01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html |
A001000810 |
Quoy? si personne ne trouve son salut que qui sçait lire les Escritures, que deviendront tant de pauvres idiotz? certes, ilz trouvent et cherchent leur salut asses suffisamment, quand ilz apprennent de la bouche du pasteur le sommaire de ce qu'il faut croire, esperer, aymer, faire et demander a Dieu. |
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A001001420 |
Et quand Luther dict que le croire, esperer, aymer ne sont pas operations et actions de nostre volonté, mais pures passions sans aucune activité de nostre volonté, ne perd il pas tout en un coup le croire, l'esperer, l'aymer, et les change en estre creu, esperé et aymé, et combat le cœur de l'homme, qui connoist [333] bien que c'est luy qui croit, ayme, espere, par la grace de Dieu?. |
02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html |
A002000129 |
On ne peut invoquer celuy avec lequel on n'a point d'accointance ni de commerce, ou qui ne nous entend pas; mays on le peut bien aymer, par consequent honnorer, car l'un ne va pas sans l'autre. |
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A002000144 |
Se moqueroit-on pas de la jalousie de celuy qui ne voudroit que sa femme aymast ni honnorast aucun autre que luy, ni parens, ni amis, ni ceux auxquelz luy mesme feroit honneur et reverence? Seroit-ce pas une jalousie desreglee, puysque l'honneur et l'amour qu'une femme doit a son mari l'oblige d'aymer et honnorer tous ceux qui l'attouchent? Certes la jalousie touche principalement a l'amour. |
03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html |
A003000102 |
Chapitre VI. Que l'humilité nous fait aymer nostre propre abjection. |
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A003000442 |
Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le connoistre, la memoire pour vous souvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses bienfaitz, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, et ainsy des autres facultés. |
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A003000472 |
Ha donq, Philothee, retires vostre cors de telles et telles voluptés, rendes-le sujet au service de Dieu qui a tant fait pour luy; appliques vostre ame a le connoistre et reconnoistre, par telz et telz exercices qui sont requis pour cela; employés soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu. |
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A003000607 |
O Jesus, mon Sauveur, j'accepte vostre amour eternel, et advouë l'acquisition que vous aves faite pour moy d'une place et logis en cette bienheureuse Hierusalem, non tant pour aucune autre chose, comme pour vous aymer et benir a jamais.. |
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A003000636 |
Et me convertissant a mon Dieu debonnaire et pitoyable, je desire, propose, delibere et me resous irrevocablement de le servir et aymer maintenant et eternellement, luy donnant a ces fins, dediant et consacrant mon esprit avec toutes ses facultés, mon ame avec toutes ses puissances, mon cœur avec toutes ses affections, mon cors avec tous ses sens; protestant de ne jamais plus abuser d'aucune partie de mon estre contre sa divine volonté et souveraine Majesté, a laquelle je me sacrifie et immole en esprit, pour luy estre a jamais loyale, obeissante et fidelle creature, sans que je veuille onques m'en desdire ni repentir. |
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A003000702 |
Par exemple, la premiere parole que Nostre Seigneur dit sur la Croix respandra sans doute une bonne affection d'imitation en vostre ame, a sçavoir, le desir de pardonner a vos ennemis et de les aymer. |
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A003000829 |
Si les mondains vous demandent pourquoy vous communies si souvent, dites leur que c'est pour apprendre a aymer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en [121] vos foiblesses. |
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A003000853 |
Mais pour tout cela, il ne faut pas pretendre a telles graces, puisqu'elles ne sont nullement necessaires pour bien servir et aymer Dieu, qui doit estre nostre unique pretention; aussi, bien souvent ne sont-ce pas des graces qui puissent estre acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plustost des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous. |
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A003000890 |
Or, je dis maintenant qu'il ne faut pas seulement aymer le mal, ce qui se fait par la vertu de la patience; mays il faut aussi cherir l'abjection, ce qui se fait par la vertu de l'humilité.. |
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A003000890 |
Or, le haut point de cette humilité gist a non seulement reconnoistre volontairement nostre abjection, mais l'aymer et s'y complaire, et non point par manquement de courage et generosité, mais pour exalter tant plus la divine Majesté, et estimer beaucoup plus le prochain en comparayson de nous mesmes. |
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A003000891 |
Tombant emmi la rue, outre le mal l'on en reçoit de la honte; il faut aymer cette abjection.. |
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A003000891 |
Un jeune gentilhomme ou une jeune dame qui ne s'abandonnera pas au desreglement d'une troupe desbauchee, a parler, jouer, danser, boire, vestir, sera brocardé et censuré par les autres, et sa modestie sera nommee ou bigoterie ou affaiterie: aymer cela, c'est aymer son abjection. |
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A003000994 |
on peut aymer sans estre aymé, et lhors il y a de l'amour, mais non pas de l'amitié, d'autant que l'amitié est un amour mutuel, et s'il n'est pas mutuel ce n'est pas amitié. |
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A003001006 |
Helas, nous n'avons pas d'amour a beaucoup près de ce que nous avons besoin; je veux dire, il s'en faut infiniment que nous en ayons asses pour aymer Dieu, et cependant, miserables que nous sommes, nous le prodiguons et espanchons en choses sottes et vaynes et frivoles, comme si nous en avions de reste. |
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A003001011 |
O qu'il fait bon aymer en terre comme l'on ayme au Ciel, et apprendre a s'entrecherir en ce monde comme nous ferons eternellement en l'autre!. |
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A003001036 |
Et quelle rayson y a-il de recevoir pesle mesle les tares et imperfections de l'ami avec son amitié? Il le faut certes aymer nonobstant son imperfection, mais il ne faut ni aymer ni recevoir son imperfection; car l'amitié requiert la communication du bien et non pas du mal. |
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A003001057 |
Il faut aymer le prochain comme soy mesme: pour monstrer qu'on l'ayme, il ne faut pas fuir d'estre avec luy, et pour tesmoigner qu'on s'ayme soy mesme, on doit demeurer en soy mesme quand on y est. |
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A003001063 |
Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs. |
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A003001211 |
D'aymer le mari tandis qu'il est en vie, c'est chose asses triviale entre les femmes; mais l'aymer tant qu'apres la mort d'iceluy on n'en veuille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vrayes vefves. |
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A003001339 |
Finalement, Philothee, entre toutes nos secheresses et sterilités ne perdons point courage, mais attendans en patience le retour des consolations, suivons tous-jours nostre train; ne laissons point pour cela aucun exercice de devotion, ains, s'il est possible, multiplions nos bonnes œuvres, et ne pouvans presenter a nostre cher Espoux des confitures liquides, presentons-luy en des seches, car ce luy est tout un, pourveu que le cœur qui les luy offre soit parfaittement resolu de le vouloir aymer. |
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A003001369 |
Ne prenes-vous point a bonheur de sçavoir parler a Dieu par l'orayson, d'avoir affection a le vouloir aymer, d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoyent, d'avoir evité plusieurs pechés et embarrassemens de conscience, et en fin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussies pas fait, vous unissant a cette souveraine source de graces eternelles? Ha, que ces graces sont grandes! il faut, ma Philothee, les peser au poids du sanctuaire. |
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A003001385 |
Sentes-vous en vostre cœur une certaine facilité a l'aymer et un goust particulier a savourer cet amour? Vostre cœur se recree-il point a penser a l'immensité de Dieu, a sa bonté, a sa suavité? Si le souvenir de Dieu vous arrive emmi les occupations du monde et les vanités, se fait-il point faire place, saisit-il point vostre cœur? vous semble-il point que vostre cœur se tourne de son costé et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela. |
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A003001403 |
Il faut bien aymer le mari et la femme d'un amour doux et tranquille, ferme et continuel, et que ce soit en premier lieu parce que Dieu l'ordonne et le veut. |
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A003001404 |
Examines bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous aves grande contradiction a les aymer. |
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A003001435 |
Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu et ne le peut haïr en soy mesme.. |
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A003001447 |
Consideres l'exemple des Saintz de toutes sortes: qu'est-ce qu'ilz n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devotz? Voyes ces Martyrs invincibles en leurs resolutions, quelz tourmens n'ont-ilz pas souffert pour les maintenir? Mais sur tout, ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes a douze, les autres a treize, quinze, vingt et vingt cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer a leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourans plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligés, et consoler les tourmentés, et ensevelir les trespassés. |
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A003001454 |
Ah, mon Dieu, que nous devrions profondement mettre ceci en nostre memoire: est il possible que j'aye esté aymee et si doucement aymee de mon Sauveur, qu'il allast penser a moy en particulier, et en toutes ces petites occurrences par lesquelles il m'a tiree a luy? et combien donq devons nous aymer, cherir et bien employer tout cela a nostre utilité. |
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A003001458 |
Mais quand commença-il a vous aymer? Il commença quand il commença a estre Dieu. |
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A003001615 |
Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le cognoistre, la memoire pour vous resouvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses biens-faits, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, ainsi des autres sens.. |
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A003001648 |
Ah doncques retirez, Philothee, vostre corps de telles et telles voluptés: rendez le subject au service de Dieu, qui a tant fait pour luy: appliquez vostre ame à le cognoistre, et recognoistre par tels et tels exercices qui sont requis pour cela: employez soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu; ouy, je frequenteray l'oraison, les Sacremens, j'escouteray la sainte parolle, je pratiqueray les inspirations.. |
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A003002063 |
Il faut aymer le prochain comme soy-mesme. |
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A003002345 |
Sentez vous en vostre cœur une certaine facilité à l'aymer, et un goust particulier à savourer cet amour? vostre cœur se recrée il point à penser à l'immensité de Dieu, à sa bonté, à sa suavité? si le souvenir de Dieu vous arrive emmy les occupations du monde, et les vanitez, se fait il point faire place? saisit il point vostre cœur? vous semble il point que vostre cœur se tourne de son costé, et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela.. |
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A003002364 |
Examinés bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous avez grande contradiction à les aymer.. |
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A003002397 |
Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut hayr en soy-mesme: voyez vostre cœur comme il est genereux; et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, mais elles s'arrestent seulement sur les fleurs; ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir. |
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A003002408 |
Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes; qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces Martyrs invincibles en leurs resolutions; quels tourmens n'ont ils pas soufferts pour la maintenir? mais sur tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que le lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité; les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt et cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourant plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez. |
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A003002415 |
Ah mon Dieu, que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire! Est il possible que j'aye esté aymé et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser en moy, en mon particulier, en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy: et combien doncques devons nous aymer, cherir, et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux; ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eut point eu d'autre ame au monde en qui il eut pensé; ainsi que le Soleil esclairant un endroit de la terre, ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairast point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul. |
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A003002419 |
Mais quand commença-il à vous aymer? il commença quand il commença à estre Dieu. |
04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A004000030 |
Chapitre XVI. Que nous avons une inclination naturelle d'aymer Dieu sur toutes choses. |
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A004000031 |
Chapitre XVII. Que nous n'avons pas naturellement le pouvoir d'aymer Dieu sur toutes choses 35. |
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A004000032 |
Chapitre XVIII. Que l'inclination naturelle que nous avons d'aymer Dieu n'est pas inutile. |
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A004000043 |
Chapitre X. Que nous repoussons bien souvent l'inspiration et refusons d'aymer Dieu. |
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A004000139 |
Le Pere Jean de Jesus Maria, de l'Ordre des Carmes deschaussés, a composé un livret qui porte de mesme le nom de l'Art d'aymer Dieu, lequel est fort estimé. |
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A004000139 |
Le Pere Louys Richeome, de la Compaignie de Jesus, a aussi publié un livre sous le tiltre de l'Art d'aymer Dieu par les creatures; et cet autheur est tant aymable en sa personne et en ses beaux escritz, qu'on ne peut douter qu'il ne le soit encor plus, escrivant de l'amour mesme. |
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A004000140 |
Nous voyons de plus un grand et magnifique Palais que le Reverend Pere Laurens de Paris, predicateur de l'Ordre des Capucins, bastit a l'honneur de l'amour divin, lequel estant achevé sera un cours accompli de la science de bien aymer. |
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A004000205 |
Mays pour tout cela il ne s'ensuit pas que la volonté [33] ne soit encor regente sur l'amour, d'autant que la volonté n'ayme qu'en voulant aymer, et, de plusieurs amours qui se presentent a elle, elle peut s'attacher a celuy que bon luy semble: autrement il n'y auroit point d'amour ni prohibé ni commandé. |
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A004000252 |
Or, quand l'union est naturelle, elle produit l'amour, et l'amour qu'elle produit nous porte a une nouvelle union volontaire qui perfectionne la naturelle: ainsy le pere et le filz, la mere et la fille, ou deux freres, estans naturellement unis par la communication d'un mesme sang, sont excités par cette union a l'amour, et par l'amour sont portés a une union de volonté et d'esprit qui peut estre dite volontaire, d'autant qu'encor que son fondement soit naturel, son action neanmoins est deliberee; et en ces amours produitz par l'union naturelle, il ne faut point chercher d'autre correspondance que celle de l'union mesme, par laquelle la nature prevenant la volonté, l'oblige d'appreuver, aymer et perfectionner l'union qu'elle a [54] des-ja faitte. |
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A004000303 |
Nostre ame donques, considerant que rien ne la contente parfaittement et que sa capacité ne peut estre remplie par chose quelconque qui soit au monde, voyant que son entendement a une inclination infinie de sçavoir tous-jours davantage, et sa volonté un appetit insatiable d'aymer et treuver du bien, n'a-elle pas rayson d'exclamer: Ah, donques je ne suis pas faite pour ce monde! Il y a quelque souverain bien duquel je depens, et quelque ouvrier infini qui a imprimé en moy cet interminable desir de sçavoir et cet appetit qui ne peut estre assouvi: c'est pourquoy il faut que je tende et [76] m'estende vers luy, pour m'unir et joindre a sa bonté a laquelle j'appartiens et suis. |
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A004000307 |
S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee. |
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A004000308 |
Or, bien que l'estat de nostre nature humaine ne soit pas maintenant doué de la santé et droitture originelle que le premier homme avoit en sa creation, et qu'au contraire nous soyons grandement depravés par le peché, si est ce toutefois que la sainte inclination d'aymer Dieu sur toutes choses nous est demeuree, comme aussi la lumiere naturelle par laquelle nous connoissons que sa souveraine bonté est aymable sur toutes choses; et n'est pas possible qu'un homme pensant attentivement en Dieu, voire mesme par le seul discours naturel, ne ressente un certain eslan d'amour que la secrette inclination de nostre nature suscite au fond du cœur, par lequel, a la premiere apprehension de ce premier et souverain object, la volonté est prevenue et se sent excitee a se complaire en iceluy.. |
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A004000309 |
Il en est de mesme, Theotime, de nostre cœur; car quoy qu'il soit couvé, nourri et eslevé emmi les choses corporelles, basses et transitoires, et, par maniere de dire, sous les aysles de la nature, neanmoins, au premier regard qu'il jette en Dieu, a la premiere connoissance qu'il en reçoit, la naturelle et premiere inclination d'aymer Dieu, qui estoit comme assoupie et imperceptible, se resveille en un instant, et a l'improuveu paroist, comme une estincelle qui sort d'entre les cendres, laquelle touchant nostre volonté, luy donne un eslan de l'amour supreme deu au souverain et premier Principe de toutes choses. |
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A004000313 |
Ainsy nos espritz, animés d'une sainte inclination naturelle envers la Divinité, ont bien plus de clarté en l'entendement pour voir combien elle est aymable, que de force en la volonté pour l'aymer: car le peché a beaucoup plus debilité la volonté humaine, qu'il n'a offusqué l'entendement, et la rebellion de l'appetit sensuel, que nous appelions concupiscence, trouble voirement l'entendement, mais c'est pourtant contre la volonté qu'il excite principalement la sedition et revolte; si que la pauvre volonté, des-ja toute infirme, estant agitee des continuelz assautz que la concupiscence luy livre, ne peut faire un si grand progres en l'amour divin, comme la rayson et inclination naturelle luy suggerent qu'elle devroit faire. |
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A004000313 |
Et quant a Platon, il se declare asses [80] en la celebre definition de la philosophie et du philosophe, disant que philosopher n'est autre chose qu'aymer Dieu, et que le philosophe n'estoit autre que l'amateur de Dieu. |
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A004000313 |
Helas, Theotime, quelz beaux tesmoignages, non seulement d'une grande connoissance de Dieu, mays aussi d'une forte inclination envers iceluy, ont esté laissés par ces grans philosophes, Socrate, Platon, Trismegiste, Aristote, Hippocrate, Seneque, Epictete! Socrate, le plus loüé d'entr'eux, connoissoit clairement l'unité de Dieu, et avoit tant d'inclination a l'aymer que, comme saint Augustin tesmoigne, plusieurs ont estimé qu'il n'enseigna jamais la philosophie morale pour autre occasion que pour espurer les espritz, affin qu'ilz peussent mieux contempler le souverain bien qui est la tres unique Divinité. |
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A004000314 |
Mais, o Dieu eternel! ces grans espritz qui avoyent tant de connoissance de la Divinité et tant de propension a l'aymer, ont tous manqué de force et de courage a la bien aymer. |
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A004000317 |
Car ainsy nostre cœur humain produit bien naturellement certains commencemens d'amour envers Dieu, mais d'en venir jusques a l'aymer sur toutes choses, qui est la vraye maturité de l'amour deu a cette supreme Bonté, cela n'appartient qu'aux cœurs animés et assistés de la grace celeste et qui sont en l'estat de la sainte charité; et ce petit amour imparfait, duquel la nature en elle mesme sent les eslans, ce n'est qu'un certain vouloir sans vouloir, un vouloir qui voudrait mais qui ne veut pas, un vouloir sterile qui ne produit point de vrays effectz, un vouloir paralytique qui void la piscine salutaire du saint amour mais qui n'a pas la force de s'y jetter; et en fin, ce vouloir est un avorton de la bonne volonté, qui n'a pas la vie de la genereuse vigueur [82] requise pour en effect preferer Dieu a toutes choses: dont l'Apostre, parlant en la personne du pecheur, s'escrie: Le vouloir est bien en moy, mais je ne treuve pas le moyen de l'accomplir.. |
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A004000321 |
Mais si nous ne pouvons pas naturellement aymer Dieu sur toutes choses, pourquoy donq avons-nous naturellement inclination a cela? la nature est-elle pas vaine de nous inciter a un amour qu'elle ne nous peut donner? pourquoy nous donne-elle la soif d'une eau si pretieuse, puisqu'elle ne peut nous en abbreuver? Ha, Theotime, que Dieu nous a esté bon! La perfidie que nous avions commise en l'offençant meritoit certes qu'il nous privast de toutes les marques de sa bienveuillance, et de la faveur qu'il avoit exercee envers nostre nature, Ihors qu'il imprima sur elle la lumiere de son divin visage et qu'il donna a nos cœurs l'allegresse de se sentir enclins a l'amour de la divine Bonté, affin que les Anges, voyans ce miserable homme, eussent occasion de dire par compassion: Est-ce la, la creature de parfaite beauté, l'honneur de toute la terre?. |
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A004000322 |
Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus.. |
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A004000323 |
L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté. |
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A004000399 |
En quoy il tesmoigne bien, Theotime, qu'il ne nous a pas laissé l'inclination naturelle de l'aymer, pour neant; car affin qu'elle ne soit oyseuse, il nous presse de l'employer par ce commandement general, et affin que ce commandement puisse estre prattiqué, il ne laisse homme qui vive auquel il ne fournisse abondamment tous les moyens requis a cet effect.. |
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A004000399 |
Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer. |
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A004000400 |
Or, vivre selon Dieu, c'est aymer; et qui n'ayme pas, il demeure en la mort. |
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A004000401 |
Certes, cette riche, comble et plantureuse suffisance de moyens que Dieu eslargit aux pecheurs pour l'aymer, paroist presque par tout en l'Escriture: car voyes ce divin Amant a la porte; il ne bat pas simplement, il s'arreste a battre, il appelle l'ame: Sus, leve toy, ma bienaymee, depesche toy, et met sa main dans la serreure, pour voir s'il pourroit point ouvrir; s'il presche emmi les places, il ne presche pas simplement, mais il va criant, c'est a dire, il continue a crier; s'il exclame qu'on se convertisse, il semble qu'il ne l'a jamais asses repeté: Convertisses-vous, convertisses-vous, faites penitence, retournés a moy, vivés; pourquoy mourres-vous, mayson d'Israël? En somme, ce divin Sauveur n'oublie rien pour monstrer que ses miserations sont sur toutes ses œuvres, que sa misericorde surpasse son jugement, que sa redemption est copieuse, que son amour est infini, et, comme dit l'Apostre, qu'il est riche en misericorde, et que par consequent il voudrait que tous les hommes fussent sauvés, et qu'aucun ne perist. |
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A004000401 |
Or, qu'est ce a dire tout cela, Theotime, sinon que Dieu ne nous donne pas seulement une simple suffisance de moyens pour l'aymer, et en l'aymant nous sauver, mais que c'est une suffisance riche, ample, magnifique, et telle qu'elle doit estre attendue d'une si grande bonté comme est la sienne? Le grand Apostre, parlant au pecheur obstiné: Mesprises-tu, dit-il, les richesses de la bonté, patience et longanimité de Dieu? ignores-tu que la benignité de Dieu t'amene a penitence? Mays toy, selon ta dureté et ton cœur [113] impenitent, tu te fays un thresor d'ire au jour de l'ire. |
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A004000448 |
Mais ne faut il pas qu'en effect je sois infiniment aymable, puisque les sombres tenebres et les espais brouillars entre lesquelz je suis, non pas veüe mais seulement entreveüe, ne me peuvent empescher d'estre si aggreable, que l'esprit, me cherissant sur tout, fendant la presse de toutes autres connoissances, il me fait faire place et me reçoit comme sa reyne, dans le trosne le plus relevé qui soit en son palais, d'ou je donne la loy a toute science et assujettis tout discours et tout sentiment humain? Ouy vrayement, Theotime, tout ainsy que les chefz de l'armee d'Israël se despouillans de leurs vestemens, les mirent ensemble et en firent comme un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, crians: Jehu est roy, de mesme, a l'arrivee de la foy, l'esprit se despouille de tous discours et argumens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux, la reconnoissant comme reyne, et crie avec une grande joye: Vive la foy! Les discours et argumens pieux, les miracles et autres avantages de la religion chrestienne, la rendent certes extremement croyable et connoissable; mays la seule foy la rend creüe et reconneüe, faysant aymer la beauté de sa verité [134] et croire la verité de sa beauté, par la suavité qu'elle respand en la volonté et la certitude qu'elle donne a l'entendement. |
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A004000455 |
Certes, ou que nous veuillions ou que nous ne veuillions pas, nostre esprit tend au souverain bien: mays qui est ce souverain bien? Nous ressemblons a ces bons Atheniens qui faysoient sacrifice au vray Dieu, lequel neanmoins leur estoit inconneu, jusques a ce que le grand saint Paul leur en annonça la connoissance: car ainsy nostre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions et pretend a la felicité, et la va cherchant ça et la, comme a tastons, sans sçavoir toutefois ni ou elle reside ni en quoy elle consiste, jusques a ce que la foy la luy monstre et luy en descrit les merveilles [138] infinies: et lhors ayant treuvé le tresor qu'il cherchoit, helas, quel contentement a ce pauvre cœur humain, quelle joye, quelle complaysance d'amour! Hé, je l'ay rencontré, Celuy que mon ame cherchoit sans le connoistre; o que ne sçavois-je a quoy tendoyent mes pretentions quand rien de tout ce que je pretendois ne me contentoit, parce que je ne sçavois pas ce que, en effect, je pretendois! Je pretendois d'aymer, et ne connoissois pas ce qu'il failloit aymer; et partant, ma pretention ne treuvant pas son veritable amour, mon amour estoit tous-jours en une veritable mais inconneüe pretention: j'avois bien asses de presentiment d'amour pour me faire pretendre, mays je n'avois pas asses de sentiment de la bonté qu'il failloit aymer, pour exercer l'amour.. |
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A004000479 |
Je ne dis pas, toutefois, qu'il revienne tellement a nous, qu'il nous fasse aymer Dieu seulement pour l'amour de nous: o Dieu, nenny; car l'ame qui n'aymeroit Dieu que pour l'amour d'elle mesme, establissant la fin de l'amour qu'elle porte a Dieu en sa propre commodité, helas, elle commettroit un extreme sacrilege. |
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A004000479 |
Si une femme n'aymoit son mari que pour l'amour de son valet, elle aymeroit son mari en valet et son valet en mari; l'ame aussi qui n'ayme Dieu que pour l'amour d'elle mesme, elle s'ayme comme elle devroit aymer Dieu, et elle ayme Dieu comme elle se devroit aymer elle mesme.. |
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A004000481 |
Ouy, sans doute, Theotime, car quand nous aymons Dieu comme nostre souverain bien, nous l'aymons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous a luy; nous ne sommes pas sa fin, sa pretention ni sa perfection, ains il est la nostre; il ne nous appartient pas, mais nous luy appartenons; il ne depend point de nous, ains nous de luy; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l'aymons, il ne reçoit rien de nous, ains nous recevons de luy; il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous prattiquons nostre indigence et disett: de sorte que, aymer Dieu en tiltre du souverain bien, c'est l'aymer en tiltre honnorable et respectueux, par lequel nous l'advoüons estre nostre perfection, nostre repos et nostre fin, en la jouissance de laquelle consiste nostre bonheur.. |
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A004000482 |
Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux. |
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A004000531 |
Or cette amitié n'est pas une simple amitié, mais amitié de dilection, par laquelle nous faysons election de Dieu pour l'aymer d'amour particulier. |
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A004000533 |
La charité donq est un amour d'amitié, une amitié de dilection, une dilection de preference, mais de preference incomparable, souveraine et surnaturelle, laquelle est comme un soleil en toute l'ame pour l'embellir de ses rayons, en toutes les facultés spirituelles pour les perfectionner, en toutes les puissances pour les moderer, mais en la volonté, comme en son siege, pour y resider et luy faire cherir et aymer son Dieu sur toutes choses. |
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A004000543 |
La vraye vertu n'a point de limites, elle va tous-jours outre; mais sur tout la sainte charité, qui est la vertu des vertus, et laquelle ayant un object infini, seroit capable de devenir infinie si elle rencontroit un cœur capable de l'infinité, rien n'empeschant cet amour d'estre infini que la condition de la volonté qui le reçoit et qui doit agir par iceluy; condition a rayson de laquelle, comme jamais personne ne verra Dieu autant qu'il est visible, aussi onques nul ne le peut aymer autant qu'il est aymable. |
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A004000543 |
Le cœur qui pourroit aymer Dieu d'un amour egal a la divine bonté, auroit une volonté infiniment bonne, et cela ne peut estre qu'en Dieu seul. |
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A004000627 |
Au Ciel, Theotime, l'attention amoureuse des Bienheureux est ferme, constante, inviolable, qui ne peut ni perir ni diminuer; leur intention est tous-jours pure, exempte du meslange de toute autre intention inferieure: en somme, ce bonheur de voir Dieu clairement et de l'aymer invariablement est incomparable. |
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A004000634 |
Certes, le [192] Chrestien doit aymer son cors comme une image vivante de celuy du Sauveur incarné, comme issu de mesme tige avec iceluy, et, par consequent, luy appartenant en parentage et consanguinité; sur tout apres que nous avons renouvellé l'alliance par la reception reelle de ce divin Cors du Redempteur au tres adorable Sacrement de l'Eucharistie, et que, par le Baptesme, Confirmation et autres Sacremens, nous nous sommes dediés et consacrés a la souveraine Bonté.. |
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A004000634 |
Ouy, Theotime, cette Reyne celeste ne s'endormoit jamais que d'amour, puisqu'elle ne donnoit aucun repos a son pretieux cors que pour le revigorer, affin qu'il servist mieux son Dieu par apres; acte, certes, tres excellent de charité, car, comme dit le grand saint Augustin, elle nous «oblige d'aymer nos cors convenablement,» entant qu'ilz sont requis aux bonnes œuvres, qu'ilz sont une partie de nostre personne et qu'ilz seront participans de la felicité eternelle. |
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A004000635 |
Mays quant a la tressainte Vierge, o Dieu, avec quelle devotion devoit elle aymer son cors virginal! non seulement parce que c'estoit un cors doux, humble, pur, obeissant au saint amour et qui estoit tout embaumé de mille sacrees suavités, mays aussi parce qu'il estoit la source vivante de celuy du Sauveur et luy appartenoit si estroittement, d'une appartenance incomparable. |
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A004000720 |
Il est impossible de voir la Divinité et ne l'aymer pas; mays ici bas, ou, sans la voir, nous l'entrevoyons seulement au travers des ombres de la foy, comme en un miroüer, nostre connoissance n'est pas si grande qu'elle ne laisse encor l'entree a la surprise des autres objetz et biens appareils, lesquelz, entre les obscurités qui se meslent en la certitude et verité de la foy, se glissent insensiblement comme petitz renardeaux, et demolissent nostre vigne fleurie. |
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A004000783 |
Hé, que pouvons-nous craindre, ains, que ne devons-nous pas esperer, estans enfans d'un Pere si riche en bonté pour nous aymer et vouloir sauver, si sçavant pour preparer les moyens convenables a cela, et si sage pour les appliquer; si bon pour vouloir, si clairvoyant pour ordonner, si prudent pour executer!. |
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A004000788 |
La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur. |
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A004000789 |
Ainsy la charité, par la multitude des actes qu'elle produit, imprime en nous une certaine facilité d'aymer, laquelle elle nous laisse apres mesme que nous sommes privés de sa presence.. |
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A004000828 |
Ah, les justes et bons vous ayment! et comme pourroit-on estre bon et n'aymer pas une si grande bonté? Les princes terrestres ont leurs tresors es cabinetz de leur palais, leurs armes en leurs arsenalz: mays le Prince celeste, il a son tresor en son sein, ses armes dans sa poitrine; et parce que son tresor est sa bonté, comme ses armes sont ses amours, son sein et sa poitrine ressemble a celle d'une douce mere qui a deux beaux tetins comme deux cabinetz, riches en douceur de bon lait, armés d'autant de traitz pour assujettir le cher petit poupon comme il en peut faire de traittes en tettant.. |
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A004000846 |
Quand nostre volonté a rencontré Dieu, elle se repose en luy, y prenant une souveraine complaysance, et nenmoins elle ne laisse pas de faire le mouvement de son desir; car, comme elle desire d'aymer elle ayme aussi de desirer, elle a le desir de l'amour et l'amour du desir. |
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A004000975 |
Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a sa volonté en la loy du Seigneur, et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; mais au second Psalme: Pourquoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont-ilz medité choses vaines? La meditation, donques, se fait pour le bien et pour le mal: toutefois, d'autant qu'en l'Escriture Sainte le mot de meditation est employé ordinairement pour l'attention que l'on a aux choses divines, affin de s'exciter a les aymer, il a esté, par maniere de dire, canonizé du commun consentement des theologiens, aussi bien que le nom d'ange et de zele, comme au contraire, celuy de dol et de demon a esté diffamé; si que maintenant, quand on nomme la medication, on entend parler de celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique.. |
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A004000987 |
La veüe de tant de merveilles engendra dans son cœur un extreme amour, et cet amour produisit un nouveau desir de voir tous-jours plus et jouir de la presence de celuy auquel elle les avoit veües, dont elle s'escrie: Hé, que bienheureux sont les serviteurs qui sont tous-jours autour de vous et oyent vostre sapience! Ainsy nous commençons quelquefois a manger pour exciter nostre appetit, mays l'appetit estant resveillé nous poursuivons a manger pour contenter l'appetit; et nous considerons au commencement la bonté de Dieu pour exciter nostre volonté a l'aymer, mays l'amour estant formé dans nos cœurs, nous considerons cette mesme bonté pour contenter nostre amour, qui ne se peut assouvir de tous-jours voir ce qu'il ayme. |
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A004000988 |
L'amour, par une imperceptible faculté, fait paroistre la beauté que l'on ayme, plus belle, et la veüe pareillement affine l'amour pour luy faire treuver la beauté plus aymable; l'amour presse les yeux de regarder tous-jours plus attentivement la beauté bienaymee, et la veüe force le cœur de l'aymer tous-jours plus ardemment.. |
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A004000992 |
Mais qui a plus de force, je vous prie, ou l'amour pour faire regarder le Bienaymé ou la veüe pour le faire aymer? Theotime, la connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais nous ne sçaurions aymer ce que nous ne connoissons pas; et a mesure que la connoissance attentive du bien s'augmente, l'amour aussi prend davantage de croissance, pourveu qu'il n'y ayt rien qui empesche son mouvement. |
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A004000993 |
Le fameux abbé de Saint André de Verceil, maistre de saint Anthoine de Padoüe, en ses Commentaires sur saint Denys, repete plusieurs fois que «l'amour penetre ou la science exterieure ne sçauroit atteindre,» et dit que «plusieurs Evesques ont jadis penetré le mistere de la Trinité, quoy qu'ilz ne fussent pas doctes;» admirant sur ce propos son disciple saint Anthoine de Padoüe «qui, sans science mondayne, avoit une si profonde theologie mistique, que comme un autre saint Jean Baptiste on le pouvoit nommer une lampe luisante et ardente.» «Le bienheureux frere Gilles, des premiers compaignons de saint François, dit un jour a saint Bonaventure: O que vous estes heureux, vous autres doctes, car vous sçaves maintes choses par lesquelles vous loües Dieu; mays nous autres idiotz que ferons nous? Et saint Bonaventure respondit: La grace de pouvoir aymer Dieu suffit. |
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A004000993 |
Mays, mon Pere, repliqua frere Gilles, un ignorant peut il autant aymer Dieu qu'un lettré? Il le peut, dit saint Bonaventure, ains je vous dis qu'une pauvre simple femme peut autant aymer Dieu qu'un docteur en theologie. |
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A004000995 |
Or cela arrive encor plus fortement en l'amour sacré, d'autant que nostre volonté n'y est pas appliquee par une connoissance naturelle, mays par la lumiere de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne asses de sujet de l'aymer de tout nostre pouvoir. |
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A004000996 |
Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés. |
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A004001003 |
C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles.. |
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A004001075 |
Mays, Theotime, parlant de l'amour sacré, il y a en [349] la prattique d'iceluy une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait quelquefois en l'ame qu'il veut grandement perfectionner: car il luy donne des sentimens admirables et des attraitz non pareilz pour sa souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de l'aymer; et lhors elle s'eslance de force comme pour voler plus haut vers son divin objet, mays demeurant courte parce qu'elle ne peut pas tant aymer comme elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale. |
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A004001075 |
O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur.. |
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A004001076 |
Ce cœur amoureux de son Dieu, desirant infiniment d'aymer, void bien que neanmoins il ne peut ni asses aymer ni asses desirer. |
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A004001076 |
Or ce desir qui ne peut reuscir est comme un dard dans le flanc d'un esprit genereux; [350] mais la douleur qu'on en reçoit ne laisse pas d'estre aymable, d'autant que quicomque desire bien d'aymer, ayme aussi bien a desirer, et s'estimeroit le plus miserable de l'univers s'il ne desiroit continuellement d'aymer ce qui est si souverainement aymable: desirant d'aymer il reçoit de la douleur, mays aymant a desirer il reçoit de la douceur.. |
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A004001077 |
Celuy des mortelz qui ne desire pas d'aymer davantage la divine Bonté, il ne l'ayme pas asses: la suffisance en ce divin exercice ne suffit pas a celuy qui s'y veut arrester comme si elle luy suffisoit. |
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A004001077 |
Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour. |
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A004001081 |
Les avettes ne blessent jamais qu'elles ne demeurent blessees a mort: voyans aussi le Sauveur de nos ames blessé d'amour pour nous jusques a la mort, et la mort de la croix, comme pourrions-nous n'estre pas blessés pour luy! mais je dis blessés d'une playe d'autant plus douloureusement amoureuse que la sienne a esté amoureusement douloureuse, et que jamais nous ne le pouvons tant aymer que son amour et sa mort le requierent. |
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A004001083 |
Helas, [353] cette pauvre ame qui sent bien qu'elle est resolue de plustost mourir que d'offencer son Dieu, mais ne sent pas neanmoins un seul brin de ferveur, ains au contraire une froideur extreme qui la tient toute engourdie, et si foible qu'elle tumbe a tous coups en des imperfections fort sensibles, cette ame, dis-je, Theotime, elle est toute blessee, car son amour est grandement douloureux de voir que Dieu fait semblant de ne voir pas combien elle l'ayme, la laissant comme une creature qui ne luy appartient pas; et luy est advis qu'emmi ses defautz, ses distractions et froideurs, Nostre Seigneur descoche contre elle ce reproche: Comme peux-tu dire que tu m'aymes, puisque ton ame n'est pas avec moy? ce qui luy est un dard de douleur au travers de son cœur; mais un dard de douleur qui procede d'amour, car si elle n'aymoit pas elle ne seroit pas affligee de l'apprehension qu'elle a de ne pas aymer.. |
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A004001084 |
La vie passee est en horreur a la vie presente de celuy qui a passé sa vie precedente sans aymer la souveraine Bonté.. |
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A004001084 |
Quelquefois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir que nous avons d'avoir esté jadis sans aymer Dieu: «O que tard je vous ay aymé, Beauté antique et nouvelle!» disoit ce Saint qui avoit esté trente ans heretique. |
05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A005000036 |
Chapitre IX. Suite du discours commencé; comme chacun doit aymer, quoy que non pas prattiquer, tous les conseilz evangeliques, et comme néanmoins chacun doit prattiquer ce qu'il peut. |
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A005000059 |
Du commandement d'aymer Dieu sur toutes choses. |
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A005000060 |
De la douceur du commandement que Dieu nous a fait de l'aymer sur toutes choses 72. |
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A005000062 |
Chapitre III. Comme tout le cœur estant employé en l'amour sacré, on peut neanmoins aymer Dieu differemment et aymer encor plusieurs autres choses avec Dieu. |
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A005000064 |
Chapitre V. De deux autres degrés de plus grande perfection avec lesquelz nous pouvons aymer Dieu sur toutes choses. |
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A005000069 |
Chapitre X. Comme nous devons aymer la divine Bonté souverainement plus que nous mesmes. |
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A005000101 |
Chapitre II. Qu'il faut avoir un désir continuel d'aymer. |
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A005000199 |
Ainsy Dieu, Pere de toute lumiere, souverainement bon et beau, par sa beauté attire nostre entendement a le contempler, et par sa bonté il attire nostre volonté a l'aymer. |
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A005000200 |
Il est vray que, comme j'ay des-ja signifié, l'entendement entre quelquefois en admiration voyant la sacree delectation que la volonté a en son extase, comme la volonté reçoit souvent de la delectation appercevant l'entendement en admiration; de sorte que ces deux facultés s'entrecommuniquent leurs ravissemens, le regard de la beauté nous la faisant aymer, et l'amour nous la faisant regarder. |
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A005000200 |
On n'est guere souvent eschauffé des rayons du soleil qu'on n'en soit esclairé, ni esclairé qu'on n'en soit eschauffé; l'amour fait facilement admirer, et l'admiration facilement aymer.. |
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A005000206 |
Je ne dis pas qu'on ne puisse avoir des ravissemens, des visions, mesme prophetiques, sans avoir la charité; car je sçay bien que, comme on peut avoir la charité sans estre ravi et sans prophetiser, aussi peut-on estre ravi et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui en son ravissement a plus de clarté en l'entendement pour admirer Dieu que de chaleur en la volonté pour l'aymer, il doit estre sur ses gardes, car il y a danger que cette extase ne soit fause et ne rende l'esprit plus enflé qu'edifié, le mettant [26] voirement, comme Saül, Balaam et Caïphe, entre les prophetes, mais le laissant néanmoins entre les repreuvés.. |
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A005000208 |
Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation.. |
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A005000221 |
Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci. |
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A005000262 |
Quand le Sauveur estoit encor petit enfant, le grand Joseph son Pere nourricier, et la tres glorieuse Vierge sa Mere, l'avoyent porté maintefois, et specialement au passage qu'ilz firent de Judee en Egypte et d'Egypte en Judee: hé, qui doutera donq que ce saint Pere, parvenu a la fin de ses jours, n'ayt reciproquement esté porté par son divin Nourrisson au passage de ce monde en l'autre, dans le sein d'Abraham, pour de la le transporter dans le sien, a la gloire, le jour de son Ascension? Un Saint qui avoit tant aymé en sa vie ne pouvoit mourir que d'amour; car son ame ne pouvant a souhait aymer son cher Jesus entre les distractions de cette vie, et ayant achevé le service qui estoit requis au bas aage d'iceluy, que restoit-il sinon qu'il dist au Pere eternel: O Pere, j'ay accompli l'œuvre que vous m'avies donnee en charge; et puis au Filz: O mon Enfant, comme vostre Pere celeste remit vostre cors entre mes mains au jour de vostre venue en ce monde, ainsy en ce jour de mon despart de ce monde je remetz mon esprit entre les vostres.. |
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A005000292 |
Nous avons eu une extreme complaysance a voir que Dieu est souverainement bon; et partant nous desirons, par l'amour de bienveuillance, que tous les amours qu'il nous est possible d'imaginer soyent employés a bien aymer cette bonté. |
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A005000353 |
Encor que tous les conseilz ne puissent ni doivent estre prattiqués par chasque Chrestien en particulier, si est ce qu'un chacun est obligé de les aymer tous, parce qu'ilz sont tous tres bons. |
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A005000354 |
Res-jouissons nous, Theotime, quand nous verrons des personnes entreprendre la suite des conseilz que nous ne pouvons ou ne devons pas observer; prions pour eux, benissons-les, favorisons-les et les aydons, car la charité nous oblige de n'aymer pas seulement ce qui est bon pour nous, mais d'aymer encor ce qui est bon pour le prochain.. |
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A005000355 |
Nous tesmoignerons asses d'aymer tous les conseilz quand nous observerons devotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsy que celuy qui croid un article de foy d'autant que Dieu l'a revelé par sa parole, annoncee et declairee par l'Eglise, ne sçauroit mescroire les autres, et celuy qui observe un commandement pour le vray amour de Dieu est tout prest d'observer les autres quand l'occasion s'en presentera, de mesme celuy qui ayme et estime un conseil evangelique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consecutivement tous les autres, puisqu'ilz sont aussi de Dieu. |
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A005000356 |
Vous n'estes pas obligé de rechercher celuy qui vous a offencé, car c'est a luy de revenir a soy et venir a vous pour vous donner satisfaction, puisqu'il vous a prevenu par injure et outrage; mays alles neanmoins, Theotime, faites ce que le Sauveur vous conseille, prevenes-le au bien, rendes-luy bien pour mal, jettes sur sa teste et sur son cœur un brasier ardent de tesmoignages de charité, qui le brusle tout et le force de vous aymer. |
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A005000435 |
Aymer la volonté de Dieu es consolations, c'est un bon amour, quand en verité on ayme la volonté de Dieu et non pas la consolation en laquelle elle est; neanmoins, c'est un amour sans contradiction, sans repugnance et sans effort, car, qui n'aymeroit une si digne volonté en un sujet si aggreable? 2. |
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A005000435 |
Aymer la volonté divine en ses commandemens, conseilz et inspirations, c'est un second degré d'amour, beaucoup plus parfait; car il nous porte a renoncer et quitter nostre propre volonté, et nous fait abstenir et deporter de plusieurs voluptés, mais non pas de toutes. |
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A005000435 |
Aymer les souffrances et afflictions pour l'amour de Dieu, c'est le haut point de la tressainte charité; car en cela il n'y a rien d'aymable que la seule volonté divine, il y a une grande contradiction de la part de nostre nature, et non seulement on quitte toutes les voluptés, mais on embrasse les tourmens et travaux.. |
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A005000438 |
Ainsy, certes, l'amour voulant aller a la volonté de Dieu parmi les consolations, il va tous-jours en [115] crainte, de peur de prendre le change, et qu'en lieu d'aymer le bon playsir de Dieu il n'ayme le playsir propre qui est en la consolation; mais l'amour qui tire chemin devers la volonté de Dieu en l'affliction, il marche en asseurance, car l'affliction n'estant nullement aymable en elle mesme, il est bien aysé de ne l'aymer que pour le respect de là main qui la donne. |
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A005000448 |
La resignation prefere la volonté de Dieu a toutes choses, mais elle ne laisse pas d'aymer beaucoup d'autres choses outre la volonté de Dieu. |
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A005000501 |
Au reste, il faut adorer, aymer et louer a jamais la justice vengeresse et punissante de nostre Dieu, comme nous aymons sa misericorde, parce que l'une et l'autre est fille de sa bonté: car par sa grace il nous veut faire bons, comme tres bon, ains souverainement bon qu'il est; par sa justice il veut chastier le peché, parce qu'il le hait; or il le hait, parce qu'estant souverainement bon, il deteste le souverain mal qui est l'iniquité. |
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A005000514 |
Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy. |
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A005000514 |
Certes, le cœur humain est le vray chantre du cantique de l'amour sacré, et il est luy mesme la harpe et le psalterion: or ce chantre s'escoute soy mesme pour l'ordinaire, et prend un grand playsir d'ouïr la melodie de son cantique; c'est a dire, nostre cœur aymant Dieu savoure les delices de cet amour et prend un contentement nompareil d'aymer un object tant aymable. |
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A005000514 |
Et c'est la le sujet du change; car en lieu d'aymer ce saint amour parce qu'il tend a Dieu qui est l'aymé, nous l'aymons parce qu'il procede de nous qui sommes les amans. |
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A005000514 |
Or, qui ne void qu'ainsy faisant ce n'est plus Dieu que nous cherchons, ains que nous revenons a nous mesmes, aymant l'amour en lieu d'aymer le Bienaymé; aymant, dis-je, cet amour, non pour le bon playsir et contentement de Dieu, mays pour le playsir et contentement que nous en tirons nous mesmes. |
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A005000519 |
Hé, vous vous trompés, mes chers amis, ne dites pas que c'est pour mieux aymer et servir Dieu: o nenni certes! c'est pour mieux servir vostre propre contentement, lequel vous-aymes plus que le contentement de Dieu. |
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A005000519 |
Les religieux voudroyent chanter le cantique des pasteurs, et les mariés celuy des religieux, affin, ce disent-ilz, de pouvoir mieux aymer et servir Dieu. |
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A005000520 |
Il est aussi sans doute malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant le playsir que l'on prend en son amour; mais neanmoins il y a bien a dire entre le contentement que l'on a d'aymer Dieu parce qu'il est beau, et celuy que l'on a de l'aymer parce que son amour nous est aggreable. |
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A005000521 |
Helas, soudain que la suavité et satisfaction qu'il prenoit en l'amour cessera, et que les secheresses arriveront, il quittera tout la, il ne priera plus qu'en passant: or, si c'estoit Dieu qu'il aymoit, pourquoy eust-il cessé de l'aymer, puisque Dieu est tous-jours Dieu? c'estoit donq la consolation Dieu qu'il aymoit, et non le Dieu de consolation.. |
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A005000527 |
Tandis, o Dieu, que je voy vostre douce face qui tesmoigne d'aggreer le chant de mon amour, helas, que je suis consolé! car, y a-il aucun playsir qui egale le playsir de bien plaire a son Dieu? Mais quand vous retires vos yeux de moy et que je n'apperçois plus la douce faveur de la complaysance que vous prenies en mon cantique, vray Dieu, que mon ame est en grande peyne! mais sans cesser pourtant de vous aymer fidelement et de chanter continuellement l'hymne de sa dilection, non pour aucun playsir qu'elle y treuve, car elle n'en a point, ains chante pour le pur amour de vostre volonté. |
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A005000536 |
Or il en est de mesme, Theotime, d'une ame qui est grandement chargee d'ennuis interieurs; car bien qu'elle ait le pouvoir de croire, d'esperer et d'aymer Dieu, et qu'en verité elle le fasse, toutefois elle n'a pas la force de bien discerner si elle croid, espere et cherit son Dieu, d'autant que la detresse l'occupe et accable si fort qu'elle ne peut faire aucun retour sur soy mesme pour voir ce qu'elle fait: et c'est pourquoy il luy est advis qu'elle n'a ni foy, ni esperance, ni charité, ains seulement des fantosmes et inutiles impressions de ces vertus la, qu'elle sent presque sans les sentir, et comme estrangeres, non comme domestiques de son ame. |
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A005000551 |
Mais la volonté qui est morte a soy mesme pour vivre en celle de Dieu, elle est sans aucun vouloir particulier, demeurant non seulement conforme et sujette, mais toute aneantie en elle mesme et convertie en celle de Dieu: comme on diroit d'un petit enfant qui n'a encor point l'usage de sa volonté, pour vouloir ni aymer chose quelcomque que le sein et le visage de sa chere mere; car il ne pense nullement a vouloir estre d'un costé ni d'autre, ni a vouloir autre chose quelcomque sinon d'estre entre les bras de sa mere, avec laquelle il pense estre une mesme chose, et n'est nullement en soucy d'accommoder sa volonté a celle de sa mere, car il ne sent point la sienne et ne cuyde pas d'en avoir une, laissant le soin a sa mere d'aller, de faire et de vouloir ce qu'elle treuvera bon pour luy.. |
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A005000563 |
Mon pere, respondit elle, je suis vostre, je ne sçai ce que je dois vouloir pour guerir, c'est a vous de vouloir et faire pour moy tout ce qui vous semblera bon; car, quant a moy, il me suffit de vous aymer et honnorer de tout mon cœur, comme je fay. |
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A005000585 |
Le pauvre Apelles, ne se pouvant garder d'aymer, n'osoit toutefois aymer la belle Campaspé, parce qu'elle appartenoit au grand Alexandre; mais quand il eut congé de l'aymer, combien s'en estima-il obligé a celuy qui le luy permettoit! Il ne sçavoit s'il devoit plus aymer, ou cette belle Campaspé qu'un si grand Empereur luy avoit quitté, ou ce grand Empereur qui luy avoit quitté une si belle Campaspé. |
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A005000585 |
Mais voyés, Theotime, combien cette loy d'amour est aymable! Hé, Seigneur Dieu, ne suffisoit il pas qu'il vous pleust de nous permettre ce divin amour, comme Laban permit celuy de Rachel a Jacob, sans qu'il vous pleust encor de nous y semondre par exhortations, de nous y pousser par vos commandemens? Mais non, Bonté divine, affin que ni vostre grandeur, ni nostre bassesse, ni pretexte quelcomque ne nous retardast de vous aymer, vous nous le commandés. |
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A005000585 |
O vray Dieu, si nous le sçavions entendre, mon cher Theotime, quelle obligation aurions-nous a ce souverain Bien qui non seulement nous permet, mais nous commande de l'aymer! Helas, o Dieu, je ne sçay pas si je dois plus aymer vostre infinie beauté qu'une si divine bonté m'ordonne d'aymer, ou vostre divine bonté qui m'ordonne d'aymer une si tres infinie beauté! O beauté, combien estes vous aymable, m'estant octroyee par une si immense bonté! o bonté, que vous estes amiable de me communiquer une si eminente beauté!. |
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A005000586 |
Car a mesme que la claire et belle connoissance de la divine beauté aura penetré les entendemens de ces espritz infortunés, la divine justice ostera tellement la force a la volonté, qu'elle ne pourra nullement aymer cet object que l'entendement luy proposera et representera estre tant aymable; et cette veüe qui devoit engendrer un si grand amour en la volonté, en lieu de cela y fera naistre une tristesse infinie, laquelle sera rendue eternelle par la souvenance qui demeurera a jamais en ces ames perdues de la souveraine beauté qu'ilz auront veüe: souvenance sterile de tout bien, ains fertile de travaux, de peines, de tormens et de desespoirs immortelz; d'autant qu'en la volonté se treuvera tout ensemble une impossibilité, ains une effroyable et eternelle aversion et repugnance d'aymer cette tant desirable excellence. |
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A005000586 |
Si que les miserables damnés demeureront a jamais en une rage desesperee, de sçavoir une perfection si souverainement aymable sans en pouvoir jamais avoir ni la jouissance ni l'amour, parce que tandis qu'ilz l'ont peu aymer ilz n'ont pas voulu: ilz brusleront d'une soif d'autant plus violente que le souvenir de cette source des eaux de la vie eternelle aiguisera leurs ardeurs; ilz mourront immortellement, comme des chiens, d'une faim [167] d'autant plus vehemente, que leur memoire en affinera l'insatiable cruauté par le souvenir du festin duquel ilz auront esté privés:. |
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A005000593 |
O si Dieu avoit defendu a l'homme de l'aymer, que de regretz es ames genereuses! que ne feroyent elles pas pour en obtenir la permission! David entra au hazard d'un combat extremement rude, pour avoir la fille du Roy; et qu'est ce que ne fit pas Jacob pour pouvoir espouser Rachel, et le prince Sichem, pour avoir Dina en mariage? Les damnés s'estimeroyent bienheureux s'ilz pensoyent de pouvoir quelque fois aymer Dieu, et les Bienheureux s'estimeroyent damnés s'ilz croyoient de pouvoir estre une fois privés de cet amour sacré.. |
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A005000598 |
Si aucune loy n'est imfosee au juste, parce que, prevenant la loy et sans avoir besoin d'estre sollicité par icelle, il fait la volonté de Dieu par l'instinct de la charité qui regne en son ame, combien devons nous estimer les Bienheureux de Paradis libres et exemptz de toute sorte de commandemens, puisque, de la jouissance en laquelle ilz sont de la souveraine beauté et bonté du Bienaymé, coule et procede une tres douce mais inevitable necessité en leurs espritz, d'aymer eternellement la tressainte Divinité? Nous aymerons Dieu au Ciel, Theotime, non comme liés et obligés par la loy, mais comme attirés et ravis par la joye que cet object si parfaittement aymable donnera a nos cœurs; alhors la force du commandement cessera pour faire place a la force du contentement, qui sera le fruit et le comble de l'observation du commandement. |
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A005000609 |
L'homme se donne tout par l'amour, et se donne tout autant qu'il ayme: il est donq souverainement donné a Dieu lhors qu'il ayme souverainement sa divine bonté; et quand il s'est ainsy donné il ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu. |
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A005000620 |
Entre lesquelles il y en a qui, estant nouvellement delivrees de leurs pechés et bien resolues d'aymer Dieu, sont neanmoins encor novices, apprentisses, tendres et foibles: si que elles ayment voirement la divine suavité, mais avec meslange de tant d'autres differentes affections, que leur amour sacré estant encor comme en son enfance, elles ayment avec Nostre Seigneur quantité de choses superflues, vaynes et dangereuses. |
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A005000620 |
Or, sur l'idee de ce qui se passoit en son palais, il [176] descrivit les diverses perfections des ames qui a l'avenir devoyent adorer, aymer et servir le grand Roy pacifique, Jesus Christ Nostre Seigneur. |
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A005000621 |
D'autant que tout ainsy que les jeunes fillettes ayment voirement bien leurs espoux, si elles en ont, mais ne laissent pas d'aymer grandement les bagues et bagatelles, et leurs compaignes avec lesquelles elles s'amusent esperdument a jouer, danser et folastrer, s'entretenans avec les petitz oyseaux, petitz chiens, escuyrieux et autres telz jouetz, aussi ces ames jeunes et novices ayment certes bien l'Espoux sacré, mais avec une multitude de distractions et divertissemens volontaires: de sorte que l'aymant par dessus toutes choses, elles ne laissent pas [178] de s'amuser a plusieurs choses qu'elles n'ayment pas selon luy, ains outre luy, hors de luy et sans luy. |
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A005000622 |
Et ces ames qui n'ayment rien que ce que Dieu veut qu'elles ayment, mais qui excedent en la façon d'aymer, ayment voirement la divine Bonté sur toutes choses, mais non pas en toutes choses; car les choses mesmes qu'il leur est non seulement permis mais ordonné [179] d'aymer selon Dieu, elles ne les ayment pas seulement selon Dieu, ains pour des causes et motifs qui ne sont pas certes contre Dieu, mais bien hors de Dieu: de sorte qu'elles ressemblent au phœnix qui, ayant ses premieres plumes et commençant a se renforcer, se guinde des-ja en plein air, mais n'a pourtant encor asses de force pour demeurer longuement au vol, dont il descend souvent prendre terre pour s'y reposer. |
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A005000622 |
L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour. |
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A005000622 |
Tel fut le pauvre jeune homme qui, ayant observé les commandemens de Dieu des son bas aage, ne desiroit pas les biens d'autruy, mais il affectionnoit trop tendrement ceux qu'il avoit; c'est pourquoy, quand Nostre Seigneur luy conseilla de les donner aux pauvres, il devint tout triste et melancholique: il n'aymoit rien que ce qui luy estoit loysible d'aymer, mais il l'aymoit d'un amour superflu et trop serré.. |
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A005000623 |
Ces ames donq, Theotime, ayment voirement trop ardemment et avec superfluité, mais elles n'ayment point les superfluités, ains seulement ce qu'il faut aymer. |
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A005000623 |
Et pour cela elles jouissent du lit nuptial du Salomon celeste, c'est a dire des unions, des recueillemens et des repos amoureux dont il a esté parlé au Livre V et VI; mais elles n'en jouissent pas en qualité d'espouses, parce que la superfluité avec laquelle elles affectionnent les choses bonnes, fait qu'elles n'entrent pas fort souvent en ces divines unions de l'Espoux, estant occupees et diverties pour aymer hors de luy et sans luy ce qu'elles ne devroyent aymer qu'en luy et pour luy. |
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A005000628 |
Ame toute pure, qui n'ayme pas mesme le Paradis sinon parce que l'Espoux y est aymé; mais Espoux si souverainement aymé en son Paradis, que s'il n'avoit point de Paradis a donner il n'en seroit ni [182] moins aymable ni moins aymé par cette courageuse amante, qui ne sçait pas aymer le Paradis de son Espoux, ains seulement son Espoux de Paradis, et qui ne prise pas moins le Calvaire tandis que son Espoux y est crucifié, que le Ciel ou il est glorifié. |
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A005000628 |
Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy. |
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A005000640 |
Ç'a esté un trait de la providence du Saint Esprit qu'en nostre version ordinaire, que sa divine Majesté a canonizee et sanctifiee par le Concile de Trente, le celeste commandement d'aymer est exprimé par le mot de dilection, plustost que par celuy d'aymer. |
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A005000641 |
Escoute, Israël; ton Dieu il est seul Seigneur, et partant tu l'aymeras de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton entendement et de toute ta force: parce que Dieu est seul Seigneur et que sa bonté est infiniment eminente au dessus de toute bonté, il le faut aymer d'un amour relevé, excellent et puissant au dessus de toute comparayson. |
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A005000657 |
Il est donq vray, mon Theotime, que ce ne nous est pas asses d'aymer Dieu plus que nostre propre vie, si nous ne l'aymons generalement, absolument et sans exception quelconque, plus que tout ce que nous affectionnons ou pouvons affectionner. |
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A005000657 |
O miserable Saprice, oseries vous bien dire que vous aymies Dieu comme il faut aymer Dieu, puisque vous ne preferies pas sa volonté a la passion de la hayne et rancune que vous avies contre le pauvre Nicephore? Vouloir mourir pour Dieu c'est le plus grand, mais non pas certes le seul acte de la dilection que nous devons a Dieu; et vouloir ce seul acte en rejettant les autres, ce n'est pas charité, c'est vanité. |
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A005000672 |
Ainsy les Bienheureux sont ravis et necessités, quoy que non forcés, d'aymer Dieu, duquel ilz voyent clairement la souveraine beauté; ce que l'Escriture monstre asses quand elle compare le contentement qui comble les cœurs de ces glorieux habitans de la Hierusalem celeste a un torrent et fleuve impetueux, duquel on ne peut empescher les ondes qu'elles ne s'espanchent sur les plaines qu'elles rencontrent.. |
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A005000673 |
Mais en cette vie mortelle, Theotime, nous ne sommes pas necessités de l'aymer si souverainement, d'autant que nous ne le connoissons pas si clairement. |
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A005000673 |
Mais icy bas en terre, ou nous ne voyons pas cette souveraine bonté en sa beauté, ains l'entrevoyons seulement entre nos obscurités, nous sommes a la verité inclinés et allechés, mais non pas necessités de l'aymer plus que nous mesmes; ains plustost, au contraire, quoy que nous ayons cette sainte inclination naturelle d'aymer la Divinité sur toutes choses, nous n'avons pas neanmoins la force de la prattiquer, si cette mesme Divinité ne respand surnaturellement dans nos cœurs sa tressainte charité.. |
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A005000674 |
Hé, de grace, Theotime, la volonté toute destinee a l'amour du bien, comme en pourroit elle tant soit peu connoistre un souverain, sans estre de mesme tant soit peu inclinee a l'aymer souverainement? Entre tous les biens qui ne sont pas infinis, nostre volonté preferera tous-jours en son amour celuy qui luy est plus proche, et sur tout le sien propre; mais il y a si peu de proportion entre l'infini et le fini, que nostre volonté qui connoist un bien infini est sans doute esbranlee, inclinee et incitee de preferer l'amitié de l'abisme de cette bonté infinie a toute sorte d'autre amour et a celuy la encor de nous mesme.. |
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A005000674 |
Or il est vray pourtant que, comme la claire veüe de la Divinité produit infalliblement la necessité de l'aymer plus que nous mesmes, aussi l'entreveüe, c'est a dire la connoissance naturelle de la Divinité, produit infalliblement l'inclination et tendance a l'aymer plus que nous mesmes. |
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A005000675 |
Je vous dois aymer comme mon premier principe, puisque je suis de vous; je vous dois aymer comme ma fin et mon repos, puisque je suis pour vous; je vous dois aymer plus que mon estre, puisque mon estre subsiste par vous; je vous dois aymer plus que moy mesme, puisque je suis tout a vous et en vous.. |
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A005000675 |
Mais sur tout cette inclination est forte parce que nous sommes plus en Dieu qu'en nous mesmes, nous vivons plus en luy qu'en nous, et sommes tellement de luy, par luy, pour luy et a luy, que nous ne sçaurions, de sens rassis, penser ce que nous luy sommes et ce qu'il nous est que nous ne soyons forcés de crier: Je suis vostre, Seigneur, et ne dois estre qu'a vous; mon ame est vostre, et ne doit vivre que par vous; ma volonté est vostre, et ne doit aymer que [202] pour vous; mon amour est vostre, et ne doit tendre qu'en vous. |
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A005000676 |
Que s'il y avoit ou pouvoit avoir quelque souveraine bonté de laquelle nous fussions independans, pourveu que nous peussions nous unir a elle par amour, encor serions nous incités a l'aymer plus que nous mesmes, puisque l'infinité de sa suavité seroit tous-jours souverainement plus forte pour attirer nostre volonté a son amour que toutes les autres bontés, et mesme que la nostre propre.. |
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A005000677 |
Mais quant a nous, Theotime, mon cher ami, nous voyons bien que nous ne pouvons pas estre vrays hommes sans avoir inclination d'aymer Dieu plus que nous mesmes, ni vrays Chrestiens sans prattiquer cette inclination: aymons plus que nous mesmes Celuy qui nous est plus que tout et plus que nous mesmes. |
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A005000677 |
Mais si, par imagination de chose impossible, il y avoit une infinie bonté a laquelle nous n'eussions nulle sorte d'appartenance et avec laquelle nous ne peussions avoir aucune union ni communication, nous l'estimerions certes plus que nous mesmes; car nous connoistrions qu'estant infinie, elle seroit plus estimable et aymable que nous, et par consequent nous pourrions faire des simples souhaitz de la pouvoir aymer: mais, a proprement parler, nous ne l'aymerions pas, puisque l'amour regarde l'union; et beaucoup moins pourrions nous avoir la charité envers elle, puisque la charité est une amitié et l'amitié ne peut estre que reciproque, ayant pour fondement la communication et pour fin l'union. |
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A005000682 |
Theotime, aymer le prochain par charité c'est aymer Dieu en l'homme ou l'homme en Dieu; c'est cherir Dieu seul pour l'amour de luy mesme, et la creature pour l'amour d'iceluy. |
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A005000694 |
Et si, il a rayson, ce grand Dieu tout uniquement bon, de vouloir tres parfaitement tout nostre cœur, [209] car nous avons un cœur petit, qui ne peut pas asses fournir d'amour pour aymer dignement la divine Bonté: n'est-il pas donques convenable que, ne luy pouvant donner tout l'amour qu'il seroit requis, il luy donne pour le moins tout celuy qu'il peut? Le bien qui est souverainement aymable ne doit-il pas estre souverainement aymé? Or, aymer souverainement, c'est aymer totalement.. |
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A005000695 |
C'est donq pour l'amour de nous qu'il veut que nous l'aymions, parce que nous ne pouvons cesser de l'aymer sans [210] commencer de nous perdre, et que tout ce que nous luy ostons de nos affections nous le perdons.. |
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A005000698 |
Celles la craignent, et celles ci aussi, mais differemment, dit saint Augustin: la chaste espouse craint l'absence de son espoux, l'adultere craint la presence du sien; «celle la craint qu'il s'en aille, et celle ci craint qu'il [212] demeure;» celle la est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse, celle ci n'est point jalouse parce qu'elle n'est pas amoureuse; celle ci craint d'estre chastiee, et celle la craint de n'estre pas asses aymee, ains, en verité, elle ne craint pas a proprement parler de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses qui s'ayment elles mesmes et veulent estre aymees, mais elle craint de n'aymer pas asses Celuy qu'elle void estre tant aymable que nul ne le peut asses dignement aymer selon la grandeur de l'amour qu'il merite, ainsy que j'ay dit n'a guere. |
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A005000698 |
Mais, Theotime, qui veut voir cette jalousie delicatement et excellemment exprimee, il faut qu'il lise les enseignemens que la seraphique sainte Catherine de Gennes a faitz pour declarer les proprietés du pur amour, entre lesquelles elle inculque et presse fort celle-ci: que l'amour parfait, c'est a dire l'amour estant parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'entremise ou interposition, ni le meslange d'aucune autre chose, non pas mesme des dons de Dieu, voire jusques a cette rigueur, qu'il ne permet pas qu'on affectionne le Paradis sinon pour y aymer plus parfaitement la bonté de Celuy qui le donne; de sorte que les lampes de ce pur amour n'ont point d'huile, de lumignon ni de fumee, elles sont toutes feu et flamme que rien du monde ne peut esteindre; et ceux qui ont ces lampes ardentes en leurs mains, ont la tressainte crainte des chastes espouses, non pas celle des femmes adulteres. |
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A005000707 |
La jalousie humaine nous fait apprehender de n'estre pas asses aymés; la jalousie chrestienne nous met en peyne de n'aymer pas asses. |
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A005000714 |
Or, ayant fait ce bel exploit de zele il ne s'arresta pas la, mais en fit grande feste au grand saint Denis Areopagite par une lettre qu'il luy en escrivit, de laquelle il receut une excellente responce, digne de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de saint Paul estoit animé: car il luy fit voir clairement que son zele avoit esté indiscret, imprudent et impudent tout ensemble, d'autant qu'encor que le zele de l'honneur deu aux choses saintes soit bon et louable, si est ce qu'il avoit esté prattiqué contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, puisqu'il avoit employé les coups de pieds, les outrages, injures et reproches, en un lieu, en une occasion et contre des personnes qu'il devoit honnorer, aymer et respecter; si que le zele ne pouvoit estre bon, estant exercé avec un si grand desordre. |
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A005000791 |
Si Jacob aymoit Rachel en consideration de ce qu'elle estoit fille de Laban, pourquoy mesprisoit il Lia, qui estoit non seulement fille, ains fille aisnee du mesme Laban? Mais parce qu'il aymoit Rachel a cause de la beauté qu'il treuva en elle, jamais il ne sceut tant aymer la pauvre Lia, quoy que feconde et sage fille, d'autant qu'elle n'estoit pas si belle a son gré. |
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A005000856 |
Que si quelquefois nous sommes touchés de quelque motif particulier, comme, par exemple, s'il nous advenoit d'aymer la chasteté a cause de sa belle et tant aggreable pureté, soudain sur ce motif il faut respandre celuy du divin amour, en cette sorte: O tres honneste et delicieuse blancheur de la chasteté, que vous estes aymable, puisque vous estes tant aymee par la divine Bonté! Puis, se retournant vers le Createur: Hé, Seigneur, je vous requiers une seule chose, c'est celle que je recherche en la chasteté, de voir et prattiquer en icelle vostre bon playsir et les delices que vous y prenes. |
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A005000857 |
En cette sorte faut il animer toutes nos actions de ce bon playsir celeste, aymant principalement l'honnesteté et beauté des vertus parce qu'elle est aggreable a Dieu: car, mon cher Theotime, il se treuve des hommes qui ayment esperdument la beauté de quelques vertus, non seulement sans aymer la charité, mais avec mespris de la charité. |
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A005000870 |
C'est cette admirable amante qui voudroit ne point aymer les goustz, les delices, les vertus et les consolations spirituelles, de peur d'estre divertie, pour peu que ce soit, de l'unique amour qu'elle porte a son Bienaymé, protestant que c'est luy mesme et non ses biens qu'elle recherche, et criant a cette intention: Hé, monstres moy, mon Bienaymé, ou vous paisses et reposes au midy, affin que je ne me divertisse point apres les playsirs qui sont hors de vous.. |
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A005000941 |
[319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer.. |
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A005000944 |
Seulement, Theotime, je dirois volontier a tous les hommes: O mortelz, si vous aves le cœur enclin a l'amour, hé, pourquoy ne pretendes vous au celeste et divin? mays si vous estes rudes et amers de cœur, helas, pauvres gens, puisque vous estes privés de l'amour naturel, pourquoy n'aspires vous a l'amour surnaturel, qui vous sera amoureusement donné par Celuy qui vous appelle si saintement a l'aymer? [320]. |
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A005000948 |
Qu'est-ce qui presse si fort les avettes d'accroistre leur miel, sinon l'amour qu'elles ont pour luy? O cœur de mon ame, qui es creé pour aymer le bien infini, quel amour peux tu desirer sinon cet amour qui est le plus desirable de tous les amours? Helas, o ame de mon cœur, quel desir peux-tu aymer sinon le plus aymable de tous les desirs? O amour des desirs sacrés, o desirs du saint amour! o que j'ay convoité de desirer vos perfections!. |
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A005000948 |
Un thresor ne suffit pas au gré de ce divin Amant, ains il veut que nous ayons tant de thresors que notre thresor soit composé de plusieurs thresors; c'est a dire, Theotime, qu'il faut avoir un desir insatiable d'aymer Dieu, pour joindre tous-jours dilection a dilection. |
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A005000949 |
Mais le desir d'aymer et l'amour dependent de la mesme volonté: c'est pourquoy, soudain que nous avons formé [321] le vray desir d'aymer, nous commençons d'avoir de l'amour; et a mesure que ce desir va croissant, l'amour aussi va s'augmentant. |
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A005000949 |
O Dieu, qui nous fera la grace, Theotime, que nous bruslions de ce desir, qui est le desir des pauvres et la preparation de leur cœur, que Dieu exauce volontier! Qui n'est pas asseuré d'aymer Dieu, il est pauvre; et s'il desire d'aymer, il est mendiant, mais mendiant de l'heureuse mendicité de laquelle le Sauveur a dit: Bienheureux sont les mendians d'esprit, car a eux appartient le Royaume des deux.. |
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A005000949 |
Theotime, de sçavoir si nous aymons Dieu sur toutes choses il n'est pas en nostre pouvoir, si Dieu mesme ne le nous revele, mais nous pouvons bien sçavoir si nous desirons de l'aymer, et quand nous sentons en nous le desir de l'amour sacré, nous sçavons que nous commençons d'aymer. |
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A005000950 |
Tel fut saint Augustin quand il s'escria: «O aymer! o marcher! o mourir a soy mesme! o parvenir a Dieu!» Tel saint François, disant: «Que je meure de ton amour,» o l'Ami de mon cœur, «qui as daigné mourir pour mon amour!» Telles sainte Catherine de Gennes et la bienheureuse Mere Therese, quand, comme biches spirituelles, pantelantes et mourantes de la soif du divin amour, elles lançoyent cette voix: Hé, Seigneur, donnés moy cette eau!. |
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A005000957 |
Les ames qui desirent tout de bon d'aymer Dieu ferment leurs entendemens aux discours des choses mondaines, pour l'employer plus ardemment es meditations des choses divines, et ramassent toutes leurs pretentions sous l'unique intention qu'ilz ont d'aymer uniquement Dieu. |
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A005001019 |
Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu.. |
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A005001026 |
Quelle abnegation, Theotime! quel renoncement! On ne peut aymer Dieu parfaitement si l'on ne quitte les affections aux choses perissables.. |
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A005001029 |
Car d'un costé c'est voirement une merveille, mais non pas si grande, de voir que Abraham, des-ja viel et consommé en la science d'aymer Dieu, et fortifié de la recente vision et parole divine, face ce dernier effort de loyauté et dilection envers un Maistre duquel il avoit si souvent senti et savouré la suavité et providence; mais de voir Isaac, au primtems de son aage, encor tout novice et apprentif en l'art d'aymer son Dieu, s'offrir, sur la seule parole de son pere, au glaive et au feu pour estre un holocauste d'obeissance a la divine volonté, c'est chose qui surpasse toute admiration.. |
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A005001036 |
Comme peut on avoir un cœur et n'aymer pas une si infinie Bonté? Or ce sujet est aucunement proposé au chapitre I et II du II e Livre, et des le chapitre VIII du III e Livre jusques a la fin, et au chapitre IX du Livre X.. |
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A005001067 |
O amour eternel, mon ame vous requiert et vous choisit eternellement! Hé, «venes, Saint Esprit, et enflammes nos cœurs de vostre dilection.» Ou aymer ou mourir! Mourir et aymer! Mourir a tout autre amour pour vivre a celuy de Jesus, affin que nous ne mourions point eternellement; ains que vivans en vostre amour eternel, o Sauveur de nos ames, nous chantions eternellement: VIVE JESUS! J'ayme Jesus! Vive Jesus [346] que j'ayme! J'ayme Jesus, qui vit et regne es siecles des siecles. |
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A005001128 |
Voyons donq maintenant quelle doit estre la convenance entre la personne et le bien, affin qu'elle s'y puysse complayre et pax apres l'aymer. |
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A005001134 |
Au Sanctuaire toute la lumiere entroit par la porte; en ce degré on n'a point de lumiere que celle qui provient du discours que l'on a fait de la souveraine æquité, bonté et infinité de la volonté de Dieu, lequel discours produit, par maniere de consequence, cette simple veüe, quil faut aymer et acquiescer a la volonté de Dieu, et cette simple veue est toute la clarté qui esclaire en ce sanctuaire. |
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A005001138 |
En ce sanctuaire de nostr'ame Dieu parle a nostre esprit, l'instruisant de ce quil faut croyre, esperer, aymer, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration et illustration ou illumination, luy proposant les saintes verités de la foy et, par maniere de dire, les luy faysant aucunement entrevoir parmi des obscurités, tenebres et nuages: en sorte que nostr'entendement en reçoit un'obscure connoissance, laquelle, quoy qu'obscure, est tellement aggreable a la volonté, qu'elle s'y complait grandement, et par sa complaysance porte l'entendement a un parfait acquiescement qu'il fait sans reserve ni exception quelcomque, croyant fermement ces sacrees verités de la foy, qu'il entrevoit aucunement et quil ne void nullement, qu'il entreconnoit et ne connoist pas, [359] c'est a dire qu'il ne sçait que par ouӱ dire, car, comme dit l'Apostre, la foy est par l'ouӱe. |
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A005001146 |
Hé, dit le divin Espoux de nos ames, retourne, retourne, Sullamite; retourne, retourne, affin que nous te regardions: certes, il desire que nous le regardions, et affin que nous le regardions il desire de nous regarder, sachant que nous ne sçaurions le regarder que premier il ne nous regarde, ni l'aymer que premier il ne nous ayme. |
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A005001146 |
Mays par ce qu'encor quil ne nous ayme pas, il ne laisse pas de desirer de nous aymer, il nous invite a nous laisser conduire a sa grace................................ |
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A005001146 |
attirer affin quil nous puisse aymer......................................................................................................................................................dit l'Apostre, que tous hommes soyentsauvés et viennent a la connoissance de la verité. |
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A005001210 |
Et c'est une excuse vulgaire de l'indevot, quil ne peut aymer Dieu autant quil desireroit, par ce que Dieu ne luy en fait pas la grace; et une tentation asses ordinaire, de penser que les devotz puissent rapporter leur devotion a leur diligence et leur diligence a leur gloire particuliere, comme silz avoyent rendue la grace effective et vigoureuse pour faire son operation en eux.. |
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A005001237 |
Mays au second Psalme, ell'est prise en mauvaise part, pour l'attentive et ordinaire pensee des rebelles contre la fidelité deüe a N. S. le Roy Jesus: P our quoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont ilz medité choses vaines? Or neanmoins, par ce qu'en l'Escriture S te ce mot est pris le plus souvent en bonne part, pour l'attentive pensee qu'on a aux choses saintes pour s'exciter a les aymer, il est maintenant ordinairement tenu pour saint, a esté canonizé par le commun consentement des Theologiens, aussi bien que celuy d'ange et de zele, comm'au contraire, celuy de dæmon et de dol a esté diffamé; si que maintenant, quand ceux qui traittent des choses divines parlent de la meditation, ilz entendent celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique.. |
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A005001243 |
Ainsy voyes vous es Cantique des Cantiques cette abeille mistique, l'ame royale de cette divine amante, voleter tantost sur les yeux, tantost sur les levres, tantost sur les joues, tantost sur la cheveleure de son Bienaymé pour tirer de tout ce qu'elle y treuve de rare des goustz, des suavités, des contentemens et des passions amoureuses; elle medite en cette sorte, car elle va espluchant et remarquant toutes choses en particulier pour se provoquer al'aymer. |
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A005001249 |
L'amour presse les yeux a regarder tous-jours plus attentivement, et la veüe presse le cœur d'aymer tous-jours plus ardemment ce Bienaymé.. |
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A005001250 |
Mays qui a plus de force, ou l'amour pour faire regarder ou le regard pour fair'aymer? Certes, egalement. |
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A005001250 |
S t Bonaventure, interrogé si une pauvre simple femme pourroit autant aymer Dieu que luy, respondit qu'oüy; dont S t Gilles fit un'exclamation admirable, quil faut voir, comm'encor ce que l'abbé de S t André de Verceil dit a S t Anthoine, qui est es Chroniques, sur ce sujet.. |
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A005001251 |
La connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais la volonté ne sçauroit aymer une chose qu'elle ne connoist pas, et a mesure que la connoissance croist, nostr'amour s'augmente davantage, sil n'y a rien qui empesche son mouvement naturel. |
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A005001252 |
Adjoustes que nous autres Chrestiens n'appliquons pas nostre volonté par la connoissance du discours, ni de la doctrine et science, mais par la connoissance de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité de la bonté divine, nous donne asses de mouvement pour nous la faire aymer de tout nostre pouvoir, encor que nous n'en ayons que cett'obscure mais certaine connoissance. |
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A005001253 |
Mays qui l'ayme plus? qui l'estime plus? Indubitablement celuy ci, qui, le savourant et experimentant sa douceur, sa force res-jouissante, a un certain motif pressant pour le bien aymer. |
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A005001287 |
Il y a bien de la difference, Philothee, entre aymer Dieu qui me donne du contentement et aymer le contentement que Dieu me donne.. |
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A005001330 |
(Il faut mettre ceci par comparayson. Une ville prise par les Romains, lhors que les soldatz de Rome se sont renduz les plus fortz, ilz arborent l'estendart, et cœt.; ainsy le Roy paysible des cœurs, Jesus Christ, ayant pris le cœur de sa chere Sulamite et l'ayant remply de mille passions amoureuses, il mit l'estendart d'amour sur son cœur.) Or lhors, tout'amoureuse qu'ell'est, il la presse, et descoche de tems en tems mille traitz d'amour, par exces, luy monstrant combien il est encor plus aymable qu'elle ne l'ayme: et elle, qui n'a pas tant de force pour aymer que d'amour pour s'efforcer d'aymer davantage, voyant ses effortz n'estre pas asses fortz pour aymer selon son desir Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent toute blessee; et autant d'eslancemens qu'elle fait, autant elle reçoit de secousses d'amour. |
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A005001330 |
C'est lhors quil tesmoigne sa presence a l'ame et la presse d'amour, il la sollicite et luy fait vivement connoistre sa douceur infiniment aymable, car il presse en cette sorte: il luy donne des sentimens admirables de sa souveraine bonté, qui donne des attraitz non pareilz a l'ame, laquelle s'eslançant comme pour voler a son objet, et demeurant courte par [ce] qu'elle ne peut tant l'aymer comm'elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale. |
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A005001332 |
Et le desir qui ne peut reuscir est comm'un dard dans les flancz d'un courage genereux; mays pourtant la douleur que l'on en reçoit est une douleur aggreable, car quicomque desire d'aymer, il ayme aussi a desirer, et s'estimeroit le plus miserable homme du monde sil ne desiroit pas d'aymer ce quil voyd estre si souverainement aymable: il desire d'aymer, voyla sa douleur; mays il ayme a desirer, voyla sa consolation.. |
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A005001332 |
O Dieu, quelle peyne a un'ame, mais que cette peyne est aymable! car ce cœur aymant desire d'aymer, et void bien quil ne peut ni asses aymer ni asses desirer. |
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A005001333 |
Dieu, donq, comme tirant des sagettes du carquoys de son infinie beauté, blesse l'ame, luy faysant clairement voir qu'elle ne l'ayme pas asses; car qui ayme Dieu en ce monde en sorte quil ne voudroit et ne desire l'aymer davantage, il ne l'ayme pas comm'il faut. |
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A005001333 |
Jamay celuy ne l'ayme asses, qui croid de l'aymer asses: la suffisance en l'amour n'est jamais suffisante. |
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A005001333 |
Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine. |
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A005001334 |
Jamais nous ne blessons un cœur d'amour que nous n'en soyons atteintz, et de voir un cœur blessé cela nous sert de blesseure: c'est pourquoy les ames devotes, quand elles considerent que Dieu est touché, ains blessé d'amour pour elles, elles en reçoivent une reciproque blesseure, dautant plus grande qu'elles voyent de ne pouvoir jamais tant aymer que l'amour divin le requiert.. |
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A005001336 |
Quelque fois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir du tems que nous avons esté sans aymer Dieu, d'ou, ce semble, procedoit cette voix de S t Augustin: «O que tard je t'ay» reconneu, «Beauté antique!» Car la vie est plus ennuyeuse que la mort a ceux qui connoissent que la vie est sans vie tandis qu'on vit sans aymer la vraye vie.. |
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A005001339 |
Telle fut la sagette d'amour que Dieu descocha dedans le cœur de la grande s te Catherine de Gennes au premier commencement de sa conversion, dont elle demeura toute changee, et comme toute morte au monde et aux choses creées pour n'aymer plus que le Createur.. |
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A005001352 |
Et la rayson est par ce que nos ames n'ont pas asses d'amour pour aymer dignement ce s t Amant, et voulant partager leur amour elles le destruysent; joint qu'estant souverainement aymable, rien ne doit tenir rang egal a luy dedans nostre cœur: c'est pourquoy il le veut tout, c'est a dire, que toutes nos autres affections soyent dependentes, ou au moins sujettes, ou, au fin moins, inferieures a celle que nous luy portons.. |
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A005001354 |
Mays quant a nous autres, nous avons de la jalousie pour Dieu en un'autre façon, car nous ne voulons pas quil n'ayme plusieurs choses avec nous, ains toutes les choses; et a mesure que nous l'aymons davantage, nous desirons quil ayme plusieurs autres avec nous, dautant que son cœur infini et son amour immense est plus que suffisant pour aymer toutes les creatures quil luy plait, en sorte que l'amour quil porte a toutes ne soit point diminué par celuy quil porte a une chacune, ni celuy quil porte a une chacune, par celuy quil porte a toutes.. |
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A005001357 |
Ainsy, le grand S t Denys dit que les sages Theologiens appellent Dieu jaloux, ou, s'il faut ainsy parler, zelant, par ce quil est excessif en l'amour quil porte a toutes choses, et par ce quil excite le desir amoureux a la jalousie, c'est a dire, par ce quil ayguise si fort le desir d'aymer en ses creatures qu'en fin il les rend saintement jalouses de luy. |
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A005001368 |
Celle la n'est point jalouse par ce qu'elle n'est point amoureuse, celle ci est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse; mais elle n'est pas jalouse de sa propre jalousie, ell'est jalouse de la jalousie de son espoux: elle ne craint pas de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses, qui est la jalousie qui regarde son interest; mais elle craint de n'aymer pas asses, qui est la jalousie qui regarde l'interest de son espoux. |
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A005001368 |
L'adultere craint son mari, si fait bien aussi la chaste espouse, mais differemment: car, comme dit le grand s t Aug in, l'adultere craint la presence, la chaste espouse craint l'absence; l'une craint quil ne vienne, lautre quil ne s'en aille; l'une craint d'estre chastiee, lautre craint de n'estre pas aymee; ains celle ci ne craint pas tant de n'estre pas aymee comme elle craint de n' |