien cette loy d'amour est aymable! Hé, Seigneur Dieu, ne suffisoit il pas qu'il vous pleust de nous permettre ce divin amour, comme Laban permit celuy de Rachel a Jacob, sans qu'il vous pleust encor de nous y semondre par exhortations, de nous y pousser par vos commandemens? Mais non, Bonté divine, affin que ni vostre grandeur, ni nostre bassesse, ni pretexte quelcomque ne nous retardast de vous aymer, vous nous le commandés. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000610 |
Nous aurons tous egalement la plenitude de ce divin amour, mais les plenitudes pourtant seront inegales en perfection. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000619 |
Tandis que le grand roy Salomon, jouïssant encor de l'Esprit divin, composoit le sacré Cantique des Cantiques, il avoit, selon la permission de ce tems-la, une grande varieté de dames et damoyselles dediees a son amour en diverses conditions et sous des differentes qualités. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000622 |
L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000622 |
Mays il y a des ames qui, ayant des-ja fait quelque progres en l'amour divin, ont retranché tout l'amour qu'elles avoyent aux choses dangereuses, et neanmoins ne laissent pas d'avoir des amours dangereux et superflus, parce qu'elles affectionnent avec exces et par un amour trop tendre et passionné ce que Dieu veut qu'elles ayment. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000628 |
Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000634 |
Et celuy qui s'escrioit: J'ay estimé toutes choses boüe et fange affin de m'acquerir Jesus Christ, ne tesmoigna-il pas qu'il n'aymoit rien hors de son Maistre, [183] et qu'il aymoit son Maistre hors de toutes choses? Et quel pouvoit estre le sentiment de ce grand amant qui souspiroit toute la nuit: «Mon Dieu est pour moy toutes choses?» Telz furent saint Augustin, saint Bernard, les deux saintes Catherines, de Sienne et de Gennes, et plusieurs autres, a l'imitation desquelz un chacun peut aspirer a ce divin degré d'amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000639 |
Mais quel est donq le degré d'amour auquel le divin commandement nous oblige tous egalement, universellement et tous-jours?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000645 |
On ne connoist pas tous-jours clairement, ni jamais tout a fait certainement, au moins «d'une certitude de foy,» si on a le vray amour de Dieu requis pour estre sauvé; mais on ne laisse pas pourtant d'en avoir plusieurs marques, entre lesquelles la plus asseuree et presque infallible paroist quand quelque grand amour des creatures s'oppose aux desseins de l'amour de Dieu: car alhors, si l'amour divin est en l'ame, il fait paroistre la grandeur du credit et de l'authorité qu'il a sur la volonté, monstrant par effect que non seulement il n'a point de maistre, mais que mesme il n'a point de compaignon, reprimant et renversant tout ce qui le contrarie, et se faisant obeir en ses intentions. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000645 |
Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000649 |
Ainsy, quand un cœur ayme Dieu en consideration de son infinie bonté, pour peu qu'il ayt de cette excellente dilection, il preferera la volonté de Dieu a toutes choses, et en toutes les occasions qui se presenteront il quittera tout pour se conserver en la grace de la souveraine Bonté, sans que chose quelconque l'en puisse separer: de sorte qu'encor que ce divin amour ne presse ni n'attendrisse tous-jours pas tant le cœur comme les autres amours, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees et excellentes qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000657 |
Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000683 |
Et c'est pourquoy non seulement le divin amour commande maintefois l'amour du prochain, mais il le produit et respand luy mesme dans le coeur humain comme sa ressemblance et son image; puisque tout ainsy que l'homme est l'image de Dieu, de mesme l'amour sacré de l'homme envers l'homme est la vraye image de l'amour celeste de l'homme envers Dieu.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000695 |
Voyés un peu, Theotime, je vous prie, comme ce divin Amant exprime delicatement la noblesse et generosité de sa jalousie: Ilz m'ont laissé, dit-il, moy qui suis la source d'eau vive; comme s'il disoit: Je ne me plains pas dequoy ilz m'ont quitté, pour aucun dommage que leur abandonnement me puisse apporter; car quel dommage peut recevoir une source vive si on n'y vient pas puiser de l'eau? laissera-elle pour cela de ruisseler et flotter sur la terre? mais je regrette leur malheur, dequoy m'ayant laissé, ilz se sont amusés a des puitz sans eaux. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000696 |
Et la rayson de cette demande de l'Amant divin est que, comme la mort est si forte qu'elle separe l'ame de toutes choses et de son cors mesme, aussi l'amour sacré, parvenu jusques au degré du zele, divise et esloigne l'ame de toutes autres affections et l'espure de tout meslange; d'autant qu'il n'est pas seulement aussi fort que la mort, ains il est aspre, inexorable, dur et impiteux a chastier le tort qu'on luy fait quand on reçoit avec luy des rivaux, comme l'enfer est violent a punir les damnés: et tout ainsy que l'enfer, plein d'horreur, de rage et de felonnie, ne reçoit aucun meslange d'amour, aussi l'amour jaloux ne reçoit aucun meslange d'autre affection, voulant que tout soit pour le Bienaymé. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000696 |
Metz moy, dit le divin Berger a la Sulamite, metz moy comme un cachet sur ton cœur, comme un cachet sur ton bras. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000706 |
Ainsy veut dire le glorieux saint Paul a ses Corinthiens: J'ay esté envoyé de Dieu a vos ames pour traitter le mariage d'une eternelle union entre son Filz nostre Sauveur et vous, et je vous ay promis a luy pour vous representer, ainsy qu'une vierge chaste, a ce divin Espoux; et voyla pourquoy je suis jaloux, non de ma jalousie, mais de la jalousie de Dieu, au nom duquel j'ay traitté avec vous. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000711 |
Non pas certes que le divin amour, pour vehement qu'il soit, puisse estre excessif en soy mesme ni es mouvemens ou inclinations qu'il donne aux espritz; mays parce qu'il employe a l'execution de ses projetz l'entendement, luy ordonnant de chercher les moyens de les faire reuscir, et la hardiesse ou cholere pour surmonter les difficultés qu'il rencontre, il advient tres souvent que l'entendement propose et fait prendre des voyes trop aspres et violentes, et que la cholere ou audace, estant une fois esmeüe et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson, emporte le cœur dans le desordre: en sorte que le zele est, par ce moyen, exercé indiscrettement et desreglement, qui le rend mauvais et blasmable. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000722 |
Saint Thomas d'Aquin, ce grand astre de la theologie, estant malade de la maladie de laquelle il mourut au monastere de Fosseneuve, Ordre de Cisteaux, les religieux le prierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de saint Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de saint Bernard, et j'interpreteray ce divin Cantique comme saint Bernard.» De mesme, certes, si on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz et chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation en vostre zele, comme Phinees, Helie, Mathathias, saint Pierre et saint Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de la perfection et du pur zele, avec la lumiere interieure de ces grans Saintz, et nous nous animerons de cholere comme eux. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000731 |
Ayant si longuement parlé des actes sacrés du divin amour, affin que plus aysement et saintement vous en conservies la memoire je vous en presente un recueil et abbregé. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000731 |
La charité de Jesus Christ nous presse, dit [229] le grand Apostre: ouy certes, Theotime, elle nous force et violente par son infinie douceur, prattiquee en tout l'ouvrage de nostre redemption, auquel s'est apparue la benignité et amour de Dieu envers les hommes; car, qu'est-ce que ce divin Amant ne fit pas en matiere d'amour?. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000732 |
Il a esté en extase, non seulement en ce que, comme dit saint Denis, a cause de l'exces de son amoureuse bonté il devient en certaine façon hors de soy mesme, estendant sa providence sur toutes choses et se treuvant en toutes choses; mais aussi en ce que, comme dit saint Paul, il s'est en quelque sorte quitté soy mesme, il s'est vuidé de soy mesme, il s'est espuisé de sa grandeur, de sa gloire, il s'est demis du throsne de son incomprehensible majesté, et, s'il faut ainsy parler, il s'est aneanti soy mesme pour venir a nostre humanité nous remplir de sa Divinité, nous combler de sa bonté, nous eslever a sa dignité et nous donner le divin estre d'enfans de Dieu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000734 |
Car, bien que les cruelz supplices fussent tres suffisans pour faire mourir qui que ce fut, si est ce que la mort ne pouvoit jamais entrer dans la vie de Celuy qui tient les clefs de la vie et de la mort, si le divin amour, qui manie ces clefs, n'eust ouvert les portes a la mort affin qu'elle allast saccager ce divin cors et luy ravir la vie; l'amour ne se contentant pas de l'avoir rendu mortel pour nous, s'il ne le rendoit mort. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000734 |
En fin, Theotime, ce divin Amoureux mourut entre les flammes et ardeurs de la dilection, a cause de l'infinie charité qu'il avoit envers nous et par la force et vertu de l'amour; c'est a dire, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000760 |
Ainsy toutes les vertus reçoivent un nouveau lustre et une excellente dignité par la presence de l'amour sacré; mais la foy, l'esperance, la crainte de Dieu, la pieté, la penitence et toutes les autres vertus qui d'elles mesmes tendent particulierement a Dieu et a son honneur, elles ne reçoivent pas seulement l'impression du divin amour, par laquelle elles sont eslevees a une grande valeur, mais elles se penchent totalement vers luy, s'associant avec luy, le suivant et servant en toutes occasions: car en fin, mon cher Theotime, la Parole sacree attribue une certaine proprieté et force de sauver, de sanctifier et de glorifier, a la foy, a l'esperance, a la pieté, a la crainte de Dieu, a la penitence; qui tesmoigne bien que ce sont des vertus de grand prix, et qu'estant prattiquees en un cœur qui a l'amour de Dieu, elles se rendent excellemment plus fructueuses et saintes que les autres, [243] lesquelles de leur nature n'ont pas une si grande convenance avec l'amour sacré. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000768 |
Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000768 |
Or, neanmoins, quoy qu'en gros nous disions, apres le divin Apostre, que la charité souffre tout, elle croid tout, elle espere tout, elle supporte tout, et en somme qu'elle fait tout, si est-ce que nous ne laissons pas de distribuer en particulier la louange du salut des Bienheureux aux autres vertus, selon qu'elles ont excellé en un chacun; car nous disons que la foy en a sauvé les uns, l'aumosne quelques autres, la temperance, l'orayson, l'humilité, l'esperance, la chasteté les autres, parce que les actions de ces vertus ont paru avec lustre en ces Saintz. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000777 |
L'Espouse sacree blesse son Espoux avec un seul de ses cheveux, desquelz il fait tant d'estat qu'il les compare aux troupeaux des chevres de Galaad, et n'a pas plus tost loué les yeux de sa devote amante, qui sont les parties les plus nobles de tout le visage, que soudain il lotie la cheveleure, qui est la plus fresle, vile et abjecte; affin que l'on sceust qu'en une ame esprise du divin amour, les exercices qui semblent fort chetifs sont neanmoins grandement agreables a sa divine Majesté.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000785 |
Ainsy l'huile de benediction versee sur le Sauveur, comme sur le chef de l'Eglise tant militante que triomphante, se respand sur la societé des Bienheureux, qui, comme la barbe sacree de ce divin Maistre, sont tous-jours attachés a sa face glorieuse, et distille encor sur la compaignie des fideles qui, comme vestemens, sont jointz et unis par dilection a sa divine Majesté; l'une et l'autre trouppe, comme composee de freres germains, ayant a cette occasion sujet de s'escrier: O que c'est une chose bonne et agreable de voir les freres bien ensemble, comme l'unguent qui descend en la barbe, la barbe d'Aaron, et jusques au bord de son vestement!. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000785 |
Or le Saint Esprit habite en nous si nous sommes membres vivans de Jesus Christ, qui a rayson de cela disoit a ses Disciples: Qui demeure en moy et moy en luy, iceluy porte beaucoup de fruit; et c'est, [255] Theotime, parce que qui demeure en luy il participe a son divin Esprit, lequel est au milieu du cœur humain comme une vive source qui rejaillit et pousse ses eaux jusques en la vie eternelle. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000801 |
Ainsy l'amour celeste treuvant plusieurs vertus en saint Paul, en saint Ambroyse, saint Denis, saint Pachome, il respandit sur icelles une aggreable clarté, les reduisant toutes a son service; mais en la Magdeleyne, en sainte Marie Egyptiaque, au bon larron, et en cent autres telz penitens qui avoyent esté grans pecheurs, le divin amour ne treuvant aucune vertu fit la fonction et les œuvres de toutes les vertus, se rendant en iceux patient, doux, humble et liberal.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000809 |
On peut, certes, bien avoir quelque vertu et demeurer quelque peu de tems sans offencer, encores que l'on n'ayt pas le divin amour; mais tout ainsy que nous voyons parfois des arbres arrachés de terre faire quelques productions, non toutefois parfaites ni pour long tems, de mesme un cœur separé de la charité peut voirement produire quelques actes de vertu, mais non pas longuement.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000813 |
Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine qu'elle perfectionne toutes les vertus et ne peut estre perfectionnee par icelles, non pas mesme par l'obeissance, qui est celle laquelle peut le plus respandre de perfection sur les autres; car, encor bien que l'amour soit commandé et qu'en aymant nous prattiquions l'obeissance, si est ce neanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obeissance, ains de la bonté de celuy qu'il ayme, d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obeissant, mais parce qu'il ayme un bien excellent. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000838 |
Les œuvres donques que le pecheur fait tandis qu'il est privé du saint amour, ne profitent jamais pour la vie eternelle, et pour cela sont appellees œuvres mortes; mais les bonnes œuvres du juste sont au contraire nommees vives, d'autant que le divin amour les anime et vivifie de sa dignité. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A005000838 |
Mais comme [280] au retour du beau primtems, non seulement les nouvelles semences qu'on jette en terre a la faveur de cette belle et feconde sayson germent et bourgeonnent aggreablement, chacune selon sa qualité, mais aussi les vielles plantes que l'aspreté de l'hyver precedent avoit flestries, dessechees et amorties, reverdissent, se revigorent et reprennent leur vertu et leur vie; de mesme le peché estant aboli et la grace du |