01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html |
A001000196 |
Je garde la place de prouver la foy par miracles, apres les Regles de la Foy, qui sera comme une sixiesme regle, mays non ordinaire ains extraordinaire; laquelle les adversaires n'ont point, quoy quilz en eussent besoin a faute des autres quilz mesprisent. |
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A001000274 |
Mays aussy, pour donner authorité a sa mission, il met en avant ses miracles, ains atteste que, sil n'eust faict des œuvres que nul autre n'a faict parmi les Juifz, ilz n'eussent point eu de peché de ne croire point en luy; et ailleurs il leur dict: Ne croyes vous pas que mon Pere est en moy et moy en mon Pere? au moins croyes le par les œuvres. |
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A001000276 |
Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour monstrer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy. |
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A001000276 |
[34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire. |
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A001000286 |
Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaïque et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices. |
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A001000307 |
L'Escriture atteste par tout qu'elle se peut voir et connoistre, ains qu'ell'est conneue. |
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A001000311 |
Ces Apostres assemblés en Hierusalem, avec la petite troupe des disciples et la tresglorieuse Mere du Sauveur, faysoyent la vraye Eglise; et comment? visible, sans doute, ains tellement visible que le Sainct Esprit vint arrouser visiblement ces saintes plantes et pepinieres du Christianisme.. |
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A001000314 |
Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur. |
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A001000329 |
Ceux ausquelz on les retient ne sont ilz pas mauvais et reprouvés? ains cela est propre aux reprouvés que leurs pechés soyent retenuz, et l'ordinaire des esleuz quilz leur soyent pardonnés: or, que ceux ausquelz saint Pierre avoit pouvoir de les retenir ou pardonner fussent en l'Eglise, il appert; car de ceux qui ne sont en l'Eglise il n'appartient qu'a Dieu seul d'en juger; ceux, donques, desquelz saint Pierre devoit juger n'estoyent pas hors de l'Eglise mays dedans, quoy quil en deut avoir de reprouvés.. |
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A001000334 |
Et tout cecy est semblable a la sainte parole de Nostre Seigneur, qui tient les scribes et pharisiens estre vrais pasteurs de la vraÿe Eglise de ce tems la, puys quil commande qu'on leur obeisse, et neantmoins ne les tient pas pour esleuz ains plustost pour reprouvés. |
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A001000337 |
Apporteront ilz donques ce qui est escrit aux Cantiques, de l'Espouse, que c'est un jardin fermé, une fontayne ou source cachetëe, un puys d'eau vivante, qu'elle est toute belle et sans aucune tache, ou, comme dict l'Apostre, glorieuse, sans ride, sainte, immaculëe? Je les prie de bon cœur quilz regardent ce quilz veulent conclure de cecy, car silz veulent conclure quil ni doive point avoir en l'Eglise que de saints immaculés, sans ride, glorieux, je leur feray voir avec ces mesmes passages quil ny a en l'Eglise ni esleu ni reprouvé: car, n'est ce pas « la voix humble mais veritable, » comme dict le grand Concile de Trente, « de tous les justes » et esleuz, « remettes nous nos debtes comme nous les remettons a nos debiteurs »? Je tiens saint Jaques pour esleu, et neantmoins il confesse: Nous offençons tous en plusieurs choses; saint Jan nous ferme la bouche et a tous les esleuz, affin que personne ne se vante d'estre sans peché, ains au contraire veut [que] chacun sache et confesse quil peche; je crois que David en son ravissement et extase sçavoit que c'estoit que des esleuz, et neantmoins il tenoit tout homme pour mensonger. |
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A001000342 |
Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race. |
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A001000344 |
Et n'est pas a dire que les bons ne soyent avec les mauvais en l'Eglise, ains, au contrayre, comme pouvoient ilz sortir de la compaignie de l'Eglise silz ny estoyent? ilz estoyent sans doute de faict, mais de volonté ilz en estoyent deja dehors.. |
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A001000366 |
L'Eglise fut elle pas tout'abolie quand Adam et Eve pecherent? Responce: Adam et Eve n'estoyent pas Eglise, ains le commencement d'Eglise; et n'est pas vray que fut perdue alhors encor qu'ell'eust esté, car ilz ne pecherent pas en la doctrine ni au croire, mais au faire.. |
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A001000367 |
Aaron, sauverain Prestre, n'adora il pas le veau d'or avec tout son peuple? Responce: Aaron n'estoit encores pas sauverain Prestre ni chef du peuple, ains le fut par apres; et n'est pas vray que tout le peuple idolatrast, car les enfans de Levi n'estoyent ilz pas gens de Dieu? et se joignirent ilz pas a Moyse?. |
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A001000368 |
Responce: Helie n'estoit pas seul en Israel homme de bien, puysquil y en avoit 7000 hommes qui ne s'estoient pas abandonné a l'idolatrie, et ce qu'en dict le Prophete n'est que pour mieux exprimer la justice de sa plainte; et n'est pas vray qu'encor que tout Israel eut manqué l'Eglise pourtant eut esté abolie, car Israel n'estoit pas toute l'Eglise, ains en estoit desja separé par le schisme de Hieroboam, et le royaume de Juda en estoit la meilleure et la principale partie; c'est d'Israel non de [66] Juda, aussy, de quoy Azarie prædit quil seroit sans prestre et sacrifice.. |
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A001000370 |
Responce: Qui vous dict que sous prætexte de l'Eglise il faille se confier au mensonge? ains, au contraire, qui s'appuÿe au jugement de l'Eglise s'appuÿe sur la colonne et fermeté de verité, qui se fie a l'infallibilité de l'Eglise ne se fie pas au mensonge, si ce n'est mensonge ce qui est escrit: Les portes d'enfer ne prævaudront point contre elle. |
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A001000371 |
Est il pas escrit quil faut que la discession et la separation vienne, et que le sacrifice cessera, et qu'a grand peyne le Filz de l'homme trouvera la foy en [67] terre a son second retour visible, quand il viendra juger? Responce: Tous ces passages s'entendent de l'affliction que fera l'Antichrist en l'Eglise les trois ans et demy quil y regnera puyssamment; non obstant cela, l'Eglise durant ces troys ans mesme ne manquera pas, ains sera nourrie et conservëe parmi les desers et solitudes ou elle se retirera, comme dict l'Escriture.. |
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A001000380 |
Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consommation des siecles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il l'a eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry. |
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A001000381 |
Le Pere luy avoit donné en heritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la mort, et avoyt esté mis au rang des meschans hommes et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu'a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estés en la vraye Eglise: ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, pourquoy la celies vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impieté, a l'idoletrie? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un chacun son prochain? certes, On croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut faire la confession de sa foy, et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé? O miserables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre; si ainsy est, vous estes es tenebres extérieures. |
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A001000391 |
Je conclus, donques, que quand nous voyons que l'Eglise universelle a esté et est en creance de quelqu'article, soyt que nous le voyons expres en l'Escriture, soyt quil en soit tiré par quelque deduction, ou bien par Tradition, nous ne devons aucunement conteroller ni disputer ou douter sur iceluy, ains prester l'obeissance et l'hommage a ceste celeste Reyne que Nostre Seigneur commande, et regler nostre foy a ce niveau. |
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A001000451 |
Vous estes si esloignés de vouloir reconnoistre un chef universel, que mesme vous n'aves point de chef provincial; les ministres sont autant parmi vous l'un que l'autre, et n'ont aucune prerogative au Consistoire, ains sont inferieurs, et en science et en voix, au president qui n'est pas ministre. |
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A001000464 |
Nos entendemens ne s'esgarent point les uns des autres en leurs creances, ains se maintiennent tres estroittement unis et serrés ensemble par le lien de l'authorité superieure de l'Eglise, a laquelle chacun se rapporte en toute humilité, et y appuie sa foy comme sur la colomne et fermeté de verité; nostre Eglise Catholique n'a qu'un langage et un mesme parler par toute la terre.. |
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A001000495 |
Satan peut faire telz miracles, ains en a faict sans doute; mais Dieu laissera un prompt remede a son Eglise, car a ces miracles la les serviteurs de Dieu, Helie, Enoch, comme tesmoignent [103] l'Apocalipse et les interpretes, opposeront des autres miracles de bien autre estoffe, car, non seulement ilz se serviront du feu pour chastier miraculeusement leurs ennemis, mais auront pouvoir de fermer le ciel a fin qu'il ne pleuve point, de changer et convertir les eaux en sang, et de frapper la terre du chastiment que bon leur semblera; trois jours et demy apres leur mort ilz ressusciteront et monteront au ciel, la terre tremblera a leur montee. |
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A001000538 |
Au moins, ne m'en sçauries vous monstrer aucun essay ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusques aux ministres chacun se marie, chacun trafique pour assembler des richesses, personne ne reconnoist autre superieur que celuy que la force luy faict advoüer; signe evident que ceste pretendue eglise n'est pas celle pour laquelle Nostre Seigneur a presché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples: car, si chacun se marie, que deviendra l'advis de saint Pol, Bonum est homini mulierem non tangere? si chacun court a l'argent et aux possessions, a qui s'addressera la parole de Nostre Seigneur, Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperibus? si chacun veut gouverner a son tour, ou se trouvera la prattique de ceste si solemnelle sentence, Qui [120] vult venire post me abneget semetipsum? Si donq vostre eglise se met en comparaison avec la nostre, la nostre sera la vraye Espouse, qui prattique toutes les paroles de son Espoux, et ne laisse pas un talent de l'Escriture inutile; la vostre sera fause, qui n'escoute pas la voix de l'Espoux, ains la mesprise: car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vostre en credit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Escriture, laquelle, ne s'addressant qu'a la vraye Eglise, seroit vaine et inutile si en la vraye Eglise on n'employoit toutes ses pieces.. |
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A001000576 |
L'Eglise donques ne fut pas abolie quand Adam et Eve pecherent; car, ce n'estoit Eglise ains commencement d'Eglise: outre ce qu'ilz ne pecherent pas en la doctrine ni au croire, mais au faire.. |
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A001000592 |
Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui [133] font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cités du diable, et les idoles comme seront ilz abattus? Si Nostre Seigneur n'a point eu d'Eglise, ou s'il l'a eue en la seule Sardigne, certes il est trop appauvri. |
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A001000727 |
Mais il y a bien a dire entre douter d'une chose si ell'est recevable, et la rejetter: le doute n'empeche pas la resolution suivante, ains en est un præallable; rejetter præsuppose resolution. |
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A001000729 |
Et le canon Sancta Romana, qui est de Gelaise premier, je crois que vous l'aves rencontré a tastons, car il est tout contre vous; puysque, censurant les Livres apocriphes, il n'en nomme pas un de ceux que nous recevons, ains au contraire atteste que Tobie et les Maccabees estoyent receuz publiquement en l'Eglise.. |
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A001000757 |
Nous meriterions d'estre abismés, si nous nous jettions hors le navire de la publique sentence de l'Eglise, pour voguer dans le miserabl'esquif de ces persuasions particulieres, nouvelles, discordantes; nostre foy ne seroit plus Catholique, ains particuliere.. |
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A001000781 |
Mays qui est celuy, tant houppé soit il et ferré, qui entende sans estude les Propheties d'Ezechiel et autres, et les Psalmes? et que servira donques aux peuples de les ouir, sinon pour les prophaner et mettre en doute? et quand au reste, nous autres Catholiques ne devons en aucune façon reduire nos offices sacrés aux langages particuliers, ains plus tost, comme nostr'Eglise est universelle en tems et en lieux, elle doit aussi faire ses services publicqs en un langage qui soit de mesme universel en tems et en lieux, tel qu'est le Latin en Occident, le Grec en [183] Orient; autrement nos præstres ne sçauroyent dire Messe, ni les autres l'entendre, hors de leurs contrëes. |
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A001000813 |
Jamais peuple ne fut mieux instruict, selon la malice du tems, que le peuple de Milan sous le cardinal Borromëe; mays l'instruction du peuple ne vient pas a force de tracasser les saintes Bibles, et lisotter ceste divin'Escriture, ni chanter ça et la en forme de fantasies les Psalmes, ains de les manier, lire, ouyr, chanter et prier avec apprehension vive de la majesté de Dieu a qui on parle, de qui on lit ou escoute on la Parole, tousjours avec ceste præface de l'ancienn'Eglise, Sursum corda.. |
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A001000826 |
Redempti estis de vana vestra conversatione paternæ traditionis? Tout cecy n'est point a propos; puysque le Concile proteste clairement que les Traditions quil reçoit ne sont ni traditions ni doctrines des hommes, ains, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, vel ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt: ce sont donques Parole de Dieu, doctrine du Saint Esprit, non des hommes. |
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A001000828 |
De mesme: Multa quidem et alia signa fecit Jesus quæ non sunt scripta in libro hoc; hæc autem scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius [Dei], et ut credentes vitam habeatis in nomine ejus: donques il ny a rien autre a croire que cela; belle consequence! Nous sçavons bien que Quæcumque scripta sunt ad nostram doctrinam scripta sunt; mays cela empechera il que les Apostres præchent? Hæc scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius Dei; mays cela ne suffit pas, car, quomodo credent sine prædicante? Les Escritures sont donnees pour nostre salut, mays nompas les Escritures seules, les Traditions y ont encor place: les oyseaux ont l'aisle droite pour voler; donques l'aysle gauche ny sert de rien? ains l'une ne va pas sans l'autre. |
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A001000829 |
Que si vous consideres de pres comme le Concile apparie les Traditions aux Escritures, vous verres quil ne reçoit point de Tradition contraire a l'Escriture; car il reçoit la Tradition et l'Escriture avec [198] pareil honneur, parce que l'une et l'autre sont ruysseauz tres doux et purs, qui sont partis d'une mesme bouche de Nostre Seigneur, comme d'une vive fontayne de sapience, et partant ne peuvent estre contraires, ains sont de mesme goust et qualité, et se joignans ensemble arrousent gayement cest arbre du Christianisme, quod fructum suum dabit in tempore suo.. |
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A001000875 |
Au Concile de Nicëe, les premiers qui souscrivent ce sont Hosius, evesque, Vitus et Modestus, prestres, envoÿés par le Saint Siege: et de vray, quelle occasion pouvoit faire que deux prestres souscrivissent devant les Patriarches, si ce n'eust esté quilz estoyent en lieutenance du supreme Patriarche? Que quand a saint Athanase, tant s'en faut quil y præsidast, quil ny fut pas assis ni ne souscrivit point, comme n'estant que diacre pour l'heure; et le grand Constantin non seulement ny præsida pas, ains s'assit au bas des Evesques, et ny voulut point estre comme pasteur mays comme brebis. |
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A001000893 |
.. comme traitte il le grand Concile de Nicee? par ce que le Concile defend estre receuz au ministere clerical ceux qui se sont taillés eux mesmes, et defend quand et quand aux Ecclesiastiques de tenir en leurs maysons [219] autres femmes que leurs meres et leurs seurs, hic prorsus, dict Luther, non intelligo Spiritum Sanctum in hoc Concilio. Et pourquoy? An debebit episcopus aut concionator illum intolerabilem ardorem et æstum amoris illiciti sustinere, et neque conjugio neque castratione se ab his periculis liberare? An vero nihil aliud est negotii Spiritui Sancto in Conciliis, quam ut impossibilibus, periculosis, non necessariis legibus suos ministros obstringat et oneret? Il n'excepte point de Concile, ains tient asseurement qu'un curé seul peut autant qu'un Concile: voyla l'opinion de ce grand reformateur.. |
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A001000913 |
Mays nous ne devons pas seulement honorer leurs tesmoignages comme tres asseurés et irreprochables, ains encores bailler grand credit a leur doctrine sur toutes nos inventions et curiosités. |
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A001000922 |
Je sçai bien quil imposa nom aux deux freres Jan et Jaques, Boanerges, enfans de tonnerre, mays ni ce nom n'est point nom de superieurité ou commandement, ains d'obeissance, ni propre ou particulier, mays commun a deux; ni ne semble pas quil leur fut permanent, puysque jamais ilz n'en sont appellés despuys, mays que ce fut plus tost un tiltre de louange, a cause de l'excellence de leur prædication. |
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A001000935 |
En ce cas donques, puysque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il ni a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que saint Pierre l'est encores, et plus outre encores que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le second, ni le second pour le troysiesme, ains les laysser tous troys en leur entier; ce qui se fera aysement si nous considerons ces passages a la bonne foy et franchement.. |
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A001000936 |
Ainsy la supreme charge qu'eut saint Pierre en l'Eglise militante, a raison de laquelle il est apellé fondement de l'Eglise, comme chef et gouverneur, n'est pas outre l'authorité de son Maistre, ains n'est qu'une participation d'icelle; si que luymesme n'est pas fondement de ceste hiérarchie outre Nostre Seigneur, mays plus tost en Nostre Seigneur, comme nous l'appelions tressaint Pere en Nostre Seigneur, hors duquel il ne seroit rien. |
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A001000936 |
Et puys, aves vous bien consideré les paroles de saint Pol? Il ne veut pas qu'on reconnoisse aucun fondement outre Nostre Seigneur, mays ni saint Pierre ni les autres Apostres ne sont pas fondemens outre Nostre Seigneur, ains sous Nostre Seigneur; leur doctrine [n'est] pas outre celle de leur Maistre, mays celle la mesme de leur Maistre. |
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A001000952 |
Et quelle difference y a il? certes, toute telle quil y a entre la proprieté d'une authorité et l'usage: il se peut bien faire qu'un roy vivant, il ait ou la reyne ou son filz qui ait tout autant de pouvoir que le roy mesme a chastier, absoudre, donner, faire grace; il n'aura pourtant pas le sceptre, mays l'usage seulement; il aura bien la mesm'authorité, mays nom pas quand a la proprieté, ains seulement quand a l'usage et l'exercice; tout ce quil aura faict sera faict, mays il ne sera pas chef ni roy, ains faudra quil reconnoisse que son pouvoir est extraordinaire, par commission et delegation, au lieu que le pouvoir du roy, qui ne sera point plus grand, sera ordinaire et par proprieté. |
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A001001034 |
Saint Paul confesse quil est venu expres en Hierusalem [267] voir saint Pierre, et demeura quinze jours pres de luy; il y vit saint Jaques, mays il n'estoit pas venu pour le voir, ains seulement saint Pierre. |
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A001001340 |
Au Deuteronome: Facies quodcumque dixerint qui præsunt loco quem elegerit Dominus, et docuerint te juxta legem ejus; sequerisque sententiam eorum, nec declinabis ad dextram nec ad sinistram: qui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur. Que dira on icy? Il falloit subir le jugement du sauverain Pontife; qu'on estoit obligé de suivre le jugement qui estoit jouxte la loy, non l'autre? ouy, mays en cela il failloit suivre la sentence du præstre, autrement si on ne l'eust pas suivie, ains examinee, c'eust esté pour neant qu'on fut allé a luy, et la difficulté et ambiguité n'eust jamais esté resolue parmi les opiniastres; dont il est dict simplement, q ui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur; et en Malachie: Labia sacerdotis custodiunt scientiam, et legem requirent ex ore ejus; dont il s'ensuit que chacun ne pouvoit pas se resouvre es poins de la religion, ni produire la loy a sa fantasie, mais selon la proposition du Pontife. |
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A001001370 |
Tu es Deus qui facis mirabilia, dict David au Dieu tout puyssant, donques ce qui est confirmé par miracles est confirmé de la part de Dieu; or Dieu ne peut estre autheur ni confirmateur du mensonge, ce donques qui est confirmé par miracles ne peut estre mensonge, ains pure verité.. |
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A001001475 |
Que si neanmoins l'un devoit estre forme de l'autre, le Baptesme seroit plustost forme de la predication, que la predication, du Baptesme; puysque la forme ne peut preceder, ains doit survenir a la matiere, et que la prædication precede le Baptesme, et le Baptesme survient par apres sur la prædication: dont saint Augustin n'auroit pas bien dict, quand il disoit: Accedit Mot ad elementum, et fit Sacramentum; car il eust plustost deu dire: Accedit elementum ad Mot. |
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A001001485 |
Ilz disent que quoy que le ministre n'aÿe aucune intention de faire la cene ou baptiser, ains seulement de se moquer et badiner, neanmoins, pourveu quil face l'exterieure action du Sacrement, le Sacrement y est complet. |
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A001001485 |
Item, le Concile ne dict pas quil soit necessaire de vouloir faire ce que l'Eglise Romayne faict, mays seulement en general ce que l'Eglise faict, sans particulariser quelle est la vraye Eglise: ains, qui, pensant que l'eglise pretendue de Geneve fust la vraye Eglise, limiteroit son intention a l'intention de l'eglise de Geneve, se tromperoit si jamais homme se trompa en la connoissance [357] de la vraÿe Eglise, mays son intention suffiroit en cest endroit, puysque encores qu'elle se terminast a l'intention d'une eglise fausaire, si est ce qu'elle ne s'y termineroit que sous la forme et conception de la vraye Eglise, et l'erreur ne seroit que materiel, non formel, comme disent nos docteurs. |
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A001001514 |
[365] En fin, Luther, Zuingle, Calvin et ceux de leur parti ont du tout nié la verité du Purgatoire, car quoy que Luther, in Disputatione Lipsica, dict qu'il croyoit fermement, ains sçavoit asseurement, qu'il y avoit un Purgatoire, si est ce que par apres il s'en dedict, au livre De abroganda missa privata. |
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A001001519 |
Par plusieurs autres passages, avec diversité de consequences toutes neanmoins bien a propos; en quoy l'on doit d'autant plus deferer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz alleguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Peres anciens, sans que pour defendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interpretations: qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons [366] en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consequences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensees cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise.. |
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A001001564 |
chap., ou Nostre Seigneur dict qu'il y a un peché qui ne peut estre pardonné ni en ce siecle ni en l'autre; donques il y a des pechés qui peuvent estre remis en l'autre siecle, car, s'il n'y avoit point de pechés qui puissent estre remis en l'autre siecle, il n'estoit ja necessaire d'attribuer ceste proprieté a une sorte de peché de ne pouvoir estre remis en l'autre [378] siecle, ains suffisoit de dire qu'il ne pouvoit estre remis en ce monde. |
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A001001590 |
c.: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio; qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Qu'est ce, je vous prie, d'estre coulpable de gehenne du feu, sinon estre coulpable de l'enfer? or ceste peyne n'est deüe qu'a ceux qui appellent fatue: ceux qui montent en cholere et ceux qui expriment leur cholere par parole non injurieuse et diffamatoire, ne sont pas en mesme rang; ains l'un merite le jugement, c'est a dire, que sa colere soit mise en jugement, comme la parolle oyseuse, Mat. |
02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html |
A002000186 |
Si que, voulant monstrer que les passages des anciens Peres cités es placquars ne sont pas bien entenduz, il parle en ceste sorte: « Quelques passages des Anciens y sont alleguez, mais hors et bien loin du sens des autheurs; car, quand les Anciens ont parlé de la Croix, ils n'ont pas entendu de deux pieces traversantes l'une sur l'autre, ains du mystere de nostre redemption, dont le vray sommaire et accomplissement a esté en la Croix, mort et passion de Jesus Christ; et cest equivoque ou double signification de croix, n'estant apperceuë par les sophistes, fait qu'ils errent et font errer. |
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A002000189 |
Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire. |
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A002000199 |
Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaique et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices. |
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A002000222 |
L'Escriture atteste par tout qu'elle se peut voir et connoistre, ains qu'ell'est conneue. |
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A002000226 |
Ces Apostres assemblés en Hierusalem, avec la petite troupe des disciples et la tresglorieuse Mere du Sauveur, faysoyent la vraye Eglise; et comment? visible, sans doute, ains tellement visible que le Sainct Esprit vint arrouser visiblement ces saintes plantes et pepinieres du Christianisme.. |
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A002000229 |
Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur. |
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A002000253 |
Mays, laquelle sera vraye, sinon celle que non seulement saint Athanase a proferee, ains est enseignee par Jesus Christ et les Prophetes, et creüe par toute l'ancienneté? [59]. |
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A002000259 |
Mais ce n'est que pour embrouiller que ce traitteur dit ceci, car nous ne disons pas que ce soyent les amis de la Croix qui l'ont ainsy enterree, ains plustost les ennemis d'icelle, affin d'en abolir la memoire, l'ont ainsy cachee. |
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A002000273 |
Et, si lon croid quelques historiens, Helene estoit encore infidele alors, et Constantin mesme n'estoit pas ferme Chrestien et n'avoit rien en Syrie adonc; et quelques uns disent qu'elle ne fut trouvee du temps du grand Constantin, ains de Constantin son fils; joint qu'Eusebe, qui a escrit la vie de « Constantin et qui parle de ce que Helene a fait en Jerusalem, ne dit un seul mot de ceste invention de Croix. |
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A002000513 |
Mais cependant ils n'attribuoient rien à la seule Croix ou au seul signe d'icelle, car Constantin faisoit recognoissance de la victoire à lui advenue, non à la [126] Croix, ains à Christ; car aussi il fit escrire sur les croix, par lui erigees, ces trois mots: Jesus Christ surmonte; tant s'en faut qu'il ait fait des prieres à la Croix: et Helene adora le Roy et non le bois; car c'eust esté un erreur Payen et vanité meschante, dit sainct Ambroise. |
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A002000574 |
Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement. |
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A002000575 |
Que ceste derniere piece d'epistre, citee par le traitteur, n'est aucunement de saint Epiphane, ains un agencement estranger; comme il appert en ce que le sens de l'epistre estoit du tout bien achevé sans ceste piece-la, que ceste piece est hors de propos, qu'elle ne ressent aucunement la phrase de saint Epiphane ou de saint Hierosme, et que les Iconoclastes, citans tous les tesmoignages qu'ilz peurent des anciens Peres, et nommement de saint Epiphane, ainsy qu'il est deduit au second Concile de Nicee, ne produisirent jamais ceste piece de l'epistre traduitte par saint Hierosme. |
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A002000581 |
» Tertullien, respondant pour eux, ne le nie en aucune façon, ains le concede; autant en fait Justin le Martyr; saint Athanase dit ces propres paroles: « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix, la composans de deux bois. |
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A002000665 |
Je dis qu'on bayse asses par honneur le prince et le roy quand on bayse le bout de [162] son manteau ou de son sceptre, ains on ne bayse pas autrement les mains aux souverains que baysant leurs manteaux; l'honneur fait a telles appartenances se rapporte a ceux de qui elles sont. |
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A002000669 |
En fin ce seroit bien en cest endroit ou auroit lieu la distinction tant prechee par le traitteur, de la croix tourment et de la croix instrument de tourment, car bien souvent, louant la Croix, on n'entend pas parler du seul bois ou signe de sa Croix, ains encores des tourmens et peynes que Nostre Seigneur a souffertz. |
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A002000671 |
Or combien soit ancienne la celebration du Vendredi, et sur tout du Vendredi Saint, a l'honneur de la Croix, saint Chrysostome en tesmoignera: « Commençons aujourd'huy, mes tres chers, » dit-il, « a precher du trophee de la Croix; honnorons ceste journee, ains soyons plustost couronnés en celebrant ce jour, car la Croix n'est point honnoree par nos paroles, mays nous meriterons les couronnes de la Croix par nostre fidelle confession; aujourd'huy la Croix a esté fichee et le monde a esté sanctifié. |
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A002000671 |
» Mays non seulement saint Chrysostome escrit qu'on honnoroit beaucoup le Vendredi pour la Croix, ains dit ouvertement qu'au Vendredi Saint on adoroit la Croix. |
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A002000692 |
Ainsy Constantin vit autour de la seule croix qui lui apparut au ciel ces motz: Surmonte par ce signe; mais cela ne s'entendoit pas seulement de la [180] croix particuliere qui estoit au ciel, ains encor des autres pareilles. |
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A002000692 |
Et de fait, au tems que Constantin combattoit, ceste croix celeste n'estoit plus en estre, ains le Labare et autres croix patronnees sur icelle, differentes voirement quant a la matiere et individu, mais de mesme espece quant a la forme.. |
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A002000710 |
Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout. |
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A002000710 |
Icelui avoit esté basti par le commandement de Dieu, pourtant ce n'estoit pas une idole, car, combien que par la Loy generale Dieu eust defendu de faire image de chose qui fust au ciel, en la terre, ni és eaux sous la terre, si est-ce que n'estant astreint à sa Loy ains estant au dessus d'icelle, il a peu dispenser, comme de faict il a dispensé lui-mesme de sa Loy, et a commandé de faire ce serpent qui a esté figure de l'exaltation de Jesus Christ eslevé en croix, comme lui-mesme le tesmoigne en sainct Jean, chap. 3. |
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A002000735 |
Mais non seulement elle employe ces actions qui d'elles mesmes sont utiles et bonnes, ains met en besoigne des actions indifferentes et lesquelles d'ailleurs seroyent du tout inutiles: [211] comme ce bon homme de l'Evangile, qui envoya en sa vigne ceux qu'il trouva oyseux et desquelz aucun ne s'estoit voulu servir jusques a l'heure. |
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A002000738 |
Les payens et autres infideles ont quelquefois usé de ce signe, mais par emprunt, non comme d'une ceremonie de leur religion ains de la nostre; et d'effect le traitteur confesse que le signe de la Croix est une marque de Chrestienté. |
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A002000754 |
Le traitteur veut faire croire que l'antiquité n'employoit le signe de la Croix sinon pour le premier effect; mais au contraire, elle ne l'employoit presque jamais pour ceste seule intention, ains son plus ordinaire usage estoit d'estre employé a demander ayde a Dieu. |
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A002000754 |
» Or sus, ce tant libre et universel usage de ce saint signe, peut-il estre reduit a la seule profession de foy? En tout œuvre, se levant le matin, se couchant le soir, la nuict en l'obscurité, et es lieux non habités, a quel propos feroit-on ceste [224] profession de foy ou personne ne la voit? Mais il y a plus: ces Peres qui recommandent tant l'usage de ce signe n'apportent jamais pour rayson la seule profession de foy, ains encor la defense et protection que nous en pouvons recevoir comme d'une cuirasse et corcelet a l'espreuve, ainsy que saint Ephrem l'appelle.. |
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A002000761 |
Ç'a esté une solemnelle observation aux Juifz et Chrestiens de prier par l'eslevation des mains, ains c'est une ceremonie tant naturelle que presque toutes nations l'ont employee, comme pour reconnoissance que le ciel est le domicile de la gloire de Dieu; tesmoin celuy qui disoit:. |
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A002000777 |
Les mariniers, qui voguent a l'aspect et conduitte des estoilles, ne vont pas au ciel pour cela mais en terre, aussi ne visent-ilz pas au ciel sinon pour chercher la terre; au contraire, les Chrestiens, ne respirans qu'au ciel ou est leur thresor et le port asseuré de leurs esperances, regardent bien souvent aux choses d'icy bas, mais ce n'est pas pour aller a la terre, ains pour aller au ciel. |
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A002000801 |
Le traitteur reconnoist ceste rayson comme partie de saint Augustin et de Lactance, et tout aussi tost y joint ceste censure: « Quoi que ce soit, ç'a esté une façon introduite par imitation et exemple Judaique, et non par commandement: or, jamais on ne se doit fonder sur le seul exemple des hommes, ains sur les reigles [250] generales tirees du commandement de Dieu. |
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A002000803 |
II. Que c'est une expresse ignorance ou bestise de dire que jamais on ne se doit fonder sur l'exemple des hommes, ains sur les regles generales tirees du commandement de Dieu. |
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A002000804 |
Car si nous taschons de rejetter les coustumes non escrittes comme n'estans guere importantes, [254] nous condamnerons aussi imprudemment les choses necessaires a salut qui sont en l'Evangile; ains plustost nous ravallerons la predication mesme de la foy, a une parole nuë et vaine. |
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A002000822 |
Mais quelle plus grande similitude y peut-il avoir, sinon que le Thau fust une croix? Certes, nous ne disons pas que le Thau soit une croix, ains qu'il la ressemble; or, similia non sunt eadem. |
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A002000823 |
Il a tort aussi d'alleguer que le caractere Hebreu est fait ainsy, ח, car c'est le caractere tel qu'on le fait aujourd'huy, duquel nous ne parlons pas, ains de celuy qui estoit au tems d'Ezechiel, lequel, comme dit saint Hierosme, ressembloit a la Croix.. |
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A002000826 |
Mais si la parole Thau ne signifie pas seulement une borne et signe, ains encor une croix, comme l'asseure Genebrard, homme extremement ou incroyablement versé en la langue hebraïque, quelle plus grande lumiere voudroit-on en confirmation de nostre dire?. |
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A002000851 |
Ouy, comme si quelqu'un pouvoit haïr sinon celuy qui nuit ou peut nuire; ains [284] il estoit seant a la majesté de ces dieux de punir et tourmenter ceux qu'ilz haïssoyent, plustost que de fuir; mays d'autant qu'ilz ne peuvent s'approcher de ceux esquelz ilz voyent la marque celeste, ni nuire a ceux que l'Estendart immortel contregarde comme un rempart inexpugnable, ilz les faschent et affligent par les hommes, et les persecutent par les mains d'autruy; ce qu'a la verité, s'ilz confessent, nous avons gain de cause. |
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A002000855 |
Et parlant de l'exemple de Julien l'Apostat, il dit que l'exemple d'un tel miserable ne doit estre allegué pour establir une doctrine en l'Eglise, cartel exemple n'est pas louable... tellement qu'on peut bien faire ceste conclusion: puis que Julian l'Apostat et semblables ont fait ce signe et en ont esté, comme on dit, secourus, il est apparent que cela ne procede de Dieu, ains qu'il est venu de Satan qui l'a de plus en plus voulu troubler et enlacer, par le juste jugement de Dieu. |
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A002000857 |
Et quant au fait de Julien l'Apostat, lequel le traitteur dit ne devoir estre suivi, ains plustost rejetté, je remonstre que c'est un trait de mauvaise foy au traitteur de gauchir ainsy a la rayson vive; car, qui produit onques ce fait comme de Julien l'Apostat? On l'avance pour monstrer que le signe de la Croix a tant de vertu contre les malins, que non seulement ilz le craignent en bonnes mains, mais encor es mains de qui que ce soit, dequoy le cas advenu a Julien fait une claire preuve. |
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A002000900 |
Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration? Ce n'est pas en la premiere, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul, qui, connoissans Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ains secoüans le joug ont dit, nous ne servirons point, ilz l'ont conneu, mays non pas reconneu. |
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A002000914 |
L'honneur presuppose bonne affection a l'endroit de celuy qu'on honnore: or, les malins nous sont irreconciliables, et ne devons les avoir en aucun commerce d'affection, ains a une totale alienation et abomination. |
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A002000914 |
Mays quant a la passive, les seulz damnés en sont du tout et simplement privés, par ces raysons: l'excellence de leur nature ne tend a aucune bonté, ains est irrevocablement contournee au mal; or, tout honneur tend a la vertu et honnesteté; leur excellence est accablee et estouffee par l'extreme misere et vileté. |
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A002000927 |
J'ay dit ceci, tant parce qu'en cest aage si fascheux et chicaneur il est expedient qu'on sçache parfaittement ce que valent les motz, qu'aussi pour respondre au traitteur qui, nous reprochant que nous adorons la Croix et les images, se baillant beau jeu sur nous, dit que « la replique est frivole de dire qu'on ne les adore pas puis qu'on ne met pas sa fiance en elles »; car je dis, au contraire, que le traitteur est extremement frivole de s'imaginer ceste replique pour nous, laquelle nous n'advouons pas ainsy crue comme elle est couchee, ains, nous tenans sur la demarche de l'Escriture Sainte et de nos devanciers, nous confessons qu'on peut loysiblement adorer les saintes creatures, notamment la Croix, et disons tout haut avec saint Athanase: « Nous adorons la figure de la Croix », et avec Lactance: « Flechisses le genou, et adores le bois venerable de la Croix. |
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A002000934 |
Tel connoist en son ame quelque excellent advantage d'un autre sur luy, qui neanmoins ne le voudra pas reconnoistre a proportion de ce qu'il le connoist, ains beaucoup moins ou plus: tesmoin ceux qui, connoissans Dieu ne l'ont pas adoré comme Dieu. |
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A002000944 |
Ou elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont plusieurs hommes et les Anges, qui ont reellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grace de Dieu; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la verité absolu, mays non pas supreme ni independant, ains subalterne et dependant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu: de ceste sorte d'adoration n'est capable que la creature intelligente et vertueuse, car autre que celle-la ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on honnore. |
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A002000944 |
Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, et l'adoration absolue et independante, souveraine et supreme luy sera deuë: c'est Dieu seul qui est capable [329] de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme. |
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A002000951 |
La difference de leur adoration ne se prend pas du sujet auquel elles appartiennent, mais de la façon en laquelle elles luy appartiennent; elles appartiennent a un mesme sujet, mais non pas en mesme façon ains diversement, c'est ce qui en diversifie et rend differentes les venerations.. |
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A002000956 |
L'homme en peinture est homme, un homme mort est homme, mais non pas simplement homme, ains homme par proportion, representation et relation: de mesme, l'honneur deu a l'image et au cors de cest homme, s'il est simplement homme, sera humain, non absolument, mays par proportion et relation; s'il est homme saint, l'honneur sera de dulie, mays respective et relative; si c'est l'image de Jesus Christ, l'honneur sera de latrie, mays respective. |
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A002001057 |
De mesme, quand quelqu'un prend possession de quelque chose pour un autre il n'est pas proprement possesseur, ains celuy pour lequel la possession est prise. |
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A002001057 |
On ne sçauroit dire que telz honneurs soyent proprement portés aux statues, ains aux princes representés par les statues, non d'une representation naturelle, mays d'une representation arbitraire, feinte, et imaginee par l'institution des hommes. |
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A002001086 |
Et pourtant nous avons dit, ce furent leurs paroles, que s'ilz veulent nous dire ainsy, ou a nostre posterité, alhors nous leur dirons: voyes la similitude de l'autel de l'Eternel, que nos peres avoyent fait, non point pour l'holocauste ni pour le sacrifice, ains a ce qu'il soit tesmoin entre vous et nous. |
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A002001096 |
Ce sont des pointz qui rendent suspecte, ains convaincue d'attentat, toute la procedure des censures que les reformeurs font contre nous qui sommes Catholiques, auxquelz ilz sont inferieurs en tant et tant de façons, et si notoirement.. |
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A002001149 |
Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-la qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4 a 7 æ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu excellentia honoris ), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration. |
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A002001151 |
On cest'excellence, de laquell'on rend tesmoignage par l'honneur, est advantageuse a celuy que nous honnorons, sur nous, et lhors nous le pouvons, ains devons, adorer, puysque la rayson veut que nous nous reconnoissions et faisions profession d'estr'inferieurs a ceux qui ont quelque advantage d'excellence et eminence sur nous. |
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A002001154 |
est la principale et formelle: car la premiere est bien souvent sans adoration, comm'es Diables, qui, reconnoissans la majesté de Dieu, ne l'adorent pourtant pas ains s'opposent tant quilz peuvent a son excellence, et ceux desquelz parle S t Pol, Rom. 1, qui, connoissans Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu; la troysiesme peut estre faitte par mocquerie et hipocrisie; la seule seconde est tousjours vraÿe adoration.. |
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A002001155 |
qu'autre que la creature ne peut adorer; car Dieu qui ne peut rencontrer hors de soi aucune excellence qui soit advantageuse sur luy, ains devance de l'infinité toute autre perfection, il ne peut adorer chose quelqu'onque. |
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A002001156 |
Mays la vertu pour laquell'on reçoit honneur n'est pas tousjours nostre, ains bien souvent d'autruy: comm'on honore les superieurs quoy que mauvais, pour la vertu de Dieu et de la republique de laquell'ilz tiennent le lieu; ainsy les peres et maistres sont honnorables pour la participation quilz ont de la dignité de Dieu qui est supreme Pere, principe, recteur et Seig r; ainsy les vieux, parce que la viellesse est un signe de sagesse, comme tesmoignant de l'experience; ainsy les riches, comm'ayans un bon instrument pour ayder et conserver la republique. |
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A002001157 |
Item, que lhonneur præsuppos'amitié, et nous avons les Diables pour ennemis irreconciliables, avec lesquelz nous n'avons ni devons avoir aucun commerce ni amitié, ains les devons avoir en execration et abomination.. |
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A002001176 |
Les images des Cherubins, des lions, vaches, pommes graines, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la similitude de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Nostre Seigneur l'image de Cæsar et il ne la rejette point, ains l'approuve. |
03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html |
A003000344 |
Mais tout cela je l'ay fait sans nulle sorte presque de loysir; c'est pourquoy tu ne verras rien icy d'exacte, ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy que j'explique par des paroles claires et intelligibles, au moins ay-je desiré de le faire. |
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A003000348 |
On dit que la tigresse avant retreuvé l'un de ses petitz, que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere a la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau. |
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A003000360 |
Ainsy les pecheurs ne volent point en Dieu, ains font toutes leurs courses en la terre et pour la terre; les gens de bien qui n'ont pas encor atteint la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions, mais rarement, lentement et pesamment; les personnes devotes volent en Dieu frequemment, promptement et hautement. |
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A003000360 |
La vraye et vivante devotion, o Philothee, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un vray amour de Dieu; mais non pas toutefois un amour tel quel: car, entant que l'amour divin embellit nostre ame, il s'appelle grace, nous rendant aggreables a sa divine Majesté; entant qu'il nous donne la force de bien faire, il s'appelle charité; mais quand il est [14] parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, ains nous fait operer soigneusement, frequemment et promptement, alhors il s'appelle devotion. |
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A003000361 |
Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend promptz et actifz et diligens a l'observation de tous les commandemens de Dieu; mais outre cela, elle nous provoque a faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encores qu'elles ne soyent aucunement commandees, ains [15] seulement conseillees ou inspirees. |
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A003000365 |
Mais comme Josué et Caleb protestoyent que non seulement la terre promise estoit bonne et belle, ains aussi que la possession en seroit douce et aggreable, de mesme le Saint Esprit, par la bouche de tous les Saintz, et Nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse et amiable.. |
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A003000375 |
Non, Philothee, la devotion ne gaste rien quand elle est vraye, ains elle perfectionne tout, et lhors qu'elle se rend contraire a la legitime vacation de quelqu'un, elle est sans doute fausse. |
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A003000375 |
« L'abeille, » dit Aristote, « tire son miel des fleures sans les intéresser, » les laissant entieres et fraisches comme elle les a treuvees; mais la vraye devotion fait encor mieux, car non seulement elle ne gaste nulle sorte de vocation ni d'affaires, ains au contraire elle les orne et embellit.Toutes sortes de pierreries jettees dedans le miel en deviennent plus esclatantes, chacune selon sa couleur, et chacun devient plus aggreable en sa vocation la conjoignant a la devotion: le soin de la famille en est rendu paisible, l'amour du mari et de la femme plus sincere, le service du prince plus fidelle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et amiables.. |
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A003000376 |
C'est un erreur, ains une heresie, de vouloir bannir la vie devote de la compaignie des soldatz, de la [20] boutique des artisans, de la cour des princes, du mesnage des gens mariés. |
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A003000385 |
Mais je vous dis derechef, demandes-le a Dieu, et l'ayant obtenu benisses sa divine Majesté, demeurés ferme et n'en cherches point d'autres, ains alles simplement, humblement et confidemment, car vous feres un tres heureux voyage.. |
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A003000390 |
Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ilz ne volent pas, ains montent et descendent par ordre, d'eschellon en eschellon. |
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A003000397 |
Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent d'une vie commune et vulgaire sont pleines de grans defautz: car souvent on ne se prepare point ou fort peu, on n'a point la contrition requise, ains il advient maintes fois que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas eviter l'occasion du peché, ni prendre les expediens necessaires a l'amendement de la vie; et en tous ces cas ici la confession generale est requise pour asseurer l'ame. |
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A003000407 |
Ainsy, quand le penitent ne hait le peché que par une legere, quoy que vraye contrition, il se resoult voyrement bien de ne plus pecher, mais quand il le hait d'une contrition puissante et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances et acheminemens du peché. |
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A003000407 |
Une haine ou rancune foible et debile nous fait avoir a contrecœur celuy que nous haïssons et nous fait fuir sa compaignie; mais si c'est une haine mortelle et violente, non seulement nous fuyons et abhorrons celuy a qui nous la portons, ains nous avons a degoust et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliés, parens et amis, non pas mesme son image, ni chose qui luy appartienne. |
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A003000418 |
Dieu vous a fait esclore de ce rien, pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté.. |
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A003000619 |
Vous aves meshui quitté Satan avec sa triste et malheureuse troupe, par les bonnes affections que vous aves conceuës, et neanmoins vous n'estes pas encor arrivee au Roy Jesus, ni jointe a son heureuse et sainte compaignie de devotz, ains vous aves esté tous-jours entre l'un et l'autre.. |
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A003000655 |
Les jeux, les balz, les festins, les pompes, les comedies, en leur substance ne sont nullement choses mauvaises ains indifferentes, pouvans estre bien et mal exercees; tous-jours neanmoins ces choses-la sont dangereuses, et de s'y affectionner, cela est encor plus dangereux. |
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A003000656 |
Mais n'est-ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faitz s'empresser et s'affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommees, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous desregler et desordonner a leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections; et, bien que les actes ne soient pas tous-jours contraires a la devotion, les affections neanmoins luy sont tous-jours dommageables. |
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A003000709 |
C'est le grand fruit de la meditation, sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile, mais nuisible, parce que les vertus meditees et non prattiquees enflent quelquefois l'esprit et le courage, nous estant bien advis que nous sommes telz que nous avons resolu et delibvré d'estre, ce qui est sans doute veritable si les resolutions sont vives et solides; mais elles ne sont pas telles, ains vaines et dangereuses, si [83] elles ne sont prattiquees. |
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A003000712 |
Et quoy que j'aye mis les affections apres toutes les considerations, je ne l'ay fait que pour mieux distinguer les parties de l'orayson; car au demeurant, c'est une regle generale qu'il ne faut jamais retenir les affections, ains les laisser tous-jours sortir quand elles se presentent. |
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A003000718 |
Que s'il plaist a la divine Majesté de nous parler et s'entretenir avec nous par ses saintes inspirations et consolations interieures, ce nous sera sans doute un grand honneur et un playsir tres delicieux; mais s'il ne luy plaist pas de nous faire cette grace, nous laissans la sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas et que nous ne fussions pas en sa presence, nous ne devons pourtant pas sortir, ains, au contraire, nous devons demeurer la, devant cette souveraine Bonté, avec un maintien devotieux et paisible; et lhors infalliblement il aggreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité et perseverance, si qu'une autre fois, quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faysant voir l'amenité de la sainte orayson. |
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A003000744 |
Resouvenés vous donq, Philothee, de faire tous-jours plusieurs retraittes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmi les conversations et affaires; et cette solitude mentale ne peut nullement estre empeschee par la multitude de ceux qui vous sont autour, car ilz ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre cors, si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul. |
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A003000752 |
Le pelerin qui prend un peu de vin pour res-jouir son cœur et rafraischir sa bouche, bien qu'il s'arreste un peu pour cela, ne rompt pourtant pas son voyage, ains prend de la force pour le plus vistement et aysement parachever, ne s'arrestant que pour mieux aller.. |
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A003000752 |
Philothee, nostre esprit s'addonnant a la hantise, privauté et familiarité de son Dieu, se parfumera tout de ses perfections; et si, cet exercice n'est point malaysé, car il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations, sans aucunement les incommoder, d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit en ces eslancemens interieurs, on ne fait que des petitz et courtz divertissemens qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup a la poursuite de ce que nous faysons. |
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A003000753 |
Plusieurs ont ramassé beaucoup d'aspirations vocales, qui vrayement sont fort utiles; mais par mon advis, vous ne vous astreindres point a aucune sorte de paroles, ains prononcerés ou de cœur ou de bouche celles que l'amour vous suggerera sur le champ, car il vous en fournira tant que vous voudres. |
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A003000757 |
Constantin le Grand escrivit honnorablement a saint Anthoine, dequoy les religieux qui estoyent autour de luy furent fort estonnés, et il leur dit: « Comme admires-vous qu'un Roy escrive a un homme? Admires plustost dequoy Dieu eternel a escrit sa loy aux mortelz, ains leur a parlé bouche a bouche en la personne de son Filz. |
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A003000770 |
Mais si vous voules pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous ailes suivant de jour en jour, il ne sera pas requis que vous vous divertissies a faire ces particulieres actions; ains suffira qu'au commencement vous dressies vostre intention a vouloir adorer et offrir ce saint Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et orayson, puisqu'en toute meditation se treuvent les actions susdites, ou expressement ou tacitement et virtuellement. |
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A003000788 |
Soyes devote a la parole de Dieu: soit que vous l'escouties en devis familiers avec vos amis spirituelz, soit que vous l'escouties au sermon, oyes-la tous-jours avec attention et reverence; faites en bien vostre prouffit et ne permettes pas qu'elle tombe a terre, ains receves-la comme un pretieux baume dans vostre cœur, a l'imitation de la Tressainte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans le sien toutes les paroles que l'on disoit a la louange de son Enfant. |
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A003000816 |
» Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere ni loüe absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela a la discretion du pere spirituel de celuy qui se voudra resouldre sur ce point; car la disposition requise pour une si frequente Communion devant estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generalement; et parce que cette disposition la, quoy qu'exquise, se peut treuver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generalement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier. |
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A003000820 |
C'est chose indecente, bien que non pas grand peché, de solliciter le payement du devoir nuptial le jour que l'on s'est communié, mais ce n'est pas chose malseante, ains plustost meritoire de le payer. |
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A003000836 |
Il y a neanmoins des vertus lesquelles ont leur usage presque universel, et qui ne doivent pas seulement faire leurs actions a part, ains doivent encor respandre leurs qualités es actions de toutes les autres vertus. |
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A003000846 |
Ains il est arrivé, comme dit saint Gregoire Nazianzene, que par une seule action de quelque vertu, bien et parfaittement exercee, une personne a atteint au comble des vertus, alleguant Rahab, laquelle, ayant exactement prattiqué l'office d'hospitalité, parvint a une gloire supreme; mais cela s'entend quand telle action se fait excellemment, avec grande ferveur et charité. |
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A003000852 |
J'atteste Jesus auquel elle a servi et auquel je desire servir, que je ne mens ni d'un costé ni d'autre, ains produis naifvement ce qui est d'elle, comme Chrestien d'une Chrestienne; c'est a dire, j'en escris l'histoire, non pas un panegyrique, et que ses vices sont les vertus des autres. |
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A003000852 |
Ma Philothee, il faut avoir bonne opinion de ceux esquelz nous voyons la prattique des vertus, quoy qu'avec imperfection, puisque les Saintz mesmes les ont souvent prattiquees en cette sorte; mays quant a nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidellement, mais prudemment, et a cet effect observer estroittement l'advis du Sage, de ne point nous appuyer sur nostre propre prudence, ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs.. |
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A003000886 |
Il est vray que quand Michol sa femme luy en fit reproche comme d'une folie, il ne fut pas marri de se voir avili: ains perseverant en la naifve et veritable representation de sa joye, il tesmoigna d'estre bien ayse de recevoir un peu d'opprobre pour son Dieu. |
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A003000894 |
Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre. |
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A003000900 |
Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela.. |
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A003000902 |
Ainsy, bien que la renommee soit coupee, ou mesme tout a fait rasee par la langue des mesdisans, qui est, dit David, comme un rasoir affilé, il ne se faut point inquieter, car bien tost elle renaistra non seulement aussi belle qu'elle estoit, ains encores plus solide. |
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A003000956 |
Je dis: pour le moins, parce qu'elle en meurt et perit du tout quand les sottises et lascivetés donnent a la chair le dernier effect du playsir voluptueux, ains alhors la chasteté perit plus indignement, meschamment et malheureusement, que quand elle se perd par la fornication, voire par l'adultere et l'inceste; car ces dernieres especes de vilenies ne sont que des pechés, mais les autres, comme dit Tertullien, au livre De la Pudicité, sont des «monstres» d'iniquité et de peché. |
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A003000962 |
Les alcions [184] font leurs nid comme une paume, et ne laissent en iceux qu'une petite ouverture du costé d'en haut; ilz les mettent sur le bord de la mer, et au demeurant les font si fermes et impenetrables que les ondes les surprenans, jamais l'eau n'y peut entrer; ains tenans tous-jours le dessus, ilz demeurent emmi la mer, sur la mer et maistres de la mer. |
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A003000981 |
Esaü se presenta a son pere avec ses mains toutes couvertes de poil, et Jacob en fit de mesme; mais parce que le poil qui estoit es mains de Jacob ne tenoit pas a sa peau, ains a ses gans, on luy pouvoit oster son poil sans l'offencer ni escorcher: au contraire, parce que le poil des mains d'Esaü tenoit a sa peau, qu'il avoit toute velue de son naturel, qui luy eust voulu arracher son poil luy eust bien donné de la douleur: il eust bien crié, il se fust bien eschauffé a la defense. |
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A003000988 |
Ne vous plaignes donq pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté; car on ne se plaint que de ce qui desplait, et si la pauvreté vous desplait vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection. |
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A003001001 |
Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s'abismer en des charnalités et lascivetés fort vilaines, si est ce que ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les exercent; autrement ce ne seroyent plus amourettes, ains impudicités manifestes. |
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A003001020 |
Le miel d'Heraclee trouble la veuë, et cette amitié mondaine trouble le jugement, en sorte que ceux qui en sont atteins pensent bien faire en mal faisant, et cuydent que leurs excuses, pretextes et paroles soyent des vrayes raysons; ilz craignent la lumiere et ayment les tenebres, mais l'amitié sainte a les yeux clairvoyans et ne se cache point, ains paroist volontier devant les gens de bien. |
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A003001032 |
Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom.. |
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A003001037 |
On dit que la salemandre esteint le feu dans lequel elle se couche, et le peché ruine l'amitié en laquelle il se loge: si c'est un peche passager, l'amitié luy donne soudain la fuite par la correction; mais s'il sejourne et arreste, tout aussi tost l'amitié perit, car elle ne peut subsister que sur la vraye vertu; combien moins donq doit on pecher pour l'amitié? L'ami est ennemi quand il nous veut conduire au peché, et merite de perdre l'amitié quand il veut perdre et damner l'ami; ains c'est l'une des plus asseurees marques d'une fause amitié que de la voir prattiquee envers une personne vicieuse, de quelle sorte de peché que ce soit. |
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A003001044 |
C'est pourquoy, chere Philothee, j'ay voulu avant toutes choses graver et inscrire sur vostre cœur ce mot saint et sacré: VIVE JESUS, asseuré que je suis qu'apres cela, vostre vie, laquelle vient de vostre cœur comme un amandier de son noyau, produira toutes ses actions qui sont ses fruitz, escrites et gravees du mesme mot de salut, et que comme ce doux Jesus vivra dedans vostre cœur, il vivra aussi en tous vos deportemens, et paroistra en vos yeux, en vostre bouche, en vos mains, voyre mesme en vos cheveux; et pourrés saintement dire, a l'imitation de saint Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy. |
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A003001087 |
Il y a des cœurs aigres, amers et aspres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu'ilz reçoivent et convertissent, comme dit le Prophete, le jugement en absynthe, ne jugeans jamais du prochain qu'avec toute rigueur et aspreté: ceux ci ont grandement besoin de tomber entre les mains d'un bon medecin spirituel, car cette amertume de cœur leur estant naturelle, elle est malaysee a vaincre; et bien qu'en soy elle ne soit pas peché, ains seulement une imperfection, elle est neanmoins dangereuse, parce qu'elle introduit et fait regner en l'ame le jugement temeraire et la mesdisance. |
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A003001088 |
Quelques uns n'ont pas cet orgueil manifeste, ains seulement une certaine petite complaisance a considerer le mal d'autruy pour savourer et faire savourer plus [233] doucement le bien contraire duquel ilz s'estiment doués; et cette complaisance est si secrette et imperceptible, que si on n'a bonne veuë on ne la peut pas descouvrir, et ceux mesme qui en sont atteins ne la connoissent pas si on ne la leur monstre. |
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A003001089 |
La charité craint de rencontrer le mal, tant s'en [234] faut qu'elle l'aille chercher; et quand elle le rencontre, elle en destourne sa face et le dissimule, ains elle ferme ses yeux avant que de le voir, au premier bruit qu'elle en apperçoit, et puis croit par une sainte simplicité que ce n'estoit pas le mal, mais seulement l'ombre ou quelque fantosme de mal; que si par force elle reconnoist que c'est luy mesme, elle s'en destourne tout incontinent et tasche d'en oublier la figure. |
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A003001092 |
Ce n'est donq pas mal fait de douter du prochain, non, car il n'est pas defendu de douter, ains de juger; mais il n'est pourtant pas permis ni de douter ni de soupçonner sinon rie a rie, tout autant que les raysons et argumens nous contraignent de douter; autrement les doutes et soupçons sont temeraires. |
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A003001093 |
En fin, ceux qui ont bien soin de leurs consciences ne sont gueres sujetz au jugement temeraire; car comme les abeilles voyans le brouïllart ou tems nubileux se [237] retirent en leurs ruches a mesnager le miel, ainsy les cogitations des bonnes ames ne sortent pas sur des objetz embrouillés ni parmi les actions nubileuses des prochains: ains, pour en eviter le rencontre, se ramassent dedans le cœur pour y mesnager les bonnes resolutions de leur amendement propre. |
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A003001101 |
La mesdisance dite par forme de gausserie est encores plus cruelle que toutes; car, comme la ciguë n'est pas de soy un venin fort pressant, ains asses lent et auquel on peut aysement remedier, mais estant pris avec le vin il est irremediable, ainsy la mesdisance qui de soy passerait legerement par une oreille et sortiroit par l'autre, comme l'on dit, s'arreste fermement en la cervelle des escoutans quand elle est presentee dedans quelque mot subtil et joyeux. |
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A003001104 |
Non, chere Philothee, il ne faut pas, pensant fuir le vice de la mesdisance, favoriser, flatter ou nourrir les autres, ains faut dire rondement et franchement mal du mal et blasmer les choses blasmables: ce que faisant, nous glorifions Dieu, moyennant que ce soit avec les conditions suivantes.. |
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A003001105 |
S'il n'y a qu'une foible apparence, je ne diray rien que cela; s'il n'y a qu'une simple imprudence, je ne diray rien davantage; s'il n'y a ni imprudence ni vraye apparence du mal, ains seulement que quelque esprit malicieux en puisse tirer pretexte de mesdisance, ou je n'en diray rien du tout, ou je diray [242] cela mesme. |
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A003001174 |
Or cette union ne s'entend pas principalement du cors, ains du cœur, de l'affection et de l'amour.. |
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A003001177 |
Les imbecillités et infirmités, soit du cors soit de l'esprit de vos femmes ne vous doivent provoquer a nulle sorte de desdain, ains plustost a une douce et amoureuse compassion, puisque Dieu les a creées telles affin que, dependant de vous, vous en receussies plus d'honneur et de respect, et que vous les eussies tellement pour compaignes que vous en fussies neanmoins les chefz et superieurs. |
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A003001209 |
Qu'importe-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour prophane soit faite d'aigrettes blanches perchees en guise de pennaches, ou d'un crespe estendu en guise de retz tout autour du visage? ains souvent le noir est mis avec advantage de vanité sur le blanc pour en rehausser la couleur. |
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A003001210 |
Quand Noëmi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoyent conneuë au commencement de son mariage s'entredisoyent l'une a l'autre: N'est-ce point ici Noëmi? Mais elle respondit: Ne m'appelles point, je vous prie, Noëmi, car Noëmi veut dire gracieuse et belle, ains appelles moy Mara, car le Seigneur a rempli mon ame d'amertume: ce qu'elle disoit d'autant que son mari luy estoit mort. |
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A003001226 |
Nous avons veu des gentilshommes et des dames passer la nuit entiere, ains plusieurs nuitz de suitte a jouer aux eschecz et aux cartes. |
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A003001239 |
Saint Paul souffrit longuement les tentations de la chair, et tant s'en faut que pour cela il fust desaggreable a Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles; la bienheureuse Angele de Foligny sentoit des tentations charnelles si cruelles qu'elle fait pitié quand elle les raconte; grandes furent aussi les tentations que souffrit saint François et saint Benoist, lhors que l'un se jetta dans les espines et l'autre dans la neige pour les mitiger, et neanmoins ilz ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmenterent de beaucoup.. |
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A003001241 |
Mays quant a la delectation qui peut suivre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tous-jours la superieure ains fait son cas a part, il arrive maintesfois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'apostre saint Paul descrit, quand il dit que sa chair convoite contre son esprit, qu'il y a une loy des membres et une loy de l'esprit, et semblables choses.. |
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A003001258 |
C'est tous-jours chose blasmable a la jeune [301] princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition sale et deshonneste qui luy est faitte, mais encores apres l'avoir ouïe elle prend playsir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet objet; car bien qu'elle ne veuille pas consentir a l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neanmoins a l'application spirituelle de son cœur par le contentement qu'elle y prend, et c'est tous-jours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur ou le cors a chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement a l'application du cœur, que sans icelle l'application du cors ne peut estre peché. |
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A003001265 |
Mais en faysant ces protestations et ces refus de consentement, ne regardes point au visage de la tentation, ains seulement regardes Nostre Seigneur; car si vous regardes la tentation, principalement quand elle est forte, elle pourroit esbranler vostre courage.. |
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A003001293 |
Que si elle ne rencontre pas soudain ce qu'elle desire, elle entre en des grandes inquietudes et impatiences, lesquelles n'ostans pas le mal precedent, ains au contraire l'empirans, l'ame entre en une angoisse et detresse desmesuree, avec une defaillance de courage et de force telle, qu'il luy semble que son mal n'ait plus de remede. |
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A003001317 |
Saul poursuivant a mort le pauvre David, qui fuyoit devant luy es desers d'Engaddi, entra tout seul en une caverne en laquelle David avec ses gens estoyent cachés; David, qui en cette occasion l'eut peu mille fois tuer, luy donna la vie et ne voulut seulement pas luy faire peur, ains l'ayant laissé sortir a son ayse l'appella par apres pour luy remonstrer son innocence, et luy faire connoistre qu'il avoit esté a sa merci. |
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A003001326 |
Vous ferés donq ainsy que je vous viens de dire, tres-chere Philothee, quand vous aves des consolations; mais ce beau tems si aggreable ne durera pas tous-jours, ains il adviendra que quelquefois vous seres tellement privee et destituee du sentiment de la devotion, qu'il vous sera advis que vostre ame soit line terre deserte, infructueuse, sterile, en laquelle il n'y ait ni sentier ni chemin pour treuver Dieu, ni aucune eau de grace qui la puisse arrouser, a cause des secheresses qui, ce semble, la reduiront totalement en friche. |
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A003001334 |
Mais notés, Philothee, qu'il ne faut pas faire cet examen avec inquietude et trop de curiosité; ains apres avoir fidelement consideré nos deportemens pour ce regard, si nous treuvons la cause du mal en nous, il en faut remercier Dieu, car le mal est a moitié gueri quand on a [327] descouvert sa cause. |
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A003001338 |
Je ne dis pas qu'on ne doive faire des simples souhaitz de la delivrance; mais je dis qu'on ne s'y doit pas affectionner, ains se remettre a la pure merci de la speciale providence de Dieu, affin que tant qu'il luy plaira il se serve de nous entre ces espines et parmi ces desers. |
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A003001339 |
Finalement, Philothee, entre toutes nos secheresses et sterilités ne perdons point courage, mais attendans en patience le retour des consolations, suivons tous-jours nostre train; ne laissons point pour cela aucun exercice de devotion, ains, s'il est possible, multiplions nos bonnes œuvres, et ne pouvans presenter a nostre cher Espoux des confitures liquides, presentons-luy en des seches, car ce luy est tout un, pourveu que le cœur qui les luy offre soit parfaittement resolu de le vouloir aymer. |
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A003001376 |
Protestes que si, comme vous penses, vous descouvres d'avoir peu prouffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voules nullement pour tout cela vous abattre ni refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voules vous encourager et animer davantage, vous humilier et remedier aux defautz, moyennant la grace de Dieu.. |
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A003001436 |
Voyes vostre cœur comme il est genereux, et que, comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, ains s'arrestent seulement sur les fleurs, ainsy vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir. |
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A003001494 |
Animés les paroles qui y sont de vostre benediction, à ce que les ames, pour lesquelles je l'ay fait en puissent recevoir les inspirations sacrées que je leur desire, et particulierement celle d'implorer sur moy vostre immense misericorde, affin que monstrant aux autres le chemin de la devotion en ce monde, je ne sois pas repreuvé et confondu eternellement en l'autre: ains qu'avec eux je chante à jamais, pour cantique de triomphe, le mot que de tout mon cœur je prononce, pour tesmoignage de fidelité, entre les hasards de cette vie mortelle, VIVE JESUS, VIVE JESUS.. |
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A003001501 |
C'est pourquoy tu ne verras rien d'exacte en cecy: ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy, expliquez par des paroles claires, et intelligibles: au moins ay je eu ce dessein, et quant au reste des ornemens du langage je n'y ay pas seulement voulu penser, comme ayant assez d'autres choses à faire. |
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A003001505 |
On dit mesme que la tygresse ayant recouvert l'un de ses petits que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser, tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere à la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau. |
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A003001537 |
La vraye et vivante devotion, ô Philothée, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un amour de Dieu, mais non pas un amour tel quel: l'amour divin entant qu'il embelit nostre ame il s'apelle grace, nous rendant agreables à sa divine Majesté: entant qu'il nous donne la force d'operer, il s'apelle charité. |
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A003001538 |
Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend prompts, actifs et diligents à l'observation de tous les commandemens de Dieu, mais outre cela elle nous provoque à faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encor qu'elles ne soyent nullement commandees, ains seulement conseillees ou inspirees. |
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A003001550 |
Mais la vraye devotion fait encore mieux: car non seulement elle ne gaste nulle sorte de vocation ny d'affaires, ains au contraire elle les orne et embellit. |
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A003001550 |
Non, Philothee, la devotion ne gaste rien quand elle est vraye, ains elle perfectionne tout: et lors qu'elle se rend contraire à la legitime vocation de quelqu'un, elle est sans doubte fausse. |
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A003001551 |
C'est une erreur, ains une heresie de vouloir bannir la vie devote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la Cour des Princes, du mesnage des gens mariez. |
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A003001564 |
Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ils ne volent pourtant pas, ains montent et descendent par ordre d'eschelon en eschelon. |
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A003001570 |
Ains il advient maintefois que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas esviter l'occasion du peché, ny prendre les expedients necessaires à l'amandement de la vie: et en tous ces cas icy la confession generalle est fort requise pour asseurer l'ame. |
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A003001579 |
Mais si c'est une haine mortelle, et violente, non seulement nous fuyons, et aborrons celuy à qui nous la portons, ains nous avons à degoust, et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliez, parens et amis, non pas mesme son image ny chose qui luy apartient: ainsi quand le penitent ne hayt le péché que par une legere quoy que vraye contrition, il se resoult voirement bien de ne plus pecher: mais quand il le hayt d'une contrition puissante, et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances, et acheminemens [25*] du peché. |
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A003001590 |
Dieu par sa seule bonté vous a fait esclorre de ce rien pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté. |
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A003001842 |
C'est le grand fruit de la meditation sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile mais nuisible, parce que les vertus meditées, et non pratiquées enflent bien souvent l'esprit, et le courage: nous estant bien advis que nous sommes tels que nous avons resolu, et deliberé d'estre: ce qui est sans doute veritable, quand les resolutions sont vives, et solides, mais elles ne sont pas telles, si elles ne sont pratiquees, ains sont vaines, et dangereuses. |
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A003001844 |
Et quoy que j'aye mis les affections apres toutes les considerations, je ne l'ay fait que pour mieux distinguer les parties de l'Oraison: car au demeurant c'est une regle generalle qu'il ne faut jamais retenir les affections, ains les laisser tousjours sortir quant elles se presentent. |
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A003001849 |
Mais s'il ne luy plait pas de nous faire cette grace, nous laissant là sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas, et que nous ne fussions pas en sa presence: nous ne devons pourtant pas sortir, ains au contraire nous devons demeurer là devant cette souveraine bonté, avec un maintien devotieux, et paisible, et lors infalliblement il agreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité, et perseverence: si que une autre fois quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera, et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faisant voir l'amenité de la sainte Oraison. |
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A003001871 |
Nous avons veu des gentishommes et des dames passer la nuict entiere, ains plusieurs nuicts de suitte à joüer aux eschets et aux cartes. |
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A003001891 |
Les jeux, les bals, les festins, les pompes, les comedies, en leur substance ne sont nullement choses mauvaises, ains indifferentes, pouvant estre bien, et mal exercées. |
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A003001892 |
Mais n'est ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faits s'empresser et affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommées, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous [65*] deresgler et desordonner à leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections: et bien que les actes ne soient pas tousjours contraires à la devotion, les affections neantmoins luy sont tousjours dommageables.. |
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A003001931 |
Le pelerin, qui prend un peu de vin pour resjouïr son cœur et rafraichir sa bouche, encore qu'il s'arreste un peu pour le prendre ne rompt pour cela pas son voyage, ains prend de la force pour le plus vistement, et aysement parachever, et ne s'arreste que pour mieux aller.. |
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A003001931 |
O Philothee, nostre esprit, s'adonnant à la hantise, privauté, et familiarité de son Dieu, il se parfumera tout de ses perfections: et si cest exercice n'est point malaisé; car il se peut entrelasser à toutes nos affaires et occupations, sans nullement les incommoder: d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit aux eslancemens interieurs on ne fait que des petites, et courtes diversions, qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup à la poursuitte de ce que nous faisons. |
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A003001932 |
Plusieurs ont ramassé des petites aspirations vocales pour dire à cette intention, et vrayement elles sont fort utiles: mais par mon advis vous ne vous astreindrez à nulle sorte de paroles, ains prononcerez celles que le cœur vous dictera sur le champ; car l'amour vous en fournira tant que vous voudrez. |
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A003001944 |
Mais si vous voulez pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous allez suivant de jour en jour, il ne sera nullement requis que vous vous divertissiez à faire les particulieres actions que je viens de marquer, ains suffira qu'au commencement vous dressiez vostre intention à vouloir adorer et offrir ce sainct Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et oraison, puis qu'en toute meditation se treuvent les actions susdictes, ou expressement, ou tacitement et virtuellement. |
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A003001974 |
Et parce que cette disposition là quoy que exquise se peut treuver en plusieurs bonnes ames; il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generallement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier. |
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A003001978 |
C'est chose indecente, bien que non pas grand peché, de soliciter le payement du devoir nuptial, le jour que l'on s'est communié; mais ce n'est pas chose mal seante, ains plustost [87*] meritoire de le payer. |
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A003002043 |
Mais parce que le poil qui estoit és mains de Jacob, ne tenoit pas à sa peau, ains à ses gans, on luy pouvoit oster son poil sans l'oflfencer ny escorcher. |
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A003002051 |
Ne vous plaignés donc pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté: car on ne se plaint que de ce qui desplait; et si la pauvreté vous desplait, vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection.. |
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A003002072 |
Resouvenez vous cependant, ô Philothee, de faire tousjours plusieurs retraictes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmy les conversations, ainsi que j'ay marqué cy dessus; et ceste solitude mentale ne peut nullement estre empeschée par la multitude de ceux qui vous sont autour, parce qu'ils ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre corps: si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul. |
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A003002083 |
Il est permis de corriger les inferieurs avec des parolles aspres et dures, en leur reprochant leur vie et leurs vices, comme l'Apostre S. Paul ne fait nulle difficulté d'apeller les Galates insensés; et S. Jean Baptiste les Juifs engeance de viperes, et lors ces parolles aspres ne tiennent pas lieu d'injure, ains de correction: et n'ont pas leur origine de l'ire, mais de la charité et du zele. |
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A003002089 |
Alors doncq je puis, ains je dois dire franchement que cette privauté est blasmable, que cette dissolution est deshonneste. |
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A003002168 |
Que si elle ne rencontre pas soudain ce qu'elle desire elle entre en des grandes inquietudes et impatiences, lesquelles n'ostant pas le mal precedant ains au contraire l'empirant, l'ame entre en une angoisse et detresse demesurée, avec une defaillance de courage et de forces, telle, qu'il luy semble que son mal n'ait plus de remede. |
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A003002190 |
Soyez devote à la parolle de Dieu; et soit que vous l'escoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'escoutiez au sermon, oyez la tousjours avec attention et reverence, faictes en bien vostre proffit, et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez la comme un precieux baume dans vostre cœur, à l'imitation de la tres-saincte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans son cœur toutes les parolles que l'on disoit à la louange de son enfant; et resouvenez vous que nostre Seigneur recueille les parolles que nous luy disons en nos prieres, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication.. |
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A003002224 |
Grandes furent aussi les tentations que souffrit S. François et S. Benoist, lors que l'un se jetta dans les espines, et l'autre dans la neige pour les mitiger: et neantmoins ils ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmentarent de beaucoup.. |
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A003002226 |
Mais quant à la delectation qui peut suyvre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure, et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tousjours la superieure, ains fait son cas à part; il arrive maintefois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'Apostre S. Paul descrit quand il dit que sa chair convoite contre son esprit; qu'il y a une loy des membres, et une loy de l'esprit, et semblables choses.. |
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A003002243 |
C'est tousjours chose blasmable à la jeune Princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition salle et deshonneste qui luy est faicte, mais encore apres l'avoir ouïe elle prend plaisir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet object: car bien qu'elle ne vueille pas consentir à l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neantmoins à l'application spirituelle de son cœur, par [149*] le contentement qu'elle y prend: et c'est tousjours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur, ou le corps à chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement à l'application du cœur, que sans icelle l'application du corps ne peut estre peché.. |
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A003002252 |
Mais en faisant ces protestes et ces refus de consentement ne regardez point au visage la tentation, ains seulement regardez nostre Seigneur: car si vous regardiez la tentation, principalement quand elle est forte, elle pourroit esbranler vostre courage.. |
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A003002333 |
Protestez que si comme vous pensez, vous descouvrez d'avoir peu proffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voulez nullement pour tout cela vous abbatre, ny refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voulez vous encourager et animer d'avantage, vous humilier, et remedier aux defauts, moyennant la grace de Dieu.. |
04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A004000136 |
Mays comme nous sçavons bien que toute la clarté du jour provient du soleil, et disons neanmoins pour l'ordinaire que le soleil n'esclaire pas sinon quand a descouvert il darde ses rayons en quelque endroit, de mesme, bien que toute la doctrine chrestienne soit de l'amour sacré, si est ce que nous n'honnorons pas indistinctement toute la theologie du tiltre de ce divin [4] amour, ains seulement les parties d'icelle qui contemplent l'origine, la nature, les proprietés et les operations d'iceluy en particulier.. |
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A004000139 |
En nostre aage aussi plusieurs en ont escrit, desquelz je n'ay pas eu le loysir de lire distinctement les livres, ains seulement par ci par la, autant qu'il estoit requis pour voir si celuy ci pourroit encor treuver place. |
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A004000145 |
Je cite aucunefois l'Escriture Sainte en autres termes que ceux qui sont portés par l'edition ordinaire: o vray Dieu, mon cher Lecteur, ne me fay pas pour cela ce tort de croire que je veuille me departir de cette edition-la; ah non, car je sçai que le Saint Esprit l'a authorisee par le sacré Concile de Trente, et que partant nous nous y devons tous arrester; ains au contraire, je n'employe les autres versions que pour le service de celle ci, quand elles expliquent et confirment son vray sens. |
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A004000182 |
Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs.. |
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A004000189 |
Mais quant a nos sens et a la faculté de nourrir, croistre et produire, nous ne les pouvons pas gouverner si aysement, ains il nous y faut employer l'industrie et l'art. |
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A004000198 |
«Entre nous autres Chrestiens,» dit le grand saint Augustin, «selon les Escritures Saintes et la doctrine saine, les citoyens de la sacree Cité de Dieu, vivans selon Dieu au pelerinage de ce monde, craignent, desirent, se deulent et se res-jouissent.» Ouy mesme le Roy souverain de cette Cité a craint, desiré, s'est doulu et res-joui jusques a pleurer, blesmir, trembler et suer le sang, bien qu'en luy ces mouvemens n'ont pas esté des passions pareilles aux nostres; dont [31] le grand saint Hierosme, et apres luy l'Escole, ne les a pas osé nommer du nom de passions, pour la reverence de la personne en laquelle ilz estoyent, ains du nom respectueux de propassions, pour tesmoigner que les mouvemens sensibles en Nostre Seigneur y tenoyent lieu de passions, bien qu'ilz ne fussent pas passions; d'autant qu'il ne patissoit ou souffroit chose quelconque de la part d'icelles, sinon ce que bon luy sembloit et comme il luy plaisoit, les gouvernant et maniant a son gré; ce que nous ne faysons pas, nous autres pecheurs, qui souffrons et patissons ces mouvemens en desordre contre nostre gré, avec un grand prejudice du bon estat et police de nos ames.. |
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A004000202 |
L'amour estant la premiere complaisance que nous avons au bien, ainsy que nous dirons tantost, certes il precede le desir; et d'effect, qu'est-ce que l'on desire, sinon ce que l'on ayme? Il precede la delectation; car, comme pourroit-on se res-jouir en la jouissance d'une chose, si on ne l'aymoit pas? Il precede l'esperance, car on n'espere que le bien qu'on ayme; il precede la hayne, car nous ne haïssons le mal que pour l'amour que nous avons envers le bien, ains le mal n'est pas mal sinon parce qu'il est contraire au bien: et c'en est de mesme. |
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A004000221 |
Le saint amour fait son sejour sur la plus haute et relevee region de l'esprit, ou il fait ses sacrifices et holocaustes a la Divinité, ainsy qu'Abraham fit le sien, et que Nostre Seigneur s'immola sur le coupeau au mont Calvaire; affin que, d'un lieu si relevé, il soit ouy et obei par son peuple, c'est a dire par toutes les facultés et affections de l'ame, qu'il gouverne avec une douceur nompareille; car l'amour n'a point de forçatz ni d'esclaves, ains reduit toutes choses a son obeissance avec une force si delicieuse, que, comme rien n'est si fort que l'amour, aussi rien n'est si aymable que sa force.. |
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A004000238 |
Ainsy l'amour ne se fait pas tous-jours par la ressemblance et simpathie, ains par la correspondance et proportion, qui consiste en ce que par l'union d'une chose a une autre elles puissent recevoir mutuellement de la perfection et devenir meilleures. |
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A004000238 |
La convenance donq qui cause l'amour ne consiste pas tous-jours en la ressemblance, mais en la proportion, rapport ou correspondance de l'amant a la chose aymee: car ainsy ce n'est pas la ressemblance qui rend aymable le medecin au malade, ains la correspondance de la necessité de l'un avec la suffisance de l'autre, d'autant que l'un a besoin du secours que l'autre peut donner; comme aussi le medecin ayme le malade, et le sçavant son apprentif, parce qu'ilz peuvent exercer leurs facultés sur eux. |
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A004000253 |
Ce n'est pas, Theotime, qu'il n'y ait quelque sorte de passions en l'homme lesquelles, comme le guy vient sur les arbres par maniere d'excrement et de surcroissance, naissent aussi bien souvent parmi l'amour et autour de l'amour; mais neanmoins elles ne sont pas ni l'amour ni partie de l'amour, ains sont des excremens et superfluités d'iceluy, lesquelles non seulement ne sont pas prouffitables pour maintenir ou perfectionner l'amour, mais au contraire l'endommagent grandement, l'affoiblissent, et en fin finale, si on ne les retranche, le ruinent tout a fait; dequoy voyci la rayson.. |
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A004000266 |
Or cette inclination ne procede d'aucune connoissance que l'un ait de la nuisance de son contraire ou de l'utilité de celuy avec lequel il a convenance, ains seulement d'une proprieté [62] occulte et secrette, qui produit cette contrarieté et antipathie insensible, comme aussi la complaysance et simpathie.. |
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A004000267 |
Secondement, nous avons en nous l'appetit sensitif, par le moyen duquel nous sommes portés a la recherche et a la fuite de plusieurs choses, par la connoissance sensitive que nous en avons; tout ainsy comme les animaux, desquelz les uns appetent une chose et les autres une autre, selon la connoissance qu'ilz ont qu'elle leur est convenable ou non: et en cet appetit reside, ou d'iceluy provient l'amour que nous appelions sensuel ou brutal, qui, a proprement parler, ne doit neanmoins pas estre appellé amour, ains simplement appetit.. |
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A004000268 |
Or, en nostre ame entant qu'elle est raysonnable, nous remarquons manifestement deux degrés de perfection, que le grand saint Augustin, et apres luy tous les docteurs, ont appellé deux portions de l'ame, l'inferieure et la superieure: desquelles celle la est dite inferieure, qui discourt et fait ses consequences selon ce qu'elle apprend et experimente par les sens; et celle la est dite superieure, qui discourt et fait ses consequences selon la connoissance intellectuelle, qui n'est point fondee sur l'experience des sens, ains sur le discernement et jugement de l'esprit; aussi cette portion superieure est appellee communement esprit et partie mentale de l'ame, comme l'inferieure est ordinairement appellee le sens ou sentiment, et rayson humaine.. |
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A004000272 |
Or, ce n'est pas pourtant a dire qu'il y ait en l'homme deux ames, ou deux natures, comme pensoient les Manicheens: «Non,» dit saint Augustin, livre huitiesme de ses Confessions, chapitre dixiesme, «ains la volonté, allechee par divers attraitz, esmeüe par diverses raysons, semble estre divisee en soy mesme, tandis qu'elle est tiree de deux costés, jusques a ce que prenant parti selon sa liberté, elle suit ou l'un ou l'autre;» car alhors la plus puissante volonté surmonte, et gaignant le dessus, ne laisse a l'ame que le ressentiment du mal que le debat luy a fait, que nous appelions contrecœur.. |
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A004000273 |
Mais ce mesme Sauveur ayant fait cet exercice de la portion inferieure, et tesmoigné que, selon icelle et les considerations qu'elle faisoit, sa volonté inclinoit a la fuite des douleurs et des peynes, il monstra par apres qu'il avoit la portion superieure, par laquelle adherant inviolablement a la volonté eternelle et au decret que le Pere celeste avoit fait, il accepte volontairement la mort, et nonobstant la repugnance de la partie inferieure de la rayson, il dit: Ah non, mon Pere, que ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre. |
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A004000277 |
«Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu.. |
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A004000278 |
Nul n'entroit dans le Sanctuaire que le grand Prestre; en cette pointe de l'ame le discours n'a point d'acces, ains seulement le grand, universel et souverain sentiment, que la volonté divine doit estre souverainement aymee, appreuvee et embrassee, non seulement en particulier pour quelque chose, mais en general pour toutes choses, et non seulement en general pour toutes choses, mais en particulier pour chasque chose. |
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A004000280 |
L'ame de saint Paul se sentit pressee de deux divers desirs, l'un desquelz fut d'estre deslié de son cors pour aller au Ciel avec Jesus Christ, et l'autre, de demeurer en ce monde pour y servir a la conversion des peuples: l'un et l'autre desir estoit sans doute en la partie superieure, car ilz procedoient tous deux de la charité; mais la resolution de suivre le dernier ne se fit pas par discours, ains par une simple veüe et un simple sentiment de la volonté du Maistre, a laquelle la seule pointe de l'esprit de ce grand serviteur acquiesça, au prejudice de tout ce que le discours pouvoit conclure.. |
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A004000298 |
Si tost que l'homme pense un peu attentivement a la Divinité, il sent une certaine douce émotion de cœur, qui tesmoigne que Dieu est Dieu du cœur humain; et jamais nostre entendement n'a tant de playsir qu'en cette pensee de la Divinité, de laquelle la moindre connoissance, comme dit le prince des philosophes, vaut mieux que la plus grande des autres choses, comme le moindre rayon du soleil est plus clair que le plus grand de la lune ou des estoiles, ains est plus lumineux que la lune et les estoiles ensemble. |
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A004000300 |
Ainsy le Filz procede du Pere, comme sa connoissance exprimee, et le Saint Esprit, comme l'amour expiré et produit du Pere et du Filz; l'une et l'autre Personnes distinctes entre elles et d'avec le Pere, et neanmoins inseparables et unies, ains plustost une mesme, seule, simple et tres unique indivisible Divinité.. |
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A004000309 |
Et voyci chose estrange, mais neanmoins bien tesmoignee, car le perdreau qui aura esté esclos et nourri sous les aysles d'une perdrix estrangere, au premier reclam qu'il oyt de sa vraye mere qui avoit pondu l'œuf duquel il est procedé, il quitte la perdrix larronnesse, se rend a sa premiere mere et se met a sa suite, par la correspondance qu'il a avec sa premiere origine; correspondance toutefois qui ne paroissoit point, ains fut demeuree secrette, cachee et comme dormante au fond de la nature, jusques a la rencontre de son object, que soudain excitee, et comme resveillee, elle fait son coup, et pousse l'appetit du perdreau a son premier devoir. |
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A004000314 |
Ilz l'ont certes aucunement glorifié, luy donnant des souverains filtres d'honneur, mays ilz ne l'ont pas glorifié comme il le falloit glorifier, c'est a dire ilz ne l'ont pas glorifié sur toutes choses; n'ayans pas eu le courage de ruiner l'idolatrie, ains communiquans avec les idolatres, retenans la verité qu'ilz connoissoient, en injustice, prisonniere dedans leurs cœurs, et preferans l'honneur et le vain repos de leurs vies a l'honneur qu'ilz devoient a Dieu, ilz se sont esvanouis en leurs discours.. |
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A004000333 |
Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait.. |
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A004000333 |
Mais cependant, en Dieu il n'y a ni varieté ni difference quelcomque de perfections, ains il est luy mesme une tres seule, tres simple et tres uniquement unique perfection; car tout ce qui est en luy n'est que luy mesme, et toutes les excellences que nous disons estre en luy en une si grande diversité, elles y sont en une tres simple et tres pure unité. |
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A004000334 |
Or, de nommer parfaitement cette supreme excellence, laquelle en sa tres singuliere unité comprend, ains surmonte toutes excellences, cela n'est pas au pouvoir de la creature, ni humaine ni angelique: car, comme il est dit en l'Apocalypse, Nostre Seigneur a un nom que personne ne sçait que luy mesme, parce que luy seul connoissant parfaitement son infinie perfection, luy seul aussi la peut exprimer par un nom proportionné; dont les Anciens ont dit que nul n'estoit vray theologien que Dieu, d'autant que nul ne peut connoistre totalement la grandeur infinie de la perfection divine, ni par consequent la representer par paroles, sinon luy mesme. |
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A004000335 |
Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble. |
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A004000341 |
Et si, en cela nous n'offençons pas la verité; car encor qu'en Dieu il n'y ait pas multitude d'actions, ains un seul acte qui est la Divinité mesme, cet acte toutefois est si parfait, qu'il comprend excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleroyent estre requis pour toute la diversité des effectz que nous voyons.. |
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A004000341 |
Mays il n'en est pas de mesme en Dieu, car il n'y a en luy qu'une tres simple infinie perfection, et en cette perfection, qu'un seul tres unique et tres pur acte: [90] ains, pour parler plus saintement et sagement, Dieu est une seule, tres souverainement unique et tres uniquement souveraine perfection; et cette perfection est un seul acte tres purement simple et tres simplement pur, lequel n'estant autre chose que la propre essence divine, il est par consequent tous-jours permanent et eternel. |
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A004000363 |
Ce fut sans doute un accident fortuit, car cet homme n'alla pas au champ pour mourir, ains pour eviter la mort; ni le faucon ne cuyda pas escraser la teste d'un poëte, ains le test et l'escaille de la tortue, pour par apres en devorer la chair: et neanmoins il arriva au contraire, car la tortue demeura sauve, et le pauvre Æschilus mort. |
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A004000370 |
Puis, ayant ainsy preferé pour ce bonheur l'humanité sacree de nostre Sauveur, la supreme Providence disposa de ne point retenir sa bonté en la seule Personne de ce Filz bienaymé, ains de la respandre en sa faveur sur plusieurs autres creatures; et sur le gros de cette innumerable quantité de choses qu'elle pouvoit produire, elle fit choix de creer les hommes et les Anges, comme pour tenir compaignie a son Filz, participer a ses graces et a sa gloire, et l'adorer et louer eternellement. |
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A004000372 |
Mays parce que cette supreme Sagesse avoit deliberé de tellement mesler cet amour originel avec la volonté de ses creatures, que l'amour ne forçast point la volonté, ains luy laissast sa liberté, il previt qu'une partie, mays la moindre, de la nature angelique, quittant volontairement le saint amour, perdroit par consequent la gloire. |
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A004000381 |
Certes, en l'arrousement du sang de Nostre Seigneur, fait par l' hysope de la Croix, nous avons esté remis en une blancheur incomparablement plus excellente que celle de la neige de l'innocence, sortans, comme Naaman, du fleuve de salut, plus purs et netz que si jamais nous n'eussions esté ladres; affin que la divine Majesté, ainsi qu'elle nous a ordonné de faire, ne fust pas vaincue par le mal, ains vainquist le mal par le bien, que sa misericorde, comme une huyle sacree, se tinst au dessus du jugement, et que ses miserations surmontassent toutes ses œuvres.. |
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A004000386 |
De sorte qu'elle fut rachetee si excellemment, qu'encor que par apres le torrent de l'iniquité originelle vinst rouler ses ondes infortunees sur la conception de cette sacree Dame, avec autant d'impetuosité comme il eust fait sur celle des autres filles d'Adam, si est-ce qu'estant arrivé la, il ne passa point outre, ains s'arresta court, comme fit anciennement le Jourdain du tems de Josué, et pour le mesme respect: car ce fleuve retint son cours en reverence du passage de l'Arche de l'alliance, et le peché originel retira ses eaux, reverant et redoutant la presence du vray Tabernacle de l'eternelle alliance.. |
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A004000388 |
Il y a encor d'autres ames, lesquelles Dieu disposa de laisser pour un tems exposees, non au peril de perdre le salut, mais bien au peril de perdre son amour; ains il permit qu'elles le perdissent en effect, ne leur asseurant point l'amour pour toute leur vie, ains seulement pour la fin d'icelle et pour certain tems precedent. |
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A004000388 |
Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy.. |
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A004000395 |
Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoy la supreme Sagesse a departi une grace a l'un plustost qu'a l'autre, ni pourquoy il fait abonder ses faveurs en un endroit plustost qu'en l'autre: non, Theotime, n'entrés jamais en cette curiosité; car ayans tous suffisamment, ains abondamment, ce qui est requis pour le salut, quelle rayson peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait a Dieu de departir ses graces plus largement aux uns qu'aux autres? Si quelqu'un s'enqueroit pourquoy Dieu a fait les melons plus gros que les frayses, ou les lys plus grans que les violettes, pourquoy le romarin n'est pas une rose, ou pourquoy l'œillet n'est pas un soucy, pourquoy le paon [110] est plus beau qu'une chauvesouris, ou pourquoy la figue est douce et le citron aigrelet, on se moqueroit de ses demandes et on luy diroit: pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la varieté, il faut qu'il y ait des differentes et inegales perfections es choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoy les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles. |
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A004000400 |
Mais il ne se contente pas d'annoncer ainsy son extreme desir d'estre aymé, en public, en sorte que chacun puisse avoir part a son aymable semonce; ains il va mesme de porte en porte hurtant et frappant, protestant que si quelqu'un ouvre, il entrera chez luy et soupera avec luy, c'est a dire, il luy tesmoignera toute sorte de bienveuillance.. |
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A004000405 |
Or, comme vous voyes, Theotime, ce n'a pas esté par aucun merite des œuvres que nous eussions fait, mais selon sa misericorde qu'il nous a sauvés, par cette charité ancienne, ains eternelle, qui a esmeu sa divine Providence de nous attirer a soy. |
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A004000408 |
Mays son eternelle charité ne permet pas souvent a sa justice d'user de ce chastiment, ains excitant sa compassion, elle le provoque a nous retirer de nostre malheur: ce qu'il fait, envoyant le vent favorable de sa tressainte inspiration, laquelle venant avec une douce violence dans nos cœurs, elle les saisit et les esmeut, relevant nos pensees et poussant nos affections en l'air du divin amour.. |
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A004000410 |
N'est-il pas donq vray, mon cher Theotime, que cette premiere esmotion et secousse que l'ame sent, quand Dieu, la prevenant d'amour, l'esveille et l'excite a quitter le peché et se retourner a luy, et non seulement cette secousse, ains tout le resveil se fait en nous et pour nous, mays non pas par nous? Nous sommes esveillés, mays nous ne nous sommes pas esveillés de nous mesmes; c'est l'inspiration qui nous a esveillés, [117] et pour nous esveiller, elle nous a esbranlés et secoués. |
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A004000422 |
Il arrive que, estans inspirés de faire beaucoup, nous ne consentons pas a toute l'inspiration, ains seulement a quelque partie d'icelle; comme firent ces bons personnages de l'Evangile, qui, sur l'inspiration que Nostre Seigneur leur fit de le suivre, vouloyent reserver, l'un d'aller premier ensevelir son pere, et l'autre d'aller prendre congé des siens.. |
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A004000424 |
Mais pourquoy avons-nous abusé de nostre liberté? Theotime, il ne faut pas passer plus avant, car, comme dit saint Augustin, la depravation de nostre volonté ne provient d'aucune cause, ains de la defaillance de la cause qui commet le peché. |
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A004000426 |
Vous voyés, Theotime, l'advis de cet homme, qui ne fut presque pas homme, ains un Seraphin en terre. |
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A004000432 |
Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle. |
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A004000433 |
En cette sorte donq, trescher Theotime, nostre franc arbitre n'est nullement forcé ni necessité par la grace; ains, nonobstant la vigueur toute puissante de la main misericordieuse de Dieu, qui touche, environne et lie l'ame de tant et tant d'inspirations, de semonces et d'attraitz, cette volonté humaine demeure parfaittement [126] libre, franche et exempte de toute sorte de contrainte et de necessité. |
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A004000433 |
La grace est si gracieuse et saisit si gracieusement nos cœurs pour les attirer, qu'elle ne gaste rien en la liberté de nostre volonté; elle touche puissamment, mais pourtant si delicatement, les ressortz de nostre esprit, que nostre franc arbitre n'en reçoit aucun forcement; la grace a des forces, non pour forcer, ains pour allecher le cœur; elle a une sainte violence, non pour violer, mais pour rendre amoureuse nostre liberté; elle agit fortement, mais si suavement, que nostre volonté ne demeure point accablee sous une si puissante action; elle nous presse, mais elle n'oppresse pas nostre franchise: si que nous pouvons, emmi ses forces, consentir ou resister a ses mouvemens selon qu'il nous plaist.. |
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A004000434 |
Voyés de grace, Theotime, le trait du Sauveur, quand il parle de ses attraitz: Si tu sçavois, veut il dire, le don de Dieu, sans doute tu serois esmeüe et attiree a demander l'eau de la vie eternelle, et peut estre que tu la demanderois; comme s'il disoit: Tu aurois le pouvoir [127] et serois provoquee a demander, et neanmoins tu ne serois pas forcee ni necessitee; ains seulement peut estre tu la demanderois: car ta liberté te demeureroit pour la demander ou ne la demander pas. |
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A004000447 |
Et neanmoins, cette obscure clarté de la foy estant entree dans nostre esprit, non par force de discours ni par apparence d'argumens, ains par la seule suavité de sa presence, [133] elle se fait croire et obeir a l'entendement avec tant d'authorité, que la certitude qu'elle nous donne de la verité surmonte toutes les autres certitudes du monde, et assujettit tellement tout l'esprit et tous les discours d'iceluy, qu'ilz n'ont point de credit en comparayson.. |
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A004000447 |
Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir. |
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A004000453 |
La foy nous fait connoistre par une infallible certitude que Dieu est, qu'il est infini en bonté, qu'il se peut communiquer a nous, et que non seulement il peut, ains il le veut: si que, par une ineffable douceur, il nous a preparés tous les moyens requis pour parvenir au bonheur de la gloire immortelle. |
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A004000473 |
Ce desir est juste, Theotime, car qui ne desireroit un bien si desirable? mais ce seroit un desir inutile, ains qui ne serviroit que d'un continuel martyre a nostre cœur, si nous n'avions asseurance de le pouvoir un jour assouvir. |
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A004000474 |
Ouy certes, Theotime, parce que l'asseurance que Dieu nous donne que le Paradis est pour nous, fortifie infiniment le desir que nous avions d'en jouir, et neanmoins affoiblit, ains aneantit tout a fait le trouble et l'inquietude que ce desir nous apportoit; de sorte que nos cœurs, par les promesses sacrees que la divine Bonté nous a faites, demeurent tout a fait accoisés. |
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A004000475 |
Mais cependant, et l'un et l'autre se fait par cet amour desirant qui tend a nostre souverain bien, lequel, a mesure qu'il est plus asseurement esperé, est aussi tous-jours plus aymé; ains l'esperance n'est autre chose que l'amoureuse complaysance que nous avons en l'attente et pretention de nostre souverain bien. |
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A004000481 |
Ouy, sans doute, Theotime, car quand nous aymons Dieu comme nostre souverain bien, nous l'aymons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous a luy; nous ne sommes pas sa fin, sa pretention ni sa perfection, ains il est la nostre; il ne nous appartient pas, mais nous luy appartenons; il ne depend point de nous, ains nous de luy; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l'aymons, il ne reçoit rien de nous, ains nous recevons de luy; il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous prattiquons nostre indigence et disett: de sorte que, aymer Dieu en tiltre du souverain bien, c'est l'aymer en tiltre honnorable et respectueux, par lequel nous l'advoüons estre nostre perfection, nostre repos et nostre fin, en la jouissance de laquelle consiste nostre bonheur.. |
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A004000482 |
Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux. |
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A004000484 |
Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité.. |
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A004000503 |
Elle est a la verité louable, car ni la Sainte Escriture ni l'Eglise ne nous exciteroient pas par telz motifs, si la pœnitence qui en provient n'estoit bonne; et on void manifestement que c'est chose grandement raysonnable de se repentir du peché pour ces considerations, ains qu'il est impossible de ne se repentir pas, a qui les considere attentivement: mays pourtant c'est une pœnitence, certes, imparfaite, d'autant que l'amour divin n'y entre encor point. |
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A004000515 |
Dites-moy, de grace: c'est la proprieté de l'aymant de tirer a soy le fer et de se joindre a luy; mays ne voyons-nous pas que le fer touché de l'aymant, sans avoir ni l'aymant ni sa nature, ains seulement sa vertu et qualité attrayante, ne laisse pas de tirer et s'unir un autre fer? Ainsy la parfaite repentance, touchee du motif de l'amour sans avoir la propre action de l'amour, ne laisse pas d'en avoir la vertu et la qualité, c'est a dire le mouvement d'union pour rejoindre et reunir nos cœurs a la volonté divine. |
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A004000515 |
Il arrive mesme parfois que la repentance, quoy que parfaite, ne contient pas en soy la propre action de l'amour, ains seulement la vertu et proprieté d'iceluy. |
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A004000515 |
Mays quelle difference y a-il, me repliqueres-vous, entre ce mouvement unissant de la penitence et l'action propre de l'amour? Theotime, l'action de l'amour est un mouvement d'union voirement, mais il se fait par complaysance: or, le mouvement d'union qui est en la penitence se fait, non par voye de complaysance, ains de desplaysir, de repentance, de reparation, de reconciliation; entant donq que ce mouvement unit, il a la qualité de l'amour, entant qu'il est amer et douloureux, il a la qualité de la penitence; et, en somme, de sa naturelle condition c'est un vray mouvement de penitence, mais qui a la vertu et qualité unissante de l'amour. |
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A004000517 |
Ains plustost, la fin de la pœnitence est dans le commencement de l'amour, comme le pied d'Esaü estoit dans la main de Jacob; de telle façon que lhors qu'Esaü achevoit sa naissance, Jacob commençoit la sienne, la fin de la naissance de l'un estant jointe, liee, et qui plus est, environnee du commencement de la naissance de l'autre; car ainsy le commencement de l'amour parfait ne suit pas seulement la fin de la pœnitence, mais il s'attache, il se lie, et, pour le dire en un mot, ce commencement d'amour se mesle avec la fin de la repentance, et en ce moment du meslange, la pœnitence et contrition merite la vie eternelle.. |
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A004000531 |
Et partant, Theotime, ce n'est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angelique puissent produire, ains le Saint Esprit le donne et le respand en nos cœurs; et comme nos ames, qui donnent la vie a nos cors, n'ont pas leur origine de nos cors, mays sont mises dans nos cors par la providence naturelle de Dieu, ainsy la [164] charité, qui donne la vie a nos cœurs, n'est pas extraitte de nos cœurs, mays elle y est versee comme une celeste liqueur, par la providence surnaturelle de sa divine Majesté.. |
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A004000531 |
Il est choisi, dit l'Espouse sacree, entre mille: elle dit entre mille, mais elle veut dire entre tous; c'est pourquoy cette dilection n'est pas dilection de simple excellence, ains une dilection incomparable, car la charité ayme Dieu par une estime et preference de sa bonté, si haute et relevee au dessus de toute autre estime, que les autres amours, ou ne sont pas vrays amours en comparayson de cestuy-cy, ou s'ilz sont vrays amours, cestuy-cy est infiniment plus qu'amour. |
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A004000541 |
Qui est le prix, sinon Jesus Christ? et comme le pourres-vous apprehender si vous ne le suivés? Que si vous le suivés, vous ires et courres tous-jours, car il ne s'arresta jamais, ains continua la course de son amour et obeissance, jusques a la mort et la mort de la croix.. |
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A004000543 |
De sorte que la charité mesme qui est en nostre Redempteur, entant qu'il est homme, quoy qu'elle soit grande au dessus de tout ce que les Anges et les hommes peuvent comprendre, si est-ce qu'elle n'est pas infinie en son estre et d'elle mesme; ains seulement en l'estime de sa dignité et de son merite, parce qu'elle est la charité [169] d'une personne d'infinie excellence, c'est a dire d'une Personne divine, qui est le Filz eternel du Pere tout puissant.. |
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A004000550 |
Or je dis que Dieu fait cela, parce que la charité ne produit pas ses [170] accroissemens comme un arbre qui pousse ses rameaux et les fait sortir par sa propre vertu les uns des autres; ains, comme la foy, l'esperance et la charité sont des vertus qui ont leur origine de la Bonté divine, aussi en tirent-elles leur augmentation et perfection, a guise des avettes, lesquelles estant extraittes du miel prennent aussi leur nourriture d'iceluy.. |
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A004000554 |
Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins.. |
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A004000555 |
Au commerce des vertus morales, les petites œuvres ne donnent point d'accroissement a la vertu de laquelle elles procedent, ains si elles sont bien petites elles l'affoiblissent; car une grande liberalité perit quand elle s'amuse a donner des choses de peu, et de liberalité elle devient chicheté: mais au traffiq des vertus qui viennent de la misericorde divine, et sur tout de la charité, toutes œuvres donnent accroissement. |
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A004000559 |
Neanmoins, le mesme amour qui luy donna ce grand assaut de douleur, luy donna quant et quant la force de le soustenir, et il le mit en action pour, avec une promptitude nompareille, remedier au mal de la chere compaigne de sa vie: si que, ouvrant de vistesse un buffet qui estoit la, il prend une eau cordiale infiniment pretieuse, et en ayant rempli sa bouche, il ouvre de force les levres et les dens serrees de cette bienaymee princesse; puis, soufflant et jettant cette pretieuse liqueur qu'il tenoit en sa bouche, dedans celle de sa pauvre pasmee, et espluyant au nez, sur les temples et sur l'endroit du cœur d'icelle le reste de la phiole, il la fit en fin revenir a soy et reprendre sentiment; puis il la releve doucement, et a force de remedes il la revigore et ravive en telle sorte, qu'elle commença a se lever sur pied et se promener tout bellement avec luy; mays non pas toutefois sans son ayde: car il l'alloit relevant et soustenant par dessous le bras, jusques a ce qu'en fin il luy mit un epitheme de si grande vertu et si pretieux sur l'endroit du cœur, que lhors, se sentant tout a fait remise en sa [174] premiere santé, elle marchoit toute seule d'elle mesme, son cher espoux ne la soustenant plus si fort, ains seulement luy tenant doucement sa main droite entre les siennes et son bras droit replié sur le sien et sur sa poitrine. |
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A004000560 |
Or, tandis qu'il la fait ainsy passer entre les vertus par lesquelles il la dispose a ce saint amour, il ne la conduit pas seulement, mais il la soustient de telle façon, que comme elle, de son costé, marche tant qu'elle peut, aussi luy, pour sa part, la porte et la va soustenant; et ne sçauroit-on bonnement dire si elle va ou si elle est portee, car elle n'est pas tellement portee qu'elle n'aille, et va toutefois tellement, que si elle n'estoit portee elle ne pourroit pas aller; si que, pour parler a l'apostolique, elle doit dire: Je marche, non pas moy seule, ains la grace de Dieu avec moy.. |
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A004000563 |
Ne voyons-nous pas, Theotime, que souvent les hommes sains et robustes ont besoin qu'on les provoque a bien employer leur force et leur pouvoir, et que, par maniere de dire, on les conduise a l'œuvre par la main? Ainsy, Dieu nous ayant donné sa charité, et par icelle la force et le moyen de gaigner païs au chemin de la perfection, son amour neanmoins ne luy permet pas de nous laisser aller ainsy seulz; ains il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse de nous presser, et sollicite son cœur de solliciter et pousser le nostre a bien employer la sainte charité qu'il nous a donnee, repliquant souvent par ses inspirations les advertissemens que saint Paul nous fait: Voyés de ne point recevoir la grace celeste en vain; Tandis que vous aves le tems faites tout le bien que vous pourres; Courés en sorte que vous emporties le prix. |
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A004000565 |
Ne voyes-vous pas le jeune homme de l'Evangile, que Nostre Seigneur aymoit, et qui, par consequent, estoit en charité? il n'avoit, certes, nulle pensee de vendre tout ce qu'il avoit pour le donner aux pauvres et suivre Nostre Seigneur; ains, quand Nostre Seigneur luy en eut donné l'inspiration, encor n'eut-il pas le courage de l'executer. |
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A004000591 |
Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance. |
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A004000614 |
Or il est en nous d'estre siens: car bien que ce soit un don de Dieu d'estre a Dieu, c'est toutefois un don que Dieu ne refuse jamais a personne, ains l'offre a tous, pour le donner a ceux qui de bon cœur consentiront de le recevoir.. |
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A004000627 |
Et qui pourroit jamais egaler le bien, s'il y en a quelqu'un, de vivre entre les perilz, les tourmentes continuelles, agitations et vicissitudes perpetuelles qu'on souffre sur mer, au contentement qu'il y a d'estre en un palais royal ou toutes choses sont a souhait, ains ou les delices surpassent incomparablement tout souhait?. |
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A004000633 |
Elle ne pecha jamais veniellement, ainsy que l'Eglise estime; elle n'eut donq point de vicissitude ni de retardement au progres de son amour, ains monta d'amour en amour par un perpetuel avancement. |
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A004000650 |
O Jesus! mon cher Theotime, quelle joye pour le cœur humain de voir la face de la Divinité, face tant desiree, ains face l'unique desir de nos ames! Nos cœurs ont une soif qui ne peut estre estanchee par les contentemens de la vie mortelle; contentemens desquelz les plus estimés et pourchassés, [198] s'ilz sont moderés, ilz ne nous desalterent pas, et s'ilz sont extremes, ilz nous estouffent. |
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A004000650 |
On les desire neanmoins tous-jours extremes, et jamais ilz ne le sont qu'ilz ne soyent excessifz, insupportables et dommageables; car on meurt de joye comme on meurt de tristesse, ains la joye est plus active a nous ruiner que la tristesse. |
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A004000656 |
Quand nous regardons quelque chose, quoy qu'elle nous soit presente elle ne s'unit pas a nos yeux elle mesme, ains seulement leur envoye une certaine representation ou image d'elle mesme, que l'on appelle espece sensible, par le moyen de laquelle nous voyons; et quand nous contemplons ou entendons quelque chose, ce que nous entendons ne s'unit pas non plus a nostre entendement sinon par le moyen d'une autre representation et image, tres delicate et spirituelle, que l'on nomme espece intelligible. |
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A004000657 |
Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne. |
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A004000658 |
Mais au Ciel, Theotime, ah mon Dieu, quelle faveur! la Divinité s'unira elle mesme a nostre entendement, sans entremise d'espece ni representation quelconque; ains elle s'appliquera et joindra elle mesme a nostre entendement, se rendant tellement presente a luy, que cette intime presence tiendra lieu de representation et d'espece. |
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A004000658 |
O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement. |
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A004000664 |
Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes. |
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A004000665 |
Ce Filz donq, infinie image et figure de son Pere infini, est un seul Dieu tres unique et tres infini avec son Pere, sans qu'il y ait aucune difference de substance entre eux, ains seulement la distinction des Personnes; laquelle distinction de Personnes, comme elle est totalement requise, aussi est-elle tres suffisante pour faire que le Pere prononce, et que le Filz soit la Parole prononcee, que le Pere die, et que le Filz soit le Verbe ou la diction, que le Pere exprime, et que le Filz soit l'image, semblance et figure exprimee, et qu'en somme, le Pere soit Pere, et le Filz soit Filz, deux Personnes distinctes, mays une seule essence et Divinité. |
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A004000674 |
Or, le Pere et le Filz se treuvans non seulement egaux et unis, ains un mesme Dieu, une mesme bonté, une mesme essence et une mesme unité, quel amour doivent-ilz avoir l'un a l'autre! Mays cet amour ne se passe pas comme l'amour que les creatures intellectuelles ont entre elles ou envers leur Createur (car l'amour creé se fait par plusieurs et divers eslans, souspirs, unions et liaysons qui s'entresuivent et font la continuation de l'amour avec une douce vicissitude de mouvemens spirituelz); car l'amour divin du Pere eternel envers son Filz est prattiqué en un seul souspir, eslancé reciproquement par le Pere et le Filz, qui, en cette sorte, demeurent unis et liés ensemble. |
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A004000675 |
Mais de plus, parce que cet amour est un acte qui procede reciproquement du Pere et du Filz, il ne peut estre ni le Pere ni le Filz desquelz il est procedé, quoy qu'il ait la mesme bonté et substance du Pere et du Filz, ains faut que ce soit une troisiesme Personne divine, laquelle avec le Pere et le Filz ne soit qu'un seul Dieu; et d'autant que cet amour est produit par maniere de souspirs ou d'inspirations, il est appellé Saint Esprit.. |
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A004000693 |
Toutefois, il y a de la difference entre les rayons que le soleil jette a nos yeux corporelz, et la lumiere que Dieu creera en nos entendemens, au Ciel: car le rayon du [209] soleil corporel ne fortifie point nos yeux quand ilz sont foibles et impuissans a voir, ains plustost il les aveugle, esblouissant et dissipant leur veüe infirme; ou, au contraire, cette sacree lumiere de gloire, treuvant nos entendemens inhabiles et incapables de voir la Divinité, elle les esleve, renforce et perfectionne si excellemment, que, par une merveille incomprehensible, ilz regardent et contemplent l'abisme de la clarté divine fixement et droitement en elle mesme, sans estre esblouis ni rebouschés de la grandeur infinie de son esclat.. |
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A004000694 |
Tout ainsy, donq, que Dieu nous a donné la lumiere de la rayson par laquelle nous le pouvons connoistre comme Autheur de la nature, et la lumiere de la foy par laquelle nous le considerons comme source de la grace, de mesme il nous donnera la lumiere de gloire, par laquelle nous le contemplerons comme fontaine de la beatitude et vie eternelle: mays fontaine, Theotime, que nous ne contemplerons pas de loin, comme nous faisons maintenant par la foy, ains que nous verrons par la lumiere de gloire plongés et abismés en icelle. |
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A004000718 |
Et quant a nous, tandis que nous sommes en ce monde, nos espritz sont sur la lie et le tartre de mille humeurs et miseres, et par consequent aysés a changer et tourner en leur amour; mais estans au Ciel, ou, comme en ce grand festin descrit par Isaïe, nous aurons le vin purifié de toute lie, nous ne serons plus sujetz au change, ains demeurerons inseparablement unis par amour a nostre souverain Bien. |
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A004000719 |
Nous sommes comme le corail, qui dans l'ocean, lieu de son origine, est un arbrisseau pasleverd, foible, flechissant et pliable; mais estant tiré hors du fond de la mer, comme du sein de sa mere, il devient presque [217] pierre, se rendant ferme et impliable, a mesme qu'il change son verd blafastre en un vermeil fort vif: car ainsy, estans encor emmi la mer de ce monde, lieu de nostre naissance, nous sommes sujetz a des vicissitudes extremes, pliables a toutes mains, a la droitte de l'amour celeste par l'inspiration, a la gauche de l'amour terrestre par la tentation; mais si une fois tirés hors de cette mortalité, nous avons changé le pasleverd de nos craintives esperances au vif vermeil de l'asseuree jouissance, jamais plus nous ne serons muables, ains demeurerons a tous-jours arrestés en l'amour eternel.. |
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A004000725 |
Certes, la concupiscence ayant conceu, elle engendre le peché; mais ce peché, quoy que peché, n'engendre pas tous-jours la mort de l'ame, ains seulement lhors qu'il a une malice entiere et qu'il est consommé et accompli, comme dit saint Jacques: qui en cela establit si clairement la difference entre le peché veniel et le peché mortel, que je ne sçay comme il s'est treuvé des gens en nostre siecle qui ayent eu la hardiesse de le nier.. |
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A004000728 |
Nous ne sommes guere en cette vie mortelle sans beaucoup de tentations: or ces espritz vilz, paresseux et addonnés aux playsirs exterieurs, n'estans pas duitz aux combatz ni exercés aux armes spirituelles, ilz ne gardent jamais guere la charité, ains se laissent ordinairement surprendre a la coulpe mortelle. |
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A004000733 |
Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste. |
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A004000734 |
Helas, Theotime, si nous ne nous amusions pas en la vanité des playsirs caduques, et sur tout en la complaysance de nostre amour propre, ains qu'ayans une fois la charité, nous fussions soigneux de voler droit, la part ou elle nous porte, jamais les suggestions et tentations ne nous attrapperoyent; mais parce que, comme colombes seduites et deceües de nostre propre estime, nous retournons sur nous mesmes et entretenons trop nos espritz parmi les creatures, nous nous treuvons souvent surpris entre les serres de nos ennemis, qui nous emportent et devorent.. |
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A004000745 |
Nostre esprit, certes, ne sort pas petit a petit de son cors, ains en un moment, lhors que l'indisposition du cors est si grande qu'il ne peut plus y faire les actions de vie; et de mesme, a l'instant que le cœur est tellement detraqué en ses passions que la charité n'y peut plus regner, elle le quitte et abandonne; car elle est si genereuse qu'elle ne peut cesser de regner sans cesser d'estre.. |
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A004000746 |
Les habitudes que nous acquerons par nos seules actions humaines ne perissent pas par un seul acte contraire, car nul ne dira qu'un homme soit intemperant pour un seul acte d'intemperance, ni qu'un peintre ne soit pas bon maistre pour avoir une fois manqué a l'art; ains, comme toutes telles habitudes nous arrivent par la suite et impression de plusieurs actes, ainsy nous les perdons par une longue cessation de leurs actes, ou par une multitude d'actes contraires. |
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A004000748 |
Que si Agar, qui n'estoit qu'une ægyptienne, veyant son filz en danger de mourir n'eut pas le courage de demeurer au pres de luy, ains le voulut quitter, disant: Ah, je ne sçaurois voir mourir cet enfant! quelle merveille y a-il que la charité, fille de douceur et suavité celeste, ne puisse voir mourir son enfant, qui est le propos de ne jamais offencer Dieu? Si que, a mesure que nostre franc arbitre se resout de consentir au peché, donnant par mesme moyen la mort a ce sacré propos, la charité meurt avec iceluy, et dit en son dernier souspir: Hé non, jamais je ne verray mourir cet enfant. |
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A004000755 |
Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire.. |
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A004000756 |
Mays ilz n'ont pas rayson de se douloir et plaindre sinon d'eux mesmes, qui ont mesprisé ains ont esté rebelles a la lumiere, revesches aux attraitz et se sont obstinés contre l'inspiration: de sorte qu'a leur malice seule doit estre a jamais malediction et confusion, puisqu'ilz sont seulz autheurs de leur perte, seulz ouvriers de leur damnation. |
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A004000764 |
Nostre franc arbitre peut arrester et empescher la course de l'inspiration, et quand le vent favorable de la grace celeste enfle les voyles de nostre esprit, il est en nostre liberté de refuser nostre consentement et empescher par ce moyen l'effect de la faveur du vent; mays quand nostre esprit single et fait heureusement sa navigation, ce n'est pas nous qui faisons venir le vent de l'inspiration, ni qui en remplissons nos voyles, ni qui donnons le mouvement au navire de nostre cœur, ains seulement nous recevons le vent qui vient du Ciel, consentons a son mouvement et laissons aller le navire sous le vent, sans l'empescher par la remore de nostre resistence. |
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A004000771 |
Et bien que le tressaint Esprit, parlant en l'Escriture Sainte, rende rayson en plusieurs endroitz de presque tout ce que nous sçaurions desirer, touchant ce que sa Providence fait en la conduite des hommes au saint amour et au salut eternel, si est-ce neanmoins qu'en plusieurs occasions il declare qu'il ne faut nullement se departir du respect qui est deu a sa volonté, de laquelle nous devons adorer le propos, le decret, le bon playsir et l'arrest; au bout duquel, comme souverain Juge et souverainement equitable, il n'est pas raysonnable qu'elle manifeste ses motifs, ains suffit qu'elle die simplement: et pour cause. |
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A004000771 |
O Theotime mon ami, jamais, non jamais nous ne devons laisser emporter nostre esprit a ce tourbillon de vent follet, ni penser de treuver une meilleure rayson de la volonté de Dieu que sa volonté mesme, laquelle est souverainement raysonnable, ains la rayson de toutes [236] les raysons, la regle de toute bonté, la loy de toute equité. |
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A004000775 |
Et d'autant qu'il n'estoit pas expedient pour nostre salut que nous eussions connoissance de ces secretz, ains nous estoit plus utile de les ignorer pour nous tenir en humilité, pour cela Dieu ne les a pas voulu reveler, et mesme le saint Apostre n'a pas osé s'en enquerir, ains a tesmoigné l'insuffisance de nostre entendement pour ce sujet, lhors qu'il s'est escrié: O profondité des richesses de la sapience et science de Dieu! » Pourroit on parler plus saintement, Theotime, d'un si saint mystere? Aussi, ce sont les paroles d'un tressaint et judicieux Docteur de l'Eglise. |
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A004000779 |
Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse.. |
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A004000780 |
On dit que les bons Indois s'amuseront des jours entiers aupres d'un horologe pour ouïr sonner les heures a point nommé, et ne pouvans deviner comme cela se fait, ilz ne dient pas pourtant que c'est sans art et rayson, ains demeurent ravis d'amour et d'honneur envers ceux qui gouvernent les horologes, les admirans comme gens plus qu'humains.. |
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A004000783 |
Hé, que pouvons-nous craindre, ains, que ne devons-nous pas esperer, estans enfans d'un Pere si riche en bonté pour nous aymer et vouloir sauver, si sçavant pour preparer les moyens convenables a cela, et si sage pour les appliquer; si bon pour vouloir, si clairvoyant pour ordonner, si prudent pour executer!. |
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A004000788 |
La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur. |
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A004000790 |
Que si quelqu' idiot sans experience eust ouy ces repetitions de paroles, il eust creu qu'il y eust eu quelqu'homme au fond du puits qui les eust faites; mais nous sçavions des-ja, par la philosophie, qu'il n'y avoit personne dans le puits qui redist nos paroles, ains que seulement il y avoit quelques concavités, en l'une desquelles nos voix estans ramassees et ne pouvans passer outre, pour ne point perir du tout et employer les forces qui leur restoyent, elles produisoyent des secondes voix, et ces secondes voix, ramassees dans une autre concavité, en produisoyent des troisiesmes, et ces troisiesmes en pareille façon des quatriesmes, et ainsy consecutivement jusques a onze: si que ces voix-la faites dans le puits n'estoyent plus nos voix, ains des ressemblances et images d'icelles. |
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A004000791 |
Et neanmoins, il y a bien de la difference entre la charité et l'amour humain qu'elle produit en nous: car la voix de la charité prononce, intime et opere tous les commandemens de Dieu dedans nos cœurs; l'amour humain qui reste apres elle, les dit voirement et intime quelquefois tous, mais il ne les opere jamais tous, ains quelques uns seulement; la charité prononce et assemble toutes les syllabes, c'est a dire toutes les circonstances des commandemens de Dieu; cet amour humain en laisse tous-jours quelqu'une en arriere, et sur tout celle de la droite et pure intention. |
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A004000791 |
Or je veux maintenant dire ainsy: quand le saint amour de charité rencontre une ame maniable et qu'il fait quelque long sejour en icelle, il y produit un second amour, qui n'est pas un amour de charité quoy qu'il provienne de la charité, ains c'est un amour humain, lequel neanmoins ressemble tellement la charité, qu'encores que par apres elle perisse en l'ame, il est advis qu'elle y soit tous-jours, d'autant qu'elle y a laissé apres soy cette sienne image et ressemblance qui la represente; en sorte qu'un ignorant s'y tromperoit, ainsy que les oyseaux firent en la peinture des raysins de Zeuxis, qu'ilz cuyderent estre des vrays raysins, tant l'art avoit proprement imité la nature. |
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A004000808 |
Samson n'avoit certes pas tous-jours son [252] courage, ains il est marqué en l'Escriture, que le lion des vignes de Tamnatha venant a luy furieusement et rugissant, l'esprit de Dieu le saisit, c'est a dire, Dieu luy donna le mouvement d'une nouvelle force et d'un nouveau courage, et il mit en pieces le lion comme il enst fait un chevreau; et tout de mesme quand il desfit les mille Philistins qui le vouloyent desfaire en la campaigne de Lechi. |
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A004000818 |
Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem. |
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A004000822 |
Cette ame, donques, avoit une telle complaysance et se sentoit tant honnoree en la bonté divine qui reluit en la vie, mort et passion du Sauveur, qu'il ne prenoit aucun playsir qu'en cet honneur; et c'est cela qui luy fait dire: Ja n'advienne que je me glorifie sinon en la Croix de mon Sauveur; comme il dit aussi, qu'il ne vivoit pas luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy. |
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A004000844 |
Mais comme donq se peut il entendre que les Anges qui voyent le Redempteur, et en iceluy tous les mysteres de nostre salut, desirent neanmoins encor de le voir? Theotime, ilz le voyent, certes, tous-jours, mais d'une veüe si aggreable et delicieuse que la complaysance qu'ilz en ont les assouvit sans leur oster le desir, et les fait desirer sans leur oster l'assouvissement; la jouissance n'est pas diminuee par le desir, ains en est perfectionnee, comme leur desir n'est pas estouffé, ains affiné par la jouissance.. |
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A004000845 |
La jouissance d'un bien qui contente tous-jours ne flestrit jamais, ains se renouvelle et fleurit sans cesse, elle est tous-jours aymable, tous-jours desirable; le continuel contentement des celestes amoureux produit un desir perpetuellement content, comme leur continuel desir fait naistre en eux un contentement perpetuellement desiré. |
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A004000851 |
La mort mesme ne peut attrister le cœur qui sçait que son souverain amour est vivant; c'est asses pour l'ame qui ayme, que celuy qu'elle ayme plus que soy mesme soit comblé de biens eternelz, puisqu'elle vit plus en celuy qu'elle ayme qu'en celuy qu'elle anime, ains qu'elle ne vit pas elle mesme, mais son Bienaymé vit en elle. |
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A004000860 |
Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu. |
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A004000864 |
Quand je voy mon Sauveur sur le mont des Olives, avec son ame triste jusques a la mort, hé, Seigneur Jesus, ce dis-je, qui a peu porter ces tristesses de la mort dans l'ame de la vie, sinon l'amour, qui excitant la commiseration, attira par icelle nos miseres dans vostre cœur souverain? Or une ame devote, voyant cet abisme d'ennuis et de detresses en ce divin Amant, comme peut elle demeurer sans une douleur saintement amoureuse? Mays considerant d'ailleurs que toutes les afflictions de son Bienaymé ne procedent pas d'aucune imperfection ni manquement de force, ains de la grandeur de sa treschere dilection, elle ne peut qu'elle ne se fonde toute d'un amour saintement douloureux, si qu'elle s'escrie: Je suis noyre de douleur par compassion, mais je suis belle d'amour par complaysance. |
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A004000873 |
Ah! mais pourtant, o le sacré Bienaymé de mon ame, je ne desire pas de pouvoir desirer aucun bien a vostre Majesté, ains je me complais de tout mon cœur en ce supreme degré de bonté que vous aves, auquel ni par desir ni mesme par pensee on ne peut rien adjouster; mais si ce desir estoit possible, o Divinité infinie, o Infinité divine, mon ame voudroit estre ce desir et n'estre rien autre que cela, tant elle desireroit de desirer pour vous ce qu'elle se complait infiniment de ne pouvoir pas desirer, puisque l'impuissance de faire ce desir provient de l'infinie infinité de vostre perfection qui surpasse tout souhait et toute pensee! Hé, que j'ayme cherement l'impossibilité de vous pouvoir desirer aucun bien, o mon Dieu, puisqu'elle provient de l'incomprehensible immensité de vostre abondance, laquelle est si souverainement infinie, que s'il se treuvoit un desir infini il serait infiniment assouvi par l'infinité de vostre bonté, qui le convertirait en une infinie complaysance.. |
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A004000880 |
Que si l'ame qui est en cette sainte affection rencontre [278] les creatures, pour excellentes qu'elles soyent, voire mesme quand ce seroyent les Anges, elle ne s'arreste point avec icelles, sinon autant qu'il faut pour estre aydee et secourue en son desir: Dites moy donques, leur fait elle, dites moy, je vous en conjure, aves vous point veu Celuy qui est l'Ami de mon ame? La glorieuse amante Magdeleine rencontra les Anges au sepulchre, qui luy parlerent sans doute angeliquement, c'est a dire bien suavement, voulans appayser l'ennuy auquel elle estoit; mais au contraire, toute espleuree, elle ne sceut prendre aucune complaysance ni en leur douce parole, ni en la splendeur de leurs habitz, ni en la grace toute celeste de leur maintien, ni en la beauté toute aymable de leurs visages, ains, toute couverte de larmes: Ilz m'ont enlevé mon Seigneur, disoit elle, et je ne sçai ou ilz me l'ont mis. |
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A004000899 |
Les cygales, Theotime, ont leur poitrine pleine de tuyaux, comme si elles [284] estoyent des orgues naturelles; et pour mieux chanter elles ne vivent que de la rosee, laquelle elles ne tirent pas par la bouche, car elles n'en ont point, ains la succent par une petite languette qu'elles ont au milieu de l'estomach, par laquelle elles jettent aussi, toutes, leurs sons avec tant de bruit qu'elles semblent n'estre que voix. |
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A004000938 |
Ouy, mon cher Theotime, toutes les benedictions que l'Eglise militante et triomphante donne a Dieu, sont benedictions angeliques et humaines, car si bien elles s'addressent au Createur, toutefois elles procedent de la creature; mais celles du Filz, elles sont divines, car elles ne regardent pas seulement Dieu comme les autres, ains elles proviennent de Dieu, car le Redempteur est vray Dieu. |
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A004000946 |
Alhors nous exclamons: «Gloire soit au Pere, et au Filz, et au Saint Esprit;» et affin qu'on sçache que ce n'est pas la gloire des louanges creées que nous souhaittons a Dieu par cet eslan, ains la gloire essentielle et eternelle qu'il a en luy mesme, par luy mesme, de luy mesme, et qui est luy mesme, nous adjoustons: « |